Ganelon au perchoir !

L’élection de François de Rugy à la présidence de l’Assemblée nationale devrait provoquer l’indignation de tous les hommes d’honneur, de tous ceux pour qui la parole donnée a encore une valeur, de tous ceux pour qui la politique est autre chose qu’une course aux places.

Et je ne dis pas ça parce que de Rugy n’est pas de mon bord idéologique. Cela n’a rien à voir. Lorsque Denis Baupin a été victime d’un ignoble règlement de comptes, j’ai défendu son droit à être entendu et respecté, alors qu’on peut difficilement m’accuser d’être de son bord. Non, dans cette affaire les idées que défend – ou que prétend défendre – de Rugy ne rentrent pas en ligne de compte. Non, le problème est tout différent : de Rugy est un homme sans honneur, un homme qui a renié publiquement à sa signature pour aller à la soupe. Et cela est – ou du moins devrait être – impardonnable.

Qu’on me permette de revenir sur les faits. Le 15 décembre 2016, François de Rugy dépose sa candidature aux « primaires de la belle alliance populaire » – nom complet des primaires organisées par le Parti socialiste et ses alliés. Le dépôt de candidature nécessite la signature d’une charte de bonne conduite ainsi que de la promesse ainsi libellée : « Je m’engage à soutenir publiquement le-la candidat-e qui sera désigné-e à l’issue des élections des Primaires citoyennes et à m’engager dans sa campagne. ». Le 28 janvier, le deuxième tour de la primaire désigne Benoît Hamon candidat de la « belle alliance populaire ». Le 22 février, six semaines à peine après avoir signé l’engagement de « soutenir le candidat désigné par la primaire et de s’engager dans sa campagne », de Rugy déclare soutenir et s’engager dans la campagne d’Emmanuel Macron. Six petites semaines et la défaite de Manuel Valls auront suffi pour convaincre de Rugy de l’excellence des propositions de Macron, au point de lui faire renier sa signature.

Et comment justifie-t-il son reniement ? « Je préfère la cohérence à l’obéissance »… On voit mal où est la « cohérence » quand on renie un engagement six semaines après l’avoir signé. Mais peut être faut-il entendre par « cohérence » une forme de continuité: tout au long de sa carrière, de Rugy est allé là où la soupe était la meilleure. En quittant Hamon pour Macron, il ne fait que se placer dans cette continuité. Seulement voilà, lorsqu’il parle « d’obéissance », il fait une regrettable confusion. Parce qu’il s’agit ici moins de « obéissance » que de respect de la parole donnée, et librement donnée.

Et de Rugy ajoute, pour justifier son geste : « Les idées que j’ai défendues dans la primaire sont plus proches de celles défendues par Emmanuel Macron que de celles défendues par Benoît Hamon. ». En d’autres termes, de Rugy avait signé son engagement en pensant que le résultat de la primaire serait différent, que celui qui serait désigné – Manuel Valls, peut-être ? – serait « plus proche » de ses idées. Mais comme ça ne s’est pas passé comme prévu, il se sent autorisé à se délier de son engagement. C’est beau, la parole donnée à la manière de Rugy…

Vous me direz que ce n’est pas la première fois qu’un homme politique trahit ses engagements. L’exemple évident, ce sont les promesses électorales. Mais il faut ici faire la distinction entre un engagement politique et un engagement personnel. L’engagement politique fait partie d’un ballet de séduction. Lorsque votre promise vous demande « tu m’aimeras toujours ? », et que vous lui répondez « je te le jure, mon amour », elle ne peut vous trainer devant les tribunaux pour parjure si vous demandez à divorcer quelques années plus tard. D’ailleurs, le constituant a interdit tout mandat impératif, précisément parce qu’il reconnaît qu’un système où les représentants devraient exécuter à la lettre leurs promesses serait un système tyrannique.

Mais l’engagement pris par de Rugy n’est pas un engagement de nature politique, c’est un engagement personnel, la promesse de se lier à une certaine éthique. C’est aussi un engagement contractuel : c’est en échange de cette promesse que les organisateurs de la primaire ont permis à de Rugy de disposer des moyens et de l’espace médiatique pour faire campagne. Le renier, c’est vouloir manger le repas et refuser ensuite de payer l’addition.

Et ce personnage méprisable – et largement méprisé, d’ailleurs – est maintenant président de l’Assemblée nationale. Par la grâce de Macron, certes. Mais surtout, par l’inertie d’un groupe de parlementaires godillots qui semblent insensibles aux questions morales et éthiques, et incapables de peser par eux-mêmes. Après avoir choisi comme président de leur groupe un homme qui a profité de son poste de président d’une mutuelle pour faire faire une bonne affaire à son épouse, ils ont fait d’un homme sans honneur le quatrième personnage de l’Etat. Et dans l’un comme dans l’autre cas, il n’y aura pas eu une seule voix, une seule, pour se lever avec force contre cette aberration. Pas un seul député « macroniste » pour protester. Il faut croire que les députés issus de la « société civile » ont parfaitement intégré la loi du milieu.

Je pense aux parents, aux instituteurs de notre beau pays. Comment expliqueront-ils aux enfants qu’il faut dire la vérité, qu’il faut avoir un comportement éthique et respecter la parole donnée, quand ceux qui occupent les plus hautes fonctions s’affranchissent allègrement de ces limites dans leur comportement personnel et, ce qui est pire, au lieu d’en être punis ils sont grassement récompensés ? Judas avait reçu ses trente deniers, mais hanté par le remords il s’était suicidé. De Rugy non seulement ne se suicide pas, mais il paradera pendant cinq ans ses trente deniers au perchoir.

Descartes

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233 réponses à Ganelon au perchoir !

  1. DIONISI dit :

    “Descartes” ignorerait-il que le mensonge n’est pas dans la liste des 7 péchés capitaux de la très malsaine Bible ?
    Aurait-il oublié qu’il, le mensonge, est pardonné dans toutes les religions ?
    Et, pour finir, faut-il lui rappeler la formule de Pasqua : Les promesses ne sont faites que pour ceux qui les entendent.

    • Descartes dit :

      @ DIONISI

      [“Descartes” ignorerait-il que le mensonge n’est pas dans la liste des 7 péchés capitaux de la très malsaine Bible ?]

      Le mensonge peut-être pas. Mais le décalogue promet de terribles châtiments à ceux qui renient leur parole: “Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain ; car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui invoque son nom en vain” (Exode, 20.7). Il faut rappeler qu’en ce temps là les engagements étaient formalisés par un serment. Ce commandement est interprété donc comme punissant ceux qui ne les tiendraient pas…

      [Aurait-il oublié qu’il, le mensonge, est pardonné dans toutes les religions ?]

      Je pense que vous faites erreur. Le christianisme repose sur l’idée que les péchés, même les plus graves, peuvent être pardonnés. Mais ce n’est pas le cas des autres religions, et notamment du judaïsme. Mais j’insiste: ce que je reproche à de Rugy, ce n’est pas d’avoir “menti”, mais d’avoir renié un engagement éthique.

      [Et, pour finir, faut-il lui rappeler la formule de Pasqua : Les promesses ne sont faites que pour ceux qui les entendent.]

      Encore une fois, je crois qu’il faut insister sur la différence entre une “promesse” et un “engagement”. Je n’imagine Pasqua reniant un serment.

  2. maleyss dit :

    Excellent billet, comme d’habitude, mais la colère vous fait commettre quelques fautes d’expression. Je compte sur vous pour y remédier (je sais, je suis un emmerdeur!)

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [ mais la colère vous fait commettre quelques fautes d’expression]

      Ce n’est pas la colère. C’est l’actualité qui commande. Si je prends le temps de polir mes billets, ils sortent trop tard par rapport à l’actualité. Ce n’est pas grave s’il s’agit d’un papier de fond. Mais sur un billet d’actualité…

  3. Gautier Weinmann dit :

    Le candidat à la législative PCF Stéphane Peu a finalement signé la charte de La France insoumise. Il a donc été investi en tant que tel.

    Après son élection, il siège finalement dans le groupe “GDR”, avec ses collègues PCF. Or, la signature de la charte indiquait que le candidat s’engage à “siéger au sein du groupe qui sera constitué pour construire une coopération politique entre les députés de France Insoumise ou le mouvement auquel elle aura contribué à donner naissance si telle est la décision que nous prenons collectivement à l’issue des élections ; élire le/la présidente et le bureau du groupe ainsi constitué”…

    Je crois que Mme Hugette Bello est dans une situation similaire.

    • Descartes dit :

      @ Gautier Weinmann

      [Le candidat à la législative PCF Stéphane Peu a finalement signé la charte de La France insoumise. Il a donc été investi en tant que tel.]

      C’est ce qu’on a dit, mais rétrospectivement je me pose des questions sur la réalité de cet engagement. Je ne peux que constater que la FI n’a pas réagi à son choix de siéger dans le groupe communiste, ce qu’à mon avis elle n’aurait pas manqué de faire si un engagement formel avait été pris. J’en déduis que la signature par Stéphane Peu de la « charte » en question n’est peut-être qu’un bobard.

    • morel dit :

      Je ne crois pas que Stéphane Peu n’a pas signé la charte, tant de journeaux en ont rendu compte sans protestation ni de l’intéressé, ni du PCF.
      L’hypothèse la plus probable est qu’étant donné que le PCF ne s’est pas effondré et possède un groupe parlementaire, il lui est plus utile d’y avoir des relais, le cas de Marie-George Buffet étant emblématique, la FI ayant assez de députés pour le sien.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Je ne crois pas que Stéphane Peu n’a pas signé la charte, tant de journeaux en ont rendu compte sans protestation ni de l’intéressé, ni du PCF.]

      Votre argument ne me convainc pas. Si Stéphane Peu a obtenu l’investiture de la FI sans signer la charte, ni l’intéressé ni le PCF n’avaient intérêt à le crier sur les toits. Il est donc parfaitement vraisemblable que ni l’intéressé, ni le PCF n’aient “protesté” contre cette inexactitude.

      [L’hypothèse la plus probable est qu’étant donné que le PCF ne s’est pas effondré et possède un groupe parlementaire, il lui est plus utile d’y avoir des relais, le cas de Marie-George Buffet étant emblématique, la FI ayant assez de députés pour le sien.]

      Là encore, je ne vois pas très bien l’intérêt pour Mélenchon de permettre au PCF d’avoir un groupe – et à Chassaigne d’en être le président – alors qu’il pouvait l’empêcher.

    • morel dit :

      « Là encore, je ne vois pas très bien l’intérêt pour Mélenchon de permettre au PCF d’avoir un groupe – et à Chassaigne d’en être le président – alors qu’il pouvait l’empêcher »

      17 députés FI :
      http://www2.assemblee-nationale.fr/15/les-groupes-politiques/groupe-la-france-insoumise/(block)/42317
      (on voit bien sur les photos que les plus éminents portent la cravate et un doute pour d’autres, quelle gaminerie !).
      16 députés PCF et apparentés :
      http://www2.assemblee-nationale.fr/15/les-groupes-politiques/groupe-de-la-gauche-democrate-et-republicaine/(block)/42318
      Même en soustrayant Stéphane Peu, un groupe là aussi.

      « Il est donc parfaitement vraisemblable que ni l’intéressé, ni le PCF n’aient “protesté” contre cette inexactitude. »

      Communiqué de S.Peu 9 mai 2017 :
      http://www.reveilcommuniste.fr/2017/05/communique-de-stephane-peu-candidat-pcf-a-saint-denis-il-signera-la-charte-de-la-france-insoumise
      « Pour ce qui me concerne, je continuerai à unir et rassembler, et c’est dans cet esprit que je signerai la Charte de la France Insoumise. »
      Profession de foi :
      http://stephanepeu2017.fr/wp-content/uploads/2017/05/SP_Profession_Foi_BAT.pdf
      où l’on voit mal l’utilisation du sigle , de l’image et du texte de Mélenchon sans réaction de ce dernier.
      C’est pourquoi j’ai l’intuition raisonnée d’un calcul quelque part, JLM ayant constaté que malgré ses calculs, le PCF ne s’est pas effondré. Il m’est, bien sûr, impossible de le démontrer mais vous savez comme moi l’importance pour lui de la position constante de responsables comme Marie-George Buffet
      A suivre…

  4. luc dit :

    Vous attendez vous a de graves mesures anti-sociales dans les ordonnances,car en effet Macron est fragile?
    Oui un article qui souligne bien la forfaiture de ce monsieuce-devant,de rugy,,comme celle de nombre de macronistes.Merci encore!quelques fautes à rectifier:
    renié publiquement à sa signature(pas de à)
    François Hamon(benoit)

  5. François dit :

    Bonjour Descartes

    Je ne partage qu’en partie votre analyse. Je pense qu’il y a trahison et trahison. Dans un cas, on trahi pour sa gamelle, dans l’autre cas, on trahi pour des idéaux.
    Qu’en est-il de Manuel Valls ? Lui aussi s’était engagé à soutenir Benoît Hamon, mais après avoir refusé de faire campagne pour lui a fini par soutenir Macron dès le premier tour des présidentielles et (après une lourde humiliation certes) a reçu une pseudo-investiture LREM. Faut-il également le condamner malgré le fait que son engagement idéologique est très loin de celui porté par Benoît Hamon et que ce dernier n’avait nullement envie d’amender son programme ? On peut dans ce cas également soutenir la même chose, mais de ce que j’ai compris, Valls reste à vos yeux quelqu’un de plutôt estimable.

    Après je suis un peu étonné par la rédaction de cet article. Est-ce bien le même Descartes qui a écrit ce billet et d’autres dans lequel il explique qu’il est mauvais qu’une société veuille être dirigée par des saints et même qu’il faille faire preuve d’une certaine mansuétude pour les talents exceptionnels quand ils commentent des erreurs ?
    Car admettons qu’être président de l’AN nécessite des compétences hors du commun et que de Rugy est l’une des rares à les avoir (ce qui n’est bien entendu pas le cas), faudrait-il lui faire renoncer le perchoir au nom de son manque d’honneur ? Fallait-il que Ferrand renonce de toute façon à son poste de ministre malgré l’enrichissement qu’il a permis à sa femme même si Macron considérait qu’il avait les capacités pour ce poste ?
    Je vous trouve bien moraliste pour le coup, sachant que d’habitude vous défendez réalisme en politique.

    Bien entendu, de Rugy n’a aucune qualité morale, idéologique ou professionnelle justifiant sa trahison. Le fait le plus grave de cette législature étant à mes yeux d’avoir délibérément mis des chèvres comme députés afin d’éviter de faire de l’ombre à Macron.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je ne partage qu’en partie votre analyse. Je pense qu’il y a trahison et trahison. Dans un cas, on trahi pour sa gamelle, dans l’autre cas, on trahi pour des idéaux.]

      Justement. Je ne peux que constater que François de Rugy a eu une très, très belle gamelle. De la à conclure que cette gamelle était la motivation essentielle de sa trahison, il n’y a qu’un pas.

      [Qu’en est-il de Manuel Valls ? Lui aussi s’était engagé à soutenir Benoît Hamon, mais après avoir refusé de faire campagne pour lui a fini par soutenir Macron dès le premier tour des présidentielles et (après une lourde humiliation certes) a reçu une pseudo-investiture LREM.]

      Je pense que Manuel Valls mérite lui aussi d’être considéré comme un homme sans honneur. J’admets qu’une personne qui s’est engagé à soutenir un candidat puisse, si les gestes de ce candidat lui sont répugnants, revenir sur son engagement, tout comme je justifie le geste de ceux qui en 1940 ont décidé de violer leur serment de servir l’Etat devant les décisions déshonorantes prises par Vichy. Si de Rugy avait dit « non, compte tenu de l’orientation qu’il a choisie, je ne peux soutenir Hamon » et qu’il s’était retiré dans ses terres, j’aurais considéré ce geste comme tout à fait honorable. Ce que je ne peux accepter, c’est qu’on puisse tirer un avantage de la violation d’un serment. Et cela vaut autant pour Valls que pour de Rugy.

      [On peut dans ce cas également soutenir la même chose, mais de ce que j’ai compris, Valls reste à vos yeux quelqu’un de plutôt estimable.]

      Pas du tout. Valls ETAIT à mes yeux un homme estimable. J’ai trouvé qu’il avait été un bon Premier ministre – je parle de sa manière d’assumer la fonction, et non de ses politiques, bien entendu. Mais je trouve que, comme de Rugy, il s’est déshonoré en trahissant son engagement.

      [Après je suis un peu étonné par la rédaction de cet article. Est-ce bien le même Descartes qui a écrit ce billet et d’autres dans lequel il explique qu’il est mauvais qu’une société veuille être dirigée par des saints et même qu’il faille faire preuve d’une certaine mansuétude pour les talents exceptionnels quand ils commentent des erreurs ?]

      Eh oui, c’est le même. Mais d’une part je vois mal quels sont les « talents exceptionnels » qui justifieraient une quelconque mansuétude avec de Rugy, et d’autre part il ne s’agit pas ici d’une « erreur », mais d’une faute morale.

      [Car admettons qu’être président de l’AN nécessite des compétences hors du commun et que de Rugy est l’une des rares à les avoir (ce qui n’est bien entendu pas le cas), faudrait-il lui faire renoncer le perchoir au nom de son manque d’honneur ?]

      Peut-être pas. Mais même si ses talents exceptionnels justifiaient son maintien, il ne redeviendrait pas un homme d’honneur pour autant. Nous avons déjà eu des hommes sans honneur occupant de hautes fonctions.

      [Fallait-il que Ferrand renonce de toute façon à son poste de ministre malgré l’enrichissement qu’il a permis à sa femme même si Macron considérait qu’il avait les capacités pour ce poste ?]

      Peut-être pas. Si Macron était sorti dans une conférence de presse déclarant que Ferrand était un homme malhonnête mais indispensable au bonheur de l’Etat, je l’aurais compris. Ce qui est plus incompréhensible, c’est que ses ineffables talents soient insuffisans pour justifier son maintien comme ministre mais soient indispensables pour qu’on lui pardonne tout à la tête du groupe parlementaire…

      [Je vous trouve bien moraliste pour le coup, sachant que d’habitude vous défendez réalisme en politique.]

      Ma position est tout à fait réaliste, au contraire. Relisez le dernier paragraphe de mon article. De Rugy ne fera pas, dans la gestion quotidienne des affaires, moins bien qu’un Bartolone. Mais les symboles ont une certaine importance. Il n’y a pas de société sans contrat, et pour que le contrat existe il faut que la parole donnée ait une certaine valeur et que le reniement soit puni. Qu’une société mette à une place aussi importante symboliquement un parjure notoire me parait une illustration d’un terrible dérèglement.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      Concernant Manuel Valls, dieu sait si je n’aime pas cet homme, mais concernant sa “défection” lors des primaires socialistes, il mérite bien quelques circonstances atténuantes…
      Les partisans de Benoît Hamon, candidat à la présidentielle du PS, sont les mêmes qui ont pourri son gouvernement pendant près plus de deux ans, et qui l’ont obligé à sortir TROIS fois le 49-3!!! D’une certaine manière, les soi-disants Frondeurs d’Hamon sont des gens inconséquents car pas fichus de censurer un gouvernement dont ils ont désapprouvé la ligne politique. Dès lors, ils sont aussi sans honneur. D’ailleurs, j’en veux bien plus aux « Frondeurs » qu’à n’importe qui à gauche pour ça, car ils ont trahi leur mandat, à savoir représenter l’intérêt général…

      A dire vrai, la véritable faute de Valls, c’est de s’être présenté à des primaires perdues d’avance face à des gens sans honneur: c’est probablement à ce moment-là qu’il s’est déshonoré, car il n’avait que des mauvaises solutions, entre disparaître purement et simplement de la vie politique ou devoir son salut à un homme qui avait été son ministre du Budget et qu’il avait méprisé ouvertement…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Les partisans de Benoît Hamon, candidat à la présidentielle du PS, sont les mêmes qui ont pourri son gouvernement pendant près plus de deux ans, et qui l’ont obligé à sortir TROIS fois le 49-3!!! D’une certaine manière, les soi-disants Frondeurs d’Hamon sont des gens inconséquents car pas fichus de censurer un gouvernement dont ils ont désapprouvé la ligne politique.]

      On pourrait dire beaucoup de choses sur le manque de courage des « frondeurs ». On peut aussi souligner leur opportunisme : ils donnent de la voix à partir du moment ou Hollande tombe dans les sondages et semble conduire le PS à la catastrophe. Je me demande s’ils auraient été aussi virulents si Hollande, avec les mêmes politiques, avait eu un espoir d’être reconduit…

      [Dès lors, ils sont aussi sans honneur.]

      Je ne crois pas qu’il faille confondre les choses. La politique des « frondeurs » sent l’opportunisme et le manque de courage. Mais ils n’ont pas vraiment manqué à l’honneur…

      [A dire vrai, la véritable faute de Valls, c’est de s’être présenté à des primaires perdues d’avance face à des gens sans honneur:]

      L’erreur de Valls, c’est surtout d’entrer dans un processus qui pouvait l’obliger à soutenir un candidat qui était à l’opposé de ses propres opinions. On voit ici le caractère néfaste du processus de « primaires », dès lors qu’elles regroupent des candidats dont les programmes et la vision du monde sont radicalement opposés.

      L’erreur de Valls, c’est de ne pas avoir compris en quoi consiste la “malédiction du Premier ministre”. Le premier ministre sortant, parce qu’il est obligé d’assumer le bilan de son mandat, est toujours mal placé pour être élu. Valls aurait du soit partir dix-huit mois avant l’élection pour récupérer sa liberté d’action (et dans ce cas il aurait peut-être damé le pion à Macron…), soit se résigner à une “traversée du désert”, renoncer à se présenter en 2017 et viser 2022.

    • François dit :

      @ Descartes

      [Pas du tout. Valls ETAIT à mes yeux un homme estimable.]

      Auriez-vous changé d’avis récemment ? Voici ce que vous répondiez à CVT le lendemain de la réélection de Valls à la législature :

      [Tout à fait d’accord. Là encore, j’avoue que l’exercice de personnalisation auquel se livre la « gauche radicale » et la logique de haine qui l’accompagne me mettent très mal à l’aise. Je pense que Mélenchon commet une grave erreur lorsqu’il alimente ce dérapage – quand il n’en prend pas la tête. Valls est un adversaire, certes. Mais un adversaire honnête. On ne peut lui reprocher d’avoir fait semblant, d’avoir refusé d’assumer ses actes, d’avoir trahi ses promesses. Il n’a rien fait qui puisse être considéré comme déshonorant. Alors pourquoi tant de haine ? Pourquoi ces cris et ces bousculades à la mairie d’Evry ? Si les résultats sont contestables, il y a des juges pour ça.]

      Concernant Valls, il reste à mes yeux un homme respectable. D’une part je pense qu’il a trahi Hamon de façon totalement désintéressée, sinon il n’y aurait pas eu l’épisode de l’humiliation par Macron lors des investitures. Compte tenu du fait que Valls a été le supérieur de Macron, cela me semblait être la moindre des choses qu’il lui permette d’éviter une humiliation complète en n’investissant pas de candidat face à lui.
      Comme vous le dites, la seule chose qu’on pourrait lui reprocher est de s’être embourbé dans les primaires. Soit il les remportait et c’était bon pour lui, soit il les perdait, ce qui lui est arrivé et il avait le choix entre trahir une personne et trahir ses convictions. Je ne pense pas que dans ce cas on puisse parler de déshonneur à savoir prendre une initiative qui finalement amène à faire le choix entre deux mauvaises décisions. Ce qui n’est bien entendu pas le cas de de Rugy, car lui d’une part n’a jamais porté de réelles convictions et d’autre part a surtout bien négocié sa place

      [Ma position est tout à fait réaliste, au contraire. Relisez le dernier paragraphe de mon article.]
      Je trouve que votre conclusion diffère de ce que vous écrivez d’habitude, à savoir qu’il faut faire de la politique tels qui sont, avec leurs qualité et leur défaut et que de ce point de vue le peuple devrait faire preuve de maturité. Est-ce une conclusion de principe, à savoir que les hommes politiques doivent être propres sur eux ou une condition de circonstance, à savoir que rien parmi les qualités de de Rugy ne justifie sa présence au poste symbolique qu’est le perchoir ?

      Pour moi aussi, de Rugy est un personnage répugnant. Ceci-dit, compte tenu de la lente dégradation de la vertu publique de ces dernières décennies, sa désignation ne constitue qu’une péripétie parmi tant d’autres. À titre personnel, j’ai été beaucoup plus choqué par l’instrumentalisation qui a été faite du massacre d’Oradour-sur-Glane et de Daniel Cordier par Macron.

    • Descartes dit :

      @ François

      [« Pas du tout. Valls ETAIT à mes yeux un homme estimable ». Auriez-vous changé d’avis récemment ? Voici ce que vous répondiez à CVT le lendemain de la réélection de Valls à la législature : (…)]

      Vous avez raison de soulever l’ambigüité dans mon texte. Lorsque j’ai écrit que « Valls est un adversaire, certes. Mais un adversaire honnête. On ne peut lui reprocher d’avoir fait semblant, d’avoir refusé d’assumer ses actes, d’avoir trahi ses promesses. Il n’a rien fait qui puisse être considéré comme déshonorant. » c’était pour commenter les torrents de haine déversés par la FI à son encontre, et qui se fondent non pas sur sa « trahison » à Hamon, mais dans la manière dont il s’est comporté en tant que premier ministre. Pour clarifier mon point de vue : Valls s’est déshonoré en reniant sa signature de la « charte » de la primaire du PS. Mais dans sa gestion à Matignon, son comportement personnel a été tout à fait honorable.

      [Concernant Valls, il reste à mes yeux un homme respectable.]

      J’avoue qu’avec son ralliement à Macron, il m’a beaucoup déçu. Ne pas soutenir Hamon, du moment ou celui-ci à choisi une ligne qui était tout à fait orthogonale à celle défendue par Valls tout au long de sa carrière eut été normal. Il se serait retiré sur son Aventin en attendant que l’élection passe, et il serait sorti grandi. Mais sa danse du ventre auprès de Macron lui a retiré toute respectabilité.

      [D’une part je pense qu’il a trahi Hamon de façon totalement désintéressée, sinon il n’y aurait pas eu l’épisode de l’humiliation par Macron lors des investitures.]

      Vous allez un peu vite. Le fait que Valls ait trahi Hamon en ayant de grands espoirs n’implique nullement que Macron ait eu envie de les satisfaire… Je pense que Valls a trahi Hamon autant par intérêt que par dépit. Sa principale erreur est de ne pas avoir compris qu’après son passage à Matignon il lui fallait une traversée du désert avant de prétendre à un rôle quelconque. C’est la « malédiction de Matignon » qui veut ça…

      [Comme vous le dites, la seule chose qu’on pourrait lui reprocher est de s’être embourbé dans les primaires. Soit il les remportait et c’était bon pour lui, soit il les perdait, ce qui lui est arrivé et il avait le choix entre trahir une personne et trahir ses convictions. Je ne pense pas que dans ce cas on puisse parler de déshonneur à savoir prendre une initiative qui finalement amène à faire le choix entre deux mauvaises décisions.]

      Non. Le déshonneur vient du refus d’assumer cette erreur. Dès lors qu’il n’y avait que deux mauvaises solutions, Valls aurait du refuser de choisir, et se retirer – ne serais-ce que temporairement – de la course. Il l’aurait fait, que cela ne lui aurait rien coûte et qu’aujourd’hui il pourrait se présenter la tête haute.

      [Je trouve que votre conclusion diffère de ce que vous écrivez d’habitude, à savoir qu’il faut faire de la politique tels qui sont, avec leurs qualité et leur défaut et que de ce point de vue le peuple devrait faire preuve de maturité.]

      Et je reste toujours sur cette ligne. Si de Rugy était un homme exceptionnel, un président de l’Assemblée nationale hors normes, alors je serais tout à fait prêt à lui pardonner d’être un homme sans honneur. Mais ce n’est pas le cas. Et quand bien même ce serait, il resterait à mes yeux un homme sans honneur. Faire preuve de maturité, c’est d’accepter que certaines choses détestables sont nécessaires. Mais cela ne les fait pas moins détestables.

      [Est-ce une conclusion de principe, à savoir que les hommes politiques doivent être propres sur eux ou une condition de circonstance, à savoir que rien parmi les qualités de de Rugy ne justifie sa présence au poste symbolique qu’est le perchoir ?]

      C’est plus compliqué que cela. Oui, en principe les hommes politiques devraient être propres sur eux. Mais en pratique, cela conduirait à nous priver de talents nécessaires, parce que le talent et la proprété ne vont pas toujours ensemble. Dans ce cas, on peut faire une entorse au principe, et fermer les yeux sur certaines turpitudes eu égard aux services rendus. Mais dans le cas de de Rugy, je ne vois pas la moindre raison de faire une entorse à la règle…

      [Pour moi aussi, de Rugy est un personnage répugnant. Ceci-dit, compte tenu de la lente dégradation de la vertu publique de ces dernières décennies, sa désignation ne constitue qu’une péripétie parmi tant d’autres. À titre personnel, j’ai été beaucoup plus choqué par l’instrumentalisation qui a été faite du massacre d’Oradour-sur-Glane et de Daniel Cordier par Macron.]

      Il est vrai que si on doit citer des actes et des gens « répugnants » ces derniers temps, on n’a que l’embarras du choix. Comme disait Pompidou, une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limite…

  6. Antoine dit :

    Pardon, mais qui est ce Gannelon évoqué dans votre titre ?

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Pardon, mais qui est ce Gannelon évoqué dans votre titre ?]

      Ganelon (avec un seul “n”, désolé, c’est moi qui ai fait l’erreur) est un personnage de la “Chanson de Roland”. Dans le poème, il est l’oncle de Roland, et le trahit en le plaçant à l’arrière garde de l’armée de Charlemagne à Roncevaux, après s’être entendu avec Marsile, roi musulman de Saragosse, pour qu’il attaque précisément à l’arrière garde.

      Il existe un vrai Ganelon (ou Wenilon), archêvèque de Sens, qui a vécu bien plus tard, sous le règne de Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne. Ce Ganelon aurait trahi Charles au profit de Louis le Germanique, et aurait pu servir d’inspiration pour l’auteur de la “Chanson de Roland”…

      En tout cas, le personnage de la “Chanson” est devenu dans la littérature française l’archétype du traître.

    • Françoise dit :

      C’est aussi une légende que Roland ait été tué par des musulmans, avec la complicité d’un hypothétique et perfide Ganelon, tout au plus une historiette que les NE ex NJ racontent à leurs petits enfants le soir avant d’aller se coucher. La réalité, c’est que Charlemagne (pas seulement celui à la barbe fleurie mais aussi le polygame belliqueux et hégémonique, un “égo politique” comme dirait l’autre?), vexé de s’être fait berner à Saragosse, a pillé Pampelune sur son retour et les Basques se sont vengés sur l’arrière garde de son armée.

      En ce qui concerne la traîtrise de Rugy, Hamon n’avait pas le même programme à la primaire et à la présidentielle; à force de courtiser les afficionados de Mélenchon il s’est coupé des trois quarts de la gauche réaliste.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [C’est aussi une légende que Roland ait été tué par des musulmans, avec la complicité d’un hypothétique et perfide Ganelon, tout au plus une historiette que les NE ex NJ racontent à leurs petits enfants le soir avant d’aller se coucher.]

      J’aimerais comprendre la raison qui fait que vous êtes incapable de défendre votre point de vue sans immédiatement glisser une attaque ad hominem contre les gens qui ne le partagent pas. Est-ce si difficile pour vous de respecter les points de vue autres que le votre ?

      Le Roland de la « Chanson » est, presque par définition, un personnage légendaire. Même si l’auteur du poème s’est fondé sur des faits et personnages historiques, il s’en est très largement écarté dans son écrit, soit parce qu’il ne les connaissait pas (il écrit presque quatre siècles après les faits, alors que ceux-ci sont eux-mêmes devenus légendaires), soit parce qu’ils lui ont été mal rapportés, soit encore parce qu’il poursuivait un but de propagande qui nous est aujourd’hui inconnu.

      Et puis, si « les NE ex NJ » lisent la « Chanson » à leurs petits enfants… je trouve cela digne d’éloge plutôt que de censure. Cela me rappelle la formule attribuée au roi Jean sans Terre, qui aurait dit « Pourquoi chanter Roland s’il n’y a plus de Roland ? » Ce à quoi l’un de ses généraux aurait répondu : « Il y aurait encore des Roland s’il y avait des Charlemagne. ». Une formule d’actualité, ne trouvez-vous pas ?

      [En ce qui concerne la traîtrise de Rugy, Hamon n’avait pas le même programme à la primaire et à la présidentielle;]

      Et alors ? Je ne me souviens pas que le texte signé par de Rugy ait indiqué que l’engagement à soutenir le candidat issu de la primaire ait été conditionné au fait qu’il se présente avec le même programme. L’engagement, en fait, ne mentionne même pas le programme. Peut-être que de Rugy aurait du lire avant de signer ?

      [à force de courtiser les afficionados de Mélenchon il s’est coupé des trois quarts de la gauche réaliste.]

      Ah, la « gauche réaliste »…

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes et Françoise

      >Le Roland de la « Chanson » est, presque par définition, un personnage légendaire. Même si l’auteur du poème s’est fondé sur des faits et personnages historiques, il s’en est très largement écarté dans son écrit, soit parce qu’il ne les connaissait pas (il écrit presque quatre siècles après les faits, alors que ceux-ci sont eux-mêmes devenus légendaires), soit parce qu’ils lui ont été mal rapportés, soit encore parce qu’il poursuivait un but de propagande qui nous est aujourd’hui inconnu.< En fait, l’idée de cohérence historique du récit est une idée assez moderne. Ce que tu dis de la chanson de Roland pourrait en fait être dit de tous les récits épiques, notamment la littérature homérique (bien que nous n’ayons que peu de preuves pour réfuter son historicité) et je pense surtout aux “Mille et une Nuits”, dont le conte “principal” est en fait celui de souverains Sassanides régnant sur des villes fondées après leur fin, avec des histoires faisant référence à des évènements du treizième siècle où apparaissent des personnages du huitième siècle.
      Il faut bien comprendre que les conteurs de cette époque cherchaient à narrer “des histoires” plutôt que l’Histoire. Donc oui, dans le conte, Roland combat des “sarrasins”, il aurait aussi bien pu pourfendre des Moldaves ou faire trépasser des Lapons. L’archéologie nous dit qu’il a probablement été caillassé par des Basques, mais encore une fois, la Chanson est un texte littéraire…
      On a plein de documents qui permettent d’établir une histoire factuelle, la plupart sont des lettres de commerçants qui se plaignent et de livres de comptes, des textes de loi et des proclamations officielles, sans avoir recours à de pénibles études de textes littéraires qui sont évidemment écrits sous la commande d’un mécène, à se demander “quelle est la part de propagande” dans tel ou tel texte…
      Franchement, si la moitié de ceux qui passent leur temps à rélcamer une “histoire objective” commençaient par se refoutre les yeux en face des trous, ça me soulagerait…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Il faut bien comprendre que les conteurs de cette époque cherchaient à narrer “des histoires” plutôt que l’Histoire. Donc oui, dans le conte, Roland combat des “sarrasins”, il aurait aussi bien pu pourfendre des Moldaves ou faire trépasser des Lapons.]

      Oui. Mais à l’époque ou la « chanson » est écrite, tout le monde a oublié qui étaient les Vascons, alors que les Sarrasins restent d’actualité. Si le chroniqueur tourne le dos à l’histoire, c’est probablement pour rendre son récit plus actuel, plus compréhensible à son public.

    • Chère Françoise,

      “tout au plus une historiette que les NE ex NJ racontent à leurs petits enfants le soir avant d’aller se coucher”
      Je ne raconte rien à mes “petits enfants” dans la mesure où j’ai trente ans de moins que vous, et ma fille qui vient de naître n’est pas en âge d’entendre ce type de récit.

      Non, en ce moment, je lis “la Mégère apprivoisée” de Shakespeare. Vous devriez essayer, c’est fort intéressant…

  7. “l’indignation de tous les hommes d’honneur”
    Il n’y a plus d’honneur dans ce pays. La seule chose qui compte, c’est de “vivre sa vie” en se foutant royalement des autres. Et s’il faut écraser, piétiner, trahir pour arriver où l’on veut aller, aucun problème. Les parents n’ont plus de devoir envers leurs enfants, les élèves n’ont plus de devoir envers leurs professeurs, les élites n’ont plus de devoir envers leur pays. On en est là.

    Et c’est pourquoi dans 50 ans (ou peut-être avant) la France sera islamiste ou fasciste: parce que l’islam ou le fascisme impose des devoirs stricts envers la collectivité et prévoit des sanctions terribles pour ceux qui ne les respectent pas…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [« l’indignation de tous les hommes d’honneur ». Il n’y a plus d’honneur dans ce pays. La seule chose qui compte, c’est de “vivre sa vie” en se foutant royalement des autres. Et s’il faut écraser, piétiner, trahir pour arriver où l’on veut aller, aucun problème.]

      Pourquoi êtes-vous toujours aussi pessimiste ? Non, les choses ne sont pas si noires que ça. Je vois tous les jours des gens qui ont un haut sens de l’honneur et de la conscience professionnelle, et qui ne sont prêts à « piétiner » personne. Hier, j’ai discuté avec un ingénieur du corps des mines, sous-directeur dans un grand ministère, et qui depuis trois ans a des rapports difficiles avec son directeur parce qu’il refuse de cautionner les demandes illégales de son ministre. Il y a une semaine je discutais avec un commissaire de police qui me parlait de son métier et qui se désolait non pas sur son salaire ou sa carrière, mais sur la difficulté à servir la population.

      [Les parents n’ont plus de devoir envers leurs enfants, les élèves n’ont plus de devoir envers leurs professeurs, les élites n’ont plus de devoir envers leur pays. On en est là.]

      Oui, nos médias et nos élites – ou prétendues telles – politiques distillent une idéologie dans laquelle seul le succès individuel compte, cette idéologie si bien résumée par Jacques Séguéla lorsqu’il disait que si a cinquante ans vous n’avez pas une Rolex vous avez raté votre vie. Mais s’il ne faut pas sous-estimer la puissance de cette idéologie, il ne faut pas non plus la surestimer. Une grande partie de nos concitoyens ne se satisfont pas de cette vision. La nostalgie qu’ils ont pour des personnages qui en leur moment ont incarné la grandeur et le désintéressement montrent qu’il y a une demande, un désir d’autre chose.

      [Et c’est pourquoi dans 50 ans (ou peut-être avant) la France sera islamiste ou fasciste: parce que l’islam ou le fascisme impose des devoirs stricts envers la collectivité et prévoit des sanctions terribles pour ceux qui ne les respectent pas…]

      Toujours pensant au pire… vous me direz que je suis un indécrottable optimiste, mais je crois aux ressources du progressisme pour répondre au besoin – incontestable – d’ordre et de sens à laquelle vous faites référence. Il ne faut pas abandonner la lutte…

    • @ Descartes,

      “Pourquoi êtes-vous toujours aussi pessimiste ?”
      Il faut bien qu’un pessimiste vienne ébranler votre optimisme, non? Blague à part, oui, je l’avoue, je suis effondré du niveau de la vie politique actuelle: quand je vois Méluche & cie qui montrent leur insoumission en refusant le port de la cravate, oui, j’admets que j’ai bien envie qu’on ait une révolution, une vraie, avec des guillotines… Et je conduirais volontiers Mélenchon et Corbières à l’échafaud. Il y a de Rugy bien sûr, et je souscris à ce que vous écrivez. En fait, je commence à me dire que Hollande n’était peut-être pas le summum de la médiocrité, car il semble que le bal des minables et des opportunistes se poursuive voire s’accentue. Parce que, rétrospectivement, Valls passe pour un type honorable à côté des Rugy, Pompili, Ferrand, Solère, Philippe…

      “Hier, j’ai discuté avec un ingénieur du corps des mines, sous-directeur dans un grand ministère, et qui depuis trois ans a des rapports difficiles avec son directeur parce qu’il refuse de cautionner les demandes illégales de son ministre. Il y a une semaine je discutais avec un commissaire de police qui me parlait de son métier et qui se désolait non pas sur son salaire ou sa carrière, mais sur la difficulté à servir la population”
      Bien sûr, mais ces gens-là sont-ils montrés en exemple? Votre dernier paragraphe m’a touché: oui, nous n’avons plus de beaux exemples “médiatiques” à présenter à nos jeunes. Il n’y a plus que le rappeur flambeur, le politicard opportuniste, le voyou devenu acteur, le cupide patron de start-up. Les ingénieurs, les scientifiques, les hauts fonctionnaires sont méprisés. Et pourquoi? Parce que la catégorie sociale qui domine le champ idéologique les déteste, ils incarnent ce que les “classes moyennes” exècrent: l’Etat, la science, le progrès technique… Bref, les Lumières et la tradition française pour faire simple.

      “Toujours pensant au pire…”
      La parole politique, officielle, est verrouillée. Vous l’avez dit vous-même: avec la République en Marche, les classes moyennes décomplexées vont exercer le pouvoir sans se soucier des autres, avec leur seul intérêt comme boussole. Les autres, elles passent leur temps à les insulter, à les anathématiser, à les intimider. Les classes moyennes ne céderont rien. Il faudra leur arracher le pouvoir, par la force. Et elles n’hésiteront pas, j’en suis convaincu, à armer les musulmans, les zadistes ou les régionalistes pour combattre les nationalistes. Quand vous n’avez plus votre place dans le débat, quand les autres vous traitent de tous les noms pour vous faire taire, quand on vous fait comprendre que vous êtes l’obstacle à la création du paradis multiculturel, il ne reste qu’une chose: la violence.

      “Il ne faut pas abandonner la lutte…”
      Mais je n’abandonne pas la lutte… Simplement nous ne luttons pas tout à fait pour la même chose: vous voulez le retour à une République assimilationniste et exigeante respectueuse des droits de l’homme, moi je veux un Poutine français qui restaure l’autorité de l’Etat, protège notre civilisation et notre héritage catholique quitte à piétiner les droits de l’homme et règle leur compte aux musulmans manu militari.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Il faut bien qu’un pessimiste vienne ébranler votre optimisme, non? Blague à part, oui, je l’avoue, je suis effondré du niveau de la vie politique actuelle: quand je vois Méluche & cie qui montrent leur insoumission en refusant le port de la cravate, oui, j’admets que j’ai bien envie qu’on ait une révolution, une vraie, avec des guillotines… Et je conduirais volontiers Mélenchon et Corbières à l’échafaud.]

      Franchement, si la bêtise devait mener les gens à l’échafaud… Soyons sérieux : avec cette sortie Mélenchon et ses amis ont montré tout simplement que loin d’être de grands révolutionnaires, ce sont des grands enfants qui jouent à la révolution. Les vrais révolutionnaires n’ont jamais eu besoin d’enlever la cravate ou de mettre un uniforme pour se distinguer. La campagne anti-cravate de Mélenchon ne mérite pas la guillotine, mais la commisération.

      [Il y a de Rugy bien sûr, et je souscris à ce que vous écrivez. En fait, je commence à me dire que Hollande n’était peut-être pas le summum de la médiocrité, car il semble que le bal des minables et des opportunistes se poursuive voire s’accentue. Parce que, rétrospectivement, Valls passe pour un type honorable à côté des Rugy, Pompili, Ferrand, Solère, Philippe…]

      L’effondrement des partis politiques traditionnels a permis tout à coup à des personnalités de second plan, dont la médiocrité est bien connue, d’accéder aux premiers rôles. Et chez tous ces minables – on l’a vu avec Solère – c’est la course aux places, quitte à piétiner la tradition républicaine ou l’honneur.

      [Bien sûr, mais ces gens-là sont-ils montrés en exemple?]

      Non, et c’est très dommage.

      [Votre dernier paragraphe m’a touché: oui, nous n’avons plus de beaux exemples “médiatiques” à présenter à nos jeunes. Il n’y a plus que le rappeur flambeur, le politicard opportuniste, le voyou devenu acteur, le cupide patron de start-up. Les ingénieurs, les scientifiques, les hauts fonctionnaires sont méprisés. Et pourquoi? Parce que la catégorie sociale qui domine le champ idéologique les déteste, ils incarnent ce que les “classes moyennes” exècrent: l’Etat, la science, le progrès technique… Bref, les Lumières et la tradition française pour faire simple.]

      Oui, tout à fait. Pire, ils incarnent la sélection au mérite, et non grâce à l’héritage ou aux « réseaux ». De ce point de vue, l’adhésion de Macron au « spoil system » à l’américaine et le peu de réactions qu’elle a suscité illustrent assez bien la position de cette classe. Les hauts postes doivent être réservés non pas à ceux qui font leur carrière au mérite, mais à ceux qui ont les contacts et les réseaux pour se faire nommer.

      [La parole politique, officielle, est verrouillée. Vous l’avez dit vous-même: avec la République en Marche, les classes moyennes décomplexées vont exercer le pouvoir sans se soucier des autres, avec leur seul intérêt comme boussole. Les autres, elles passent leur temps à les insulter, à les anathématiser, à les intimider. Les classes moyennes ne céderont rien. Il faudra leur arracher le pouvoir, par la force. Et elles n’hésiteront pas, j’en suis convaincu, à armer les musulmans, les zadistes ou les régionalistes pour combattre les nationalistes.]

      Je ne le crois pas. Les classes moyennes sont pleinement conscientes qu’une guerre civile signifie leur écrasement. Le « capital immatériel » qui est le fondement de leur statut ne peut fructifier que dans un contexte de paix civile. C’est d’ailleurs pourquoi elles cèdent toujours devant le chantage communautariste, groupusculaire ou régionaliste. Parce que si quelque chose leur fait peur, c’est l’affrontement.

      Avec Macron, les « classes moyennes » accédent pour la première fois au pouvoir sans fard. Seulement voilà, la plénitude du pouvoir implique la plénitude de la responsabilité. C’est à partir de ce fait je pense qu’on peut dévoiler à notre peuple la nature néfaste de la dictature de ces couches sociales…

      [Mais je n’abandonne pas la lutte… Simplement nous ne luttons pas tout à fait pour la même chose: vous voulez le retour à une République assimilationniste et exigeante respectueuse des droits de l’homme, moi je veux un Poutine français qui restaure l’autorité de l’Etat, protège notre civilisation et notre héritage catholique quitte à piétiner les droits de l’homme et règle leur compte aux musulmans manu militari.]

      Je ne perçois pas ainsi notre désaccord. Je vous donne mon interprétation : je pense que nous coïncidons assez sur le genre de France que nous voudrions construire : une nation cohérente, un Etat fort, une élite méritocratique, une citoyenneté éduquée, le retour à l’esprit des Lumières. Nous différons par contre sur les méthodes pour y parvenir. De mon côté, je pense que nous pouvons aboutir par le biais de l’assimilation et dans le respect des droits de l’homme ; de votre côté, vous pensez qu’on ne peut faire l’économie d’une dictature.

    • BolchoKek dit :

      >Et chez tous ces minables – on l’a vu avec Solère – c’est la course aux places, quitte à piétiner la tradition républicaine ou l’honneur.< Solère a été mon député pendant la plupart de mes quelques années de militantisme au PCF, avant que je déménage ailleurs en banlieue. J’avoue que son comportement, d’après mon expérience, ne me surprend guère : il m’a toujours frappé comme un être veule, cynique et arriviste, sans aucun égard pour les faibles et lèche-bottes comme pas deux avec les forts…

    • JFA dit :

      @ Descartes

      Vous écrivîtes:
      ” Sans aucun doute. Tous deux ont laissé une œuvre, une marque personnelle. Mais « ceux qui sont à la peine ne seront pas à l’honneur » (diable, je n’arrive plus à savoir où j’ai piqué cette citation… j’étais convaincu que c’était du De Gaulle, mais Google ne la trouve pas. Et elle est trop jolie pour que je l’aie inventée moi-même. Peut-être quelqu’un peut-il m’aider ?).”

      Une recherche par le moteur Qwant m’a envoyé sur le site:
      http://www.histoire-france.net/annexes/citations

      où l’on lit:

      Jeanne d’Arc:
      Répondant à la question : “Pourquoi votre étendard fut-il plus porté en l’église de Reims, au sacre, que les étendards des autres capitaines?”

      “Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur”

      Ceci ne vaut que par recherche informatique, je ne suis sûr de rien. Je n’étais pas présent au côté de la Pucelle pendant le siège d’Orléans.

    • Descartes dit :

      @ JFA

      [Jeanne d’Arc, répondant à la question : “Pourquoi votre étendard fut-il plus porté en l’église de Reims, au sacre, que les étendards des autres capitaines?” : “Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur”]

      En effet, j’ai l’impression que ma citation n’est en fait qu’un a contrario par rapport à celle-ci. Un autre lecteur a retrouvé un usage similaire au mien dans le texte d’un intellectuel catholique de la fin du XIXème siècle, qui a probablement la même source…

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes et JFA

      >[Jeanne d’Arc, répondant à la question : “Pourquoi votre étendard fut-il plus porté en l’église de Reims, au sacre, que les étendards des autres capitaines?” : “Il avait été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur”]< J’ai le souvenir de mon grand-père, qui a vécu la période, me relatant cela comme un mot de de Gaulle à propos des communistes au gouvernement à la libération, “ils ont été à la peine, il est normal qu’ils fussent à l’honneur”…
      Mon grand-père a toutes ses dents mais peut-être pas tous ses souvenirs… Ou était-ce bel et bien de Gaulle citant Jeanne d’Arc lors d’une quelconque entrevue oubliée – auquel cas le parallèle est assez drôle…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [‘ai le souvenir de mon grand-père, qui a vécu la période, me relatant cela comme un mot de de Gaulle à propos des communistes au gouvernement à la libération, “ils ont été à la peine, il est normal qu’ils fussent à l’honneur”…]

      Quelqu’un m’avait rapporté ce mot, et c’est pourquoi j’ai été longtemps persuadé qu’il s’agissait d’une citation de De Gaulle (on ne prête qu’aux riches…). Mais il semblerait qu’elle soit beaucoup plus ancienne. De Gaulle était un connaisseur de l’épopée johannique, et il ne serait en rien étonnant qu’il ait repris la formule à son compte.

  8. Trublion dit :

    Simone Veil est morte ce jour. Mes condoléances à sa famille. Je ne suis pas un admirateur de son action politique car je goûte très peu à son européisme et elle a fait parti de l’UDF, un des partis les plus toxiques de France.

    Le mot honneur n’a plus de valeur dans 90% de la classe politique française.
    Je vous rappellerais que des Le Maire ou Bayrou ont vertement critiqué Macron pour sa rallier sans honte à lui quelque temps plus tard.

    Concernant Rugy. je pense qu’il faut voir le problème de plus haut. Le libéralisme est en danger, et sa division entre libéraux économiques et libertaires faisait peser la menace de perdre le pouvoir. Un système acculé produit des Valls, Macron ou Rugy, des personnes qui assument l’unité du libéralisme tant sur le plan économique que social. De plus le libéralisme peut se juger à ses fruits, une idéologie qui prétend régir la vie des hommes par les passions basses ne peut produire que ce type d’individus.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Simone Veil est morte ce jour. Mes condoléances à sa famille. Je ne suis pas un admirateur de son action politique car je goûte très peu à son européisme et elle a fait parti de l’UDF, un des partis les plus toxiques de France.]

      J’ajoute que je trouve très amusant la manière dont les “féministes” lui attribuent la légalisation de l’avortement. En fait, si elle a porté la loi en question à l’Assemblée, ce sont Giscard et Chirac qui ont pris la décision – et le risque – de présenter le projet de loi et d’affronter leur propre majorité.

      [Concernant Rugy. je pense qu’il faut voir le problème de plus haut. Le libéralisme est en danger, et sa division entre libéraux économiques et libertaires faisait peser la menace de perdre le pouvoir. Un système acculé produit des Valls, Macron ou Rugy, des personnes qui assument l’unité du libéralisme tant sur le plan économique que social. De plus le libéralisme peut se juger à ses fruits, une idéologie qui prétend régir la vie des hommes par les passions basses ne peut produire que ce type d’individus.]

      Il y a un peu de ça, je pense. Marx avait prévu que le capitalisme allait “noyer dans les eaux froides du calcul égoïste” l’ensemble de valeurs civiques. Un historien distingué avait remarqué il n’y a pas longtemps que le capitalisme ne pouvait fonctionner que grâce à un ensemble de valeurs qu’il n’était pas capable lui même de créer. Effectivement, si on part de l’idée que seul compte le succès individuel, alors il est clair que Macron ou de Rugy correspondent bien mieux à l’idéal de l’époque qu’un De Gaulle quittant le pouvoir alors que rien ne l’obligeait, parce qu’il estimait ne plus avoir la confiance du peuple..

    • François dit :

      Concernant Simone Veil, bien qu’ayant été une femme respectable, je trouve que les hommages qui lui sont accordés sont bien disproportionnés. On parlerait même de la Panthéoniser.
      À titre de comparaison, qui se souvient encore de qui était Marcel Paul ? Qui sait encore qui est Marcel Boiteux qui ne devrait pas tarder à passer l’arme à gauche et dont je doute fort qu’il aura mieux qu’une dépêche AFP en guise d’hommage. Et pourtant ces deux personnes par leur utilité à la France méritent bien mieux le Panthéon que Simone Veil.
      C’est ce que je trouve regrettable dans notre société. On met au pinacle des figures «morales», comme Badinter ayant eu une «cause», tandis que les techniciens qui font réellement avancer ce pays n’ont que droit à l’indifférence.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Concernant Simone Veil, bien qu’ayant été une femme respectable, je trouve que les hommages qui lui sont accordés sont bien disproportionnés. On parlerait même de la Panthéoniser.]

      Oui, c’est totalement disproportionné. Simone Veil était une personnalité intéressante, c’était une femme de tête, qui a su toujours rester digne. Mais ça ne va pas plus loin. Etre déporté parce qu’on est juif c’est un malheur, mais certainement pas un mérite. La loi sur l’avortement, c’était d’abord le projet de Giscard, qu’elle n’a fait que porter. Lucien Newirth, qui a porté son projet envers et contre tous, qui a réussi à convaincre De Gaulle – au départ farouchement opposé – et qui a défié son propre camp et sacrifié sa carrière politique dans l’affaire a beaucoup plus de mérite. Quand à son action européenne, même passionnée, on ne peut pas dire qu’elle y ait laissé sa marque. Mais bon, dans un pays où de Rugy peut présider l’Assemblée, Simone Veil mérite le Panthéon.

      [À titre de comparaison, qui se souvient encore de qui était Marcel Paul ? Qui sait encore qui est Marcel Boiteux qui ne devrait pas tarder à passer l’arme à gauche et dont je doute fort qu’il aura mieux qu’une dépêche AFP en guise d’hommage. Et pourtant ces deux personnes par leur utilité à la France méritent bien mieux le Panthéon que Simone Veil.]

      Sans aucun doute. Tous deux ont laissé une œuvre, une marque personnelle. Mais « ceux qui sont à la peine ne seront pas à l’honneur » (diable, je n’arrive plus à savoir où j’ai piqué cette citation… j’étais convaincu que c’était du De Gaulle, mais Google ne la trouve pas. Et elle est trop jolie pour que je l’aie inventée moi-même. Peut-être quelqu’un peut-il m’aider ?).

    • François dit :

      @ Descartes,

      La citation est de Charles Forbes de Montalembert. Elle est citée dans son ouvrage «Du devoir des Catholiques dans les Prochaines Élections». La voici telle que mentionnée dans l’ouvrage :

      «Ce qui importe, c’est de faire notre devoir; or notre devoir ici-bas, ce n’est pas le succès, c’est le travail et la peine. Nous savons bien que d’autres moissonneront là où nous aurons semé; {que ceux qui ont été les premiers à la peine ne seront pas les premiers à l’honneur}. Telle est la nature des luttes humaines. Dans toutes les grandes affaires de ce bas monde, il y a deux espèces d’hommes, les hommes de bataille et les hommes de transaction, les soldats qui gagnent les batailles, et les diplomates qui passent les traités, et qui reviennent chargés de décorations et d’honneurs pour voir passer les soldats aux invalides. Nous ne nous en plaignons pas; nous disons seulement que le temps des transactions n’est pas encore arrivé, que le rôle des diplomates n’est pas encore prêt. Nous leur demandons de nous laisser le temps de leur préparer une plus ample moisson, de leur faire la partie plus belle.»

      Je pense que cette citation veut dire qu’il faut accepter que d’autres récoltent le fruit de notre travail. Cela dit, je ne pense qu’il est sous-entendu qu’il faille accepter de tomber dans l’oubli, comme ça peut être les cas aujourd’hui. À l’époque ou cette citation a été rédigée, la société se faisait un devoir d’honorer les bâtisseurs comme il se doit.

      À titre personnel, je s’il fallait que je panthéonise quatre personnes, ce serait Pierre-Paul Riquet et Ferdinand de Lesseps, pour la réalisation des canaux qu’ils ont effectué et Marcel Paul avec Marcel Boiteux pour leur contribution au système électrique français. S’il y a déjà des scientifiques au panthéon, à ma connaissance il n’y a pas encore de technicien, de bâtisseurs d’œuvres matérielles au Panthéon .

      Dernière remarque concernant Simone Veil, il est drôle que ce soit une femme de la bourgeoisie, soutenue par des hommes de la bourgeoisie qui ait porté la loi de dépénalisation de l’avortement, quand Jeannette Vermeersch, femme du feu Maurice Thorez s’opposait résolument à toute forme de planning familial.

    • Descartes dit :

      @ François

      [La citation est de Charles Forbes de Montalembert. Elle est citée dans son ouvrage «Du devoir des Catholiques dans les Prochaines Élections». La voici telle que mentionnée dans l’ouvrage :]

      Un autre lecteur montre qu’une formule de ce type – mais en sens inverse – avait été utilisée par Jeanne d’Arc à son procès. J’imagine que la formule a été ensuite utilisée a contrario par pas mal d’auteurs, dont Montalembert.

      [À titre personnel, je s’il fallait que je panthéonise quatre personnes, ce serait Pierre-Paul Riquet et Ferdinand de Lesseps, pour la réalisation des canaux qu’ils ont effectué]

      J’hésite. Sans en rien diminuer leur mérite, je ne crois pas qu’il faille « panthéoniser » ceux qui ont fait leur œuvre en poursuivant un gain privé. Le monde du privé a ses récompenses. Si nos serviteurs publics ne peuvent espérer le genre de récompense matérielle que l’activité privée offre, il est juste qu’on leur réserve en échange les récompenses symboliques. Que Lesseps et Riquet aient des rues ou des stations de métro à leur nom, qu’on raconte leur épopée dans les écoles, oui. Qu’on les panthéonise, non. Le Panthéon doit être réservé à ceux qui ont servi leur pays sans espérer de récompense. Et il ne manque pas de grands constructeurs publics : outre Paul ou Boiteux, on pourrait mentionner les Guillaumat, les Pecqueur, les Dautry…

      [S’il y a déjà des scientifiques au panthéon, à ma connaissance il n’y a pas encore de technicien, de bâtisseurs d’œuvres matérielles au Panthéon.]

      Chez nous, on tend à mépriser les ingénieurs…

      [Dernière remarque concernant Simone Veil, il est drôle que ce soit une femme de la bourgeoisie, soutenue par des hommes de la bourgeoisie qui ait porté la loi de dépénalisation de l’avortement, quand Jeannette Vermeersch, femme du feu Maurice Thorez s’opposait résolument à toute forme de planning familial.]

      Ce n’est pas si étonnant que ça. Dans cette génération, la signification des enfants n’est pas la même chez les bourgeois et chez les ouvriers. Pour le bourgeois, beaucoup d’enfants, cela veut dire la dispersion de l’héritage. Pour l’ouvrier, c’est au contraire de nombreux bras qui pourront aider à le soutenir dans ses vieux jours. Ce n’est pas par hasard que l’ouvrier est appelé « prolétaire » (du latin « proles », les enfants), du fait que sa seule richesse, son seul capital est constitué par le travail de ses enfants !

      C’est d’ailleurs quelque chose qu’on constate dans beaucoup de pays : lorsque les gouvernements promeuvent des politiques de contrôle des naissances, ce sont les plus pauvres qui résistent le plus. Et on n’arrive à réduire la fécondité qu’en améliorant la protection sociale, c’est-à-dire, en réduisant la dépendance du vieux travailleur envers ses enfants.

  9. Vincent dit :

    Bonjour,

    Je vous trouve assez sévère avec F. de Rugy. C’est un ambitieux, carriériste, sans autre grande conviction que celle de devoir monter le plus haut possible… C’est probable. Mais il partage ces traits avec beaucoup d’autres, particulièrement chez EELV…

    Il a simplement mieux réussi, ou eu plus de chance que d’autres…

    Le point qui me choque réellement, et vous l’évoquez, est que personne n’y trouve rien à redire parmi les élus LREM. “Silence dans les rangs”, de même que sur l’affaire du questeur de droite. Même si ce sont des sujets annexes, cela augure mal des possibilités de divergences avec la ligne élyséenne quand les sujets seront plus sérieux (j’avoue que, mon penchant optimiste comptais, comme Mélenchon, sur la possibilité de dissidence de nouveaux élus… même mon penchant pessimiste me rappelait que les entretiens menés lors de la sélection des candidats visaient probablement à tester la souplesse de leur échine).

    Je me permets de vous poser une question totalement hors sujet.

    Macron se fait vertement critiquer dans les médias pour… ne pas être assez proche des médias : il sélectionne qui l’accompagnera en déplacement, il annule l’interview du 14 Juillet, etc. J’aimerais savoir ce que vous en pensez, y compris si c’est du bien (cela changerait…)

    Personnellement, je trouve que c’est une excellente chose, le Président n’étant pas tenu de répondre à toutes les questions tordues qu’on peut lui trouver, et qui, le plus souvent rabaissent le débat politique.
    En revanche, je suspecte que les motivations sont, au moins partiellement, moins nobles : sélectionner les journalistes pour faire en sorte que tout le monde soit le plus élogieux possible en espérant être de la prochaine sélection ???

    Vincent

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je vous trouve assez sévère avec F. de Rugy. C’est un ambitieux, carriériste, sans autre grande conviction que celle de devoir monter le plus haut possible…]

      « Carriériste », « sans autre conviction que celle de devoir monter »… et vous trouvez que c’est moi qui est sévère ? 😉

      [C’est probable. Mais il partage ces traits avec beaucoup d’autres, particulièrement chez EELV… Il a simplement mieux réussi, ou eu plus de chance que d’autres…]

      De Rugy, vous avez raison, n’est pas pire que d’autres, surtout à EELV. Mais pour moi, le problème n’est pas qu’il en existe des de Rugy. Le problème, c’est qu’un homme comme lui, sans convictions, sans honneur, puisse accéder à la présidence de l’Assemblée nationale. Si je suis sévère avec de Rugy, je le suis beaucoup plus avec ceux par la grâce de qui il a réussi à être élu.

      [(j’avoue que, mon penchant optimiste comptais, comme Mélenchon, sur la possibilité de dissidence de nouveaux élus… même mon penchant pessimiste me rappelait que les entretiens menés lors de la sélection des candidats visaient probablement à tester la souplesse de leur échine).]

      Je ne crois pas trop à cette histoire de « dissidence », non pas à cause de leur souplesse d’échine, mais à cause de leur profil sociologique. Le troupeau LREM est issu des classes moyennes. Pourquoi iraient-ils soutenir une autre politique ?

      [Macron se fait vertement critiquer dans les médias pour… ne pas être assez proche des médias : il sélectionne qui l’accompagnera en déplacement, il annule l’interview du 14 Juillet, etc. J’aimerais savoir ce que vous en pensez, y compris si c’est du bien (cela changerait…)]

      Personnellement, je trouve qu’il a parfaitement raison de ne pas se laisser imposer sa communication par les médias. Le président de la République parle quand il estime avoir quelque chose à dire. Par contre, je suis plus réservé sur l’idée qu’il choisisse les journalistes qui peuvent suivre ses déplacements, ce qui revient à confondre dangereusement l’information et la communication.

  10. Gugus69 dit :

    Le député PS Yves Blein était chargé par la fédération socialiste de l’organisation de la primaire PS dans le département du Rhône.
    Il est aujourd’hui député en Marche !
    L’abstention dans sa circonscription populaire avoisine les 70% au second tour des législatives…

  11. CVT dit :

    @Descartes,
    et encore, vous avez été assez charitable avec de Rugy, car son parcours politique de chasseur de soupe donne le tournis…
    Pensez donc qu’il y a encore un an et demi, il émargeait chez EELV, et jurait ses grands dieux qu’il ne travaillerait pas avec Hollande et Valls. Bonne pioche: il a poignardé Cécile Duflot et ses camarades écolos pour aller à la soupe et devenir ministre dans une nième mouture du gouvernement Valls… Et tout ça pour finir par le trahir lors des primaires, et enfin aller vendre son c.. chez Macron (désolé d’être grossier, mais face à une girouette de compétition pareille, c’est dur de rester insensible: il est encore plus vif que l’Opportuniste de Dutronc…).

    Tout ça pour dire quoi? Que les Français sont peuvent être parfois pire que des veaux: des chacals! Macron ayant été élu, il faut croire que, dans le fond, la majorité des Français qui ont exprimé leurs votes sont d’accord avec ce qui se passe, à savoir une confusion grandissante des pouvoirs exécutifs, législatifs, judiciaires et médiatiques; la promotion de l’inculture, de la paresse, de la prédation et de l’intrigue. Bref, le système D pour tous, négation même de l’idée de société. Et pour finir, quel plus moche symbole que de mettre arriviste fini au “Perchoir” de l’Assemblée Nationale?

    Bien des commentaires fustigent les électeurs du FN pour être des beaufs et des fachos achevé, mais depuis le 23 avril dernier, je me demande bien qui d’eux ou des 24% d’électeurs de Macron sont les plus dangereux pour le pays: pour ma part, si on n’y prend pas garde, ces derniers seront les vrais fossoyeurs d’une nation vieille de 1521 ans…
    Oui, il faudra qu’on se souvienne que les Français ont voté pour ça!!!!

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Tout ça pour dire quoi? Que les Français sont peuvent être parfois pire que des veaux: des chacals! Macron ayant été élu, il faut croire que, dans le fond, la majorité des Français qui ont exprimé leurs votes sont d’accord avec ce qui se passe, à savoir une confusion grandissante des pouvoirs exécutifs, législatifs, judiciaires et médiatiques; la promotion de l’inculture, de la paresse, de la prédation et de l’intrigue.]

      Je ne le crois pas. Je pense surtout que les français sont désorientés. Tous les hommes pour qui ils ont voté successivement ont in fine confondu les pouvoirs, « promu l’inculture, la paresse, la prédation et l’intrigue ». Les gens ont voté un peu au hasard. Vous noterez que la distribution du vote, avec cinq candidats dans un mouchoir de poche, correspond presque à ce que donnerait un tirage aléatoire…

      Jamais, dans l’histoire de la Vème République, un président et une majorité n’auront été élus avec un mandat aussi faible.

  12. Jordi dit :

    Je n’ai pas de sympathie pour Rugy, mais à sa décharge, il faut prendre acte du désastre que furent les primaires du Bar à P… (et dans une moindre mesure celle de l’UMP)

    Hamon est un tocard, qui a gagné grâce aux voix mélenchonistes contre un Valls a qui était reproché son refus de l’islamisme et sa capacité à proposer des solutions (mêmes imparfaites) pour faire réussir une ville aussi ethniquement complexe que Evry. Certes, dans les primaires de gauche les participants devaient se rallier au vainqueur. Mais cette promesse a été invalidée le soir même de l’investiture, lorsque Hamon, devant des militants chauffés à blanc, a fait siffler à 20h en direct sur toutes les chaînes le “concession speach” de Valls. On ne siffle pas les gens dont on revendique le soutien. râler après le ralliement des Vallseuses à a Macronie, c’est un peu comme le mari qui se sent trahi parce que sa femme battue le quitte.

    Vous aviez porté un regard sévère sur les primaires, et sur ce point les événements vous ont donné raison. Le principal problème rencontré étant l’infiltration de cloportes venus de la gauche fausser le vote, tantôt contre Sarkozy et tantôt pour Hamon.

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [Je n’ai pas de sympathie pour Rugy, mais à sa décharge, il faut prendre acte du désastre que furent les primaires du Bar à P… (et dans une moindre mesure celle de l’UMP)]

      Désastre parfaitement prévisible. Le vote pour choisir l’homme qui doit porter le programme élaboré par le parti a un sens. Mais un vote ou l’on choisit un homme qui est ensuite libre de choisir son programme, c’est la recette pour le désastre. Parce qu’on aboutit à cette situation où les perdants de la primaire se trouvent avoir le choix entre trahir ou défendre un programme sur lequel ils n’ont pas leur mot à dire et qui peut être totalement orthogonal à leurs convictions.

      [Hamon est un tocard, qui a gagné grâce aux voix mélenchonistes contre un Valls a qui était reproché son refus de l’islamisme et sa capacité à proposer des solutions (mêmes imparfaites) pour faire réussir une ville aussi ethniquement complexe que Evry. Certes, dans les primaires de gauche les participants devaient se rallier au vainqueur. Mais cette promesse a été invalidée le soir même de l’investiture, lorsque Hamon, devant des militants chauffés à blanc, a fait siffler à 20h en direct sur toutes les chaînes le “concession speach” de Valls.]

      Le programme d’un parti est toujours un compromis entre les différents courants. Le problème du système des « primaires », c’est qu’elle ne permet pas de construire ce compromis. Le programme est celui du vainqueur, et seulement le sien. Ce qui met les autres participants dans une situation impossible. Si Valls avait gagné, Hamon se serait trouvé exactement dans la même situation : il aurait eu le choix entre soutenir ce qu’il avait toujours combattu ou trahir sa promesse.

      C’est bien le système des primaires qui se trouve à la racine du désastre. Mais cela n’atténue en rien la gravité de la faute commise par de Rugy ou Valls. Tous deux ont assez d’expérience politique pour savoir où tout cela conduisait. Ils auraient du refuser de signer un engagement qu’ils savaient très difficile à tenir.

      [Vous aviez porté un regard sévère sur les primaires, et sur ce point les événements vous ont donné raison. Le principal problème rencontré étant l’infiltration de cloportes venus de la gauche fausser le vote, tantôt contre Sarkozy et tantôt pour Hamon.]

      Je ne crois pas que ce soit là le problème. Dès lors que le programme porté par le candidat ne résulte pas d’un compromis, il y aura toujours des gens qui se trouveront à devoir choisir entre trahir leurs convictions ou trahir leurs promesses. Pour moi, la conclusion est qu’on ne peut laisser au candidat le soin de fixer tout seul le programme. Celui-ci doit faire l’objet d’une élaboration collective, pour permettre à toutes les composantes du parti politique en question de s’y reconnaître.

  13. morel dit :

    Je crains que les Ganelon ne soient légion dans cette A.N.
    Combien se sont engagés dans la primaire, qui à droite, qui à gauche avec tout ce que cela aurait du impliquer et se sont retrouvés, en peu de temps, devant la soupe (pas populaire, celle-là).
    La presse après l’élection s’est fait un plaisir de ressortir un florilège des déclarations anti-Macron de ces mêmes personnages maintenant au premier plan de son gouvernement,
    Pour exemple, Philippe : « Le voilà qui lui aussi transgresse : il revendique son immaturité ! Le pays doit choisir le capitaine d’un paquebot affrontant la tempête, et Macron nous dit «ça tombe bien, je ne suis jamais monté sur un bateau mais j’en ai vu plein».
    J’ai l’impression d’une génération pollitique qui ne voulait pas attendre d’ « entrer dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus ». Et pas pour des raisons politiques…
    D’ailleurs, c’est l’aboutissement d’un phénomène logique où de moins en moins de choses différenciaient réellement PS et LR, c’est la dissolution de la pensée en termes d’idées ou d’idéaux qui ne laisse la place qu’à l’intérêt personnel (NB : je n’évoque pas ici l’intérêt de classe qu’ils ont tous bien en vue).
    L’avenir nous dira si le PS et LR « maintenus » seront capables de se régénérer, ça paraît mal barré mais il y a aussi l’exemple de la SFIO devenue PS ; ce serait dommage de tourner en rond…

    Bon, je me suis aventuré un peu loin alors que je voulais faire un (mauvais) jeu de mots sur Ganelon et Gamellons ! Le Pen père dont les idées sont exécrables mais qui manie bien le français parlait, lui, des « félons »,

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Je crains que les Ganelon ne soient légion dans cette A.N. Combien se sont engagés dans la primaire, qui à droite, qui à gauche avec tout ce que cela aurait du impliquer et se sont retrouvés, en peu de temps, devant la soupe (pas populaire, celle-là).]

      Cela n’a rien de surprenant. L’ancien système des partis politiques créait une solidarité réelle entre ses membres. Vous avez milité pendant des années avec des gens, vous vous êtes mis d’accord sur des procédures, vous avez élu des gens pour vous diriger. Et un jour, ce parti produit un candidat et un programme. Normal que vous vous sentiez engagé envers eux. Mais avec la logique de la primaire, tout cela disparait. Le militant a été dépossédé : il n’a pas son mot à dire dans l’élaboration du programme, pas plus que dans la désignation des candidats. Dix péquins se présentent, chacun avec SA gueule et SON programme, et ce sont des « citoyens » aux motivations imprécises qui choisissent entre eux. Pourquoi vous sentiriez-vous lié par leur choix ?

      Les primaires, c’est la négation même du parti politique comme institution. Les militants sont réduits au rôle de tenir les urnes et de compter les votes des autres. Comment dans ses conditions exiger d’eux une quelconque loyauté ?

      [La presse après l’élection s’est fait un plaisir de ressortir un florilège des déclarations anti-Macron de ces mêmes personnages maintenant au premier plan de son gouvernement,]

      Comme disait ce cher Edgar Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. La question intéressante à se poser est : lorsque ces personnages – au premier rang notre actuel premier ministre – dénonçaient le programme de Macron, croyaient-ils eux-mêmes à ce qu’ils disaient ? Ou c’était une simple affaire de tactique ? Et lorsqu’ils disent aujourd’hui le contraire, y croient-ils davantage ? Ou s’agit-il encore d’un discours de circonstance ?

      [J’ai l’impression d’une génération pollitique qui ne voulait pas attendre d’ « entrer dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus ». Et pas pour des raisons politiques…]

      Il y a certainement une part de ça. On a assisté à un « mai 68 des politiques », comme il y a cinquante ans on avait assisté à un mai 68 des universitaires.

      [D’ailleurs, c’est l’aboutissement d’un phénomène logique où de moins en moins de choses différenciaient réellement PS et LR, c’est la dissolution de la pensée en termes d’idées ou d’idéaux qui ne laisse la place qu’à l’intérêt personnel (NB : je n’évoque pas ici l’intérêt de classe qu’ils ont tous bien en vue).]

      Au niveau macro-politique, la prise totale du pouvoir par les « classes moyennes » a progressivement effacé les frontières qu’il pouvait y avoir entre un « gouvernement de gauche » et un « gouvernement de droite ». Depuis trente ans, l’habillage est différent mais sur les questions essentielles, la politique est presque identique : libéralisation de tous les secteurs, privatisation des services publics, casse de l’ascenseur social… Et sur le plan micro-politique, cela se reflète dans l’attitude des politiciens. Tous ces gens là découvrent aujourd’hui avec ravissement que dès lors qu’un gouvernement sert les intérêts des « classes moyennes », hommes « de gauche » et hommes « de droite » peuvent gouverner ensemble sans que cela provoque la moindre friction.

    • morel dit :

      « Cela n’a rien de surprenant. … quelconque loyauté ? »
      Excellente réponse qui explique bien ce à quoi nous assistons. C’est au nom d’une pseudo-démocratie d’opinion dont on sait la fragilité qu’on cherche à détruire ce qui structure, des organisations s’inscrivant dans l’histoire avec un corps de doctrine, une réflexion, une élaboration où l’on se forge en militant,
      Qu’on élise un représentant au suffrage universel, oui mais qu’on élise le responsable ou le représentant d’un parti, d’un syndicat, d’une association par le même procédé, non. Seuls ceux qui y adhèrent doivent pouvoir le faire. Non à la confusion.

      « croyaient-ils eux-mêmes à ce qu’ils disaient ? Ou c’était une simple affaire de tactique ? Et lorsqu’ils disent aujourd’hui le contraire, y croient-ils davantage ? Ou s’agit-il encore d’un discours de circonstance ? »

      Bonnes questions que devrait se poser Macron lui-même. Je crois que vous avez déjà souligné que Macron verrouillait assez, pas trop confiant ?

      « Depuis trente ans, l’habillage est différent mais sur les questions essentielles, la politique est presque identique : libéralisation de tous les secteurs, privatisation des services publics, casse de l’ascenseur social… »
      Sans compter l’européisme tellement évident qu’on finit par ne plus le mentionner.

      Quand j’examine aujourd’hui cette représentation qui porte le beau nom d’ « Assemblée Nationale », il me vient à l’esprit ce mot de Chateaubriand :« Il faut être économe de son mépris en raison du grand nombre de nécessiteux ».

    • morel dit :

      PS : au fond, n’est-il pas logique que les Ganelon élisent ‘le meilleur d’entre eux’ ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Bonnes questions que devrait se poser Macron lui-même. Je crois que vous avez déjà souligné que Macron verrouillait assez, pas trop confiant ?]

      Oui, c’était bien mon propos. Macron a beaucoup de soutiens. Mais ces soutiens ne sont pas des fidèles. Hier, ils ont mangé la soupe chez quelqu’un d’autre. Et demain, qui sait ? Sarkozy ou Hollande avaient derrière eux une organisation. Macron, lui, n’a que des individualités qui sont venues chez lui parce qu’il avait quelque chose à leur offrir. Mais que se passera-t-il quand le vent tournera ? C’est pourquoi Macron n’a d’autre choix que de verrouiller.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [PS : au fond, n’est-il pas logique que les Ganelon élisent ‘le meilleur d’entre eux’ ?]

      Bonne remarque !

  14. CVT dit :

    @Descartes,
    Simone Veil nous a quittés hier, et tout le monde lui rend hommage unanime. Effectivement, pour faire un crochet par rapport à notre sujet du jour, la stature de cette femme est une injure à des personnages comme De Rugy, ou même notre Macronléon…

    C’est d’autant plus regrettable que ce personnage considérable méritait bien mieux que d’avoir comme seul titre de gloire celui de survivante des camps de concentration nazis (désolé, le terme “Shoah” me sort par les trous du nez, il sent trop son politiquement correct). D’ailleurs, elle n’avait que rarement mis en avant cette tragédie personnelle, allant même jusqu’à approuver, au début des années 70, la censure du film “Le chagrin et la pitié” au nom de la paix sociale. Plus récemment, en 2007, elle s’était insurgée contre l’usage que le nouveau président Sarkozy prétendait faire des enfants morts pendant l’holocauste nazi, en vous les faire parrainer par des enfants des écoles primaires publiques…
    Je regretterai donc sa grande dignité sur ce sujet, et d’ailleurs, je m’interroge: pourquoi diable lui accoler cette image de victime, elle qui avait lutté toute sa vie pour sortir de sa condition de survivante? Pour ma part, Simone Veil aurait dû rester dans l’histoire pour ses actions politiques, et il y avait le choix: premier président (et non présidentE) de l’assemblée parlementaire européenne élue au suffrage direct, président du syndicat de la magistrature (et très accessoirement, première femme à être nommée à ce poste), ou encore, comme le ministre de la Santé ayant instauré de l’IVG, décision marquante s’il en est…

    Toutefois, j’ai envie de dissoner quelque peu dans ce concert d’eau tiède, car j’ai désapprouvé une grande partie de ses combats politiques, à commencer par son européisme au détriment de la France, et son centrisme, qui est un libéralisme-libertaire de fait (contradictoire avec son appartenance au peu regretté CDS, l’ancienne centrale des chrétien-démocrates déguisés en démocrates sociaux…). Evidemment, cela allait de pair un anti-gaullisme enragé, et je ne parle même de l’anti-communisme… En gros, elle seyait parfaitement à notre époque post-68, elle était la quintessence de vos chères « classes moyennes »; d’où l’émoi que suscite sa mort dans les médias français…

    Mais sur la fin de sa vie politique, je n’oublierai jamais qu’elle a probablement sauvé l’unité du pays en 2007, en refusant tout net le projet du président Sarkozy de vouloir inscrire le terme “diversité” dans notre Constitution, la vidant ainsi de sa substance par ce seul ajout: c’était très symbolique, mais cette femme avait malgré tout le sens de l’intérêt général, chose dont bien des hommes politiques de notre époque sont totalement dénués, à commencer par le vibrion qui tient nous lieu de président de la République…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Simone Veil nous a quittés hier, et tout le monde lui rend hommage unanime. Effectivement, pour faire un crochet par rapport à notre sujet du jour, la stature de cette femme est une injure à des personnages comme De Rugy, ou même notre Macronléon…]

      Certainement. Mais dans ces hommages, on commet une énorme injustice en faisant de Simone Veil celle qui aurait donné aux femmes le droit d’avorter. C’est oublier que Simone Veil n’était que ministre de la santé. Qu’il y avait à l’époque un président de la République, tout comme il y avait un Premier ministre. Et que ce sont eux qui ont décidé de faire passer cette loi. A lire certains hommages – surtout celui des « féministes de genre », incapables d’admettre que la « cause des femmes » ait pu être servie par quiconque n’est pas une femme – on a l’impression que cette fameuse « monarchie présidentielle » institué en 1958 avait pris des vacances en 1974…

      Une fois encore, on voit comment notre société s’est coupée de son histoire, comment celle-ci est réécrite par des lobbies. Le mérite de la loi de 1975 dite « loi Veil » revient au premier chef à Valéry Giscard d’Estaing, à qui on doit d’ailleurs pas mal d’autres réformes de modernisation du droit de la famille, dont le divorce par consentement mutuel. C’est Giscard qui décide d’ouvrir ce débat, au risque de fracturer sa majorité. C’est lui qui décide que le débat sur l’avortement sera porté par le ministre de la Santé, et non par le ministre de la Justice, qui était le porteur naturel du projet, pour éviter l’obstruction prévisible de la part de Lecannuet, qui occupait le poste à l’époque.

      [C’est d’autant plus regrettable que ce personnage considérable (…)]

      « Personnage considérable »… ? N’exagérons rien. Finalement, l’œuvre de Simone Veil est assez maigre. La loi qui porte son nom est une loi importante, mais son rôle s’est réduit à porter le texte devant l’assemblée. Contrairement à Lucien Newirth, qui est le véritable père de sa loi – de Gaulle était contre, et il n’a cédé qu’après un véritable siège du député gaulliste – Simone Veil n’était que l’exécutante d’une loi voulue par son président. Quant à sa présidence du Parlement européen, on ne peut pas dire qu’elle ait laissé un souvenir impérissable. C’était certainement une personnalité forte, elle a beaucoup souffert dans sa jeunesse et elle a gardé toute sa vie une grande dignité. Mais cela ne suffit pas à en faire un « personnage considérable ». Franchement, je trouve les dithyrambes autour de sa mort assez excessifs.

      [(…) méritait bien mieux que d’avoir comme seul titre de gloire celui de survivante des camps de concentration nazis (désolé, le terme “Shoah” me sort par les trous du nez, il sent trop son politiquement correct).]

      Cependant, il reste le meilleur terme pour désigner le processus en question. Le terme « holocauste » est bien pire, puisqu’il donne à la chose la connotation d’un sacrifice religieux.

      [D’ailleurs, elle n’avait que rarement mis en avant cette tragédie personnelle, allant même jusqu’à approuver, au début des années 70, la censure du film “Le chagrin et la pitié” au nom de la paix sociale. Plus récemment, en 2007, elle s’était insurgée contre l’usage que le nouveau président Sarkozy prétendait faire des enfants morts pendant l’holocauste nazi, en vous les faire parrainer par des enfants des écoles primaires publiques…]

      Je pense – et c’est peut-être là que se trouve la plus grande dignité du personnage – que Simone Veil a pensé toute sa vie que survivre à la déportation n’impliquait aucun mérite, et que la souffrance ne donne aucun droit. La manière dont elle a rapporté son expérience est dénuée de tout « victimisme ». J’ajoute que c’est en général le cas des gens qui ont vécu cette expérience. La vision « victimiste » est une création de la génération suivante, celle qui n’a pas vécu l’expérience en question, et qui se créé ainsi une épopée par procuration.

      [Toutefois, j’ai envie de dissoner quelque peu dans ce concert d’eau tiède, car j’ai désapprouvé une grande partie de ses combats politiques, à commencer par son européisme au détriment de la France,]

      J’aurais tendance à lui donner les circonstances atténuantes sur ce point. Son européisme n’était pas celui des marchands de soupe genre Monnet. C’était une sorte de « spiritualité européenne », qu’on peut comprendre au vu de l’expérience historique de sa génération. Je ne dis pas que cette conviction n’ait pas été néfaste, mais elle est au moins compréhensible et ses motivations, au-delà de ses effets, étaient pures.

    • @ Descartes,

      “Mais cela ne suffit pas à en faire un « personnage considérable ». Franchement, je trouve les dithyrambes autour de sa mort assez excessifs.”
      Content que vous l’écriviez, car je me sentais un peu seul à trouver qu’on en faisait beaucoup autour de Simone Veil. Cette dame a fait une carrière politique tout à fait honorable, et son parcours mérite le respect. Mais il n’y a rien qui mérite le Panthéon dans son oeuvre…

      Simone Veil n’était d’ailleurs pas vraiment “féministe”, et elle a déclaré que sa loi “si elle n’interdit pas, ne crée aucun droit à l’avortement”, et elle était hostile à la banalisation de l’IVG.

      Le fait qu’on porte aux nues une telle personnalité, qui finalement n’a rien fait d’extraordinaire (et ajoutons que ses thuriféraires saluent davantage ce qu’elle était – femme, survivante de la Shoah – que ce qu’elle a fait) en dit long sur notre époque.

    • BolchoKek dit :

      @nationaliste-ethniciste

      >Simone Veil n’était d’ailleurs pas vraiment “féministe”, et elle a déclaré que sa loi “si elle n’interdit pas, ne crée aucun droit à l’avortement”, et elle était hostile à la banalisation de l’IVG.< France Inter a rediffusé le “Radioscopie” de 1975 juste après sa mort… C’est une écoute que je recommande à tous, déjà parce que l’on se rend compte que vous avez parfaitement raison, et elle souligne bien que pour elle, en tant que ministre de la Santé, l’IVG doit être accompagné par l’éducation sexuelle chez les jeunes de façon répandue, afin que l’IVG ne devienne pas un moyen de contraception. Je crois même me souvenir qu’elle avait manifesté contre le mariage homosexuel, elle n’était donc clairement pas la libertaire qu’on se plait à dépeindre…
      C’est également intéressant puisque l’on redécouvre ce qui n’était guère extraordinaire alors mais le serait de nos jours : un ministre qui parle dans un français soutenu, sans tous les “éléments de langage” à la con et les “euuuh” tous les deux mots qui écorchent nos oreilles, tout en paraissant bien plus proche des gens et honnête. Et il faut ajouter qu’ayant été victime de la Shoah, elle fait preuve d’une grande pudeur sur le sujet, alors que certains iraient presque à La Haye pour un tweet insultant.
      Enfin, sur les questions des affaires gouvernementales, on voit quelqu’un qui même étant entré en politique depuis la magistrature, a une grande connaissance et un grand respect pour la bienséance et les traditions républicaines.
      C’est peut-être inconsciemment pour cela qu’on veut la panthéoniser : quand on voit la bande de guignols actuels, on se dit que c’est l’un des derniers représentants d’une espèce en disparition qui vient de s’éteindre : les politiciens respectables…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [C’est également intéressant puisque l’on redécouvre ce qui n’était guère extraordinaire alors mais le serait de nos jours : un ministre qui parle dans un français soutenu, sans tous les “éléments de langage” à la con et les “euuuh” tous les deux mots qui écorchent nos oreilles, tout en paraissant bien plus proche des gens et honnête.]

      N’est ce pas ? Oui, l’écoute des anciennes « radioscopies » est très éclairante à ce propos. Et ce n’est pas un point secondaire, une pure question d’élégance disparue au même titre que le baisemain. On se rend compte que les politiciens de cette génération pouvaient s’exprimer de cette façon parce que leur expression était issue d’une véritable réflexion personnelle fondée sur une grande culture. Ces gens là, pour le dire vite, lisaient des livres. Et du coup, ils disaient ce à quoi ils croyaient eux, et non ce qu’il était bon de croire pour plaire à l’opinion publique.

      Lorsque Simone Veil monte à la tribune de l’Assemblée, elle sait qu’elle va défendre un texte qui choque son propre camp, et que cela risque de briser net sa carrière. Elle a devant elle le précédent de Lucien Newirth, qui a payé cher la constance à défendre la légalisation de la contraception. Et ils n’étaient pas les seuls. Il est vrai qu’il y avait aussi comme aujourd’hui des politiques ignorants, corrompus et carriéristes. Ca a toujours existé. Mais à côté, il y avait quelques gens prêts à prendre de vrais risques pour faire aboutir un projet. Parce que c’était des gens qui étaient véritablement convaincus de ce qu’ils portaient, et qui faisaient leur le principe dégagé par Richelieu : « la politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire ».

      [Et il faut ajouter qu’ayant été victime de la Shoah, elle fait preuve d’une grande pudeur sur le sujet, alors que certains iraient presque à La Haye pour un tweet insultant.]

      Quand on pense que Clémentine Autain a révélé avoir été violée par son père comme élément de sa campagne électorale…

      [Enfin, sur les questions des affaires gouvernementales, on voit quelqu’un qui même étant entré en politique depuis la magistrature, a une grande connaissance et un grand respect pour la bienséance et les traditions républicaines.]

      Une sorte de « common decency » politique, aurait dit George Orwell…

      [C’est peut-être inconsciemment pour cela qu’on veut la panthéoniser : quand on voit la bande de guignols actuels, on se dit que c’est l’un des derniers représentants d’une espèce en disparition qui vient de s’éteindre : les politiciens respectables…]

      Je pense que c’est une bonne explication. On pleure d’autant plus fort une perte qu’on est incapable de remplacer ce qui a été perdu.

    • machine à café dit :

      Bonjour,

      [I]Quand on pense que Clémentine Autain a révélé avoir été violée par son père comme élément de sa campagne électorale…[/I]

      Elle a effectivement révélé avoir été violée dans un livre durant une campagne. Mais pas par son père.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9mentine_Autain#Viol_et_f.C3.A9minisme

    • @ Bolchokek,

      “les politiciens respectables..”
      Simone Veil était certes respectable, mais cela suffit-il pour mériter le Panthéon?

    • Descartes dit :

      @ machine à café

      [Elle a effectivement révélé avoir été violée dans un livre durant une campagne. Mais pas par son père.]

      Vous avez tout à fait raison. Je me suis emmêle les pinceaux. Toutes mes excuses à mes lecteurs. Cela étant dit, l’erreur factuelle ne change en rien la conclusion. Clémentine Autain a utilisé son viol pour sa propagande électorale, l’identité du violeur n’a aucune importance.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Simone Veil était certes respectable, mais cela suffit-il pour mériter le Panthéon?]

      Je crains que ce soit la conséquence de l’effet rareté…

    • BolchoKek dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      >Simone Veil était certes respectable, mais cela suffit-il pour mériter le Panthéon?< Dans l’absolu, je dirais non ; mais en tenant compte du niveau actuel, ça n’est pas surprenant. Et puis, c’est une Simone Veil très réécrite qui entre au Panthéon, presque aussi réécrite que le de Gaulle des médias bienpensants…

  15. marc.malesherbes dit :

    Bonjour,
    je ne sais si le sujet de l’école vous intéresse, mais pourriez-vous commenter la décision de dédoubler les classes de REP en primaire ?
    Vu de loin cela paraît une excellente mesure.
    Certes le SNI est contre au nom de la restriction de la mesure “plus d’un maître par classe”. A ma connaissance, cette mesure n’a jamais prouvé son efficacité, par contre il est facile de voir que c’est plus confortable pour les enseignants. Sans doute une mesure clientéliste du pouvoir PS, qui en 5 ans ne semble pas avoir améliorer l’état de l’éducation nationale, même en tendanciel.
    Vos avis sur le sujet ?
    Merci

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [je ne sais si le sujet de l’école vous intéresse, mais pourriez-vous commenter la décision de dédoubler les classes de REP en primaire ? Vu de loin cela paraît une excellente mesure.]

      L’école – et tout ce qui a trait à l’éducation et l’enseignement – m’intéresse énormément. Je ne prétends pas, loin de là, être un expert, mais puisque vous me demandez mon avis, je vous le donne. Il est évident que plus les classes sont réduites, et plus l’enseignant à des possibilités d’adapter son enseignement à ses élèves. Dans l’abstrait, tout ce qui tend à réduire le nombre d’élèves par enseignant ne peut qu’aller dans le bon sens. Après, la question est de savoir quel est le rapport qualité/coût de telle ou telle mesure. D’une manière générale, je pense qu’il faut arrêter de penser l’éducation en termes uniformes. Investir de l’argent à dédoubler une classe dans le VIIème arrondissement de Paris, avec des enfants qui reçoivent un héritage culturel considérable dans le foyer même, c’est un mauvais investissement de l’argent public. Mettre ce même montant pour dédoubler une classe en Seine-Saint-Denis ou dans le Pas-de-Calais, c’est au contraire un excellent investissement.

