Hollande : vie privée, vie publique

La légende dit qu’en apprenant la mort du président Félix Faure des suites d’une crise cardiaque consécutive à des ébats avec sa maîtresse, Clémenceau eut cette phrase lapidaire : « il voulait être César, mais il mourut Pompée ». Au-delà du goût douteux du jeu de mots, celui-ci résume bien le problème : les petites affaires de la chambre à coucher se marient mal avec les grandes affaires de l’Etat. Et lorsqu’on mélange les genres, c’est l’Etat qui y perd.

En apprenant les frasques de notre président – qu’il est inutile de rappeler ici par le détail, tant elles sont devenues maintenant du domaine public – j’avoue que ma première réponse instinctive fut une réaction de recul. Je n’ai jamais aimé le mélange des genres entre ce qui relève chez nos dirigeants du politique et ce qui relève de l’intime, et j’ai toujours apprécié la retenue dont fait preuve notre presse lorsqu’il s’agit d’étaler dans les pages des gazettes ce qui relève de la vie privée de nos dirigeants. D’autres pensent qu’il y a là un manque de transparence. Je ne pense pas que ce soit le cas : si le citoyen a le droit de surveiller les actes de ces dirigeants, ce droit n’inclut pas la surveillance de leur morale. Si le président a choisi de tromper sa femme avec une maîtresse (ou plutôt de tromper sa maîtresse avec une autre maîtresse), c’est devant ses proches et devant sa conscience qu’il répond, pas devant nous.

Mais la question de la séparation du privé et du public est bien plus subtile qu’on ne le croit généralement. Un fait de nature à priori privée peut avoir des ramifications dans la sphère publique en fonction de son contexte, de l’intention ou de l’investiture de son auteur. Ainsi, par exemple, le voile islamique. Ce choix vestimentaire, à priori du domaine privé, n’a pas la même signification selon qu’il est porté par une vieille femme tout frais débarquée du Mali ou par une jeune écolière née en France, qu’il est porté par habitude ou comme geste de défi, qu’il soit porté sur le marché ou dans un tribunal, par un fonctionnaire ou par un simple citoyen. Lorsqu’il est utilisé pour marquer une revendication communautaire ou pour défier la République, il est résolument dans la sphère publique.

L’incartade de notre président doit donc être analysée en fonction non seulement de l’acte en lui même, mais aussi du contexte et de l’investiture éminente de son auteur. Il faut constater d’abord que cette affaire ne pose ni pour les médias ni pour les citoyens une question morale. On a beau souffrir d’une américanisation galopante, on n’est pas encore tombé bas au point de considérer que la communauté à le droit de juger la moralité des actes relevant de l’intimité. Que le président ait menti à sa compagne « officielle » fait peut-être de lui un salaud, mais cela ne nous concerne pas. Dans cette matière, le président ne répond que devant sa conscience, et personne d’autre. Par contre, cette affaire révèle – ou plutôt confirme – des éléments sur la conception que François Hollande a de sa fonction et sur sa manière de la remplir. Et lorsqu’on examine le côté immature du comportement présidentiel, son incapacité à choisir et à trancher, cela relève bien du domaine public.

Et plus on avance dans le quinquennat, plus on s’aperçoit que le trait le plus distinctif de la gestion de notre président et de son gouvernement est bien l’immaturité. Affectant le rejet de tout ce qui caractérisait le sarkozysme, Hollande a repris en fait l’élément le plus détestable dans la gestion de l’ancien président. Cette immaturité se manifeste d’abord dans l’incapacité de François Hollande à définir lui-même ce que doit être son rôle. Est-il un guide qui s’occupe des grandes affaires pendant que son premier ministre s’occupe du quotidien, comme le faisaient les présidents de la lignée « gaullienne » ? Est-il au contraire un « hyper président » qui monte lui-même sur le ring pour échanger des coups, comme son prédécesseur ? Lorsqu’il parle, ses annonces sont elles la décision définitive qui clôt le débat, ou au contraire ouvrent-elles un débat dont les conclusions seront tirées par d’autres ?

C’est là que la vie privée et la vie publique de notre président se rejoignent : dans l’incapacité à choisir parmi plusieurs options et d’assumer le choix fait. Pourquoi choisir entre Gayet et Trierweiler, si on peut avoir les deux ? Lorsque cela se passe dans la chambre à coucher, ce n’est pas grave. Mais lorsqu’on n’arrive pas à trancher entre des options politiques, lorsqu’on lance en permanence des « grands débats » ou qu’on commande des rapports qu’on enterre ensuite, lorsqu’on veut en permanence ménager tout le monde et ne faire de la peine à personne, cela devient catastrophique.

