Pourquoi les cheminots ont perdu et les intermittents vont gagner…

Le « dialogue social » avec lequel le pouvoir a cherché – et largement réussi – à endormir les syndicats commence maintenant à atteindre ses limites. Le mécontentement devant une politique qui ne laisse pas de perspectives s’est d’abord manifesté par une résignation maussade, puis par un vote de rejet dans les urnes. Et maintenant, les conflits commencent.

Mais tous les conflits ne se valent pas. Les deux grands conflits en cours, celui des cheminots et celui des intermittents, sont deux exemples admirables pour observer comment notre petit monde politico-médiatique réagit de manière singulièrement différente selon que les conflits. Pour les cheminots, c’est le langage du rejet : on condamne une CGT décidément trop « ringarde » et « passéiste » pour accepter « la réforme » ; on affiche un mépris de bon ton pour des cheminots décidément trop bêtes et crispés pour comprendre que la réforme a été conçue dans leur intérêt et que le statut du cheminot – juré, craché – n’est nullement menacé ; on se désole publiquement sur les « usagers pris en otage » (1) et, figure imposée, on invoque le « modèle allemand » de la Deutsche Bahn, dont on ne sait pas très bien comment il fonctionne mais qui doit être merveilleux puisqu’il est allemand.

Pour les intermittents, ce n’est pas du tout la même chanson. Là, pas de dénonciation de « prise en otage », de syndicats crispés sur leurs avantages, de lamentation sur « ces travailleurs qui ne comprennent pas la réforme ». Au contraire, les stars médiatiques, les ministres et les journalistes sont du côté des grévistes, se vantent publiquement de « comprendre » la justesse de leurs revendications, et se cachent derrière les syndicats de salariés sur le mode « vous comprenez, ils ont signé, alors on ne peut pas ne pas étendre l’accord ». Même le « modèle allemand » n’a pas la côte. Alors que Le Monde prêche d’habitude sur le thème « nous sommes les seuls à faire ainsi en Europe, c’est pas normal », cette fois ci on arrive à la conclusion inverse. Le grand journal du soir titre en effet – et en une, s’il vous plait : « Intermittents : une exception française à réinventer ». Autant il est essentiel pour le grand quotidien des classes moyennes de « réformer » la SNCF sur le modèle de la Deutsche Bahn et des directives bruxelloises, autant il est indispensable de « réinventer » une « exception française » pour les intermittents. Les cheminots sont des infâmes privilégies défendant les intérêts catégoriels, les intermittents sont des pauvres victimes de la précarité qu’il est essentiel de protéger au nom de la « culture ». Surprenant, n’est ce pas ?

Pas tant que ça, en fait. Du moins pour ceux de mes lecteurs qui gardent en tête la grille de lecture que j’ai souvent proposé sur ce blog. Pour le dire schématiquement : le statut du cheminot est une conquête sociale d’une partie de la classe ouvrière, alors que le statut des intermittents est non seulement un régime largement utilisé par les classes moyennes, mais surtout une subvention déguisée à une consommation – la consommation dite « culturelle » – dont elles sont les premières à profiter. Il n’aura d’ailleurs échappé à personne qu’alors que la grève des cheminots est traitée dans la page « social » du journal, celle des intermittents l’est dans la page « culture ». Cela donne une idée de la manière dont les rédacteurs voient le conflit. Pour le rédacteur – et pour le lecteur de Le Monde, le régime chômage des intermittents ne relève pas du social, mais du culturel. La réforme de la SNCF – contre laquelle se battent les cheminots – ne fait pas partie du débat sur les transports, alors que la réforme de l’assurance chômage – contre laquelle se battent les intermittents – fait partie de la culture.

En fait, le régime d’assurance-chômage des intermittents n’a de régime d’assurance que le nom. Les systèmes d’assurance chômage ont été construits pour mutualiser le chômage conçu comme un risque. De la même manière que l’assurance de votre voiture mutualise le risque d’accident de la route. Le mécanisme repose sur l’idée que l’accident touchera aléatoirement certains assurés. Ceux-ci verront alors le dommage réparé à partir des cotisations payées par l’ensemble des assurés. Mais il faut comprendre qu’un système assurantiel ne fabrique pas en lui même de la richesse. Le coût des sinistres est globalement le même que si chacun devait les supporter individuellement. Ce que le système assurantiel fait, c’est de réduire les incertitudes. Au risque de supporter l’ensemble des dommages en cas d’accident, l’assuré substitue la certitude de payer une prime mensuelle beaucoup plus faible mais régulière.

Mais un système assurantiel repose sur une hypothèse fondamentale : l’accident doit arriver aléatoirement. On ne peut plus parler « d’assurance » l’accident qu’on prétend assurer n’est plus un « risque » mais une « certitude ». Imaginez que vous vouliez assurer votre voiture non pas contre un accident de la route, mais contre l’épuisement de votre réservoir d’essence – c'est-à-dire, vous doteer d’une assurance qui vous payerait le plein lorsque votre réservoir serait vide. Vous voyez bien que cela ne peut marcher : puisque le réservoir de tous les assurés sera vide un jour ou l’autre, le système ne pourrait marcher que si vos primes sont… équivalentes à ce que coûtent les pleins d’essence des cotisants. En d’autres termes, l’assurance n’a plus aucun intérêt puisque vous pourriez tout aussi bien payer votre carburant. C’est pour cette raison que les systèmes d’assurance chômage sont mal adaptés pour couvrir les métiers où le chômage « intermittent » n’est pas un risque, mais une certitude. Or, c’est précisément ce qui arrive pour les intermittents du spectacle. Selon les chiffres publiés (2), sur les 250.000 salariés cotisant au régime des intermittents en 2011, 108.000 – soit un peu moins d’un sur deux – ont été indemnisés. On ne peut donc parler d’un « risque » touchant aléatoirement une minorité des ayant-droit. Il faut parler plutôt d’un système d’étalement du revenu, c’est à dire, un système qui « lisse » les revenus, prélevant à la saison faste et servant un revenu lors de la saison maigre.

Ou du moins on pourrait en parler d’étalement si le système était à l’équilibre, c’est à dire, si l’ensemble des cotisations couvrait les prestations servies. Mais c’est très loin d’être le cas : pour 250 M€ de cotisations encaissées, le régime verse 1,3 Md€ de prestations. Plus révélateur : en moyenne, la rémunération nette avant impôt d’un intermittent est constituée à 57% par les salaires, et à 43% par les indemnisations (pour un revenu médian net de 25.300 €, soit le double du SMIC). Ce n’est donc ni une assurance – pas de risque aléatoire – ni un étalement des revenus – la somme des revenus perçus n’étant pas égale aux cotisations versées. C’est purement et simplement un système de soutien des revenus de la profession par transfert venant de l’ensemble des cotisants du régime général.

En fait, le régime des intermittent est une subvention déguisée aux professions dites « culturelles » par le biais d’une fraude « banalisée » par la corporation. Celle qui consiste pour un employeur de se mettre d’accord avec son employé pour que celui-ci travaille « légalement » pour un salaire donné le temps d’ouvrir les droits au chômage, puis de continuer à travailler « au noir » pendant le délai ou les allocations lui sont versées, l’employeur couvrant simplement la différence entre l’allocation et le salaire. Et à la fin le travailleur et l’employeur se partagent les bénéfices tirés du système. Cette fraude existe marginalement dans tous les métiers, mais les caractéristiques intrinsèques du travail des intermittents du spectacle – horaires variables, travail de préparation réalisable à domicile, etc – rendent le contrôle particulièrement difficile, ce qui a permis à ce type de fraude de devenir massive (3), à l’avantage des employeurs mais aussi des employés, et au prix du creusement de la compensation servie par le régime général.

Il serait donc parfaitement rationnel de réformer le régime des intermittents pour supprimer la subvention cachée. A ceux qui hurleraient qu’on « tue la culture », je réponds qu’on pourrait la remplacer par une véritable subvention, dont on pourrait apprécier le montant et la destination. Une solution dont les « professions culturelles » n’en veulent surtout pas. Pourquoi ? Parce que la subvention cachée les arrange, dans la mesure où elle est versée à tout le monde sans évaluation et sans contrôle. Alors qu’une véritable subvention serait visible, et donc évaluable, contrôlable, et pourrait donc être plus précisément fléchée. Or, c’est précisément ce que les soi-disant « acteurs de la culture » n’en veulent pas. Les défenseurs des intermittents nous rabattent les oreilles sur le thème « on va tuer la culture ». Mais ce discours oublie convenablement qu’on ne parle pas du régime des « intermittents de la culture » mais des « intermittents du spectacle ». On fait comme si « spectacle » et « culture » étaient synonymes. Mais un spectacle est-il toujours « culturel » ? Est-il normal de subventionner des inepties comme « Plus belle la vie » (4) au nom de la « culture » ? Transformer la subvention cachée en subvention visible aurait l’inconvénient pour le métier concerné d’ouvrir le débat sur ce qui est « culture » et ce qui ne l’est pas, et plus grave, entre ce qui dans la « culture » doit être subventionné et ce qui doit être laissé à l’appréciation – et donc à la bourse – du spectateur. Un débat potentiellement fatal à toute une série de manifestations hâtivement libellées comme « culturelles » mais qui méritent fort mal ce nom, n’étant guère que des animations dont le contenu « culturel » est fort discutable (5). Derrière le conflit des intermittents se cache une question bien plus intéressante, celle de ce que doit être une politique culturelle, ce qu’elle doit ou non subventionner, et pourquoi.

Dans la vision de nos élites « culturelles », la est devenue synonyme de loisir et de sensualité. Elle apparaît comme réaction contre ce qui est obligatoire, institué, rationnel. C’est particulièrement flagrant dans l’opposition qui est faite traditionnellement entre la culture et l’éducation – au sens de l’instruction. Ce qui est enseigné à l’école, par définition, n’est pas de la « culture ». C’est évident pour les sciences : on entend souvent des personnes qui se considèrent « cultivées » se vanter, à la table du déjeuner mais dans les émissions « culturelles » de nos médias, d’être « nuls en maths » sans la moindre honte, et même avec une certaine fierté. Mais cette attitude s’étend à l’ensemble des disciplines scolaires : dans le monde « culturel », on insiste souvent sur son statut de « cancre » à l’école, signe d’une « liberté d’esprit » indispensable dans le monde de la « culture ». La « culture » est devenue le lieu du loisir, du libertaire, du permissif, du sensuel. L’éducation, elle, est le lieu du travail, de l’institué, du mérite mesurable, du rationnel. On comprend alors pourquoi la sacralisation de la « culture » au sens languien du terme à partir des années 1980 coïncide avec la défénestration de l’éducation. L’instituteur est le professeur sont perçus comme des fonctionnaires tatillons et poussiéreux à qui on oppose la liberté et le plaisir que seules peuvent donner les « activités créatives ». La « culture » est devenue l’épitomé des valeurs « libérales-libertaires », une école sans mérite et sans examens – que l’école, la vraie, devrait imiter, n’est ce pas ? – un lieu de travail sans patrons et sans chefs, et le tout payé par des subventions. La « culture » est une profession, certes. Mais une profession où l’on accède sans diplômes et tout se fait par entregent et copinage (6). Il n’y a qu’à voir le nombre de « fils de » et de « filles de » sans le moindre talent qui gagnent fort honorablement leur vie. Croyez-vous vraiment que si Nicolas Bedos ou David Hallyday n’était pas le fils de son père il aurait autant de contrats ?

Et la question qui se pose donc est : pourquoi devrions nous tous, citoyens et contribuables, payer tout cela ? Je pose ces questions volontairement de manière provocatrice, mais le fonds y est. Tout le monde voit l’intérêt à ce que la collectivité consacre des moyens aux écoles, aux routes ou aux hôpitaux. Dans chacune de ces dépenses, il est possible d’évaluer le résultat et le comparer à l’argent investi. Mais pourquoi la collectivité devrait-elle donner de l’argent aux théâtres, aux cinémas, aux chaînes de télévision ? Pourquoi ce qui n’est finalement qu’un loisir devrait être pris en charge par la collectivité, et non par ceux qui aiment cela ? Pourquoi devrais-je payer pour que des inepties genre « plus belle la vie » voient le jour ? Et pourquoi mon voisin devrait payer pour que je puisse entendre du Mozart ?

La solution ne peut reposer que dans une hiérarchisation de ce qu’on appelle « la culture ». Il y a des expressions culturelles que la collectivité doit encourager, non pas au nom de grands principes abstraits mais pour la raison bien pragmatique qu’une République est plus efficiente lorsque ses citoyens ont accès à ce que l’humanité a fait de mieux au cours de son histoire. Permettre aux citoyens de toutes conditions d’accéder à ce patrimoine devrait être l’alpha et l’oméga de la politique culturelle. Quant à soutenir la création… je suis nettement plus réservé. La création est par essence une question d’élites, quelque soient les discours qu’on s’applique à répéter pour le cacher. Tout simplement parce que la création implique une rupture, et pour comprendre cette rupture il faut connaître ce qu’il y avait avant (7). Or, les élites ont de quoi financer leur « culture ». Si un artiste, si un spectacle sont si peu intéressants qu’on ne trouve pas suffisamment de monde pour payer le billet à son juste prix pour avoir le plaisir de les contempler, pourquoi faudrait-il que l’Etat le fasse ? En quoi le goût d’un fonctionnaire du ministère de la culture serait-il plus sûr que celui des gens qui payent leurs plaisirs avec leur propre argent ?

Les élites peuvent payer mais, assez naturellement, préfèrent que ce soit d’autres qui le fassent. D’où leur réaction quand on essaye de toucher aux subventions, cachées ou non, dont bénéficie non pas la culture en général – il n’y a qu’à voir ce qu’est devenue la politique de diffusion culturelle, dans l’indifférence générale – mais leur « culture ». Ces subventions qui financent les loisirs des classes moyennes tout en fournissant des emplois pour leurs enfants. C’est pourquoi les intermittents peuvent compter sur le soutien indéfectible des classes moyennes et des élites politico-médiatiques acquises à leurs intérêts. La SNCF sera, vous pouvez compter là dessus, réorganisée sur la ligne fixée par Bruxelles. Mais « l’exception française » que constitue le régime des intermittents perdurera. Ce n’est pas écrit dans les étoiles, mais dans les rapports de forces.

Descartes

(1) On remarquera que le mot « usager » est banni de la communication de nos anciens services publics convertis aujourd’hui à la logique d’entreprise pour être remplacé par le mot « client ». Il y a une seule exception à ce principe : lorsque les personnels se mettent en grève, le mot « usager » revient en force.

(2) Source : Pole Emploi 2013, publiées par « Le Monde » daté du 21 juin 2014.

(3) Pour ceux qui se réclament l’héritage de Marx, le fait que dans le conflit des intermittents le patronat soit corps et âme du côté des travailleurs devrait tout de même inviter à la prudence. Comment expliquer qu’une réforme qui réduit les droits sociaux et les rémunérations des travailleurs ne trouve pas grâce aux yeux des patrons exploiteurs ? Comment expliquer que ceux-ci se fendent – à l’exemple d’Oliver Py – d’articles et d’interviews demandant au gouvernement de donner satisfaction à leurs employés ? C’est à se demander si les intermittents du spectacle sont véritablement « exploités »… peut-être sont-ils plutôt capables de récupérer la totalité de la valeur qu’ils produisent ? Dans ce cas, on comprend mieux leur intérêt commun avec leurs employeurs.

(4) Le Monde, toujours lui, nous explique que « l’équipe de « Plus belle la vie » s’est mis en grève par solidarité avec les intermittents ». Le fait que le régime des intermittent permet de réduire les coûts de production audiovisuelle de l’émission en question n’est certainement qu’une coïncidence.

(5) Les manifestations qui ont ponctué l’année 2013 au prétexte de « Marseille, capitale européenne de la culture » suffiraient à donner des dizaines d’exemples. Je n’en prends qu’un : la « caravane de la transhumance », qui a fait défiler dans les rues de Marseille des moutons guidés par des bergers et suivis par des « gardians » a cheval, le tout précédé par « une déesse grecque en robe noir debout sur deux chevaux noirs ». Si quelqu’un est capable de justifier le rapport de cette chose avec la « culture »…

(6) En d'autres termes, le paradis des classes moyennes.

(7) Bien sûr, on peut trouver « jolie » une sculpture de Murakami sans connaître Michel-Ange. Mais faire croire aux gens qu’on leur donne accès à la culture parce qu’on leur montre des choses qu’ils trouvent jolies, c’est dévaluer la culture elle même. La culture implique un processus d’accumulation, qui commence avec les sculptures préhistoriques et aboutit à Murakami. Accéder à la culture, ce n’est pas regarder Murakami, mais comprendre comment on y est arrivés.

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116 réponses à Pourquoi les cheminots ont perdu et les intermittents vont gagner…

  1. bovard dit :

    Cette fraude existe marginalement dans tous les métiers certes mais certaines professions y échappent quasi-totalement.
    Quant aux cheminots,ils ont gagné une réunification de la SNCF certes pas aussi complète qu’ils l”auraient souhaité mais les amendements votés ont du les satisfaire comme en 2010 lorsque Sarkozy leur a octroyé ,en catimini,une baisse de l’âge du départ à la retraite. A l"époque aussi les Médiacres n’en avaient pas parlé..

    • Descartes dit :

      @ Bovard

      [Cette fraude existe marginalement dans tous les métiers certes mais certaines professions y échappent quasi-totalement.]

      Par exemple ?

      [Quant aux cheminots, ils ont gagné une réunification de la SNCF certes pas aussi complète qu’ils l’auraient souhaité]

      A ma connaissance, la « réunification certes pas aussi complète » figurait dans la loi ferroviaire avant le debout de la grève. Sauf à admettre qu’une grève puisse s’attribuer des gains rétroactifs, difficile de dire que les cheminots aient « gagné » quelque chose. Quant au fond, la « réunification » n’est que la poudre aux yeux, pour cacher la préparation de l’ouverture totale à la concurrence.

      [mais les amendements votés ont du les satisfaire]

      J’en doute. Ils ne sont pas vraiment très satisfaisants. En particulier, parce que tout le monde sait ce que les garanties figurant dans les lois valent de nos jours. Vous souvenez-vous de la « garantie » fournie dans la loi de 2000 concernant la part que l’Etat devait détenir dans GDF ? C’était 70% minimum…

      [comme en 2010 lorsque Sarkozy leur a octroyé, en catimini, une baisse de l’âge du départ à la retraite. A l"époque aussi les Médiacres n’en avaient pas parlé.]

      Jamais entendu parler. Pourriez-vous fournir des éléments plus précis sur cet « octroi » ?

    • GQ dit :

      bonjour, je serais curieux de lire vos réactions à ce texte, vous qui connaissez bien la théorie de la valeur de Marx :

      Manifeste pour un réveil révolutionnaire des exploités (mai 2014)

      http://reveilcommuniste.over-blog.fr/article-manifeste-pour-un-reveil-revolutionnaire-des-exploites-mai-2014-123645932.html

    • Descartes dit :

      @GO

      [bonjour, je serais curieux de lire vos réactions à ce texte, vous qui connaissez bien la théorie de la valeur de Marx : « Manifeste pour un réveil révolutionnaire des exploités (mai 2014) »]

      Bof… un texte qui contient tous les poncifs habituels du gauchisme. Je ne prend qu’un exemple de paragraphe fleurant bon la naphtaline soixante-huitarde :

      « La bourgeoisie est donc composée des possesseurs de capital productif, de capital financier et des serviteurs intellectuels directs et bien payés de son pouvoir économique, de ceux qui créent et interprètent les récits de l’idéologie démocratique-libérale bourgeoise, de ceux qui sont les officiers et les cadres de l’armée idéologique du capital : hauts fonctionnaires, universitaires, cadres et animateurs des appareils d’État (Université, santé, armée), financiers et spéculateurs professionnels, organisateurs de la communication et du spectacle, stars du spectacle , du sport et des médias, artistes de renom… »

      Je me demande ce que Marx aurait pensé de cette étrange énumération, mettant les « artistes de renom » dans la bourgeoisie. Les artistes inconnus, eux, ils seraient ou ? Le fait d’être « de renom » changerait les conditions objectives de la production ? Franchement, quand on commence un texte avec ce genre d’idiotie, ça n’augure rien de bon.

      En fait, sous couvert d’un verbiage « marxien », on fait ici du marxisme de cuisine. Par exemple, ce paragraphe :

      « On y trouve [parmi les prolétaires] les travailleurs salariés de l’industrie et des services, les ouvriers et employés qui forment en réalité la même classe avec environ 50% de la population active, mais aussi ceux qui contribuent à la création de valeur indirectement, les travailleurs indépendants sans salariés, les chômeurs, les intermittents, les saisonniers, les intérimaires, les mères au foyer, (…) »

      Les « mères au foyer » seraient donc des « prolétaires »… et les pères au foyer, à quelle classe appartiennent-ils ? Ou encore ce paragraphe plein de confusion :

      « Et la troisième classe importante est la petite bourgeoisie, très nombreuse dans les pays riches, composée souvent des mêmes professions que la bourgeoisie de plein droit, mais à plusieurs crans en dessous, parfois réduite malgré ses diplômes et sa culture à un revenu misérable. Certains secteurs (infirmiers, enseignants, techniciens spécialisés) sont en voie de prolétarisation. De même les « professions intermédiaires » qui sont en fait des employés ou des techniciens au service de la collectivité, qui sont nécessaires pour la revalorisation de la force de travail, mais qui ne sont pas non plus payés pour la totalité de ce qu’ils produisent (même si la productivité de leur travail est plus difficile à mesurer que celle, par exemple, des ouvriers de l’industrie ou des cadres commerciaux). »

      Là, on ne comprend plus rien. Si ce qui caractérise le prolétaire est l’exploitation (c’est ce que dit le texte), on voit mal pourquoi les « professions intermédiaires », qui « ne sont pas payés pour la totalité de ce qu’ils produisent », sont classés comme « petits bourgeois » et non comme prolétaires…

      Franchement, la lecture de ce genre de textes me fait penser à la remarque de Talleyrand se référant à la noblesse émigrée : « ils n’ont rien oublié, et rien appris ». Franchement, si vous avez du temps pour lire, consacrez-le à quelque texte un peu plus sérieux.

  2. v2s dit :

    Votre article se partage en deux parts inégales :
    Avant tout, la majeur partie de votre texte est une critique en règle du système des intermittents du spectacle.
    Tout est dit et bien dit : le faux système d’assurance, la subvention déguisée et imposée, la fraude banalisée, la confusion entretenue entre culture et distraction … tout.
    On peut penser que cette exception française n’est qu’un des multiples aspects des gaspillages en tous genres qui ont accompagné la période bénie ou l’argent coulait à flots.
    Que l’argent vienne à manquer durablement et ici comme ailleurs la réalité économique imposera les réformes nécessaires.
    Une remarque quand même, vous dites :
    [Ces subventions qui financent les loisirs des classes moyennes tout en fournissant des emplois pour leurs enfants.]
    Qu’il s’agisse de « Plus belle la vie » ou qu’il s’agisse de toute la télé poubelle, depuis « l’île de la tentation » jusqu’à « qui veut épouser mon fils » en passant par « l’amour est dans le pré », toutes ces émissions, rendues possibles et rentables grâce aux intermittents du spectacle, sont regardées aussi (surtout ?) par les classes populaires. Ce n’est donc pas exact de les qualifier de [loisirs des classes moyennes].
    Par contre, pour ce qui est du conflit à la SNCF, là, vous aurez du mal à convaincre tous vos lecteurs. La CGT, entraînée dans une surenchère avec les jusqu’auboutistes de SUD, est effectivement ringarde, passéiste et, pire, aveugle et égoïste.
    Il y a quelque chose d’agaçant à voir des agents SNCF, qui travaillent 160 jours par an (souvent 130 !), qui partent à la retraite dans la force de l’âge, à 50 ou 55 ans, après une vie professionnelle tranquille, luter pour la défense de leurs privilèges, mais toujours au nom d’un soi-disant idéal communiste.
    Quand, à l’issue d’un meeting, les CGT cheminots entonnent en cœur l’Internationale, je ne peux pas m’empêcher de penser : « mais, à la SNCF, où sont les damnés de la terre ? Où sont les forçats de la faim ? ». Peut-on parler de communistes Tartuffes ?
    Que l’argent vienne à manquer durablement et ici aussi la réalité économique imposera les réformes nécessaires.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [On peut penser que cette exception française n’est qu’un des multiples aspects des gaspillages en tous genres qui ont accompagné la période bénie ou l’argent coulait à flots.]

      Et « on peut penser » le contraire. Je me méfie des généralisations trop hâtives. Il y a certainement des « gaspillages » dans notre pays, mais de là à généraliser au point de dire qu’ils ont « accompagné la période bénie ou l’argent coulait à flots » me paraît très excessif, et surtout très injuste. Par ailleurs, qui juge si une dépense est un « gaspillage » ou pas ? Je vous rappelle que dans une démocratie, c’est le peuple qui décide ce qu’on doit faire de son argent. Si le peuple décide de le dépenser en ce qui l’intéresse plutôt qu’en ce que les (faux) technocrates lui recommandent, qui sommes nous pour appeler cela « gaspillage » ?

      [Que l’argent vienne à manquer durablement et ici comme ailleurs la réalité économique imposera les réformes nécessaires.]

      « nécessaires » pour qui ? Vous semblez penser qu’il existe des « réformes » qui seraient objectivement « nécessaires » indépendamment des intérêts de celui qui juge de la « nécessité ». Mais la « nécessité » est une question de point de vue. Pour les patrons, la réforme « nécessaire » serait l’assouplissement du code du travail, la baisse des impôts sur les riches et la liberté de chacun de faire ce qu’il veut de son capital. Pour les ouvriers, les reformes « nécessaires » ne sont pas tout à fait les mêmes.

      A la rigueur, on peut dire que le manque d’argent ne peut que radicaliser les antagonismes entre les différents intérêts jusqu’à provoquer une remise en cause des équilibres. Mais de là à imaginer que la pénurie « imposera les réformes nécessaires »…

      [Qu’il s’agisse de « Plus belle la vie » ou qu’il s’agisse de toute la télé poubelle, depuis « l’île de la tentation » jusqu’à « qui veut épouser mon fils » en passant par « l’amour est dans le pré », toutes ces émissions, rendues possibles et rentables grâce aux intermittents du spectacle, sont regardées aussi (surtout ?) par les classes populaires. Ce n’est donc pas exact de les qualifier de [loisirs des classes moyennes].]

      On peut en discuter. Ce n’est pas dans la télé poubelle que les subventions, cachées ou pas, représentent la proportion la plus importante des recettes. Même si « plus belle la vie » utilise largement le système des intermittents, la série serait rentable même sans cela. Par contre, les spectacles qui sont effectivement « le loisir des classes moyennes », tels par exemple les grands festivals de l’été, n’arriveraient tout simplement pas à survivre sans l’intermittence.

      [Par contre, pour ce qui est du conflit à la SNCF, là, vous aurez du mal à convaincre tous vos lecteurs. La CGT, entraînée dans une surenchère avec les jusqu’auboutistes de SUD, est effectivement ringarde, passéiste et, pire, aveugle et égoïste.]

      C’est votre opinion, ce n’est pas la mienne.

      [Il y a quelque chose d’agaçant à voir des agents SNCF, qui travaillent 160 jours par an (souvent 130 !), qui partent à la retraite dans la force de l’âge, à 50 ou 55 ans, après une vie professionnelle tranquille, luter pour la défense de leurs privilèges, mais toujours au nom d’un soi-disant idéal communiste.]

      Vous retardez un peu, et le départ à la retraite n’est plus aussi favorable que vous le dites. Il faudrait aussi faire une comparaison intégrale : la plupart des grands services publics et les services de l’Etat compensent par des conditions de retraite plus généreuses ou des avantages sociaux supérieurs une grille salariale nettement plus défavorable que dans le privé. Permettez moi un exemple personnel : moi qui vous parle, et qui ai fait toute ma carrière dans le secteur public, j’ai plusieurs fois – comme beaucoup de collègues – été approché par des entreprises privées qui me proposaient des rémunérations très supérieurs à celle qui était la mienne.

      Mais à supposer même que vous soyez dans le vrai, votre raisonnement aboutit à une condamnation de toute revendication. Après tout, n’est pas « agaçant » de voir des caissières de supermarché qui travaillent dix heures par jour, touchent le SMIC et partent à la retraite à 67 ans « luter pour la défense de leurs privilèges » alors que tant de femmes dans le monde travaillent pour quelques euros par mois, travaillent 16 heures par jour et n’ont pas de retraite ?

      L’histoire fait que certaines corporations dans la classe ouvrière ont réussi à conquérir de meilleures conditions de travail, de rémunération et de retraite que d’autres. Pensez-vous que ces corporations devraient admettre qu’on rogne leurs conquêtes au prétexte que les autres n’ont pas réussi à les avoir ? Que devraient faire les syndicats du rail, de l’électricité et du gaz, de la poste ? Attendre les bras croisés que les autres corporations arrivent à leur niveau ?

      [Quand, à l’issue d’un meeting, les CGT cheminots entonnent en cœur l’Internationale, je ne peux pas m’empêcher de penser : « mais, à la SNCF, où sont les damnés de la terre ? Où sont les forçats de la faim ? ». Peut-on parler de communistes Tartuffes ?]

      Un lecture attentive des paroles de l’Internationale vous permettra de noter qu’il n’est nulle part dit « nous les damnés de la terre » ou « nous les forçats de la faim ». Il n’est pas nécessaire d’être « damné de la terre » pour les appeler à se révolter.

      [Que l’argent vienne à manquer durablement et ici aussi la réalité économique imposera les réformes nécessaires.]

      Avec vous, c’est toujours la même chose : Heureusement qu’il y a la force des choses pour nous contraindre. La politique se réduit à accepter l’inévitable…
      Encore une fois, la réalité économique n’imposera pas les « réformes nécessaires » pour la simple raison qu’il n’existe pas de « réforme nécessaire ». Tout au plus, des réformes que vous estimez nécessaires, qui ne sont probablement pas celles que moi j’estime nécessaires…

    • v2s dit :

      [Avec vous, c’est toujours la même chose : Heureusement qu’il y a la force des choses pour nous contraindre. La politique se réduit à accepter l’inévitable…]

      C’est vous qui parlez de "la force des choses", je parlais moi de la "réalité économique".
      Vous voulez un autre exemple, la SNCM emploie 40% de personnel en plus pour opérer le même nombre de navires que Corsica Ferries. Corsica Ferries fait des profits, quand la SNCM, tout en vendant ses traversées plus cher, en appelle au budget de l’état, donc à nos impôts, pour boucher ses déficits. C’est ça la réalité économique.
      Si vous trouvez logique, comme passager, de payer plus cher pour traverser vers La corse, puis de payer une seconde fois comme contribuable via des subventions à la SNCM, pour la simple raison que les salariés de SNCM pensent pouvoir conserver éternellement leurs privilèges, c’est votre opinion, mais ce n’est pas la mienne. Et je ne suis pas pour autant un affreux patron du CAC 40, juste un citoyen lambda qui ne supporte plus les soi-disant « combats sociaux » des nouveaux nantis que sont les salariés ultra protégés.
      Vous ironisez sur les comparaisons avec le « modèle allemand » de la Deutsche Bahn et pourtant, dans le transport de marchandises, par exemple, les horaires de travail des cheminots allemands sont 25 à 30% plus chargés que ceux des cheminots français. Je n’ai pas entendu dire que les chemins de fer allemands employaient des esclaves ou des forçats.
      Dans les années 1850, le député Victor Hugo, prenait la parole au parlement pour s’opposer au travail des enfants de 12 ans dans les mines de fer et de charbon. 150 plus tard, toujours au nom du même combat pour la justice sociale, des salariés ultra protégés, travaillant peu et partant très jeunes à la retraite, bloquent l’activité économique du pays.
      C’est une parfaite escroquerie intellectuelle.
      Partir à 50 ans, quand on a chargé des années durant du charbon à la pelle, dans une locomotive à vapeur, ça se défend. Mais quand on a conduit un train électrique ?
      Et n’essayez pas de nous faire croire qu’en défendant jalousement leurs acquis d’un autre âge, les cheminots sont aux cotés des caissières des super marchés surexploitées, ce serait une autre tentative d’escroquerie intellectuelle. Ces gens-là se battent pour eux, pas pour leurs « frères et sœurs » dans la misère.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Avec vous, c’est toujours la même chose : Heureusement qu’il y a la force des choses pour nous contraindre. La politique se réduit à accepter l’inévitable… » C’est vous qui parlez de "la force des choses", je parlais moi de la "réalité économique".]

      Aujourd’hui, vous parlez de la « réalité économique ». Lorsque vous évoquez la question de l’immigration, vous parlez d’une « réalité démographique ». A chaque fois, vous avez une « réalité » qui nous contraint et contre laquelle on ne peut rien. C’est cela que j’appelle « l’ordre des choses ».

      [Vous voulez un autre exemple, la SNCM emploie 40% de personnel en plus pour opérer le même nombre de navires que Corsica Ferries. Corsica Ferries fait des profits, quand la SNCM, tout en vendant ses traversées plus cher, en appelle au budget de l’état, donc à nos impôts, pour boucher ses déficits. C’est ça la réalité économique.]

      Il est trivial de dire qu’alors que le textile français, avec sa journée de 8 heures, son salaire minimum, sa sécurité sociale, ses normes concernant les conditions de travail, perd de l’argent. Alors que le textile indien ou bangladeshi fait des profits. Bon, il est vrai qu’on fait travailler les enfants à partir de douze ans, que les journées de travail sont de 16 heures, que les salaires sont misérables et que de temps en temps une usine prend feu et fait quelques centaines de morts. Mais après tout, « c’est ça la réalité économique ». Pensez-vous qu’il faille abroger le code du travail, supprimer le salaire minimum, abolir la sécurité sociale, permettre le travail des enfants et porter la journée de travail à 16 heures pour permettre à nos industries textiles de participer à la mondialisation ?

      Oui, Corsica Ferries fait du profit là ou la SNCM fait des pertes. Pour cela, Corsica Ferries augmente la charge de travail du personnel et réduit les droits sociaux. On pourrait aller encore plus loin dans cette voie, et Corsica Ferries ferait encore plus de profits. Est-ce cela que vous proposez ? Pour vous, l’avenir de la France est revenir sur toutes les conquêtes sociales pour revenir au temps où l’exploitation du travailleur n’était limitée que par ses capacités physiques ? Et vous vous étonnez que les gens rejettent un tel avenir ?

      [Si vous trouvez logique, comme passager, de payer plus cher pour traverser vers La corse, puis de payer une seconde fois comme contribuable via des subventions à la SNCM, pour la simple raison que les salariés de SNCM pensent pouvoir conserver éternellement leurs privilèges, c’est votre opinion, mais ce n’est pas la mienne.]

      C’est votre droit. Mais je suis ravi de payer plus cher pour ce que vous appelez « les privilèges » des travailleurs de la SNCM, sachant qu’en retour eux payeront plus cher le service que je produis pour payer mes « privilèges ». Maintenant, si vous êtes disposé à ce que votre patron supprime vos « privilèges » pour pouvoir faire des profits, libre à vous. Mais vous ne pouvez pas vouloir le beurre et l’argent du beurre : si vous voulez payer moins cher en tant que consommateur, vous devez accepter d’être payé moins cher en tant que travailleur. Les seuls qui gagnent à ce petit jeu, ce sont les rentiers. Lorsque vous baissez en même temps prix et rémunérations, ce sont ceux qui ne vivent pas de leur travail…

      [Et je ne suis pas pour autant un affreux patron du CAC 40, juste un citoyen lambda qui ne supporte plus les soi-disant « combats sociaux » des nouveaux nantis que sont les salariés ultra protégés.]

      Vous me rappelez une vieille histoire juive : Il était une fois une famille misérable en Pologne, qui n’arrivait plus à joindre les deux bouts. Le père de famille décide donc que le grand-père doit quitter la maison, pour réduire le nombre de bouches à nourrir. Mais comme il neige au dehors, le père demande à son fils aîné d’aller chercher une couverture pour la donner au grand-père. L’enfant amène la couverture, et une paire de ciseaux et commence à couper la couverture en deux morceaux. Et lorsque son père lui demande ce qu’il fait, il répond « je voudrais garder une moitié, pour te la donner le jour ou tu seras vieux et que je te renverrai seul dans la neige ».

      J’ignore quel métier vous faites, mais mon expérience me dit que chacun est le « ultra-protégé » de quelqu’un. Je ne sais pas si vos « privilèges » sont comparables avec ceux des travailleurs de la SNCM, mais je suis sûr qu’ils sont immenses comparés à ceux du travailleur bangladeshi du textile. Alors, réfléchissez bien avant d’utiliser le qualificatif « nantis ». Il n’y a aucune justice immanente qui ferait que 40 heures par semaine serait « juste » et 35 heures ou 60 heures serait « injuste ». Qui ferait que revendiquer la retraite à 60 ans serait légitime alors qu’à 55 ans elle deviendrait « illégitime ». Etes vous un « nanti » parce que vous travaillez 35 heures par semaine alors qu’un bangladeshi en fait plus de 100 ?

      [Vous ironisez sur les comparaisons avec le « modèle allemand » de la Deutsche Bahn et pourtant, dans le transport de marchandises, par exemple, les horaires de travail des cheminots allemands sont 25 à 30% plus chargés que ceux des cheminots français. Je n’ai pas entendu dire que les chemins de fer allemands employaient des esclaves ou des forçats.]

      Non. Mais vous avez entendu dire qu’ils travaillent 25 à 30% de plus. Maintenant, pourquoi pas aller à 40% ? 50% ? 100% ? A partir de quel pourcentage diriez-vous que c’est des « esclaves » ou des « forçats » ? Et quels sont les critères qui vous permettent de fixer ce pourcentage ?

      [Dans les années 1850, le député Victor Hugo, prenait la parole au parlement pour s’opposer au travail des enfants de 12 ans dans les mines de fer et de charbon.]

      Oui. Et je crois me souvenir qu’à lui aussi, on lui avait répondu « c’est ça, la réalité économique ». Je suis étonné que vous citiez Victor Hugo à ce propos, puisqu’il soutenait le point de vue exactement opposé au votre. Après tout, les enfants travaillaient à 12 ans dans les mines britanniques. Pourquoi faire des enfants français des « nantis » ?

      [150 plus tard, toujours au nom du même combat pour la justice sociale, des salariés ultra protégés, travaillant peu et partant très jeunes à la retraite, bloquent l’activité économique du pays.]

      J’imagine que vous ne vous considérez pas vous-même « ultra-protégé »… j’aimerais que vous m’illustriez sur ce point. A votre avis, vous vous situez dans le 50% des travailleurs les mieux protégés du monde ? Dans les 10% ? Dans les 5% ? Dans les 1% ? Dans les 0,001% ?

      [C’est une parfaite escroquerie intellectuelle.]

      Ce qui est une « escroquerie intellectuelle », c’est de fustiger les soi-disant « privilèges » dont bénéficient les autres, en oubliant ceux dont on bénéficie soi même. Toutes des putes, sauf ma mère et ma femme.
      [Partir à 50 ans, quand on a chargé des années durant du charbon à la pelle, dans une locomotive à vapeur, ça se défend. Mais quand on a conduit un train électrique ?]

      Je ne vois pas pourquoi vous défendez ceux qui ont chargé du charbon à la pelle. Après tout, pendant des siècles on a chargé du charbon à la pelle jusqu’à ce que mort s’ensuive. Encore aujourd’hui, dans de nombreux pays c’est toujours le cas. Pourquoi faudrait-il permettre à certains « nantis » de partir à 50 ans sous prétexte qu’ils ont chargé du charbon à la pelle ?

      Encore une fois, il n’y a pas de décret divin, de tables de la loi où l’on peut lire « pour avoir chargé du charbon à la pelle, c’est 50 ans, pour avoir conduit un train électrique, c’est 65 ». Fixer la retraite des charbonniers à 50 ans est aussi arbitraire que de fixer la retraite des électriciens à 50 ans.

      [Et n’essayez pas de nous faire croire qu’en défendant jalousement leurs acquis d’un autre âge, les cheminots sont aux cotés des caissières des super marchés surexploitées, ce serait une autre tentative d’escroquerie intellectuelle. Ces gens-là se battent pour eux, pas pour leurs « frères et sœurs » dans la misère.]

      Dois-je comprendre que lorsque vous fustigez les privilèges des cheminots, vous aussi vous « vous battez pour vous » et non pour « vos frères et sœurs dans la misère » ? Pourquoi devrais-je vous accorder le bénéfice d’une haute moralité dans vos combats alors que je devrais la dénier aux cheminots dans les leurs ?

    • Bonjour,

      Je passe juste pour insulter le petit-bourgeois v2s qui crache sur les cheminots et "leurs acquis d’un autre âge", les accusant de corporatisme parasite à courte-vue.

      Alors qu’en fait…

      "Motion de soutien aux grévistes du métro de Sao Paulo, par les grévistes de la SNCF Paris est.

      Solidarité avec les grévistes du métro de Sao Paulo

      La lutte que mènent les travailleurs du métro depuis plusieurs jours est difficile : chantage sur la Coupe du Monde, grève décrétée illégale par la justice, licenciements, répression patronale et policière féroce.

      Coupe du Monde ou pas ; les travailleuses et travailleurs de Brésil ont raison de se battre pour leurs conditions de travail, leurs salaires, leurs droits, leur dignité.

      Ici en France, nous sommes en grève contre une réforme ferroviaire qui s’inscrit dans la droite ligne des politiques libérales.

      La SNCF, forte de ses 923 filiales, se transforme un peu plus chaque jour en grand groupe capitaliste international n’hésitant pas, dans le cadre des politiques de privatisations, à racheter des entreprises de transports publics dans le monde, dont des réseaux de métro.

      C’est également le cas avec RATP Dev qui exploite la ligne 4 de métro automatique de Sao Paulo.

      Nous n’avons pas d’intérêts communs avec les capitalistes, français ou autres.

      Par contre, nos intérêts sont les mêmes que ceux des travailleurs du monde entier et nous tenons à apporter aux grévistes du métro de Sao Paulo nos chaleureuses salutations.

      Nous vous souhaitons de gagner !

      Solidarité internationale,

      L’Assemblée générale des grévistes de Paris Est avec le soutien des organisations syndicales CGT, Sud Rail et FO de la région de Paris Est."

    • Descartes dit :

      @ Jonathan R. Razorback

      [Je passe juste pour insulter le petit-bourgeois v2s qui crache sur les cheminots et "leurs acquis d’un autre âge", les accusant de corporatisme parasite à courte-vue.]

      Vous avez tort. Les gens comme v2s existent. Ils sont même assez nombreux. Si vous les insultez, vous perdez l’opportunité de comprendre pourquoi ils pensent ce qu’ils pensent. Et il est très difficile de lutter contre des idées que l’on ne comprend pas.

      Insulter, c’est renoncer à convaincre. Ce n’est pas une attitude politique.

  3. Bannette dit :

    Bonjour,

    Comme tu évoques les intermittents, permets-moi une petite digression sur un film récent, acclamé à Cannes cette année et par les critiques ciné : "2 jours, 1 nuit" des Frères Dardennes. Si tu ne l’as pas vu, en gros ça raconte le parcours du combattant d’une employée (jouée par Marion Cotillard), revenue d’une dépression, menacée de licenciement et qui a un week-end pour convaincre ses collègues de renoncer à leur prime annuelle de 1000 € pour qu’elle conserve son emploi. Si je n’ai rien à redire sur le plan formel ou de l’interprétation, c’est le sous texte du film qui m’a agacée. Tout d’abord, une poignée de critiques un peu moins unanimistes (même outre Atlantique) ont fait remarquer que d’un point de vue strictement légal, le canevas sur lequel est basé tout le film (les collègues de Cotillard ont voté son licenciement contre la prime, et donc l’intrigue consiste pour l’héroïne à mendier sa réintégration et le suspens qui va avec) n’est pas du tout crédible, et que n’importe quel patron qui essaierait de proposer ce type de marchandage s’expose à des poursuites judiciaires. Ce qui monte que les réalisateurs, qui ont l’image de cinéastes engagés et sociaux, ne connaissent pas grand chose du monde du travail ouvrier. C’est le vote qui est la matrice du film, un licenciement ou une rupture conventionnelle de travail sur des bases plus banales (pousser le salarié à la dépression et au départ, à la faute professionnelle, ou tout simplement un licenciement économique) aurait demandé un tout autre scénario, et sans doute ont-ils estimé cela moins "cinégénique". Bref, leur film a une base bancale pour mettre en scène une héroïne sacrificielle et parée de toutes les qualités, face à l’adversité de ce monde très moche. Le coup du "on s’est bien battus" à la fin m’a achevée.
    Bref pour ces gens du milieu culturel, il faudrait que les petits (les collègues de l’héroïne) qui déjà gagnent si mal leur vie à 1500 € bruts mensuels partagent avec elle (on comprend pourquoi 1000 € en + est si important pour eux) pour qu’elle conserve son travail et sa dignité, bref c’est finalement la mentalité des 35 heures. Et tu vas rire, mais l’entreprise dans lequel tout ce petit monde travaille fabrique des… panneaux solaires, la soi-disant "industrie d’avenir", gisement d’emplois selon les bobos écolos (comme Cotillard tiens), concurrencés par les panneaux chinois. Et que la lutte contre le chômage passe par la générosité ou l’entraide, et non pas par une politique industrielle.

    Bref dans cette oeuvre, et malgré les aptitudes réelles des metteurs en scène (réalisation, acteurs), sont condensés tous les clichés et la perception faussée du monde du travail chez les classes moyennes. Pas étonnant que ça ait été acclamé à Cannes ^___^

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Bref, leur film a une base bancale pour mettre en scène une héroïne sacrificielle et parée de toutes les qualités, face à l’adversité de ce monde très moche. Le coup du "on s’est bien battus" à la fin m’a achevée.]

      Moi aussi. Mais c’est un film très révélateur de la vision qu’a l’establishment politico-médiatique du monde ouvrier et de ses conflits. C’est le misérabilisme de Loach en pire.

  4. GQ dit :

    Bonjour, votre article est intéressant et juste sur bien des points, mais, premièrement, ne pourrait-on pas considérer que si les intermittents "vont gagner" c’est aussi parce que leur système aboutit en fin de compte à la précarisation du travail? Il vont gagner surtout un durcissement de leurs conditions d’emploi. Par ailleurs les Cheminots n’ont pas gagné, mais ils ont tout de même obtenu quelques concessions, et un succès ne serait-ce qu’au niveau symbolique : on ne peut pas encore faire n’importe quoi avec le rail. Il est juste de protester contre la campagne médiatique anti-cheminots, mais celle -ci reflète justement le fait qu’ils ne sont pas (encore,) désarmés. Sinon, on ferait des enquêtes misérabilistes sur leur compte, comme celle de Florence Aubenas sur les pauvres gens de Ouistreham.

    Le revenu médian que vous indiquez pour les intermittents, deux fois le smic, n’est pas très élevé et à mon avis est orienté à la baisse. Ce n’est pas parce que le régime sert à intégrer socialement des faux travailleurs ou à couvrir un travail au noir rémunérateur pour certains que les revendications de ceux qui travaillent vraiment doivent être méprisées. Classe moyenne peut être, mais en voie de prolétarisation..

    Je ne suis pas complètement d’accord non plus avec l’idée selon laquelle il faudrait hiérarchiser les valeurs culturelles existantes: en URSS un gigantesque effort d’éducation basé sur la diffusion de la culture classique a produit une intelligentsia réactionnaire qui a contribué à détruire la société socialiste qui l’avait nourrie, tout en empêchant la formation d’une culture populaire spontanée, Ce qui a conduit le peuple a chercher ses modèles aux États-Unis ou à retourner à la tradition religieuse, au lieu de se soulever pour défendre un État, une société et un pays qui étaient le sien.

    • Descartes dit :

      @ GQ

      [Bonjour, votre article est intéressant et juste sur bien des points, mais, premièrement, ne pourrait-on pas considérer que si les intermittents "vont gagner" c’est aussi parce que leur système aboutit en fin de compte à la précarisation du travail?]

      Non. Ce n’est pas le régime des intermittents qui « précarise » le travail. Pour ce qui concerne les « vrais » intermittents, le travail est intermittent par l’essence même. Comment un festival qui dure deux semaines pourrait embaucher des artistes à l’année ? Pour les « faux » intermittents, sans la subvention leurs emplois disparaîtraient tout simplement.

      [Il vont gagner surtout un durcissement de leurs conditions d’emploi.]

      Si vous voulez par là dire qu’ils n’auront pas réussi à obtenir le maintien du statu-quo, c’est vrai. Mais la subvention cachée est maintenue, même si son montant baisse.

      [Par ailleurs les Cheminots n’ont pas gagné, mais ils ont tout de même obtenu quelques concessions, et un succès ne serait-ce qu’au niveau symbolique : on ne peut pas encore faire n’importe quoi avec le rail.]

      Les « concessions » en question sont tellement ridicules que même le gouvernement a renoncé à s’en prévaloir. On sait tous ce que valent les assurances législatives que « le statut des cheminots ne sera pas touché ». Ce qu’une loi fait…

      [Le revenu médian que vous indiquez pour les intermittents, deux fois le smic, n’est pas très élevé et à mon avis est orienté à la baisse.]

      A deux fois le SMIC, il n’est pas loin du revenu médian de la population en général. Si l’on tient compte du fait que c’est un domaine ou aucun diplôme n’est requis, ce n’est pas trop mal. Mais pour moi l’essentiel n’est pas tellement le niveau, mais sa formation. Que 40% du revenu soit constitué des allocations chômage montre qu’il y a un problème. Je ne connais aucune autre profession où l’on arrive à une part aussi importante du revenu supporté par les transferts.

      [Ce n’est pas parce que le régime sert à intégrer socialement des faux travailleurs ou à couvrir un travail au noir rémunérateur pour certains que les revendications de ceux qui travaillent vraiment doivent être méprisées.]

      D’accord. Mais lorsque « ceux qui travaillent vraiment » refusent toute réforme qui permettrait d’empêcher ce « travail au noir rémunérateur », on peut se poser des questions.

      [Classe moyenne peut être, mais en voie de prolétarisation..]

      Quand elle sera prolétarisée, faites moi signe, je ne veux pas manquer ça…

      [Je ne suis pas complètement d’accord non plus avec l’idée selon laquelle il faudrait hiérarchiser les valeurs culturelles existantes: en URSS un gigantesque effort d’éducation basé sur la diffusion de la culture classique a produit une intelligentsia réactionnaire qui a contribué à détruire la société socialiste qui l’avait nourrie, tout en empêchant la formation d’une culture populaire spontanée,]

      Si l’on suit votre raisonnement, il deviendra impossible de subventionner la culture. S’il n’y a pas de hiérarchie, alors n’importe quel blaireau qui se présentera au guichet avec sa guitare aura le droit à la subvention. Pourquoi Django Rheinhart plutôt que Pierre Dupont ? Et comme on ne peut pas subventionner tout le monde…

      Je ne partage par ailleurs pas votre théorie selon laquelle une éducation basée sur la diffusion de la culture classique produirait une « intelligentsia réactionnaire ». L’intelligentsia soviétique n’était guère plus « réactionnaire » que les intelligentsias occidentales. Ce sont d’ailleurs ces dernières qui ont adopté le mystique Soljenitsine…

  5. v2s dit :

    Descartes,
    [Il n’est pas nécessaire d’être « damné de la terre » pour les appeler à se révolter.]

    En 2014, les « damés de la terre » doit-on les chercher parmi les cheminots CGT ou les agents EDF ? Les « forçats de la faim » les trouverons-nous parmi les Contis, les Peugeot Aulnay, les agents de la poste ou ceux de la fonction territoriale ?
    Ceux qui chantent l’Internationale dans les meetings syndicaux ou politiques, ne pensent-ils pas que les forçats et les damnés sont plutôt parmi les Roms ou parmi les travailleurs du Bangladesh qui fabriquent les Nike et les t-shirts que nous portons et que portent aussi ces pseudo révolutionnaires CGT, communistes, SUD, Lutte Ouvrières ou supporters de Mélenchon ?
    En occident, ne sommes nous pas en présence de premiers communistes Tartuffes ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [En 2014, les « damés de la terre » doit-on les chercher parmi les cheminots CGT ou les agents EDF ? Les « forçats de la faim » les trouverons-nous parmi les Contis, les Peugeot Aulnay, les agents de la poste ou ceux de la fonction territoriale ?]

      Probablement pas. De la même manière qu’il n’y a guère de féroces soldats qui viennent jusque dans nos bras nos fils et nos compagnes. On chante aujourd’hui l’Internationale ou la Marseillaise dans un contexte qui a beaucoup changé depuis que les paroles de ces chansons ont été écrites. Cela n’implique pas qu’il n’y ait pas une continuité entre les combats de cette époque et ceux d’aujourd’hui.

      [Ceux qui chantent l’Internationale dans les meetings syndicaux ou politiques, ne pensent-ils pas que les forçats et les damnés sont plutôt parmi les Roms]

      Les Roms ? Mais ce sont des « nantis » ! Allez voir comment vivent les gens à Mumbai, et vous verrez combien nos Roms sont des « privilégiés ».

      [En occident, ne sommes nous pas en présence de premiers communistes Tartuffes ?]

      Non. Il faut revenir à Marx : ce qui fonde la légitimité de la revendication ouvrière, ce n’est pas la misère, c’est l’exploitation. C’est le fait que le travailleur est dépossédé d’une partie de la valeur qu’il produit, et que cette partie est empochée par quelqu’un qui ne travaille – et donc ne produit – rien. C’est là toute la différence entre le communisme marxiste et toutes les idéologies « misérabilistes ». Le fait que l’ouvrier d’aujourd’hui ne soit pas « misérable », qu’il ne meure pas de faim et qu’il ait même la possibilité de se constituer un petit patrimoine ne change rien au fait qu’il existe toujours des exploités, dont il fait partie, et des exploiteurs qui vivent de son travail.

      Le fait qu’il existe des gens « plus exploités » que l’ouvrier français ne change rien, là non plus, à la légitimité de sa lutte. Tant qu’il y aura exploitation, les exploités auront raison de revendiquer.

    • GQ dit :

      Je persiste à penser que le cheminots sont loin d’avoir tout perdu, et qu’en tout cas ils ont moins perdu que s’ils n’avaient pas fait grêve. Sur les intermittents prolétarisés, j’en connais. Pas mal de pseudos "bobos" de Montreuil sont à la limite de la pauvreté, particulièrement dans les familles monoparentales. Sur l’intelligentsia des pays de l’Est, elle puait littéralement la réaction, Pinochet était son héros, et on en voit encore aujourd’hui la trace chez les "euromaidan". Ces gens se sentaient profondément humiliés par le fait qu’ils n’étaient pas payés mieux qu’un travailleur manuel. A Prague en 1988 j’ai rencontré un architecte tchèque qui croyait que c’était les l’occupation russo-mongole qui l’empêchait de construire des cathédrales.

      Alors ce n’est sans doute pas la culture classique qui a produit cela, mais elle n’a pas non plus contribué à l’empêcher. La culture classique sert surtout à produire de la distinction sociale. D’autant plus si elle ne peut pas se baser sur les inégalités de patrimoine et de revenus. Django n’était pas un artiste subventionné !

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonjour,
      [ Le fait qu’il existe des gens « plus exploités » que l’ouvrier français ne change rien, là non plus, à la légitimité de sa lutte. Tant qu’il y aura exploitation, les exploités auront raison de revendiquer. ]
      Même confusion, ou tout au moins indétermination, que dans l’emploi du terme « nanti »
      Le fait que certains individus en exploitent d’autres est indéniable. Or pour parler d’exploitation en toute rigueur, il est nécessaire de bien délimiter le seuil à partir duquel il y a exploitation. Et pour positionner précisément ce seuil, il est indispensable de quantifier avec précision les éléments de mesure qui nous amènent à décider s’il y a ou non exploitation. Je ne vois pas comment, dans toutes vos assertions à ce sujet, depuis que je vous lis, vous procédez pour définir scientifiquement – ou du moins le plus rationnellement possible – la valeur de l’intervention de chacun qui aboutirait à un départage des positions d’exploité, d’exploiteur et d’élément neutre (les classes moyennes selon votre définition).
      Car enfin, il subsiste, dans cette double dichotomie, un aspect purement subjectif qui ne cesse de m’intriguer et qui permet à vos talents dialectique et rhétorique toutes les pirouettes possibles, telles celles du chat qui retombe toujours sur ses pieds par un coup de reins salvateur.
      D’autre part, ou se situe le fait d’exploiter dans une relation professionnelle ou/et économique ? entre l’ouvrier et son chef d’équipe qui le regarde travailler ? entre les équipes de production et la haute hiérarchie de l’entreprise ? entre l’entreprise, lieu de production et l’entité financière des actionnaires ? entre les différentes organisations professionnelles d’un même pays où il y a peu ou prou partage du même gâteau que constitue le PIB, ou enfin le partage planétaire des ressources naturelles plus celles produites ?
      Il serait judicieux de rendre plus claires les unités de mesure que l’on emploie avant de se positionner sur telle ou telle situation.