      Il y a aussi la question des salaires. Comme le disait un excellent pédagogue, il vaut mieux un enseignant à 3000 € par mois que deux enseignants à 1500 €. Il faut donc s’interroger aussi sur cette question : les armées les plus efficaces ne sont pas forcément les plus nombreuses, et si on arrive à attirer des personnes de qualité au métier d’enseignant on peut se permettre de garder des classes plus nombreuses pour un même résultat. Alors, s’il faut choisir entre multiplier le nombre d’enseignants ou consacrer ce même argent à attirer des gens de meilleure qualité en nombre moindre…

      [Certes le SNI est contre au nom de la restriction de la mesure “plus d’un maître par classe”.]

      Le SNI, comme son nom l’indique, est un syndicat. Son boulot, c’est de défendre les intérêts des enseignants, pas celui des élèves, et encore moins l’intérêt général. Le dispositif « plus d’un maître par classe », au-delà de son intérêt pédagogique, augmente significativement la qualité de vie des enseignants. La réaction du SNI était parfaitement prévisible.

      [A ma connaissance, cette mesure n’a jamais prouvé son efficacité,]

      Le problème, c’est que dans notre beau pays chaque ministre veut imprimer sa marque. Or, le temps de l’action n’est pas celui de la politique. Pour installer un dispositif et évaluer son efficacité, il faut entre cinq et dix ans. Aucun dispositif n’arrive à vivre suffisamment longtemps pour « prouver son efficacité ».

    • morel dit :

      Veuillez m’excuser si je précise que le SNI n’existe plus depuis 1992.
      Il a donné naissance par scission au SE-FEN devenu SE-UNSA en 2002 d’un côté et au SNUIPP de l’autre.

    • cathmic dit :

      Le dédoublement des CP me paraît une bonne mesure pour permettre à tous de démarrer une scolarité avec un bagage minimal. C’est peut-être un peu brutal : quelle dynamique de groupe s’établit à 12 ? Je préfère un groupe un peu plus gros (16 à 18), mais je n’ai enseigné qu’à des adultes ou quasi adultes.
      Le problème classique avec les réformes scolaires est de gérer la période de transition. Ici, rien ne semble être prévu. Le redoublement étant impossible, certains sont passés de classe en classe avec la promesse de soutien dans le cadre du dispositif “plus d’un maître par classe”.
      Je serais les parents d’un enfant qui finit le CP sans savoir déchiffrer ou compter, j’irais réclamer un redoublement dans un CP dédoublé au lieu de passer en CE1 sans soutien.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Investir de l’argent à dédoubler une classe dans le VIIème arrondissement de Paris, avec des enfants qui reçoivent un héritage culturel considérable dans le foyer même, c’est un mauvais investissement de l’argent public. Mettre ce même montant pour dédoubler une classe en Seine-Saint-Denis ou dans le Pas-de-Calais, c’est au contraire un excellent investissement.]

      Les “enfants qui reçoivent un héritage culturel considérable” ne vont plus dans le public… Ou alors dans le public 5 étoiles. Les rares qui y vont sont les fils de profs qui auront papa/maman pour les cours particuliers à la maison.

      Et j’ai comme un petit doute sur le fait que ça concerne autant “en Seine-Saint-Denis ou dans le Pas-de-Calais”. A mon avis, ça va être surtout “en Seine-Saint-Denis”.
      Le “petit blanc” pauvre n’a pas à être aidé. Il est là pour expier les crimes de son grand-père mineur de fond qui, c’est bien connu, était un affreux colonisateur, et ceux de ses ancêtres paysans qui, c’est encore plus connu, ont pratiqué l’esclavage.

      De toute façon, ils pourront mettre autant de moyens qu’ils veulent, ça ne changera rien à ce qui est transmis par les parents. Et si les parents n’ont que faire du comportement de leur gamin à l’école et de ses résultats scolaires…
      Quand ces parents n’encouragent pas à détester la France et tout ce qui peut la représenter, même de loin, comme l’école.

      Car bizarrement, les élèves d’origine asiatique, avec le même système d’enseignement, sont ceux qui réussissent le mieux (mieux même que les Français d’origine française).

      [Le SNI, comme son nom l’indique, est un syndicat. Son boulot, c’est de défendre les intérêts des enseignants, pas celui des élèves, et encore moins l’intérêt général.]

      Depuis des années les syndicats répètent inlassablement qu’il faut recruter des enseignants parce qu’il y a trop d’élèves par classe et là ils viennent nous raconter que baisser le nombre d’élèves par classe n’est pas forcément efficace…

      Ça a quelle utilité pour la société les syndicats d’enseignants ?

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Les “enfants qui reçoivent un héritage culturel considérable” ne vont plus dans le public… Ou alors dans le public 5 étoiles. Les rares qui y vont sont les fils de profs qui auront papa/maman pour les cours particuliers à la maison.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. Ce sont surtout les parents qui ont conscience de l’importance de l’éducation et qui n’ont pas eux-mêmes les moyens de compenser les défaillances de l’école qui envoient leurs enfants dans le privé. Les parents qui ont un fort bagage culturel trouvent souvent plus économique de compenser eux-mêmes les lacunes plutôt que de payer pour envoyer leurs enfants dans le privé.

      Je laisse bien entendu de côté le cas particulier des parents qui envoient leurs enfants dans le privé pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’enseignement : violence, discriminations, choix religieux…

      [Et j’ai comme un petit doute sur le fait que ça concerne autant “en Seine-Saint-Denis ou dans le Pas-de-Calais”. A mon avis, ça va être surtout “en Seine-Saint-Denis”. Le “petit blanc” pauvre n’a pas à être aidé. Il est là pour expier les crimes de son grand-père mineur de fond qui, c’est bien connu, était un affreux colonisateur, et ceux de ses ancêtres paysans qui, c’est encore plus connu, ont pratiqué l’esclavage.]

      Il ne faut tout de même pas exagérer le « victimisme ». Même si les difficultés du « petit blanc » sont beaucoup moins médiatisées que celles des « issus de la diversité », on ne peut pas dire que l’Education nationale les ignore. Elles sont d’ailleurs mieux prises en compte parce que les enseignants sont mieux outillés pour prendre en charge les difficultés d’apprentissage d’élèves qui partagent la culture à laquelle se réfère l’école, alors que les enfants « issus de la diversité » posent un problème d’acculturation que les enseignants sont souvent mal armés pour traiter, à supposer que ce soit leur rôle de le faire.

      [De toute façon, ils pourront mettre autant de moyens qu’ils veulent, ça ne changera rien à ce qui est transmis par les parents. Et si les parents n’ont que faire du comportement de leur gamin à l’école et de ses résultats scolaires…]

      L’école ne peut, à elle seule, corriger les travers de la société. C’est d’ailleurs la faille de ceux qui font les gorges chaudes du fait que « l’école est inégalitaire ». L’école est inégalitaire parce que la société est inégalitaire. Comment peut-on imaginer un instant que dans un environnement ou l’inégalité est présente dans l’héritage, dans le travail, dans le logement, dans les domaines les plus divers de la vie, l’école pourrait échapper miraculeusement à cette règle ?

      L’école peut être un instrument d’égalité dans une société qui veut l’égalité, comme elle peut être un instrument d’assimilation dans une société qui se fixe l’assimilation comme objectif. Mais l’école n’est pas une baguette magique, qui fera l’égalité ou l’assimilation contre la société.

      [Quand ces parents n’encouragent pas à détester la France et tout ce qui peut la représenter, même de loin, comme l’école. Car bizarrement, les élèves d’origine asiatique, avec le même système d’enseignement, sont ceux qui réussissent le mieux (mieux même que les Français d’origine française).]

      Parce que, paradoxalement, dans la communauté asiatique la pression assimilatrice vient de la communauté elle-même, un peu comme c’était le cas dans les communautés juives venues d’Europe centrale. Il existe dans ces communautés un réflexe culturel d’évitement du conflit avec la population majoritaire, qui conduit très vite à l’assimilation.

      Mais pour les communautés d’autres origines, qui n’ont pas ce reflexe, l’assimilation ne peut venir que d’une pression extérieure. Et cette pression extérieure ne peut venir que de la société dans son ensemble. L’école n’est qu’un instrument.

      [Ça a quelle utilité pour la société les syndicats d’enseignants ?]

      Son utilité, c’est d’améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants, comme n’importe quel syndicat corporatiste. Mais il ne faut pas attendre d’un syndicat qu’il défende l’intérêt général, il n’est pas fait pour ça. Par définition, une institution fondée pour la défense d’intérêts catégoriels peut contribuer à la définition de l’intérêt général, mais ne peut à elle seule défendre cet intérêt.

  16. luc dit :

    VoYEZ VOUS: ‘ AUTRE CHOSE QUE CES ÉNUMÉRATIONS DE PONCIFES ÉCULÉS’ À VERSAILLES?
    j.SAPIR PREND DE LA HAUTEUR DANS LE TEXTE ACCESSIBLE AU LIEN CI DESSOUS,N’EST CE PAS?

    Le souverainisme aujourd’hui

    • Descartes dit :

      @luc

      [j.SAPIR PREND DE LA HAUTEUR DANS LE TEXTE ACCESSIBLE AU LIEN CI DESSOUS,N’EST CE PAS?]

      Ce texte est excellent, comme c’est souvent le cas chez Sapir.

    • Marencau dit :

      Sapir continue en effet d’être très pertinent et fait partie de ces intellectuels qui pourraient sauter le pas et rejoindre un “rassemblement des républicains des deux rives”.

      Mais pour une raison que j’ignore, il perd tout esprit critique face à Mélenchon qu’il considère à 100% comme souverainiste et semble soutenir contre vents et marée…

    • Descartes dit :

      @ Marencau

      [Mais pour une raison que j’ignore, il perd tout esprit critique face à Mélenchon qu’il considère à 100% comme souverainiste et semble soutenir contre vents et marée…]

      J’avoue que j’ai beaucoup de mal à comprendre comment Sapir, à partir de ses analyses sur ce qui est constitutif du souverainisme, arrive à faire de Mélenchon, qui en trente ans de vie politique ne s’est pas un instant écarté du projet de construction d’une entité supranationale, un souverainiste. Mais peut-être est-ce l’envie de croire ?

    • François dit :

      @ Descartes et Marenceau

      Ayant eu la chance de discuter avec Jacques Sapir l’année dernière, je pense qu’il y a au fond de lui une envie de croire. Je l’ai rencontré au moment des évènements de «nuit debout» et il pensait que quelque chose de constructif allait en sortir prenant exemple sur Podemos. Après ça reste quelqu’un de réaliste, je pense qu’il n’a pas eu trop de contradicteur à ce sujet et que si l’on aborde le sujet avec lui, il réévaluerait sa position à propos de Mélenchon.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      Je vois plusieurs hypothèses possibles :

      – Sapir a rencontré personnellement Mélenchon (ce qui est par ailleurs fort probable) qui l’a convaincu de ses sincères sentiments souverainistes.

      – Sapir veut croire à la possibilité immédiate d’une aventure souverainiste de gauche, Mélenchon représentant alors le seul espoir visible en la matière (sinon, c’est le Pardem ou les derniers lambeaux du chevènementisme).

      – Sapir fait le choix tactique de ménager les mélenchonistes afin de les amener progressivement sur ses positions (choix qui me laisse dubitatif, car Mélenchon voit au mieux le souverainisme comme une question de second ordre, et son entourage semble majoritairement européiste — sans compter une bonne partie de son électorat actuel). Cela ressemblerait alors à votre optimisme méthodologique.

      Je ne pense pas que Sapir soit entièrement crédule : sa critique salée du bouquin de Généreux, et certaines remarques lors de différents articles ou émissions, montrent qu’il voit bien l’entre-deux et le manque de courage du discours actuel de la France Insoumise. Par ailleurs, il fait également preuve d’une certaine indulgence à l’égard du FN et de DLF, dont le moins qu’on puisse dire est que leur discours ces dernières semaines est décevant (j’ai l’impression que l’éthos de la droite boutiquière, frileuse et passéiste, reprend sa domination traditionnelle sur ces deux formations). Je fais donc l’hypothèse du choix tactique de ne braquer personne pour ne pas insulter l’avenir, doublé peut-être d’un espoir lié à des conversations privées.

    • Descartes dit :

      @ François

      [ Après ça reste quelqu’un de réaliste, je pense qu’il n’a pas eu trop de contradicteur à ce sujet et que si l’on aborde le sujet avec lui, il réévaluerait sa position à propos de Mélenchon.]

      Vous avez beaucoup de chance de pouvoir discuter avec Sapir. Je serais ravi de lui servir de “contradicteur”…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [- Sapir veut croire à la possibilité immédiate d’une aventure souverainiste de gauche, Mélenchon représentant alors le seul espoir visible en la matière (sinon, c’est le Pardem ou les derniers lambeaux du chevènementisme).]

      Sans trop connaître Sapir, ce serait cette option qui me semble la plus vraisemblable. Je me demande aussi si Sapir ne surestime pas le poids des circonstances, imaginant que même si Mélenchon est un europhile, le projet qu’il porte ne peut qu’entrer en collision avec les institutions supranationales et qu’il serait donc par cohérence obligé à prendre des positions souverainistes. Si le « plan A » est condamné à l’échec, tôt ou tard on ira vers le « plan B »…

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Je me demande aussi si Sapir ne surestime pas le poids des circonstances, imaginant que même si Mélenchon est un europhile, le projet qu’il porte ne peut qu’entrer en collision avec les institutions supranationales et qu’il serait donc par cohérence obligé à prendre des positions souverainistes. Si le « plan A » est condamné à l’échec, tôt ou tard on ira vers le « plan B »…

      C’est ce que d’autres imaginaient à propos de Tsipras, on a vu ce qu’il en advint. Varoufakis balayé, l’aile gauche de Syriza réduite à la dénonciation impuissante, le référendum convoqué par Tsipras lui-même renié une semaine plus tard. Le « plan A » tsiprassien vole d’échec en humiliation et aucun changement de cap n’est à l’horizon.

      Certes, Tsipras n’est pas Mélenchon (par son âge – qui implique le besoin d’assurer la suite de sa carrière – et son eurobéatitude, il ressemble plus à Hamon).

    • Antoine dit :

      @François

      > Après ça reste quelqu’un de réaliste, je pense qu’il n’a pas eu trop de contradicteur à ce sujet et que si l’on aborde le sujet avec lui, il réévaluerait sa position à propos de Mélenchon.

      Il y a un formulaire de commentaires sur le blog de Sapir et n’importe qui peut y laisser un message (qui ne sera pas publié mais qui, d’expérience, est – au moins parfois – lu par Sapir lui-même). Je ne doute pas que nombre d’adhérents de l’UPR, pour ne citer qu’eux, auront essayé de lui démontrer que les positions publiques de Mélenchon ne sont pas « souverainistes ». J’ai laissé moi-même un ou deux messages à cet effet… Bref, je suis à peu près convaincu que Sapir est au courant des arguments sur le sujet, et que son optimisme relève d’un choix informé.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [C’est ce que d’autres imaginaient à propos de Tsipras, on a vu ce qu’il en advint.]

      Au delà des différences de trajectoire entre Mélenchon et Tsipras – l’un est un gauchiste devenu franc-tireur mitterandien, l’autre un homme d’appareil formé dans la tradition communiste – les deux fonctionnent dans une logique similaire. Les deux répondent à une base sociale qui est d’abord dominée parles “classes moyennes” pour qui la sortie de l’Euro est anathème. Même si Tsipras voulait bien faire, cette contrainte ne lui laissait aucune marge de manoeuvre. Et si demain Mélenchon arrivait au pouvoir, il serait dans la même position intenable.

    • François dit :

      @ Antoine
      Il y a un besoin de croire chez Sapir, comme je l’ai dit il voyait de façon bienveillante «nuit debout». Ceci dit, quand j’ai discuté avec lui on voyait qu’il y avait un besoin d’honnêteté intellectuelle chez lui. Discuter autour d’un buffet n’est pas terrible pour ce genre de conversation, dans un cadre plus propice je pense que j’aurais réussi à infléchir sa position.

      Concernant vos commentaires, il serait intéressant de savoir l’opinion qu’il s’en fait afin de contre-argumenter. Je ne pense pas que recevoir dix fois le même type de réponse est de nature à le faire infléchir.

      @ Descartes
      J’ai pu voir Jacques Sapir quand il est venu à Lyon donner une conférence sur son livre «Démocratie, Laïcité, Souveraineté». Connaissant les organisateurs de la conférence, j’ai pu assister au buffet qui était organisé à la fin et discuter avec lui.

  17. Baruch dit :

    Chanson enfantine

    Le noble Charles, Roi des Francs,
    Avait passé monts et torrents,
    Restait l’arrière-garde
    Ayant pour chef Roland le Preux
    Voilà qu’ils se hasardent
    Au fond d’un val bien ténébreux.

    Hélas ! Le traître Ganelon
    A fait garder ce noir vallon
    Car une armée immense
    Soudain descend des pics voisins,
    La lutte à mort commence
    Aux cris stridents des Sarrasins.

    L’épée au poing, fier et sanglant,
    Il crie aussi le bon Roland
    Il court dans la bataille
    Jonchant de morts le sombre val
    Il frappe, il brise, il taille
    Partout rayonne Durandal*.

    Blessé trois fois, sire Olivier
    Dit à Roland : “Beau chevalier,
    Là-bas est Charlemagne,
    Sonnez vers lui, sonnez du cor,
    Sonnez par la montagne.”
    Le bon Roland dit : “Pas encor.”

    Enfin, percé de part en part
    Roland sonna : c’était trop tard.
    Autour de lui, dans l’ombre
    Râlaient les gens et les chevaux
    Vaincu, mais par le nombre,
    Roland mourut à Roncevaux.

    C’est le souvenir de mes premières récrés.. en CP (1952) Nous tournions dans la cour de l’école communale de filles de la ville de Paris en chantant et mimant le traitre Ganelon et Olivier qui sonnait du cor,et surtout Rolland qui disait “pas encore” ma mère en 1925 avait le même “jeu”.
    Je remarque que toute une “tradition scolaire” s’est perdue, même si mes enfants et petits enfants connaissent la chanson que nous avons chanté en promenade d’été. Cette tradition enfantine et scolaire, populaire faisait la part belle à l’histoire type image d’Epinal, mais fondait une culture populaire très partagée, ceci a disparu totalement.
    Il n’y a plus transmission, ni des “jeux de langues”, ni des “bouts rimés”, des poncifs populaires parfois même grossiers, ni du coup aussi de références historiques et littéraires qui devenaient comme “partie de nous” , nous n’avions plus à les apprendre. Quand en troisième on étudiait des “morceaux choisis” en vieux français “on connaissait l’histoire” …
    C’est une absolue déperdition, je ne parle pas du “niveau qui baisse” ici, mais d’une perte de richesse structurante et fondamentale.

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [Je remarque que toute une “tradition scolaire” s’est perdue, même si mes enfants et petits enfants connaissent la chanson que nous avons chanté en promenade d’été.]

      Pourquoi dites-vous qu’elle s’est perdue ? Vos enfants et petits-enfants l’ont reçu de vous, et je suis sur que beaucoup de parents et grands parents ont eux aussi transmis ce type de tradition à leurs petits enfants. Mais je partage un peu votre préoccupation. Si j’insiste tant sur l’importance d’une politique assimilationniste, c’est parce que je pense qu’il faut que ceux qui n’ont pas de grands parents français puissent eux aussi incorporer ces traditions, et que cela implique une transmission institutionnelle, notamment à l’école.

      La sociabilité implique des références communes. Si nous voulons préserver cette sociabilité qui est l’un des fondements de la nation, il nous faut fournir ces références à tous les petits français, quelque soit leur origine.

      [Cette tradition enfantine et scolaire, populaire faisait la part belle à l’histoire type image d’Epinal, mais fondait une culture populaire très partagée, ceci a disparu totalement.
      Il n’y a plus transmission, ni des “jeux de langues”, ni des “bouts rimés”, des poncifs populaires parfois même grossiers, ni du coup aussi de références historiques et littéraires qui devenaient comme “partie de nous”, nous n’avions plus à les apprendre.]

      Je ne suis pas persuadé que ce patrimoine ait « totalement disparu », mais il est vrai qu’il est en danger. Et que sa préservation passe par l’abandon de théories pédagogiques qui « mettent l’élève au centre », oubliant que l’élève est le produit d’une histoire. Si l’école n’est pas capable de transmettre cette histoire, les gens iront se chercher des racines ailleurs. Dans les religions, par exemple.

    • Françoise dit :

      @ Baruch
      bravo pour votre mémoire mais rassurez vous, rien ne se perd dans la transmission à l’école.
      De cet épisode historique où la vérité est rétablie, pas question de tromper les élèves;
      en revanche, sachez qu’on enseigne également la chanson de geste et la poésie française où la légende a toute sa place (cf Victor Hugo).
      Mais de grâce, ne mélangez pas légende et Histoire.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [De cet épisode historique où la vérité est rétablie, (…)]

      Encore une fois, vous nous parlez de la “vérité” comme s’il s’agissait de quelque chose d’évident. Mais de quelle “vérité” parlez-vous ? La majorité des historiens pense aujourd’hui – mais ne le pensait pas hier – que Roland a été tué par les Vascons, et non par les Sarrasins. Mais d’autres historiens continuent à penser le contraire. Comment dans ces conditions “rétablir la vérité” ?

      En histoire, il n’y a pas de “vérité”. Il y a un état des connaissances – toujours révisables. Il y a un consensus des historiens – rarement unanime. Il y a des témoignages et des documents – qu’il faut interpréter. Il existe une forme de “vérité” en physique, parce que les faits sont reproductibles, et que par conséquent chaque affirmation peut être testée à tout moment. Mais en matière historique, c’est impossible. Je ne peux pas refaire la bataille de Roncevaux pour vérifier que Roland a bien été tué par tel ou tel parti.

      La frontière entre “légende” et “histoire” n’est pas aussi étanche que vous le pensez. Certaines parties de l’histoire ne peuvent être reconstruites que grâce aux “légendes”, seuls témoignages qui nous soient parvenus…

  18. Tite dit :

    Personnellement, ce qui m’a encore plus choqué c’est l’annonce d’une révision à mi-mandat des postes de l’Assemblée. Comment saper un peu plus l’indépendance de l’institution.

    • Descartes dit :

      @ Tite

      [Personnellement, ce qui m’a encore plus choqué c’est l’annonce d’une révision à mi-mandat des postes de l’Assemblée.]

      On a surtout l’impression d’assister à un jeu de rôle. Une espèce de “jouons à l’Assemblée nationale”, et du coup c’est un peu le règne du “pourquoi pas”.

  19. Baruch dit :

    C’est tellement secondaire que j’ose à peine répondre à votre réponse, je voulais simplement signifier que si il y a une transmission à l’intérieur des familles, la tradition scolaire des “cours de récré” centrée sur l’histoire et la littérature n’existe plus . Cette acculturation par le jeu, les chants, les phrases à l’histoire: Charlemagne ici, à la littérature aussi (on jouait au CM2 aux imprécations de Camille “Rome unique objet .”..) qui elles étaient enseignées bien sûr autrement et plus tard par le maître et la maîtresse me semble ne plus exister. C’est d’autant plus dommageable que bien souvent on ne donne plus l’accès (ou on a plus donné pendant plusieurs années) l’accès aux textes. La remarque d’Antoine je crois demandant qui est Ganelon et qui par ailleurs manifeste sa culture me semble aller dans mon sens. Ce n’est en aucun cas un reproche mais le syntagme “le traitre Ganelon” n’est pas pour moi un acquis mais une formulette au même titre que “la bobinette cherra”, connue d’enfance.
    Mon père né en 1911 et qui avait quitté l’école en 1923 après le certif. racontait qu’il jouait dans la cour de récré au “béret” (passes de rugby avec les bérets dans les Landes) et à “Joseph Bara ” un garçon entouré par d’autres menaçants devait refuser de dire “vive le Roi” il devait crier “vive la République et il mourait percé de coups, il fallait endurer. Bien entendu tous les enfants apprenaient pour la distribution des prix le couplet des jeunes de la Marseillaise “De Bara de Vialla le sort nous fait envie …” c’était devenu un jeu.
    Ces jeux qui récupéraient la culture de la communale enseignée par les instituteurs et partagée par tous tant chez les filles que chez les garçons je ne la vois plus, la culture enfantine est devenue un culture de “consommation: cartes Pokémon, etc…
    Bref, je suis d’accord avec vous l’école doit enseigner pour fondre les enfants dans une culture commune, mais il n’y a pas que la parole du maître et l’enseignement à l’école,les notes, l’apprentissage, il y a le creuset des autres dans la classe, la cour de récré et là aussi circulait la culture commune et les références qui finissaient par s’incorporer au petit garçon qui parlait patois à la maison et criait “vive la République” en français dans la cour de l’école.

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [C’est tellement secondaire que j’ose à peine répondre à votre réponse, je voulais simplement signifier que si il y a une transmission à l’intérieur des familles, la tradition scolaire des “cours de récré” centrée sur l’histoire et la littérature n’existe plus.]

      Sur ce point, je suis d’accord avec vous. On a l’impression que le présent domine tout, et a écrasé le passé. Dans les cours de récréation, on parle de la dernière starlette de la télévision, du dernier film de Disney, de la dernière « marque »… le tout, c’est que ce soit le « dernier ». Les jeux, les comptines, les poèmes dont vous parlez avaient la vertu d’être intemporels. Il est fascinant de penser qu’en 1964, lorsqu’une « idole des jeunes » faisait un album, elle consacrait une chanson au « sacré Charlemagne », qui avait « eu un jour cette idée folle » dinventer l’école. Une chanson reprise partout et dont tous les français de plus de 35 ans connaissent les paroles… Imagine-t-on aujourd’hui un chanteur pour adolescents faire un album avec des chansons rappelant l’œuvre de Richelieu ou de Clovis ?

      [Mon père né en 1911 et qui avait quitté l’école en 1923 après le certif. racontait qu’il jouait dans la cour de récré au “béret” (passes de rugby avec les bérets dans les Landes) et à “Joseph Bara ” un garçon entouré par d’autres menaçants devait refuser de dire “vive le Roi” il devait crier “vive la République et il mourait percé de coups, il fallait endurer. Bien entendu tous les enfants apprenaient pour la distribution des prix le couplet des jeunes de la Marseillaise “De Bara de Vialla le sort nous fait envie …” c’était devenu un jeu.]

      Gaston Bonheur je crois raconte comment dans son village on appelait « jouer à Coligny » le fait de se suspendre à la fenêtre de l’école… oui, jusqu’aux années soixante l’école à réussi ce tour de force de rendre « vivante » cette histoire, et d’en faire un patrimoine commun. Les français « vivaient » avec Charlemagne et Richelieu, avec Bara et Viala, avec Coligny et César. Ils étaient dans les jeux, dans les chansons, dans les discours politiques. Ils faisaient partie de cette « sociabilité » à laquelle on revient en permanence dans nos échanges.

      [Ces jeux qui récupéraient la culture de la communale enseignée par les instituteurs et partagée par tous tant chez les filles que chez les garçons je ne la vois plus, la culture enfantine est devenue un culture de “consommation: cartes Pokémon, etc…]

      Oui, mais en cela rien de différent avec le monde adulte. Partout, le présent écrase le passé. De l’obsession du « renouvellement » qu’exprime en permanence notre nouveau président au besoin maniaque de changer le nom de nos grandes entreprises, le projet est celui d’une société qui ne s’intéresse qu’au présent, qui n’a aucune attache dans le passé.

      [Bref, je suis d’accord avec vous l’école doit enseigner pour fondre les enfants dans une culture commune, mais il n’y a pas que la parole du maître et l’enseignement à l’école, les notes, l’apprentissage, il y a le creuset des autres dans la classe, la cour de récré et là aussi circulait la culture commune et les références qui finissaient par s’incorporer au petit garçon qui parlait patois à la maison et criait “vive la République” en français dans la cour de l’école.]

      Tout à fait d’accord. La récré, c’est aussi un moment éducatif, que l’école de la IIIème République prenait très au sérieux, et qui a été à peu près oubliée aujourd’hui.

    • Françoise dit :

      @ Baruch et D
      Vous m’excuserez de me réjouir que vos jeux violents aient disparu (enfin.. j’espère?) de nos cours de récré;
      et le pauvre qui joue à coligny, il se fait émasculer avant ou après sa défenestration? Il devrait plutôt jouer à colin maillard…
      Je ne comprends même pas comment vous osez nous en faire part ici avec des trémolos dans la voix.
      En tout cas, j’en arrive presque à remercier Antoine qui, par son inculture, nous montre votre barbarisme; à moins que… rassurez-moi: c’était de l’humour au dernier degré?

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Vous m’excuserez de me réjouir que vos jeux violents aient disparu (enfin.. j’espère?) de nos cours de récré;]

      Je crains que vous vous fassiez beaucoup d’illusions. Non seulement ils n’ont pas disparu, mais ils sont beaucoup plus violents. Là ou hier la “violence” consistait en bousculades, avec un coup de poing ou de pied par ci par la, aujourd’hui on joue du couteau quand ce n’est pas de l’arme a feu. Et pas seulement dans la cour de récréation: dans la salle de classe aussi, et la victime est quelquefois l’enseignant…

      J’ai toujours trouvé cette idée de bannir la violence des jeux d’enfants assez idéaliste. La violence existe, elle est partie de nous. La refouler comme autrefois on refoulait le sexe n’est pas la bonne solution. Nous avons besoin de former nos enfants pour vivre dans un monde qui est violent, si nous voulons qu’ils puissent lutter efficacement contre cette violence. La solution n’est pas de bannir les “jeux violents” mais de les codifier, de les ritualiser. C’est la très grande force de l’éducation britannique d’avoir réussi à le faire. Et notre éducation, celle ou l’on jouait “à Bara” ou “à Coligny” avait aussi cette vertu.

      [et le pauvre qui joue à coligny, il se fait émasculer avant ou après sa défenestration?]

      Vous semblez avoir quelques difficultés à faire la différence entre le jeu et la réalité. Quand on joue au docteur, le patient ne meurt jamais d’une erreur médicale…

      [Il devrait plutôt jouer à colin maillard…]

      Mmhh… si je me souviens bien, ce jeu servait trop facilement de prétexte pour des attouchements à fort contenu sexuel. Trouvez autre chose.

      [Je ne comprends même pas comment vous osez nous en faire part ici avec des trémolos dans la voix.]

      Ca n’a rien d’étonnant. Pour vous, c’est simple: d’un côté il y a la Vérité, dont vous êtes seule détentrice, et de l’autre côté il y a le Mal. Ceux qui ne sont pas d’accord avec vous sont donc du côté du Mal, et il n’y a donc chez eux rien à comprendre. C’est pourquoi vous ne “comprenez même pas”…

    • Antoine dit :

      @”Françoise”

      > En tout cas, j’en arrive presque à remercier Antoine qui, par son inculture, nous montre votre barbarisme; à moins que… rassurez-moi: c’était de l’humour au dernier degré?

      J’ai du mal à comprendre ce charabia. D’abord, mon inculture sur le sujet est réelle. Ensuite, j’ai l’impression que vous confondez « barbarisme » et « barbarie ». Enfin, à supposer que « barbarie » était le mot que vous vouliez employer, votre inférence est tarabiscotée : en quoi l’inculture de l’un montre-t-il la barbarie de l’autre ?

      En tout cas, je voudrais vous retourner vos remerciements et vous remercier « presque » de nous gratifier de vos commentaires presque jamais belliqueux, presque constructifs et bien tournés. Il est même arrivé qu’ils me convainquissent presque…

    • Trublion dit :

      Françoise ne perd jamais l’occasion de se ridiculiser.
      Les jeux des enfants d’aujourd’hui restent violents. Connait-elle au moins le jeu du foulard ? Ce jeu a conduit l’école de ma famille à interdire purement et simplement le port d’écharpes.
      Connait-elle également le binge drinking chez les ados ?

    • Baruch dit :

      Désolée Françoise mais mon père que je prenais en exemple n’est pas mort “percé de coups” dans la cour de récré, un jeu c’est symbolique et il ne faut pas confondre la fiction avec le réel.
      Il n’est d’ailleurs ni mort sur la plage de Dunkerque en Juin 1940 où il se trouvait sur une plage et sous des bombes bien réelles, ni sous les bombardements en 1945 en Allemagne dans son camp libéré par les Soviétiques, il y a juste perdu un oeil , la violence là il en était victime, la subissait et il y a résisté grâce à ses camarades et à leur organisation “violente ” en un sens, La violence symbolique n’est pas la violence, le Rugby a des règles et le jeu du béret aussi, la course landaise aussi . Apprendre à résister, à reconnaître ce qui vaut le coup d’être défendu, c’est aussi un apprentissage que l’école et sa cour de récré peuvent faire. Jouer à la guerre ce n’est pas faire la guerre, ni s’y prédisposer…
      Moi, c’est votre déploration moralisante des “jeux violents” qui me choque alors que l’on discutait de tout à fait autre chose et qu’on opposait une transmission d’une culture littéraire et historique et je rajoutais linguistique, car les enfants étaient tous bilingues dans nos villages et même dans nos villes, par des voies autres que “l’apprentissage des fondamentaux” , mais qu’il existait une transmission qui se faisait par l’apport des jeux et des éléments de sociabilité .

      Permettez moi un conseil apprenez à lire car quand on lit un texte, il vaut mieux toujours se poser la question de la thèse que veut défendre celui qui l’a écrit, savoir lire demande à la fois bienveillance et désir de discussion c’est à dire comme disaient les vieux Grecs “mettre au milieu” “ton meson” l’objet de la dispute et régler le débat avec des règles de discussion dont la première est de déterminer l’objet du débat et s’entendre sur le traitement à faire subir à CE débat là, c’est cela la démocratie de la parole.
      Vouloir jouer à l’ affamé en tirant à soi un bout de gras, cela c’est l’affaire des chacals.
      Et… du remplissage éristique qui n’est en rien digne du site que notre hôte “Descartes” propose à notre libre discussion et auquel il s’astreint à répondre sérieusement quoiqu’il en pense, je crois…

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [Désolée Françoise mais mon père que je prenais en exemple n’est pas mort “percé de coups” dans la cour de récré, un jeu c’est symbolique et il ne faut pas confondre la fiction avec le réel.]

      L’un des problèmes des positions des « post-modernes », dont Françoise se fait l’écho, c’est qu’elles ont tendance à confondre le symbole et la réalité, ce qui les conduit à négliger la fonction de la symbolisation. La violence fait partie de la condition humaine. On peut même dire qu’elle est programmée en nous. Toutes les tentatives de construction d’une société paisible par le refoulement ou la répression de la violence ont échoué, quand elles ne sont restées au niveau de l’utopie, tout simplement parce qu’elles nécessitent des niveaux de contrôle et de répression sociale incompatibles avec l’idée de liberté et de séparation de la sphère privée et de la sphère publique.

      Les sociétés qui ont le mieux réussi à canaliser la violence et à établir la paix civile sont celles qui ont réussi à sublimer et à symboliser la violence. Et notamment par la codification de cette violence sous forme de jeu. Les pays on l’on pratique le rugby n’ont pas une vie sociale plus violente que les autres…

      [Apprendre à résister, à reconnaître ce qui vaut le coup d’être défendu, c’est aussi un apprentissage que l’école et sa cour de récré peuvent faire. Jouer à la guerre ce n’est pas faire la guerre, ni s’y prédisposer…]

      Tout à fait d’accord. Mais il faut être consciente qu’un courant intellectuel « post-moderne » qui nous vient des Etats-Unis défend la thèse contraire : pour chasser la violence de la réalité, il faut d’abord la chasser du champ symbolique. Ainsi, par exemple, il faut chasser les guerres de l’enseignement de l’histoire, les livres violents de la littérature, et ainsi de suite.

      Pour le reste, je vous remercie de défendre l’esprit de ce blog, qui est exactement celui que vous avez décrit. Bienveillance, intérêt pour la pensée des autres… tout est là.

    • Françoise dit :

      @ Baruch
      permettez, c’est quand même un peu fort de café: ce n’est pas moi qui ai digressé en passant de la chanson de Roland aux jeux violents de votre père jusqu’à son CV complet!
      vous pouvez, avec le pseudo D, faire votre apologie de la violence (quoique, méfiez vous car internet n’oublie rien et c’est puni par la loi) et me cataloguer comme “post moderne” (ce qui, pour le coup, me fait bien rire) mais votre sociabilité par la violence n’est une théorie plutôt séditieuse.

      @Antoine
      oui, vous avez raison, barbaritude aurait été préférable; j’étais un peu en colère en écrivant le post précédent et ne me suis pas relue correctement.

    • Descartes dit :

      @ Pseudo F

      [vous pouvez, avec le pseudo D, faire votre apologie de la violence (quoique, méfiez vous car internet n’oublie rien et c’est puni par la loi)]

      Ah bon ? Pourriez-vous m’indiquer quelle loi précisément punit « l’apologie de la violence » ? Parce que je connais des lois qui punissent l’apologie d’un crime ou d’un délit, et des lois qui punissent l’incitation à la violence. Mais aucune à ma connaissance ne punit l’apologie de la violence…

      Vous êtes donc de cette détestable espèce de personnages qui cherchent à faire peur à leurs interlocuteurs utilisant la menace légale. Certains menacent de vous faire un procès en inventant des délits imaginaires, d’autres comme vous sont plus vagues… mais tous exploitent la méconnaissance de la loi chez leur interlocuteur. Je vous ai déjà plusieurs fois surprise à ce petit jeu. Alors, sachez que c’est la dernière fois que vous le faites ici. Je ne tolérerait pas que vous menaciez les autres participants. Capisce ?

      [et me cataloguer comme “post moderne” (ce qui, pour le coup, me fait bien rire)]

      J’avais bien compris que vous êtes de ceux qui rient devant ce qu’ils ne comprennent pas.

      [mais votre sociabilité par la violence n’est une théorie plutôt séditieuse.]

      Etes vous sûre de comprendre ce que « séditieux » veut dire ?

    • Françoise dit :

      @pseudo D
      apologie avec l’intitulé que vous voulez, je m’en fiche car je ne suis pas juriste mais je sais que la loi interdit des comportements, que la morale en soit le fondement ou le “vivre ensemble”, donc je ne crois pas être plus “post moderne” que vous; et quand je dis “séditieux”, j’entends des propos qui peuvent semer le trouble ou le doute chez vos lecteurs les plus fragiles ou les plus adeptes, et les inciter à commettre des choses contraires au droit, au respect de l’intégrité physique d’un enfant.

    • Descartes dit :

      @ Pseudo F

      [apologie avec l’intitulé que vous voulez, je m’en fiche car je ne suis pas juriste]

      Si vous n’êtes pas juriste, alors abstenez-vous de prétendre enseigner aux autres ce que la loi punit,surtout sur un ton menaçant.

      [mais je sais que la loi interdit des comportements,]

      La loi interdit des comportements, mais contrairement à votre affirmation elle n’interdit nullement l’apologie de la violence.

      [que la morale en soit le fondement ou le “vivre ensemble”, donc je ne crois pas être plus “post moderne” que vous;]

      Si c’est une affaire de croyance, je n’ai rien à ajouter. Mais s’il s’agit des réalités, alors je ne peux que constater que dans vos nombreuses expressions sur ce blog, vous avez plusieurs fois exprimé des idées qui vont partie de la palette « post-moderne ».

      [et quand je dis “séditieux”, j’entends des propos qui peuvent semer le trouble ou le doute chez vos lecteurs les plus fragiles ou les plus adeptes, et les inciter à commettre des choses contraires au droit, au respect de l’intégrité physique d’un enfant.]

      Et bien, je vous recommande de consulter un bon dictionnaire, et accessoirement de ne pas utiliser des mots dont vous ne connaissez pas la signification. Parce que « séditieux », cela ne veut pas dire « qui peut semer le trouble ou le doute », et encore moins qui « incite a commettre des choses contraire au droit ». La « sédition », c’est le fait de contester l’autorité établie.

  20. Trublion dit :

    Finalement, la pantheonisation excessivement rapide de Simone Veil me convainc de la faiblesse de Macron.

    Avec ce genre de manœuvre l’institution pert de son prestige. Ce n’est pas pour rien que dans l’église catholique la canonisation et la béatification passe par un processus, des étapes…

    Macron cede à toutes les injonctions d’une foule émotive. Cela n’augure rien de bon.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Finalement, la pantheonisation excessivement rapide de Simone Veil me convainc de la faiblesse de Macron.]

      Oui, cette décision montre combien Macron est finalement esclave de l’opinion publique. On est dans la continuité de Hollande, capable de proposer la déchéance de nationalité – en rupture totale avec la tradition de la gauche – simplement parce qu’il a imaginé que l’opinion le demandait.

      [Avec ce genre de manœuvre l’institution pert de son prestige. Ce n’est pas pour rien que dans l’église catholique la canonisation et la béatification passe par un processus, des étapes…]

      Après l’incident de Mirabeau, qui avait reçu la canonisation républicaine à sa mort et qu’il avait fallu chasser du Panthéon lorsqu’on a découvert qu’il jouait double jeu avec Louis XVI, la Convention avait décidé que nul n’entrerait à l’illustre monument sans attendre au moins dix ans après sa mort. Sage précaution…

    • morel dit :

      Veuillez m’excuser si je souligne que Napoléon 1er avait déjà bien abusé de la “panthéonisation” :

      http://www.vsd.fr/actualite/simone-veil-qui-repose-au-pantheon-21780

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Veuillez m’excuser si je souligne que Napoléon 1er avait déjà bien abusé de la “panthéonisation”]

      Mais… vous avez raison de le souligner. Sauf que la signification de l’entrée au Panthéon n’était pas à l’époque tout à fait la même qu’elle n’est aujourd’hui…

  21. Trublion dit :

    Bonjour,

    un état a 4 moyens de se financer :
    La création monétaire.
    l’impôt
    l’emprunt
    les dividendes des participations de l’état au capital de certaines entreprises.

    On voit comment les libéraux comme Macron et Le Maire détruisent peu à peu à l’état en s’attaquant à trois des sources de financement.

    Instaurer la libre circulation des capitaux pour mettre les états sous pression et leur imposer des baisses d’impôts pour s’aligner sur les moins-disant.
    Priver les états de l’arme de la création monétaire en les empêchant de se financer directement auprès de leurs banques centrales respectives.
    Au nom de l’endettement excessif, vendre des actifs dans des sociétés profitables,

    En parlant de ce dernier cas de figure, l’économiste David Cayla démontre la stupidité de ces cessions d’actions.
    https://twitter.com/dav_cayla/status/882966828011708417
    Pour réaliser un investissement de 10 milliards tout en respectant les contraintes européennes, l’état préfère céder des parts dans des entreprises profitables, se privant de ressources futures : 1 milliard/an, que d’emprunter et payer 84 millions d’Euros d’intérêts.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [un état a 4 moyens de se financer :]

      Pour être précis, il s’agit de trois « voies » de financement. Mais on peut montrer qu’au delà du choix technique, il y a deux possibilités : le prélèvement sur la richesse produite dans le présent (création monétaire, impôt et dividendes) ou prélèvement sur la richesse produite dans l’avenir (emprunt).

      [On voit comment les libéraux comme Macron et Le Maire détruisent peu à peu à l’état en s’attaquant à trois des sources de financement.]

      Je n’ai pas l’impression que Macron ou Le Maire envisagent de s’attaquer à l’emprunt, au contraire… 😉

      Je crois que vous cédez un peu trop à une vision machiavélique de l’histoire. Je ne crois pas qu’on puisse dire que Macron ou Le Maire ont diaboliquement pensé à s’attaquer aux sources de financement de l’Etat pour l’affaiblir. Macron et Le Maire répondent à des intérêts, ceux du « bloc dominant » qui préfèrent choisir individuellement leurs dépenses plutôt que de le confier à une institution pour qu’il soit dépensé en fonction de choix collectifs. A partir de là, ils sont sous pression pour réduire les impôts, l’emission monétaire – qui revient à prélever une taxe sur la monnaie. Seules sont accessibles donc les sources de financement qui reportent la charge sur l’avenir : l’emprunt, qu’il faudra rembourser, et la consommation des actifs constitués dans le passé, qui revient à avancer les profits des années futures.

    • Leloup dit :

      [il y a deux possibilités : le prélèvement sur la richesse produite dans le présent (création monétaire, impôt et dividendes) ou prélèvement sur la richesse produite dans l’avenir (emprunt).]

      Je ne suis pas très à l’aise avec les notions financières.

      Comment est-il possible de prélever une richesse produite dans l’avenir? Il me semblait que les emprunts utilisaient de l’argent déjà existant, pour un ratio de solvabilité à 100%, ou utilisaient la création monétaire pour un ratio inférieur.

      Par contre je conçois qu’on peut parier que les ressources utilisées le jour J produiront plus qu’elles même à l’avenir. Sauf que dans ce cas il ne s’agirait plus d’un prélèvement mais d’un investissement qui par définition fait parti des dépenses et non des recettes.

      Si vous avez un peu de temps, je vous remercie de m’éclaircir sur ce point qui reste très flou pour moi.

    • Descartes dit :

      @ Leloup

      [Comment est-il possible de prélever une richesse produite dans l’avenir? Il me semblait que les emprunts utilisaient de l’argent déjà existant, pour un ratio de solvabilité à 100%, ou utilisaient la création monétaire pour un ratio inférieur.]

      Je ne me suis pas exprimé clairement. Le financement par l’emprunt implique qu’un jour il faudra rembourser. Pour cela, il faudra prélever le moment venu sur la richesse produite. En d’autres termes, le financement par l’emprunt implique un prélèvement sur la richesse produite à l’avenir. Non pas un prélèvement immédiat, mais un prélèvement qui aura lieu lui aussi dans le futur.

      [Par contre je conçois qu’on peut parier que les ressources utilisées le jour J produiront plus qu’elles même à l’avenir. Sauf que dans ce cas il ne s’agirait plus d’un prélèvement mais d’un investissement qui par définition fait parti des dépenses et non des recettes.]

      Bien entendu : le financement de l’investissement par l’emprunt est rationnel, parce que l’investissement fabrique les recettes futures qui permettront de rembourser. Le problème, c’est qu’on tend de plus en plus à financer le fonctionnement par l’emprunt…

    • Jordi dit :

      Il y a au moins sept autres méthodes, que vous ne citez pas :

      * la baisse des dépenses, qui est une façon très saine d’équilibrer un budget
      * les droits de douane qui, contrairement à l’impôt sont payés par les étrangers commerçant avec le pays. C’est une source assez significative de revenus, qui a ses inconvénients mais est écartée un peu trop vite parce qu’elle déplaît aux globalistes
      * l’affermage de ressources d’état : fréquences téléphoniques ou concession d’exploitation de réseau autoroutiers, par exemple, mais aussi droits miniers ou même concessions d’aéroports …. .
      * les revenus générés par certains services publics. Singapour, par exemple, se finance assez massivement par la vente de baux emphythéotiques à 99 ans sur le domaine public en général et les HLM en particulier.
      * le défaut sur la dette, une façon brutale et ponctuelle d’assainir une situation financière. La aussi, on a un choix idéologique de refuser cette option
      * les amendes, qui sont une alternative qui fait gagner de l’argent à l’état là ou la prison en coûte. Pourquoi ne pas permettre à certains condamnés de racheter des jours de prison ?
      * enfin il reste, de façon plus sombre, la confiscation de richesse. C’est à cette puante extrémité que finissent par recourir les états trop endettés

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [Il y a au moins sept autres méthodes, que vous ne citez pas :]

      Je ne prétendais pas faire une liste exhaustive, mais une typologie. Il y a en fait deux types de ressources. Ceux qui prélèvent sur une ressource existante, et ceux qui reportent le prélèvement sur une ressource future. En fait, vous pouvez classer les différentes méthodes que vous proposez sur ces deux catégories.

      [* la baisse des dépenses, qui est une façon très saine d’équilibrer un budget]

      Je ne sais pas si réduire les dépenses de santé ou d’éducation sont une façon « tres saine » d’équilibrer un budget. Mais la question était ici les sources de financement de l’Etat, et non pas la dépense.

      [* les droits de douane qui, contrairement à l’impôt sont payés par les étrangers commerçant avec le pays.]

      Non. Les droits de douane sont repercutés sur le prix des produits importés, et sont donc payés par les consommateurs.

      [* l’affermage de ressources d’état : fréquences téléphoniques ou concession d’exploitation de réseau autoroutiers, par exemple, mais aussi droits miniers ou même concessions d’aéroports]

      L’affermage est une forme d’emprunt. Au lieu d’exploiter la ressource et en toucher les bénéfices, vous obtenez une soulte instantanée en échange du droit d’exploiter. C’est un prélèvement sur une ressource future.

      [* le défaut sur la dette, une façon brutale et ponctuelle d’assainir une situation financière. La aussi, on a un choix idéologique de refuser cette option]

      Le défaut sur la dette se paye ensuite par les taux d’intérêt sur les emprunts futurs. Là encore, c’est une forme d’emprunt.

      [* les amendes, qui sont une alternative qui fait gagner de l’argent à l’état là ou la prison en coûte. Pourquoi ne pas permettre à certains condamnés de racheter des jours de prison ?]

      Pourquoi pas, en effet. Mais ce que vous proposez, c’est un prélèvement sur la richesse produite (si le condamné paye avec ses deniers) ou future (si le condamné se trouve obligé d’emprunter).

  22. luc dit :

    Merci,cher Descartes pour la qualité de votre blog.C’est toujours avec la tranquillité nécessaire aux échanges respectueux que vous animez ce blog.Bravo pour votre talent!
    Voici un texte assez délirant:
    https://pro.lettre-strategie-conseil.com/p/LSC03/PLSCT605/?h=true
    Beaucoup de réflexions me sont venues à la lecture de cet article.Tous nos raisonnements à la Jacques Sapir,ne sont ils pas une série de certitudes détachés de la réalité concrète?
    Autrement dit ,nos convictions souverainistes chevillées au corps,selon lesquelles la sortie de l’Euro est nécessaire ne relèvent telles pas de certitudes non scientifiques,autrement dit de fantasmes?Popper ne nous a til pas appris que toute certitude scientifique doit se présenter comme réfutable?Notre conviction de la nécessité de sortie de l’euro relève t elle du scientifique?
    ne relève t elle pas du catstrophisme à l’instar du texte au lien ci dessus?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Voici un texte assez délirant (…):]

      Absolument pas « délirant ». L’objectif est clair : jouer sur la peur des gens pour leur vendre un abonnement à une « lettre » et leur vendre des bouquins. C’est vieux comme le monde…

      [Beaucoup de réflexions me sont venues à la lecture de cet article.Tous nos raisonnements à la Jacques Sapir,ne sont ils pas une série de certitudes détachés de la réalité concrète?
      Autrement dit, nos convictions souverainistes chevillées au corps,selon lesquelles la sortie de l’Euro est nécessaire ne relèvent telles pas de certitudes non scientifiques,autrement dit de fantasmes? Popper ne nous a til pas appris que toute certitude scientifique doit se présenter comme réfutable?]

      Tout à fait. Et c’est pourquoi pour Popper l’Histoire – et donc la politique – n’est pas une science. Nos convictions souverainistes ont beau être RATIONNELLES – c’est-à-dire, construites sur le fondement d’un raisonnement rationnel – elles ne sont pas pour autant SCIENTIFIQUES ;

      [Notre conviction de la nécessité de sortie de l’euro relève t elle du scientifique?]

      Non. Aucune conviction politique ne relève du « scientifique ».

      [ne relève t elle pas du catastrophisme à l’instar du texte au lien ci dessus?]

      Non. Le souverainisme n’a jamais joué sur la peur.

    • Jean-François dit :

      [[Notre conviction de la nécessité de sortie de l’euro relève t elle du scientifique?]

      Non. Aucune conviction politique ne relève du « scientifique ».]

      En l’occurrence, il ne me semble pas qu’il s’agisse de conviction politique. D’un point de vue macro-économique, l’euro, c’est-à-dire le libre échange associé à une monnaie commune, est de toutes façons intenable et est voué à l’effondrement. Et s’il est voué à l’effondrement, mieux vaut sortir avant qu’il ne s’effondre.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [« Notre conviction de la nécessité de sortie de l’euro relève t elle du scientifique? » « Non. Aucune conviction politique ne relève du « scientifique ». En l’occurrence, il ne me semble pas qu’il s’agisse de conviction politique.]

      Oui, il s’agit d’une « conviction politique ». La science économique – à supposer quelle dispose des outils nécessaires – peut tout au plus décrire le « monde » ou l’on est sortis de l’Euro, et le « monde » tel qu’il serait si on ne sort pas. Mais le choix entre ces deux « mondes » dépend de vos convictions politiques, c’est-à-dire, de l’idée que vous vous faites du « bien » que la politique est censée poursuivre. Il y a des gens pour lesquels « le monde avec euro » est nettement plus avantageux que « le monde sans euro », et d’autres, à mon avis beaucoup plus nombreux, pour qui c’est l’inverse. Ce sont vos choix politiques qui vous dictent lequel de ces intérêts doit avoir la prééminence.

      Je crois que la question que vous posez est une question de fond : la science n’a qu’un seul but, qui est de décrire le réel sous une forme systématique. La science peut nous dire quelles seraient les conséquences de nos choix, mais elle ne nous dit pas quelle voie il faudrait choisir. Ce n’est pas la science qui a dit qu’il fallait développer le nucléaire en France. La science a dit qu’on pouvait faire des réacteurs sûrs, fiables et économiques. Ensuite, c’est au politique de choisir, et s’il veut choisir en suivant d’autres critères, c’est son droit. L’erreur « scientiste » n’est pas de faire confiance à la science dans son domaine, mais d’imaginer que la science peut être mise au service d’une politique donnée. L’erreur obscurantiste, qui lui est symétrique, est de penser qu’à l’heure du choix, on peut ignorer la description scientifique en lui substituant une vision idéologique, comme si la réalité se pliait à l’idée, et non l’inverse.

      [D’un point de vue macro-économique, l’euro, c’est-à-dire le libre échange associé à une monnaie commune, est de toutes façons intenable et est voué à l’effondrement. Et s’il est voué à l’effondrement, mieux vaut sortir avant qu’il ne s’effondre.]

      Ca dépend pour qui. Des gens avisés peuvent faire des fortunes en spéculant sur un effondrement. Et puis, comme disait Keynes, à long terme on est tous morts. Les « classes moyennes » qui profitent à fond de l’Euro n’ont qu’une devise : « pourvu que ça dure ». Quand cela s’effondrera, on sera peut-être ailleurs…

    • Jean-François dit :

      En général je suis d’accord avec la première partie de votre propos : la science n’est qu’une sorte d’outil qui permet de mettre à l’épreuve la fiabilité d’informations, et nous avons la possibilité de l’utiliser au moment de faire un choix.

      [Ca dépend pour qui. Des gens avisés peuvent faire des fortunes en spéculant sur un effondrement. Et puis, comme disait Keynes, à long terme on est tous morts. Les « classes moyennes » qui profitent à fond de l’Euro n’ont qu’une devise : « pourvu que ça dure ». Quand cela s’effondrera, on sera peut-être ailleurs…]

      Je ne crois pas que l’on puisse parler de conviction politique dans ce cas, cela reviendrait à appeler “conviction politique” quelque chose qui ne correspond pas à la vie collective mais à des intérêts personnels ou de classe. Dit autrement, je n’imagine pas ces personnes croire sincèrement que du point de vue de l’intérêt général, un effondrement serait préférable à une sortie préparée.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Je ne crois pas que l’on puisse parler de conviction politique dans ce cas, cela reviendrait à appeler “conviction politique” quelque chose qui ne correspond pas à la vie collective mais à des intérêts personnels ou de classe.]

      Malheureusement, la plupart des « convictions politiques » sont guidées par la défense d’un intérêt personnel, de groupe ou de classe…

      [Dit autrement, je n’imagine pas ces personnes croire sincèrement que du point de vue de l’intérêt général, un effondrement serait préférable à une sortie préparée.]

      Parce que vous sous-estimez l’importance de l’idéologie, c’est-à-dire, du cadre qui permet aux gens de « croire sincèrement » qu’ils défendent l’intérêt général quand en pratique ils défendent leur intérêt particulier. Ne croyez pas que les bourgeois soient cyniques lorsqu’ils défendent le néolibéralisme. La plupart croient très sincèrement que la mise en œuvre des politiques néolibérales amènera à terme le bonheur pour tous, et non seulement celui de leur groupe social. C’est là la fonction de l’idéologie : justifier l’intérêt particulier en le déguisant en intérêt général…

    • Jean-François dit :

      Je crois aussi que les intérêts personnel et de classe guident la conviction politique, mais je pense que ce n’est pas ce dont on parle ici. Quelqu’un qui souhaite l’effondrement de l’euro plutôt qu’une sortie préparée soit parce qu’il peut en tirer un profit personnel en spéculant sur un effondrement, soit parce qu’il pense que cela se produira après sa mort, ne peut penser que cela peut aussi correspondre à l’intérêt général. Ou alors il aurait l’esprit vraiment particulièrement tordu…

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Quelqu’un qui souhaite l’effondrement de l’euro plutôt qu’une sortie préparée soit parce qu’il peut en tirer un profit personnel en spéculant sur un effondrement, soit parce qu’il pense que cela se produira après sa mort, ne peut penser que cela peut aussi correspondre à l’intérêt général.]

      Bien sur que si. Il y a des gens qui vous expliqueront que l’effondrement, s’il arrive, fera partie de la « destruction créative » et qu’il laissera la place à quelque chose de mieux. Mais l’idéologie travaille souvent dans des voies plus complexes. Celui qui « pense » que l’effondrement se produira après sa mort ne formalise pas cette pensée. Au contraire, il construit une idéologie qui nie que cet effondrement soit possible. Il vous expliquera au contraire que l’Euro est là pour toujours, et il ne remettra pas en cause cette croyance parce que celle-ci sert ses intérêts… au moins aussi longtemps que l’effondrement est suffisamment loin dans le temps.

    • Jean-François dit :

      OK, je peux l’imaginer pour le spéculateur. Beaucoup de monde croit en effet qu’il faut “tout casser” et que ce sera mieux après. Mais pour celui qui pense que l’effondrement aura lieu après sa mort, je crois que c’est une autre catégorie : la science nous dit clairement que l’euro n’est pas là pour toujours. Remettre en question cela c’est un peu comme remettre en question qu’on finit par toucher le sol quand on saute du haut d’un immeuble. Je ne qualifierais pas cela de conviction, plutôt de manque de temps pour lire un manuel d’économie, de paresse, d’égoïsme ou encore de névrose.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Mais pour celui qui pense que l’effondrement aura lieu après sa mort, je crois que c’est une autre catégorie : la science nous dit clairement que l’euro n’est pas là pour toujours. Remettre en question cela c’est un peu comme remettre en question qu’on finit par toucher le sol quand on saute du haut d’un immeuble.]

      Et bien, vous seriez étonné de la capacité de l’homme à croire les choses les plus absurdes lorsque son intérêt le pousse à le faire. Votre exemple est de ce point de vue mauvais : personne n’a vraiment intérêt à croire qu’on peut sauter du haut d’un immeuble sans toucher le sol. Mais prenez par exemple l’école : regardez le nombre de théories pédagogiques plus absurdes les unes que les autres et qui pourtant sont devenues parole d’évangile parce qu’elles permettaient aux « classes moyennes » de détruire l’ascenseur social. Cela fait bientôt un demi-siècle que ces théories ont droit de cité, et leurs effets sont partout visibles… et pourtant elles continuent à susciter une adhésion sans faille. Il y a quelques années nos chers intellectuels ont célébré l’anniversaire de la naissance d’Ivan Illitch avec une réédition de ses œuvres…

      [Je ne qualifierais pas cela de conviction, plutôt de manque de temps pour lire un manuel d’économie, de paresse, d’égoïsme ou encore de névrose.]

      Vous négligez la puissance de l’envie de croire, surtout quand il s’agit de croire des théories qui justifient nos actions.

    • Un Belge dit :

      @Descartes

      [Mais prenez par exemple l’école : regardez le nombre de théories pédagogiques plus absurdes les unes que les autres et qui pourtant sont devenues parole d’évangile parce qu’elles permettaient aux « classes moyennes » de détruire l’ascenseur social. Cela fait bientôt un demi-siècle que ces théories ont droit de cité, et leurs effets sont partout visibles… et pourtant elles continuent à susciter une adhésion sans faille. Il y a quelques années nos chers intellectuels ont célébré l’anniversaire de la naissance d’Ivan Illitch avec une réédition de ses œuvres…]

      J’ai du mal à concevoir le mécanisme psychologique sous-jacent. Supposons que je sois un quidam des classes moyennes, pas militant pour un sou, à tendance gauchiste. Si on admet que je soutiens le pédagogisme par intérêt de classe, quel est le mécanisme qui me permet (inconsciemment ?) de réaliser que le pédagogisme détruit l’ascenseur social ? Si on exclut le cynisme, je ne vois pas d’autre solution qu’une observation empirique (“Tiens, depuis qu’on applique des théories débiles à l’école, mes enfants ont moins de concurrence dans leurs études”), et dans ce contexte elle me parait impossible, vu la complexité et l’inertie des systèmes éducatifs.

      J’imagine qu’il y a des mécanismes collectifs (tous mes amis, principalement issu de mon milieu social, sont soit pro-pédagogisme soit profondément indifférents à la question, et du coup, sans réfléchir, je suis conforté dans mon opinion), mais il y a un paradoxe de l’oeuf et de la poule : si tous mes amis sont pédagogistes, il y a une raison, et aucun d’eux n’est cynique (par hypothèse).

      Bref, quel est le mécanisme qui fait que notre idéologie colle à nos intérêts… sans que l’on soit consicents de nos intérets ? J’arrive parfaitement à concevoir un biais en faveur de mes intérets, mais j’ai du mal à considérer que mon subconscient soit plus rationnel que moi lorsqu’il s’agit de les déterminer.

    • Descartes dit :

      @ Un Belge

      [J’ai du mal à concevoir le mécanisme psychologique sous-jacent. Supposons que je sois un quidam des classes moyennes, pas militant pour un sou, à tendance gauchiste. Si on admet que je soutiens le pédagogisme par intérêt de classe, quel est le mécanisme qui me permet (inconsciemment ?) de réaliser que le pédagogisme détruit l’ascenseur social ?]

      Je n’ai pas de réponse satisfaisante à cette question. Quel est le mécanisme par lequel la classe dominante produit une idéologie qui déguise ses intérêts derrière l’intérêt général sans qu’il y ait dans cette production le moindre machiavélisme ? Beaucoup de gens se sont cassé les dents en essayant d’expliquer ce phénomène. Mais le fait est que le phénomène existe, et cela depuis la plus haute antiquité.

      Personnellement, je tends à favoriser l’hypothèse de la justification. Cette théorie suggère que l’idéologie dominante se produit par itérations : elle commence par une position égoïste (« je ne veux pas que mes enfants aillent à l’école avec les arabes ») qu’on essaye ensuite par itérations successives de déguiser sous une apparence généreuse (« les enfants arabes sont plus heureux en allant à l’école avec des gens qui ont la même culture ») pour évacuer le sentiment de culpabilité. Et c’est ainsi que petit à petit on construit une idéologie, c’est-à-dire, une explication cohérente du monde, qui occulte des intérêts égoïstes sous une apparente générosité.

  23. Trublion dit :

    Bonjour,
    Hulot annonce qu’il pourrait fermer jusqu’à 17 réacteurs nucléaires.

    Finalement, comme Marcailloux, je souhaite maintenant que ce gouvernement réussisse à mettre en oeuvre ses idées.

    Ainsi on achèvera une bonne fois pour toute la destruction de ce pays et après on en parlera plus. On aura éliminé le peu d’industries qui restent. Le prix de l’énergie montera en flèche, le déficit commercial sera accentué.

    A un moment donné quand quelqu’un cherche absolument à se suicider il faut peut-être le laisser faire.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Hulot annonce qu’il pourrait fermer jusqu’à 17 réacteurs nucléaires.]

      Mais qu’y a-t-il de nouveau dans cette annonce ? Hollande avait fait voter une loi qui annonce la réduction de la part du nucléaire à 50% de la production électrique. Même s’il n’a pas parlé du nombre de réacteurs à fermer, on voit mal comment on arrive à réduire la production nucléaire d’un tiers sans fermer un tiers des réacteurs. Hulot et Macron ne font que s’inscrire sur ce sujet – comme sur beaucoup d’autres – dans la parfaite continuité de Hollande et Royal.

      En fait, ce gouvernement c’est “comment faire du neuf avec du vieux”. On nous ressert le plafonnement des indemnités chômage, que le gouvernement précédent avait essayé de faire passer. On nous ressert la réduction du nucléaire, promise par Hollande en 2012. Vachement nouveau, tout ça…

  24. Pierrot dit :

    Bonjour Descartes,
    Un petit hors sujet, mais je sais que vous y serez sensible : la volonté affichée d’Hulot de dézinguer 17 réacteurs nucléaires. Rappelons que ce triste sire déclarait l’avant-veille vouloir éradiquer la voiture diesel ET essence d’ici 2040… Quadrature du cercle ?

    Je ne me fais pas trop de soucis pour les 17 réacteurs en question, la contrainte énergétique est ce qu’elle est et je ne crois pas le gouvernement prêt à flinguer la conso énergétique du pays au risque de tuer le peu de croissance que nous avons. En revanche le coup est terrible pour la filière : quel brillant étudiant ingénieur ou technicien se lancera désormais dans cette filière avec des perspectives aussi sombres ? Car c’est bien là que réside le poison instillé par Hulot, bien plus que dans la fermeture annoncée de ces réacteurs.

    Qu’en pense notre hôte ?

    • Descartes dit :

      @ Pierrot

      [Un petit hors sujet, mais je sais que vous y serez sensible : la volonté affichée d’Hulot de dézinguer 17 réacteurs nucléaires. Rappelons que ce triste sire déclarait l’avant-veille vouloir éradiquer la voiture diesel ET essence d’ici 2040… Quadrature du cercle ?]

      En fait, l’annonce de Hulot ne dit rien de bien nouveau. Cela fait cinq ans qu’on nous bassine avec la promesse d’amener le nucléaire à 50% du total de la production d’électricité en 2025, qu’on nous explique qu’à cette date les énergies renouvelables représenteront 40% de la production. Comment de tels objectifs pourraient-ils être atteints sans la fermeture d’une vingtaine de réacteurs ? Hulot ne fait que formaliser cette promesse qui était contenue implicitement dans les promesses de ses prédécesseurs.

      [Je ne me fais pas trop de soucis pour les 17 réacteurs en question, la contrainte énergétique est ce qu’elle est et je ne crois pas le gouvernement prêt à flinguer la conso énergétique du pays au risque de tuer le peu de croissance que nous avons.]

      Il faut pourtant s’en inquiéter. Ce genre de déclarations contribue à l’affaiblissement de notre industrie nucléaire, bien entamée sous la présidence Hollande. Mettez-vous à la place d’un jeune faisant de brillantes études d’ingénieur. Engageriez-vous votre carrière dans un domaine dont tout le monde annonce la fin prochaine ?

      Avec ce genre de discours, on décourage le capital humain de l’industrie nucléaire et on rend son renouvellement de plus en plus difficile. Comment dans ces conditions engager les investissements nécessaires à la prolongation de la vie du parc, comment maintenir une exploitation dans de bonnes conditions de sûreté ?

    • Pierrot dit :

      [Il faut pourtant s’en inquiéter. Ce genre de déclarations contribue à l’affaiblissement de notre industrie nucléaire, bien entamée sous la présidence Hollande. Mettez-vous à la place d’un jeune faisant de brillantes études d’ingénieur. Engageriez-vous votre carrière dans un domaine dont tout le monde annonce la fin prochaine ?]

      C’était bien le point de la fin de mon message. Je crains plus la dégradation du capital humain que du capital matériel, même si bien entendu la dégradation de celui-là entraîne la dégradation de celui-ci..
      En revanche je crois -je suis optimiste- qu’il s’agit d’un sale temps pour le nucléaire mais qu’à terme les besoins énergétiques seront tels que le nucléaire sera incontournable (et je ne parle pas de la stabilité réseau, les Français accepteront-ils des black-out assortis d’une hausse de la facture ?). La question qui vaut est de savoir si la dégradation de l’outil industriel subie pendant la tempête sera résorbable ou non.

    • Descartes dit :

      @ Pierrot

      [En revanche je crois -je suis optimiste- qu’il s’agit d’un sale temps pour le nucléaire mais qu’à terme les besoins énergétiques seront tels que le nucléaire sera incontournable]

      Je crains que votre optimisme soit excessif. Vous surestimez la capacité du système politique à prendre la solution rationnelle sous la pression des faits. Mais surtout, même à supposer que le nucléaire soit « incontournable », de quel nucléaire s’agira-t-il ? La France sera-t-elle en mesure de conserver une capacité à développer, à construire et à exploiter ces « cathédrales technologiques », ou bien faudra-t-il les importer comme on importe maintenant et de plus en plus des trains, des ordinateurs, des moteurs d’avion ? Alors que la Russie met les moyens pour garder sa maîtrise de la technologie et que les Chinois font la course pour pouvoir en disposer, la France réduit massivement ses investissements en recherche et développement et songe à arrêter les programmes en cours…

      Prenez les surgénérateurs. La France était en pointe dans les années 1970, seul pays à disposer d’un réacteur d’essais et un prototype industriel, plus la chaîne complète de retraitement du plutonium nécessaire à leur exploitation. Aujourd’hui, les Russes ont deux réacteurs en fonctionnement, et les Chinois en construisent leur premier. Et nous ? Plus rien, si ce n’est un projet papier qui sera peut-être, qui sait, construit dans vingt ans.

    • Luxy Luxe dit :

      [[En revanche je crois -je suis optimiste- qu’il s’agit d’un sale temps pour le nucléaire mais qu’à terme les besoins énergétiques seront tels que le nucléaire sera incontournable]

      Je crains que votre optimisme soit excessif. Vous surestimez la capacité du système politique à prendre la solution rationnelle sous la pression des faits. Mais surtout, même à supposer que le nucléaire soit « incontournable », de quel nucléaire s’agira-t-il ?]
      Peut-être que le nucléaire s’imposera dans le long terme. Mais il y a légitimement et largement de quoi s’inquiéter des effets à court terme de la politique de « transition énergétique » qui ,d’une part, va entraîner un renchérissement certain du coût de l’électricité et, d’autre part, risque de poser des problèmes de sécurité d’approvisionnement et de stabilité des réseaux de transport/distribution.
      L’expérience de la Belgique est intéressante, dans la mesure où ce pays est celui qui, après la France, dépend le plus de l’électricité nucléaire. En 2003, les Belges ont décidé d’interdire la construction de nouveaux réacteurs et programmé l’arrêt de leurs tranches nucléaires après quarante ans d’exploitation. A l’époque, les trois premiers réacteurs (mis en service en 1975) avaient 28 ans.
      A compter de 2007, un vaste programme d’aide aux installations solaires photovoltaïques individuelles a été mis en place. Des sommes énormes ont été mobilisées sous la forme de subsides à l’installation, soit directs (primes), soit indirects (réduction d’impôt). Comme cela ne suffisait pas, il a également été prévu des subsides à la production sous la forme 1/ d’un mécanisme de compensation entre l’électricité produite et l’électricité consommée (annulation de la facture par le biais d’un compter tournant à l’envers, soit un mécanisme de rachat de l’électricité injectée par le particulier au prix de l’électricité livrée par le réseau de distribution) et 2/ de certificats représentatifs de la production négociables sur un marché ad hoc, avec un prix minimal garanti par le gestionnaire du réseau de transport.
      En gros, l’installation était en grande partie remboursée par les pouvoirs publics et la production était doublement valorisée, à la fois par l’annulation de la consommation personnelle et par la revente des titres représentatifs de la production.
      Cette politique a eu l’effet escompté : les installations PV se sont multipliées et la production à base de renouvelables a fortement augmenté.
      Et puis tout a commencé à aller de travers.
      D’abord, les finances publiques ont commencé à ne plus pouvoir suivre. On a donc réduit, puis supprimé les subsides à l’installation. On a par contre laissé subsister les subsides à la production, considérant à tort que ceux-ci n’avaient pas de coût financier, à tout le moins pas pour les finances de l’Etat
      Ce que l’on n’avait pas vu, c’est que la multiplication des petites installations PV sur les réseaux de distribution (pas de transport) qui n’avaient pas été conçus à cette fin nécessiterait leur adaptation. Or, cette adaptation a un coût. Il y a plus : comme les propriétaires d’installations PV compensent le courant entrant avec le courant sortant, ils ne payent plus de facture d’électricité. De ce fait, ils ne contribuent plus aux frais liés à la distribution de l’électricité et ce alors même qu’ils rendent nécessaire l’adaptation de ce réseau à leurs installations. Les divers législateurs ont dû revenir sur leurs engagements et aménager le système de compensation, ce qui a généré un contentieux important devant les tribunaux.
      De la même manière, la multiplication des titres représentatifs de production a entraîné la diminution de leur valeur et entraîné l’obligation pour le gestionnaire du réseau de transport de les racheter au prix plancher. Ce gestionnaire doit bien sûr répercuter cette charge sur ses clients, les distributeurs, bien sûr, mais aussi les gros clients industriels qui voient le coût de l’électricité augmenter et leur compétitivité se dégrader par rapport aux pays où le coût de l’électricité est maîtrisé.
      A côté de ces problèmes, la « transition énergétique » a également entraîné des tensions sur la sécurité d’approvisionnement et la stabilité des réseaux. La situation est à ce point dégradée que la Belgique fait courir à l’Europe, depuis plusieurs années, le risque d’un black-out.
      Le problème, ici, est lié à la perte de rentabilité économique des centrales au gaz. Pour que l’exploitation de ces dernières soit économiquement rentables, il leur faut fonctionner un nombre minimal d’heures sur l’année. Or, l’augmentation de la production renouvelable a eu pour conséquence de priver ces centrales d’un nombre important d’heures de fonctionnement, ce qui a logiquement induit des pertes d’exploitation. Les divers opérateurs, les uns après les autres, ont donc commencé à fermer leurs centrales gaz, d’abord les plus anciennes, puis même les cycles combinés.
      Le problème, c’est que les heures pendant lesquelles ces centrales fonctionnaient encore étaient précisément les heures pendant lesquelles les sources renouvelables, intermittentes, ne produisaient pas assez pour satisfaire la demande.
      On comprend tout de suite que, dans pareil contexte, le risque de black-out devient réel. Il n’y a pas trente-six solutions pour y remédier : il faut maintenir ouvertes les centrales au gaz. Mais comme les opérateurs de ces dernières n’ont pas vocation à perdre de l’argent, il faut les indemniser. Et c’est comme cela que, outre le coût de la subsidiation des installations et de la production, il faut désormais ajouter un coût supplémentaire lié à l’indemnisation du manque à gagner des opérateurs de centrales gaz indispensables comme installations de réserves régulant l’intermittence des renouvelables…
      Et comme les finances publiques sont sous pression, la réserve est dimensionnée de manière minimaliste…
      Entre-temps, l’année 2015 est arrivée et les trois premiers réacteurs auraient dû être fermés. Cela n’a cependant pas été le cas. C’est que durant cette période la Belgique a également expérimenté un petit problème avec ses deux réacteurs de la seconde phase (la Belgique a construit sept réacteurs en trois phases : 3 en 1975, 2 en 1982 et 1 en 1985). Il s’est en effet avéré que les cuves des réacteurs présentaient des anomalies de construction. Ces réacteurs ont été arrêté pendant deux ans, ce qui a finalement convaincu les responsables politiques à prolonger de dix ans deux des trois tranches de la première phase.
      Malgré tout cela, la Belgique reste largement tributaire des importations d’électricité depuis la France.
      De tout ceci, je tire les conclusions suivantes pour la France :
      1/ il est possible de fermer 17 réacteurs mais pas en les remplaçant par des renouvelables
      2/ il faut adjoindre à ces renouvelables une relève thermique correctement dimensionnée (et probablement plus importante que dans le cas de la Belgique puisque cette dernière a tenu compte de la capacité d’exportation française pour déterminer l’étendue de sa réserve thermique)
      3/ un délai de 7 ans (d’ici 2025 ?) est trop court pour organiser convenablement ces opérations
      4/ à supposer que cela soit possible, de toute manière, pour installer les renouvelables, il faut subsidier
      5/ de même, pour installer la réserve thermique, il faut subsidier
      6/ le coût de l’électricité va augmenter pour les particuliers
      7/ le coût de l’électricité va augmenter pour les industries grosses consommatrices (chimie, sidérurgie) qui auront encore plus de raisons de délocaliser
      Enfin, il y a encore une question à régler, qui est celle de l’approvisionnement en gaz de toutes ces nouvelles installations. Dans le temps, les Anglais et les Hollandais abreuvaient l’Europe du Nord depuis les champs de la mer du même nom. Mais les Anglais ont fini. La Hollande continue, mais a annoncé qu’en 2030, elle n’exportera plus.
      Le gaz viendra sans doute de Russie, en passant par l’Allemagne qui est occupée à doubler le gazoduc de la Baltique. Je ne suis pas sûr que cela soit un bonne idée que de se placer dans un telle situation de double dépendance.

    • Descartes dit :

      @ Luxy Luxe

      [Peut-être que le nucléaire s’imposera dans le long terme. Mais il y a légitimement et largement de quoi s’inquiéter des effets à court terme de la politique de « transition énergétique » qui, d’une part, va entraîner un renchérissement certain du coût de l’électricité et, d’autre part, risque de poser des problèmes de sécurité d’approvisionnement et de stabilité des réseaux de transport/distribution.]

      Je partage largement l’analyse que vous faites dans la suite de votre commentaire. Oui, le développement des ENR, qui obéit à des raisons essentiellement idéologiques – mais aussi à l’action de lobbies puissants qui ont gagné beaucoup d’argent grâce au volontarisme public et aux subventions de toutes sortes – est économiquement irrationnel et coûte fort cher à la société. En France, on en est à 5 Md€ par an seulement en subventions pour une production qui atteint à peine 5% du total. Et cela sans compter les couts d’adaptation du réseau et les risques que le caractère aléatoire et intermittent des ENR fait courir à l’approvisionnement.

      Mais le nucléaire a aussi un côté paradigmatique, parce qu’il contient en lui tous les éléments qui font la noblesse de la politique : le risque collectivement accepté, la vision de long terme, l’aventure collective, l’excellence technique et scientifique appuyé sur une méritocratie. Les difficultés du secteur nucléaire obéissent aussi aux transformations de la politique. Qui va investir des milliards sachant que le ruban sera coupé par ses successeurs ? Qui dans la démagogie actuelle va assumer un risque ? Qui va proposer un grand projet collectif à une jeunesse qu’on a éduqué dans l’idée qu’il n’y a de destin plus enviable que d’être patron de sa start-up, même si son activité consiste à faire distribuer par des motards sous-payés des pizzas au rabais ? Qui va suivre le chemin ardu de l’excellence technique et scientifique quand on peut faire beaucoup plus d’argent – et même devenir président de la République – en faisant du marketing bancaire ?

      La crise du nucléaire, c’est l’illustration d’une crise bien plus profonde… et cela en dehors de toute considération de politique énergétique.

    • Antoine dit :

      @Luxy Luxe,

      Je ne crois pas exagérer en remarquant que votre commentaire est le brouillon d’un bon post de blog 🙂
      (je ne sais pas si Descartes accepterait d’héberger un autre auteur…)

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [(je ne sais pas si Descartes accepterait d’héberger un autre auteur…)]

      Très rarement… !

  25. luc dit :

    Les baisses d’impôts,programmées,peuvent elles être compensées par la csg ?
    Dans le cas contraire,ne s’oriente t on pas,vers de graves reculs sociaux,voire l’austérité?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Les baisses d’impôts,programmées,peuvent elles être compensées par la csg ?]

      Pour le moment, difficile à dire. On a quand même l’impression d’un grand désordre dans la pensée gouvernementale, avec un risque réel de dérapage des finances publiques. C’était d’ailleurs prévisible: le candidat Macron a beaucoup promis, sans avoir le moins du monde financé ses promesses…

  26. BJ dit :

    @ Descartes

    A propos de pseudo F

    Si jusqu’alors j’appréciais votre patience avec pseudo F, votre attachement à lui répondre systématiquement, je commence maintenant à m’en lasser.
    Le seul objectif de pseudo F à intervenir dans ce blog est l’agression verbale ; elle se fout totalement de vos arguments ; elle ne se lassera jamais de cette pratique puisque c’est sa raison d’être.
    Pseudo F est juste un troll.
    Je ne sais pas ce qu’en pensent les autres lecteurs, mais si on me demandait mon avis, je serais favorable à son exclusion de ce blog. Qu’elle aille se défouler ailleurs, j’en ai marre de lire ses inepties…

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Si jusqu’alors j’appréciais votre patience avec pseudo F, votre attachement à lui répondre systématiquement, je commence maintenant à m’en lasser.]

      Pourtant, elle représente une forme de pensée qu’il est intéressant de connaître. A condition de ne pas la prendre trop au sérieux, elle reste intéressante.

      [Je ne sais pas ce qu’en pensent les autres lecteurs, mais si on me demandait mon avis, je serais favorable à son exclusion de ce blog. Qu’elle aille se défouler ailleurs, j’en ai marre de lire ses inepties…]

      Je note votre opinion. Mais ce blog a une règle : dès lors qu’on respecte un minimum de règles de courtoisie, il n’y a pas de censure. Je vous accorde que pseudo F a dépassé quelquefois les bornes – et certains de ses messages n’ont pas été publiés en conséquence. J’ai peut-être été trop tolérant avec ce personnage, je reconsidérerai la question.

    • nationaliste-ethniciste dit :

      Je ne suis pas d’accord avec BJ: je pense qu’il faut laisser Françoise s’exprimer (tout en censurant les messages d’insulte et de menace, certes), car elle ne peut que se ridiculiser. D’ailleurs, elle est incapable de poursuivre sereinement un débat et d’aligner des arguments valables au bout du 2ème ou du 3ème échange…

      Mais des Françoise, il y en a beaucoup dans l’Éducation Nationale: il faut combattre leur idéologie par des arguments, afin de démasquer tous ces imposteurs grincheux et intolérants, qui se croient défenseurs du Bien, du Beau et du Vrai, et qui s’abaissent à user de l’intimidation, de la délation et du harcèlement pour faire taire leurs contradicteurs. Leurs méprisables méthodes doivent être dévoilées au grand jour. Les “fachos”, les vrais, ce sont eux.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Mais des Françoise, il y en a beaucoup dans l’Éducation Nationale: il faut combattre leur idéologie par des arguments,]

      Tout à fait. Et je ne pense pas qu’on combatte cette idéologie en censurant ceux qui l’expriment, au contraire. Il faut accepter le débat et leur répondre point par point. D’autant plus que la faiblesse de leur argumentation est facile à mettre en évidence. Cela étant dit, il ne faut pas se faire des illusions: même si on met en évidence les contradictions de cette idéologie, celle-ci a encore devant elle de beaux jours parce qu’elle remplit une fonction, celle de légitimer les politiques qui vont dans le sens des intérêts des classes moyennes. Les Françoise de l’Education nationale y croient non pas parce que c’est vrai, mais parce que c’est leur intérêt.

    • François dit :

      @ Descartes

      [Tout à fait. Et je ne pense pas qu’on combatte cette idéologie en censurant ceux qui l’expriment, au contraire. Il faut accepter le débat et leur répondre point par point.]

      Ce n’est pas ce que les cartésiens ont fait jusqu’à présent avec les résultats que l’on connaît ?
      Les post-modernes sont le poison de notre société, ils ont déjà fait suffisamment de dégâts, il convient désormais de les traquer et de les marginaliser. Personnellement, je suis prêts à faire les mêmes entorses aux principes qu’il se sont permis, et même d’aller encore plus loin dans ces entorses à ces principes…
      Je ne trouve rien à redire par exemple à instaurer une loi qui pénalise le négationnisme scientifique ou à organiser une chasse aux sorcières de tous les post-modernes qui se trouvent dans la fonction publique et les médias, au moins publics puis à traiter les personnes incriminées comme la pourriture de la société.

    • morel dit :

      « Tout à fait. Et je ne pense pas qu’on combatte cette idéologie en censurant ceux qui l’expriment »

      Ce serait aussi leur faire trop plaisir de leur accorder le statut, par eux, si convoité de victimes.

    • Descartes dit :

      @ François

      [« Il faut accepter le débat et leur répondre point par point ». Ce n’est pas ce que les cartésiens ont fait jusqu’à présent avec les résultats que l’on connaît ?]

      Les résultats ne sont pas si mauvais que ça. Même si, contrairement aux prédictions des optimistes, la Raison n’a pas réussi à éliminer totalement l’obscurantisme, on peut dire que la méthode cartésienne s’est largement imposée dans l’enseignement, dans l’administration, et d’une manière générale dans le fonctionnement de la société. Devant une situation nouvelle, les français sont beaucoup plus rationnels que les américains ou les britanniques…

      [Je ne trouve rien à redire par exemple à instaurer une loi qui pénalise le négationnisme scientifique ou à organiser une chasse aux sorcières de tous les post-modernes qui se trouvent dans la fonction publique et les médias, au moins publics puis à traiter les personnes incriminées comme la pourriture de la société.]

      Je reste bien plus libéral que vous. Je ne crois pas qu’on puisse gagner ces batailles-là avec les moyens que vous proposez. Par contre, et sans instaurer une loi qui pénalise le négationnisme scientifique en général, je pense qu’il faut soutenir le principe fondamental qui veut que la seule connaissance qui a droit de cité dans les écoles, dans les lycées, dans les universités, dans les institutions de la République, c’est la connaissance scientifique. Quand on commence à prendre des décisions de santé publique sur la base des peurs millénaristes…

    • Un Belge dit :

      @Descartes :

      [Devant une situation nouvelle, les français sont beaucoup plus rationnels que les américains ou les britanniques…]
      [Quand on commence à prendre des décisions de santé publique sur la base des peurs millénaristes…]

      Vous me semblez fort optimistes, quand je vois la polémique actuelle sur les vaccins obligatoires où je n’ai pas trouvé un seul homme politique d’opposition (Du FN à Asselineau en passant par NDA) à ne pas voir dans le vaccin obligatoire un complot des lobbies. Est-ce parceque j’ai mal cherché ? (Je dois avouer ne pas avoir cherché à gauche, je n’attends pas grand chose des écologistes ou de la FI sur ce genre de sujets… Peut-être savez vous me dire si les communistes sont encore rationnels là-dessus ? Je ne connais pas assez ce milieu pour me prononcer)

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Ce serait aussi leur faire trop plaisir de leur accorder le statut, par eux, si convoité de victimes.]

      On ne peut rien vous cacher… 😉

    • Descartes dit :

      @ Un Belge

      [Vous me semblez fort optimistes, quand je vois la polémique actuelle sur les vaccins obligatoires où je n’ai pas trouvé un seul homme politique d’opposition (Du FN à Asselineau en passant par NDA) à ne pas voir dans le vaccin obligatoire un complot des lobbies.]

      Cela illustre une dérive réelle : aujourd’hui, combattre les visions écolo-obscurantistes et complotistes peut vous attirer beaucoup d’ennuis, mais ne vous gagne pas de voix. Je ne pense pas que NDA, Asselineau et les autres croient vraiment au « complot des lobbies » dans l’affaire des vaccins. Mais ils savent aussi qu’adhérer publiquement à ces visions rapporte des voix, alors que les combattre ne rapporte que des ennuis.

      C’est aussi la faute aux rationalistes, qui devraient blacklister les candidats qui tiennent des discours sympathiques avec ce genre de théories.

    • François dit :

      @ Descartes

      [Les résultats ne sont pas si mauvais que ça. Même si, contrairement aux prédictions des optimistes, la Raison n’a pas réussi à éliminer totalement l’obscurantisme]

      Je pense que nous vivons surtout sur l’héritage des cartésiens et que cet héritage se défait d’années en années. Je pense également que nous avons la chance en France que la sagesse populaire a assimilé la fait que nous vivons dans un monde complexe et qu’il faut faire confiance à autrui.

      [Je reste bien plus libéral que vous… je pense qu’il faut soutenir le principe fondamental qui veut que la seule connaissance qui a droit de cité dans les écoles, dans les lycées, dans les universités, dans les institutions de la République, c’est la connaissance scientifique.]

      Encore faille t-il que les personnes qui transmettent la connaissance veuillent bien transmettre la connaissance scientifique. Quand je vois les horreurs qui sont diffusées sur le service publique de l’audiovisuel, je suis désolé, mais je pense que l’on ne résoudra ce problème qu’avec des solutions illibérales. De plus, je ne vois pas pourquoi le contribuable nourrirait des bouches postmodernes complètement inutiles. Je ne trouve également rien à redire aussi à interdire des «ONG» comme Greenpeace qui passent leur temps à désinformer la population.

      Plus généralement, c’est l’idéologie libérale-libertaire que j’entends pourchasser des institutions officielles. Comme on peut le voir avec l’élection de Trump, État profond et médias se livrent à une lutte acharnée contre lui. Si demain un candidat de salut public venait à se faire élire, je doute fort que les couches dominantes se plieront de bonne volonté face à lui. Entre l’intérêt supérieur de la Nation et leurs intérêts de classe, il faudra trancher,et pour le premier cas, cela passera par une soumission totale de celles-ci qui selon moi ne se fera pas sans terreur.

      À côté de cela, il y aura une vengeance à mettre en œuvre. Je suis membre de DLF et les militants étudiant à l’IEP de Lyon ont du démissionner suite à la décision de Nicolas Dupont-Aignan de soutenir Marine Le Pen, sans oublier les positionnements idéologiques des directions d’université lors de l’entre deux tours. Ces personnes sont de toute façon des fascistes en puissance, mais sont incapables d’aller au bout de leur raisonnement, préférant être des «saints». Des personnes comme Pascale Clark doivent recevoir un châtiment exemplaire, elle qui n’a pas hésité pendant des années à couvrir une crapule.

      Montrons leur qu’à leur grande différence, nous avons la force morale d’aller au bout de nos convictions. J’assume parfaitement que les méthodes dont je suis prêt à me servir contre mon ennemi peuvent être retournées contre moi, mais de toute façon mon ennemi s’en sert déjà en partie et la société française est tellement fracturée que seul la guerre totale est possible pour espérer voir nos convictions s’imposer. Jamais en face ils n’accepteront un quelconque compromis et dès que l’on aura le dos tourné chercheront à nous avoir.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je pense que nous vivons surtout sur l’héritage des cartésiens et que cet héritage se défait d’années en années. Je pense également que nous avons la chance en France que la sagesse populaire a assimilé le fait que nous vivons dans un monde complexe et qu’il faut faire confiance à autrui.]

      Paradoxalement, l’héritage cartésien se « défait » surtout chez les élites. En témoigne la quasi-disparition des techniciens, ingénieurs et des scientifiques dans le champ politique, et leur remplacement par des personnages dont les parcours sont liés au droit commercial, au marketing et à la communication. Au point que nos écoles d’ingénieurs sont en train de devenir doucement des écoles de commerce, avec une diminution des horaires consacrés aux disciplines techniques et scientifiques, et une augmentation concomitante du poids des matières liées au « savoir être » et au marketing… Mais l’héritage cartésien reste très fort chez nous, et il suffit de vivre quelque temps à l’étranger pour le constater.

      [Encore faille t-il que les personnes qui transmettent la connaissance veuillent bien transmettre la connaissance scientifique. Quand je vois les horreurs qui sont diffusées sur le service publique de l’audiovisuel, je suis désolé, mais je pense que l’on ne résoudra ce problème qu’avec des solutions illibérales. De plus, je ne vois pas pourquoi le contribuable nourrirait des bouches postmodernes complètement inutiles.]

      Ce n’est pas parce qu’on reconnaît la liberté à tous les discours de s’exprimer qu’on doit mettre tous les discours au même niveau et surtout, au nom d’un « respect » mal compris, s’interdire d’attaquer tel ou tel discours. La neutralité politique n’implique pas une neutralité intellectuelle, et les médias publics n’ont pas à mettre l’astrologie et l’astronomie au même niveau. Mais je ne considère pas de telles mesures comme « illibérales ».

      [Je ne trouve également rien à redire aussi à interdire des «ONG» comme Greenpeace qui passent leur temps à désinformer la population.]

      Outre la question de principe, interdire de telles expressions n’est pas très efficace. Dans le contexte « complotiste » qu’elles affectionnent, cela donnerait même de la crédibilité à leurs affirmations. Non, la meilleure manière de combattre le discours obscurantiste, c’est de le démonter systématiquement avec des faits. Si la France a résisté – et résiste toujours – mieux que les pays anglosaxons ou germaniques à l’obscurantisme écologiste, c’est parce que l’Etat, l’école, et l’ensemble des institutions publiques tenaient un discours rationnel et scientifique cohérent. Le pire ennemi de Greenpeace, c’est l’enseignement scientifique à l’école.

      [Si demain un candidat de salut public venait à se faire élire, je doute fort que les couches dominantes se plieront de bonne volonté face à lui. Entre l’intérêt supérieur de la Nation et leurs intérêts de classe, il faudra trancher, et pour le premier cas, cela passera par une soumission totale de celles-ci qui selon moi ne se fera pas sans terreur.]