J’ai plusieurs fois sur ce blog noté qu’en trente ans de carrière, Hollande n’avait jamais pris une position personnelle précise et tranchée sur quelque question de fond que ce soit. En dix-huit mois de présidence, il n’a pas une seule fois annoncé une mesure précise, élaborée, pensée en profondeur. Et cela ne s’est pas amélioré. Chaque fois qu’il annonce une politique, c’est dans le vague : « on réduira le nombre de régions » (combien il en restera ? quel découpage ? on verra bien plus tard). « un pacte de responsabilité avec le patronat » (en quoi consistera-t-il ? quelles sont les contreparties ? on verra bien plus tard). « un airbus de la transition énergétique » (en quoi il consiste ? qui y participera ? on verra bien plus tard). A chaque fois, le même schéma : une « annonce » qui n’en est pas une, puisqu’au moment ou le président parle le contenu concret de ce qu’il annonce n’existe pas, et « qu’on verra plus tard » ce qu’on y met. Cela se traduit bien entendu par une empoignade immédiate entre les différents lobbys et groupes d’influence pour emporte le morceau. Avec en fin de processus des textes mal conçus, mal ficelés, et souvent vidés de leur sens lors du débat parlementaire.

L’affaire Léonarda nous avait déjà donné un aperçu de cette incapacité à prendre une posture et l’assumer. Dans cette affaire, le président avait défendu la légalité de l’expulsion tout en critiquant son déroulement. Il se ménage la porte de sortie de « l’invitation » à la jeune fille à réintégrer le territoire français si elle le souhaitait, tout en assortissant son offre à la condition qu’elle revienne « seule ». Difficile de trouver un meilleur exemple de l’incapacité à choisir une ligne de notre président.

C’est pourquoi se demander si la dernière conférence de presse du président représente un « virage idéologique » est absurde. Pour qu’un « virage idéologique » s’esquisse, il faudrait qu’il y ait au départ une ligne idéologique à partir de la quelle on puisse changer. En 1983, on peut parler de « tournant de la rigueur » parce qu’en 1981 le gouvernement de Pierre Mauroy avait théorisé la relance. Mais en 2014, ce préalable manque cruellement : jamais Hollande n’a défini les contenus idéologiques qui le guident. Son discours est au contraire une permanente valse-hésitation entre des positions idéologiques diamétralement opposées : un jour il nous parle lyriquement de la « souveraineté nationale » (si, si), un autre il nous fait l’éloge de l’Europe fédérale qui abolit cette même souveraineté. Un jour il défend la politique de l’offre, le suivant il s’engage dans la politique de la demande. Un jour il expulse Léonarda, le jour suivant il lui propose de revenir.

La seule continuité, chez Hollande, c’est l’institutionnalisation de la politique du chien crevé au fil de l’eau médiatique. Ce n’est pas la volonté politique, mais le réseau des contraintes extérieures qui guident le gouvernement. Après les excès du volontarisme sarkozyen, on tombe dans l’excès inverse, celui de la résignation à des processus présentés comme inévitables et qu’on déguise derrière le discours « raisonnable » de la rédemption par la souffrance – qu’on appelle « réforme », il paraît que c’est plus moderne. La boussole de notre président, ce n’est pas une vision de la France de demain, c’est le souci de ne pas déplaire, de ne pas ouvrir un conflit, d’éviter un affrontement.

C’est pourquoi je ne serais pas étonné que nos paparazzi politiques déterrent, après les photos de l’idylle de notre président avec Trierweiller-Duflot et celles avec Gayet-Gattaz, d'autres photos de notre président casqué allant en scooter draguer bien d’autres. Le 2 mai 2012, lors de son débat avec Nicolas Sarkozy, François Hollande avait prononcé la phrase suivante : « Moi président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire ». Exemplaire, oui. Mais exemple de quoi ?

Descartes

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26 réponses à Hollande : vie privée, vie publique

  1. xc dit :

    Toujours dans le mauvais goût: mme Steinhel fut surnommée "la pompe funèbre".
    Désolé, pas pu résister.

    • CVT dit :

      @xc,
      désolé, en bon Français, nous restons tout de même un peu gaulois…

    • Pienol dit :

      Et le médecin, arrivant en urgence à l’Elysée :
      – Le président a-t-il toujours sa connaissance ?
      – Non, docteur, elle vient de s’enfuir par l’escalier de service.