    • Descartes dit :

      @ GQ

      [Je persiste à penser que le cheminots sont loin d’avoir tout perdu, et qu’en tout cas ils ont moins perdu que s’ils n’avaient pas fait grève.]

      Ca, c’est évident. Si le gouvernement savait qu’il pouvait faire une réforme sans qu’il y ait de mouvement social, il aurait été plus loin encore dans le démantèlement. Même si la grève n’obtient rien, elle a un effet dissuasif pour la suite.

      [Sur les intermittents prolétarisés, j’en connais. Pas mal de pseudos "bobos" de Montreuil sont à la limite de la pauvreté, particulièrement dans les familles monoparentales.]

      Je crois qu’il faut faire la différence entre la pauvreté choisie et la pauvreté imposée. Je connais un couple d’ingénieurs qui est allé élever des chèvres dans le Cantal. Ils habitent dans une ferme en ruine qu’ils sont en train de retaper, et ont un revenu qui les place à la limite de la pauvreté, sinon dedans. Mais c’est chez eux un choix. Ils avaient chacun un boulot bien payé, ils vivaient dans un bel appartement à Paris… et puis ils ont fait le choix de vivre autrement et d’en supporter les conséquences. Ce n’est pas la même chose que d’être femme de ménage et ne pas avoir le choix.

      Je ne crois pas trop dans cette histoire de « intermittents prolétarisés » tout simplement parce que les intermittents, dans leur grande majorité, ont le choix. Ce sont en général des gens cultivés, qualifiés, qui ont des contacts. D’autres professions plus rémunératrices leur sont ouvertes. Qu’ils aient choisi une autre voie, c’est leur choix. Mais du coup, je ne crois pas qu’on puisse parler véritablement de « prolétarisation ».

      [Sur l’intelligentsia des pays de l’Est, elle puait littéralement la réaction, Pinochet était son héros, et on en voit encore aujourd’hui la trace chez les "euromaidan".]

      Il ne faudrait pas confondre « l’intelligentsia » des pays de l’Est en général et celle que les médias et institutions occidentales ont choisi de mettre en exergue en particulier. Tous les scientifiques n’étaient pas des Sakharov, tous les écrivains n’étaient pas des Soljenitsyne.

      [Alors ce n’est sans doute pas la culture classique qui a produit cela, mais elle n’a pas non plus contribué à l’empêcher. La culture classique sert surtout à produire de la distinction sociale.]

      Au contraire. La culture classique, précisément parce qu’elle est classique et a donc franchi le filtre du temps, est celle où ce qui est essentiel est le plus distillé. C’est au contraire le meilleur fondement lorsqu’on veut combattre les barrières sociales. Ce n’est pas par hasard si les révolutions – ce fut le cas de la Révolution française comme de la Révolution russe – reviennent au classicisme. Et ce n’est pas non plus par hasard si l’on voue aux gémonies la culture classique à l’école – comme on le fait depuis mai 1968 – chaque fois qu’on veut casser l’ascenseur social…

      [D’autant plus si elle ne peut pas se baser sur les inégalités de patrimoine et de revenus.]

      Je ne comprends pas cette remarque. Trouvez-vous que l’art moderne ou la musique contemporaine se « basent sur l’égalité de patrimoine et de revenu » ?

      [Django n’était pas un artiste subventionné !]

      C’est vrai. Il est mort alors que la culture subventionnée pour les classes moyennes n’existait pas encore.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Le fait que certains individus en exploitent d’autres est indéniable. Or pour parler d’exploitation en toute rigueur, il est nécessaire de bien délimiter le seuil à partir duquel il y a exploitation. Et pour positionner précisément ce seuil, il est indispensable de quantifier avec précision les éléments de mesure qui nous amènent à décider s’il y a ou non exploitation.]

      Pas nécessairement. Prenons un capitaliste qui emploie des gens pour faire un travail de simple exécution. Pourquoi les embaucherait-il si leur travail ne lui rapportait rien ? Pourquoi immobiliserait-il du capital s’il n’en tirait aucun avantage ? Or, comme seul le travail produit de la valeur, cet avantage ne peut que provenir de la valeur produite par le travailleur. On peut donc conclure qu’il y a exploitation sans qu’il soit besoin de « quantifier » la valeur produite et la comparer au salaire reçu par le travailleur.

      Bien entendu, dès lors que le travail n’est pas une simple exécution, la question devient beaucoup plus difficile. Car le salarié qualifié apporte avec lui un véritable « capital immatériel » qu’il investit dans la production. Ce capital lui permet de négocier avec son patron et récupérer une part plus importante de la valeur produite, voire une partie de la valeur produite par les autres salariés.

      [Je ne vois pas comment, dans toutes vos assertions à ce sujet, depuis que je vous lis, vous procédez pour définir scientifiquement – ou du moins le plus rationnellement possible – la valeur de l’intervention de chacun qui aboutirait à un départage des positions d’exploité, d’exploiteur et d’élément neutre (les classes moyennes selon votre définition).]

      Je n’ai pas de solution générale à ce problème. Il faudrait faire un travail très fin dans chaque branche professionnelle, chaque métier, chaque entreprise pour pouvoir tirer des conclusions. Mais l’intérêt de déterminer qui est exploité et qui ne l’est pas à une maille aussi fine n’a pas de véritable intérêt. Il suffit de raisonner en moyennes.

      [D’autre part, ou se situe le fait d’exploiter dans une relation professionnelle ou/et économique ? entre l’ouvrier et son chef d’équipe qui le regarde travailler ? entre les équipes de production et la haute hiérarchie de l’entreprise ? entre l’entreprise, lieu de production et l’entité financière des actionnaires ? entre les différentes organisations professionnelles d’un même pays où il y a peu ou prou partage du même gâteau que constitue le PIB, ou enfin le partage planétaire des ressources naturelles plus celles produites ?]

      Je ne suis pas sur de comprendre votre question… le rapport d’exploitation est un rapport social, pas un rapport interpersonnel. Il ne faut pas voir « l’exploiteur » sous les traits d’un vampire suceur de sang, comme le présentent les brochures de propagande. Un patron peut avoir des rapports tout à fait humains et décents avec ses employés, et il n’est pas moins « exploiteur » pour autant.

    • Jérémy dit :

      Bonjour Descartes,
      Je rebondis sur l’intervention de Marcailloux. En effet, qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que les cheminots font partie des classes populaires et non des classes moyennes ? Je ne le comprends pas très bien.

    • Descartes dit :

      @ Jérémy

      [Je rebondis sur l’intervention de Marcailloux. En effet, qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que les cheminots font partie des classes populaires et non des classes moyennes ? Je ne le comprends pas très bien.]

      J’ai répondu par ailleurs à Marcailloux, mais je vais essayer de préciser ma réponse. Comme il est très difficile d’évaluer la valeur produite par le cheminot et la confronter à sa rémunération, je procède plutôt par analogie. J’observe, par exemple, que le nombre de candidats aux postes ouverts à la SNCF n’est pas significativement différent à celui observé par d’autres entreprises du secteur industriel privé. J’en déduis que les conditions d’exploitation ne sont pas très différentes de celles qu’on peut observer dans une entreprise privée. J’en conclus que je peux étendre l’analyse sociale que je peux faire dans le privé (couches populaires dans les métiers d’exécution et dans une partie de la maîtrise et de l’encadrement, classes moyennes dans une partie de la maîtrise et l’encadrement lorsque ces individus ont un « capital » propre) peut être étendue à la SNCF.

      Je vous accorde que c’est un raisonnement qui repose sur un certain nombre d’hypothèses plus ou moins difficiles à justifier. Mais je n’ai pas mieux à vous proposer. Ma « théorie des classes moyennes » est loin d’être achevée, j’en suis parfaitement conscient !

    • Jérémy dit :

      @Descartes
      Dans ce cas, comment interprétez-vous la désaffection des candidatures aux postes de professeurs des écoles (cf. http://campus.lemonde.fr/campus/article/2014/07/15/l-education-nationale-ne-parvient-pas-a-enrayer-la-penurie-de-profs-de-maths_4457454_4401467.html) ? Diriez-vous que les professeurs ne font pas (plus) partie des classes moyennes ? Il me semblait que vous aviez plutôt tendance à considérer que les professeurs faisaient partie des classes moyennes, leur principal capital étant un capital "culturel" (je ne suis plus sûr de l’expression).

    • Descartes dit :

      @ Jeremy

      [Dans ce cas, comment interprétez-vous la désaffection des candidatures aux postes de professeurs des écoles (…) ? Diriez-vous que les professeurs ne font pas (plus) partie des classes moyennes ? Il me semblait que vous aviez plutôt tendance à considérer que les professeurs faisaient partie des classes moyennes, leur principal capital étant un capital "culturel" (je ne suis plus sûr de l’expression).]

      Les professeurs font partie toujours des classes moyennes, parce qu’ils détiennent un « capital immatériel » – qui n’est pas seulement culturel – qui leur permet de négocier en position de force et obtenir la quasi-totalité de la valeur qu’ils produisent. Mais cela n’exclue pas que le « capital immatériel », comme tout capital, aille là ou le retour sur investissement est le plus important. Contrairement aux philosophes, aux historiens, aux sociologues, les gens qui ont une formation scientifique ont d’autres débouchés que l’enseignement. Ils peuvent entreprendre des carrières dans l’industrie, dans la finance, dans l’informatique… or ces carrières offrent des conditions économiques bien meilleures que l’enseignement.

      Ma réponse serait différente s’il n’y avait pas un statut unique des enseignants, qui assure au professeur de sciences les mêmes conditions d’emploi qu’au professeur de philosophie. Si c’était le cas, on pourrait imaginer que les salaires s’ajustent à l’offre et la demande. Les salaires des professeurs de science monteraient, alors que celui des professeurs de philosophie baisseraient. Et on pourrait alors se demander si les professeurs de philosophie ont toujours un « pouvoir de négociation » qui leur assure de récupérer l’intégralité de la valeur produite…

      A cela s’ajoute un deuxième phénomène : on trouve de moins en moins de candidats à l’entrée des filières scientifiques. On peut en conclure que le rapport qualité/prix de la filière se dégrade, en d’autres termes, que les efforts nécessaires aux études scientifiques sont trop grands par rapport aux conditions économiques que les étudiants qui ont emprunté ces filières rencontrent à la sortie… il y a donc un déficit d’offre à l’entrée des concours d’enseignement.

  6. Cécile 63 dit :

    Bonjour Descartes, je passe régulièrement par ici et apprécie la qualité de votre argumentation et des commentaires. Qualité que je serais bien loin de pouvoir égaler, soit dit en passant… Mais en l’espèce, votre charge en règle contre le régime des intermittents ne me convainc pas. Je suis surprise de retrouver chez vous l’argument de "la subvention déguisée à la culture" qui est aussi celui du Medef. Je n’ai pas votre expérience ni votre culture historique et économique, mais il me semble que les enjeux de cette lutte tournent aussi autour de la légitimité des travailleurs à peser eux-mêmes sur leurs conditions de travail (voir le travail de la Coordination des Intermittents et Précaires en terme de réflexion sur l’emploi discontinu et de contre-propositions) Que pensez-vous notamment de cet extrait d’un papier d’Edwy Plenel qui, nonobstant sa tendance récurrente à être un peu trop … pompeux, me paraît en l’occurence pertinent? "Dans un moment où la discontinuité de l’emploi qui caractérise l’intermittence s’étend à bien d’autres secteurs de l’économie, au-delà des seuls mondes de l’art et de la culture, le patronat refuse que le statut spécifique des intermittents fasse école. Il veut bien, ô combien, de l’emploi discontinu, et de la souplesse qu’il lui offre pour ses propres marges, mais refuse que son extension s’accompagne de nouvelles protections sociales, et donc des charges qu’elles lui imputeraient au nom de la solidarité." Son texte s’intitule "Les intermittents luttent pour les biens communs". Faut-il discréditer cette lutte sous prétexte qu’elle est soutenue par les "fils de" ou faut-il au contraire profiter de cette (relative) popularité du mouvement pour parler "conception du travail, place de la culture, et définition de la démocratie", comme Plenel le suggère? Merci d’avance pour votre réponse.

    • Descartes dit :

      @ Cécile63

      [Mais en l’espèce, votre charge en règle contre le régime des intermittents ne me convainc pas. Je suis surprise de retrouver chez vous l’argument de "la subvention déguisée à la culture" qui est aussi celui du Medef.]

      La question n’est pas de savoir si c’est « l’argument du MEDEF », c’est si c’est vrai ou pas. Est-ce que ce régime est une « subvention déguisée à la culture » ? Je pense avoir montré que oui. Est-ce que vous le contestez ou pas ? Admettez vous que c’est le cas ?

      [Je n’ai pas votre expérience ni votre culture historique et économique, mais il me semble que les enjeux de cette lutte tournent aussi autour de la légitimité des travailleurs à peser eux-mêmes sur leurs conditions de travail (voir le travail de la Coordination des Intermittents et Précaires en terme de réflexion sur l’emploi discontinu et de contre-propositions)]

      Il faut savoir de quoi on parle. La revendication des intermittents est le maintien d’un régime d’indemnisation du chômage qui se traduit par une subvention massive du secteur du spectacle vivant par l’ensemble des cotisants à l’assurance chômage. Les travailleurs sont « légitimes » lorsqu’ils se battent pour arracher au patronat une partie de la valeur que celui prelève sur leur travail. Ils sont légitimes – même si c’est plus discutable – lorsqu’ils luttent pour préserver un service public dont ils ont la charge. Mais ils ne sont certainement pas légitimes lorsqu’il s’agit de « peser » pour faire subventionner leur revenu par d’autres secteurs de la société. D’ailleurs, pourquoi croyez-vous que le syndicat des entreprises culturelles, c’est-à-dire le patronat du secteur, soit indéfectible dans sa solidarité avec ces travailleurs qui essayent de « peser eux-mêmes sur leurs conditions de travail » ? Rien que cela devrait vous mettre la puce à l’oreille…

      Quant aux « contre-propositions » de la Coordination des intermittents et précaires, elle ne présente aucune information sur l’équilibre économique du régime. Or c’est là le principal problème.

      [Que pensez-vous notamment de cet extrait d’un papier d’Edwy Plenel qui, nonobstant sa tendance récurrente à être un peu trop … pompeux, me paraît en l’occurence pertinent? "Dans un moment où la discontinuité de l’emploi qui caractérise l’intermittence s’étend à bien d’autres secteurs de l’économie, au-delà des seuls mondes de l’art et de la culture, le patronat refuse que le statut spécifique des intermittents fasse école. Il veut bien, ô combien, de l’emploi discontinu, et de la souplesse qu’il lui offre pour ses propres marges, mais refuse que son extension s’accompagne de nouvelles protections sociales, et donc des charges qu’elles lui imputeraient au nom de la solidarité."]

      De la part du démagogue gauchiste qu’est Plenel, toujours sur la brèche pour défendre la cause des classes moyennes, cela ne m’étonne guère. Le régime des intermittents, c’est 1,3 Md€ couverts par l’ensemble des salariés. Si demain on « étendait à bien d’autres secteurs de l’économie » ce même régime, ce serait plusieurs dizaines de milliards qu’il faudrait. Il n’y a pas que le méchant « patronat » qui est contre ça. Les syndicats de salariés le seraient aussi, comme le serait n’importe quelle personne qui regarderait l’affaire d’un point de vue neutre. En plus, Plenel se trompe. Le patronat du secteur culturel adore le régime des intermittents, au point de soutenir ses salariés lorsque ceux-ci s’opposent à sa révision. Si demain on étendait le régime aux autres précaires, les patrons des secteurs touchés par la précarité seraient également ravi. Pourquoi ne le seraient-ils pas, alors que c’est un système qui prend en charge une partie de leurs charges salariales ?

      Plenel joue le jeu habituel des classes moyennes : déguiser leurs revendications sous le costume de l’intérêt général. Défendre les intermittents du spectacle, nous dit-il, ce serait défendre TOUS les intermittents, TOUS les précaires. Les intermittents jouent d’ailleurs le même jeu, invitant des syndicalistes cheminots à parler à leurs AG ou publiant des documents ou leur lutte est identifiée à celle d’autres catégories « ouvrières ».

      [Son texte s’intitule "Les intermittents luttent pour les biens communs". Faut-il discréditer cette lutte sous prétexte qu’elle est soutenue par les "fils de"]

      Non. Il faut la discréditer au prétexte qu’elle profite aux « fils de ». C’est là toute la différence.

      [ou faut-il au contraire profiter de cette (relative) popularité du mouvement pour parler "conception du travail, place de la culture, et définition de la démocratie", comme Plenel le suggère? Merci d’avance pour votre réponse.]

      On n’a pas besoin de ce mouvement pour pouvoir parler de la conception du travail, de la place de la culture, de la définition de la démocratie. Au contraire : en parler dans l’ombre d’un mouvement qui a un intérêt corporatif tout particulier à ce que la question de la culture soit tranchée d’une certaine manière me parait tout à fait contre-productif.

  7. Cécile 63 dit :

    Ah, et je viens de lire les réponses que vous faites à v2s sur la lutte des cheminots (avec lesquelles je suis en parfait accord). Mais du coup, le même genre de réponses ne pourrait-il pas vous être fait au sujet de celle des intermittents? Il est plus facile de parler de ce que l’on connaît bien: du coup, n’êtes-vous pas plus à même de comprendre les enjeux des combats du service public que ceux des intermittents et précaires? Ce n’est pas une accusation, c’est une vraie question (je travaille moi-même dans le service public).

    • Descartes dit :

      @ Cécile63

      [Ah, et je viens de lire les réponses que vous faites à v2s sur la lutte des cheminots (avec lesquelles je suis en parfait accord). Mais du coup, le même genre de réponses ne pourrait-il pas vous être fait au sujet de celle des intermittents?]

      Non. L’argumentation de v2s repose sur le fait que les cheminots seraient des « privilégiés » du fait de leurs conditions de travail, de rémunération et de retraite, et que leur lutte serait illégitime à ce titre. Mais dans le cas des intermittents, je ne m’occupe pas de savoir si les intermittents sont bien ou mal payés, si leurs conditions de travail sont bonnes ou mauvaises. Ce qui rend leur lutte illégitime à mon avis, c’est qu’ils cherchent à perpétuer un système qui fait que l’ensemble des salariés subventionnent leur revenu. Si le régime des intermittents étaient équilibrés, si on ajustait par exemple les prestations pour qu’elles correspondent exactement aux cotisations, je ne verrais pas de problème à ce que le régime soit maintenu en l’état. Mais cela conduirait à des allocations très faibles, où alors à des cotisations prohibitives.

      Mon point, c’est que si la société doit subventionner la culture, alors la subvention doit être explicite, et non déguisée.

      [Il est plus facile de parler de ce que l’on connaît bien: du coup, n’êtes-vous pas plus à même de comprendre les enjeux des combats du service public que ceux des intermittents et précaires?]

      Certainement. Mais ce n’est pas parce que je comprends « moins bien » l’enjeu des intermittents que je ne le comprends pas du tout… et si des intermittents veulent intervenir sur ce blog pour corriger les erreurs que j’ai pu faire, ils seront les bienvenus.

  8. v2s dit :

    Contrairement à vous, je ne crois pas que les intermittents « gagneront ». Le système va changer. Petit à petit, les français comprennent. Quand les français voient des émissions quotidiennes, trentenaires, qui n’ont donc rien d’intermittentes, comme « Les Guignols de l’info » (créée en 1988 !), voient ces émissions interrompues par la grève des intermittents, ils comprennent que la triche au niveau des producteurs comme des acteurs et des techniciens est devenue la règle. La télé fonctionne sur une immense tricherie. Les techniciens, même s’ils travaillent à l’année et depuis des années sur une émission, bénéficient, avec leurs employeurs, de ce système et les français sont mûrs pour faire stopper ça.
    Les cheminots non plus ne gagneront pas et c’est tant mieux !
    Le mot d’ordre des cheminots CGT communistes c’est : « du passé faisons table rase ! Mais ! … ne faisons pas table rase de tout le passé. Ne touchons ni à nos 200 jours de repos annuel, ni à nos repos compensateurs, ni à notre départ en retraite à 50 ans, ni à aucun de nos privilèges, acquis à coup de blocage de la mobilité et du transport des français ».
    Vive la révolution des Tartuffes !
    Ces gens là nous mettent un pistolet sur la tempe : « Nous voulons encore plus d’avantages, encore moins d’heure de travail ou sinon … nous bloquons tout ».
    Assez d’hypocrisie, n’appelons pas ça un combat social, n’allons pas donner à ce hold-up l’habillage d’un combat pour la justice. C’est simplement une minorité qui installe un racket en comptant sur la lâcheté du pouvoir.
    Dans les deux cas, le parlement doit légiférer, dans l’intérêt général, et mettre fin à ces pratiques mises en place à une époque ou la richesse du pays encourageait tous les laxismes.
    Une page se tourne, la France a pu jusqu’à aujourd’hui s’offrir le luxe des passe-droits, des exceptions, des cadeaux à tous.
    Avant c’était « fromage et dessert » pour tout le monde. Mais ça, c’était avant ! Nous entrons dans une ère ou ce sera désormais fromage OU dessert. Effectivement les arbitrages risquent d’être tendus.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Contrairement à vous, je ne crois pas que les intermittents « gagneront ».]

      Ils ont déjà en partie gagné. Le régime des intermittents sera le seul dispensé du « délai de carence », Valls leur a accordé 40 M€ de zakouskis… et vous verrez en fin de compte que la subvention cachée sera toujours là.

      [Le système va changer. Petit à petit, les français comprennent. Quand les français voient des émissions quotidiennes, trentenaires, qui n’ont donc rien d’intermittentes, comme « Les Guignols de l’info » (créée en 1988 !), voient ces émissions interrompues par la grève des intermittents, ils comprennent que la triche au niveau des producteurs comme des acteurs et des techniciens est devenue la règle. La télé fonctionne sur une immense tricherie. Les techniciens, même s’ils travaillent à l’année et depuis des années sur une émission, bénéficient, avec leurs employeurs, de ce système et les français sont mûrs pour faire stopper ça.]

      Mais de quels « français » parlez-vous ? Ces mêmes « français » qui voient l’un de leurs animateurs les plus populaires, Patrick Sébastien, accueillir sur son plateau la coordination des intermittents et qui s’adresse lui-même et sur les ondes nationales au président de la République pour qu’il intervienne en leur faveur ? Vous croyez vraiment que l’ultra populiste Sébastien prendrait le risque de mettre devant son audience son poids derrière une cause impopulaire ? Vous rêvez…

      Les classes moyennes, premières bénéficiaires du système, savent très bien comment occulter leurs revendications derrière le déguisement de l’intérêt général. Ils ont très efficacement présenté la querelle corporative des intermittents sous l’apparence d’une « bataille pour la culture ». Et les gens se laissent berner. Sinon, pourquoi croyez-vous que Valls, impérial sur la loi ferroviaire, se fait tout conciliant sur l’affaire des intermittents ?

      [Les cheminots non plus ne gagneront pas et c’est tant mieux !]

      Si vous le dites… le jour ou nos trains seront dans l’état des trains britanniques, ne vous plaignez pas. Vous l’aurez voulu.

      [Le mot d’ordre des cheminots CGT communistes c’est : « du passé faisons table rase !]

      Je ne crois pas. Ou avez-vous vu ce « mot d’ordre ». Je crains que vous ne confondiez les paroles d’une chanson avec un programme politique.

      [Ne touchons ni à nos 200 jours de repos annuel, ni à nos repos compensateurs, ni à notre départ en retraite à 50 ans, ni à aucun de nos privilèges, acquis à coup de blocage de la mobilité et du transport des français ».]

      Sûr que le jour ou l’on touchera à vos jours de repos annuel, à vos repos compensateurs, a votre age de départ en retraite, ou a vos privilèges, conquis eux aussi en bloquant sinon la mobilité et le transport, une autre activité économique, vous garderez la plus grande équanimité… Ah, mais j’oubliais, contrairement aux méprisables cheminots, vous, vous les avez mérité, vos privilèges…

      [Assez d’hypocrisie, n’appelons pas ça un combat social, n’allons pas donner à ce hold-up l’habillage d’un combat pour la justice. C’est simplement une minorité qui installe un racket en comptant sur la lâcheté du pouvoir.]

      Et comme on peut dire la même chose de toute grève, on tire la conclusion évidente : il faut en finir avec le droit de grève. Vous y arrivez d’ailleurs assez vite :

      [Dans les deux cas, le parlement doit légiférer, dans l’intérêt général, et mettre fin à ces pratiques mises en place à une époque ou la richesse du pays encourageait tous les laxismes.
      Une page se tourne, la France a pu jusqu’à aujourd’hui s’offrir le luxe des passe-droits, des exceptions, des cadeaux à tous.]

      Vous voulez dire que maintenant il faut réserver les cadeaux à certains ? Curieusement, on vous trouve plein de feu pour demander au parlement de légiférer pour en finir avec le droit de grève, mais je ne trouve rien dans votre programme pour en finir avec les « cadeaux » ou les « passe-droit » du capital. Une coïncidence, certainement.

      [Avant c’était « fromage et dessert » pour tout le monde. Mais ça, c’était avant ! Nous entrons dans une ère ou ce sera désormais fromage OU dessert.]

      Je pense plutôt que nous entrons – ou plutôt, on veut nous faire rentrer – dans une ère ou ce sera « fromage ET dessert » avec du champagne en prime pour le capital, et « NI fromage NI dessert » pour le travail. Et votre conseil aux travailleurs est de se résigner au nom des « réalités économiques » et de dire merci. Je ne suis pas persuadé que vous ayez beaucoup de succès.

      Entre parenthèses, je ne suis pas sur d’avoir compris votre point de vue. Pensez-vous, oui ou non, qu’il faudrait en finir avec le régime spécial des intermittents et les soumettre au régime général ?

    • v2s dit :

      [ce qui fonde la légitimité de la revendication ouvrière … c’est l’exploitation. C’est le fait que le travailleur est dépossédé d’une partie de la valeur qu’il produit, et que cette partie est empochée par quelqu’un qui ne travaille – et donc ne produit – rien.]
      Ah bon ?
      Mais alors, où se situe la limite à partir de laquelle les cheminots cesseront d’être « exploités » selon les critères Marxistes ?
      Pour que les cheminots cessent d’être dépossédés d’une partie de la valeur qu’ils produisent, diriez-vous qu’ils cesseront d’etre exploités quand ils auront obtenu la retraite à 45 ans ? à 40 ans ? ou bien quand ils auront obtenu de nouveaux repos compensateurs qui réduiront encore leur nombre de jours de travail effectifs annuels d’une dizaine de jours ?
      Parce qu’on nous l’a déjà fait le coup du « on se bat pour vous, on se bat pour la qualité et la sécurité, la sauvegarde du service public ». En réalité, les cheminots n’ont pas hésité à entraver notre pays pendant 10 jours pour une raison simple dont on a peu entendu parler : ils s’opposent à toute renégociation de la directive RH 007, qui régit leurs conditions de travail et qui leur est particulièrement favorable. Taper « SUD rail RH 007 » sur Google, vous verrez de quoi il s’agit.
      Votre allusion sur l’état des trains britanniques me surprend, vous dites :
      [le jour ou nos trains seront dans l’état des trains britanniques, ne vous plaignez pas]
      Depuis quand ne prenez vous plus le train en Grande Bretagne ? Parce que personnellement j’ai, ces dernières années, voyagé régulièrement sur les trains intercités et je ne les ai trouvé ni moches, ni sales, ni vieux. Ils arrivent à l’heure, ils sont équipés de systèmes de communication par écran texte pour informer les passagers, on peut acheter son billet dématérialisé sur son Smartphone. Bref, il ne suffit pas de faire des sous entendus sur [l’état des trains britanniques] pour considérer qu’on a avancé un argument.

      Parlant des intermittents, vous dites :
      [Mais ils ne sont certainement pas légitimes lorsqu’il s’agit de « peser » pour faire subventionner leur revenu par d’autres secteurs de la société]
      Vous avez mille fois raison ! et je vous approuve sans réserve !
      Mais les cheminots ne font rien d’autres, ils pèsent pour faire subventionner par la collectivité leur statut qui leur est bien plus favorable que le statut des salariés de droit commun.
      Le principe d’égalité voudrait que les cheminots soient des citoyens comme les autres, soumis au même droit français du travail.
      Les régimes spéciaux, les statuts spéciaux sont, par définition, inégalitaires.
      C’est pour cela qu’il faut les supprimer et appliquer le même droit du travail à tous les salariés, qu’ils soient cheminots, agents EDF ou employés dans des entreprises de divertissement ou de spectacle.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Mais alors, où se situe la limite à partir de laquelle les cheminots cesseront d’être « exploités » selon les critères Marxistes ?]

      Vous me surprenez. Après avoir balayé ma remarque sur la pertinence d’un retour à l’analyse proposée par Marx d’un revers de manche sous prétexte que le philosophe barbu n’intéresse plus personne, vous me posez une telle question ? Les « critères marxistes » auraient-ils encore une quelconque pertinence ?

      Si la SNCF était une entreprise privée, on pourrait répondre à votre question très simplement, et la réponse serait « jamais ». En effet, quel motif pourrait avoir un patron privé pour continuer à employer des cheminots alors que ceux-ci ne lui rapportent rien ? Dans une entreprise privée on est sûr que le prolétaire produit de la plusvalie tout simplement parce que c’est la condition à laquelle il est employé. Du jour où il n’en produit plus, c’est de l’intérêt du patron de le virer.

      Mais dans un service public la question est plus complexe, parce que l’entreprise existe moins pour produire directement des bénéfices que pour offrir à la société un service qui peut être directement déficitaire mais qui produit des profits indirects. Ainsi, la SNCF peut donner des pertes mais permettre aux entreprises dont le personnel est transporté par le train de faire des bénéfices. Si le patron devait organiser lui-même le transport de ses salariés, il y perdrait. La valeur créée est donc plus difficile à estimer. Je vous propose donc une autre méthode pour répondre à votre question. Lorsque la SNCF ouvre des postes, elle recueille des candidatures en nombre équivalent à celui de n’importe quelle entreprise privée de taille équivalente. On en déduit que le rapport entre le travail fourni et la rémunération – salaire, avantages, sécurité de l’emploi, retraite anticipée compris – n’est pas très différent de celui d’Airbus ou d’IBM.

      [Pour que les cheminots cessent d’être dépossédés d’une partie de la valeur qu’ils produisent, diriez-vous qu’ils cesseront d’etre exploités quand ils auront obtenu la retraite à 45 ans ? à 40 ans ? ou bien quand ils auront obtenu de nouveaux repos compensateurs qui réduiront encore leur nombre de jours de travail effectifs annuels d’une dizaine de jours ?]

      Je ne sais pas. La valeur peut leur être rendue sous forme de salaire, sous forme de repos, sous forme de retraite anticipée… j’aurais tendance à dire qu’on n’a qu’à ajuster ces paramètres et voir ce qui arrive. Le jour où pour chaque poste ouvert par la SNCF il y aura 1000 candidatures alors que pour un poste équivalent ouvert par IBM, par Renault ou par Airbus il n’y aura que 100, on pourra se poser des questions. Pour le moment, ce n’est pas le cas.

      [Parce qu’on nous l’a déjà fait le coup du « on se bat pour vous, on se bat pour la qualité et la sécurité, la sauvegarde du service public ».]

      Normal. Marx l’avait déjà dit : « toute classe tend à présenter son intérêt particulier comme étant l’intérêt général ». Vous voyez, il y a encore beaucoup à apprendre du vieux Karl… Cela étant dit, si je fais ce raisonnement à propos des cheminots, je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas le faire à propos de votre propre discours. Admettez-vous que lorsque vous fustigez la grève des cheminots, vous ne faites que vous battre pour vos propres intérêts ? Ou faut-il croire que tout le monde défend son beefsteak sauf vous ? Je sais que vous êtes un être exceptionnel, mais tout de même…

      [En réalité, les cheminots n’ont pas hésité à entraver notre pays pendant 10 jours pour une raison simple dont on a peu entendu parler : ils s’opposent à toute renégociation de la directive RH 007, qui régit leurs conditions de travail et qui leur est particulièrement favorable. Taper « SUD rail RH 007 » sur Google, vous verrez de quoi il s’agit.]

      Je l’ai fait et je n’ai rien vu. Tout juste un ramassis de sites plus ou moins gauchistes et plus ou moins réacs ou d’ailleurs la directive apparaît la moitié du temps comme « RH 007 » et l’autre moitié comme « RH 0077 », ce qui montre le sérieux de la discussion…

      Mais l’essentiel n’est pas là. Admettons que les cheminots se battent d’abord pour le maintien d’un régime qui leur est particulièrement favorable. Et alors ? C’est après tout le fondement même du syndicalisme. Après tout, c’est la loi de la République qui dit que les syndicats sont des associations dont le but est « la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres ». Le législateur a même entendu interdire la « grève politique », et tout mouvement dont le but déclaré n’est pas la défense des « intérêts matériels et moraux » est considéré illégal.

      [Votre allusion sur l’état des trains britanniques me surprend, vous dites : « le jour ou nos trains seront dans l’état des trains britanniques, ne vous plaignez pas ». Depuis quand ne prenez vous plus le train en Grande Bretagne ?

      Une semaine, pour être précis.

      [Parce que personnellement j’ai, ces dernières années, voyagé régulièrement sur les trains intercités et je ne les ai trouvé ni moches, ni sales, ni vieux. Ils arrivent à l’heure, ils sont équipés de systèmes de communication par écran texte pour informer les passagers, on peut acheter son billet dématérialisé sur son Smartphone. Bref, il ne suffit pas de faire des sous entendus (…)]

      Puisque vous n’aimez pas les sous-entendus, illustrons la question. Prenons le train que j’ai pris la semaine dernière, Manchester-Sunderland. Le ticket coûte 62 livres (soit 77 euro) pour un trajet de 220 km, que le train fait théoriquement en 2h30 heures. Soit une vitesse moyenne de 85 km/h et un prix de 0,35 € du km. Prenons un exemple équivalent en France, disons un Strasbourg-Mulhouse. Pour 120 km, vous mettez 53 minutes en TER (44 en TGV) et vous payez 18 €. Soit une vitesse moyenne de 110 km/h et un prix de 0,15 € du km. 30% de mieux en vitesse et moitié moins en coût. Et on peut aussi acheter son billet dématérialisé sur son smartphone.

      J’ajoute que les trains britanniques étaient bien pires il en termes de fiabilité, de ponctualité et de vitesse – et ne parlons même pas de la sécurité… – lorsque les infrastructures étaient gérées par le secteur privé. Il a fallu la renationalisation de Railtrack pour que les choses s’améliorent un peu…

      Et j’ai la décence de ne pas inclure dans la comparaison les lignes TGV… Oh allez, faisons nous plaisir. Un London-Edinburgh fait 152 livres (190 €) pour 650 km et prend 4h30. Un Paris-Marseille (ligne tout à fait équivalente en termes de fréquentation et d’importance) fait 120 € pour 750 km que l’on fait en 3h20…

      Rien à faire donc. Si vous voulez démontrer qu’en rognant les bénéfices du statut du cheminot et en confiant le service aux entreprises privées on obtient des trains plus rapides et moins chers, mieux vaut éviter de regarder l’exemple britannique…

      [Mais les cheminots ne font rien d’autres, ils pèsent pour faire subventionner par la collectivité leur statut qui leur est bien plus favorable que le statut des salariés de droit commun.]

      Non. La rémunération des cheminots ne vient pas d’une « subvention », mais de billets que la SNCF vend à ses usagers. Et s’il est vrai que la SNCF reçoit des subventions publiques, c’est parce que la collectivité nationale a décidé de ne pas faire supporter aux usagers l’intégralité du coût du transport. Les cheminots sont rémunérés par leur salaire, pas par une allocation.

      Il est vrai que le statut du cheminot est « bien plus favorable » – du moins en apparence, il faudrait que vous vous demandiez pourquoi les candidats à l’embauche ne sont pas plus nombreux à la SNCF qu’à Airbus, par exemple – que le statut des salariés de droit commun. De la même manière que le statut des salariés de droit commun est incomparablement plus avantageux que celui des travailleurs du textile du Bangladesh. Doit on conclure que toute revendication des salariés français est illégitime ?

      [Le principe d’égalité voudrait que les cheminots soient des citoyens comme les autres, soumis au même droit français du travail.]

      Pourquoi au « même droit français » ? C’est drôle, vous qui me parlez en permanence de la mondialisation, vous rétablissez les frontières nationales quand cela vous arrange. Pourquoi serait-il « juste » que les salariés français soient mieux traités que les Bangladeshis, et « injuste » que les cheminots soient mieux traités que les autres français ?

      [Les régimes spéciaux, les statuts spéciaux sont, par définition, inégalitaires.]

      Tout régime, spécial ou pas, est « inégalitaire » au sens qu’il établit une différence entre ceux qui y sont et ceux qui y sont pas. Si le statut du cheminot établit une « inégalité » entre les cheminots et les autres, le Code du Travail établit une « inégalité » entre les français qui y sont soumis et les bangladeshis qui n’y sont pas. J’aimerais bien que vous m’expliquiez pourquoi la deuxième inégalité vous parait tolérable, et pas la première.

      [C’est pour cela qu’il faut les supprimer et appliquer le même droit du travail à tous les salariés, qu’ils soient cheminots, agents EDF ou employés dans des entreprises de divertissement ou de spectacle.]

      Vous voulez dire qu’il faut étendre le statut des intermittents du spectacle (ou celui du cheminot, ou celui d’EDF) à l’ensemble des travailleurs ? C’est une idée, ça…

  9. BolchoKek dit :

    >Les cheminots sont des infâmes privilégies défendant les intérêts catégoriels, les intermittents sont des pauvres victimes de la précarité qu’il est essentiel de protéger au nom de la « culture ». Surprenant, n’est ce pas ?<
    Quand je lis la presse de gauche, je suis effaré par à quel point tout ce qui tient de la culture marxiste a été gommée de son langage : on ne parle plus du peuple au sens de travailleurs, mais au sens de "gens" supposés normaux et communs, qui ont la drôle d’habitude, lorsque l’on prend un échantillon représentatif, de ne pas être employé de MacDo ou cheminot, mais prof de musique ou cadre dans le tertiaire. La lutte des classes est non seulement absente de la représentation de la société par les médias "de gauche", elle est même indirectement moquée…

    >Il serait donc parfaitement rationnel de réformer le régime des intermittents pour supprimer la subvention cachée.<
    C’est la position que j’aimerais que le PCF défende, plutôt qu’il appelle à "la convergence des luttes". On se retrouve à défendre des gens qui vivent sur le dos des autres. Comment peut-il y avoir "convergence" dans ces conditions ? C’est le genre de prise de position qui ressemble plus à un acte de présence qu’à un véritable projet. Dans le doute, on promet tout à tout le monde. Je ne vois pas pourquoi on se fatigue encore à faire des programmes : il suffirait de répéter en boucle "pour tout ce qui est bon, contre tout ce qui est mauvais" et le PCF ferait acte d’écosocialisme en économisant du papier…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [qui ont la drôle d’habitude, lorsque l’on prend un échantillon représentatif, de ne pas être employé de MacDo ou cheminot, mais prof de musique ou cadre dans le tertiaire]

      C’est « l’échantillon Télérama »…

      [C’est la position que j’aimerais que le PCF défende, plutôt qu’il appelle à "la convergence des luttes". On se retrouve à défendre des gens qui vivent sur le dos des autres. Comment peut-il y avoir "convergence" dans ces conditions ?]

      C’est bien le problème. La « convergence des luttes » est depuis les années 1960 la bannière des organisations gauchistes enracinées dans les classes moyennes. Il s’agit en fait d’une tentative de récupération : faire défiler la classe ouvrière derrière les revendications des classes moyennes. Ainsi les classes moyennes peuvent confisquer la parole ouvrière en se faisant les porte-paroles exclusifs de la « convergence ». Quand Cohn-Bendit évoque avec gourmandise el fait d’avoir fait défiler la CGT derrière le drapeau noir des « libéraux-libertaires », il illustre parfaitement ce tropisme.

      [C’est le genre de prise de position qui ressemble plus à un acte de présence qu’à un véritable projet. Dans le doute, on promet tout à tout le monde. Je ne vois pas pourquoi on se fatigue encore à faire des programmes : il suffirait de répéter en boucle "pour tout ce qui est bon, contre tout ce qui est mauvais" et le PCF ferait acte d’écosocialisme en économisant du papier…]

      En effet…

    • v2s dit :

      [Entre parenthèses, je ne suis pas sur d’avoir compris votre point de vue. Pensez-vous, oui ou non, qu’il faudrait en finir avec le régime spécial des intermittents et les soumettre au régime général ?]
      Il me semblait pourtant avoir été clair quand j’écrivais en guise d’approbation de votre papier :
      [… la majeur partie de votre texte est une critique en règle du système des intermittents du spectacle.
      Tout est dit et bien dit : le faux système d’assurance, la subvention déguisée et imposée, la fraude banalisée, la confusion entretenue entre culture et distraction … tout.]
      Je trouve insupportable que la télé, Canal +, mais aussi Sébastien, Drucker tous les producteurs, sans exception, placent systématiquement leur salariés, artistes ET techniciens, dans la catégorie « intermittents du spectacle ».
      Il faut en finir avec ce régime spécial comme avec tous les régimes spéciaux. Le droit du travail existe et contrairement à ce que vous affirmez je ne suis pas pour sa suppression. Il existe par exemple un statut d’intérimaire, il doit s’appliquer dans les spectacles comme ailleurs.
      J’ajoute que le droit du travail régit aussi les droits des intérimaires. Et là aussi les abus patronaux ne sont pas combattus comme il se doit. Des entreprises gardent en Intérim des salariés pendant plusieurs années, en toute impunité et en infraction avec le code du travail.
      Ces infractions sont rendues possible grâce à la complicité active des boîtes d’Intérim, qui acceptent les motifs bidons de recours à l’Intérim, ET avec la complicité passive des représentants du personnel dans les entreprises qui se taisent et se disent « après tout on est élu par les « vrais » salariés, que les CDD et les Intérimaires se dém…ent ! ».
      Il faut en finir aussi avec tous les privilèges, tous les passes droits, même avec ceux des classes moyennes (comme vous dites). De ce point de vue, le passage à 180 jours de délai de carence à pole emploi pour les indemnités extra légales, égales ou supérieurs à 16200€, est une mesure très courageuse. Au passage je vous fais remarquer qu’elle touche de front vos fameuses classes moyennes : les cadres moyens et supérieurs qui avaient pris l’habitude de s’inscrire à pole emploi le lendemain de leur départ négocié, en touchant de pole emploi des indemnités substantielles, proportionnelles à leur dernier salaire.
      Pour eux, comme pour tout le monde, c’est la fin de l’année sabbatique aux frais de pôle emploi. Bravo !
      Pour le reste votre argumentation sur les acquis sociaux des cheminots, votre refus de voir la différence évidente qu’il y a entre le travail des enfants, 12 heures par jour, 6 jours par semaine, sans congés, avec les 160 (voire 130 !) jours de travail annuels des cheminots du transport de marchandise, je pense qu’à ce stade mieux vaut ne pas argumenter. C’est de la pure dialectique, un jeu.
      Vous dites : [Non. Il faut revenir à Marx]
      Et bien revenez à Marx si ça vous chante, apparemment, en France, ceux qui « reviennent » à Marx ne sont plus très nombreux.
      Au lieu de « revenir » à Marx, je préfère militer pour l’adaptation de mon pays aux bouleversements en cours, sans lutte des classes, mais dans la justice.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Il faut en finir avec ce régime spécial comme avec tous les régimes spéciaux.]

      Ca y est, ça vous reprend… Il y a des bonnes raisons de maintenir certains régimes spéciaux – et même, pourquoi pas, d’en créer de nouveaux. La première est évidente : certaines professions ont des spécificités qui nécessitent une adaptation des règles de sécurité sociale et de chômage. Je m’étonne que vous, qui prônez par ailleurs une adaptation à la « réalité économique », puissiez penser qu’un même régime pourrait – avec « justice » – prendre en compte tous les cas possibles.

      La deuxième raison, c’est qu’un régime de retraite ou de sécurité sociale est un pacte de long terme. Dans certains cas, les agents qui adhèrent à ces régimes acceptent des conditions moins favorables en début de carrière pour jouir de certains avantages en fin de carrière. Si vous supprimez le régime en cours de route, vous commettez donc une injustice. Est-il juste par exemple que l’agent EDF, qui a accepté pendant toute sa carrière un salaire inférieur à celui du privé pour les mêmes responsabilités avec en échange la possibilité de prendre sa retraite plus tôt, soit privé de cette possibilité en fin de carrière ?

      [Le droit du travail existe et contrairement à ce que vous affirmez je ne suis pas pour sa suppression.]

      Je ne comprends pas pourquoi vous persistez à vouloir maintenir ce « privilège » des travailleurs français alors que les bangladeshis sont obligés de faire sans. Vous me répétez que nous sommes maintenant dans une économie mondialisée. Je ne vois donc pas pourquoi vous persistez à fustiger les privilèges que le cheminot français aurait par rapport à la caissière française, et vous vous refusez à fustiger les privilèges de la caissière française par rapport au manœuvre bangladeshi. Après tout, nous sommes tous dans la même économie, n’est ce pas ?

      C’est là le point faible de votre raisonnement. Vous tenez à l’uniformisation des droits et devoirs des différents travailleurs au nom de la « justice ». Soit. Mais « uniformisation » à quel niveau ? Pourquoi serait-il « juste » de mettre le cheminot au niveau de la caissière, et « injuste » de les mettre tous les deux au niveau du manœuvre bangladeshi ?

      [J’ajoute que le droit du travail régit aussi les droits des intérimaires. Et là aussi les abus patronaux ne sont pas combattus comme il se doit. Des entreprises gardent en Intérim des salariés pendant plusieurs années, en toute impunité et en infraction avec le code du travail.
      Ces infractions sont rendues possible grâce à la complicité active des boîtes d’Intérim, qui acceptent les motifs bidons de recours à l’Intérim, ET avec la complicité passive des représentants du personnel dans les entreprises qui se taisent et se disent « après tout on est élu par les « vrais » salariés, que les CDD et les Intérimaires se dém…ent ! ».]

      Vous dites n’importe quoi. Si les représentants du personnel – et les principaux intéressés, les intérimaires – sont, comme vous dites, « complices », c’est tout simplement parce que dénoncer ces agissements aurait pour effet de faire virer les intérimaires en question. C’est d’ailleurs pour cette même raison que les inspecteurs du travail ferment les yeux. Je suis surpris que vous, qui invoquez en permanence la « réalité économique », refusiez de la voir lorsqu’elle est à l’œuvre. La réalité est simple : la main d’œuvre « statutaire » n’est pas assez rentable dans certaines fonctions. Pour ces fonctions, ou bien c’est des « faux » intérimaires, ou bien c’est personne. C’est ça, la « réalité ». Et le choix des représentants du personnel est simple : soit ils ferment les yeux pour que les « faux intérimaires » gardent leur boulot, et ils encourent la colère des gens comme vous qui les accusent d’égoïsme catégoriel, soit ils font du bruit, les « faux intérimaires » sont virés, et ils se verront accuser – souvent par les mêmes – de ne pas avoir pris en compte les réalités économiques. Et croyez moi, je parle d’expérience.

      [Il faut en finir aussi avec tous les privilèges, tous les passes droits, même avec ceux des classes moyennes (comme vous dites).]

      Quelle bonne idée. J’imagine donc que vous proposez d’abolir l’héritage ?

      [De ce point de vue, le passage à 180 jours de délai de carence à pole emploi pour les indemnités extra légales, égales ou supérieurs à 16200€, est une mesure très courageuse.]

      Faudrait savoir. D’un côté, vous voulez abolir « privilèges et passe droits », de l’autre vous approuvez une mesure qui créé un « passe droit » pour ceux les indemnités inférieures à 16200 €. Soyez cohérent : si d’abolir les « passe droit » il s’agit, faudrait exiger le délai de carence pour TOUS.

      [Au passage je vous fais remarquer qu’elle touche de front vos fameuses classes moyennes : les cadres moyens et supérieurs qui avaient pris l’habitude de s’inscrire à pole emploi le lendemain de leur départ négocié, en touchant de pole emploi des indemnités substantielles, proportionnelles à leur dernier salaire.]

      Certainement. Mais elle touche beaucoup plus encore les couches populaires, qui sont beaucoup plus souvent au chômage. Je ne suis pas contre l’idée de lutter contre les abus – nombreux, malheureusement – qui grèvent notre système d’assurance chômage. Mais je ne suis pas sûr que la carence soit le meilleur moyen de s’y attaquer. Et encore moins que ce soit la mesure la plus juste. Il aurait été bien plus intéressant par exemple de déplafonner les cotisations chômage – ou de plafonner plus fortement les indemnités – mais là, vous touchez vraiment aux privilèges des classes moyennes.

      [Pour le reste votre argumentation sur les acquis sociaux des cheminots, votre refus de voir la différence évidente qu’il y a entre le travail des enfants, 12 heures par jour, 6 jours par semaine, sans congés, avec les 160 (voire 130 !) jours de travail annuels des cheminots du transport de marchandise, je pense qu’à ce stade mieux vaut ne pas argumenter.]

      La tirade « vous refusez de voir l’évidence » est en général le dernier réfuge de celui qui n’a plus d’arguments. Et dans ce cas, « mieux vaut ne pas argumenter ». Il n’y a aucune « évidence » là dedans. Si je décide que les cheminots sont privilégiés parce qu’ils ne travaillent que 160 jours par an au lieu des 220 jours travaillés par la caissière du supermarché, je ne vois pas pourquoi je ne ferai pas la même comparaison entre les 220 jours de la caissière et les 340 jours travaillés par le manœuvre bangladeshi. Il vous faudra vous résigner : il n’y a pas de loi immanente qui dit que 220 jours est « juste » et que 160 jours (ou 130, ou 50, ou 300) c’est « injuste ». Il n’y a pas non plus de loi « naturelle » qui interdise le travail des enfants. La fixation du temps de travail, comme celle de l’age auquel on commence et celui auquel on prend sa retraite, est un compromis social qui dépend de la productivité, de ce que la société accepte ou non de consommer, et de la répartition entre ceux qui travaillent et ceux qui prélèvent sur le travail des autres. Une société à la productivité forte pourrait décider de consommer et de travailler peu, ou au contraire de beaucoup consommer et de travailler beaucoup. Elle peut aussi travailler beaucoup, consommer peu et très bien rémunérer le capital, comme cela arrive au Bangladesh.

      [Vous dites : « Non. Il faut revenir à Marx ». Et bien revenez à Marx si ça vous chante,]

      J’ignorais que j’avais besoin de votre permission. Mais merci quand même.

      [apparemment, en France, ceux qui « reviennent » à Marx ne sont plus très nombreux.]

      Et vous en tirez quelle conclusion ?

      [Au lieu de « revenir » à Marx, je préfère militer pour l’adaptation de mon pays aux bouleversements en cours, sans lutte des classes, mais dans la justice.]

      Comme toujours, le discours de la résignation à l’inévitable. Nous n’avons aucune possibilité de peser sur l’évolution du monde, il ne nous reste plus qu’à nous « adapter »…

  10. CVT dit :

    @Descartes,
    gros hors-sujet: vous avez entendu la dernière de François Hollande, alias Normal Ier? Il aurait parlé de faire reporter le défilé du 14 Juillet en cas de qualification en finale des Bleus en Coupe du Monde, puisqu’il tenait à assister cette rencontre au Brésil!
    Ce type (je n’ose plus parler de président de la République…) est à vomir! Un défilé se prépare largement à l’avance, et pour convenance personnelle, parce que ce "personnage" est incapable d’établir des priorités, il faudrait que l’armée de la Nation s’adapte?
    Le 14 juillet révèle bien des caractères: il y a trois ans, j’ai fusillé Eva Joly et les écologistes pour leur volonté de supprimer ce défilé, et le transformer en fête nationale norvégienne. D’ailleurs, je me souviens de votre papier à l’époque…
    Là, on ne parle plus d’une candidate écolo-bobo, mais du chef de l’Etat et des armées: comme Hollande peut-il être aussi léger? Le simple fait d’évoquer ce report est en soi un scandale! Vraiment, nous sommes mal barrés, et sur ce point, je vais finir par regretter Nicolas Sarkozy, qui pourtant détestait profondément l’armée…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [gros hors-sujet: vous avez entendu la dernière de François Hollande, alias Normal Ier? Il aurait parlé de faire reporter le défilé du 14 Juillet en cas de qualification en finale des Bleus en Coupe du Monde, puisqu’il tenait à assister cette rencontre au Brésil!]

      Faut pas croire tout ce que dit Le Figaro…
      Pour le moment, rien n’a été annoncé. Le problème est en fait très simple : si la France allait en finale – c’est tout de même un gros « si » – l’équipe jouerait le 13 juillet au soir. Si le président voulait y assister, il lui serait impossible d’être de retour à Paris à temps pour le défilé du 14 juillet. Il faudra donc choisir : soit la finale, soit le défilé, soit déplacer ce dernier. Il n’est pas anormal que dans les débats de son cabinet toutes les possibilités soient évoquées. Je n’imagine pas un instant par contre que la solution retenue soit de déplacer le défilé. Tout au plus il pourrait être retardé de quelques heures, avoir lieu l’après midi plutôt que le matin, ce qui somme toute n’a rien de deshonorant.

      [Un défilé se prépare largement à l’avance, et pour convenance personnelle, parce que ce "personnage" est incapable d’établir des priorités, il faudrait que l’armée de la Nation s’adapte?]

      C’est ce que les armées savent faire de mieux, non ? Je ne suis pas aussi extrémiste que vous. Si Hollande assiste à la finale de la coupe du monde, ce n’est pas par « convenance personnelle ». Je ne suis pas un fan de football, mais c’est une passion pour beaucoup de nos concitoyens, et le fait que le président assiste à la finale en sa qualité officielle ne me paraît pas disproportionné. Si pour cela il faut retarder le défilé de quelques heures, ce n’est pas absurde de le faire. Je trouverais par contre détestable si le défilé devait se faire en l’absence du président, ou s’il devait être reporté au lendemain. Dans ce cas il se poserait effectivement une question de « priorités ». Il ne serait pas aberrant par contre que le président soit représenté au Brésil par le Premier ministre. Cela montrerait effectivement où sont les priorités.

      [Vraiment, nous sommes mal barrés, et sur ce point, je vais finir par regretter Nicolas Sarkozy, qui pourtant détestait profondément l’armée…]

      J’ignorais que notre ancien président « détestait l’armée ». Qu’est ce qui vous fait dire ça ?

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Je trouverais par contre détestable si le défilé devait se faire en l’absence du président, ou s’il devait être reporté au lendemain. Dans ce cas il se poserait effectivement une question de « priorités ». Il ne serait pas aberrant par contre que le président soit représenté au Brésil par le Premier ministre. Cela montrerait effectivement où sont les priorités.]

      C’est tout mon propos… Si on parle de décaler d’une demi-journée, pourquoi pas? Pour le reste, il est du devoir du Président d’assister au défilé du 14 Juillet, et ne pas le faire sans motif valable est une insulte à notre armée.

      [J’ignorais que notre ancien président « détestait l’armée ». Qu’est ce qui vous fait dire ça ?]
      Plusieurs faits qui se sont accumulés au cours de son quinquennat. D’abord, N.Sarkozy s’est souvent répandu sur le traumatisme qu’il a subi durant son service militaire. Ensuite, durant son mandat présidentiel, le choix de la police plutôt que de la gendarmerie (GIGN) pour sa protection personnelle. Enfin, l’incident de Carcassonne en 2008 a montré à quel point Sarkozy méprise les hauts gradés de l’armée:
      http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/07/02/les-armees-s-estiment-maltraitees-par-sarkozy_1065380_3224.html

      Il faut être juste, Hollande ne tient pas non l’armée en haute estime: les réductions budgétaires en témoignent…
      Maintenant, je pense que l’antimilitarisme est la chose la mieux partagée par nos élites, sauf quand il s’agit de faire des croisades à l’étranger pour assouvir l’atlantisme passionnel de nos dirigeants.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [C’est tout mon propos… Si on parle de décaler d’une demi-journée, pourquoi pas? Pour le reste, il est du devoir du Président d’assister au défilé du 14 Juillet, et ne pas le faire sans motif valable est une insulte à notre armée.]

      Et pas qu’elle. Le défilé du 14 juillet, ce n’est pas seulement l’affaire de l’institution qu’est l’armée. Défilent aussi les grandes écoles – et pas que les écoles militaires, l’exemple de l’école nationale de Police me vient en tête – les unités de la sécurité civile, les pompiers de Paris. Il est vrai qu’avec la fin de la conscription le défilé a perdu une partie de son sens, mais il est symboliquement une manifestation du peuple en armes. Ne pas y assister, serait plus qu’une insulte à notre armée, une insulte à notre histoire. Il est vrai que l’histoire n’intéresse guère la gauche aujourd’hui, mais nos politiques feraient une grave erreur s’ils croyaient qu’elle n’intéresse pas le peuple. Eva Joly l’a bien compris : elle n’a plus jamais reparlé de son idée de transformer le défilé du 14 juillet en kermesse paroissiale.