      Je suis plus optimiste que vous. Il faudra certainement utiliser la force, mais je ne pense pas que la terreur soit indispensable.

      [À côté de cela, il y aura une vengeance à mettre en œuvre.]

      Là, par contre, je suis totalement opposé. La vengeance n’est pas une catégorie politique, c’est une satisfaction personnelle. Et c’est une erreur de faire passer sa satisfaction personnelle avant l’intérêt général.

      [Je suis membre de DLF et les militants étudiant à l’IEP de Lyon ont du démissionner suite à la décision de Nicolas Dupont-Aignan de soutenir Marine Le Pen,]

      Cela m’intéresse. Pourquoi ont-ils du « démissionner » ? Quel type de pressions ont-ils subi ?

      [sans oublier les positionnements idéologiques des directions d’université lors de l’entre deux tours. Ces personnes sont de toute façon des fascistes en puissance, mais sont incapables d’aller au bout de leur raisonnement, préférant être des «saints». Des personnes comme Pascale Clark doivent recevoir un châtiment exemplaire, elle qui n’a pas hésité pendant des années à couvrir une crapule.]

      Ces gens-là sont certainement des fascistes en puissance. Mais moi, je ne le suis pas. Et je m’interdis donc certaines méthodes et certains actes même si mes adversaires y ont recours.

      [Montrons leur qu’à leur grande différence, nous avons la force morale d’aller au bout de nos convictions.]

      Justement. Et nos convictions sont aussi que certaines méthodes sont inacceptables, surtout dans un objectif de vengeance.

    • François dit :

      [Outre la question de principe, interdire de telles expressions n’est pas très efficace. Dans le contexte « complotiste » qu’elles affectionnent, cela donnerait même de la crédibilité à leurs affirmations]
      J’en conclue qu’il faille supprimer la loi Gayssot. D’accord sur la position de circonstance qui ferait qu’une telle mesure est contre-productive

      [Je suis plus optimiste que vous. Il faudra certainement utiliser la force, mais je ne pense pas que la terreur soit indispensable.]
      Il faudra au moins faire planer la menace que leurs intérêts matériels seront menacés s’il ne se soumettent pas. Trump et le Brexit sont des accidents de l’histoire à leurs yeux qu’il faut effacer et il n’y a aucune volonté de remise en question de leur côté.

      [Cela m’intéresse. Pourquoi ont-ils du « démissionner » ? Quel type de pressions ont-ils subi ?]
      La perspective de voir certains parcours fermés à l’IEP, de ce qu’ils m’ont expliqué, l’administration a un fort pouvoir discrétionnaire. Le terrorisme intellectuel fait parti des outils de l’administration, comme refuser la venue de Jean-Paul Brighelli ou trouver l’idée de tester les alarmes incendies pendant la venue de Nicolas Dupont-Aignan. Plus généralement ils ont compris qu’être associé au FN est nuisible pour la carrière professionnelle.

      [Ces gens-là sont certainement des fascistes en puissance. Mais moi, je ne le suis pas. Et je m’interdis donc certaines méthodes et certains actes même si mes adversaires y ont recours.]
      Personnellement, je préfère avoir les mains sales que ne pas avoir de mains. J’assume parfaitement si nécessaire d’être un fasciste. Par contre, je reste prêt à faire le premier pas pour entamer une désescalade et trouver un compromis qui permette de maintenir paix civile libertés publiques. Encore faut-il que la partie adversaire soit prête à dialoguer.
      À mes yeux, Poutine est exemple idéal d’homme politique qui sait restaurer la Nation.

      [Justement. Et nos convictions sont aussi que certaines méthodes sont inacceptables, surtout dans un objectif de vengeance.]
      Je considère que l’homme responsable est celui qui assume ses actes et que s’il donne un coup, il accepte de recevoir un coup en retour. S’il faut renoncer à la vengeance, c’est seulement au nom de l’intérêt supérieur de la collectivité. À vrai dire, j’ai du mal à voir dans les macronistes des adversaires honorables.

    • Descartes dit :

      @ François

      [J’en conclue qu’il faille supprimer la loi Gayssot.]

      Je n’ai jamais été un grand partisan de la loi Gayssot. Je ne pense pas qu’elle ait eu le moindre effet dans la diffusion des thèses négationnistes. Et on peut dire la même chose de l’ensemble des lois dites « mémorielles », qui prétendent rendre incontestable une vérité officielle. On ne peut changer les opinions des gens par la loi. Cela étant dit, je peux comprendre qu’on fasse de telles lois pour des motifs exceptionnels d’ordre public, mais il ne faut pas en abuser.

      [La perspective de voir certains parcours fermés à l’IEP, de ce qu’ils m’ont expliqué, l’administration a un fort pouvoir discrétionnaire. Le terrorisme intellectuel fait parti des outils de l’administration, comme refuser la venue de Jean-Paul Brighelli ou trouver l’idée de tester les alarmes incendies pendant la venue de Nicolas Dupont-Aignan. Plus généralement ils ont compris qu’être associé au FN est nuisible pour la carrière professionnelle.]

      Rien de bien nouveau à cela. Je vous rappelle que pendant longtemps les militants communistes ont subi ce même type de discriminations. Un ministre a même prétendu leur interdire de postuler au concours d’entrée de l’ENA (ce fut l’affaire Borrel…), et pendant longtemps une circulaire interne du CEA interdisait la nomination d’un communiste à tout poste de responsabilité. Ce que je trouve curieux, c’est que tout en condamnant ce genre de pratiques vous souhaiteriez les rétablir dans l’autre sens…

      [« Ces gens-là sont certainement des fascistes en puissance. Mais moi, je ne le suis pas. Et je m’interdis donc certaines méthodes et certains actes même si mes adversaires y ont recours ». Personnellement, je préfère avoir les mains sales que ne pas avoir de mains.]

      Tout est une question de degré. Je ne suis pas un bisounours, loin de là. Mais je m’en tiens à une logique de proportionnalité. Se salir les mains, oui, mais seulement lorsque c’est strictement nécessaire à l’atteinte d’un but qui en vaut vraiment la peine. Et certainement pas pour réaliser une vengeance.

      [A vrai dire, j’ai du mal à voir dans les macronistes des adversaires honorables.]

      Tant qu’ils respecteront les règles du jeu, je ne vois pas pourquoi il faudrait leur dénier ce statut. Si demain, parce qu’ils risquent de perdre leurs privilèges, ils s’en affranchissaient, il faudrait que tombe sur eux toute la force de la loi. Voilà mon crédo.

    • François dit :

      @ Descartes

      [Cela étant dit, je peux comprendre qu’on fasse de telles lois pour des motifs exceptionnels d’ordre public, mais il ne faut pas en abuser.]
      À partir du moment où l’on accepte une exception aux règles, il faut accepter que d’autres puissent faire la même chose, à moins d’avoir de sérieux arguments à faire valoir. Dans le cas de la loi Gayssot, (dans le billet que vous avez publié à ce sujet) vous le justifiez au nom de l’ordre public, à savoir maintenir la légitimité de nos institutions. De mon côté, j’avance aussi un argument d’ordre public : notre société s’est construite sur le progrès scientifique. Le nier revient à délégitimer par exemple les politiques de santé publique ou de recherche scientifique.

      [Ce que je trouve curieux, c’est que tout en condamnant ce genre de pratiques vous souhaiteriez les rétablir dans l’autre sens…]
      Il fut un temps où je considérais les libertés publiques comme un bien en soi. Entre temps, je suis devenu cynique et je me suis rendu compte que la majorité des personnes ne les invoquent seulement quand ils croient bon dire quelque chose qui n’est pas permis et qu’ils les réservent surtout pour leur groupe, les saints étant plutôt rares.
      Maintenant, je ne les considère plus que comme des instruments de pacification de la société. À partir du moment où une partie croit bon s’assoir dessus, elle doit s’attendre à ce que la partie adverse fasse la même chose. Les post-modernes ont cru bon marginaliser par différentes méthodes les modernes des institutions, ils doivent s’attendre à la même chose en retour le jour où ils perdront le contrôle de la situation.
      Il en est de même pour les communistes, après avoir été marginalisé dans l’administration publique, ils auraient parfaitement été dans leur droit de marginaliser ceux qui les ont marginalisé s’il avaient réussi à prendre la tête du pays.

      [Tout est une question de degré.]
      Personnellement, la réponse graduée est pour moi une réponse de circonstance et non de principe. Si demain quelqu’un venait à m’agresser et si j’ai la certitude d’avoir un arsenal suffisant pour l’écraser, alors je n’hésiterais pas à l’écraser. Les seuls cas où je n’écraserais mon adversaire si j’en avais la possibilité, est le cas où il peut être utile de maintenir l’ennemi ou s’il est près à s’excuser sincèrement pour ses fautes.

      [Tant qu’ils respecteront les règles du jeu, je ne vois pas pourquoi il faudrait leur dénier ce statut.]
      Je dirais qu’ils n’ont pas respecté les règles du jeu car je considère que l’élection de Macron relève du semi-coup d’état, que ce soit par l’instrumentalisation de la justice (où en est l’affaire Fillon d’ailleurs ?) ou des médias. Sans oublier les deux-trois instrumentalisations de faits historiques.
      De plus, j’ai du mal à considérer quelqu’un comme respectable quand il pousse l’hypocrisie jusqu’à dénier à Trump le droit de protéger le travail du sidérurgiste ou du mineur américain au nom de la lutte contre le réchauffement climatique alors qu’il a effectué lui-même un voyage en Australie pour des convenances purement personnelles (ce qu’a fait un macroniste que je connais).
      Il y a quelques macronistes qui par leurs services rendus antérieurement resteront toujours respectables à mes yeux, mais pour les autres, je ne vois que des hypocrites qui poussent particulièrement loin l’égoïsme en se cachant derrière une prétendue supériorité morale.

      Dans l’absolu j’aimerais bien vivre dans un pays qui garantisse à la fois les libertés publiques et des politiques d’intérêt général. Cependant, si on applique les deux à la fois, on l’a vu depuis mai 68, les «classes moyennes» à partir de leur capital immatériel, en s’appuyant sur les libertés publiques, vont finir par monopoliser l’espace politique pour mettre en œuvre des politiques leur permettant d’accroître leur capital matériel et de renforcer leur capital immatériel au détriment du reste de la population. Je crains que le seul moyen pour éviter de répéter ce qui s’est produit par le passé, surtout à une heure où il n’a jamais été aussi facile de voir si l’herbe est plus verte chez le voisin, est de tuer dans l’œuf toute volonté de sécession, ce qui passe par des moyens liberticides. Entre maintien des libertés publiques et maintien sur le long terme de politiques d’intérêt général, il faudra choisir.

    • Descartes dit :

      @ François

      [À partir du moment où l’on accepte une exception aux règles, il faut accepter que d’autres puissent faire la même chose, à moins d’avoir de sérieux arguments à faire valoir. Dans le cas de la loi Gayssot, (dans le billet que vous avez publié à ce sujet) vous le justifiez au nom de l’ordre public, à savoir maintenir la légitimité de nos institutions. De mon côté, j’avance aussi un argument d’ordre public : notre société s’est construite sur le progrès scientifique. Le nier revient à délégitimer par exemple les politiques de santé publique ou de recherche scientifique.]

      Et c’est pourquoi dans notre société seule la science a droit de cité dans ses institutions. On ne consulte pas les devins avant de lancer une fusée, on ne lit pas les entrailles des oiseaux avant de prendre une décision politique, et contrairement à ce qui arrive dans d’autres pays, nos tribunaux n’acceptent pas les miracles et autres interventions surnaturelles. Un fonctionnaire qui prétendrait fonder ses décisions sur des voix divines irait droit à l’hôpital psychiatrique. Un instituteur qui utiliserait le pendule de radiesthésie comme moyen d’orienter ses élèves serait rapidement révoqué.

      En fait, la société fonctionne en grande partie comme vous le souhaiteriez : le discours irrationnel n’est toléré que dans le domaine privé, et dans les questions où il n’est pas susceptible de menacer l’ordre public. A tel point que la plupart des obscurantistes se sentent tenus de déguiser leur discours sous l’apparence « scientifique » pour avoir une chance de le faire passer…

      [Il fut un temps où je considérais les libertés publiques comme un bien en soi.]

      Je ne suis pas d’accord avec vous. Pour moi, elles sont un « bien en soi » au sens que les hommes sont plus heureux lorsqu’ils peuvent en bénéficier. Ce qui n’implique nullement que pour moi elles soient le bien suprême, inviolable, le seul et unique critère sur lequel on peut juger un ordre social. Je reste un matérialiste pragmatique : « salus populo suprema lex esto » ( « le salut du peuple est la loi suprême »).

      [Entre temps, je suis devenu cynique et je me suis rendu compte que la majorité des personnes ne les invoquent seulement quand ils croient bon dire quelque chose qui n’est pas permis et qu’ils les réservent surtout pour leur groupe, les saints étant plutôt rares.]

      Oui. Peu de gens réalisent que la liberté, c’est d’abord la liberté de l’autre. Je crois fermement à ce que disait un auteur américain : « une société libre, c’est une société où il n’est pas dangereux d’être impopulaire ».

      [Maintenant, je ne les considère plus que comme des instruments de pacification de la société. À partir du moment où une partie croit bon s’assoir dessus, elle doit s’attendre à ce que la partie adverse fasse la même chose. Les post-modernes ont cru bon marginaliser par différentes méthodes les modernes des institutions, ils doivent s’attendre à la même chose en retour le jour où ils perdront le contrôle de la situation.]

      Oui, mais encore une fois, si nous utilisons les méthodes de nos adversaires, quelle est la différence entre eux ou nous ? Attention, je ne m’interdis pas d’utiliser ces méthodes, mais contrairement aux postmodernes, je ne les utiliserai que s’il n’y a aucun autre moyen de protéger le « populo ». Mon objectif, c’est la liberté pour tous. Que cet objectif soit à certains moments inatteignable, j’en suis conscient. Mais – et c’est là la différence avec les postmodernes – la liberté de pensée et d’examen reste pour moi un objectif.

      [Il en est de même pour les communistes, après avoir été marginalisé dans l’administration publique, ils auraient parfaitement été dans leur droit de marginaliser ceux qui les ont marginalisé s’il avaient réussi à prendre la tête du pays.]

      Je crois que nous ne nous entendons pas parce que vous confondez la légitimité et l’opportunité. Ce n’est pas parce qu’on est légitime à faire quelque chose qu’il est opportun de le faire. Après avoir été discriminés, les communistes auraient peut-être légitimes en discriminant les autres. Mais auraient-ils dû le faire pour autant, par exemple dans un contexte où une telle discrimination n’aurait pas été nécessaire pour atteindre leurs buts ? Je ne le crois pas. C’est pourquoi je reviens à une logique de proportionnalité : réprimera vos ennemis lorsqu’ils prennent les armes contre vous, logique. Mais les réprimer alors qu’ils ne représentent aucun danger, juste par vengeance ?

      [« Tant qu’ils respecteront les règles du jeu, je ne vois pas pourquoi il faudrait leur dénier ce statut ».
      Je dirais qu’ils n’ont pas respecté les règles du jeu car je considère que l’élection de Macron relève du semi-coup d’état, que ce soit par l’instrumentalisation de la justice (où en est l’affaire Fillon d’ailleurs ?) ou des médias.]

      Je ne suis pas d’accord avec vous. Macron a respecté toutes les règles qui régissent la désignation de nos gouvernants. On peut contester ces règles, mais alors il fallait considérer comme illégitimes tous ceux qui ont été élus auparavant en se soumettant aux mêmes règles… Je n’aime pas Macron plus que vous, mais je dois admettre qu’il est arrivé au pouvoir en jouant le jeu, et en profitant d’une conjoncture très particulière. Sa légitimité n’est pas pour moi en cause.

      [De plus, j’ai du mal à considérer quelqu’un comme respectable quand il pousse l’hypocrisie jusqu’à dénier à Trump le droit de protéger le travail du sidérurgiste ou du mineur américain au nom de la lutte contre le réchauffement climatique alors qu’il a effectué lui-même un voyage en Australie pour des convenances purement personnelles (ce qu’a fait un macroniste que je connais).]

      Je suis d’accord avec vous. Quand je dis que Macron est un « adversaire respectable », je veux dire qu’il mérite le respect qu’on accorde à celui qui respecte loyalement les règles. Ce n’est pas un jugement de valeur personnelle.

      [Entre maintien des libertés publiques et maintien sur le long terme de politiques d’intérêt général, il faudra choisir]

      J’entends votre argument, mais je pense que vous faites une erreur de raisonnement en opposant libertés publiques et intérêt général. Aujourd’hui, le pire ennemi des libertés publiques ce sont précisément les « classes moyennes », et c’est pourquoi l’idéologie postmoderne, qui est la leur, est d’abord une idéologie liberticide. Il faut se souvenir que toute classe dominante cherche à garder l’hégémonie idéologique. Et pour cela, il lui faut empêcher toute pensée dissonante qui pourrait mettre en cause l’idéologie dominante. C’est pourquoi le libéralisme des Lumières reste aussi subversif aujourd’hui qu’il l’était du temps de l’Encyclopédie. En affirmant le droit de libre examen, il ouvre la porte à la remise en question de toute idéologie dominante.

      C’est pourquoi je me méfie toujours des prétendus « révolutionnaires » qui expliquent que les libertés publiques ne sont qu’une invention bourgeoise. En général, ces gens-là finissent par être les meilleurs alliés de la bourgeoisie. Le combat pour l’intérêt général, celui pour l’émancipation des classes dominées, et celui pour les libertés publiques pour moi se confondent. Cela ne veut pas dire que dans un contexte particulier on ne doive pas restreindre les libertés publiques. Mais il faut toujours le faire à regret et « avec des mains tremblantes », pour reprendre la formule classique.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes

      Bonjour,

      réponse à François le 17/07 à 22h43: « « Je pense également que nous avons la chance en France que la sagesse populaire a assimilé le fait que nous vivons dans un monde complexe et qu’il faut faire confiance à autrui. » »

      Votre optimisme volontariste me paraît cependant teinté d’irénisme. Accepter le principe – et le prendre en compte – de la complexité du monde s’accompagne et se traduit généralement par un doute cartésien.
      Or, en France comme ailleurs, la montée considérable des votes populistes démontre le contraire. C’est les réponses par yakafocon, ysonka, et autres stigmatisations bornées qui se développent, même auprès de gens qui sont sensés pourtant être bien éduqués et instruits.
      Et puis « faire confiance à autrui », se traduit par quoi, précisément ? C’est qui « autrui » ?
      J’aurais tendance, justement, à ne plus faire confiance à autrui, non parce que je le soupçonne de vouloir me tromper, mais parce que j’intègre que devant la complexité du monde, les risques de ses erreurs d’appréciation ou d’interprétation sont considérablement accrus. Du moins, telle en est la perception généralisée que j’en ai, et le repli individualiste sur soi ou en communauté restreinte que l’on constate tend à le démontrer. La confiance n’est plus à la mode.
      Ce qui est vrai, disait le poète, c’est ce que l’on croit. La vérité, même scientifique, n’est généralement que partielle et provisoire et tout un chacun en a bien conscience.
      C’est probablement une des raisons pour lesquelles les partis, par nature dogmatiques, ne font plus recette auprès d’une partie de la population qui recherche l’objectivité, l’équilibre, la sagesse, l’équité. Pour les autres, ils – les partis – sont le foyer de l’obscurantisme plus que des lumières et nombre de citoyens amers, atrabilaires, hargneux pour ne pas dire haineux y trouvent le moyen de s’ exprimer en se prononçant systématiquement pour ce qui est contre et contre, bien sûr, ce qui est pour.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Or, en France comme ailleurs, la montée considérable des votes populistes démontre le contraire. C’est les réponses par yakafocon, ysonka, et autres stigmatisations bornées qui se développent, même auprès de gens qui sont sensés pourtant être bien éduqués et instruits.]

      Je ne suis pas persuadé par cette analyse. Ce que vous appelez « la montée du vote populiste » en France est un phénomène ambigu. Beaucoup d’électeurs du FN savent parfaitement que le FN n’est pas en mesure de gouverner. Leur vote est moins motivé par les « yakafocon » que par le fait qu’en votant FN ils font pression sur les partis de gouvernement pour aller dans le sens de certaines politiques. C’est pourquoi Philippot a raison et les « traditionnalistes » du FN ont tort : c’est bien le positionnement social-souverainiste qui a permis au FN d’amorcer une dynamique. Et on a bien vu que dès que le FN a semblé remettre en cause cette ligne, la dynamique s’est arrêtée.

      [Et puis « faire confiance à autrui », se traduit par quoi, précisément ? C’est qui « autrui » ?]

      Un « autrui » c’est quelqu’un de différent de soi. Je pense qu’Antoine faisait allusion à la confiance que les français ont dans les « experts », dans les scientifiques, et d’une manière générale dans les élites. A comparer avec le côté paranoïaque des américains…

      [J’aurais tendance, justement, à ne plus faire confiance à autrui, non parce que je le soupçonne de vouloir me tromper, mais parce que j’intègre que devant la complexité du monde, les risques de ses erreurs d’appréciation ou d’interprétation sont considérablement accrus.]

      Peut-être. Mais mes erreurs d’appréciation ou d’interprétation sont certainement plus probables que ceux des gens qui passent leur vie à étudier les problèmes. Il est donc raisonnable de leur faire confiance.

      [Ce qui est vrai, disait le poète, c’est ce que l’on croit. La vérité, même scientifique, n’est généralement que partielle et provisoire et tout un chacun en a bien conscience.]

      La vérité scientifique est peut-être « provisoire », mais à chaque instant elle représente la meilleure approximation accessible de la réalité. Et non, la vérité n’est pas « ce que l’on croit ». La terre n’est pas devenue ronde du jour ou les gens ont cessé de croire qu’elle était plate, et le bacille de Koch tuait déjà du temps ou les gens croyaient qu’une bonne saignée pouvait guérir la tuberculose.

      [C’est probablement une des raisons pour lesquelles les partis, par nature dogmatiques,]

      Pourquoi les partis seraient « par nature dogmatiques » ? Les partis politiques sont d’abord des coalitions d’intérêts. Ils n’ont donc aucune raison d’être « dogmatiques », au contraire.

      [ne font plus recette auprès d’une partie de la population qui recherche l’objectivité, l’équilibre, la sagesse, l’équité.]

      De quelle « partie de la population » parlez vous ? C’est vous qui nagez en plein irénisme. La dernière chose que les gens veulent c’est « l’objectivité » ou « l’équité ». Combien de gens connaissez vous qui renoncent volontairement à leurs privilèges au nom de « l’équité » ? Combien de gens renoncent à leurs préjugés – surtout lorsqu’ils justifient leurs intérêts – sous la pression d’arguments « objectifs » ?

      Si les gens rejettent les partis, ce n’est pas parce qu’ils cherchent « l’objectivité » ou « l’équité », mais parce qu’ils ne pensent pas que les partis politiques défendent leurs intérêts. C’est d’ailleurs pourquoi les seules couches sociales qui s’intéressent à la politique sont les « classes moyennes », c’est-à-dire les couches dont les partis défendent les intérêts…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonjour,« « Pourquoi les partis seraient « par nature dogmatiques » ? Les partis politiques sont d’abord des coalitions d’intérêts. Ils n’ont donc aucune raison d’être « dogmatiques », au contraire. » »

      Que les partis fassent preuve de pragmatisme, ce n’est pas douteux parce qu’ils recherchent à satisfaire leur propre intérêt ou celui de leurs dirigeants. Mais, ce qui constitue leur raison d’être affichée est bien une combinaison de dogmes sur des sujets divers tels que l’économie, la sociologie, la souveraineté, etc . . . . . Ils demandent, voire imposent à leurs adhérents d’adopter – quelquefois sans discuter – les principes directeurs de leur ligne politique.
      Vous même, dénoncez le coté « gourou » de JL Mélanchon qui ne tolère pas que ses « vérités » soient discutées ou amandées. Au FN, la perspective d’une scission se profile car des dogmes différents opposent deux camps antagonistes.
      De la même façon, pensez-vous qu’à LREM, il soit possible sans risque, de remettre en cause les décisions ou orientations d’E. Macron ?
      Si j’écris que les partis sont par nature dogmatiques c’est que pour faire adhérer des citoyens, il faut bien leur proposer un cadre idéologique auquel ils souscrivent fortement et qui est constitué d’une série plus ou moins cohérente d’affirmations, de thèses, d’opinions émises sur le ton de la certitude et imposées comme vérités indiscutables.
      Pourquoi, à votre avis, des partis de gouvernement tels que le PS ou LR sont actuellement en difficulté ? C’est probablement parce que l’un et l’autre sont en déshérence idéologique et leurs adhérents se dispersent au profit des organisations qui prétendent apporter des réponses claires à leurs questionnements.
      Lorsque vous me répondez : « « Et non, la vérité n’est pas « ce que l’on croit »… » », c’est vrai sur le plan ontologique, mais pas sur le plan psychologique qui était implicite dans mon propos. J’aurais du accompagné le mot vérité de guillemets. Les électeurs, du moins pour la plupart, et je ne prétends pas vous l’apprendre, votent, donc décident et engagent des faits bien réels, sur ce qu’ils croient vrai, et pas forcément, loin de là, sur ce qui est vrai.
      Tout, finalement n’est que pari sur des hypothèses dont on ne peut même pas comparer les résultats étant donné qu’il n’est pas possible de vivre deux expériences simultanément dans les mêmes conditions.
      Revenons, si vous le voulez bien, à E. Macron, dont « Ganelon » n’est qu’un épiphénomène assez secondaire.
      Pour tout un tas de raisons et de circonstances, dont les élites politiques en place sont à l’origine, le principe du « dégagisme » cher à JLM s’est imposé de manière impromptue.
      C’est un fait démocratique indiscutable. Ceux qui le contestent se mettent en marge de la communauté nationale.
      Qu’il ait voté ou non pour E.Macron, que peut faire un citoyen lambda en dehors d’être vigilant ? Peut-il légitimement espérer l’échec de celui qui a été choisit par la majorité, même si les options qui sont mises en œuvre ne correspondent pas à ses propres convictions.
      Car enfin, si toutefois le gouvernement actuel arrivait par quelques moyens que ce soit à endiguer et réduire le chômage et rendre la dignité à quelques millions d’exclus, à maintenir l’essentiel de la protection sociale, à rendre son rang international à notre pays au niveau de ses ambitions, à redynamiser l’économie et l’industrie, tout cela fusse au prix de quelques sacrifices imposés à ceux qui objectivement et équitablement ont la capacité d’y faire face, je ne vois pas ce que l’on aurait à redire.
      Qui, y compris les leaders politiques opposants, peut prétendre qu’il aurait fait aussi bien ou mieux ?
      La question qui se pose, ou devrait se poser, c’est de déterminer le type de comportement à adopter pour se comporter dignement en qualité d’une nation démocratique, civilisée et moderne.
      Faut-il, par tous les moyens, à la limite de l’infantilité ou de la subversion, entraver la conduite des affaires, au risque d’entretenir une situation de perdant-perdant ?
      En quoi le comportement irresponsable et délétère de certains, et pas des moindres, apporte quelque chose à la communauté nationale ? Ils sont souvent rémunérés par la nation pour ne produire que du négatif qui n’a rien à voir avec un débat rationnel et démocratique.
      Je ne pense pas, personnellement que E.Macron arrivera à résoudre nos difficultés, qu’il ne faut pas néanmoins exagérer en utilisant des termes comme « désastre, catastrophe, déliquescence, . . . . ». Simplement, en vertu des sagesses antiques, j’admets que le sort qui nous est fait par la décision démocratique est le sort auquel on doit se soumettre dans la mesure ou il respecte les valeurs fondamentales de nos principes républicains.
      Je crains que ne se généralise, telle les pratique

      « « De quelle « partie de la population » parlez vous ? C’est vous qui nagez en plein irénisme. La dernière chose que les gens veulent c’est « l’objectivité » ou « l’équité ». Combien de gens connaissez vous qui renoncent volontairement à leurs privilèges au nom de « l’équité » ? Combien de gens renoncent à leurs préjugés – surtout lorsqu’ils justifient leurs intérêts – sous la pression d’arguments « objectifs » ?
      Si les gens rejettent les partis, ce n’est pas parce qu’ils cherchent « l’objectivité » ou « l’équité », mais parce qu’ils ne pensent pas que les partis politiques défendent leurs intérêts. C’est d’ailleurs pourquoi les seules couches sociales qui s’intéressent à la politique sont les « classes moyennes », c’est-à-dire les couches dont les partis défendent les intérêts… » »

      D’une partie peut-être minoritaire, hélas, et justement appartenant à la classe moyenne que vous décriez régulièrement et qui est, les chiffres officiels le confirment, celle sur laquelle le plus d’efforts sont demandés, parce que, primo, c’est la plus nombreuse, et, secundo, elle est celle qui dispose de moyens lui permettant d’être solvable et de consentir sans trop rechigner à l’impôt. Mais, j’en conviens, mon usage du terme « classe moyenne » ne se superpose pas exactement à l’usage que vous en faites.
      Et puis, les notions d’objectivité et d’équité sont tout à fait relatives et la médiocrité du débat démocratique en France ne contribue pas à homogénéiser l’acception de ces deux termes en matière politique. Les partis ont beau jeu de dresser les citoyens les uns contre les autres en jouant sur l’ambiguïté contenus dans ces termes.
      Cette approche qui est la votre des « classe moyennes » me fait penser à ce que la bible a été dans le cadre du christianisme.
      A partir d’un certain nombre de faits ou d’évènements pas forcément contestables qui se sont produits au moyen orient au cours des siècles de l’antiquité, s’est construit un « roman » le terme est à la mode autour de l’existence de Dieu et de sa divine trinité. La crédibilité de la bible s’est fondée probablement sur la véracité relative de quelques-uns de ces faits, entretenue par l’ignorance généralisée de l’époque en quête de nouvelle croyance suite à la déshérence des précédentes religions.
      Eh bien sur votre approche des « classes moyennes », tant que vous ne pourrez objectiver cette approche de manière cartésienne, et c’est le moindre que l’on puisse attendre, cette référence restera pour moi, comme j’en ai l’impression pour beaucoup de vos lecteurs, une sorte de bouc émissaire utile à vos thèses et argumentations.
      Or la réalité est sans doute bien plus complexe et difficile à appréhender, comparable à la nuance qu’apporte Spinoza vis à vis de la chose divine. La « moyenneté » est sans doute une composante transcendantale de notre société. Chacun s’y reconnaît ou espère y accéder, ou en observe les comportements et en accepte implicitement les attributs.
      Ce qui fait « classe », c’est la distinction vis à vis des autres, la reconnaissance dans le regard d’autrui, le sentiment d’être quelque part un peu privilégié. D’ailleurs, ce sentiment, souvent justifié, explique pourquoi les Français s’estiment, en grande majorité, satisfaits peu ou prou, de leur sort personnel, et mécontents du sort collectif.
      Schizophrénie ou nombrilisme ?

    • François dit :

      @ Descartes

      [En fait, la société fonctionne en grande partie comme vous le souhaiteriez : le discours irrationnel n’est toléré que dans le domaine privé…]
      Bien moins que les discours anti-négationnistes, jusqu’à présent il n’y a pas eu d’émissions sur le service public audiovisuel remettant en cause la Shoah, par contre les dossiers à charge discréditant le progrès technologique, il y en a à la pelle. Sans parler d’agences comme l’ADEME qui construit des scénarios tirés par les cheveux pour justifier la fin du nucléaire et bien d’autres comme l’affichage des horoscopes sur les écrans d’information des réseaux de transport en commun.
      Ce que je réclame, comme pour la Shoah, c’est une loi qui pénalise les discours anti-rationalistes au nom de l’ordre public, rationalisme qui est aujourd’hui bien plus en péril que la reconnaissance de la Shoah. C’est également une bonne base pour réduire au silence les associations comme «Robin des toits» qui vivent du harcèlement juridique.

      [Oui, mais encore une fois, si nous utilisons les méthodes de nos adversaires, quelle est la différence entre eux ou nous ?]
      Rien ne distingue dans ce cas les Français qui défendaient leur territoire aux Allemands qui l’envahissaient durant la première guerre mondiale. Nous n’avions à faire qu’à deux peuples qui se surpassaient dans la cruauté.
      Personnellement, ce qui compte à mes yeux, c’est surtout celui qui agresse. Celui qui se défend est parfaitement en droit d’annihiler son agresseur s’il vient à prendre le dessus de la situation.
      Si je considère que trop de bornes ont déjà été franchies, j’attends l’élection d’un candidat de Salut Public, puis sommation (au refus de se plier au règles usuelles de l’opposition) avant de considérer leur annihilation comme légitime.

      [Je crois que nous ne nous entendons pas parce que vous confondez la légitimité et l’opportunité.]
      Il y a les deux. Légitimité car œil pour œil, dent pour dent. Opportunité, car il est dans leur intérêt que l’administration leur soit fidèle idéologiquement.
      Ceci est un cas absolu, dans la pratique, l’opportunité peut être plus «douce». Il peut être utile de maintenir un adversaire du camp adverse s’il reconnaît ses erreurs et s’il a des compétences particulières ou de «pacifier» le combat en accordant une amnistie qui permet d’arrêter la chasse aux sorcières, y compris si l’autre partie revenait à prendre le dessus. Encore faut-il que la partie adverse veuille bien jouer le jeu, le cas échéant si elle est à terre, elle doit être achevée.

      [Je ne suis pas d’accord avec vous. Macron a respecté toutes les règles qui régissent la désignation de nos gouvernants…]
      Je pense qu’il faille que l’ont se mette d’accord sur le mot «règle». Pour ma part, les règles ont été violées quand il a tapé dans le tiroir caisse de Bercy pour user de façon inappropriée des frais de représentation. Si ce n’est pas de son ressort direct, les règles ont été violées quand la justice s’est acharnée sur un adversaire alors que pour des reproches similaires, il n’était pas inquiété ou bien quand le service public de l’audiovisuel a violé son obligation de neutralité.
      Si je ne me trompe pas, vous dîtes que la démocratie ne se résume pas seulement au vote, mais aussi à la procédure qui lui précède, pour les raisons citées ci-dessus. Sa légitimité est en cause, lui et d’autres pour lui ont foulé les règles démocratiques.

      [Aujourd’hui, le pire ennemi des libertés publiques ce sont précisément les « classes moyennes », et c’est pourquoi l’idéologie postmoderne, qui est la leur, est d’abord une idéologie liberticide.]
      Vous pensez que l’on a à faire à un simple «paradoxe du tolérant» dans lequel il est juste d’éliminer l’intolérant pour protéger la tolérance, dans notre cas les classes moyennes avec leur idéologie post-moderne. En théorie vous avez raison, mais en pratique cela revient à faire des procès d’intention incompatibles avec maintien des libertés publiques. Car les soixante-huitards ont bien fait leur «révolution» ont nom du «carcan» qu’était à leur yeux la société gaulliste et réclamaient plus de «libertés». Ce n’est qu’au fur et à mesure de leur prise de contrôle de la société qu’ils ont commencé à devenir liberticides.

      [C’est pourquoi le libéralisme des Lumières reste aussi subversif aujourd’hui qu’il l’était du temps de l’Encyclopédie. En affirmant le droit de libre examen, il ouvre la porte à la remise en question de toute idéologie dominante.]
      Je ne pense pas que les illuministes étaient subversifs pour être subversifs. Je pense qu’ils étaient surtout soucieux d’améliorer la société dans laquelle ils vivaient.
      Au nom de cette subversion, fallait-il accepter dans ce cas que les soixante-huitards remettent en cause l’idéologie dominante qu’était le «gaullo-communisme» ?
      Je considère que la liberté d’expression est utile, car elle permet de mettre au jour les failles d’une société, et de ce fait, permet de les colmater et de progresser. J’accepterais toujours la critique constructive et en conséquence ne dénierait jamais le droit à un libéral de s’exprimer pour mettre au jour les failles de la société à forte dominante étatiste que je souhaite. Par contre, la critique gratuite n’a aucune utilité et de ce fait doit être bannie du débat public. De la même façon que je ne remets pas en cause une société libérale économiquement, parce que «je n’aime pas» ou des raisons bassement égoïstes.

      [C’est pourquoi je me méfie toujours des prétendus « révolutionnaires » qui expliquent que les libertés publiques ne sont qu’une invention bourgeoise. En général, ces gens-là finissent par être les meilleurs alliés de la bourgeoisie.]
      Macron puis Staline étaient t-ils les meilleurs alliés de la bourgeoisie ? S’il s’agit des Trotskystes, dans ce cas, je pense que c’est surtout leur discours anti-institutionnaliste qui trouve grâce à la bourgeoisie.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Que les partis fassent preuve de pragmatisme, ce n’est pas douteux parce qu’ils recherchent à satisfaire leur propre intérêt ou celui de leurs dirigeants.]

      Et pour ce faire, ils sont quand même obligés un petit peu de satisfaire les intérêts de leur base électorale, non ? Parce qu’autrement, leurs dirigeants auraient du mal à se faire élire.

      [Mais, ce qui constitue leur raison d’être affichée est bien une combinaison de dogmes sur des sujets divers tels que l’économie, la sociologie, la souveraineté, etc . . . . . Ils demandent, voire imposent à leurs adhérents d’adopter – quelquefois sans discuter – les principes directeurs de leur ligne politique.]

      L’adhésion à un parti politique étant volontaire, on voit mal comment on pourrait « imposer aux adhérents » quelque chose dont ils ne voudraient pas. Un « dogme » est une affirmation qui est vraie par définition dans un système donné, et qui n’est donc pas susceptible de discussion et par conséquence n’a pas besoin d’être argumenté. Je vois mal aujourd’hui ce qui aurait ces caractéristiques chez un parti politique.

      [Vous même, dénoncez le coté « gourou » de JL Mélanchon qui ne tolère pas que ses « vérités » soient discutées ou amendées.]

      Mais justement, la « France insoumise » n’est pas un parti politique… c’est une secte où la parole du gourou a caractère de dogme.

      [Au FN, la perspective d’une scission se profile car des dogmes différents opposent deux camps antagonistes.]

      Je ne vois pas quels sont ces « dogmes ». Chacune des parties dans le conflit argumente son point de vue, ce qui implique que le point en question est discutable, et donc qu’il n’a pas de caractère dogmatique. Je crois que vous confondez « dogme » et « opinion »…

      [De la même façon, pensez-vous qu’à LREM, il soit possible sans risque, de remettre en cause les décisions ou orientations d’E. Macron ?]

      Mais là encore, LREM ne fonctionne pas comme un parti politique. Et lorsque les macroniens essayent de transformer leur mouvement en parti, le problème de la discussion interne se pose au point qu’une trentaine d’adhérents a formé un recours contre les statuts proposés au prétexte justement qu’ils concentraient tous les pouvoirs sans discussion interne…

      [Si j’écris que les partis sont par nature dogmatiques c’est que pour faire adhérer des citoyens, il faut bien leur proposer un cadre idéologique auquel ils souscrivent fortement et qui est constitué d’une série plus ou moins cohérente d’affirmations, de thèses, d’opinions émises sur le ton de la certitude et imposées comme vérités indiscutables.]

      Vous donnez au mot « dogme » une signification terriblement extensive. La théorie de la relativité est énoncée par des milliers de professeurs qui « y souscrivent fortement » sur un « ton de certitude ». Est-ce pour autant un « dogme » ? Non, parce que personne n’est tenu d’y croire sur parole, que ses principes sont susceptibles de démonstration et ses conclusions de confrontation avec la réalité. Le libéralisme, le marxisme ne sont pas des « dogmes », ce sont des théories, qu’on peut argumenter et contre-argumenter. L’immaculée conception de Marie est un dogme : il n’y a rien à argumenter. On y croit, ou on n’y croit pas.

      [Pourquoi, à votre avis, des partis de gouvernement tels que le PS ou LR sont actuellement en difficulté ? C’est probablement parce que l’un et l’autre sont en déshérence idéologique et leurs adhérents se dispersent au profit des organisations qui prétendent apporter des réponses claires à leurs questionnements.]

      Si le PS ou LR sont en difficulté, c’est parce que leur base électorale ne les perçoit plus comme capables de défendre leurs intérêts. Encore une fois, ce sont les intérêts qui priment, et non la « réponse aux questionnements ». A quel « questionnement » répond LREM ? La « déshérence idéologique » n’a jamais écarté un parti politique du pouvoir.

      [Les électeurs, du moins pour la plupart, et je ne prétends pas vous l’apprendre, votent, donc décident et engagent des faits bien réels, sur ce qu’ils croient vrai, et pas forcément, loin de là, sur ce qui est vrai.]

      Certes, mais le vote n’est pas une recherche de vérité, c’est une défense d’intérêts.

      [Pour tout un tas de raisons et de circonstances, dont les élites politiques en place sont à l’origine, le principe du « dégagisme » cher à JLM s’est imposé de manière impromptue.
      C’est un fait démocratique indiscutable. Ceux qui le contestent se mettent en marge de la communauté nationale.]

      Le fait est indiscutable, ce qui l’est moins est le sens qu’on lui donne. Pourquoi les élites politiques se sont accommodées et ont même alimenté ce « dégagisme », et pourquoi l’électorat des « classes moyennes » les a suivi ? Parce que le « dégagisme », c’est le stade ultime du guépardisme : « changer tout pour que rien ne change ». En créant l’illusion que nos maux viennent des hommes et non pas des mécanismes, on gagne du temps à bon compte. On chasse le bouc émissaire, et puis on continue avec les mêmes politiques mais sous des visages neufs.

      [Qu’il ait voté ou non pour E.Macron, que peut faire un citoyen lambda en dehors d’être vigilant ? Peut-il légitimement espérer l’échec de celui qui a été choisit par la majorité, même si les options qui sont mises en œuvre ne correspondent pas à ses propres convictions.]

      Ca dépend du citoyen lambda. Le « succès » de Macron n’a pas les mêmes conséquences pour l’ouvrier lambda, pour le médecin lambda, pour le professeur lambda. Après, il faut s’entendre sur le sens que vous donnez au mot « succès ». Si par « succès » vous entendez le fait de réaliser les projets sur lesquels il a été élu, il est clair que l’ouvrier lambda a tout intérêt à ce que Macron échoue.

      [Car enfin, si toutefois le gouvernement actuel arrivait par quelques moyens que ce soit à endiguer et réduire le chômage et rendre la dignité à quelques millions d’exclus, à maintenir l’essentiel de la protection sociale, à rendre son rang international à notre pays au niveau de ses ambitions, à redynamiser l’économie et l’industrie, tout cela fusse au prix de quelques sacrifices imposés à ceux qui objectivement et équitablement ont la capacité d’y faire face, je ne vois pas ce que l’on aurait à redire.]

      Rien, bien entendu. Si Macron faisait un programme véritablement socialiste, nous serions nombreux à l’applaudir – mais pas vraiment parmi ses électeurs. Seulement voilà, Macron n’a aucune intention d’endiguer et de reduire el chômage, de rendre la dignité aux exclus, de maintenir la protection sociale ou de redynamiser notre industrie. Non pas parce qu’il est méchant, mais parce que ce n’est pas dans l’intérêt des couches sociales qui le soutiennent, dont il dépend et auxquelles il appartient.

      [Qui, y compris les leaders politiques opposants, peut prétendre qu’il aurait fait aussi bien ou mieux ?]

      Tous peuvent le prétendre. Quant à savoir ce qu’ils auraient fait une fois au pouvoir… c’est une autre histoire.

      [La question qui se pose, ou devrait se poser, c’est de déterminer le type de comportement à adopter pour se comporter dignement en qualité d’une nation démocratique, civilisée et moderne. Faut-il, par tous les moyens, à la limite de l’infantilité ou de la subversion, entraver la conduite des affaires, au risque d’entretenir une situation de perdant-perdant ?]

      Ca dépend comment « les affaires » sont conduites. En 1940, De Gaulle aurait du s’abstenir d’entraver le gouvernement Pétain « au risque d’entretenir une situation perdant-perdant » ? Aurait-il du au contraire former des vœux pour sa « réussite » ? Non, bien sur que non. Il faut revenir in fine aux questions d’intérêt : la politique que fera Macron est la politique qui sert les intérêts de sa classe. Les couches populaires n’ont donc aucun intérêt à lui laisser les mains libres. Au contraire, elles ont intérêt à faire pression jusqu’à ce que leurs intérêts soient pris en compte. C’est cela, la négociation démocratique.

      [En quoi le comportement irresponsable et délétère de certains, et pas des moindres, apporte quelque chose à la communauté nationale ?]

      Je ne vois pas de qui vous voulez parler. Pourriez-vous être plus explicite ?

      [Je ne pense pas, personnellement que E.Macron arrivera à résoudre nos difficultés,]

      Si par « nos difficultés » vous pensez à celles des « classes moyennes », je suis moins pessimiste que vous. Au moins, il essaiera. Si par contre par « nos difficultés » vous entendez celles de la France en tant que nation, je doute qu’il essaye.

      [qu’il ne faut pas néanmoins exagérer en utilisant des termes comme « désastre, catastrophe, déliquescence, . . . . ».]

      Et bien, ça dépend des domaines. Dans le domaine industriel ou celui de l’éducation, « désastre » et « déliquescence » me paraissent des mots très appropriés.

      [Simplement, en vertu des sagesses antiques, j’admets que le sort qui nous est fait par la décision démocratique est le sort auquel on doit se soumettre dans la mesure ou il respecte les valeurs fondamentales de nos principes républicains.]

      Je ne suis pas d’accord. La vie démocratique ne se réduit pas à voter tous les cinq ans, et le vote pour un homme ne vaut pas validation de l’ensemble de son programme. Quand j’élis un homme, j’élis celui qui doit déterminer la politique de la nation. Mais il doit la déterminer dans le cadre démocratique, celui du débat public, du droit de pétition et de manifestation, du droit de grève. La démocratie, c’est une négociation permanente.

      [Eh bien sur votre approche des « classes moyennes », tant que vous ne pourrez objectiver cette approche de manière cartésienne, et c’est le moindre que l’on puisse attendre, cette référence restera pour moi, comme j’en ai l’impression pour beaucoup de vos lecteurs, une sorte de bouc émissaire utile à vos thèses et argumentations.]

      Mais je crois avoir parfaitement « objectivé » ce que j’appelle « classes moyennes ». Le fait que je ne puisse pas encore estimer son étendu numérique ne la rend pas pour autant moins « objective ».

      [Ce qui fait « classe », c’est la distinction vis à vis des autres, la reconnaissance dans le regard d’autrui,]

      Non. Ce qui fait « classe », c’est une position dans le mode de production qui donne à ceux qui l’occupent un intérêt commun. Les bourgeois n’étaient pas moins une “classe” du temps où ils étaient méprisés par l’aristocratie.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Bien moins que les discours anti-négationnistes, jusqu’à présent il n’y a pas eu d’émissions sur le service public audiovisuel remettant en cause la Shoah, par contre les dossiers à charge discréditant le progrès technologique, il y en a à la pelle.]

      Oui, mais en général avec des arguments de nature morale ou scientifique. Il y a tout de même une différence entre tordre les faits – ce qui suppose que les faits sont importants – et nier leur existence. Remarquez, j’ai regardé hier aux informations de FR3 « des régions » un reportage sur les magnétiseurs et les rebouteux qui, dans un autre contexte, on aurait pris pour un poisson d’avril…

      [Ce que je réclame, comme pour la Shoah, c’est une loi qui pénalise les discours anti-rationalistes au nom de l’ordre public, rationalisme qui est aujourd’hui bien plus en péril que la reconnaissance de la Shoah. C’est également une bonne base pour réduire au silence les associations comme «Robin des toits» qui vivent du harcèlement juridique.]

      Mais ne craignez-vous pas en faisant cela de rendre impossible le débat sur les faits eux-mêmes (un peu comme les lois mémorielles empêchent tout véritable travail historique sur l’esclavage ou la Shoah) ? La liberté de parole nous expose à entendre beaucoup de bêtises, mais elle a quand même quelques petits avantages… Comme je vous l’ai dit, j’ai une position un peu plus modérée que la votre. Interdire le discours irrationnel chez les institutions, d’accord. L’interdire en général… je suis plus réservé.

      [« Oui, mais encore une fois, si nous utilisons les méthodes de nos adversaires, quelle est la différence entre eux ou nous ? » Rien ne distingue dans ce cas les Français qui défendaient leur territoire aux Allemands qui l’envahissaient durant la première guerre mondiale.]

      Sauf que, comme vous le pointez vous-même, l’un défendait son territoire, l’autre l’envahissait. Ce qui fait tout de même une différence objective quant à la légitimité des actions des uns et des autres. Mais on ne peut pas transposer les règles de l’affrontement militaire à l’affrontement politique. Le combat militaire en 1914-18 était un combat territorial. Aucun des deux camps ne visait à construire une société différente de l’autre. Dans le combat politique, la question de la légitimité à imposer un modèle de société est essentielle, et on ne peut pas tout à fait séparer les méthodes utilisées pour l’imposer du modèle lui-même. C’est d’ailleurs pourquoi la première et la deuxième guerres mondiales nous apparaissent très différentes : dans le premier cas, c’était une querelle territoriale, dans le second un conflit politique.

      [Personnellement, ce qui compte à mes yeux, c’est surtout celui qui agresse. Celui qui se défend est parfaitement en droit d’annihiler son agresseur s’il vient à prendre le dessus de la situation.]

      Oui, mais la transposition de ce modèle en politique vous conduit à un paradoxe. Qui est « celui qui attaque » et « celui qui se défend » en politique ? En 1789, l’aristocratie était-elle la partie « attaquée ». Elle avait donc le droit de « annihiler son agresseur » ? Mais pourtant, en 1793 c’est la République qui est agressée, et les républicains avaient eux aussi le droit de « annihiler leur agresseur », c’est-à-dire, l’aristocratie ?

      Donner à « celui qui se défend » la légitimité en politique vous conduit forcément à une logique ultra-conservatrice, puisque tous ceux qui veulent changer quelque chose sont forcément les « agresseurs » du système tel qu’il est.

      [« Je crois que nous ne nous entendons pas parce que vous confondez la légitimité et l’opportunité ». Il y a les deux. Légitimité car œil pour œil, dent pour dent. Opportunité, car il est dans leur intérêt que l’administration leur soit fidèle idéologiquement.]

      Vous n’avez pas compris mon commentaire. Lorsque je dis que vous confondez légitimité et opportunité, ce que je veux dire c’est qu’en politique on est quelquefois conduit à faire des choses qu’on condamne du point de vue éthique mais qui sont nécessaires à un moment donné. On retrouve là les débats qui ont traversé la Résistance sur la nécessité d’exécuter les « traîtres » – ou du moins supposés tels – sans leur donner la possibilité de se défendre. Un acte de toute évidence insupportable du point de vue éthique, mais qui se justifiait par la nécessité.

      [Je pense qu’il faille que l’ont se mette d’accord sur le mot «règle». Pour ma part, les règles ont été violées quand il a tapé dans le tiroir caisse de Bercy pour user de façon inappropriée des frais de représentation.]

      On peut discuter à l’infini la subtile frontière qui sépare la communication du ministère, celle du ministre, et celle de la personne du ministre lorsqu’il vise d’autres fonctions. Cependant, si une « règle » a été brisée, elle est de peu de conséquence. La petite escapade à Las Vegas n’a eu aucune influence dans le résultat du scrutin, et l’immense majorité des électeurs n’en a même pas eu connaissance.

      [Si ce n’est pas de son ressort direct, les règles ont été violées quand la justice s’est acharnée sur un adversaire alors que pour des reproches similaires, il n’était pas inquiété ou bien quand le service public de l’audiovisuel a violé son obligation de neutralité.]

      Si vous allez par là, les « règles » sont violées par le simple fait que certains citoyens peuvent mettre à la disposition de leur candidat préféré des millions d’euros, des moyens de communication, du personnel, tandis que d’autres ne peuvent apporter que leurs mains pour coller des affiches. Non, la démocratie « bourgeoise » n’est pas parfaite, et si tous les citoyens sont égaux, certains le sont plus que d’autres. Mais si pour ces raisons vous remettez en cause la légitimité de celui qui est élu, il ne vous reste plus que la guerre civile.

      [Si je ne me trompe pas, vous dîtes que la démocratie ne se résume pas seulement au vote, mais aussi à la procédure qui lui précède, pour les raisons citées ci-dessus.]

      Ce n’est pas tout à fait ce que je dis. Pour moi, la démocratie est un rapport quotidien, qui dépasse de loin le processus électoral. Nous élisons un homme pour nous gouverner, mais l’élection ne vaut pas carte blanche, ni même approbation de son programme.

      [Vous pensez que l’on a à faire à un simple «paradoxe du tolérant» dans lequel il est juste d’éliminer l’intolérant pour protéger la tolérance, dans notre cas les classes moyennes avec leur idéologie post-moderne. En théorie vous avez raison, mais en pratique cela revient à faire des procès d’intention incompatibles avec maintien des libertés publiques.]

      C’est pourquoi les « libertés publiques » ne seront jamais totales ni parfaites. Elles s’arrêtent là où le fonctionnement de la société est menacé.

      [Car les soixante-huitards ont bien fait leur «révolution» ont nom du «carcan» qu’était à leur yeux la société gaulliste et réclamaient plus de «libertés». Ce n’est qu’au fur et à mesure de leur prise de contrôle de la société qu’ils ont commencé à devenir liberticides.]

      Non, ils l’ont été dès le départ. Au-delà du discours, ce qui caractérise le mouvement de 1968 est une énorme intolérance. Bien entendu, l’intolérance ne se manifeste pas de la même manière lorsqu’on est dans l’opposition et lorsqu’on est au pouvoir. Mais le ver était dans le fruit dès le départ. Et il ne pouvait pas en être autrement : 1968, c’est la révolution d’une classe sociale, et le but était de balayer tout ce qui se mettait sur le chemin de ses intérêts.

      [Je ne pense pas que les illuministes étaient subversifs pour être subversifs. Je pense qu’ils étaient surtout soucieux d’améliorer la société dans laquelle ils vivaient.]

      Tout à fait. Mais il ne faut pas tomber dans l’idéalisme : l’amélioration à laquelle ils pensaient était le plus souvent dans l’intérêt de leur classe… il n’empêche qu’en cherchant à affranchir leur classe, ils ont construit une idéologie qui, à l’usage, se révèle universelle.

      [Au nom de cette subversion, fallait-il accepter dans ce cas que les soixante-huitards remettent en cause l’idéologie dominante qu’était le «gaullo-communisme» ?]

      Non. Mais vous ne pouviez pas l’empêcher : le rapport de forces étant ce qu’il était, le choix n’était pas « d’accepter » ou de refuser, mais de savoir si ce changement se ferait pacifiquement ou à travers une guerre civile.

      [Par contre, la critique gratuite n’a aucune utilité et de ce fait doit être bannie du débat public.]

      Le problème, c’est qui détermine ce qu’est une « critique gratuite »… Comme le risque est grand que les juges soient désignés par « l’autre camp », je préfère qu’on consacre le droit de chacun de dire ce qu’il veut, ce qui m’expose au risque d’entendre beaucoup de bêtises, mais me garantit le droit de dire les miennes…

    • François dit :

      @ Descartes

      [Mais ne craignez-vous pas en faisant cela de rendre impossible le débat sur les faits eux-mêmes (un peu comme les lois mémorielles empêchent tout véritable travail historique sur l’esclavage ou la Shoah) ?]
      Ce qui doit être par exemple condamné, ce sont des assertions sans affirmations sérieuses que certaines inventions scientifiques sont nuisibles. Concrètement, Monsanto peut être dans son droit d’attaquer en justice «greenpeace» quand elle affirme que le Roundup est un poison. Ne serait-ce pour le préjudice que coûte ce genre d’opérations de désinformation.
      Plus explicitement, ce que je demande, c’est que la méthode scientifique soit sanctifiée. Jamais un scientifique qui remet en cause la théorie de la relativité générale ou qui prouve la toxicité d’un OGM sur la base d’un travail sérieux ne sera inquiété. Mais gare aux manipulateurs qui prennent l’opinion publique à témoin.
      Les scientifiques comme Gilles-Éric Séralini qui utilisent ce genre de méthodes devraient au moins se voir interdire leur profession dans des institutions publiques et semi-publiques.

      [Donner à « celui qui se défend » la légitimité en politique vous conduit forcément à une logique ultra-conservatrice, puisque tous ceux qui veulent changer quelque chose sont forcément les « agresseurs » du système tel qu’il est.]
      Dans l’absolu, vous avez raison. Mais en 1789, républicains et royalistes étaient également près à établir un compromis. Si demain un candidat de salut public venait à être élu et que la partie adverse menace de semer le trouble, menace qui ne serait levée qu’au départ du candidat, que doit-il faire ?
      Pour un cas plus concret, que devait faire Salvador Allende ? Mourir en saint comme il l’a fait, ou écraser la bourgeoisie qui voulait à tout prix sa tête ?

      [On peut discuter à l’infini la subtile frontière qui sépare la communication du ministère, celle du ministre, et celle de la personne du ministre lorsqu’il vise d’autres fonctions.]
      Quand un ministre de l’économie invite sur les deniers de l’état des représentants spirituels, la frontière est indéniablement franchie.

      [Cependant, si une « règle » a été brisée, elle est de peu de conséquence.]
      Ça a coûté à Nicolas Sarkozy le remboursement de ses frais de campagne.

      [La petite escapade à Las Vegas n’a eu aucune influence dans le résultat du scrutin, et l’immense majorité des électeurs n’en a même pas eu connaissance.]
      Ça a eu une conséquence indirecte. Cela a permis de se constituer un réseau, notamment pour se pourvoir des fonds. Si ce n’est pas cela qui a fait gagner l’élection, ça a eu son utilité. Comme dit ci-dessus, la moindre des choses serait que le Conseil constitutionnel invalide les comptes de campagnes de Macron.

      [Si vous allez par là, les « règles » sont violées par le simple fait que certains citoyens peuvent mettre à la disposition de leur candidat préféré des millions d’euros, des moyens de communication, du personnel, tandis que d’autres ne peuvent apporter que leurs mains pour coller des affiches.]
      Non le fait qu’il y ait une différence de moyens entre candidats reste dans le domaine de l’acceptable, car légal. Ce qui rentre dans le domaine de l’inacceptable, c’est quand les règles de neutralité du service public sont violées, ou quand la justice est instrumentalisée.

      [Mais si pour ces raisons vous remettez en cause la légitimité de celui qui est élu, il ne vous reste plus que la guerre civile.]
      Macron n’a aucune légitimité à mes yeux. Il est vrai toutefois qu’il reste légitime aux yeux d’une majorité de Français et que je suis obligé de respecter leur choix. Aussi, je n’ai fait aucune publicité pour réclamer une nouvelle élection, à la grande différence des partisans du «Remain» au Royaume-Uni.

      [Non, ils l’ont été dès le départ. Au-delà du discours, ce qui caractérise le mouvement de 1968 est une énorme intolérance.]
      Ils l’étaient très certainement, mais en dehors des maoïstes et des trotskystes (à moins qu’ils ne furent une majorité), le mot d’ordre était de «laisser plus de place aux jeunes» railler la télévision d’état qu’était l’ORTF, de critiquer le supposé fascisme qui régnait en France, ou plus bassement d’aller dans le dortoir des filles. Rien qui au premier abord ne laisse penser à la mise en place d’un régime liberticide.
      À vrai dire je suis beaucoup trop jeune pour me faire une idée exacte de ce qui s’est passé en mai 68. La seule chose que j’en sait, ce sont les traces qui me sont remontées près de 50 ans après.

      [Non. Mais vous ne pouviez pas l’empêcher : le rapport de forces étant ce qu’il était, le choix n’était pas « d’accepter » ou de refuser, mais de savoir si ce changement se ferait pacifiquement ou à travers une guerre civile.]
      À posteriori il fallait opter pour la guerre civile s’il n’y avait eu que cette possibilité, ce qui aurait permis de museler les classes moyennes. L’expérience et le stock d’armes étaient dans le bon camp.
      De toute façon compte tenu des conséquences de leur idéologie et s’il parviennent à se tenir au pouvoir encore suffisamment longtemps, il y aura inévitablement une guerre civile avec les «chances pour la France». J’ai discuté avec des Libanais et la période que traverse la France en ce moment leur rappelle beaucoup la situation qu’il y avait au Liban avant la guerre civile.

      [C’est pourquoi les « libertés publiques » ne seront jamais totales ni parfaites. Elles s’arrêtent là où le fonctionnement de la société est menacé.]
      [Bien entendu, l’intolérance ne se manifeste pas de la même manière lorsqu’on est dans l’opposition et lorsqu’on est au pouvoir. Mais le ver était dans le fruit dès le départ.]
      [Le problème, c’est qui détermine ce qu’est une « critique gratuite »… Comme le risque est grand que les juges soient désignés par « l’autre camp »]
      J’ai du mal à trouver la cohérence entre la première citation qui justifie une restriction des libertés publiques, la seconde qui explique que l’idéologie post-moderne est intrinsèquement intolérante, et la troisième qui dénie certaines restrictions en raison de la subjectivité supposée du juge. Car «l’autre camp» peut très bien déterminer à sa guise ce qui est «intolérant».
      Les mesures de restriction contre contre les post-modernes ne peuvent se faire qu’au nom de l’ordre public et non parce qu’ils seraient intrinsèquement intolérants. En théorie, le «paradoxe du tolérant» admet une solution, en pratique il n’en a pas à tous les coups. N’importe quelle idéologie peut se présenter comme garante de la tolérance et le moment venu, cesser de l’être.
      Même si dans l’absolu il y avait des signes avant-coureur, les occidentaux n’avaient pas beaucoup de raisons de ne croire pas croire les frères musulmans sur leur «tolérance» quand ils ont pris le pouvoir dans différents pays.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Ce qui doit être par exemple condamné, ce sont des assertions sans affirmations sérieuses que certaines inventions scientifiques sont nuisibles.]

      Le problème est : qui juge du « sérieux » d’une affirmation.

      [Concrètement, Monsanto peut être dans son droit d’attaquer en justice «greenpeace» quand elle affirme que le Roundup est un poison. Ne serait-ce pour le préjudice que coûte ce genre d’opérations de désinformation.]

      Personne à ma connaissance ne conteste le droit de Monsanto d’attaquer en justice « Greenpeace ».

      [Plus explicitement, ce que je demande, c’est que la méthode scientifique soit sanctifiée. Jamais un scientifique qui remet en cause la théorie de la relativité générale ou qui prouve la toxicité d’un OGM sur la base d’un travail sérieux ne sera inquiété. Mais gare aux manipulateurs qui prennent l’opinion publique à témoin.]

      La question est de savoir qui sera le juge du « sérieux » d’un travail scientifique. La difficulté, c’est que les seuls qui peuvent juger pareille chose sont les autres scientifiques… ce qui soumet le jugement à un faisceau d’intérêts contradictoires et aboutit à un conservatisme. Comme vous, je trouve détestables les discours obscurantistes – souvent justifiés par des arguments conspirationnistes. Mais je crains que ce soit le prix à payer pour permettre aux nouvelles théories de s’imposer. L’interdiction risquerait d’être un remède pire que le mal.

      [Dans l’absolu, vous avez raison. Mais en 1789, républicains et royalistes étaient également près à établir un compromis. Si demain un candidat de salut public venait à être élu et que la partie adverse menace de semer le trouble, menace qui ne serait levée qu’au départ du candidat, que doit-il faire ? Pour un cas plus concret, que devait faire Salvador Allende ? Mourir en saint comme il l’a fait, ou écraser la bourgeoisie qui voulait à tout prix sa tête ?]

      J’aurais penché pour la deuxième solution. Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas contre la théorie des circonstances exceptionnelles. Ce que je dis, c’est que celui qui fait appel à des moyens exceptionnels doit être conscient qu’il est en train de faire le mal, et que celui n’est justifié que par l’évitement d’un mal encore pire.

      [« Cependant, si une « règle » a été brisée, elle est de peu de conséquence ». Ça a coûté à Nicolas Sarkozy le remboursement de ses frais de campagne.]

      Pas tout à fait. Ce qui a coûté à Sarkozy le remboursement des frais de campagne c’est un dépassement massif des plafonds. Mais vous noterez quand même que cela n’a pas vraiment changé l’histoire de France…

      [Macron n’a aucune légitimité à mes yeux. Il est vrai toutefois qu’il reste légitime aux yeux d’une majorité de Français et que je suis obligé de respecter leur choix. Aussi, je n’ai fait aucune publicité pour réclamer une nouvelle élection, à la grande différence des partisans du «Remain» au Royaume-Uni.]

      Je pense que vous avez un petit problème avec le concept de « légitimité ». Le fait que la majorité des français reconnaissent comme légitime un gouvernement n’a aucun effet sur le fait que vous deviez le reconnaître ou pas. La majorité des français étaient sans doutes pétainistes en 1940, et vous ne vous considérez pas « obligé de respecter leur choix » par exemple en considérant les actes de l’Etat français comme valables. Non, implicitement, vous reconnaissez à Macron la « légitimité » puisque vous ne demandez pas qu’il soit démis (ce que vous auriez certainement exigé concernant Pétain). Ce qui bien entendu n’implique aucun jugement sur la qualité de la personne.

      [Ils l’étaient très certainement, mais en dehors des maoïstes et des trotskystes (à moins qu’ils ne furent une majorité), le mot d’ordre était de «laisser plus de place aux jeunes» railler la télévision d’état qu’était l’ORTF, de critiquer le supposé fascisme qui régnait en France, ou plus bassement d’aller dans le dortoir des filles. Rien qui au premier abord ne laisse penser à la mise en place d’un régime liberticide.]

      Bien sur que si. Toute pensée est « liberticide » dès lors qu’elle devient obligatoire. « Critiquer le supposé fascisme qui régnait en France » devient « liberticide » lorsqu’on commence à pendre tous ceux qui nient l’existence du « fascisme » en question. Et de ce point de vue, mai 1968 fut « liberticide » depuis le départ. La formule « il est interdit d’interdire » reflète à mon avis parfaitement ce paradoxe.

      [À vrai dire je suis beaucoup trop jeune pour me faire une idée exacte de ce qui s’est passé en mai 68. La seule chose que j’en sait, ce sont les traces qui me sont remontées près de 50 ans après.]

      Je vous conseille la lecture du bouquin de Le Goff pour une approche historique, du bouquin de Rotman pour une approche plus « nostalgique ».

      [À posteriori il fallait opter pour la guerre civile s’il n’y avait eu que cette possibilité, ce qui aurait permis de museler les classes moyennes. L’expérience et le stock d’armes étaient dans le bon camp.]

      « S’il n’y avait eu que cette possibilité », l’idée même « d’option » semble superflue. Mais surtout, il ne faut pas commencer des guerres qu’on ne peut pas gagner. Etant donné le rapport de forces en 1968, la victoire des « classes moyennes » était inéluctable. Provoquer une guerre civile n’aurait abouti qu’au même résultat, avec quelques milliers de morts de plus.

      [De toute façon compte tenu des conséquences de leur idéologie et s’il parviennent à se tenir au pouvoir encore suffisamment longtemps, il y aura inévitablement une guerre civile avec les «chances pour la France». J’ai discuté avec des Libanais et la période que traverse la France en ce moment leur rappelle beaucoup la situation qu’il y avait au Liban avant la guerre civile.]

      Peut-être. Mais j’ai une grande confiance dans le peuple français et dans ses institutions pour nous éviter les affres d’une guerre civile. Si des mesures drastiques sont nécessaires, je pense qu’elles peuvent parfaitement être prises dans le cadre républicain, dès lors qu’il y aura un rapport de forces favorable.

      [J’ai du mal à trouver la cohérence entre la première citation qui justifie une restriction des libertés publiques, la seconde qui explique que l’idéologie post-moderne est intrinsèquement intolérante, et la troisième qui dénie certaines restrictions en raison de la subjectivité supposée du juge.]

      Je pense que votre incompréhension vient du fait que vous vous placez d’un point de vue des principes, alors que je me situe dans une logique purement pragmatique. Pour moi, il est important qu’il y ait des principes, pour guider le fonctionnement normal de la société. Mais je conçois parfaitement qu’on soit obligés de violer ces principes lorsque des circonstances exceptionnelles l’exigent. Et finalement, cette violation n’est permise que si cette violation permet de prévenir un mal plus grave que le mal qu’on fait en s’en affranchissant.

      Ainsi, par exemple, j’estime que l’interdiction de certaines expressions sous le contrôle d’un juge subjectif est plus dangereuse – ici et maintenant, la réponse ne serait pas la même dans d’autres circonstances – que la liberté complète.

    • François dit :

      @Descartes
      Après quelques semaines d’absence, me revoici pour continuer cet échange.

      [Le problème est : qui juge du « sérieux » d’une affirmation.]
      Les médecins sont bien doté d’un conseil de l’ordre pour sanctionner leurs confrères qui manquent à leur déontologie, déontologie qui passe par radier des médecins qui propagent de fausses informations auprès de la population (sur les vaccins par exemple).

      [Personne à ma connaissance ne conteste le droit de Monsanto d’attaquer en justice « Greenpeace ».]
      La question est de savoir pourquoi Monsanto ne le fait pas : parce-qu’ils jugent que ce serait contre-productif de faire condamner «Greenpeace», parce qu’ils ne peuvent produire les preuves du préjudice moral et financier, ou parce-que la juridiction est construite de telle sorte que ce genre de condamnations est impossible ?

      [La question est de savoir qui sera le juge du « sérieux » d’un travail scientifique. La difficulté, c’est que les seuls qui peuvent juger pareille chose sont les autres scientifiques…]
      Les médecins peuvent condamner d’autres médecins via le conseil de l’ordre. Rien n’interdit d’étendre ce genre de procédures à d’autres métiers pour sanctionner les manquements à la déontologie, les enseignants-chercheurs du secteur public et semi-public me semblant être le strict minimum.

      [ce qui soumet le jugement à un faisceau d’intérêts contradictoires et aboutit à un conservatisme.]
      La présence d’un conseil de l’ordre des médecins n’a pas empêché les progrès phénoménaux de la médecine.

      [Mais je crains que ce soit le prix à payer pour permettre aux nouvelles théories de s’imposer.]
      Pensez-vous qu’il n’y a pas de distinction de nature entre le complotiste et le sceptique rationnel ? Ce que je prétends vouloir sanctuariser, c’est la méthode scientifique et non des faits considérés comme vrai à un moment.

      [L’interdiction risquerait d’être un remède pire que le mal.]
      Le seul risque à ce genre de mesure à mes yeux serait un effet pervers, type méfiance accrue de la population. Mais la mise en place de la loi Gayssot n’a pas fait augmenter le négationnisme auprès de la population. En revanche les dangers des anti-scientifiques eux sont bien réels :
      – Disparition de la recherche sur les OGM, alors que la France était l’un des pionniers dans le domaine.
      – Industrie électronucléaire qui ne peut plus préparer l’avenir et dont les acquis sont sérieusement entamés
      – Plus généralement la perte de productivité que des mesures type «principe de précaution» font endurer à nos industries.
      – N’oublions pas non plus en matière de santé publique la résurgence de maladies que l’on croyait éradiquées, comme le montre le décès d’une de la rougeole parce-qu’elle n’a pas été vaccinée contre cette maladie.

      À vrai dire, même si vous ne portez pas la loi Gayssot dans votre cœur, les effets pervers qu’elle a produit vis à vis du gain espéré, devrait pour votre par la remettre en cause.

      [Ce que je dis, c’est que celui qui fait appel à des moyens exceptionnels doit être conscient qu’il est en train de faire le mal, et que celui n’est justifié que par l’évitement d’un mal encore pire.]
      Je voulais en venir à la : vaut-il mieux tuer quelqu’un qui a l’intention de nous tuer avant qu’il nous tue ou faut-il se laisser tuer ?

      [Pas tout à fait. Ce qui a coûté à Sarkozy le remboursement des frais de campagne c’est un dépassement massif des plafonds. Mais vous noterez quand même que cela n’a pas vraiment changé l’histoire de France…]
      Dans le cas présent, je me place plutôt sur une question de principe que de degré. Au passage, si Sarkozy avait été réélu, je doute fort qu’il aurait eu la même légitimité pour exercer le pouvoir que durant son mandat.

      [Je pense que vous avez un petit problème avec le concept de « légitimité ».]
      La meilleure définition que j’ai trouvé au mot légitimité, est qu’une chose a la légitimité quand les gens l’acceptent sans coercition. Dans une théocratie, les gens acceptent de plein grès les lois car elles découlent de la volonté de Dieux, dans les démocraties car il s’agit de la souveraineté populaire

      [Non, implicitement, vous reconnaissez à Macron la « légitimité » puisque vous ne demandez pas qu’il soit démis]
      Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela. Il y a un «surmoi» démocratique qui m’interdit de contester la volonté populaire, dans l’absolu les Français ont eu droit d’accéder au mêmes informations que moi, c’est leur choix souverain que d’avoir élu un psychopathe, puis remplacé des personnes compétentes par des chèvres à l’Assemblée Nationale. Je n’ai pas la prétention d’agir en Minorité Éclairée et d’imposer le bonheur au peuple contre son grès. À côté de cela il y a des considérations tactiques : je préfère passer pour bon joueur afin de taper à bras raccourcis sur les macronistes le jour où un candidat de salut public sera élu et qu’ils se permettront de mettre en cause sa légitimité. Mais pour moi Macron reste quelqu’un qui aurait du être condamné pour haute trahison après avoir bradé des actifs stratégiques à des entités étrangères. À vrai dire si le général de Villiers au lieu de sagement démissionner avait fait sédition, y compris pour des questions non militaires, il est plus que probable que je me sois rangé de son côté. Au passage, j’ai une certaine admiration pour le silence de l’Armée Française, quand on connaît un minimum les orientations politiques de ses membres et les politiques entreprises par nos dirigeants ces dernières décennies. Au fond, je préfère de loin le salut de la France à sa démocratie libérale que je considère de plus en plus contradictoires.

      [(ce que vous auriez certainement exigé concernant Pétain)]
      C’est trop d’honneur que vous me faites. À vrai dire, vu que je me suis déjà fourvoyé idéologiquement, rien ne dit que j’aurais fait la même chose en 1940. De plus, je n’ai pas la prétention de dire que même si j’avais considéré la capitulation comme inacceptable, je me serais engagé dans la résistance le 18 juin au soir. On trouve toujours une bonne excuse pour manquer à ses devoirs.

      [Je vous conseille la lecture du bouquin de Le Goff pour une approche historique, du bouquin de Rotman pour une approche plus « nostalgique ».]
      Je vous remercie pour ces conseils de lecture.

      [Mais surtout, il ne faut pas commencer des guerres qu’on ne peut pas gagner. Etant donné le rapport de forces en 1968, la victoire des « classes moyennes » était inéluctable.]
      Des pays comme l’Iran ou la Turquie, qui pourtant ont des «classes moyennes» fortement occidentalisées sont redevenues islamiques depuis bientôt quarante ans où se sont bien ré-islamisés. À partir du moment où une idéologie a les outils pour rester monopolistique et qu’elle a un minimum le soutien de la population, elle peut tenir longtemps. En 1968, les gaullo-communistes avaient l’expérience et le matériel pour gagner militairement cette guerre. Suite à cette victoire, il aurait simplement fallu épurer milieux universitaires, journalistiques, politiques et syndicaux pour anéantir l’idéologie des «classes moyennes».

      Ceci dit, en admettant que vous ayez raison, votre explication me pose un problème : à quoi bon militer si le combat est perdu d’avance ? À quoi bon vouloir produire des idées si l’on a pas la certitude qu’elles seront un jour mises en application ? Plus grave encore, si les personnes qui ont bâti ce pays avaient su à l’avance que leurs enfant ont dilapidé leur héritage, auraient-ils mis autant d’ardeur dans leur travail ? L’optimisme méthodologique dont vous vous prévalez n’est qu’une version moderne de la foi. Malheureusement, je n’ai pas la foi. Si je peux me battre par devoir pour une cause perdue, il n’en reste pas moins que je ne peux y mettre toute mon ardeur.

      [Peut-être. Mais j’ai une grande confiance dans le peuple français et dans ses institutions pour nous éviter les affres d’une guerre civile.]
      De quelle partie du «peuple français» voulez-vous parler ? Je n’ai qu’une confiance limitée dans les institutions pour éviter les affres d’une guerre civile, compte tenu que c’est une partie d’elles qui a organisé le terreau d’une guerre civile. Au passage, la France est le pays est le pays de la guerre civile par excellence, la dernière ayant eu lieu il y a 72 ans (ou 55, c’est selon).

      [Si des mesures drastiques sont nécessaires, je pense qu’elles peuvent parfaitement être prises dans le cadre républicain, dès lors qu’il y aura un rapport de forces favorable.]
      Encore faut-il que le rapport de forces favorables n’arrive pas trop tard. Plus le temps passe, plus le maintien de la paix civile ne se fera aux prix d’une reconnaissance de facto et de jure de la féodalisation de la France.

      [Et finalement, cette violation n’est permise que si cette violation permet de prévenir un mal plus grave que le mal qu’on fait en s’en affranchissant.]
      Je reconnais qu’il est primordial pour plusieurs raisons de construire une idéologie cohérente. Aussi, je considère que lorsque l’on s’affranchit de certains principes, cela doit toujours être au nom d’un principe supérieur préalablement déterminé et non ad hoc.

      [Ainsi, par exemple, j’estime que l’interdiction de certaines expressions sous le contrôle d’un juge subjectif est plus dangereuse]
      Dans ce cas, il faut abolir toutes les mesures liberticides que notre appareil législatif possède. Décider ou non qu’un groupe est liberticide ne revèle t-il pas de la subjectivité du juge ?

      Remarque subsidiaire, le «camp du bien» vient récemment de se tirer deux belles balles dans le pied. La première, ce sont les députés LREM qui en votant la loi de «moralisation de la vie publique» l’ont tirée, ont décidé de inéligible toute personne qui s’est rendue coupable de propos racistes, etc. Si cette disposition n’est pas censurée par le conseil constitutionnel, rien n’interdira demain de voter un nouveau délit, la «haine envers la nation et le peuple français», en prenant soin de prendre la définition la plus extensible possible, puis de rendre inéligible toute personne qui s’en est rendu coupable.
      La seconde a été tirée par le «journal de référence» qui vient de se demander de l’opportunité ou non de ratonner les néo-nazis (on sait que cette définition peut-être particulièrement extensive) http://www.lemonde.fr/charlottesville/article/2017/08/21/peut-on-frapper-un-nazi-la-violence-a-l-epreuve-de-l-ethique_5174651_5172840.html
      À ma connaissance, la SRM n’a pas cru bon dénoncer cet article, rien n’interdit donc de se servir ou non de de cette opportunité contre les journalistes du Monde d’un point de vue éthique.

    • Descartes dit :

      @ François

      [« Le problème est : qui juge du « sérieux » d’une affirmation ». Les médecins sont bien doté d’un conseil de l’ordre pour sanctionner leurs confrères qui manquent à leur déontologie, déontologie qui passe par radier des médecins qui propagent de fausses informations auprès de la population (sur les vaccins par exemple).]

      Oui, mais ce type de « police de la pensée » – ou plutôt de police de l’expression – n’est pas sans inconvénients. Je suis le premier à considérer qu’il faut des Académies, pour former une opinion consensuelle entre ceux qui savent. Mais il faut être conscient que si cette opinion a bien plus de chances d’être juste que celle de n’importe quel expert pris séparément, il ne reste pas moins qu’elle peut être erronée. Et que si l’académie a le pouvoir de réduire au silence toute critique, l’erreur peut se perpétuer indéfiniment puisqu’il n’y aura personne pour la contester.

      La justice « ordinale », celle de l’ordre des médecins, des pharmaciens ou des architectes, c’est une mauvaise solution à un problème qui n’en a pas de bonne. Je ne pense pas qu’on puisse la généraliser à l’ensemble de la pensée.

      [« Personne à ma connaissance ne conteste le droit de Monsanto d’attaquer en justice « Greenpeace » ». La question est de savoir pourquoi Monsanto ne le fait pas : parce-qu’ils jugent que ce serait contre-productif de faire condamner «Greenpeace», parce qu’ils ne peuvent produire les preuves du préjudice moral et financier, ou parce-que la juridiction est construite de telle sorte que ce genre de condamnations est impossible ?]

      D’abord, ils le font. Et Greenpeace a déjà perdu des procès contre Monsanto ou contre Areva. Mais il y a une réalité qui est celle du sentiment populaire, et qu’on peut difficilement changer par décret. Interdire l’expression de l’obscurantisme ne ferait d’ailleurs que justifier le discours obscurantiste sur le mode « ils ne le cachent, il doit bien y avoir une raison ».

      [« Mais je crains que ce soit le prix à payer pour permettre aux nouvelles théories de s’imposer. » Pensez-vous qu’il n’y a pas de distinction de nature entre le complotiste et le sceptique rationnel ? Ce que je prétends vouloir sanctuariser, c’est la méthode scientifique et non des faits considérés comme vrai à un moment.]

      Je pense qu’il y a une différence de nature entre le complotiste et le sceptique rationnel, mais que malheureusement cette différence est très difficile à écrire dans le droit sans porter atteinte à la liberté de penser.

      [« L’interdiction risquerait d’être un remède pire que le mal. » Le seul risque à ce genre de mesure à mes yeux serait un effet pervers, type méfiance accrue de la population. Mais la mise en place de la loi Gayssot n’a pas fait augmenter le négationnisme auprès de la population.]

      Ni diminuer, d’ailleurs. Ce qui ne croyaient pas à la réalité de la Shoah continuent à le croire, et ce qui y croyaient gardent les convictions. La loi Gayssot est une loi de décence : elle vise moins à changer les opinions des gens qu’à éviter l’expression d’opinions qui offensent une partie de la population.

      [En revanche les dangers des anti-scientifiques eux sont bien réels :]

      Personne ne conteste la réalité de la menace. Mais dans un régime démocratique, on ne conjure pas cette menace en bridant l’expression. On la conjure en éduquant le citoyen, en lui donnant les instruments pour faire une lecture critique des messages, et en lui démontrant qu’il peut faire confiance aux institutions. Et cela ne marche pas si mal : c’est parce que notre école reste très largement cartésienne et donne une image positive des sciences que l’écologie radicale est si faible chez nous en comparaison avec nos voisins.

      [« Ce que je dis, c’est que celui qui fait appel à des moyens exceptionnels doit être conscient qu’il est en train de faire le mal, et que celui n’est justifié que par l’évitement d’un mal encore pire. » Je voulais en venir à la : vaut-il mieux tuer quelqu’un qui a l’intention de nous tuer avant qu’il nous tue ou faut-il se laisser tuer ?]

      Vous ne pouvez pas « tuer celui qui a l’intention de vous tuer ». Tout au plus, vous pouvez tuer celui que vous PENSEZ avoir l’intention de vous tuer. Vous n’avez aucun moyen de connaître objectivement les « intentions » des gens. Et si chacun de nous avait le droit de tuer sur un simple procès d’intention… imaginez-vous les dégâts. Au lieu de vous mettre en position de celui qui tue, mettez-vous en position de celui qui est tué. Accepteriez-vous que votre femme, vos enfants ou vos parents soient tués par quelqu’un qui croit savoir qu’ils ont telle ou telle intention ?

      [« Je pense que vous avez un petit problème avec le concept de « légitimité » ». La meilleure définition que j’ai trouvé au mot légitimité, est qu’une chose a la légitimité quand les gens l’acceptent sans coercition.]

      C’est une vision qui a mon avis confond le concept et ses conséquences. Une des conséquences de la légitimité d’une autorité est le consensus du peuple pour reconnaître ses commandements – ce qui ne veut pas dire qu’ils soient obéis, ainsi par exemple le fait de dépasser la limitation de vitesse ne revient pas à considérer le gouvernement comme illégitime pour les imposer. Mais cette reconnaissance est une conséquence de la légitimité, et non la légitimité elle-même.

      En fait, la légitimité d’une autorité a deux aspects : un aspect subjectif qui consiste en la reconnaissance par un consensus des personnes soumises à l’autorité en question, et un aspect objectif qui est la capacité juridique – d’autres diront la compétence – pour prendre une décision, capacité qui est issue du système politico-administratif. Ainsi, par exemple, le gouvernement du Maréchal Pétain était « légitime » au sens que l’immense majorité des français, que l’immense majorité des institutions ont reconnu son autorité. Il n’était pas « légitime » au sens que l’assemblée qui lui avait conféré les pouvoirs constituants n’avait pas elle-même la capacité pour le faire.

      [« Non, implicitement, vous reconnaissez à Macron la « légitimité » puisque vous ne demandez pas qu’il soit démis » Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela. Il y a un «surmoi» démocratique qui m’interdit de contester la volonté populaire,]

      Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un « surmoi ». C’est plutôt une convention utilitaire, une « fiction nécessaire ». Nous nous sommes tous mis d’accord sur le fait qu’une société dans laquelle celui qui est élu par le vote populaire est reconnu comme « légitime » pour gouverner est une société plus riche, plus libre et plus agréable à vivre que n’importe laquelle des alternatives. Nous nous astreignons donc à la discipline de reconnaître comme « légitime » celui qui est élu même s’il ne nous convient pas, en espérant que le jour où l’élu nous conviendra les autres nous rendront la politesse.

      La légitimité, je le répète, a un élément subjectif. Macron est juridiquement légitime parce qu’il a été élu conformément aux formes requises, mais il est politiquement légitime parce qu’il bénéficie d’une convention, d’une « fiction nécessaire » qui fait qu’on accepte son autorité parce qu’on accepte ces formes comme conférant la légitimité.

      [À vrai dire si le général de Villiers au lieu de sagement démissionner avait fait sédition, y compris pour des questions non militaires, il est plus que probable que je me sois rangé de son côté. Au passage, j’ai une certaine admiration pour le silence de l’Armée Française, quand on connaît un minimum les orientations politiques de ses membres et les politiques entreprises par nos dirigeants ces dernières décennies. Au fond, je préfère de loin le salut de la France à sa démocratie libérale que je considère de plus en plus contradictoires.]

      Le problème que vous posez est éternel : la dictature éclairée fonctionne mieux que la démocratie, mais cette constatation ne peut se faire qu’à posteriori. La difficulté est qu’il n’existe pas de moyen pour s’assurer qu’un dictateur soit « éclairé » lorsqu’il prend le pouvoir…

      [« Mais surtout, il ne faut pas commencer des guerres qu’on ne peut pas gagner. Etant donné le rapport de forces en 1968, la victoire des « classes moyennes » était inéluctable ». Des pays comme l’Iran ou la Turquie, qui pourtant ont des «classes moyennes» fortement occidentalisées sont redevenues islamiques depuis bientôt quarante ans où se sont bien ré-islamisés.]

      Oui, mais au prix d’un retour vers le passé. Je ne crois pas qu’on aurait trouvé beaucoup de français dans les années 1960 ou 70 pour revenir au moyen-âge.

      [À partir du moment où une idéologie a les outils pour rester monopolistique et qu’elle a un minimum le soutien de la population, elle peut tenir longtemps. En 1968, les gaullo-communistes avaient l’expérience et le matériel pour gagner militairement cette guerre.]

      Sauf que, contrairement à l’Islam, le « gaullo-communisme » n’a jamais réussi à se constituer comme idéologie. Le « gaullo-communisme » est au contraire une alliance de facto, qui correspond à un contexte très particulier où les intérêts des uns et des autres ont coïncidé. Une fois disparues les conditions objectives qui ont permis cette coïncidence, l’alliance qui avait soutenu cette politique s’est délitée, comme s’était délitée en 1947 l’alliance qui avait mis en place le programme du CNR. Notre histoire est pleine de ce genre de moments lumineux où, devant les romains, on oublie nos querelles, pour utiliser l’image astérixienne… mais cela ne dure jamais longtemps.

      [Ceci dit, en admettant que vous ayez raison, votre explication me pose un problème : à quoi bon militer si le combat est perdu d’avance ? À quoi bon vouloir produire des idées si l’on a pas la certitude qu’elles seront un jour mises en application ? Plus grave encore, si les personnes qui ont bâti ce pays avaient su à l’avance que leurs enfant ont dilapidé leur héritage, auraient-ils mis autant d’ardeur dans leur travail ?]

      Oui, parce que ce travail les a grandi. Nous savons tous que nous serons morts un jour, et cela ne nous empêche pas d’œuvrer. Et puis, nous n’avons jamais la « certitude » que ce qu’on a produit ne sera pas mis en application. Il reste toujours la possibilité que nous ayons mal lu les signes…

      [L’optimisme méthodologique dont vous vous prévalez n’est qu’une version moderne de la foi.]

      Pas tout à fait. Je dirais plutôt que c’est un pari pascalien.

      [« Peut-être. Mais j’ai une grande confiance dans le peuple français et dans ses institutions pour nous éviter les affres d’une guerre civile. » De quelle partie du «peuple français» voulez-vous parler ?]

      Je ne parle d’aucune « partie », je parle de l’ensemble.

      [Au passage, la France est le pays est le pays de la guerre civile par excellence, la dernière ayant eu lieu il y a 72 ans (ou 55, c’est selon).]

      Nos guerres civiles n’ont guère été plus nombreuses que celles de nos voisins, mais elles ont été beaucoup moins sanglantes en comparaison. Nous aboyons beaucoup, mais nous mordons peu.

      [Je reconnais qu’il est primordial pour plusieurs raisons de construire une idéologie cohérente. Aussi, je considère que lorsque l’on s’affranchit de certains principes, cela doit toujours être au nom d’un principe supérieur préalablement déterminé et non ad hoc.]

      C’est bien mon point. Et en haut de la pyramide, se trouve le principe solonien : « Le salut du peuple est la loi suprême ».

      [« Ainsi, par exemple, j’estime que l’interdiction de certaines expressions sous le contrôle d’un juge subjectif est plus dangereuse » Dans ce cas, il faut abolir toutes les mesures liberticides que notre appareil législatif possède.]

      Ce n’est pas parce que quelque chose est « dangereuse » qu’il ne faut pas la faire. Mais d’une part si on le fait il faut avoir conscience du danger, et d’autre part il faut pouvoir justifier la prise de risque par l’évitement d’un danger encore plus grave.

    • François dit :

      @ Descartes

      [La justice « ordinale », celle de l’ordre des médecins, des pharmaciens ou des architectes, c’est une mauvaise solution à un problème qui n’en a pas de bonne. Je ne pense pas qu’on puisse la généraliser à l’ensemble de la pensée…]
      Je reconnais que nulle institution n’est parfaite, mais je juge également sur résultat et je constate que l’espérance de vie n’a cessé n’a cessé d’augmenter, que les bâtiments sont de plus en plus sûrs (si évènement tragiques il y a, cela tient d’abord à la vétusté des bâtiments ou à la négligence du responsable des lieux), malgré la présence d’une justice « ordinale ». A contrario la recherche agronomique française décline avec la place de plus en plus importante que les post-modernes y occupent. Une personne comme Gilles-Éric Séralini ne devrait plus avoir le droit d’exercer dans des institutions publiques et semi-publiques, ne serait-ce parce qu’il constitue un coût inutile pour le contribuable.

      [Je pense qu’il y a une différence de nature entre le complotiste et le sceptique rationnel, mais que malheureusement cette différence est très difficile à écrire dans le droit sans porter atteinte à la liberté de penser.]
      J’ai confiance dans les juristes à travailler de concert avec les épistémologues afin d’établir des lois protégeant les sceptiques rationnels, quitte à donner des libertés aux complotistes «modérés».
      À vrai dire le complotisme est déjà réprimé par la loi, car en règle générale on ne tient pas très longtemps avant de se retrouver en XVIIème chambre après avoir relayé la thèse d’un «complot juif». Je ne parle même pas de la loi Pleven qui a permis tous les excès que l’on connaît aujourd’hui contre la liberté de penser.

      [La loi Gayssot est une loi de décence]
      N’importe qui peut invoquer la décence. Au passage, la loi Gayssot a eu des effets bien néfastes en ouvrant la boîte de Pandore de la surenchère victimaire (bien indécente au passage), empêchant les historiens de faire sérieusement leur travail et indirectement contribué à délier la cohésion sociale française.

      [Personne ne conteste la réalité de la menace. Mais dans un régime démocratique, on ne conjure pas cette menace en bridant l’expression.]
      Pourtant, c’est bien ce qui est fait d’une certaine façon avec la loi Gayssot.

      [On la conjure en éduquant le citoyen, en lui donnant les instruments pour faire une lecture critique des messages, et en lui démontrant qu’il peut faire confiance aux institutions.]
      Je suis bien évidemment d’accord sur le fait qu’il faille donner un enseignement cartésien.

      [Et cela ne marche pas si mal : c’est parce que notre école reste très largement cartésienne et donne une image positive des sciences que l’écologie radicale est si faible chez nous en comparaison avec nos voisins.]
      Je pense que nous vivons surtout sur l’héritage cartésien et que cet héritage se délie d’années en années, n’ayant qu’un temps de retard sur nos voisins. Peut-être que l’image de la science reste positive dans le peuple, mais elle ne l’est certainement pas chez les personnes qui comptent dans ce pays. Sinon recherches dans les biotechnologies, et le nucléaire (voir d’autres secteurs) ne seraient pas ce qu’elles sont actuellement et le principe de précaution inscrit dans la constitution.