    • Descartes dit :

      Eh oui… c’était une époque ou les gens avaient le sens de l’humour et savaient plaisanter. C’était avant que viennent les dragons de vertu et autres puritains mettre des feuilles de vigne à tout ce qui pourrait être "offensant"…

  2. CVT dit :

    @Descartes,
    Pour l’immaturité, Manuel Valls vous donne raison: il a qualifié l’attitude du président Hollande dans ce vaudeville d’"adolescent attardé"…
    Le problème, c’est que c’est la marque de fabrique de ce gouvernement: l’immaturité affective, au sens où il ne tolère plus la moindre contradiction. On pourrait donner des tas d’exemples, mais ce serait désobligeant, et surtout, ce serait tirer sur des ambulances…
    Désolé, mais mai 68 a fabriqué une société d’adolescents, avec ce que cela induit: la volonté de tout puissance ("jouir sans entraves") et le refus des responsabilités, corollaire de la réalité.
    Au vrai, je suis dans l’idée que le plus grand parti gauchiste de France, c’est bien le PS! Quand on voit l’immaturité et l’inculture crasse de nos dirigeants, on se dit que la LCR, LO et autres Front de Gauche peuvent se rahabiller: leurs idées sont déjà au pouvoir…

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Le problème, c’est que c’est la marque de fabrique de ce gouvernement: l’immaturité affective, au sens où il ne tolère plus la moindre contradiction. On pourrait donner des tas d’exemples, mais ce serait désobligeant, et surtout, ce serait tirer sur des ambulances…]

      Oui. Et encore moins sur les corbillards. Je crois que ton expression est très juste : « immaturité affective ». L’attitude du gouvernement pendant débat sur le « mariage pour tous » (et maintenant sur le projet de loi présenté par Najaud-Belkacem) en est peut-être la meilleure illustration. Il n’y a pas dans ce comportement la moindre tendresse, la moindre attention, la moindre crainte quant au sort d’institutions qui après tout sont avec nous depuis des millénaires. Cette idée « qu’on ne doit toucher à la loi qu’avec des mains tremblantes » semble avoir laissé la place au comportement d’enfant gâté : on peut se comporter comme un éléphant dans un bazar, de toute manière papa paiera les dégâts.

      [Désolé, mais mai 68 a fabriqué une société d’adolescents, avec ce que cela induit: la volonté de tout puissance ("jouir sans entraves") et le refus des responsabilités, corollaire de la réalité.]

      Tout à fait. Avec pour corollaire la perte du sens du tragique. L’idée que le gouvernant est en dialogue permanent avec le passé et l’avenir, qu’il est gardien du premier et parle au second est morte. A la place nous avons des adolescents pour qui seul le présent existe. Chaque discours du président efface tous les autres. Chaque loi est « la » loi, comme si avant on n’avait rien fait.

      [Quand on voit l’immaturité et l’inculture crasse de nos dirigeants, on se dit que la LCR, LO et autres Front de Gauche peuvent se rahabiller: leurs idées sont déjà au pouvoir…]

      Eh oui. C’est d’ailleurs pour cela que malgré l’impopularité du gouvernement socialiste on ne voit pas la « gauche radicale » décoller. Depuis longtemps l’électorat – et tout particulièrement les couches populaires de celui-ci – ont compris que si l’on veut quelque chose de différent, ce n’est pas là qu’il faut s’adresser. Vous remarquerez par ailleurs qu’aucune de ces organisations ne se pose publiquement cette question, pourtant fondamentale…

  3. Pienol dit :

    Suis-je seul à penser que tout cela était intégralement prévisible, depuis les débats lors de la primaire socialiste ? Ce qui avait rendu fascinante la campagne de Sarkozy en 2007 (en plus de la rendre efficace), c’est qu’il avait réussi à mettre en "tension créatrice" le libéralisme et le nationalisme républicain, la "rupture" et la ré-invention. Tout cela s’est finalement résorbé très piteusement dans l’alignement sur le "programme unique européen" (P. Manent), avec des discours musclés sur la sécurité pour faire diversion. Avec Hollande, il n’y a jamais eu tromperie sur la marchandise : ce serait le programme unique européen. Où est la tension (entre quoi et quoi) ? Où sont gens autour de lui qui ont une pensée politique pouvant donner lieu à une confrontation pour définir une ligne ? La seule différence avec Sarko (affichée elle aussi dès la campagne) porte sur les moyens de faire diversion, où l’on est passé du sécuritaire au "sociétal". Même le style politique "chien crevé au fil de l’eau" était affiché dès les discours et les attitudes de campagne.