      [« J’ignorais que notre ancien président « détestait l’armée ». Qu’est ce qui vous fait dire ça ? ». Plusieurs faits qui se sont accumulés au cours de son quinquennat. D’abord, N.Sarkozy s’est souvent répandu sur le traumatisme qu’il a subi durant son service militaire. Ensuite, durant son mandat présidentiel, le choix de la police plutôt que de la gendarmerie (GIGN) pour sa protection personnelle. Enfin, l’incident de Carcassonne en 2008 a montré à quel point Sarkozy méprise les hauts gradés de l’armée:]

      Le mépris pour les hauts gradés de l’armée est une constante de tout bon politique républicain. C’était déjà le cas avec Clemenceau (« la guerre est quelque chose de trop sérieux pour être laissée aux militaires », avec De Gaulle (« l’armée ne s’engage que pour des conneries », « alors, Massu, toujours aussi con ? », ou « il était une fois un colonel si bête, mais alors si bête, que ses collègues s’en étaient aperçus »). Maltraiter les militaires est une nécessité si l’on veut garder la primauté symbolique au pouvoir civil. Mais il y a manière et manière de maltraiter, et Clemenceau ou De Gaulle restent admirés par les militaires malgré leurs saillies. Je me demande comment est perçu Sarkozy aujourd’hui par la gent militaire…

      Quant au choix de la police plutôt que du GIGN, je ne lis pas là dedans une insulte aux armées, mais plutôt le désir d’honorer et de travailler avec des gens que le président avait connu et fréquenté lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur.

      [Il faut être juste, Hollande ne tient pas non l’armée en haute estime: les réductions budgétaires en témoignent…]

      Personne aujourd’hui ne tient l’armée en haute estime, et les réductions actuelles ne sont que la continuité d’une réforme bâclée commencée du temps de Chirac. En fait, les politiques ne savent pas trop quoi faire de l’armée depuis qu’on a abandonné toute réflexion stratégique en termes de puissance. Si on est entouré d’amis, et qu’on n’a pas envie de s’investir au loin, alors à quoi sert une armée ?

      [Maintenant, je pense que l’antimilitarisme est la chose la mieux partagée par nos élites, sauf quand il s’agit de faire des croisades à l’étranger pour assouvir l’atlantisme passionnel de nos dirigeants.]

      Plus que « passionnel », je dirais « compassionnel ».

  11. v2s dit :

    @Descartes (et aussi un peu à Jonathan R. Razorback)

    [Vous voulez dire qu’il faut étendre le statut des intermittents du spectacle (ou celui du cheminot, ou celui d’EDF) à l’ensemble des travailleurs ? C’est une idée, ça…]

    Mais c’est exactement ce que prônent vos amis. D’ailleurs votre lectrice « cecile63 » ne s’y est pas trompée quand elle vous dit :
    [Ah, et je viens de lire les réponses que vous faites à v2s sur la lutte des cheminots (avec lesquelles je suis en parfait accord). Mais du coup, le même genre de réponses ne pourrait-il pas vous être fait au sujet de celle des intermittents?]
    Effectivement il faut très très vite raser gratis partout et tout de suite !
    Vous savez, bien sûr, qui finance les indemnités chômage ? (En France hein, pas au Bengladesh !). Regardons les grandes masses.
    L’UNEDIC verse environ 30 milliards par an aux chômeurs (1,5% du PIB quand même !)
    Sur ces 30 milliards, seuls 85% sont financés par les cotisations salariales et patronales.
    Et le reste ? Le budget de l’état ? Pas du tout !
    Le reste, soit environ 4 milliards par an, est financé par des emprunts sur les marchés financiers. L’endettement de l’UNEDIC atteindra les 14 milliards cette année (2014).
    A titre d’exemple, UNEDIC a lancé en mai une émission obligataire en euros de 500 millions d’euros (avec l’aide de Crédit Agricole, Crédit Suisse, HSBC et JPMorgan) remboursable en mai 2024 !
    14 milliards de dettes, voila un beau cadeau pour nos enfants ! Si j’étais de la génération qui va payer, je serais, pour le coup, en faveur de la suppression de l’héritage.

    Je voulais dire aussi à Jonathan R. Razorback, qui passait me faire un petit bonjour :
    [Je passe juste pour insulter le petit-bourgeois v2s qui crache sur les cheminots],
    Outre que je ne crache sur personne, (comme dirait Descartes, je ne juge pas, je décris), je voulais lui dire que je ne suis pas surpris qu’il soit solidaire avec les grévistes du métro de Sao Paulo, une ville que je connais bien pour y avoir travaillé et vécu à deux reprises, la dernière fois en 2008.
    Les employés en grève du métro de Sao Paulo gagent 3000 Reals par mois, soit près de 4 fois le salaire médian au Brésil.
    Le nouveau slogan de l’International prolétarienne version CGT / SUD rail ce serait donc :
    « Ultra-protégés de tous les pays unissez-vous ! ».

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Vous voulez dire qu’il faut étendre le statut des intermittents du spectacle (ou celui du cheminot, ou celui d’EDF) à l’ensemble des travailleurs ? C’est une idée, ça… ». Mais c’est exactement ce que prônent vos amis.]

      Je note que vous ne répondez pas à la question. Pourtant, il suffisait de dire « oui » ou « non »… Mais ne vous en faites pas, je comprends très bien que vous évitiez de répondre. Parce que c’est là que se trouve la grande faiblesse de votre construction intellectuelle. A chaque fois, vous tonnez contre les régimes dits « spéciaux » au nom d’une « égalité » avec les autres salariés travaillant en France. C’est donc un argument moral, celui de la justice, et non un argument économique que vous évoquez. S’il faut réformer, ce n’est pas parce que les régimes « spéciaux » coûtent trop cher, c’est parce qu’il est injuste que certains en bénéficient et d’autres pas.

      Se placer du point de vue moral vous donne toujours un certain avantage. En effet, si l’on invoquait ici l’économie, il faudrait rentrer dans une véritable discussion sur le partage de la valeur. Et il n’est pas du tout évident de démontrer avec des arguments économiques que les salariés d’EDF devraient partir plus tard à la retraite pour permettre aux actionnaires d’EDF de gagner encore plus d’argent. En vous plaçant du point de vue de la « justice », vous évitez ce petit problème. Mais vous en crééz un autre. S’il est « injuste » qu’avec la même pénibilité certains partent à la retraite à 55 ans et d’autres à 65, on peut résoudre cette injustice en faisant partir tout le monde à 55 ans. Et vous aurez du mal à trouver un argument « moral » pour rejeter cette solution. Pour le faire, vous êtes obligé de revenir à l’économique… mais alors, que devient le point de vue de la « justice » ?

      Mais admettons que vous arriviez à démontrer que le nivellement doit se faire toujours par le bas. Dans ce cas, vous arrivez à un deuxième problème : S’il est « injuste » que le cheminot parte à 55 ans alors que la caissière part à 65, il est aussi injuste que la caissière française parte à 65 alors que la caissière bangladeshi travaille jusqu’à ce que les infirmités l’empêchent de continuer. Votre raisonnement conduit donc à culpabiliser tout le monde sauf peut-être la caissière bangladeshi ou l’habitant des bidonvilles de Mumbai, qui auront du mal à trouver plus misérable qu’eux.

      Votre logique aboutit logiquement à prescrire non seulement le nivellement par le bas en France, mais le nivellement par le bas universel. Pensez-vous que ce soit un programme politique qui ait la moindre chance de séduire nos concitoyens ? D’autant plus que votre nivellement est toujours prescrit pour les travailleurs. L’idée que le revenu du capital puisse être « nivelé » lui aussi vers le bas ne semble jamais vous effleurer. Au contraire, vous proposez un monde où le revenu du capital se nivelle « par le haut » et celui du travail « par le bas ». Et en plus, il faudrait se réjouir.

      [D’ailleurs votre lectrice « cecile63 » ne s’y est pas trompée quand elle vous dit :]

      Ma « lectrice » est assez grande pour se défendre toute seule. C’est à elle, et non à moi, que vous devriez adresser vos arguments. Vous remarquerez que je lui ai d’ailleurs répondu en lui rappelant aussi que le régime des intermittents est en fait une subvention au revenu.

      [14 milliards de dettes, voila un beau cadeau pour nos enfants ! Si j’étais de la génération qui va payer, je serais, pour le coup, en faveur de la suppression de l’héritage.]
      Vraiment ? Et bien, à côté d’une dette de l’ordre de 1800 Md€, la « génération qui va payer » héritera de routes, de ports, de centrales nucléaires, d’universités, d’entreprises, de lignes électriques, de chemins de fer, de métros, en tout un capital estimé autour de dix fois cette valeur. Ce serait folie de sa part de refuser un tel héritage… même s’il faut payer les dettes.

      Faudrait pas trop exagérer avec l’argument « nous laissons la dette à nos enfants »…

      [je voulais lui dire que je ne suis pas surpris qu’il soit solidaire avec les grévistes du métro de Sao Paulo, une ville que je connais bien pour y avoir travaillé et vécu à deux reprises, la dernière fois en 2008. Les employés en grève du métro de Sao Paulo gagent 3000 Reals par mois, soit près de 4 fois le salaire médian au Brésil. Le nouveau slogan de l’International prolétarienne version CGT / SUD rail ce serait donc : « Ultra-protégés de tous les pays unissez-vous ! ».]

      Et probablement plusieurs dizaines de fois mieux payés que le salaire médian du Bangladesh. Je vous le dis, tous des privilégiés, ces ouvriers. Sauf peut-être les bangladeshis… et encore, de quoi se plaignent-ils ces bangladeshis ? Il paraît qu’en Somalie, c’est encore pire…

      Je ne comprends toujours pas comment vous arrivez à soutenir cette position malgré ses contradictions. Si je vous suis, les ouvriers ne peuvent légitimement revindiquer une augmentation de leurs salaire ou une amélioration de leurs conditions de travail que s’ils sont en dessous de la médiane. S’ils sont au dessus, ils doivent attendre patiemment que leurs collègues moins biens lotis qu’eux les rattrapent avant d’exiger de leur patron qu’il partage avec eux une partie un peu plus grande du fruit de leur travail ?

      Si certains travailleurs sont « ultra-protégés », c’est souvent parce qu’ils se sont beaucoup battus. Le statut du mineur, celui des électriciens-gaziers ou celui des cheminots ne sont pas tombés du ciel. Et contrairement à ce que vous semblez croire, ces combats ont été utiles à l’ensemble de la classe ouvrière. D’où croyez-vous que les syndicats ont tiré les moyens d’être présents dans les secteurs ou la pression patronale est forte et la possibilité de se syndiquer inexistante ? D’où viennent les moyens pour payer des juristes, pour soutenir des grèves et des actions en justice des travailleurs qui ne sont pas « ultra-protégés » ? Et bien, ces moyens viennent des transferts internes aux grandes confédérations. Par ailleurs, et même si cela doit vous déplaire, il existe une solidarité réelle entre travailleurs. Si vous croyez que ce sont les grèves des caissières de supermarché qui leur ont permis de bénéficier des protections du Code du Travail, vous vous fourrez le doigt dans l’œil. J’ajoute que même en supposant qu’il n’y ait aucune solidarité entre les différentes catégories de travailleurs, les conquêtes des travailleurs « ultra-protégés » percolent vers les autres ne serait-ce que par simple effet de marché : dès lors qu’on peut trouver des meilleures conditions de travail à Renault, à EDF, à la SNCF où dans les mines, le patronat des autres entreprises a été obligées d’améliorer les conditions de travail et de rémunération sous peine de perdre ses meilleurs éléments.

      En conclusion, et au risque de me répéter : si vous soutenez une logique de nivellement par le bas, alors il faut le dire clairement, sans se cacher derrière l’argument de « justice », qui de toute évidence n’est pas l’argument essentiel puisque vous n’envisagez jamais qu’on puisse faire « justice » par le haut…

    • v2s dit :

      Descartes, au sujet des 14 milliards de dette de l’UNEDIC, vous dites :
      [Vraiment ? Et bien, à côté d’une dette de l’ordre de 1800 Md€, la « génération qui va payer » héritera de routes, de ports, de centrales nucléaires, d’universités, d’entreprises, de lignes électriques, de chemins de fer, de métros, en tout un capital estimé autour de dix fois cette valeur.]
      Là, Descartes, vous vous égarez. Un homme possédant l’immense culture économique qui est la votre ne peut pas ignorer la différence qu’il y a entre financer un investissement par l’emprunt et financer une dépense de fonctionnement par l’emprunt.
      Emprunter sur 20 ans pour payer les indemnités chômage, c’est un peu comme si votre épouse empruntait sur 20 ans pour payer la note de gaz, la cantine du petit ou le plein de la voiture.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Là, Descartes, vous vous égarez. Un homme possédant l’immense culture économique qui est la votre ne peut pas ignorer la différence qu’il y a entre financer un investissement par l’emprunt et financer une dépense de fonctionnement par l’emprunt.]

      La barrière entre les deux est bien plus ténue que vous ne le croyez. Prenez le cas suivant : je veux faire construire une maison. Pour cela je m’adresse à un entrepreneur, qui a lui des ouvriers, achète le matériel, et me livre la maison. Pour cela, j’emprunte 1 M€. Vous serez d’accord que c’est une dépense d’investissement, n’est ce pas ?

      Imaginez maintenant, qu’au lieu de prendre un entrepreneur, j’embauche moi-même des ouvriers, et que j’achète moi-même du matériel. Et que la maison me coûte là encore 1 M€, que j’emprunte. Par contre, cet argent passera en salaires et en achat de consommables… c’est-à-dire, en dépenses de fonctionnement.

      Pourtant, l’effet économique est le même dans les deux cas. Dans les deux cas, j’aurai emprunté 1 M€, dans les deux cas j’aurai à la fin du processus une maison. Mais du point de vue comptable, j’aurai emprunté pour payer des frais de fonctionnement dans un cas, des frais d’investissement dans le deuxième…

      Le même raisonnement peut être fait pour l’Etat. Lorsque je paye le salaire d’un professeur, qui contribue à former des enfants qui, devenus adultes, feront tourner l’économie, c’est une dépense d’investissement ? Ou une dépense de fonctionnement ? Et lorsque je paye les allocations à un père au chômage et qu’elles lui permettent d’éduquer convenablement ses enfants, c’est une dépense d’investissement ? Ou une dépense de fonctionnement ?

      Je pense qu’il faut se méfier des catégories comptables lorsqu’on analyse des politiques publiques, qui sont par essence intergénérationnelles. Un système de couverture sociale qui permet de réduire les incertitudes a des effets économiques à long terme, qui relèvent d’une logique d’investissement, alors même qu’elles apparaissent comptablement sous la rubrique « fonctionnement ».

      [Emprunter sur 20 ans pour payer les indemnités chômage, c’est un peu comme si votre épouse empruntait sur 20 ans pour payer la note de gaz, la cantine du petit ou le plein de la voiture.]

      Payer la cantine du petit – ce petit qui demain travaillera et payera ma retraite – est une dépense de fonctionnement ou d’investissement ?

    • v2s dit :

      Quand vous empruntez sur 20 ans, pour payer les salaires de ceux qui construisent une maison, une école ou une centrale nucléaire, à la fin du chantier, il vous reste une école ou une centrale dont la durée de vie est longue.
      Construire des écoles c’est investir.
      Payer le chômage ou former des maîtres, c’est un choix de dépense de fonctionnement, même si c’est un très bon choix et même si on peut toujours argumenter qu’il en reste quelque chose.
      Faire cette dépense à crédit revient simplement à en transférer la charge à d’autres, et donc à vivre au dessus de ses moyens.
      Si cette dépense est jugée indispensable, il faut impérativement, pour la financer, économiser sur une autre dépense de fonctionnement jugée moins prioritaire.

      Vivre au dessus de nos moyens comporte des risques. Comme nous empruntons sur les marchés, les taux d’intérêt peuvent ne pas rester éternellement bas.
      Le service de la dette pourrait ainsi encore s’aggraver, alors qu’il représente déjà l’équivalent en euros d’un très grand ministère.
      Malgré des taux d’intérêts au plus bas historique, les intérêts de nos 1880 milliards de dette s’élèvent déjà à 45 M€ annuellement. Autant que le budget de l’éducation scolaire 45M€, plus que la défense 31 M€ ou que la recherche et l’enseignement supérieur 31M€.
      NB : 3000 milliards de dette aux fonctionnaires à la retraite s’ajoutent aux 1880 milliards de dette, portant la dette totale de notre pays à environ 5000 milliards. Cette dette astronomique pourrait un jour inquiéter nos préteurs, chinois ou autres, et nos taux d’intérêt s’envoleraient. Ce jour là, la réalité économique, celle qui vous fait tant ironiser, pourrait bien nous contraindre à cesser de vivre au dessus de nos moyens.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Quand vous empruntez sur 20 ans, pour payer les salaires de ceux qui construisent une maison, une école ou une centrale nucléaire, à la fin du chantier, il vous reste une école ou une centrale dont la durée de vie est longue.]

      Quand j’éduque un enfant, il me reste un travailleur dont la vie professionnelle est, elle aussi, longue. La vie utile d’un travailleur est de l’ordre de 40 ans, pas loin de celle d’une école ou d’une centrale nucléaire… Alors, pourquoi payer le salaire d’un maçon c’est pour vous un « investissement », alors que celui d’un professeur est du « fonctionnement » ? Vous voyez bien que les catégories comptables ne sont pas les mêmes que les catégories économiques. La comptabilité a été inventée pour fournir la photographie à un instant donné de l’état d’une entreprise. Et pour une entreprise, posséder un bâtiment n’est pas la même chose que d’avoir dans un personnel un ingénieur formé. Dans le premier cas, on peut vendre le bien pour couvrir par exemple un problème de trésorerie. Dans le second cas, on n’a rien à « vendre », le capital est dans la tête de l’ingénieur qui peut partir avec lui quand il veut. C’est pourquoi pour une entreprise, il est logique de séparer l’investissement – qui fabrique du capital – et le fonctionnement – qui n’en fabrique pas.

      Mais ces catégories sont discutables pour l’Etat, parce qu’un pays n’est pas une entreprise. Une entreprise est fixée dans le temps. Elle n’a pas à s’interroger sur les droits des actionnaires passés ou futurs. Un pays, si. Et c’est pourquoi alors que la formation est une dépense de fonctionnement pour une entreprise, l’éducation est pour un pays un investissement.

      [Construire des écoles c’est investir. Payer le chômage ou former des maîtres, c’est un choix de dépense de fonctionnement, même si c’est un très bon choix et même si on peut toujours argumenter qu’il en reste quelque chose.]

      Construire une école qui servira pendant 40 ans, c’est de l’investissement. Construire un ingénieur qui travaillera pendant 40 ans, non. Vous trouvez ce raisonnement cohérent, vous ?

      [Faire cette dépense à crédit revient simplement à en transférer la charge à d’autres, et donc à vivre au dessus de ses moyens.]

      Voyons si je comprends. Emprunter pour payer le professeur qui forme un enfant pour en faire un ingénieur, ce serait « transférer la charge à d’autres, donc vivre au dessus de ses moyens ». Mais sur qui je transfère cette « charge » ? Sur l’ingénieur en question, qui payera la dette ainsi créée avec ses impôts. En quoi ce serait « vivre au dessus de ses moyens » ?

      Imaginons qu’au lieu que ce soit l’Etat qui emprunte, ce soit l’étudiant lui même qui fasse un emprunt pour payer son école privée, avec l’espoir d’avoir ainsi un meilleur emploi qui lui permettra de rembourser l’emprunt et de vivre mieux. Estimeriez qu’il « vit au dessus de ses moyens » ? Ou au contraire qu’il fait un sage investissement ? Et pourquoi lorsque c’est l’Etat qui emprunte – ce qui en termes économiques est parfaitement équivalent – le « sage investissement » se transforme en « vivre au dessus de ses moyens » ?

      Il faut dépasser cette vision purement comptable. La séparation entre « fonctionnement » est « investissement » a une justification comptable. Mais elle n’a pas véritablement de sens en matière macro-économique.

      [Vivre au dessus de nos moyens comporte des risques. Comme nous empruntons sur les marchés, les taux d’intérêt peuvent ne pas rester éternellement bas.]

      Ne pas vivre au dessus de ses moyens comporte aussi des risques, comme la dépression de 1929 l’a abondamment montré. Encore une fois, l’Etat n’est pas une entreprise, et l’économie d’un pays ne fonctionne pas de la même manière que celle d’un ménage. Vous devriez lire un peu Keynes.

      [NB : 3000 milliards de dette aux fonctionnaires à la retraite s’ajoutent aux 1880 milliards de dette, portant la dette totale de notre pays à environ 5000 milliards. Cette dette astronomique pourrait un jour inquiéter nos préteurs, chinois ou autres, et nos taux d’intérêt s’envoleraient. Ce jour là, la réalité économique, celle qui vous fait tant ironiser, pourrait bien nous contraindre à cesser de vivre au dessus de nos moyens.]

      Vous avez oublié la « dette écologique ». On peut inventer toutes sortes de « dettes » plus ou moins imaginaires et les mettre bout à bout. C’est un peu ce que vous faites en parlant des « 3000 milliards de dettes aux fonctionnaires à la retraite ». Cette « dette » n’existe pas en ces termes : il s’agit tout simplement de l’accumulation des droits à pension accumulés aujourd’hui par les fonctionnaires. Si vous vouliez être rigoureux, vous devriez constater qu’il s’agit d’une « dette » sans intérêt et à très long terme, et lui appliquer le taux d’actualisation correspondant. Cela réduirait la chose à des proportions raisonnables. Mais plus fondamentalement, si on suit votre raisonnement on pourrait parler d’une « dette éducative », puisque l’Etat « doit » aujourd’hui à chaque enfant né une éducation au moins jusqu’au jour de ses 16 ans aussi certainement qu’il « doit » leurs retraites aux fonctionnaires. Cela fait là encore un beau paquet de milliards. L’Etat « doit » aussi à chacun de nous et jusqu’au jour de notre mort toute une multitude de droits et services qui coûtent de l’argent. Pourquoi ne pas comptabiliser ces coûts dans une « dette » ? Là encore, on aurait un beau paquet de milliards…

      Encore une fois, un Etat n’est ni une entreprise, ni un ménage. Son pouvoir souverain, qui lui permet de changer les règles du jeu, son horizon de temps de très long terme, sa capacité à prélever sur l’économie en général en font un acteur très particulier, dont l’économie est différente de celle des acteurs économiques ordinaires.

    • v2s dit :

      [Encore une fois, un Etat n’est ni une entreprise, ni un ménage. Son pouvoir souverain, qui lui permet de changer les règles du jeu, son horizon de temps de très long terme, sa capacité à prélever sur l’économie en général en font un acteur très particulier, dont l’économie est différente de celle des acteurs économiques ordinaires.]
      Bien sûr, vous avez raison, d’ailleurs vous avez toujours raison, vous expliquerez tout ça aux « marchés », c’est-à-dire aujourd’hui, principalement aux Chinois, le jour nos taux d’intérêt augmenteront.
      Je note que le coût annuel des intérêts de la dette, équivalent à la dépense annelle de l’éducation, ne vous dérange pas, puisque vous ne faites aucun commentaire sur ce point.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Encore une fois, un Etat n’est ni une entreprise, ni un ménage. Son pouvoir souverain, qui lui permet de changer les règles du jeu, son horizon de temps de très long terme, sa capacité à prélever sur l’économie en général en font un acteur très particulier, dont l’économie est différente de celle des acteurs économiques ordinaires ». Bien sûr, vous avez raison, d’ailleurs vous avez toujours raison,]

      Mais non. Vous avez juste cette impression parce que vous avez toujours tort…
      De grâce, évitez ce genre de commentaires qui sont dignes d’un enfant de dix ans qui a perdu aux billes, et n’a pas sa place dans un débat entre adultes.

      [vous expliquerez tout ça aux « marchés », c’est-à-dire aujourd’hui, principalement aux Chinois, le jour nos taux d’intérêt augmenteront.]

      Je ne vois pas très bien comment on fait pour « expliquer quelque chose aux marchés ». Cette expression m’a toujours enchanté, un peu comme si le « marché » (qui, rappellons le, n’est qu’un mécanisme de confrontation de l’offre et de la demande) était une personne, avec un cerveau et une raison à laquelle on pourrait s’adresser. Ce n’est pas aux « marchés » qu’il faudrait expliquer, c’est aux détenteurs de capitaux. Mieux faut dire les choses comme elles sont, pour éviter toute ambiguïté.

      Maintenant, sur le fonds : je ne vois aucun problème à « expliquer » tout ça aux investisseurs. Il n’y a aucune raison de sacraliser « le marché » et faire comme si le payement des dettes était un devoir sacré. Les détenteurs de capitaux prêtent aux états non pas par bonté d’âme, non pour servir l’intérêt général, mais pour essayer de gagner le plus d’argent possible. Il n’y a donc aucune « immoralité » particulière à leur en faire perdre. Si demain la France trouvait un intérêt à faire défaut sur sa dette, ce ne serait ni la première ni la dernière fois. Et les exemples du passé montrent que le défaut est assez vite oublié et que les prêteurs recommencent à prêter assez rapidement. Il n’y a donc pas vraiment grande chose à « expliquer aux marchés », ils savent aussi bien que vous et moi qu’il arrive aux états souverains de ne pas payer leurs dettes – chose impossible pour un particulier ou une entreprise – et ils font avec.

      Si les prêteurs ont ce comportement, c’est parce qu’il est parfaitement rationnel : lorsque les détenteurs de capitaux prêtent à l’Etat, ils le font à un taux d’intérêt qui a deux composantes. La première, c’est la rémunération nette du capital, et dépend des rémunérations qu’on peut trouver ailleurs. La seconde, c’est une prime de risque, qui couvre précisément le risque de non remboursement. Les capitalistes ont donc pendant des années prélevées cette prime, qui couvre un défaut éventuel. C’est un peu comme votre l’assurance voiture : si vous n’avez pas d’accident, la compagnie d’assurances gagne de l’argent sur vous. Si vous avez l’accident, elle en perd. Et la statistique fait le reste. Faire defaut sur sa dette n’est donc qu’un accident comme un autre. Pas de quoi se mettre de la cendre sur la tête.

      Vous acceptez d’ailleurs parfaitement que l’Etat fasse « défaut » dans d’autres domaines. Prenons la dette que la société a vis-à-vis de ses retraités. Si j’ai travaillé toute ma vie, payant régulièrement mes cotisations, je l’ai fait avec la promesse de pouvoir prendre ma retraite après avoir cotisé 40 annuités. Et aujourd’hui, l’Etat me dit que non, que je ne pourrais partir qu’avec 42 annuités. L’Etat refuse donc de payer l’intégralité de sa dette, en me reprenant deux ans de retraite. Si l’on compte une durée moyenne des pensions de 10 ans, alors cela représente un « défaut » de 20%. Si je me rappelle bien nos débats, vous soutenez pourtant la réforme des retraites dans ce sens. Alors, il faudra m’expliquer pourquoi l’Etat peur revenir sur sa dette envers les retraités, mais pas envers les détenteurs de capitaux.

      [Je note que le coût annuel des intérêts de la dette, équivalent à la dépense annelle de l’éducation, ne vous dérange pas, puisque vous ne faites aucun commentaire sur ce point.]

      Non, ça ne me dérange pas particulièrement. On peut toujours discuter de l’utilisation de l’argent emprunté. Mais le fait qu’un état emprunte pour construire des centrales nucléaires, des universités, des routes, pour payer des professeurs et des médecins, pour équiper nos armées, cela ne me dérange absolument pas. Je me soucie plus de la qualité de la dépense – c’est-à-dire de la manière dont l’argent emprunté est utilisé – que de la dette elle-même. Si l’argent est bien employé, alors il rapportera plus que ce qu’on a investi et ce rapport payera les dettes. Et si l’argent est mal employé… et bien, c’est les prêteurs qui ont du souci à se faire.

      Les prêteurs continuent à prêter à la France à des taux historiquement bas. On peut en déduire que, contrairement aux déclinistes de tout poil, ils ont confiance dans la capacité de la société française à faire bon usage de cet argent, de le faire bien travailler pour qu’il fasse des petits. Autrement, ils exigeraient des primes de risque bien plus importantes. Mettriez-vous en doute la sagesse de tous ces investisseurs ? Pensez-vous qu’ils soient moins bien renseignés que vous sur les perspectives de l’économie française ? Ce n’est pas bien, de mettre en doute la sagesse des « marchés »…

      Vous êtes décidément très petit-bourgeois avec l’argent… comme si demain les chinois allaient nous envoyer les gendarmes pour saisir le château de Versailles. Si demain nous faisions défaut sur notre dette, qu’est ce qui pourrait nous arriver de pire ? D’être obligés de vivre sur nos propres moyens. N’est ce cela que vous proposez pour tout de suite ? Si c’est vers cela qu’il faut aller, si nos lendemains sont ceux de l’austérité, à quoi bon se presser ?

    • v2s dit :

      [Les prêteurs continuent à prêter à la France à des taux historiquement bas. On peut en déduire que, contrairement aux déclinistes de tout poil, ils ont confiance dans la capacité de la société française à faire bon usage de cet argent, de le faire bien travailler pour qu’il fasse des petits.]
      Hé hé … et non, raté ! Ils nous prêtent pour presque rien, non pas parce qu’ils ont confiance dans la capacité de la société française à faire bon usage de cet argent, mais parce que nous sommes, dans la zone euros, les plus solvables APRES l’Allemagne, qui elle emprunte à des taux zéro ou négatifs.
      Comme on comprend pourquoi ils ne souhaitent pas prêter à des taux négatifs à l’Allemagne, ils prêtent à la France. Que l’on sorte de la zone euro et nous verrons les taux s’envoler.
      Au passage, ils estiment que nous sommes solvables, parce qu’ils n’imaginent pas un instant que La France pourrait s’éloigner de sa ligne sociale libérale.

      Quant à ne pas honorer nos dettes, si c’est votre solution, alors il faudrait emprunter beaucoup plus ! Pourquoi s’en tenir à 1880 milliards ? Allons-y gaiement !
      Combien de temps pensez vous que nous pourrions continuer à emprunter si nous avions le moindre défaut de payement ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Les prêteurs continuent à prêter à la France à des taux historiquement bas. On peut en déduire que, contrairement aux déclinistes de tout poil, ils ont confiance dans la capacité de la société française à faire bon usage de cet argent, de le faire bien travailler pour qu’il fasse des petits ». Hé hé … et non, raté ! Ils nous prêtent pour presque rien, non pas parce qu’ils ont confiance dans la capacité de la société française à faire bon usage de cet argent, mais parce que nous sommes, dans la zone euros, les plus solvables APRES l’Allemagne,]

      Attendez une seconde, voyons si j’ai bien compris. Si je vous suis, les investisseurs sont convaincus que la France jette l’argent qu’ils nous prêtent par la fenêtre, pour financer des dépenses de fonctionnement et autres dépenses somptuaires qui ne ramèneront jamais un fifrelin, mais ils restent quand même que nous sommes en Europe le pays « le plus solvable APRES l’Allemagne » (je retiens vos majuscules même si je ne vois pas ce que vous voulez souligner). N’est ce pas un petit peu contradictoire ? N’importe quel prêteur à qui vous demandez de l’argent pour financer un projet se posera d’abord une question : est-ce que cet argent sera utilisé dans un but qui produira suffisamment de retour sur investissement pour pouvoir payer le capital et les intérêts. Mais selon vous, les investisseurs internationaux qui prêtent à la France s’en foutent de l’utilisation qui est faite de leur argent, et font confiance aux dieux pour assurer les retours suffisants ?

      Réfléchissez un instant. La « solvabilité » d’un emprunteur est intimement lié au fait qu’il utilise sagement l’argent dont il dispose. Si les investisseurs partageaient votre idée que l’économie française n’est que gaspillage et gabegie, ils ne parieraient jamais sur sa solvabilité future. Or, ils le font. Et à très long terme : lorsqu’on entend qu’EDF a levé un milliard d’euros à échéance centenaire, on se dit que les investisseurs ont bien plus confiance dans la « gestion à la française » de nos entreprises publiques que vous.

      [Comme on comprend pourquoi ils ne souhaitent pas prêter à des taux négatifs à l’Allemagne, ils prêtent à la France.]

      En d’autres termes, ils préfèrent perdre leur chemise en nous prêtant à nous, plutôt que de perdre quelques points de pourcentage en prêtant à l’Allemagne ? Ce ne semble pas être une stratégie d’investissement très raisonnable.

      [Que l’on sorte de la zone euro et nous verrons les taux s’envoler.]

      Et alors ? Cela nous obligera à faire toutes ces saines réformes que vous recommandez. Je vous avoue que je n’arrive pas très bien à comprendre votre raisonnement. D’un côté, vous semblez partager l’idée que la possibilité d’emprunter à faible taux crée une sorte de « vice » qui pousse à couvrir les trous par l’emprunt au lieu de faire les « réformes nécessaires ». Vous devriez donc considérer l’augmentation des taux d’intérêt comme une aubaine, puisque nous serions alors ramenés aux réalités économiques. Et pourtant, vous faites des taux d’intérêt faibles l’argument pour ne pas sortir de l’Euro. J’ai du mal à suivre. Je n’ai d’ailleurs pas l’impression que la Suède, le Danemark ou l’Angleterre empruntent à des taux réels prohibitifs, et pourtant ces pays ne connaissent pas la joie d’avoir l’Euro pour monnaie.

      Oui, le fait de sortir de l’Euro ferait augmenter les taux. Mais pas tant que cela. Mais admettons. Cela nous ramènera aux réalités économiques, et notamment que pour consommer, il faut produire. Une réalité que trente ans d’eurolâtrie ont beaucoup occulté.

      [Au passage, ils estiment que nous sommes solvables, parce qu’ils n’imaginent pas un instant que La France pourrait s’éloigner de sa ligne sociale libérale.]

      Vu comment la politique libérale et europhile est en train de nous enfermer dans la déflation et la récession, je trouve leur position assez peu intelligente. Mais bon, c’est eux qui perdront de l’argent à la fin, pas moi.

      [Quant à ne pas honorer nos dettes, si c’est votre solution, alors il faudrait emprunter beaucoup plus ! Pourquoi s’en tenir à 1880 milliards ? Allons-y gaiement !]

      Je le pense aussi. Les périodes comme la notre sont bonnes pour emprunter et lancer des grands travaux. En 1974, en pleine crise pétrolière, on a emprunté et construit un programme nucléaire de 100 milliards. Et on peut chaque jour s’en féliciter.

      [Combien de temps pensez vous que nous pourrions continuer à emprunter si nous avions le moindre défaut de payement ?]

      Comme je vous l’ai expliqué, l’Etat a fait défaut partiel sur le payement de ses dettes lors de la réforme des retraites, et à ma connaissance tout le monde continue à payer ses cotisations. Pourquoi pensez-vous que les prêteurs seraient plus regardants ? Mais comprenons nous bien, je ne suis pas favorable à un défaut immédiat. Ce que je dis, c’est que c’est une éventualité à considérer. Le jour ou le coût pour la nation du payement de la dette sera supérieur à celui d’un défaut, l’intérêt national commandera que nos gouvernements y réfléchissent…

  12. Marcailloux dit :

    Bonjour Descartes,
    [Pourquoi les cheminots ont perdu et les intermittents vont gagner..]
    Et ce ne sera que justice, ajouterais-je.
    Le titre de cet article est tout à fait emblématique des problèmes que rencontre notre pays. Indépendamment des cas particuliers – mais trop, c’est trop – que représentent les cheminots et les intermittents du spectacle, et des turpitudes qui émaillent chacun de ces dossiers, c’est le déséquilibre de condition qui affecte durablement une très grande partie de la population sans beaucoup d’espoir d’en sortir.
    Je m’explique :
    Vous avez d’un côté une masse de salariés protégés et non exploités, généralement ad vitam aeternam, en retraite dès 55 ans pour beaucoup – ne démentez pas, j’ai dans mon entourage une masse d’enseignants ou de retraités du public dans ce cas, et je ne suis pas un cas isolé – face à une autre masse d’exposés et exploités souvent qui n’ont à espérer pour toute leur vie professionnelle qu’une succession de contrats éphémères, incertains, avec des revenus en dent de scie, et finalement le seul espoir ou la crainte plutôt d’une retraite réduite à sa portion congrue et le sentiment qu’ils devront probablement jouer les prolongations jusqu’à 70 ans pour pouvoir finir dans la dignité.
    Bien que l’apparence cache des réalités un peu différentes,j’en conviens, vous n’empêcherez pas les millions de citoyens concernés, ainsi que leurs proches qui s’inquiètent pour eux, de s’indigner devant quelque chose qui s’apparente à la préservation de privilèges qui n’ont plus lieu d’être.
    En ces temps de commémoration du carnage que fut 14/18, cela me fait penser à la différence de condition qu’ont vécu nos aînés entre ceux qui crevaient dans les tranchés et ceux qui à l’arrière – très en arrière – avaient beaucoup de peine, en effet à devoir se déplacer à pied ou à bicyclette et devaient un peu se restreindre sur leur nourriture. Ce sont cependant ceux-là qui se sont montrés les plus diserts après les hostilités.
    D’autre part, lors de la nuit du 4 août, les détenteurs de privilèges arguaient que leur situation découlait d’une lutte séculaire, que leur mérite d’être là au bon moment et au bon endroit justifiait l’écart dont ils bénéficiaient par rapport au plus gros de la population.
    C’est parce que les différents gouvernants de l’époque ont manqué de courage et ont tergiversé devant une remise à plat énergique et salutaire que bon nombre de têtes sont tombées.Les détenteurs de privilèges de l’époque étaient pour l’immense majorité complices.
    Si les conditions économiques, sociales et politiques sont aujourd’hui différentes, le sentiment qu’ont la plupart des citoyens est que cela ne peut plus durer. Des réformes drastiques sont nécessaires et chacun de nous aura à balayer devant sa porte et faire un examen de conscience lucide et objectif avant de réclamer la tête du voisin. Néanmoins, aucune catégorie de la population ne peut prétendre, au nom de je ne sais quels droits acquis, y échapper.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [« Pourquoi les cheminots ont perdu et les intermittents vont gagner… ». Et ce ne sera que justice, ajouterais-je.]

      Vous avez une drôle d’idée de la « justice ». Je pourrais comprendre, dans la logique défendue par v2s, que vous estimiez qu’il est « justice » que les cheminots « perdent ». Mais je vois mal comment vous faites pour aboutir à la conclusion, partant de ce principe, qu’il serait « justice » que les intermittents « gagnent »…

      [Vous avez d’un côté une masse de salariés protégés et non exploités, généralement ad vitam aeternam, en retraite dès 55 ans pour beaucoup – ne démentez pas, j’ai dans mon entourage une masse d’enseignants ou de retraités du public dans ce cas, et je ne suis pas un cas isolé – face à une autre masse d’exposés et exploités souvent qui n’ont à espérer pour toute leur vie professionnelle qu’une succession de contrats éphémères, incertains, avec des revenus en dent de scie, et finalement le seul espoir ou la crainte plutôt d’une retraite réduite à sa portion congrue et le sentiment qu’ils devront probablement jouer les prolongations jusqu’à 70 ans pour pouvoir finir dans la dignité.]

      Mais alors, comment expliquez-vous que lorsque des postes sont offerts dans cette masse de « salariés protégés et non exploités, généralement ad vitam aeternam », ils ne trouvent pas preneur ? Car cela ne se sait pas forcément, mais la fonction publique et les entreprises « à statut » ont du mal à recruter. Pas plus loin que le mois dernier, le nombre de candidats aux CAPES scientifiques s’est révélé insuffisant pour remplir l’ensemble des postes offerts. EDF, qui a besoin de personnel pour faire face aux départs massifs à la retraite des agents qui ont démarré les centrales nucléaires, doit monter des campagnes de publicité massives pour trouver assez de candidats. Comment expliquer ce phénomène, sinon en concluant que le rapport entre la rémunération « tout compris » – sécurité de l’emploi, retraite, avantages sociaux, tout – et les sujétions et contraintes de ces métiers est plus défavorable que celles qu’on trouve ailleurs ? Je suis toujours étonné que personne ne remarque ce point : le marché de l’emploi est un vase communiquant. Si les conditions étaient nettement meilleures dans le public que dans le privé, les candidats déserteraient ce dernier pour aller chercher en priorité dans le public. Or, c’est le contraire qu’on observe. Le secteur public a de plus en plus de mal de garder ses meilleurs éléments, sensibles aux sirènes du privé.

      Mais admettons que les salariés du public soient des privilégiés. Pour être complet il faut rajouter à ce tableau une masse de gens encore plus protégés, qui peuvent s’offrir tout ce que le monde a de meilleur en faisant travailler les autres, par le simple fait de posséder du capital. Retenez aussi cet fait, il sera utile dans la suite de la discussion :

      [Bien que l’apparence cache des réalités un peu différentes,j’en conviens, vous n’empêcherez pas les millions de citoyens concernés, ainsi que leurs proches qui s’inquiètent pour eux, de s’indigner devant quelque chose qui s’apparente à la préservation de privilèges qui n’ont plus lieu d’être.]

      Vraiment ? Mais dans ce cas, comment expliquez-vous que les « privilèges » des possesseurs de capital ne soient pas, eux l’objet d’aucune « indignation » ? Comment se fait-il, à votre avis, qu’on « s’indigne » du cheminot qui part à la retraite à 55 ans, et pas du footballeur qui gagne une centaine de millions d’Euros en changeant de club ? Voyez-vous, l’indignation des « citoyens concernés » est fort sélective. Elle est moins liée à la question de l’égalité ou des privilèges, qu’à une vision des hiérarchies sociales. Beaucoup de gens jugent « normal » qu’un mauvais comique gagne des millions, et qu’un professeur ait un salaire misérable.

      [En ces temps de commémoration du carnage que fut 14/18, cela me fait penser à la différence de condition qu’ont vécu nos aînés entre ceux qui crevaient dans les tranchés et ceux qui à l’arrière – très en arrière – avaient beaucoup de peine, en effet à devoir se déplacer à pied ou à bicyclette et devaient un peu se restreindre sur leur nourriture. Ce sont cependant ceux-là qui se sont montrés les plus diserts après les hostilités.]

      Il n’empêche que si, par souci d’égalité, on avait envoyé les ouvriers qualifiés au front au lieu de les garder dans les usines de matériel, on aurait perdu la guerre. L’égalitarisme aveugle n’indique pas nécessairement la meilleure manière de faire les choses.

      [D’autre part, lors de la nuit du 4 août, les détenteurs de privilèges arguaient que leur situation découlait d’une lutte séculaire, que leur mérite d’être là au bon moment et au bon endroit justifiait l’écart dont ils bénéficiaient par rapport au plus gros de la population.]

      La comparaison avec l’abolition des privilèges le 4 août est non seulement insultante, mais surtout erronée. Cette nuit-là, la Constituante entend abolir les privilèges héréditaires attachés à la féodalité, et rien d’autre. Curieusement, la fièvre « égalitaire » qui conduit certains à fustiger les « privilèges » des cheminots ou des fonctionnaires ne les conduit que très rarement – pour ne pas dire jamais – à remettre en cause le principe de l’héritage. Or, s’il est un privilège injuste, c’est bien celui-là, non ? C’est à se demander si leur détestation des « privilèges » est sincère…

      [Si les conditions économiques, sociales et politiques sont aujourd’hui différentes, le sentiment qu’ont la plupart des citoyens est que cela ne peut plus durer.]

      Vraiment ? J’avoue que cela m’avait échappé. On annonce quotidiennement des revenus mirobolants des « stars » du showbizz et du sport, on constate les immenses gains des actionnaires en bourse, et je ne vois pas les gens préparer les piques…

      Allons, évitons les discours apocalyptiques. Il est de l’intérêt des classes dominantes – la bourgeoisie, mais aussi les classes moyennes – que de détruire les statuts qui protègent certaines catégories populaires. C’est pourquoi nous avons droit aux campagnes médiatiques sur le mode « tous des privilégiés », le « tous » se référant bien évidement aux salariés protégés, et certainement pas aux capitalistes ou aux rentiers des classes moyennes. C’est cette campagne qui fait le « sentiment que cela ne peut plus durer ». L’affaire des intermittents illustre très bien cette dichotomie. Si la campagne contre les « privilèges » était sincère, on devrait voir nos médias fustiger les « privilèges » des intermittents au même titre que ceux des cheminots. Or, c’est le contraire qui se passe. On proclame que « cela ne peut plus durer » à la SNCF, mais qu’il faut au contraire « réinventer » le régime des intermittents pour sauvegarder leur revenu.

      [Des réformes drastiques sont nécessaires et chacun de nous aura à balayer devant sa porte et faire un examen de conscience lucide et objectif avant de réclamer la tête du voisin.]

      Vous y croyez ? Je ne vois pas les classes moyennes « faire leur examen de conscience », lucide ou pas. C’est tellement plus facile de jeter les autres au crocodile…
      [Néanmoins, aucune catégorie de la population ne peut prétendre, au nom de je ne sais quels droits acquis, y échapper.]

      Dites cela aux gros actionnaires du CAC40, ils n’ont pas tous les jours l’opportunité de rigoler…

    • bovard dit :

      Marcailloux@
      Quel gloubi – globa idéologique!
      Un véritable assemblage d’auto-culpabilité,d’autophobie vis à vis de l’état social français ,de naïveté pro-ultrariches ,d’absence d’esprit critique vis à vis des Médiacrates rend le texte de Marcailloux,digne de repentance pour expier les péchés sociaux de la France.
      Pourquoi ne pas organiser une quête pour l’UMPS ou envoyer son livret d’épargne au Medef ? sans oublier de féliciter les USA pour la ponction de plusieurs Milliards d’euros qu’ils vont effectuer sur la BNP donc la France au vu des pratiques des banques farnçaises actuellement autorisées par nos gouvernements.

    • Baruch dit :

      @Marcailloux disant " en retraite dès 55 ans pour beaucoup – ne démentez pas, j’ai dans mon entourage une masse d’enseignants ou de retraités du public dans ce cas"
      Moi je déments , la date autorisée de la retraite pour les enseignants du primaire est soixante ans, depuis que les instituteurs sont devenus professeurs des écoles (il y a plus de vingt ans) ils ne prennent plus leur retraite à 55 ans, la retraite peut être prise par les professeurs du secondaire entre soixante et soixante cinq ans, pour qu’elle soit "complète" il faut pratiquement le même nombre d’annuités que dans le privé, les enfants "comptant " moins que dans le privé en termes de déduction de temps de cotisation. Pour les enseignants du supérieur la retraite peut ne se prendre qu’à soixante huit ans et même dans certains cas soixante-dix,sans compter l’éméritat (professeur émérite ne voulant pas dire professeur plein de mérite et super- privilégié mais simplement radié des cadres (le cadre meritus en latin) ie; à la retraite mais continuant certaines activités de recherche etc…).
      Voir dans les statuts des autres des "privilèges" acquis et bien sûr illégitimes, ou voir dans les différences des nécessités dues aux conditions spécifiques d’une profession donnée est quelque chose de difficile à évaluer qui demande précision et analyse fine, je vous l’accorde.
      Sous l’ancien régime les privilèges étaient liés à un "état" (une condition sociale relevant d’une société d’"ordre" où les différentes classes sociales se masquaient derrière l’ordre auquel on appartenait) , et ce n’était en rien une question de code du travail, ni d’égalité de richesses ou de revenus.
      En gros le Cardinal de Rohan (celui de l’affaire du collier) appartenait au même ordre que le curé Meslier (celui du Testament) les privilèges qui leur sont octroyés comme membres du clergé sont en un certain sens les mêmes,( et pourtant quelle différence de richesse et d’idées politiques entre eux), c’est cela qu’a aboli la loi du quatre Août, rendant les membres du clergé à leur état de citoyen comme les pauvres buronniers du Cantal ou les riches fermiers généraux, membres tous deux du tiers-état étaient devenus par l’abolition des citoyens égaux entre eux et avec les membres du clergé et de la noblesse (pour lesquels aussi on pourrait trouver entre eux des différences considérables).
      C’est le renversement d’une société d’ordres en une société de citoyens qu’a accompli la nuit du quatre Août, par l’abolition des privilèges, en aucun cas une égalité entre les agents économiques. parler de "privilèges" pour les gens sur le marché du travail, dans un tout autre contexte que celui du statut juridique de l’ancien régime est un abus de langage, qui fausse l’analyse.

    • Marcailloux dit :

      @Descartes,
      Bonsoir,
      [ Vous avez une drôle d’idée de la « justice »……..]
      Symboliquement les cheminots représentent ou tout au moins sont perçus comme des membres d’une corporation qui défend bec et ongles leur statut face à une profession dont l’image est symboliquement celle de la précarité.
      Vous noterez toutefois que je différentie bien l’image de la réalité. Il n’empêche que la plupart d’entre nous ne va pas beaucoup plus loin dans l’analyse des faits. Et que personne ( qui soit habilité et crédible) ne cherche ne cherche à établir et diffuser la réalité des faits.
      [ Mais alors, comment expliquez-vous que lorsque des postes sont offerts dans cette masse de « salariés protégés et non exploités, généralement ad vitam aeternam », ils ne trouvent pas preneur ?….]
      Eh bien là encore, je trouve que les offreurs d’emploi restent bien discrets. Avec près de 5 millions de chômeurs ou assimilés, les employeurs potentiels, le patronat en particulier pourraient organiser une information de masse. Les chaines de radio et de tv font la une chaque jour des pets de tel ou tel footeux. Pour quelle raisons inavouables ils ne diffusent pas largement la bonne nouvelle ?
      [ Pour être complet il faut rajouter à ce tableau une masse de gens encore plus protégés, qui peuvent s’offrir tout ce que le monde a de meilleur en faisant travailler les autres, par le simple fait de posséder du capital. Retenez aussi cet fait, il sera utile dans la suite de la discussion]
      Mais absolument et pour anticiper ma réponse à la suite de votre commentaire, je suis personnellement hostile à l’héritage au-delà de ce qui s’apparente à des économies réalisées tout au long d’une vie de travail, c’est-à-dire au maximum de quelques centaines de milliers d’€ et le plafonnement de toute rémunération nette d’impôt à 15 ou 20 fois le Smic, ceci dans le cadre d’une grille nationale multicritères de référence.
      [ Si la campagne contre les « privilèges » était sincère, on devrait voir nos médias fustiger les « privilèges » des intermittents au même titre que ceux des cheminots ]
      En effet, s’il s’agit aujourd’hui des cheminots c’est qu’ils ont les moyens – c’est un capital comme un autre – de faire plier, le cas échéant, le pouvoir, et qu’ils l’utilisent pour défendre leur intérêt catégoriel. Le salarié de la PME lambda qui est sans cesse exposé au risque de licenciement, à l’impossibilité d’envisager l’avenir avec sérénité, ne peut que se sentir profondément défavorisé par rapport à son voisin cheminot ou autre et de plus doit pâtir des effets de la grève que lui n’a plus les moyens de s’offrir. Ne parlons pas du chômeur partiel ou total.
      [Dites cela aux gros actionnaires du CAC40, ils n’ont pas tous les jours l’opportunité de rigoler…]
      Vous, qui êtes sensible aux leçons de l’histoire, pourrez sans doute vous remémorer de nombreux cas de rieurs qui ont brutalement dû déchanter peu de temps après leurs crises de fou rire.

    • Marcailloux dit :

      @ Bovard
      Bonsoir,
      Je ne comprends rien à votre sabir, et je ressens curieusement à sa lecture l’impression que me donnaient les commentaires des groupies de Mélanchon, sur son blog, dès qu’une voie osait dévier un tant soit peu de la doxa locale.
      Ce n’étaient que vomissements, dénonciations de paroles qualifiées de nauséabondes – ce mot est très à la mode dans ces milieux – ostracisme et condamnation. Ce fut pour moi, pendant quelques semaines, une expérience de type anthropologique très instructive. Descartes en fit d’ailleurs les frais. Ce qui différentie votre commentaire des siens, c’est que s’il n’est pas d’accord, il prend la peine de contredire point par point, avec ses arguments, dans un respect absolu de son interlocuteur.
      Et cette attitude a souvent pour effet un questionnement sur la rigueur intellectuelle de ma position.
      Je regrette de vous dire qu’il n’en est pas de même avec votre commentaire, qui ne fait que me renforcer dans l’idée d’un dialogue impossible avec les corporatistes de tous poils.

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [pour qu’elle soit "complète" il faut pratiquement le même nombre d’annuités que dans le privé, les enfants "comptant " moins que dans le privé en termes de déduction de temps de cotisation.]

      Vous faites bien de le souligner. Même si l’âge de « légal » de départ à la retraite est dans certains régimes dits « spéciaux » inférieur à celui du régime général, cette conquête devient de plus en plus symbolique, et cela pour deux raisons. La première, vous l’avez dit, est que si l’âge légal de départ n’a que peu bougé, le nombre d’annuités requis pour une retraite « pleine » a, lui, suivi le même chemin que celui du régime général. Conséquence : les cheminots et les électriciens-gaziers peuvent partir en théorie plus tôt, mais avec des pénalités punitives. Ce qui fait qu’en pratique le départ à 55 ans devient de plus en plus exceptionnel.

      Il y a une autre raison qui maintient les cotisants des régimes spéciaux au travail, et c’est le fait que leurs enfants font des études de plus en plus longues. Lorsque le régime des électriciens-gaziers est créé en 1946, l’agent arrivant à 55 ans avait ses enfants déjà engagés dans la vie active. En 2014, ses enfants sont encore au lycée et il leur reste plusieurs années d’études. L’agent ne peut donc pas se permettre la perte de revenu qu’entraînerait son départ à la retraite. Ce processus est tellement fort que les agents EDF ont pendant des années fait des pieds et des mains pour ne pas tomber sous la « clause couperet » du statut, qui rendant obligatoire le départ des agents qui arrivaient à 55 ans avec 15 ans de services sur des postes dits « actifs ». Pour éviter le départ, les agents ayant 14 ans et six mois de services actifs demandaient à être mutés sur un poste dit « non-actif », ce qui leur permettait de continuer à travailler en théorie jusqu’à l’âge de 65 ans.

      [Voir dans les statuts des autres des "privilèges" acquis et bien sûr illégitimes, ou voir dans les différences des nécessités dues aux conditions spécifiques d’une profession donnée est quelque chose de difficile à évaluer qui demande précision et analyse fine, je vous l’accorde.]

      Une analyse « fine » qui doit prendre en compte l’ensemble des éléments, et notamment les questions intertemporelles. Le problème de la réforme des régimes dits « spéciaux », et en général de tous systèmes de retraite, est qu’il s’agit d’un contrat de long terme. Certains régimes spéciaux payent des retraites généreuses par rapport au régime général avec des salaires ou des évolutions de carrière beaucoup moins intéressantes. Les gens qui pendant trente ou quarante ans ont tenu le part du contrat sont en droit d’exiger que l’Etat tienne la sienne…

      [Sous l’ancien régime les privilèges étaient liés à un "état" (une condition sociale relevant d’une société d’"ordre" où les différentes classes sociales se masquaient derrière l’ordre auquel on appartenait) , et ce n’était en rien une question de code du travail, ni d’égalité de richesses ou de revenus.]

      Surtout, « l’ordre » le plus élevé, la noblesse, était héréditaire. Il n’était pas le reflet du mérite, de l’effort, du service rendu par la personne qui en bénéficiait. C’est pouquoi la comparaison avec les régimes ou statuts spéciaux fausse le débat. A ma connaissance, ni le statut de fonctionnaire ni celui de cheminot, ni aucun autre « statut spécial » n’est héréditaire…

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Symboliquement les cheminots représentent ou tout au moins sont perçus comme des membres d’une corporation qui défend bec et ongles leur statut face à une profession dont l’image est symboliquement celle de la précarité.]

      Je ne suis pas vraiment persuadé que ce soit le cas. Mon expérience est qu’on trouve plus facilement des gens pour critiquer les cheminots ou les électriciens-gaziers – sans parler des fonctionnaires – dans les professions intermédiaires et les classes moyennes que chez les ouvriers ou les métiers précaires. Mais c’est certainement une coïncidence…

      [« Mais alors, comment expliquez-vous que lorsque des postes sont offerts dans cette masse de « salariés protégés et non exploités, généralement ad vitam aeternam », ils ne trouvent pas preneur ?…. » Eh bien là encore, je trouve que les offreurs d’emploi restent bien discrets. Avec près de 5 millions de chômeurs ou assimilés, les employeurs potentiels, le patronat en particulier pourraient organiser une information de masse. Les chaines de radio et de tv font la une chaque jour des pets de tel ou tel footeux. Pour quelle raisons inavouables ils ne diffusent pas largement la bonne nouvelle ?]

      Je ne comprends pas très bien votre commentaire. Le fait que les postes offerts au CAPES scientifique n’ont été pourvus qu’à moitié a été largement relayé par les médias. Les chaînes de télévision se sont aussi fait plusieurs fois l’écho des difficultés de recrutement d’EDF, sans compter avec la publicité payante de l’entreprise elle-même.