      [Vous ne pouvez pas « tuer celui qui a l’intention de vous tuer »]
      J’aurais du être plus clair, et parler de personnes qui ont exprimé l’intention (ou laissé des traces physiques de l’intention) de nous tuer et ont les moyens de le faire, sachant que la seule façon de les mettre hors d’état de nuire est de tuer.

      [La difficulté est qu’il n’existe pas de moyen pour s’assurer qu’un dictateur soit « éclairé » lorsqu’il prend le pouvoir…]
      Connaissant idéologiquement le frère, supposant qu’il partage les mêmes opinions que celui-ci, je ne dirais pas que le général de Villiers se serait comporté en dictateur «éclairé» selon mes canons, mais qu’il aurait au moins combattu le séparatisme communautaire qui gangrène la France et cherché à redonner à la France son indépendance, deux combats que je juge prioritaires.
      Je reconnais qu’après ces deux combats quasiment tout me sépare de ses opinions présumées et rien ne dit qu’après qu’il aurait sagement redonné le pouvoir et qu’au contraire que je ne sois pas le prochain sur sa liste.
      Je pense que la perspective d’un second mandat de Macron est plus que probable, qu’après ce soit trop tard pour la France et de ce fait la perspective d’un coup d’état militaire et le soutenir aurait constitué un risque acceptable à mes yeux.

      [Oui, mais au prix d’un retour vers le passé. Je ne crois pas qu’on aurait trouvé beaucoup de français dans les années 1960 ou 70 pour revenir au moyen-âge.]
      Je ne pense pas que le gaullo-communisme voulait revenir au moyen-âge. Au contraire, celui-ci restera à mes yeux la quintessence de la modernité et ses détracteurs post-modernes sont en revanche des rétrogrades.

      [Sauf que, contrairement à l’Islam, le « gaullo-communisme » n’a jamais réussi à se constituer comme idéologie.]
      Je pense que cela tient au fait que gaullistes et communistes n’ont eu que ponctuellement à faire face à une menace commune et qu’en période normale, rien ne justifiait à leurs yeux de fusionner. S’ils avaient été conscient de la menace que constituait les «classes moyennes» sur le long terme, (cela reste bien entendu de la spéculation uchronique), ils auraient réussi à faire un syncrétisme. De la même façon que les républicains de 1871 ont compris que pour se maintenir sur le long terme, il fallait passer un compromis avec une partie des conservateurs et cesser à la prétention de faire du passé table rase.

      [Oui, parce que ce travail les a grandi. Nous savons tous que nous serons morts un jour, et cela ne nous empêche pas d’œuvrer.]
      Ce travail les a grandi pour des personnes comme vous et moi. En dehors des personnes qui ont la foi, de ceux qui ont un égo à remplir ou qui agissent par principe, il ne reste plus grand monde qui est capable de mettre de l’ardeur à son travail, en sachant que leurs propres enfants dilapideront leur héritage et même qu’ils se feront cracher à la figure par ceux-ci.

      [Pas tout à fait. Je dirais plutôt que c’est un pari pascalien.]
      Le pari pascalien est tentative de justification «rationnelle» de la foi.

      [Je ne parle d’aucune « partie », je parle de l’ensemble.]
      J’ai hâte de voir les réactions des «chances pour la France» quand un gouvernement jugera bon de rétablir l’ordre républicain et de faire cesser certaines pratiques comme les prières de rue. À la grande différences des précédentes guerres civiles en France où les protagonistes partageaient malgré tout des références communes, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La légitimité qu’ils accorderont à l’état est nulle et en aucun cas ils n’auront l’intention de se soumettre de plein grès.

      [Ce n’est pas parce que quelque chose est « dangereuse » qu’il ne faut pas la faire. Mais d’une part si on le fait il faut avoir conscience du danger, et d’autre part il faut pouvoir justifier la prise de risque par l’évitement d’un danger encore plus grave.]
      À partir du moment où l’on accepte que certaines entraves aux libertés publiques au nom de l’ordre public, que l’on reconnaît la subjectivité du juge, il faut s’attendre aux pires dérives possibles. Rien n’empêche demain le gouvernement de vouloir interdire le FN au nom d’arguments fallacieux puis d’avoir des magistrats au conseil d’état suffisamment inconscients pour valider cette décision. Le risque d’une telle instrumentalisation est faible, mais non nul et par le passé a été faite, avec une amplitude bien moindre certes pour l’affaire Méric, où des groupes d’extrême-droite ont été dissouts au seul motif que l’un de ses membres s’est défendu d’une agression par un membre d’un groupe d’extrême gauche, alors que ces groupes, bien plus violents n’ont pas été inquiétés.

    • Descartes dit :

      @ François

      [A contrario la recherche agronomique française décline avec la place de plus en plus importante que les post-modernes y occupent. Une personne comme Gilles-Éric Séralini ne devrait plus avoir le droit d’exercer dans des institutions publiques et semi-publiques, ne serait-ce parce qu’il constitue un coût inutile pour le contribuable.]

      En fait, je vois la situation différemment. Je pense que les discours obscurantistes ont finalement une prise très limitée sur la population au sens large. Globalement, les français continuent en masse à faire confiance aux médecins, aux ingénieurs, aux scientifiques. Il n’y a pas de rébellion de masse contre les centrales nucléaires, contre les stockages de déchets, contre les raffineries, contre les antennes ou contre les compteurs Linky. Il y a des petits groupes, bien organisés, avec un pouvoir de nuisance important qui tient particulièrement au fait que comme la peur fait vendre, ils ont un accès illimité aux médias. Et qui, dans le contexte de la politique-spectacle peuvent prendre en otage les politiques.

      En 1976, une manifestation violente contre Superphénix a fait un mort. A-t-on arrêté le projet pour autant ? Non. On a continué, et le gouvernement a assumé publiquement sa décision d’une part de faire le projet, et d’autre part de ne pas tolérer les actes de violence contre lui quelque fussent les conséquences. A l’époque, admettre qu’on puisse abandonner un projet décidé par l’autorité légitime parce qu’un groupe d’énergumènes pourrait tout casser aurait été vu comme une abdication indigne de la démocratie. A comparer avec les affaires de Sivens et de NDDL. Parce que les politiques se sont laissés enfermer dans un système médiatique dans lequel ces petits groupuscules ont un pouvoir de nuisance illimité.

      La solution, ce n’est pas faire taire les obscurantistes, mais de leur mettre en face une véritable opposition rationaliste, avec une véritable place dans les médias. Pourquoi on ne voit sur Arte que des documentaires antinucléaires propageant toutes sortes de bobards ? Pourquoi on ne laisse pas de place à un documentaire ou la SFEN pourrait exprimer son point de vue, par exemple ? La BBC, par exemple le fait : on peut y voir des documentaires rendant compte d’expériences en double aveugle montrant que l’homéopathie n’a qu’un effet placebo (je me souviens même d’un millionnaire anglais qui avait même lancé un défi, promettant un million de livres à celui qui serait capable de montrer à la BBC une expérience en double aveugle montrant un quelconque effet des remèdes homéopathiques, défi que personne n’avait relevé).

      [« Personne ne conteste la réalité de la menace. Mais dans un régime démocratique, on ne conjure pas cette menace en bridant l’expression. » Pourtant, c’est bien ce qui est fait d’une certaine façon avec la loi Gayssot.]

      Et vous trouvez que la loi Gayssot a changé quelque chose à la « menace » ? Comme je l’ai dit, la loi Gayssot est une « loi de décence ». Elle vise plus à occulter une réalité – pour éviter d’offenser les sensibilités d’une partie de la population – qu’à changer un état de fait. Les négationnistes sont toujours aussi nombreux et aussi convaincus. Mais ils sont plus discrets, c’est tout.

      [Je pense que nous vivons surtout sur l’héritage cartésien et que cet héritage se délie d’années en années, n’ayant qu’un temps de retard sur nos voisins. Peut-être que l’image de la science reste positive dans le peuple, mais elle ne l’est certainement pas chez les personnes qui comptent dans ce pays.]

      J’ai encore la prétention de penser que le peuple compte encore dans ce pays… 😉
      Mais vous avez raison sur le fond. Nous vivons sur un puissant héritage, que notre « block dominant » s’évertue, moins par intention que par inaction, à dégrader. Le problème, c’est que la peur et la souffrance font vendre du papier – ou pour être plus moderne, du « temps de cerveau disponible » – et que du coup le monde médiatique est largement ouvert aux thèses les plus catastrophistes, aux peurs les plus irrationnelles. L’erreur médicale, l’accident industriel, même s’ils ne sont qu’une rareté parmi les trains qui arrivent à l’heure, fournissent une moisson de victimes, de situations dramatiques, bref, de tout ce que le téléspectateur décérébré adore, et que les chaînes de télévision se disputent donc avec délectation.

      Curieusement, il n’y a que les enfants qui sont épargnés. Il y a encore d’excellentes émissions scientifiques pour les plus jeunes, qui présentent une vision cartésienne et progressiste du monde. Je pense en particulier à « c’est pas sorcier », qui est absolument excellente. Mais quand la même équipe essaye de faire de la vulgarisation scientifique pour adultes, cela donne une espèce de « divertissement » avec des « people » imbéciles qui essayent de deviner le résultat d’une expérience – et étalent en passant leur incapacité de raisonnement logique – dans l’attente des cinq minutes pendant lesquels ils pourront faire la promotion de leur dernier CD ou de leur dernier livre (pas celui qu’ils ont lu, celui qu’ils ont écrit, ou du moins signé).

      La véritable bataille, c’est celle de l’éducation – et aujourd’hui, une partie de l’éducation passe par les médias. Faire taire les obscurantistes ferait plus de peur que de mal : ce serait montrer qu’on a peur d’eux, et ils auraient vite fait d’en faire un argument sur le mode « vous voyez que nous disons vrai, puisqu’ils ont peur de nous ». Non, on gagne les batailles intellectuelles sur l’arène intellectuelle.

      [« Vous ne pouvez pas « tuer celui qui a l’intention de vous tuer » » J’aurais du être plus clair, et parler de personnes qui ont exprimé l’intention (ou laissé des traces physiques de l’intention) de nous tuer et ont les moyens de le faire, sachant que la seule façon de les mettre hors d’état de nuire est de tuer.]

      L’ennui, c’est que l’expression n’est jamais sans équivoque. Dans toute expression, il y a une part d’ambiguïté. Si votre partenaire vous dit « si tu me quittes, je te tue », auriez-vous raison de le tuer préventivement ? Pourtant, il a bien « exprimé un intention », non ?

      [Je pense que la perspective d’un second mandat de Macron est plus que probable,]

      Je n’y crois pas un instant. Je vous rappelle que dans l’histoire de la Vème République, aucun président n’a réussi à se faire réélire au suffrage universel en ayant gouverné pendant tout son mandat : Mitterrand et Chirac ont tous deux eu une cohabitation pour se refaire une virginité, et de Gaulle n’a été élu qu’une fois au suffrage universel. Sarkozy avait raison : « il ne faut jamais oublier que le peuple français est essentiellement un peuple régicide ». En 2017, Macron a été élu par défaut parce qu’il était la « nouveauté » pouvant capitaliser le rejet des partis de gouvernement. En 2022, Macron n’aura rien de neuf. On l’aura vu gouverner pendant cinq ans, et il se sera usé comme les autres avant lui.

      [Je ne pense pas que le gaullo-communisme voulait revenir au moyen-âge. Au contraire, celui-ci restera à mes yeux la quintessence de la modernité et ses détracteurs post-modernes sont en revanche des rétrogrades.]

      Je suis d’accord. Je faisais référence à l’Islam, que vous donniez comme exemple d’idéologie capable de susciter un « retour ». Mais si l’Islam peut accomplir cette performance, c’est parce que c’est une idéologie rétrograde, celle du retour vers un passé dont l’ancienneté permet la mythification. Le « gaullo-communisme », parce qu’il est moderne, ne permet pas ce type d’identification.

      [« Pas tout à fait. Je dirais plutôt que c’est un pari pascalien. » Le pari pascalien est tentative de justification «rationnelle» de la foi.]

      Je dirais plutôt que c’est un substitut de la foi, une manière de justifier une attitude exigée socialement alors que la foi qui la sustentait n’existe plus. Pascal va a l’église et accomplit les rites sociaux non pas parce qu’il croit, mais parce qu’il parie…

      [J’ai hâte de voir les réactions des «chances pour la France» quand un gouvernement jugera bon de rétablir l’ordre républicain et de faire cesser certaines pratiques comme les prières de rue.]

      Et bien, nous avons une petite idée en observant la réaction des « chances pour la France » devant l’interdiction du voile dans les écoles, ou celui du voile intégral dans l’espace public. Dès lors que la loi a été votée et que le gouvernement a été ferme, les gens se sont pliés à la règle. Les « chances pour la France » demandent, eux aussi, des règles. Et notez bien que chaque fois qu’on a essayé de « rétablir l’ordre républicain », les résistances ne sont pas venus d’eux. Souvenez-vous lorsqu’un ministre a décidé l’enseignement de « La Marseillaise » à l’école, d’y faire lire la lettre de Guy Mocquet, ou même d’y interdire le voile. Souvenez-vous lorsqu’il a été proposé de faire prêter serment à ceux qui étaient admis à la nationalité française. Qui a protesté ? Les élèves ? Les naturalisés ? Non. Ce sont les bonnes consciences qui ont hurlé.

      C’est pourquoi je ne crois pas à une « guerre civile ». Le séparatisme des communautés immigrées n’est pas un « séparatisme heureux », comme on trouve aux Etats-Unis ou dans le monde anglosaxon. C’est un séparatisme malheureux, d’une population qui est en demande d’assimilation et qui ne reçoit pas de réponse. Je reste convaincu qu’on peut remettre en marche la machine a assimiler, pour peu qu’on arrive à forcer les « classes moyennes » à l’accepter.

  27. Maurice dit :

    Le ganelon,du pcf n’est il pas,Marie georges Buffet?
    Dès 1994,la direction du pcf a décidé de gérer le dépassement du pcf maîtrisée (dans le sens des intérêts du groupe dirigeant et sa survie dans des postes électifs)vers autre chose;la ‘mutation’.
    Mélenchon a saisi la perche et de concert,avec MGB et PL,ainsi que leurs amis,ont œuvré,pour que la situation actuelle advienne.Et se poursuive,car d’ores et déjà,JLM prépare 2022,tandis que la direction du PCF n’organise rien à part ces interminables séances d’auto-flagellation que sont ces congrès et autres assemblées.
    Cela fait 24 ans,que cela dure.
    Cela finira quand le pcf sera totalement anéanti,bientôt!
    C’est pourquoi,il est nécessaire de porter notre mémoire le plus longtemps possible,pour transmettre..malgrè ganelon,non?

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [Le ganelon du pcf n’est il pas, Marie Georges Buffet?]

      Je pense qu’il est très injuste d’accuser Marie-George Buffet de traîtrise. Quelque soient les erreurs politiques commises par MGB – et dieu sait que je les ai dénoncées en leur temps – elle a toujours annoncé la couleur, et exprimé avec grande franchise ses positions. Et il faut lui reconnaître que celles-ci ont été validées par les militants communistes lors des votes de congrès, même si pour l’un d’entre eux les votes ont été légèrement manipulés.

      Plus généralement, je n’aime pas ce discours qui dénonce les dirigeants comme des « traîtres ». Je n’oublie pas que lorsque Robert Hue a annoncé la « mutation », beaucoup de militants l’ont soutenu avec enthousiasme, brûlant ce qu’ils avaient adoré pour aller vers ce « parti d’un nouveau genre ». Alors, à qui la faute ? Au dirigeant, ou à ceux qui l’on élu et laissé faire ? MGB n’a pas organisé un coup d’Etat au PCF. La stratégie qu’elle proposait, et qui ouvrait le PCF à une OPA de Mélenchon a été validée par un congrès, les détails acceptés par le Comité national à plusieurs reprises. MGB a donc ses torts, mais elle n’est pas la seule. Et elle n’a « trahi » personne ».

      [Dès 1994,la direction du pcf a décidé de gérer le dépassement du pcf maîtrisée (dans le sens des intérêts du groupe dirigeant et sa survie dans des postes électifs)vers autre chose;la ‘mutation’.]

      Oui, et cette position a été proclamée publiquement, et votée majoritairement par trois congrès (les 28ème, 29ème et 30ème). Les militants n’avaient qu’à réflechir avant de voter.

  28. luc dit :

    http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20170712.OBS2005/emplois-familiaux-ces-senateurs-qui-votent-contre-l-interdiction-et-pour-cause.html
    Pourquoi est il entendu qu’embaucher un membre de sa famille,lorsqu’on est un élu de la république,n’est pas un signe de prévarication et d’enrichissement personnel?
    Au nom de la libre entreprise?que vient faire cette libre entreprise dans la charge d’élu de la république?J’en déduis que la loi n’écarte ni la libre entreprise,ni la préférence familiale,pour les élus de la république,non?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Pourquoi est il entendu qu’embaucher un membre de sa famille,lorsqu’on est un élu de la république,n’est pas un signe de prévarication et d’enrichissement personnel?]

      J’avoue que cette campagne de “moralisation” commence à me gonfler. Les députés, les sénateurs sont des élus du peuple et des adultes. Si on décide de leur donner des moyens d’exercer leur mandat, à eux de les administrer selon leurs préférences. Et si au lieu de se doter d’un collaborateur de qualité ils préfèrent s’entourer d’incompétents de leur famille et faire eux-mêmes le boulot, c’est leur problème. A la fin du mandat, ce seront les électeurs qui jugeront s’ils ont rempli correctement leur office ou non. Pourquoi pas leur imposer la parité dans leur équipe de collaborateurs avec un quota de collaborateurs “issus de la diversité”, puisqu’on y est ?

      [Au nom de la libre entreprise?]

      Non, au nom de la liberté tout court. De la liberté de chaque élu d’organiser son travail et son équipe comme il le souhaite.

  29. Maurice dit :

    Le PCF est en carence de dirigeants compétents et d’un programme révolutionnaire. Alors,l’inévitable,s’est produit,la dérive népotique,au détriment de l’influence du PCF.C’est cette influence qui a été monnayée,de concert avec JLM, au profit des amis de PL,MGB,RH etc..Cette carence est le résultat d’un verrouillage systématique des hautes sphères du pcf de la part de ses dirigeants . Faut-il rappeler que Pierre Laurent est élu sur une liste unique où il est impossible de se présenter en face de lui ou même de voter contre lui ? Faut-il rappeler que la représentation au Comité National ne se fait pas au résultat des votes du Congrès mais uniquement selon les choix des chefs ? Ce verrouillage administratif permet de manipuler la composition des instances dirigeantes, écarter les points de vue divergents et laisser le champ libre à la clique dirigeante,dont certains sont cachés comme Cohen-seat ou Borvo.
    Certains militants communistes,malgré les scores significatifs de leurs textes politiques lors des derniers congrès, ont toujours été interdits de siéger au CN. Ce qui manque au PCF ce n’est pas un nom ou une nouvelle forme d’organisation, c’est de la démocratie dans les débats et dans la représentation interne, ainsi qu’un programme révolutionnaire dont le but est le renversement du capitalisme et non pas seulement une série de revendications de progrès social dans le cadre du capitalisme. La question de la propriété capitaliste est absente du programme du parti alors que tel quel,il figure dans La France en commun.Le charisme ne fait pas tout.Comment espérer,changer de politique si une évaluation conséquente n’est déduite de 24 années d’errements?

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [Le PCF est en carence de dirigeants compétents et d’un programme révolutionnaire.]

      Le PCF est surtout en carence d’une construction théorique qui donne une cohérence aux évènements que nous observons depuis trente ans et qui lui permettrait d’en tirer une analyse. Car sans théorie révolutionnaire, pas de programme révolutionnaire, comme disait Lénine. Comment voulez-vous former des « dirigeants compétents » et écrire un « programme révolutinonaire » quand on a fait sienne l’idéologie des « classes moyennes », avec son « victimisme », sa priorité au sociétal sur le social, le mépris du savoir et de la science…

      [Alors, l’inévitable s’est produit, la dérive népotique au détriment de l’influence du PCF.]

      Là, j’ai du mal à vous comprendre. De quel « népotisme » parlez-vous ? Finalement, on trouve bien moins de « fils de » au PCF qu’ailleurs. Pierre Laurent est, il est vrai, fils d’un haut dirigeant du PCF. Mais on peut difficilement dire qu’il doit sa carrière à son père.

      [Cette carence est le résultat d’un verrouillage systématique des hautes sphères du pcf de la part de ses dirigeants. Faut-il rappeler que Pierre Laurent est élu sur une liste unique où il est impossible de se présenter en face de lui ou même de voter contre lui ?]

      Je ne sais pas d’où vous sortez ça. Il est parfaitement possible de se présenter contre Pierre Laurent. S’il y a une « liste unique », c’est parce que les militants du PCF continuent à fonctionner sur un réflexe légitimiste qui leur fait craindre par-dessus tout les divisions. Mais même si les dirigeants communistes sont passés maîtres dans l’art de manipuler ces réflexes, il me semble injuste de faire d’eux les boucs émissaires. Si les militants avaient réflechi un peu au lieu de suivre le père UbHue comme un seul homme en 1995, on n’en serait pas là.

      [Faut-il rappeler que la représentation au Comité National ne se fait pas au résultat des votes du Congrès mais uniquement selon les choix des chefs ?]

      Là encore, je ne partage pas du tout votre vision. Si le « choix des chefs » se manifeste fortement dans la constitution de la « liste officielle » sur laquelle le CN est élu, le cas s’est déjà présenté ou des listes concurrentes ont été présentées, et les « chefs » ont du composer et inclure une partie de ces listes dans la liste officielle pour éviter un vote partagé. D’ailleurs, si le CN est aussi peu représentatif des communistes que vous le dites, comment expliquer que ceux-ci ne se rebellent pas ?

      [Certains militants communistes, malgré les scores significatifs de leurs textes politiques lors des derniers congrès, ont toujours été interdits de siéger au CN.]

      Par exemple ?

      [Ce qui manque au PCF ce n’est pas un nom ou une nouvelle forme d’organisation, c’est de la démocratie dans les débats et dans la représentation interne, ainsi qu’un programme révolutionnaire dont le but est le renversement du capitalisme et non pas seulement une série de revendications de progrès social dans le cadre du capitalisme.]

      Le PCF ne va pas se reconstruire en versant dans le gauchisme groupusculaire. Parler de « renversement du capitalisme » est utile, mais on ne peut pas se contenter de ça. La force du PCF est d’avoir pu formuler un projet de « renversement du capitalisme » dans le long terme et de l’associer à un projet de réformes et d’initiatives qui s’inscrivaient dans le cadre capitalisme dans le court et moyen terme. Il faut vraiment n’y comprendre rien à la politique pour croire qu’on mobilisera les travailleurs aujourd’hui en leur promettant « le renversement du capitalisme » pour la Saint Glinglin.

  30. Maurice dit :

    http://www.pcf.fr/101265
    Avec le départ d’Henry Malberg,c’est une belle figure du PCF,de la libération à nos jours,qui disparait,non?
    Le Paris des 19ième et 20ième arrondissements,incarnent aussi ce PCF si présent dans les années 30-40-50-6070-80-90-2000,non?
    Surtout ,ce Paris du 19ième arrondissement,avec cette ligne de métro ‘Botzaris’ etc,circulaire jusqu’à chateau landon .En 1996,dans ce magnifique parc des Buttes chaumont,j’ai entendu des conversations d’octogénaires en Yiddish.Ils avaient traversées les années 30-40-50-6070-80ou90.Comme ils venaient,d’Europe de l’est,l’écho de leurs voix évoquait tant d’évènements.Non loin de la place du colonel fabien,c’était le quartier des familles Krasuki,Laurent,Fizbin, juste à côté de la rue Pailleron où un collège trop vite construit brûla faisant des dizaines de morts chez les élèves,au début des années 70.
    Pour moi,provincial,cette partie de Paris,incarne ce que fut ‘Le’ PARTI’ à une certaine époque,celle de son sommet,après 1945.
    Quels seront les significations politiques des funérailles,selon les ‘fabienologues’,véritables guerriers froids de la seconde guerre froide des années 80-90?
    Je suppose,qu’ils écriront,l’enterrement de Marlberg,c’est l’enterrement du PCF,est ce,si sûr ?

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [Avec le départ d’Henry Malberg, c’est une belle figure du PCF, de la libération à nos jours, qui disparaît, non?]

      Oui. Je suis vraiment très triste. J’ai bien connu Malberg à l’époque ou je militais au PCF. C’était un homme exceptionnel de culture, de gentillesse, de fidélité militante. Un homme qui pensait plus à servir son pays et son Parti qu’à se servir. Et par ailleurs, il était un exemple de ces militants communistes ouvriers d’origine étrangère assimilés grâce à l’école de la République et au PCF, autodidactes d’une grande culture.

      [Je suppose qu’ils écriront, l’enterrement de Marlberg, c’est l’enterrement du PCF,est ce si sûr ?]

      D’un certain PCF, certainement.

  31. morel dit :

    Demain les vacances. Bonne continuation à vous et aux habités de ce blog !

  32. Bruno dit :

    Bonsoir Descartes. Merci pour ce papier. Les vacances approchent, auriez vous des conseils de lectures, notamment d ouvrages recents ? Bien à vous

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [auriez vous des conseils de lectures, notamment d ouvrages recents ?]

      Parmi les ouvrages récents, j’avais recommandé celui de Guaino “Pour en finir avec l’économie du sacrifice”. C’est un bouquin ardu – pas le genre qu’on lit d’un trait sur la plage, quoi que – mais il est divisé en petits chapitres ce qui permet de le lire par petits bouts. Il contient une foule d’idées intéressantes. Celui de Chevènement, “Un défi de civilisation”, est très décevant. La première partie est très intéressante, mais ensuite il tombe dans un essai de construction d’une “Europe européenne” qui essaye de concilier souverainisme et mitterrandisme et qui n’est pas très convainquante. J’avais aussi recommandé “Règner et gouverner, Louis XIV et ses ministres”, de Mathieu Stoll, qui donne une vision très intéressante de la manière dont l’Etat français s’est construit à un moment capital de son histoire. Mais j”avoue qu’en ce moment je fais plutôt un retour sur les classiques… Crémieux-Brilhac (“Les français de l’an 40”, brillant, mais aussi “La France Libre”), De Gaulle (les “mémoires de guerre”, qu’il faut avoir lues, mais aussi les discours qui figurent en annexe, et qui sont d’une étonnante actualité)…

    • Bruno dit :

      @ Descartes

      Merci pour vous conseils.
      C’est intéressant que vous parliez de CDG, j’ai justement lu ses mémoires, pour la première fois cette année. Les discours en annexe sont remarquables, tant ils demeurent d’une grande actualité, notamment celui-ci dessous : http://la-guerre-au-jour-le-jour.over-blog.com/article-25118486.html

    • Gugus69 dit :

      Effectivement, je suis en train de terminer le troisième tome des mémoires de guerre.
      Et Descartes a raison : il y a beaucoup à puiser dans ces trois volumes pour analyser la période que nous vivons.
      J’en suis surpris…
      Bel été à tous !

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      Discours prophétique, en effet. Je retiens les paragraphes suivants:

      “(…) Il faut convenir, en effet, que dans l’époque moderne la transformation des conditions de la vie par la machine, l’agrégation croissante des masses et le gigantesque conformisme collectif qui en sont les conséquences, battent en brèche les libertés de chacun. Dès lors que les humains se trouvent soumis, pour leur travail, leurs plaisirs, leurs pensées, leurs intérêts, à une sorte de rassemblement perpétuel, dès lors que leur logement, leurs habits, leur nourriture, sont progressivement amenés à des types identiques, dès lors que tous lisent en même temps la même chose dans les mêmes journaux, voient, d’un bout à l’autre du monde, passer sous leurs yeux les mêmes films, entendent simultanément les mêmes informations, les mêmes suggestions, la même musique, radiodiffusées, dès lors qu’aux mêmes heures, les mêmes moyens de transport mènent aux mêmes ateliers ou bureaux, aux mêmes restaurants ou cantines, aux mêmes terrains de sport ou salles de spectacle, aux mêmes buildings, blocks ou courts, pour y travailler, s’y nourrir, s’y distraire ou s’y reposer, des hommes et des femmes pareillement instruits, informés, pressés, préoccupés, vêtus, la personnalité propre à chacun, le quant à soi, le libre choix n’y trouvent plus du tout leur compte. Il se produit une sorte de mécanisation générale, dans laquelle, sans un grand effort de sauvegarde, l’individu ne peut manquer d’être écrasé. Et d’autant plus que les masses, loin de répugner à une telle uniformisation, ne laissent pas, au contraire, d’y pousser et d’y prendre goût. Les hommes de mon âge sont nés depuis assez longtemps pour avoir vu se répandre, non point seulement l’obligation, mais encore la satisfaction de l’existence agglomérée. Porter le même uniforme, marcher au pas, chanter en chœur, saluer d’un geste identique, s’émouvoir collectivement du spectacle que se donne à elle-même la foule dont on fait partie, cela tend à devenir une sorte de besoin chez nos contemporains. (…)”

  33. Trublion dit :

    Bonjour,

    l’actualité est décidément riche et montre l’imposture Macron de façon plus claire chaque jour qui passe
    1/ Le Vel d’Hiv
    2/ L’humiliation du chef d’état major des armées
    3/ les mensonges sur le budget

    1/ Soit Macron ne connait pas l’Histoire soit il l’a manipule à des fins électoralistes.
    “Je récuse les accommodements et subtilités de ceux qui prétendent que vichy n’était pas la France. Vichy, ce n’était pas tous les Français, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France”
    Donc le régime de Vichy était le régime légal et légitime de la France en 1942 ? Donc il y a eu continuité de l’Etat avec Vichy ? Que fait-on du fait que la République a été abolie le 10 juillet 1940 ?

    2/ Macron accuse le chef d’état major des armées Pierre de Villiers, d’étaler sur la place publique ses états d’âme concernant la réduction budgétaire de 850 millions d’euros. Depuis quand un expert ne peut-il plus donner son avis sincère dans une commission à huis clos ? Il est facile de s’acheter de l’autorité à peu de frais sur le dos d’une personne dont le statut l’empêche de répondre franco.

    3/ François Fillon avait une qualité. Son programme affichait clairement le coût de l’appartenance à l’Euro. Macron s’est fait élire sur un programme qui faisait beaucoup de promesses et qui en réalité n’était pas du tout financé. Tanpis pour les cons qui l’ont cru. Une fois au pouvoir il est obligé de mener une politique austéritaire qu’il s’est bien gardé d’annoncer contrairement à Fillon. Et les baisses d’impôts promises s’accompagneront de nouveaux tours de vis budgétaires.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [1/ Soit Macron ne connait pas l’Histoire soit il l’a manipule à des fins électoralistes. “Je récuse les accommodements et subtilités de ceux qui prétendent que vichy n’était pas la France. Vichy, ce n’était pas tous les Français, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France” Donc le régime de Vichy était le régime légal et légitime de la France en 1942 ? Donc il y a eu continuité de l’Etat avec Vichy ?]

      Oui, c’est bien à ce résultat qu’aboutit la concession faite par Chirac et amplifiée jusqu’à l’absurde par ses successeurs. Quelqu’un a dit que l’homme d’Etat est celui qui veut les conséquences de ce qu’il veut. Les Chirac, Hollande ou Macron veulent d’abord être gentils et contenter les lobbies, sans se rendre compte que le monde a une cohérence, et qu’une fois qu’on a accepté un principe on ne peut refuser ses conséquences.

      Lorsque De Gaulle a créé la fiction – car c’est une fiction – que la France était à Londres, il l’a créée non seulement par conviction, mais aussi parce qu’il pensait aux conséquences juridiques et politiques de ses choix. A ceux qui l’encourageaient en entrant en 1944 à Paris de « proclamer la République », il répondait que « la République n’a jamais cessé en droit ». Car admettre que Pétain était l’autorité légitime ne serait-ce qu’une seconde, c’est admettre que les lois de Vichy étaient des lois légitimes, avec tout ce que cela comporte de conséquences. Car si les lois qui spoliaient les juifs étaient l’expression de la souveraineté nationale, de quel droit pourrait-on contester aujourd’hui leurs effets ?

      On dit que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Chirac, Hollande et Macron appartiennent à la pire espèce de politiciens, ceux qui ont envie d’être aimés, et donc de faire plaisir à tout le monde, sans penser aux conséquences. Peut-être l’exemple le plus éclatant de cette dérive est la loi dite « du mariage pour tous ». Le but de cette loi, c’est de faire plaisir aux couples concernés. Les questions telles que les effets sur la filiation, sur la structure de la famille, on s’en fout. On verra ça plus tard…

      [2/ Macron accuse le chef d’état major des armées Pierre de Villiers, d’étaler sur la place publique ses états d’âme concernant la réduction budgétaire de 850 millions d’euros. Depuis quand un expert ne peut-il plus donner son avis sincère dans une commission à huis clos ?]

      Moralité : désormais, les hauts fonctionnaires sauront que s’ils veulent garder leur poste ils ont intérêt lorsqu’ils s’expriment devant une commission parlementaire, de cacher leurs opinions d’expert et de jouer l’air de « tout va très bien, madame la marquise ». Malheur à ceux qui porteront des mauvaises nouvelles ! C’est quand même drôle de voir que tout le monde s’apitoie sur les « lanceurs d’alerte », mais que personne ne note que le général De Villers a payé de son poste le fait de tirer la sonnette d’alarme.

      La principale victime, dans cette affaire, c’est le Parlement. Qui demain sera informé par des fonctionnaires qui cacheront soigneusement tout ce qui peut déplaire au pouvoir du jour.

      [Et les baisses d’impôts promises s’accompagneront de nouveaux tours de vis budgétaires.]

      Oui, mais pas pour les mêmes…

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Car admettre que Pétain était l’autorité légitime ne serait-ce qu’une seconde, c’est admettre que les lois de Vichy étaient des lois légitimes, avec tout ce que cela comporte de conséquences.

      Notamment cette conséquence à laquelle Macron ne semble pas penser, que si Vichy était l’autorité légitime, alors la Résistance était un réseau terroriste et non un mouvement de libération nationale. Il ne peut y avoir qu’une seule autorité légitime à la tête d’une nation et ceux qui la contestent par la violence sont des criminels.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Notamment cette conséquence à laquelle Macron ne semble pas penser, que si Vichy était l’autorité légitime, alors la Résistance était un réseau terroriste et non un mouvement de libération nationale.]

      Exactement. Si la France était à Vichy, les légionnaires tués par la Résistance sont “morts pour la France”…

  34. Trublion dit :

    Je pense que Macron sous couvert de défense européenne, souhaite liquider la Défense française. On commence à nous expliquer que la dissuasion nucléaire coûte cher, qu’on pourrait abandonner la dissuasion des sous-marins nucléaires ou de l’armée de l’air. mais je pense que l’idée de Macron c’est d’en faire partager le financement aux autres partenaires européens.

    Or ceci me pose problème car l’Allemagne qui par traité 2+4 de 1990 n’a pas le droit à l’arme nucléaire pourrait l’obtenir par le truchement. Enfin une Europe de la défense suppose une politique étrangère unique, une doctrine stratégique. Je vois bien les Allemands dire, on accepte de faire un chèque pour votre dissuasion nucléaire mais en échange voici nos conditions en matière de politique étrangère…

    Concernant le huis clos, bien entendu, il n’y aura aucune enquête pour savoir qui a fait fuiter ces dires du CEMA. Les parlementaires sont irresponsables. ils sont sensés contrôler l’action du gouvernement. mais comment le pourront-ils s’ils balancent dans la presse tout ce qu’on leur dit. Personne n’osera s’exprimer. Personne n’osera dire au gouvernement qu’il se trompe.

    Un grand souverainiste nous a quitté. RIP Max Gallo.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Je pense que Macron sous couvert de défense européenne, souhaite liquider la Défense française.]

      Vous faites bien trop d’honneur à Macron en supposant qu’il a derrière la tête un plan bien construit, une vision d’avenir. Pour lui, une défense européenne c’est surtout une façon de dépenser moins d’argent, donc de récupérer des sous pour distribuer à ses obligés. Je ne crois pas que sa vision stratégique aille au-delà.

      [Concernant le huis clos, bien entendu, il n’y aura aucune enquête pour savoir qui a fait fuiter ces dires du CEMA. Les parlementaires sont irresponsables. Ils sont sensés contrôler l’action du gouvernement. Mais comment le pourront-ils s’ils balancent dans la presse tout ce qu’on leur dit. Personne n’osera s’exprimer. Personne n’osera dire au gouvernement qu’il se trompe.]

      Tout à fait. Comment demander aux « experts » de parler franchement aux représentants du peuple s’ils savent que la franchise leur coûtera leur poste ? Contrairement au discours conformiste qu’on entend depuis trente ans, la transparence est l’ennemie de la démocratie et du bon gouvernement. Pourquoi croyez-vous que les rois ont créé des « conseils secrets » ? Pour que leurs ministres puissent leur dire des choses désagréables sans pour autant remettre en cause leur autorité. Si tout est public, alors toute vérité désagréable devient une critique, que le prince ne saurait tolérer.

      [Un grand souverainiste nous a quitté. RIP Max Gallo.]

      Oui. Un homme qui venait d’une France où le fils d’un ouvrier ayant en poche un CAP d’ajusteur pouvait avec de l’effort et de la discipline passer l’agrégation d’histoire, et finir académicien. Un homme qui, ayant été dans l’entourage de Mitterrand, n’a pas attendu que le “vieux” soit mort pour s’en éloigner.

    • Trublion dit :

      Macron n’a peut-être pas de vision stratégique, mais hélas de l’autre côté les Allemands en ont une. Je crois que l’entreprise fabriquant les chars Leclercq a été vendue à moitié aux Allemands, que le Famas sera remplacé par un concurrent allemand, et enfin que l’on veut construire un avion de combat avec les allemands donc leur donner les moyens dans quelques décennies d’être de féroces concurrents de Dassault.

      Il est piquant de constater que le budget du ministère ou secrétariat d’état de Mme Schiappa n’est pas touché par les coupes budgétaires. Et celle-ci s’est même vantée d’avoir pu sauver l’association d’une copine grâce à cela. Pas question pour Macron d’heurter les intérêts d’une minorité bruyante

      “une France où le fils d’un ouvrier ayant en poche un CAP d’ajusteur pouvait avec de l’effort et de la discipline passer l’agrégation d’histoire, et finir académicien.”
      Contrairement à Simone Veil, il n’y a pas eu cette fois de campagne pour son entrée au Panthéon. Et c’est logique car Gallo ne cadre pas avec les lubies de notre “classe moyenne” : pas de discours victimaire, ne se revendiquait pas d’une minorité, valorisait le patriotisme et représentait un exemple de l’assimilation et de la méritocratie à la française.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Macron n’a peut-être pas de vision stratégique, mais hélas de l’autre côté les Allemands en ont une.]

      Tout a fait. En Grande Bretagne et en Allemagne les élites ont réussi à sauvegarder une véritable capacité de réflexion stratégique, qui manque cruellement chez nous. Je pense que cela tient à une différence fondamentale : dans ces pays, la réflexion s’est construite en dehors de l’Etat, dans des « think-tanks » ou des universités largement soutenues par le secteur privé. En France, ce sont les corps de l’Etat qui portaient traditionnellement cette réflexion. Or, si la vague néo-libérale qui a déferlé depuis les années 1980 a laissé intactes les structures privées, elle a arasé les capacités de réflexion de l’Etat.

      [Il est piquant de constater que le budget du ministère ou secrétariat d’état de Mme Schiappa n’est pas touché par les coupes budgétaires.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai : elle a pris une coupe de 25%. Aujourd’hui, l’austérité qui s’annonce ne respecte rien ni personne… du moins en apparence.

      [Contrairement à Simone Veil, il n’y a pas eu cette fois de campagne pour son entrée au Panthéon. Et c’est logique car Gallo ne cadre pas avec les lubies de notre “classe moyenne” : pas de discours victimaire, ne se revendiquait pas d’une minorité, valorisait le patriotisme et représentait un exemple de l’assimilation et de la méritocratie à la française.]

      Gallo est en effet le témoin d’une autre époque. Avant les années 1980, il n’y avait pas cette passion pour les victimes. De Gaulle et ses premiers successeurs ne sont jamais allé visiter Auschwitz ou Drancy, ils n’assistaient pas à la commémoration d’un attentat ou d’une rafle. Pas plus De Gaulle que Pompidou ou Giscard ne sont allés à Oradour-sur-Glane en tant que présidents. A l’époque, la commémoration était réservée aux résistants, à ceux qui ont fait quelque chose. C’est avec Mitterrand que l’on entame la pente fatale qui conduira à remplacer les combattants par les victimes, culminant avec la création par Hollande d’une « médaille des victimes » passant devant la médaille de la résistance dans l’ordre protocolaire.

      Gallo n’est pas victime, n’est pas femme… aucune chance de Panthéon, par les temps qui courent.

  35. Chrémès dit :

    Cher Descartes,
    Voici en lien un article qui devrait vous intéresser, puisqu’il reprend une partie de votre analyse sur les classes moyennes :
    https://www.economist.com/news/books-and-arts/21724372-its-upper-middle-class-who-are-main-beneficiariesand-principal-causeof

    Sinon, je requiers vos services. J’ai eu une discussion sur le gaullo-communisme avec un membre de ma famille. Il m’a affirmé que ce compromis n’avait été possible que parce le PCF, disposant apparemment encore de caches d’armes, menaçait de reprendre les armes. Cela me paraît abracadabrantesque que le PCF détienne encore de quoi mener une révolution dans les années 60. Il me semble encore moins crédible, que l’action sociale de De Gaulle soit la résultante de sa peur. Qu’en pensez-vous ? Est-ce une réalité historique ?
    De même, j’aimerai savoir si vous pouviez m’indiquer un ouvrage sur le gaullo-communiste. Mis à part des écrits (du détestable) Eric Brunnet, je ne trouve rien sur ce sujet.

    En vous souhaitant de bonnes vacances à vous comme aux autres commentateurs,
    Chrémès

    • Descartes dit :

      @ Chrémès

      [Voici en lien un article qui devrait vous intéresser, puisqu’il reprend une partie de votre analyse sur les classes moyennes :]

      En effet.. Vous voyez, quand j’aurai le temps d’écrire mon livre, quelqu’un l’aura déjà écrit à ma place! Je trouve tout de même intéressant que The Economist, qui aborde les questions sous un prisme totalement différent du mien, soit au moins d’accord pour constater le phénomène, même si nos explications ne sont pas tout à fait les mêmes.

      [Sinon, je requiers vos services. J’ai eu une discussion sur le gaullo-communisme avec un membre de ma famille. Il m’a affirmé que ce compromis n’avait été possible que parce le PCF, disposant apparemment encore de caches d’armes, menaçait de reprendre les armes. Cela me paraît abracadabrantesque que le PCF détienne encore de quoi mener une révolution dans les années 60.]

      Les “armes cachées” du PCF, c’est un vieux mythe. De telles caches ont bien sur existé. Toutes les armes n’ont pas été rendues lorsque les maquis ont été désarmés en 1945, et certains communistes, individuellement ou collectivement, ont gardé des armes pour le “grand soir” ou, de manière plus réaliste, pour se défendre dans le cas ou les “fascistes” prendraient le pouvoir. Mais l’idée que les communistes auraient pu menacer le De Gaulle de l’après 1958 de sédition armée – c’est à dire, de provoquer une guerre civile – est totalement absurde. Les communistes en France n’ont jamais voulu une guerre civile, et se sont au contraire montrés très critiques des mouvements “brigadistes” qui prônaient l’action violente.

      [De même, j’aimerai savoir si vous pouviez m’indiquer un ouvrage sur le gaullo-communiste. Mis à part des écrits (du détestable) Eric Brunnet, je ne trouve rien sur ce sujet.]

      Malheureusement, c’est un sujet qui n’a pas beaucoup intéressé les historiens, et pour cause: c’est un peu le “secret honteux” tant pour les gaullistes que pour les communistes. Qui a envie de reconnaître que pendant vingt ans la France a été gouvernée par une coalition d’intérêts souterraine complètement orthogonale avec les discours des uns et des autres ? Paul Marie de la Gorce je crois a écrit sur cette question, mais j’aurais de la peine à retrouver le titre de l’ouvrage. On trouve aussi en filigrane des éléments intéressants dans les mémoires de certains dirigeants communistes.

    • Chrémès dit :

      @Tous
      Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour la violence de mes propos au sujet de M. Brunnet. J’espère de tout cœur que cela n’a choqué personne. Ils étaient inappropriés dans un lieu, qui, comme celui-ci, préfère le débat et non l’invective gratuite. Je remercie notre hôte qui veille à la bonne tenue de ces discussions.
      @Descartes
      Merci pour votre réponse. Vous venez de me faire découvrir Paul Marie de la Gorce et je vous en suis reconnaissant puisque ses ouvrages me semblent passionnants. Je n’ai trouvé dans sa bibliographie que De Gaulle entre deux mondes : une vie et une époque et De Gaulle, qui pourraient contenir une description du gaullo-communisme.
      Cordialement,
      Chrémès

  36. Maurice dit :

    EH !Oui,non aux faux cul !
    Martelli est,a été un liquidateur impitoyable du PCF.
    Marlberg,s’en méfiait énormément,ainsi que de Cohen-séat et Borvo.
    Que les proches de PL, jouent l’idiot utile et ignare,aucune importance !
    MAIS QUE les jeunes sachent que Martelli,Cohen-séat et Borvo,étaient les ennemis politiques de Marlberg.

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [MAIS QUE les jeunes sachent que Martelli,Cohen-séat et Borvo,étaient les ennemis politiques de Marlberg.]

      Tout à fait. L’une des grandes tragédies dans la vie de Malberg, ce fut la rupture au début des années 1980 avec Henri Fiszbin (dont la famille lui avait sauvé la vie alors qu’il n’était qu’un enfant en le cachant dans son atelier lors de la rafle du Vel d’Hiv) lors du départ de ce dernier de la direction de la fédération de Paris du PCF. Fiszbin, qui avait constaté le changement de la sociologie parisienne avec une disparition des ouvriers pour laisser la place aux “classes moyennes”, proposait alors que le PCF se détourne de son “ouvriérisme” classique pour prendre en compte les intérêts de ces couches sociales. Une ligne qui le conduira cinq ans plus tard à adhérer au PS et d’être élu député sur une liste socialiste. Malberg, lui, est resté fidèle au PCF et à la ligne qui refusait de passer du côté des “classes moyennes” au nom d’un hypothétique gain électoral.

      En fait, la ligne Fiszbin ne faisait qu’anticiper d’une décennie la “mutation” impulsée par Robert Hue, et dont Martelli, Borvo et Cohen-Séat ont été des farouches partisans. C’est pourquoi, effectivement, les larmes versées par ces personnages à la mort de Malberg ressemblent drôlement à des larmes de crocodile.

  37. Maurice dit :

    La lecture du programme de l’université d’été du pcf à Angers ,à partir du 25/Août,est révélatrice de la main mise de fer,des proches de Martelli sur Pierre Laurent et tous les ‘dirigeants auto liquidateurs’ du pcf.
    Rien sur le tsunami musulman en France(3000 mosquées construites en 10 ans),rien sur la directive européenne et les ravages de l’UE,rien sur les énormes responsabilités des proches de Martelli ,sur Pierre Laurent et tous les ‘dirigeants auto liquidateurs’ du pcf,après le plus mauvais score du pcf…Aucune évaluation de ce à quoi à mener la mutation entamée,il y a plus de 15 ans.
    Ainsi,la main mise des élus rescapés, semble définitive,dans le but de renforcer Fi?en étant sûr que le légitimisme des militants du pcf,éteindra toute remise en cause des 2 dernières décennies de pratique de la direction du PCF?où tout ça peut il mener?

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [La lecture du programme de l’université d’été du pcf à Angers ,à partir du 25/Août,est révélatrice de la main mise de fer,des proches de Martelli sur Pierre Laurent et tous les ‘dirigeants auto liquidateurs’ du pcf.]

      Je vous trouve bien sévère. Ok, c’est un programme fait de bric et de broc, sans véritable fil conducteur, et avec des intervenants qui souvent n’ont pas grande expertise sur le sujet qu’ils abordent, mais de là à voir la main de Martelli et consorts…

      [Rien sur le tsunami musulman en France(3000 mosquées construites en 10 ans),rien sur la directive européenne et les ravages de l’UE,rien sur les énormes responsabilités des proches de Martelli ,sur Pierre Laurent et tous les ‘dirigeants auto liquidateurs’ du pcf,après le plus mauvais score du pcf…Aucune évaluation de ce à quoi à mener la mutation entamée,il y a plus de 15 ans.]

      C’est une université d’été, pas un congrès…

  38. Maurice dit :

    @nonauxfaulcul,vous oubliez un épisode peu reluisant.Au moment del’affaire Fizbin (1976),ont eu lieu,des polémiques autour de G.Marchais,D’Ellenstein,Althusser,à une époque où les finances dépenadaient de Gaston Plissonier,c.a.d essentiellement de l’URSS.Le groupe autour de Martelli,à cette époque,soucieuse hier comme aujourd’hui,d’être du côté du manche,n’a jamais pris position sur ces affaires.
    Pendant,les décennies qui ont suivi,ce groupe autour de Martelli,a grenouillé pendant que des milliers de militants,étaient muselés,chassés du pcf,durant la ’mutation’.
    En effet,l’enjeu pour eux était de prendre la direction du pcf.
    Chose faite,aujourd’hui,par la stratégie dehors(Martelli)/dedans(Laurent and Co).
    N’oublions pas que jusqu’en 2006,le groupe autour de Martelli,encore ’adhérent’ au pcf,n’a cessé de louvoyer en cachant son jeu,pour liquider ce pcf,où ils ont exercé un pouvoir de nuisance immense.
    Car comme les poissons,le pcf a commencé à se désagréger,par la tête,c.a.d sa direction,inféodé au groupe de Martelli.
    Il en est de même encore aujourd’hui.
    En 2017,l’électorat du pcf,aprés que celui ci ait été effacé de sa visibilité,suite à son énième absence à l’élection présidentielle,c’est, 1,3% des inscrits aprés,les 1,8% de MGB.Ainsi,c’est la victoire des ennemis de dehors(Martelli)/dedans(Laurent and Co)tous des liquidateurs du PCF,à quelles fins,avec quelles conséquences ?
    Aucune pour eux,car cachées,leurs actions ne sont mêmes pas assumées : drôle de mentalité,non ?

  39. Aubert Sikirdji dit :

    …Un mot sur votre réponse au dit Maurice…

    ( – soit dit en passant : un Maurice qui a repris cette réponse pour l’envoyer de l’intérieur de votre site, telle quelle, ailleurs…, le 22 juillet à 21h12 …sous le pseudo de « nonauxfaulcul », sous un article de Roger Martelli sur Henri Malberg, afin qu’un « Maurice de l’extérieur », qui y parle…, bien sûr pour autrui,… d’une « drôle de mentalité », consistant en « d’actions cachées et non assumées » (sic !…), puisse se répondre à lui-même,… le 23 juillet à 07h16, par une sorte de dédoublement de personnalité !… – voir ici : http://www.regards.fr/web/article/henri-malberg-une-vie-dans-le-parti
    Je ne signale cela, que par simple appel à la décence, en ces circonstances… ) :

    …je considère, quant à moi, que le changement du PCF, selon moi trop tardif, appelé « mutation » ne peut pas être simplement ramené à une histoire de « reflet » ou de représentation sociologique : des cocos « petits bourgeois » de « couches moyennes », d’un moralisme amidonné, … pouvaient en effet être attachés à « l’ancien » parti communiste, pour leurs raisons… Ce n’est donc pas si simple.
    Ici, il est question d’un clivage entre cousins, Henri Malberg et Henri Fizbin… Il serait très dommage, à mon avis, de nous en souvenir de manière par trop simpliste !…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      […je considère, quant à moi, que le changement du PCF, selon moi trop tardif,]

      Etant donnés les résultats désastreux du « changement » en question, j’ai du mal à le considérer « trop tardif ». Avancer une erreur ne la rend moins nocive.

      [(…) appelé « mutation » ne peut pas être simplement ramené à une histoire de « reflet » ou de représentation sociologique : des cocos « petits bourgeois » de « couches moyennes », d’un moralisme amidonné, … pouvaient en effet être attachés à « l’ancien » parti communiste, pour leurs raisons… Ce n’est donc pas si simple.]

      Je n’ai pas très bien compris ce commentaire. Je ne doute pas que quelques « petits bourgeois » puissent devenir à titre personnel « cocos » pour différentes raisons, mais du point de vue collectif, c’est d’abord les intérêts qui priment. Il est clair que le PCF « marchaisien » établissait une hiérarchie claire entre les intérêts des couches populaires et ceux des « classes moyennes », hiérarchie que les « classes moyennes » triomphantes des années 1980 n’étaient pas prêtes à accepter. Les années 1980 et 90 ont vu une marginalisation des couches populaires du champ politique, qui allait bien plus loin que la prise du pouvoir par un parti déterminé. En trente ans, TOUS les partis politiques se sont alignés sur les intérêts des « classes moyennes », PCF inclus.

      [Ici, il est question d’un clivage entre cousins, Henri Malberg et Henri Fizbin… Il serait très dommage, à mon avis, de nous en souvenir de manière par trop simpliste !…]

      Je ne vois pas ce qu’il y a des « simpliste » dans mon raisonnement. Il y eut entre les deux « cousins » parisiens un désaccord : Fiszbin, constatant la boboisation de la ville de Paris, a considéré que pour conserver ses positions électorales le PCF devait changer d’orientation et devenir le « parti des classes moyennes ». Malberg, au contraire, considérait que cela n’avait aucun intérêt de préserver un PCF qui n’aurait de « communiste » que le nom, et qui ne serait finalement qu’un PS-bis. Quelques années plus tard, on trouve Fiszbin au PS. Cela semble assez clair, non ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      « Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats » (René Char).

      Que, « résultat des courses »,… des « individus » comme Henri Fizbin, …ou Charles Fiterman aient « fini au PS », cela prouve quoi ?!?… Non, rien de suffisamment « clair »…, pour pouvoir « nous » payer le luxe des raisonnements courts, captieux et routiniers que l’on connait, du genre : « – Ben, c’est pas compliqué, …c’est qu’ils ont viré leur cuti !… ».

      Le concept de « mutation » a eu « l’avantage » pour la direction du PCF de l’imprécision, de masquer le caractère surdéterminé, à plusieurs points de vue, de la conviction qui s’était largement répandu dans l’opinion, au cours des années 70-80 dans l’opinion publique, qu’il devait impérativement « changer ».

      Où, d’évidence, pouvait se jouer des dimensions contradictoires… Mais ce n’était pas que pour « de mauvaises raisons » !… Est-ce qu’un type de Parti fondé sur l’esprit léniniste de « la discipline de fabrique » correspondait toujours à « la classe ouvrière » de la 2ème moitié du 20ème siècle ? La complexité de la question a été réduite à l’arrivée, si l’on veut, oui, dans un sens satisfaisant pour « l’esprit petit-bourgeois », parce que consistant essentiellement dans un vague changement de culture : ainsi Roland Leroy, dans ses mémoires de 1995, a-t-il eu une formule qui disait que « chacun » , « en son intimité mêlés », porte des restes de stalinisme et la volonté de s’en libérer !… Ce qui ne l’empêchait pas de semer le doute au demeurant sur des « re-» (-constructeurs, -novateurs ou –fondateurs), soupçonnés, dans les circonstances où ils se sont illustrés, de s’être rendus coupables d’avoir « crispé le Parti » !…

      Passez muscade !… La vraie question, légitime, qui était de savoir si « l’on a le droit » d’avoir, en tant que personne, raison contre le groupe, si l’on peut avoir eu raison, de manière précise et datée, contre le Parti sur telle ou telle question, partielle ou générale, s’il est normal qu’il ait fallu attendre pratiquement la fin du 20ème siècle pour que le PCF sorte officiellement du monolithisme, se décide à se laïciser,… respecte et reconnaisse largement l’esprit critique et la liberté de conscience en son sein, cette question continuait d’être évacuée !… Il faut souligner que cette question n’est pas que personnelle, mais bel et bien incontournable, si l’on « croit » un peu, non pas à « La » vérité historique, mais à la possibilité même d’éléments de vérité, et de « faits têtus », sous et malgré les réaménagements de « lignes » périodiques :
      Pourquoi, personnellement, ai-je eu tort en 1984, de remettre en question, de manière argumentée, le centralisme démocratique, et raison, dix ans plus tard, avec le secrétaire général, …en 1994, c’est-à-dire rien moins qu’un nouveau lustre après la Chute du Mur de Berlin ?!?… (Il faut rappeler ici que ce fut alors le signe d’une autorisation de « la Mutation », oui, trop tardive, par Georges Marchais lui-même, car le centralisme démocratique « ne correspondait plus », au moment décrété par lui, et après avoir copieusement stigmatisé auparavant les « comportements problématiques »,… aux besoins démocratique nouveaux…) !…

      L’ère Marchais a eu son âge d’or, un premier temps d’état de grâce… Elle fut une promesse, après 68, justement de « changements », y compris du PCF… À l’époque de la crise de la fédération de Paris, je n’en étais pas à remettre en question en grand son mode de fonctionnement. Mais j’ai retenu une formule de principe d’Henri Fizbin : que oui, un individu pouvait avoir (eu) raison contre le groupe. Et que je sache, ce n’est pas en soi un principe tellement « petit-bourgeois » que ça !…

      Puisque j’ai posé à ce propos mon refus d’explications bête-et-méchamment sociologiques…, plus fondées sur un imaginaire de « la classe ouvrière » que sur ses transformations réelles, …j’en précise une dimension personnelle : anecdotiquement, puisqu’il est question de familles : la division des communistes est passé, lors de la crise ouverte en 1984, en ce qui me concerne et me consterne toujours, plus qu’entre 2 cousins : entre mon frère jumeau et moi. Devenu partisan, alors, de remises en causes qu’il refusait, il se trouve que …je n’en étais pas pour autant le moins prolétarisé des deux !… Et puisque vous parlez de hiérarchie : ça se voyait dans l’espace, dans la hiérarchie spatiale : lui était à Paris, et moi en grande banlieue…

    • Aubert Sikirdji dit :

      J’ajoute pour information ci-dessous, si vous le permettez, le commentaire que j’ai fait le 22 juillet à 18h09, sur le site de Regards, après l’article de Roger Martelli en hommage à Henri Malberg.

      Ce sont des circonstances où j’ai quelques raisons personnelles et supplémentaires de chagrin.

      « Paul Laurent, Henri Krasucki, Henri Malberg… des jeunes de Belleville… ; place des fêtes… J’ai moi aussi des racines là, du côté de ma famille maternelle.

      Pensant à ce qu’Alain Badiou a écrit sur cet enjeu, j’ai d’abord envie de rappeler d’Henri Malberg qu’il est un exemple de ce que parler de fidélité et d’ancrage affectif, daté et localisé, dans la pertinence d’un « engagement » veut dire.

      Même si, nous le savons, la fidélité peut virer au fidéisme. Il n’empêche que, quelque soit la capacité critique que nous avons, les uns ou les autres, à regarder le passé, je retiens d’Henri le refus absolu du reniement et un profond désir de transmission. (Cf. la page 94 de son livre « Incorrigiblement communiste » : En France, les partis et formations politiques diverses ont des racines très profondes. Et vaille que vaille, les générations transmettent plus ou moins clairement l’héritage. »)

      Étant à une génération de distance de lui, je n’ai jamais souscrit à l’idée que, la roue ayant tourné, la nécessité d’une refondation et d’un communisme de nouvelle génération soit simplement synonyme de communisme… d’une nouvelle génération, remplaçant les précédentes, et juste oublieuse des dites « périodes historiques » successives du siècle d’avant, dont quelques bilans plus ou moins doloristes, en fonction d’une série d’échecs, auraient réduit le sort à être réduites à autant d’affaires classées !…

      Cela va au-delà d’on-ne-sait-quelle obligation d’entretenir un respect ballot dû au passé !… C’est que non, il n’y a pas d’ailes sans racines !… Et non, l’expérience historique ne peut pas se résumer à jouer à un immense saute-mouton mental !… (Cf. page 127, sur les lendemains de 1917 : « Je me refuse de céder à une double facilité. Celle de tourner la page et celle de nier l’œuvre immense de cette ébauche de société nouvelle… » ; et page 83 : « Beaucoup de nouveaux adhérents du Parti communiste disent : « Bof, c’est du passé, regardons les combats d’aujourd’hui. » D’accord. Mais il faut bien répondre à la question (…) : comment se fait-il que le monde socialiste de l’Est a dérivé si dangereusement hors des chemins de la liberté et en est mort ?…) ».

      Il ne suffit pas que des formes obsolètes de sociétés, mais y compris de Partis, soient juste « abandonnées », sous couvert de tordre le coup à toute une « Nostalgie » !… Cf. page 82 : « Aucun parti politique, à gauche, n’a autant poussé la réflexion historique critique sur l’histoire, son histoire, et sur l’avenir, que le Parti communiste. J’accepte ce débat avec des camarades socialistes comme avec des personnes de droite. Chiche. »

      En même temps, il ne suffit pas de l’affirmer, il faut donner à cette capacité autocritique bien comprise toute son ampleur, hors toute comparaison dilatoire avec autrui !… Se remettre en question, c’est en fonction de son propre niveau d’exigence !… Et c’est à chacun de savoir ce que mémoire sélective ou non sélective veut dire, en fonction de sa propre histoire, et en rapport avec son propre niveau d’ambition émancipatrice !…

      En attendant : oui, c’est avec du récit que l’on change le monde !… À condition qu’il soit exigeant, et non lacunaire !… Cf. page 200 : « Il ne faut jamais céder sur le grand récit émancipateur que l’humanité poursuit sans relâche. Il faut porter un grand idéal pour le monde d’aujourd’hui et de demain. Et se souvenir que céder sur les mots, c’est déjà céder sur les choses. Cette formule est de Freud, je crois. » Freud nous a dit quelque chose, en l’occurrence, y compris sur la censure historique… Car si les mots se perdent, c’est comme le souvenir !…

      Et il se trouve qu’Henri Malberg a joué son rôle pour qu’un épisode « d’histoire » du PCF, à savoir « la crise de la fédération de Paris », de 1978-80, soit réexaminée, au regard d’une meilleure compréhension des contradictions stratégiques de l’époque : voir le petit livre qu’il a réalisé avec Gérard Alezard, Pascal Santoni, et Roland Wlos, avec postface de Pierre Laurent.

      Il est nécessaire que le PCF étende aussi ce type d’effort sérieux à une « période » plus grande : jusqu’à réexaminer officiellement, et réellement, « l’extention » de cette crise, devenue générale, au milieu des années 80. Ce qui manque toujours cruellement.

      Comme l’a signalé un article de Jean-Paul Piérot dans l’Humanité : si Henri Malberg « est intervenu régulièrement dans les débats et controverses au sein du PCF »… je me souviens très bien qu’en l’occurrence, pour le 25ème congrès de 1985, son esprit de parti lui fit écrire : que « parler de différentes sensibilités communistes, …c’était le début des tendances… » !…
      Henri est lui-même
      à considérer comme un personnage de transition pour « un autre communisme »… Il insiste dans son livre sur le concept de « respect »… Dont on sait désormais qu’il a présidé, à une laïcisation (trop tardive) du PCF, reconnaissant le fait que les décisions démocratiques n’aliénaient pas les opinions de chacun !… »

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Que, « résultat des courses »,… des « individus » comme Henri Fizbin, …ou Charles Fiterman aient « fini au PS », cela prouve quoi ?!?…]

      Cela prouve que soit ils ont changé d’avis très vite, soit les idées derrière leur projet de « réfondation » du PCF n’étaient pas incompatibles avec le projet du PS. Personnellement, je penche pour la deuxième option. Si les Fiszbin ou les Fiterman avaient, lorsqu’ils se présentaient en réformateurs du PCF, les intérêts de la classe ouvrière au cœur, comment expliquer que moins de dix ans plus tard on les retrouve – élus, qui plus est – dans un parti qui faisait une politique qui heurtait de face les intérêts de cette même classe ?

      J’ai de profondes différences avec Pierre Juquin. Mais je dois lui reconnaître au moins d’avoir été cohérent. Il trouvait le PCF pas assez ouvert aux thèmes de l’autogestion et de l’écologie, et il a poursuivi sa carrière dans des organisations qui faisaient de ces sujets l’axe de leurs propositions. Mais ceux qui ont fait profession de vouloir « refonder le communisme » et qu’on retrouve ensuite au PS et qui plus alors que ce parti a bien engagé son tournant libéral, je regrette, j’ai du mal à accepter la sincérité de leurs intentions.

      [Le concept de « mutation » a eu « l’avantage » pour la direction du PCF de l’imprécision, de masquer le caractère surdéterminé, à plusieurs points de vue, de la conviction qui s’était largement répandu dans l’opinion, au cours des années 70-80 dans l’opinion publique, qu’il devait impérativement « changer ».]

      Je vous conseille de relire le livre « Communisme : la mutation » de Robert Hue. Oui, je sais, le style est pénible. Mais il n’y a aucune « imprécision » là dedans. Il ne s’agissait pas simplement de « changer », mais de « changer » dans un sens bien déterminé qui, quelle coïncidence, allait tout à fait dans le sens des thématiques qui intéressaient les « classes moyennes », et l’abandon de celles qui allaient dans le sens des couches populaires.

      [Mais ce n’était pas que pour « de mauvaises raisons » !…]

      J’attends toujours qu’on me donne une « bonne »…

      [Est-ce qu’un type de Parti fondé sur l’esprit léniniste de « la discipline de fabrique » correspondait toujours à « la classe ouvrière » de la 2ème moitié du 20ème siècle ?]

      Peut-être pas. Mais la question n’est pas de savoir s’il fallait changer, mais dans quelle direction ce changement devait se faire. J’attends que quelqu’un m’explique en quoi la « mutation » conduite par Hue et applaudie par Hermier et Martelli « correspondait à la classe ouvrière de la 2ème moitié du 20ème siècle ».

      [Ce qui ne l’empêchait pas de semer le doute au demeurant sur des « re-» (-constructeurs, -novateurs ou –fondateurs), soupçonnés, dans les circonstances où ils se sont illustrés, de s’être rendus coupables d’avoir « crispé le Parti » !…]

      Quant on sait – c’est très bien raconté par Attali dans « Verbatim » que Fiterman demandait à Mitterrand de l’aider à dégommer Marchais pour prendre le contrôle du Parti, on peut difficilement s’empêcher de donner raison à Leroy…

      [Passez muscade !… La vraie question, légitime, qui était de savoir si « l’on a le droit » d’avoir, en tant que personne, raison contre le groupe, si l’on peut avoir eu raison, de manière précise et datée, contre le Parti sur telle ou telle question, partielle ou générale, s’il est normal qu’il ait fallu attendre pratiquement la fin du 20ème siècle pour que le PCF sorte officiellement du monolithisme, se décide à se laïciser,…]

      Je ne crois pas que ce soit la question. Je vous trouve bien naïf de croire que les conflits entre les « réfondateurs » et autres « rénovateurs » et la direction du PCF aient été une pure confrontation d’idées. Pourquoi croyez-vous qu’on ait retrouvé les ministres communistes du côté des « réformateurs » ? Parce que ces conflits sont en fait des conflits de pouvoir à l’intérieur de l’organisation. Fiterman, qui pendant des années avait été le fidèle numéro deux de Marchais n’a jamais protesté contre la « ligne ». Devenu ministre, il voit une opportunité de « prendre » le Parti… et tout à coup il devient « refondateur ». Curieux, n’est ce pas ?

      De même, pourquoi croyez-vous que les permanents et les élus aient unanimement embrassé la « mutation » ? Parce que l’abolition du « centralisme démocratique » leur donnait la possibilité de devenir des véritables « barons » dans leur baronnie, ne rendant compte à personne. Bien sur, on a déguisé tout ça sous un discours « progressiste » et « démocratique », mais les faits sont là.

      Le plus drôle, c’est qu’on crache encore sur le « monolithisme » des années Marchais, alors que les deux organisations qui ont montré la dynamique la plus puissante lors des dernières élections, LREM et LFI, sont toutes deux hypermonolithiques. Car au PCF façon Marchais, il y avait des statuts, des instances élues. Il y avait même un Bureau politique à qui il arrivait de mettre le secrétaire général en minorité. Des voix dissidentes pouvaient même s’exprimer, même s’il fallait le faire avec une certaine prudence. Rien de tel à LREM et LFI, dont les dirigeants suprêmes ont tout pouvoir sans être limités par une quelconque instance.

      [(…) respecte et reconnaisse largement l’esprit critique et la liberté de conscience en son sein,]

      Excusez-moi, mais ce PCF ou on « respecte et reconnaît largement l’esprit critique et la liberté de conscience » n’existe toujours pas. Essayez de dire dans une réunion que vous êtes contre la parité ou le mariage pour tous, et vous verrez ce qui vous arrivera. Non, la « mutation » n’a fait que remplacer un sectarisme par un autre. La différence, c’est que le sectarisme qu’on pourrait appeler « stalinien » érigeait en dogme les valeurs des couches populaires, le sectarisme actuel fait la même chose avec les valeurs des « classes moyennes ».

      [Pourquoi, personnellement, ai-je eu tort en 1984, de remettre en question, de manière argumentée, le centralisme démocratique, et raison, dix ans plus tard, avec le secrétaire général, …en 1994,]

      Pardon, pardon. Vous aviez tort en 1984, et vous aviez tort en 1994. Seulement, en 1984 vous étiez une minorité à avoir tort, en 1994 c’était une majorité. Vous savez, le fait d’avoir la majorité ne vous assure pas d’avoir raison.

      [(Il faut rappeler ici que ce fut alors le signe d’une autorisation de « la Mutation », oui, trop tardive, par Georges Marchais lui-même, car le centralisme démocratique « ne correspondait plus », au moment décrété par lui, et après avoir copieusement stigmatisé auparavant les « comportements problématiques »,… aux besoins démocratique nouveaux…) !…]

      Ce n’est pas Marchais, mais Hue, qui abolit le centralisme démocratique. A ma connaissance, Marchais n’a jamais affirmé que le centralisme démocratique « ne correspondait plus ». Pourriez-vous me fournir une référence ?

      En fait, si le « centralisme démocratique » fut aboli, c’est surtout parce qu’il ne « correspondait plus » aux ambitions des élus et des permanents, les nouveux « barons » du Parti. Parce qu’il faut bien comprendre que le « centralisme démocratique » était surtout un instrument destiné à discipliner élus et permanents, c’est-à-dire, ceux qui ont quelque chose à perdre à être virés du Parti. Soyons honnête : le militant de base, celui qui distribue des tracts, fait du porte-à-porte, vend l’Humanité et tient le stand à la Fête est bien trop précieux pour qu’on puisse se permettre de l’exclure parce qu’il n’est pas d’accord avec la « ligne ». Et puis, pour lui la punition n’est pas bien terrible. Qu’est ce qu’il y perd, à part les mille et une façons de perdre son temps qu’entraîne la vie militante ? Par contre, l’élu du Parti, le permanent, eux ont beaucoup à perdre !

      [Mais j’ai retenu une formule de principe d’Henri Fizbin : que oui, un individu pouvait avoir (eu) raison contre le groupe. Et que je sache, ce n’est pas en soi un principe tellement « petit-bourgeois » que ça !…]

      Et c’est quand que vous avez découvert qu’un individu peut avoir tort contre le groupe ? Parce que tous ces gens qui prétendaient « avoir raison contre le Parti » tout en étant en désaccord entre eux… ils ne pouvaient pas tous avoir simultanément raison, non ?

      [Devenu partisan, alors, de remises en causes qu’il refusait, il se trouve que …je n’en étais pas pour autant le moins prolétarisé des deux !…]

      Et aujourd’hui, que le Parti fait finalement ce que vous préconisiez en 1984, êtes vous revenu à lui ? Etes vous un militant ? Et votre frère ?

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [J’ajoute pour information ci-dessous, si vous le permettez, le commentaire que j’ai fait le 22 juillet à 18h09, sur le site de Regards, après l’article de Roger Martelli en hommage à Henri Malberg.]

      Je vous permets, je vous permets, tant que le texte est de votre plume, il est le bienvenu.

      [Il n’empêche que, quelque soit la capacité critique que nous avons, les uns ou les autres, à regarder le passé, je retiens d’Henri le refus absolu du reniement et un profond désir de transmission. (Cf. la page 94 de son livre « Incorrigiblement communiste » : En France, les partis et formations politiques diverses ont des racines très profondes. Et vaille que vaille, les générations transmettent plus ou moins clairement l’héritage. »)]

      Oui, tout a fait. Malberg était l’héritier d’une tradition institutionnelle forte, qui lui venait autant de la tradition juive que de la tradition communiste. Une institution ne se constitue et ne se perpétue que par sa capacité de transmettre aux nouveaux arrivés le patrimoine constitué par les anciens. Lorsque la transmission s’arrête, les institutions deviennent très vite des cadres vides.

      [Étant à une génération de distance de lui, je n’ai jamais souscrit à l’idée que, la roue ayant tourné, la nécessité d’une refondation et d’un communisme de nouvelle génération soit simplement synonyme de communisme… d’une nouvelle génération, remplaçant les précédentes, et juste oublieuse des dites « périodes historiques » successives du siècle d’avant, dont quelques bilans plus ou moins doloristes, en fonction d’une série d’échecs, auraient réduit le sort à être réduites à autant d’affaires classées !…]

      La question serait plutôt pourquoi d’autres souscrivent à cette idée. Pourquoi ce besoin si puissant d’effacer le passé, que ce soit dans la symbolique, dans le langage ou dans la connaissance de sa propre histoire. Une besoin qui n’est pas une exclusivité communiste : on voit exactement le même mécanisme à l’œuvre dans la vision « doloriste » d’un pays qui n’arrive plus à commémorer que les victimes, tant il est incapable de supporter l’ambiguïté inhérente à tout personnage historique.

      Lorsqu’un phénomène touche non seulement le Parti mais aussi toute la société, il est difficile de l’attribuer aux erreurs de tel ou tel dirigeant. Mon analyse, c’est que ce besoin de nier le passé est le besoin d’une classe sociale, une classe sociale qui n’ayant pas de passé à elle établit son pouvoir en niant le passé des autres. L’histoire, c’est l’histoire de la lutte des classes, et c’est donc une histoire dans laquelle les « classes moyennes » n’ont pas de place. Leur événements « fondateur », c’est mai 1968, le seul évènement historique qu’on puisse aujourd’hui idéaliser sans qu’on vous retourne immédiatement un « crime ».

      [Cela va au-delà d’on-ne-sait-quelle obligation d’entretenir un respect ballot dû au passé !…]

      Je ne sais pas ce que « respecter le passé » veut dire. Napoléon est mort à Sainte-Hélène, et le fait que vous le « respectiez » ou pas ne change rien. Devant l’histoire, ce qu’il faut c’est moins du respect que de la modestie. C’est la conscience que ce passé nous a faits tels que nous sommes, et que nous ne pouvons nous définir que par rapport à lui. Si quelque chose est « nouvelle », c’est parce qu’il y a un passé où elle n’existait pas. C’est donc la référence au passé qui fait la « nouveauté ».

      [et page 83 : « Beaucoup de nouveaux adhérents du Parti communiste disent : « Bof, c’est du passé, regardons les combats d’aujourd’hui. » D’accord. Mais il faut bien répondre à la question (…) : comment se fait-il que le monde socialiste de l’Est a dérivé si dangereusement hors des chemins de la liberté et en est mort ?…) ».]

      La question intéressante, c’est surtout celle de savoir POURQUOI tant d’adhérents disent « Bof, c’est du passé, regardons les combats d’aujourd’hui ». POURQUOI a des générations de militants qui se plaisaient à connaître une histoire et à y puiser les références (quitte à la déformer) a succédé une génération qui rejette cette connaissance et qui est persuadée qu’on peut conduire sans rétroviseur. Si au lieu de penser en termes de « c’est la faute à Marchais » comme le firent les « Réfondateurs » et autres « Rénovateurs » on s’était posé cette question fondamentale, on n’en serait pas là.

      [Et il se trouve qu’Henri Malberg a joué son rôle pour qu’un épisode « d’histoire » du PCF, à savoir « la crise de la fédération de Paris », de 1978-80, soit réexaminée, au regard d’une meilleure compréhension des contradictions stratégiques de l’époque : voir le petit livre qu’il a réalisé avec Gérard Alezard, Pascal Santoni, et Roland Wlos, avec postface de Pierre Laurent. Il est nécessaire que le PCF étende aussi ce type d’effort sérieux à une « période » plus grande : jusqu’à réexaminer officiellement, et réellement, « l’extension » de cette crise, devenue générale, au milieu des années 80. Ce qui manque toujours cruellement.]

      S’il s’agit d’une question historique, alors laissons les historiens travailler sur le sujet s’il s’en trouve que le sujet intéresse. Mais à quoi pourrait servir un « réexamen officiel ». Y aurait-il une « histoire officielle » du PCF qu’il s’agirait de corriger ? Et quel serait l’intérêt politique – car le PCF est un parti politique, et non une institution universitaire – de cette révision « officielle » de l’histoire ?

      Je peux comprendre que certains de ceux qui ont participé à l’épisode en question aient envie qu’une histoire « officielle » – c’est-à-dire, le « roman partisan » du PCF – reconnaisse qu’ils avaient raison. Seulement voilà : l’histoire est toujours bien plus ambiguë que cela. Et si vous commencez à « réexaminer », vous vous apercevrez que les intentions des uns et des autres n’étaient pas particulièrement pures, et que leur action était guidée par un mélange de conflits de pouvoir, d’ambitions personnelles et d’idées nobles.

      Les hommes ont besoin de vérité, et c’est pourquoi on fait l’histoire. Mais les hommes ont besoin aussi d’idéalisation, et c’est pourquoi on fait les « romans nationaux », ou dans ce cas des « romans partisans ». Vous pouvez mobiliser des gens pour lutter pour des projets parfaites conduits par des dirigeants irréprochables. Vous aurez du mal à les mobiliser en leur expliquant que leurs projets ont « un peu meilleures que celles des autres » et que leurs dirigeants sont « dans la bonne moyenne ».

      [Comme l’a signalé un article de Jean-Paul Piérot dans l’Humanité : si Henri Malberg « est intervenu régulièrement dans les débats et controverses au sein du PCF »… je me souviens très bien qu’en l’occurrence, pour le 25ème congrès de 1985, son esprit de parti lui fit écrire : que « parler de différentes sensibilités communistes, …c’était le début des tendances… » !… ]

      Et les faits lui ont donné raison. Ce n’est pas son « esprit de parti » qui lui a fait écrire ça, c’est sa lucidité et sa connaissance approfondie du fonctionnement du Parti.

      [Henri est lui-même à considérer comme un personnage de transition pour « un autre communisme »…]

      Je pense surtout qu’il est un témoin de la fin du communisme en tant que mouvement politique de défense des intérêts de la classe ouvrière. Car il faut vous rendre à l’évidence : il n’y a pas de « autre communisme ». Le PCF post mutation n’est qu’une espèce de PS « de gauche », eurolâtre, gauchiste dans le pire sens du terme, et dominé par des « barons » locaux qui font leur petite cuisine dans leurs petites marmites et empêchent toute ligne nationale d’émerger. C’est ça, « l’autre communisme » ?

      [Il insiste dans son livre sur le concept de « respect »… Dont on sait désormais qu’il a présidé, à une laïcisation (trop tardive) du PCF, reconnaissant le fait que les décisions démocratiques n’aliénaient pas les opinions de chacun !… »]

      Mais cela a toujours été reconnu. Il faut arrêter de fantasmer : même à sa période la plus stalinienne, le PCF n’a jamais eu le pouvoir de lire dans les pensées de ses adhérents. Chacun avait donc parfaitement la liberté de garder ses « opinions » quelque fussent les décisions prises. Ce que le PCF n’a jamais toléré – et il avait raison – c’est que les « opinions » servent à constituer des dissidences publiques qui permettent aux « barons » du PCF de créer leurs propres fiefs, et aux ennemis du PCF de jouer une « tendance » contre une autre. C’est cela qui est en jeu, et rien d’autre.

      D’ailleurs, il suffit de voir ce qui s’est passé lorsque le « centralisme démocratique » a été aboli, cette « laïcisation » dont vous parlez tant. Que s’est-il passé ? A-t-on assisté au fleurissement d’un débat interne riche, d’un processus démocratique renouvelé, d’une élaboration politique plus intelligente ? Non : on a assisté à la prise du pouvoir des élus et des permanents sur les instances locales, à une réorganisation en fonction des intérêts de ces « barons » (suppression des cellules, suppression des sections d’entreprise, réorganisation des sections en fonction des circonscriptions électorales, rapatriement des moyens financiers vers les fédérations), à la formation de groupes ayant chacun sa revue, ses finances, et cherchant à faire pression sur la direction nationale. Le tout aboutissant au sabotage de la candidate officielle du PCF aux élections présidentielles de 2007 et de la mise en place d’un « roi faible » en la personne de Pierre Laurent.

      Vous proposez de faire un « retour critique ». Et si on commençait par le faire sur la « mutation », au lieu de se disputer sur la vie et l’œuvre de gens qui ont depuis longtemps quitté cette terre ?

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Le tout aboutissant au sabotage de la candidate officielle du PCF aux élections présidentielles de 2007 et de la mise en place d’un « roi faible » en la personne de Pierre Laurent.< Étant trop jeune pour avoir connu cette période de l’intérieur, pourrais-tu développer un peu sur ce que tu entends par “sabotage” ? En revoyant les interventions média et en relisant les textes de l’époque, avec tout le respect que j’ai pour Marie-George, j’ai jusque là eu la franche impression qu’elle avait bien réussi à se saboter toute seule…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Étant trop jeune pour avoir connu cette période de l’intérieur, pourrais-tu développer un peu sur ce que tu entends par “sabotage” ?]

      Il faut pour cela faire un peu d’histoire. Après la victoire du “non” au référendum de 2005, tout le monde dans la “gauche radicale” a cherché à capitaliser la victoire et de lui donner une traduction électorale aux présidentielles. On vit donc fleurir des “comités anti-libéraux” regroupés dans une coordination nationale, et auxquels participaient une bonne partie des groupuscules de la “gauche radicale”, écologistes, antilibéraux de tout poil, et bien entendu le PCF. Comme d’habitude dans ce genre d’initiatives, c’est le PCF qui fournissait la trésorerie, la force militante, les salles, les colleurs d’affiches, tandis que les autres organisations fournissaient le bavardage.

      Mais lorsqu’il s’est agi de définir un candidat commun pour l’élection présidentielle, les vieux clivages sont revenus au galop. La plupart des groupuscules, farouchement anticommunistes, posait comme préalable que le candidat ne saurait pas être un communiste. De son côté, les communistes ne voyaient pas pourquoi, alors qu’ils représentaient le 90% de la force militante, ils auraient du accepter de soutenir un candidat qui leur serait imposé par d’autres. Cela aboutit à une rupture, le PCF désignant son candidat (Marie-George Buffet), les groupuscules se distribuant entre la candidature trotskyste de Besancenot et celle, écologiste, de José Bové.

      Bien entendu, il ne manqua pas dans le PCF de “barons” pour dénoncer le “sectarisme” de la direction qui n’avait pas été suffisamment “ouverte”. Beaucoup refusèrent de faire campagne, suivis par leurs vassaux fédéraux ou locaux. D’autres ont carrément appelé à voter Besancenot ou Bové. C’est ce traumatisme qui explique pourquoi la direction nationale du PCF a été tellement frileuse à l’heure de présenter un candidat en 2012 et 2017. Laurent est parfaitement conscient en effet qu’un certain nombre de “barons” saboteraient le candidat choisi…

      Marie-George n’était pas la candidate idéale… mais son résultat catastrophique ne sort pas de nul part. Son échec est la conséquence de la “féodalisation” du PCF, et du pouvoir des “barons” qui ne veulent surtout pas une direction nationale forte.

    • Aubert Sikirdji dit :

      « Je m’avance vers celui qui me contredit » (Montaigne).
      « L’histoire, c’est la passion des fils qui cherchent à comprendre les pères » (Pier Paolo Pasolini).
      « Pour qu’il y ait un individu, c’est à dire un être qui ne mime pas tout ce que la collectivité lui ordonne ou lui enseigne mais qu’il l’interprète à sa façon, individuellement, il faut que la collectivité bouge et pour que la collectivité bouge, il faut qu’il y ait des individus. » (Cornelius Castoriadis ).
      « Il ne faut rien négliger de l’histoire mais il ne faut rien imiter. » (Saint-Just).
      « Il y a dans ce que j’écris un principe d’unité ; les périodes, c’est peut-être très commode pour les historiens, mais dans la vie ça n’existe pas » (Aragon, dans un entretien de 1967 avec Jean-Jacques Brochier, pour le Magazine littéraire).

      …Vous avez raison, j’ai sans doute un peu exagéré, en le tirant vers moi, d’écrire ici, et d’abord ailleurs, qu’Henri Malberg a été un personnage de transition pour « un autre communisme »… Au demeurant, si je pense depuis belle lurette qu’un autre communisme est nécessaire, ce n’est pas une raison pour que vous me rangiez à priori, et de façon binaire, dans un jeu de rôles et de « camps », qui ne m’intéresse pas : car, personnellement, non, je ne me considère pas comme ayant jamais renié ce que vous appelez « les intérêts de la classe ouvrière », sous le prétexte que je me suis trouvé historiquement en délicatesse majeure avec un parti qui se prétendait « son » parti !…

      Penser cela serait décourager, oui, déprimer d’entrée de jeu tout débat entre nous !… « Le-parti » n’est pas la classe, le décréter serait une imposture, …et ce n’est qu’à travers ses actes concrets, et comme on dit, des preuves d’une réactivité et d’une utilité sans cesse apportées (tout pendant qu’il n’existe aucun monopole établi de l’initiative historique légitime) que l’on peut savoir s’il défend les intérêts de celle-ci. Aucune forme d’organisation, fut-ce le dit centralisme démocratique que vous continuez de défendre comme nécessaire, n’a jamais apporté de garantie en soi suffisante de cette utilité !… Comme le dit quelque part un certain Matthieu Bellahsen, psychiatre : « … – il s’agit de s’approprier une autre forme d’élan révolutionnaire qui n’attendra plus le grand soir mais se déploiera au fur et à mesure de la journée du monde. Instituer un lien social à partir de la vie vivante est, à l’heure actuelle, une prise de position politique essentielle… »

      Je considère que cet essentiel-là, « la vie vivante » et le mouvement réel…, suppose de, déjà,… n’être ni à la remorque des événements, …ni de n’y réagir de manière trop mécaniste à « l’accidentel »!… Et… la constitution même des partis communistes du 20ème siècle, sur la base « d’échecs » du mouvement ouvrier (la Commune de Paris, la guerre de 14-18), n’a-t-elle pas été l’expression, oui, encore trop simple d’un désir de « faire le contraire » de ce qui avait conduit à ces échecs, pour aboutir au niveau requis d’organisation transformatrice, efficace et « moderne », nécessaire et possible ?!?…

      J’ajoute que l’Idée meure, qu’on oublie à demeure… Et je considère que l’expression même de parti communiste pose question, qui tend à mon avis à assigner le communisme à résidence !…

      Nous n’aurons par exemple, à partir de là, et puisqu’il vient d’en être question, pas la même appréciation, quant au rapport au mouvement de la vie, de « l’utilité » de la candidature à la Présidentielle de Marie-George Buffet, en 2007. J’aurais été, en ce qui me concerne, pour cette candidature… dès 2002, et non pour une seconde candidature de Robert Hue !… Après, en 2007, les circonstances étaient autres, et la question se posait, oui, de « rassembler une diversité » !…

      Ceci dit, outre que, de mémoire du militant que je suis, la question des alliances, pas que politiques, mais sociologiques s’est toujours posée au PCF, je trouve que vous avez une vision plutôt statique des « couches moyennes », qui ne tient pas compte du mouvement réel de la société, de la dimension du déclassement, et des nouvelles dimensions de « prolétarisation » (voir ce qu’en dit Bernard Stiegler)… Non, « les couches moyennes » ne sont pas faites de gens heureux, dont on pourrait dire qu’ils n’ont pas d’histoire (où avez-vous vu ça ?), parce que leur pente naturelle serait de se prémunir instinctivement de la lutte des classes…

      Le type de sarcasme dont vous avez usé d’autre part, sur des « désaccordés » du Parti, en séries de « re-» (-constructeurs, -novateurs ou -fondateurs), forcément désaccordés entre eux, et qui se seraient juste détournés de la classe ouvrière vers les intérêts des couches moyennes, ne date pas d’hier,…: il se trouve que depuis 68 justement, c’est aux « groupuscules gauchistes » qu’allait la raillerie… Je vous en laisse le luxe, comme je vous laisse aussi votre façon de vous payer derechef un peu ma tête, à décrire un Parti désormais tenu par des « barons », et qui ferait à l’arrivée la chose inespérée que, personnellement, j’aurais voulue, et vers lequel je n’aurais donc plus qu’à revenir !… Il est clair que « Toute opinion est indifférente aux ambitieux, pourvu qu’ils gouvernent. » (Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre). Mais non merci : m’analogiser à cette débandade actuelle du PCF, cela flirterait avec le procès d’intention perpétuel !….

      Au demeurant, …ayant quitté ce parti en 1986, …je vous signale puisque vous me le demandez que, oui, je suis resté un militant, et un communiste, de « differrance » obligée … Mais, non, je ne me suis pas appelé « reviens », depuis que j’ai vécu, il y a plus de trente ans, la crise de 1984-1985, et donc le 25ème congrès « dans l’œil du cyclone », c’est-à-dire en Essonne, la fédération de Pierre Juquin !… Quant à mon cher frangin, il a conservé l’étiquette : resté lui, curieusement constant, …et très très PCF, étant encore à l’époque, me semble-t-il, un communiste parisien !…

      Ceci dit, la question ce n’est pas ma petite personne…, mais de savoir si un parti se disant révolutionnaire est capable d’être autre chose que, lui, parti… pour ne jamais revenir, à la hauteur rationnelle voulu, sur ses erreurs de jugement datées, parce qu’il risquerait de se contredire lui-même !… Il est vrai qu’ainsi, faute d’avoir toujours raison, l’on peut se permettre de n’avoir jamais tort !… Car en l’occurrence, non, je ne pense pas plus que vous que l’on puisse se dispenser, « en tant que révolutionnaire », c’est-à-dire en tant qu’organisation révolutionnaire, de regarder dans le rétroviseur !… La capacité critique et autocritique vont de pair !… Sans quoi il risque de ne rester, comme preuves concrètes, factuelles et donc « têtues » de l’Histoire, comme aurait dit Lénine,… que quelques éléments mnésiques très aléatoires…

      Maintenant, si j’ai sauté sur la possibilité de dire ici quelque chose à propos d’Henri Malberg, c’est que chez lui m’importe au plus au point une dimension, oui, si l’on peut dire, un « mélange » de culture historique communiste et, merci à vous de l’avoir souligné, de culture juive, qui s’est traduit par un refus absolu du reniement. L’enjeu de faire du neuf, c’est toujours de refaire des nœuds de contradictions « nouvelles »…, et ça ne peut pas se faire, sans inventaire critique, et autant que possible à temps, du passé, inséparable de tous les « dépassements » lucides, possibles et nécessaires !… Mais encore faut-il que ce passé, l’on ne le congédie pas périodiquement par simple coup de pied de l’âne !… Car il faut bel et bien « parler de quelque part », dans l’espace comme dans le temps, …et sans se renier !… Sur ce point, nous pouvons me semble-t-il être d’accord, tout en divergeant largement sur le reste !… A ce propos, je considère que ce qui nous a séparé, « le PCF et moi », c’est, effectivement, qu’il n’assume pas ses contradictions logiques, et non moi et « quelques » autres !… Je me considère toujours comme ayant été fidèle à moi-même, et pas de géométrie variable !… Je l’ai d’ailleurs très cher payé.