    Les gens "plutôt de gauche" ou "très au centre", qui voient dans l’Europe telle qu’elle va non seulement quelque chose d’inévitable mais une voie de salut pour la France, ont exactement ce qu’ils souhaitaient (ce sont, j’imagine, les 30% d’opinions favorables restant). Les gens "plutôt de gauche" qui n’aiment pas l’Europe telle qu’elle va peuvent être mécontents mais ne peuvent pas prétendre (sérieusement) avoir été trompés. Les conservateurs, les (vrais) libéraux et les nationalistes républicains détestent ce gouvernement, pour des raisons communes ou différentes. Personnellement, je les partage toutes.

    • Descartes dit :

      @Pienol

      [Suis-je seul à penser que tout cela était intégralement prévisible, depuis les débats lors de la primaire socialiste ?]

      Non. Je pense au contraire que votre opinion est presque universellement partagée. Il n’y a que le microcosme politico-médiatique qui continue à gloser sur le prétendu « changement de cap » de Hollande et à faire semblant d’être étonné pour occuper le temps d’antenne. En 2013 la bourse de Paris a battu record sur record. C’est dire si ceux qui ont de l’argent étaient terrorisés par « Hollande le partageux », celui qui venait avant « Hollande le social libéral ».

      [Ce qui avait rendu fascinante la campagne de Sarkozy en 2007 (en plus de la rendre efficace), c’est qu’il avait réussi à mettre en "tension créatrice" le libéralisme et le nationalisme républicain, la "rupture" et la ré-invention.]

      Tout à fait d’accord. A cela il faut ajouter que Sarkozy avait une qualité que Hollande n’a pas : le volontarisme. Le discours sarkozyen – et on voit là la rupture avec Fillon et la droite traditionnelle – n’a jamais été « il n’y a pas d’alternative ». C’était plutôt « quand on veut, on peut ». Ce qui le conduisait nécessairement au conflit avec les élites eurolâtres, qui nous servent l’argument TINA depuis des décennies, et qui ont vu l’élection de pépère avec un certain soulagement.

      [La seule différence avec Sarko (affichée elle aussi dès la campagne) porte sur les moyens de faire diversion, où l’on est passé du sécuritaire au "sociétal". Même le style politique "chien crevé au fil de l’eau" était affiché dès les discours et les attitudes de campagne.]

      Je ne crois pas que ce soit la « seule différence ». Sarkozy avait d’immenses défauts mais, peut-être parce qu’il était lui-même fils d’immigré et donc plus sensibilisé à la question des identités, il avait plus le sens du tragique. Sarkozy avait été véritablement ému par la lettre de Guy Mocquet. Sa décision de faire lire dans les écoles la lettre d’une icône de la résistance communiste – décision inexplicable si l’on se place d’un point de vue de droite traditionnelle – n’était pas un simple calcul politique, c’était un élan du cœur. Je ne crois pas que la volonté sarkozyenne de rebâtir le « roman national » fut une simple lubie. C’était une ligne pensée et assumée. On peut regretter la superficialité de la réflexion ou l’incohérence dans l’exécution, mais on ne peut reprocher à Sarkozy de ne pas avoir au moins essayé de sortir de la logique du « chien crevé au fil de l’eau ». Par ailleurs, si Sarkozy était par beaucoup de côtés adolescent, il en avait conscience au point de choisir des « mentors » qui ne l’étaient pas. Ou est le Henri Guaino de François Hollande ?

  4. vent2sable dit :

    Une phrase qui tourne sur Internet :
    « Trierweiler moins pour Gayet plus ! »
    Je crois que c’est un tweet mais je ne connais pas l’auteur.

  5. Jean-Mi dit :

    Je ne vois pas où est le mauvais goût la-dedans…à moins que …?
    Qu’en a-t-elle dit mme Steinhel ? Parce rationnellement le mauvais goût ne pouvait-être évoqué que de sa propre bouche !
    (Désolé, pas pu résister non plus.)
    "… après les photos de l’idylle Trierweiller-Duflot et Gayet-Gattaz, … "
    Alors là, j’ai rien compris ! Un scoop ? Message codé genre cabou-cadin ???