      [Mais absolument et pour anticiper ma réponse à la suite de votre commentaire, je suis personnellement hostile à l’héritage au-delà de ce qui s’apparente à des économies réalisées tout au long d’une vie de travail,]

      Ce n’est pas une position très cohérente. Pourquoi aurais-je le droit de faire bénéficier de mes économies mes enfants, et non mes petits enfants ? Et symétriquement, pourquoi devrais-je profiter du fait que mon père a économisé toute sa vie, alors que mon voisin, qui a eu un père plus dispendieux, n’en profitera pas ? Si notre vie doit être déterminée exclusivement par « nos vertus et nos talents », il faudrait abolir toute forme d’héritage, quelle qu’elle soit.

      [« Si la campagne contre les « privilèges » était sincère, on devrait voir nos médias fustiger les « privilèges » des intermittents au même titre que ceux des cheminots ». En effet, s’il s’agit aujourd’hui des cheminots c’est qu’ils ont les moyens – c’est un capital comme un autre – de faire plier, le cas échéant, le pouvoir, et qu’ils l’utilisent pour défendre leur intérêt catégoriel.]

      Faut croire que les intermittents ont un « capital » bien plus important alors. Parce que le projet de loi ferroviaire est passé avec des modifications minimes, alors que les intermittents ont déjà réussi à faire échouer toute réforme de fond de leur régime, et ont déjà obtenu cette fois-ci des concessions de toutes sortes.

      [Le salarié de la PME lambda qui est sans cesse exposé au risque de licenciement, à l’impossibilité d’envisager l’avenir avec sérénité, ne peut que se sentir profondément défavorisé par rapport à son voisin cheminot ou autre et de plus doit pâtir des effets de la grève que lui n’a plus les moyens de s’offrir. Ne parlons pas du chômeur partiel ou total.]

      Mais en échange de son exposition au risque, le salarié de la PME lambda reçoit une paye plus intéressante, avec une perspective de carrière bien meilleure. Comment expliquez vous sinon que la masse des salariés des PME n’envoie pas de candidature chaque fois que la SNCF ouvre un poste au recrutement ?

      [« Dites cela aux gros actionnaires du CAC40, ils n’ont pas tous les jours l’opportunité de rigoler… ». Vous, qui êtes sensible aux leçons de l’histoire, pourrez sans doute vous remémorer de nombreux cas de rieurs qui ont brutalement dû déchanter peu de temps après leurs crises de fou rire.]

      Ma connaissance de l’histoire doit être moins profonde que vous ne le pensez. Je n’arrive pas à me remémorer de « nombreux cas » ou des gros actionnaires du CAC40 « rieurs » ont du déchanter peu de temps après leur crise de fou rire. Pourriez-vous être plus précis ?

    • bovard dit :

      @Marcailloux
      Bonjour tout d’abord,
      Puisque vous semblez attacher au débat contradictoire,poli et raisonné,allons aux faits,c’est vrai, je ne suis pas un décliniste.
      Pourquoi?car j’ai confiance au modèle social et collectiviste français qui est bien en place malgré les coups de butoir de ces dernières décennies.
      Sans être un Maurassien ,mes sources étant plutôt Jauréssienne,j’ai du respect et de l’admiration pour l’état social français.
      Ma grand mère qui était une femme salariée,hyper-exploitée comme l’était de trés nombreuses femmes de la France de l’époque 1930,m’a socialement ‘déniaisé’ dès mes 7 ans .en me racontant sa vie misérable avant 1945.
      Entre ce que fut sa vie après 1945 et ses quarantes premières années non encore collectivisées,les différences sont énormes dans le sens de progrès sociaux inouïs.
      Peut être que vous n’avez pas eu de témoignages sur la période ante-protections sociales mais vous pouvez imaginer ce vers quoi les anti-corporatistes et anti-protectionnistes veulent amener la France.
      Les arguments de corporatismes,d’égoismes ,de fainéantisme ont été à chaque fois opposés à ces progrès sociaux par les partisans de l’ordre ancien.
      Ce qui a changé c’est que les élites actuelles veulent absolument détruire ce que les anciennes élites avaient mis en place.
      Exemple:La France est si riche que les américains ponctionnent 4,6 milliards d’euros sans coup férir,à la BNP qui va payer Rubis sur ongle.
      Nos ‘élites’ sont si irresponsables qu’elles sont la cause de cette ponction puisque la direction de la BNP a fauté, sans manifester de résistances.
      Par contre,les mêmes ‘élites’ sont les premières à privatiser,à casser le tissu social français car au fond,ces ‘élites’ n’adhèrent pas au modèle social français contemporain.
      Ce modèle social français contemporain qui a fait que la France a plus résisté que les autres pays aux crises.
      Que l’on n’évoque pas la ‘Deutschbank’ qui pour dire que le PIB allemand est supérieur au PIB français ,comptabilise pour l’Allemagne les échanges liées à la prostitution et à la drogue,dans le PIB alors que ce n’est pas fait,heureusement pour le PIB de la France…Le Point Indiciel de Bonheur est plus important que le PIB.
      En France ,le Point Indiciel de Bonheur est au TOP,supérieur au Bengladesh,Haîti Etc.. et à l’Allemagne,USA et GB où sévissent le corporatisme et le protectionnisme mais où le système est différent..
      Installer la sinistrose en France,avoir des élites corruptibles telles sont les conditions nécessaires pour abattre le modèle social français contemporain.
      Regardez le tableau actuel :
      Avec un Nicoléon mis en examen,un Normal premier aux ordres de Merkel,une Fifille-lavoilà dans l’ombre du père,un DSK,un Cahuzac,un Coppé etc…beaucoup de nos dirigeants actuels sont comme nombre de capitaines d’industries à la Chaudron de Courcelles :Dangeureusement irresponsables pour la pérennité de notre bonheur lié à l’état social qui est encore au TOP en France.
      Toutes les analyses micro-économiques qui ne mentionnent pas l’effet bénéfique de l’économie sociale et collective à la française, sont dangereuses pour le pays et vont dans le sens d’un nivellement par le bas.
      Voilà pour quoi,vos propositions et leurs clichés ultra-libéraux(déformation professionnelle ?) doivent être rejetées.
      C’est notre bonheur ‘à la française’.que vous voulez détruire au profit d’une société individualiste sans répartitions des richesses.
      Envisagez les conséquences déjà à l’oeuvre en France depuis la fin du pacte en 1983, entre gaullistes et les communistes:
      -Fin de la planification, désindustrialisation,l’exode rural,le recul de l’assimilation des immigrés,la baisse de l’espérance de vie en bonne santé,l’augmentation du chômage,suite aux politiques libérales Deloristes mises en place depuis 1983 et vous comprendrez l’intérêt qu’il y a,à défendre le modèle collectiviste et social français dont vous profitez légitimement après avoir cotisés,aujourd’hui grâce à mon travail et aux transferts répartitifs dûs à la solidarité inter-générationnelle totalement ‘a-libérale’.Comme ma grand-mère en a profité et j’espère mes enfants..

    • Descartes dit :

      @ Bovard

      [Ce qui a changé c’est que les élites actuelles veulent absolument détruire ce que les anciennes élites avaient mis en place.]

      Votre réponse ne s’adresse pas à moi, mais je trouve que cette remarque mérite d’être commentée. En 1945, la socialisation partielle de l’économie et la mise en place d’une protection sociale d’avant-garde fut possible grâce à deux éléments : d’un côté, la puissance d’un complexe politique-syndical, celui formé par le PCF et la CGT, qui pouvait peser dans la balance. Mais il a aussi la manière dont les élites se sont reconstituées au sortir de la guerre. Les élites bourgeoises libérales traditionnelles en Europe avaient parié sur les régimes autoritaires en qui elles voyaient un antidote contre le communisme, et avaient perdu. A leur place, la libération a mis en selle des élites patriotes, keynésiennes et étatistes. Des élites qui comprenaient qu’une protection sociale et des infrastructures de qualité réduisaient sur le moment les profits, mais que c’était une condition sine qua non du redémarrage de la production et donc des profits futurs.

      [Le Point Indiciel de Bonheur est plus important que le PIB.]

      Soyons sérieux. Le « bonheur » n’est pas un concept opérant ni en économie, ni en politique. Le but d’une politique n’a jamais été – et ne peut pas être – de rendre les gens heureux. Le bonheur est quelque chose de trop personnel, de trop subjectif pour pouvoir être mesuré, évalué, compté.

      [Avec un Nicoléon mis en examen,un Normal premier aux ordres de Merkel,une Fifille-lavoilà (…)]

      Je vous l’ai dit, et je vous le répète : il faut appeler les choses par leur nom. Utiliser ce genre de langage ramène le débat politique à un jeu de cour d’école.

      [Envisagez les conséquences déjà à l’oeuvre en France depuis la fin du pacte en 1983, entre gaullistes et les communistes:]

      1983 ? Vous êtes généreux… en fait, le « gaullo-communisme » s’érode à partir de 1974, avec l’arrivée de Giscard au pouvoir. En 1981, il n’en reste plus rien.

  13. v2s dit :

    @ Descartes
    [« Vous voulez dire qu’il faut étendre le statut des intermittents du spectacle (ou celui du cheminot, ou celui d’EDF) à l’ensemble des travailleurs ? C’est une idée, ça… ». … Je note que vous ne répondez pas à la question. Pourtant, il suffisait de dire « oui » ou « non »…]
    La réponse est NON, sans hésitation et sans ambiguïté !
    J’essaie pourtant d’être clair, mais apparemment, je n’y parviens pas.
    Donc je reprends :
    Je suis résolument contre TOUS les régimes spéciaux, y compris celui des intermittents de la distraction et du spectacle (il me semblait l’avoir dit souvent, il me semblait même que vous l’aviez compris puisque vous multipliez les arguments pour me convaincre du bien fondé des exceptions EDF, Cheminots etc…)
    Un ingénieur, un électricien, ou un employé aux écritures, qu’ils travaillent à la SNCF, à l’EDF, à la Société Lamda ou aux services de la ville font le même travail. Pourquoi ne ressortent ils pas tous du même droit du travail ? Je suis d’accord avec vous sans restriction sur la nécessité de respecter les engagements antérieurs et de compenser financièrement la mise en harmonie. Mais, pour les nouveaux embauchés, je trouve anormal qu’on persiste à ne pas respecter le principe d’égalité.
    Pour ce qui est des difficultés de recrutement, il faudrait regarder de plus près, fonction par fonction. Et il est tout à fait logique et même indispensable que certaines rémunération soient réévaluer en fonction des salaires pratiqués.
    A cet égard, votre exemple du manque de candidats aux CAPES scientifiques (et mathématique) est caractéristique. Pour réussir ce concours il faut avoir un excellent niveau BAC+5 ou ingénieur et le salaire, au départ 1653€ net après 2 ans de carrière et de 2660 à 2996€ net après 30 ans de carrière, est notoirement insuffisant, comparé aux salaires pratiqués dans le privé pour les fonctions scientifiques.
    Il faut donc s’adapter, fonction par fonction mais je ne vois pas en quoi ça justifie la nécessité de faire perdurer des régimes spéciaux.
    Je ne conteste pas non plus le fait que, pendant la période faste des 30 glorieuses et jusqu’aux années 90, les acquis sociaux des fonctionnaires ont tiré positivement tout le monde vers le haut. Tant mieux. Par contre, je suppose que nous ne nous mettrons pas d’accord sur le fait que certains, dont moi, considèrent qu’il est irréaliste de vouloir toujours plus, au détriment de l’équilibre général. J’ai bien compris votre point sur le fait que rien ne dit qu’on ait atteint le maximum, les cheminots et les autres continuent donc de tirer sur la corde, je pense moi, que c’est au détriment de l’équilibre de notre société. Vos arguments ne m’ont pas convaincu.
    Sur votre accusation de vouloir supprimer le droit de grève, votre point de vue est caricatural. Le droit de grève est inscrit dans le droit, il s’applique. Rien à dire. Par contre pas d’accord avec les pressions sur les non grévistes, pas d’accord non plus avec les coups de force pour bloquer les matériels, pas d’accord non plus pour donner une prime à ceux qui ont le plus grand pouvoir de nuisance.
    Souvenez vous, vous n’êtes sans doute pas trop jeune pour vous rappeler du temps « béni » ou l’EDF coupait le courant jusqu’à obtenir satisfaction et jusqu’à payement des jours de grève. Heureusement ce temps est révolu et ça n’empêche pas la France de continuer à être un des pays au monde les plus favorables aux salariés. Pourvu que ça dure.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Vous voulez dire qu’il faut étendre le statut des intermittents du spectacle (ou celui du cheminot, ou celui d’EDF) à l’ensemble des travailleurs ? C’est une idée, ça… ». … Je note que vous ne répondez pas à la question. Pourtant, il suffisait de dire « oui » ou « non »… ». La réponse est NON, sans hésitation et sans ambiguïté !]

      Bien. On voit donc que pour vous « l’injustice » que vous voyez dans le fait que certains ont des régimes sociaux plus protecteurs ou favorables que d’autres ne peut être réparée que par un nivellement par le bas. Dont acte. Je ne vois pas d’ailleurs pourquoi votre raisonnement cesserait d’être valable lorsqu’on l’applique à « l’injustice » résultant du fait que le travailleur français bénéficie d’une protection sociale bien meilleure que le travailleur bangladeshi. Là aussi, j’imagine, vous proposez de réparer l’injustice par un nivellement par le bas. Ais-je bien compris ?

      [Un ingénieur, un électricien, ou un employé aux écritures, qu’ils travaillent à la SNCF, à l’EDF, à la Société Lamda ou aux services de la ville font le même travail. Pourquoi ne ressortent ils pas tous du même droit du travail ?]

      Si je comprends bien, vous êtes contre la négociation sociale et les accords d’entreprise ou de branche ? Car que font-ils ces accords, sinon de créer du droit différent selon la branche professionnelle ou l’entreprise ?

      Je pense que vous simplifiez singulièrement les choses. Un électricien à EDF ne fait pas tout à fait le même travail qu’un électricien de la société Lamda. Parce qu’EDF doit fournir son service vingt qutre heures sur vingt quatre sept jours sur sept trois cent soixante cinq par an. Toutes les années que j’ai passé dans l’entreprise, j’ai passé mon réveillon de noël ou du jour de l’an dans l’entreprise. Cela faisait partie de mon travail, sans que je reçoive la moindre compensation salariale. Je ne me plains pas : j’estime que les bénéfices contenus dans le statut me dédommageaient largement. Mais si j’avais été soumis au régime général, j’aurais certainement demandé une prime. De la même façon, lors de la tempête de 1999, l’entreprise a pu mettre au travail ses « inactifs » (on ne disait pas « retraités » à l’époque) parce que le statut le permettait. On n’aurait pas pu le faire – pour des questions d’assurance, par exemple – sans le « statut spécial ».

      Le monde du travail est infiniment plus complexe que vous ne le croyez. A côté des statuts « réglementaires » – comme celui des fonctionnaires, des cheminots ou des électriciens-gaziers, les négociations de branche et d’entreprise ont créé des « statuts » très dont certains sont même plus favorables que les statuts réglementaires. Le meilleur exemple est la convention collective des industries pétrolières. C’est tellement vrai que lorsque le réseau de distribution gaz de la zone aquitaine a été racheté par GDF-Suez, les travailleurs se sont battus pour conserver leur convention collective plutôt que de bénéficier du statut des électriciens-gaziers… C’est pourquoi votre idée de faire « ressortir tous du même droit du travail » serait une source de rigidités monstrueuses.

      [Pour ce qui est des difficultés de recrutement, il faudrait regarder de plus près, fonction par fonction. Et il est tout à fait logique et même indispensable que certaines rémunération soient réévaluer en fonction des salaires pratiqués.]

      Pourquoi ? Dans certains métiers, il est plus avantageux pour le salarié comme pour l’employeur de garantir l’emploi pour un salaire inférieur, par exemple. Ou de proposer une meilleure retraite en échange d’une plus grande fidélité. Pourquoi vouloir mettre tout le monde à la même enseigne ?

      [A cet égard, votre exemple du manque de candidats aux CAPES scientifiques (et mathématique) est caractéristique. Pour réussir ce concours il faut avoir un excellent niveau BAC+5 ou ingénieur et le salaire, au départ 1653€ net après 2 ans de carrière et de 2660 à 2996€ net après 30 ans de carrière, est notoirement insuffisant, comparé aux salaires pratiqués dans le privé pour les fonctions scientifiques.]

      C’est exactement mon point. Lorsqu’on évalue un « régime special », il faut prendre en compte tous les éléments : retraite, vacances, rémunération… il est clair que le statut des professeurs de sciences est moins favorable que celui proposé par le privé pour le même niveau de formation. Et cela malgré la retraite plus favorable ou la sécurité de l’emploi.

      [Il faut donc s’adapter, fonction par fonction mais je ne vois pas en quoi ça justifie la nécessité de faire perdurer des régimes spéciaux.]

      Les « régimes spéciaux », comme les accords de branche ou d’entreprise, permettent d’adapter le droit aux besoins spécifiques d’une branche ou d’un métier. Prenez par exemple le domaine de l’énergie nucléaire : pour former un technicien ou un opérateur de réacteur, il faut des années de formation dans l’entreprise. Dans ces conditions, il est logique que l’entreprise, qui paye cette formation, cherche à fidéliser ses employés. Et une manière de les fidéliser, c’est d’étaler les rémunérations de manière à mettre l’essentiel de la récompense en fin de carrière. Par exemple en proposant un régime de retraite très favorable. Si vous soumettez la branche au régime général, aucune entreprise n’acceptera de financer la formation de ses agents…

      [Par contre, je suppose que nous ne nous mettrons pas d’accord sur le fait que certains, dont moi, considèrent qu’il est irréaliste de vouloir toujours plus, au détriment de l’équilibre général.]

      Nous tomberons facilement d’accord sur ce point. Le problème, c’est que ceux qui fustigent les revendications des cheminots ou des fonctionnaires n’ont pas en tête « l’équilibre général », mais plutôt les profits des actionnaires. C’est pourquoi d’ailleurs ces mêmes justiciers n’évoquent jamais l’injustice bien plus criante qui est celle de la rémunération du capital. Pensez-vous qu’il soit normal que les actionnaires veuillent « toujours plus, au détriment de l’équilibre général » ?

      [J’ai bien compris votre point sur le fait que rien ne dit qu’on ait atteint le maximum, les cheminots et les autres continuent donc de tirer sur la corde, je pense moi, que c’est au détriment de l’équilibre de notre société.]

      Vous avez mal compris mon point. Personnellement, je ne crois pas que les agents soumis aux « statuts » soient aussi avantagés que vous le croyez par rapport aux salariés du privé. Si c’était le cas, les salariés du privé seraient en train de quitter leurs postes en masse pour candidater sur les postes offerts par EDF ou la SNCF. Or, ce n’est pas le cas. L’exemple du CAPES vous montre – vous l’avez admis – que si les gens qui ont le niveau requis pour ces postes trouvent leur avantage à préférer le privé… et cela malgré la retraite, les vacances, la sécurité de l’emploi et autres avantages du statut de fonctionnaire.

      Les « statuts » et « régimes spéciaux » sont GLOBALEMENT équivalents aux conventions collectives du privé en termes d’avantages. Même si sur tel ou tel domaine – sécurité de l’emploi, retraite – les premiers sont plus favorables, ceci est compensé par les faiblesses dans d’autres domaines – rémunération, carrière.

      [Sur votre accusation de vouloir supprimer le droit de grève, votre point de vue est caricatural. Le droit de grève est inscrit dans le droit, il s’applique. Rien à dire.]

      Faut savoir. Si vous qualifiez le fait d’arrêter le service des trains de « racket par une minorité », il est clair que vous souhaiteriez que la grève ne provoque pas ces perturbations. Cela revient à en finir avec le droit de grève. Une grève qui ne gêne personne, qui ne coûte rien à personne est parfaitement inutile.

      [Par contre pas d’accord avec les pressions sur les non grévistes, pas d’accord non plus avec les coups de force pour bloquer les matériels, pas d’accord non plus pour donner une prime à ceux qui ont le plus grand pouvoir de nuisance.]

      En d’autres termes, vous êtes d’accord pour respecter le droit de grève, à condition qu’il ne nuise à personne. J’ai bien compris ?

      [Souvenez vous, vous n’êtes sans doute pas trop jeune pour vous rappeler du temps « béni » ou l’EDF coupait le courant jusqu’à obtenir satisfaction et jusqu’à payement des jours de grève. Heureusement ce temps est révolu]

      C’est drôle que vous disiez cela. Savez-vous pourquoi l’on ne coupe plus le courant pendant les grèves EDF ?

      [et ça n’empêche pas la France de continuer à être un des pays au monde les plus favorables aux salariés. Pourvu que ça dure.]

      Ah bon ? Je croyais au contraire que défendiez la thèse selon laquelle il fallait s’adapter à la mondialisation. Comment fait-on pour être compétitif dans une économie mondialisée en étant « l’un des pays du monde les plus favorables aux salariés » ?

  14. xc dit :

    @V2s
    A propos des 160, voire moins, jours travaillés par an par certains cheminots, il faut comparer ce qui est comparable.
    L’entreprise où je travaille a quasiment les mêmes contraintes que la SNCF. Pour y faire face, elle a mis en place une flopée d’horaires de travail atypiques dont certains font travailler les gens un nombre de jours annuel aussi réduit. Cela ne veut pas dire que ces gens travaillent moins longtemps que les autres. Simplement, leur horaire de travail est concentré sur moins de jours.
    Si vous travaillez en nuit, par exemple, il vous est difficile de vous reposer, votre vie de famille est perturbée, et vous pouvez avoir à effectuer votre trajet de travail à des moments où l’offre de transport en communs est réduite, voire inexistante. En concentrant votre temps de travail sur, par exemple, 3 nuits par semaine, en moyenne, vous limitez ces inconvénients. Bien évidemment, votre durée journalière de travail est plus longue. Mais, à tout prendre, ce peut être préférable.
    Je ne connais pas la SNCF, mais je suis prêt à parier que la problématique y est la même.

    • Descartes dit :

      @ xc

      [A propos des 160, voire moins, jours travaillés par an par certains cheminots, il faut comparer ce qui est comparable. L’entreprise où je travaille a quasiment les mêmes contraintes que la SNCF. Pour y faire face, elle a mis en place une flopée d’horaires de travail atypiques dont certains font travailler les gens un nombre de jours annuel aussi réduit. Cela ne veut pas dire que ces gens travaillent moins longtemps que les autres. Simplement, leur horaire de travail est concentré sur moins de jours. ]

      Bien entendu. Je pense que notre ami v2s ne connaît pas bien le monde industriel. Les « statuts », tout comme les conventions collectives et autres accords d’entreprise sont les outils qui ont permis d’adapter le droit du travail aux besoins et spécificités de chaque métier tout en gardant un ensemble de garanties communes. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’on trouve des travailleurs sous statut soient en général ceux qui travaillent dans des activités qui impliquent des contraintes très particulières : la continuité absolue du service chez EDF, le devoir absolu de réserve et de loyauté chez les fonctionnaires, la contrainte géographique et d’horaires à la SNCF. Mais certaines branches – les industries chimiques, les industries pétrolières – ont des conventions collectives qui constituent de véritables statuts sans en avoir le nom.

    • v2s dit :

      [Je pense que notre ami v2s ne connaît pas bien le monde industriel.]
      De l’âge de 18 ans, jusqu’à l’âge de 65 ans, je n’ai travaillé QUE dans le monde industriel. J’ai successivement appartenu aux conventions collectives de la papeterie, de la chimie, de la métallurgie puis à nouveau de la chimie, branche plasturgie. Hormis les 10 premières années, j’ai toujours tenu des postes d’encadrement, puis de direction de sites qui me mettaient aux premières loges sur les questions sociales, et aussi pour observer les syndicats et les représentants élus du personnel. (C’est d’ailleurs ce qui me permettait d’affirmer qu’ils se préoccupent bien peu du sort des intérimaires).
      J’ai passé ma fin de carrière à ouvrir, démarrer, réorganiser, fermer des sites de tailles diverses en France mais aussi au Brésil, en Grande Bretagne, en Pologne en Russie et au Maghreb. Et toujours pour des entreprises différentes, puisque les dernières années, je faisais de la direction par intérim, en tant qu’indépendant.
      L’industrie, c’est ma vie.
      C’est vrai, j’ai toujours été choqué de voir avec quelle facilité les cheminots ou l’EDF jadis, bloquaient le pays pour faire aboutir des revendications catégorielles.
      Mais le fond de notre désaccord ne se situe pas là.
      Vous revenez sans cesse aux actionnaires du CAC 40 qui déposséderaient les travailleurs d’une part de la valeur qu’ils produisent.
      Comme la vie serait simple si le monde se disait en méchants actionnaires du CAC 40 et en gentils travailleurs exploités.
      D’ailleurs qui sait ou sont placés vos économies ? Qui sait si sans le savoir vous n’êtes pas vous-mêmes actionnaire du CAC via votre placement favori dont vous ignorez en général ou il est réinvesti par la banque ou vous l’avez placé.
      Et puis les grandes entreprises emploient 1/3 des salariés du privé, certes c’est beaucoup, mais ça veut dire aussi que les 2/3 sont employés par de petites structures qui ne sont pas cotées en bourse.
      Dans la vraie vie il n’y a pas que des actionnaires et des exploités, il y a aussi des entrepreneurs.
      Le terme fait-il parti du vocabulaire marxiste ? Je l’ignore, mais pour votre part vous n’en parlez jamais.
      Un entrepreneur, c’est un homme qui a des idées, qui se passionne, qui agit, qui crée une entreprise, la développe, cherche des clients, … et par voie de conséquences crée des richesses, pour lui, pour son pays et aussi pour les salariés qu’il emploie.
      Vous semblez croire que l’appât du gain et l’accumulation de richesses sont les seules motivations et bien vous vous trompez. L’etre humain aime créer, inventer, développer … le gain n’est souvent que la consécration d’une réussite.
      Et puis une autre chose me chagrine chez les communistes en général. C’est cette obstination à refuser de voir le monde bouger. Je lisais chez un de vos lecteurs que pour lutter contre le chômage il fallait taxer les robots. Savez vous qu’à Singapour les administrations utilisent massivement ce qu’elles appellent l’administration en ligne. En pratique vous scanner vous-mêmes tous vos documents en ligne et quand vous avez besoin d’une administration vous vous présentez les mains vides et votre interlocuteur peut consulter votre dossier. Et bien Singapour exporte ce savoir faire partout, même en Afrique. Ils ont par exemple installé en Namibie un système de magistrature électronique pour la cour suprême et les tribunaux de grande instance. Un nouveau système permettant de classer efficacement les documents du tribunal et de gérer électroniquement les activités liées aux divers dossiers tout en enregistrant numériquement les procédures du tribunal.
      Nous, nous préférons faire la grève pour exiger l’embauche de greffiers supplémentaires tout en continuant de crouler sous les affaires en retard.
      Il faudrait faire la gréve pour exiger l’automatisation des taches.
      Singapour exporte des solutions numériques dans les pays en développement mais nous, en France, pays très développé, nous continuons d’affirmer que lutter contre la réduction des effectifs c’est lutter pour le maintien d’un excellent service public.

      Quand je vous disais :
      [apparemment, en France, ceux qui « reviennent » à Marx ne sont plus très nombreux.]
      Vous me demandiez :
      [Et vous en tirez quelle conclusion ?]
      Et bien, j’en tire la conclusion qu’une immense majorité de français ne voit pas dans le communisme l’avenir de notre pays. Et je pense qu’ils ont bien raison.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Je pense que notre ami v2s ne connaît pas bien le monde industriel ». De l’âge de 18 ans, jusqu’à l’âge de 65 ans, je n’ai travaillé QUE dans le monde industriel. J’ai successivement appartenu aux conventions collectives de la papeterie, de la chimie, de la métallurgie puis à nouveau de la chimie, branche plasturgie. Hormis les 10 premières années, j’ai toujours tenu des postes d’encadrement, puis de direction de sites qui me mettaient aux premières loges sur les questions sociales, et aussi pour observer les syndicats et les représentants élus du personnel. (C’est d’ailleurs ce qui me permettait d’affirmer qu’ils se préoccupent bien peu du sort des intérimaires).]

      Et alors ? On peut naviguer toute sa vie et ne connaître qu’un seul bateau…
      Je remarque d’ailleurs que vous ne répondez pas à l’objection de XC, qui pourtant était très précise : le nombre de jours travaillés ne nous dit rien, puisque certains métiers ont des systèmes de réduction du nombre de jours travaillés associés à des horaires étendus.

      [C’est vrai, j’ai toujours été choqué de voir avec quelle facilité les cheminots ou l’EDF jadis, bloquaient le pays pour faire aboutir des revendications catégorielles.]

      Si je comprends bien, pour vous la grève n’est légitime que si elle ne gêne personne. J’ai bien compris ?

      [Mais le fond de notre désaccord ne se situe pas là. Vous revenez sans cesse aux actionnaires du CAC 40 qui déposséderaient les travailleurs d’une part de la valeur qu’ils produisent.]

      Ils ne sont pas les seuls, mais ils y participent.

      [Comme la vie serait simple si le monde se disait en méchants actionnaires du CAC 40 et en gentils travailleurs exploités.]

      Ne m’attribuez pas des jugements de valeur qui sont les vôtres. Moi, je ne connais que des capitalistes qui exploitent le travail des autres, et des travailleurs qui se voient prélever une partie de la richesse qu’ils produisent. C’est tout. Personne n’est « bon », personne n’est « méchant » là dedans. J’évite même d’exprimer un jugement quand à savoir si une telle situation est « juste » ou « injuste ». Ce n’est pas là la question.

      [D’ailleurs qui sait ou sont placés vos économies ? Qui sait si sans le savoir vous n’êtes pas vous-mêmes actionnaire du CAC via votre placement favori dont vous ignorez en général ou il est réinvesti par la banque ou vous l’avez placé.]

      Quelles économies ? Mais quand bien même je serais le fils et seul héritier de Martin Bouygues, je ne vois pas ce que cela viendrait faire dans cette discussion. On peut parfaitement être un exploiteur, et avoir conscience du fait. Et sans pour autant se sentir particulièrement coupable. Je vous assure, j’en connais quelques uns…

      [Et puis les grandes entreprises emploient 1/3 des salariés du privé, certes c’est beaucoup, mais ça veut dire aussi que les 2/3 sont employés par de petites structures qui ne sont pas cotées en bourse.
      Dans la vraie vie il n’y a pas que des actionnaires et des exploités, il y a aussi des entrepreneurs.
      Le terme fait-il parti du vocabulaire marxiste ? Je l’ignore, mais pour votre part vous n’en parlez jamais.]

      Non, le terme « entrepreneur » ne fait pas partie du vocabulaire marxiste, et cela pour la simple raison que le terme « entrepreneur » tel qu’il est utilisé aujourd’hui désigne des choses tellement différentes qu’il est difficile d’en faire une catégorie économique. Prenons la définition que vous donnez :

      [Un entrepreneur, c’est un homme qui a des idées, qui se passionne, qui agit, qui crée une entreprise, la développe, cherche des clients, … et par voie de conséquences crée des richesses, pour lui, pour son pays et aussi pour les salariés qu’il emploie.]

      Vraiment ? Martin Bouygues est pour vous un « entrepreneur » ? La réponse, si je suit votre raisonnement, est négative. Il n’a pas « crée une entreprise », il l’a héritée. Par contre, on peut dire que Al Capone, lui, était un véritable « entrepreneur »…

      Ce qui par contre m’étonne c’est le chapitre de l’entrepreneur qui « crée des richesses pour les salariés qu’il emploie ». On aurait cru que ce sont les salariés qui par leur travail créent de la richesse, c’est l’inverse. Mais dans ce cas, pourquoi les « entrepreneurs » cherchent-ils à agrandir leur entreprise ? Cela ne peut que les conduire à partager « la richesse qu’ils créent » avec de plus en plus de salariés, ce qui devrait leur laisser une part de plus en plus faible. Or, curieusement, c’est le contraire qu’on observe : plus le nombre de salariés est important, plus « l’entrepreneur » gagne de l’argent…

      Laissons donc le monde des bisonours et revenons sur terre. Ce n’est pas « l’entrepreneur » qui crée de la richesse. La seule chose capable de créer de la richesse, c’est le travail humain. Si l’entrepreneur crée de la richesse, c’est par son travail, et non par sa « passion » ou ses « idées ». J’ajoute que la « passion » et les « idées » ne sont nullement réservées aux « entrepreneurs », et qu’on peut parfaitement « agir » sans en être un. Diriez-vous que Marcel Boiteux était un « entrepreneur » ?

      [Vous semblez croire que l’appât du gain et l’accumulation de richesses sont les seules motivations et bien vous vous trompez. L’etre humain aime créer, inventer, développer … le gain n’est souvent que la consécration d’une réussite.]

      Alors je me demande pourquoi les « entrepreneurs » sont montés sur leurs grands chevaux quand on a voulu imposer les plus-values qu’ils effectuent lors de la vente de leur entreprise, pourquoi ils se plaignent en permanence de l’impôt sur les bénéfices. Si l’argent ne les intéresse pas, tout ça devrait leur être à peu près indifférent, non ?

      Je note donc que pour vous on peut sans difficulté alourdir la fiscalité sur les plus-values ou sur les bénéfices des sociétés, puisque aucun de ces deux impôts ne devrait gêner ces « entrepreneurs » si peu intéressés par l’argent. Ils pourront toujours « créer, inventer, développer »…

      [Et puis une autre chose me chagrine chez les communistes en général. C’est cette obstination à refuser de voir le monde bouger. Je lisais chez un de vos lecteurs que pour lutter contre le chômage il fallait taxer les robots.]

      Je n’ai pas à défendre des idées qui ne sont pas les miennes. Non, les « communistes en général » ne soutiennent pas de pareilles fadaises. Au contraire.

      [Il faudrait faire la gréve pour exiger l’automatisation des taches.]

      Lorsque les fruits de la modernité étaient partagés entre le capital et le travail – je vous parle d’un temps béni que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, celui des « trente glorieuses » – la modernisation des tâches ne posait pas de problème. Lorsqu’on a remplacé les tickets poinçonnés par les tickets à bande magnétique dans le métro parisien, personne ne s’est mis en grève. On a construit des centrales nucléaires qui ont remplacé les vieilles centrales thermiques avec beaucoup moins de personnel, et je ne me souviens pas que cela ait provoqué une résistance. Au contraire, on voyait l’arrivée de machines modernes du meilleur œil puisque tout le monde y gagnait.

      Seulement voilà : en trente ans dix pour cent du PIB est passé de la rémunération du travail à la rémunération du capital. Pendant cette période, les gains de productivité amenés par les machines ont été intégralement récupérés par le capital. Et le chômage de masse s’est installé. Alors, on peut comprendre que les travailleurs soient hostiles à des changements dont ils souffrent les inconvénients alors que les avantages sont pour d’autres.

      [Et bien, j’en tire la conclusion qu’une immense majorité de français ne voit pas dans le communisme l’avenir de notre pays. Et je pense qu’ils ont bien raison.]

      Mangez de la merde, 400 millions de mouches ne peuvent pas se tromper.

    • v2s dit :

      Dans votre réponse trois éléments m’ont interpellé.

      Je laisserais de coté :
      [Mangez de la merde, 400 millions de mouches ne peuvent pas se tromper.]
      Je vous laisse la responsabilité de comparer les français à des [mouches à merde.]

      Je note que, pour le fait de taxer les robots, vous dites vous désolidariser des [pareilles fadaises]. Je note aussi que sur le moment je ne vous avais pas vu réagir. Vous avez la réaction véhémente bien sélective.

      Je ne retiendrais que ça, qui me semble plus important :
      [Ce n’est pas « l’entrepreneur » qui crée de la richesse. La seule chose capable de créer de la richesse, c’est le travail humain.]
      Il faudrait plusieurs livres pour débattre d’un tel sujet. Si j’essayais en quelques lignes, je dirais que, si on divise le monde en pays qui ont combattu la libre entreprise et en pays qui l’ont encouragée, on constate, à posteriori, que les premiers, ceux qui l’ont combattu, ont tous fini par changer d’avis. (S’agit-il aussi de [mouches à merde] ?)
      Et ceux qui se font les pourfendeurs de la libre entreprise, comme vous, le font toujours à l’abri de sociétés libres, riches, dont l’opulence se fonde précisément sur la liberté d’entreprendre.
      Connaissez-vous une expérience de socialisation des moyens de production qui ait conduit un peuple au bonheur ? Connaissez vous seulement une seule expérience de socialisation des moyens de production qui ne se soit pas terminée soit en fiasco soit en régime ultra-autoritaire dans lequel vous ne souhaiteriez pas à votre pire ennemi, de vivre.
      Le travail crée bien sûr la richesse, mais la liberté individuelle d’entreprendre, elle, démultiplie la créativité et l’innovation.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Mangez de la merde, 400 millions de mouches ne peuvent pas se tromper ». Je vous laisse la responsabilité de comparer les français à des « mouches à merde ».]

      Je n’ai nullement « comparé les français à des mouches à merde ». J’ai simplement cité une expression connue pour montrer que ce n’est pas parce qu’un grand nombre d’êtres font quelque chose qu’il faut nécessairement les imiter. Au lieu de répondre sur le fond, vous préférez faire le numéro de la vierge offensée par une « comparaison ». A votre aise. « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ».

      [Je note que, pour le fait de taxer les robots, vous dites vous désolidariser des « pareilles fadaises ». Je note aussi que sur le moment je ne vous avais pas vu réagir. Vous avez la réaction véhémente bien sélective.]

      J’ai suffisamment défendu le parti de la modernité dans mes papiers pour ne pas estimer nécessaire de réagir avec « véhémence » à ce genre de commentaire. J’aurais imaginé que mon opinion sur cette question était sans ambiguïté. Mais au cas où il en subsisterait une, je réaffirme : je suis pour l’utilisation , chaque fois que c’est possible et utile, des technologies les plus modernes dans la production. A condition, bien entendu, que les gains soient convenablement redistribués. Si l’utilisation des technologies modernes aboutissent uniquement à engraisser le capital et à mettre le travailleur au chômage, je suis contre.

      [« Ce n’est pas « l’entrepreneur » qui crée de la richesse. La seule chose capable de créer de la richesse, c’est le travail humain ». Il faudrait plusieurs livres pour débattre d’un tel sujet.]

      Et plusieurs livres ont été écrits. Cette découverte n’a rien de bien nouveau, et contrairement à ce que vous semblez croire, ce n’est nullement une idée « de gauche ». C’est David Ricardo, le théoricien du libre-échange et de la révolution industrielle naissante qui le premier théorisa ce point. Je ne crois pas que vous trouverez d’ailleurs beaucoup d’économistes sérieux qui contestent ce point.

      [Si j’essayais en quelques lignes, je dirais que, si on divise le monde en pays qui ont combattu la libre entreprise et en pays qui l’ont encouragée, on constate, à posteriori, que les premiers, ceux qui l’ont combattu, ont tous fini par changer d’avis. (S’agit-il aussi de [mouches à merde] ?)]

      Pour vérifier ce point de vue, il faudrait savoir de quoi on parle. C’est quoi, la « libre entreprise » ? C’est quoi « un pays qui a combattu la libre entreprise » ? A ma connaissance, la « libre entreprise » au sens stricte du terme n’existe dans aucun pays du monde. Dans tous les pays, la « liberté d’entreprendre » est régulée par des règles, des lois, des conventions. Pratiquement partout un « entrepreneur » est tenu d’obtenir certaines autorisations, de déposer des garanties, de payer ses employés au dessus du minimum légal… et ces règles varient de temps en temps, se font plus ou moins sévères selon les circonstances.

      En fait, tous les pays « finissent par changer d’avis ». Ceux qui défendaient radicalement à une époque la « libre entreprise » ont fini par la réglementer, ceux qui à un certain moment étaient radicalement contre ont fini par en accepter certaines formes. Les pays qui pratiquent de tout temps le « laisser faire » sont en fait extrêmement rares…

      [Et ceux qui se font les pourfendeurs de la libre entreprise, comme vous, le font toujours à l’abri de sociétés libres, riches, dont l’opulence se fonde précisément sur la liberté d’entreprendre.]

      Ah bon ? Vous trouvez que Lénine ou Castro « pourfendaient la libre entreprise à l’abri de sociétés libres, riches et dont l’opulence se fonde sur la liberté d’entreprendre » ? Vous dites vraiment n’importe quoi. Ayez une vue un peu plus ouverte de l’histoire économique, et un peu plus de respect pour les gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Avant de proférer des accusations – et le paragraphe qui précède est bien une accusation – ayez la décence de bien vérifier vos faits.

      [Connaissez-vous une expérience de socialisation des moyens de production qui ait conduit un peuple au bonheur ?]

      Je ne connais aucune « expérience », capitaliste ou socialiste, qui ait conduit quelque peuple que ce soit au bonheur. Le bonheur est une question très personnelle, assez déconnectée des questions politiques ou économiques. Il y eut des gens heureux sous le nazisme. Il y eut des gens heureux sous le stalinisme. Il y eut aussi des gens malheureux dans les pays « libres et riches » auxquels vous faisiez référence plus haut. Le bonheur n’a jamais été un critère pour évaluer une expérience politique.

      Il y a par contre de nombreuses expériences de socialisation qui ont permis d’améliorer les conditions de vie des gens. Je trouve par exemple que les nationalisations de 1945-46 ont permis à la France de faire un bond en avant en termes de niveau de vie. Pour parler de ce que je connais, je trouve qu’EDF est une entreprise bien plus efficiente, social et économiquement, que ne l’étaient les entreprises privées d’électricité d’avant la guerre et que ne le sont même aujourd’hui les entreprises privées qui assurent la fourniture d’électricité en Grande Bretagne ou en Allemagne.

      Et j’ajoute finalement que quand même bien je ne connaîtrai aucune expérience de socialisation qui ait eu des résultats positifs, cela ne vous permettrait guère de tirer des conclusions. Avant le dernier quart du XIXème siècle, toutes les expériences républicaines en Europe s’étaient terminées par un désastre. Pensez-vous que c’était une raison suffisante pour conclure que la République ne pouvait pas marcher ?

      [Connaissez vous seulement une seule expérience de socialisation des moyens de production qui ne se soit pas terminée soit en fiasco soit en régime ultra-autoritaire dans lequel vous ne souhaiteriez pas à votre pire ennemi, de vivre.]

      Je vous ai répondu. Je ne pense pas que l’expérience de socialisation en France ou en Grande Bretagne de l’après-guerre puisse être considérée « un fiasco », que ces pays soient devenus des régimes « ultra-autoritaires ». J’ajoute que si l’on fait la liste des régimes « ultra-autoritaires » du dernier demi-siècle, le plus grand nombre appartient plutôt au côté qui glorifie la « libre entreprise » qu’à l’autre.

      [Le travail crée bien sûr la richesse, mais la liberté individuelle d’entreprendre, elle, démultiplie la créativité et l’innovation.]

      Vous croyez ? Prenons par exemple le Chili de Pinochet, pays ou la « liberté d’entreprendre » était totale. Ou l’Argentine de Videla, tiens. Pensez-vous que dans ces pays on ait « démultiplié la créativité et l’innovation » ?

      Encore une fois, vous feriez bien au lieu de répéter des slogans, de regarder la réalité en face. Il y a des expériences de socialisation qui ont été des succès, et d’autres qui ont échoué. Il y a aussi des expériences ultra-libérales qui ont été des succès, et d’autres qui ont été des échecs retentissants. Le monde est beaucoup trop complexe pour le réduire à une seule variable.

    • v2s dit :

      [J’ai simplement cité une expression connue pour montrer que ce n’est pas parce qu’un grand nombre d’êtres font quelque chose qu’il faut nécessairement les imiter. Au lieu de répondre sur le fond, vous préférez faire le numéro de la vierge offensée par une « comparaison ».]
      Je pense au contraire vous avoir répondu sur le fond. Vous dites [Mangez de la merde, 400 millions de mouches ne peuvent pas se tromper.]
      Or, je trouve que manger de la merde est, pour une mouche, chose naturelle
      Par contre, quand, constatant le fiasco de feu le monde communiste, au fil des décennies, vote après vote, les français sont de moins en moins en moins nombreux à voter communiste, j’en conclue qu’ils utilisent leur jugement de citoyens libres pour changer d’avis et se détourner d’une doctrine qui ne marche pas. Une mouche à merde, elle, ne fait que perpétuer un comportement inscrit dans les gènes de son espèce.
      C’est pourquoi je vous disais : [Je vous laisse la responsabilité de comparer les français à des [mouches à merde.]

      [Dans tous les pays, la « liberté d’entreprendre » est régulée par des règles, des lois, des conventions. Pratiquement partout un « entrepreneur » est tenu d’obtenir certaines autorisations, de déposer des garanties, de payer ses employés au dessus du minimum légal…]
      Mais bien entendu, vous décrivez là ce qui se passe avec succès en France, en Europe, en occident en général depuis des décennies, dans le bloc de l’Est depuis l’effondrement du communisme, en Chine depuis l’évolution de la doctrine du parti. Et je suis très heureux que l’ultra minorité communiste ne parvienne pas, en France, à faire évoluer cette excellente tendance sociale libérale, vers la socialisation des moyens de production.

      [Ah bon ? Vous trouvez que Lénine ou Castro « pourfendaient la libre entreprise à l’abri de sociétés libres, riches et dont l’opulence se fonde sur la liberté d’entreprendre » ? Vous dites vraiment n’importe quoi. Ayez une vue un peu plus ouverte de l’histoire économique, et un peu plus de respect pour les gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Avant de proférer des accusations]

      Mais non, mais non, j’ai utilisé le présent : [Et ceux qui se font les pourfendeurs de la libre entreprise, comme vous, …] … Lénine et Castro n’étaient certainement pas dans l’opulence quand ils installaient la socialisation des moyens de productions, mais, comme je le rappelle, le système qu’ils ont mis en place a effectivement rapidement sombré soit dans le fiasco, soit dans l’autoritarisme pour ne pas dire la dictature.
      Plus aucun pays, à part la Corée du nord, ne prône la socialisation des moyens de production et ceux qui le font aujourd’hui, à titre individuel, ou comme parti politique, le font effectivement à l’abri de la bonne santé d’une société capitaliste. Ce n’est ni un jugement, encore moins une injure ou une accusation, seulement un constat.

      [Vous croyez ? Prenons par exemple le Chili de Pinochet, pays ou la « liberté d’entreprendre » était totale.]
      Cette remarque est à rapprocher de celle-ci, un peu plus tôt dans la discussion :
      [Par contre, on peut dire que Al Capone, lui, était un véritable « entrepreneur »…]
      Nous vivons, par chance, dans un pays démocratique ou la liberté d’entreprendre est la règle, ou la liberté d’entreprendre est, fort justement, réglementée et encadrée par des lois votées par un parlement.
      Je ne vois pas en quoi le fait d’être fortement en faveur du développement d’un tel système, que vous l’appeliez social libéral ou social démocrate, ou que vous lui donniez un autre nom, je ne vois pas en quoi ça vous amène à parler [d’Al Capone] ou de [Pinochet] ?
      Pensez vous réellement que, si la France ne suit pas vos recommandations communistes, elle sombrera dans une dictature à la Pinochet ? Pensez vous réellement que les entrepreneurs des démocraties libérales sont des Al Capone ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Or, je trouve que manger de la merde est, pour une mouche, chose naturelle.]

      Voter pour l’idéologie dominante, pour un prolétaire, est aussi « chose naturelle ». Cela s’appelle « l’aliénation ».

      [Par contre, quand, constatant le fiasco de feu le monde communiste, au fil des décennies, vote après vote, les français sont de moins en moins en moins nombreux à voter communiste, j’en conclue qu’ils utilisent leur jugement de citoyens libres pour changer d’avis et se détourner d’une doctrine qui ne marche pas.]

      Dans ce cas là, vous devriez aussi conclure que comme « au fil des décennies, vote après vote » ces mêmes français sont de plus en plus nombreux à voter pour le FN, ils utilisent leur jugement de citoyens libres pour changer d’avis et se tourner vers une doctrine qui marche, non ? Pourquoi les français « utiliseraient leur jugement de citoyens libres » lorsqu’ils se détournent de celui-ci, mais pas lorsqu’ils vont vers celui-là ?

      Le peuple est souverain. Mais cela n’implique pas qu’il ait toujours raison. Il est humain, et peut donc se tromper, juger que telle politique est un « fiasco » alors qu’elle est un succès, et voter pour une politique désastreuse en croyant bien faire… d’où la formule que j’ai cité. Le fait que de très nombreuses personnes votent pour quelque chose n’a jamais prouvé que ce soit la chose à faire.

      [« Dans tous les pays, la « liberté d’entreprendre » est régulée par des règles, des lois, des conventions. Pratiquement partout un « entrepreneur » est tenu d’obtenir certaines autorisations, de déposer des garanties, de payer ses employés au dessus du minimum légal… ». Mais bien entendu, vous décrivez là ce qui se passe avec succès en France, en Europe, en occident en général depuis des décennies,]

      Dans ces conditions, l’entreprise reste toujours « libre » ?
      Comme d’habitude, vous répondez sans lire jusqu’au bout, et en sortant les phrases de leur contexte. Celle que vous citez ici était précédée des interrogations suivantes : « C’est quoi, la « libre entreprise » ? C’est quoi « un pays qui a combattu la libre entreprise » ? A ma connaissance, la « libre entreprise » au sens stricte du terme n’existe dans aucun pays du monde ». Si je « décris ce qui se passe en France », c’est précisément pour vous montrer qu’alors que l’entreprise est très loin d’être « libre », c’est un « succès » quand même…

      [Mais non, mais non, j’ai utilisé le présent : [Et ceux qui se font les pourfendeurs de la libre entreprise, comme vous, …] … Lénine et Castro n’étaient certainement pas dans l’opulence quand ils installaient la socialisation des moyens de productions, mais, comme je le rappelle, le système qu’ils ont mis en place a effectivement rapidement sombré soit dans le fiasco, soit dans l’autoritarisme pour ne pas dire la dictature.]

      Encore une fois, vous répondez à côté pour contourner le problème. Vous aviez affirmé que « ceux qui se font les pourfendeurs de la libre entreprise, comme vous, le font toujours à l’abri de sociétés libres, riches, dont l’opulence se fonde précisément sur la liberté d’entreprendre ». Castro – qui est vivant, jusqu’à nouvel ordre – se fait toujours le pourfendeur de la « libre entreprise ». Si je suis votre raisonnement, je dois conclure qu’il le fait « à l’abri d’une société libre, riche, et dont l’opulence se fonde précisément sur la liberté d’entreprendre ». J’ignorais que vous étiez un partisan aussi chaleureux du régime cubain…

      [Plus aucun pays, à part la Corée du nord, ne prône la socialisation des moyens de production]

      Encore une fois, vous vous trompez. Doublement. D’abord, parce que « les pays » ne prônent généralement rien du tout, c’est tout au plus leur gouvernement qui le fait. Et ensuite, parce que pratiquement tous les gouvernement prônent une plus ou moins grande socialisation des moyens de production. Les pays 100% libéraux, ou l’Etat ne détient aucun moyen de production, sont une infime minorité. Aucun régime aujourd’hui ne se fixe comme objectif la socialisation TOTALE des moyens de production. Mais l’idée de socialisation PARTIELLE reste largement majoritaire. J’ajoute que les théoriciens communistes n’ont jamais considéré la socialisation totale comme un objectif. La formule consacrée est « la socialisation des GRANDS moyens de production et d’échange »…

      [et ceux qui le font aujourd’hui, à titre individuel, ou comme parti politique, le font effectivement à l’abri de la bonne santé d’une société capitaliste. Ce n’est ni un jugement, encore moins une injure ou une accusation, seulement un constat.]

      Et un constat que vous contredisez vous même. Vous avez plus haut affirmé que le seul « pays prônant la socialisation des moyens de production » est la Corée du Nord. Pensez-vous qu’on puisse dire que ses dirigeants le font « à l’abri de la bonne santé d’une société capitaliste » ? Faudrait savoir…

      [Nous vivons, par chance, dans un pays démocratique ou la liberté d’entreprendre est la règle,]

      Vous répétez cette affirmation comme si c’était une vérité révélée. Mais ce n’est pas le cas. Non, en France la « liberté d’entreprendre » n’est pas la règle. Elle ne figure même pas explicitement dans la Constitution, pas plus qu’elle ne figure dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Et si le Conseil constitutionnel a jugé qu’elle a un caractère constitutionnel, elle n’est pas absolue et peut-être restreinte ou supprimée lorsque l’intérêt général l’exige.

      [Je ne vois pas en quoi le fait d’être fortement en faveur du développement d’un tel système, que vous l’appeliez social libéral ou social démocrate, ou que vous lui donniez un autre nom, je ne vois pas en quoi ça vous amène à parler [d’Al Capone] ou de [Pinochet] ?]

      Moi non plus. Et si vous lisiez avec attention ce que les autres écrivent, vous éviteriez de poser ce genre de questions. Je vous rappelle l’échange. Vous avez affirmé que « (…) la liberté individuelle d’entreprendre, elle, démultiplie la créativité et l’innovation ». En réponse à cette affirmation imprudente, je vous ai posé une question : « Vous croyez ? Prenons par exemple le Chili de Pinochet, pays ou la « liberté d’entreprendre » était totale. Ou l’Argentine de Videla, tiens. Pensez-vous que dans ces pays on ait « démultiplié la créativité et l’innovation » ? ».

      Vus avez l’air d’ignorer que la « liberté individuelle d’entreprendre » n’est pas l’apanage des régimes démocratiques ou libéraux. La « liberté d’entreprendre » a fleuri et fleurit encore sous les pires dictatures, sous les régimes les plus autoritaires et répressifs.

      [Pensez vous réellement que, si la France ne suit pas vos recommandations communistes, elle sombrera dans une dictature à la Pinochet ?]

      Oui. Je pense profondément que si en France nous n’avions pas de code du travail, pas de sécurité sociale, pas de droit de grève, pas de statut de la fonction publique, pas de services publics nationaux, nous vivrions sous un régime équivalent à celui de Pinochet. Heureusement, la France – y compris une partie de sa bourgeoisie – a fait siennes pas mal de « mes recommandations communistes » au cours des années…

      [Pensez vous réellement que les entrepreneurs des démocraties libérales sont des Al Capone ?]

      Oui. Bien entendu, on ne passe plus un concurrent à la sulfateuse, on préfère le descendre par un vote en conseil d’administration, ou par un « raid » spéculatif. Mais le rapport sous-jacent, celui du règne du plus fort, est le même.

    • v2s dit :

      Cette fois ci, je l’avoue, vous m’avez complètement convaincu. Puisque les communistes sont désormais les meilleures défenseurs de la sociale démocratie, promis, la prochaine fois, je voterai communiste.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Cette fois ci, je l’avoue, vous m’avez complètement convaincu. Puisque les communistes sont désormais les meilleures défenseurs de la sociale démocratie, promis, la prochaine fois, je voterai communiste.]

      Je ne vous savais pas "social-démocrate"… mais puisque vous vous en réclamez, dont acte.
      Cela étant dit, je ne vois pas trop le rapport entre le débat que nous avons ici et la "social-démocratie". et encore moins le rapport avec "les communistes". Dois-je conclure que cette dernière réponse est une de vos pirouettes pour vous en sortir lorsque votre argumentaire est épuisé ?

  15. Alain Brachet dit :

    Plusieurs intervenants trouvent excessifs les "avantages" des cheminots, en regard d’autres professions, notamment et principalement, dans le privé. Dont acte! Mais dans le monde actuel, je ne pense pas que le Capital, le Medef, le Gouvernement socialiste, la "bande des trois" en somme, aient une quelconque intention de "donner" aux moins "nantis", ce qu’ils peuvent récupérer sur de soit disant nantis, si ces derniers, par accident, par faiblesse, par acceptation des suggestions de baisser les bras, ne résistent plus (par la grève, par exemple). Le trio précédent mène une guerre contre des horaces et des curiaces, et dès qu’ils a abattu l’un d’eux, il repart en guerre, selon le même schéma, et à partir d’une situation qui est plus favorable, puisqu’ils ont éliminés un de leurs adversaires. Comment ceux qui voudraient prendre aux cheminots pour donner aux salariés du privé, pensent-ils résoudre ce problème?