      Question fidélité et cohérence logique, il faut déjà dire que cet enjeu exclut une simple attitude de « bougisme », ou de « changisme » !… Voir Alain Badiou : « Que signifie « changer le monde » ? » : Nous nous engageons dans la tâche qui consiste à lever le paradoxe platonicien. Ce qui revient à proposer une autre conception du monde. Pour que “changer de monde” ait un sens, il sera nécessaire qu’il y ait quelque part dans le monde en question un point d’invariance inerte (on retomberait sinon dans les apories du monde contemporain qui est censé changer incessamment, mais qui ne connaît en réalité que des paroxysmes de changement immobile). C’est un réquisit résolument étranger au modèle vitaliste. »

      Ceci posé, quant au concept de fidélité à soi-même, autrement dit d’éthique, et de logique… : vous pourrez toujours me traiter de naïf, il est clair que nous n’avons pas du tout la même interprétation de la crise « terminale » du PCF, qui s’est jouée depuis quelques décennies !… Il n’y a pas que « le passé de la Russie » qui « est imprévisible ». comme dit le titre du Roman d’Andreï Gratchev. J’ai envie d’ajouter ici une autre citation, de Benjamin Stora, aux Agoras de l’Humanité, le 11 janvier 2016, à propos des « différentes histoires »… de la colonisation : « Le problème n’est pas que les histoires soient séparées, opposée les unes aux autres, mais au contraire qu’elles puissent sans cesse nous armer, nous enrichir par rapport au présent que nous vivons. Sinon, effectivement, si ces histoires ne servent pas à nous enrichir et nous armer sur le plan culturel et politique, ce sont des histoires mortes, ce sont des histoires qui visent à conserver le Passé, faire en sorte qu’il ne se transforme pas, puisque, encore une fois, tout est écrit d’avance, tout est dernière nous, et tout est joué d’avance, il n’y a plus grand-chose à faire, et un certain fatalisme s’installe. »

      Le sens du « passé » d’une organisation à vocation révolutionnaire ne peut être juste ficelé comme celui d’une grande illusion passée, mais comme synonyme de la constitution d’un « sol » autocritique conséquent, issu d’un amalgame de nombreuses contributions, d’une réévaluation dialogique et collective, et sur lequel prendre appui, quelques soient d’ailleurs les chances de perdurer de cette organisation !… Il est clair que là, qu’on en parle comme d’un roman ou d’un récit autocritique…, …nous nous séparons radicalement quant à la constitution de ce sol !…

      Au demeurant, il faut interroger toutes les formes de consciences révolutionnaires, parfois émouvantes, mais néanmoins mouvantes, qui supposent des mémoires approximatives, sélectives et clignotantes !… Car oui, j’insiste : l’on ne parviendra pas à laïciser la politique de manière satisfaisante, tant que toute forme parti reposera davantage sur le besoin clérical de s’acheter une Bonne Conscience, que sur la capacité réelle à faire la révolution !…

      (Tout pendant que comme l’a dit René Char, la perte du croyant, c’est de rencontrer son église) …le propre de la Bonne Conscience Institutionnelle c’est en particulier de tendre à construire une Histoire téléologique, concernant l’à-venir, et en attendant, concernant le Présent et le Passé,… de se fendre d’autojustifications autoreproductrices, d’où « les problèmes » et contradictions tendent à disparaitre (et y compris, parfois, à réapparaitre à la demande), selon les besoins et opportunités (de pensée unique) du moment. Non, dans ces conditions, il ne risque pas d’y avoir de « science de l’Histoire » digne de ce nom !…

      Et quel en est le résultat ? Une répétition du perpétuel « effet autonettoyant de la Conscience », qui est de déplacer, d’excentrer, de projeter le poids de la culpabilité dans une « réalité extérieure », remplie « d’externalités négatives » et encombrantes…, et au final de faire de l’Histoire réelle elle-même tantôt un but abstrait, tantôt un poids dont on tend à se délester !… Qu’on le veuille ou non, l’on aboutit ainsi à faire du concept d’Histoire lui-même un concept paradoxal, pour ne pas dire autiste, poussé lui-même vers sa fin, dans le même temps que les « objectifs » transformateurs de l’Institution, qui se met tendanciellement d’elle-même dans une situation d’isolement, …restent renvoyés aux calendes grecques !…

      Ainsi, Bernard Calabuig, dans « Un itinéraire communiste, du PCF à l’altercommunisme », a pu écrire, page 60 : « Dans notre histoire, nous n’utilisions pas le mot communisme, comme le « mouvement réel qui abolit l’ordre actuel des choses » (dans un mouvement sans cesse renouvelé), nous le considérions comme une fin de l’histoire, un idéal lointain sur lequel la réalité doit se régler. De ce point de vue, Fukuyama n’est pas le seul théoricien de la fin de l’histoire : n’a-t-on pas appris à des générations de militants du PCF que le communisme était la société idéale, en quelque sorte la fin de l’histoire ? ».

      Au demeurant, la question de « l’image de Le Parti », liée à un « ldéal » des communistes, de préfiguration de l’avenir social, était très présente, sous Marchais : notamment en tant que se voulant « détachée du stalinisme ». Mais la prise de conscience fut-elle totale ? Est-ce que l’on n’en est pas resté à une formelle usuelle de « semi-conscience » amphibie ???… En sommes-nous nous-mêmes, encore aujourd’hui, « totalement libérés », du dit stalinisme « culturel » ?!?… Cf. Roland Leroy, dans l’émission « A voix nue » du 21 juin 2012, sur France Culture, à propos de la question de « prendre position sur ce qu’était le stalinisme, ce qu’on appelle le stalinisme », disait d’une façon plus fine que Marchais…: « …j’aime pas beaucoup le mot… Je vais vous dire pourquoi j’aime pas beaucoup le mot : parce que le mot tend à limiter les méfaits de la chose à la période de la vie de Staline. Hors, les défauts qu’il comportait trouve leurs prolongements plus tard, je dirai même jusque maintenant, dans l’esprit de certains. »

      Classiquement, en quoi consistait ce stalinisme mental, toujours présent dans l’esprit de certains, quoique « vieux comme l’immonde »,… et trop puissant pour qu’il n’en laisse pas quelques restes « traditionnels » derrière lui ? Le PCF n’a-t-il pas continué de tomber dans l’ornière d’explications « historiques » qu’il faut plutôt dire hystériques, …car il faisait avorter les processus en misérables procès, consistant dans une psychologisation-sociologisation de « débats », du coup ruinés !??… N’est-ce pas cela qui s’est passé au 25ème congrès ?!?…

      C’est à vous dont je me souviens avoir déjà fait ce genre de remarque il y a déjà longtemps, comme quoi un certain marxisme-léninisme s’était érigé en sainte Inquisition, de type « centralisme pédagogique », l’enseignant se tenant en dehors de l’enseigné. Car, Marx ayant établi de longue date que, l’être social déterminant la conscience,… l’on ne juge ni les individus ni même les peuples, …ni surtout les classes « favorisées » sur les idées qu’ils se font d’eux- et d’elles-mêmes ; et Lénine ayant ajouté que la conscience s’apportait de l’extérieur,… il en est résulté que d’aucuns, trop nombreux, se sont crus autorisés à juger sans appel, y compris leurs propres camarades, de l’extérieur, comme si, les ayant passés au scanner, il les connaissaient mieux qu’ils ne se connaissent eux- mêmes !…

      Mais au demeurant, cela n’a pas empêché …un parti ayant fonctionné sur ces « principes », facteurs de grands dégâts, de pouvoir se refaire un semblant de beauté, sur une base de tolérance et de continuité moralisante, …après nous avoir joué grave la pièce à l’envers !… …De ce point de vue, les rénovateurs dans mon genre ont déjà, naguère, tout entendu.

      Je n’invente rien. (Je reprendrai ici ce que j’ai déjà écrit sous cet article-là : http://www.regards.fr/web/trente-ans-plus-tard-la-crise-de,7918 ). Car dans le style « – À l’avenir on vous respectera, et même on vous laissera vivre, mais on vous a bien connus et reconnus, …au mieux comme retardant sur l’histoire et les nouvelles tâches de l’heure, et au pire, que vous vous en rendiez compte ou pas, comme dissidents-comploteurs datés, ou du moins comme prêtant le flanc à un complot !… (…Et il est totalement hors de question que nous changions d’avis sur ce point », l’affaire est entendue…) »…, je propose en guise de citation aussi prétendument « claire » que ce que vous écrivez vous-même… : ce qu’écrit, pages 150-151, dans son livre de septembre 1991 sur « Lénine », qu’il ose sous-titrer « l’éternel retour du concret » (car je ne m’y sens pour ma part aucunement « concrètement » reconnu) le camarade Arnaud Spire, philosophe de son état…:
      « Rares sont ceux qui comprendraient qu’un parti révolutionnaire s’auto-affaiblisse – fut-ce pour un laps de temps éphémère – en se privant d’une seule de ses capacités d’initiative, d’un seul esprit critique, ou d’une seule intelligence. C’est le sens de l’appel à « travailler ensemble » lancé en 1990 par Georges Marchais au 27ème congrès du PCF. A cet égard, il n’y a pas non plus à faire de distinction entre adhérents et militants. La libre exposition par chacun de son point de vue ne doit donner lieu à aucun classement, aucun étiquetage, aucune mise à l’écart.
      Le parti révolutionnaire, comme le mouvement populaire, a tout à gagner à un débat franc, loyal, et sans arrière-pensée. A cet effet, faire prévaloir la liberté de ton, l’écoute et le respect mutuel, ne découle pas d’un décret. Cette nouvelle attitude des communistes, tout à fait nécessaire aujourd’hui, demande un effort éthique permanent. »

      Cela n’empêche pas le même Arnaud Spire, page 66-67, de faire ce qu’il déconseille, et de s’obstiner mordicus à maintenir, au nom de Lénine, comme il dit, un « étiquetage », un « classement », une « mise à l’écart », dont on se demande en quoi ils relèvent d’un effort éthique conséquent, de communistes « figés », et considérés comme des dangers de mort pour le PCF !… En effet les contestataires du Parti « faisant problème » se retrouvent jugés, en l’occurrence par décret et sans appel comme des nostalgiques : à savoir des « orphelins de la période antérieure », qui cèdent à l’idéologie dominante et ont perdu la boussole de la lutte de classe !…

      Je cite Arnaud Spire : « La Liberté, écrit Lénine, est un grand mot, mais c’est sous le drapeau de la liberté qu’on a spolié les travailleurs. » L’expression « liberté de critique », telle qu’on l’employait à l’époque, renfermait le même genre de mensonge. (…) De même, moins d’un siècle plus tard, dans la France des années 1980, l’appellation « communistes critiques » pour désigner quelques « orphelins » de l’époque du Programme commun, figés dans leur obstination à refuser la critique de ses propres erreurs de la période précédente par le PCF et sa nouvelle stratégie révolutionnaire, fit problème. Il apparut en fait que cette critique, émise de l’intérieur de la révolution, rejoignait tendanciellement le conformisme le plus ordinaire. Celui de ceux qui voulaient la mort du parti révolutionnaire, véritable empêcheur de « consensualiser » en rond la prétendue supériorité du libéralisme. »

      J’ajoute : le plus croquignolesque des textes sur « le Complot de 1984 » : l’auteur est Jean-Claude Gayssot, alors secrétaire national à l’organisation (passé d’homme de Georges Marchais à, plus tard, ministre des transports de la Gauche Plurielle, puis à …homme… de Georges Frêche, et ayant affirmé entre temps, du temps de « la Mutation », que le PCF devait être capable de « regarder son passé en face ») …qui écrit ceci, pages 56-57 de son livre « Le Parti Communiste Français », sorti en 1989 :
      « …Et le Parti communiste ? Ses reculs électoraux jusqu’à l’élection présidentielle de 1988 servirent d’aliments à un formidable déchainement. L’anticommunisme est aussi ancien que notre parti lui-même. Pourtant jamais depuis les heures sombres de l’Occupation nous n’avions connu un tel déferlement de haine.
      Tout y est passé pour dénaturer le parti qualifié de « néo-stalinien », de « machine à broyer ». Certains ont parlé de « paranoïa stalinienne ». (…)
      Face à cette agression, les communistes réagirent avec courage. Bien sûr, les reculs électoraux successifs les amenaient à s’interroger. Le contraire eût été surprenant. Certains doutèrent. Une poignée crut que son heure était arrivée. Pierre Juquin révèlera bien plus tard, dès 1980, qu’il avait entrepris un travail fractionnel ; Marcel Rigout profita de sa position de ministre pour donner le signal public de l’offensive contre la politique du parti et de sa direction, à Rome, le 29 juin 1984. D’autres se sentirent pousser des ailes, à ce moment ou peu après, prêts qu’ils étaient à faire don de leur personne au parti !
      L’affaire touchait à l’essentiel : fallait-il mettre en cause l’analyse de la crise, la nature anticapitaliste des solutions à lui apporter, l’identité révolutionnaire du Parti communiste ? Fallait-il baisser la barre et coller au Parti socialiste pour entraîner la gauche et notre peuple à l’impasse ? En un mot, fallait-il renoncer ? Depuis le 25ème congrès, où un véritable affrontement d’idées a eu lieu dans le parti jusqu’au plus haut niveau de sa direction, la vie confirme amplement que, derrière le discours, ces prétendus « rénovateurs », qui disaient vouloir sauver le parti et à ce titre ont pu abuser des communistes, n’avaient en fait comme objectif que de le liquider en tant que parti révolutionnaire.
      Heureusement que les communistes ont tenu bon ! Heureusement que la direction du parti sous l’impulsion de son secrétaire général a su résister et imprimer un formidable effort de renouvellement de notre politique ! Sans cela notre parti aurait pu, comme dans d’autres pays européens, connaître le drame de l’éclatement, de la division. Pour le coup, on aurait pu parler de déclin.
      La question, je l’ai dit, fut tranchée au 25ème Congrès du parti. L’immense majorité des communistes estima qu’il existait déjà un parti social-démocrate en France. Et que c’était bien suffisant. »
      Il semblerait que vous soyez vous-même resté calé sur le même type de « thèses », oui, je le prétends, bien trop simplistes pour être avérées !… D’une part, lorsque certains accusent d’autres d’avoir retourné leur veste, n’oublions pas un ancien livre de Pierre Courtade, la place Rouge, où il est montré que ce ne sont pas toujours les « camarades » vus comme les moins fiables, dans certaines séquences historiques, qui tiennent forcément le moins la distance, sur le long terme !… Ce n’est pas pour rien que j’ai cité Gayssot !…

      Le communisme s’est posé, par le biais d’une certaine forme de parti et d’état, comme « éveilleur », mais au risque de se faire « colonisateur des consciences », dans le même temps qu’une tentative d’union de la gauche par le sommet n’a pas débouché sur la « marche au Socialisme » envisagée !…La « crise totale » du PCF qui en est résulté, et qui a marqué l’ère Marchais, ne peut certainement pas, non, continuer de souffrir à ce propos d’un genre d’approximations néostalinienne et complotiste, dont vous usez vous-même toujours, de type psychologique ou sociologique !…

      Je l’ai indiqué plus haut. L’affaire est d’abord et tout simplement une question de LOGIQUE !… Personnellement, j’ai poussé en « naïveté », au lendemain de 1984, et dix ans avant Georges Marchais lui-même, oui, …la logique jusqu’à des considérations sur la STRUCTURE de fonctionnement, en conscience qu’il était temps de le faire, et non sur les personnes, et leurs manigances « fractionnelles », tendancielles et supposées !… Je prétends que l’erreur de la mutation a été, oui, d’intervenir trop tard, au prix d’une distorsion des choses, qui a maintenu comme survalorisée la question de « la sortie du stalinisme » comme une question diffuse, d’abord vue comme individuelle et culturelle !…

      Et je prétends que ce que je dis là est lisible, que cela ressort de la plume de Georges Marchais lui-même, dans un passage de son dernier livre, Démocratie, pages 278-279, de 1990, (le mur de berlin vient de tomber)…où le mot de mutation est déjà utilisé. …En attendant un document (qu’il serait bien, en effet, de retrouver) où il dit, quatre ans plus tard, que le centralisme démocratique, non, « ne correspond plus » à l’outil partidaire qu’il nous faut, je le cite :
      « …le caractère démocratique de la vie du Parti communiste n’est pas un supplément d’âme accordé à ses adhérents pour leur satisfaction personnelle : elle est une condition impérative de la réussite de sa politique. Le maître-mot de celle-ci est : démocratie. Nous consacrons tous nos efforts à aider les gens à prendre eux-mêmes en main leurs propres affaires, à emprunter une voie nouvelle, celle de la démocratisation de la société dans tous les domaines, de la construction d’un socialisme autogestionnaire. Nous appelons les communistes à être le levain de ce mouvement transformateur et, pour cela, à faire preuve de créativité, d’imagination, d’esprit d’initiative. Autant d’objectifs totalement hors de portée pour un parti qui ne bénéficierait pas d’une riche vie démocratique. »
      « On peut parler à ce propos d’une véritable MUTATION » (c’est moi qui souligne ce maître-mot). « J’y ai fait allusion dans le premier chapitre de ce livre, lorsque j’ai expliqué en quoi et comment le Parti communiste s’était totalement affranchi du stalinisme. J’ai pris pour exemple le fait qu’aucune exclusion n’avait été prononcée pour motif politique depuis dix-sept ans. Bien d’autres progrès démocratiques ont été accomplis dans le mode de vie du Parti communiste. »

      Notons que le terme de mutation intervient ici comme synonyme de la conservation de communistes au sein du Parti, malgré leurs éventuels désaccords… Mais cela évacue complètement l’hypothèse, au demeurant, que ceux-ci auraient pu avoir raison avant les autres, et en tout cas… avant Georges Marchais soi –même !… car pour l’instant, comme on le verra plus loin, le questionnement d’un mode de fonctionnement ne débouche que sur l’idée d’un nécessaire « perfectionnement » !… L’arrangement du communisme, c’est bien connu, ne pouvant venir pour l’instant que de plus et mieux de communisme et de conformation à l’idéal !…

      Le poursuis donc la citation, où un certain coefficient d’arrangement de conscience apparaît :
      « Il faut bien reconnaître qu’il y en avait beaucoup à faire. Certes, même à l’époque de Staline, on n’a pas rencontré chez nous l’obsession des complots et la méfiance maladive entre communistes » (Sic ! J’ai montré ce qu’il en a été, précédemment, comme il en est toujours,… dans votre tête de « non-naïf » !…), et le Jojo ajoute : … « l’arbitraire le plus total, la coupure complète des dirigeants avec la réalité. Mais la fascination du « modèle » soviétique a joué aussi sur notre fonctionnement, et l’autoritarisme, la manie du secret, le culte de la personnalité, oui, nous les avons connus. »

      La question, c’est de savoir si un an après la chute du mur de Berlin, il ne serait pas plus que temps que ce « mode de fonctionnement » soit remis en cause en tant que tel, isomorphe aux prescriptions du dit modèle soviétique, et si ce modeste mot venu d’Est, « centralisme démocratique », ne constitue pas un concept obsolète !… Marchais mettra encore 4 ans pour le « décider » !… Mais il faudrait reconnaître, coemme on vient de le lire, qu’il aura eu, hou là là,… « beaucoup à faire », n’est-ce pas, pendant son règne !… À chaque ordre du jour suffit sa peine !…

      Suit ensuite, pourtant, de la même manière que le stalinisme avait été évalué au cours des années 70 comme une « perversion », …une contestation d’une certaine forme parti, dite « déviante », car créant de « l’avant-garde de l’avant-garde », autrement dit une Direction constituée en parti dans le parti :
      « Autoritarisme ? Il fut un temps où la direction du parti exerçait sur celui-ci un pouvoir qui ne lui revient pas. Le schéma qui rendait possible cette déviation était, sommairement, le suivant : le Parti communiste étant l’avant-garde, sa direction était l’avant-garde de l’avant-garde. »
      (J’ai d’ailleurs appris ça texto, dans ma première « école de section » !…).

      « La moindre critique ou idée personnelle était considérée comme un indice de « faiblesse politique » ; et si quelqu’un combattait de front une opinion ou une décision émanant d’« en haut » – pas seulement du Comité central, mais aussi de sa direction fédérale ou de section-, c’est qu’il épousait, sans même en être conscient, les conceptions de l’adversaire. Ces pratiques et le mode de pensée qu’elles sous-tendent sont totalement révolues. »

      Des pratiques « révolues », mais , du coup, avouées !… Il semblerait donc que Marchais confirme qu’« il fut un temps », non non, certes plus le sien…, où il n’était pas très aisé de « garder son opinion », pour la faire valoir contre Le Parti !… (Car la garder pour soi, n’est-ce pas, quel intérêt ?)
      …Il ne semble pas, en ce qui vous concerne, qu’au demeurant , vous soyez vacciné contre une vision portées sur d’autres communistes, comme moi, qui fut, je le pense, comme Marchais, rénovateur du communisme, mais dans un autre « timing » logique…, mais que vous préférez voir comme un parmi d’autres qui, « sans même en être conscient », auraient épousé « les conceptions » sinon « de l’adversaire », mais en tout cas, comme vous le dites, de couches sociales qui se croient dispensées de lutte de classe !…

      Pfff !.. N’en aura-t-on, visiblement, jamais fini avec les procès d’intentions !!!?????…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Au demeurant, si je pense depuis belle lurette qu’un autre communisme est nécessaire,]

      Mais c’est quoi, un « autre communisme » ? Si « l’autre communisme » est différent du « communisme » que nous avons connu jusqu’ici, pourquoi ne pas lui donner un autre nom, pour bien marquer la différence ? Pensez-vous que les républicains auraient du appeler le régime qu’ils proposaient « une autre monarchie » ?

      Le problème des tenants de « l’autre communisme » est qu’ils veulent le beurre et l’argent du beurre. Ils veulent le prestige et la tradition historique qui s’attache au mot « communisme », mais ils ne veulent pas en assumer les tâtonnement, les erreurs et même les crimes. Ils veulent l’héritage, mais sans en assumer le passif. Non, il n’y a pas « d’autre communisme », comme il n’y a pas « d’autre république ». Le « communisme » est un processus, et non un état qui serait figé. Le « communisme », comme tout produit historique, change dynamiquement avec le temps, sans devenir pour autant « autre ». La conception que nous avons de la République n’est certainement pas celle qu’en avait les Romains, ou même celle qu’en avaient les révolutionnaires de 1789. Et pourtant, nous n’éprouvons pas le besoin d’utiliser l’adjectif « autre ». Et de la même manière, le communisme de Marchais n’était certainement pas celui de Cachin ou de Thorez. Sans qu’on éprouve le besoin de parler d’un « autre communisme ». On commence à utiliser le mot « autre » quand on veut en finir avec la substance mais garder la devanture. Dans l’expression « autre communisme », c’est « communisme » qui est de trop. Il n’y a pas de honte à vouloir faire « autre » chose que le communisme. Mais alors, assumez cette rupture et trouvez-vous un autre nom.

      [ce n’est pas une raison pour que vous me rangiez à priori, et de façon binaire, dans un jeu de rôles et de « camps », qui ne m’intéresse pas]

      C’est vous qui vous rangez, pas moi. Je vous rappelle que c’est vous-même qui avez introduit dans cette discussion vos conflits personnels avec les directions « marchaisiennes ». Vous ne pouvez pas en même temps choisir votre camp et dire que cela ne vous « intéresse » pas.

      [car, personnellement, non, je ne me considère pas comme ayant jamais renié ce que vous appelez « les intérêts de la classe ouvrière », sous le prétexte que je me suis trouvé historiquement en délicatesse majeure avec un parti qui se prétendait « son » parti !…]

      Je n’ai pas dit ça. La seule chose que j’ai dit, c’est que la « mutation » a abouti à ce que le PCF renie les intérêts de la classe ouvrière, pour devenir un parti centré sur les lubies des « classes moyennes ». Et que ceux qui ont soutenu cette « mutation » devraient faire un sérieux examen de conscience quant à leur rôle dans cette affaire. Ce n’est pas les bonnes intentions de ces gens que je mets en cause – et nous savons que le chemin de l’enfer en est pavé – ce sont les résultats. C’est tout.

      [« Le-parti » n’est pas la classe, le décréter serait une imposture, …et ce n’est qu’à travers ses actes concrets, et comme on dit, des preuves d’une réactivité et d’une utilité sans cesse apportées (tout pendant qu’il n’existe aucun monopole établi de l’initiative historique légitime) que l’on peut savoir s’il défend les intérêts de celle-ci.]

      Exactement. Je vous invite donc à comparer « la réactivité et l’utilité sans cesse apportées » du PCF des annes 1960-70 avec celle du PCF « muté » des années 2000. Quelle conclusion en tirez-vous ? Pensez-vous que la « mutation », avec la disparition des structures du PCF en entreprise, la prise de pouvoir des « barons » locaux et le remplacement du social par le sociétal a amélioré ou dégradé la situation ?

      [Aucune forme d’organisation, fut-ce le dit centralisme démocratique que vous continuez de défendre comme nécessaire, n’a jamais apporté de garantie en soi suffisante de cette utilité !…]

      La garantie en soi, non. Mais les formes d’organisation ne sont pas neutres, et un parti régi par le centralisme démocratique ne donne pas tout à fait le même résultat qu’un parti soumis au bon vouloir des « barons ».

      [Comme le dit quelque part un certain Matthieu Bellahsen, psychiatre : « … – il s’agit de s’approprier une autre forme d’élan révolutionnaire qui n’attendra plus le grand soir mais se déploiera au fur et à mesure de la journée du monde. Instituer un lien social à partir de la vie vivante est, à l’heure actuelle, une prise de position politique essentielle… »]

      Mathieu Bellahsen a certainement une grande autorité en matière de psychiatrie, mais en matière politique il n’en a pas plus que vous et moi. Et personnellement, je continue à penser que ce qui se comprend bien s’énonce clairement, et que les formules du genre « la journée du monde » et autres « vie vivante » ont leur place dans un texte poétique, mais pas dans une analyse politique. Et je ne crois pas que la « psychologisation » du débat politique soit plus pertinente que la discussion sur le sexe des anges. Je vous rappelle au passage que le but de l’action politique d’un parti communiste est d’en finir avec l’exploitation du travail humain, et non de faire le bonheur des gens, question qui n’est pas de l’ordre politique.

      [Et… la constitution même des partis communistes du 20ème siècle, sur la base « d’échecs » du mouvement ouvrier (la Commune de Paris, la guerre de 14-18), n’a-t-elle pas été l’expression, oui, encore trop simple d’un désir de « faire le contraire » de ce qui avait conduit à ces échecs, pour aboutir au niveau requis d’organisation transformatrice, efficace et « moderne », nécessaire et possible ?!?…]

      Le processus historique est par force un processus d’essai et d’erreur. Tout mouvement se construit en tirant les leçons des échecs du mouvement précédent. L’idée qu’une construction théorique pourrait vous amener à la victoire du premier coup me paraît pour le moins déconnectée de l’expérience.

      [Et je considère que l’expression même de parti communiste pose question, qui tend à mon avis à assigner le communisme à résidence !…]

      Alors, trouvez-vous un autre nom et allez fonder une organisation qui lui corresponde. Ce que, notez-le bien, n’ont été capable de faire aucun des « refondateurs » et autres « rénovateurs », qui soit on cherché à prendre le pouvoir au PCF, soit sont allés dans d’autres organisations et d’abord au PS.

      [Non, « les couches moyennes » ne sont pas faites de gens heureux, dont on pourrait dire qu’ils n’ont pas d’histoire (où avez-vous vu ça ?), parce que leur pente naturelle serait de se prémunir instinctivement de la lutte des classes…]

      Je vous le répète une fois encore. Le « bonheur » n’est pas une catégorie politique, et la question de savoir si les « classes moyennes » (et non les « couches moyennes », expression que je n’ai jamais utilisé) sont « heureuses » ou pas n’est pas mon problème. Ce qui m’intéresse, c’est la fraction de la richesse produite qu’elles arrivent à récupérer, et par quels mécanismes. Et il n’y a rien dans cette analyse de « statique », au contraire.

      Quant au discours de la « prolétarisation »… excusez-moi, mais les « classes moyennes » utilisent en permanence ce discours pour dissimuler leurs privilèges.

      [Le type de sarcasme dont vous avez usé d’autre part, sur des « désaccordés » du Parti, en séries de « re-» (-constructeurs, -novateurs ou -fondateurs), forcément désaccordés entre eux, et qui se seraient juste détournés de la classe ouvrière vers les intérêts des couches moyennes, ne date pas d’hier,…: il se trouve que depuis 68 justement, c’est aux « groupuscules gauchistes » qu’allait la raillerie…]

      Largement méritée, à mon avis. Vous savez, le sarcasme n’est pas toujours injustifié…

      [Je vous en laisse le luxe, comme je vous laisse aussi votre façon de vous payer derechef un peu ma tête, à décrire un Parti désormais tenu par des « barons », et qui ferait à l’arrivée la chose inespérée que, personnellement, j’aurais voulue, et vers lequel je n’aurais donc plus qu’à revenir !… Il est clair que « Toute opinion est indifférente aux ambitieux, pourvu qu’ils gouvernent. » (Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre). Mais non merci : m’analogiser à cette débandade actuelle du PCF, cela flirterait avec le procès d’intention perpétuel !….]

      Vous m’excuserez de vous parler vivement, mais chacun doit prendre ses responsabilités. Faire de la politique, c’est vouloir les conséquences de ce qu’on veut. Ceux qui ont combattu pour l’abolition du « centralisme démocratique » et tout ce qui va avec doivent aujourd’hui assumer les conséquences de leur combat.

      [Car en l’occurrence, non, je ne pense pas plus que vous que l’on puisse se dispenser, « en tant que révolutionnaire », c’est-à-dire en tant qu’organisation révolutionnaire, de regarder dans le rétroviseur !… La capacité critique et autocritique vont de pair !…]

      Très bien. Quelle serait votre « vision critique et autocritique » quant à l’abolition du centralisme démocratique ?

      [Question fidélité et cohérence logique, il faut déjà dire que cet enjeu exclut une simple attitude de « bougisme », ou de « changisme » !… Voir Alain Badiou :]

      Lequel, de Badiou, celui qui a écrit, par pur antisoviétisme, « Kampuchéa vaincra » en défense du régime de Pol Pot ? Voyez-vous, depuis que j’ai lu cet article, sur lequel Badiou n’est jamais revenu avec cette « vision critique et autocritique » dont vous parlez plus haut, je suis devenu très sceptique sur ses qualifications pour dire ce que « changer le monde » doit être. Quant au texte que vous citez, comme beaucoup de textes de Badiou c’est très poétique mais cela ne démontre rien.

      [Ceci posé, quant au concept de fidélité à soi-même, autrement dit d’éthique, et de logique… : vous pourrez toujours me traiter de naïf, il est clair que nous n’avons pas du tout la même interprétation de la crise « terminale » du PCF, qui s’est jouée depuis quelques décennies !…]

      Certainement. Mais la différence est que mon interprétation s’appuie sur des faits et des arguments que je vous fournis, tandis que la votre n’est qu’une pétition de principe sur le mode « ah, si seulement on m’avait écouté ».

      [Il n’y a pas que « le passé de la Russie » qui « est imprévisible ». comme dit le titre du Roman d’Andreï Gratchev. J’ai envie d’ajouter ici une autre citation, de Benjamin Stora, aux Agoras de l’Humanité, le 11 janvier 2016, à propos des « différentes histoires »… de la colonisation : « Le problème n’est pas que les histoires soient séparées, opposée les unes aux autres, mais au contraire qu’elles puissent sans cesse nous armer, nous enrichir par rapport au présent que nous vivons. Sinon, effectivement, si ces histoires ne servent pas à nous enrichir et nous armer sur le plan culturel et politique, ce sont des histoires mortes, ce sont des histoires qui visent à conserver le Passé, faire en sorte qu’il ne se transforme pas, puisque, encore une fois, tout est écrit d’avance, tout est dernière nous, et tout est joué d’avance, il n’y a plus grand-chose à faire, et un certain fatalisme s’installe. »]

      Bel exposé du credo postmoderne, selon lequel il n’y a pas UNE histoire, discipline scientifique qui cherche à approcher du plus près possible une vérité objective, mais « des histoires », tout aussi légitimes les unes que les autres, puisque pour les postmodernes toute science est un récit idéologique. Permettez-moi de ne pas être d’accord avec cette vision. Il y a « des récits », mais il n’y a qu’une seule « histoire ». Et c’est cette « histoire » qu’il faut écrire, en laissant de côté les « récits » qui en général ne visent qu’à une autojustification.

      [Au demeurant, il faut interroger toutes les formes de consciences révolutionnaires, parfois émouvantes, mais néanmoins mouvantes, qui supposent des mémoires approximatives, sélectives et clignotantes !…]

      De grâce, épargnez-moi ce genre de discours. Encore une fois, ce qui se comprend bien s’énonce clairement : c’est quoi pour vous une « mémoire clignotante » ? Et une « conscience émouvante » ? Pouvez-vous définir clairement ces deux concepts ? Non ?

      [Car oui, j’insiste : l’on ne parviendra pas à laïciser la politique de manière satisfaisante, tant que toute forme parti reposera davantage sur le besoin clérical de s’acheter une Bonne Conscience, que sur la capacité réelle à faire la révolution !…]

      Exactement. Le PCF jusqu’à Marchais se souciait de donner à la classe ouvrière les moyens de se battre pour ses intérêts. Depuis la « mutation », il se soucie surtout de permettre aux militants venus des « classes moyennes » de se donner bonne conscience. Je pense que vous avez décrit parfaitement la mécanique de la « mutation »… seulement voilà, la « laïcisation » dont vous parlez semble fonctionner à rebours.

      [Ainsi, Bernard Calabuig, dans « Un itinéraire communiste, du PCF à l’altercommunisme », a pu écrire, page 60 : « Dans notre histoire, nous n’utilisions pas le mot communisme, comme le « mouvement réel qui abolit l’ordre actuel des choses » (dans un mouvement sans cesse renouvelé), nous le considérions comme une fin de l’histoire, un idéal lointain sur lequel la réalité doit se régler.]

      J’attire votre attention sur le fait que Calabuig, dans ce paragraphe, n’utilise pas le « je » mais le « nous » pour qualifier les erreurs commises. Je me suis toujours méfié de ceux qui se frappent la poitrine pour les erreurs collectives. Ce serait tellement plus productif si les gens comme Calabuig nous expliquaient les erreurs qu’ils ont commises, eux, personnellement, au lieu de nous expliquer que nous avons tous été, collectivement, dans l’erreur…

      Je vous avoue que tous ces débats de la fin des années 1990 sur si le « communisme » était un processus ou une fin, si Staline était contenu dans Marx ou non, sur le fait de savoir s’il fallait « abolir » le capitalisme ou le « dépasser » ne m’ont jamais vraiment intéressés. Non qu’ils ne soient pas intéressants en eux-mêmes, mais j’y ai vu surtout à ce moment précis dans l’histoire du PCF un formidable rideau de fumée pour occulter ce qui se passait vraiment au PCF, c’est-à-dire la prise de pouvoir par les « barons » et la transformation en un parti des « classes moyennes ».

      C’est comme la « destalinisation » : elle a réduit le débat intellectuel au fait de se frapper sans cesse la poitrine, à se demander si on a assez rompu avec le passé, assez renié ce qu’on était à une époque. Insinuer qu’il y avait peut-être quelque chose à récupérer des expériences du « socialisme réel », c’était devenir suspect de « nostalgie », quand ce n’était pire. Pour l’avoir vécu de l’intérieur, je peux vous dire ce que fut la « mutation », avec son ambiance de confessionnal, chacun avouant les péchés – surtout les péchés des autres, c’est toujours plus facile. Il fallait chaque jour brûler une nouvelle idole, pour montrer qu’on était du « bon » côté. Plus de faucille et de marteau, ça fait trop soviétique. Plus de drapeau rouge, ça fait trop violent. A chaque mention du nom « Staline », on se frappait la poitrine en cœur, comme on se signait naguère dans les églises à la mention se Satan.

      En politique, c’est Clemenceau qui avait raison : « n’avouez jamais ». Les socialistes ne se sont jamais frappés la poitrine sur les atrocités de la guerre d’Algérie, dont ils ont été pourtant les auteurs ou les complices. Ceux qui ont fait renverser Allende ou Mossadegh n’ont jamais demandé pardon à qui que ce soit. Et cela ne les a pas empêchés de très bien se porter. Et on va m’expliquer que la chute du PCF est due à son retard à faire son « autocritique » ?

      [« Rares sont ceux qui comprendraient qu’un parti révolutionnaire s’auto-affaiblisse – fut-ce pour un laps de temps éphémère – en se privant d’une seule de ses capacités d’initiative, d’un seul esprit critique, ou d’une seule intelligence. C’est le sens de l’appel à « travailler ensemble » lancé en 1990 par Georges Marchais au 27ème congrès du PCF. A cet égard, il n’y a pas non plus à faire de distinction entre adhérents et militants. La libre exposition par chacun de son point de vue ne doit donner lieu à aucun classement, aucun étiquetage, aucune mise à l’écart. Le parti révolutionnaire, comme le mouvement populaire, a tout à gagner à un débat franc, loyal, et sans arrière-pensée. A cet effet, faire prévaloir la liberté de ton, l’écoute et le respect mutuel, ne découle pas d’un décret. Cette nouvelle attitude des communistes, tout à fait nécessaire aujourd’hui, demande un effort éthique permanent. » ]

      Pauvre Spire. Quand il voit ce que cette « libre exposition par chacun de son point de vue » a donné… Il n’avait pas compris que ceux qui « s’exprimaient », et à qui le 27ème congrès avait ouvert les portes, loin de vouloir apporter leur intelligence au combat commun cherchaient au contraire à conquérir le pouvoir. Ce sera d’ailleurs fait au 28ème Congrès, avec l’abolition du « centralisme démocratique » qui consacre le pouvoir des « notables » et des « barons ». La grande erreur de Marchais, c’est d’avoir mis l’unité du Parti avant la clarification politique. Au lieu de tirer les conclusions d’une opposition idéologique et de faire partir les dissidents, il chercha à les garder à bord, quitte à leur faire toutes sortes de concessions. D’où une ligne politique incertaine qui a fini par mener au désastre.

      [« (…) Heureusement que les communistes ont tenu bon ! Heureusement que la direction du parti sous l’impulsion de son secrétaire général a su résister et imprimer un formidable effort de renouvellement de notre politique ! Sans cela notre parti aurait pu, comme dans d’autres pays européens, connaître le drame de l’éclatement, de la division. Pour le coup, on aurait pu parler de déclin.
      La question, je l’ai dit, fut tranchée au 25ème Congrès du parti. L’immense majorité des communistes estima qu’il existait déjà un parti social-démocrate en France. Et que c’était bien suffisant. »
      Il semblerait que vous soyez vous-même resté calé sur le même type de « thèses », oui, je le prétends, bien trop simplistes pour être avérées !…]

      Oui, je suis tout à fait sur cette ligne, qui correspond à mon expérience personnelle. J’étais à l’époque dans une situation privilégié pour pouvoir observer tous ces petits jeux. Je me souviens bien du déchaînement d’anticommunisme après la victoire de Mitterrand en 1981. Vous souvenez vous de « l’affaire Fabien » ? Est-ce « trop simpliste pour être avérée » ? Et quand Attali rapporte dans son « Verbatim » les demandes de soutien des ministres communistes pour renverser Marchais et prendre sa place, là aussi, c’est du « simplisme » ? Ce que Gayssot raconte, ce sont les faits. Je note d’ailleurs qu’aucune des personnes concernées n’a fait un procès en diffamation…

      [La « crise totale » du PCF qui en est résulté, et qui a marqué l’ère Marchais,]

      C’est plutôt l’ère Hue qui marque la « crise totale » du PCF. C’est dans les cinq premières années de la « mutation » que le PCF perd les deux tiers de ses adhérents, non ? C’est quand même drôle comment les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Sous Marchais, le PCF perd le tiers de ses électeurs, c’est la faute au « stalinisme ». Sous Hue il perd les deux tiers, c’est la faute à quoi ?

      [Je prétends que l’erreur de la mutation a été, oui, d’intervenir trop tard, au prix d’une distorsion des choses, qui a maintenu comme survalorisée la question de « la sortie du stalinisme » comme une question diffuse, d’abord vue comme individuelle et culturelle !…]

      Qu’est ce qui vous permet de penser que la « mutation » n’aurait eu les mêmes résultats si elle était intervenu plus tôt ? Franchement, je trouve dans ce commentaire l’excuse classique des « refondateurs » : si la mise en œuvre de leurs propositions conduit au désastre, ce n’est pas leur faute, c’est qu’on l’a fait « trop tard ».

      [Et je prétends que ce que je dis là est lisible, que cela ressort de la plume de Georges Marchais lui-même, dans un passage de son dernier livre, Démocratie, (…) où le mot de mutation est déjà utilisé.]

      Oui, mais certainement pas dans le sens que lui a donné Hue. Pauvre Marchais… non seulement on l’accuse de stalinien, mais en plus il devient maintenant le père de la « mutation » huesque…

      [En attendant un document (qu’il serait bien, en effet, de retrouver) où il dit, quatre ans plus tard, que le centralisme démocratique, non, « ne correspond plus » à l’outil partidaire qu’il nous faut,]

      Quand vous l’aurez retrouvé, faites moi signe. Je doute fort qu’un tel document ait jamais existé.

      [Notons que le terme de mutation intervient ici comme synonyme de la conservation de communistes au sein du Parti, malgré leurs éventuels désaccords…]

      La grande erreur de Marchais – et de beaucoup de gens à l’époque – fut de penser que les « désaccords » en question n’étaient qu’une question d’idées, alors que derrière les conflits d’idées il y a toujours des conflits de pouvoir. Marchais et les siens ont pêché par idéalisme, cet idéalisme qui a toujours empêché de reconnaître que les dirigeants communistes sont des êtres de chair et de sang, avec des intérêts et des ambitions personnelles…

      C’était folie de conserver certains communistes « malgré leurs désaccords » au Parti, en imaginant un instant que ceux-ci joueraient le jeu démocratique alors que leur but était la conquête du pouvoir.

      [Le poursuis donc la citation, où un certain coefficient d’arrangement de conscience apparaît :
      « Il faut bien reconnaître qu’il y en avait beaucoup à faire. Certes, même à l’époque de Staline, on n’a pas rencontré chez nous l’obsession des complots et la méfiance maladive entre communistes » (Sic ! J’ai montré ce qu’il en a été, précédemment, comme il en est toujours,… dans votre tête de « non-naïf » !…), et le Jojo ajoute : … « l’arbitraire le plus total, la coupure complète des dirigeants avec la réalité. Mais la fascination du « modèle » soviétique a joué aussi sur notre fonctionnement, et l’autoritarisme, la manie du secret, le culte de la personnalité, oui, nous les avons connus. »]

      Oui. Et à l’époque, le PCF faisait 25% des voix et la majorité des ouvriers votaient pour lui. Curieusement, quand il devient « démocratique » et que les dirigeants cessent d’être « coupés de la réalité », le PCF tombe à 1,92%. Quelle conclusion faut-il tirer ? Peut-être que Marchais se trompe, lorsqu’il imagine que la période stalinienne fut celle de « la coupure compète des dirigeants avec la réalité »…

      [La question, c’est de savoir si un an après la chute du mur de Berlin, il ne serait pas plus que temps que ce « mode de fonctionnement » soit remis en cause en tant que tel, isomorphe aux prescriptions du dit modèle soviétique, et si ce modeste mot venu d’Est, « centralisme démocratique », ne constitue pas un concept obsolète !…]

      Et beh très bien, on a fait l’expérience. Le centralisme démocratique a été aboli en 1994. Dans les cinq année qui ont suivi, le PCF a constaté des pertes en militants et en électeurs sans précédent dans son histoire. Il ne s’est jamais remis. Quelle conclusion tirez-vous ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      « – Trouvez-vous donc un autre nom et allez fonder une organisation qui lui corresponde » !… Bigre, trois décennies plus tard, …me voilà de nouveau congédié !… Au moins, notre discussion est claire : vous considérez donc que des gens comme moi, toutes « sensibilités » folkloriques confondues, liés à des membres de la direction, comme l’écrivait en 1990 le secrétaire général, qui n’avaient pas, en tout état de cause,… « des attitudes normales de dirigeants communistes », …auraient dû être dégagés du PCF en temps et en heure, plutôt que celui-ci ne change en temps et en heure !…

      En page 297 de son livre « Démocratie », déjà cité, Georges Marchais décide d’ailleurs que Pierre Juquin « n’est plus communiste » !… (Comme il avait précédemment décrété devant des millions de téléspectateurs qu’il s’agissait d’un « vieux politicien ». La preuve ? c’est un jeune communiste qui l’avait dit !…)

      Eh bien…, en attendant non, si vous le permettez, …je ne « me » trouverai pas un autre nom. Personnellement, …je ne me dis plus communiste, comme on dirait chrétien, juif, musulman ou bouddhiste. Mais toujours « un » communiste, ne vous en déplaise !… Même si je suis désormais un sans parti. Et je confirme que cela ne m’intéresse pas, ce faisant, que vous tendiez à me camper, à me « réformer », comme on dit dans l’armée, …pour ne pas dire à « m’autrifier », ou me dissoudre en une sorte de renégat de la chose, parce que je me permets de jouer avec le mot !…

      Ne faites pas à ce propos celui qui ne m’aurait pas lu. J’ai juste refusé le vieux procès d’intention, mais il semble que ce soit totalement vain avec vous, qui ne fut pas juste le thème de « mon » conflit personnel (allons donc !..) avec la direction marchaisienne,… et qui procéda, au cours de la crise générale du PCF datant du milieu des années 80, de l’accusation infamante qui tendait à « retourner » et repeindre les dits rénovateurs en partisans d’un PS-bis, quand bien même certains d’entre eux n’en n’auraient pas eu l’intention consciente !… Car ce n’est pas de le répéter en scie musicale, que ce raisonnement juste binaire serait concrètement, …qu’il serait factuellement juste !… (Et vous pouvez ici appeler aussi bien Jacques Attali à la rescousse, Le Monsieur qui sait tout, derrière ma citation de Jean-Claude Gayssot, si vous le voulez !…)

      Maintenant, est-ce que, comme vous l’écrivez, parler d’un autre communisme ce serait vouloir le beurre et l’argent du beurre ? La gloire de l’héritage et le luxe du reniement ?!?…
      Mais je vous ai précisé ce point que justement, en ce qui me concerne, je ne me place pas dans une posture d’auto-amnistie, juste « culturelle » de l’héritage stalinien ! Qui consisterait à vouloir s’en blanchir, s’en « détacher », ou s’en « affranchir », comme disait Georges Marchais, …par une sorte d’opération du saint esprit, en quoi consistait la seule invocation de « l’Idéal », ou la publicité de « l’Image du Parti », …dont le corollaire a pu être de juste se contenter par la suite de se frapper la poitrine, en guise d’analyse !…

      Car oui, je prétends et je maintiens …que cette réponse juste « culturelle » n’a pas commencé avec Robert Hue. Que c’était un trait de l’ère Marchais.

      La réponse classique fut d’ailleurs de trois ordres : (« comparativement à d’autres »), l’on disait que « jamais le PCF n’a levé la main sur les libertés, et qu’il avait les mains propres (voir son attitude irréprochable, sur la question des luttes anticoloniales, comme vous l’écrivez vous-même : « les socialistes ne se sont jamais frappés la poitrine sur les atrocités de la guerre d’Algérie, dont ils ont été pourtant les auteurs ou les complices. » )….
      Deuxièmement, « nous ne savions pas tout » du socialisme réellement existant.
      Et troisièmement, n’importe qui pouvait « venir voir », en toute transparence, au PCF : qu’il était constitué de braves gens bons, n’ayant certainement pas vocation à faire du mal à leur prochain. Henri Malberg le rappelle page 158 de son livre que j’ai déjà cité, « Incorrigiblement communiste » : « Je dis souvent à des personnes intéressées : « Venez voir une réunion des adhérents du Parti communiste, ce n’est pas le saint des saints. » D’ailleurs, à nos réunions, il y a souvent des personnes qui viennent pour voir ce que nous faisons et qui ne sont pas membres du parti communiste. Nous n’avons rien à cacher. » Et d’ailleurs, Marchais ajoute, de son côté, page 281 : « J’ai également eu l’occasion de dire qu’à mon avis, les militants communistes devaient mieux exercer leur droit de regard sur l’accomplissement du mandat des dirigeants qu’ils ont élus ». Que demander de plus ?

      Tout le monde n’a pas la chance d’avoir eu des parents communistes, mais n’importe qui, avec un minimum de bonne foi, pouvait ainsi, n’est-ce pas,… reconnaître ainsi qu’au moins quelques communistes de sa connaissance « correspondaient visiblement » à « leur idéal » !… Était-ce suffisant ?!?… Était-ce suffisant d’affirmer que les cocos préfiguraient l’avenir ? Voir Georges Marchais, page 275 : même s’il précise qu’il « ne cherche pas à faire croire que tout se passe merveilleusement dans la vie de ce parti », il pose que si : « Nous avons coutume de dire que le Parti communiste n’est pas une « contre-société ». De fait nous ne proposons pas de calquer le fonctionnement de la société sur le sien. Mais j’ai le sentiment que si les rapports entre les gens étaient de même nature que ceux qui unissent les communistes, on respirerait mieux, en France. » Et puis (page 274) : « L’idée que les communistes veulent le malheur du peuple et sont des dictateurs en puissance se heurte à tout ce qu’ils constatent. »

      Tout cela n’empêche qu’au 25ème congrès de 1985, je le confirme : « tout ne s’est pas passé merveilleusement dans la vie de ce parti ». L’atmosphère était même délétère. Vous dites qu’il n’y a pas non plus de concept d’ « une autre République » possible. Tout dépend comme on l’entend. En tout état de cause, oui, le communisme est processus, et …les communistes n’ont jamais été exemptés de la vieille exhortation du marquis de Sade : « Français, encore un effort pour être républicains » !… Car en attendant, la question que l’on peut se poser, c’est de savoir si le communisme, tel que le sens communs en parle le plus souvent, …a été capable de faire autre chose que …de « réformer » le monde, de manière encore trop idéaliste et volontariste. Où, nul besoin de le nier, oui, des phénomènes dictatoriaux se sont formés, le bleu du ciel ayant viré au bleu gendarme,… où beaucoup de gens se sont retrouvés changés, pour ainsi dire « autrifiés » en ennemis de l’intérieur !!…

      Au demeurant, si le communisme est processus, il ne peut manquer d’interroger, je vous le confirme, l’expression même de « parti communiste » !… Qui, comme je le dis, semble assigner le communisme à résidence, en vertu d’une sorte de monopole de l’initiative historique légitime !… (Et disant cela, je ne remets en cause ni la forme-parti, ni le communisme : juste le rapprochement des 2 mots). …En outre, si « ce processus historique est par force un processus d’essai et d’erreur », il s’agirait que les peuples y soient le moins possibles pris de force pour des cobayes, ayant essuyé toutes les erreurs, et au final « à remplacer, lorsque le Parti-État ne serait plus content d’eux » !…

      La grande question de sortie du 20ème siècle, c’est de savoir comment on fait AVEC le gens !… Et pas sur eux !… Oui ou non ? Cela confirme d’ailleurs votre incise sur une impossible « Promesse du Bonheur », tombée d’en-haut !… Ceci dit, à force de « tâtonnements », comme vous dites, …il pouvait arriver, oui,… qu’une question de structure, …et donc de « refondation » finisse par se poser !…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [« – Trouvez-vous donc un autre nom et allez fonder une organisation qui lui corresponde » !… Bigre, trois décennies plus tard, …me voilà de nouveau congédié !…]

      Mais pourquoi « congédié » ? Au contraire, je vous libère. Je vous ouvre la porte, je vous encourage pour que vous alliez construire le parti de vos rêves, celui qui portera « l’autre communisme »… pourquoi rester cloué à une organisation dont les membres dans leur majorité veulent rester dans le « communisme » sans « autre » ?

      [Au moins, notre discussion est claire : vous considérez donc que des gens comme moi, toutes « sensibilités » folkloriques confondues, liés à des membres de la direction, comme l’écrivait en 1990 le secrétaire général, qui n’avaient pas, en tout état de cause,… « des attitudes normales de dirigeants communistes », …auraient dû être dégagés du PCF en temps et en heure, plutôt que celui-ci ne change en temps et en heure !…]

      Mais pas du tout… Je pense que les gens comme vous, toutes sensibilités folkloriques confondues, auraient du tirer les conséquences de leur désaccord et allé fonder ce merveilleux « parti autre-communiste » de leurs rêves, au lieu de devenir des censeurs aigris essayant d’imposer à une majorité de communistes des « mutations » dont ils ne voulaient pas. Quand la vie commune n’est plus possible, quand deux personnes ont des expectatives totalement différentes, il n’y a pas de honte à divorcer.

      Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait, à votre avis ? Pourquoi toutes ces bonnes âmes qui avaient des idées si brillantes, si novatrices, si conformes à l’évolution de la société n’ont pas fait ce pas ? Pourquoi ont-ils préféré rester dans la « vieille maison » tout en crachant dans la soupe dès que l’opportunité se présentait ? Intéressante question, n’est ce pas ?

      [En page 297 de son livre « Démocratie », déjà cité, Georges Marchais décide d’ailleurs que Pierre Juquin « n’est plus communiste » !…]

      Il avait parfaitement raison, c’est vous-même qui le dites : dès lors que Juquin voulait « un autre communisme », il était « autre-communiste », et non « communiste ». Pourquoi persister à utiliser le nom « communiste » pour désigner quelque chose de différent ?

      [Eh bien…, en attendant non, si vous le permettez, …je ne « me » trouverai pas un autre nom. Personnellement, …je ne me dis plus communiste, comme on dirait chrétien, juif, musulman ou bouddhiste. Mais toujours « un » communiste, ne vous en déplaise !…]

      Je continue à ne pas comprendre votre attachement irrationnel à un mot, alors que vous rejetez le concept qui se trouve derrière ce mot. Si vous affirmez vouloir un « autre communisme », alors trouvez un nom pour cet objet. Ou bien dites vous « autre-communiste ». Mais pourquoi se dire « communiste », ce qui vous confond avec ceux qui rejettent cet « autre-communisme » dont vous vous réclamez ? Lorsqu’on invente de nouvelles choses, il faut inventer de nouveaux mots pour les désigner.

      [Ne faites pas à ce propos celui qui ne m’aurait pas lu. J’ai juste refusé le vieux procès d’intention, mais il semble que ce soit totalement vain avec vous, qui ne fut pas juste le thème de « mon » conflit personnel (allons donc !..) avec la direction marchaisienne,… et qui procéda, au cours de la crise générale du PCF datant du milieu des années 80, de l’accusation infamante qui tendait à « retourner » et repeindre les dits rénovateurs en partisans d’un PS-bis, quand bien même certains d’entre eux n’en n’auraient pas eu l’intention consciente !…]

      Le fait que la plupart de ces « rénovateurs » se soient retrouvés plus tard au PS montre que l’accusation était peut-être « infamante », mais tout à fait justifiée. De toute évidence, ces dirigeants ont trouvé au PS ce qu’ils n’avaient pas pu trouver au PCF…

      [Mais je vous ai précisé ce point que justement, en ce qui me concerne, je ne me place pas dans une posture d’auto-amnistie,]

      Pourtant, je ne me souviens pas avoir lu sous votre plume un seul élément d’autocritique. Quelle fut votre part de responsabilité dans les erreurs que vous dénoncez ?

      [La réponse classique fut d’ailleurs de trois ordres : (« comparativement à d’autres »), l’on disait que « jamais le PCF n’a levé la main sur les libertés, et qu’il avait les mains propres (voir son attitude irréprochable, sur la question des luttes anticoloniales, comme vous l’écrivez vous-même : « les socialistes ne se sont jamais frappés la poitrine sur les atrocités de la guerre d’Algérie, dont ils ont été pourtant les auteurs ou les complices. » )….]

      Vous m’avez très mal lu, et mon commentaire n’a aucun rapport avec les « mains propres » du PCF. Je vous fais simplement remarquer qu’en politique ca ne rapporte pas de se frapper la poitrine. Et que ceux qui ont cru à la rédemption du PCF par la pénitence se sont fourrés le doigt dans l’œil. La logique sacrificielle du repentir permanent l’a fait perdre sur les deux tableaux : ses adversaires on pu pavoiser sur le mode « vous voyez que nous avions raison », et ses partisans se sont sentis trahis. Belle réussite.

      [Et troisièmement, n’importe qui pouvait « venir voir », en toute transparence, au PCF : qu’il était constitué de braves gens bons, n’ayant certainement pas vocation à faire du mal à leur prochain. Henri Malberg le rappelle page 158 de son livre que j’ai déjà cité, « Incorrigiblement communiste » : « Je dis souvent à des personnes intéressées : « Venez voir une réunion des adhérents du Parti communiste, ce n’est pas le saint des saints. » D’ailleurs, à nos réunions, il y a souvent des personnes qui viennent pour voir ce que nous faisons et qui ne sont pas membres du parti communiste. Nous n’avons rien à cacher. » ]

      Et là encore, c’est parfaitement vrai. Franchement, j’ai du mal à vous suivre. Qu’est ce que vous voulez démontrer avec ce déluge de citations, concrètement ?

      [Et d’ailleurs, Marchais ajoute, de son côté, page 281 : « J’ai également eu l’occasion de dire qu’à mon avis, les militants communistes devaient mieux exercer leur droit de regard sur l’accomplissement du mandat des dirigeants qu’ils ont élus ». Que demander de plus ?]

      Que demander de plus, en effet… peut-être l’abolition du centralisme démocratique, qui a privée les militants de tout droit de regard sur ce que font leurs dirigeants.

      [Tout le monde n’a pas la chance d’avoir eu des parents communistes, mais n’importe qui, avec un minimum de bonne foi, pouvait ainsi, n’est-ce pas,… reconnaître ainsi qu’au moins quelques communistes de sa connaissance « correspondaient visiblement » à « leur idéal » !…]

      Ou pas. Cela dépend de « l’idéal » en question. Je trouve que vous sollicitez le texte à la limite du supportable. La citation du livre de Malberg pointe le fait que le PCF est une organisation ouverte, et non une secte secrète. C’est tout. Pas la peine de lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Surtout en introduisant entre guillemets des expressions qui ne figurent pas dans le texte cité.

      [Était-ce suffisant ?!?… Était-ce suffisant d’affirmer que les cocos préfiguraient l’avenir ?]

      Certainement pas. Mais je ne vois pas très bien où vous trouvez un dirigeant communiste qui ait écrit que « les cocos préfiguraient l’avenir ». Et la citation de Marchais qui suit dit EXACTEMENT LE CONTRAIRE : « De fait nous ne proposons pas de calquer le fonctionnement de la société sur le sien [celui du Parti] ». Que votre passage au PCF vous ait laissé des aigreurs, je le conçois. Mais ce n’est pas une raison pour faire dire n’importe quoi aux dirigeants de l’époque.

      [Tout cela n’empêche qu’au 25ème congrès de 1985, je le confirme : « tout ne s’est pas passé merveilleusement dans la vie de ce parti ». L’atmosphère était même délétère. Vous dites qu’il n’y a pas non plus de concept d’ « une autre République » possible.]

      Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. Ce que j’ai dit, c’est que l’expression de « autre République » n’a pas de sens. Dans l’histoire, il y a eu des dizaines de Républiques, chacune différente des autres. Une « autre République » serait « autre » par rapport à quoi ? A la République romaine ? A la République des Pays Bas protestants ? A la République Cromwelienne ? A l’une des cinq Républiques françaises ? A la République américaine ?

      Parler « d’autre communisme » implique qu’il y ait un seul et unique « communisme » par rapport auquel votre « autre communisme » pourrait être « autre ». Or, cette unité n’existe pas. Il n’y a pas eu « un » communisme mais « des » communismes. Même en URSS, difficile de comparer le communisme « de guerre » des années 1918-24 avec le communisme « stalinien », « khroutchévien » ou « brezhnevien ». Et même en France, votre « autre communisme », il serait « autre » par rapport à quoi ? A Baboeuf ? A Pivert ? A Thorez ? A Marchais ?

      [Car en attendant, la question que l’on peut se poser, c’est de savoir si le communisme, tel que le sens communs en parle le plus souvent, …a été capable de faire autre chose que …de « réformer » le monde, de manière encore trop idéaliste et volontariste.]

      Là, je vous surprends en plein péché d’idéalisme. Le « communisme » en tant qu’idée – car c’est cela le communisme « tel quel le sens commun en parle le plus souvent » n’a rien changé, parce que ce ne sont pas les idées, mais les rapports de force entre les hommes qui changent le monde. Et de ce point de vue, le bilan des communistes français n’est pas si mauvais que ça. Pensez au programme du CNR…

      [Où, nul besoin de le nier, oui, des phénomènes dictatoriaux se sont formés, le bleu du ciel ayant viré au bleu gendarme,… où beaucoup de gens se sont retrouvés changés, pour ainsi dire « autrifiés » en ennemis de l’intérieur !!…]

      Eh oui, comme dans tous les régimes. Ce que je trouve extraordinaire dans l’épopée communiste, c’est qu’après six mille ans d’histoire on ait pu se dire « cette fois, ce sera différent », « cette foi, on va changer les hommes ». Un tel projet était trop ambitieux, trop fou pour pouvoir réussir. Un peu plus de matérialisme aurait conduit à comprendre que les égoïsmes, les ambitions, la brutalité qui font partie de la condition humaine n’allaient pas s’évanouir du jour au lendemain. Mais on avait tellement envie de rêver… et puis, si on n’avait pas rêvé, aurait-on eu l’énergie de le faire ?

      [Au demeurant, si le communisme est processus, il ne peut manquer d’interroger, je vous le confirme, l’expression même de « parti communiste » !… Qui, comme je le dis, semble assigner le communisme à résidence, en vertu d’une sorte de monopole de l’initiative historique légitime !…]

      Je n’ai rien compris à ce raisonnement. Que le communisme soit un « processus » n’empêche pas qu’on puisse constituer un parti politique pour peser sur ce processus, pour l’accélérer, pour le porter à fruition. Il n’y a rien là dedans qui puisse être considéré une « mise en résidence » du communisme, et encore moins un « monopole de l’initiative ». D’autres peuvent parfaitement peser, eux aussi, sur ce processus…

      [En outre, si « ce processus historique est par force un processus d’essai et d’erreur », il s’agirait que les peuples y soient le moins possibles pris de force pour des cobayes, ayant essuyé toutes les erreurs, et au final « à remplacer, lorsque le Parti-État ne serait plus content d’eux » !…]

      Le problème, c’est qu’on n’a pas le choix. On ne peut pas dire « stop » à l’histoire. Quelque soit la décision qu’on prenne, on se lance dans une expérience nouvelle dont on peut prévoir difficilement le résultat et dont in fine « les peuples » sont les cobayes. Cela fait partie du caractère tragique de la politique : le leader DOIT choisir, et le fait même de ne pas choisir constitue un choix. Il est donc, quoi qu’il arrive, responsable des conséquences.

      [La grande question de sortie du 20ème siècle, c’est de savoir comment on fait AVEC le gens !… Et pas sur eux !… Oui ou non ?]

      La question contient un paradoxe. Car les gens, ont-ils envie qu’on fasse « avec eux » ? Et s’il n’ont pas envie, faut-il les y obliger ? Et si on les oblige, n’est on pas en train de faire « sur eux » ? La loi de la division du travail est valable dans tous les domaines, y compris celui de la politique. De la même manière que les gens sont très contents de pouvoir déléguer au médecin la tâche de les soigner, à l’avocat la tâche de les défendre, à l’eboueur la tâche de ramasser leurs ordures, ils sont ravis de déléguer à des hommes politiques la tâche de les gouverner. Tous les projets de « faire avec les gens » butent sur ce problème. Et on le voit bien lorsqu’on est militant : convoquez une réunion sur n’importe quel sujet qui concerne les citoyens, et vous verrez rappliquer une petite minorité, toujours les mêmes…

    • Aubert Sikirdji dit :

      Vous dites que « vous continuez à ne pas comprendre mon attachement « irrationnel » (bigre de bigre !…) à un mot, alors que je rejetterais le concept qui se trouve derrière ce mot » !… Quel concept derrière quel mot ? Celui de communisme historique ? Celui de centralisme démocratique ? Quel attachement irrationnel ? Au concept de communisme lui-même ?!?… Qui seriez-vous, pour vous autoriser à avancer une telle chose ? Et pourquoi ? Parce que je serais, selon vous, « un aigri » ?!?…

      Vous parlez par ailleurs, « rationnellement », de « rapports de forces »… Lorsqu’un de mes aïeuls est mort sur les barricades de la Commune de Paris, le centralisme démocratique n’existait pas. « Je m’en souviens » à la fois de manière « objective », pour ce que ça dit d’un rapport de force…, et affective !… Je ne m’en sens pas pour autant l’héritier juste « par aigreur », c’est aux USA qu’on a pu avoir coutume d’expliquer les pulsions insurrectionneles par de la frustration (comme Macron est capable d’évoquer à ce propos des « passions tristes » !…). Comment pouvez-vous vous-même parler ainsi, …dès lors que vous prétendez qu’il ne s’agit pas, en tout état de cause, de « promettre le bonheur » ?!?… Oui, l’on peut aussi se battre avec l’énergie du désespoir. Cela ne disqualifie pas les désespérés !… Ni leurs aptitudes à la rationalité. Ce que l’on peut appeler « l’esprit du temps des cerises » n’évoque pas que le bonheur !… Mais ça ne veut pas dire que je doive être rangé, pour le coup, dans le camp des « aigris » !… Bah…

      Ceci étant dit, je peux réduire mon déluge de citations, comme vous dites. Mais pardon, j’en ferai encore quelques-unes de G.M. (Georges Marchais). Ce que je voulais y démonter, c’est que se poser en transparence comme un parti digne de confiance n’a pas suffi. Non, Marchais ne dit pas exactement de ce parti qui est « le sien » qu’il préfigure l’avenir, il s’en défend même, effectivement. En fait, ça se joue à mi- conscience. Car, citation que j’ai faite et que vous n’avez pas reprise, il dit que si les rapports entre les gens étaient comme ceux qui prévalent entre communistes, sa conviction est que « l’on respirerait mieux en France » !… Permettez-moi de relever là, malgré tout, un vieux fond « rousseauiste », comme on dit !… J’ai insisté là-dessus parce que ça me semble lui permettre, par ailleurs, de toujours différer un « abandon de concept », qu’il a de plus en plus de mal à justifier…

      Je parle de rousseauisme… Personnellement, ce fut au départ, dans une lettre que j’ai adressée à G.M. au lendemain de la fête de l’Humanité de 1984, que j’ai d’abord remis en cause (juste) le concept de centralisme démocratique.
      …Et je considérais que je me plaçais dans une logique certes rénovatrice, mais très « marchaisienne » : c’était en m’appuyant sur ce que disait et écrivait G.M. lui-même de longue date : qu’on ne doit pas avoir le fétichisme des mots. Cet abandon me paraissait nécessaire, pour donner un signe qualitatif à l’opinion, pour aller dans le sens d’un plus grand parti de masse. (Car, déjà, si notre mode de fonctionnement, comme il avait coutume de le signaler, c’était ni plus ni moins qu’un fonctionnement authentiquement démocratique, reposant sur le triptyque discussion libre, décisions majoritaires, applications par tous, pourquoi utiliser un concept rebutant, mettant en avant le centralisme ?)
      À cette fête de l’Humanité, il était question des contestataire, Pierre Juquin était en train de devenir « le sujet tabou »…, et (voir ma remarque sur le rousseauisme) G.M. avait répondu à des journalistes à ce propos, avec son sens habituel de la répartie, « qu’il n’existait que de bons camarades » !… Cela voulait dire quoi ? Que les communistes étaient des bons, par nature, à la différence d’autres ? Je l’avais repris sur ce point. Car je trouvais que c’était dilatoire.
      De bons et francs camarades ? À « leur esprit de corps » défendant, « les communistes » ne peuvent pas entretenir, en tout cas, si peu que ce soit l’idée qu’il y aurait des citoyens de première et seconde classe. Comme le disait Orwell, et comme les régimes de l’Est l’on montré : des « plus égaux que les autres » !… Le centralisme démocratique supposait une sorte de « hiérarchie des meilleurs » !…

      Lorsque vous dites que « la loi de la division du travail » existe aussi pour le domaine de la politique où l’on se retrouve à devoir prendre des décisions à un petit nombre pour le plus grand nombre, qui au final, ne seront pas forcément concluantes… : mais n’est-ce pas en tout cas le propre d’une politique communiste, de tendre et de contribuer à réduire le statut séparé de la politique, et de faire le plus possible avec les gens ?!?…

      Quel était « l’idéal » des communistes ? Un idéal à priori de connaissance. La possibilité offerte à n’importe qui, que j’ai soulignée avec mes citations (et qui fut la marque de « l’âge d’or » de l’ère Marchais, où des opérations de « portes et fenêtres ouvertes » furent organisée…) de « ça voir », de constater de l’intérieur, le fonctionnement du PCF, en toute transparence, les cocos étant eux-mêmes vus comme « copropriétaires » de leur outil commun, c’était une proposition de participer d’un grand outil potentiel, participant d’une plus grande connaissance de la société par elle-même, en vue de sa transformation !… Mais c’est là qu’une question se posait : à quel titre cette centralisation de la connaissance, et même est-ce qu’une centralisation était obligatoire ?!?… (Cf. G.M. page 264 : « ‘Notre peuple a grand besoin de SON parti communiste » !…)

      C’est une question sérieuse. Les néolibéraux, depuis Hayek, nous ont attaqués là-dessus, en prétendant que c’était un fantasme, sur lequel les sociétés moderne ne pourraient jamais fonctionner !… Je pense qu’il y avait de quoi leur répondre. Mais pas à l’ancienne. Nous pouvons et devons aujourd’hui travailler à une réhabilitation du temps long, qui ne soit pas juste et uniquement synonyme de planification centralisée… Et la ou les formes partis au service de cet objectif doivent y être adaptées !…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Vous dites que « vous continuez à ne pas comprendre mon attachement « irrationnel » (bigre de bigre !…) à un mot, alors que je rejetterais le concept qui se trouve derrière ce mot » !…]

      D’abord, le « bigre de bigre », bien que compris à l’intérieur de la citation, est un ajout de votre plume, tout comme les guillemets autour du mot « irrationnel ».

      Ensuite, je ne fait que vous lire. Si vous parlez du besoin d’un « autre communisme », c’est que vous rejetez le « communisme » sans le « autre ». On ne peut pas exiger qu’on fasse « autre chose » sans rejeter la « chose » qui se faisait jusqu’alors.

      [Quel concept derrière quel mot ? Celui de communisme historique ? Celui de centralisme démocratique ?]

      C’est à vous de répondre à cette question. Lorsque vous parlez d’un « autre communisme », c’est un « autre » par rapport à quoi ? Si vous pouvez exiger un « autre communisme », c’est que vous avez en tête un concept de « communisme » par rapport auquel vous pouvez définir un « autre ».

      [Vous parlez par ailleurs, « rationnellement », de « rapports de forces »… Lorsqu’un de mes aïeuls est mort sur les barricades de la Commune de Paris, le centralisme démocratique n’existait pas.]

      Et lorsque Brutus assassina César pour défendre la République, l’esclavage était toujours en vigueur et l’égalité devant la loi un principe inconnu. Et alors ? Quand vous parlez d’un « autre communisme », vous parlez de la perspective de 2017, et non de celle de 1870.

      [« Je m’en souviens » à la fois de manière « objective », pour ce que ça dit d’un rapport de force…, et affective !…]

      J’ai beaucoup de mal à vous comprendre : d’un côté vous vous insurgez quand je parle de votre attachement « irrationnel », d’un autre vous me dites vous souvenir « de manière affective », c’est-à-dire irrationnelle. Faudrait assumer vos positions : ou bien vous vous réclamez de la rationalité, et alors « l’affectif » n’a plus sa place, ou vous vous réclamez de l’affectivité, et vous devez alors accepter votre part d’irrationalité.

      [Je ne m’en sens pas pour autant l’héritier juste « par aigreur », c’est aux USA qu’on a pu avoir coutume d’expliquer les pulsions insurrectionneles par de la frustration (comme Macron est capable d’évoquer à ce propos des « passions tristes » !…). Comment pouvez-vous vous-même parler ainsi, …dès lors que vous prétendez qu’il ne s’agit pas, en tout état de cause, de « promettre le bonheur » ?!?…]

      Désolé, mais je vois pas très bien ce que les USA et Macron viennent faire dans cette affaire, si ce n’est dans une argumentation par amalgame. Quant à la question rhétorique, là encore c’est un argument faible. Comment je peux parler ainsi ? Et bien, en écrivant une lettre après l’autre.

      [Oui, l’on peut aussi se battre avec l’énergie du désespoir. Cela ne disqualifie pas les désespérés !…]

      Ca ne les qualifie pas non plus. Mais je ne vois pas très bien le rapport avec la chocroute.

      [Ce que l’on peut appeler « l’esprit du temps des cerises » n’évoque pas que le bonheur !… Mais ça ne veut pas dire que je doive être rangé, pour le coup, dans le camp des « aigris » !…]

      Ca, peut-être pas. Mais d’autres choses, oui. Franchement, quand je vois que trente ans après les faits vous exigez de gens qui sont depuis longtemps morts et enterrés la reconnaissance que vous aviez raison, franchement, je m’interroge…

      [Ceci étant dit, je peux réduire mon déluge de citations, comme vous dites.]

      Je ne vous demande pas de les « réduire », mais de les expliquer. Vous alignez des citations sans qu’on comprenne très bien ce que celles-ci sont censées démontrer.

      [Mais pardon, j’en ferai encore quelques-unes de G.M. (Georges Marchais). Ce que je voulais y démonter, c’est que se poser en transparence comme un parti digne de confiance n’a pas suffi.]

      « Suffi » à quoi ? Si ce que vous voulez démontrer c’est que se poser en transparence comme parti digne de confiance n’a pas suffi à restaurer les fortunes électorales du PCF, cela semble tellement évident rétrospectivement que ce n’est pas la peine de d’aligner les citations pour le prouver. La question serait plutôt de savoir qu’est ce qui aurait « suffi » à obtenir ce résultat. Et là encore, il faut regarder les faits : après 1994, le PCF a aboli le « centralisme démocratique », avoué à chaque opportunité ses torts réels ou imaginaires, réhabilité ceux qu’il avait exclu dans la période précédente, incorporé toutes les questions « sociétales » qu’on lui avait reproché de négliger en 1968. Et le moins qu’on puisse dire, en observant les résultats, c’est que non seulement cela « n’a pas suffi » non plus, mais que le remède a été pire que le mal.

      C’est cela que vous ne voulez pas admettre. « l’autre communisme », les réformes du fonctionnement du Parti que vous prôniez en 1984, il a été essayé à partir de 1994. Avec des résultats désastreux. Ce qui tend à penser que si la direction en 1984 n’avait pas tout à fait raison, vous ne l’aviez pas davantage.

      [Non, Marchais ne dit pas exactement de ce parti qui est « le sien » qu’il préfigure l’avenir, il s’en défend même, effectivement.]

      Dont acte. Parce que vous lui faisiez dire exactement le contraire.

      [En fait, ça se joue à mi- conscience. Car, citation que j’ai faite et que vous n’avez pas reprise, il dit que si les rapports entre les gens étaient comme ceux qui prévalent entre communistes, sa conviction est que « l’on respirerait mieux en France » !…]

      Et je pense qu’il avait tout à fait raison. Seulement, est-il possible d’avoir entre les habitants d’un pays le même type de rapports que celui qui existe entre des gens qui ont choisi de travailler ensemble parce qu’ils partagent une idéologie ? La réponse est évidemment non. Et donc faire que « les rapports entre les gens soient comme ceux qui prévalent entre communistes » est peut-être souhaitable, mais c’est impossible.

      [J’ai insisté là-dessus parce que ça me semble lui permettre, par ailleurs, de toujours différer un « abandon de concept », qu’il a de plus en plus de mal à justifier…]

      De quel concept parlez-vous ? Du « centralisme démocratique » ? Je ne vois pas qu’il ait la moindre difficulté à le justifier. La justification du « centralisme démocratique » ne se trouve pas d’ailleurs dans l’objectif de « mieux respirer », mais dans une pure question d’efficacité. Si l’on veut empêcher la féodalisation du Parti, avec une prise du pouvoir par les « notables » et autres « barons », il faut soumettre ceux-ci à une discipline politique. Une fois encore, le « centralisme démocratique » est inopérant sur les militants de base, qui n’ont que peu de chose à perdre à une exclusion du Parti. Il est au contraire très efficace sur les « barons » et les élus, qui ont, eux, beaucoup à perdre.

      [Personnellement, ce fut au départ, dans une lettre que j’ai adressée à G.M. au lendemain de la fête de l’Humanité de 1984, que j’ai d’abord remis en cause (juste) le concept de centralisme démocratique.]

      Conservez-vous cette lettre ? Je serais très intéressé à la lire.

      [Et je considérais que je me plaçais dans une logique certes rénovatrice, mais très « marchaisienne » : c’était en m’appuyant sur ce que disait et écrivait G.M. lui-même de longue date : qu’on ne doit pas avoir le fétichisme des mots.]

      Je ne saisis pas le rapport. Vous proposiez l’abandon de l’expression « centralisme démocratique », ou l’abandon du mode d’organisation connu sous ce nom ? La question du « fétichisme des mots » ne se pose que si votre proposition concernait un changement du nom de la chose, et non de la chose elle-même. Je n’ai pas l’impression que telle était votre proposition…

      [Cet abandon me paraissait nécessaire, pour donner un signe qualitatif à l’opinion, pour aller dans le sens d’un plus grand parti de masse.]

      Mais de quelle « opinion » on parle ? Pensez-vous qu’un parti communiste doive choisir son mode d’organisation en fonction de ce qu’en pensent les médias contrôlés par ses adversaires, par exemple ? Voyez-vous, je me souviens encore très bien du débat de 1994 sur l’abolition du « centralisme démocratique ». Qui l’a proposé ? Les adhérents de base ? Non, bien sur que non. Ce sont les « barons » qui ont été les plus actifs pour obtenir un vote positif sur ce principe. Cela devrait vous interpeller quand aux demandes de « l’opinion »…

      [(Car, déjà, si notre mode de fonctionnement, comme il avait coutume de le signaler, c’était ni plus ni moins qu’un fonctionnement authentiquement démocratique, reposant sur le triptyque discussion libre, décisions majoritaires, applications par tous, pourquoi utiliser un concept rebutant, mettant en avant le centralisme ?)]

      Vous voulez dire qu’il aurait fallu abandonner le terme « centralisme », mais garder le même mode de fonctionnement ? Je ne suis pas sûr de comprendre exactement ce qu’était votre position à l’époque. Le problème pour vous c’était le « centralisme démocratique » comme FORMULE, ou bien le « centralisme démocratique » comme mode d’organisation ?

      [À cette fête de l’Humanité, il était question des contestataire, Pierre Juquin était en train de devenir « le sujet tabou »…, et (voir ma remarque sur le rousseauisme) G.M. avait répondu à des journalistes à ce propos, avec son sens habituel de la répartie, « qu’il n’existait que de bons camarades » !… Cela voulait dire quoi ? Que les communistes étaient des bons, par nature, à la différence d’autres ? Je l’avais repris sur ce point. Car je trouvais que c’était dilatoire.]

      Marchais aurait du dire qu’il y avait des communistes qui étaient des « bons camarades », et d’autres qui étaient des « mauvais camarades ». Et mentionner des noms. Je vous l’ai dit, pour moi la plus grande erreur de Marchais a été de privilégier l’unité du Parti sur la cohérence politique. Dès lors que Juquin – et d’autres – ne partageaient plus les orientations majoritaires, et qu’ils refusaient à se soumettre à la discipline, ils auraient du partir – de force si nécessaire.

      Cela étant dit, je pense que vous lisez mal la formule de Marchais. Ce qu’il a dit, c’est qu’au Parti il n’y avait que de « bons camarades ». Cela n’implique aucun jugement de valeur par rapport aux non communistes, dont Marchais ne parle pas.

      [Lorsque vous dites que « la loi de la division du travail » existe aussi pour le domaine de la politique où l’on se retrouve à devoir prendre des décisions à un petit nombre pour le plus grand nombre, qui au final, ne seront pas forcément concluantes… : mais n’est-ce pas en tout cas le propre d’une politique communiste, de tendre et de contribuer à réduire le statut séparé de la politique, et de faire le plus possible avec les gens ?!?…]

      Non, je ne crois pas. Une politique communiste doit donner à tous la possibilité de se mêler de politique, mais si les gens n’en ont pas envie, alors je ne vois pas en quoi il serait « communiste » de les y obliger. Voyez-vous, avec l’âge je suis devenu un « communiste libéral ». Pour moi, la finalité d’une politique communiste est de donner aux gens la liberté de choisir la vie qu’ils entendent mener, et non de les enfermer dans des prescriptions morales ou légales qui les obligeraient à s’occuper des choses dont ils n’ont pas envie de s’occuper.

      [Quel était « l’idéal » des communistes ? Un idéal à priori de connaissance. La possibilité offerte à n’importe qui (…),]

      La « possibilité », oui. L’obligation, non.

      [(…) que j’ai soulignée avec mes citations (et qui fut la marque de « l’âge d’or » de l’ère Marchais, où des opérations de « portes et fenêtres ouvertes » furent organisée…) de « ça voir », de constater de l’intérieur, le fonctionnement du PCF, en toute transparence, les cocos étant eux-mêmes vus comme « copropriétaires » de leur outil commun, c’était une proposition de participer d’un grand outil potentiel, participant d’une plus grande connaissance de la société par elle-même, en vue de sa transformation !…]

      Une « proposition », oui. Une obligation, non. Encore une fois, il faut faire cette différence fondamentale. Le projet communiste doit offrir à tous l’opportunité de faire de la politique, mais cela n’implique pas que tous feront de la politique puisqu’il ne s’agit pas de leur imposer une obligation dans la matière.

      [Mais c’est là qu’une question se posait : à quel titre cette centralisation de la connaissance, et même est-ce qu’une centralisation était obligatoire ?!?…]

      Je ne vois pas très bien en quoi le « centralisme démocratique » imposait une « centralisation de la connaissance ». Le « centralisme démocratique » était un mode d’organisation. Il prescrivait la manière dont les décisions devaient être prises et mises en œuvre. Mais il n’a jamais été question de « centraliser la connaissance ».

      [C’est une question sérieuse. Les néolibéraux, depuis Hayek, nous ont attaqués là-dessus, en prétendant que c’était un fantasme, sur lequel les sociétés moderne ne pourraient jamais fonctionner !…]

      Je n’ai pas très bien compris ce que vient faire Hayek là dedans. Le « centralisme démocratique » était en fait assez peu « centralisateur », puisqu’il érigeait en principe le fait que les instances d’un niveau étaient liées par les décisions des instances supérieures, mais ne rendait pas obligatoire une décision de ces instances sur toutes les questions. Les comités fédéraux et même les comités de section avaient un large pouvoir pour organiser les choses au niveau local. On est donc très loin du questionnement des néolibéraux sur le fonctionnement d’une économie planifiée centralement.

    • Aubert Sikirdji dit :

      Bien, j’adopte votre méthode, en toute rigueur. Vu que nous sommes sur de l’écrit, je ne permettrai plus de reprendre à ma libre manière à vos propos, comme il arrive que ça se fasse à l’oral, bigre de bigre, …en toute « transparence », et pas dans une visée perverse !… Je n’ai aucune intention d’être déshonnête !…

      Je vous cite donc :
      [il faut regarder les faits : après 1994, le PCF a aboli le « centralisme démocratique », avoué à chaque opportunité ses torts réels ou imaginaires, réhabilité ceux qu’il avait exclu dans la période précédente]

      C’est faux. Sans quoi je ne crierais pas de mes oubliettes. Un conseil national a été consacré à cela, en novembre 1998, avec un rapport de Francette Lazard, dont l’objet fut uniquement « l’effacement » bureaucratique, à quelques exceptions et conditions près, des exclusions et mises à l’écart passées !… Où il a été explicitement dit qu’il n’y aurait pas de réhabilitations proprement politiques !… Par souci d’« équilibre » !… C’est au PCF que je reproche d’avoir eu un point de vue juste doloriste et « de compréhension humaine » pour les « souffrances irréparables » qu’il avait causées en lui-même, au cours de toute son histoire !… Ainsi, Maurice Kriegel-Valmont a-t-il pu avoir le trait d’humour, indiquant que c’était super chouette (Bigre de bigre, je précise que super chouette, c’est de moi !…) que « le Parti ne nous en veuille plus du mal qu’il nous avait fait » !…

      J’ai eu recroisé Pierre Juquin, à la fête de l’Humanité, qui m’a dit que, dans ces conditions, il avait demandé à Robert Hue de ne surtout pas le réintégrer !…

      Je ne revendique d’ailleurs pas, en ce qui me concerne, que le PCF (et non des gens morts, évidemment) donne officiellement raison après coup à des gens comme moi. Mais reconnaisse au moins formellement… que nous pourrions ne pas avoir eu tort !… Ce n’est pas la lune. Pourquoi ? Pas pour nous, ou du moins si, pour nous, …mais pas que pour nous !… Pour une question de logique politique, qui concerne tout le monde !… Et pour qu’il soit admis qu’il ne fallait peut-être pas prendre une crise pour un complot !…

      Il faut nous rappeler qu’à l’époque, il y avait l’exemple marquant… de l’Afrique du Sud. (Jean-Paul Jouary, par exemple, a écrit, depuis, sur le paradigme Mandela… ) La « commission vérité et réconciliation »… J’ai coutume de dire qu’au PCF, nous n’avons même pas eu droit à ce deal curieux !… Il fut prôné la réconciliation, et le fameux RESPECT, … sans aucun réexamen historique !… L’histoire en question était soi-disant trop fraiche !… Et résultat, aujourd’hui… elle serait trop lointaine !!!… Voilà pourquoi j’attire l’attention, à l’occasion de la mort d’Henri Malberg, pour souligner que cet homme a d’évidence joué un rôle pour qu’un petit effort soit consenti pour réexaminer l’épisode de la crise de la fédération de Paris, afin qu’elle soit mieux comprise, …en la rapportant aux ambiguïtés stratégiques de l’époque… Qui est pourtant encore plus ancien !… Et oui, je réclame le même type d’effort pour la suite, qui ne soit pas juste laissé, par exemple… à Roger Martelli !…

      [Vous proposiez l’abandon de l’expression « centralisme démocratique », ou l’abandon du mode d’organisation connu sous ce nom ? La question du « fétichisme des mots » ne se pose que si votre proposition concernait un changement du nom de la chose, et non de la chose elle-même. Je n’ai pas l’impression que telle était votre proposition…]

      Eh bien si. Sur le moment c’était ma proposition. Parce que je pensais déjà que l’expression même du C.D. survalorisait de fait le rôle du centre. Et qu’il fallait justement donner un signe qu’il n’y avait pas au PCF, comme Marchais le soutient de manière très nette en 1990, de « Parti dans le Parti, d’avant-garde de l’avant-garde » !… Qu’il n’y avait pas de hiérarchie des consciences !…
      Et encore !… J’ai fait cette proposition d’abandon dans ma lettre à Marchais de septembre 1984 (je n’ai pas remis la main dessus, mais je m’en rappelle la teneur…). Mais au 25ème congrès de 1985, après avoir beaucoup essayé de discuter, autour de moi, je ne la soutenais plus.
      Au demeurant, l’expression que Pierre Juquin a utilisée dans une contribution à la tribune de discussion était de moi, qui questionnais le fonctionnement du parti comme relevant en quelque sorte d’un dogmatisme en actes, dans la mesure où il favorisait la déduction du concret de l’abstrait (ça, c’est de lui), et, lui avais-je soufflé, un sentiment d’ubris, à savoir une certaine « illusion de pouvoir plier le réel à notre volonté »…

      Mais je vous livre ci-dessous mon intervention dans ma section de Palaiseau, où je voulais introduire d’abord un raisonnement, déjà basé sur le « faire avec » les gens. Je vous signale que pour cette intervention, je fus traité… d’anarchiste par un tenant du bureau de la conférence de section, et exclu de la possibilité d’aller en conférence fédérale !… Ça vaut, rétrospectivement, son paquet de cacahuètes !… Mais il faut dire que la décision était déjà prise de me mettre sur liste grise…

      Donc, je me cite in extenso, jugez donc par vous-même s’il s’agissait d’un propos de liquidateur :
      “D’aucuns pensent que si l’on parle de « changer le Parti », c’est pour esquiver l’essentiel : « la crise et son issue »… Pourtant, nous insistons maintenant depuis belle lurette sur « le caractère global de la crise » : pourquoi le Parti y échapperait-il ?

      Je pense personnellement notamment qu’il n’y a pas seulement crise des institutions de la 5ème République, mais crise de la démocratie représentative en général. Pas seulement crise de la politique politicienne, mais de la politique en général. Autrement dit, crise de toutes les formes de délégation de pouvoir, y compris des formes non électives ou élitistes, des formes plus spontanées, des formes propres du mouvement ouvrier !…

      Pour être tout à fait explicite : y compris un Parti « qui fait ce qu’il dit », ça ne dit pas s’il le fait AVEC ou à la place des gens !… En leur nom !… Cela ne veut pas dire qu’il faudrait revenir en-deçà de la démocratie représentative, c’est-à-dire à pas de démocratie du tout. Ni (surtout pas) faire table rase des « représentations » !!… Mais il faut considérer que la démocratie représentative constitue un minimum de démocratie à défendre absolument, mais pas un maximum !!… Je ne vois pas sinon, comment comprendre « la stratégie autogestionnaire » !!…

      De même, la démocratie n’est pas synonyme de « loi majoritaire » !… Y compris, pour le Parti, l’application par tous des décisions majoritaires ne peut pas être considéré comme l’essentiel du centralisme démocratique. Ce serait en rester au stade formel. L’essentiel, c’est notre capacité à définir collectivement une politique juste dans le fond et attractive dans la forme, un projet de société qui se vérifie dans la pratique. C’est d’élargir la capacité d’élaboration PERMANENTE AVEC les gens de tous les communistes !…

      Cela signifie que la notion d’intellectuel collectif doit bel et bien concerner le parti tout entier, et non « un parti dans le parti », sorte d’« avant-garde de l’avant-garde » que serait « l’appareil » !… Je partage ici totalement l’idée que c’est bien de « centralisme démocratique » dont nous avons besoin, et non de centralisme pédagogique !… Surtout s’il s’agit d’une pédagogie par trop DIRECTIVE !… C’est moins évident à faire qu’à dire !…

      C’est en tout cas, en ce sens, que j’ai proposé dans la cellule un amendement au projet de résolution amenant l’idée d’un nécessaire élargissement de la PRODUCTION des idées dans le Parti, au-delà de l’amélioration de leur circulation. Il faut que nous apprenions à vraiment discuter, à vraiment échanger jusqu’au bout entre nous !… Ne pas être pour « les tendances », c’est y compris ne pas cataloguer à priori les camarades : ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, ceux qui seraient complètement dans le vrai et ceux qui seraient complètement dans le faux, les camarades « utiles » et les camarades « nuisibles » !…

      À notre époque de « babélisme », où les gens ont de plus en plus de mal à trouver un langage commun, nous avons plus besoin que jamais du centralisme démocratique, à condition de le réactualiser !… Que la notion de « centre » ne signifie pas forcément « direction » : qu’elle soit plus MOBILE !…

      Dans le même ordre d’idées, je dirai que je ne suis pas pour un parti communiste « fort », genre « King Kong », mais pour un parti communiste PUISSANT, des motivations qu’il peut susciter !… Ça n’a l’air de rien cette nuance, mais c’est en fait toute la conception ancienne de l’union qui s’y joue !… Il ne suffit pas, en effet, que les gens « comprennent » qu’il faut donner plus de poids au parti communiste par rapport à « la fausse gauche », comme le laissait toujours entendre le rapport de Claude Poperen au Comité Central, suite aux Européennes.

      Il ne suffit pas non plus qu’ils comprennent « la bonne volonté » de notre parti (dont notre enfer est pavé…) pour que des « engagements » au sommet soient tenus – ce en quoi notre politique a consisté de 81 à 84 – comme l’ambiguïté en persistait dans le rapport de Georges Marchais de septembre. Il faut que les conditions soient réunies de leur propre intervention sur des objectifs qu’ils définissent eux-mêmes. Il faut qu’ils SACHENT où ils vont. Pour cela, ils ont besoin d’un parti révolutionnaire qui n’ait pas une politique en zigzags, qui ne s’imagine pas porter le monde sur ses épaules : d’un parti communiste crédible, facteur de démocratie parce que porteur d’une stratégie équilibrée !!…

      J’ai tout à fait conscience qu’un problème se pose « d’auto-apprentissage » de notre nouvelle personnalité historique. Mais c’est pourquoi je crains qu’après avoir, au 24ème congrès, péché par un excès de bonne volonté – ( Il fallait, en effet, faire preuve d’esprit « positif », abandonner l’esprit de protestation…) -, nous redevenions un parti aujourd’hui trop « protestataire » !!… Pourquoi ne pas avoir, comme le suggère Lucien Sève dans la tribune de discussion de l’Humanité, d’une identité révolutionnaire plus dialectique, plus contradictoire…, je dirai : moins « métaphysique » !?… (= « Le Bien / Le Mal ») ?… Nous ne voulons pas un socialisme en blanc et noir. Ne nous exprimons pas en blanc et noir !!…

      De même, le militant communiste, que le projet de résolution place « au centre », doit être vu, à mon avis, de manière plus PARADOXALE : il n’a pas seulement un rôle pédagogique à jouer pour faire passer dans les masses « la bonne parole », mais un rôle de recherche à la fois pratique et théorique AVEC les gens !… C’est ainsi, dans une unité PARADOXALE de la pédagogie et de la recherche, que je vois « l’issue à la crise »… de l’identité révolutionnaire !!…

      Dans le même esprit, il faut bien dire qu’une certaine conception des « tâches pratiques » est périmée ! Pour caricaturer, je dirai que les échanges entre militants, ça ne peut plus du tout être du style : « – Dis, c’est encore loin le socialisme ?…»… « – Tais-toi et colle !…» Nous avons la responsabilité de développer de développer la COMPÉTENCE politique de chaque adhérent !… Ce qui ne veut certes pas dire d’être « omni-compétent » !… Mais si « la crise » de la société pose en grand le dépassement de l’exploitation de l’homme par l’homme – qui est l’immense archaïsme contre lequel nous luttons – par la FORMATION de l’homme par l’homme (sans parler de la femme), ça pose en termes nouveaux la question de la FORMATION des communistes !…

      C’est donc parce qu’il exprime aussi un véritable TOURNANT (qui n’est ni virage à droite, ni virage à gauche) pour l’identité révolutionnaire que « le Nouveau Rassemblement Populaire Majoritaire », ça me plait !… C’est le contraire d’une formule magique. Il désigne par contre l’immensité de nos responsabilités présentes. Je suis pour ma part persuadé que nous n’avons pour l’instant que de très petits aperçus du travail que nous pouvons faire AVEC les gens !… À condition de n’omettre d’explorer aucune détermination de notre stratégie.