  6. Guilhem dit :

    Avec la lecture de votre article, je me rends compte que je n’avais jamais fait le rapprochement entre la difficulté de FH à s’engager dans sa vie politique et son absence d’engagement dans sa vie privée (au moins il est cohérent, tout comme Sarkozy qui, à l’inverse, se marie à chaque fois). Ce qui est amusant c’est qu’il n’a sans doute jamais envisagé que le fait qu’il ne soit pas marié pourrait devenir problématique politiquement par l’attribution du "statut" de première dame… Est-ce la femme qu’il aime? la mère de ses enfants? celle avec laquelle il vit? C’est étrange qu’il n’ait pas pensé que cela pourrait lui porter tort en tant que PR.

    • Descartes dit :

      @Guilhem

      Sans vouloir faire de la psychologie de bas étage, il est tout de même curieux la manière dont la même structure se répète dans la vie personnelle de Hollande et dans sa vie politique. Dans sa vie personnelle, il n’a jamais voulu faire de sa vie commune avec une femme un engagement. Même avec celle avec qui il a eu quatre enfants. Pire: il est resté à vivre avec Ségolène alors qu’il avait déjà une autre maîtresse. Et il serait resté éternellement dans cette situation si Segolène ne l’avait pas prié de prendre la porte. Il reproduit le même schéma avec Trierweiller: il reste avec l’une tout en ayant une autre, et cela pendant une période de plusieurs années…

      Et en politique, c’est la même chose. Hollande ne se fâche jamais avec personne. Il ne claque jamais la porte. Il peut coucher avec les deloristes tout en allant en scooter partager de temps en temps le lit des jospinistes, des fabiusiens voire des mélenchonistes lorsque ces derniers étaient encore au PS. Contrairement à un Mitterrand ou un Rocard, il n’a jamais torpillé personne, jamais voulu la mort de quelqu’un.

      [Ce qui est amusant c’est qu’il n’a sans doute jamais envisagé que le fait qu’il ne soit pas marié pourrait devenir problématique politiquement par l’attribution du "statut" de première dame…]

      Je pense que Hollande a tellement désacralisé dans son for intérieur la fonction présidentielle qu’il n’a pas réalisé que lorsqu’on est assis sur le fauteuil suprême, chaque geste est un symbole. Qu’on ne peut pas se contenter d’être "naturel" ou "normal", mais que, pour reprendre la formule de Lénine, quand on gouverne l’Etat même l’improvisation doit être soigneusement préparée. Comme beaucoup de gens de sa génération, ils pensent que le côté "théâtral" de la fonction présidentielle résulte de la volonté de puissance de De Gaulle, alors que ce dernier n’a fait que donner aux français ce que les français demandent de leur président. Que le protocole, loin d’être un résidu archaïque est là au contraire pour protéger le président.

  7. vent2sable dit :

    @Descartes
    L’événement Hollande / Trierweiler / Gayet me semble plus triste qu’il n’y paraît en ceci qu’il nous confirme la médiocrité de l’homme d’état que nous avons élu président.
    Soyons clair, je partage votre affirmation :
    [cette affaire ne pose ni pour les médias ni pour les citoyens une question morale]
    sa vie privée me laisse indifférent.
    Mais, bien qu’étant moi-même un « eurolâtre social libéral de centre gauche » je ne suis pas du tout emballé par les qualités de dirigeant du président pour qui j’ai voté.
    En effet, ce ne sont ni les constats, ni les analyses, ni les déclarations d’intention qui changent les résultats … ce sont les actions.
    Par exemple sur le sujet de la « Première dame de France ».
    Hollande déclare pendant sa campagne qu’il sera « un président normal ».
    Une fois élu, n’étant pas marié, il lui était plus facile qu’à un président marié, de rompre une fois pour toute avec cette tradition quasi monarchique de la « Première dame ».
    Il pouvait montrer dans les actes qu’il pouvait être vraiment « normal ».
    Il aurait pu agir et, puisqu’aucun statut n’existe, il aurait pu transformer l’Elysée en un lieu de travail et d’exercice du pouvoir, séparé de son lieu de vie privée.
    Au lieu de ça, il installe sa compagne à l’Elysée et lui donne tous les attributs de « première dame ». Il n’entreprend aucune action pour mette dans les faits ses velléités de normalité, sauf dans les premiers jours, son ridicule déplacement en train à Bruxelles.
    Sa dernière conférence de presse, son soit disant « virage », ne seront probablement qu’un discours de plus.
    Il déclenche une grande agitation verbale, ses opposants sont déstabilisés, son image va peut-être y gagner … mais des actions, celles qui changent les résultats, nous n’en verrons pas.
    Le gouvernement fera voter au parlement des changements symboliques à la marge.
    Ceux qui croient que c’en est fini du mille feuille administratif, du cumul des mandats, des dérives de l’état providence, de la gabegie budgétaire dans les régions et dans les ministères, du record du monde des prélèvements obligatoires … bref tous ceux qui croient que les mots remplacent les actions, que c’est avec des mots qu’on réforme et qu’on construit, en seront pour leurs frais.