  16. morel dit :

    Qu’on me permette une question aux personnes qui jugent intolérable certains avantages acquis contre le patronat par des catégories de salariés : pouvez-vous penser une seule seconde que la suppression de ces derniers pourra profiter à d’autres salariés, notamment les plus démunis ? Dans la négative, à qui pensez-vous qu’il profitera ?
    La disparition d’avantages pour une catégorie de salariés n’a jamais été suivie d’effets bénéfiques pour les autres, bien au contraire car, alors, s’alimente la course à la dénonciation. Les régimes différents sont régis par des règles différentes ainsi, pour prendre deux exemples inverses, la majoration d’annuités s’élève à 2 ans par enfant dans le privé pour 1 an chez les fonctionnaires ; la protection sociale complémentaire, dans nombre d’entreprises privées, fait l’objet d’un contrat de groupe, l’entreprise le finançant en partie (50 à 60 %) (au petit jeu de « l’égalité » le gouvernement a fiscalisé cet avantage en 2012 …), le public assume, seul, le coût de sa complémentaire.
    Les fonctionnaires ont les mêmes conditions (durée de cotisation, âge légal, nombre d’annuités) que les autres salariés en matière de retraite. Reste que la base de calcul de la pension de retraite s’effectue sur la base du salaire des 6 derniers mois contre les 25 meilleures années pour le privé, ce qui apparaît, de prime abord, comme exorbitant.
    Faut-il encore citer le 12ième rapport du COR du 22 janvier 2013, page 45) : « Malgré les règles différentes de calcul des pensions, les taux de remplacement médians des salariés du secteur privé et du secteur public sont proches (respectivement 74,5 % et 75,2 %)». Faut-il encore rappeler que le rapport Moreau présidant la dernière réforme des retraites préconisait de ramener ce calcul aux 10 meilleures années et si cela avait été retenu, on peut imaginer alors le taux de remplacement dans le public…en cette matière comme en bien d’autres, il faut savoir aller au-delà de la perception immédiate.
    Pour en finir avec les régimes de retraites : Lors du débat sur la réforme 2010, certains parlementaires exigeaient l’alignement des régimes, réponse du ministre en charge de la réforme, E.Woerth : « trop coûteux pour l’Etat ».

    Sur la SNCF, il est à signaler que l’épic hérite de la dette de 44 milliards née non pas d’une distribution inconsidérée d’avantages aux cheminots mais de la volonté de l’Etat de développer les lignes TGV. Sachant que la loi dirige cette ex-entreprise nationale vers la concurrence totale : comment pourrait-elle être jamais résorbée ?
    L’UE sournoise ne prône jamais ouvertement la privatisation mais la logique de « concurrence libre et non faussée » change les paramètres de gestion d’une entreprise obligée de se plier à la logique du profit à court terme : la R§D, le développement et l’entretien du réseau sont impactés. La politique de péréquation tarifaire fait place au prix de vente ajusté selon les paramètres de concurrence. La politique salariale tend aux ajustements à minima.
    Tout ceci peut faire bondir de joie les « tondeurs de coupons » comme les appelait Marx mais l’intérêt des salariés ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Les fonctionnaires ont les mêmes conditions (durée de cotisation, âge légal, nombre d’annuités) que les autres salariés en matière de retraite. Reste que la base de calcul de la pension de retraite s’effectue sur la base du salaire des 6 derniers mois contre les 25 meilleures années pour le privé, ce qui apparaît, de prime abord, comme exorbitant.
      Faut-il encore citer le 12ième rapport du COR du 22 janvier 2013, page 45) : « Malgré les règles différentes de calcul des pensions, les taux de remplacement médians des salariés du secteur privé et du secteur public sont proches (respectivement 74,5 % et 75,2 %)».]

      C’est un très bon exemple. Pour ceux que ce chiffre étonne, il faut rappeler que si le privé calcule les retraites sur les 25 meilleures années (6 pour les fonctionnaires) la retraite est calculée sur le salaire primes comprises, alors que pour les fonctionnaires elle est calculée sur le traitement hors primes alors que celles-ci peuvent représenter jusqu’à 50% du revenu. En fait, c’est l’ensemble des rémunérations – y compris les rémunérations différées – et avantages qu’il faut comparer. Si ceux-ci étaient très différents dans le privé et dans le public à niveau de formation et de responsabilité équivalents, on observerait une ruée dans un sens ou dans l’autre, les salariés les moins avantagés se pressant dans un sens ou dans l’autre. Or, on n’observe rien de la sorte. Si mouvement il y a, il a tendance à se faire du public vers le privé, et non l’inverse… je vous laisse en tirer les conséquences.

      [Sur la SNCF, il est à signaler que l’épic hérite de la dette de 44 milliards née non pas d’une distribution inconsidérée d’avantages aux cheminots mais de la volonté de l’Etat de développer les lignes TGV. Sachant que la loi dirige cette ex-entreprise nationale vers la concurrence totale : comment pourrait-elle être jamais résorbée ?]

      En augmentant les tarifs, bien entendu. La dette ne résulte pas du choix de développer les lignes TGV, mais du choix de subventionner les tarifs du transport ferroviaire. Si on acceptait de facturer le prix « vrai », la dette ne serait pas un problème. C’est d’ailleurs une constante de nos hommes politiques – de droite comme de gauche, voire de « gauche radicale » d’ailleurs – que de sous-tarifer le service public pour faire plaisir à l’électeur-usager-contribuable. On l’a fait avec la SNCF, on le fait avec EDF, avec un prix de l’électricité qui évalue depuis des années bien au dessous des coûts de production. Et un jour, on découvre que mon dieu ! il y a un trou…

      [L’UE sournoise ne prône jamais ouvertement la privatisation mais la logique de « concurrence libre et non faussée » change les paramètres de gestion d’une entreprise obligée de se plier à la logique du profit à court terme : la R§D, le développement et l’entretien du réseau sont impactés.]

      A mon avis, vous faites là un mauvais procès. La dette se trouve du côté des infrastructures, et les infrastructures sont utilisés par tous les opérateurs « concurrents » sur un principe de transparence et de non discrimination. Rien n’empêche RFF de fixer des péages suffisants pour rembourser la dette et entretenir les réseaux, à condition que ces péages soient les mêmes pour tous les opérateurs. La « concurrence libre et non faussée » est responsable de beaucoup de maux, pas la peine de la charger avec des maux dont elle n’est pas responsable…

  17. morel dit :

    « En augmentant les tarifs, bien entendu. La dette ne résulte pas du choix de développer les lignes TGV, mais du choix de subventionner les tarifs du transport ferroviaire. Si on acceptait de facturer le prix « vrai », la dette ne serait pas un problème. C’est d’ailleurs une constante de nos hommes politiques – de droite comme de gauche, voire de « gauche radicale » d’ailleurs – que de sous-tarifer le service public pour faire plaisir à l’électeur-usager-contribuable. On l’a fait avec la SNCF, on le fait avec EDF, avec un prix de l’électricité qui évalue depuis des années bien au-dessous des coûts de production. Et un jour, on découvre que mon dieu ! il y a un trou… »

    J’ai en effet pris un raccourci mais plus des 2/3 de la dette proviennent des infrastructures LGV. C’est d’ailleurs, il me semble, le premier effet de l’aberrante idéologie de la concurrence avec la division RFF/SNCF en deux établissements indépendants : la compétition entre un établissement chargé de l’infrastructure qui, par sa nature porte les investissements lourds dont l’intérêt serait de porter haut le prix d’utilisation du réseau et de l’autre, un établissement de transports dont l’intérêt est exactement inverse…belle pétaudière que la loi vient de grouper en…trois épics. Ajoutons à cela les concurrents dépendants aux aussi du réseau….

    « Rien n’empêche RFF de fixer des péages suffisants pour rembourser la dette et entretenir les réseaux, à condition que ces péages soient les mêmes pour tous les opérateurs. »

    Pour compléter le tout en 2009 a été créée une « Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires » (car on oublie souvent que les « déréglementations » ne sont souvent qu’une opération où il s’agit de dépouiller l’Etat, la représentation nationale, de ses prérogatives pour le plus grand bonheur de « sages » bien rémunérés). Gageons que, comme pour la privatisation de France Télécoms, celle-ci sera appelée à faire la pluie et beau temps y compris en matière de redevance d’utilisation du réseau
    (avec comme aux télécoms l’argument que l’opérateur historique n’est que trop dominant …).
    Le lobbying sur le montant de la redevance mais aussi sur la réglementation est à suivre.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [J’ai en effet pris un raccourci mais plus des 2/3 de la dette proviennent des infrastructures LGV.]

      En fait, nous avons tous les deux raison, parce que nous parlons de points de vue différents. Vous, vous parlez de la dette dans une vision statique, en identifiant la dette à ce qu’elle a servi a financer. Dans ce cas, vous avez raison : la dette a servi en grande partie à financer les équipements LGV. Je parle, moi, de la dette en termes de dynamique, en me demandant pourquoi elle constitue un problème, pourquoi on n’arrive pas à la payer. Et là, la réponse est qu’il existe une sous-tarification des infrastructures et donc du coût du transport.

      [C’est d’ailleurs, il me semble, le premier effet de l’aberrante idéologie de la concurrence avec la division RFF/SNCF en deux établissements indépendants : la compétition entre un établissement chargé de l’infrastructure qui, par sa nature porte les investissements lourds dont l’intérêt serait de porter haut le prix d’utilisation du réseau et de l’autre, un établissement de transports dont l’intérêt est exactement inverse…belle pétaudière que la loi vient de grouper en…trois épics. Ajoutons à cela les concurrents dépendants aux aussi du réseau….]

      Je crois qu’il ne faut pas se laisser aveugler par une détestation à priori de la « concurrence ». Séparer l’opérateur des infrastructures et l’opérateur des trains n’est pas en soi absurde, même si cela fait apparaître un conflit d’intérêt. Ce conflit existait aussi dans la SNCF « unifiée », ou les bagarres entre les directions de l’équipement et celle qui gérait la circulation étaient homériques. Simplement, ces conflits étaient arbitrés dans l’ambiance feutrée des antichambres, chez le patron de la SNCF ou, si le conflit dépassait ce niveau, dans le bureau du ministre des transports. L’avantage d’une séparation est que ces arbitrages apparaissent au grand jour, et que chacun peut savoir, dans le prix de son billet, quelle est la partie qui est consacrée aux infrastructures et quelle est la partie qui sert à payer les trains. Dans l’électricité, la séparation entre le transport (RTE), la distribution (ERDF) et la production (EDF) a permis de mettre en place publique toute une série de problèmes qui avant étaient cachés.

      Il ne faut donc pas confondre la question de la « concurrence » avec celle de la « séparation ». Le seul point commun, c’est qu’on fait la « séparation » pour permettre l’ouverture à la concurrence. En effet, les opérateurs sont par la force des choses obligés d’utiliser les mêmes rails – le contraire serait anti-économique – de la même manière que dans l’électricité tous les producteurs sont obligés d’utiliser le même réseau de transport et de distribution. Pour assurer que l’accès au réseau soit non-discriminatoire, il faut une séparation comptable qui permette de partager les coûts de l’infrastructure entre les différents opérateurs, et une séparation institutionnelle qui évite tout favoritisme.

      La difficulté dans ce schéma, c’est que la « séparation » implique une désoptimisation du système. En effet, lorsque les organisations étaient uniques, elles se coordonnaient d’elles mêmes, grâce à tout un écheveau de pratiques autant formelles qu’informelles. Ce n’est plus le cas dans un système séparé, système ou la mobilité des gens est moindre, qui exige une formalisation accrue des procédures et rend difficile les solidarités liées à l’esprit « maison » et de corps. On le voit bien dans le domaine de l’électricité, où le passage du monopole à la concurrence a nécessité l’édiction de toute une foultitude de règles plus complexes les unes que les autres qui rendent le système lourd et impossible à piloter. On a de la chance qu’EDF soit resté l’opérateur dominant et « fournisseur en dernier ressort » quand le système a des problèmes, autrement tout se serait effondré depuis longtemps.

      [Pour compléter le tout en 2009 a été créée une « Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires » (car on oublie souvent que les « déréglementations » ne sont souvent qu’une opération où il s’agit de dépouiller l’Etat, la représentation nationale, de ses prérogatives pour le plus grand bonheur de « sages » bien rémunérés).]

      Pour compléter le tableau, il faut ajouter que le gouvernement et la représentation nationale sont les premiers a vouloir se dépouiller de ces prérogatives. Le problème, c’est qu’avec la prérogative vient la responsabilité. Or, si nos élites adorent les symboles du pouvoir, ils détestent l’exercer effectivement, précisément parce qu’exercer le pouvoir implique prendre la responsabilité des décisions prises. C’est tellement plus facile laisser une « autorité » quelconque prendre la décision d’augmenter les tarifs…

      C’est pourquoi je ne partage pas tout à fait votre crainte par rapport aux « autorités ». Paradoxalement, dans un monde où les politiques refusent de prendre leurs responsabilités, les autorités indépendantes constituent un pis-aller. Dans ce bas monde, les choses ont un coût, et ce coût il faut le payer. Je n’aime pas les « autorités indépendantes », mais aujourd’hui je suis obligé de constater qu’en matière tarifaire elles sont généralement plus raisonnables que les politiques, tétanisés à l’idée de devoir assumer la vérité des prix. Prenez le cas de l’électricité ou du gaz : on a vu ces dernières années les ministres décider des augmentations de tarifs très inférieures aux calculs de la Commission de régulation de l’énergie, que le Conseil d’Etat s’est empressé d’annuler tout simplement parce que celles-ci ne couvraient pas les coûts. Bien sûr, cela permet au ministre de déclarer qu’il a « préservé le pouvoir d’achat des français », sous les huées des gauchistes qui voudraient une hausse encore plus faible. Mais ce qu’on fait par ce mécanisme, c’est hypothéquer l’avenir. C’est bouffer le capital d’EDF sans le renouveler. Car comment EDF pourrait investir si les tarifs ne couvrent pas ses coûts ?

  18. v2s dit :

    @Bovard

    [Ma grand mère qui était une femme salariée, hyper-exploitée comme l’était de très nombreuses femmes de la France de l’époque 1930 …. Entre ce que fut sa vie après 1945 et ses quarante premières années non encore collectivisées, les différences sont énormes dans le sens de progrès sociaux inouïs.]
    Avez-vous imaginé que les [progrès sociaux inouïs] dont a bénéficié votre grand mère (et le mienne et les autres), avez-vous imaginé que ces progrès ont surtout été possibles grâce aux années exceptionnelles de croissance, de reconstruction de la France, de boom démographique, de boom des progrès scientifiques et techniques ? Les trente glorieuses ont tiré vers le haut tout le monde développé, et même au-delà. Ce serait une contre-vérité d’affirmer que seule la France des nationalisations d’après guerre a connu de grands progrès sociaux.

    [… Fin de la planification, désindustrialisation, l’exode rural, le recul de l’assimilation des immigrés, la baisse de l’espérance de vie en bonne santé, l’augmentation du chômage, suite aux politiques libérales Deloristes mises en place depuis 1983 et vous comprendrez l’intérêt qu’il y a, à défendre le modèle collectiviste et social français dont vous profitez légitimement après avoir cotisés …]
    Mais Bovard, ne voyez vous pas que le monde a changé et Delors et les Deloristes n’y sont pour rien.
    Ah ! Comme le temps passé était beau !
    Vous déplorez [l’exode rural] ? Mais seriez-vous prêt à faire le métier de paysan de nos ancêtres à tous ? Au XIXème siècle les français étaient paysans à 60 ou 80%, c’est la révolution industrielle, la monté de la classe ouvrière, la monté des classes moyennes, la mécanisation des cultures, la monté du niveau de vie en ville qui ont précipité l’exode rural, ce n’est pas Delors et les Deloristes.
    [L’espérance de vie en bonne santé] n’a fait que croître depuis les avancées de la médecine : Pasteur, la pharmacopée, l’imagerie médicale, les laboratoires d’analyse, la biologie, la génétique … cette progression s’est faite dans tout le monde développé de façon spectaculaire et on la voit aussi dans le monde émergent. Je ne vois pas que le Dolorisme ait remis ces progrès en cause.
    [Le recul de l’assimilation des immigrés], pourquoi l’imputer au Delorisme ? Nous en avons déjà beaucoup parlé dans ces pages, ce qui nous arrive touche tout le monde développé et dépasse largement La France.
    [La désindustrialisation, le chômage], ça c’est une autre affaire ! et vous avez raison de l’imputer au moins en partie aux politiques européennes de la France. Mais il n’est pas interdit de militer pour sortir de l’Europe, de militer pour une politique industrielle nationale, sans pour autant être en faveur d’une socialisation des moyens de production.

    [Ce modèle social français contemporain qui a fait que la France a plus résisté que les autres pays aux crises.]
    Il n’est pas exact de dire que la France résisterait mieux aux crises. Tout au plus, ce « modèle » retarde leurs effets immédiats, laissant croire que, pour nous, ça va bien se passer et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
    Mais finalement on s’enfonce, certes plus lentement, mais aussi plus durablement. Aujourd’hui, en 2014, nos voisins vivent une embellie, meilleure croissance, moins de chômage et nous, nous continuons de nous enfoncer.

    [Le Point Indiciel de Bonheur est plus important que le PIB.
    En France, le Point Indiciel de Bonheur est au TOP, supérieur au Bengladesh, Haïti Etc.. et à l’Allemagne, USA et GB où sévissent le corporatisme et le protectionnisme mais où le système est différent.]
    J’ai cherché et je n’ai pas trouvé, pourriez-vous indiquer ou l’on trouve la définition de ce Point Indiciel de Bonheur ? Et ou l’on trouve ce classement qui nous place [au TOP] ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Avez-vous imaginé que les [progrès sociaux inouïs] dont a bénéficié votre grand mère (et le mienne et les autres), avez-vous imaginé que ces progrès ont surtout été possibles grâce aux années exceptionnelles de croissance, de reconstruction de la France, de boom démographique, de boom des progrès scientifiques et techniques ? Les trente glorieuses ont tiré vers le haut tout le monde développé, et même au-delà. Ce serait une contre-vérité d’affirmer que seule la France des nationalisations d’après guerre a connu de grands progrès sociaux.]

      C’est assez discutable. Les « trente glorieuses » n’ont pas « tiré » tous les pays de la même manière. En Europe la Grande Bretagne, par exemple, est restée assez loin derrière la France en termes de niveau de vie, alors même qu’elle n’avait pas eu à faire face au pillage pendant la guerre et qu’elle a reçu une aide bien plus importante des américains. Et ne parlons même pas de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie… on peut soutenir d’ailleurs que les « trente glorieuses » ont été rendues possibles par le fait que la grande majorité des pays occidentaux – et au delà – ont socialisé partiellement leurs économies, nationalisant les leviers essentiels de l’économie.

      Mais admettons un instant que ce fut le cas et que les « trente glorieuses » aient touché l’ensemble des pays quelque soient les politiques mises en œuvre. Dans ce cas, vous ne pouvez arriver qu’à une seule conclusion : la démocratie et d’une manière générale la politique ne servent à rien. Si le niveau de vie des gens dépend d’une « croissance » qui ne dépend pas des hommes mais est aussi fatale que le climat, le fait qu’on soit gouverné par Pierre ou par Paul n’a guère d’importance.

      Une fois encore, vous développez un raisonnement « fataliste » qui en fait nie toute autonomie à la politique. Si « les années exceptionnelles de croissance, de reconstruction, le boom démographique, le boom des progrès technique et scientifique » ne doivent rien à l’action des gouvernements, si la « croissance » ou la « crise » touchent les pays quelque soient les politiques qu’ils mettent en œuvre, à quoi peut-il bien servir de voter ? Vous reprenez d’ailleurs cette vision fataliste dans votre réponse suivante :

      [Mais Bovard, ne voyez vous pas que le monde a changé et Delors et les Deloristes n’y sont pour rien.]

      Encore une fois, « le monde change » et personne n’y peut rien. La croissance et la redistribution des richesses des « trente glorieuses » ne doit rien à De Gaulle ou au CNR, le creusement des inégalités, le chômage de masse et la destruction de notre « vivre ensemble » ne doivent rien aux Deloristes. L’une comme l’autre sont des fatalités qui tombent du ciel. Mais tout à coup, miracle, vous changez de taquet :

      [« La désindustrialisation, le chômage », ça c’est une autre affaire ! et vous avez raison de l’imputer au moins en partie aux politiques européennes de la France.]

      Attendez… l’industrialisation, c’est la « croissance » immanente – et non la politique économique « socialiste » de la Libération – qui nous l’a amené. Par contre, la désindustrialisation, elle, doit être imputé aux « politiques européennes de la France ». Pourquoi cette asymétrie ? Peut-être parce que vous ne voulez pas admettre que les « trente glorieuses » sont, tout comme la « désindustrialisation », intimement liées aux politiques publiques. La croissance et le plein emploi à la politique de « socialisation », la désindustrialisation à cette politique de « libre entreprise », de « concurrence libre et non faussée » qui est l’alpha et l’oméga de la « politique européenne de la France ».

      [Aujourd’hui, en 2014, nos voisins vivent une embellie, meilleure croissance, moins de chômage et nous, nous continuons de nous enfoncer.]

      De quels « voisins » parlez vous ? L’Espagne ? Le Portugal ? Faudrait que vous me montriez leur « embellie ». Parce que l’un et l’autre n’ont toujours pas rattrapé leur PIB d’avant crise, contrairement à nous. Les seuls pays qui « connaissent une embellie » sont ceux qui ont des politiques monétaires adaptées : l’Allemagne, parce que la BCE fait la politique du Mark, la Grande Bretagne parce qu’elle n’a pas fait la bêtise d’adopter l’Euro.

    • v2s dit :

      Les Trente Glorieuses Définition Wikipédia :
      « Les Trente Glorieuses sont la période de forte croissance économique qu’a connue entre 1945 et 1973 la grande majorité des pays développés, membres pour la plupart de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). »

      Suite à votre brillante démonstration je dis :
      Vive De gaule, vive [la politique économique « socialiste » de la Libération ] et vive le [CNR] (Conseil National de la Résistance) !
      Les trente glorieuses, (que le reste du monde appelle the postwar boom years) selon vous, c’est à de Gaulle, au CNR et aux nationalisations qu’on les doit.
      Donc, la grande majorité des pays de l’OCDE, USA, Japon, Australie, Canada… leur doit tout !
      C’est réellement impressionnant de constater l’influence que peut avoir La France, quand elle se découvre des velléités communistes.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Les Trente Glorieuses Définition Wikipédia :]

      Méfiez-vous des « définitions Wikipédia ». Mieux vaut lire le livre de Jean Fourastié dont le titre a laissé son nom à la période en question.

      [Suite à votre brillante démonstration je dis : Vive De gaule, vive [la politique économique « socialiste » de la Libération ] et vive le [CNR] (Conseil National de la Résistance) !

      S’il a fallu ma « brillante démonstration » pour vous amener à cette conclusion, il y a de quoi désespérer…

      [Les trente glorieuses, (que le reste du monde appelle the postwar boom years) (…)]

      Seulement « le reste du monde » qui parle anglais. Le « reste du monde » hispanophone les appelle « el desarrollo de posguerra ». Et je n’ose vous dire comment l’appelle le « reste du monde » qui parle Russe, Chinois ou Serbo-Croate…

      [selon vous, c’est à de Gaulle, au CNR et aux nationalisations qu’on les doit.]

      Je repose ma question. Si les trente années de prospérité et la redistribution de cette richesse ne doit rien ni à De Gaulle, ni au CNR, a quoi la politique peut-elle bien servir ? Si vous pensez que la prospérité ou la misère des peuples n’a rien à voir avec les actions de leurs dirigeants, à quoi bon élire ces derniers ? Autant les tirer au sort…

      En fait, oui, c’est à De Gaulle et au CNR qu’on doit les « trente glorieuses » françaises, avec leur développement accéléré dans les domaines tels que le nucléaire ou les technologies numériques et un très haut niveau de redistribution de la richesse et une promotion sociale massive. Tout comme les anglais doivent à Attlee et son équipe les « trente glorieuses » britanniques, avec un système de protection social qui fut le meilleur au monde, mais avec une promotion sociale beaucoup moins forte. Que la deuxième guerre sociale, avec sa destruction massive de capital, et la présence internationale de l’URSS qui mettait les bourgeoisies occidentales sous pression ait créé les conditions favorables à des politiques expansionnistes et redistributives, c’est incontestable. Mais des conditions favorables ne suffisent pas, encore faut-il en tirer profit. Et tous les gouvernements n’ont pas tiré profit des circonstances de la même manière, ni au bénéfice des mêmes couches sociales. L’Espagne, par exemple, a raté le coche, alors qu’en Italie ou en Grande-Bretagne ce sont les classes supérieures qui ont bénéficié de la croissance bien plus proportionnellement que les couches populaires, alors même que la croissance était plus faible qu’en France. Pourquoi en France c’est différent ? Parce que le gouvernement de la Libération a pris un certain nombre de mesures et ses successeurs ont conduit certaines politiques qui ont permis une plus forte croissance et surtout un fort niveau de redistribution. Les couches populaires ont donc toute raison d’être reconnaissants au gouvernement de la Libération et au compromis « gaullo-communiste », contrairement aux bourgeois. Cela peut expliquer peut-être les évaluations contrastées sur cette période…

      [Donc, la grande majorité des pays de l’OCDE, USA, Japon, Australie, Canada…]

      Vous avez certainement remarqué que « la grande majorité » n’est pas la « totalité ». Il faudrait peut-être vous interroger sur les raisons pour lesquelles une « minorité » des pays de l’OCDE n’ont pas bénéficié de cette « forte croissance »… je vous donne un indice : ce sont ceux qui ont le moins nationalisé.

      [C’est réellement impressionnant de constater l’influence que peut avoir La France, quand elle se découvre des velléités communistes.]

      Vous n’imaginez même pas. On a un peu oublié combien la France du compromis « gaullo-communiste » dans laquelle les entreprises nationalisées représentaient 50% du PIB et les banques et assurances étaient publiques pouvait peser dans le monde. On peut en tout cas constater ce qui reste de cette influence après trente années de privatisations et de libéralisations de toutes sortes…

    • v2s dit :

      [Il faudrait peut-être vous interroger sur les raisons pour lesquelles une « minorité » des pays de l’OCDE n’ont pas bénéficié de cette « forte croissance »… je vous donne un indice : ce sont ceux qui ont le moins nationalisé.]

      Vous voudriez tellement avoir raison que vous en oubliez de vérifier ce que vous dites.
      Les USA, l’Australie, le Canada ont bel et bien connu, eux aussi, un gigantesque bon économique en avant pendant les trente glorieuses.
      Le Japon a même connu son « miracle économique ».
      Et aucun de ces géants n’est connu pour ses nationalisations "à la française".
      par contre, les républiques du bloc de l’Est, qui ont effectivement beaucoup .. beaucoup nationalisé, elles sont restées lamentablement sur le bord de la route, à regarder passer le train de la croissance, jusqu’à leur libération du joug de l’URSS.
      Au moment de l’effondrement de l’URSS et du communisme, dans les années 90, des pays comme La Pologne, La Hongrie ou la République Tchèque ne sont pas privés de nous rappeler que nous, les occidentaux, dans le partage de Yalta, les avions lâchement abandonnés aux mains de l’URSS, ce pays formidable qui, [mettait les bourgeoisies occidentales sous pression] et [cré(ait) les conditions favorables à des politiques expansionnistes et redistributives]

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« Il faudrait peut-être vous interroger sur les raisons pour lesquelles une « minorité » des pays de l’OCDE n’ont pas bénéficié de cette « forte croissance »… je vous donne un indice : ce sont ceux qui ont le moins nationalisé ». Vous voudriez tellement avoir raison que vous en oubliez de vérifier ce que vous dites. Les USA, l’Australie, le Canada ont bel et bien connu, eux aussi, un gigantesque bon économique en avant pendant les trente glorieuses.]

      Décidément, cela ne sert à rien de vous suggérer de vous interroger sur un point. Lorsqu’on détient la vérité, point n’est besoin de s’interroger sur quoi que ce soit… Si vous aviez lu avec attention ma remarque avant de vous précipiter à répondre, vous auriez remarqué que je me contentait de noter que les pays de l’OCDE qui avaient le moins cru étaient – mais c’est certainement un hasard, n’est ce pas – ceux qui avaient le moins nationalisé. L’Espagne me semble un très bon exemple.

      Par ailleurs, vous vous mettez le doigt dans l’œil en mettant le Canada et l’Australie parmi les pays qui n’auraient pas « nationalisé ». Là encore, c’est vous qui devriez vérifier vos dires. Quant au Japon et aux USA, s’il est exact qu’ils n’ont pas « nationalisé » – ce procédé n’est pas véritablement dans leur tradition nationale – il est aussi bien connu que l’intervention de l’Etat dans l’économie a été massive. Si on avait appliqué en 1945 les règles de l’orthodoxie libérale, les « trente glorieuses » auraient ressemblé un peu aux « trente piteuses » de l’après 1980.

      [Et aucun de ces géants n’est connu pour ses nationalisations "à la française".]

      Et pourquoi le devraient-ils. Chacun a fait selon ses traditions nationales. Mais s’il y a une constante, c’est la « socialisation » d’un certain nombre de moyens de production, et une redistribution du revenu bien plus favorable aux travailleurs que ce qui se faisait avant la guerre. L’existence d’une URSS qui pouvait représenter un modèle n’était pas non plus étrangère à ce fait.

      [par contre, les républiques du bloc de l’Est, qui ont effectivement beaucoup .. beaucoup nationalisé, elles sont restées lamentablement sur le bord de la route, à regarder passer le train de la croissance, jusqu’à leur libération du joug de l’URSS.]

      Pas pendant les « trente glorieuses ». Vous répétez là une dogmatique apprise par cœur, mais qui n’a aucun rapport avec la réalité. Malgré les immenses destructions de guerre – pour l’Union Soviétique, les morts de la guerre représentent 10% de la population, avec des classes d’âge jeunes pratiquement dépeuplées, et ne parlons même pas de la Pologne – la croissance économique de la période 1945-1970 est, là aussi, exceptionnelle. C’est d’ailleurs ce dynamisme qui a foutu la trouille à l’ensemble du monde occidental et au a assuré la stabilité des régimes socialistes pendant trente ans. La stagnation économique du bloc socialiste est un phénomène des années 1970.

      [Au moment de l’effondrement de l’URSS et du communisme, dans les années 90, des pays comme La Pologne, La Hongrie ou la République Tchèque ne sont pas privés de nous rappeler que nous, les occidentaux, dans le partage de Yalta, les avions lâchement abandonnés aux mains de l’URSS, ce pays formidable qui, [mettait les bourgeoisies occidentales sous pression] et [cré(ait) les conditions favorables à des politiques expansionnistes et redistributives]

      C’est un grand classique de l’idéologie « victimiste ». Les noirs nous reprochent l’esclavage, les arabes la colonisation, les femmes le patriarcat, pourquoi les polonais, les hongrois ou les tchèques se priveraient-ils de nous reprocher quelque chose, puisque cela rapporte de jouer sur la « culpabilité de l’homme blanc »… cela étant dit, les « reproches » en question ne sont pas légitimes pour autant.

      Par ailleurs, ces « reproches » viennent souvent des élites de ces pays, c’est-à-dire, de ceux qui ont tout à gagner – et qui ont beaucoup gagné d’ailleurs, il suffit de se balader sur la croisette pour le constater – au rattachement de leur pays au bloc occidental. Je peux vous assurer que les ouvriers roumains, bulgares ou polonais qu’on amène chez nous pour entretenir certaines installations industrielles n’ont pas tout à fait la même perception que vous. J’ai pu m’en convaincre directement.

    • v2s dit :

      Et bien une fois de plus vous vous avez raison !
      D’ailleurs vous avez bien fait de nous rafraîchir la mémoire, à présent je me souviens parfaitement.
      Lorsque les soviétiques ont installé des miradors, des barbelés et des no man’s land le long du rideau de fer, c’était pour stopper l’exode massif des travailleurs Anglais, Hollandais, Belges, Italiens … qui se ruaient sur l’Allemagne de l’Est, La Pologne et la Roumanie pour profiter des conditions économiques très favorables qui régnaient dans tous les pays sous domination soviétique.

    • v2s dit :

      [Vous répétez là une dogmatique apprise par cœur, mais qui n’a aucun rapport avec la réalité].
      Je n’ai appris aucune dogmatique, je ne parle que des pays dans lesquels j’ai travaillé et dans lesquels je me suis fait une opinion par moi-même.
      Je ne suis ni un idéologue ni un propagandiste de je ne sais quelle cause.
      Je trouve simplement surréaliste de voir des gens comme vous défendre l’attitude de l’URSS vis-à-vis de ses voisins pendant les années qu’ont duré la mise sous protectorat. En Pologne ce n’est pas l’élite, comme vous le prétendez, qui accuse la Russie, c’est un peuple tout entier.

      [puisque cela rapporte de jouer sur la « culpabilité de l’homme blanc »…]
      Les Russes sont effectivement blancs, mais les Polonais, les Lituaniens ou les autres peuples qui accusent les Russes de les avoir colonisés sont blancs aussi. Je ne vois donc pas ce que vous voulez dire avec l’expression [jouer sur la « culpabilité de l’homme blanc »] .

      [Par ailleurs, ces « reproches » viennent souvent des élites de ces pays, c’est-à-dire, de ceux qui ont tout à gagner – et qui ont beaucoup gagné d’ailleurs, il suffit de se balader sur la croisette pour le constater]
      Vous faites sans doute allusion aux richissimes Russes qui dépensent des fortunes dans les lieux de villégiature pour milliardaires.
      Ce faisant vous faites comme si j’avais parlé des Russes. Je vous parlais, moi, des pays colonisés par l’URSS. [La Pologne, La Hongrie ou la République Tchèque …], relisez, c’est ce que j’ai écrit.
      Je ne vous parlais pas de l’ex URSS, dans laquelle les anciens membres du parti communiste se sont transformés du jour au lendemain en bandits de grands chemins, en faisant main basse sur tout l’appareil productif de l’URSS.
      A ma connaissance, ces appropriations éhontées se sont produites en Russie et en Ukraine, dans l’ex URSS en général, mais je n’ai jamais entendu parler de telles pratiques ni en Pologne, ni en République Tchèque ni en Hongrie, ni en Roumanie …

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Lorsque les soviétiques ont installé des miradors, des barbelés et des no man’s land le long du rideau de fer, c’était pour stopper l’exode massif des travailleurs Anglais, Hollandais, Belges, Italiens … qui se ruaient sur l’Allemagne de l’Est, La Pologne et la Roumanie pour profiter des conditions économiques très favorables qui régnaient dans tous les pays sous domination soviétique.]

      Si vous croyez que ce genre de sarcasme prouve quelque chose, vous vous trompez gravement. Cela ne fait que montrer votre incapacité à argumenter rationnellement…

      Vous parlez des miradors, des barbelés et des no man’s land… mais vous êtes vous jamais demandé pourquoi le bloc socialiste s’est senti obligé de s’entourer de frontières étanches ? Car ce dispositif était très coûteux, que ce soit socialement, politiquement, diplomatiquement et même financièrement. Pourquoi alors retenir les gens qui veulent partir ? Ne serait-ce plus simple de laisser les mécontents s’en aller ?

      La réponse se trouve dans un problème bien connu. La redistribution de la richesse provoque un aplatissement de la pyramide des revenus, puisqu’il s’agir de prélever de la richesse sur ceux qui en ont plus pour mieux rémunérer ceux qui en ont moins. Mais que se passe-t-il lorsqu’un pays à la pyramide des revenus « plate » se trouve à côté d’un pays dont la pyramide des revenus est « raide » ? Et bien, ceux qui ont du capital – qu’il soit matériel ou immatériel – ont tout intérêt de quitter le premier pour aller vers le second. Connaissez-vous beaucoup de paysans russes qui ont essayé d’émigrer chez nous pendant les soixante-dix années qu’a duré l’URSS ? Des ouvriers métallurgistes ? Non, bien sur. Ceux qui ont essayé de franchir les miradors, les barbelés et les no man’s land étaient des ingénieurs, des professeurs, des écrivains, des scientifiques. C’est-à-dire, des couches sociales supérieures.

      L’URSS a beaucoup souffert dans les années 1920 du manque d’élites scientifiques et techniques. Ils ont d’ailleurs beaucoup investi dans l’éducation et la culture. Pourquoi auraient-ils accepté que ces gens formés à grande peine aillent exercer leurs talents ailleurs, là où les salaires sont meilleurs ?

      Nous avons d’ailleurs la même chose chez nous. On nous explique chaque jour que du fait de la pression fiscale de notre système de redistribution des ingénieurs, des entrepreneurs, des scientifiques, des artistes français préfèrent aller vivre ailleurs. Normal : les classes moyennes et les riches n’ont pas envie de payer pour les pauvres.

      J’ajoute que la Révolution française a eu le même problème. Pourquoi croyez-vous que les grandes écoles crées par la Révolution et l’Empire imposaient l’obligation de servir l’Etat français pendant une durée qui équivalait à l’époque au tiers de la vie professionnelle ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je n’ai appris aucune dogmatique, je ne parle que des pays dans lesquels j’ai travaillé et dans lesquels je me suis fait une opinion par moi-même.]

      Je doute fort que vous ayez travaillé dans l’URSS stalinienne. Ou alors vous devez être centenaire.

      [Je ne suis ni un idéologue ni un propagandiste de je ne sais quelle cause.]

      Meuh non, meuh non…

      [Je trouve simplement surréaliste de voir des gens comme vous défendre l’attitude de l’URSS vis-à-vis de ses voisins pendant les années qu’ont duré la mise sous protectorat. En Pologne ce n’est pas l’élite, comme vous le prétendez, qui accuse la Russie, c’est un peuple tout entier.]

      Ne soyez pas mélodramatique. Je ne vois pas ce qui vous permet de dire « qu’un peuple tout entier » accuse. Je ne sais pas qu’on ait organisé en Pologne un référendum sur la question. Et quand bien même ce serait le cas, le peuple n’a pas toujours raison. Les peuples ont une certaine tendance à jouer les Caliméro, surtout quand le fait de se donner le rôle de « victime » vous apporte des bénéfices fort consistants.

      [Je ne vois donc pas ce que vous voulez dire avec l’expression « jouer sur la « culpabilité de l’homme blanc » »] .

      C’était un jeu de mots avec le « fardeau de l’homme blanc » dont parlait Kipling. Aujourd’hui, toutes sortes de « minorités » jouent sur la culpabilité de l’homme blanc par rapport à l’époque coloniale pour légitimer toute sorte de revendications. En Europe de l’Est, on joue le même jeu avec le « communisme ».

      [« Par ailleurs, ces « reproches » viennent souvent des élites de ces pays, c’est-à-dire, de ceux qui ont tout à gagner – et qui ont beaucoup gagné d’ailleurs, il suffit de se balader sur la croisette pour le constater ». Vous faites sans doute allusion aux richissimes Russes qui dépensent des fortunes dans les lieux de villégiature pour milliardaires.]

      Pas seulement. Il n’y a pas qu’en Russie qu’on trouve des oligarques qui apprécient la Côte d’Azur…

      [A ma connaissance, ces appropriations éhontées se sont produites en Russie et en Ukraine, dans l’ex URSS en général, mais je n’ai jamais entendu parler de telles pratiques ni en Pologne, ni en République Tchèque ni en Hongrie, ni en Roumanie …]

      Vous devriez faire examiner votre ouie, alors… Puisque vous « avez travaillé dans ces pays et vous êtes fait une opinion par vous-mêmes », j’en déduis que vous parlez la langue locale. Un petit coup d’œil aux journaux vous permettra de prendre connaissance de toutes sortes de scandales de corruption, de prévarication, des privatisations « arrangées » et tutti-quanti.

  19. v2s dit :

    [ce qui fonde la légitimité de la revendication ouvrière … c’est l’exploitation. C’est le fait que le travailleur est dépossédé d’une partie de la valeur qu’il produit, et que cette partie est empochée par quelqu’un qui ne travaille – et donc ne produit – rien.]

    J’avoue qu’avant de rencontrer votre blog, c’était je crois à l’occasion d’une de vos excellentes réflexions sur l’école, je ne m’étais jamais intéressé à Marx, jamais, et encore moins aux marxistes.
    Or si, beaucoup de vos observations ou analyses sont pertinentes et font avancer la réflexion de votre lecteur, en revanche, je ne suis pas du tout convaincu par vos tentatives d’explication ou de recherches de solutions aux problèmes politiques du pays ou du monde à travers le prisme du marxisme.
    Je n’ai pas la prétention de concurrencer Marx ni aucun autre penseur et je ne me permettrais jamais de commenter leurs écrits. Par contre, je trouve que vous utilisez des écrits théoriques, dans lesquels les mots ont un certain sens, pour étayer des explications sur des pratiques ou des situations actuelles ou les mots ont souvent un sens différent.
    Je vais tenter d’être plus claire.
    A la suite de Marx (et de Riccardo, si je vous ai bien suivi), vous affirmez que seul le travail crée de la valeur.
    Si je comprends ce qu’on voulu dire ces grands penseurs, une production, un produit, n’aurait qu’une seule valeur possible, celle qui dépend de la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa fabrication. Et de ce fait, pour que le capitaliste se paye "sur le dos" des travailleurs, il est amené à lui dérober une part de la valeur qui lui reviendrait. C’est intéressant, mais ça n’a qu’un lointain rapport avec ce qui se produit dans la réalité.
    Je prendrais un exemple.
    Lorsque j’étais tout jeune, dans un de mes premiers jobs, je travaillais pour un entrepreneur qui produisait des friteuses pour les restaurateurs. Il y avait des concurrents, toutes les friteuses sur le marché se ressemblaient et elles se vendaient aux environ de 1000€ (à l’époque ce n’était pas des euros mais ça ne change pas le raisonnement). Ces friteuses étaient donc fabriquées à partir de tôles inox soudées et d’autres petites pièces mécaniques, puis assemblées avec d’autres composants (résistances chauffantes, câblage électrique, etc …).
    Le patron vendait ses friteuses à un prix qui couvrait ses coûts de production, (matière + MO + emballage), ses coûts administratifs, ses coûts commerciaux, plus une marge, variable selon la négociation commerciale.
    Un jour, à force d’observer les clients restaurateurs qui perdaient un temps considérable à filtrer leur huile après chaque service, l’entrepreneur eut l’idée de fabriquer une nouvelle friteuse, avec un fond conique, terminé par un tube et une vanne. Grâce à cette astucieuse conception, le client restaurateur décantait son huile tout au long du service, purgeait tous les jours 2 ou 3 % du volume, et se dispensait ainsi de la longue corvée de filtrage.
    Ces « nouvelles » friteuses avaient donc, pour l’utilisateur, une valeur bien plus importante que les anciennes. Mon patron les vendait facilement entre 1800 et 2000 euros, sans que leur coût de production, temps et matière n’ait varié de plus de quelques euros.
    On voit ici que la notion de valeur, au sens de Marx ou Ricardo, n’est pas pertinente.
    Question pour un marxiste :
    L’ouvrier qui fabrique la nouvelle friteuse (dans le même temps et pour le même salaire) est-il deux fois plus exploité que lorsqu’il fabriquait l’ancienne ?
    Ce qui vaut pour les friteuses industrielles, vaut pour les voitures, les avions et même les centrales nucléaires. Réduire la valeur d’un produit à la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa production, c’est sûrement possible pour des produits courants et banalisés, comme un kilo d’acier brut ou un litre de Gazoil, mais est-ce que ça a du sens lorsqu’on parle de produits élaborés ou la valeur dépend aussi, et même surtout, de ce que l’utilisateur est prêt à payer pour le service que lui rendra le produit.
    Bon, nous voila loin de Marx, mais proche quand même de la vraie vie économique.
    PS : le brevet est depuis tombé dans le domaine public et les friteuses du monde entier sont faites selon ce concept.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [J’avoue qu’avant de rencontrer votre blog, c’était je crois à l’occasion d’une de vos excellentes réflexions sur l’école, je ne m’étais jamais intéressé à Marx, jamais, et encore moins aux marxistes.]

      Je trouve cela très étrange. Quoi qu’on pense de la théorie marxienne, il reste que l’influence de Marx et ses disciples a été énorme dans l’histoire du XXème siècle. Et vous n’avez jamais eu la curiosité d’aller voir ce qu’a dit un personnage qui a exercé une telle influence, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi ? J’avoue que j’ai beaucoup de mal à comprendre comment des gens pensants peuvent se doter de telles oeillières idéologiques. Ce n’est d’ailleurs pas exclusif à la droite : je connais des militants de gauche qui refusent de lire Aron ou Maurras.

      [Or si, beaucoup de vos observations ou analyses sont pertinentes et font avancer la réflexion de votre lecteur, en revanche, je ne suis pas du tout convaincu par vos tentatives d’explication ou de recherches de solutions aux problèmes politiques du pays ou du monde à travers le prisme du marxisme.]

      Je reste convaincu que les outils d’analyse crées par Marx et ses disciples restent les meilleurs disponibles aujourd’hui sur le marché. A condition de les actualiser et de ne pas leur faire dire plus qu’ils ne disent.

      [A la suite de Marx (et de Riccardo, si je vous ai bien suivi), vous affirmez que seul le travail crée de la valeur.]

      Oui. Et j’utilise le mot « valeur » dans le sens strictement économique.

      [Si je comprends ce qu’on voulu dire ces grands penseurs, une production, un produit, n’aurait qu’une seule valeur possible, celle qui dépend de la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa fabrication.]

      Non. Pour éclaircir ce point, il me faudrait ici développer ce qu’est la théorie de la valeur, domaine très vaste qui dépasse de très loin d’une part mes compétences, et de l’autre l’objet de ce blog. Disons cependant que jamais Marx n’a parlé d’une « seule valeur possible ». Il distingue au contraire pour un bien une « valeur d’usage », une « valeur d’échange », et ainsi de suite. En fait, la « théorie de la valeur » est un effort pour comprendre comment se forment les prix des biens.

      Les précurseurs de la pensée économique – cela remonte à Aristote – ne faisaient pas une différence nette entre « valeur » et « prix ». La « valeur » était pour eux la mesure de la désirabilité d’un bien. Plus le bien était désiré, plus sa « valeur » était grande. Mais cette conception présente beaucoup de problèmes, et particulièrement le fait que la « valeur » d’un bien n’est pas objectivement attachée au bien, mais est subjective. Ainsi, par exemple, un verre d’eau n’aurait pas la même valeur pour un touriste assoiffé que pour un promeneur prévoyant.

      Pour objectiver la chose, les économistes ont cherché ont recherché à constituer un concept de « valeur » distinct du prix, qui serait d’une certaine manière la partie objective du prix, le prix que le bien prendrait s’il était vendu sur un marché pur et parfait. Ce qui conduit à s’interroger sur la nature des biens, sur ce qui fait que certaines demandes sont plus faciles à satisfaire que d’autres, ce qui bien évidement conduit à se demander ce qui, dans le processus de production, génère la valeur. Les physiocrates, qui vivaient dans la société rurale du XVII, ont proposé de considérer que c’était la nature qui produisait la valeur, et ramenait donc la valeur d’un bien donné à la valeur des « biens naturels » nécessaires pour la produire. Les contradictions de cette vision sont devenues insurmontables lorsque la révolution industrielle a réduit la place des « produits naturels ». Et c’est pourquoi l’école classique – dont Smith, Ricardo mais aussi Marx sont membres – a cherché une autre voie. C’est Smith qui le premier postule que « le travail est la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise ». Le raisonnement est le suivant : imaginons que vous avez le choix entre produire un bien A ou un bien B. A capital égal, le premier exige une heure de travail par unité, le deuxième deux heures de travail. Si on me paye 1 € par unité pour le bien A et 1€ pour le bien B, alors j’aurais intérêt à produire seulement du A, puisque la vente me rapportera 2€ pour deux heures de travail, alors que pour le même temps B me rapportera seulement 1€. A quel prix faudrait-il payer ces biens pour avoir une situation d’équilibre – c’est-à-dire, que la production rapporte la même chose quelque soit le choix ? Eh bien, il faudrait que le prix soit proportionnel au temps de travail nécessaire pour produire chaque bien. En d’autres termes, l’équilibre est atteint lorsque le prix est équivalent au tems de travail contenu dans chaque produit. C’est donc le temps de travail qui indique la « valeur ». Et moins un produit contient de travail, moins de « valeur » il contient. C’est donc le travail qui crée la valeur.

      Marx rajoutera un raffinement à la théorie de Smith et de Ricardo. Car leur théorie contient une contradiction. Imaginons que je fabrique un bien A avec une technologie ancienne. Une unité nécessite deux heures de travail. Mais mon voisin utilise une technologie nouvelle, et il produit une unité en seulement une heure. On pourrait être conduit à penser que mon produit a une valeur double de celle de mon voisin, ce qui est évidement absurde. Pour répondre à cette objection, Marx nous dit que la valeur d’un bien n’est pas la quantité de travail qui y est effectivement contenu, mais la quantité de travail « socialement nécessaire » – c’est-à-dire, en tenant compte des technologies disponibles dans une société donnée – pour produire le bien.

      [Et de ce fait, pour que le capitaliste se paye "sur le dos" des travailleurs, il est amené à lui dérober une part de la valeur qui lui reviendrait. C’est intéressant, mais ça n’a qu’un lointain rapport avec ce qui se produit dans la réalité.]

      Au contraire, cela a un rapport très étroit avec « ce qui se produit dans la réalité ».

      [Je prendrais un exemple. Lorsque j’étais tout jeune, dans un de mes premiers jobs, je travaillais pour un entrepreneur qui produisait des friteuses pour les restaurateurs. Il y avait des concurrents, toutes les friteuses sur le marché se ressemblaient et elles se vendaient aux environ de 1000€ (…) Le patron vendait ses friteuses à un prix qui couvrait ses coûts de production, (matière + MO + emballage), ses coûts administratifs, ses coûts commerciaux, plus une marge, variable selon la négociation commerciale. Un jour, à force d’observer les clients restaurateurs qui perdaient un temps considérable à filtrer leur huile après chaque service, l’entrepreneur eut l’idée de fabriquer une nouvelle friteuse, avec un fond conique, terminé par un tube et une vanne. (…) Ces « nouvelles » friteuses avaient donc, pour l’utilisateur, une valeur bien plus importante que les anciennes. Mon patron les vendait facilement entre 1800 et 2000 euros, sans que leur coût de production, temps et matière n’ait varié de plus de quelques euros. On voit ici que la notion de valeur, au sens de Marx ou Ricardo, n’est pas pertinente.]

      On voit exactement le contraire. En fait, vous faites ici la confusion entre « prix » et « valeur ». Imaginons que ces friteuses soient produites dans un contexte de marché pur et parfait. Et imaginons que le travail – que ce soit le travail direct, ou celui contenu dans les matières premières et dans les machines – nécessaire à la production de la nouvelle friteuse soit exactement le même que pour l’ancienne. Pourquoi la nouvelle friteuse se vendrait-elle plus cher que l’ancienne ? Après tout, si la nouvelle se vend 1800 € alors que l’ancienne se vendait à 1000€, il y a du profit à se faire. Et cette concurrence pousserait les prix vers le bas… jusqu’à atteindre un prix d’équilibre qui, si le marché opère normalement, est justement proche du travail nécessaire pour fabriquer la nouvelle friteuse, qui est le même que celui de l’ancienne… on voit donc que la notion de « valeur » est parfaitement cohérente avec ce qu’on observe. Dans un marché « pur et parfait », le prix s’établit à la « valeur ». Si cela n’arrive pas, c’est parce que le marché est imparfait, par exemple, parce qu’il existe un brevet…

      Je comprends que ce résultat puisse paraître contre-intuitif, mais l’expérience montre qu’il est exact : prenez par exemple les ordinateurs. Un PC d’aujourd’hui est dix, cent fois plus puissant qu’un PC d’il y a vingt ans. Et pourtant, son prix est largement inférieur. Ce qui vous montre que le prix n’est pas lié à l’utilité de l’objet – comme dans votre exemple de friteuse, les nouveaux PC sont plus efficaces que les anciens – mais à quelque chose d’autre. Et ce « quelque chose », c’est le travail nécessaire pour les fabriquer. Les PC d’aujourd’hui sont moins chers simplement parce que le développement de la production de masse fait que le travail socialement nécessaire pour produire un PC a fortement diminué. Cela va répondre à la question suivante :

      [Question pour un marxiste : L’ouvrier qui fabrique la nouvelle friteuse (dans le même temps et pour le même salaire) est-il deux fois plus exploité que lorsqu’il fabriquait l’ancienne ?]

      Non, pour la raison que je vous ai expliqué plus haut. Si la fabrication de la nouvelle friteuse prend le même temps de travail socialement nécessaire que l’ancienne, alors la « valeur » produite est la même, et l’ouvrier est toujours aussi exploité.

      [Ce qui vaut pour les friteuses industrielles, vaut pour les voitures, les avions et même les centrales nucléaires. Réduire la valeur d’un produit à la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa production, c’est sûrement possible pour des produits courants et banalisés, comme un kilo d’acier brut ou un litre de Gazoil, mais est-ce que ça a du sens lorsqu’on parle de produits élaborés ou la valeur dépend aussi, et même surtout, de ce que l’utilisateur est prêt à payer pour le service que lui rendra le produit.]

      Vous faites erreur. La « valeur » est totalement indépendante de ce que l’utilisateur est prêt à payer. L’exemple des PC vous le montre amplement. Si le prix des PC a baissé alors que leurs capacités augmentaient, ce n’est pas parce que les utilisateurs sont moins prêts à payer, mais parce qu’ils n’ont pas besoin de payer. Lorsque la quantité de travail contenue dans un produit diminue, il est possible de le vendre à un prix inférieur. Et dans un marché « pur et parfait », le prix tend à se rapprocher de la « valeur ».

      [Bon, nous voila loin de Marx, mais proche quand même de la vraie vie économique.]

      Pas du tout. Je pense vous avoir montré au contraire combien les outils de l’analyse marxiste permettent d’expliquer la réalité. Essayez d’expliquer la baisse du prix des PC avec une théorie qui relierait la valeur d’un produit au service qu’il rend, et vous verrez que vous aurez des difficultés.

      [PS : le brevet est depuis tombé dans le domaine public et les friteuses du monde entier sont faites selon ce concept. réfléchissent…]

      Et le prix des friteuses a augmenté du fait de ce changement ? Je suis prêt à parier que non, qu’une fois le brevet tombé dans le domaine public – c’est-à-dire, une fois que la barrière au fonctionnement du marché a été levée – le prix de la nouvelle friteuse est redevenu proche de l’ancienne. Ce qui vous montre que la « valeur » de la friteuse n’a pas changé du fait de son amélioration. Réflechissez…

    • v2s dit :

      Bon, tout ça me semble bien théorique, avec beaucoup de « imaginons » [imaginons qu’il n’y ait pas de brevet … imaginons que l’on soit dans un marché parfait…]
      Encore une fois, dans la réalité, une bonne façon pour un entrepreneur de faire des profits, de développer sa boîte, de développer l’emploi, de payer des impôts, de concourir à la bonne santé de l’économie de son pays etc … c’est de se démarquer de ses concurrents en imaginant un nouveau produit qui apporte un meilleur service que les autres.
      Qu’il soit copié et que cet avantage s’étiole au fil du temps, ne change rien. Et l’exemple des PC et de l’électronique grand public en général le montre. La firme Apple est devenue un géant mondial en inventant en permanence de nouvelles fonctions pour ses produits. Elle fait des profits colossaux jusqu’à être copiée par les suiveurs (Samsung) et elle s’efforce ensuite de garder une longueur d’avance en continuant d’innover.
      Que Marx et Riccardo aient raison, tout à fait raison et même 1000 fois raison en théorie, n’empêche pas les choses de se passer comme ça en pratique.
      Mais surtout, ce qui reste pour moi parfaitement incompréhensible, c’est que vous puissiez déduire de tout ça que les travailleurs sont légitimes pour revendiquer, parce qu’ils sont exploités, dépossédés d’une partie de la valeur d’un produit qui n’existerait même pas si leur patron ne l’avait pas imaginé.
      Restons sur l’exemple Apple. Pendant toute sa vie, Steve Job, a crée, ex-nihilo, des dizaines milliers de postes de travail, opérateurs, ingénieurs, designers, commerciaux, administratifs …il a contribué largement, dans sa compétition, avec le PC d’IBM, a faire progresser les ordinateurs individuels, puis les téléphones et les tablettes, que le monde entier utilise aujourd’hui.
      Dans ses usines, il paye, selon les pays, des salaires de marché.
      Et pour moi, ce qui fonde la revendication des travailleurs, ce n’est pas cette supposée exploitation. C’est comme nous l’avons dit plus haut dans la discussion, la justice.
      Je ne vois aucune raison pour les américains de la silicone vallée de bloquer les bureaux des héritiers de Steve Job. Par contre, c’est notre devoir de consommateurs de pourrir la communication marketing d’Apple et d’entraver son développement quand on découvre que certains produits sont fabriqués dans des usines asiatiques ou les droits humains ne sont pas respectés.
      Nous avions déjà eu une discussion au sujet des consommateurs occidentaux qui faisaient pression sur les firmes qui sous traitaient les vêtements dans des usines qui emploient des enfants ou des esclaves.
      Et bien, dans la réalité, ces mauvaises conditions sont en recul et ce n’est pas seulement grâce aux travailleurs locaux qui sont malheureusement peu puissants, mais grâce à la pression internationale des consommateurs et des « bobos » que vous exécrez.
      « [Bobos libéraux libertaires] de tous pays, unissez vous ! … pour faire reculer l’injustice.»

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Bon, tout ça me semble bien théorique, avec beaucoup de « imaginons » [imaginons qu’il n’y ait pas de brevet … imaginons que l’on soit dans un marché parfait…]]

      Bien sur que c’est « théorique ». Toute pensée est au fond « théorique », puisque penser consiste essentiellement à prendre des problèmes en apparence complexes et d’éliminer les variables qui n’ont guère d’influence pour construire des modèles simples qui permettent de les analyser. « Théorique » n’est pas synonyme de « inutile ». La résistance des matériaux st « théorique » et permet pourtant de construire des ponts. La physique quantique est « théorique », et elle permet pourtant de construire des lasers.