      Et de sortir du congrès avec un message clair : non pas un sigle, mais « LA DÉMOCRATIE » partout et pour tous, à commencer par l’entreprise, « la démocratie » dont je prétends que nous ne savons pas encore totalement ce que c’est !!… (Mais 🙂 C’est une question de vie ou de mort ! Le « Nouveau Rassemblement Populaire Majoritaire » est la seule manière de combattre la peur du SOCIALISME, comme « SAUT DANS L’INCONNU » !!!…” »

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Je vous cite donc : « il faut regarder les faits : après 1994, le PCF a aboli le « centralisme démocratique », avoué à chaque opportunité ses torts réels ou imaginaires, réhabilité ceux qu’il avait exclu dans la période précédente »]

      [C’est faux. Sans quoi je ne crierais pas de mes oubliettes. Un conseil national a été consacré à cela, en novembre 1998, avec un rapport de Francette Lazard, dont l’objet fut uniquement « l’effacement » bureaucratique, à quelques exceptions et conditions près, des exclusions et mises à l’écart passées !… Où il a été explicitement dit qu’il n’y aurait pas de réhabilitations proprement politiques !…]

      Je persiste et signe : il y a eu bien « réhabilitation », dans le ses ou les exclus ont été rétablis dans leurs droits et leur honneur. Dans le rapport que vous citez, Francette Lazard déclare « nulles et non avenues toutes les sanctions, exclusions et mises à l’écart effectuées à partir de conceptions politiques, de principes d’organisation ou de pratiques que le PCF, en décidant de sa « mutation », a décidé de transformer ». C’est bien là une « réhabilitation », d’ailleurs perçue et formalisée comme telle dans l’entretien entre Hue et Kriegel-Valrimont. Je n’ai pas retrouvé le texte complet du rapport, mais je doute qu’il y soit dit « explicitement » qu’il n’y aurait pas de « réhabilitation proprement politiques ».

      Je crois que vous confondez « réhabilitation » et « reniement ». Réhabiliter, c’est rétablir dans leurs droits des gens, et donc admettre qu’on ne les a pas traités correctement. Mais cela n’implique nullement d’admettre qu’ils aient été politiquement dans le vrai. Or, je pense, c’est cette dernière idée que vous visez.

      [J’ai eu recroisé Pierre Juquin, à la fête de l’Humanité, qui m’a dit que, dans ces conditions, il avait demandé à Robert Hue de ne surtout pas le réintégrer !…]

      Exactement ce que je vous dis. Ces gens là ne voulaient pas seulement leurs droits de communistes, ils voulaient le pouvoir. Ils ne se contentaient pas que le PCF reconnaisse avoir mal agi envers eux, ils voulaient qu’il reconnaisse qu’ils avaient raison et que les directions de l’époque avaient tort. Plus qu’une « réhabilitation », ils voulaient une « reconnaissance », dans la logique « victimiste » qui est devenue l’alpha et l’oméga de la politique aujourd’hui. Quand Kriegel-Varlimont parle « du mal que le Parti lui a fait », il faut remettre les choses à leur place : en quoi consiste ce « mal » ? Le PCF ne l’a pas torturé ou jeté en prison, que je sache. L’exclusion du PCF, ce n’était pas la mort, tout de même.

      [Je ne revendique d’ailleurs pas, en ce qui me concerne, que le PCF (et non des gens morts, évidemment) donne officiellement raison après coup à des gens comme moi. Mais reconnaisse au moins formellement… que nous pourrions ne pas avoir eu tort !…]

      Mais ça veut dire quoi « reconnaître que vous pourriez ne pas avoir eu tort » ? Franchement, j’ai du mal à comprendre ce que vous demandez exactement. Tout le monde « pourrait ne pas avoir tort ». Ceux qui disent que la terre est plate « pourraient ne pas avoir tort », même si la probabilité est très, très faible.

      [Et pour qu’il soit admis qu’il ne fallait peut-être pas prendre une crise pour un complot !…]

      Il y a eu les deux. Il y a eu crise, et il y a eu complot. Finalement, après avoir critiqué l’idéalisme de Marchais lorsqu’il disait que tous les communistes sont de « bons camarades », vous tombez dans le même tort. Contestez-vous qu’il y a eut au PCF comme partout ailleurs des conflits de pouvoir ? Que quelquefois ces conflits ont conduit des groupes à s’affronter pour prendre le contrôle du Parti ? Ne soyons pas naïfs. Ni les « marchaisiens » ni les « rénovateurs/refondateurs » n’étaient des enfants de cœur, mus exclusivement par le désir de faire le bonheur de la classe ouvrière…

      [Il faut nous rappeler qu’à l’époque, il y avait l’exemple marquant… de l’Afrique du Sud. (Jean-Paul Jouary, par exemple, a écrit, depuis, sur le paradigme Mandela… ) La « commission vérité et réconciliation »…]

      Oui… présidée par un évêque. Peut-être on aurait du demander à Mgr Lustiger d’écouter les uns et les autres en confession, et leur donner l’absolution ensuite ?

      Le PCF n’est pas une nation. L’exclusion du PCF ne prive l’exclu ni de sa vie, ni de ses droits, ni de sa liberté, ni de ses biens, ni de son gagne-pain. Les commissions du type « vérité et réconciliation » répondent à une réalité, celle de gens qui, étant membres d’une même nation, sont obligés de vivre ensemble malgré les blessures du passé. Le PCF est une organisation volontaire. Personne n’est obligé d’y adhérer ou d’y rester comme condition de la protection de ses droits.

      D’ailleurs, l’idée des commissions « vérité et réconciliation » impliquent que les deux partis reconnaissent leurs torts. Ainsi, si les policiers blancs ont confessé et demandé pardon pour les tortures et les injustices infligées aux noirs, les militants noirs de l’ANC ont aussi reconnu et demandé pardon pour les violences et les actes criminels commis pendant la lutte. Je suis curieux de connaître les torts que les Juquin, les Fiszbin, les Kriegel auraient « reconnu » et pour lesquels ils auraient demandé pardon devant une telle commission…

      [Mais je vous livre ci-dessous mon intervention dans ma section de Palaiseau, où je voulais introduire d’abord un raisonnement, déjà basé sur le « faire avec » les gens.]

      De cette intervention, je retiens le paragraphe qui porte sur le sujet qui nous occupe, celui du « centralisme démocratique » :

      [De même, la démocratie n’est pas synonyme de « loi majoritaire » !… Y compris, pour le Parti, l’application par tous des décisions majoritaires ne peut pas être considéré comme l’essentiel du centralisme démocratique. Ce serait en rester au stade formel. L’essentiel, c’est notre capacité à définir collectivement une politique juste dans le fond et attractive dans la forme, un projet de société qui se vérifie dans la pratique. C’est d’élargir la capacité d’élaboration PERMANENTE AVEC les gens de tous les communistes !…]

      Cette vision contient à mon avis une erreur fondamentale, et qui se révèlera comme telle dans les années qui ont suivi la mutation. Tout simplement le fait qu’à rien ne sert d’être capable de définir « collectivement une politique juste and le fond et attractive dans la forme » s’il n’y a personne ensuite pour la mettre en œuvre. La « mutation », ce fut la foire aux décisions prises « collectivement » de la manière la plus ouverte et la plus démocratique… et qui ensuite n’ont trouvé personne pour les appliquer. Vous pouvez railler avec « c’est loin le socialisme ? Tais toi et colle ! ». Mais le fait est que lorsqu’il n’y a plus personne pour coller, les grands débats sur le socialisme deviennent vite inutiles.

      Le problème des « refondateurs/rénovateurs » du PCF, c’est qu’ils se sont intéressés plus à la manière dont les décisions sont prises qu’à celle dont elles sont exécutées. Or, paraphrasant Napoléon, la politique est un art tout d’exécution. La puissance du modèle léniniste est bien là, et contrairement à ce que vous écriviez l’application par tous des décisions majoritaires est bien « l’essence » du centralisme démocratique.

      [Il ne suffit pas non plus qu’ils comprennent « la bonne volonté » de notre parti (dont notre enfer est pavé…) pour que des « engagements » au sommet soient tenus – ce en quoi notre politique a consisté de 81 à 84 – comme l’ambiguïté en persistait dans le rapport de Georges Marchais de septembre. Il faut que les conditions soient réunies de leur propre intervention sur des objectifs qu’ils définissent eux-mêmes.]

      Mais si les objectifs sont définis par « eux-mêmes », et que cette définition ne se fait pas dans un « centre » mais partout, comment s’assurer que ces objectifs sont compatibles les uns avec les autres ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      Merci en tout cas de prendre la peine de me donner copieusement la réplique, avec les différents développements que cela nécessite.

      Je rappelle que le début de notre échange s’est ancré sur le fait, à propos d’Henri Malberg – et c’est pourquoi j’ai parlé de lui comme d’un personnage « de transition » – : qu’il aurait permis qu’un réexamen plus sérieux et en rapport avec les contradictions stratégiques de l’époque soit effectué, avec le soutien de Pierre Laurent, de l’épisode de « la crise de la fédération de Paris », et que je revendique que ce type d’effort soit étendu à une « période » plus grande : jusqu’à traiter aussi sérieusement de la « crise généralisée » du PCF, du milieu des années 80 : c’est-à-dire « d’abord » comme d’une crise, et non comme d’un complot !…

      Je vais reprendre ensuite précisément des éléments de vos deux derniers posts.

      …Déjà sur votre affirmation : [Je persiste et signe : il y a eu bien « réhabilitation »], car ont été en gros déclarées par lui « nulles et non avenues toutes les sanctions, exclusions et mises à l’écart effectuées à partir de conceptions politiques, de principes d’organisation ou de pratiques que le PCF, en décidant de sa « mutation », a décidé de transformer… »

      Déjà, cet « acte officiel » n’était pas sans exception à la règle, ni sans être assorti de conditions à respecter !… Surtout, je le redis, la question était évacuée, à 14 années de distance, d’un réexamen de « l’histoire récente », car encore trop fraiche !… Je repose donc la question aujourd’hui, à 33 années de distance : jusqu’à quand faudra-t-il attendre pour qu’une sorte de réexamen sérieux ait lieu, hors échafaudages imaginaires, et à l’instar de l’effort produit pour la crise de la fédération de Paris ?

      Quant à réhabilitations ou pas réhabilitations, rétablissement ou pas des exclus et autres mis à l’écart en droit et en honneur, …il faudrait pouvoir repartir non seulement du texte précis du rapport de Francette Lazard de novembre 98, mais aussi de la discussion. (J’ai en mémoire, par exemple, les interventions de François Auguste – que j’ai connu jeune – et d’André Lajoinie…)

      Ayant parlé personnellement avec Francette Lazard à la fête de l’Humanité de 2011, après la sortie de son livre commun avec René Piquet, « Les vérités du matin », elle ne m’a démentie ni sur mon idée que la crise de 1984 était une crise, et non foncièrement un complot, ni sur le fait que son rapport était resté dans le milieu du gué, elle-même ayant longtemps été, comme elle m’a dit, « entre l’écorce et l’arbre »…

      Ils ont aussi réalisé un blog, avec René Piquet, qui n’existe plus, où elle m’a convié à intervenir. Je l’ai fait quelques mois plus tard, en rappelant que l’ère Marchais avait assumé une idée de « retard » théorique et politique, venu d’avant, que notamment l’abandon du concept de dictature de prolétariat aurait « normalement » contribué à solder, et que pour l’abandon du concept de centralisme démocratique, aucune question du genre « – Pourquoi pas plus tôt ? » ne fut introduite. Cette question étant logiquement liée à cette autre : pourquoi des gens qui ont posé la question plus tôt furent maltraités comme ils le furent ?

      Sous le titre « Une vérité politique en souffrance », voici donc ce que j’ai écrit, le 17 février 2012 :

      Je vous écris suite à notre brève rencontre à la dernière fête de l’Humanité, où je me suis présenté comme un camarade “qui n’avait pas quitté le PCF, mais que le PCF avait quitté”… Pierre Laurent a pu y déclarer, lors de son adresse aux personnalités, que pour lui le passé était à sa place, et c’est l’avenir qu’il regarde, je dirai tant mieux pour lui… Mais pour un communiste “qui n’a pas survécu” à la crise du milieu des années 80, que j’ai vécu dans l’Essonne, avec Pierre Juquin, Robert Vizet, Serge Guichard, Lucien Bonnafé, Tony Lainé, Roger Martelli etc., le problème n’est pas le même…
      Je ne sache pas, personnellement, qu’un parti communiste heureux serait celui qui n’aurait pas d’histoire, ou ne se souviendrait que de ce qui l’arrange… Je considère que l’inconfort de l’inattendu, il faut aussi l’affronter rétrospectivement, dans la mesure où certains moments furent trop difficiles pour permettre une réflexion sereine… C’est pourquoi je soutiens que le parti communiste français devrait reprendre sa copie…, concernant le rapport que vous avez été chargée de présenter en novembre 98”, dont je vous ai dit, par une expression convenue, qu’il “m’avait laissé sur ma faim”…
      Car c’est comme si ce rapport s’était, pour ainsi dire, trompé d’objet, en effaçant “les exclusions et mises à l’écart passées”, comme s’il s’agissait encore d’un problème “physique”… de séparations formellement regrettables… Comme s’il était important de satisfaire, un an après sa disparition, au désir de Georges Marchais, qui tenait à ce qu’avec lui, d’anciennes pratiques aient décidément disparu… D’ailleurs, le terme de “mutation” ne supposait-il pas la continuation, la “conservation” matérielle de principe du parti, non son épuration ?…
      Mais le problème n’était plus celui-là. Celui d’un stalinisme tragiquement “classique”… L’épuration symbolique existe, sans même aucune épuration physique… Qui pose la possibilité ou les limites du “travailler ensemble”… On peut en quelque sorte “exclure quelqu’un de lui-même”, si ce n’est physiquement… Dès lors qu’on l’a délibérément placé, comme je dis, “sur liste grise”, et qu’on lui a interdit de faire appel d’un préjugé qu’on lui a préalablement collé, en lui refusant toute réhabilitation…
      Car il faut souligner que cet “acte solennel” qu’a constitué votre rapport est resté sur le mode du “oui mais”, qu’il ne fut pas en l’occurrence sans exception ni condition…
      Comment comprendre le principe d’exception qui fut avancé, celui de “déloyauté”, qui tend à inverser l’ordre des faits, dès lors que c’est quelque part la nécessité d’un parti fonctionnant “comme un seul homme” qui posait problème ?… Comment peut-on singulièrement juger de trajectoires de qui l’on a rendu la vie impossible ?… Le gâchis incommensurable de communistes n’a pas été la conséquence d’une simple somme de déloyautés !…
      Comment comprendre autrement la condition, de prétendu “équilibre”, qui précisa qu’il ne devait pas y avoir de “procès en retour”, ni écriture de l’histoire récente, sinon comme l’impossibilité de révision de procès d’intentions déjà effectués ?… (Au moins, dans cette période, “la commission vérité et réconciliation” d’Afrique du Sud comportait-elle le mot de “vérité” !…)
      Pardon de dire que, dans ces conditions, la “compréhension de la souffrance” qu’induit le fait de “priver de Parti” un camarade, résonna à mon entendement comme une sorte de cynisme… Si en l’occurrence “la souffrance”, c’est celle d’une vérité politique en souffrance, que l’on a décidé en tout état de cause de forclore !… C’est “l’idéal communiste” lui-même qui est alors en berne, “en souffrance”, du moment que l’on s’est refusé à rendre justice à qui de droit !…
      Nous sommes aujourd’hui un quart de siècle après la crise de 84-85 ( qui n’était pas à mon sens une simple crise “de direction”, comme dit René Piquet, mais de “fonctionnement”…). Et sa réalité n’a toujours pas été établie… ( Le sera-t-elle jamais ? ) Après qu’elle fut réduite au plus haut niveau, comme on dit, à un complot… ( En témoignent un livre comme celui de Jean-Claude Gayssot, “le parti communiste français”, de 89, et le dernier de Georges Marchais lui-même, “Démocratie”, de 1990, qui explique tout par la défaillance de “comportements” de direction individuels…)
      Est-ce que je fus “un comploteur” d’avoir usé de mon devoir de m’exprimer, en écrivant, “je l’avoue”, à Georges Marchais au lendemain de la fête de l’Humanité de 84, pour contester le centralisme démocratique, dans les termes minimaux qu’il a lui-même utilisés dix ans plus tard pour justifier son abandon ?… Pourquoi cette décision ne fut-elle assortie d’aucune considération rétroactive, comme ce fut le cas pour l’abandon du concept de dictature du prolétariat ? …Qu’elle soit prise cinq ans avant ou cinq ans après la chute du mur était-il indifférent ?… L’explication psychologisante de l’entrée en lice de “communistes critiques” ( expression qui permit par exemple à Arnaud Spire dans “l’éternel retour du concret”, si je puis dire de “remuer le couteau dans le pléonasme”, en se réclamant de la vieille ironisation de…Lénine, afin de les disqualifier ) par la maladie de “la nostalgie” qui les aurait affectés, confirmait en vérité la crise de toute une culture avant-gardiste…
      Je rappelle que “la nostalgie”… du Front Populaire avait déjà préalablement servi d’explication de “l’erreur” de la signature du Programme Commun !… Je me souviens d’anciens qui réagirent en disant qu’“il ne faudrait pas nous prendre que pour des sots”…
      Ces arguties autour de “la nostalgie” masquaient mal la vraie question : comme l’a dit Jean Cocteau, “il n’y a pas de précurseurs, il n’existe que des retardataires”. La révélation déjà opérée du “retard de 56” avait-elle mis, en réalité, “la direction de la direction” du parti elle-même à l’abri définitif du passéisme, et… d’un “nouveau retard” ?… N’a-t-elle pas quelque part renversé les rôles ? Qui étaient en vérité les “nostalgiques” ?… L’alternative à une “stratégie de sommet” n’était-il pas en vérité de nous demander sans détour et sans délai ce que pouvait signifier de créer “le parti de notre stratégie”, que nous avions eu l’audace de redéfinir comme “autogestionnaire” ?…
      Je n’ai pas besoin de trop m’étendre sur ces paradoxes… Ils sont assez connus. Ce que je revendique, c’est que cette histoire ne reste pas de l’ordre du secret de famille. Si l’on veut lui restituer son épaisseur, et si réellement, selon l’expression de René Char, notre héritage n’est précédé d’aucun testament, que la direction de ce Parti reconnaisse que l’on ne peut finalement expliquer cette crise historique …que par elle-même, comme une crise de confiance qui n’a pas su se transformer à temps en crise de croissance, …et qu’on ne peut décemment l’aplatir en une doctrine simpliste du “complot”…
      Merci à elle d’avance, car il n’est jamais trop tard pour rendre justice.
      …En conséquence de quoi, toutes exclusions ou mises à l’écart devraient, oui, être effacées, mais sans exception ni condition. (La révision du rapport de 98 tiendrait ainsi… en une seule phrase !…)
      Bien amicalement,
      Aubert Sikirdji

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Merci en tout cas de prendre la peine de me donner copieusement la réplique, avec les différents développements que cela nécessite.]

      Mais, c’est un plaisir, ex-camarade.

      [et que je revendique que ce type d’effort soit étendu à une « période » plus grande : jusqu’à traiter aussi sérieusement de la « crise généralisée » du PCF, du milieu des années 80 : c’est-à-dire « d’abord » comme d’une crise, et non comme d’un complot !…]

      Si on veut faire un travail historique, pourquoi pas. Mais il faut alors un vrai travail historique, et cela implique de ne pas qualifier par anticipation, et avant de l’avoir étudié, le phénomène. Il n’y a aucune raison de l’étudier « d’abord » comme une crise, en excluant la dimension complot. Il faut en être bien conscient, l’histoire ne se soucie ni de plaire, ni de déplaire. Et souvent, le recherche historique aboutit à la conclusion que les purs n’étaient pas si purs que ça, et les méchants pas si méchants qu’on le dit…

      [Déjà, cet « acte officiel » n’était pas sans exception à la règle, ni sans être assorti de conditions à respecter !…]

      Des « exceptions », je le conçois. On ne va tout de même pas réintégrer Jacques Doriot. Certaines exclusions étaient indiscutablement justifiées et consensuelles. Par contre, je ne me souviens pas quelles étaient les « conditions à respecter »… pourrais-tu être plus précis ?

      [Surtout, je le redis, la question était évacuée, à 14 années de distance, d’un réexamen de « l’histoire récente », car encore trop fraiche !… Je repose donc la question aujourd’hui, à 33 années de distance : jusqu’à quand faudra-t-il attendre pour qu’une sorte de réexamen sérieux ait lieu, hors échafaudages imaginaires, et à l’instar de l’effort produit pour la crise de la fédération de Paris ?]

      Je pense que « réexamen sérieux » n’a pas lieu aujourd’hui parce qu’il n’intéresse personne. Ceux qui se sont construit une légende de « victimes » n’ont pas plus envie que les autres qu’un travail d’historien vienne démontrer qu’ils n’étaient pas si « victimes » que ça. Ceux qui ont pris les décisions controversées, et qu’on a cloué collectivement au pilori après 1994 ne voient aucune raison de ressusciter ce passé. Et pour couronner le tout,, avec l’effacement politique du PCF, la « fabionologie » est passée de mode… En dehors des gens comme Stéphane Courtois qui continuent à tirer sur les corbillards, l’histoire du PCF n’intéresse pas grand monde.

      [Quant à réhabilitations ou pas réhabilitations, rétablissement ou pas des exclus et autres mis à l’écart en droit et en honneur, …il faudrait pouvoir repartir non seulement du texte précis du rapport de Francette Lazard de novembre 98, mais aussi de la discussion. (J’ai en mémoire, par exemple, les interventions de François Auguste – que j’ai connu jeune – et d’André Lajoinie…)]

      Si vous avez accès à ce matériel, je serais curieux de le voir.

      [Ayant parlé personnellement avec Francette Lazard à la fête de l’Humanité de 2011, après la sortie de son livre commun avec René Piquet, « Les vérités du matin », elle ne m’a démentie ni sur mon idée que la crise de 1984 était une crise, et non foncièrement un complot, ni sur le fait que son rapport était resté dans le milieu du gué, elle-même ayant longtemps été, comme elle m’a dit, « entre l’écorce et l’arbre »…]

      Vous auriez du lui demander pourquoi a-t-elle attendu jusqu’en 1998 pour faire son « rapport ». C’est quand même fou le nombre de dirigeants qui ont condamné avec force après 1994 les méthodes qu’ils ont appliqué pendant des années avec beaucoup d’enthousiasme. On aimerait beaucoup connaître les raisons d’une prise de conscience si opportune en termes de carrière.

      [Cette question étant logiquement liée à cette autre : pourquoi des gens qui ont posé la question plus tôt furent maltraités comme ils le furent ?]

      Et surtout, pourquoi ils le furent par des gens qui seulement quelques années plus tard on juré par leur grands dieux qu’en fait ils étaient d’accord avec eux ? Je pense que c’est en fait là la véritable question. La transformation des staliniens enthousiastes genre Hermier en « réfondateurs/rénovateurs » en fonction de leurs opportunités de carrière…

      [Sous le titre « Une vérité politique en souffrance », voici donc ce que j’ai écrit, le 17 février 2012 :]

      Je commente directement dans le texte.

      [Je ne sache pas, personnellement, qu’un parti communiste heureux serait celui qui n’aurait pas d’histoire, ou ne se souviendrait que de ce qui l’arrange…]

      Tout à fait. Alors, faites un peu l’effort de vous souvenir de ce qui ne vous arrange pas, et en particulier des tentatives de déstabilisation et de prise de pouvoir par les Juquin, les Guichard, les Lainé, les Martelli. Je vous le répète, si vous voulez parler d’histoire, alors il vous faut sortir de la logique manichéenne « bourreau vs. victimes ». Ce que vous appelez « crise », ce fut l’affrontement de deux lignes politiques pour la prise du pouvoir dans le PCF. Cet affrontement a fait des vainqueurs et des vaincus. Mais les faits ont montré que lorsque les vaincus des années 1980 sont revenus en vainqueurs en 1994, ils ont utilisé exactement les mêmes méthodes contre les vainqueurs d’hier. Pas la peine donc d’imaginer qu’il s’agissait d’un combat moral ou d’un différend intellectuel. Un peu de matérialisme ne fait pas de mal dans ces questions.

      [L’épuration symbolique existe, sans même aucune épuration physique… Qui pose la possibilité ou les limites du “travailler ensemble”…]

      Je crois que l’histoire a répondu à cette question : arrivés au pouvoir, les « réfondateurs/reformateurs » n’ont pas laissé plus d’espace aux adversaires de la « mutation » que celui que ces derniers leur avaient laissé vingt ans plus tôt. Vous avez vu Martelli ou Hermier « travailler ensemble » avec les soi-disant « staliniens » ? Vous voulez rire ?

      Ayant quitté le PCF en 1984, vous ne savez pas ce que furent les « épurations » de la période 1994-2000, quand de bons camarades ont été déplacés de leurs responsabilités pour laisser la place à des personnages néfastes comme Michaela Friggiolini ou Fodé Sylla. Je peux vous assurer qu’elles n’avaient guère à envier à celles des années 1984. Je dirais même qu’elles étaient pires, parce que plus hypocrites. On ne vous « excluait » pas, on vous « rééduquait ». On dissolvait votre cellule, on vous privait de vos symboles, mais ce n’était pas une sanction, c’était pour votre bien.

      [Car il faut souligner que cet “acte solennel” qu’a constitué votre rapport est resté sur le mode du “oui mais”, qu’il ne fut pas en l’occurrence sans exception ni condition…]

      Oui, parce qu’en histoire il y a toujours un « oui, mais ». Encore une fois, ce commentaire montre bien que ce que vous voulez n’est pas un travail historique, mais une « reconnaissance », une sorte de « loi mémorielle » comme on sait si bien faire aujourd’hui.

      [Comment comprendre le principe d’exception qui fut avancé, celui de “déloyauté”, qui tend à inverser l’ordre des faits, dès lors que c’est quelque part la nécessité d’un parti fonctionnant “comme un seul homme” qui posait problème ?…]

      Cela n’a rien à voir. L’idée de « loyauté » existe aussi dans les organisations qui ne fonctionnent pas « comme un seul homme ». La « loyauté » implique le respect des règles acceptées par tous. Par exemple, aller plaider devant un adversaire une aide pour renverser la direction de son propre parti, cela contrevient la « loyauté » même dans l’organisation la plus démocratique. Et c’est exactement ce qu’on fait certains « réfondateurs/rénovateurs ».

      [Comment peut-on singulièrement juger de trajectoires de qui l’on a rendu la vie impossible ?…]

      Arrêtez… le PCF est un club d’adhérents volontaires. En être exclu ne rend pas votre vie « impossible »… Ce type de dramatisation fait partie de la construction du mythe de la « victime »…

      [Comment comprendre autrement la condition, de prétendu “équilibre”, qui précisa qu’il ne devait pas y avoir de “procès en retour”, ni écriture de l’histoire récente, sinon comme l’impossibilité de révision de procès d’intentions déjà effectués ?… (Au moins, dans cette période, “la commission vérité et réconciliation” d’Afrique du Sud comportait-elle le mot de “vérité” !…)]

      Comme je vous l’ai dit, j’attends avec une grande impatience de savoir ce que les Juquin et autres Fiterman auraient eu à dire devant une commission « vérité et réconciliation » de leurs négociations avec l’entourage de Mitterrand pour mettre en difficulté la direction de leur Parti. Eh oui, la « vérité » comme disait Oscar Wilde, « est rarement pure et jamais simple ».

      [En conséquence de quoi, toutes exclusions ou mises à l’écart devraient, oui, être effacées, mais sans exception ni condition.]

      Jacques Doriot devrait être réintégré ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      Admettons que je reprenne désormais en vrac des éléments de vos posts, et pas que les derniers en date..

      [post du 01/08/17, 15h49 : ou bien vous vous réclamez de la rationalité, et alors « l’affectif » n’a plus sa place, ou vous vous réclamez de l’affectivité, et vous devez alors accepter votre part d’irrationalité.]

      Mais enfin, c’est quoi cette alternative bidon ?!?… Ce n’est pas d‘aujourd’hui, enfin, que les communistes se disent « passionnés » et prétendent ne pas être déraisonnables pour autant !… Aussi bien « avoir un idéal » sans « être idéalistes ». Être capables de rêver, sans devoir être catégoriser comme irréalistes !… Après, c’est en pratique que ça se vérifie ou pas !…
      Un article du numéro ce cet été de « Regards » traite, par exemple, du retour des émotions en politique… Et il existe de longue date une petite phrase de Marx qui pose le problème comme relevant d’une nécessité de « travail sur soi » : comme quoi la radicalité critique n’interdisait pas qu’une tête soit prise de passion, à la condition que cette passion ne soit pas juste une prise de tête !… Tout pendant que l’on passerait à côté des choses et on laisserait distraitement telles ou telles réalités, pourtant écrites et disponibles, « à la critique ravageuse des souris »…
      En ce qui concerne l’Histoire des communismes, les documents d’archives ne manquent pourtant pas, liées à une « culture du rapport »… Mais encore faut-il que l’on se donne la peine d’un travail historique copieux et sérieux, si l’on veut qu’il soit effectivement rationnel !…

      [post du 02/08/17, 12h45 : Je crois que vous confondez « réhabilitation » et « reniement ». ]

      …Au demeurant, « du point de vue du matérialisme historique », l’Histoire s’écrit. Et la preuve de l’Histoire, ce ne serait pas qu’elle se mange, comme un pudding !… Ce qui pourtant se passe régulièrement, si l’on entend « manger » comme « oublier » (comme dans l’expression populaire : « manger la commission »…). Les humains se comportent trop souvent comme des rats avec leur propre Histoire, avec les messages qui leur viennent du passé !… Ils n’en retiennent spontanément que les quelques faits qui les arrange. Et ils « bouffent » le reste.
      Et l’on en arrive à une désorientation de « présentisme » généralisé, où rien n’a plus rapport logique avec rien, dans la grande advenue d’une « société de consommation »… de l’Histoire elle-même !…
      C’est pourquoi, à votre question de savoir si je demanderais au PCF de se renier, jamais de la vie !… Je prône l’effort de mémoire, sans quoi l’humanité disparait. Après, oui, il est important qu’une organisation révolutionnaire soit capable, dans l’après-coup, de se déjuger !… Ça se nomme la capacité critique et autocritique. Mais ce n’est pas une démarche titubante, de zigzags périodiques et récurrents, liés à une réactivité de courte vue !… Non ! Ni reniement ni déni opportunistes !… Ce n’est pas ma tasse de thé.

      D’ailleurs, je considère que si le PCF a notoirement renoncé, corollairement à son rôle d’avant-garde, à une idée de « marche au socialisme », par un découpage d’étapes…, il n’a pas fini de contribuer à finir, à « achever » l’Histoire, par un découpage en « périodes », dont on finit par se foutre comme de sa première chemise !… À contre-courant de la tendance à l’amnésie générale, je considère qu’il faut reprendre au contraire le travail de « séquence » historique, en rapports avec les événements d’importance, et non avec des petites échéances, pour tout dire, électorales !…
      En clair, je pense qu’à nous demander « qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on en soit arrivé là ? », …il faut notamment repenser les choses depuis les événements de 68. Et cesser de sanctuariser l’ère Marchais, de « la conserver dans le formel » !… Car la question de l’ère Marchais, c’est celle de savoir quels réponses nous avons apportées à 68 !…
      C’est de Georges Pompidou que j’ai retenu l’idée qu’après 68, il y a eu un phénomène de fin de l’Histoire, lorsque que je l’ai vu dire, dans une rétrospective télé qui lui étaient consacrée, qu’en ce qui le concerne il ne demandait pas de rester dans les mémoires, dans la mesure où cela aura été le signe que, sous sa présidence, « les gens auraient été heureux, qui n’auraient plus eu d’Histoire » !… Cette petite phrase est à mon sens d’une importance considérable. Car oui, 68 a signé la sortie d’une certaine Histoire, mais pas pour autant de l’Histoire !…
      J’ai aussi dans l’oreille une affirmation de Marcel Gauchet disant que la génération du baby-boom, qui a fait 68, « n’a pas d’histoire… »
      C’est pourquoi je m’insurge, comme le faisait Henri Malberg, qui était de la génération d’avant moi, …contre l’idée qu’il suffirait de tourner la page pour passer à autre chose !…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [« post du 01/08/17, 15h49 : ou bien vous vous réclamez de la rationalité, et alors « l’affectif » n’a plus sa place, ou vous vous réclamez de l’affectivité, et vous devez alors accepter votre part d’irrationalité ». Mais enfin, c’est quoi cette alternative bidon ?!?… Ce n’est pas d‘aujourd’hui, enfin, que les communistes se disent « passionnés » et prétendent ne pas être déraisonnables pour autant !…]

      Vous devriez lire avec attention avant de répondre. Mon commentaire faisait référence à l’analyse de la « crise » de la fédération de Paris dans les années 1970 et 1980, pour laquelle vous prétendiez vous « souvenir de manière affective » autant que « objective ». Je persiste : soit on cherche à faire une analyse rationnelle – et c’est ma position – et alors seules ont leur place les faits et les témoignages « objectifs », soit on y fait rentrer des questions affectives et on sort alors du domaine historique. C’est bien là une alternative.

      La question n’est pas de savoir si les communistes sont ou non « passionnés », mais de savoir si les « passions » doivent influencer leurs analyses historiques. Et ma réponse est négative.

      [Un article du numéro ce cet été de « Regards » traite, par exemple, du retour des émotions en politique…]

      Encore une fois, il ne faut pas confondre politique et histoire. Pour vous, la question de savoir ce qui s’est passé dans la fédération de Paris à la fin des années 1970 est une question de politique ou une question d’histoire ? Par ailleurs, vous m’excuserez de vous dire que pour moi « Regards » n’est pas parole d’évangile.

      [En ce qui concerne l’Histoire des communismes, les documents d’archives ne manquent pourtant pas, liées à une « culture du rapport »…]

      Oui… on se demande ce qu’attendent les Martelli et autres « rénovateurs » pour aller les exploiter. Mais peut-être que les archives en question ne disent pas tout à fait ce qu’ils ont envie d’entendre ?

      [post du 02/08/17, 12h45 : Je crois que vous confondez « réhabilitation » et « reniement ». ]

      Le mot « reniement » était mal choisi. J’aurais du écrire « rétribution ». Ce que je voulais dire, ce qu’il ne vous suffisait pas d’être réhabilité (en ce sens que le PCF reconnaisse que vous aviez été maltraité), vous vouliez que le PCF reconnaisse qu’à l’époque vous aviez politiquement raison, et que les dirigeants avaient donc politiquement tort. Or, cette reconnaissance est impossible tout simplement parce qu’il n’est nullement établi que ce soit le cas…

      […Au demeurant, « du point de vue du matérialisme historique », l’Histoire s’écrit.]

      Non. Du point de vue du matérialisme historique, l’Histoire est écrite par des hommes. Elle ne « s’écrit » pas d’elle-même.

      [C’est pourquoi, à votre question de savoir si je demanderais au PCF de se renier, jamais de la vie !…]

      Pourtant, vos écrits témoignent du contraire. Vous demandez au PCF de reconnaître qu’il avait tort de rester attaché au « centralisme démocratique », par exemple…

      [Je prône l’effort de mémoire, sans quoi l’humanité disparait.]

      Très bien. Alors, faisons « mémoire » sur les agissements de ceux qui ont essayé de renverser la direction « marchaisienne » en cherchant même l’appui des mitterrandiens pour cette basse besogne. Ou sur ceux qui ont prétendu vouloir un « nouveau communisme » est qui l’ont trouvé, semble-t-il, dans les rangs du PS devenu social-libéral. Comme vous dites, sans un effort de mémoire, l’humanité disparaît…

      [Après, oui, il est important qu’une organisation révolutionnaire soit capable, dans l’après-coup, de se déjuger !…]

      Encore faudrait-il qu’il y ait une raison sérieuse de se déjuger. Ceux qui se déjugent pour faire plaisir à l’opinion publique font rarement de grandes choses.

      [D’ailleurs, je considère que si le PCF a notoirement renoncé, corollairement à son rôle d’avant-garde, à une idée de « marche au socialisme », par un découpage d’étapes…, il n’a pas fini de contribuer à finir, à « achever » l’Histoire, par un découpage en « périodes », dont on finit par se foutre comme de sa première chemise !…]

      Je ne suis pas sur d’avoir bien compris cette remarque. De quel « découpage » parlez-vous ?

      [En clair, je pense qu’à nous demander « qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on en soit arrivé là ? », …il faut notamment repenser les choses depuis les événements de 68. Et cesser de sanctuariser l’ère Marchais, de « la conserver dans le formel » !… Car la question de l’ère Marchais, c’est celle de savoir quels réponses nous avons apportées à 68 !…]

      Mais d’où sortez-vous qu’on ait « sanctuarisé » l’ère Marchais ? Pour moi, le problème est plutôt l’inverse : sous la « mutation », on a condamné l’action de Marchais et de son équipe comme allant de soi, pour se refaire une virginité politique, sans aucun travail historique. C’est particulièrement vrai pour l’épisode de 1968, dont on nous a expliqué qu’il témoigne du « retard » du PCF à prendre en compte les « nouvelles luttes », alors que ce fut exactement le contraire une résistance – vouée à l’échec – à la prise de pouvoir des « classes moyennes » qui a marqué le début de la marginalisation du monde ouvrier dans le champ politique.

      Regardez l’état des partis communistes de par le monde. Qu’ils aient choisi une stratégie « ouverte » ou « fermée », « stalinienne » ou « rénovatrice », ils ont tous été balayés. Où est le PC italien, qu’on montrait en exemple d’ouverture et « d’eurocommunisme », et dont se réclamaient en chœur tous les « refondateurs/rénovateurs » français ? Où est le PC espagnol ? Ils ne sont guère en meilleur état que le PCF. Et pourtant, ils avaient choisi des stratégies et des modes d’organisation diamétralement opposées à celles du PCF. Ce n’est donc pas dans les erreurs de telle ou telle direction qu’il faut trouver la « cause » de la déchéance du PCF, mais dans un processus historique, celui de la prise de pouvoir des « classes moyennes » et de la marginalisation de la classe ouvrière. Le choix était entre accompagner la classe ouvrière dans sa marginalisation – ce à quoi aboutissait la logique des « staliniens » – soit de transformer le PCF en un parti des « classes moyennes », ce que tenta Robert Hue.

      Mais chez nous, personne n’a été capable de faire cette analyse. Il fallait trouver un coupable, un bouc émissaire sur lequel charger les frustrations, et accessoirement dissimuler la prise de pouvoir des « classes moyennes » dans le Parti lui-même.

      [C’est de Georges Pompidou que j’ai retenu l’idée qu’après 68, il y a eu un phénomène de fin de l’Histoire, lorsque que je l’ai vu dire, dans une rétrospective télé qui lui étaient consacrée, qu’en ce qui le concerne il ne demandait pas de rester dans les mémoires, dans la mesure où cela aura été le signe que, sous sa présidence, « les gens auraient été heureux, qui n’auraient plus eu d’Histoire » !… Cette petite phrase est à mon sens d’une importance considérable.]

      En effet, c’est la marque de la prise du pouvoir par les « classes moyennes », cette classe sans histoire…

      [Car oui, 68 a signé la sortie d’une certaine Histoire, mais pas pour autant de l’Histoire !…
      J’ai aussi dans l’oreille une affirmation de Marcel Gauchet disant que la génération du baby-boom, qui a fait 68, « n’a pas d’histoire… »]

      Là encore, on retrouve la logique des « classes moyennes ». Ce n’est pas une coïncidence si leur arrivée au pouvoir coïncide avec ces visions de fin de l’histoire. Parce que c’est là exactement l’idéologie du nouveau « bloc dominant », celui des « classes moyennes » alliées à la bourgeoisie.

      [C’est pourquoi je m’insurge, comme le faisait Henri Malberg, qui était de la génération d’avant moi, …contre l’idée qu’il suffirait de tourner la page pour passer à autre chose !…]

      Mais… je suis tout à fait d’accord. Il ne faut surtout pas « tourner la page » : il faut aller au fond des choses, et comprendre pourquoi et comment les « classes moyennes » ont pris le pouvoir sur le PCF. Croyez-moi, ce n’est pas moi qui ai soutenu l’amnistie générale prononcée par les dirigeants de la “mutation” au bénéfice des “refondateurs/rénovateurs”…

  40. Maurice dit :

    Obsèques d’Henri Malberg : Proches, militants et responsables communistes ont rendu, hommage samedi,24/07/2017 à cet « enfant du Paris populaire et révolutionnaire », lors d’une cérémonie devant le mur des Fédérés du cimetière du Père-Lachaise, à Paris.https://fr-fr.facebook.com/humanite.fr/posts/10155558845528695
    Le débat ci dessous entre Aubert Sikirdji et Vous,nous ramène à 1976/77,période dite de ‘la crise de la fédération de Paris du pcf’.
    Or,Pierre Laurent,témoin privilégié de cette crise,rappelle que le PCF,est le parti du Commun français.
    J’approuve,car ce que j’entends,dans commun, c’est ‘peuple’.
    Se pourrait-il,qu’après tant de Mut(il)ation,notre pcf retrouve son lit naturel,celui d’un populisme de gauche aux couleurs de la France,à l’instar de Fi ,loin du gauchisme snobinard et abruti,cosmopolitain?

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [Obsèques d’Henri Malberg : Proches, militants et responsables communistes ont rendu, hommage samedi,24/07/2017 à cet « enfant du Paris populaire et révolutionnaire », lors d’une cérémonie devant le mur des Fédérés du cimetière du Père-Lachaise, à Paris.]

      Franchement, je ne suis pas allé pour ne pas entendre tous ces vieux hypocrites qui pendant vingt ans et plus ont cassé ce à quoi Malberg croyait et ce pour quoi il avait lutté, tous ces jeunes hypocrites qui ne pensent qu’à leurs carrières et qui ne rendent hommage au passé que lorsqu’il est mort. Ceux qui avaient applaudi lorsque Marie-Pierre Vieu avait dit que « on ne fera pas le nouveau parti communiste avec les militants de l’ancien », et qui maintenant vont pleurer sur leurs tombes. Je n’avais pas envie de voir Anne Hidalgo, Patrice Bessac ou Pierre Laurent verser leurs larmes de crocodile. J’irai lui rendre hommage un autre jour, seul ou avec quelques copains qui l’ont connu.

      [Or, Pierre Laurent, témoin privilégié de cette crise, rappelle que le PCF, est le parti du Commun français. J’approuve, car ce que j’entends, dans commun, c’est ‘peuple’.]

      Et il n’a pas dit que « dans communisme il y a communion », comme Robert Hue ? Franchement, les formules creuses, ça va un moment. Mais de temps en temps il faut s’interroger. Cela veut dire quoi, « le parti du commun français » ? En quoi consiste ce « commun », censé réunir le patron et l’ouvrier, le professeur et la femme de ménage ? Et comment ce « commun » se concilie avec l’idée que la lutte des classes est le moteur de l’histoire ?

      [Se pourrait-il, qu’après tant de Mut(il)ation, notre pcf retrouve son lit naturel, celui d’un populisme de gauche aux couleurs de la France, à l’instar de Fi, loin du gauchisme snobinard et abruti, cosmopolitain?]

      Pour répondre à votre question, vous n’avez qu’à consulter la liste des personnes qui ont pris la parole au nom du PCF aux obsèques de Malberg. Comparez leur parcours à celui d’un Malberg…

  41. Aubert Sikirdji dit :

    Il y a des plus jeunes, avec qui j’ai milité en France Insoumise, dans la dernière période électorale, qui, profitant en particulier d’une intervention publique en début de campagne pour les législatives, où j’avais signifié que j’avais atteint le demi-siècle de militantisme,… me disait, genre, « – papi, change de C.D., …tu ne vas pas nous la ramener encore avec ton PCF !… Il faut qu’on avance !… Et toi tu freines. Hé ho !… Là on est au 21ème siècle !…». En somme, je me suis retrouvé accusé d’être partisan de la méthode « freiner » !… Vous connaissez ?

    Personnellement, je considère que rabouter les tubes et raccrocher les wagons, entre générations, non, ce n’est pas freiner, c’est se donner les chances de comprendre ce qui s’est passé, déjà au 20ème siècle, pour aborder « le nouveau millénaire »… Au demeurant, l’uchronie, non seulement n’est pas interdite, mais elle est nécessaire : ce qui veut dire capacité critique rétroactive… Car tous, nous refaisons l’Histoire avec des si, voire avec des scies : des redites obsessionnelles… Changer de disque n’est pas la question. La question, c’est celle de la nécessité d’un effort de mémoire partagée, dès lors que l’on ferait du passé table ouverte, …où l’on ferait effort pour parler un minimum la même langue !…

    D’ailleurs, l’on peut fort bien se faire écho, comme quelque part vous et moi, …tout en ayant des points de vue diamétralement opposés !… Il n’y a plus vraiment de PCF, aujourd’hui, mais il y a encore un peu de communistes, aux avis, parait-il, divers et variés…

    En attendant, il est un point que je voudrais préciser : c’est que la question n’est pas seulement de revendiquer mordicus une constance de point de vue !… Non, si je revendique que l’on puisse reconnaître que je n’avais pas tort, dans telles circonstances « passées », et trop souvent considérées malheureusement comme dépassées…, je ne limite pas à cela ma revendication : le plus important étant de pouvoir repenser les choses à nouveaux frais, y compris l’aide de concepts (ou d’une modification de leur usage) dont je ne disposais pas encore à l’époque !… J’ai envie de dire qu’il ne s’agit pas d’être égal à soi-même, mais fidèle à soi-même, y compris pour approfondir les choses !… Et dans le genre, si j’ai pu me dire, passagèrement, rénovateur, les travaux de Lucien Sève m’ont plutôt convaincus du terme « refondateur » !…

    Et puis, il y a un autre point important : car il nous faut nous arrêter un peu sur l’idée des « retards de conscience »… Elle concerne à la fois la question de l’individu et du groupe, mais aussi bien elle peut être élargie à celle d’un groupe entier, par rapport à « l’extérieur », car l’on peut fort bien se retrouver régulièrement à côté de la plaque avec un train de retard, collectivement !… J’ai envie d’insérer à ce propos quelques considérations, à partir de la parole de Louis Althusser…

    …que l’on a entendue dans une émission d’Arte qui lui a été consacrée, et qui montre ce qu’est le statut de la vérité et des « retards de consciences » dans une organisation à vocation de masse. Je le cite : « Je pense que, d’une certaine façon, dans certains cas, pour rectifier une erreur il y a besoin de persévérer dans l’erreur. Pourquoi ? Il s’agit d’un problème de masse. Si comme intellectuel tu découvres une erreur, que tu la rectifies pour ton compte, et si tu te mets à dire, à proclamer “Moi, j’ai compris que c’était une erreur !”, “Je l’ai rectifiée et vous devez tous la rectifier”. Si tu ordonnes la rectification, hein ! Eh bien tu fais une sottise. Les gens doivent comprendre les choses par eux-mêmes. Sinon, c’est un ordre venu d’en haut, et rien ne change. »…

    Ceci étant dit, cela confirme tout à fait votre remarque que : « du point de vue du matérialisme historique, l’Histoire est écrite par des hommes. Elle ne « s’écrit » pas d’elle-même. » Dont acte. Et d’ailleurs, l’on pourrait ajouter une question, à propos du dit « retard de 56 », sous le signe duquel l’ère Marchais s’est construite… Ce fameux « retard de 56 » aurait commencé, en France, par un honteux mensonge sur “le rapport attribué au camarade Krouchtchev”, …la délégation française au XXème congrès du PCUS (Maurice Thorez, Jacques Duclos, Georges Cogniot et Pierre Doize), une fois revenue, étant restée muette sur l’existence de ce texte comme sur son contenu, n’est-ce pas… Mais, ceci dit, Jacques Duclos ayant fait acclamer le nom de Staline par les adhérents communistes réunis le 9 mars 1956 à la salle Wagram… : pourquoi aurait-il eu assurément tort de le faire ?!?…. Personnellement, j’ai bien voulu parler d’un retard de 56, mais plutôt : « à partir de 56 » !… S’il ne s’était agi, sur le moment, pour la Direction du parti, que de « tenir compte du niveau de conscience » des communistes », le mensonge par omission, comme l’obtention des traditionnels applaudissements pour « l’homme que nous aimions le plus » ne devrait pas être exactement considérés comme une erreur, voire une faute considérable !…
    J’ai voulu préciser cela en passant, pour dire que je ne veux pas que l’on pense que ce que je vais affirmer maintenant, sur une ère Marchais au bilan que je considère comme globalement foireux (et je dis cela de l’intérieur d’un vécu affectif, certes, mais logique, et sans volonté particulière de « bouc-émissariser » la personne !…), relèverait d’une uchronie coupable, car un peu trop facile dans l’après-coup !… Dire que telle question s’est « théoriquement » posée à partir de tel ou tel moment, ce n’est pas dans une sorte de confort de reniement, ni sans indulgence pour des « niveaux de conscience » de l’époque, dont j’étais moi-même partie prenante avec enthousiasme, …et après que la tragédie ait eu lieu !…

    J’en reviens donc à notre débat. Que l’on m’accorde de le reprendre par des raisonnements idéologiques rapides, et donc « à la serpe »… Le constat de base, c’est que le mouvement ouvrier du 20ème siècle a échoué. Socialisme, communisme, les concepts sont « pratiquement » ruinés. Pourquoi ? Ne serait-ce pas déjà de s’être confondu ? Car vous avez raison, la question théorique, telle qu’elle se pose désormais, ce n’est pas d’un autre communisme (cette expression étant au demeurant une façon de parler, qui ne m’est pas certainement pas habituelle, car je considère en fait le communisme moderne comme plus qu’un concept : comme une catégorie, qui a introduit une coupure épistémologique dans la pensée humaine…).

    Le problème théorique…, disais-je, …c’est que la rupture de 68 posait bel et bien la question, ici et maintenant,… d’une reprise de l’hypothèse communiste, …et pas la question du « socialisme à la française » !… Celle-ci ne résultant que d’une sous-estimation des niveaux de consciences !… L’Union n’était d’ailleurs Soviétique que de nom, et le « communisme d’État », parfait oxymore, a fait du communisme un semblant, passablement sanglant, et son écroulement était en réalité programmé dès 68, par la taupe de l’Histoire !… Faire du communisme autre chose qu’un produit « canada dry », dans l’arrêt sur image qu’il proposait (une image de nouveau gravement écornée par l’intervention des chars russes en Tchécoslovaquie…), ç’aurait du être ça l’enjeu !…

    Ce type de système n’a eu besoin de personne pour se casser la gueule, et certainement pas d’une sorte de coalition des « classes moyennes », à l’échelle mondiale !… Penser, voire dire cela, ce serait une monumentale erreur de diagnostic !… (Soit-dit en passant, j’aime beaucoup un philosophe marxien comme Michel Clouscard, mais ce qu’il a écrit, du genre, sur la « contre-révolution » de 68, n’est pas unilatéral, contrairement à certains usages qui en sont faits, à la Alain Soral…).

    La vraie et première question, posée par la contribution du « camp socialiste » à la fin de l’Histoire, c’est que la réponse au capitalisme qu’a constituée « le socialisme réel », pour « faire le contraire » de celui-ci était encore bien trop mécaniste, non seulement pour faire le poids, mais pour empêcher son « retour » !… Le communisme d’État, selon une expression… de Roland Leroy, n’auraient ainsi produit que « des contre-sociétés », assez fermées !… Ainsi, ceux-là même qui comptaient sur une certaine « marche obligatoire de l’Histoire », fantasmée, se sont retrouvés couillons.

    Nous sommes aujourd’hui, avec Macron, rendus dans un nouveau type de système totalitaire, plus sophistiqué, mais reposant toujours sur le silence des masses !… Mais « l’analyse de la crise », portée par le PCF au début des années 70, la considérant comme globale, et y compris « morale », est toujours valable !… Plus que jamais !… Au demeurant, la réponse aurait du, théoriquement, être autre que par le Programme Commun, dont la signature « avec bonheur » (tout pendant que le contenu de la réunion qui a suivi du Comité Central du PCF est resté secret…), après tous les zigzags stratégiques que nous avons connus, s’est avéré une farce, au regard du modèle Front Populaire !… Encore récemment, le « cartel » du Front de Gauche est loin d’avoir retrouvé, contrairement à son annonce de départ,… l’inspiration d’un « Front Populaire du 21ème siècle » !…

    Au demeurant, la RÉALITÉ du combat de classes mondial a été marquée à la fois, du côté de notre adversaire, les puissances d’Argent, par une contre-offensive et une stratégie du choc, de révolution conservatrice, inaugurée par le coup d’État au Chili du 11 septembre 1973, et par une réflexion en profondeur, sur la nouvelle manière de « gérer » les gens… Macron en est, chez nous, la dernière manifestation… Au comble de l’esprit managérial s’étant emparé de l’État !…

    Je dis que l’analyse que le PCF a faite dès le début des années 70 est toujours valable, à ceci près qu’il faudrait carrément traduire « crise morale » par « crise anthropologique » !… La promotion, sur un mode abstrait et totalitaire, de « l’individu » et de son « autonomie », par nos adversaires « libéraux », dans une totale illusion d’égalité des chances avec « son homologue », l’autre individu, tout pendant que chacune et chacun sont ne sont plus censés que faire face seul, en ne représentant plus qu’eux-mêmes, aux patrons… c’est en réalité l’homme, la femme réels, comme constitués de leurs liens sociaux, qui se retrouvent atomisés et « anomisés », comme dirait l’autre, … donc attaqués à la racine : …c’est-à-dire attaqués par le fond, et se faisant baiser grave par « le Système », consentants ou pas !…

    Mais c’est là qu’il est fort important de raisonner DIALECTIQUEMENT !… Il ne s’agit pas de renier classiquement la question de l’individu, comme question « petite-bourgeoise » !… La défense, pour commencer, à l’entreprise, de l’idée de travailleur collectif ne s’oppose nullement à l’épanouissement individuel !… Au contraire. En ce sens, le communisme est tout sauf « un collectivisme » !…
    Le communisme moderne, conçue comme posant l’horizon de dépassement de la querelle de l’individu et de l’espèce, c’est le fond théorique d’une stratégie autogestionnaire, où la question de l’autonomie trouve son sens plein, et non creux !… De ce point de vue, en repensant à Althusser, précédemment invoqué, …l’on peut même se dire que, théoriquement parlant, l’abandon du concept de centralisme démocratique, foncièrement délégataire, était certainement plus urgent que celui de la dictature du prolétariat !…
    Car le centralisme démocratique, dans les pays de l’Est, ça s’est traduit par dictature SUR le prolétariat. Et il ne faut pas faire sur le prolétariat, mais avec !…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Il y a des plus jeunes, avec qui j’ai milité en France Insoumise, (…)]

      J’avoue que j’ai savouré toute la subtilité de ce « des plus jeunes ». En d’autres termes, des vieux mais pas encore aussi vieux que vous et moi ?

      [(…) dans la dernière période électorale, qui, profitant en particulier d’une intervention publique en début de campagne pour les législatives, où j’avais signifié que j’avais atteint le demi-siècle de militantisme,… me disait, genre, « – papi, change de C.D., …tu ne vas pas nous la ramener encore avec ton PCF !… Il faut qu’on avance !… Et toi tu freines. Hé ho !… Là on est au 21ème siècle !…».]

      Dans le pêché, la pénitence. Si vous vouliez militer avec des gens qui aient un minimum d’intérêt pour l’histoire, ce n’est pas à la France Insoumise qu’il faut y aller. Au contraire, à la FI, on ne veut surtout pas qu’on rappelle le passé. N’oubliez pas que le gourou Mélenchon est né vierge de tout péché un jour de 2008. Le « tournant de la rigueur » ? Le traité de Maastricht ? Connais pas… On veut bien à la rigueur que vous parliez de Jaurès ou du CNR. Mais surtout pas de ce qui s’est passé après…

      [Personnellement, je considère que rabouter les tubes et raccrocher les wagons, entre générations, non, ce n’est pas freiner, c’est se donner les chances de comprendre ce qui s’est passé, déjà au 20ème siècle, pour aborder « le nouveau millénaire »…]

      Je suis tout à fait d’accord. Mais lorsqu’on « raccroche des wagons », on est obligé d’inclure dans le convoi certains wagons qu’on aimerait bien oublier. Le propre de l’histoire, c’est qu’on ne peut l’acheter au détail. Assumer l’histoire, c’est assumer l’ensemble, avec ses ombres et ses lumières. Et je crains que nos jeunes camarades ne soient pas très bien préparés à ce fardeau.

      [Non, si je revendique que l’on puisse reconnaître que je n’avais pas tort,]

      Le problème, c’est qu’avant qu’on « reconnaisse » que vous n’aviez pas tort, il faudrait le prouver. Et c’est là tout le problème. Si sous la direction « marchaisiens » le parti a été en difficulté, avec les « réfondateurs/rénovateurs » qui ont pris le pouvoir après 1994, il s’est carrément effondré. Difficile donc de décider lequel des deux camps « n’avait pas tort »…

      [Et dans le genre, si j’ai pu me dire, passagèrement, rénovateur, les travaux de Lucien Sève m’ont plutôt convaincus du terme « refondateur » !…]

      Pour tout vous dire, j’ai eu un bref échange épistolaire avec Sève, du temps ou le conflit entre la direction du PCF et les « réfondateurs/rénovateurs » battait son plein. Je ne peux pas dire qu’il m’ait convaincu, au contraire.

      [J’ai envie d’insérer à ce propos quelques considérations, à partir de la parole de Louis Althusser…(…) Je le cite : « Je pense que, d’une certaine façon, dans certains cas, pour rectifier une erreur il y a besoin de persévérer dans l’erreur. Pourquoi ? Il s’agit d’un problème de masse. Si comme intellectuel tu découvres une erreur, que tu la rectifies pour ton compte, et si tu te mets à dire, à proclamer “Moi, j’ai compris que c’était une erreur !”, “Je l’ai rectifiée et vous devez tous la rectifier”. Si tu ordonnes la rectification, hein ! Eh bien tu fais une sottise. Les gens doivent comprendre les choses par eux-mêmes. Sinon, c’est un ordre venu d’en haut, et rien ne change. »…]

      Une position d’un grand idéalisme, à mon sens, qui montre les dangers de laisser la pensée dans les mains de gens qui n’ont jamais quitté l’Ecole Normale. Parce que dans le monde réel, si on attendait que les gens « comprennent » pour rectifier les erreurs…

      [Et d’ailleurs, l’on pourrait ajouter une question, à propos du dit « retard de 56 », sous le signe duquel l’ère Marchais s’est construite… Ce fameux « retard de 56 » aurait commencé, en France, par un honteux mensonge sur “le rapport attribué au camarade Krouchtchev”, …]

      La grande erreur – si on peut appeler cela une erreur – du PCF dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres, fut de vouloir condamner plutôt que de vouloir comprendre. En fait, le rapport Khrouchtchev n’a rien « révélé » qu’on ne sut déjà. Et depuis très longtemps, d’ailleurs. La véritable question, la seule à mon avis qui ait un intérêt, c’est de comprendre pourquoi tant de gens ont préféré vivre dans une illusion collective plutôt que dans la réalité. Et je ne vous parle pas de Mme Michu, mais d’intellectuels brillants, scientifiques, poètes, historiens, sociologues. Il aurait fallu s’interroger sur la fonction de cette illusion collective, sur le besoin qu’elle satisfait, pour chercher à comprendre comment on pouvait la remplacer par quelque chose d’autre.

      Au lieu de ça, on a préféré la voie de la facilité, c’est-à-dire celle de la condamnation. On a mis à l’écart certains dirigeants, on a exigé des autres qu’ils brûlassent ce qu’ils avaient auparavant adoré. On a épuré le langage. Et pour finir, on a demandé aux communistes de se frapper la poitrine publiquement à chaque opportunité, pour montrer qu’on avait changé.

      [la délégation française au XXème congrès du PCUS (Maurice Thorez, Jacques Duclos, Georges Cogniot et Pierre Doize), une fois revenue, étant restée muette sur l’existence de ce texte comme sur son contenu, n’est-ce pas…]

      Et pourtant, ce texte ne leur avait rien appris. Thorez avait passé assez de temps en URSS pour savoir parfaitement à quoi s’en tenir quant au fonctionnement du régime stalinien. Duclos, Cogniot et Doize étaient des dirigeants politiques avec beaucoup de contacts en Europe orientale. Ils étaient donc au courant de tout. Pourquoi, en sachant tout cela, ils avaient quand même choisi de « faire acclamer le nom de Staline » pendant des années ? Voilà la question intéressante, celle que personne ne semble avoir eu envie de se poser. On a préféré malheureusement jouer dans le registre de la condamnation morale.

      [S’il ne s’était agi, sur le moment, pour la Direction du parti, que de « tenir compte du niveau de conscience » des communistes », le mensonge par omission, comme l’obtention des traditionnels applaudissements pour « l’homme que nous aimions le plus » ne devrait pas être exactement considérés comme une erreur, voire une faute considérable !…]

      Sortons du jugement moral, et faisons de l’histoire. Je me fous de la question de savoir s’il y a eu « erreur » ou « faute ». Il y a le fait historique. Ces gens-là se sont tus. Pourquoi ? Voilà la seule question qui m’intéresse.

      J’ajoute qu’il faut être prudent en parlant de « mensonge ». Un « mensonge » est une affirmation que son auteur sait être fausse mais qu’il prétend faire passer pour vraie. Une personne qui se présente à une banque en affirmant être le baron Rothschild pour obtenir un prêt à conditions préférentielles est un menteur. Mais un acteur qui dans une pièce de théâtre se présente comme le baron Rothschild, ment-il ? Non, bien sur que non : son discours se tient dans un cadre conventionnel dans lequel son audience sait parfaitement qu’il n’est pas le baron Rothschild, et l’acteur lui-même ne prétend pas faire passer sa fausse identité pour vraie.

      Les audiences qui applaudissaient le nom de Staline croyaient ils VRAIMENT que Staline était un saint ? Croyaient-ils VRAIMENT que les procès de Moscou étaient autre chose que des procès politiques ? Oui se situaient-ils dans le plan d’une fiction partagée ?

      [J’ai voulu préciser cela en passant, pour dire que je ne veux pas que l’on pense que ce que je vais affirmer maintenant, sur une ère Marchais au bilan que je considère comme globalement foireux]

      Bilan « globalement foireux » ? Admettons. Mais en est-il responsable ? Je vous rappelle mon raisonnement : il y avait dans ces années-là de puissant partis communistes dans beaucoup de pays. En Italie, le PCI était le premier parti de la péninsule. En France, en Espagne et au Portugal, les partis communistes avaient des centaines de milliers d’adhérents et une force considérable. Or chacun de ces partis a choisi une stratégie différente. Le PCI rompit très tôt avec Moscou, alors que le PCP n’y rompit jamais vraiment. Le PCE et le PCI se sont engagés très tôt dans l’aventure « eurocommuniste », alors que le PCF le fit avec beaucoup de réserves et le PCP resta sur ses positions.

      Or, qu’observe-t-on ? Trente ans plus tard, TOUS ces partis ont été balayés. Le PCI n’existe plus, le PCE et le PCF sont marginaux. Il semble donc difficile d’attribuer la chute aux choix « erronés » d’une direction particulière. Pour moi, l’explication est toute autre : avec la troisième révolution industrielle, le capitalisme est en expansion et non plus en crise. Cette transformation a créé un rapport de forces très défavorable à la classe ouvrière. A partir de là, les partis communistes avaient le choix : rester avec la classe ouvrière et sombrer avec elle, ou devenir des partis des « classes moyennes » triomphantes, et cesser d’être véritablement « communistes »… et c’est ce dernier choix qui s’est presque partout imposé.

      [Le constat de base, c’est que le mouvement ouvrier du 20ème siècle a échoué.]

      Vous y allez un peu vite, je trouve. Regardez ce qu’était la condition ouvrière à la fin du XIXème siècle, et regardez ce qu’elle est aujourd’hui. Après une telle comparaison, parler d’échec me paraît un peu rapide. Il est vrai que le mouvement ouvrier n’a pas – pour le moment – réussi à abolir l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais l’histoire est un mouvement lent. Il a fallu trois siècles pour que les mouvements bourgeois commencés à la Renaissance aboutissent à un changement radical du mode de production. Parler d’échec du mouvement ouvrier me semble pour le moins prématuré.

      [Le problème théorique…, disais-je, …c’est que la rupture de 68 posait bel et bien la question, ici et maintenant,…]

      De quelle « rupture » parlez-vous ? En quoi 68 est une « rupture » pour vous ?

      [d’une reprise de l’hypothèse communiste, …et pas la question du « socialisme à la française » !… Celle-ci ne résultant que d’une sous-estimation des niveaux de consciences !…]

      Je reconnais-là la thèse de Lucien Sève. Mais elle ne m’a jamais convaincu. Derrière l’idéologie, il faut s’intéresser aux rapports matériels. La « rupture » – les guillemets sont obligatoires – de 1968, c’est la prise du pouvoir par les « classes moyennes », et non par la classe ouvrière. « L’hypothèse communiste », n’en déplaise à Sève, n’était donc certainement pas à l’ordre du jour, alors que l’objectif des « classes moyennes » était de reprendre une bonne partie de la richesse récupérée par les couches populaires pendant les « trente glorieuses ».

      [L’Union n’était d’ailleurs Soviétique que de nom, et le « communisme d’État », parfait oxymore, a fait du communisme un semblant, passablement sanglant, et son écroulement était en réalité programmé dès 68, par la taupe de l’Histoire !…]

      D’abord, l’URSS n’a jamais prétendu avoir construit le « communisme », d’Etat ou autrement. Ils se sont contentés, fort prudemment, de se qualifier de « socialistes ». Ensuite, si vous considérez que l’écroulement de l’URSS était « programmé dès 1968 », alors vous admettez que ceux qui ont dirigé le pays après cette date n’ont aucune responsabilité dans sa chute, puisque celle-ci était déjà « programmée par la taupe de l’Histoire ». Je vous rappelle qu’on n’est responsable que de ce qu’on peut changer…

      [Ce type de système n’a eu besoin de personne pour se casser la gueule, et certainement pas d’une sorte de coalition des « classes moyennes », à l’échelle mondiale !… Penser, voire dire cela, ce serait une monumentale erreur de diagnostic !…]

      Je ne suis pas d’accord. Je vous ferai remarquer que l’URSS – mais aussi le reste des « démocraties populaires » ne sont pas tombées suite à des révoltes ouvrières, mais suite à des « révolutions de velours » orchestrées et exécutées par les « classes moyennes ». C’est d’ailleurs intéressant de constater que dans ces pays il n’y avait pas de « bourgeoisie » à proprement parler. Alors, si vous voulez être matérialiste, quelle est la classe sociale qui a pris le pouvoir progressivement après 1968 ?

      [(Soit-dit en passant, j’aime beaucoup un philosophe marxien comme Michel Clouscard, mais ce qu’il a écrit, du genre, sur la « contre-révolution » de 68, n’est pas unilatéral, contrairement à certains usages qui en sont faits, à la Alain Soral…).]

      Ce n’est peut-être pas « unilatéral », mais c’est tout de même assez explicite. Vous aurez du mal à faire dire à Clouscard que 1968 fut une révolution prolétarienne.

      [Nous sommes aujourd’hui, avec Macron, rendus dans un nouveau type de système totalitaire, plus sophistiqué, mais reposant toujours sur le silence des masses !…]

      Je ne vois pas très bien en quoi Macron est « totalitaire ». Les mots ont un sens, respectons-les.

      [Mais « l’analyse de la crise », portée par le PCF au début des années 70, la considérant comme globale, et y compris « morale », est toujours valable !… Plus que jamais !…]

      Je ne le crois pas. Je pense que le PCF a commis une sérieuse erreur d’analyse en imaginant que la « crise économique » qui commence au début des années 1970 était une crise systémique du capitalisme. C’était tout le contraire : le capitalisme amorçait une nouvelle phase d’expansion, qui allait changer le rapport de forces au détriment de la classe ouvrière et au bénéfice d’un nouveau bloc dominant, celui de l’alliance entre les « classes moyennes » et la bourgeoisie. Le PCF en était resté à sa vieille analyse, celle d’une possible alliance entre les couches populaires et les « classes moyennes » contre la bourgeoisie, sans se rendre compte que cette analyse était périmée. Si le PCF l’avait compris, jamais il ne se serait commis avec le PS, c’est-à-dire le parti qui allait porter les « classes moyennes » au pouvoir politique et marginaliser une bonne foi pour toutes les couches populaires.

      [Au demeurant, la réponse aurait du, théoriquement, être autre que par le Programme Commun,]

      Là, je ne vous comprends plus. D’un côté, vous me dites que l’analyse du PCF au début des années 1970 « reste toujours valable », et ensuite vous m’expliquez que la conclusion logique de cette analyse, c’est-à-dire, l’alliance avec les partis des « classes moyennes » était une erreur ? Va falloir vous décider…

      [Au demeurant, la RÉALITÉ du combat de classes mondial a été marquée à la fois, du côté de notre adversaire, les puissances d’Argent, par une contre-offensive et une stratégie du choc, de révolution conservatrice, inaugurée par le coup d’État au Chili du 11 septembre 1973, et par une réflexion en profondeur, sur la nouvelle manière de « gérer » les gens… Macron en est, chez nous, la dernière manifestation… Au comble de l’esprit managérial s’étant emparé de l’État !…]

      Mais sur qui se sont appuyés les « puissances d’argent » pour mener cette contre-offensive ? Puisque vous donnez l’exemple du chili, quelles sont les couches sociales qui dans la société chilienne ont organisé les « concerts de casseroles » contre Allende, saboté le gouvernement de l’Unité Populaire et appelé à cor et à cri une intervention militaire ? Ne serait-ce les « classes moyennes », par hasard ? Mais oui, bien sur que si ! Et ce fut la même chose chez nous. Qui a permis l’arrivée et le maintient au pouvoir de Thatcher en Grande Bretagne, du Mitterrand du « tournant de la rigueur » chez nous ? Ne serait-ce par hasard ces mêmes « classes moyennes », fatiguées de payer des impôts pour financer les écoles, les hôpitaux et les retraites des couches populaires ? Et Macron, aujourd’hui, dans quelles couches sociales se recrute préférentiellement son électorat et ses soutiens ?

      [Le communisme moderne, conçue comme posant l’horizon de dépassement de la querelle de l’individu et de l’espèce, c’est le fond théorique d’une stratégie autogestionnaire, où la question de l’autonomie trouve son sens plein, et non creux !…]

      Tout ça m’a l’air bien creux… c’est quoi exactement une « stratégie autogestionnaire » ?

      [De ce point de vue, en repensant à Althusser, précédemment invoqué, …l’on peut même se dire que, théoriquement parlant, l’abandon du concept de centralisme démocratique, foncièrement délégataire, était certainement plus urgent que celui de la dictature du prolétariat !…]

      Je n’ai toujours pas compris en quoi le fait d’être « délégataire » entraine nécessairement qu’il faudrait l’abandonner. Qu’est ce que vous avez contre le principe de délégation ? Pour moi, la délégation est implicite dans la division du travail elle-même. Je « délègue » à mon avocat le soin de me défendre dans une cour de justice, parce qu’il est bien plus compétent que moi sur les questions de droit. Je « délègue » à mon médecin le choix des médicaments que je prends, parce qu’il est infiniment plus compétent sur la question que moi. Je « délègue » à mon plombier l’entretien de ma chaudière, parce que mes compétences dans le domaine sont bien moindres que les miennes. Pensez-vous vraiment que dans la société idéale chacun de nous devrait compléter des études d’avocat, de médecin et de chauffagiste, de manière à pouvoir tout faire soi-même ? Et si vous admettez qu’il est raisonnable de déléguer à un professionnel compétent que l’on choisit la défense de notre liberté, le soin de notre santé… pourquoi pas le gouvernement de l’Etat ?

      [Car le centralisme démocratique, dans les pays de l’Est, ça s’est traduit par dictature SUR le prolétariat.]

      Est-ce une raison suffisante pour y renoncer ? Pensez-vous qu’il faudrait renoncer par exemple à la démocratie parlementaire du fait qu’elle a permis à Hitler d’arriver au pouvoir ? Quand en essayant de planter un clou vous vous donnez un coup de marteau sur les doigts, décrétez vous qu’il est indispensable de détruire tous les marteaux ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      Je reprends du début… Comme vos différentes « positions » sont établies et se répètent, je peux y réponde… Je n’aurai pas besoin de le faire de manière aussi systématique qu’ici :

      [Le 26/07/2017 18:32 : Il est clair que le PCF « marchaisien » établissait une hiérarchie claire entre les intérêts des couches populaires et ceux des « classes moyennes », hiérarchie que les « classes moyennes » triomphantes des années 1980 n’étaient pas prêtes à accepter. (…) En trente ans, TOUS les partis politiques se sont alignés sur les intérêts des « classes moyennes », PCF inclus.]
      Le Centralisme Démocratique n’était en tout cas visiblement pas une condition politique suffisante pour la défense des intérêts populaires.
      « Au hasard », je cite Lucien Sève, qui écrivait dans « Communisme : quel second souffle ? » (1990), page 241 : « Lénine aimait à dire que la dialectique est l’essentiel dans le marxisme, son point central, son âme vivante. Cela vaut du marxisme pratique tout autant que théorique. À bien envisager les choses, centralisme démocratique et dialectique en actes sont synonymes. »
      Eh bien je dois dire que cette pétition de principe, …ce n’est pas exactement « mon expérience » du PCF !…
      Un élément idéologique des classes moyennes, c’est me semble-t-il une idéologie de « l’équilibre », qui exclut la dialectique !… Et il se trouve que les orientations de congrès que j’ai connues se sont voulues justement « équilibrées », en tant que cultivant le paradoxe et l’ambiguïté, qui consistait à dire des choses logiquement contradictoires, en même temps. Ce n’est pas cela, la dialectique, en principe pratiquée par « un intellectuel collectif » qui lui serait entièrement dévoué !… C’est plutôt une manière de conforter des tendances opposées, par de savants dosages, où la « politique » s’impose à la théorie, par un jeu de balancier…
      Cela ressort de l’examen des décisions d’orientations des congrès du PCF, sur toute une longue période, au long des années 70 et 80. Au 22ème congrès, le modèle soviétique fut contesté…, et « en même temps » le socialisme réellement existant conservait une supériorité morale indéniable… ; le 23ème congrès a osé parler de stratégie autogestionnaire, « en même temps » que le bilan des pays de l’Est étaient vus comme globalement positifs…; il me semble que les 24 et 25ème congrès posaient que nous avions laissé la dominance au PS, parce que la perspective avait été relativement obérée, de notre fait d’un socialisme à la française, mais « en même temps » un concept…, comme un type de fonctionnement de parti devaient demeurer intangible, isomorphe aux principes méritocratiques en cours à l’Est, tout en devenant le centre d’un « rassemblement populaire majoritaire » d’un nouveau type !… Et du coup, des gens comme moi, qui réclamaient, certes avec beaucoup de tâtonnements, que nous nous dotions du parti d’une stratégie affichée depuis 2 congrès, dite autogestionnaire,… étaient forcément, oui, « de mauvais camarades » qui avaient viré leur cuti, et étaient devenus, éventuellement sans même le savoir, des agents de l’adversaire de classe !… Dame !…: Etc. etc. !… C’est ainsi que l’on peut constater que, au bout des choses, le manque récurrent de logique n’est capable que de produire à l’arrivée des effets de cercles de représailles internes !…

      [Le27/07/2017 16:58 : J’attends que quelqu’un m’explique en quoi la « mutation » conduite par Hue et applaudie par Hermier et Martelli « correspondait à la classe ouvrière de la 2ème moitié du 20ème siècle ».]
      À qui parlez-vous ? Où avez-vous vu que je défendais spécialement « la Mutation » ? Telle qu’elle s’est jouée, je la considère « globalement » comme une suite des zigzags stratégiques de l’ère Marchais. Il ne suffit pas pour moi qu’elle ait commencé par la mesure de l’abandon du centralisme démocratique, que j’approuvais certes, mais pas comme ça, de manière atemporelle, comme si nous avions l’éternité pour nous !…

      [Fiterman, qui pendant des années avait été le fidèle numéro deux de Marchais n’a jamais protesté contre la « ligne ». Devenu ministre, il voit une opportunité de « prendre » le Parti… et tout à coup il devient « refondateur ». Curieux, n’est ce pas ?]
      Je trouve que raisonner comme vous le faites, c’est voir les choses par le petit bout de la lorgnette.

      [LREM et LFI, sont toutes deux hypermonolithiques.]
      Et hop là !… LREM et FI dans le même sac !… Comme vous y allez !…

      [à LREM et LFI, dont les dirigeants suprêmes ont tout pouvoir sans être limités par une quelconque instance.]
      Je ne crois pas, personnellement, que la FI pourra continuer longtemps comme ça…

      [le sectarisme qu’on pourrait appeler « stalinien » érigeait en dogme les valeurs des couches populaires, le sectarisme actuel fait la même chose avec les valeurs des « classes moyennes ».]
      Je ne vais pas vous narrer toute ma trajectoire. Je suis foncièrement un anti-sectaire.

      [le fait d’avoir la majorité ne vous assure pas d’avoir raison.]
      Je vous le confirme. Mais « je » ne pouvais pas avoir la majorité en 1994. Je n’y étais plus.

      [Ce n’est pas Marchais, mais Hue, qui abolit le centralisme démocratique.]
      Faux. Je viens de lire, sous la plume d’Henri Malberg, que Marchais a « impulsé » l’abandon du centralisme démocratique.

      [En fait, si le « centralisme démocratique » fut aboli, c’est surtout parce qu’il ne « correspondait plus » aux ambitions des élus et des permanents, les nouveaux « barons » du Parti.]
      Je considère que vous shuntez complètement l’enjeu, sous le prétexte de ce constat !…

      [c’est quand que vous avez découvert qu’un individu peut avoir tort contre le groupe ?]
      Du moins, lorsque, il me semble, il y a bien longtemps,… la partie visible du comité central fut publiée, qui suivit la signature du programme Commun de 1972, avec une formule d’engagement des communistes à « faire marcher leur tête », il me semble que cela encourageait le sens critique personnel… il me semble que la question de l’autonomie (bien comprise) des individus devrait être considérée comme inséparable de celle de l’organisation qu’il nourrissent de leur apport !…

      [aujourd’hui, que le Parti fait finalement ce que vous préconisiez en 1984]
      Vous plaisantez ?

      [mai 1968, le seul évènement historique qu’on puisse aujourd’hui idéaliser sans qu’on vous retourne immédiatement un « crime ».]
      Je n’ai pas compris. Vous voulez dire « qu’on ne puisse désidéaliser » ?

      [C’est donc la référence au passé qui fait la « nouveauté ».]
      Pas seulement. Citons « http://www.regards.fr/nos-selections/Qu-est-ce-que-la-politique , article de Regards, de Gildas Le Dem, sur : Qu’est-ce que la politique ? Livre de Hannah Arendt, au seuil.
      « …la liberté politique, selon Arendt, n’est pas la liberté de choisir entre les termes d’une alternative donnée, mais la liberté de faire advenir quelque chose de nouveau en ce monde. Elle est pouvoir de commencer, le « droit de commencer quelque chose de nouveau », qui revient en partage à chaque génération. Est donc véritablement politique la parole qui inspire confiance, nous fait faire quelque chose ; et qui suscite l’inventivité, nous fait faire quelque chose d’inédit. » ».
      Commencer quelque chose de nouveau n’a rien d’automatique !…

      [La question intéressante, c’est surtout celle de savoir POURQUOI tant d’adhérents disent « Bof, c’est du passé, regardons les combats d’aujourd’hui ». POURQUOI a des générations de militants qui se plaisaient à connaître une histoire et à y puiser les références (quitte à la déformer) a succédé une génération qui rejette cette connaissance et qui est persuadée qu’on peut conduire sans rétroviseur. Si au lieu de penser en termes de « c’est la faute à Marchais » comme le firent les « Réfondateurs » et autres « Rénovateurs » on s’était posé cette question fondamentale, on n’en serait pas là.]
      C’est une vision loufoque des choses. En quoi les refondateurs tourneraient le dos à l’Histoire ? Ce n’est pas sérieux !… En revanche, il me faut vous rappeler la dimension de désinvolture politico-historique qui fut celle de l’ère Marchais !… C’est au lendemain de « l’échec » de la réactualisation du Programme Commun qu’on en est venu à se retourner contre la mémoire du Front Populaire, dont la « nostalgie » aurait expliqué l’erreur de l’Union de la Gauche au sommet !… On en est du coup arrivé à se dire… que le PCF ne devait plus avoir de modèle (de société, ni d’individu, je pourrais préciser…), ni dans le temps, ni dans l’espace !… Je n’invente rien !… Alors, de quel côté est le reniement ?!?…

      [quel serait l’intérêt politique – car le PCF est un parti politique, et non une institution universitaire – de cette révision « officielle » de l’histoire ?]
      L’intérêt politique, ce serait de prendre la mesure réelle de la révision stratégique et organisationnelle, quelque part « déchirante » qu’il aurait fallu, et qu’il faut toujours opérer, après « l’échec » d’une stratégie de la gauche par le sommet… Si tant est qu’un parti comme le PCF n’était pas dispensé de réactivité historique digne de ce nom !… La question posée alors du comment réaliser un « rassemblement populaire majoritaire » de type nouveau, c’est-à-dire dans un sens autogestionnaire, se posait déjà, et se pose toujours !… Et c’est en regardant en face toutes les erreurs et toutes les tergiversations passées, que l’on peut se donner toutes les chances de rebondir !…

      [l’histoire est toujours bien plus ambiguë que cela.]
      On dirait que vous y tenez, à l’ambiguïté !…

      [Les hommes ont besoin de vérité, et c’est pourquoi on fait l’histoire. Mais les hommes ont besoin aussi d’idéalisation]
      Parce que ça s’oppose forcément ?

      [Ce que le PCF n’a jamais toléré – et il avait raison – c’est que les « opinions » servent à constituer des dissidences publiques qui permettent aux « barons » du PCF de créer leurs propres fiefs, et aux ennemis du PCF de jouer une « tendance » contre une autre. C’est cela qui est en jeu, et rien d’autre.]
      L’unité d’un parti n’a pas de sens, dans la seule discipline de parti !… Ce qui est en jeu, c’est l’efficacité militante elle-même !… le pouvoir de conviction de chacune et chacun ne peut pas exister, dans une ambiance, comme je dis d’ACDC: d’Auto-Culpabilisation-Discipline-et-Censure !… Au demeurant, comme je l’ai montré plus haut, je considère que l’ère Marchais a créé du clivage !… Ah ça c’est sûr, il tenait à l’unité « physique » du Parti. Mais ça ne suffit pas !… Comme je l’ai monté au départ, lorsque des lignes politiques sont en zigzags, et qui plus est plus ou moins contradictoires, pour ne pas dire schizophréniques, ça ne peut pas « conserver » un parti uni !…
      J’ajoute ceci : Il me semble que ce devait être pour le 5ème anniversaire de la disparition de Georges Marchais, … Marie-George Buffet avait rappelé, dans l’hommage qu’elle avait prononcé, une phrase de lui, dont il était lui-même friand, puisqu’il était arrivé qu’il s’en serve lui-même pour se citer lui-même !… Cette petite phrase avait quelque chose, au demeurant, oui, de clivant, car elle disait… qu’il lui arrivait, au Jojo, de s’étonner de rencontrer « des communistes conservateurs »… Ouh là !… Regardez-vous les gars !… C’est qui parmi vous les modernes ? C’est qui les archaïques ?!?… Au demeurant, oui, je considère qu’une certaine désinvolture théorique sur une base « pragmatique » ne pouvait, à terme, que liquider le parti, dans la mesure où sa « gestion » n’a pu, schématiquement, consister qu’en compromis de plus en plus intenables entre d’un côté des éléments de doctrine intouchables, et de l’autre une volonté de changer pour changer !…

      [lorsque le « centralisme démocratique » a été aboli, cette « laïcisation » dont vous parlez tant. Que s’est-il passé ? A-t-on assisté au fleurissement d’un débat interne riche, d’un processus démocratique renouvelé, d’une élaboration politique plus intelligente ? Non]
      L’histoire ne repasse pas les plats.

      [sabotage de la candidate officielle du PCF aux élections présidentielles de 2007]
      La candidature de Marie-George Buffet, selon moi, aurait eu son sens, à la place de celle de Robert Hue, en 2002. Là, le contexte était autre.

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Le Centralisme Démocratique n’était en tout cas visiblement pas une condition politique suffisante pour la défense des intérêts populaires.]

      Je tirerais la conclusion contraire. Je constate que TOUS les partis communistes européens ont aboli le CD comme préalable à leur transformation en parti des « classes moyennes ». Clairement, le CD constituait un obstacle insurmontable à cette transformation.

      [Un élément idéologique des classes moyennes, c’est me semble-t-il une idéologie de « l’équilibre », qui exclut la dialectique !…]

      Je n’ai pas très bien compris cette histoire de « idéologie de l’équilibre ». Pourriez-vous être plus explicite ?

      [Et il se trouve que les orientations de congrès que j’ai connues se sont voulues justement « équilibrées », en tant que cultivant le paradoxe et l’ambiguïté, qui consistait à dire des choses logiquement contradictoires, en même temps. Ce n’est pas cela, la dialectique, en principe pratiquée par « un intellectuel collectif » qui lui serait entièrement dévoué !…

      Là encore, pourriez-vous être plus explicite ? Je ne vois pas très bien à quelles choses « logiquement contradictoires » vous faites allusion. Par ailleurs, la dialectique n’exclut pas la contradiction : « à l’affirmation « il est nécessaire qu’une porte soit ouverte ou fermée », le dialecticien répond : « je n’en vois pas la nécessité » ».

      [Cela ressort de l’examen des décisions d’orientations des congrès du PCF, sur toute une longue période, au long des années 70 et 80. Au 22ème congrès, le modèle soviétique fut contesté…, et « en même temps » le socialisme réellement existant conservait une supériorité morale indéniable… ; le 23ème congrès a osé parler de stratégie autogestionnaire, « en même temps » que le bilan des pays de l’Est étaient vus comme globalement positifs…;]

      Je ne vois pas très bien où sont les « contradictions » là dedans. Que le modèle soviétique fut « contesté » en tant que modèle universel applicable partout n’implique pas qu’il ne puisse être « moralement » supérieur. Et on peut parfaitement choisir POUR LA FRANCE une « stratégie autogestionnaire » tout en considérant que le bilan des pays de l’Est est « globalement positif ». Vous semblez avoir du mal à accepter que quelque chose puisse être vérité en deçà du « rideau de fer », et mensonge au-delà. Le mérite de Marchais est d’avoir établi une séparation claire entre le communisme français et le communisme soviétique, d’avoir affirmé que ce qui était bon pour l’URSS n’était pas nécessairement bon pour la France, et que chaque parti communiste devait s’occuper de ce qui se passe chez lui, et faire preuve de prudence avant de juger ce que font les autres chez eux.

      [Et du coup, des gens comme moi, qui réclamaient, certes avec beaucoup de tâtonnements, que nous nous dotions du parti d’une stratégie affichée depuis 2 congrès, dite autogestionnaire,… étaient forcément, oui, « de mauvais camarades » qui avaient viré leur cuti, et étaient devenus, éventuellement sans même le savoir, des agents de l’adversaire de classe !…]

      Eh oui. Quand « les gens comme vous » ont commencé à « réclamer » depuis les colonnes de « Le Monde » ou de « Libération », quand ils se sont prêtés aux opérations médiatiques comme celle du témoignage de « Fabien », quand ils ont été quémander auprès de Mitterrand de l’aide pour renverser la direction du PCF et prendre sa place, oui, ils sont devenus de mauvais camarades, et sans le savoir, des agents de l’adversaire de classe. Et d’ailleurs, c’est chez l’adversaire de classe qu’on les trouvera, quelques années plus tard, et à des postes importants…

      [À qui parlez-vous ? Où avez-vous vu que je défendais spécialement « la Mutation » ?]

      Mais dans vos écrits, pardi. Relisez-vous, relisez ensuite le « Manifeste » du 28ème Congrès ou le livre de Robert Hue « Communisme : la mutation », et vous verrez qu’il est difficile de distinguer votre position de la sienne. Sur l’autogestion, sur le CD, sur « faire avec les gens », sur plein d’autres points, l’accord est parfait. Mais peut-être ais-je mal compris, alors j’aimerais bien entendre vos explications : quels sont les points précis sur lesquels votre position et celle de ceux qui ont soutenu la « mutation » diffèrent.

      [Telle qu’elle s’est jouée, je la considère « globalement » comme une suite des zigzags stratégiques de l’ère Marchais. Il ne suffit pas pour moi qu’elle ait commencé par la mesure de l’abandon du centralisme démocratique, que j’approuvais certes, mais pas comme ça, de manière atemporelle, comme si nous avions l’éternité pour nous !…]

      Je suis désolé, mais c’est trop facile. Quand on a défendu une position politique, il faut assumer les conséquences lorsque celle-ci est mise en œuvre. On ne peut pas s’exonérer en disant « ce n’est pas ça que j’ai voulu » lorsque les conséquences ne correspondent pas à ce qui était prévu.

      [« Fiterman, qui pendant des années avait été le fidèle numéro deux de Marchais n’a jamais protesté contre la « ligne ». Devenu ministre, il voit une opportunité de « prendre » le Parti… et tout à coup il devient « refondateur ». Curieux, n’est ce pas ? » Je trouve que raisonner comme vous le faites, c’est voir les choses par le petit bout de la lorgnette.]

      Peut-être, mais ça ne répond pas à la question. Comment expliquez vous la brusque conversion de Fiterman ?

      [« LREM et LFI, sont toutes deux hypermonolithiques ». Et hop là !… LREM et FI dans le même sac !… Comme vous y allez !…]

      J’ai expliqué longuement dans mon papier sur « l’égo-politique » pourquoi LREM et LFI peuvent être considérés comme les deux faces de la même médaille, tant ils ont de point communs. Juste pour mémoire : tous deux sont la création d’un homme seul qui s’autorise de lui-même, sans consulter ni demander le mandat de personne. Tous deux fonctionnent de manière verticale, la totalité du pouvoir étant concentrée dans les mains d’un seul homme. Aucun des deux n’a de statuts, d’instances élues, de processus de décision transparents, et toutes nominations, toutes décisions viennent du Chef ou de ceux qu’il a choisis.

      [« à LREM et LFI, dont les dirigeants suprêmes ont tout pouvoir sans être limités par une quelconque instance ». Je ne crois pas, personnellement, que la FI pourra continuer longtemps comme ça…]

      Je ne sais pas, mais pour le moment Mélenchon continue à manifester sa réticence à donner à son mouvement une quelconque structuration qui l’obligerait à partager ou au moins à limiter son contrôle sur l’organisation.

      [Je ne vais pas vous narrer toute ma trajectoire. Je suis foncièrement un anti-sectaire.]

      Je ne parle pas de vous. J’évite chaque fois que c’est possible de faire des jugements personnels. Je parle du fonctionnement des partis des « classes moyennes », dont LFI et le PCF aujourd’hui sont deux bons exemples. Mais ce n’est guère mieux chez les macronistes ou le PS.

      [« le fait d’avoir la majorité ne vous assure pas d’avoir raison ». Je vous le confirme. Mais « je » ne pouvais pas avoir la majorité en 1994. Je n’y étais plus.]

      Vous n’y étiez plus, mais vos idées y étaient, portées par d’autres.

      [« Ce n’est pas Marchais, mais Hue, qui abolit le centralisme démocratique ». Faux. Je viens de lire, sous la plume d’Henri Malberg, que Marchais a « impulsé » l’abandon du centralisme démocratique.]

      Malberg peut dire ce qu’il veut, mais le centralisme démocratique disparaît des statuts au 28ème Congrès du 25-29 janvier 1994. Marchais avait passé la main à la fin de 1993.

      [« En fait, si le « centralisme démocratique » fut aboli, c’est surtout parce qu’il ne « correspondait plus » aux ambitions des élus et des permanents, les nouveaux « barons » du Parti ». Je considère que vous shuntez complètement l’enjeu, sous le prétexte de ce constat !…]

      Je ne vois pas très bien en quoi je « shunterai » quoi que ce soit. Au cas ou vous l’aurez oublié, la décision d’abandonner le CD n’est pas venue de la base, mais du sommet. Ce ne sont pas les militants de base qui ont ajouté ce point dans le texte du congrès, c’est le projet élaboré par le Comité central de l’époque qui le propose. Cela ne vous étonne pas, vous, que la proposition soit venue – et ait été défendue avec enthousiasme – par ceux là même qui selon vous y avaient le plus à perdre ?