    • Descartes dit :

      @ven2sable

      [Mais, bien qu’étant moi-même un « eurolâtre social libéral de centre gauche » je ne suis pas du tout emballé par les qualités de dirigeant du président pour qui j’ai voté.]

      Eh bien, comme disait Le Luron dans un sketch désopilant, « vous n’aviez qu’à réfléchir avant ». Vous saviez qui était François Hollande, quel était son parcours, quelle était sa carrière, quelle était sa personnalité. Je peux comprendre que vous ne soyez pas emballé, mais je n’arrive pas à comprendre que vous soyez « déçu ».

      [Par exemple sur le sujet de la « Première dame de France ».
      Hollande déclare pendant sa campagne qu’il sera « un président normal ».
      Une fois élu, n’étant pas marié, il lui était plus facile qu’à un président marié, de rompre une fois pour toute avec cette tradition quasi monarchique de la « Première dame ». Il pouvait montrer dans les actes qu’il pouvait être vraiment « normal ». Il aurait pu agir et, puisqu’aucun statut n’existe, il aurait pu transformer l’Elysée en un lieu de travail et d’exercice du pouvoir, séparé de son lieu de vie privée.]

      Je pense que vous faites erreur. La question de la « première dame » est bien plus compliquée, et ce n’est pas une simple question de « tradition quasi monarchique ». Le fait est qu’il existe dans l’entourage du Président une personne qui a un accès privilégié à lui. C’est la seule personne qui voit le président en tête à tête une fois par jour sans avoir pour cela a demander rendez-vous ou passer par les filtres habituels. Une personne que son statut autorise à parler au président de sujets qu’aucun conseiller n’oserait évoquer et dans une forme qu’aucun conseiller n’oserait utiliser. Une personne qui connaît tous les secrets du président, même les plus intimes. Une personne qui peut mettre de la strychnine dans son café chaque matin.

      Voilà la réalité, et les réalités sont têtues. Maintenant, on peut faire comme font les pays nordiques, et faire semblant de croire que cette réalité n’existe pas. Que l’homme politique lorsqu’il quitte son bureau « professionnel » y laisse son cerveau dans un tiroir pour mettre dans son crâne son deuxième cerveau, celui qui lui sert dans sa vie privée. Cette « tradition » est bien plus hypocrite que la notre, qui tire de la proximité de la compagne du président les conséquences évidentes : c’est une position de pouvoir. Et un pouvoir construit nécessairement un statut. Je pense que c’est à juste titre qu’on tire en France la conclusion que quelque soient les efforts pour séparer la vie privée de la vie professionnelle de nos gouvernants, cette séparation a des limites. Sauf à contraindre le président au célibat pendant la durée de son mandat, je ne vois pas comment on pourrait faire disparaître la « première dame » (et peut-être un jour le « premier monsieur ») sans verser dans une formidable hypocrisie.

    • vent2sable dit :

      @ Descartes
      [Une personne que son statut autorise à parler au président de sujets qu’aucun conseiller n’oserait évoquer]
      Mais oui, dans un couple, les conjoints ont une influence que ne peut pas avoir un conseiller quelconque. C’est une évidence.
      Mais en réalité ça ne concerne pas que le conjoint.
      Nous savons qu’un homme ou une femme de pouvoir subira des influences de son entourage proche, amoureux ou familial. Ce peut être sa femme ou son mari, ce peut être un amant ou une maîtresse, ce peut être un enfant un frère ou un parent … nous n’imaginons pas pour autant donner un statut à tous ceux qui aiment ou qui sont aimés par le président.

      Mais mon propos était ailleurs. Ce que je voulais pointer du doigt, c’était la facilité avec laquelle nous accordons du crédit aux dirigeants en se basant sur leurs mots, leurs analyses, leurs intentions, voire leurs idées … alors qu’ils sont déjà au pouvoir !
      La seule chose qui devrait compter, ce sont leurs actions, pour changer les résultats.
      Seules les actions changent les résultats.
      On peut discuter du bien fondé d’un statut de « Première Dame », et vous pouvez affirmer que
      [Je pense que vous faites erreur. La question de la « première dame » est bien plus compliquée ]
      Mais lorsqu’un homme se fait élire en se présentant comme un futur dirigeant normal, « à la Scandinave » et qu’une fois élu, il n’agit pas pour changer la situation dans le sens qu’il avait indiqué, alors nous devons en déduire qu’il n’est pas un homme d’action et que rien ne changera vraiment sous son impulsion.