      La « théorie de la valeur » de Ricardo et Marx permettent par exemple d’expliquer – et de prédire – pourquoi le prix des PC a continûment baissé ces vingt dernières années. Elle permet même de prédire que sur tout marché qui se rapproche raisonnablement d’un marché « pur et parfait », les prix des biens ne peuvent que baisser au fur et à mesure que la productivité progresse. N’est ce pas un application très « pratique » d’une théorie ?

      [Encore une fois, dans la réalité, une bonne façon pour un entrepreneur de faire des profits, de développer sa boîte, de développer l’emploi, de payer des impôts, de concourir à la bonne santé de l’économie de son pays etc … c’est de se démarquer de ses concurrents en imaginant un nouveau produit qui apporte un meilleur service que les autres.]

      Seulement s’il a les moyens d’empêcher les « concurrents » de copier le produit. C’est pourquoi, contrairement à ce que croient les libéraux, les entreprises n’aiment pas du tout les marchés « purs et parfaits », et imaginent toutes sortes de techniques pour rendre les marchés imparfaits. C’est d’ailleurs un résultat fondamental auquel les économistes libéraux ont abouti depuis bien longtemps : dans un marché pur et parfait, les prix tendent à s’approcher des coûts de production, ce qui veut dire que le profit tend vers zéro.

      Les brevets sont un exemple classique d’imperfection « volontaire » des marchés. Qu’est ce qu’un brevet, sinon une barrière à l’entrée sur un marché donné ? Alors qu’une concurrence « pure et parfaite » permettrait au consommateur de bénéficier de meilleurs prix, on réduit la capacité des concurrents à utiliser la technologie protégée par le brevet pour créer une « rente » en faveur de son titulaire.

      [Qu’il soit copié et que cet avantage s’étiole au fil du temps, ne change rien.]

      S’il put être copié immédiatement, alors l’avantage non seulement s’étiole, mais il n’existe pas.

      [Et l’exemple des PC et de l’électronique grand public en général le montre. La firme Apple est devenue un géant mondial en inventant en permanence de nouvelles fonctions pour ses produits. Elle fait des profits colossaux jusqu’à être copiée par les suiveurs (Samsung) et elle s’efforce ensuite de garder une longueur d’avance en continuant d’innover.]

      Vous faites erreur. La comparaison entre le PC – une conception dont son créateur a décidé dès le départ de ne pas la protéger par un brevet – et l’Apple – firme dont la politique fut au contraire de verrouiller sa conception pour éviter que d’autres puissent l’utiliser – illustre de manière éclatante le processus que j’ai décrit plus haut. Alors que le PC, parce qu’il pouvait être fabriqué par n’importe qui, a vu son prix baisser très vite pour s’approcher du coût de production, au point que sa fabrication ne laisse que de très faibles marges, les produits Apple ont au contraire enrichi – et continuent à enrichir – leur fabriquant précisément parce que l’obstacle à la concurrence lui permet de bénéficier d’une « rente », au préjudice bien entendu du consommateur. On est donc très clairement en conformité avec la prédiction de Marx/Ricardo : le marché « libre » tend à rapprocher le prix et la valeur.

      Ce qui est drôle, dans cet échange, c’est qu’après avoir encensé la libre entreprise et le libre marché, vous me dites maintenant que les entreprises doivent « garder une longueur d’avance », ce qui en termes économiques se traduit en fait par un monopole.

      [Que Marx et Ricardo aient raison, tout à fait raison et même 1000 fois raison en théorie, n’empêche pas les choses de se passer comme ça en pratique.]

      Je vois… vous êtes de ceux qui pensent que la théorie de la relativité s’applique dans les laboratoires de physique, mais pas dans la vie de tous les jours… J’aimerais bien que vous m’expliquiez ce que cela veut dire « avoir raison en théorie ». Un théoricien « a raison » lorsque sa théorie est un bon modèle des processus réels. Si Marx et Ricardo ont « raison en théorie », cela implique que leur théorie décrit correctement comment les choses « se passent en pratique ».

      [Mais surtout, ce qui reste pour moi parfaitement incompréhensible, c’est que vous puissiez déduire de tout ça que les travailleurs sont légitimes pour revendiquer, parce qu’ils sont exploités, dépossédés d’une partie de la valeur d’un produit qui n’existerait même pas si leur patron ne l’avait pas imaginé.]

      La plupart des « patrons » au sens ou vous employez le terme, n’ont jamais rien inventé. Je vous rappelle que celui qui dépossède les travailleurs d’une partie de la valeur qu’ils produisent est le propriétaire du capital, et non le directeur de l’entreprise. Je ne crois pas que les actionnaires de Total, par exemple, aient inventé grande chose dans le domaine de l’exploration ou l’exploitation pétrolière.

      Lorsqu’un patron « invente », il travaille. Et ce travail crée de la valeur, pour laquelle il est légitime qu’il soit payé. Ce qui est « illégitime », c’est qu’on soit payé pour le simple fait de posséder.

      [Restons sur l’exemple Apple. Pendant toute sa vie, Steve Job, a crée, ex-nihilo, des dizaines milliers de postes de travail, opérateurs, ingénieurs, designers, commerciaux, administratifs …il a contribué largement, dans sa compétition, avec le PC d’IBM, a faire progresser les ordinateurs individuels, puis les téléphones et les tablettes, que le monde entier utilise aujourd’hui.]

      Supposons… mais est-ce que Steve Jobs a empoché la totalité des gains d’Apple ? Bien sur que non. Si ma mémoire ne me trompe pas, Steve Jobs ne possède qu’une partie marginale du capital d’Apple. Lorsque Apple fait des profits et paye des dividendes, ce n’est pas Steve Jobs qui les empoche. C’est un certain nombre d’actionnaires qui n’ont jamais rien créé, rien inventé, qui ne se sont souvent que donné la peine de naître. Que pensez-vous du fait que ces gens-là soient rémunérées par le simple fait qu’ils possèdent un capital ? Et dans la mesure où le fait de posséder ne produit pas de valeur, à votre avis, sur qui est prélevée la valeur qu’ils empochent ?
      J’ajoute qu’à mon avis vous surestimez énormément le rôle de Steve Jobs dans l’affaire. Après tout, Jobs n’aurait rien pu faire sans Planck, Schrödinger, Einstein, et tous ces gens qui ont inventé la physique quantique et donc les semi-conducteurs. Pourquoi attribuer tout le mérite à Jobs, alors que sans ces gens-là Jobs n’aurait jamais pu construire un ordinateur ? Pourtant, ni Einstein, ni Planck, ni Schrödinger n’ont gagné de leur vie même le cent-millième de ce que Jobs a gagné en un an. Ne trouvez-vous cela très injuste ? Pourquoi dites vous que Jobs « a crée, ex-nihilo, des dizaines milliers de postes de travail, opérateurs, ingénieurs, designers, commerciaux, administratifs » et pas que Planck ou Einstein ont fait de même ? Si c’est l’idée qui crée de la valeur, on peut dire que celle crée par Jobs dans un ordinateur Apple est relativement marginale. Après tout, qui a le plus contribué au Mac, celui qui invente la souris, ou celui qui invente le semi-conducteur ?

      [Dans ses usines, il paye, selon les pays, des salaires de marché.]

      Oui, et il choisit de s’installer dans les pays ou les salaires sont les plus bas. De manière à maximiser ses profits. Un véritable bienfaiteur de l’humanité, en somme…

      [Et pour moi, ce qui fonde la revendication des travailleurs, ce n’est pas cette supposée exploitation. C’est comme nous l’avons dit plus haut dans la discussion, la justice.]

      Je ne vois pas ce que vous appelez « la justice ». Si pour vous c’est Jobs qui « a crée, ex-nihilo, des dizaines milliers de postes de travail, opérateurs, ingénieurs, designers, commerciaux, administratifs », tout le mérite lui revient et ses ouvriers auraient tort de revendiquer quoi que ce soit. Ils devraient au contraire se prosterner devant lui et remercier ce demi-dieu qui leur permet de vivre en partageant avec eux toute la valeur créée par son cerveau génial…

      [Je ne vois aucune raison pour les américains de la silicone vallée de bloquer les bureaux des héritiers de Steve Job.]

      Pardon, mais c’est quoi la « silicone vallée » ? Ou bien vous utilisez le nom anglais (« silicon valley » ou bien la traduction française (« vallée du silicium »).

      Vous dites ne pas voir de raison pour les américains de la silicone vallée de bloquer les bureaux des héritiers de Steve Job. Vous avez raison : pourquoi des cadres supérieurs, des ingénieurs dont le pouvoir de négociation leur permet de récupérer la valeur qu’ils produisent voudraient-ils bloquer les bureaux de leur entreprise ? Mais posez-vous plutôt la question de savoir si les ouvriers qui travaillent en Malaisie, en Chine ou en Corée pour fabriquer les iPhone et autres iMac n’auraient pas, eux, des raisons de le faire. Et ils le font d’ailleurs assez souvent, si j’en crois mes informations.

      [Par contre, c’est notre devoir de consommateurs de pourrir la communication marketing d’Apple et d’entraver son développement quand on découvre que certains produits sont fabriqués dans des usines asiatiques ou les droits humains ne sont pas respectés.]

      Je ne vois pas pourquoi. Vous m’avez convaincu que c’est grâce au grand Steve Jobs et à ses idées que tous ces gens ont du travail. Vous m’avez convaincu que sans lui, tous ces gens seraient bien plus misérables qu’ils ne le sont aujourd’hui. Au nom de quoi demanderait-on à Apple de faire plus que de payer ses ouvriers « au prix du marché suivant le pays » ?

      Soyez cohérent. Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si vous décrétez que c’est « le marché » qui doit déterminer le salaire et les conditions de travail chez nous, alors vous ne pouvez pas ensuite faire la vierge effarouchée lorsque les entrepreneurs appliquent ce sain principe au Bangladesh. A partir de combien d’heures de travail quotidien estimez-vous que « les droits humains ne sont pas respectés » ? 10 heures ? 12 heures ? 14 heures ? Et pourquoi l’une et pas l’autre ?

      [Nous avions déjà eu une discussion au sujet des consommateurs occidentaux qui faisaient pression sur les firmes qui sous traitaient les vêtements dans des usines qui emploient des enfants ou des esclaves. Et bien, dans la réalité, ces mauvaises conditions sont en recul et ce n’est pas seulement grâce aux travailleurs locaux qui sont malheureusement peu puissants, mais grâce à la pression internationale des consommateurs et des « bobos » que vous exécrez.]

      Ah… ces « bobos » au noble cœur, prêts à payer leurs « nike » deux fois plus cher pour que les travailleurs qui les fabriquent puissent payer convenablement leurs ouvriers… c’est à vous mettre la larme à l’œil. Il faudra tout de même m’expliquer comment on fait, dans un domaine ou les ruptures technologiques sont derrière nous, sur un marché hyper-concurrentiel où la pression à la baisse sur les prix est énorme, avec des actionnaires qui eux exigent des rentabilités à deux chiffres, pour que les mauvaises conditions de travail soient « en recul ».

      J’aimerais bien que vous indiquiez les données chiffrées sur lesquelles s’appuie votre noble affirmation. Que les conditions de travail s’améliorent, c’est un fait, et cela depuis la plus haute antiquité. Et c’est logique : le progrès des sciences et des techniques augmente en permanence la taille du gâteau à partager. Mais ce partage se fait en fonction d’un rapport de forces. Et c’est la lutte des populations locales qui, jusqu’ici, a déterminé le partage. Apple ou Nike peuvent faire des opérations de communication sur le thème « voyez comment nous combattons l’esclavage et le travail des enfants ». Mais il ne faudrait pas prendre ces opérations de communication, dont le but est autant de redorer le blason des industriels que de permettre à ces nobles « bobos » de consommer sans se sentir coupables, pour des réalités.

      [« [Bobos libéraux libertaires] de tous pays, unissez vous ! … pour faire reculer l’injustice.»]

      Si vous comptez là-dessus…

    • v2s dit :

      [J’aimerais bien que vous m’expliquiez ce que cela veut dire « avoir raison en théorie ». Un théoricien « a raison » lorsque sa théorie est un bon modèle des processus réels. Si Marx et Ricardo ont « raison en théorie », cela implique que leur théorie décrit correctement comment les choses « se passent en pratique ».]
      Admettons un instant que cette théorie soit excellente, et qu’elle explique très bien les rouages de l’économie. Donc, les travailleurs seraient « dépossédés » par les actionnaires d’une part de la valeur des produits.
      Et alors ?
      La question n’est pas de savoir si je suis dépossédé de quelque chose que je n’étais même pas conscient de posséder, la seule vraie question qui m’intéresse c’est, est-ce que mon salaire me permet de bien me loger, de bien me nourrir, bien me soigner etc… Est-ce que, si je travaille plus et mieux, je peux espérer gagner plus et m’offrir ainsi des loisirs, des voyages … ?
      Si le capital est rémunéré, un peu, beaucoup, trop peut-être, qu’est-ce qui m’empêche de travailler encore plus et encore mieux pour économiser et posséder moi-même un capital que je pourrais placer en créant ma propre entreprise ou en le plaçant dans celle d’un autre.
      Que Riccardo ou Marx aient raison dans leurs théories économiques, qu’ils expliquent parfaitement les choses, ne justifie absolument pas que l’on prône une politique communiste dont personne ne veut au plan des libertés individuelles, et qui n’a jamais marché nulle part.
      Tous ceux qui ont essayé ont mis des années à s’en débarrasser.
      Alors que, depuis l’aire moderne, les sociétés « sociales libérales », qui tendent à se généraliser, qui pratiquent un capitalisme régulé par des lois démocratiques, n’ont jamais cessé, elles, d’accompagner le recul de la misère et les progrès de l’humanité.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [La question n’est pas de savoir si je suis dépossédé de quelque chose que je n’étais même pas conscient de posséder, la seule vraie question qui m’intéresse c’est, est-ce que mon salaire me permet de bien me loger, de bien me nourrir, bien me soigner etc… Est-ce que, si je travaille plus et mieux, je peux espérer gagner plus et m’offrir ainsi des loisirs, des voyages … ?]

      Le problème, c’est que celui qui prélève une partie de votre travail ne se contente pas de prélever un petit peu, en vous laissant de quoi bien vous loger, vous nourrir, vous soigner, de jouir de loisirs et de voyages. Son intérêt, c’est de prélever tout ce qu’il peut, et de ne vous laisser que le stricte minimum nécessaire au renouvellement de votre force de travail. Si vous voulez plus que cela, il ne suffit pas de « travailler plus ». Il vous faut vous battre pour obliger votre exploiteur à vous restituer plus de valeur. Il ne le fera jamais spontanément.

      Vous n’avez qu’a regarder l’histoire. Si les travailleurs n’avaient pas lutté, nous n’aurions ni congés payés, ni salaire minimum. Nous serions encore payés à la tâche, et notre patron pourrait nous virer pour délit de sale gueule. Le patronat n’a jamais, je dis bien jamais, accordé des congés, un salaire minimum, un code du travail de sa propre initiative. Il a fallu le lui arracher.

      [Si le capital est rémunéré, un peu, beaucoup, trop peut-être, qu’est-ce qui m’empêche de travailler encore plus et encore mieux pour économiser et posséder moi-même un capital que je pourrais placer en créant ma propre entreprise ou en le plaçant dans celle d’un autre.]

      Ce qui vous en empêche, c’est le mécanisme que j’ai cité plus haut. Si vous laissiez le patronat faire, votre salaire serait le stricte nécessaire au renouvellement de votre force de travail – car le patron a tout de même intérêt à ce que vous puissiez retourner travailler demain – et rien de plus. Dans ces conditions, vous auriez beaucoup de mal à « économiser et posséder vous-même un capital ». Encore une fois, si le patron vous donne plus que le stricte minimum, c’est parce que les travailleurs se sont battus pour l’y obliger…

      [Que Riccardo ou Marx aient raison dans leurs théories économiques, qu’ils expliquent parfaitement les choses, ne justifie absolument pas que l’on prône une politique communiste dont personne ne veut au plan des libertés individuelles, et qui n’a jamais marché nulle part.]

      Bien entendu. Une théorie scientifique ne vous dit jamais ce que vous devez faire, tout au plus ce que vous pouvez faire, et quelles seront les conséquences. Vous ne trouverez aucune théorie qui vous démontrera qu’il faut abolir l’esclavage. Et après tout, pourquoi le faire ? Ce qui est important, c’est de savoir si l’esclave est bien logé, bien nourri, bien soigné… n’est ce pas ?

      [Alors que, depuis l’aire moderne, les sociétés « sociales libérales », qui tendent à se généraliser, qui pratiquent un capitalisme régulé par des lois démocratiques, n’ont jamais cessé, elles, d’accompagner le recul de la misère et les progrès de l’humanité.]

      Je ne vois pas très bien ce que vous appelez des « sociétés libérales »… pourriez-vous proposer une définition ?

    • "La question n’est pas de savoir si je suis dépossédé de quelque chose que je n’étais même pas conscient de posséder, la seule vraie question qui m’intéresse c’est, est-ce que mon salaire me permet de bien me loger, de bien me nourrir, bien me soigner etc… Est-ce que, si je travaille plus et mieux, je peux espérer gagner plus et m’offrir ainsi des loisirs, des voyages … ?"

      v2s => Si je suis votre raisonnement, ça vous est égal que votre voisin vole le pétrole qui se trouve sous un terrain dont vous êtes propriétaire, du moment que vous n’êtes pas au courant de la présence de la ressource ? Je me félicite que nos juristes n’aient pas votre cynisme.

      Quand à vos apologies social-démocrates du travail, je vous conseille d’aller dire à une employée de Call Center, une caissière à Carrefour ou un ouvrier de Peugeot qu’ils n’ont qu’à bosser plus s’ils veulent augmenter leur pouvoir d’achat, mais que le versement des dividendes aux improductifs qui vivent sur leurs épaules est un impératif sacré.

      Vous nous raconterez cette intéressante expérience.

      La vérité, c’est que les libertés individuelles que vous vantez n’incluent pas la liberté de ne pas être exploité. Ça doit être trop dur de comprendre que Libéralisme et Liberté ne sont pas des synonymes.

      Pour ce qui est du recul de la misère, c’est consternant d’entendre ça alors que le chômage en France atteint des records. Vous me direz, les capitalistes se portent très bien, eux (cf http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20140709.OBS3223/il-n-y-a-jamais-eu-autant-de-milliardaires-en-france.html ).

      Descartes va être heureux de voir que je suis son conseil, je me suis retenu de vous insulter (de justesse, il est vrai).

    • Descartes dit :

      @ Jonathan R. Razorback

      [La vérité, c’est que les libertés individuelles que vous vantez n’incluent pas la liberté de ne pas être exploité.]

      C’est là où je ne suis pas d’accord avec vous. Inclure le fait de « ne pas être exploité » parmi les « libertés » donne à l’affaire un tour moral et du coup obscurcit le fait que le mode de production fondé sur l’exploitation est, à un certain stade de l’humanité, une nécessité. Marx explique admirablement cela dans le « Manifeste » lorsqu’il écrit :

      « L’ancien mode d’exploitation féodal ou corporatif de l’industrie ne suffisait plus aux besoins qui croissaient sans cesse à mesure que s’ouvraient de nouveaux marchés. La manufacture prit sa place. La moyenne bourgeoisie industrielle supplanta les maîtres de jurande; la division du travail entre les différentes corporations céda la place à la division du travail au sein de l’atelier même.
      Mais les marchés s’agrandissaient sans cesse : la demande croissait toujours. La manufacture, à son tour, devint insuffisante. Alors, la vapeur et la machine révolutionnèrent la production industrielle. La grande industrie moderne supplanta la manufacture; la moyenne bourgeoisie industrielle céda la place aux millionnaires de l’industrie, aux chefs de véritables armées industrielles, aux bourgeois modernes.
      La grande industrie a créé le marché mondial, préparé par la découverte de l’Amérique. Le marché mondial accéléra prodigieusement le développement du commerce, de la navigation, des voies de communication. Ce développement réagit à son tour sur l’extension de l’industrie; et, au fur et a mesure que l’industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se développaient, la bourgeoisie grandissait, décuplant ses capitaux et refoulant à l’arrière-plan les classes léguées par le moyen âge.
      (…)
      La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse. C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; elle a mené à bien de tout autres expéditions que les invasions et les croisades.
      La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés
      (…)
      La bourgeoisie, au cours de sa domination de classe à peine séculaire, a créé des forces productives plus nombreuses; et plus colossales que l’avaient fait toutes les générations passées prises ensemble. La domestication des forces de la nature, les machines, l’application de la chimie à l’industrie et à l’agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la régularisation des fleuves, des populations entières jaillies du sol – quel siècle antérieur aurait soupçonné que de pareilles forces productives dorment au sein du travail social ? »

      On le voit, Marx ne condamne pas le mode de production capitaliste « en général ». Au contraire, dans un certain contexte – le féodalisme – il attribue au contraire à la bourgeoisie, c’est-à-dire, aux exploiteurs, un rôle révolutionnaire. Faire du fait de ne pas être exploité un « droit » universel, exigible en tout lieu et en tout temps obscurcit le caractère historique de l’affaire : l’exploitation du travail salarié (comme en son temps l’esclavage ou le servage) sont des étapes nécessaires dans l’histoire humaine.

      Marx ne dit pas que le capitalisme soit « mauvais » par essence. Il lui reconnaît un rôle historique mais estime que ce rôle est rempli et que le capitalisme a cessé d’être « révolutionnaire » pour devenir un frein au développement des forces productives (ce en quoi, par parenthèse, il s’est gravement trompé) :

      « Nous assistons aujourd’hui à un processus analogue[à celui de l’effondrement du féodalisme]. Les conditions bourgeoises de production et d’échange, le régime bourgeois de la propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d’échange, ressemblent au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées. Depuis des dizaines d’années, l’histoire de l’industrie et du commerce n’est autre chose que l’histoire de la révolte des forces productives modernes contre les rapports modernes de production, contre le régime de propriété qui conditionnent l’existence de la bourgeoisie et sa domination. Il suffit de mentionner les crises commerciales qui, par leur retour périodique, menacent de plus en plus l’existence de la société bourgeoise. Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives déjà existantes elles-mêmes. Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité, s’abat sur la société, – l’épidémie de la surproduction. La société se trouve subitement ramenée à un état de barbarie momentanée; on dirait qu’une famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance; l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le régime de la propriété bourgeoise; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ce régime qui alors leur fait obstacle; et toutes les fois que les forces productives sociales triomphent de cet obstacle, elles précipitent dans le désordre la société bourgeoise tout entière et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créées dans son sein. – Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises ? D’un côté, en détruisant par la violence une masse de forces productives; de l’autre, en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus à fond les anciens. A quoi cela aboutit-il ? A préparer des crises plus générales et plus formidables et à diminuer les moyens de les prévenir. Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre la bourgeoisie elle-même. »

      Un des problèmes de la gauche, c’est qu’elle fait de Marx une lecture statique, moralisante, qui trahit profondément la pensée de son auteur. Le marxisme n’est pas une morale. Il ne pousse pas à s’apitoyer sur le sort de telle ou telle catégorie, ou décider qui sont les « bons » et les « méchants ». C’est une théorie qui prétend décrire la dynamique de l’histoire. Dans ce cadre, dire « le capitalisme est mauvais » est une aberration. C’est le capitalisme qui nous a sorti – et en cela v2s n’a pas tort – de l’obscurantisme moyenâgeux en améliorant infiniment notre niveau de vie et notre possibilité de choix. Pour des peuples qui sont encore dans une logique féodale – et il y en a encore beaucoup – le capitalisme libéral représente un progrès, et non un recul, n’en déplaise aux admirateurs des méta-féodalismes déguisés en « socialismes tropicaux ». Mais la où v2s se trompe, c’est dans l’idée que le capitalisme est « la fin de l’histoire ». Comme le féodalisme hier, le capitalisme contient en son sein des contradictions qui, tôt ou tard, en feront un obstacle au progrès. Et ce jour-là, il sera, comme ses prédécesseurs, substitué par un mode de production nouveau. Quel sera-t-il ? Nous pouvons l’anticiper en partie en étudiant les contradictions internes du capitalisme, puisque ce mode de production sera appelé à les résoudre…

      Je ne peux que recommander à tous mes lecteurs la lecture du "manifeste du parti communiste" de Marx. C’est un texte qui explique en termes très simples des choses très compliquées, avec une pédagogie rare dans les textes de ce type. Par ailleurs, la lecture de cet opuscule devrait détromper ceux qui ont de la pensée marxiste une vision schématique…

      [Descartes va être heureux de voir que je suis son conseil, je me suis retenu de vous insulter (de justesse, il est vrai).]

      Votre effort est très apprécié, effectivement…

    • « Marx explique admirablement cela dans le « Manifeste » lorsqu’il écrit. »

      Les rappels sont parfois salutaires. Mais ne vous inquiéter pas pour moi, j’ai lu Marx (même les textes que les militants PCF n’étudient plus, comme La guerre civile en France). En fait, à part les œuvres tardives de Lukàcs et un peu de Gramsci, je pense avoir parcouru la majeure partie de littérature du mouvement ouvrier (cf http://hydra.forumactif.org/t7-banalites-de-base ). Et pour paraphraser un de mes auteurs de science-fiction favori, je dirai que « quelque soit le nombre de livres que vous consulterez, aucun ne contiendra la réponse qui apaisera tous vos doutes ». Ou alors c’est que je manque de dogmatisme.

      « Le fait que le mode de production fondé sur l’exploitation est, à un certain stade de l’humanité, une nécessité. »

      C’est là où je ne peux pas être d’accord avec vous. Les grandes réalisations techniques qui font l’admiration de Marx dans le Manifeste auraient très bien pu être effectuées par un mode de production post-capitaliste. Si ça n’a pas été le cas, ce n’est pas parce que le capitalisme est une « nécessité historique objective », mais plutôt parce que les exploités n’ont pas menées de révolte pour changer les rapports de propriété. Et parce que celles qui se sont produites ont été écrasées dans le sang.

      Quant à votre rejet de la « morale », c’est une tradition solidement implantée depuis Marx lui-même. Et pourtant toute politique n’est que l’extension de principes d’ordre éthique (et philosophique). Marx n’a pas écrit le Capital juste pour s’amuser, il y avait une exigence éthique derrière tout ce travail. Une exigence humaniste.

      Ça me semble évident à la lecture de ceci :

      « Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes ; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle pénètre les masses. La théorie est capable de pénétrer les masses dès qu’elle procède par des démonstrations ad hominem, et elle fait des démonstrations ad hominem dès qu’elle devient radicale. Être radical, c’est prendre les choses par la racine. Or, pour l’homme, la racine, c’est l’homme lui-même. Ce qui prouve jusqu’à l’évidence le radicalisme de la théorie allemande, donc son énergie pratique, c’est qu’elle prend comme point de départ la suppression absolument positive de la religion. La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l’homme est, pour l’homme, l’être suprême. Elle aboutit donc à l’impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable. »

      -Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843).

      Partant de là, je soutiens que le marxisme, au moins chez Marx, est bien une morale. Si Marx s’était contenté d’un travail d’historien descriptif et apolitique, s’il n’en avait rien eu à faire des opprimés, nous n’aurions probablement jamais entendu parler de lui.

      Donc je vous le dit très tranquillement, le capitalisme est mauvais. Mauvais parce que dégradant pour l’Homme, parce que privatif de liberté. La théorie marxiste soutient que le capitalisme est un progrès sur le féodalisme, mais même ce point est hautement discutable. Matériellement parlant, l’ouvrier du XIXème siècle ne pouvait se procurer autant de viande que son ancêtre paysan du XVIII. Et sur le plan culturel et spirituel, vous auriez pu citer ce passage splendide du Manifeste :

      « Partout où elle a conquis le pouvoir, [la Bourgeoisie] a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens multicolores qui unissaient l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié, pour ne laisser subsister entre l’homme et l’homme d’autre lien que le froid intérêt, que le dur argent comptant. Elle a noyé l’extase religieuse, l’enthousiasme chevaleresque, la sentimentalité du petit bourgeois, dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation voilée par des illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, directe, brutale et éhontée.

      La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les professions jusqu’alors réputées vénérables et vénérées avec crainte. Elle a fait du médecin, du juriste, du prêtre, du poète, du savant, des ouvriers salariés.

      La bourgeoisie a arraché le voile de poésie touchante, qui recouvrait les relations de famille, et les a ramenées à n’être que de simples rapports d’argent. »

      Fallait-il donc se débarrasser de toutes ces dimensions fondamentales de l’expérience humaine pour accroître la production de marchandises (je n’ose pas écrire notre niveau de vie, ce serait entériner le triomphe de l’avoir sur l’être) ? Oseriez-vous dire que le capitalisme est un progrès éclatant, incontestable ?

      « Là où v2s se trompe, c’est dans l’idée que le capitalisme est « la fin de l’histoire ». »

      Permettez-moi de vous dire (très gentiment) que vous n’en savez rien. C’est de la spéculation pure. De la foi. Que le capitalisme soit « mauvais » ou, si votre préférez votre position plus orthodoxe, tiraillé du fait de ses contradictions internes, ça ne nous dit nullement s’il finira ou pas. Ce n’est qu’après coup, si le communisme (ou autre chose) lui succède, que nous saurons rétrospectivement qu’il n’était pas la fin de l’Histoire. En attendant c’est de la croyance. Personnellement, je ne partage pas votre optimisme.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Les rappels sont parfois salutaires. Mais ne vous inquiéter pas pour moi, j’ai lu Marx (même les textes que les militants PCF n’étudient plus, comme La guerre civile en France).]

      Je ne m’inquiète pas pour vous. Mais j’essaye de répondre de manière que la réponse puisse intéresser aussi mes autres lecteurs, qui n’ont pas nécessairement votre culture marxiste. C’est pourquoi j’ai trouvé intéressant de citer in extenso ce texte.

      [« Le fait que le mode de production fondé sur l’exploitation est, à un certain stade de l’humanité, une nécessité. » C’est là où je ne peux pas être d’accord avec vous. Les grandes réalisations techniques qui font l’admiration de Marx dans le Manifeste auraient très bien pu être effectuées par un mode de production post-capitaliste.]

      Seulement si l’on admet qu’on puisse construire un « mode de production post-capitaliste » dans une société qui n’a pas connu le capitalisme. Je vois mal, personnellement, comment un tel passage serait possible. Peut-on imaginer une révolution prolétarienne sans prolétaires ? Nous savons que les pays qui ont essayé de construire un socialisme sans passer par une étape d’accumulation capitaliste ont eu le plus grand mal, et ont souvent échoué et été obligés de rebrousser chemin.

      [Si ça n’a pas été le cas, ce n’est pas parce que le capitalisme est une « nécessité historique objective », mais plutôt parce que les exploités n’ont pas menées de révolte pour changer les rapports de propriété. Et parce que celles qui se sont produites ont été écrasées dans le sang.]

      Mais comment les « exploités » auraient pu se révolter alors qu’ils n’existaient pas encore ? Si vous pouviez passer du féodalisme à une société « post-capitaliste », ce ne serait pas les « exploités » qui pourraient faire ce changement, mais les serfs… Or, ce ne sont jamais, nulle part les serfs qui ont fait la révolution qui a mis à terre le féodalisme. Non. C’est partout et toujours la bourgeoisie, comme le montre Marx, qui a fait cette révolution. C’est en ce sens que le capitalisme est une « nécessité objective ». Il faut que la bourgeoisie se constitue pour détruire les rapports féodaux et mettre en place la production capitaliste. Et c’est celle-ci qui génère la contradiction qui peut amener à construire une société « post capitaliste ». Sans capitalisme, on reste coincé dans un mode de production féodal… et ce n’est pas lui qui produira les réalisations techniques dont parle Marx.

      [Quant à votre rejet de la « morale », c’est une tradition solidement implantée depuis Marx lui-même. Et pourtant toute politique n’est que l’extension de principes d’ordre éthique (et philosophique). Marx n’a pas écrit le Capital juste pour s’amuser, il y avait une exigence éthique derrière tout ce travail. Une exigence humaniste.]

      Je ne partage pas votre analyse. Marx a écrit le Capital pour la même raison que Einstein a écrit la théorie de la relativité : parce qu’il avait la passion de comprendre le monde qui l’entourait. Ce qui ne veut pas dire que Marx n’eut pas d’idées éthiques ou morales, comme chacun d’entre nous. Vous avez raison de dire que toute politique est fondée sur une éthique. Mais le Capital n’est pas un livre politique, c’est un livre d’économie.

      [Partant de là, je soutiens que le marxisme, au moins chez Marx, est bien une morale. Si Marx s’était contenté d’un travail d’historien descriptif et apolitique, s’il n’en avait rien eu à faire des opprimés, nous n’aurions probablement jamais entendu parler de lui.]

      Il faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle « marxisme ». Sans aucun doute, Marx avait une morale. Mais cette morale n’apporte rien de véritablement nouveau, de « révolutionnaire ». Ce n’est pas lui qui l’a inventée, et elle était – et est toujours – partagée par quantité de gens qui n’ont jamais lu Marx ni même entendu parler de lui. Si Marx marque son époque, ce n’est pas comme moraliste, mais comme économiste et comme philosophe de l’histoire. Le marxisme, ce sont ces théories là, et non une vision « morale ».

      [Donc je vous le dis très tranquillement, le capitalisme est mauvais. Mauvais parce que dégradant pour l’Homme, parce que privatif de liberté.]

      C’est une opinion personnelle, et à ce titre fort respectable. Mais l’opinion contraire le serait tout autant. Il n’y a aucun raisonnement logique qui puisse vous conduire à démontrer de manière incontestable que la liberté c’est « le bien » et que priver de liberté c’est « mal ».

      [La théorie marxiste soutient que le capitalisme est un progrès sur le féodalisme, mais même ce point est hautement discutable. Matériellement parlant, l’ouvrier du XIXème siècle ne pouvait se procurer autant de viande que son ancêtre paysan du XVIII.]

      C’est faux. Vous idéalisez singulièrement la vie paysanne au XVIII. Il faudrait d’ailleurs m’expliquer pourquoi des gens qui pouvaient manger de la viande aussi souvent sont partis vers la ville ou la vie était plus dure…

      [Et sur le plan culturel et spirituel, vous auriez pu citer ce passage splendide du Manifeste : « Partout où elle a conquis le pouvoir, [la Bourgeoisie] a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. (…) ». Fallait-il donc se débarrasser de toutes ces dimensions fondamentales de l’expérience humaine pour accroître la production de marchandises (je n’ose pas écrire notre niveau de vie, ce serait entériner le triomphe de l’avoir sur l’être) ? Oseriez-vous dire que le capitalisme est un progrès éclatant, incontestable ?]

      Oui, j’ose. Marx ne fait que décrire un « dévoilement ». Il ne prétend nullement que les rapport « féodaux, patriarcaux et idylliques » fussent plus libres, plus justes, plus équilibrés que ceux que la bourgeoisie a imposés. Ce qu’il décrit, c’est un dévoilement : avant, la soumission aux « supérieurs naturels » était voilée, occultée par une idéologie aristocratique. Grâce à la bourgeoisie, ces rapporta apparaissent pour ce qu’ils sont. Et vous nierez que c’est un progrès ?

      Je pense que vous n’avez pas compris l’ironie qui est celle de Marx dans ce paragraphe. Lorsqu’il parle des « rapports idylliques » ou bien du « voile de poésie touchante », à quoi cela vous fait-il penser ? Il est clair que Marx dénonce l’hypocrisie des rapports pré-capitalistes, hypocrisie à laquelle la bourgeoisie a mis fin en ramenant les rapports qu’on prétendait « spirituels » à leur dimension matérielle.

      [« Là où v2s se trompe, c’est dans l’idée que le capitalisme est « la fin de l’histoire » ». Permettez-moi de vous dire (très gentiment) que vous n’en savez rien. C’est de la spéculation pure. De la foi. Que le capitalisme soit « mauvais » ou, si votre préférez votre position plus orthodoxe, tiraillé du fait de ses contradictions internes, ça ne nous dit nullement s’il finira ou pas.]

      Je ne prétends pas à la voyance. Ce que je sais, c’est que tous les modes de production du passé sont tombés lorsque leurs contradictions internes sont devenues un obstacle à l’expansion des forces productives. Il n’est pas en théorie impossible que le capitalisme trouve ad indefinitum les ressources nécessaires pour éviter cette situation, mais l’expérience historique tendrait à faire penser le contraire.

      [En attendant c’est de la croyance. Personnellement, je ne partage pas votre optimisme.]

      Pourquoi « optimisme » ? Si nous sommes arrivés à la fin de l’histoire, c’est que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Pourquoi alors avoir des regrets ?

    • « Nous savons que les pays qui ont essayé de construire un socialisme sans passer par une étape d’accumulation capitaliste ont eu le plus grand mal, et ont souvent échoué et été obligés de rebrousser chemin. »
      Admettons. Si ce n’est que certaines sociétés « primitives » pratiquaient une forme de communisme. En outre, comme aucune société n’a formé la société sans classes annoncée par Marx, on ne peut pas dire que les sociétés précapitalistes en soient plus incapables que les sociétés capitalistes, non ? Ce qui rejoindrait l’idée de Gramsci (article « La Révolution contre le Capital »), qui croyait que la Révolution russe était en train de griller les étapes du schéma canonique esclavage-féodalité-capitalisme-communisme.

      « Si vous pouviez passer du féodalisme à une société « post-capitaliste », ce ne serait pas les « exploités » qui pourraient faire ce changement, mais les serfs… Or, ce ne sont jamais, nulle part les serfs qui ont fait la révolution qui a mis à terre le féodalisme. »
      Et la Révolution haïtienne ?

      « Si Marx marque son époque, ce n’est pas comme moraliste, mais comme économiste et comme philosophe de l’histoire. Le marxisme, ce sont ces théories-là, et non une vision « morale ». »
      D’accord, je vous concède volontiers ce point.

      « Il n’y a aucun raisonnement logique qui puisse vous conduire à démontrer de manière incontestable que la liberté c’est « le bien » et que priver de liberté c’est « mal ». »
      Bien sûr. Mais la politique n’est pas une affaire de logique –ce que le marxisme, par dérive saint-simonienne, tend à ne pas admettre.

      « Vous idéalisez singulièrement la vie paysanne au XVIII. »
      Peut-être. Je n’ai pas sous la main de statistiques sur l’alimentation comparée des paysans du XVIIIème et des ouvriers du XIX, et apparemment vous non plus. Restons-en donc là.

      « Il faudrait d’ailleurs m’expliquer pourquoi des gens qui pouvaient manger de la viande aussi souvent sont partis vers la ville ou la vie était plus dure… »
      Vous le savez comme moi. Parce que l’évolution du mode de production agricole a diminué le nombre de bras nécessaire et générée un exode rural important.

      « [Marx] ne prétend nullement que les rapports « féodaux, patriarcaux et idylliques » fussent plus libres, plus justes, plus équilibrés que ceux que la bourgeoisie a imposés. »
      Ha bon ? Comment interprétez-vous alors le passage suivant : « [La bourgeoisie] a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce ». Il est bien évident que les libertés dont il est question sont antérieures à celles du libéralisme. Alors ? Il y a bien des libertés précapitalistes que Marx semble regretter.

      « Lorsqu’il parle des « rapports idylliques » ou bien du « voile de poésie touchante », à quoi cela vous fait-il penser ? Il est clair que Marx dénonce l’hypocrisie des rapports pré-capitalistes. »
      Oui, mais pas seulement. Je souhaiterai vous renvoyer à l’un des ouvrages de science sociale les plus intéressants que j’ai pu lire ces dernières années : Révolte et Mélancolie, Le romantisme à contre-courant de la modernité (Michaël Lôwy et Robert Sayre, 1992). Le Romantisme y étant défini non comme une école artistique mais comme un vaste mouvement culturel européen, toujours d’actualité, de rejet, total ou partiel, de la modernité (définit comme bourgeoise, capitaliste, industrielle, technique, destructrice des solidarités traditionnelles, etc).

      Et pour résumer une de leur thèse, les auteurs réhabilitent le romantisme comme source d’influence du marxisme –au même titre que la philosophie allemande, le matérialisme français et l’économie politique anglaise. Quelques extraits :

      (p132) : « Outre la nostalgie du paradis communautaire, l’autre grand volet de la pensée marxienne dont l’inspiration est indéniablement romantique est la critique de certains aspects fondamentaux de la modernité industrielle-capitaliste. »
      (p133) : « Selon Habermas, l’idée même d’une société où les individus cessent d’être aliénés par rapport au produit de leur travail, aux autres êtres humains et à eux-mêmes relève du romantisme. »
      (p135) : « A l’évidence, Marx ne rêve pas, comme Ruskin, de rétablir l’artisanat médiéval, mais il perçoit néanmoins le travail industriel comme une forme socialement et culturellement dégradée par rapport aux qualités humaines du travail précapitaliste. »

      Et plus loin, lorsque les auteurs concluent sur Marx avant d’étudier l’influence du romantisme sur la pensée de Rosa Luxembourg (p137) : « Ni apologétique de la civilisation bourgeoise ni aveugle à ses réalisations, [Marx] visait à une forme supérieure d’organisation sociale, qui intégrerait aussi bien les avancées techniques de la société moderne que quelques-unes des qualités humaines des communautés précapitalistes. »

      Tout cela pour dire que Marx –qui se distingue en cela de Lénine, moderniste- est nostalgique d’une certaine qualité des relations humaines qui lui paraît anéantie par le développement du capitalisme (et inversement, sa critique du capitalisme relève aussi d’une critique du quantitatif comme seul échelon de valeur). La féodalité est pour lui bien davantage qu’une période d’aveuglement ou d’hypocrisie, elle est, jusqu’à un certain point, un contre-modèle à la modernité bourgeoise. C’est pour cela que qualifier le capitalisme de progrès ou d’étape nécessaire comme vous le faites me semble manquer (un peu) de nuances. Ce serait moins inexact de dire qu’il y des aspects de progrès et d’autres de détérioration.

      « Si nous sommes arrivés à la fin de l’histoire, c’est que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. »
      Non. Pas nécessairement. Vous confondez état final et état idéal. Pour employer une métaphore, je dirai que si la vieillesse est inévitable, ça n’en fait pas forcément la période la plus plaisante de la vie humaine. La raison des regrets est alors évidente.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Admettons. Si ce n’est que certaines sociétés « primitives » pratiquaient une forme de communisme.]

      Non, pas « une forme de communisme », mais un « communisme primitif ». Un mode de production caractérisée par l’absence de division du travail, et une productivité si faible que les possibilités d’accumulation sont nulles. Ce mode de production n’a aucun rapport avec le communisme « post-capitaliste » qui, lui, n’est imaginable au contraire que dans un état de développement impliquant une haute productivité et une division du travail massive. Imaginer que les deux ne sont que des « formes » d’un même mode de production, que l’histoire serait un mouvement circulaire et son aboutissement le retour au primitif sous ne « forme » différente me paraît une erreur capitale.

      [En outre, comme aucune société n’a formé la société sans classes annoncée par Marx, on ne peut pas dire que les sociétés précapitalistes en soient plus incapables que les sociétés capitalistes, non ?]

      Je ne sais pas si vous vous placez sur le plan théorique ou pratique. Sur le plan théorique, si l’on accepte les postulats de Marx, « on peut dire » que le passage à une société sans classes ne peut être construite qu’à partir du capitalisme, du fait du rôle particulier du prolétariat dans cette construction. A ma connaissance, personne n’a pris la peine de décrire comment la classe servile ou les esclaves pourraient construire une société socialiste puis communiste.

      [Ce qui rejoindrait l’idée de Gramsci (article « La Révolution contre le Capital »), qui croyait que la Révolution russe était en train de griller les étapes du schéma canonique esclavage-féodalité-capitalisme-communisme.]

      Oui. Mais il faut noter d’une part que la révolution russe a été d’abord faite par les prolétaires, et imposée ensuite dans les campagnes, et d’autre part que son échec dans la tentative de construire une société socialiste tient en grande partie à son échec économique précisément sur la question de la productivité. Le cas de la Chine est encore plus flagrant. Et dans les deux cas, on a vu les difficultés que ce point de départ posait.

      [« Si vous pouviez passer du féodalisme à une société « post-capitaliste », ce ne serait pas les « exploités » qui pourraient faire ce changement, mais les serfs… Or, ce ne sont jamais, nulle part les serfs qui ont fait la révolution qui a mis à terre le féodalisme ». Et la Révolution haïtienne ?]

      Elle a échoué à construire une société « post-capitaliste », si mes informations sont correctes. Je ne parle pas des révolutions qui ont eu l’intention déclarée de mettre à terre le féodalisme, je parle des révolutions qui l’ont fait effectivement. Comment caractériseriez vous le mode de production dominant de Haïti ? Par ailleurs, la révolution haïtienne fut le fait de la bourgeoisie locale, et non des esclaves ou des serfs. Toussaint Louverture, pour ne donner qu’une exemple, était un esclave affranchi et qui était lui-même à la tête d’une exploitation cafetière où il employait… des esclaves !.

      [« Il faudrait d’ailleurs m’expliquer pourquoi des gens qui pouvaient manger de la viande aussi souvent sont partis vers la ville ou la vie était plus dure… ». Vous le savez comme moi. Parce que l’évolution du mode de production agricole a diminué le nombre de bras nécessaire et générée un exode rural important.]

      Je n’en suis pas persuadé. La mécanisation de l’agriculture est postérieure à la révolution industrielle. Si les paysans bretons sont venus travailler à Paris à la fin du XIXème siècle, ce n’est pas parce que l’évolution des techniques de production en Bretagne avaient évolué ou que le nombre de bras nécessaire avait diminué. C’est parce que l’on vivait mieux en louant ses bras à Paris qu’en exploitant la terre à Lannion.

      [« [Marx] ne prétend nullement que les rapports « féodaux, patriarcaux et idylliques » fussent plus libres, plus justes, plus équilibrés que ceux que la bourgeoisie a imposés. »
      Ha bon ? Comment interprétez-vous alors le passage suivant : « [La bourgeoisie] a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce ». Il est bien évident que les libertés dont il est question sont antérieures à celles du libéralisme. Alors ? Il y a bien des libertés précapitalistes que Marx semble regretter.]

      Je ne pense pas qu’on puisse parler de « regrets ». Il se contente de dire que le capitalisme a substitué à ces « libertés » une unique – et nouvelle – liberté, celle du commerce. Il ne me semble pas que Marx mette dans la balance les anciennes libertés et la nouvelle. Il faudrait par ailleurs être précis sur les « libertés » auxquelles Marx fait référence ici. Je pense qu’il s’agit des « libertés » économiques liées au système des corporations. Je ne pense pas qu’il fasse référence aux libertés civiles, qui d’ailleurs étaient inconnues sous le système féodal.

      [Oui, mais pas seulement. Je souhaiterai vous renvoyer à l’un des ouvrages de science sociale les plus intéressants que j’ai pu lire ces dernières années : Révolte et Mélancolie, Le romantisme à contre-courant de la modernité (Michaël Lôwy et Robert Sayre, 1992).]

      Je n’avais pas cette référence, j’essaierai de l’emprunter à la bibliothèque.

      [Le Romantisme y étant défini non comme une école artistique mais comme un vaste mouvement culturel européen, toujours d’actualité, de rejet, total ou partiel, de la modernité (définit comme bourgeoise, capitaliste, industrielle, technique, destructrice des solidarités traditionnelles, etc).Et pour résumer une de leur thèse, les auteurs réhabilitent le romantisme comme source d’influence du marxisme (…) Et plus loin, lorsque les auteurs concluent sur Marx avant d’étudier l’influence du romantisme sur la pensée de Rosa Luxembourg (p137) : « Ni apologétique de la civilisation bourgeoise ni aveugle à ses réalisations, [Marx] visait à une forme supérieure d’organisation sociale, qui intégrerait aussi bien les avancées techniques de la société moderne que quelques-unes des qualités humaines des communautés précapitalistes. »]

      Je partage en grande partie ces analyses. J’y apporterai tout de même un bémol : Marx – et c’est cela qui fait aussi sa grandeur – agit en analyse. Il n’idéalise pas la modernité ou le capitalisme pas plus qu’il ne le diabolise. Marx se situe effectivement à la charnière entre l’idéologie des Lumières, dont le prolongement est le positivisme, et le romantisme. Mais tout en critiquant le positivisme, il ne tombe pas dans la vision réactionnaire du romantisme. Je ne crois pas qu’on puisse parler chez Marx d’une nostalgie des « qualités humaines des communautés précapitalistes », d’autant plus que Marx montre combien ces « qualités humaines » sont largement idéalisées (c’est assez évident dans l’ironie avec laquelle les « vertus chevaleresques » sont traitées dans le paragraphe que vous connaissez).

      Mais si l’influence du romantisme sur Marx est à mon avis négligeable, on ne peut pas dire la même chose de certains de ses lecteurs. Il y a eu beaucoup de soi-disant « marxistes » qui ont confondu dans un même rejet capitalisme et modernité, et qui ont imaginé le socialisme non pas comme un saut en avant, mais comme un retour en arrière, un retour au Jardin d’Eden d’où l’homme aurait été banni du fait de sa persistance à manger le fruit de l’arbre de la connaissance…

      L’idéalisme, que Marx avait cherché à bannir de sa recherche, est rentré dans le marxisme par le biais du romantisme, pire, du romantisme allemand et de son moralisme chrétien. Cela a donné quelquefois des mélanges détonants…

      [Tout cela pour dire que Marx –qui se distingue en cela de Lénine, moderniste- est nostalgique d’une certaine qualité des relations humaines qui lui paraît anéantie par le développement du capitalisme (et inversement, sa critique du capitalisme relève aussi d’une critique du quantitatif comme seul échelon de valeur). La féodalité est pour lui bien davantage qu’une période d’aveuglement ou d’hypocrisie, elle est, jusqu’à un certain point, un contre-modèle à la modernité bourgeoise.]

      J’avoue que je ne vois pas cette veine-là dans Marx. Peut-être parce que je suis plus sensible au Marx économiste et philosophe de l’histoire qu’au Marx moraliste (ce que certains appellent « le jeune Marx »). Lorsqu’il écrit dans le « manifeste » que « La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse », j’ai du mal à voir une « nostalgie d’une certaine qualité des relations humaines ».

      Marx était un être humain. Et comme tout être humain, il est probable qu’il ait ressenti une certaine nostalgie devant la disparition des rapports sociaux et humains qui étaient ceux du monde de son enfance et de sa jeunesse. Une telle nostalgie est bien naturelle. Mais je ne crois pas qu’il se fit la moindre illusion sur le fait que ces rapports aient été « meilleurs » que ceux que la bourgeoisie de son temps était en train de bâtir. Dans ses textes, ces rapports « anciens » sont souvent traités sur le mode ironique.

      [C’est pour cela que qualifier le capitalisme de progrès ou d’étape nécessaire comme vous le faites me semble manquer (un peu) de nuances. Ce serait moins inexact de dire qu’il y des aspects de progrès et d’autres de détérioration.]

      « progrès » et « détérioration » sont des concepts qui impliquent une échelle de valeurs. Si je pense en termes économiques, je ne vois pas ou est la « détérioration ». Au contraire : le développement du capitalisme s’est accompagné par une élévation générale du niveau de vie dont, sur le long terme, toutes les classes sociales ont bénéficié – même si certaines en ont bénéficié relativement plus que d’autres. Si vous introduisez une échelle de valeurs différente – par exemple, une échelle fondée sur des critères spirituels ou éthiques, à supposer que ces concepts soient quantifiables – on aboutirait certainement à des conclusions différentes. Dans mon commentaire, je m’en tiens fondamentalement à une échelle matérielle, pour les raisons expliquées par Marx : c’est l’aspect matériel qui détermine tous les autres.

      [« Si nous sommes arrivés à la fin de l’histoire, c’est que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ». Non. Pas nécessairement. Vous confondez état final et état idéal. Pour employer une métaphore, je dirai que si la vieillesse est inévitable, ça n’en fait pas forcément la période la plus plaisante de la vie humaine. La raison des regrets est alors évidente.]

      Votre analogie va tout à fait dans mon sens. Si la vieillesse est « inévitable », alors la regretter n’a pas de sens politique. On peut regretter – au sens de sentir de la nostalgie pour – sa jeunesse, on peut regretter – au sens de sentir de la tristesse – pour le fait de vieillir. Mais ni l’un ni l’autre de ces « regrets » n’a un sens politique. En politique, « regretter » ce qui est inévitable n’a pas de sens. C’est comme « regretter » que le soleil se lève à l’Est ou que les choses tombent de haut en bas.

      Le monde ou nous vieillissons n’est peut-être pas le meilleur des mondes SOUHAITABLES, mais c’est sans aucun doute le meilleur des mondes POSSIBLES. Et c’est la même chose pour la « fin de l’histoire ». Si nous nous trouvons à la « fin de l’histoire », cela implique qu’il n’existe plus aucune force capable de le changer. Le monde que nous avons est donc le seul possible, puisque tous les autres relèvent de l’irréalisable…

    • morel dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      « [Marx] ne prétend nullement que les rapports « féodaux, patriarcaux et idylliques » fussent plus libres, plus justes, plus équilibrés que ceux que la bourgeoisie a imposés. »
      Ha bon ? Comment interprétez-vous alors le passage suivant : « [La bourgeoisie] a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce ». Il est bien évident que les libertés dont il est question sont antérieures à celles du libéralisme. Alors ? Il y a bien des libertés précapitalistes que Marx semble regretter. »

      Je crois qu’il faut se souvenir que le manifeste du parti communiste est paru en 1848 et que cela renvoie à la condition ouvrière de cette époque c-a-d pas celle de l’époque ultérieure ou le mouvement ouvrier a réussi à imposer des limites à l’exploitation du travail ; la loi Le Chapelier étant un exemple « emblématique ».
      Par ailleurs, Marx n’a aucune nostalgie du mode de production de l’époque antérieure car c’est bien là où se situe le débat (voyez ses développements sur le rôle révolutionnaire de la bourgeoisie en ces temps-là).
      Et, à mon sens, certainement pas « nostalgique d’une certaine qualité des relations humaines qui lui paraît anéantie par le développement du capitalisme »

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse."]

      Tiens donc ? Les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, de même que les cathédrales gothiques, auraient ainsi été construites par des flemmards ?

      ["C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques;"]

      Il faudra qu’on m’explique comment ces prétendues "merveilles" bourgeoises pourraient trouver à s’épanouir au sein des "eaux glacées du calcul égoïste", selon la géniale – mais péjorative, quoi que vous en disiez – expression de Marx. Toute l’histoire du capitalisme montre, au contraire, que les "artistes", les "créateurs", finissent impitoyablement balayés par la logique financière. Il n’est que de se souvenir des sublimes voitures produites autrefois en France : les Delage, Delahaye, Voisin, Bugatti, Facel Vega, De Dion Bouton, Panhard etc. Je veux bien que la science et les progrès techniques soient susceptibles de produire de "tout autres merveilles", mais certainement pas le capitalisme en lui-même.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [« La bourgeoisie a révélé comment la brutale manifestation de la force au moyen âge, si admirée de la réaction, trouva son complément naturel dans la paresse la plus crasse. » Tiens donc ? Les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, de même que les cathédrales gothiques, auraient ainsi été construites par des flemmards ?]

      J’ignorais que les pyramides d’Egypte et les aqueducs romains avaient été construit « au moyen âge »… quant aux cathédrales gothiques, elles ont été construites par une infime minorité d’artisans très spécialisés – on dirait aujourd’hui des artistes. On ne peut pas les considérer comme un exemple caractéristique de l’économie médiévale.

      Par ailleurs, ce que Marx signale dans ce paragraphe est la « paresse » des couches dominantes, celle adepte des « brutales manifestations de force » sous l’aspect chevaleresque tant « admiré de la réaction ». La littérature médiévale est remplie de héros qui tuent des dragons et sauvent des princesses mais que ne bossent jamais une honnête journée. C’est cela le prototype du héros médiéval, et non le bâtisseur de cathédrales.

      [« C’est elle qui, la première, a fait voir ce dont est capable l’activité humaine. Elle a créé de tout autres merveilles que les pyramides d’Egypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques; » Il faudra qu’on m’explique comment ces prétendues "merveilles" bourgeoises pourraient trouver à s’épanouir au sein des "eaux glacées du calcul égoïste", selon la géniale – mais péjorative, quoi que vous en disiez – expression de Marx. Toute l’histoire du capitalisme montre, au contraire, que les "artistes", les "créateurs", finissent impitoyablement balayés par la logique financière.]

      Je vois que vous avez cette nostalgie du passé chevaleresque dont parle Marx… Les artistes et les créateurs sont peut-être balayés – et encore, je n’ai pas l’impression que Steve Jobs ou Picasso aient été « balayés » par la logique financière, mais bon, admettons – mais Marx ne parle pas d’eux, il parle de leurs créations. Et les « merveilles » dont il parle nous entourent chaque jour. Pensez à ce PC qui trône dans votre bureau. N’est-il pas équivalent, par sa complexité, par les choses qu’il peut faire, aux pyramides d’Egypte ?