      Il faut regarder les choses en face. Ce sont les « notables » et les permanents du PCF qui ont impulsé l’abandon du CD. Et c’est logique : ce sont eux qui avaient beaucoup à gagner. Lacordaire avait raison : « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Avec l’abolition du CD, les adhérents ont gagné le droit de dire ce qu’ils voulaient, alors que dirigeants et « notables » ont gagné le droit de faire ce qu’ils voulaient de leurs sièges, leurs prébendes et les biens du Parti. Qui a gagné le plus au changement ?

      [« c’est quand que vous avez découvert qu’un individu peut avoir tort contre le groupe ? »
      Du moins, lorsque, il me semble, il y a bien longtemps,… la partie visible du comité central fut publiée, qui suivit la signature du programme Commun de 1972, avec une formule d’engagement des communistes à « faire marcher leur tête », il me semble que cela encourageait le sens critique personnel…]

      J’ai l’impression que vous n’avez pas bien lu la question…

      [« aujourd’hui, que le Parti fait finalement ce que vous préconisiez en 1984 » Vous plaisantez ?]

      Est-ce que j’ai l’air de plaisanter ? Non, je ne plaisante pas du tout. Vous vouliez l’abolition du CD ? Vous l’avez. Vous vouliez la liberté pour chaque adhérent de dire ce qu’il veut ? Vous l’avez. Vous vouliez une prise en compte des « nouvelles luttes » issues de mai 1968 ? Vous l’avez. Je ne comprends pas très bien sur quel point le PCF d’aujourd’hui ne correspond pas à ce que vous demandiez en 1984.

      Et puis, souvenez-vous de ce que disait Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

      [« mai 1968, le seul évènement historique qu’on puisse aujourd’hui idéaliser sans qu’on vous retourne immédiatement un « crime » ». Je n’ai pas compris. Vous voulez dire « qu’on ne puisse désidéaliser » ?]

      Non, j’ai bien dit « idéaliser ». Si vous idéalisez la révolution française, on vous sortira la guillotine. Si vous idéalisez le règne de Napoléon, on vous sortira l’esclavage. Si vous idéalisez la IIIème République, on vous traitera de colonialiste. Mais si vous déclarez que mai 1968 était une révolution généreuse et joyeuse, personne n’ira vous contredire. Mai 1968, c’est un peu la matrice symbolique du pouvoir des « classes moyennes », et c’est pourquoi c’est le mythe intouchable.

      [« C’est donc la référence au passé qui fait la « nouveauté » » Pas seulement.]

      Oui, seulement. Pour qu’il y ait quelque chose de « nouveau », il faut qu’il y ait quelque chose « d’ancien », autrement il serait « nouveau » par rapport à quoi ? Le mot « nouveau » lui-même décrit un rapport avec le passé. Etre « nouveau », c’est être différent du passé. Et comment pourrait-on être différent du passé s’il n’y a pas de passé auquel se référer ?

      [C’est une vision loufoque des choses. En quoi les refondateurs tourneraient le dos à l’Histoire ? Ce n’est pas sérieux !…]

      Au contraire, c’est très sérieux. Je vous conseille de relire avec un œil avisé les documents produtis par les « réfondateurs/rénovateurs ». Vous remarquerez l’usage quasi obsessionnel du mot « inédit » et d’autres formules équivalentes destinées à affirmer que le moment présent était totalement différent de tout passé, et donc déconnecté de toute expérience historique. Des formules du genre « nous vivons un moment inédite » ou « la situation est inédite » – sous entendu, l’expérience passée ne nous sert à rien – reviennent très souvent. Vous noterez que, parallèlement à cet usage, disparaissent progressivement des textes les références historiques… Martelli, qui se présente toujours comme « historien », est capable d’écrire de longs articles politiques sans jamais utiliser dans son analyse des expériences antérieures à sa propre expérience. Si ce n’est pas « tourner le dos »… je me demande ce que c’est.

      [En revanche, il me faut vous rappeler la dimension de désinvolture politico-historique qui fut celle de l’ère Marchais !…]

      J’ai fait de nombreuses écoles sous l’ère Marchais. Et il était à l’époque impensable de faire une école sans inviter quelqu’un pour parler d’histoire. Regardez le programme des écoles aujourd’hui, et vous verrez ce que « désinvolture historique » veut dire.

      [On en est du coup arrivé à se dire… que le PCF ne devait plus avoir de modèle (de société, ni d’individu, je pourrais préciser…), ni dans le temps, ni dans l’espace !… Je n’invente rien !… Alors, de quel côté est le reniement ?!?…]

      Pourriez-vous m’indiquer qui précisément est arrivé à dire pareille chose ?

      [L’intérêt politique, ce serait de prendre la mesure réelle de la révision stratégique et organisationnelle, quelque part « déchirante » qu’il aurait fallu, et qu’il faut toujours opérer, après « l’échec » d’une stratégie de la gauche par le sommet…]

      Et quel est l’intérêt de « prendre la mesure réelle » de ce qu’il aurait fallu faire alors qu’il est bien trop tard pour s’y mettre ? En dehors de permettre à certains d’avoir la satisfaction du « je vous l’avait bien dit », je ne vois pas l’intérêt.

      [La question posée alors du comment réaliser un « rassemblement populaire majoritaire » de type nouveau, c’est-à-dire dans un sens autogestionnaire, se posait déjà, et se pose toujours !…]

      Je ne vois pas très bien en quoi elle se pose aujourd’hui. L’expérience n’a pas montré que l’autogestion soit une solution aux problèmes des couches populaires. Elle a au contraire montré que les logiques autogestionnaires aboutissent au contraire à une prise de pouvoir plus ou moins rapide par les membres de la collectivité les mieux armés pour l’exercer, c’est-à-dire, les « classes moyennes ». J’ai l’impression que vous tenez pour évident que l’autogestion est une bonne chose. Personnellement, j’en doute, et j’attends des arguments.

      [Et c’est en regardant en face toutes les erreurs et toutes les tergiversations passées, que l’on peut se donner toutes les chances de rebondir !…]

      Et bien, j’attends toujours que les « refondateurs/rénovateurs » regardent leurs erreurs et leurs tergiversations en face. Peut-être cela leur permettrait de « rebondir » ? Pourquoi demander des uns ce qu’on ne demande pas aux autres.

      [« l’histoire est toujours bien plus ambiguë que cela ». On dirait que vous y tenez, à l’ambiguïté !…]

      Bien sur que j’y tiens. Parce qu’effacer l’ambiguïté, c’est transformer l’histoire en leçon de morale. Et je me méfie beaucoup des moralisateurs.

      [« Les hommes ont besoin de vérité, et c’est pourquoi on fait l’histoire. Mais les hommes ont besoin aussi d’idéalisation » Parce que ça s’oppose forcément ?]

      Le plus souvent, oui. L’idéalisation a besoin de blanc et de noir, de bons et de méchants. L’histoire tend à démontrer que les bons ne sont pas si bons, et les méchants ne sont pas si méchants. L’histoire restitue des hommes, là ou les gens ont besoin d’anges et de démons.

      [« Ce que le PCF n’a jamais toléré – et il avait raison – c’est que les « opinions » servent à constituer des dissidences publiques qui permettent aux « barons » du PCF de créer leurs propres fiefs, et aux ennemis du PCF de jouer une « tendance » contre une autre. C’est cela qui est en jeu, et rien d’autre ». L’unité d’un parti n’a pas de sens, dans la seule discipline de parti !… Ce qui est en jeu, c’est l’efficacité militante elle-même !…]

      Pas seulement. Est en jeu aussi le pouvoir des militants sur leur propre parti. Tant que le CD était là, les « barons » avaient besoin du Parti, et donc en dernière instance des militants. Sans le CD, les « barons » sont devenus propriétaires de leurs mandats. Ils n’ont plus besoin du Parti, c’est le Parti qui a besoin d’eux.

      [le pouvoir de conviction de chacune et chacun ne peut pas exister, dans une ambiance, comme je dis d’ACDC: d’Auto-Culpabilisation-Discipline-et-Censure !…]

      De quel « pouvoir de conviction » parlez-vous ? L’idée d’un parti où l’on pourrait effacer les différences par le « pouvoir de conviction » est un rêve totalitaire. On ne peut pas changer les idées des gens. Il faut donc se résigner à l’idée que dans un parti, il y aura forcément des différences et des oppositions. La question est : comment on s’organise pour pouvoir peser sur les options politiques MALGRE ces différences et ces oppositions ? Comment on fait pour empêcher ces différences de compromettre l’efficacité de l’action ?

      [Au demeurant, comme je l’ai montré plus haut, je considère que l’ère Marchais a créé du clivage !…]

      Je ne le crois pas. Le « clivage » n’a pas été « créé » par l’ère Marchais. Il traduisait une différence d’intérêts, entre d’un côté les militants issus des « classes moyennes », nombreux à avoir adhéré après mai 1968, et ceux issus des couches populaires. Entre le social-gauchisme des uns et le communisme traditionnel des autres.

      [Ah ça c’est sûr, il tenait à l’unité « physique » du Parti. Mais ça ne suffit pas !… Comme je l’ai monté au départ, lorsque des lignes politiques sont en zigzags, et qui plus est plus ou moins contradictoires, pour ne pas dire schizophréniques, ça ne peut pas « conserver » un parti uni !…]

      Je suis tout à fait d’accord. Marchais aurait mieux fait de conclure que puisqu’on ne voulait pas les mêmes choses, il valait mieux se séparer. Cela aurait donné d’un côté un PCF cohérent dans sa fonction de « parti de la classe ouvrière », et de l’autre côté un parti « alternatif » vaguement soixante-huitard comme celui créé par Juquin lorsqu’il quitta le PCF. Et chacun aurait vécu sa vie.

      [« lorsque le « centralisme démocratique » a été aboli, cette « laïcisation » dont vous parlez tant. Que s’est-il passé ? A-t-on assisté au fleurissement d’un débat interne riche, d’un processus démocratique renouvelé, d’une élaboration politique plus intelligente ? Non » L’histoire ne repasse pas les plats.]

      Mais alors… on a eu tort d’abolir le CD en 1994, puisqu’il était déjà trop tard pour que cette abolition ait des résultats positifs…

      Il faut vous décider. Si en 1994 l’abolition du CD n’était pas de nature à permettre un débat interne riche, un processus démocratique renouvelé et une élaboration politique plus intelligente, alors il fallait le garder. Et si en 1994 l’abolition du CD était de nature à amener ces bienfaits, comment expliquer que ceux-ci ne se soient pas réalisés ?

      [« sabotage de la candidate officielle du PCF aux élections présidentielles de 2007 » La candidature de Marie-George Buffet, selon moi, aurait eu son sens, à la place de celle de Robert Hue, en 2002. Là, le contexte était autre.]

      Peut-être, mais vous ne répondez pas à ma question.

  42. Aubert Sikirdji dit :

    [Eh oui. Quand « les gens comme vous » ont commencé à « réclamer » depuis les colonnes de « Le Monde » ou de « Libération », quand ils se sont prêtés aux opérations médiatiques comme celle du témoignage de « Fabien », quand ils ont été quémander auprès de Mitterrand de l’aide pour renverser la direction du PCF et prendre sa place, oui, ils sont devenus de mauvais camarades, et sans le savoir, des agents de l’adversaire de classe. Et d’ailleurs, c’est chez l’adversaire de classe qu’on les trouvera, quelques années plus tard, et à des postes importants…]

    Eh bien dites-moi, vous n’êtes pas peu vache, dans votre volonté de naufrager « des gens comme moi ». Merci de l’accueil, et bonjour l’écueil !… Je sais, je sais bien ce que vous pensez : que ce sont « des gens comme moi », en vérité, les naufrageurs !… Les gens de mon « camp », comme vous dites !… Avec lesquels il semble hors de question de « pacifier les rapports » !… Dans notre zoo, il aurait fallu admettre que nous étions devenus des étrangers idéologiques les uns avec les autres… À ranger dans des camps adverses !… Car une guerre interne au PCF fut naguère déclarée, de manière invisible !… Une guerre, pas assez évidente pour les naïfs ; une guerre de tranchées… Car, comme vous dites, il faut faire son choix !… Il faut trancher !… Il aurait même fallu le faire de longue date, et de manière bien plus catégorique !… Vous êtes en un sens pour assumer l’ambiguïté formelle inhérente à toute activité politique, mais pas en cette affaire de fond !…

    Au demeurant, vous considérez que faire de « meilleurs » choix n’aurait pas évité qu’on échouât, le communisme du 20ème siècle s’étant planté partout !… Car il y a à ça une cause essentielle : c’est que l’adversaire de classe s’est complètement refait la cerise, en particulier par le fait de s’être ré-acoquiné avec les classes moyennes, depuis 68, occasion rêvée pour celles-ci de prendre leur revanche sur les conquêtes sociales du modèle social français !… En conséquence, vous en déduisez qu’au moment où nous parlions de « crise globale », dès le début des années 70, nous nous mettions le doigt dans l’œil… En somme, à vous suivre, le diagnostic d’une « dimension morale de la crise », ramenant tout au final à « l’individu », et donc à une idéologie de classes moyennes, réduisant les communistes à des communicants, pour ne pas dire à des communiants…, n’aurait abouti qu’à liquider d’autant plus le PCF, car une sorte de mélange d’huile et d’eau entre du « social » et du « sociétal », ne pouvait que trahir au fond la classe pour laquelle nous existions !…

    Eh bien moi je considère que cette clarté de raisonnement que vous professez n’est pas tout à fait aussi claire que vous le pensez. C’est beaucoup trop mécaniste pour être honnête. Ah ça oui, ça fait marxiste. Mais le marxisme, tel qu’il s’est historiquement, pour ne pas dire hystériquement fossilisé, en une « matrice » de pensée « sociologiste », …ce n’est pas Marx !… Au départ, certes, j’étais ainsi, « comme tout le monde coco »… Un « marxiste », pas très laxiste… Et depuis très jeune !… L’on pourrait dire, en ce qui me concerne, je me suis posé en marxiste… à 13-14 ans !… Car c’est en classe de troisième, au lycée Champollion de Grenoble (le même que celui de « mon aîné », Michel Fugain),… que j’ai fait « un exposé », en classe d’histoire-géographie et « instruction civique », à l’aide de la compulsion unique d’un « manuel » soviétique (que j’aurais bien aimé retrouver depuis…), sur « le Marxisme (-Léninisme ) »… Excusez du peu. Il faut dire que je me souviens avoir dit des choses passablement simplistes !… Du genre : qu’il n’y avait pas d’effets sans causes !… « La base » de la société expliquant « les superstructures »… Le développement des forces productives devant « nécessairement » déboucher sur la transformation des rapports sociaux… Etc., etc. Ce n’était pas faux, mais c’était commencer par s’enfermer dès le plus jeune âge… dans les raisonnements perpétuellement mécanistes, qui ont fourni au demeurant le grand prétexte de la grande « matrice » inquisitoriale stalinienne !…

    Moi ce que je pense, c’est que d’un renouvellement du communisme, quelques soient les avatars de cette « Cause » au 20ème siècle, le PCF portait une responsabilité première. Pas seulement du fait qu’en tant qu’organisation politique, c’était, comme on dit, la « fille aînée de l’Église soviétique » !… Mais parce que, pour le monde entier, la Commune, c’était nous. Parce que, pour le monde entier, les français « ont la tête près du bonnet » !… La Grande Insoumission de Soixante-Huit, je l’ai vécue, cette fois, « grand » lycéen… Et je me souviens du Surveillant Général de l’établissement, qui gérait normalement « les colles » ( les punitions de consignation en classe) et les « avertissements »…, complètement métamorphosé, et se répandant en déclarations comme quoi l’homme, et pour commencer les jeunes, étaient naturellement bons, et que c’était La Société qui les corrompaient !… Ce qui n’était pas tout à fait faux, au demeurant, …car il est vrai que le Culpabilisme « vieille France », qui dominait, était foncièrement corrupteur. Et en même temps, il s’agissait bel et bien : …non pas de « sortir de l’Histoire », mais d’une certaine Histoire !… Devant laquelle nous devions décidément, … et en toute « immodestie », « arrêter de culpabiliser » (n’est-ce pas ?) !…

    Je voudrais reprendre la question des réponses que « l’ère Marchais » a apportées aux « nouvelles aspirations » de « régénération », portées par 68… Car la question se posait à nouveaux frais, et, oui oui, absolument, il faut utiliser ce mot : « de manière inédite », …de savoir ce que parler de révolution à la mode démocratique pouvait signifier !… La question de la Révolution n’étant pas simplement celle d’une sorte d’inversion du sens de l’Histoire qui ne devait se poser comme but que de « faire le contraire », de façon juste mécaniste, et pour ainsi dire soudaine, …de ce qu’il y avait avant !… Au fond, l’esprit mécaniste n’était-il pas ce que le capitalisme, ce que les impérialismes nous avaient imposé comme modes de pensée, et ne fallait-il pas renouer avec l’idée d’« évolution révolutionnaire », …nous venant de Jean Jaurès ?!?…

    Je considère que « les nouveaux retards » de l’ère Marchais ne viennent pas, non, d’avoir trop accédé, pour ainsi dire trop « prêté le flanc » aux aspirations autogestionnaires, mais du fait que nous nous soyons imposé une « déviation obligatoire » vers l’Union de la Gauche par les sommets !… Ces aspirations autogestionnaires, il aurait fallu les raccorder à Notre Histoire : le Front Populaire, le programme du Conseil National de la Résistance… Cela ne signifie pas de produire une stratégie seulement « par le Bas ». Mais « en même temps », comme on dit…, par le Bas et par le Haut !… Dont une pierre angulaire aurait dû être l’autonomie critique et ouverte du PCF !… D’une certaine manière, un certain nombre de questions qui se sont reposée à l’occasion de la proposition de « Front de Gauche »…, elles auraient dû intervenir dès les enseignements de 68, dans le sens, non pas de l’abolition, mais de la réduction historiquement tendancielle d’une « politique séparée » d’une « classe politique », aujourd’hui complètement démonétisée !…
    Il faut nous rappeler que le programme du CNR, ce n’est pas seulement la Grande Conquête Sociale de la Sécu !… C’est une philosophie alternative. C’est une idée, qui est bien trop restée dans les cartons, du droit de regard des Comités d’Entreprise dans les stratégies d’entreprises… L’idée que, devant la faillite de la classe dominante, nul ne devra à l’avenir être considéré comme irresponsable de ce qui se décide, là où il est concerné !… Ça c’était une philosophie de la révolution « par le Bas », qui appelait à un « processus » démocratique par le Bas, d’ailleurs en même temps qu’il devait s’accompagner de mesures gouvernementales par le Haut, car ça supposait notamment quelques nationalisations d’importance…
    Aussi, je considère, un peu comme l’a fait Philippe Herzog, que le défi dit de « la Participation » en “Nouvelle Société” lancé après 68, par Chaban Delmas, premier ministre de Pompidou (une page d’Histoire étant tournée avec De Gaulle), aurait dû être à la fois refusé, comme nous l’avons fait, comme doux leurre de « Collaboration » de classes dans lequel il ne s’agissait pas de tomber, mais bel et bien testé !… Qu’il aurait du être relevé, …repris autrement, en disant chiche, justement face au gaullisme historique, que Chaban symbolisait, à une cogestion conflictuelle des entreprises, à de nouveaux droits pour les travailleurs, ne fermant pas la porte à y compris des processus autogestionnaires !… Au lieu de cela, nous avons tout axé sur le but d’une « démocratie avancé », d’une « voie démocratique » réduite à l’alternance électorale, devant passer par l’enthousiasmante signature d’un Programme Commun à « Gauche »…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Eh bien dites-moi, vous n’êtes pas peu vache, dans votre volonté de naufrager « des gens comme moi ». Merci de l’accueil, et bonjour l’écueil !…]

      Vous noterez que j’ai mis des guillemets à l’expression « des gens comme vous ». Et je l’ai fait parce que c’est vous qui le premier a parlé des « rénovateurs/refondateurs » en usant de l’expression « des gens comme moi ». Ce n’est pas moi qui vous a identifié à eux, c’est vous-même qui l’avez fait. Personnellement, je ne pense pas que vous soyez allé demander aux socialistes de vous aider à renverser Marchais, ou qu’on vous ait retrouvé quelques années plus tard au PS. Mais eux l’ont fait. Alors, si je peux vous donner un bon conseil, avant de vous identifier à des gens, creusez un peu leur pedigree…

      [Je sais, je sais bien ce que vous pensez : que ce sont « des gens comme moi », en vérité, les naufrageurs !…]

      Pas du tout. Je ne pense pas que leur intention ait été de « naufrager » le PCF. Leur intention était d’en prendre le contrôle et de le mettre au service de leurs intérêts. Ce n’est pas du tout la même chose. Ils y ont d’ailleurs réussi, dix ou quinze ans plus tard, de la main de Robert Hue…

      [Les gens de mon « camp », comme vous dites !… Avec lesquels il semble hors de question de « pacifier les rapports » !…]

      La paix se fait à deux. Je ne me souviens que les gens de se camp-là se soient jamais excusé ou fait amende honorable pour « pacifier les rapports ». Pourquoi l’autre camp devrait faire le premier pas ?

      [Dans notre zoo, il aurait fallu admettre que nous étions devenus des étrangers idéologiques les uns avec les autres… À ranger dans des camps adverses !… Car une guerre interne au PCF fut naguère déclarée, de manière invisible !…]

      Bien entendu. Et contrairement à ce que vous semblez dire, aucun des deux camps n’avait une supériorité morale sur l’autre. Si Fiterman, Hermier et leurs amis avaient réussi à renverser Marchais, les « marchaisiens » auraient été écartés, comme ont été écartes les « rénovateurs/refondateurs ». On l’a bien vu sous le règne de Robert Hue, d’ailleurs.

      [Il faut trancher !… Il aurait même fallu le faire de longue date, et de manière bien plus catégorique !… Vous êtes en un sens pour assumer l’ambiguïté formelle inhérente à toute activité politique, mais pas en cette affaire de fond !…]

      Si on avait tranché, si on s’était séparé, il y aurait eu une possibilité que chaque groupe mette à l’essai ses idées, et l’histoire aurait tranché. En essayant de garder ensemble la chèvre et le chou, toutes les énergies qui auraient pu être créatrices se sont mutuellement neutralisées, avec un groupe cherchant à naviguer le parti dans une direction, et l’autre mettant toutes ses forces à le saboter. Marchais a cru que le parti serait plus fort en gardant tout le monde, et qu’en discutant les choses allaient s’arranger. Il n’a pas compris que le conflit des intérêts était trop grand pour que ça puisse marcher.

      [Au demeurant, vous considérez que faire de « meilleurs » choix n’aurait pas évité qu’on échouât, le communisme du 20ème siècle s’étant planté partout !…]

      Ca dépend ce que vous appelez « échouer ». Il est clair que ce n’est pas en choisissant une autre stratégie que le PCF serait arrivé au pouvoir pour construire le socialisme. Le courant de l’histoire n’allait pas dans cette direction. Un parti communiste peut exploiter une situation révolutionnaire, il ne peut pas la créer à lui tout seul. Par contre, un meilleur choix aurait permis de conserver un parti véritablement « communiste », capable de représenter la classe ouvrière.

      [Car il y a à ça une cause essentielle : c’est que l’adversaire de classe s’est complètement refait la cerise, en particulier par le fait de s’être ré-acoquiné avec les classes moyennes, depuis 68, occasion rêvée pour celles-ci de prendre leur revanche sur les conquêtes sociales du modèle social français !..]

      Exact.

      [En conséquence, vous en déduisez qu’au moment où nous parlions de « crise globale », dès le début des années 70, nous nous mettions le doigt dans l’œil…]

      Tout à fait.

      [En somme, à vous suivre, le diagnostic d’une « dimension morale de la crise », ramenant tout au final à « l’individu », et donc à une idéologie de classes moyennes, réduisant les communistes à des communicants, pour ne pas dire à des communiants…, n’aurait abouti qu’à liquider d’autant plus le PCF, car une sorte de mélange d’huile et d’eau entre du « social » et du « sociétal », ne pouvait que trahir au fond la classe pour laquelle nous existions !…]

      Vous m’avez parfaitement compris.

      [Eh bien moi je considère que cette clarté de raisonnement que vous professez n’est pas tout à fait aussi claire que vous le pensez. C’est beaucoup trop mécaniste pour être honnête. Ah ça oui, ça fait marxiste. Mais le marxisme, tel qu’il s’est historiquement, pour ne pas dire hystériquement fossilisé, en une « matrice » de pensée « sociologiste », …ce n’est pas Marx !…]

      Je constate qu’en dehors d’une suspicion générale – « trop mécaniste pour être honnête » -vous ne proposez pas d’arguments de fond pour réfuter mon raisonnement. Il n’y a rien de « mécaniste » dans mon raisonnement.

      [Moi ce que je pense, c’est que d’un renouvellement du communisme, quelques soient les avatars de cette « Cause » au 20ème siècle, le PCF portait une responsabilité première. Pas seulement du fait qu’en tant qu’organisation politique, c’était, comme on dit, la « fille aînée de l’Église soviétique » !… Mais parce que, pour le monde entier, la Commune, c’était nous.]

      Et alors ? Les communistes français de 1970 avaient une « responsabilité première » dans le « renouvellement du communisme » parce que cent ans plus tôt des gens qu’ils ne connaissaient ni d’Eve ni d’Adam ont levé des barricades ? Une responsabilité devant qui, d’ailleurs ? Devant l’Histoire ? C’est pas sérieux…

      [Parce que, pour le monde entier, les français « ont la tête près du bonnet » !… La Grande Insoumission de Soixante-Huit, je l’ai vécue, cette fois, « grand » lycéen… Et je me souviens du Surveillant Général de l’établissement, qui gérait normalement « les colles » ( les punitions de consignation en classe) et les « avertissements »…, complètement métamorphosé, et se répandant en déclarations comme quoi l’homme, et pour commencer les jeunes, étaient naturellement bons, et que c’était La Société qui les corrompaient !… Ce qui n’était pas tout à fait faux, au demeurant, …]

      C’est ça. Tous des pauvres petites victimes de la société. Si les jeunes frappent leurs professeurs, mettent le feu au lycée ou tirent à la kalachnikov sur une rédaction il ne faut pas leur en vouloir. Ils sont naturellement bons, et c’est la société qui les a corrompu. On sait où ce raisonnement nous a mené.

      [car il est vrai que le Culpabilisme « vieille France », qui dominait, était foncièrement corrupteur. Et en même temps, il s’agissait bel et bien : …non pas de « sortir de l’Histoire », mais d’une certaine Histoire !… Devant laquelle nous devions décidément, … et en toute « immodestie », « arrêter de culpabiliser » (n’est-ce pas ?) !…]

      Eh bien, je ne comprends pas de quoi vous vous plaignez. Le « culpabilisme vieille France » a disparu. C’est bien ce que je vous ai dit : nous vivons dans la société que vous aviez rêvé. Bon appetit.

      [Ces aspirations autogestionnaires, il aurait fallu les raccorder à Notre Histoire : le Front Populaire, le programme du Conseil National de la Résistance…]

      Je vois mal comment on peut « rattacher » les modes « autogestionnaires » de mai 1968 – essentiellement portées par les « classes moyennes » avec le Front Populaire ou le CNR, qui furent tout sauf « autogestionnaires ». Je vous rappelle le point II.4 du programme du CNR : « Afint d’assurer l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple
      français par le rétablissement du suffrage universel ». Vous noterez qu’on identifie « la démocratie la plus large » avec le « suffrage universel ». Pas d’autogestion en vue…

      [Cela ne signifie pas de produire une stratégie seulement « par le Bas ». Mais « en même temps », comme on dit…, par le Bas et par le Haut !…]

      Tout ça, c’est des mots. En quoi aurait consisté pour vous en pratique, concrètement, cette « stratégie par le haut et par le bas en même temps » ?

      [Dont une pierre angulaire aurait dû être l’autonomie critique et ouverte du PCF !…]

      Là encore, cela veut dire quoi, en termes concrets ? Qu’on signait un programme commun avec le PS et qu’ensuite on le critiquait publiquement en expliquant que c’était une mauvaise idée ?

      [D’une certaine manière, un certain nombre de questions qui se sont reposée à l’occasion de la proposition de « Front de Gauche »…, elles auraient dû intervenir dès les enseignements de 68, dans le sens, non pas de l’abolition, mais de la réduction historiquement tendancielle d’une « politique séparée » d’une « classe politique », aujourd’hui complètement démonétisée !…]

      C’est quoi une « politique séparée d’une classe politique » ? Vous avez une certaine fascination pour les mots et les formules qui ne veulent rien dire. Quels seraient les « enseignement de mai 68 » auxquels vous faites référence ? Dans la mesure ou le mouvement de mai 1968 a montré une totale incapacité à définir une politique et à la mettre en œuvre, on voit mal quelles « leçons » on pourrait tirer en cette matière.

      [Il faut nous rappeler que le programme du CNR, ce n’est pas seulement la Grande Conquête Sociale de la Sécu !… C’est une philosophie alternative. C’est une idée, qui est bien trop restée dans les cartons, du droit de regard des Comités d’Entreprise dans les stratégies d’entreprises… L’idée que, devant la faillite de la classe dominante, nul ne devra à l’avenir être considéré comme irresponsable de ce qui se décide, là où il est concerné !… Ça c’était une philosophie de la révolution « par le Bas », qui appelait à un « processus » démocratique par le Bas, d’ailleurs en même temps qu’il devait s’accompagner de mesures gouvernementales par le Haut, car ça supposait notamment quelques nationalisations d’importance…]

      Relisez le programme du CNR, avant de lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Le programme du CNR ne fait aucune référence aux « comités d’entreprise » ou à un quelconque « droit de regard ». Aucune référence à un quelconque « processus démocratique par le bas ». Aucune référence à une « responsabilité de ce qui se décide, là où il est concerné ». Au contraire, le CNR – et c’est logique lorsqu’on pense aux gens qui l’ont rédigé – avaient au contraire une vision largement centralisatrice, ou la participation des travailleurs se faisait à travers les organisation syndicales, elles mêmes participant au débat au niveau national. Pour les rédacteurs du programme du CNR, la démocratie se confond avec le « suffrage universel », pas avec « l’autogestion ».

      [Aussi, je considère, un peu comme l’a fait Philippe Herzog, (…)]

      Philippe Herzog ? N’est-ce pas ce type qui préside aujourd’hui une association dont l’eurolâtrie fait peine à voir ?

      [(…) que le défi dit de « la Participation » en “Nouvelle Société” lancé après 68, par Chaban Delmas, premier ministre de Pompidou (une page d’Histoire étant tournée avec De Gaulle), aurait dû être à la fois refusé, comme nous l’avons fait, comme doux leurre de « Collaboration » de classes dans lequel il ne s’agissait pas de tomber, mais bel et bien testé !… Qu’il aurait du être relevé, …repris autrement, en disant chiche, justement face au gaullisme historique, que Chaban symbolisait, à une cogestion conflictuelle des entreprises, à de nouveaux droits pour les travailleurs, ne fermant pas la porte à y compris des processus autogestionnaires !…]

      J’ai l’impression que vous confondez la « participation », proposée par De Gaulle, avec la « nouvelle société » proposée par Chaban. Mais comment aurait-on fait pour « à la fois » refuser et « dire chiche » ? Les députés communistes auraient du voter les lois proposées par Chaban et ensuite refusé de les voir appliquer ? Ou l’inverse ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      [c’est vous qui le premier a parlé des « rénovateurs/refondateurs » en usant de l’expression « des gens comme moi ». Ce n’est pas moi qui vous a identifié à eux.]

      Oui, je l’avoue bien bas, car la preuve est faite !… Ce n’est pas vous c’est l’hôte : …car j’ai effectivement parlé (sous votre pression identificatrice, assimilatrice, et associatrice, qui au demeurant me met toujours en demeure, à l’épreuve et à la « question » d’avoir à marquer ma différence avec eux…), le 9 août, à 4h28 des « gens comme moi, qui réclamaient, certes avec beaucoup de tâtonnements, que nous nous dotions du parti d’une stratégie affichée depuis 2 congrès, dite autogestionnaire » !…
      Et oui, je l’avoue encore,… j’ai aussi écrit, le 30 juillet à 23h59, que :… « Au moins, notre discussion est claire : vous considérez donc que des gens comme moi, toutes « sensibilités » folkloriques confondues, liés à des membres de la direction, comme l’écrivait en 1990 le secrétaire général, qui n’avaient pas, en tout état de cause,… « des attitudes normales de dirigeants communistes », …auraient dû être dégagés du PCF en temps et en heure, plutôt que celui-ci ne change en temps et en heure !… »

      Mais c’est une façon de parler, de nous voir comme nous étant “identifiés” entre nous, et donc aptes à être “identifiés”, et “repérés” de l’extérieur, …car malgré le système pyramidal d’autrefois, qui encourageait cela, …mon « identification » forte, par exemple, à Pierre Juquin, avec lequel j’ai partagé une vie militante de jeunesse dans une partie de l’Essonne, …cela ne risquait pourtant pas de faire de moi un « juquiniste » !… J’ai du aussi écrire quelque part… que je ne me considérais pas comme un « commiste », comme un TEL QUE, pareil aux autres, pareil aux mêmes…, mais comme UN commUNiste !… Et cela devrait nous amener à nous dire qu’il n’existe pas dans la vie que des « modèles » que l’on imite, mais oui, qui peuvent éventuellement vous « inspirer », comme « modèles de contraste »… Toute « complicité » intellectuelle séquentielle n’étant pas focément synonyme d’homogénéité, et encore moins de crime !…

      Je ne tiens donc pas, je vous le confirme, à rester prisonnier de ce genre de chicane et de « bas ronds » de conscience, qui n’élèvent pas le niveau !… Une classique « identification » kafkaïenne et persécutrice des suspects, vus comme une « fraction » de dissidents, devant les maintenir ensemble dans le même cercle de représailles mental !… Sortons donc conjointement de cette ornière, je vous prie. Je ne dirai pas qu’il faut éviter de pratiquer « l’amalgame », car ce serait juste faire injure au beau sens réel de ce mot, mais pratiquer tout autant l’analogie, ou l’homologie abusive entre des « re-trucs ou re-machins » (selon l’expression historique peu amène de marie-George Buffet), que leur distinction abusive !…

      Au demeurant, je constate que vous êtes obsédé, à « leur » propos, par un fantasme disqualifiant qui vous « les » fait voir comme habités d’une recherche essentiellement de « pouvoir » : celui… de se substituer à « l’ancien » PCF !… Et d’ailleurs, ce ne serait pas un fantasme, puisque, mutatis mutandis, la lutte des places par derrière ayant de fait remplacé le principe de la lutte de classe par devant,… cela aurait d’une certaine manière réussi, même si ce sont d’autres personnes que les « re- » historiques qui en auraient profité !…

      En ce qui ME concerne, je tiens en tout cas à vous préciser théoriquement une chose. C’est que je me suis différencié de longue date, en tant que « contestataire », de ce que je ressentais comme un travers théorique exagéré, qui, comme je le dis souvent, « jetait le manche après la cognée », c’est-à-dire « la forme-parti » elle-même, avec le CD (centralisme démocratique )… Je me distingue sur ce point de certaines théorisations de Lucien Sève. (Mais peut-être n’est-ce surtout qu’une question de vocabulaire ?…)… Et je refuse en tout cas l’affirmation de Robert Hue, comme quoi, qu’ils le réalisent ou pas,… (tous) « les partis vont mourir… »

      Il y eut ainsi, par exemple et soi-dit en passant, dans le cours des années 80, un écho certain auprès de certains intellectuels communistes qui le citaient volontiers, …de certaines salades intellectuelles d’un soi-disant « chercheur », genre « socio-psychanalyste », à savoir le dénommé Gérard Mendel (je ne sais pas s’il vous dit quelque chose), qui prônait « l’horizontalité contre la verticalité » et l’autoritarisme… C’était sous le prétexte que, schématiquement parlant, le citoyen nouveau était arrivé, un citoyen qui, vu que « la Société n’était pas une Famille », … n’avait plus d’assignation possible à une quelconque appartenance, et ne désirait qu’une chose, selon une formule qui a fait florès, une formule d’apparence séduisante mais parfaitement imbécile,…: « voir le bout de ses actes » !… Quelle autre finalité, au final, de ceci, qu’une apologie, recouverte d’un pseudo-progressisme, de la désaffiliation, voire de « l’autonomie » de chacune et chacun, version ubérisation ?!?… Bah, bah…

      Je n’ai jamais renoncé, en ce qui me concerne, à l’idée de verticalité. J’ai toujours posé la question de : quelle verticalité, au service de quelle horizontalité parlons-nous au juste !!??… De quelle démocratie représentative, au service de quelle démocratie directe ? Etc. etc. J’ai continué plus tard, dans le même esprit, à la FASE, à Ensemble!, comme face au PG, ou face à la dite France Insoumise… Et, vu les circonstances, je ne crois pas que je puisse m’arrêter de continuer de poser ce type de questions !… De fait, ce qui me gêne dans le concept de délégation de pouvoir, ce n’est pas tant délégation que pouvoir !!!… Car l’on peut et l’on doit avoir une vision non tutélaire de la délégation !… (Je ne peux donc être, en aucun cas, l’objet de ce fantasme qui vous fait penser de manière pavlovienne à « pouvoir », dès qu’il est question de refondateurs !… On pourrait dire que je suis… pour la dissolution progressive et tendancielle de tous les pouvoirs, et pas pour se contenter de « les partager » !…)

      Voici par exemple, une note de lecture que j’ai écrite en passant, après ma lecture d’un passage du livre de Robert Hue définissant « la Mutation ». Page 264 : « …on peut évoquer une « mixité », avec l’« ancien » et le « nouveau » coexistant et s’opposant : mixité entre l’État avec la délégation de pouvoir qu’il suppose d’une part, et d’autre part l’intervention directe, décentralisée et concertée des salariés et des citoyens, avec leurs élus et leurs associations. ». Voici ma note : à proprement dit, « la Démocratie “Directe”, ça n’existe pas ! Si ça peut s’opposer à la Délégation de Pouvoir, cela a absolument besoin de Représentation(s), ne serait-ce que culturelle(s), d’extériorité, d’altérité…, sans quoi pas d’identité ni de « repères » !… »

      Je ne vais donc pas contredire l’observation que vous m’avez faite, à propos du CNR, qui en appelait à des responsabilités ouvrières nouvelles, au travers des représentations syndicales !… Il n’empêche que je maintiens que l’idée de responsabilité sociale élargie, qu’il contient, avec y compris la nécessité-possibilité d’un droit de regard sur les stratégies et les gestions d’entreprise, largement restée dans les cartons, …pouvait être considérée comme un point d’appui historique… pour les aspirations autogestionnaires ultérieures des années 60-70 !… Au demeurant, je suis intimement convaincu que le monde impossible que nous fait actuellement le néolibéralisme est synonyme de crise anthropologique, dans la mesure même où il pervertit l’idée d’autonomie, en fabricant des « individus » qui ne représentent plus qu’eux-mêmes, face aux patronats, dans un contexte de disparition de « corps intermédiaires », devenues soi-disant superflus !… La « démocratie directe… à l’entreprise » faisant du monde du travail lui-même une zone de non-droit !…

      N’ayons donc pas de faux-débat, sur ce point, entre nous. Reste la question historique épineuse de : quelle forme-parti de l’alternative émancipatrice ?!?…
      Qu’est-ce qui donc posait la nécessité d’une refondation communiste ?

      Vous pourrez justifier autant que vous voudrez la nécessité de l’assomption d’un certain coefficient d’ « ambiguïté » politique, que seules des naïfs pourraient considérer comme facultative… Est-ce à dire, à la limite, que même pour les communistes, il est concevable de « les fins justifient les moyens » ?!?… Cela mérite tout de même que l’on s’y attarde… :

      Repartons donc d’une réflexion de Marx, notoirement connue, qui dit que « La classe ouvrière n’a pas d’utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que, pour réaliser sa propre émancipation et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle de par sa structure économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques qui transformeront complètement les circonstances et les hommes. Elle n’a pas à réaliser d’idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société capitaliste qui s’effondre ».

      Au demeurant, ce propos à priori anti-utopiste, et anti-idéaliste, de « réalisme » alternatif, reste très général. Il ne dit pas précisément par quels moyens divers et variés, éventuellement non conformes à ceux de l’adversaire, une « série de processus historiques » pourraient progressivement, et de manière tout à fait souhaitable, intervenir. En outre, il utilise l’image d’un accouchement de « la » société nouvelle, comme si l’affirmation de la nécessité de changer « de » société suffisait, et que la société nouvelle allait « seulement » ( !!!..) sortir de l’ancienne, pour ainsi dire toute prête en son unicité, telle Minerve du cerveau de Jupiter !… Est donc éludée la question qui n’a rien de « réformiste » de savoir dans quelle mesure « la classe ouvrière » doit progressivement et concrètement se changer elle-même, et non pas seulement rester égale à elle-même, pour ainsi dire figée dans une « physique sociale » immuable , …dans la mesure même où elle œuvre pour le changement, dans des circonstances qui se modifient en « avançant » !… L’idée, par exemple, d’éco-communisme n’amène-t-elle pas à des rapports moins « guerriers » avec la nature, et donc des humains entre eux ?!?…

      Aussi bien, je suis certes parfaitement d’accord avec vous pour ramener la citation de Lacordaire qui cadre ce que parler de changement pose comme « condition nécessaire », en disant qu’ « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » !… Ok d’accord…, ce type de considération devait notamment déboucher sur la nécessité d’une « légalité socialiste », dont on peut effectivement se dire qu’elle était en principe moralement supérieure à ce qui se faisait avant !…

      …Mais l’on sait fort bien que dire cela, c’est rester dans le milieu du gué. Condition nécessaire ne dit pas suffisante. Quid en effet, sous « la légalité socialiste », des réelles possibilités d’initiative autonome et de liberté du peuple ?!?… Autant dire qu’avant que de pouvoir à l’avenir aborder la question de quelle légitimité d’une « représentation à teneur communiste forte » pour « la Classe Ouvrière », l’on ne peut contourner ces questions cruciales que nous a léguées le 20ème siècle, et dont il ne suffit pas de déchirer la page pour en traiter !… Ça m’a amené à me dire, je l’ai déjà dit, que, théoriquement, dans l’idée de délégation de pouvoir, ce n’était pas tant après le principe de délégation que j’en ai, qu’après celui de pouvoir (central) !…

      En attendant, l’on peut et l’on doit considérer par exemple… que, oui, la « rupture » de 68 a signifié un changement essentiel des circonstances de la lutte des classes !… L’on n’y est pas sorti de l’Histoire, mais d’une certaine Histoire, et d’une certaine vision (mécaniste) de « la marche » de l’Histoire !… Du coup, c’est la question même de « l’ambiguïté » de l’activité politique d’alternative qui était, oui, désormais frontalement posée !… Cette ambiguïté consistant en une dissociation temporelle problématique, en un « dédoublement », toujours aliénant, même chez les militants pour le changement de société, des moyens et des buts…

      …En même temps, « la Grande Insoumission » de 68 a certes posé la question d’une grande bifurcation pour le Capital lui-même, …car sous couvert d’aller vers « une société érotisée », c’est évidemment un « capitalisme de la séduction » décomplexée, comme l’a indiqué Michel Clouscard, qui s’est retrouvé comme premier intéressé du « jouir sans entrave », …une aubaine pour le consumérisme, …pour un capitalisme parfaitement preneur du « génial » slogan « publicitaire » de Cohn-Bendit du désir roi : à savoir « sous les pavés la plage » !!…

      Ceci dit, si nos adversaires réels n’aient gardé de 68 que la possibilité advenue d’une société sans mémoire, et de « présentisme », juste consumériste, cela ne change rien au fait que désormais, nous étions entrés dans une nouvelle étape de « la modernité », dans le sens d’une irruption de la question du « Présent », et donc du « en même temps »…, élément désormais central du langage de notre jeune Président de la République…, dont le premier à s’en réclamer est Cohn-Bendit soi-même !…

      Car que tous deux se réclament d’une simultanéité présentiste de façade des enjeux sociaux-et-sociétaux ne change rien aux conditions subjectives, désormais objectivement inédites, pour tout changement « de » société crédible !… Il est d’ailleurs à noter que la question posée d’un autodépassement du « communisme du 20ème siècle » dans une direction plus autogestionnaire (ce qui ressort singulièrement du 23ème congrès de 1979 du PCF) nous a forcément fait renouer avec des théorisations antérieures d’un Jean Jaurès, qui n’avaient rien de particulièrement ambigu,… sur « l’évolution révolutionnaire » !…

      Pour parler clair, la question posée « au Présent », c’était de cesser bel et bien d’être des « conformistes anticonformistes », c’est-à-dire conformistes dans les moyens, et anticonformistes dans les objectifs !… C’est en fonction de cela que « la crise historique du PCF » s’est jouée !… Les procès d’intentions, déraisonnables et tragiques à la fois…, envers des communistes « contestataires », …que j’ai par exemple déjà relevés dans le livre d’Arnaud Spire, sorti en 1991, « Lénine, l’éternel retour du concret », (cf. page 67 🙂 …car accusés de n’être soi-disant capables que d’émettre une « critique, émise de l’intérieur de la révolution », qui « rejoignait tendanciellement le conformisme le plus ordinaire » ne pouvaient pas supprimer cette enjeu de dichotomie schizophrénique des fins et des moyens, que Spire ne cesse pourtant de remettre en cause par ailleurs dans son livre !!!!… Mais c’était au prix d’une différence maintenue entre le rôle du PCF comme « outil », comme étant « Le Moyen » constant et intangible par excellence, …et les objectifs poursuivis !… Comment pouvait-il rester ainsi dans le milieu du gué de la réflexion ?!?…

      À propos donc de centralisme démocratique, citons donc à nouveau le camarade A.S., page 149 : « Le centralisme démocratique désigne tout simplement, de nos jours, l’effort de l’intellectuel collectif qu’est le parti révolutionnaire pour que chacun des individus qui le composent soit, dans la pratique, coauteur et coacteur de la politique mise en œuvre. Centraliste, parce que personne – pas même les communistes – n’échappe à la tendance millénaire de déléguer à d’autres sa capacité d’initiative et l’exercice de ses responsabilités. Démocratique, parce que personne – pas même les communistes – n’acceptera jamais d’être promu « centre d’initiative et de responsabilité » contre son gré. »
      Et A.S. se permet d’ajouter : « De même que le socialisme autogestionnaire est inenvisageable sans un parti révolutionnaire qui agisse en permanence pour l’autosuppression du pouvoir d’État (aucun pouvoir d’État ne pouvant raisonnablement trouver en lui-même, et par lui-même, la force de mener jusqu’au bout son propre dépérissement), de même toute organisation révolutionnaire a besoin d’une direction pour conserver jusqu’au bout sa capacité de critiquer, dans la pratique, l’état de choses existant. »
      Mais aussi… : « Ce dont les partis communistes de demain ont besoin, bien plus que de militants fidèles et dévoués, ce sont d’hommes libres et critiques qui ne délèguent à personne d’autre qu’eux-mêmes leur capacité de juger en leur âme et conscience de chaque initiative qui les impliquent. »

      Eh bien, je prétends qu’A.S. restait ici, « en son âme et conscience » et « tout simplement », un as… de la contorsion intellectuelle !… Celle-ci permettant de continuer de justifier l’utilisation spéciale, pour ne pas dire spécieuse d’un moyen « millénaire » pour des fins neuves !… Car l’autonomie qu’il défend, pour un parti révolutionnaire, ne peut pas aller en vérité sans l’autonomie de ses membres, que le C.D. ne pouvait que continuer de mettre sous tutelle !… Il fallait une stratégie autogestionnaire, pour aller au « socialisme autogestionnaire » !… Et un parti réellement adapté à cette stratégie !… Le « besoin de l’aide d’une direction » est ici aussi contestable que l’affirmation du « besoin » de l’aide d’un parti communiste, pour la classe qu’il prétend défendre, fondé sur l’idée incontournable, mais suicidaire à terme, d’une sorte de monopole de l’initiative historique légitime !… Que l’on ait besoin de l’aide, dans la vie, d’un médecin ou d’un avocat n’est pas un argument suffisant !… Car prétendre cela, c’est justifier le principe d’un pouvoir à ceux qui savent !… Et ce n’est pas ainsi, effectivement, que l’on arrêtera, sous le prétexte d’une surdétermination de l’idée de Division du Travail, y compris de justifier l’existence hypostasiée d’une « classe politique séparée » !!!…

      Déléguer ne veut pas dire se laisser (dé-)posséder !… Est-ce que ce constat ne doit pas amener à un examen de consciences extrêmement profond, …et de toutes les consciences sans exception, y compris sur l’enjeu historique de savoir comment l’on peut éviter ce truc de fous, …à savoir que les moyens de la lutte puissent effectivement venir obérer les fins, au point de s’y substituer, et de se retourner contre elles ?!?… Cette question n’a absolument rien d’anodin, l’on pourrait dire qu’elle est celle du « Grand et Vieux Péché de Jeunesse du Communisme », par lequel il ne pouvait en fait que faire avorter, et que …louper le but qu’il poursuivait !… Aussi bien, « la classe ouvrière », désignée comme la classe fossoyeuse de l’ancien monde capitaliste, et dotée d’un « rôle d’avant-garde » qui en faisait en quelque sorte la fraction naturellement élue du Peuple, devant emmener celui-ci en terre promise du paradis socialiste…, n’était-elle pas apte à y compris ….creuser sa propre tombe, dans la mesure où elle serait restée prisonnière de formes systématiques d’expressions et de luttes insuffisamment innovantes ?!?… Car dès le départ, que le chant de « la classe ouvrière » ne vire pas au « solo funèbre » : ce n’était pas qu’une question de savoir quelles alliances elle devait être capable de nouer, mais avant tout de quelles formes d’organisation (d’essence non « bureaucratiques ») elle devait se doter, pour se constituer en force potentiellement « hégémonique » !… Car non, l’on ne s’émancipe pas avec les méthodes de l’adversaire !… Ces méthodes se devaient d’être toutes subverties, sans attendre !…

      À quoi peut ressembler, en ce sens, un communisme décomplexé, et dégagé de ses propres archaïsmes ? Ne faut-il pas admettre, par exemple, qu’à l’affirmation de Clausewitz disant que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », d’une part l’on peut ajouter « et réciproquement », c’est-à-dire que la politique, dans ses formes dominantes habituelles de quête du Pouvoir, reste toujours d’essence guerrière ? Et d’autre part qu’il n’a pas existé de critique, et d’autocritique encore assez poussée, chez les communistes, pour ainsi dire par peur de « l’anarchisme », permettant de se départir eux-mêmes de ces formes dominantes et « systémiques », tout inhibés qu’il étaient eux-mêmes, comme l’on pourrait en faire la remarque « freudienne »,… par une sorte de « complexe militaro-religieux » ?!?…

      C’est Guy Debord qui a fait la remarque que la division du travail en « fonctions » laborieuses diverses et variées renvoie toujours plus ou moins à un principe de « discipline » viriliste, consistant en un maintien dans une sorte de militarisation des esprits !… Est-ce que le rôle d’un parti révolutionnaire, au service de la classe ouvrière, n’était que de sublimer ce principe : de transposer juste telles quelles les contraintes d’une « discipline de fabrique », …en se contentant de l’orienter vers la Bonne Cause ??…

      Est-ce que vraiment l’on est allé au fond du fond de la nécessité de creuser la question, pourtant maintenant ancienne, …car elle a en France un demi-siècle, de ce que parler, en termes de processus,… de « voie démocratique et pacifique », autrement dit de « pacification » au présent et bien comprise des rapports sociaux, veut dire, pour aller à une « autre » société, « sortie » de celle-là, et mais dont les germes, les prémisses, les présupposés peuvent apparaître, comme on dit, sans attendre, et « dès maintenant » !?… Est-ce que cet enjeu ne se posait pas au sein de la vie de travail elle-même, …dont on sait qu’elle ne se limite jamais aux seules « contraintes » imposées, pour y faire, sans attendre, reculer la dimension de « la guerre de tous contre tous », au nom de la défense et la promotion d’une vision saine des collectifs de travailleurs ?!?…

      Est-ce que cela ne demandait pas aussi bien d’interroger, sans naïveté d’aucune sorte (ni molle ni dure), et sans compromission d’aucune sorte avec la collaboration de classes… une certaine surdétermination à tendance paranoïaque de l’Idée de « Rapport de Forces » ? Développer une politique de lutte de classe, ne serait-ce, en effet, que cultiver le(s) rapport(s) de force(s), n’est-ce pas se dire plutôt que les moyens ne doivent pas prendre le pas sur les fins, et que, comme le dit le philosophe Robert Damien, qui a réfléchi en particulier sur la question de « l’Autorité », la politique ce n’est, en ce sens, pas qu’une expression de rapports de forces, mais en même temps de rapports de formes !!??…

      Est-ce que, par exemple, l’enjeu des luttes antiracistes historiques aux USA, ou « le paradigme Mandela », n’ont pas montré cela : qu’autant que faire se peut, les luttes elles-mêmes doivent être visiblement porteuses de « formes nouvelles » qui anticipent l’issue, et le débouché dans des formes de vie commune « inédites » !?…

      Car, soit-dit en passant, le renoncement à l’idée « avant-gardiste » de Grand Soir, fût-il électoral, n’implique-t-il pas de se dire : qu’il ne s’agit pas simplement de lutter à l’aveugle, de lutter « pour voir ce que ça peut donner », « pour faire l’Expérience », …où c’est seulement, dans un après-coup de l’échec, où, dans la décomposition et la dispersion des forces mobilisées, l’on devra se demander quelles « formes nouvelles » la lutte devra prendre !!!!??… Est-ce que, au fond, les travers de l’avant-gardisme ne ruinaient pas une véritable capacité anticipatrice grand angle, et de grand souffle, et donc digne de ce nom ?!?…

      Je voudrais m’attarder encore plus loin sur des conséquences carrément suicidaires de l’engagement, pour ne pas dire de l’enrôlement avant-gardiste dans le vieux style de « la Vielle École »… L’idée de Grande Armée, qui nous vient de Napoléon, je l’ai en effet retrouvée en 1980 …dans la bouche d’un gradé soviétique qui, tout pendant que le PCF se posait de son côté la question de ce que voulait dire « une stratégie autogestionnaire », …eut encore l’usage de l’expression de « la grande armée des communistes », pour accueillir un groupe jeunes communistes venus de France en URSS !… !… C’est qu’une certaine vision, disons boy-scout pour être gentil, de « la fabrique de l’Unité Internationale» des communistes, empreinte de loyauté, pour ne pas dire de loyalisme, …d’essence « militaro-religieuse », ne prémunissait d’aucune manière contre la tendance à vouloir se battre non seulement contre des « adversaires réels », mais aussi bien contre des adversaires imaginaires, et donc, à se tromper d’adversaires !!!!… « La Grande Armée » des communistes devait-elle…, par exemple, intervenir en Tchécoslovaquie, à l’été 68 ?!?…

      Si l’on va au bout du raisonnement, est-ce que la survalorisation, la mythification du « Peuple » et de « la Classe Ouvrière » comme « Force Unitaire » n’a pas, y compris, été, dans le dit « Socialisme Réel », au comble du paradoxe, jusqu’à dissoudre subjectivement le Peuple, jusqu’à faire disparaître la classe ouvrière elle-même en son propre nom, devenue pour ainsi dire : son propre « dindon de la force »,… dans une espèce de « solution finale » procédant du « saut périlleux arrière », ou du « rétropédalage » mental, par lequel le concept, dont une Nomenklatura est devenue l’Imposture Incarnée,… abolit d’autant mieux la chose qu’il s’y est substituée ?!?…. Rappelons-nous, à ce propos, le fameux poème d’humour grinçant de Bertolt Brecht à propos de l’insurrection du 17 juin 1953, en RDA (Tome 7, n°11, L’arche éditeur) : « LA SOLUTION » : « Après l’insurrection du 17 juin, / Le secrétaire de l’Union des Ecrivains / Fit distribuer des tracts dans la Stalinallée. / Le peuple, y lisait-on, a par sa faute / Perdu la confiance du gouvernement / Et ce n’est qu’en redoublant d’efforts / Qu’il peut la regagner. / Ne serait-il pas / Plus simple alors pour le gouvernement / De dissoudre le peuple / Et d’en élire un autre ? » (traduction Maurice Regnaut) !…

      …Il semblerait qu’aussi bien « des gens comme moi » ont « gravement perdu la confiance » de « gens comme vous » !… Est-ce que je me trompe ?!?…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [« c’est vous qui le premier a parlé des « rénovateurs/refondateurs » en usant de l’expression « des gens comme moi ». Ce n’est pas moi qui vous a identifié à eux. » Oui, je l’avoue bien bas, car la preuve est faite !…]

      Dont acte. Comme vous pouvez le constater, je lis avec une grande attention ce que mes interlocuteurs écrivent. Vous ne pouvez pas me reprocher de vous assimiler à des gens auxquels vous vous êtes vous-même associé.

      [Mais c’est une façon de parler, de nous voir comme nous étant “identifiés” entre nous, et donc aptes à être “identifiés”, et “repérés” de l’extérieur, …car malgré le système pyramidal d’autrefois, qui encourageait cela, …mon « identification » forte, par exemple, à Pierre Juquin, avec lequel j’ai partagé une vie militante de jeunesse dans une partie de l’Essonne, …cela ne risquait pourtant pas de faire de moi un « juquiniste » !…]

      Peut-être. Mais si vous écrivez en parlant de Juquin « les gens comme moi », on peut raisonnablement déduire que vous partagiez avec Juquin quelque chose de plus qu’une « vie militante de jeunesse dans une partie de l’Essonne ».

      [Toute « complicité » intellectuelle séquentielle n’étant pas focément synonyme d’homogénéité, et encore moins de crime !…]

      Mais dans l’affaire Juquin, la question n’est pas purement « intellectuelle ». Au cas où vous l’auriez oublié, Juquin a attaqué la direction du PCF et même présenté une candidature alternative contre celle du PCF. Son « crime » n’est pas dans ses idées, mais dans ses actions.

      [Je ne tiens donc pas, je vous le confirme, à rester prisonnier de ce genre de chicane et de « bas ronds » de conscience, qui n’élèvent pas le niveau !… Une classique « identification » kafkaïenne et persécutrice des suspects, vus comme une « fraction » de dissidents, devant les maintenir ensemble dans le même cercle de représailles mental !… Sortons donc conjointement de cette ornière, je vous prie.]

      Pardon, pardon. Je vous rappelle ma devise : « je pardonne souvent, je n’oublie jamais ». Il y eut dans les années 1980 une « fraction de dissidents » qui ont cherché à affaiblir le PCF, à renverser sa direction, qui sont allés même allés quémander de l’aide chez Mitterrand pour cela. Et ça, vous m’excuserez, je ne suis pas près de l’oublier. Comme je ne suis pas près d’oublier que bien de ces gens ont été récompensés par le PS plus tard avec des prébendes et des postes. Il n’y a rien de « persécuteur » là dedans, simplement une question de morale et de justice.

      [Au demeurant, je constate que vous êtes obsédé, à « leur » propos, par un fantasme disqualifiant qui vous « les » fait voir comme habités d’une recherche essentiellement de « pouvoir » : celui… de se substituer à « l’ancien » PCF !…]

      Quand je vois tous ces hommes pétris de principes à l’heure de « réfonder le communisme » se retrouver quelques années plus tard élus au PS, la question m’a effleuré, en effet. Que sont devenus tous les beaux principes de ces gens qui, si je suis votre commentaire, ne cherchaient pas du tout « le pouvoir » ?

      [Il y eut ainsi, par exemple et soi dit en passant, dans le cours des années 80, un écho certain auprès de certains intellectuels communistes qui le citaient volontiers, …de certaines salades intellectuelles d’un soi-disant « chercheur », genre « socio-psychanalyste », à savoir le dénommé Gérard Mendel (je ne sais pas s’il vous dit quelque chose), qui prônait « l’horizontalité contre la verticalité » et l’autoritarisme…]

      Je me souviens. Avec la prise du pouvoir des « classes moyennes », on a vu rentrer au PCF toutes les théories fumeuses de mai 1968. « L’autogestion », « l’horizontalité », « l’école comme structure répressive de l’Etat », « l’écologie », et finalement le « féminisme de genre ».

      [C’était sous le prétexte que, schématiquement parlant, le citoyen nouveau était arrivé, un citoyen qui, vu que « la Société n’était pas une Famille », … n’avait plus d’assignation possible à une quelconque appartenance, et ne désirait qu’une chose, selon une formule qui a fait florès, une formule d’apparence séduisante mais parfaitement imbécile,…: « voir le bout de ses actes » !… Quelle autre finalité, au final, de ceci, qu’une apologie, recouverte d’un pseudo-progressisme, de la désaffiliation, voire de « l’autonomie » de chacune et chacun,]

      C’est fou ce que ce « citoyen nouveau » ressemble à la vision que les « classes moyennes » ont d’elles mêmes, non ?

      [Je n’ai jamais renoncé, en ce qui me concerne, à l’idée de verticalité. J’ai toujours posé la question de : quelle verticalité, au service de quelle horizontalité parlons-nous au juste !!??… De quelle démocratie représentative, au service de quelle démocratie directe ?]

      Les questions d’organisation telles que celle du CD ou de la « délégation » n’est pas une question théorique, mais une question pratique. Le CD ou la « verticalité » se sont imposés non pas parce qu’ils étaient théoriquement « bons », mais parce qu’ils étaient NECESSAIRES. Le but des systèmes politiques est le gouvernement de la cité, et non d’être au « service de la démocratie directe », comme si la « démocratie directe » était un but en soi. Si après l’abolition du CD tous les débats sur l’organisation du Parti ont été de l’enculage de mouches, c’est précisément parce que l’abolition du CD fut en fait l’abolition de toute organisation démocratique et la dévolution du pouvoir aux « notables ».

      [De fait, ce qui me gêne dans le concept de délégation de pouvoir, ce n’est pas tant délégation que pouvoir !!!… Car l’on peut et l’on doit avoir une vision non tutélaire de la délégation !…]

      Vous devriez relire – ou lire – Hobbes. Ce que nous déléguons à ceux que nous chargeons de nous diriger, c’est notre pouvoir de nuire. Alors, cela veut dire quoi une « vision non tutélaire de la délégation » ? Que nous déléguons notre capacité de nuire tout en la conservant ? A quoi sert la délégation alors ?

      [(Je ne peux donc être, en aucun cas, l’objet de ce fantasme qui vous fait penser de manière pavlovienne à « pouvoir », dès qu’il est question de refondateurs !…]

      C’est sur… quand Fiterman ou Fiszbin deviennent élus socialistes, ce n’est certainement pas le pouvoir qui les intéressait, mais l’avancement d’un communisme refondé et des intérêts de la classe ouvrière…

      [On pourrait dire que je suis… pour la dissolution progressive et tendancielle de tous les pouvoirs, et pas pour se contenter de « les partager » !…)]

      Le « pouvoir », c’est la capacité de traduire une volonté dans les faits. Si je comprends bien, vous voulez la « dissolution » de cette capacité. En d’autres termes, vous voulez un monde d’idées où celles-ci ne se traduisent par aucune réalisation. J’ai bien compris ?

      [Voici ma note : à proprement dit, « la Démocratie “Directe”, ça n’existe pas ! Si ça peut s’opposer à la Délégation de Pouvoir, cela a absolument besoin de Représentation(s), ne serait-ce que culturelle(s), d’extériorité, d’altérité…, sans quoi pas d’identité ni de « repères » !… »]

      Il faut savoir de quoi on parle. Le terme « représentation » en politique n’a pas du tout la même signification que lorsqu’on parle de « représentations culturelles ». Confondre tout sur la base d’une homophonie comme vous le faites n’aide pas à la réflexion.

      [Je ne vais donc pas contredire l’observation que vous m’avez faite, à propos du CNR, qui en appelait à des responsabilités ouvrières nouvelles, au travers des représentations syndicales !…]

      Mon observation pointait surtout que la vision du CNR est avant tout une vision où la reconstruction du pays et sa réorganisation se faisait autour d’INSTITUTIONS fortes. Vouloir dégager du programme du CNR un quelconque projet « autogestionnaire » c’est trahir la pensée de ses membres.

      [Il n’empêche que je maintiens que l’idée de responsabilité sociale élargie, qu’il contient, avec y compris la nécessité-possibilité d’un droit de regard sur les stratégies et les gestions d’entreprise, largement restée dans les cartons, …pouvait être considérée comme un point d’appui historique… pour les aspirations autogestionnaires ultérieures des années 60-70 !…]

      Et vous avez tort. La meilleure preuve est que les « autogestionnaires des années 60-70 » sont allés chercher leurs références partout, SAUF dans le programme du CNR. On ne peut pas faire dire n’importe quoi au CNR. Si l’on trouve l’idée d’un « droit de regard sur les stratégies et les gestions d’entreprise », ce droit de regard est conçu au niveau national travers des institutions représentatives, et non comme un droit direct et local. Aucun des membres du CNR n’était partisan de « l’autogestion » sous aucune forme. Alors, sauf à imaginer que les gens peuvent écrire un projet à leur insu…

      [Au demeurant, je suis intimement convaincu que le monde impossible que nous fait actuellement le néolibéralisme est synonyme de crise anthropologique, dans la mesure même où il pervertit l’idée d’autonomie, en fabricant des « individus » qui ne représentent plus qu’eux-mêmes, face aux patronats, dans un contexte de disparition de « corps intermédiaires », devenues soi-disant superflus !… La « démocratie directe… à l’entreprise » faisant du monde du travail lui-même une zone de non-droit !…]

      Je ne vois pas pourquoi vous parlez de « pervertir ». Au contraire, je trouve que le capitalisme dans cette phase a réalisé l’idée d’autonomie. Si le résultat ne vous plait pas, ce n’est pas sa faute. Si vous avez investi dans l’idée « d’autonomie » des rêves sans rapport avec la réalité, ce n’est pas la faute du capitalisme. Encore une fois, vous devriez lire Hobbes, et arrêter de croire que l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le corrompt.

      [N’ayons donc pas de faux-débat, sur ce point, entre nous. Reste la question historique épineuse de : quelle forme-parti de l’alternative émancipatrice ?!?…]

      Encore une fois, je me méfie des formules toutes faites. C’est quoi une « alternative émancipatrice » ? « Emancipatrice » par rapport à quoi, précisément ? Parce que s’il s’agit de s’émanciper du lien de subordination du travail au capital, c’est une chose. Mais s’il s’agit de fabriquer des individus affranchis de toute contrainte sociale, je ne suis pas d’accord. Là encore, relisez Hobbes…

      [Qu’est-ce qui donc posait la nécessité d’une refondation communiste ?]

      Et surtout, de QUELLE refondation communiste… et au service des intérêts de qui ?

      [Repartons donc d’une réflexion de Marx, notoirement connue, qui dit que « La classe ouvrière n’a pas d’utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que, pour réaliser sa propre émancipation et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle de par sa structure économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques qui transformeront complètement les circonstances et les hommes. Elle n’a pas à réaliser d’idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société capitaliste qui s’effondre ».]

      Que dit Marx ici ? Que la société future ne correspond à aucun « idéal », qu’elle ne peut être pensée aujourd’hui avec l’idée qu’elle sera réalisée telle quelle demain. Cette société future sera la conséquence d’un processus historique qui aboutira à des « circonstances » et des « hommes » complètement différents de ce que nous concevons aujourd’hui. La fonction du révolutionnaire n’est donc pas d’imaginer la société du futur, mais de libérer les forces qui la construiront – au risque que ce qui sera finalement construit ne corresponde que de très loin à ce qu’il a imaginé ou voulu, d’ailleurs…

      Ce paragraphe de Marx, paradoxalement, fait un sort aux débats post-soixantehuitards des « réfondateurs/rénovateurs » sur la nature de la société communiste qu’on doit construire. Marx – qui après tout n’écrit pas très loin après la révolution française – pense que ce type de débat est inutile, puisque le révolutionnaire déclenche un processus sur lequel il n’a ensuite que peu de contrôle, puisqu’il ne fait que « libérer les éléments de la société nouvelle » qui est DEJA contenue « dans les flancs de la vieille société capitaliste »…

      [En outre, il utilise l’image d’un accouchement de « la » société nouvelle, comme si l’affirmation de la nécessité de changer « de » société suffisait, et que la société nouvelle allait « seulement » ( !!!..) sortir de l’ancienne, pour ainsi dire toute prête en son unicité, telle Minerve du cerveau de Jupiter !…]

      Ce n’est pas ce que dit le texte. Marx parle de « libérer les ELEMENTS de la société nouvelle », c’est-à-dire, les forces qui construiront la nouvelle société. Ce sont ces forces qui sont contenues dans la « vieille société », et non pas la « nouvelle société » elle-même. Je pense que la vision de Marx est encore très marquée par la révolution française : le rôle des révolutionnaires est de libérer des forces qui ensuite ont une dynamique propre.

      [Est donc éludée la question qui n’a rien de « réformiste » de savoir dans quelle mesure « la classe ouvrière » doit progressivement et concrètement se changer elle-même, et non pas seulement rester égale à elle-même, pour ainsi dire figée dans une « physique sociale » immuable , …dans la mesure même où elle œuvre pour le changement, dans des circonstances qui se modifient en « avançant » !… L’idée, par exemple, d’éco-communisme n’amène-t-elle pas à des rapports moins « guerriers » avec la nature, et donc des humains entre eux ?!?…]

      Je vous trouve bien idéaliste… ainsi, ce seraient les idées qui changeraient les rapports des humains entre eux, et non les rapports matériels ? En fait, le débat sur le fait de savoir si la « classe ouvrière » doit ou non changer n’a pas de sens. La classe ouvrière VA changer, qu’on le veuille ou pas. Et elle ne va pas « se changer », mais elle va changer sous l’effet de processus historiques et économiques. On retrouve par un détour la question du tragique : il faut oublier l’idée que les hommes contrôlent les évènements.

      [Mais l’on sait fort bien que dire cela, c’est rester dans le milieu du gué. Condition nécessaire ne dit pas suffisante. Quid en effet, sous « la légalité socialiste », des réelles possibilités d’initiative autonome et de liberté du peuple ?!?…]

      Je ne comprends pas très bien la question. C’est quoi « l’initiative autonome » ? « L’initiative autonome » de qui ? Si c’est aux individus que vous pensez, « l’initiative autonome » ne peut être garantie que par la séparation de la sphère privée et de la sphère publique. Quant à la « liberté du peuple », dans la mesure où la loi est l’expression de la volonté générale, la « liberté du peuple » se manifeste dans sa capacité à faire la loi.

      [Autant dire qu’avant que de pouvoir à l’avenir aborder la question de quelle légitimité d’une « représentation à teneur communiste forte » pour « la Classe Ouvrière », l’on ne peut contourner ces questions cruciales que nous a léguées le 20ème siècle, et dont il ne suffit pas de déchirer la page pour en traiter !… Ça m’a amené à me dire, je l’ai déjà dit, que, théoriquement, dans l’idée de délégation de pouvoir, ce n’était pas tant après le principe de délégation que j’en ai, qu’après celui de pouvoir (central) !…]

      Je n’arrive pas à comprendre comment vous pouvez concilier tant d’idées contradictoires. Si vous reprenez à votre compte la formule de Lacordaire, comment pouvez-vous souhaiter la « dissolution du pouvoir », alors qu’une telle dissolution fait disparaître la loi elle-même ? Car il faut que vous soyez conscient qu’il n’y a de loi que dans la mesure où il y a quelqu’un pour la faire respecter. Et comment ce quelqu’un pourrait faire respecter la loi sans « pouvoir » ?

      [En attendant, l’on peut et l’on doit considérer par exemple… que, oui, la « rupture » de 68 a signifié un changement essentiel des circonstances de la lutte des classes !…]

      Tout à fait d’accord. La « rupture » à consisté dans la constitution d’un « bloc dominant » formé par la bourgeoisie et les « classes moyennes », et l’expulsion progressive des couches populaires du champ politique. Vous savez, toutes les « ruptures » ne méritent pas des réjouissances…

      [Du coup, c’est la question même de « l’ambiguïté » de l’activité politique d’alternative qui était, oui, désormais frontalement posée !… Cette ambiguïté consistant en une dissociation temporelle problématique, en un « dédoublement », toujours aliénant, même chez les militants pour le changement de société, des moyens et des buts…]

      Je ne comprends rien à ce galimatias. De quelle « ambiguïté de l’activité politique d’alternative » parlez-vous ? Il n’y a jamais eu la moindre « ambiguïté » : Il y a eu affrontement entre ceux qui au PCF portaient les intérêts des couches populaires, et ceux qui portaient ceux des « classes moyennes » triomphantes. Il y a eu « l’ancien communisme » des Marchais, des Plissonnier, des Laurent ; et le « nouveau communisme » des Juquin, des Martelli, des Sève. Il y eut ceux qui, se souvenant de Lacordaire, voulaient une « loi » forte, et ceux qui, parce qu’ils étaient plutôt du côté des « forts », voulaient une « loi » faible. Pas la peine d’ailler chercher plus loin.

      [Ceci dit, si nos adversaires réels n’aient gardé de 68 que la possibilité advenue d’une société sans mémoire,]

      Qu’y a-t-il d’autre à garder ?

      [Pour parler clair, la question posée « au Présent », c’était de cesser bel et bien d’être des « conformistes anticonformistes », c’est-à-dire conformistes dans les moyens, et anticonformistes dans les objectifs !…]

      Vous voulez dire, en devenant conformistes sur les deux tableaux ? Parce que c’est grosso modo ce que proposaient les « refondateurs/rénovateurs ». Et d’ailleurs on les retrouve pour la plupart quelques années plus tard bien au chaud dans le PS. Comme « anticonformisme », on fait mieux.

      [C’est en fonction de cela que « la crise historique du PCF » s’est jouée !…]

      Et je trouve assez curieux qu’une personne qui se réclame du marxisme puisse imaginer qu’une « crise historique » se soit jouée uniquement autour d’un conflit d’idées. Si l’on veut être marxiste, il faut penser que derrière ces idées se cachent des intérêts matériels. C’était quoi, pour vous, les intérêts des uns et des autres ? Je veux bien que vous contestiez mon analyse, mais au moins je fais l’effort de rattacher ce conflit à un rapport de classe…

      [Les procès d’intentions, déraisonnables et tragiques à la fois…, envers des communistes « contestataires », …]

      Pardon… mais les « procès d’intention » n’ont été fait qu’envers les « communistes contestataires » ? Je crois me souvenir que les « contestataires », eux aussi, ont fait quelques petits « procès d’intention », non ? Ceux-là, ne sont-ils pas aussi « déraisonnables et tragiques » ? Tiens, par exemple, quand Kriegel-Varlimont accuse Marchais d’avoir été travailler volontairement en Allemagne, c’était pas « déraisonnable et tragique », ça ? Je trouve votre approche de l’histoire assez manichéen : les « gentils » d’un côté, les « méchants » de l’autre. Vous exigez des uns qu’ils reconnaissent leurs torts… et les autres ?

      [À propos donc de centralisme démocratique, citons donc à nouveau le camarade A.S., page 149 : « Le centralisme démocratique désigne tout simplement, de nos jours, l’effort de l’intellectuel collectif qu’est le parti révolutionnaire pour que chacun des individus qui le composent soit, dans la pratique, coauteur et coacteur de la politique mise en œuvre. Centraliste, parce que personne – pas même les communistes – n’échappe à la tendance millénaire de déléguer à d’autres sa capacité d’initiative et l’exercice de ses responsabilités. Démocratique, parce que personne – pas même les communistes – n’acceptera jamais d’être promu « centre d’initiative et de responsabilité » contre son gré. »]

      Le camarade AS a tort. Là où il écrit « personne – pas même les communistes – n’échappe à la tendance millénaire de déléguer à d’autres sa capacité d’initiative et l’exercice de ses responsabilités » il aurait du écrire « personne – pas même les communistes – n’échappe à la NECESSITE millénaire de déléguer… etc. ». Car la division du travail, ce n’est pas une « tendance », c’est une NECESSITE.

      [Eh bien, je prétends qu’A.S. restait ici, « en son âme et conscience » et « tout simplement », un as… de la contorsion intellectuelle !…]

      Je suis d’accord, mais pour des raisons fort différentes des vôtres. A.S. essaye désespérément de défendre en même le CD et le « socialisme autogestionnaire », cette vache sacrée que le PCF s’est créée pour faire plaisir aux soixante-huitards qui l’ont rejoint. Le problème n’est pas avec le CD, parfaitement cohérent avec l’organisation d’un parti politique au service des couches populaires. Le problème se trouve dans cette idée de « socialisme autogestionnaire », qui revient à ignorer le matérialisme historique pour revenir à l’idée rousseauienne d’un homme infiniment bon qui, n’étant pas corrompu par la société, n’utiliserait sa « capacité d’initiative » que pour le bien de ses congénères.

      [Il fallait une stratégie autogestionnaire, pour aller au « socialisme autogestionnaire » !…]

      Mais fallait-il « aller au socialisme autogestionnaire » ? That is the question. Pour commencer, il aurait fallu définir clairement ce que serait un « socialisme autogestionnaire » et comment une telle société arriverait à se réguler.

      [Que l’on ait besoin de l’aide, dans la vie, d’un médecin ou d’un avocat n’est pas un argument suffisant !…]

      Dire qu’un argument n’est pas suffisant n’est guère mieux, comme argument. Le fait est que la division du travail a fait ses preuves depuis des millénaires. Le rêve d’une société dont chacun des membres aurait la totalité des connaissances et des habilités accumulées par elle ne peut être qu’un rêve. C’est cela qui se cache derrière cette « autonomie », cette « émancipation » dont vous parlez : un individu totalement affranchi de la société car ne dépendant que de lui-même. Mais une telle société serait très pauvre. D’une part, elle ne pourrait accumuler que les connaissances et les habilités connaissables par un même homme, ce qui est plutôt restreint. Et d’autre part, elle dépenserait une richesse considérable à former chez chaque citoyen des connaissances et des habilités qui ne seront que très rarement utilisées…

      La logique qui nous a sorti des cavernes est une logique de spécialisation, dans laquelle chaque membre de la société délègue ses pouvoirs dans les domaines où il n’est pas compétent, et se voit déléguer par les autres dans les champs où il l’est. Cela fabrique une société d’individus qui ne sont pas « autonomes » mais « interdépendants ». Et qui ne sont donc « libres » que dans le cadre de cette interdépendance. C’est cela qui fait horreur aux tenants de « l’individu autonome », qui souhaitent – sans le dire en général – un retour à l’état de nature sans avoir lu Hobbes…

      [Car prétendre cela, c’est justifier le principe d’un pouvoir à ceux qui savent !…]

      Et alors ? Faut-il rejeter une analyse au prétexte qu’elle ne donne pas le résultat que vous voudriez trouver ? Je trouve que cet argument éclaire assez singulièrement votre position. Votre logique est téléologique : au lieu de partir des faits pour arriver à une conclusion, vous partez de la conclusion pour ensuite rejeter les faits s’ils ne cadrent pas. Ici, vous avez décidé ex ante que « justifier le principe d’un pouvoir à ceux qui savent » est mauvais. Donc, un raisonnement qui conduit à cette conclusion ne saurait être admis.

      Mais si on réfléchit un peu, en quoi il serait mauvais de donner le pouvoir « à ceux qui savent » ? Nous le faisons à l’école, nous le faisons à l’hôpital… pourquoi ne pas le faire ailleurs ? Personnellement, je lutte pour qu’on donne le pouvoir à ceux qui savent, et que tout le monde puisse accéder à ce statut de « sachant ».

      [Et ce n’est pas ainsi, effectivement, que l’on arrêtera, sous le prétexte d’une surdétermination de l’idée de Division du Travail, y compris de justifier l’existence hypostasiée d’une « classe politique séparée » !!!…]

      Je ne vois pas l’intérêt de nier le réel. Toutes les sociétés ont, non pas une « classe » politique au sens que Marx donne au mot « classe », mais un « groupe » de gens compétents sur les questions de gouvernement de la cité, à qui on délègue la fonction de gouverner. La démocratie, cela consiste à donner à chaque citoyen la possibilité – s’il est prêt à investir l’effort nécessaire – d’accéder à ce groupe. Je trouve regrettable qu’on ait adopté à gauche une vision de la démocratie qui privilégie au contraire le gouvernement par les ignorants.

      [Déléguer ne veut pas dire se laisser (dé-)posséder !…]

      Non, c’est se déposséder soi-même.

      [à savoir que les moyens de la lutte puissent effectivement venir obérer les fins, au point de s’y substituer, et de se retourner contre elles ?!?… Cette question n’a absolument rien d’anodin, l’on pourrait dire qu’elle est celle du « Grand et Vieux Péché de Jeunesse du Communisme », par lequel il ne pouvait en fait que faire avorter, et que …louper le but qu’il poursuivait !…]

      Je n’ai rien compris. De quel « grand et vieux péché » parlez-vous ?

      [Aussi bien, « la classe ouvrière », désignée comme la classe fossoyeuse de l’ancien monde capitaliste, et dotée d’un « rôle d’avant-garde » qui en faisait en quelque sorte la fraction naturellement élue du Peuple, devant emmener celui-ci en terre promise du paradis socialiste…, n’était-elle pas apte à y compris ….creuser sa propre tombe, dans la mesure où elle serait restée prisonnière de formes systématiques d’expressions et de luttes insuffisamment innovantes ?!?…]

      Là encore, je trouve que vous cédez au péché de mode. Qu’elle put « creuser sa propre tombe » en restant prisonnière de formes insuffisamment EFFICACES, je pourrais le comprendre. Mais qu’elle ait pu le faire en restant prisonnière de formes « insufissament INNOVANTES », c’est déjà plus bizarre. On dirait que vous posez comme principe qu’une forme « innovante » est par définition efficace, comme si toute « novation » était légitime par définition…

      [Car dès le départ, que le chant de « la classe ouvrière » ne vire pas au « solo funèbre » : ce n’était pas qu’une question de savoir quelles alliances elle devait être capable de nouer, mais avant tout de quelles formes d’organisation (d’essence non « bureaucratiques ») elle devait se doter, pour se constituer en force potentiellement « hégémonique » !…]

      Pourquoi « d’essence non bureaucratiques » ? Là encore, certains mots deviennent des sortes de repoussoir sans qu’on s’interroge sur leur véritable signification.

      [Car non, l’on ne s’émancipe pas avec les méthodes de l’adversaire !… Ces méthodes se devaient d’être toutes subverties, sans attendre !…]

      Vous énoncez des « vérités » comme si elles étaient des évidences. Elles ne le sont pas. D’où sortez-vous qu’on « ne s’émancipe pas avec les méthodes de l’adversaire » ? Faut-il revenir à l’oralité au prétexte que le capitalisme est une civilisation de l’écrit ?

      [À quoi peut ressembler, en ce sens, un communisme décomplexé, et dégagé de ses propres archaïsmes ?]

      Encore faudrait-il savoir en quoi consiste les « complexes » et « archaïsmes » dont vous voulez débarrasser le communisme. Là encore, on voit dans votre expression l’effet de mode. Moi, ce que j’ai envie de voir, c’est un communisme efficace, capable de libérer le travail de la subordination au capital. Je me fous de savoir s’il est « complexé » ou « décomplexé », s’il est « archaïque » ou « moderne ». Paradoxalement, vous tombez dans l’erreur que vous dénoncez vous-même : confondre les buts et les moyens. Il ne s’agit plus de libérer la classe ouvrière de l’exploitation, mais de libérer les communistes de leurs « complexes ».

      [Ne faut-il pas admettre, par exemple, qu’à l’affirmation de Clausewitz disant que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », d’une part l’on peut ajouter « et réciproquement », c’est-à-dire que la politique, dans ses formes dominantes habituelles de quête du Pouvoir, reste toujours d’essence guerrière ?]

      On peut toujours. Mais à quoi cela nous conduirait ? A considérer l’assassinat politique comme légitime – puisqu’il est admis qu’à la guerre il est légitime de tuer pour atteindre ses objectifs ? Franchement, je réfléchirais à deux fois avant d’admettre la théorie de Clausewitz (qui, dans l’idée de son auteur, ne s’applique qu’à la politique étrangère, et non à la politique en général) et encore plus avant de lui faire des ajouts comme celui que vous suggérez.

      [Et d’autre part qu’il n’a pas existé de critique, et d’autocritique encore assez poussée, chez les communistes, pour ainsi dire par peur de « l’anarchisme », permettant de se départir eux-mêmes de ces formes dominantes et « systémiques », tout inhibés qu’il étaient eux-mêmes, comme l’on pourrait en faire la remarque « freudienne »,… par une sorte de « complexe militaro-religieux » ?!?…]

      Encore une fois, soyez précis. C’est quoi ces « formes dominantes et systémiques » dont vous parlez ?

      [C’est Guy Debord qui a fait la remarque que la division du travail en « fonctions » laborieuses diverses et variées renvoie toujours plus ou moins à un principe de « discipline » viriliste, consistant en un maintien dans une sorte de militarisation des esprits !…]

      Et Ivan Illitch voulait une société sans école. Vous n’aurez pas de mal à trouver des penseurs des années 1960 pour théoriser toutes sortes de sornettes. Et bien, vous m’excuserez de ne pas considérer Guy Debord comme l’une des lumières de la pensée politique moderne. Et le fait qu’il soit à la mode n’implique pas qu’on doive prendre ce qu’il dit pour une vérité.

      [Est-ce que le rôle d’un parti révolutionnaire, au service de la classe ouvrière, n’était que de sublimer ce principe : de transposer juste telles quelles les contraintes d’une « discipline de fabrique », …en se contentant de l’orienter vers la Bonne Cause ??…]

      J’attends toujours avec impatience que vous expliquiez ce que vous proposez à la place. Parce que je vous entend critiquer le CD et la « discipline de fabrique », mais je ne vois toujours pas l’amorce d’une proposition concrète d’organisation.

      [Est-ce que cela ne demandait pas aussi bien d’interroger, sans naïveté d’aucune sorte (ni molle ni dure), et sans compromission d’aucune sorte avec la collaboration de classes… une certaine surdétermination à tendance paranoïaque de l’Idée de « Rapport de Forces » ?]

      Je retrouve chez vous cette manie des « réformateurs/rénovateurs » de foncitonner par questions. Au lieu de s’écrier « n’aurait-il fallu faire ceci ? » ou « n’aurait-il fallu s’interroger sur cela ? », pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? J’attends toujours de voir un livre de Juquin, de Fizsbin, de Hermier, de Fiterman, ou de Sève proposant une organisation CONCRETE du Parti. On l’a d’ailleurs bien vu en 1994 : quand le CD eut été aboli et que les cris de joie se sont tus, tout le monde s’est brusquement aperçu qu’on n’avait pas la moindre idée de comment organiser différemment le travail et la prise de décisions. Et on attend toujours une proposition…

      [Est-ce que, par exemple, l’enjeu des luttes antiracistes historiques aux USA, ou « le paradigme Mandela », n’ont pas montré cela : qu’autant que faire se peut, les luttes elles-mêmes doivent être visiblement porteuses de « formes nouvelles » qui anticipent l’issue, et le débouché dans des formes de vie commune « inédites » !?…]

      Quelles « formes nouvelles » ? La lutte de l’ANC a fait appel aux formes « anciennes » qu’on peut retrouver déjà dans la Résistance en France. Les « luttes antiracistes historiques aux USA » ont, elles, emprunté à la tradition des luttes religieuses dont les racines se trouvent dans l’Angleterre du milieu du XVIIème siècle. Une forme de lutte n’est pas nouvelle ou « inédite » parce qu’elle est nouvelle pour vous ! Quand aux « formes de vie commune inédites », vous devriez faire un petit tour en Afrique du Sud, ça devrait vous guérir de quelques illusions…

      [l’on devra se demander quelles « formes nouvelles » la lutte devra prendre !!!!??…]

      Non. On devrait se demander quelles « formes » la lutte devra prendre pour être efficace. Le fait de savoir si elles sont « nouvelles » ou « anciennes » n’a aucune importance. Encore une fois, vous semblez éprouver un besoin de recherche de la « nouveauté » comme si le « nouveau » était par définition efficace…

      […Il semblerait qu’aussi bien « des gens comme moi » ont « gravement perdu la confiance » de « gens comme vous » !… Est-ce que je me trompe ?!?…]

      Non, vous ne vous trompez pas. Mais il faut être cohérente. Pourquoi les « gens comme moi » feraient confiance à des gens qui, après avoir cherché à renverser la direction du Parti y compris avec la complicité de Miterrand, se retrouvent quelques années plus tard élus chez le PS ? Vous auriez confiance en des gens comme ça, vous ?

    • Aubert Sikirdji dit :

      Croyez-vous que ce soit une méthode que d’être désobligeant avec un interlocuteur, sous le prétexte que vous ne voulez pas faire l’effort de le comprendre ? L’on ne risque pas d’entretenir sa propre intelligence en se contentant de ne prendre les autres que pour des imbéciles. Et, en tout état de cause, de notre côté de la barricade, nous ne pouvons-nous payer le luxe du simplisme !… Et non, ce que j’ai écrit ne relève pas d’un douteux galimatias d’inspiration rousseauiste !… Il n’y a rien de sorcier, même si ça pose d’immenses questions,… dans l’affirmation que le communisme doit tendre, sans attendre, à diminuer l’écart entre moyens et fins de l’action politique, et ce faisant, oui, à « dissoudre » l’hypostasie du « Pouvoir » et de « la politique séparée » !…

      D’évidence, nous ne sommes pas d’accord, mais ce n’est pas une raison pour me mépriser. C’est pourtant, oui, un critère de crédibilité et d’efficacité symbolique d’une politique d’alternative émancipatrice !… Car l’émancipation, ça passe par des chemins pluriels, qui non seulement récupèrent des éléments du vieux monde, mais qui produisent sans délai des éléments de l’à-venir !… Évidemment qu’il y a du Pouvoir à re-prendre, et même on peut dire qu’il faut un retour sans précédent de l’État… Mais pas de n’importe quel État : Lénine posait en même temps que la nécessité de la dite « dictature du prolétariat », renversant celle de la Bourgeoisie, la figure du « demi-État », complètement ouvert à son appropriation par le peuple, et donc engageant sans attendre son propre dépérissement !… Je ne sache pas que ce soit une thèse petite-bourgeoise !…

      J’ajouterai que l’opposition de la fin et des moyens, c’est aussi celle des parties et du tout. Les exemples que vous prenez, dans une confusion entre la division proprement technique du travail et de la division politico-sociale, alors que les communistes, par exemple, ont toujours dit que « la politique n’est pas un métier », sont particulièrement éclairants : car les « défauts » de la médecine (occidentale), c’est de tendre à ramener ce qu’on est à ce qu’on a, et trop souvent à représenter les êtres par un élément d’eux-mêmes : à la limite, vous serez hospitalisé pour un gros problème de foie, …et vous serez du coup appelé « le foie n°7 », lors de la visite du patron… De même, un avocat ne représente que « des parties », pas « le tout » !…

      C’est précisément toute l’ambiguïté du concept d’intérêt général, sous hégémonie bourgeoise : car la Bourgeoisie érige, par effet de « consensus », ses intérêts en soi-disant intérêts de tous !… Mais, à l’inverse, nul besoin de vous rappeler que « la classe ouvrière » n’a pas vocation à devenir sur le même principe « classe dominante » !… La classe ouvrière, oui, à « vocation » à supprimer les classes sociales, et donc à s’auto-dissoudre !… Pour ainsi dire, elle a vocation à être « totalitaire », dans le bon sens du terme, parce que porteuse d’un intérêt général, et même universel, d’un nouveau type, qui consiste à se préoccuper réellement de la totalité, et non à en pervertir le concept par intérêt personnel !… Cela change toute la donne, en matière de « représentation » !… Et, entre autres, cela pose y compris la nécessité d’une relance à très grande échelle de la question, oui, culturelle de la représentation !… L’homophonie est ici à assumer. Certes sans confusion ni raccourci. Mais tout de même. …Car un pays qui a connu le TNP, en même temps que l’application partielle du programme du CNR, quelque part, le sait dans « son ADN »!…

      Mais le vrai problème, en matière de « représentations », c’est à mon sens que vous êtes resté marxiste (vulgaire). Pas moi. Merci donc de m’indiquer Hobbes, dont je n’ai rien lu. En retour je vous indiquerai un livre du « marxiste » Henri Lefèbvre, comme « contribution à la théorie des représentations » : « La présence et l’absence ». Il y tord en particulier le cou à la théorie de « la conscience reflet », de Lénine, qui nous a laissé dans une impasse logique…

      Ceci posé, je reprends quelque points :

      [Vous ne pouvez pas me reprocher de vous assimiler à des gens auxquels vous vous êtes vous-même associé.]

