Un peu trop d’indignation

Où que l’on regarde, on ne voit qu’indignation et pleurs. Sur les ondes de la radio et de la télévision nationales, dans les journaux bienpensants, dans les magasines et sans doute bientôt dans les livres, notre classe politico-médiatique porte le costume qu’elle préfère, celui de l’indignation vertueuse qui ne coûte pas grande chose. Je parle, vous l’aurez deviné, de cette « crise migratoire » provoquée par l’arrivée massive d’une immigration africaine et proche-orientale sur les côtes italiennes et grecques, et qui grâce à la magie de Schengen diffuse lentement dans le reste de l’Europe.

Entendons nous bien : Qui n’est pas ému par le regard de ces hommes, ces femmes et ces enfants qui arrivent sur les côtes européennes à la recherche d’une vie meilleure n’est pas humain. Mais il y a ce qui est de l’ordre de l’émotion, et ce qui est de l’ordre de la politique. Et il n’est pas bon de mélanger ces deux dimensions. Les décideurs politiques ne sont pas là pour larmoyer sous l’œil dévorant des caméras de télévision. Leur boulot, c’est de prendre des décisions réalistes et conformes à l’intérêt général. Et ces décisions sont quelquefois tragiques. Celui qui croit qu’on peut gouverner l’Etat en conservant une conscience d’une pureté virginale et des mains propres ne devrait pas faire de la politique. Gouverner, c’est faire des choix entre des options viables. Et il est des situations où il s’agit de choisir entre le mal et le pire.Gouverner un Etat, ce n’est pas la même chose que diriger « Médécins sans frontières » ou l’Armée du Salut.

C’est pourquoi il convient de recevoir les injonctions taxatives des autorités morales autoproclamées avec une certaine méfiance, d’autant plus qu’elles ne leurs coûtent pas grande chose. Ainsi, par exemple, on pouvait entendre l’ineffable Bernard Guetta, bien connu par son eurolâtrie acritique et sa tendance bien affirmée à donner des leçons à la terre entière, qui opposait l’attitude frileuse des pays européens à celle de pays comme le Liban ou la Jordanie, qui accueillent paraît-il généreusement un nombre de réfugiés bien supérieur. Bien sur, le discours de Guetta oublie convenablement quelques enseignements de l’histoire, par exemple comment les réfugiés palestiniens furent enfermés dans des camps au Liban, ou massacrés en Jordanie dans cet épisode aujourd’hui oublié qu’était « Septembre Noir ». Mais bon, Guetta ne fait ici que se livrer au sport préféré de nos élites, celui qui consiste à se frapper la poitrine en constatant que tout est mieux ailleurs.

Il y a dans ces pleurnicheries quelque chose de puéril. Car il faut être cohérent : si le fait de fuir la misère en Erythrée ou la guerre en Libye est un motif suffisant pour obtenir le droit de vivre en Europe, cette règle devrait s’appliquer autant à ceux qui débarquent à Lampedusa qu’à ceux qui demandent une visa à l’Ambassade de France dans leur pays ou essayent d’embarquer dans un avion pour Roissy. Pourquoi exiger pour les uns ce qu’on refuse – dans la plus grande indifférence – aux autres ? Pourquoi ceux-là mêmes qui manifestent pour la régularisation des clandestins à Paris n’exigent pas l’ouverture totale des frontières aux Syriens, Erythréens, Afghans ou Libyens qui souhaitent quitter leur pays ? Cette solidarité à géométrie variable montre combien nos élites fonctionnent sous la dictature de l’émotion. L’Afghan qui se voit refuser l’embarquement pour Paris à l’aéroport de Kaboul ne passe pas à la télévision, il n’a pas l’occasion de montrer son visage 500 Internal Server Error

Internal Server Error

The server encountered an internal error or misconfiguration and was unable to complete your request.

Please contact the server administrator at postmaster@descartes-blog.fr to inform them of the time this error occurred, and the actions you performed just before this error.

More information about this error may be available in the server error log.