      [Il n’est que de se souvenir des sublimes voitures produites autrefois en France : les Delage, Delahaye, Voisin, Bugatti, Facel Vega, De Dion Bouton, Panhard etc. Je veux bien que la science et les progrès techniques soient susceptibles de produire de "tout autres merveilles", mais certainement pas le capitalisme en lui-même.]

      Mais les « sublimes voitures » dont vous parlez ont bien été produites dans un système capitaliste. Aucun système féodal n’a été capable de produire un surplus suffisant et à se doter des techniques permettant de produire une Bugatti, que je sache. J’ai l’impression que vous idéalisez le système féodal. Comme les Delage ou les Bugatti, les cathédrales gothiques ont-elles aussi eu leur temps : à partir du XIVème siècle, on n’en construit plus, non parce qu’on ne peut plus, mais parce que les gens qui ont de l’argent décident de le mettre dans d’autres réalisations. C’est un peu la même chose pour les voitures dont vous parlez : aujourd’hui, les gens fortunés – ceux qui hier achetaient les Bugatti et les Delage – préfèrent s’acheter une voiture de série, beaucoup plus fiable, et s’acheter d’autres produits de luxe…

      Accessoirement, la production de masse capitaliste a permis de produire des voitures qui ne valent pas esthétiquement les Dion-Bouton ou les Facel-Vega, mais qui peuvent être achetées par monsieur tout le monde. Et ça, c’est une véritable « merveille »…

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["quant aux cathédrales gothiques, elles ont été construites par une infime minorité d’artisans très spécialisés – on dirait aujourd’hui des artistes. On ne peut pas les considérer comme un exemple caractéristique de l’économie médiévale."]

      Je ne crois pas d’avantage que les simples villes et villages médiévaux, tous assemblés pierre après pierre, et sans autre énergie que celle de l’homme et de l’animal, aient été l’œuvre de paresseux.

      ["Par ailleurs, ce que Marx signale dans ce paragraphe est la « paresse » des couches dominantes, celle adepte des « brutales manifestations de force » sous l’aspect chevaleresque tant « admiré de la réaction »."]

      Je ne le pense pas, car immédiatement ensuite, il évoque "l’activité humaine" en général. Il compare les résultats de celle-ci, selon qu’elle est suscitée par des bourgeois ou bien par des pharaons, des empereurs romains ou des seigneurs médiévaux. Du reste, nous expliquer tout à coup que les bourgeois seraient de formidables travailleurs me paraîtrait un peu contradictoire avec le cœur même de sa théorie…

      ["La littérature médiévale est remplie de héros qui tuent des dragons et sauvent des princesses mais que ne bossent jamais une honnête journée."]

      Sur ce point, ça n’a pas vraiment changé. Je ne me souviens pas que Proust nous ait beaucoup entretenu de ses "honnêtes" journées de boulot.

      ["C’est cela le prototype du héros médiéval, et non le bâtisseur de cathédrales."]

      De même que de nos jours, nous avons Superman, James Bond, Harry Potter etc. Connaissez-vous, en revanche, un roman contemporain dont le héros serait un bâtisseur de centrales nucléaires ?

      ["Je vois que vous avez cette nostalgie du passé chevaleresque dont parle Marx…"]

      Marx nous parle de la "brutale manifestation de la force", ce qui me paraît assez contraire aux valeurs "chevaleresques", justement. Quoi qu’il en soit, nous avons eu, par la suite, l’immense bonheur de constater à quel point la bourgeoisie a pu, effectivement, nous délivrer de cette "brutale manifestation de la force", n’est-ce-pas ?

      ["Les artistes et les créateurs sont peut-être balayés – et encore, je n’ai pas l’impression que Steve Jobs ou Picasso aient été « balayés » par la logique financière, mais bon, admettons – mais Marx ne parle pas d’eux, il parle de leurs créations. Et les « merveilles » dont il parle nous entourent chaque jour. Pensez à ce PC qui trône dans votre bureau. N’est-il pas équivalent, par sa complexité, par les choses qu’il peut faire, aux pyramides d’Egypte ?"]

      C’est bien ce que je vous dis : nous devons le PC à la science et au progrès technique, mais non au capitalisme. Il est vrai que celui qui "trône" sur mon bureau a été produit et commercialisé par des capitalistes, mais cela ne fait pas d’eux, pour autant, les créateurs de cette "merveille".

      ["Aucun système féodal n’a été capable de produire un surplus suffisant et à se doter des techniques permettant de produire une Bugatti, que je sache."]

      Vous pensez que le capitalisme aurait ainsi eu le pouvoir de se "doter" de la technique du moteur à explosion ? Par quel mécanisme ? Pour ma part, je pense que c’est là simplement une avancée du génie humain, qui ne doit rien au capitalisme.

      ["Accessoirement, la production de masse capitaliste a permis de produire des voitures qui ne valent pas esthétiquement les Dion-Bouton ou les Facel-Vega, mais qui peuvent être achetées par monsieur tout le monde. Et ça, c’est une véritable « merveille »…"]

      Effectivement, la raison d’être du bourgeois est de commercer, autrement dit de diffuser. De ce point de vue, il est sans doute nécessaire, de même que la fourmi est nécessaire.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Je ne crois pas d’avantage que les simples villes et villages médiévaux, tous assemblés pierre après pierre, et sans autre énergie que celle de l’homme et de l’animal, aient été l’œuvre de paresseux.]

      Et pourquoi pas ? Quant on voit la vitesse avec laquelle cette construction s’est faite, on peut penser le contraire. En fait, si l’on suit les travaux de Le Goff, le moyen-âge est une période où l’on travaille fort peu. Cet auteur estime que l’année ne comptait qu’à peine une centaine de jours effectivement travaillés, le reste étant emporté entre les périodes impropres au travail pour des raisons climatiques, et le grand nombre de fêtes, festivals et autres que comptait le calendrier religieux. La première chose que fera la réforme protestante – le début de la prise du pouvoir par la bourgeoisie – est précisément d’abolir fêtes et festivals, pour dégager du temps de travail…

      On travaillait peu au moyen-âge, et pas parce que les gens fussent moralement plus « paresseux » que ceux d’aujourd’hui. Ils faisaient au contraire un arbitrage entre travail et loisir parfaitement rationnel. Lorsque la productivité est faible et l’incertitude de l’avenir est maximale, il est rationnel de préférer le plaisir de l’instant plutôt que le travail et l’épargne. Au contraire, lorsqu’on est persuadé qu’on vivra encore de longues années et que chaque heure de travail nous permet d’améliorer significativement notre ordinaire et notre épargne, nous sommes naturellement poussés à travailler.

      [« Par ailleurs, ce que Marx signale dans ce paragraphe est la « paresse » des couches dominantes, celle adepte des « brutales manifestations de force » sous l’aspect chevaleresque tant « admiré de la réaction ». ». Je ne le pense pas, car immédiatement ensuite, il évoque "l’activité humaine" en général. Il compare les résultats de celle-ci, selon qu’elle est suscitée par des bourgeois ou bien par des pharaons, des empereurs romains ou des seigneurs médiévaux.]

      Justement. Les « brutales manifestations de force » des pharaons, empereurs et seigneurs couvrent la « paresse la plus crasse » de ces mêmes individus. Le bourgeois – et Marx écrivait en pensant à la bourgeoisie industrielle et coloniale de son temps – travaille et fait travailler, contrairement au pharaon, à l’empereur, au seigneur. Il a même une éthique du travail qui est, si l’on croit Weber, au cœur de l’idéologie bourgeoise.

      [Du reste, nous expliquer tout à coup que les bourgeois seraient de formidables travailleurs me paraîtrait un peu contradictoire avec le cœur même de sa théorie…]

      Pourquoi ? Ce que Marx reproche à la bourgeoisie, ce n’est pas de ne pas travailler, c’est d’empocher une quantité de valeur très supérieure à celle de son propre travail. Marx ne nie pas que les bourgeois travaillent. Il dit même combien ils travaillent à organiser le travail des autres…

      [« La littérature médiévale est remplie de héros qui tuent des dragons et sauvent des princesses mais que ne bossent jamais une honnête journée. » Sur ce point, ça n’a pas vraiment changé. Je ne me souviens pas que Proust nous ait beaucoup entretenu de ses "honnêtes" journées de boulot.]

      Il n’y a pas de héros chez Proust. Aucun de ses personnages ne prétend à un statut « héroique » ni se pose en modèle. Pensez aux « héros » bourgeois. Prenez par exemple Jean Valjean : il réussit par son travail dans les affaires sous le nom de Monsieur Madeleine, et finit par être nommé maire de son patelin. Ou bien le capitaine Nemo de Jules Verne, ingénieur génial qui ne semble intéressé que par son travail. Ou prenez Rastignac devenu banquier… Le héros bourgeois, contrairement à Perceval ou à Lancelot, est un grand bosseur…

      [« C’est cela le prototype du héros médiéval, et non le bâtisseur de cathédrales. » De même que de nos jours, nous avons Superman, James Bond, Harry Potter etc.]

      Des héros que tous, travaillent. Superman est en veille permanente, toujours prêt à abandonner les traits de Clark Kent – à qui les auteurs ont donné une profession, celle de journaliste – pour sauver le monde. En fait, il fait une double journée : il est journaliste pendant les heures ouvrables, et superpompier, superpolicier et supermilitaire le reste du temps… James Bond, lui aussi, consacre tout son temps à son métier – agent secret – et au « service de Sa Majesté ». Quant à Potter, son statut d’enfant rend difficile de lui donner une profession, mais en tant qu’étudiant il est loin d’être un cancre. Les trois exemples que vous donnez amènent de l’eau à mon moulin. Ce sont trois exemples de « travail déconcrétisé » au sens que donne Mattelart à cette formule.

      [Connaissez-vous, en revanche, un roman contemporain dont le héros serait un bâtisseur de centrales nucléaires ?]

      Je croyais que nous cherchions à interpréter la formule de Marx. Pour cela, il faudrait regarder la littérature de l’époque, et non la littérature « contemporaine ». Or, il y a dans la littérature « bourgeoise » de la deuxième moitié du XXème siècle plein de « héros » qui bâtissent sinon des « centrales nucléaires », du moins des sous-marins, des avions, des barrages et toutes sortes de « merveilles » technologiques. Pensez par exemple aux livres de Jules Verne…

      Cette veine continue jusqu’aux années 1960. Je ne peux que vous conseiller la lecture de « La meilleure part » de Philippe Saint-Gil. Le livre a été adapté à l’écran par Yves Allégret en 1956. Je vous accorde que ce n’est pas très « contemporain », mais c’est une illustration. Depuis, je vous l’accorde, le « roman bourgeois » a été remplacé par le « roman petit-bourgeois », un roman sans héros ou les personnages regardent consciencieusement leur nombril en se demandant « ça sert à quoi tout ça ».

      [« Je vois que vous avez cette nostalgie du passé chevaleresque dont parle Marx… » Marx nous parle de la "brutale manifestation de la force", ce qui me paraît assez contraire aux valeurs "chevaleresques", justement.]

      A ma connaissance, les chevaliers transpercent le dragon avec leur lance. Je ne connais pas d’exemple où ils le convainquent de libérer la princesse par la persuasion.

      [Quoi qu’il en soit, nous avons eu, par la suite, l’immense bonheur de constater à quel point la bourgeoisie a pu, effectivement, nous délivrer de cette "brutale manifestation de la force", n’est-ce-pas ?]

      Et nous l’avons chaque jour. Comparée aux sociétés médiévales, notre société moderne a un niveau de violence extrêmement bas. Non seulement les rues de nos villes sont infiniment plus sûres, non seulement notre vie et nos biens sont protégés sans qu’on ait besoin de se promener armés ou de s’enfermer dans des fermes fortifiées, mais la probabilité d’un français moderne de mourir des faits d’une guerre – civile ou extérieure – n’ont jamais été aussi faibles.

      [« Les artistes et les créateurs sont peut-être balayés – et encore, je n’ai pas l’impression que Steve Jobs ou Picasso aient été « balayés » par la logique financière, mais bon, admettons – mais Marx ne parle pas d’eux, il parle de leurs créations. Et les « merveilles » dont il parle nous entourent chaque jour. Pensez à ce PC qui trône dans votre bureau. N’est-il pas équivalent, par sa complexité, par les choses qu’il peut faire, aux pyramides d’Egypte ? » C’est bien ce que je vous dis : nous devons le PC à la science et au progrès technique, mais non au capitalisme.]

      Pardon. Nous devons l’ordinateur à la science et au progrès technique. Mais pour que l’ordinateur cesse d’être un objet unique fait main et à la portée d’un petit nombre de privilégiés et qu’il arrive dans votre bureau, il a fallu une organisation de la production que seul le capitalisme a pu permettre. Prenez un objet beaucoup plus simple : la pendule. La science et la technologie nécessaire pour produire une horloge mécanique était connue depuis le moyen âge. Et pourtant, les pendules étaient à l’époque des objets de luxe, réservées à une classe privilégiée au point que le fait d’avoir une pendule dans la maison était un signe d’ascension sociale. A tel point que dans beaucoup de villages l’horloge de l’église était la seule horloge disponible, et que lorsque la République voulut faire concurrence à l’Eglise, elle a installée des horloges dans les tours des mairies pour bien marquer qu’elle devenait une référence. La « merveille » capitaliste, ce n’est pas avoir inventé l’horloge, c’est d’avoir permis à chacun d’entre nous d’en avoir une…

      [« Aucun système féodal n’a été capable de produire un surplus suffisant et à se doter des techniques permettant de produire une Bugatti, que je sache. » Vous pensez que le capitalisme aurait ainsi eu le pouvoir de se "doter" de la technique du moteur à explosion ? Par quel mécanisme ? Pour ma part, je pense que c’est là simplement une avancée du génie humain, qui ne doit rien au capitalisme.]

      Parce que la capacité du capitalisme à organiser la production et à augmenter la productivité a rendu économiquement viables des appareils dont on connaissait le principe bien avant mais qu’on n’exploitait pas pour des questions de rentabilité. Après tout, les grecs avaient déjà inventé une « machine à vapeur » – celle de Héron d’Alexandrie.

      [« Accessoirement, la production de masse capitaliste a permis de produire des voitures qui ne valent pas esthétiquement les Dion-Bouton ou les Facel-Vega, mais qui peuvent être achetées par monsieur tout le monde. Et ça, c’est une véritable « merveille »… » Effectivement, la raison d’être du bourgeois est de commercer, autrement dit de diffuser.]

      Oui, mais cela crée dialectiquement un stimulus à la création. Après tout, si vous avez la perspective de voir votre création diffusée à des milliards d’exemplaires, cela vous donnera certainement envie d’investir plus de ressources.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["En fait, si l’on suit les travaux de Le Goff, le moyen-âge est une période où l’on travaille fort peu. Cet auteur estime que l’année ne comptait qu’à peine une centaine de jours effectivement travaillés, le reste étant emporté entre les périodes impropres au travail pour des raisons climatiques, et le grand nombre de fêtes, festivals et autres que comptait le calendrier religieux."]

      Je crois qu’il faut se garder d’un certain anachronisme. Je vous rappelle qu’au moyen-âge, les plats surgelés, machines à laver et autres supermarchés n’existaient pas encore, si bien que les seules tâches domestiques devaient prendre un temps considérable. Dans ces conditions, on peut comprendre la moindre place occupée par les activités strictement professionnelles.

      ["On travaillait peu au moyen-âge, et pas parce que les gens fussent moralement plus « paresseux » que ceux d’aujourd’hui. Ils faisaient au contraire un arbitrage entre travail et loisir parfaitement rationnel. Lorsque la productivité est faible et l’incertitude de l’avenir est maximale, il est rationnel de préférer le plaisir de l’instant plutôt que le travail et l’épargne. Au contraire, lorsqu’on est persuadé qu’on vivra encore de longues années et que chaque heure de travail nous permet d’améliorer significativement notre ordinaire et notre épargne, nous sommes naturellement poussés à travailler."]

      En tout cas, nous sommes loin, ici, de cette "paresse la plus crasse" qui ne serait que le "complément naturel" de la "brutale manifestation de la force". Par ailleurs, je vous ferai remarquer que la foi chrétienne était, en revanche, fortement propice au travail, puisqu’on n’y concevait pas le bonheur comme devant s’accomplir durant la vie terrestre. Il était donc "rationnel", par exemple, de s’épuiser à construire une cathédrale gothique, si cela pouvait nous ouvrir les portes du paradis. A l’inverse, dans une société matérialiste comme la nôtre, où seul importe le bonheur terrestre, ce qui paraît "rationnel", c’est que le travail dure le moins longtemps possible, à moins qu’il ne soit particulièrement "épanouissant".

      [Du reste, nous expliquer tout à coup que les bourgeois seraient de formidables travailleurs me paraîtrait un peu contradictoire avec le cœur même de sa théorie…] ["Pourquoi ? Ce que Marx reproche à la bourgeoisie, ce n’est pas de ne pas travailler, c’est d’empocher une quantité de valeur très supérieure à celle de son propre travail. Marx ne nie pas que les bourgeois travaillent. Il dit même combien ils travaillent à organiser le travail des autres…"]

      Je ne le crois pas. Tout d’abord, n’oubliez pas que le marxisme n’est pas une morale. Marx ne saurait donc "reprocher" quoi que ce soit à la bourgeoisie ;-). Plus sérieusement, ce qu’il "reproche" au système capitaliste, ce n’est pas que la bourgeoisie y empocherait une "quantité de valeur très supérieure à celle de son propre travail", mais qu’elle s’y approprierait une "plus-value" totalement illégitime, car ne trouvant sa justification dans aucun travail. C’est pourquoi il prend bien soin, justement, de distinguer celle-ci d’avec la rémunération du réel travail qui consiste à organiser celui des autres. On en trouve la nette expression dans le passage suivant, extrait du chapitre du Capital intitulé "Production de valeur d’usage et production de la plus-value", au cours duquel Marx s’amuse à passer en revue toutes les justifications que donne habituellement le capitaliste de sa "plus-value" :
      "Notre ami tout à l’heure si gonflé d’outrecuidance capitaliste, prend tout à coup l’attitude modeste d’un simple ouvrier. N’a-t-il pas travaillé lui aussi ? Son travail de surveillance et d’inspection, ne forme-t-il pas aussi de la valeur ? Le directeur de sa manufacture et son contremaître en haussent les épaules.".
      Il est vrai que cette distinction paraît quelque peu abstraite, car dans les faits, le capitaliste se charge le plus souvent d’organiser et de diriger lui-même le travail d’autrui. Toutefois, elle est essentielle, sans quoi l’on ne pourrait comprendre que les travailleurs puissent un jour, non pas rémunérer à leur juste valeur, mais se passer purement et simplement des capitalistes.

      ["Il n’y a pas de héros chez Proust. Aucun de ses personnages ne prétend à un statut « héroique » ni se pose en modèle. Pensez aux « héros » bourgeois. Prenez par exemple Jean Valjean : il réussit par son travail dans les affaires sous le nom de Monsieur Madeleine, et finit par être nommé maire de son patelin."]

      Oui. Juste avant que son passé maudit d’ancien bagnard ne le rattrape. Malheureusement pour lui. Mais pas pour le lecteur, qui se serait ennuyé ferme à la lecture de cette histoire édifiante d’un ancien repris de justice devenant un honnête homme d’affaires puis maire de sa ville.

      ["Ou bien le capitaine Nemo de Jules Verne, ingénieur génial qui ne semble intéressé que par son travail."]

      Dans le même genre, au moyen-âge, vous aviez l’Enchanteur Merlin, qui était tout autant passionné par son travail.

      ["Ou prenez Rastignac devenu banquier…"]

      Rastignac me paraît devoir d’avantage sa réussite à ses pouvoirs de séduction qu’à son travail.

      ["Le héros bourgeois, contrairement à Perceval ou à Lancelot, est un grand bosseur…"]

      Perceval et Lancelot étaient des militaires. Diriez-vous qu’un militaire ne "bosse" pas ?

      ["Des héros que tous, travaillent. Superman est en veille permanente, toujours prêt à abandonner les traits de Clark Kent – à qui les auteurs ont donné une profession, celle de journaliste – pour sauver le monde. En fait, il fait une double journée : il est journaliste pendant les heures ouvrables, et superpompier, superpolicier et supermilitaire le reste du temps…"]

      Oui. Sauf que pendant sa véritable journée de travail, il est un parfait minable, totalement transparent aux yeux de Lois Lane. Ce n’est que durant ce que vous appelez sa deuxième journée, qui n’est en fait que son temps libre, qu’il peut donner sa pleine mesure.

      ["James Bond, lui aussi, consacre tout son temps à son métier – agent secret – et au « service de Sa Majesté »."]

      Il peut bien y consacrer tout son temps, étant donné qu’il consiste essentiellement à siroter des cocktails au bord de piscines luxueuses, accompagné de sublimes garces à demi nues, à conduire de magnifiques voitures de sport et à s’amuser avec des gadgets dernier cri, le tout agrémenté d’épisodiques montées d’adrénaline sans lesquelles tout cela finirait par devenir ennuyeux.

      ["Quant à Potter, son statut d’enfant rend difficile de lui donner une profession, mais en tant qu’étudiant il est loin d’être un cancre."]

      Dès lors qu’il s’agit de cours de magie, qui lui apprennent à obtenir tout ce qu’il veut sans travailler, il se montre très assidu, en effet.

      ["Les trois exemples que vous donnez amènent de l’eau à mon moulin. Ce sont trois exemples de « travail déconcrétisé » au sens que donne Mattelart à cette formule."]

      Pour ma part, j’utiliserais plutôt l’expression de "travail supprimé". Il est vrai que dans ces trois exemples, le thème du travail est central. Mais notez que ce n’est pas du tout pour en faire l’apologie. Le héros y est au contraire celui qui, d’une manière ou d’une autre, parvient à s’en libérer.

      ["Or, il y a dans la littérature « bourgeoise » de la deuxième moitié du XXème siècle plein de « héros » qui bâtissent sinon des « centrales nucléaires », du moins des sous-marins, des avions, des barrages et toutes sortes de « merveilles » technologiques. Pensez par exemple aux livres de Jules Verne… "]

      Je ne conteste pas que la science et la technologie puissent créer des " merveilles". Le merveilleux technologique est, effectivement, au centre des œuvres de Jules Verne.

      ["Depuis, je vous l’accorde, le « roman bourgeois » a été remplacé par le « roman petit-bourgeois », un roman sans héros ou les personnages regardent consciencieusement leur nombril en se demandant « ça sert à quoi tout ça »."]

      Un peu comme Mélenchon en ce moment.

      ["A ma connaissance, les chevaliers transpercent le dragon avec leur lance. Je ne connais pas d’exemple où ils le convainquent de libérer la princesse par la persuasion."]

      Reconnaissez que c’est un peu difficile.

      ["Quoi qu’il en soit, nous avons eu, par la suite, l’immense bonheur de constater à quel point la bourgeoisie a pu, effectivement, nous délivrer de cette "brutale manifestation de la force", n’est-ce-pas ?"] ["Et nous l’avons chaque jour. Comparée aux sociétés médiévales, notre société moderne a un niveau de violence extrêmement bas. Non seulement les rues de nos villes sont infiniment plus sûres, non seulement notre vie et nos biens sont protégés sans qu’on ait besoin de se promener armés ou de s’enfermer dans des fermes fortifiées, mais la probabilité d’un français moderne de mourir des faits d’une guerre – civile ou extérieure – n’ont jamais été aussi faibles."]

      Sur le plan de notre sécurité individuelle, je ne sais pas. Auriez-vous des chiffres ? Sur le plan de notre sécurité collective, il me semble que nous autres "français modernes", devons notre tranquillité essentiellement à notre écrasante supériorité technologique en matière d’armement. Autrement dit, si nous ne sommes pas victimes de la "brutale manifestation de la force", ce n’est que parce qu’elle est de notre côté. Feu l’État libyen en sait quelque chose. Du reste, Israël est bien, ce me semble, un pays capitaliste. Or il me paraît donner l’exemple, en ce moment, d’une assez "brutale manifestation de la force", non ?

      ["La « merveille » capitaliste, ce n’est pas avoir inventé l’horloge, c’est d’avoir permis à chacun d’entre nous d’en avoir une…"]

      Je dirais que ce qui est "merveilleux", dans une montre, c’est l’idée qu’un mécanisme aussi complexe, aussi minutieux, aussi précis, puisse être logé dans un si petit espace à son poignet. Il y a là, effectivement, une part de mystère et de magie. C’est là sans doute ce qui explique, chez certains, la folie des montres de luxe, dites "à complication". Mais ce que le capitalisme diffuse, c’est surtout la montre dans son aspect purement utilitaire qui, lui, ne me paraît pas particulièrement "merveilleux".

      ["Vous pensez que le capitalisme aurait ainsi eu le pouvoir de se "doter" de la technique du moteur à explosion ? Par quel mécanisme ? Pour ma part, je pense que c’est là simplement une avancée du génie humain, qui ne doit rien au capitalisme."] ["Parce que la capacité du capitalisme à organiser la production et à augmenter la productivité a rendu économiquement viables des appareils dont on connaissait le principe bien avant mais qu’on n’exploitait pas pour des questions de rentabilité. Après tout, les grecs avaient déjà inventé une « machine à vapeur » – celle de Héron d’Alexandrie."]

      A cet instant de la discussion, l’honnêteté m’oblige à mentionner la version allemande du Manifeste. Le terme employé n’est pas "créer" (schöpfen) mais "vollbringen" (accomplir). De même il n’est pas exactement question de "merveille" (Wunder), mais de "Wunderwerk". Or si j’ai un problème avec une bourgeoisie "créatrice de merveilles", j’en ai moins si l’on me dit juste qu’elle a accompli des travaux bien plus extraordinaires que les pharaons et autres empereurs romains. A partir de là, si votre terme "se doter" était à prendre au sens, non pas de "susciter", mais de "s’emparer", alors je n’aurai plus d’objection.

      ["Effectivement, la raison d’être du bourgeois est de commercer, autrement dit de diffuser."] ["Oui, mais cela crée dialectiquement un stimulus à la création. Après tout, si vous avez la perspective de voir votre création diffusée à des milliards d’exemplaires, cela vous donnera certainement envie d’investir plus de ressources."]

      Je ne suis pas sûr qu’Einstein aurait été d’avantage stimulé s’il avait su que ses travaux contribueraient un jour au GPS. Et je ne vous parle pas de Héron d’Alexandrie, dont la machine à vapeur n’avait pas la moindre utilité connue. Quant au Capitaine Némo, je vous rappelle qu’il a jalousement gardé son sous-marin pour lui. Lorsqu’on cherche, par définition, on ne sait pas ce qu’on va trouver. Il me semble dangereux, et finalement contre-productif, pour un scientifique en tout cas, de se laisser happer par des considérations utilitaristes. Tenez, cela me fait penser à Marx : autant il s’est montré imparable et génial dans son analyse du capitalisme, autant ses solutions pour en sortir, concrètement, paraissent nettement plus douteuses.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je crois qu’il faut se garder d’un certain anachronisme. Je vous rappelle qu’au moyen-âge, les plats surgelés, machines à laver et autres supermarchés n’existaient pas encore, si bien que les seules tâches domestiques devaient prendre un temps considérable. Dans ces conditions, on peut comprendre la moindre place occupée par les activités strictement professionnelles.]

      La séparation entre « activité professionnelle » et « activité domestique » est assez aléatoire au moyen-âge. D’une part, la très grande majorité des gens étaient des agriculteurs, vivant dans une économie de subsistance. D’autre part, parce que la moitié de l’humanité, c’est-à-dire les femmes, étaient confinées en grande partie dans l’économie domestique. Mais même en tenant compte de ces facteurs, on travaillait relativement peu. Déjà, le temps de travail disponible était beaucoup plus court, étant donné qu’une grande partie des tâches ne pouvait se faire qu’avec la lumière naturelle. D’autre part, beaucoup de travaux ne pouvaient se faire que dans une période précise de l’année. Mais comme le souligne Christopher Hill, le grand historien marxiste, on faisait beaucoup la fête au moyen-âge. Presque un tiers de l’année était consacré à des fériés d’un type ou d’un autre.

      [En tout cas, nous sommes loin, ici, de cette "paresse la plus crasse" qui ne serait que le "complément naturel" de la "brutale manifestation de la force".]

      Encore une fois, je pense que cette formule fait référence aux classes dominantes. On voit mal que vient faire la « brutale manifestation de la force » chez les artisans ou les paysans.

      [Par ailleurs, je vous ferai remarquer que la foi chrétienne était, en revanche, fortement propice au travail, puisqu’on n’y concevait pas le bonheur comme devant s’accomplir durant la vie terrestre. Il était donc "rationnel", par exemple, de s’épuiser à construire une cathédrale gothique, si cela pouvait nous ouvrir les portes du paradis. A l’inverse, dans une société matérialiste comme la nôtre, où seul importe le bonheur terrestre, ce qui paraît "rationnel", c’est que le travail dure le moins longtemps possible, à moins qu’il ne soit particulièrement "épanouissant".]

      En fait, la « foi chrétienne » des populations européennes au moyen âge était essentiellement la foi catholique. Et la foi catholique n’est pas une éthique du travail. On ne gagne pas son paradis en travaillant, on le gagne au contraire par la contemplation, la prière, la pauvreté et par le sacrifice des biens matériels. C’est en réaction à ce modèle qu’une nouvelle classe montante, la bourgeoisie, dont le modèle était précisément l’accumulation et le travail, a inventé une nouvelle religion, le protestantisme, qui inaugure une véritable éthique du travail.

      [Je ne le crois pas. Tout d’abord, n’oubliez pas que le marxisme n’est pas une morale. Marx ne saurait donc "reprocher" quoi que ce soit à la bourgeoisie ;-).]

      Vous l’avez compris, c’était une image… mais étant pinailleur moi-même, je ne peux me plaindre quand les autres pinaillent. Vous avez raison, le terme « reproche » est mal choisi.

      [Plus sérieusement, ce qu’il "reproche" au système capitaliste, ce n’est pas que la bourgeoisie y empocherait une "quantité de valeur très supérieure à celle de son propre travail", mais qu’elle s’y approprierait une "plus-value" totalement illégitime, car ne trouvant sa justification dans aucun travail.]

      C’est la même chose. Pour pouvoir empocher plus de valeur qu’elle ne produit, il faut bien que cette valeur soit prélevée sur le travail de quelqu’un, puisque le travail est pour Marx comme pour Ricardo la seule source de valeur.

      [Oui. Juste avant que son passé maudit d’ancien bagnard ne le rattrape. Malheureusement pour lui. Mais pas pour le lecteur, qui se serait ennuyé ferme à la lecture de cette histoire édifiante d’un ancien repris de justice devenant un honnête homme d’affaires puis maire de sa ville.]

      Peut-être, mais cela vous montre combien les écrivains bourgeois tenaient à ce que leurs héros travaillent, et ne se contentent pas de vivre d’amour et d’eau fraîche, comme les héros médiévaux.

      [« Ou bien le capitaine Nemo de Jules Verne, ingénieur génial qui ne semble intéressé que par son travail ». Dans le même genre, au moyen-âge, vous aviez l’Enchanteur Merlin, qui était tout autant passionné par son travail.]

      Je pense que vous faites référence au Merlin de Walt Disney. Le Merlin de la légende ne travaille jamais. Il n’a pas de « laboratoire ». Il sait tout sans avoir étudié. Et en plus, Merlin n’est pas un héros, c’est un conseiller. Le héros, c’est Arthur, c’est Lancelot, c’est Gawain… personnages qui ne font jamais rien de leurs deux pouces. Le fait que le Merlin de Walt Disney – auteur bourgeois s’il en est – soit un travailleur assidu vous montre combien on peut opposer comme le fait Marx la paresse liée à l’usage brutal de la force des temps féodaux et le travail bourgeois…

      [« Le héros bourgeois, contrairement à Perceval ou à Lancelot, est un grand bosseur… ». Perceval et Lancelot étaient des militaires. Diriez-vous qu’un militaire ne "bosse" pas ?]

      Non, mais ni Perceval ni Lancelot ne sont des militaires. Déjà, ils ne sont pas payés, et cela les met résolument hors du monde du travail. La quête arthurienne n’est pas conçue comme du travail, mais comme un jeu.

      [« Quant à Potter, son statut d’enfant rend difficile de lui donner une profession, mais en tant qu’étudiant il est loin d’être un cancre. » Dès lors qu’il s’agit de cours de magie, qui lui apprennent à obtenir tout ce qu’il veut sans travailler, il se montre très assidu, en effet. ]

      La magie poterienne permet beaucoup de choses mais pas, apparemment, de « obtenir tout ce qu’on veut sans travailler ». D’ailleurs vous remarquerez que tous les personnages adultes chez J.K. Rowling ont un métier, un travail pour lequel ils sont payés. De ce point de vue on peut dire que Rowling est dans la droite ligne du roman bourgeois commencée par Dickens, auteur que Marx admirait beaucoup.

      [Pour ma part, j’utiliserais plutôt l’expression de "travail supprimé". Il est vrai que dans ces trois exemples, le thème du travail est central. Mais notez que ce n’est pas du tout pour en faire l’apologie. Le héros y est au contraire celui qui, d’une manière ou d’une autre, parvient à s’en libérer.]

      Ils ne s’en libèrent pas vraiment. Bond fait son travail avec plaisir. On peut dire que son travail est en même temps sa passion. Mais il travaille et il est payé pour le travail en question. Ce travail créé un rapport de subordination avec un employeur qui lui dit ce qu’il doit faire. Cet rapport de subordination n’existe que chez les bourgeois. Lancelot n’est pas subordonné à Arthur parce que celui-ci paye son salaire. Il l’est parce que Arthur est le roi.

      [« Depuis, je vous l’accorde, le « roman bourgeois » a été remplacé par le « roman petit-bourgeois », un roman sans héros ou les personnages regardent consciencieusement leur nombril en se demandant « ça sert à quoi tout ça » ». Un peu comme Mélenchon en ce moment.]

      Oh ! vous êtes méchant… faites attention, il va finir par se suicider, et vous vous sentirez horriblement coupable.

      [« A ma connaissance, les chevaliers transpercent le dragon avec leur lance. Je ne connais pas d’exemple où ils le convainquent de libérer la princesse par la persuasion ». Reconnaissez que c’est un peu difficile.]

      Je ne saurait pas vous dire, mon commerce avec les dragons étant très limité. Pourtant, dans le roman bourgeois, le dragon peut parfaitement être convaincu. Si vous ne me croyez pas, lisez « Farmer Gilles of Ham », de J.R.R Tolkien.

      [Sur le plan de notre sécurité individuelle, je ne sais pas. Auriez-vous des chiffres ?]

      Des chiffres, non. Mais des éléments qualitatifs, oui. Ainsi, par exemple, toutes les personnes qui avaient du bien ne sortaient dans la rue qu’accompagnées de valets munis de bâtons pour pouvoir se défendre. De la même manière, on ne voyageait que très rarement seul sur les routes de peur des bandits de grand chemin. Le couvre-feu était une pratique usuelle dans les villes, et il suffit de regarder les fermes anciennes pour constater combien elles ont été construites pour être fortifiées.

      [Sur le plan de notre sécurité collective, il me semble que nous autres "français modernes", devons notre tranquillité essentiellement à notre écrasante supériorité technologique en matière d’armement. Autrement dit, si nous ne sommes pas victimes de la "brutale manifestation de la force", ce n’est que parce qu’elle est de notre côté.]

      Ah bon ? Trouvez-vous que notre supériorité technologique en matière d’armement sur l’Angleterre soit aujourd’hui plus importante qu’elle ne l’était à l’époque de Richelieu ou de Philippe Auguste ?

      [Du reste, Israël est bien, ce me semble, un pays capitaliste. Or il me paraît donner l’exemple, en ce moment, d’une assez "brutale manifestation de la force", non ?]

      Rien en comparaison avec le moyen-âge. Je vous rappelle qu’à l’époque il était courant, lorsque les troupes d’une religion prenaient une ville où l’on pratiquait une autre, de passer les habitants au fil de l’épée, de violer les femmes et de piller les richesses. Comparés aux croisés, les troupes de Netanyahu ne sont que des enfants de cœur…

      [Je dirais que ce qui est "merveilleux", dans une montre, c’est l’idée qu’un mécanisme aussi complexe, aussi minutieux, aussi précis, puisse être logé dans un si petit espace à son poignet. Il y a là, effectivement, une part de mystère et de magie. C’est là sans doute ce qui explique, chez certains, la folie des montres de luxe, dites "à complication". Mais ce que le capitalisme diffuse, c’est surtout la montre dans son aspect purement utilitaire qui, lui, ne me paraît pas particulièrement "merveilleux".]

      Mais le fait que ce mécanisme si magique soit accessible à tous, que chacun de nous puisse en avoir une ou plusieurs… n’est ce pas là quelque chose de « merveilleux » ?

      [Je ne suis pas sûr qu’Einstein aurait été d’avantage stimulé s’il avait su que ses travaux contribueraient un jour au GPS.]

      Je pense au contraire que oui. Einstein était très intéressé aux applications pratiques de la physique théorique.

      [Et je ne vous parle pas de Héron d’Alexandrie, dont la machine à vapeur n’avait pas la moindre utilité connue.]

      Parce que dans l’ordre économique de son époque, elle n’avait aucun intérêt. Dans un système où le combustible est cher et les esclaves bon marché, la machine à vapeur n’a pas beaucoup d’intérêt. Mais le capitalisme rend le travail plus cher et les combustibles meilleur marché et… bingo !

      [Tenez, cela me fait penser à Marx : autant il s’est montré imparable et génial dans son analyse du capitalisme, autant ses solutions pour en sortir, concrètement, paraissent nettement plus douteuses.]

      Marx n’a pas vraiment proposé des « solutions pour en sortir »…

  20. Biloute dit :

    Votre texte est bâti sur des contre-vérités, dont celle-ci : " dans le conflit des intermittents le patronat [soit] est corps et âme du côté des travailleurs. A la table des "négociations" 2014 d’une nouvelle convention d’assurance chômage, le MEDEF exigeait la disparition pure et simple des dispositions spécifiques aux intermittents du spectacle (alinéas 8 et 10)

    • Descartes dit :

      @ Biloute

      [Votre texte est bâti sur des contre-vérités, dont celle-ci : « dans le conflit des intermittents le patronat [soit] est corps et âme du côté des travailleurs ». A la table des "négociations" 2014 d’une nouvelle convention d’assurance chômage, le MEDEF exigeait la disparition pure et simple des dispositions spécifiques aux intermittents du spectacle (alinéas 8 et 10)]

      Aucune contre-vérité dans mon propos. Le contexte ne laissait pas d’ambiguïté sur le fait que le patronat qui « est corps et âme du côté des travailleurs » faisait référence au patronat du secteur du spectacle. Je vous accorde que j’aurais pu être plus explicite, mais mon commentaire est exact. C’est par dizaines que les employeurs – sociétés de production, directeurs de festivals, etc. – ont manifesté leur accord avec les revendications des intermittents. Quand au Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC), l’organisation patronale qui regroupe les entreprises du secteur, voici ce qu’il écrit dans une lettre ouverte au Premier ministre : « Nous dirigeons des théâtres, des festivals, des compagnies qui œuvrent pour la création et la diffusion du spectacle vivant sur l’ensemble des territoires. Acteurs du secteur public des arts et de la culture, nous vous interpellons solennellement pour vous demander que l’accord Unédic signé le 14 mai dernier par les partenaires sociaux ne soit pas agréé en l’état par votre gouvernement ». On ne saurait être plus clair.

      Cela ne vous pose pas de question que les organisations patronales soient sur ce point en parfait accord avec les travailleurs ?

  21. Bannette dit :

    A propos de l’URSS et des échanges v2s/Descartes :

    Contrairement au ramassis de préjugés dogmatiques assénés par v2s, je ne considère par l’ex URSS comme une expérience humaine négative ; je la considère comme une expérience tout court, avec ses grands accomplissements et ses scories, comme toute autre civilisation dans l’Histoire. Déjà la juger a posteriori sur des critères moraux ou des critères à oeillets (faisant l’impasse sur beaucoup de données historiques), je trouve ça réducteur. Pour commencer, et pour faire écho avec la discussion sur l’incroyable propagande qu’on a subie lors de la dernière célébration du D-day, après la guerre, l’Union avait perdu dans les 20 millions d’hommes (au moins 85 % des pertes alliées à elle toute seule), des destructions immenses, on ne peut pas comparer sa prospérité après guerre avec une autre puissance qui s’est planquée pendant 4 ans, a eu des pertes humaines très négligeables, et aucune destruction sur son territoire.
    L’URSS a au minimum 2 grands accomplissements historiques au XXème : la mobilisation victorieuse sur le nazisme et le programme spatial soviétique (avec Gagarine 1er homme dans l’espace de l’histoire humaine). Rien que pour ces points, elle devrait être regardée avec intérêt car ce qui m’intéresse de comprendre, c’est pourquoi ou comment une civilisation a priori inefficace, fermée à la "liberté d’entreprise et de créativité", parée de toutes les tares a réussi ces 2 grands accomplissements. Pour en revenir à Gagarine, c’est la preuve que toute totalitaire qu’elle était, elle n’empêchait pas la… réflexion, car pour réussir ce programme spatial, il fallait qu’éclosent des scientifiques qui pouvaient travailler non ? De même, qu’il y eu de très grands artistes soviétiques au XXème siècle, comme quoi leur système, tout aussi répressif qu’on pourrait se le représenter, n’empêchait pas la créativité (Tarkovski, c’est en URSS qu’il a fait ses plus grands films).
    Je rajouterais dans le positif, les bénéfices indirects de l’URSS : la trouille dont parle Descartes plus haut ; moins de 20 ans après l’effondrement du Mur de Berlin, après l’ivresse de la "victoire" de l’Occident, le monde était au bord du gouffre en 2008 avec la crise des subprimes, et la crise est toujours là…
    L’échec de l’URSS ne se trouve pas dans la "créativité" ou "l’innovation", dont des v2s assurent qu’elles ne peuvent que s’épanouir dans une société dite "libre" (et en niant l’organisation même de ladite société et le rôle du politique), mais dans la productivité, à partir des années 1970.
    Que s’est-il passé en Russie dans les années 1990 après l’effondrement de l’Union ? un véritable drame : une chute dramatique de la démographie et de l’espérance de vie. C’est tout de même paradoxal de voir que sur ces critères objectifs (pas celui du "bonheur individuel" clamé plus haut par v2s), la Russie allait beaucoup mieux du temps de l’Union que du temps de l’effroyable duo Elstine/FMI… Que dires des fortunes colossales bâties sur le pillage honteux (la référence aux touristes sur la côte d’Azur dont parle Descartes) et non sur "l’innovation", la "créativité", et j’en passe. ça a commencé à aller mieux pour eux à partir du moment où Poutine a pris les commandes, en se souvenant de quelques principes acquis du temps de l’Union…

    J’ai toujours pensé qu’il faudra attendre la mort des nostalgiques infantiles de la Guerre froide pour qu’on puisse sereinement enseigner cette partie de l’histoire.

    • Descartes dit :

      @ Banette

      [je ne considère par l’ex URSS comme une expérience humaine négative ; je la considère comme une expérience tout court, avec ses grands accomplissements et ses scories, comme toute autre civilisation dans l’Histoire.]

      Tout à fait d’accord.

      [De même, qu’il y eu de très grands artistes soviétiques au XXème siècle, comme quoi leur système, tout aussi répressif qu’on pourrait se le représenter, n’empêchait pas la créativité (Tarkovski, c’est en URSS qu’il a fait ses plus grands films).]

      Non seulement cela. On aurait pu croire, à entendre les détracteurs du régime soviétique, qu’avec l’effondrement de l’URSS et l’avènement d’une « société libérale », la créativité fleurisse. Or, force est de constater que si l’URSS – répressive et grise – a produit de grands artistes, officiels ou contestataires, la Russie qui en est issue n’a guère produit d’équivalents. Ou sont les Einstestein, les Prokofiev, les Chostakovitch, les Tarkovsky de la Russie « libérale » ?

      [L’échec de l’URSS ne se trouve pas dans la "créativité" ou "l’innovation", dont des v2s assurent qu’elles ne peuvent que s’épanouir dans une société dite "libre" (et en niant l’organisation même de ladite société et le rôle du politique), mais dans la productivité, à partir des années 1970.]

      Là encore, tout à fait d’accord.

      [J’ai toujours pensé qu’il faudra attendre la mort des nostalgiques infantiles de la Guerre froide pour qu’on puisse sereinement enseigner cette partie de l’histoire.]

      Hélas…

    • bovard dit :

      @Banette
      Les appréciations raisonnées formulées dans vos échanges,me semblent équilibrées et raisonnables.
      Une question cependant me taraude.
      L’absence générateur d’humilité dont firent preuve les soviétiques(bolchéviks),dans leur relations internationales hégémoniques ou dans leur projet,générateur d’intolérances,de création d’un ‘homme nouveau’,est il inscrit dans le socialisme ou dans le messianisme Grand Russe (religion orthodoxe) ?

    • Descartes dit :

      @Bovard

      [L’absence générateur d’humilité dont firent preuve les soviétiques (bolchéviks),dans leur relations internationales hégémoniques ou dans leur projet,générateur d’intolérances,de création d’un ‘homme nouveau’,est il inscrit dans le socialisme ou dans le messianisme Grand Russe (religion orthodoxe) ?]

      J’avoue ne pas être sur de comprendre la question. C’est quoi « l’absence générateur d’humilité » ?

      Les « bolcheviks » n’ont pas vraiment eu des « relations internationales hégémoniques ». En fait, avec l’arrivée de Staline au pouvoir et le choix du « socialisme dans un seul pays », les bolcheviks ont même renoncé à exporter leur système politqiue à l’étranger – chose à laquelle ni la France, ni la Grande Bretagne, ni les Etats-Unis n’ont jamais renoncé. Il a fallu une guerre mondiale particulièrement cruelle pour que les soviétiques sortent de leurs frontières et cherchent à s’assurer un « glacis » devant leurs frontières. Dans le demi-siècle qui suit, les troupes soviétiques ne sortent de ce glacis qu’une seule fois, en Afghanistan. Alors que les troupes américaines, françaises ou anglaises y sortent bien plus souvent… alors, parler de « manque d’humilité » et de « relations internationales hégémoniques »…

      Quant à la création de « l’homme nouveau »… l’idée n’est nullement contenue dans le socialisme – ou du moins dans les sens que le marxisme donne à ce mot. Mais dans l’histoire du mouvement ouvrier il y a souvent eu des influences néfastes d’un idéalisme qui ne se contente pas d’un changement des conditions matérielles, mais cherche à imposer une morale en effaçant la frontière entre la sphère publique et la sphère privée. C’est une tendance totalitaire qu’il faut à mon avis combattre si l’on veut que le socialisme soit une perspective attractive.

  22. Benjamin dit :

    Bonjour,

    Inconditionnel de votre blog dont je partage la plupart du temps les analyses, j’ai été très intéressé par ce billet que j’ai signalé à un ami de sensibilité libertaire (a priori assez éloigné de vos positions comme des miennes donc, mais à quoi bon discuter si l’on tombe toujours d’accord ?), ce qui a entraîné une longue et vive discussion. Avec sa permission et la vôtre, je reproduis ici une partie de son argumentaire dont certains points me semblent pertinents, même si je n’en partage pas loin s’en faut tous les présupposés.

    Peut-être cela vous inspirera-t-il quelques commentaires, en espérant que le ton parfois peu amène du passage ne vous braque pas.

    " Je n’ai pu trop suivre les derniers événements que ça soit pour les cheminots que pour les intermittents, même si on m’en parle un peu. J’ai pas une représentation et un avis très précis, mais vu le manque de rigueur du billet je peux quand même commenter.

    Déjà ça commence très mal au sujet des syndicats. La CGT c’est pas juste le rail. C’est aussi la CGT spectacle, qui n’a pas signé en mars. Je trouve pas qu’elle soit ringardisée, l’auteur s’invente un monde : c’est tellement facile de se plaindre que les médias ringardisent les syndicats. Ça mange pas de pain. Même quand c’est faux. J’en ai marre de lire des articles qui font de la désinformation en faisant croire qu’ils réinforment. C’est malhonnête. La presse montre au contraire que c’est plus compliqué pour le rail. La direction de la CGT voudrait un peu moins de bordel, est un peu dépassée par sa base, et subit des luttes intestines.Quant aux considérations sur les intermittents, alors là on slalome entre contre-vérités, approximations, intuitions à la gomme et discours idéologique. Sur une question que l’auteur ne maîtrise apparemment pas du tout.