    • Descartes dit :

      @ vent2sable

      [Mais mon propos était ailleurs. Ce que je voulais pointer du doigt, c’était la facilité avec laquelle nous accordons du crédit aux dirigeants en se basant sur leurs mots, leurs analyses, leurs intentions, voire leurs idées … alors qu’ils sont déjà au pouvoir !]

      C’est qui « nous ». Je n’ai pas l’impression qu’aujourd’hui on accorde beaucoup de crédit à nos dirigeants. Toutes les études d’opinion montrent au contraire que les français sont assez conscients des limites de la magistrature de la parole. Certes, ils aiment qu’on leur fasse des promesses, qu’on les cajole, qu’on leur fasse la cour avant l’élection. Mais combien à votre avis font vraiment confiance à l’homme politique pour faire ce qu’il promet ?

      [La seule chose qui devrait compter, ce sont leurs actions, pour changer les résultats.
      Seules les actions changent les résultats.]

      C’est un peu plus compliqué que ça à mon avis. Les dirigeants ne manipulent pas que des faits, ils manipulent aussi des symboles. Il est quelquefois difficile de savoir ou s’arrêtent les mots et commencent les actions…

      [Mais lorsqu’un homme se fait élire en se présentant comme un futur dirigeant normal, « à la Scandinave » et qu’une fois élu, il n’agit pas pour changer la situation dans le sens qu’il avait indiqué, alors nous devons en déduire qu’il n’est pas un homme d’action et que rien ne changera vraiment sous son impulsion.]

      Franchement, je trouve que tirer une conclusion aussi générale d’une affaire aussi secondaire va un peu trop loin. On n’avait pas besoin de cette affaire pour savoir que Hollande était un adepte de la politique du chien crevé au fil de l’eau. Sa carrière parlait pour lui. Un homme politique qui ne s’est jamais engagé sur rien ne commence pas à 60 ans une carrière de dictateur, comme disait mongénéral.

  8. morel dit :

    Dans votre réponse à Vent2sable :
    « Une personne qui connaît tous les secrets du président, même les plus intimes » 😉
    Désolé, je n’ai pu me contenir…

    • bovard dit :

      Vous qualifiez F.Hollande comme étant’Un homme politique qui ne s’est jamais engagé sur rien’.
      Vous n’avez pas vu que F.Hollande est un Deloriste d’origine;intime de J.Delors et totalement engagé dans l’objectif de Delors..
      La logique de sa politique est alors évidente:mise en coupe de l’économie française sous la direction allemande,perte de la souveraineté etc.
      40 ans de déstructuration économique et politique sous la direction de Giscard,Mitterrand,Chirac,Sarkozy,sous le même drapeau que celui de Strauss-kahn , Cahuzac et du père de Martine Aubry (jalouse comme un poux dans sa jeunesse de la vive affection que Delors son père portait à Hollande,celui de ses fils spirituels qui a été le plus loin).

    • Descartes dit :

      @bovard

      D’abord, une mise au point: s’il vous plait, n’envoyez pas plusieurs fois le même commentaire (avec trois mots changés) sur plusieurs articles. Il ne sera publié qu’une fois…

      [Vous qualifiez F.Hollande comme étant’Un homme politique qui ne s’est jamais engagé sur rien’. Vous n’avez pas vu que F.Hollande est un Deloriste d’origine;intime de J.Delors et totalement engagé dans l’objectif de Delors..]

      Il est peut-être intime de Delors, mais le fait est qu’il n’a jamais pris publiquement position à titre personnel sur quelque question que ce soit. Prenons par exemple le TCE: s’il prit position pour le "oui", c’est parce que c’était la position majoritaire du PS dont il était alors le premier secrétaire. Il n’a jamais parlé de sa conviction personnelle.

      [La logique de sa politique est alors évidente:mise en coupe de l’économie française sous la direction allemande,perte de la souveraineté etc.]

      Oui. Mais alors que chez Mitterrand ou Delors il s’agissait d’une véritable conviction, chez Hollande c’est plutôt la ligne de moindre effort qui le conduit à cette politique.