    Je veux juste commencer en pointant sans trop commenter tout ce qui me paraît aberrant en dehors de la question de fond sur les intermittents. On verra le fond après, mais tout cet enrobage doctrinal et erroné me donne l’impression d’être la caution idéologique qui sert d’appât aux âmes crédules dont j’espère toujours que tu ne fais pas partie, malgré le fait d’avoir en commun avec elles la lecture régulière de ce blog 🙂

    Opposition entre Culture et Education"C’est particulièrement flagrant dans l’opposition qui est faite traditionnellement entre la culture et l’éducation"What? Qui quoi? Cette manière de faire est désespérante de malhonnêteté intellectuelle : le mec fait dans sa tête une opposition entre culture et éducation, et donc nous la sert en opposition classique, pour servir son propos, en se disant que certains s’y retrouveront sans doute. Mais WTF quoi? C’est pas très rigoureux tout ça."L’éducation, elle, est le lieu du travail, de l’institué, du mérite mesurable, du rationnel."Oui bien sûr c’est connu depuis tous les travaux en sociologie de l’éducation. Bravo. Le mérite mesurable bien sûr, c’est connu."(…) des années 1980 coïncide avec la défenestration de l’éducation" Bon alors là on nage en plein dans le discours réactionnaire par excellence.Chaque vague de massification scolaire est toujours traitée comme un recul des valeurs éducatives fantasmagoriquement traditionnelles, particulièrement par le droite gaulliste qui a du y faire face. Là le terme est pas mal. Défenestration de l’éducation. C’est bien connu, la massification scolaire a attenté à l’éducation… Tout fou’l’camp.Amalgame entre Culture et SpectacleL’auteur mentionne utilement que "ce discours oublie convenablement qu’on ne parle pas du régime des « intermittents de la culture », mais des « intermittents du spectacle »."Le problème c’est que sous couvert de montrer la confusion, il rentre dedans lui-même en emballant toute la seconde moitié de son billet dans un réquisitoire réac pour une culture fantasmée, en y allant pas de main morte sur les approximations, tout ça pour justifier la suppression du régime des intermittents. Bref il confond alors lui aussi culture et spectacle. On marche sur la tête.Rappelons que le ministère de la Culture répartit ses missions à différents acteurs, en leur déléguant certaines de ses compétences par exemple le Patrimoine (architectural, ce qui est géographiquement compréhensible) aux régions. Le Patrimoine est donc une compétence des régions. Mais il y a aussi le CMN (centre des monuments nationaux) qui reste national. Bref c’est compliqué, et tout ça, c’est de la culture, et point d’intermittents du spectacle ici…Mais il y a bcp d’autres compétences, services et directions, plus ou moins centralisés : les archives, les musées, le livre (bibliothèques et régulation très forte du marché du livre), la musique, les orchestres. Et des contrôles sur certaines autres entités, comme le CNC (centre national du cinéma) qu’on amalgame souvent à tort comme une fonction publique, à l’État. Rappelons à cet effet que ce qui est public n’est pas forcément étatique, que ce qui est public n’a pas l’exclusivité du contrôle étatique, et que les missions de service public, notamment dans la culture, peuvent aboutir en bout de délégation à une prise en charge privée (l’expertise historique en conservation du patrimoine par ex).On sent vraiment que cet amalgame conscient entre culture et spectacle est un moyen pas cher de sortir un pti discours démago et facile sur la culture, sans queue ni tête, mais ça remplit sa page.Est-ce que "Plus belle la vie" c’est de la culture? Sans doute que oui. Est-ce que c’est de l’art, sans doute que non. On devrait demander ça au bac de philo. Mais on s’en fout un peu en ce qui concerne les intermittents et leur statut en fait… C’est complètement hors sujet."Plus belle la vie" c’est du spectacle, du divertissement, et il y a une demande. Personne ne cherche à faire croire que c’est de la haute culture représentative de ce que l’humanité fait de plus beau. Il faut se calmer.Mais bon n’y connaissant rien comment pouvait-il réussir à établir que le spectacle regroupe à la fois certains divertissements (pas tous) et certaines pratiques artistiques. Les intermittents représentant une partie des travailleurs du spectacle. Les musiciens des orchestres philharmoniques (subventionnés par le ministère de la culture) gagnent leur place et la gardent à vie. Ce ne sont pas des intermittents. Quand un clip musical ou un clip de pub ou un film institutionnel se monte, certains des travailleurs sont des intermittents. Dans une asso qui produit du spectacle de rue pour des municipalités, les artistes sont souvent intermittents et certains des travailleurs de l’asso aussi, mais les autres sont en CDD/CDI."La « culture » est une profession, certes. Mais une profession où l’on accède sans diplômes et tout se fait par entregent et copinage (6). Il n’y a qu’à voir le nombre de « fils de » et de « filles de »"Haha la bonne blague. Déjà la "culture" n’est pas une profession. De la même manière que "la banque", "l’école", "la santé", "l’agroalimentaire" ou "le sport" ne sont pas des professions. Le spectacle non plus n’est pas une profession. Tout au plus peut-on dire doctement et par synecdoque : "Ha mon bon monsieur, le Spectacle, c’est un métier !"… Mais certainement pas une profession.Par ailleurs le statut d’intermittent du spectacle est souvent un type d’emploi d’activités qualifiées, d’ou la création même du statut à la base, pour recruter des gens qualifiés. Il est un peu difficile de parler de "profession" quoi qu’il arrive, l’activité pouvant se différencier fortement au gré de l’emploi, qui par définition est intermittent et donc multiple.Au cinéma, la grande majorité des intermittents ce sont des quantités de techniciens différents et spécialisés, formés et qualifiés techniquement.L’élitisme culturel sur fond de pensée libérale… puis conservatrice."Mais pourquoi la collectivité devrait-elle donner de l’argent aux théâtres, aux cinémas, aux chaînes de télévision ? Pourquoi ce qui n’est finalement qu’un loisir devrait être pris en charge par la collectivité, et non par ceux qui aiment cela ? "(et un peu plus loin)"Si un artiste, si un spectacle sont si peu intéressant qu’on ne trouve pas suffisamment de monde pour payer le billet à son juste prix pour avoir le plaisir de les contempler, pourquoi faudrait-il que l’Etat le fasse ? En quoi le goût d’un fonctionnaire du ministère de la culture serait-il plus sûr que celui des gens qui payent leurs plaisirs avec leur propre argent ?"Surprenant argument libéral… Est-ce vraiment utile de prendre la peine de démontrer la vacuité de l’argument?A noter que le CNC intègre dans son fonctionnement la dualité et la complémentarité du subventionnement de films à gros succès (qui dégagent par leur recette excédentaire d’autres sources de subvention) et du subventionnement d’œuvres non profitables économiquement et plus ambitieuses artistiquement.Succès commercial et succès artistique ne sont pas dans le cinéma parfaitement superposables, n’en déplaise aux libéraux."La solution ne peut reposer que dans une hiérarchisation de ce qu’on appelle « la culture »"La hiérarchisation, thème préféré de l’extrême droite ?"Il y a des expressions culturelles que la collectivité doit encourager, non pas au nom de grands principes abstraits, mais pour la raison bien pragmatique qu’une République est plus efficiente lorsque ses citoyens ont accès à ce que l’humanité a fait de mieux au cours de son histoire."Un wolkgeist culturel optimisé en somme. Ça me rappelle quelque chose…Cette phrase est flippante.On sent pointer en début de phrase l’idée que certaines "expressions culturelles" valant mieux que d’autres il faut que l’État les favorise pour élever historiquement l’humanité, au détriment des autres, forcément avilissantes. Comme s’il y avait d’ailleurs une concurrence entre le Beau et le Laid. C’est aussi simple que ça l’art et la culture?Bienvenue chez les fascistes.Quand bien même : Qui choisit, qui choisirait?Aujourd’hui déjà, le réel est organisé de telle sorte que les ressources n’étant pas illimitées, elles sont distribuées selon des critères. Le réel étant complexe, il n’y a pas une seule instance qui distribue une seule forme de financement, mais tout un tas d’acteurs qui participe à la promotion de nombreuses formes de culture, de la plus classique à la plus underground, incarnées elles-mêmes par toute un tas d’acteurs différents. Il y a toujours arbitrage social. Croire qu’il n’y en a pas ou se plaindre au doigt mouillé que les différentes formes qu’il prend actuellement sont fondamentalement mauvaises, c’est considérer a priori, sans analyse, qu’encore une fois le monde va dans le mur, et ne pas reconnaître voire déplorer ce qui se fait de progressiste. Pourtant à ce niveau-là, les différentes activités culturelles en France sont pas les moins bien placées. Par ailleurs, il y a TOUJOURS au sein des professionnels de tel ou tel domaine culturel et au sein de tel ou tel distributeur de subvention des débats importants sur ce qu’il faut encourager ou pas, qui mène à des choix plutôt qu’à d’autres en fonction des endroits et des moments. Pas de manière totalisante donc.****************

    Pour rentrer dans le vif du sujet sur le régime des intermittents. S’il fallait garder qu’un seul paragraphe qui tient à peu près la route, ça serait celui-là :

    "En fait, le régime d’assurance-chômage des intermittents n’a de régime d’assurance que le nom. Les systèmes d’assurance chômage ont été construits pour mutualiser le chômage conçu comme un risque. De la même manière que l’assurance de votre voiture mutualise le risque d’accident de la route. Le mécanisme repose sur l’idée que l’accident touchera aléatoirement certains assurés. Ceux-ci verront alors le dommage réparé à partir des cotisations payées par l’ensemble des assurés. Mais il faut comprendre qu’un système assurantiel ne fabrique pas en lui même de la richesse. Le coût des sinistres est globalement le même que si chacun devait les supporter individuellement. Ce que le système assurantiel fait, c’est de réduire les incertitudes. Au risque de supporter l’ensemble des dommages en cas d’accident, l’assuré substitue la certitude de payer une prime mensuelle beaucoup plus faible, mais régulière."A l’exception de la première phrase que j’aurais plutôt formulée en "n’a de régime chômage que le nom" : car si c’est bel et bien une forme assurantielle (conditionnée à cotisation), il ne effectivement pas tomber dans le piège des mots : il ne faut pas croire que parce qu’on dit "chômage" , ce sont des gens qui ne branlent rien. Les plus gros bosseurs que je connaisse et de très loin, sont des intermittents. Et ça excède la journée de 16h, c’est 12 mois sur 12. Mais on verra ça plus loin.L’argument de fond, qu’en est-il vraiment de "l’emploi intermittent"Paragraphe utile donc, mais le problème c’est que cela se gâte ensuite…

    "En fait, le régime des intermittents est une subvention déguisée aux professions dites « culturelles » par le biais d’une fraude « banalisée » par la corporation. Celle qui consiste pour un employeur de se mettre d’accord avec son employé pour que celui-ci travaille « légalement » pour un salaire donné le temps d’ouvrir les droits au chômage, puis de continuer à travailler « au noir » pendant le délai ou les allocations lui sont versées, l’employeur couvrant simplement la différence entre l’allocation et le salaire. Et à la fin le travailleur et l’employeur se partagent les bénéfices tirés du système. Cette fraude existe marginalement dans tous les métiers, mais les caractéristiques intrinsèques du travail des intermittents du spectacle – horaires variables, travail de préparation réalisable à domicile, etc. – rendent le contrôle particulièrement difficile, ce qui a permis à ce type de fraude de devenir massive."Déjà croire en l’unicité de l’intermittence comme corps professionnel c’est une grosse erreur.Dans la même veine, il est faux de croire qu’il y a un seul patronat. D’ailleurs le Medef veut la suppression pure et simple du régime, alors que des patrons et producteurs du spectacle savent très bien que ça serait un désastre… Pas seulement pour eux ou pour leurs employés. Mais pour le dynamisme du "spectacle" français en général.Quant à sa petite analyse marxiste, ça fait un peu rigoler. C’est comme si je lui disais, quand il se plaint des fermetures d’usines de secteurs qui ne sont plus rentables : "ha, mais regarde c’est suspect les ouvriers sont du côté du patron puisqu’ils veulent le maintien de leur activité et qu’on la protège."Il y a tjrs collusion d’intérêt à différents degrés entre patron et employeur, ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas rapport de force. C’est pareil chez les intermittents, ou la forte qualification technicienne et l’urgence des recrutements fait pencher la balance davantage du côté des salariés que ce n’est le cas pour le recrutement d’ouvriers intérimaires dans des bassins de chômage de masse…Si on décide du jour au lendemain d’interdire la fabrication de chaussettes en France, les patrons des entreprises de chaussettes et leurs employés seront tous les deux pas contents. Est-ce que ça veut dire que leur intérêt est identique? Est-ce à dire qu’il n’y a pas de rapport de force, que les employés ne sont pas exploités? Bien sûr que non, ça ne dit rien de tout ça.Ensuite, l’auteur croit que les intermittents sont des salariés comme les autres, qu’ils profitent de leur statut pour négocier avec le patron un salaire comme les autres professions, mais en plus avantageux. Mais… c’est bête, non?Il parle pourtant bien des "caractéristiques intrinsèques" de leur travail, mais ce n’est que pour y voir les conditions de la fraude (la difficulté du contrôle). Et bien, ne lui en déplaise, ces "caractéristiques intrinsèques" ont une influence sur l’emploi (l’employabilité) et sur le salaire. C’est justement à cause de ces caractéristiques intrinsèques qu’il y a un statut à part, et non pas pour en faire des privilégiés. Que croit-il, qu’un jour on a décidé des privilèges d’une frange de salariés juste pour leur faire plaisir?Non, car dans notre monde, tout travail méritant salaire, et tout salaire découlant encore nécessairement d’un travail, un intermittent bénéficie d’un salaire de compensation quand il n’est pas employé. Quand il n’est pas employé, ne signifie pas "quand il ne travaille pas".L’intermittence c’est l’intermittence de l’emploi, pas du travail. Si tu as ne serait-ce que lu Friot, tu reconnais cette distinction trop souvent oubliée entre travail et emploi. 
    Un intermittent travaille hors emploi : selon, il apprend ses textes, s’entraîne, reste à la page sur son métier; pour certains techniciens il perfectionne ses techniques, ce qu’il ne peut pas forcément faire parfaitement dans l’urgence d’un tournage. Pour les auteurs, ils écrivent et s’adonnent à leurs projets personnels. Pour un réalisateur, il bosse de manière "employée" sur de l’institutionnel ou de la pub, et avec l’argent gagné et son "chômage", il écrit ses propres projets, qu’il réalisera à son compte ("hors emploi") en faisant appel à des techniciens qui accepteront de travailler moins cher (grâce au soutien de leur chômage eux aussi), mais qu’il devra rémunérer quand même. Cela favorise alors la création.Le statut d’intermittent est important, car il permet de faire survivre des gens vivant d’une employabilité nécessairement découpée dans le temps. Tous les métiers de "chantier", c’est-à-dire à produit unique (en opposition au processus de production continue, comme la chaîne, ou un dentiste qui a toujours une file d’attente de plusieurs semaines) ont trouvé des moyens pour gérer le caractère intermittent de leur activité. L’intérim, le prêt de main-d’oeuvre entre entreprises quand ton employé travaille pas et qu’une autre boîte en a besoin, la constitution de grosses firmes où les employés peuvent donc tourner en fonction des activités…Les intermittents du spectacle ont un statut qui leur permet de continuer leur activité forcément flexible (le mot ne doit pas faire peur) avec moins de précarité. Il leur permet de mieux choisir.Mais si le statut a été créé, ça n’a pas été pour protéger une population de travailleurs intermittents alors que d’autres, moins considérés, en ont été exclus.Le statut a été créé pour attirer vers les activités de spectacle des techniciens et ouvriers à l’employabilité intermittente quand ils avaient alors plutôt intérêt à avoir un emploi unique et sécurisant dans d’autres secteurs.Le statut s’est maintenu, car sinon il serait trop désavantageux d’avoir plusieurs employeurs intermittents par rapport à l’emploi unique, et donc il n’y aurait bcp plus de difficulté à trouver de la main-d’œuvre, elle serait plus chère, etc. Aboutissant à un déclin des activités intermittentes de spectacle. A noter que la production continue à la TV (certaines séries, émissions périodiques) ne rentre pas dans le modèle du chantier, du produit unique, et que des abus sont donc à relever chez certaines chaînes TV qui profitent effectivement du régime d’intermittence alors qu’elles devraient être contraintes à requalifier les contrats de leurs employés fixes en CDD/CDI. Après on m’a parlé de certaines subtilités chez les maquilleuses par exemple, mais on va pas rentrer dans les détails.La proposition de l’auteur est saugrenue pour plein de raisons :- On ne peut pas pomper de l’argent d’une caisse pour en faire une subvention.- Ce régime n’est pas une subvention. Les questions des assurances, des caisses de cotisation, etc., sont bcp plus compliquées que ça. Et à cause de ces considérations sur l’emploi, il ne suffit pas de reverser ailleurs de l’argent qui serait soi-disant mal utilisé jusqu’alors.- Une vraie subvention n’est de toute façon pas un moyen miracle de booster une activité. Ici la manière d’être employés des intermittents est la condition du dynamisme du spectacle en France, ce qu’une subvention aux entreprises ne satisferait pas. C’est aussi pour ça que des américains viennent "fabriquer" de la 3D ici par exemple.

    C’est pas juste que c’est moins cher (d’ailleurs je crois que ça l’est peut-être même plus), mais c’est plus facile, plus safe, plus prévisible, plus stable. Et ça on l’oublie souvent, mais c’est souvent le plus important pour l’employeur, et par extension pour le capitaliste avisé, comme pour le producteur associatif sans but lucratif.- On a l’impression d’avoir affaire à un discours de droite, prompt à dénoncer les abus aux prestations sociales. En tout cas l’auteur rejoint la proposition du MEDEF et ses arguments du type : "Les défenseurs des intermittents nous rabattent les oreilles sur le thème « on va tuer la culture »" …- Alors il propose "on pourrait la remplacer par une véritable subvention, dont on pourrait apprécier le montant et la destination."Donc un contrôle étatique, comme si naïvement c’était la solution à tous les problèmes. Pour plus loin se contredire : "En quoi le goût d’un fonctionnaire du ministère de la Culture serait-il plus sûr que celui des gens qui payent leurs plaisirs avec leur propre argent ?"Ce qui me conforte dans l’idée que l’article a été écrit en deux fois sans être correctement relu (cf les répétitions et erreurs).D’un côté un argument étatiste et simpliste pur, contredit ensuite par une sorte de poujadisme antiétatique.On ne peut s’empêcher d’y voir la tension idéologique classique et historique au FN, entre l’Étatisme d’une Marine, et le "libéralisme" poujadiste de Lepen père.- D’ailleurs, fondre les intermittents dans le régime général est une proposition historique de l’extrême droite (même si le FN a préféré fermer sa gueule sur le débat actuel).- Alors que le gouvernement ne cédera sans doute pas à la demande du Medef, Valls refuse même la création d’une caisse autonome :  « le gouvernement exclut l’option de création d’une caisse autonome » pour les intermittents : « Le régime doit rester dans le champ de la solidarité interprofessionnelle ».Au delà des intermittents, l’utilité sociale de leur statut :Comme je l’expliquais plus haut ce statut permet aux intermittents d’avoir une activité créatrice hors emploi.Ce qui favorise :- d’une part la création de manière générale comme évoqué plus haut,- par le bas d’autre part alors que les subventions à la création ont souvent une tendance à se concentrer dans les mains de peu de projets, de peu de créateurs. Avec souvent la logique que plus un film/spectacle/pièce est subventionné plus il a de chance d’attirer d’autres subventions. Je ne rejoins évidemment pas la vision élitiste de l’auteur "La création est par essence une question d’élites" et "Tout simplement parce que la création implique une rupture, et pour comprendre cette rupture il faut connaître ce qu’il y avait avant.". Ces affirmations qui sous-tendent la préférence pour une culture par le haut, oublie que de très nombreux mouvements culturels, notamment en musique, viennent de pratiques populaires, viennent du bas, pour ensuite "remonter" et investir toutes les strates de la société jusqu’en haut. L’auteur ne cache pas sa volonté d’une politique culturelle à destination de tous, certes ("Permettre aux citoyens de toutes conditions d’accéder à ce patrimoine devrait être l’alpha et l’oméga de la politique culturelle."). Mais il revendique une culture d’excellence d’origine élitiste, donc du haut vers le bas. Bref le bullshit classique d’une certaine frange de l’extrême-droite (pas tous). Il est significatif de voir que l’idée qu’il existe déjà différentes formes de cultures et de sous-cultures d’origine et à destination de public de situations sociales différentes ne lui effleure même pas l’esprit.- contrairement aux ouvriers de chantier (dont on a vu que le caractère intermittent de l’activité avait du trouver lui aussi des réponses spécifiques en terme d’emploi), cette autonomie de l’employabilité des intermittents permet le développement de petites structures (petites boîtes de production, compagnies, etc.), plutôt que l’absorption par les plus gros, souvent seuls à même par leur taille de mutualiser et répartir l’emploi, je crois que c’est typiquement comme ça que ça se passe aux US pour la 3D par ex. Une complémentarité s’installe entre petites et grosses structures, qui n’est pas simplement la sous-traitance du "sale boulot" aux "petites dominées"… Mais plutôt une division du travail, ou les gros peuvent même subventionner indirectement et informellement les petites pour leurs créations plus ambitieuses artistiquement, mais moins porteuses commercialement.***

    On pourrait continuer le débat longtemps…Je m’inquiète du fait que tu penses encore puiser "matière à penser" dans ce blog qui n’est en aucun point de vue satisfaisant intellectuellement, en plus d’être très suspect idéologiquement comme on l’a vu (et c’est systématique).

    Je suis loin d’être un expert sur ces questions, et pourtant je suis effrayé des foutaises, contresens et erreurs colportés dans cet article.Du peu que j’en sais pourtant, les sources de ce que je raconte ici sont :- ma cousine qui bosse dans une asso d’accompagnement de projets d’arts de rue,- ma soeur qui est technicienne ciné et qui est en train de faire ses heures pour son statut d’intermittente,- mes nombreux potes qui travaillent dans le ciné, surtout mon pote Pierre qui a sa petite boîte de prod et qui m’explique bcp de choses passionnantes sur le fonctionnement économique de son activité.- une amie à lui qui bosse au CNC- ma prof qui fait de la socio du cinéma- ma pote flo qui bosse dans la fameuse boîte de 3D- mon ex que j’ai accompagné dans la création de son autoentreprise (inventaire du patrimoine, valorisation) et avec qui j’ai appris bcp de choses sur ces domaines de valorisation et d’inventaire, fameuse compétence culturelle des régions déléguée par le ministère de la Culture. Il existe une demande forte dans son secteur, à laquelle elle a longtemps essayé de résister, pour des activités de vulgarisation, de communication au public. Ce qui va jusqu’à impliquer parfois, de faire du "spectacle", ou en tout cas de travailler avec des assos comme celle de ma cousine, professionnelles du contact avec le public et de la recherche de subvention en ce sens.

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Avec sa permission et la vôtre, je reproduis ici une partie de son argumentaire dont certains points me semblent pertinents, même si je n’en partage pas loin s’en faut tous les présupposés. Peut-être cela vous inspirera-t-il quelques commentaires, en espérant que le ton parfois peu amène du passage ne vous braque pas.]

      Vous savez, puisque vous suivez ce blog, que je suis toujours intéressé par les opinions des autres, et que je ne suis pas gêné par des échanges vifs, inévitables dans un véritable débat, à condition qu’ils restent dans la limite de la politesse et ne tournent pas à l’invective.

      [Déjà ça commence très mal au sujet des syndicats. La CGT c’est pas juste le rail. C’est aussi la CGT spectacle, qui n’a pas signé en mars. Je trouve pas qu’elle soit ringardisée, l’auteur s’invente un monde : c’est tellement facile de se plaindre que les médias ringardisent les syndicats. Ça mange pas de pain. Même quand c’est faux. J’en ai marre de lire des articles qui font de la désinformation en faisant croire qu’ils réinforment. C’est malhonnête. La presse montre au contraire que c’est plus compliqué pour le rail. La direction de la CGT voudrait un peu moins de bordel, est un peu dépassée par sa base, et subit des luttes intestines. Quant aux considérations sur les intermittents, alors là on slalome entre contre-vérités, approximations, intuitions à la gomme et discours idéologique. Sur une question que l’auteur ne maîtrise apparemment pas du tout.]

      L’auteur ne maîtrise – qui pourrait avoir une telle prétention ? – tout. Mais il ne faudrait tout de même pas pousser mémère dans les orties. La technique qui consiste d’accuser l’autre d’avoir recours à des « contre-vérités, approximations, intuitions à la gomme et discours idéologique » sans proposer d’exemples précis, argumentables, est à la portée de tout le monde. On peut dire cela de n’importe quel texte sans même le lire.

      Il me semble difficile de contester que les médias ont « ringardisé » le mouvement des cheminots. De « Le Monde » au « Figaro », en passant par « Libération », on a lourdement insisté sur ces forteresses syndicales retranchées sur un monde qui n’est plus, sur leur refus d’accepter la nouvelle donne économique, sur leur crispation sur des « avantages acquis » d’un autre âge… faut-il vraiment que je donne des exemples ? Oui, de toute évidence, si je n’ai pas envie d’être taxé de « m’inventer un monde ». Voici donc un exemple mémorable :
      http://abonnes.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/06/17/les-raccourcis-de-la-cgt-sur-la-greve-des-cheminots-suedois_4439900_4355770.html

      [Je veux juste commencer en pointant sans trop commenter tout ce qui me paraît aberrant en dehors de la question de fond sur les intermittents. On verra le fond après, mais tout cet enrobage doctrinal et erroné me donne l’impression d’être la caution idéologique qui sert d’appât aux âmes crédules dont j’espère toujours que tu ne fais pas partie, malgré le fait d’avoir en commun avec elles la lecture régulière de ce blog :)]

      Après l’accusation sans exemples, vient la traditionnelle évocation d’une « récupération ». Classique, tellement classique… trois paragraphes sont passés, et on ne sait toujours pas quel est le reproche exact que ce lecteur fait à mon argumentation, on n’a pas entendu le moindre argument…

      [Opposition entre Culture et Education"C’est particulièrement flagrant dans l’opposition qui est faite traditionnellement entre la culture et l’éducation"What? Qui quoi? Cette manière de faire est désespérante de malhonnêteté intellectuelle : le mec fait dans sa tête une opposition entre culture et éducation, et donc nous la sert en opposition classique, pour servir son propos, en se disant que certains s’y retrouveront sans doute.]

      Votre « ami » ferait bien de relire un peu d’histoire. Ce n’est pas moi qui a inventé cette opposition entre culture et éducation. Elle est traditionnelle dans les administrations culturelles. Pourquoi pensez-vous qu’on a séparé en 1959 le ministère « des affaires culturelles » du ministère de l’Education Nationale ? Pourquoi , à votre avis, le nouveau ministère ne compte que les directions relatives aux arts (Danse, Théatre, Livre, etc.) mais ne constitue aucune direction en rapport avec la culture scientifique, restée dans le giron de l’Education Nationale ? Pourquoi les grands musées scientifiques (Palais de la Découverte, Musée de l’Homme, etc.) sont restés sous la tutelle du ministère de l’Education, alors que les musées d’art sont, eux, sous tutelle du ministère de la Culture ? Cette conception, qui oppose culture et éducation, a été théorisée par Malraux lui-même, qui soutenait que l’œuvre d’art doit parler directement au spectateur, à sa sensibilité, sans médiation aucune et donc sans qu’il soit besoin d’une « éducation » préalable.

      [C’est pas très rigoureux tout ça."L’éducation, elle, est le lieu du travail, de l’institué, du mérite mesurable, du rationnel."Oui bien sûr c’est connu depuis tous les travaux en sociologie de l’éducation. Bravo.]

      Crier « bravo » ou faire référence à « tous les travaux en sociologie de l’éducation » sans aucune référence précise ne constitue pas un argument.

      [Le mérite mesurable bien sûr, c’est connu."(…) des années 1980 coïncide avec la défenestration de l’éducation" Bon alors là on nage en plein dans le discours réactionnaire par excellence. Chaque vague de massification scolaire est toujours traitée comme un recul des valeurs éducatives fantasmagoriquement traditionnelles, particulièrement par le droite gaulliste qui a du y faire face. Là le terme est pas mal.]

      Quand bien même ce serait exact, cela ne constitue pas un argument. A chaque fois qu’il est midi, les gens disent « il est midi », et l’affirmation est parfaitement exacte. « On nage en plein discours réactionnaire », là non plus, ce n’est pas un argument. L’auteur de cette « critique » se contente d’exposer son opinion comme si c’était une vérité essentielle à laquelle il faudrait que tout le monde se plie. C’est le « c’est un discours réactionnaire parce que je le dis ».

      [Défenestration de l’éducation. C’est bien connu, la massification scolaire a attenté à l’éducation…]

      Je ne me souviens pas d’avoir fait un lien de cause à effet entre « massification » et « défenestration de l’éducation ». Et c’est pourquoi cette remarque est assez révélatrice… le lien n’est pas dans mon texte, mais il est dans la tête de votre « ami »…

      [Amalgame entre Culture et SpectacleL’auteur mentionne utilement que "ce discours oublie convenablement qu’on ne parle pas du régime des « intermittents de la culture », mais des « intermittents du spectacle »."Le problème c’est que sous couvert de montrer la confusion, il rentre dedans lui-même en emballant toute la seconde moitié de son billet dans un réquisitoire réac pour une culture fantasmée, en y allant pas de main morte sur les approximations, tout ça pour justifier la suppression du régime des intermittents. Bref il confond alors lui aussi culture et spectacle.]

      Je passe sur l’utilisation par votre « ami » du terme « réac », qui semble être une espèce de joker pour dévaloriser le discours de l’autre. Ce qui me pose problème dans ce commentaire, c’est que je ne vois pas où j’aurais « confondu culture et spectacle ». Comme il n’y a jamais un exemple, il est difficile d’argumenter quoi que ce soit.

      [Rappelons que le ministère de la Culture répartit ses missions à différents acteurs, en leur déléguant certaines de ses compétences par exemple le Patrimoine (architectural, ce qui est géographiquement compréhensible) aux régions. Le Patrimoine est donc une compétence des régions. Mais il y a aussi le CMN (centre des monuments nationaux) qui reste national. Bref c’est compliqué, et tout ça, c’est de la culture, et point d’intermittents du spectacle ici…Mais il y a bcp d’autres compétences, services et directions, plus ou moins centralisés : les archives, les musées, le livre (bibliothèques et régulation très forte du marché du livre), la musique, les orchestres. Et des contrôles sur certaines autres entités, comme le CNC (centre national du cinéma) qu’on amalgame souvent à tort comme une fonction publique, à l’État. Rappelons à cet effet que ce qui est public n’est pas forcément étatique, que ce qui est public n’a pas l’exclusivité du contrôle étatique, et que les missions de service public, notamment dans la culture, peuvent aboutir en bout de délégation à une prise en charge privée (l’expertise historique en conservation du patrimoine par ex).On sent vraiment que cet amalgame conscient entre culture et spectacle est un moyen pas cher de sortir un pti discours démago et facile sur la culture, sans queue ni tête, mais ça remplit sa page.]

      Encore un procès d’intention… et pas un seul argument précis, un seul exemple concret. Juste des accusations générales… et tiens, cette fois ci, le mot « réac » n’apparaît pas…
      Les compétences du ministère de la Culture sont très diverses en dehors du spectacle. Mais mon papier ne prétendait pas faire une revue complète des fonctions du ministère de la culture. Tout juste montrer comment dans un domaine particulier on organise le soutien au revenu d’une profession au nom d’une ambition soi-disant « culturelle », qui en fait répond à une conception très particulière de la « culture ». Il n’y a là aucun « amalgame ».

      [Est-ce que "Plus belle la vie" c’est de la culture? Sans doute que oui. Est-ce que c’est de l’art, sans doute que non.]

      « Sans doute » ? Heureux homme, celui qui n’a pas de doutes…
      La réponse à ces questions n’a rien d’évident. Pour répondre, il faut d’abord s’entendre sur ce qu’on appelle « culture » et « art », ce qui pour le moins devrait laisser subsister quelques « doutes ». En quoi « plus belle la vie » serait de la « culture » ? Si l’on prend une définition anthropologique de ce qu’est la « culture », alors la réponse est certainement positive. Mais ce n’est certainement pas cette définition qu’on retient quand on parle de « ministère de la Culture », autrement il faudrait inclure dans ce ministère la Justice, l’Economie et en fait l’ensemble de l’activité gouvernementale. Y a-t-il un seul acte du gouvernement qui ne relève de près ou de loin de la « culture » au sens anthropologique du terme ?

      [Mais on s’en fout un peu en ce qui concerne les intermittents et leur statut en fait… C’est complètement hors sujet."Plus belle la vie" c’est du spectacle, du divertissement, et il y a une demande. Personne ne cherche à faire croire que c’est de la haute culture représentative de ce que l’humanité fait de plus beau.]

      Fort bien. Mais alors, au nom de quoi devrait-on demander à l’ensemble des travailleurs de financer par leurs cotisations le revenu des gens qui fabriquent ce « divertissement » ? Pourquoi leur réserver un système de protection chômage plus favorable que celui des garçons de café ou des ouvriers de l’automobile, qui eux aussi satisfont une « demande » ?

      [Mais bon n’y connaissant rien comment pouvait-il réussir à établir que le spectacle regroupe à la fois certains divertissements (pas tous) et certaines pratiques artistiques.]

      Finalement, je doit « connaître » plus que votre « ami » ne suppose, parce que j’étais moi aussi arrivé à cette conclusion. Ce que je ne vois pas très bien, c’est pourquoi sous prétexte de soutenir « certaines pratiques artistiques » il faudrait aussi subventionner les salaires des techniciens de « plus belle la vie ». Mais c’est peut-être parce que je « ne connais rien »…

      ["La « culture » est une profession, certes. Mais une profession où l’on accède sans diplômes et tout se fait par entregent et copinage (6). Il n’y a qu’à voir le nombre de « fils de » et de « filles de »"Haha la bonne blague. Déjà la "culture" n’est pas une profession.]

      Meuh non, meuh non… j’oubliais que c’était un sacerdoce, assuré par des gens détachés des biens matériels et des contingences de carrière.

      [De la même manière que "la banque", "l’école", "la santé", "l’agroalimentaire" ou "le sport" ne sont pas des professions (…) Par ailleurs le statut d’intermittent du spectacle est souvent un type d’emploi d’activités qualifiées, d’ou la création même du statut à la base, pour recruter des gens qualifiés. Il est un peu difficile de parler de "profession" quoi qu’il arrive, l’activité pouvant se différencier fortement au gré de l’emploi, qui par définition est intermittent et donc multiple.]

      Votre « ami » pinaille, et ce qui est pire, pinaille à tort. Le mot « profession » a plusieurs sens, et l’un d’eux est un collectif pour désigner des gens qui travaillent dans un même domaine économique. On parle ainsi de la CGT-spectacle comme d’une organisation « représentative de la profession », on dit que l’abandon de la PAC serait « inacceptable pour la profession ». Les industries culturelles peuvent parfaitement être considérés comme une « profession » en ce sens.

      [L’élitisme culturel sur fond de pensée libérale… puis conservatrice."Mais pourquoi la collectivité devrait-elle donner de l’argent aux théâtres, aux cinémas, aux chaînes de télévision ? Pourquoi ce qui n’est finalement qu’un loisir devrait être pris en charge par la collectivité, et non par ceux qui aiment cela ? "(et un peu plus loin)"Si un artiste, si un spectacle sont si peu intéressant qu’on ne trouve pas suffisamment de monde pour payer le billet à son juste prix pour avoir le plaisir de les contempler, pourquoi faudrait-il que l’Etat le fasse ? En quoi le goût d’un fonctionnaire du ministère de la culture serait-il plus sûr que celui des gens qui payent leurs plaisirs avec leur propre argent ?"Surprenant argument libéral…]

      Je ne vois pas où est « l’argument », libéral ou pas. Je me contente de poser des questions, des questions dont il ne me semble pas que vous contestiez la pertinence. Je n’ai jamais dit que les réponses à ces questions soient simples, ou même uniques. Si votre « ami » pense qu’il y a de bonnes raisons pour subventionner avec l’argent public des spectacles que auxquels les spectateurs accordent si peu de valeur qu’ils ne sont pas prêts à le payer de leur poche, vous pourriez les expliciter au lieu d’abonder dans les épithètes. Ce ne sont pas les questions qui sont « libérales », ce sont les réponses. Or, votre « ami » ne propose aucune réponse.

      Personnellement, cela ne me dérange pas de subventionner certains spectacles avec de l’argent public. Mais cela implique de définir des critères de choix entre ce qu’on subventionne et ce qu’on ne subventionne pas. Ce qui suppose, n’en déplaise à votre « ami », de définir des hiérarchies dans les expressions culturelles, entre ce qui doit être subventionné et ce qui doit être laissé au jugement du marché.

      [Est-ce vraiment utile de prendre la peine de démontrer la vacuité de l’argument?]

      Quel argument ?

      [A noter que le CNC intègre dans son fonctionnement la dualité et la complémentarité du subventionnement de films à gros succès (qui dégagent par leur recette excédentaire d’autres sources de subvention) et du subventionnement d’œuvres non profitables économiquement et plus ambitieuses artistiquement.]

      Ou pas. On se souvient comment et pourquoi le film « Bosna » de Bernard Henri-Levy, a reçu l’aide du CNC alors que son « ambition artistique » était fort discutable. Toute politique d’aide à la création pose la question de savoir qui et sur quel critère choisit les œuvres à aider. On ne peut pas faire comme si ce problème n’existait pas, et accuser de « libéraux » tous ceux qui posent la question. C’est cela le point principal de mon papier : le problème du régime des intermittents n’est pas qu’il constitue une subvention déguisée, c’est que cette subvention va à tous, sans distinction et donc sans aucun critère de qualité.

      ["La solution ne peut reposer que dans une hiérarchisation de ce qu’on appelle « la culture »"La hiérarchisation, thème préféré de l’extrême droite ?]

      Ah… encore l’amalgame comme argument… si c’est le thème préféré de l’extrême droite, pas la peine d’argumenter, n’est ce pas ?

      ["Il y a des expressions culturelles que la collectivité doit encourager, non pas au nom de grands principes abstraits, mais pour la raison bien pragmatique qu’une République est plus efficiente lorsque ses citoyens ont accès à ce que l’humanité a fait de mieux au cours de son histoire."Un wolkgeist culturel optimisé en somme. Ça me rappelle quelque chose…]

      Pas assez, faut croire. C’est « Volkgeist » (de Volk, « peuple », et geist, « esprit »), et non pas « Wolkgeist », qui ne veut rien dire. Après m’avoir amalgamé avec l’extrême droite, votre « ami » prétend – orthographe mise à part – m’associer avec le nazisme. Pas très gentil, et surtout très abusif. D’une part, parce que l’idée que la collectivité puisse choisir parmi les expressions culturelles celles qu’elle souhaite encourager n’a aucun rapporta avec le Volkgeist, c’est-à-dire, l’idée que les peuples ont un « instinct naturel et populaire » selon la formule de Fichte.

      [Cette phrase est flippante. On sent pointer en début de phrase l’idée que certaines "expressions culturelles" valant mieux que d’autres il faut que l’État les favorise pour élever historiquement l’humanité, au détriment des autres, forcément avilissantes.]

      Que cela plaise ou non à votre « ami », il y a un principe de réalité. L’Etat ne peut pas subventionner toutes les « expressions culturelles », ne serait-ce que parce que, suivant sa théorie, tout spectacle est « culture ». Et dès lors qu’il faut choisir, sauf à choisir par tirage au sort, il faut bien établir une hiérarchie entre ce qu’on subventionne et ce qu’on ne subventionne pas. Si l’idée d’une hiérarchie fait flipper votre « ami », alors il n’a pas fini : que fait l’Etat lorsqu’il décide qu’on enseignera dans les écoles Molière plutôt que Coluche, Racine plutôt que Bigard ? Cela ne veut pas dire que celles qui ne sont subventionnées soient pour autant « avilissantes »…

      [Comme s’il y avait d’ailleurs une concurrence entre le Beau et le Laid. C’est aussi simple que ça l’art et la culture?]

      Au contraire, c’est lorsqu’on nie la « concurrence entre le Beau et le Laid » et qu’on décrète que tout se vaut qu’on choisit la solution de facilité, la sortie la plus simple. Si le Beau et le Laid sont en concurrence, il nous revient de définir les critères qui font le Beau et qui font le Laid, et c’est là que ça devient intéressant…

      [Bienvenue chez les fascistes.]

      Rien que ça ? J’étais déjà, réac, démago, d’extrême droite, légèrement nazi, et maintenant « fasciste »…

      [Quand bien même : Qui choisit, qui choisirait?Aujourd’hui déjà, le réel est organisé de telle sorte que les ressources n’étant pas illimitées, elles sont distribuées selon des critères.]

      Attendez un instant. Votre « ami » m’accorde donc que, le réel étant ce qu’il est et les ressources limités, il y a des critères pour la distribution. Ces critères créent de toute évidence une hiérarchie. Or, plus haut vous il m’avait traité de « fasciste » pour avoir suggéré cette hiérarchisation. Sommes-nous donc dans un système « fasciste » ?

      [Le réel étant complexe, il n’y a pas une seule instance qui distribue une seule forme de financement, mais tout un tas d’acteurs qui participe à la promotion de nombreuses formes de culture, de la plus classique à la plus underground, incarnées elles-mêmes par toute un tas d’acteurs différents. Il y a toujours arbitrage social. Croire qu’il n’y en a pas ou se plaindre au doigt mouillé que les différentes formes qu’il prend actuellement sont fondamentalement mauvaises, c’est considérer a priori, sans analyse, qu’encore une fois le monde va dans le mur, et ne pas reconnaître voire déplorer ce qui se fait de progressiste.]

      En d’autres termes, on ne peut critiquer la manière dont les « arbitrages sociaux » sont faits sans encourir le reproche de « ne pas reconnaître ce qui se fait de progressiste » ? Tiens, ça me rappelle quelque chose…

      Désolé, mais au risque d’être qualifié de « fasciste » – on le devient si facilement de nos jours… – je revendique le droit de penser et de dire que les « arbitrages sociaux » faits à l’heure de sélectionner les expressions culturelles qui sont subventionnées ne sont pas nécessairement « progressistes », et que dans certains cas – par exemple, dans celui du régime des intermittents – ils sont faits moins dans l’intérêt général que dans celui d’une profession. Que de l’argent public consacré en principe à la « culture » n’est pas utilisé pour l’intérêt général, mais au bénéfice d’intérêts particuliers.

      [car si c’est bel et bien une forme assurantielle (conditionnée à cotisation), il ne effectivement pas tomber dans le piège des mots : il ne faut pas croire que parce qu’on dit "chômage" , ce sont des gens qui ne branlent rien. Les plus gros bosseurs que je connaisse et de très loin, sont des intermittents. Et ça excède la journée de 16h, c’est 12 mois sur 12.]

      S’ils travaillent 12 mois sur 12, 16h par jour, on comprend mal comment ils font pour être « intermittents », sauf s’il y a fraude. Retenez cet exemple, il servira plus bas

      [D’ailleurs le Medef veut la suppression pure et simple du régime, alors que des patrons et producteurs du spectacle savent très bien que ça serait un désastre… Pas seulement pour eux ou pour leurs employés. Mais pour le dynamisme du "spectacle" français en général.]

      C’est émouvant, une fédération patronale qui a un si grand souci de l’intérêt general… Quant au fond… désolé, mais le régime des intermittents n’existe pas en Grande Bretagne, et je n’ai pas l’impression que le « dynamisme du spectacle britannique en général » en souffre beaucoup.

      [Quant à sa petite analyse marxiste, ça fait un peu rigoler. C’est comme si je lui disais, quand il se plaint des fermetures d’usines de secteurs qui ne sont plus rentables : "ha, mais regarde c’est suspect les ouvriers sont du côté du patron puisqu’ils veulent le maintien de leur activité et qu’on la protège."]

      Curieusement, quand on ferme des « usines qui ne sont plus rentables », il est rare que le patron soit du côté des salariés. Il faudrait un patron particulièrement masochiste pour lutter pour le maintien d’une usine qui lui fait perdre de l’argent… Par contre, lorsque l’Etat décide de supprimer une subvention à leur secteur, on trouve quelquefois patrons et ouvriers en « collusion » pour protester. Exactement comme dans le domaine de l’intermittence…

      [Il y a tjrs collusion d’intérêt à différents degrés entre patron et employeur, ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas rapport de force.]

      « Toujours » ? Admettons. Mais comme l’histoire le montre abondamment, cela n’a pas empêché les patrons d’infliger des sanctions disciplinaires aux grévistes, de faire évacuer les usines par la force publique, de licencier les leaders syndicaux… curieusement, on ne retrouve rien de tel dans le conflit des intermittents. Cela fait des années qu’il dure, et jamais un directeur de théâtre n’a appelé les gendarmes mobiles pour faire évacuer son théâtre, jamais une chaîne de télévision n’a porté plainte contre ceux qui ont occupé son plateau. Avouez que cela suggère une niveau de « collusion » différent que celui qui peut exister dans la métallurgie…

      [Ensuite, l’auteur croit que les intermittents sont des salariés comme les autres, qu’ils profitent de leur statut pour négocier avec le patron un salaire comme les autres professions, mais en plus avantageux. Mais… c’est bête, non? Il parle pourtant bien des "caractéristiques intrinsèques" de leur travail, mais ce n’est que pour y voir les conditions de la fraude (la difficulté du contrôle). Et bien, ne lui en déplaise, ces "caractéristiques intrinsèques" ont une influence sur l’emploi (l’employabilité) et sur le salaire. C’est justement à cause de ces caractéristiques intrinsèques qu’il y a un statut à part, et non pas pour en faire des privilégiés.]

      L’un n’empêche pas l’autre. Je ne conteste pas la nécessité d’un régime spécifique tenant compte des conditions de travail et d’emploi particulières à la branche. Ce qui me gêne, c’est que le régime des intermittents est structurellement déficitaire, et que ce déficit – considérable – est couvert par des versements du régime général. C’est là ou réside le « privilège ». Si demain on augmentait les cotisations des intermittents de manière à rendre le régime équilibré tout en conservant les autres caractéristiques, je ne verrais pas d’inconvénient. Seulement, à ce moment-là les cotisations deviendraient telles que le régime cesserait d’être avantageux… pour les employeurs.

      [Que croit-il, qu’un jour on a décidé des privilèges d’une frange de salariés juste pour leur faire plaisir? Non, car dans notre monde, tout travail méritant salaire, et tout salaire découlant encore nécessairement d’un travail, un intermittent bénéficie d’un salaire de compensation quand il n’est pas employé. Quand il n’est pas employé, ne signifie pas "quand il ne travaille pas". L’intermittence c’est l’intermittence de l’emploi, pas du travail.]

      Admettons. Mais si « tout travail mérite salaire », c’est à celui qui commande ce travail de le payer, et non à l’ensemble des salariés. Par ailleurs, les indemnités chômage sont versées à l’intermittent sans emploi qu’il travaille ou qu’il ne travaille pas. Difficile dans ces conditions de parler de « salaire de compensation ». Vous confirmez finalement mon analyse. Le régime des intermittents n’est pas un véritable régime de chômage, mais un système de prise en compte collective d’une partie du salaire, dont la dépense est transférée du producteur du spectacle à la collectivité.

      [Si tu as ne serait-ce que lu Friot, tu reconnais cette distinction trop souvent oubliée entre travail et emploi.]

      Votre « ami » ferait bien de ne pas juger les lectures des autres avec une telle légèreté.

      [Un intermittent travaille hors emploi : selon, il apprend ses textes, s’entraîne, reste à la page sur son métier; pour certains techniciens il perfectionne ses techniques, ce qu’il ne peut pas forcément faire parfaitement dans l’urgence d’un tournage.]

      Et alors ? Si tout cela profite au producteur de spectacles, c’est à lui de payer. Si c’est le spectateur qui en bénéficie, c’est à lui de payer. Et puis, ce n’est pas le cas de tous les intermittents. Certains restent les doigts en éventail en attendant le prochain emploi. Et ceux-là sont payés autant que les autres.

      [Pour les auteurs, ils écrivent et s’adonnent à leurs projets personnels.]

      Et au nom de quoi le régime général devrait payer des gens pour « s’adonner à leurs projets personnels » ? Pourquoi donner cette possibilité aux « auteurs » et non aux ouvriers métallurgistes ?

      [Pour un réalisateur, il bosse de manière "employée" sur de l’institutionnel ou de la pub, et avec l’argent gagné et son "chômage", il écrit ses propres projets, qu’il réalisera à son compte ("hors emploi") en faisant appel à des techniciens qui accepteront de travailler moins cher (grâce au soutien de leur chômage eux aussi), mais qu’il devra rémunérer quand même. Cela favorise alors la création.]

      C’est bien ce que j’ai dit. Franchement, si votre « ami » avait lu avec un peu d’attention mon texte au lieu de manier l’invective, il l’aurait compris. La question que je me pose est : au nom de quoi on impose au régime général de financer la « création », et de la financer de manière indiscriminée, quelque soit la valeur du projet artistique ? A cette question, il ne veut pas répondre.

      [Le statut d’intermittent est important, car il permet de faire survivre des gens vivant d’une employabilité nécessairement découpée dans le temps.]

      Encore une fois, je n’ai jamais contesté ce point. Ce que j’ai dit, c’est qu’il faut qu’il soit équilibré.

      [Tous les métiers de "chantier", c’est-à-dire à produit unique (en opposition au processus de production continue, comme la chaîne, ou un dentiste qui a toujours une file d’attente de plusieurs semaines) ont trouvé des moyens pour gérer le caractère intermittent de leur activité. L’intérim, le prêt de main-d’oeuvre entre entreprises quand ton employé travaille pas et qu’une autre boîte en a besoin, la constitution de grosses firmes où les employés peuvent donc tourner en fonction des activités…]

      Oui. La différence, c’est qu’en général ces systèmes ne sont pas subventionnés structurellement par des ponctions sur d’autres.En dernière instance, les travailleurs des chantiers de BTP contribuent à leur caisse chômage avec des sommes sensiblement équivalentes aux allocations qu’ils en tirent.

      [Les intermittents du spectacle ont un statut qui leur permet de continuer leur activité forcément flexible (le mot ne doit pas faire peur) avec moins de précarité. Il leur permet de mieux choisir. Mais si le statut a été créé, ça n’a pas été pour protéger une population de travailleurs intermittents alors que d’autres, moins considérés, en ont été exclus. Le statut a été créé pour attirer vers les activités de spectacle des techniciens et ouvriers à l’employabilité intermittente quand ils avaient alors plutôt intérêt à avoir un emploi unique et sécurisant dans d’autres secteurs. Le statut s’est maintenu, car sinon il serait trop désavantageux d’avoir plusieurs employeurs intermittents par rapport à l’emploi unique, et donc il n’y aurait bcp plus de difficulté à trouver de la main-d’œuvre, elle serait plus chère, etc. Aboutissant à un déclin des activités intermittentes de spectacle. A noter que la production continue à la TV (certaines séries, émissions périodiques) ne rentre pas dans le modèle du chantier, du produit unique, et que des abus sont donc à relever chez certaines chaînes TV qui profitent effectivement du régime d’intermittence alors qu’elles devraient être contraintes à requalifier les contrats de leurs employés fixes en CDD/CDI.]

      Et bien, vous voyez qu’après toutes les invectives, les accusations, les amalgames, on finit par aborder le fond et que sur ces points nous sommes d’accord. Quel dommage que votre « ami » n’ait pas commencé par là… Comme je vous l’ai dit, je n’ai rien contre le fait de maintenir un régime spécifique, et vous admettez qu’il y a des abus. Reste la question fondamentale, qui est celle du déséquilibre…

      [La proposition de l’auteur est saugrenue pour plein de raisons :- On ne peut pas pomper de l’argent d’une caisse pour en faire une subvention.- Ce régime n’est pas une subvention. Les questions des assurances, des caisses de cotisation, etc., sont bcp plus compliquées que ça.]

      Elles sont certainement compliquées, et il faudrait faire travailler les experts pour trouver la bonne manière de faire. Il n’empêche que toute réforme commence par quelques objectifs simples. Dans la mesure où le régime des intermittents est structurellement déséquilibré, il y a bien « subvention ». Et le fonctionnement du régime montre qu’on peut parfaitement « pomper l’argent d’une caisse pour en faire une subvention »…
      [Et à cause de ces considérations sur l’emploi, il ne suffit pas de reverser ailleurs de l’argent qui serait soi-disant mal utilisé jusqu’alors.]

      Quelles « considérations sur l’emploi » ?

      [- Une vraie subvention n’est de toute façon pas un moyen miracle de booster une activité. Ici la manière d’être employés des intermittents est la condition du dynamisme du spectacle en France, ce qu’une subvention aux entreprises ne satisferait pas. C’est aussi pour ça que des américains viennent "fabriquer" de la 3D ici par exemple.]

      Je n’ai pas envie de « booster l’activité ». A l’heure d’utiliser l’argent public, je préfère la qualité plutôt que la quantité. Et je n’ai pas particulièrement envie de subventionner les films américains en 3D.

      [C’est pas juste que c’est moins cher (d’ailleurs je crois que ça l’est peut-être même plus), mais c’est plus facile, plus safe, plus prévisible, plus stable. Et ça on l’oublie souvent, mais c’est souvent le plus important pour l’employeur, et par extension pour le capitaliste avisé, comme pour le producteur associatif sans but lucratif.]

      Parfait. Dans ce cas, le patronat ne verra aucun inconvénient à ce que les cotisations soient mises à un niveau qui équilibre le régime, n’est ce pas ?

      [- On a l’impression d’avoir affaire à un discours de droite,]

      De « fasciste » je suis devenu « de droite » ? Quelle décadence…

      [En tout cas l’auteur rejoint la proposition du MEDEF et ses arguments du type : "Les défenseurs des intermittents nous rabattent les oreilles sur le thème « on va tuer la culture »" …]

      Ce n’est pas parce que le MEDEF le dit que c’est faux… votre « ami » a une certaine tendance à recourir à ce genre d’amalgames comme si elles prouvaient quelque chose.

      [- Alors il propose "on pourrait la remplacer par une véritable subvention, dont on pourrait apprécier le montant et la destination."Donc un contrôle étatique, comme si naïvement c’était la solution à tous les problèmes.]

      A l’heure de dépenser de l’argent public, le contrôle étatique n’est peut-être pas la solution à tous les problèmes mais reste la moins mauvaise des solutions. Maintenant, si votre « ami » a une meilleure proposition pour contrôler la destination de cet argent, je suis prêt à l’entendre. Mais je suspecte que sa solution ce sera « donner de l’argent à tout le monde, et pas de contrôle ».

      [Pour plus loin se contredire : "En quoi le goût d’un fonctionnaire du ministère de la Culture serait-il plus sûr que celui des gens qui payent leurs plaisirs avec leur propre argent ?"]

      Il n’y a pas de « contradiction ». Le goût d’un fonctionnaire du ministère de la culture n’est ni plus ni moins sûr que celui des gens qui payent leurs tickets. Le problème, c’est qu’à l’heure de choisir les spectacles à subventionner, ce n’est pas le « goût » qui est le critère, mais un ensemble de critères plus complexes dont l’intérêt patrimonial, critères que le spectateur payant n’est pas en mesure de juger. C’est pourquoi, même si le fonctionnaire n’est pas la solution idéale, je n’en vois pas de meilleure.

      [Ce qui me conforte dans l’idée que l’article a été écrit en deux fois sans être correctement relu (cf les répétitions et erreurs).]

      Votre « ami » semble avoir besoin, pour se rassurer, de dévaloriser le travail des autres. C’est une attitude particulièrement infantile. D’autant plus que la « contradiction » qu’il soulève n’en est pas une, et montre seulement qu’il n’a pas lu le texte avec attention.

      [D’un côté un argument étatiste et simpliste pur, contredit ensuite par une sorte de poujadisme antiétatique.On ne peut s’empêcher d’y voir la tension idéologique classique et historique au FN, entre l’Étatisme d’une Marine, et le "libéralisme" poujadiste de Lepen père.]

      Ah… il manquait la référence à Le Pen… le point Goodwin n’est pas loin !

      [Au delà des intermittents, l’utilité sociale de leur statut : Comme je l’expliquais plus haut ce statut permet aux intermittents d’avoir une activité créatrice hors emploi.]

      Je vois mal pourquoi ce privilège devrait être réservé exclusivement aux intermittents. Les ouvriers du BTP et les ingénieurs informatiques n’ont-ils pas le droit, eux aussi, d’avoir une « activité créatrice hors emploi » ?

      [Ce qui favorise :- d’une part la création de manière générale comme évoqué plus haut]

      Mais qui a décidé que « favoriser la création de manière générale » est « bien » et mérite qu’on y consacre de l’argent public ? Moi, voyez-vous, je souhaite « favoriser la création de qualité » et non « la création de manière générale ». Vous, vous semblez penser qu’il importe peu finalement que l’argent aille à Electra ou à « plus belle la vie ».

      [- par le bas d’autre part alors que les subventions à la création ont souvent une tendance à se concentrer dans les mains de peu de projets, de peu de créateurs.]

      Des bons, vous voulez dire ? En effet, c’est une grande injustice que de priver les médiocres – voire les mauvais – de subventions…

      [Je ne rejoins évidemment pas la vision élitiste de l’auteur "La création est par essence une question d’élites" et "Tout simplement parce que la création implique une rupture, et pour comprendre cette rupture il faut connaître ce qu’il y avait avant.". Ces affirmations qui sous-tendent la préférence pour une culture par le haut, oublie que de très nombreux mouvements culturels, notamment en musique, viennent de pratiques populaires, viennent du bas, pour ensuite "remonter" et investir toutes les strates de la société jusqu’en haut.]

      Encore une fois, votre « ami » semble ne pas éprouver le besoin de justifier ses affirmations avec des exemples. Il est vrai que lorsqu’on possède la vérité, on n’a pas besoin de démontrer quoi que ce soit. L’affirmer suffit.

      [L’auteur ne cache pas sa volonté d’une politique culturelle à destination de tous, certes ("Permettre aux citoyens de toutes conditions d’accéder à ce patrimoine devrait être l’alpha et l’oméga de la politique culturelle."). Mais il revendique une culture d’excellence d’origine élitiste, donc du haut vers le bas.]

      Ce n’est pas ma faute si l’histoire de la culture est ainsi. La quasi-totalité – et je dis cela par prudence, parce que je ne connais pas d’exemple contraire – de ce qu’on considère aujourd’hui le patrimoine culturel de l’humanité est issu d’abord des goûts de l’élite. Et cela n’a rien à voir avec l’élitisme, c’est de la pure logique. Quelles sont les classes qui ont, historiquement, eu les moyens à consacrer à la culture, le temps pour en profiter, le patrimoine culturel de départ pour comprendre les nouvelles créations ? Les esclaves ? Les serfs ? Les prolétaires ? Bien sur que non.

      [Bref le bullshit classique d’une certaine frange de l’extrême-droite (pas tous).]

      Encore ? Décidément, c’est une obsession…

      [On pourrait continuer le débat longtemps…Je m’inquiète du fait que tu penses encore puiser "matière à penser" dans ce blog qui n’est en aucun point de vue satisfaisant intellectuellement, en plus d’être très suspect idéologiquement comme on l’a vu (et c’est systématique).]

      « Suspect » ? Eh beh…

      [Je suis loin d’être un expert sur ces questions, et pourtant je suis effrayé des foutaises, contresens et erreurs colportés dans cet article.]

      On pourrait dire que le second est la conséquence du premier…

      [Du peu que j’en sais pourtant, les sources de ce que je raconte ici sont :- ma cousine qui bosse dans une asso d’accompagnement de projets d’arts de rue,- ma soeur qui est technicienne ciné et qui est en train de faire ses heures pour son statut d’intermittente,- mes nombreux potes qui travaillent dans le ciné, surtout mon pote Pierre qui a sa petite boîte de prod et qui m’explique bcp de choses passionnantes sur le fonctionnement économique de son activité.- une amie à lui qui bosse au CNC- ma prof qui fait de la socio du cinéma- ma pote flo qui bosse dans la fameuse boîte de 3D- mon ex que j’ai accompagné dans la création de son autoentreprise (inventaire du patrimoine, valorisation) et avec qui j’ai appris bcp de choses sur ces domaines de valorisation et d’inventaire, fameuse compétence culturelle des régions déléguée par le ministère de la Culture.]

      Des sources à la neutralité impeccable, comme on peut le voir…

    • Benjamin dit :

      Merci d’avoir pris le temps de répondre point par point sur le fond sans vous arrêter aux invectives et autres noms d’oiseau qui émaillent le texte, peut-être aurais-je dû l’en élaguer. Ces procédés confinant au terrorisme intellectuel, outre qu’ils ne terrorisent plus grand-monde, ne font que mettre en relief les faiblesses argumentatives de celui qui y recourt. Je ne désespère pas de le faire renoncer à ces mauvaises habitudes de procureur.

      (Pourquoi avoir mis systématiquement "votre ami" entre guillemets ? Il est vrai que nos divergences politiques et philosophiques ne sont pas de nature à consolider notre amitié, mais comme vous le rappeliez opportunément dans votre billet "Whisky tragique à Périgueux" on ne devrait pas s’interdire de discuter voire de cultiver des amitiés avec des gens de sensibilité différente.)

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Merci d’avoir pris le temps de répondre point par point sur le fond sans vous arrêter aux invectives et autres noms d’oiseau qui émaillent le texte, peut-être aurais-je dû l’en élaguer. Ces procédés confinant au terrorisme intellectuel, outre qu’ils ne terrorisent plus grand-monde, ne font que mettre en relief les faiblesses argumentatives de celui qui y recourt. Je ne désespère pas de le faire renoncer à ces mauvaises habitudes de procureur.]

      Non, vous avez bien fait de reproduire le texte in-extenso. L’intérêt du débat n’est pas seulement de chercher à convaincre l’autre, mais surtout de comprendre comment l’autre pense. Je pense que le texte écrit par votre « ami » expose assez clairement son mode de pensée : il y a un « dogme accepté », et puis il y a le reste. Le « dogme accepté » a le caractère d’une évidence, et l’éloignement du dogme ne peut qu’être liée à l’intervention du diable – qui apparaît ici sous les traits du « fascisme » ou de « l’extrême droite ». On est donc dans une pensée manichéenne proche de celui de l’église médiévale : il y a le « vrai », et puis l’hérésie.

      Le fait que cette pensée soit dogmatique apparaît assez clairement dans la partie qui concerne les « hiérarchies » sur les expressions culturelles. Votre « ami » commence par rejeter toute hiérarchisation – là encore avec une référence à l’extrême droite – mais deux paragraphes plus loin accepte que le principe de réalité oblige à choisir entre les expressions culturelles celles qui feront l’objet d’un soutien public et celles qui devront faire sans, ce qui revient en fait à les hiérarchiser. La contradiction est évidente et devrait pousser votre « ami » à s’interroger, du moins dans le cadre d’une pensée rationnelle, sur la cohérence de son point de vue. Sauf que le propre de la pensée dogmatique est d’être insensible aux contradictions : que trois puissent faire un et vice-versa n’a jamais gêné les croyants.

      Votre « ami » n’est pas une exception, et la question que cela pose est : pourquoi on voit à ce point s’étendre aujourd’hui une pensée dogmatique ? La question est d’autant plus nécessaire que cette pensée est en train de tuer chez nous tout débat digne de ce nom. On l’a bien vu avec le débat public sur le projet CIGEO de stockage de déchets nucléaires en couche géologique profonde à Bure : plutôt que de faire valoir leurs arguments au débat, les opposants au projet ont au contraire empêché que le débat se tienne. Une attitude qu’on ne peut comprendre sauf à admettre que ces gens sont si persuadés de détenir la vérité révélée qu’il leur semble inutile d’entendre les arguments des autres. J’aurais tendance à dire que le véritable débat nécessite une bonne dose de curiosité. Un débat ou chacun n’est intéressé que par ce qu’il a lui-même à dire ne peut aboutir qu’à une superposition de monologues. Il faut avoir envie de savoir ce que les autres pensent. Or, dans la société d’égos centriques dans la quelle nous vivons, l’a contemplation de son nombril a tué toute curiosité. La majorité des gens n’a pas la moindre curiosité pour le point de vue de l’autre, et tend à n’écouter que les gens qui sont d’accord avec elle et la renforcent dans ses propres préjugés. Les « débats » et autres « forums » organisés par le Front de Gauche sont de ce point de vue une caricature.

      [(Pourquoi avoir mis systématiquement "votre ami" entre guillemets ? Il est vrai que nos divergences politiques et philosophiques ne sont pas de nature à consolider notre amitié, mais comme vous le rappeliez opportunément dans votre billet "Whisky tragique à Périgueux" on ne devrait pas s’interdire de discuter voire de cultiver des amitiés avec des gens de sensibilité différente.)]

      Certainement. Vous savez bien que je défends – je l’ai encore écrit plus haut – la curiosité comme l’une des valeurs suprêmes dans les rapports humains. Cela implique d’écouter des gens qui ont des idées différentes, voire opposées aux siennes. Si j’ai mis « ami » entre guillemets, c’est parce que je me trouvais dans la difficulté de répondre à l’auteur du texte « par personne interposée » sans connaître exactement vos rapports avec elle. C’est pour cela que j’ai singularisé le mot « ami ». N’y voyez pas d’autre intention.

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