  9. Bruno dit :

    Un éclairage également intéressant et plus global sur le public/privé en politique : http://blog.mondediplo.net/2014-01-31-Ceci-n-est-pas-un-vaudeville

    • Descartes dit :

      @Bruno

      Bof… je ne trouve pas cet éclairage particulièrement "intéressant". Le Monde Diplo nous ressert éternellement les mêmes victuailles réchauffées. Il ne manque aucun lieu commun: l’isolement des élites, le manque d’indépendance des journalistes, et pour finir le couplet classique contre les institutions de la Vème République et de l’élection du président au suffrage universel. C’est ce qui est plaisant avec les articles du Monde Diplo: on pourrait les écrire soi-même tant ils sont prévisibles. C’est d’ailleurs pourquoi je me dispense depuis quelques années de sa lecture: à quoi bon dépenser de l’argent dans un canard ou chaque article donne une impression de déjà-lu ?

      Les lieux communs sont quelquefois empilés sans jamais se demander s’ils sont cohérents. Je ne prendrai qu’un seul exemple: après avoir signalé combien le Canard Enchaîné avait gardé le silence sur la famille morganatique de Mitterrand, l’article dit "un tel secret a pu être partagé et maintenu parce que les journalistes dépendent tant de l’Etat qu’ils ne peuvent braver les volontés du président. L’oser aurait signifié l’arrêt des confidences, des relations, des interviews et créer peut-être des ennuis que l’imagination de chacun pouvait éventuellement fantasmer. Bref, se couper du pouvoir revient à se couper de l’information". Or, le Canard Enchainé a publié des affaires qui, bien plus que les affaires de fesses de Mitterrand, auraient pu lui valoir toutes ces sanctions: avions renifleurs, diamants de Bokassa… il faut donc admettre que si les affaires "privées" ne se traitent pas de la même manière que les affaires politiques, c’est bien parce qu’il y a un élément culturel, et que l’indépendance des journalistes ne joue aucun rôle.

    • Bruno dit :

      Je vous suis sur une partie des critiques…
      Vous conseillez quoi comme canard alors plutôt?

    • Descartes dit :

      @Bruno

      Loin de moi l’idée de conseiller un canard. En fait, la presse nationale française est devenue très, très mauvaise. Et ce n’est pas la faute des journalistes, c’est la faute du public. Le lecteur français ne lit pas le journal pour savoir ce qui se passe, mais pour entendre un discours qui correspond à ses préjugés, ses intérêts et ses envies. Et comme la situation économique de la presse est difficile, chaque journal dit ce que son lectorat veut entendre, et au diable la véracité, l’honnêteté, la déontologie et autres vieilleries.

      Lire un journal français aujourd’hui n’a qu’un intérêt: savoir ce que pense chaque lectorat. Lire "Le Monde" vous révèle l’univers mental des élites politico-administratives et d’une certaine frange du milieu "cultureux", mais certainement pas ce qui se passe dans le monde…

    • Bruno dit :

      Bon Bon… Moi qui pensais avoir une vision négative de la presse… Il doit bien y avoir une façon de s’informer quand même non, outre ce blog? 😉
      Pour les journalistes, je vous trouve charitable, vous remettez la faute sur le public. Personnellement je les trouve souvent d’une grande ignorance quand je les lis ou les entends… Aucune culture G pour la plupart d’entre eux!

    • Descartes dit :

      @Bruno

      [Il doit bien y avoir une façon de s’informer quand même non, outre ce blog? ;)]

      Oui. Mais il faut être conscient que lorsqu’on lit un journal, on "s’informe" à travers d’un prisme particulier, qui est celui du lectorat du journal en question. Si vous voulez accéder à une véritable information, il vous faut selon le sujet aller chercher le journal dont le prisme est le moins déformant. En d’autres termes, il n’existe pas de journal fiable sur tous les sujets. Si vous voulez comprendre comment fonctionnent les institutions de l’Union Européenne, lisez "Le Figaro" plutôt que "Le Monde". Si vous voulez comprendre la politique vaticane, lisez Libération plutôt que les deux autres…

      J’ajoute que les meilleurs journaux sont les journaux destinés aux investisseurs. Tout simplement parce que lorsque les gens risquent leur argent sur la foi des informations, ils sont particulièrement exigeants sur la qualité de celles-ci. Le Financial Times est certainement parmi les meilleurs journaux que je connaisse. Tout simplement parce que ses lecteurs préfèrent connaître les faits.

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