      Mais si, je puis tout à fait vous le reprocher. Ça vous arrange de vous « faire un exemple ». Au demeurant, il est un fait que tout regard inquisiteur peut toujours se soutenir de quelques propos émanant de celui qui le subit, bredouillant ce qu’il peut…., dans la mesure où il lui met la pression, et où il tend « naturellement » à les fausser !… J’ai en mémoire dans ce sens un passage de Paul Éluard, qui peut servir à résister gentiment à l’Inquisition : « Il est extrêmement touchant / De ne pas savoir s’exprimer / D’être trop évidemment responsable / Des erreurs d’un inconnu / Qui parle une langue étrangère /D’être au jour et dans les yeux fermés /D’un autre qui ne croit qu’à son existence. »

      Ceci dit, oui, je vous l’accorde, …vous m’avez lu très précisément, et pris en flagrant délit : j’avoue donc tout !… Je fais pénitence !… Je m’auto-flagelle !… Toute l’eau de la mer ni les parfums d’Arabie ne pourront laver ma faute !… Car j’ai bien écrit « des gens comme moi »… Et c’était visiblement courir un grand danger devant vous !… Il aurait sans doute été préférable que je m’en tienne à l’expression : « quelqu’un comme moi »… Ce qui comporte néanmoins un autre grand inconvénient : celui de m’isoler !… En réalité, sous le Regard étroit et forclusif de l’Inquisition, il n’existe absolument aucune solution !!!… Aucune échappatoire d’aucune sorte !… L’on pourrait y être, comme un niais (ou comme un nié défini et définitif…)…: …pris au filet, et condamné à la prison mentale à vie !…

      [si vous écrivez en parlant de Juquin « les gens comme moi », on peut raisonnablement déduire que vous partagiez avec Juquin quelque chose de plus qu’une « vie militante de jeunesse dans une partie de l’Essonne ».]

      Que vous dire à ce propos, sur ce que j’ai « partagé » avec Juquin comme processus idéologique ? Il se trouve notamment que c’est à partir de l’enjeu pédagogique que je me suis convaincu que le PCF devait changer, sur lequel Pierre Juquin était particulièrement branché… L’idée qu’il n’y avait, d’Ouest en Est, ni modèle ni contre-modèle à « appliquer » comme « de la décalcomanie », comme le disait Marchais, et donc qu’il n’y avait « rien de comparable » entre les systèmes, ne pouvait en réalité suffire, comme si chaque pays ne devait se préoccuper que de son « chez-soi » national !… Et c’est en effet à interroger la formule du « bilan globalement positif » des pays de démocraties populaires, dans la contradiction logique qu’avait posée le 23ème congrès avec l’idée qu’elle méconnaissaient gravement les aspirations démocratiques dont elles étaient elles-mêmes porteuses…, que nous sommes allés, plutôt enthousiastes, ma femme et moi, quatre années de suite en RDA, à Pâques, de 1979 à 1983, …précisément avec des délégations d’étude du système « polytechnique » d’enseignement !… Et ce n’est que progressivement que nous avons réalisé, au-delà du système d’enseignement, que « le système » global de contrôle social y était invivable, …et pas que pour des français !… Le système d’enseignement jouant un rôle central, dans la production d’un Moralisme d’État…

      Pierre Juquin connaissait fort bien la RDA. …Mais c’est sans concertation aucune avec lui que, ma femme et moi, nous n’avons donc pas attendu que « la chute du Mur » ait lieu pour contester un certain type de fonctionnement « monolithique », que ce soit pour une société, ou pour un Parti. Le Déclin du PCF, après le dit échec de l’Union de la Gauche par les Sommets, nécessitant, oui, de procéder de son côté, oui, …à des remises en question profondes, pour ne pas dire abyssales !… Il y avait indéniablement de l’archaïque à « dépasser », qui avait une dimension continentale !…
      Je puis ajouter ceci à propos d’avoir écrit « des gens comme moi » : c’est qu’il suffit d’un élément, pour l’Inquisition, pour procéder à l’induction de la partie au tout…, et pour que l’on se retrouve reconstitués en « fraction » !…
      Il est arrivé d’ailleurs que la Direction du PCF soit passée du fantasme à l’acte…

      Car en attendant, je vais vous donner un seul exemple, précis, d’une soi-disant « activité fractionnelle » de « traitres en puissance », pas simplement imaginaires, mais bel et bien fabriquée de toute pièce, histoire de bel et bien impulser… une paranoïa de rigueur dans l’organisation !… : que Roland Leroy me contredise !…: Voici ce qui en effet a été fait, c’est un fait, pour casser la « tendance » fertile, en l’occurrence des psy. communistes…, qui « s’alimentait », par exemple, …par des rencontres de réflexion hebdomadaires, porte d’Orléans, entre Lucien Bonnafé et Tony Lainé : à l’été 1984, la Direction de la Direction du Parti avait en effet décidé, dans la situation de crise, de lancer une opération « que les bouches s’ouvrent », qui au final n’a servi qu’à repérer les camarades « en désaccord » pour les opérations de mises à l’écart qui suivraient !… Tony Lainé et Daniel Karlin ont envoyé un texte critique à l’Humanité. Et, … bizarrement ce texte s’est retrouvé, envoyé par la direction de l’Huma., …au Nouvel Observateur !… Tony Lainé ayant protesté contre ce procédé auprès de Roland Leroy, et lui ayant demandé ce qui s’était passé, celui-ci lui répondit qu’il ne le saurait pas !… C’était top secret. Tony Lainé était un homme extraordinaire, d’une très grande humanité, et très attaché au PCF. Un psychiatre de très grand talent. Lorsqu’il est mort, ce fut d’une crise cardiaque… Qu’était donc l’utilité de ce genre de procédé, si ce n’était de contribuer à démontrer « aux yeux du Parti » l’existence d’une soi-disant « activité fractionnelle », fabriquée de toutes pièces !!??… Voyez-vous ce que je veux dire ?!?… En tout cas, ceci est mon témoignage !!!… De source sûre.

      [Au cas où vous l’auriez oublié, Juquin a attaqué la direction du PCF et même présenté une candidature alternative contre celle du PCF. Son « crime » n’est pas dans ses idées, mais dans ses actions.]

      Il a émis quelques doutes rétroactifs sur son action. Au demeurant, je considère que ça ne l’a pas mis hors-champ de la question communiste. Il a exprimé une crise historique réelle de la représentation du PCF. Ce n’est pas en tout cas son action qui aurait fait, par exemple, que le parti des communistes le plus nombreux devienne celui des sans carte !… Ce serait invertir l’ordre des choses !…

      [Je vous rappelle ma devise : « je pardonne souvent, je n’oublie jamais ». Il y eut dans les années 1980 une « fraction de dissidents » qui ont cherché à affaiblir le PCF, à renverser sa direction, qui sont allés même allés quémander de l’aide chez Mitterrand pour cela. Et ça, vous m’excuserez, je ne suis pas près de l’oublier. Comme je ne suis pas près d’oublier que bien de ces gens ont été récompensés par le PS plus tard avec des prébendes et des postes. Il n’y a rien de « persécuteur » là-dedans, simplement une question de morale et de justice.]

      La plus grande partie des communistes n’est pas partie chez les socialistes !… Mais « dans la nature » !!!… Le PCF étant devenu, selon l’expression consacrée, « un parti-passoire »…

      [Avec la prise du pouvoir des « classes moyennes », on a vu rentrer au PCF toutes les théories fumeuses de mai 1968. « L’autogestion », « l’horizontalité », « l’école comme structure répressive de l’Etat », « l’écologie », et finalement le « féminisme de genre ».]

      Je ne discuterai pas avec vous de féminisme. Vous avez écrit par ailleurs des choses monstrueuses, du genre mise en doute de viol, qui devraient relever de la possibilité-nécessité d’être poursuivi au même titre que la négation de crimes racistes.

      Sur l’autogestion, un concept dont vous reprochez au PCF d’en avoir fait un totem, « une vache sacrée »,… reposons-donc en toute lucidité la question première : QU’EST-CE donc que la nécessité d’UNE STRATÉGIE AUTOGESTIONNAIRE ? Eh bien je vais vous le dire : en un mot, je dirai que cela relève de la seule orientation possiblement « efficace », comme vous dites : à savoir de l’ambition comme d’un effort constants de « CHANGER LES CHOSES DE L’INTÉRIEUR », tendant à réduire, oui, l’ambiguïté inhérente à la politique séparée, et la dichotomie, comme je l’ai dit, entre fins et moyens, comme au maximum le taux de gâchis et d’erreur que vous considérez comme nécessaire à tout processus d’essai historique !…

      Cela opère donc, pour employer un terme à la mode chez les managers, une « disruption » potentielle (je dis bien potentielle, et non d’un seul coup d’un seul) avec une certaine tradition, autrement dit …avec la « matrice » léniniste, selon laquelle la conscience était « apportée de l’extérieur »…

      [Ce que nous déléguons à ceux que nous chargeons de nous diriger, c’est notre pouvoir de nuire.]
      Ah bon ? Juste dit comme ça, c’est très étrange !…

      [C’est sur… quand Fiterman ou Fiszbin deviennent élus socialistes, ce n’est certainement pas le pouvoir qui les intéressait, mais l’avancement d’un communisme refondé et des intérêts de la classe ouvrière…]

      Ce n’est pas mon propos de m’attarder sur je-ne-sais-quels postes obtenus par Fizbin ou Fiterman !… Pour moi, c’est de la mousse, …c’est de l’écume de discussion. Ça ne va pas au fond des choses.

      [Le « pouvoir », c’est la capacité de traduire une volonté dans les faits. Si je comprends bien, vous voulez la « dissolution » de cette capacité. En d’autres termes, vous voulez un monde d’idées où celles-ci ne se traduisent par aucune réalisation. J’ai bien compris ?]

      « Le Pouvoir » détient-il une capacité de traduire… ou plutôt de trahir la « volonté populaire » !?… Non, vous n’avez rien compris de ce que je dis. Et vous continuez à ne me prendre que pour un sot. Vous prétendez m’alerter, m’avertir, et ne faites que me la jouer à l’envers !… Le fait est que : lorsque les idées s’emparent des masses, elles deviennent une « force », c’est-à-dire une puissance matérielle… Et le pouvoir est ce qui risque bien trop souvent de se retourner contre cette puissance, dans la mesure où il réduit les masses à un terrain d’expériences !… (Voir les travaux théoriques de Miguel Benasayag)…

      [Il faut savoir de quoi on parle. Le terme « représentation » en politique n’a pas du tout la même signification que lorsqu’on parle de « représentations culturelles ». Confondre tout sur la base d’une homophonie comme vous le faites n’aide pas à la réflexion.]

      J’ai déjà répondu à cela.

      [les « autogestionnaires des années 60-70 » sont allés chercher leurs références partout, SAUF dans le programme du CNR.]
      Les communistes auraient pu faire le lien. L’Histoire des processus alternatifs est faite d’une mémoire des possibles, et de points d’appui historiques !…

      [Si vous avez investi dans l’idée « d’autonomie » des rêves sans rapport avec la réalité, ce n’est pas la faute du capitalisme. Encore une fois, vous devriez lire Hobbes, et arrêter de croire que l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le corrompt.]

      Vous persistez à me repeindre effrontément en une sorte d’imbécile bêlant !… Ce n’est pas reluisant de votre part. Oui, je prétends que « le management », pervertit le concept d’autonomie !… Qui n’est pas plus que l’individualisme, juste réductible à une version « petite-bourgeoise » !… Si l’on raisonne dialectiquement, le concept d’autonomie ne s’oppose pas à tout crin à celui de « travailleur collectif » !…

      [s’il s’agit de fabriquer des individus affranchis de toute contrainte sociale, je ne suis pas d’accord.]

      Qui donc a parlé de cela ?

      [QUELLE refondation communiste… et au service des intérêts de qui ?]

      Vous ne concevez que le désert des « intérêts » objectifs !… Au demeurant, c’était, parait-il, l’intérêt de la C.O. (Classe Ouvrière) d’avoir « son » Parti !… Et c’est ici que je veux montrer qu’il s’est joué autre chose qu’une affaire d’enculage de mouches, comme vous l’avez avancé, si élégamment, qui aurait concerné « tous les débats » sans exception, depuis l’abolition du CD (Centralisme Démocratique) :

      …car oui, il existe une différence, qui m’a fait personnellement historiquement, et théoriquement transiter de la « rénovation » à la « refondation » !… Je prétends en effet, et maintiens pour commencer que la logique de rénovation (par à-coups), qui a eu quelque chose de « nihiliste » sans le savoir (pour parler comme Michel Onfray),… était essentiellement (et jusqu’à son feu vert accordé par celui-ci à l’abandon du CD ) celle de Georges Marchais (G.M.) soi-même !… J’en veux déjà pour première preuve cette citation qu’il a faite, d’un livre à l’autre, de lui-même (reprise par Marie-George Buffet, je crois, pour le 5ème anniversaire de son décès), comme quoi il s’étonnait de rencontrer, à l’occasion des « communistes conservateurs »… De fait, sa geste historique n’a pas réussi, à son corps défendant, à « conserver » le Parti !…

      Il est nécessaire et essentiel que je reprenne profondément certaines considérations à ce propos. Vous parlez de « pratique »… et G.M. s’est comporté, effectivement, en « pragmatique » :
      Car, non, cela ne date… de la dite « Mutation » du Gros Béru, le souci pragmatique de donner au PCF juste un « air nouveau », somme toute opportuniste, pour ne pas dire « révisionniste », …et qui aurait perdu en route « l’authentique chanson communiste » !… Car déjà l’ère Marchais s’était proposé de « secouer la poussière dogmatique », au point de ne pas se refuser de changer, non seulement de modèles, …mais de concepts comme de chemise !…

      Notons bien que le pragmatisme en question, pris pour du réalisme, a eu des conséquences jusqu’à aujourd’hui : voir …Ici : https://www.youtube.com/watch?v=MqcpvT5k6lk , où, à l’université d’été du PCF de 2016, au bout d’une heure : dans l’ambiance suivant un propos ronronnant de Pierre Laurent sur « Quelle stratégie pour la conquête du pouvoir au XXIe siècle ? », …un bon camarade, parmi un auditoire pas très réveillé,… dit que la sortie de l’idée de dictature du prolétariat et d’un certain romantisme révolutionnaire, dont il a fallu, pour ainsi dire, faire le deuil, signifie en pratique « qu’on en tire, nous, en tant que communistes, dans le mouvement réel, les choses pour ce qu’elles sont et pour en faire ce que nous voulons » !… Yes !… Ça au moins c’est clair, précis, …et bien envoyé !… Reprenons donc cette affaire de pragmatisme… :

      Vous avez écrit le 30/07/2017 à 13:24 : [le communisme de Marchais n’était certainement pas celui de Cachin ou de Thorez. Sans qu’on éprouve le besoin de parler d’un « autre communisme ». On commence à utiliser le mot « autre » quand on veut en finir avec la substance mais garder la devanture.]

      Mais vous ne pouviez pas comme ça lancer une accusation approximative de superficialité. « On » ; c’est qui « on » ? Nous ne sommes pas des bandes de « on ». Il faut traverser le mur du on, et nous efforcer d’examiner de près les histoires de forme et de fond !… C’est une question posée à tous !… Car je l’ai déjà indiqué : …les questions de « changement de devanture » qui auraient « perdu la substance » …ont commencé, si l’on s’y penche avec rigueur, avec des propositions du style de Georges Marchais, qui appelait par exemple… à ce qu’on n’ait pas « le fétichisme des mots » !… À partir de ça, l’on peut se permettre d’avoir des visions spéléologiques, sur « les pertes de substance » en profondeur !!!!… Encore faut-il accepter de plonger.

      Peut-être pourra-t-on alors se rendre compte que, pas seulement le PCF de G.M., mais le mouvement communiste international est progressivement passé du principe de la réponse à tout au… plus rien à dire, d’avoir d’abord laissé s’affaisser sa base théorique en « marxisme-léninisme » économiste et mécaniste,… tout pendant que la relance d’un capitalisme « pragmatique », comme dit Macron, a eu, étape par étape,… un boulevard devant elle !!!… (Un panneau dans lequel ne sont pas tombés, au demeurant, des philosophes comme Henri Lefèbvre ou… Michel Clouscard !…)…
      Ainsi, la dérive, parait-il vers un esprit de Communication pour la Galerie ne date pas en réalité de Robert Hue !… Les préoccupations de forme, comme l’a écrit Alain Ruscio (dans son livre « Nous et moi, grandeurs et servitudes communistes »), tendant à faire « prendre l’eau au bateau par le fond », cela date d’ avant !…

      C’était au départ et un sens un mérite, de la part de G.M., de professer un anti-dogmatisme, qui impliquait de « refuser le fétichisme des mots ». Pierre Juquin avait jubilé, lorsque G.M. lui avait proposé, pour commencer, le vaste programme de « secouer la poussière »… J’ai la mémoire d’un très beau meeting, qu’ils ont tenu ensemble, au début des années 70 à la patinoire de Grenoble, où Pierre s’était lancé dans un numéro, précisément, antidogmatique : affirmant que les communistes ne lisaient pas Marx, à la manière que faisait Don Quichotte avec les romans de chevalerie… (ce n’était pas très gentil, au demeurant, pour Don Quichotte !… Mais passons…)

      En attendant, s’il faut que je raconte encore un peu plus ma vie militante, …c’est d’un autre souvenir dont j’ai envie de me rappeler. À l’époque de l’abandon du concept de dictature du prolétariat, en 1976, un débat auquel j’ai assisté avait eu lieu, à Paris, où il y avait Althusser et Sève en débat, puis Marchais, et je me souviens très vaguement qu’Henri Malberg devait tenir un rôle d’intense animation… Un des arguments d’un Jojo en pleine forme, …ce fut de dire qu’il en va de l’usure des concepts comme de toutes choses…, et que, pour prendre un exemple, « – lorsque mon costume est usé, j’en change » !… Ben voyons !… CQFD !…

      Et en fonction de quoi, ce jugement de simple « usure » : d’un « ressenti » dans l’opinion publique, d’une démonétisation du pouvoir d’un mot, qui par ailleurs, faisait un peu trop peur au français moyen ?!?… De fait, je considère que, oui, je me répète, …des exigences de « communication », qui ont supplanté les exigences théoriques, ça ne date pas de la dite Mutation !… Marchais était déjà bel et bien dans la tyrannie de la télé et de la com’, dans « l’interactivité »… (Ce qui n’était pas un défaut en soi, mais bon…). C’est d’ailleurs « sous Marchais » que Pierre Juquin a fait muter, en plein accord avec lui, la « propagande » en « communication » !…

      J’étais en tout cas OK, avec le refus du fétichisme des mots. Car, comme l’a dit Aragon : « on boit dans le verre qu’on a !… »… Et même cette idée m’a poussé à interroger la façon lancinante de s’exprimer des communistes…, jusqu’à d’importantes conséquences (je vais y venir plus loin)… De ce point de vue, je n’avais déjà aucun problème pour « rénover » …le langage !… En revanche, …ce qui est plus grave, c’est une désinvolture théorique, qui s’est exprimée de manière tout à fait explicite, et je l’ai déjà écrit, comme « refus des modèles » !… Car la supposée obsolescence prévisible des concepts… en même temps que « des modèles », cela a pu aboutir à ce que nous scions la branche sur laquelle nous étions assis, et à faire de nous ce que nous ne prétendions pas être : des voyageurs sans bagages !… Je n’invente rien : car oui, le PCF de Georges Marchais en est arrivé, encore une fois,… à l’affirmation qu’il n’y avait pas plus, pour nous, de modèle d’individu que d’alternative sociale modélisée que de beurre en branche, … ni dans l’espace, ni dans le temps !… (La formule pourrait être retrouvée). En somme, la direction du PCF a elle-même « impulsé »… et assumé : une désorientation !… Et oui, c’est ce que j’appelle foirer grave, sous couvert de pragmatisme !… Et l’on pourrait bel et bien se demander à ce propos : qui en réalité fut le premier « liquidateur » !?… Ne fut-ce pas « le meilleur d’entre nous » ?!?… Car avec lui, Sève l’a souligné après Althusser, oui, le sort des concepts étaient d’être abandonnés comme chien crevé au fil de l’eau, dès lors qu’il ne « correspondaient plus » aux exigences de l’heure…

      Encore une fois, ce n’était pas d’avoir à produire du renouvellement formel, la question. Oui, l’esprit de « communication », comme c’était affirmé dans le travail opéré par Juquin, avec l’aval de Marchais, c’était que chaque militante et militant devienne lui-même un petit centre d’expression et de rayonnement d’une orientation politique, qui ne devait plus être simplement « récitée » par chacune et chacun !… La mise en œuvre d’une politique supposant son appropriation de masse, elle ne pouvait plus être simplement « appliquée » par des cohortes de singes à bouche d’or, à quoi seraient réduits des « militants » n’étant aptes, au mieux, qu’à paraphraser leur Haute Direction, en guise de message !…

      …Et en ce qui me concerne, j’ai toujours à ce propos un texte de Paul Éluard sous le coude (Notes sur la poésie, 1936. Pléiade t.1, page 482.), qui me sert de référence : …« Si l’on se représentait toutes les recherches que suppose la création ou l’adoption d’un fond, on ne l’opposerait jamais bêtement à la forme. / (…) Une mauvaise forme est une forme que nous ne sentons pas le besoin de changer et ne changeons pas ; une forme est également mauvaise qui suppose qu’on la répète ou l’imite. / La mauvaise forme est essentiellement liée à la répétition. / L’idée du nouveau est donc conforme au souci du fond. »

      Mais, en même temps, une fois qu’on a dit ça, l’on n’a fait que la moitié du chemin… Car, n’est-ce pas, …le renouvellement de la communication formelle n’est qu’une condition nécessaire, mais non suffisante, pour se renouveler « sur le fond », …si tout de même il existe un lien entre eux, dans la mesure où, comme l’a dit Victor Hugo, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface » !…

      En outre, j’ajoute, honnêtement, en passant que … si j’ai autrefois mis en cause les limites et les blocages « formalistes » du principe de « centralisme pédagogique », qui ne servirait qu’à produire, des grands chefs aux petits chefs,… des genres de perroquets, …j’avoue que Jean-Luc Mélenchon m’a légèrement réconcilié avec lui : car produire une armée de « répétiteurs » …du clair message du « philosophe roi » qui les inspire, ça peut être valable jusqu’à un certain point, du moment, comme on dit, qu’il y a du contenu !… Donc il ne faut rien simplifier en la matière, en regardant cette affaire soit par un côté, soit par un autre !… Il faut la considérer historiquement…

      Et cela signifie en réalité que nous avions, oui, toute une immense culture à « changer »… Où l’ambition, comme je l’ai déjà écrit plus haut, devenait de « CHANGER réellement LES CHOSES DE L’INTÉRIEUR », ce qui, oui, peut être appelé une révolution culturelle dans la révolution !… Qui rompt donc potentiellement …avec la « matrice » léniniste, selon laquelle la conscience était « apportée de l’extérieur »… Mais dire cela, c’est justement vouloir rompre avec le « complexe pédagogique » lui-même, d’essence idéaliste !… À l’opposé de ce que vous me reprochez, de manière absurde, …c’est justement le défi d’aller plus loin pour nous poser à nouveaux frais la question de ce que parler de matérialisme historique veut dire, que je préconise !… Car le fonctionnement de naguère du PCF, mais aussi du mouvement communiste international, était justement « encore trop »… de « propagande », et de dissociation des idées et « de la pratique » !…

      De ce point de vue, je ne pense pas que vous, vous sortiez de l’idéalisme, par vos considérations soi-disant réalistes sur le Pouvoir. Il ne suffit pas, pour ainsi dire, de m’attribuer faussement une sorte de « naïveté », d’idéalisme mou, pour vous-même être à l’abri d’un « idéalisme dur » de « coco vain » !…

      [La fonction du révolutionnaire n’est donc pas d’imaginer la société du futur, mais de libérer les forces qui la construiront – au risque que ce qui sera finalement construit ne corresponde que de très loin à ce qu’il a imaginé ou voulu, d’ailleurs…] et [le révolutionnaire déclenche un processus sur lequel il n’a ensuite que peu de contrôle, puisqu’il ne fait que « libérer les éléments de la société nouvelle »], et [question du tragique : il faut oublier l’idée que les hommes contrôlent les évènements.] et [Le problème se trouve dans cette idée de « socialisme autogestionnaire », qui revient à ignorer le matérialisme historique pour revenir à l’idée rousseauienne d’un homme infiniment bon qui, n’étant pas corrompu par la société, n’utiliserait sa « capacité d’initiative » que pour le bien de ses congénères.]

      Vous « avouez » ici vous-même, sans le vouloir, « l’idéalisme dur » en question !… Étant naguère en RDA, au tournant des années 80, …nous avions eu une réunion « entre communistes », à Frankfurt sur Oder… Le premier « responsable » allemand nous avait mis en garde contre les discussions hasardeuses que nous pouvions avoir avec la population, arguant du fait que le SED… ne savait pas bien ce qu’il y avait dans la tête des gens !!!!… Ce propos, passez-moi l’expression, m’avait troué le cul, en tant que « militant de masse », en France !… Comment un parti de 3 millions de membres pouvait-il ne pas savoir ce qu’il y avait dans la tête de 17 millions d’habitants, et donc, comme vous dites, « peu de contrôle », …alors que nous, en France, nous en avions une assez bonne idée, avec 500.000 adhérents !?… Il faut bien se rendre à l’évidence qu’un certain « idéalisme dur » avait mis le Pouvoir de RDA hors-sol !… Ceci dit, évidemment qu’il faut se garder de certaines illusions de maîtrise !… mais cela n’interdit pas d’être « au plus près de la vie », et des possibilités de pratiques alternatives, qui peuvent s’y jouer !… Comment appeler cela autrement qu’une orientation de « socialisme autogestionnaire » (dont une condition à mon sens, est la relative indépendance critique du Parti par rapport à l’État) ? Au demeurant, on pourrait ajouter que cette orientation est : « tout rousseauisme mis à part », mais ce serait illusoire de prétendre éradiquer « les illusions » !… Par ailleurs, il peut arriver que certains débats du style « changer l’’homme ou la société » virent parfois un peu à la question ubuesque de savoir si c’est l’œuf ou la poule, l’origine…

      [la « liberté du peuple » se manifeste dans sa capacité à faire la loi.]

      Ah bon ? C’est tout ? Vous n’avez rien d’autre à la carte ?!?…

      [comment pouvez-vous souhaiter la « dissolution du pouvoir », alors qu’une telle dissolution fait disparaître la loi elle-même ? Car il faut que vous soyez conscient qu’il n’y a de loi que dans la mesure où il y a quelqu’un pour la faire respecter. Et comment ce quelqu’un pourrait faire respecter la loi sans « pouvoir » ?]

      Je considère qu’il faut assumer un rapport paradoxal au Pouvoir, qui, comme le prétend Mélenchon qui désire mettre réellement à l’œuvre le slogan de Mitterrand de « le rendre »… Cela passe, en un sens, par « plus d’État », et donc de force de la loi, par exemple en vue d’arraisonner la Finance… Mais cela suppose une irruption populaire, qui signifie « puissance » : et pas simplement « pouvoir » !… Une nouvelle donne liant loi et légitimité populaire…, mouvements et (r)évolution des structures…

      [[c’est la question même de « l’ambiguïté » de l’activité politique d’alternative qui était, oui, désormais frontalement posée !… Cette ambiguïté consistant en une dissociation temporelle problématique, en un « dédoublement », toujours aliénant, même chez les militants pour le changement de société, des moyens et des buts…] Je ne comprends rien à ce galimatias. De quelle « ambiguïté de l’activité politique d’alternative » parlez-vous ? Il n’y a jamais eu la moindre « ambiguïté » : Il y a eu affrontement entre ceux qui au PCF portaient les intérêts des couches populaires, et ceux qui portaient ceux des « classes moyennes » triomphantes.]

      Au demeurant, je vous le redis : …je vous prie de respecter mes propos comme étant rationnels. Car non, ils ne relèvent pas d’on-ne-sait-quel « galimatias » d’un doux rousseauiste, comme vous avez la légèreté de me le dire, de derrière votre glace sans tain !…

      Ce n’est pas de mon fait si, au demeurant, cher camarade, vous jouez, vous, pardon de vous le dire, …au pas bien vif de la comprenette !… Est-ce donc une affaire aussi inaudible que cela, que de dire que les fins communistes ne peuvent « justifier les moyens » ?!?… Est-ce donc une invention que de faire le constat que le « communisme du 20ème siècle a développé quelque chose de schizophrénique ? Pourquoi ne serais-je à ce propos pas clair ? Pourquoi ne serais-je qu’un naïf ? Si du temps de Marx, « un spectre hantait l’Europe », le spectre du communisme, par quel mystère, et oui, par quel effet de « dédoublement », le communisme n’est-il EN PRATIQUE resté qu’un spectre ? N’est-ce qu’une fausse question ?!?… N’est-ce que de la faute des adversaires de classe, ou est-ce aussi et d’abord de son propre fait que le communisme a avorté au lieu d’être « accouché » par le vieux monde ?!?… N’a-t-il pas gravement « péché » quelque part ?!?… Et de quelle manière ?!?… Simplement par le fait d’une Nouvelle Alliance entre grand capital et couches moyennes, c’est-à-dire essentiellement après 68 ?!?… Ce n’est pas sérieux !… Du moins c’est juste aussi sérieux que le sont les thèses de tous les néo-réactionnaires, qui affectent d’avoir, en tout simplisme passant pour de la « simplicité », compris les faibles, contre les forts… Pfff !…

      [il aurait fallu définir clairement ce que serait un « socialisme autogestionnaire » et comment une telle société arriverait à se réguler.]

      Nous sommes à un moment de crise de civilisation où d’évidence ce n’est pas que d’en-haut que pourront venir « toutes » les régulations nécessaires et possibles !…

      [Le fait est que la division du travail a fait ses preuves depuis des millénaires. Le rêve d’une société dont chacun des membres aurait la totalité des connaissances et des habilités accumulées par elle ne peut être qu’un rêve.]

      L’on n’est pas obligé de graver dans le marbre toutes les fonctions, comme l’a dit Althusser, relevant d’« appareils idéologiques d’état »… Une certaine division du travail laisse l’homme morcelé… Il ne s’agit donc certainement pas que chacun connaisse tout, mais d’instaurer de nouveaux rapports, tendanciellement non mutilants, entre l’individuel et le collectif !…

      [C’est cela qui se cache derrière cette « autonomie », cette « émancipation » dont vous parlez : un individu totalement affranchi de la société car ne dépendant que de lui-même. Mais une telle société serait très pauvre. D’une part, elle ne pourrait accumuler que les connaissances et les habilités connaissables par un même homme, ce qui est plutôt restreint. Et d’autre part, elle dépenserait une richesse considérable à former chez chaque citoyen des connaissances et des habilités qui ne seront que très rarement utilisées…]

      Mais qui vous parle de ce genre de robinsonnade ahurissante ?!?… Pourquoi partir dans ce genre de délire à la noix ?!?… Avec quel interlocuteur imaginaire échangez-vous ?!?… Hou hou !… Je suis là !…

      [La logique qui nous a sorti des cavernes est une logique de spécialisation, dans laquelle chaque membre de la société délègue ses pouvoirs dans les domaines où il n’est pas compétent, et se voit déléguer par les autres dans les champs où il l’est. Cela fabrique une société d’individus qui ne sont pas « autonomes » mais « interdépendants ». Et qui ne sont donc « libres » que dans le cadre de cette interdépendance. C’est cela qui fait horreur aux tenants de « l’individu autonome », qui souhaitent – sans le dire en général – un retour à l’état de nature sans avoir lu Hobbes…]

      Il n’empêche qu’à contre-courant des aliénations sociales, qui nous font seuls dans la foule, il y a simultanément à conquérir plus de solidarités contre l’isolement, et plus de capacités culturelles à la solitude « riche », contre les compensations grégaires, bas de gamme…

      [je lutte pour qu’on donne le pouvoir à ceux qui savent, et que tout le monde puisse accéder à ce statut de « sachant ».] et [Je trouve regrettable qu’on ait adopté à gauche une vision de la démocratie qui privilégie au contraire le gouvernement par les ignorants.]

      Les leçons de westernologie montrent que des gens ordinaires peuvent être amenés à faire des choses extraordinaires !…

      [[Déléguer ne veut pas dire se laisser (dé-)posséder !…] Non, c’est se déposséder soi-même.]

      Pourquoi se déposséder ?!?… L’internet permet désormais potentiellement à qui que ce soit de se mêler de tout ce qui se décide, là où il est concerné !…

      [On dirait que vous posez comme principe qu’une forme « innovante » est par définition efficace, comme si toute « novation » était légitime par définition…]

      Non.

      [« d’essence non bureaucratiques » ? Là encore, certains mots deviennent des sortes de repoussoir sans qu’on s’interroge sur leur véritable signification.]

      Parce que l’immobilisme bureaucratique, cela n’existe pas ?

      [Vous énoncez des « vérités » comme si elles étaient des évidences. Elles ne le sont pas. D’où sortez-vous qu’on « ne s’émancipe pas avec les méthodes de l’adversaire » ? Faut-il revenir à l’oralité au prétexte que le capitalisme est une civilisation de l’écrit ?]

      Franchement, vous en prenez à votre aise pour me faire dire des choses juste débiles !… Vous trouvez ça drôle ?!?… Vous avez déjà traité ce genre de question de « galimatias », précédemment !… Mais oui, je prétends que la politique, comme le dit Robert Damien, n’est pas affaire que de rapports de forces, mais de rapports de formes différentes, où se joue un changement d’hégémonie. Sans quoi, il advient que l’on ne se pose la question de « formes nouvelles de luttes » qu’à l’occasion d’échecs, et dans l’après-coup, ce qui dénote une carence grave de capacité d’anticipation !… Jusqu’à quand jouerez-vous à cache-cache avec cette affirmation, pourtant tout à fait audible ?!?…

      [Paradoxalement, vous tombez dans l’erreur que vous dénoncez vous-même : confondre les buts et les moyens. Il ne s’agit plus de libérer la classe ouvrière de l’exploitation, mais de libérer les communistes de leurs « complexes ».]

      C’est plutôt rigolo ce que vous m’attribuiez ça !… Mais ça ne supprime pas la nécessité d’interroger les subjectivités, les mentalités, pour parvenir justement à des modifications objectives du social !… Sans quoi le social est ramené à des « conditions » abstraites et sommaires…, et non à des circonstances historiques concrètes…

      [Franchement, je réfléchirais à deux fois avant d’admettre la théorie de Clausewitz]

      Je prends cette théorie pour sa valeur de constat. Justement pas comme une prescription. La question de « la pacification bien comprise des rapports sociaux » se pose dès le présent !…

      [C’est quoi ces « formes dominantes et systémiques » dont vous parlez ?]

      L’idéologie dominante n’épargne pas « les révolutionnaires », qui ne font, malheureusement, parfois, que la sublimer, ce qui rend leur action tendanciellement vaine et circulaire !… Il est par exemple un point que je veux reprendre : c’est la surdétermination ossifiante de l’idée de « rapports sociaux », dont j’ai déjà dit qu’elle ne devait pas déboucher sur un seul et vain « culte » du rapport de force, passablement viriliste… Cette connotation pouvant s’entendre, par exemple, dans le sens plutôt « militaire » de « stratégie politique »… J’ai envie de reprendre ici, pour ainsi dire de manière provocatrice, l’affirmation de Jacques Lacan, comme quoi « il n’y a pas de rapport sexuel »… Pour dire qu’en un sens, il n’y a pas de « rapport social » non plus !… C’est-à-dire de rapport social, juste de « comparaison » et de « concurrence », à quoi nous condamne déraisonnablement le capitalisme, qui nie notre « commune humanité » !… Car nous sommes tous (voir le livre de Cynthia Fleury), des « irremplaçables »… (Et non des pions) !… Évidemment que, ce faisant, vous me « retrouverez » un travers idéaliste indéniable !… Vous considèrerez que je sors d’évidence du « matérialisme historique » !… Mais c’est comme pour certains intellectuels du début du siècle qui s’exclamaient, comme l’a relevé Lénine, que la matière « avait disparu »… avec la découverte que celle-ci était surtout composée de vide !… Non, ce que j’affirme ici, afin de désencombrer notre vision réifiée du social, je prétends que ce n’est pas sortir du « matérialisme » historique !…

      [je vous entend critiquer le CD et la « discipline de fabrique », mais je ne vois toujours pas l’amorce d’une proposition concrète d’organisation.]

      [Quelles « formes nouvelles » ?]

      Rien d’absolu en la matière. Je ne crois évidemment pas au « radicalement neuf ». Je devrais parler d’une part de nouveauté, à travers l’ancien.

      [vous semblez éprouver un besoin de recherche de la « nouveauté » comme si le « nouveau » était par définition efficace…]

      La question d’un renouvellement du mouvement communiste fut posée, par exemple, en son temps, par quelqu’une comme Rosa Luxemburg, pour l’intérêt même de la classe ouvrière…

      …Quant à savoir si « je semble éprouver » un besoin de nouveauté, par définition efficace… Détrompez-vous, et cessez de vous croire obligé à ce sujet de me dégriser du douteux breuvage idéologique des dites « classes moyennes », et au demeurant de rabaisser sans vergogne le débat !… Je rappelle que nous échangeons présentement, après le départ d’Henri Malberg, et quelques choses que nous nous sommes déjà dites, au sujet justement de la nécessité de la transmission…

      La nouveauté est nécessaire, mais pas dans le reniement : dans son reliment à de l’ancien !… J’ai précisé précédemment que j’estime que la ruine du PCF a résulté d’un processus de « liquidation » nihiliste de « vieux modèles »…, sous couvert de l’impératif de « rénovation » et d’interdiction de toute « nostalgie », selon moi, dès l’ère Marchais… Mais le piège du Nouveau absolu, de se constituer en nouvelle Origine du Monde, était de toute façon permanent, pour le communisme, comme je dis : en tant que « vieux péché de jeunesse »… ; quand bien même « la Science » avait prétendu congédier « l’Utopie » !… Pavlik Morozov, héros-martyr du Komsomol, avait dénoncé son propre père comme « koulak », tenant du vieux monde…

      …Le besoin de nouveauté est donc vieux comme le communisme, « jeunesse du monde » !!!… Et qui reposait juste sur un déni de l’ancien, de l’archaïque !!… Ainsi, les problèmes de l’Urss ont-ils longtemps été expliqués par un « retard des mentalités sur les structures…», dans un pays tout juste sorti du féodalisme !… Ne nous épargnons donc pas l’effort d’une réflexion profonde sur la question de l’enjeu de « la nouveauté radicale », qui est celle de la modernité elle-même !…

      Une fois que j’ai dit que la classe ouvrière ne pouvait que changer elle-même en agissant pour le changement, cela indiquait que par définition les rapports sociaux ne peuvent pas être vus comme figés. Mais ce constat va au-delà même de leur vision dominante, qui nous bassine pourtant avec « la Mobilité »… Car une manière de continuer de les figer, c’est de les voir comme juste « complémentaires »… Où sont mobilisés des agents économiques qui « se complètent »… : il faut des victimes pour qu’il y ait des avocats, il y a besoin de malades pour qu’il y ait des médecins, il faut des chômeurs pour qu’il y ait des travailleurs motivés, il faut de la pollution pour qu’il y ait des écologistes, il faut des guerres pour des retours « reconstructifs » à la paix…, il faut du malheur sur terre pour qu’il y ait des journalistes… : il existe comme ça une « Vision Dominante » totalement désinvolte de la complémentarité fonctionnelle de « plein emploi des compétences humaines », parfaitement pervertie par « le Système » !… « L’économie circulaire » a bon dos !… Car le capitalisme est en un sens extrêmement dynamique, mais quelque part en tournant en rond, en se donnant le pouvoir de « tout recycler » tout le temps !…

      En ce sens, il est un fait que la capacité révolutionnaire, c’est d’abord le Capital qui l’a : de révolutionner les rapports sociaux en permanence, de « s’adapter » tout le temps, en fonction de ce qui se passe… Il y a ainsi toute une physique sociale qui s’entretient, pour ainsi dire, de manière réactive et binaire, en fonction d’une sorte de « logique des besoins » (tant pis ou tant mieux si ceux-ci sont créés de toute pièce…), au jour le jour… « La Révolution », pour le Capital, elle est donc quotidienne, elle est dans la succession des jours et des nuits : chaque jour pouvant, à la limite, se permettre d’être dans l’oubli de la veille, comme un clou chasse l’autre !…

      Il faut donc partir à propos du mot de révolution de ce qu’en fait le capital, afin de savoir quel autre sens lui donner !… Il existe une entreprise qui, il y a quelques années, avait même osé vendre un « nouveau modèle » de voiture comme étant « révolutionnaire »… Je l’avais noté, …et il se trouve qu’Henri Malberg l’a noté aussi…, en page 65 de son livre !… Je le cite : « Il y a une guerre des mots. Mais un chat est un chat. Au nom de la crise, les partisans du système répètent qu’il faut faire des sacrifices, et préconisent l’austérité. C’est la guerre des idées et la guerre des mots. Refuser de voir son salaire baisser serait conservateur, refuser ce que le capitalisme appelle « les réformes » serait réactionnaire. Pour vendre ses voitures, une marque a inventé un titre : « Révolution ». Hommage du vice à la vertu. »

      Je ne crois pas au demeurant, qu’il faille voir cela comme relevant d’abord d’un hommage du vice à la vertu, de la part d’un marketing sans foi ni loi !… Mais juste comme la réalité ambivalente des mots eux-mêmes !… Car il est indéniable que c’est le sens même du concept de révolution qui, à mon avis, doit ici être réinterrogé. « Révolution » impliquant l’idée de radicale nouveauté… Avant que l’on puisse en effet parler de communisme moderne, « jeunesse du monde », selon l’expression de Paul Vaillant Couturier, …l’idée de nouveau matin du monde, la question, d’abord géographique du Nouveau Monde, c’est le capitalisme marchand qui l’a générée. Il est d’ailleurs à noter que quelques habitants du Nouveau Monde ont quelques soucis… avec « la mémoire »… Au point que : « – Je me souviens »… est la devise du Québec, inscrite sur les plaques d’immatriculation !… J’en connais, des québécois, heureux de « revenir » en Normandie, et de toucher les vieilles pierres…

      Réflexe « conservateur » ? C’est Jean-Claude Michéa qui parle d’un « complexe d’Orphée », chez le révolutionnaire… : qui impliquerait de ne surtout pas regarder dans le rétroviseur !… Et pourtant… « Ma femme me dit toujours », comme dirait l’inspecteur Colombo, que je suis moi-même « un révolutionnaire conservateur », qui ne cesse de me retourner vers le passé… J’ai déjà rappelé que pour George Marchais, le « révolutionnaire conservateur », c’était une espèce incongrue, de son propre dire !… Mais n’est-ce pas d’abord une espèce incongrue, pour le capitalisme, et pour le consumérisme ?!?… Car le propre du capitalisme, n’est-ce pas de « révolutionner » (Macron ose dire cela , désormais, pour « réformer »…) en permanence, comme je viens de le rappeler, tous les rapports sociaux ?!?… La « conservation » d’un modèle social, le maintien « d’avantages acquis » étant considérés comme des choses ahurissantes… (J’en passe et des meilleures…)?!?…

      Au demeurant, dans une ère plus que de crise : …de bifurcation des enjeux idéologiques, …Georges Marchais a eu la coquetterie d’affirmer qu’il était « né trop tôt ou trop tard »… Mais alors, … certes à être un peu trop méchant avec notre « bon camarade »…, l’on pourrait se demander à quoi il a « théoriquement » servi !…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Croyez-vous que ce soit une méthode que d’être désobligeant avec un interlocuteur, sous le prétexte que vous ne voulez pas faire l’effort de le comprendre ?]

      Je ne vois pas en quoi j’aurais été « désobligeant ». S’il vous plait, ne me faites pas le numéro de la vierge offensée, cela ne fait guère avancer la discussion. Je fais d’importants efforts pour essayer de comprendre, et cela malgré la multiplication des formules vagues, des « effets de sens » et autres jeux de mots vaseux. Et je trouve cet exercice assez fastidieux. Alors si c’est pour en plus se voir reprocher de « ne pas faire l’effort de comprendre »…

      [D’évidence, nous ne sommes pas d’accord, mais ce n’est pas une raison pour me mépriser.]

      Franchement, si je vous « méprisais », croyez-vous que je prendrai le temps de répondre point par point et de manière argumentée à vos longs commentaires ? Je vous préviens, la prochaine fois que vous me faites le numéro du « mépris », je publierai votre message sans prendre la peine d’y répondre.

      [C’est pourtant, oui, un critère de crédibilité et d’efficacité symbolique d’une politique d’alternative émancipatrice !…]

      Voilà un exemple « d’effet de sens ». C’est quoi une « politique alternative émancipatrice » ? Y aurait-il des « politiques émancipatrices » qui ne seraient pas « alternatives » ? Non, la formule « politique alternative émancipatrice » est une formule toute faite, mais qui ne veut en fait rien dire en l’absence d’une définition de ce qu’est « l’émancipation ». Et le mot « alternative » est de trop, puisque toute politique « émancipatrice » serait par définition « alternative » à celle que nous connaissons aujourd’hui.

      [Car l’émancipation, ça passe par des chemins pluriels, qui non seulement récupèrent des éléments du vieux monde, mais qui produisent sans délai des éléments de l’à-venir !…]

      Encore un effet de sens… c’est quoi un « chemin pluriel » ? A la rigueur, je pourrais comprendre que l’émancipation passe par une pluralité de chemins (ce qui entre nous est un truisme). J’ajoute que comme vous utilisez le mot « émancipation » sans jamais le définir, il est difficile de savoir par quel chemin elle pourrait passer…

      [Évidemment qu’il y a du Pouvoir à re-prendre, et même on peut dire qu’il faut un retour sans précédent de l’État…]

      Et encore un « effet de sens ». Cela veut dire quoi « il y a du pouvoir à re-prendre » ? A « re-prendre » par qui ? De quel « Pouvoir » (la majuscule est de vous) s’agit-il ? Et cela veut dire quoi un « retour sans précédent » ? S’il s’agit d’un « retour », c’est qu’on revient à une situation antérieure, et il y a donc nécessairement un « précédent ».

      Si vous voulez qu’il y ait un débat entre nous, il faut qu’on échange des messages qui ont un sens, avec des mots que nous comprenons tous deux de la même façon. Ce « re-prendre », ça veut dire quoi, exactement ? Pourquoi « re-prendre » et non « reprendre » ?

      [Mais pas de n’importe quel État : Lénine posait en même temps que la nécessité de la dite « dictature du prolétariat », renversant celle de la Bourgeoisie, la figure du « demi-État », complètement ouvert à son appropriation par le peuple, et donc engageant sans attendre son propre dépérissement !… Je ne sache pas que ce soit une thèse petite-bourgeoise !…]

      Je dirais surtout qu’elle est confuse. Pourriez-vous indiquer dans quel texte Lénine introduit « la figure du « demi-état » complètement ouvert à son appropriation par le peuple » ?

      [J’ajouterai que l’opposition de la fin et des moyens, c’est aussi celle des parties et du tout.]

      Ou du fromage et du dessert. Ou de Laurel et Hardy. Encore un « effet de sens »…

      [Les exemples que vous prenez, dans une confusion entre la division proprement technique du travail et de la division politico-sociale, alors que les communistes, par exemple, ont toujours dit que « la politique n’est pas un métier »,]

      Les communistes peuvent dire ce qu’ils veulent, mais les faits leur ont donné tort. Dans leur sein, pour commencer, avec la figure du « permanent » qui, comme son nom l’indique, fait de la politique une activité professionnelle « permanente ». Et si on arrive à cette situation, c’est parce que comme le disait Lénine « les faits sont têtus ». Il y a un principe d’économie dans la division du travail, et ce principe touche tous les secteurs. La politique nécessite aussi une « technique ». Une technique qui s’apprend et qui se perfectionne avec l’expérience. Et dès lors, ceux qui consacrent leur vie à perfectionner cette technique ne peuvent que devenir des professionnels…

      [sont particulièrement éclairants : car les « défauts » de la médecine (occidentale), c’est de tendre à ramener ce qu’on est à ce qu’on a, et trop souvent à représenter les êtres par un élément d’eux-mêmes : à la limite, vous serez hospitalisé pour un gros problème de foie, …et vous serez du coup appelé « le foie n°7 », lors de la visite du patron…]

      J’avoue que le rapport avec la question de la division du travail en matière politique m’échappe. Là encore, je vois mal ce que cet exemple apporte à la discussion.

      [De même, un avocat ne représente que « des parties », pas « le tout » !…]

      Et encore un jeu de mots vaseux qui ne veut rien dire. D’abord, un avocat ne représente pas « des parties » mais « UNE partie ». Ensuite, dans le vocabulaire juridique « les parties » ne contiennent aucune idée de « partition », et il n’y a pas de « tout » dont les plaignants seraient « les partis ». Votre commentaire ne fait donc qu’exploiter une homophonie, mais n’a aucune signification.

      [C’est précisément toute l’ambiguïté du concept d’intérêt général, sous hégémonie bourgeoise : car la Bourgeoisie érige, par effet de « consensus », ses intérêts en soi-disant intérêts de tous !…]

      Je ne vois aucune « ambiguïté » là-dedans. La Bourgeoisie cherche à présenter son intérêt comme l’intérêt de tous. Mais y arrive-t-elle ? Pas complètement. Un rapport de forces s’établit entre la bourgeoisie et les autres classes sociales, entre dominants et dominés. L’intérêt général reflète ce rapport de forces.

      [Mais, à l’inverse, nul besoin de vous rappeler que « la classe ouvrière » n’a pas vocation à devenir sur le même principe « classe dominante » !… La classe ouvrière, oui, à « vocation » à supprimer les classes sociales, et donc à s’auto-dissoudre !… Pour ainsi dire, elle a vocation à être « totalitaire », dans le bon sens du terme, parce que porteuse d’un intérêt général, et même universel, d’un nouveau type, qui consiste à se préoccuper réellement de la totalité, et non à en pervertir le concept par intérêt personnel !…]

      Peut-être. Mais si tant est que cette situation doive un jour se réaliser, ce n’est pas pour tout de suite. Il nous faut donc penser l’action politique non pas dans le contexte d’une société sans classes, mais dans le contexte d’une société qui restera pour assez longtemps encore une société de classes. La question aujourd’hui n’est pas de savoir si la division du travail politique existera dans une société communiste, mais de savoir si elle doit exister aujourd’hui.

      [Mais le vrai problème, en matière de « représentations », c’est à mon sens que vous êtes resté marxiste (vulgaire). Pas moi. Merci donc de m’indiquer Hobbes, dont je n’ai rien lu.]

      Malheureusement, on ne lit pas beaucoup Hobbes en France. Et c’est très dommage… Il faut absolument que vous lisiez « Leviathan ».

      [« Vous ne pouvez pas me reprocher de vous assimiler à des gens auxquels vous vous êtes vous-même associé ». Mais si, je puis tout à fait vous le reprocher(…)]

      Si cela vous amuse de vous mettre dans le rôle de la victime de l’inquisition, faites-vous plaisir. Je ne vais pas perdre mon temps à discuter ce point.

      [« si vous écrivez en parlant de Juquin « les gens comme moi », on peut raisonnablement déduire que vous partagiez avec Juquin quelque chose de plus qu’une « vie militante de jeunesse dans une partie de l’Essonne » ». Que vous dire à ce propos,]

      « Vous avez raison », par exemple…

      [à l’été 1984, la Direction de la Direction du Parti avait en effet décidé, dans la situation de crise, de lancer une opération « que les bouches s’ouvrent », qui au final n’a servi qu’à repérer les camarades « en désaccord » pour les opérations de mises à l’écart qui suivraient !… Tony Lainé et Daniel Karlin ont envoyé un texte critique à l’Humanité. Et, … bizarrement ce texte s’est retrouvé, envoyé par la direction de l’Huma., …au Nouvel Observateur !… Tony Lainé ayant protesté contre ce procédé auprès de Roland Leroy, et lui ayant demandé ce qui s’était passé, celui-ci lui répondit qu’il ne le saurait pas !… C’était top secret.]

      Pardon mais… comment savez-vous que c’est « la direction de l’Huma » qui a envoyé le texte au Nouvel Observateur ? Quel était l’intérêt de la direction de l’Huma d’alimenter la campagne anticommuniste qui faisait rage à l’époque ? Comment savez-vous ce que Leroy a dit à Lainé ?

      [Il a émis quelques doutes rétroactifs sur son action.]

      Un meurtre n’est pas moins un crime parce que le meurtrier « exprime quelques doutes rétroactifs sur son action ».

      [Au demeurant, je considère que ça ne l’a pas mis hors-champ de la question communiste. Il a exprimé une crise historique réelle de la représentation du PCF. Ce n’est pas en tout cas son action qui aurait fait, par exemple, que le parti des communistes le plus nombreux devienne celui des sans carte !… Ce serait invertir l’ordre des choses !…]

      Peut-être. Mais pour ceux qui à l’époque se battaient dans les tranchées contre le néo-maccarthysme mitterrandien, c’était un coup de poignard dans le dos.

      [La plus grande partie des communistes n’est pas partie chez les socialistes !…]

      Mais la plupart des dirigeants « rénovateurs/refondateurs », si. Et ceux qui ne sont pas partis au PS ont été très souvent récompensés par les gouvernements socialistes.

      [Je ne discuterai pas avec vous de féminisme. Vous avez écrit par ailleurs des choses monstrueuses, du genre mise en doute de viol, qui devraient relever de la possibilité-nécessité d’être poursuivi au même titre que la négation de crimes racistes.]

      Eh beh… vous êtes sur de m’avoir bien lu ? Quel est le « viol » que j’aurais « mis en doute » ?

      [Sur l’autogestion, un concept dont vous reprochez au PCF d’en avoir fait un totem, « une vache sacrée »,… reposons-donc en toute lucidité la question première : QU’EST-CE donc que la nécessité d’UNE STRATÉGIE AUTOGESTIONNAIRE ?]

      Avant de se poser la question de la nécessité, il faudrait se poser la question de la définition. Qu’est ce que c’est exactement une « stratégie autogestionnaire » ?

      [Eh bien je vais vous le dire : en un mot, je dirai que cela relève de la seule orientation possiblement « efficace », comme vous dites : à savoir de l’ambition comme d’un effort constants de « CHANGER LES CHOSES DE L’INTÉRIEUR », tendant à réduire, oui, l’ambiguïté inhérente à la politique séparée, et la dichotomie, comme je l’ai dit, entre fins et moyens, comme au maximum le taux de gâchis et d’erreur que vous considérez comme nécessaire à tout processus d’essai historique !…]

      Je ne vois pas très bien le rapport avec l’autogestion. Quand vous parlez de « changer les choses de l’intérieur », c’est de « l’intérieur » de quoi, exactement ?

      [« Ce que nous déléguons à ceux que nous chargeons de nous diriger, c’est notre pouvoir de nuire.]
      Ah bon ? » Juste dit comme ça, c’est très étrange !…]

      En écrivant cela, j’ai pensé que vous feriez le lien avec Hobbes, mais si vous ne l’avez pas lu la chose peut paraître très obscure. Pour faire court, Hobbes considère que dans l’état de nature, les hommes sont engagés dans une lutte « de tous contre tous », ou les plus forts imposent leur loi aux plus faibles par l’utilisation de « leurs moyens de nuire ». La constitution d’une société implique que les individus se privent de ces « moyens de nuire », dont ils confient la gestion au gouvernant. C’est ainsi que le gouvernant détient « le monopole de la force légitime ».

      [« C’est sur… quand Fiterman ou Fiszbin deviennent élus socialistes, ce n’est certainement pas le pouvoir qui les intéressait, mais l’avancement d’un communisme refondé et des intérêts de la classe ouvrière… » Ce n’est pas mon propos de m’attarder sur je-ne-sais-quels postes obtenus par Fizbin ou Fiterman !… Pour moi, c’est de la mousse, …c’est de l’écume de discussion. Ça ne va pas au fond des choses.]

      Et bien non, ce n’est pas de la « mousse ». La trajectoire postérieure des « rénovateurs/réfondateurs » est au contraire très intéressante lorsqu’il s’agit de savoir quelles étaient leurs véritables motivations lorsqu’ils ont affronté la direction du PCF. Parce que si l’on croit à l’unité des hommes, alors il est difficile d’admettre que ce qui motivait Fiterman pour faire de la politique lorsqu’il a affronté Marches est très différent de ce qui le motivait à faire de la politique lorsqu’il est devenu élu PS.

      [« Le « pouvoir », c’est la capacité de traduire une volonté dans les faits. Si je comprends bien, vous voulez la « dissolution » de cette capacité. En d’autres termes, vous voulez un monde d’idées où celles-ci ne se traduisent par aucune réalisation. J’ai bien compris ? » « Le Pouvoir » détient-il une capacité de traduire… ou plutôt de trahir la « volonté populaire » !?… Non, vous n’avez rien compris de ce que je dis. Et vous continuez à ne me prendre que pour un sot.]

      Je ne vous prends pas pour un sot, mais si vous continuez à ne pas lire ce que j’écris et à vous inventer des motifs pour monter sur vos grands chevaux, je vais devoir changer d’avis. Oui, je repose la question : le « pouvoir », c’est la capacité qu’a un individu ou un groupe de traduire sa volonté en acte. « dissoudre » le pouvoir implique de dire qu’aucune personne, aucun groupe, n’aura la possibilité de traduire sa volonté en acte. En d’autres termes, « dissoudre le pouvoir », c’est priver la politique de toute traduction réelle. Le problème ici, ce n’est pas que je n’ai pas compris ce que vous dites, c’est que vous-même vous ne réalisez pas la portée de ce que vous dites.

      [Vous prétendez m’alerter, m’avertir, et ne faites que me la jouer à l’envers !… Le fait est que : lorsque les idées s’emparent des masses, elles deviennent une « force », c’est-à-dire une puissance matérielle… Et le pouvoir est ce qui risque bien trop souvent de se retourner contre cette puissance, dans la mesure où il réduit les masses à un terrain d’expériences !…]

      Mais de quel « pouvoir » parlez-vous ? Quel est ce « pouvoir » qui risquerait de se retourner contre la « puissance » ? En fait, lorsque vous parlez de « puissance », c’est en fait de « pouvoir » que vous parlez.

      [(Voir les travaux théoriques de Miguel Benasayag)…]

      Lequel en particulier ?

      [« Il faut savoir de quoi on parle. Le terme « représentation » en politique n’a pas du tout la même signification que lorsqu’on parle de « représentations culturelles ». Confondre tout sur la base d’une homophonie comme vous le faites n’aide pas à la réflexion. » J’ai déjà répondu à cela.]

      Non, vous n’avez pas répondu. Déclarer « j’assume l’homophonie » n’est pas une réponse.

      [« les « autogestionnaires des années 60-70 » sont allés chercher leurs références partout, SAUF dans le programme du CNR. » Les communistes auraient pu faire le lien.

      Peut-être, mais le fait est que contrairement à ce que vous avez écrit, les « autogestionnaires des années 60-70 » n’ont pas fait référence au programme du CNR. Au lieu de chercher à noyer le poisson avec ce que les communistes auraient pu faire, vous auriez mieux fait de reconnaître votre erreur.

      [L’Histoire des processus alternatifs est faite d’une mémoire des possibles, et de points d’appui historiques !…]]

      Non. L’histoire est faite des FAITS. La question de savoir ce qu’on aurait pu faire et ce qui se serait passé si on l’avait fait n’appartient pas à l’histoire.

      [Vous persistez à me repeindre effrontément en une sorte d’imbécile bêlant !… Ce n’est pas reluisant de votre part.]

      Encore en train de jouer les victimes ? C’est fatigant, à la longue…

      [Oui, je prétends que « le management », pervertit le concept d’autonomie !…]

      Répéter une affirmation ne constitue pas une démonstration. Si vous voulez me convaincre, il faudrait m’expliquer en quoi « le management » (de quoi ? de qui ?) aurait « perverti » le concept d’autonomie, ce qui impliquerait déjà de le définir.
      [« QUELLE refondation communiste… et au service des intérêts de qui ? ». Vous ne concevez que le désert des « intérêts » objectifs !…(…)]

      Toutes les considérations qui suivent sont fort intéressantes peut-être, mais ne font la moindre tentative de répondre à ma question. Discuter avec vous, c’est discuter avec un sourd : si on vous pose une question, vous ne répondez pas, si on vous avance un argument réfutant votre affirmation, vous vous contentez de la répéter. Il semblerait que pour vous la seule chose qui compte c’est de raconter votre vie, et non d’entrer dans une logique d’argumentation et contre-argumentation.

      Dans ces conditions, vous comprendrez que je passe sur cette longue divagation.

      [« comment pouvez-vous souhaiter la « dissolution du pouvoir », alors qu’une telle dissolution fait disparaître la loi elle-même ? Car il faut que vous soyez conscient qu’il n’y a de loi que dans la mesure où il y a quelqu’un pour la faire respecter. Et comment ce quelqu’un pourrait faire respecter la loi sans « pouvoir » ? » Je considère qu’il faut assumer un rapport paradoxal au Pouvoir,]

      Encore une fois, vous avez l’air de croire que vous avez résolu une contradiction logique en « l’assumant ».

      [(…) qui, comme le prétend Mélenchon qui désire mettre réellement à l’œuvre le slogan de Mitterrand de « le rendre »… Cela passe, en un sens, par « plus d’État », et donc de force de la loi, par exemple en vue d’arraisonner la Finance… Mais cela suppose une irruption populaire, qui signifie « puissance » : et pas simplement « pouvoir » !…]

      Pourriez-vous indiquer clairement quelle est la différence entre « puissance » et « pouvoir » ? Vous jouez avec les mots… Vous voulez « plus d’Etat et donc de force de la loi » mais en même temps « dissoudre le pouvoir ». Comment la loi pourrait avoir de « force » sans un organisme ayant le « pouvoir » de la faire appliquer ?

      [Au demeurant, je vous le redis : …je vous prie de respecter mes propos comme étant rationnels.]

      Le respect se gagne. Si vous voulez qu’on « respecte vos propos comme étant rationnels », alors tenez des propos rationnels. Si vous abusez des « effets de sens », des phrases toutes faites qui n’ont pas de sens, de citations qui n’ont aucun rapport avec le sujet, si vous ne faites aucun effort de répondre aux question de votre interlocuteur, alors ne vous plaignez pas si celui-ci tire les conclusions qui s’imposent.

      [Ce n’est pas de mon fait si, au demeurant, cher camarade, vous jouez, vous, pardon de vous le dire, …au pas bien vif de la comprenette !… Est-ce donc une affaire aussi inaudible que cela, que de dire que les fins communistes ne peuvent « justifier les moyens » ?!?…]

      Si c’est cela que vous vouliez dire, pourquoi ne pas le dire en une phrase, au lieu de broder sur « une dissociation temporelle problématique, en un « dédoublement », toujours aliénant » pompeux et inutiles ? « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… ».

      [« il aurait fallu définir clairement ce que serait un « socialisme autogestionnaire » et comment une telle société arriverait à se réguler. » Nous sommes à un moment de crise de civilisation où d’évidence ce n’est pas que d’en-haut que pourront venir « toutes » les régulations nécessaires et possibles !…]

      D’une part, je ne vois aucune « évidence » là-dedans. Mon expérience m’a montré qu’en général l’utilisation de formules du genre « c’est évident » couvre l’incapacité à démontrer. Et d’autre part, vous ne répondez pas à la question. Le fait que « toutes » les régulations nécessaires ne puissent pas venir d’en-haut n’explique pas quels seraient les mécanismes de régulation dans un « socialisme autogestionnaire » – à supposer que vous soyez capable de définir exactement ce que c’est.

      [« Le fait est que la division du travail a fait ses preuves depuis des millénaires. Le rêve d’une société dont chacun des membres aurait la totalité des connaissances et des habilités accumulées par elle ne peut être qu’un rêve. » L’on n’est pas obligé de graver dans le marbre toutes les fonctions, comme l’a dit Althusser, relevant d’« appareils idéologiques d’état »…]

      Quel est le rapport entre mon objection et votre réponse ?

      [Une certaine division du travail laisse l’homme morcelé… Il ne s’agit donc certainement pas que chacun connaisse tout, mais d’instaurer de nouveaux rapports, tendanciellement non mutilants, entre l’individuel et le collectif !…]

      Encore une fois, vous évitez la question. S’il n’est pas question « que chacun connaisse tout », alors cela implique que seuls ceux qui connaissent un domaine pourront y travailler, en d’autres termes, qu’il y aura division du travail. Ce qui était précisément mon point.

      [Mais qui vous parle de ce genre de robinsonnade ahurissante ?!?…]

      Tous ceux qui rêvent « d’autonomie ». Le problème, c’est qu’en général ils ne réalisent pas les conséquences ultimes de leur projet… parce que, comme je vous l’ai expliqué, l’individu ne peut être « l’autonome » tant qu’il y aura une division du travail, qui le rend dépendant de ses congénères. Et sans division du travail vous êtes vite ramené à ce que vous appelez « une robinsonnade ahurissante ».

      [Les leçons de westernologie montrent que des gens ordinaires peuvent être amenés à faire des choses extraordinaires !…]

      Vous ne devriez comprendre la différence entre fiction et réalité. Quoique, quand on prend Benassayag comme référence…

      [Pourquoi se déposséder ?!?… L’internet permet désormais potentiellement à qui que ce soit de se mêler de tout ce qui se décide, là où il est concerné !…]

      Parce que tout ce qui est possible n’est pas nécessairement souhaitable. Et que le système ou tout le monde se mêle de tout ce qui se décide aboutit rapidement au gouvernement des ignorants.

      [« On dirait que vous posez comme principe qu’une forme « innovante » est par définition efficace, comme si toute « novation » était légitime par définition… » Non.]

      Alors, pourquoi donner tant d’importance à ce qui est « innovant » ou « novateur » ?

      [« « d’essence non bureaucratiques » ? Là encore, certains mots deviennent des sortes de repoussoir sans qu’on s’interroge sur leur véritable signification » Parce que l’immobilisme bureaucratique, cela n’existe pas ?]

      L’erreur médicale existe, et ce n’est pas pour autant qu’on se fixe comme objectif des hôpitaux sans médecins.

      [« Vous énoncez des « vérités » comme si elles étaient des évidences. Elles ne le sont pas. D’où sortez-vous qu’on « ne s’émancipe pas avec les méthodes de l’adversaire » ? Faut-il revenir à l’oralité au prétexte que le capitalisme est une civilisation de l’écrit ? » Franchement, vous en prenez à votre aise pour me faire dire des choses juste débiles !…]

      Je ne vous « fais dire » rien du tout. Je me contente de reprendre vos affirmations, et d’en tirer les conséquences logiques.

      [Vous trouvez ça drôle ?!?… Vous avez déjà traité ce genre de question de « galimatias », précédemment !… Mais oui, je prétends que la politique, comme le dit Robert Damien, n’est pas affaire que de rapports de forces, mais de rapports de formes différentes, où se joue un changement d’hégémonie.]

      Je ne vois pas très bien le rapport avec votre affirmation « on ne s’émancipe pas avec les méthodes de l’adversaire ». Pourriez-vous expliciter ce rapport ?

      [je vous entend critiquer le CD et la « discipline de fabrique », mais je ne vois toujours pas l’amorce d’une proposition concrète d’organisation.]

      Je constate que vous ne répondez pas à cette question…

      [« vous semblez éprouver un besoin de recherche de la « nouveauté » comme si le « nouveau » était par définition efficace… » La question d’un renouvellement du mouvement communiste fut posée, par exemple, en son temps, par quelqu’une comme Rosa Luxemburg, pour l’intérêt même de la classe ouvrière…]

      Et alors ? En quoi votre commentaire répond au mien ?

      […Quant à savoir si « je semble éprouver » un besoin de nouveauté, par définition efficace… Détrompez-vous, et cessez de vous croire obligé à ce sujet de me dégriser du douteux breuvage idéologique des dites « classes moyennes », et au demeurant de rabaisser sans vergogne le débat !…]

      Encore le numéro de la vierge offensée ?

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Je ne discuterai pas avec vous de féminisme. Vous avez écrit par ailleurs des choses monstrueuses, du genre mise en doute de viol, qui devraient relever de la possibilité-nécessité d’être poursuivi au même titre que la négation de crimes racistes.]

      Après une nuit de réflexion, je me suis dit que cette remarque méritait une réponse détaillée.

      D’abord, quelles sont les « choses monstrueuses du genre mise en doute du viol » que j’aurais écrites ? Je ne me souviens pas d’avoir « mis en doute le viol » en général. J’ai mis en doute le fait qu’il ait eu viol dans l’affaire Strauss-Kahn, mais je ne suis pas le seul : le procureur de New York, dans ses conclusions, dit la même chose. Faudrait-il le poursuivre ? J’ai parlé aussi du viol dont s’est prévalue Clémentine Autain à des fins électoralistes. Mais c’était non pas pour nier la réalité du viol en question, mais pour fustiger l’utilisation qui en était faite.

      Le seul de mes papiers qui approchait la thématique du viol était celui que j’avais commis pour critiquer la manière dont les féministes « de genre » instrumentalisaient le viol en le sacralisant. Par exemple, en faisant du viol un crime, ce qui fait qu’aujourd’hui dans notre code pénal il est plus grave de planter son pénis dans une personne non-consentante que de lui planter un couteau. Le premier est un crime passible des assises et puni de 15 ans de prison (article 222-23 du Code pénal) portés à 20 ans s’il en résulte une infirmité permanente (article 222-24) et à 30 ans s’il en résulte la mort. Le deuxième est un simple délit, jugé par le tribunal correctionnel, et puni de trois ans de prison (art 222-11), portés à dix ans s’il en résulte une mutilation ou une infirmité permanente (art 222-9) et à quinze ans s’il en résulte la mort (article 222-7). Mais je ne vois pas très bien en quoi pointer cette « sacralisation » reviendrait à « mettre en doute le viol ».

      En fait, le « féminisme de genre » se place dans une logique « victimiste ». Contrairement au féminisme classique, qui demandait les mêmes droits au nom de l’égalité, le « féminisme de genre » part d’une inégalité : la femme serait un petit être fragile menacé par toutes sortes de dangers, et qu’il faudrait protéger. Ségolène Royal avait, lors de sa campagne présidentielle, parfaitement illustré cette ligne en proposant de faire accompagner chez elles les femmes policiers pour s’assurer qu’il ne leur arrive rien en chemin. Leurs collègues masculins, eux, sont censés savoir se défendre tous seuls. Le plus paradoxal, c’est qu’en restaurant cette image de la « femme-victime », on ne fait que reprendre les pires préjugés de l’époque victorienne, quand les femmes étaient censées s’évanouir à la vue de tout ce qui aurait un rapport avec le sexe.

      La fantasmagorie du viol permet de valider cette image de la femme-victime, petit chaperon rouge sans défense allant dans une forêt infestée de loups qui en veulent à son pucelage. Et c’est pour cela que les « féministes de genre » étendent la notion de « viol » à l’infini. Ainsi, pour une Katharine McKinnon, papesse des juristes féministes, tout acte hétérosexuel – car le viol homosexuel est couvert d’un voile pudique, les homosexuels étant du « bon côté » dans la « lutte contre le patriarcat » – est fondamentalement un viol. En effet, comment le mâle en rut pourrait être sûr du consentement de sa partenaire à chaque étape de l’acte ? Et d’ailleurs, ce consentement même exprimé serait-il valable, alors qu’il est exprimé sans la réflexion et le recul nécessaire, dans la chaleur de l’action si l’on ose dire ? Ce genre d’extension dans la définition du viol permet de présenter des statistiques dont chacune est plus alarmante que la précédente.

      Cela ne veut pas dire que le viol n’existe pas. Il existe, au même titre que le vol, le meurtre, et toute une série de crimes, de délits, et d’actes antisociaux de toute nature. Mais il importe de le définir raisonnablement, et de lui donner une place dans la hiérarchie pénale qui soit conforme à la gravité réelle – et non supposée ou fantasmée – de ses conséquences. Non, la pénétration violente ne laisse pas plus de séquelles qu’un coup de couteau, ni psychologiques, ni autres. Pourtant, ceux qui sont victimes d’un viol ont droit à tout un appareil de prise en charge psychologique et juridique, leurs cas sont étalés dans la presse et servent même d’argument électoral, alors que ceux qui reçoivent un coup de couteau ne sont que des victimes ordinaires d’une violence ordinaire.

      Vous proposez donc, dans votre commentaire, de soumettre « la mise en doute du viol » aux mêmes « poursuites que la négation des crimes racistes ». Prise au mot, cette menace ne veut rien dire, puisque « la négation des crimes racistes » ne permet aucune poursuite. J’imagine donc que vous faites référence à la loi Gayssot, qui poursuit la négation de certains crimes contre l’humanité. Mais vous noterez que la loi Gayssot – aussi critiquable soit-elle – est d’une grande prudence. Est punie la contestation de « l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale. ». En d’autres termes, ce qui est puni c’est la négation d’un FAIT reconnu comme tel par une cour de justice. Et non la discussion sur la qualification pénale de tels faits. En d’autres termes, dire « les nazis n’ont pas tué de juifs » est punissable, le fait de dire « les nazis n’auraient pas dû être punis pour cela » ne l’est pas.

      Vous considérez donc que « la mise en doute du viol » devrait être punie. Fort bien. Est-ce que cela veut dire que ceux qui sont accusés de viol ne pourraient pas se défendre ? Compte tenu de l’usage qui est fait de l’accusation de viol, cela aboutirait à un résultat terrifiant. Pensez à un célèbre professeur d’université, faussement accusé de viol par une élève dont il avait refusé la thèse. Mais peut-être souhaitez-vous que soit poursuivi la « mise en doute du viol » en général, c’est-à-dire, tout débat sur la véritable nature, l’étendue ou la qualification du phénomène. En d’autres termes, il ne resterait qu’une vérité officielle, incontestable. Une sorte de « centralisme démocratique » de la pensée, en somme…

    • Aubert Sikirdji dit :

      J’y ai juste jeté un œil, …je n’ai pas encore pris le temps, d’éplucher vos 2 nouvelles réponses…

      …En attendant, voici ceci :

      Certes, nous sommes loin ici du lexique de « l’Autogestion »… Mais des devoirs en découleront pour les générations suivantes, formulés autrement… : notons qu’il y est question de « de confier à la masse des travailleurs, à la masse des intéressés la gestion de leur propre institution »… Sans doute est-ce que ça ne pouvait se faire que par le biais de représentants, mais la formule est là !…
      … L’Humanité des 18-19-20 août 2017… vient en effet de donner d’heureux extraits du discours d’Ambroise Croizat, le 8 août 1946, à l’Assemblée Nationale. …On y lit que : « L’organisation de la sécurité sociale française (…) repose (…) sur une règle fondamentale, qui est celle de la gestion des caisses par les intéressés eux-mêmes. C’est là certainement l’innovation la plus profonde qui ait été apportée dans toute l’organisation nouvelle. Le plan français de sécurité sociale, en effet, à la différence de la plupart des plans étrangers, est inspiré du souci de confier à la masse des travailleurs, à la masse des intéressés la gestion de leur propre institution, de manière que la sécurité sociale soit le fait non d’une tutelle paternaliste ou étatiste, mais de l’effort conscient des bénéficiaires eux-mêmes. (…) Cette organisation nous fournit ainsi l’instrument de tous les progrès sociaux qui doivent, dans l’avenir, se réaliser, tant il est vrai que le progrès social est une création continue. »

      Oui, …il vaut bien mieux accueillir les questions de ses camarades, et s’efforcer de les traduire, plutôt que de les trahir, … oui, …plutôt que de mettre ces camarades à la Question, tout en les traitant de “vierges effarouchées” s’il prétendent y échapper !… Le problème du Centralisme Démocratique, c’est qu’il pré-digérait, et pré-rédigeait des « réponses » !… Mais …lorsque l’on se met, « curieusement »,… à se poser des questions, dites tâtonnantes ou balbutiantes, …sans avoir encore obligatoirement toutes les réponses, cela n’a rien, non,… de méprisable. Il peut en effet advenir que se contenter d’accabler distraitement les gens pour cela équivaille à attaquer un homme à terre !… Il faut au contraire l’aider à se relever, par effort incontournable d’élaboration commune !… J’ai toujours été extrêmement sensible, du temps où j’étais au parti, quant à tendre la main, surtout à qui n’était pas à priori de mon avis, pour qu’une attitude de groupe à son écart soi conforme à l’effort de lui créer les conditions de pouvoir mieux énoncer ce qu’il pourrait ainsi mieux concevoir !…

      L’on n’est pas tenu d’avoir à titre personnel toutes les réponses aux questions que l’on pose, …sans quoi toute recherche devait être conditionnée, comme cela existe, en fonction d’une « culture », …c’est-à-dire d’une tyrannie du résultat !… Il était très curieux de constater cette habitude classique dans la vie « démocratique » d’un parti dont le clair principe d’unité avait quelque chose d’obligatoire, qui consistait à demander automatiquement, en en faisant un cas spécial, « au » camarade qui posait des questions « ce qu’il proposait », à lui tout seul, pour y répondre, ce gros malin !… D’un seul coup d’un seul, pour ainsi dire, « l’aide » du supposé « travailleur collectif » qu’était « Le-Parti » tendait à lui être retiré, comme si le sol se dérobait sous ses pieds : et sa parole pouvait se retrouver sans écho… Ce n’est pas vrai ? Est-ce que cela « n’arrivait » pas ?!?… D’ailleurs, ….des « techniques » d’isolement de tels ou tels curieux pouvaient même être mise en place, en amont et en préparation de telle ou telle réunion !… Ce n’est donc pas par hasard que de nombreux écrits de dirigeants ont pu mettre en garde contre ce phénomène de surdité collective, invitant à l’effort de bien « voir derrière » telle ou telle question posée une fertilité éventuellement inaperçue !…

      C’est que l’effet d’intolérance de groupe n’était pas une vue de l’esprit : elle « pouvait » se manifester dans de nombreuses occasions !… Il faut ajouter cette considération générale : d’une part que la dialectique ne peut éviter de « prêter le flanc » à la confusion. Si tout était clair d’abord, ce serait trop simple !… Et qu’en conséquence, en face de tout pouvoir, fut-il le pouvoir « collectif » d’un groupe, tout dialecticien court le risque d’être d’abord vu comme une sorte de « dangereux déséquilibré », qu’il faudra sinon abattre, …du moins tout faire pour étouffer, …parce qu’il sera vu comme un élément de déstabilisation des certitudes !…

      Au demeurant, …j’affirme que le 25ème congrès, dont je réclame, oui,… un réexamen « officiel » à nouveaux frais,… afin d’évacuer « la thèse du complot »… : fut bel et bien « préparé » en amont de manière « techniquement » néostalinienne, et singulièrement dans certaines « fédérations sensibles », …par « la Direction de la Direction », par suite en particulier d’une alarme initiale émise par Gaston Plissonnier, comme quoi…: « – Il y a des camarades qui veulent culpabiliser le Parti » !!!… Dans l’Essonne, où j’étais, mon sort fut plié d’avance… J’étais visé comme devant être mis sur « liste grise »…, et mon sort fut justement traité, en conférence de section, avec contribution centrale de… Robert Vizet, ancien résistant, …et figure historique locale du Parti… : …car, vu les « questions » que je posais…, je DEVAIS être mis à l’écart, et je le fus !… Avec quelque surprise, je l’avoue, je ne fus pas, en effet, … délégué à la conférence fédérale, à laquelle je n’ai pu « assister » que dans les gradins de la salle de sport qui l’a accueillie… C’était aussi le sort d’un certain Lucien Bonnafé, de quelques 40 ans mon aîné, …qui a tout de même, le beau diable, réussi je-ne-sais-comment à parler à la tribune ( !!!…), tout pendant que Robert Vizet s’écriait : « – Il n’a pas de mandat !… Il n’a pas de mandat !… »… Quel bordel, il faut dire, ces « re-» !!!…

      Lucien, psychiatre-acteur…, est donc intervenu en faisant celui qui :.. avait « reçu une lettre », envoyée, avait-il dit :… par « un vieux copain » !… Une lettre peut-être réelle,… ou par une sorte d’acte d’imagination, …de dédoublement réfléchissant, et rafraîchissant de lui-même… Pour information, …voici donc son intervention ( = document rare et que l’on est prié de respecter !…), qui met l’accent sur …un possible autre sens que bourgeois des « tendances individuelles…» :

      INTERVENTION À LA CONFÉRENCE FÉDÉRALE DE L’ESSONNE – L. BONNAFÉ, 3 février 1985.

      J’ai reçu une lettre.
      Quel est cet interlocuteur qui fait ingérence dans notre débat ?
      Le signataire est un vieux copain. Il a adhéré au parti, comme moi, en 1934. Le front populaire, les efforts pour rassembler des gens de toutes sortes, parmi lesquels, surtout, ceux qui crient au ciel et ceux qui n’y croient pas ; subordonné à ce contexte, le travail d’alliance avec les organisations socialistes ; mais surtout le mouvement des Auberges de Jeunesse, où se mélangent ouvriers, employés, étudiants, et d’où sort, légué à l’ensemble de la classe ouvrière, l’invention des congés payés. La résistance et la libération, des fonctions responsables dans l’une et l’autre. L’époque “stalinienne” et ses tourments. 1956, la consternation devant “le retard”, devant la fuite à l’écart des préoccupations populaires, le refuge dans le raidissement monolithique du parti, le climat de chasse aux sorcières, l’accusation de reculer devant l’adversaire de classe… et là, il ne supporte pas et se met de lui-même en dehors, où il reste depuis.
      Dans la deuxième génération, plusieurs ont milité sans le parti, plus ou moins longtemps, des cartes ont été reprises en 78, plus aucune en 79.
      Troisième génération : des jeunes comme beaucoup d’autres on aime bien les communistes qu’on connaît, individuellement, mais, collectivement, “les cocos, c’est rétro”.
      Quand mon copain dit “je”, c’est de lui qu’il parle, quand il dit “nous”, c’est de toute une tribu, famille et familiers, un échantillon très représentatif de ceux qui nous attendent au tournant, non avec une escopette, mais se demandant s’ils vont reprendre ou prendre la route avec nous. Quand il dit “tu”, c’est de moi qu’il s’agit, quand il dit “vous”, c’est le parti qui est en question.
      Manifestement, ce qui travaille ce “nous”, c’est la question de l’individu. Il me rappelle le temps de notre apprentissage, quand on étudiait Marx, Engels et le reste, avec passion. Il me rappelle que nous y avons trouvé la définition du communisme : “La fin de la querelle entre l’individu et l’espèce”, celle de notre projet de société : “Une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous”, avec cette précision que le principe de cette liberté est “l’affirmation de soi”.
      Avec une grande pertinence et sans acrimonie, il “nous” met en boîte, avec notre langage, demandant malicieusement quelles infiltrations idéologiques, qui n’ont rien de marxiste, le déterminent.
      Il parle de “tendances” comme au sens du dictionnaire, comme au sens de la langue française ordinaire, comme au sens scientifique, et il demande qu’est-ce qui inspire le jargon dans lequel les tendances individuelles n’ont plus droit de cité, puisque l’individu n’y est concevable qu’annulé par la fusion dans quelque secte ou contre-secte.
      Il se demande pourquoi, dans “notre” vocabulaire, “individualisme” n’est employé que dans le sens bourgeois du terme, celui dans lequel la querelle de l’individu et l’espèce est une fatalité inhérente à la “nature humaine”.
      Et il en vient, considérant que lutte des classes et guerre idéologique ne sont pas de vains mots, à demander comment, dans ce combat impitoyable, nous pouvons laisser dégarnis les points les plus sensibles du front, là où l’adversaire frappe dur, là où l’opinion publique est, par ses soins, si sensibilisée, et comment nous pouvons nous réfugier dans une stratégie de hérissons, négligeant les chances d’être entendus, de reconquérir et conquérir une nouvelle audience, par exemple dans l’échantillon si divers de la population au nom duquel il parle.
      Ulcéré comme il l’est par l’application sauvage du “modèle 56″ qu’il a subi jadis, avec ses intolérables pressions robotisantes, il sait bien qu’uns reproduction intégrale de ce modèle n’est plus possible, mais il dit qu’autour de lui on en voit trop de persistances dégradées. La tendance à fuir les questions dérangeantes et à se réfugier dans une conception monolithique de l’”unité” du parti leur paraît plus anachronique aujourd’hui qu’il y a 29 ans.
      Ils pensent surtout que l’image d’un parti reculant devant l’exigence d’un changement spectaculaire que tout le monde attend le place aux antipodes de l’image attractive, de celle qui pourrait réveiller l’intérêt des gens, et en premier émettre un signal fort en direction de la jeunesse, lui signifiant que ce parti n’est peut-être pas si “rétro” qu’elle le croit.
      Le plus intéressant reste la fin de cette lettre. Si elle intervient, rompant le désintérêt ou la non-ingérence dans la vie du parti, c’est parce qu’on a été très sensible à un fait très nouveau qui pourrait amorcer bien des choses : depuis re-voter communiste au lieu d’aller faire un tour à la campagne jusqu’à, qui sait ?, ré-adhérer ou adhérer.
      Le fait très nouveau, c’est l’émergence de fortes tendances anti-robotisantes, autrement dit du droit à l’affirmation de soi.
      La présidente de séance-Tu arrives au bout de tes 10 minutes.
      -Il ne n’en faut pas plus. Je n’ai plus qu’à citer les deux mots dans lesquels le constat de cette nouveauté trouve sons sens : Ce message, à la fin, parle d’espoir ou d’espérance.

    • Aubert Sikirdji dit :

      [Pourriez-vous indiquer dans quel texte Lénine introduit « la figure du « demi-état » complètement ouvert à son appropriation par le peuple » ?]

      Je n’ai pas encore retrouvé explicitement cette idée. Mais c’est à mon sens « l’état d’esprit » de « L’état et la révolution »…

      [on ne lit pas beaucoup Hobbes en France. Et c’est très dommage… Il faut absolument que vous lisiez « Leviathan».]

      D’accord.

      [comment savez-vous que c’est « la direction de l’Huma » qui a envoyé le texte au Nouvel Observateur ? Quel était l’intérêt de la direction de l’Huma d’alimenter la campagne anticommuniste qui faisait rage à l’époque ? Comment savez-vous ce que Leroy a dit à Lainé ?]

      Je le sais assurément de la bouche de Tony Lainé. Pour qui c’était une souffrance. L’intérêt était de produire un effet de resserrement du Parti, en ramenant toute contestation à des effets de déloyauté. En outre – j’ai produit en ce sens une intervention de Lucien Bonnafé…- : sans doute y avait-il là une visée contre un « courant », celui, pour ainsi dire, de « la filière » psy., s’exprimant en Essonne, qui était « une fédération sensible », celle de Pierre Juquin.

      [Il semblerait que pour vous la seule chose qui compte c’est de raconter votre vie, et non d’entrer dans une logique d’argumentation et contre-argumentation.]

      Tout un chacun raconte sa vie, même s’il parle d’autre chose. Merci de m’avoir permis de le faire, et d’avoir rassemblé ici, à la suite, un certain nombre d’éléments. De m’avoir laissé ce champ libre, même s’il s’agit d’un champ de mines. Je ne crois pas, au demeurant, être juste sourd à une « argumentation », faite de certitudes et fantasmes visiblement indéboulonnables, qui ramènent pratiquement tout à une thèse du Complot…, en ce qui concerne la crise historique du PCF. Qui est donc le pire sourd qui ne veut entendre de nous deux ? Je vois bien que j’ai en tout état de cause à étoffer ma contre-argumentation, en ce qui concerne une « stratégie autogestionnaire », mais cela renvoie surtout, comme on dit, « à la pratique »…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [Certes, nous sommes loin ici du lexique de « l’Autogestion »… Mais des devoirs en découleront pour les générations suivantes, formulés autrement… : notons qu’il y est question de « de confier à la masse des travailleurs, à la masse des intéressés la gestion de leur propre institution »…]

      Dans ces conditions, vous pourriez dire que la constitution de la Vème République est « autogestionnaire », puisqu’elle dit que « la souveraineté appartient au peuple »… soyons sérieux : si pour vous « autogestionnaire » veut dire que la masse participe à la gestion de leurs institutions par le biais de leurs représentants, vous allez trouver beaucoup « d’autogestion » autour de vous…

      [… L’Humanité des 18-19-20 août 2017… vient en effet de donner d’heureux extraits du discours d’Ambroise Croizat, le 8 août 1946, à l’Assemblée Nationale. …On y lit que : « L’organisation de la sécurité sociale française (…) repose (…) sur une règle fondamentale, qui est celle de la gestion des caisses par les intéressés eux-mêmes.]

      Et ça recommence… Pensez-vous vraiment qu’Ambroise Croizat imaginait une gestion des caisses par voie du référendum des « intéressés » ? Pourquoi, dans ce cas, ce genre de consultation n’a pas été prévu dans les ordonnances sur la sécurité sociale ? Non, Croizat énonçait un principe selon lequel – comme dans la Constitution – le pouvoir originaire appartenait aux « intéressés eux-mêmes », qui le déléguaient à des représentants. Vous aurez du mal à trouver un texte ou Croizat se prononce pour une démocratie directe dans la gestion des caisses de sécurité sociale. Et vouloir faire des communistes « staliniens » de 1945 des « autogestionnaires » qui s’ignoraient est au mieux un anachronisme, au pire une trahison de leurs idées.

      Si vous voulez des figures pour incarner « l’autogestion », allez les chercher chez ceux qui ont pris fait et cause pour elle. N’essayez pas d’invoquer les mânes du CNR ou de Croizat, qui n’ont jamais été des partisans de « l’autogestion ». Dont, je rappelle, on attend toujours de vous une définition précise.

      [Oui, …il vaut bien mieux accueillir les questions de ses camarades, et s’efforcer de les traduire, plutôt que de les trahir, … oui, …plutôt que de mettre ces camarades à la Question, tout en les traitant de “vierges effarouchées” s’il prétendent y échapper !…]

      Caliméro, sors de ce corps… !

      [Le problème du Centralisme Démocratique, c’est qu’il pré-digérait, et pré-rédigeait des « réponses » !…]

      Encore une fois, le CD était la règle qui énonçait que le débat sur une décision était libre, mais qu’une fois la décision prise démocratiquement elle était d’application obligatoire même par ceux qui étaient en désaccord. Je ne vois pas en quoi le CD « pré-digérait » ou « pré-rédigeait » quoi que ce soit, et moins que tout des « réponses ». Le CD est un principe d’organisation de l’action, son but n’est pas de fournir des « réponses ».

      Vous semblez avoir tendance à transformer le CD en une sorte de monstre multiforme, réceptacle de tout ce qui n’allait pas au PCF. Un monstre qu’il aurait suffi de chasser pour que tout à coup le débat devienne libre et le bonheur se répande sur le PCF est ses amis. Une logique presque parfaite de bouc émissaire. Seulement, voilà : en 1994 on a chassé le bouc en question, et le bonheur qu’on nous promettait ne s’est toujours pas matérialisé. Peut-être serait-il temps de se demander pourquoi ?

      [Il était très curieux de constater cette habitude classique dans la vie « démocratique » d’un parti dont le clair principe d’unité avait quelque chose d’obligatoire, qui consistait à demander automatiquement, en en faisant un cas spécial, « au » camarade qui posait des questions « ce qu’il proposait », à lui tout seul, pour y répondre, ce gros malin !…]

      Beh oui. Parce que les partis politiques ne sont ni un club de débats, ni un courrier du cœur politique. Ce sont des organisations bâties d’abord pour l’action politique, et la réflexion en leur sein n’a de sens que si c’est pour guider l’action. Se poser des questions est une attitude fort louable, mais il y a un lieu pour chaque chose. Se poser la question de savoir si une action est juste alors qu’on n’a rien d’autre à proposer est parfaitement inutile.

      [C’est que l’effet d’intolérance de groupe n’était pas une vue de l’esprit : elle « pouvait » se manifester dans de nombreuses occasions !… (…) Et qu’en conséquence, en face de tout pouvoir, fut-il le pouvoir « collectif » d’un groupe, tout dialecticien court le risque d’être d’abord vu comme une sorte de « dangereux déséquilibré », qu’il faudra sinon abattre, …du moins tout faire pour étouffer, …parce qu’il sera vu comme un élément de déstabilisation des certitudes !…]

      Tout à fait. Ceux qui ont essayé de défendre la direction du PCF dans une réunion de « rénovateurs/refondateurs » l’ont appris à leurs dépens…

      [Au demeurant, …j’affirme que le 25ème congrès, dont je réclame, oui,… un réexamen « officiel » à nouveaux frais,… afin d’évacuer « la thèse du complot »… : fut bel et bien « préparé » en amont de manière « techniquement » néostalinienne, et singulièrement dans certaines « fédérations sensibles », …par « la Direction de la Direction »,]

      Ah bon ? Vous voulez dire que les « rénovateurs/refondateurs », eux, n’avaient rien préparé ?
      Allons, soyons sérieux. Comme dans tout conflit de pouvoir, le 25ème Congrès – et ceux qui l’ont suivi – ont été soigneusement « préparés en amont de manière techniquement néostalinienne » par les différents groupes qui aspiraient à prendre le pouvoir ou à le conserver. Ne me dites pas que les « juquinistes » et autres ne se sont pas réunis entre eux pour préparer le congrès…

      [Dans l’Essonne, où j’étais, mon sort fut plié d’avance… J’étais visé comme devant être mis sur « liste grise »…, et mon sort fut justement traité, en conférence de section, avec contribution centrale de… Robert Vizet, ancien résistant, …et figure historique locale du Parti… : …car, vu les « questions » que je posais…, je DEVAIS être mis à l’écart, et je le fus !…]

      Eh oui. Et dans les sections ou les « réfondateurs/renovateurs » étaient majoritaires, c’était les partisans de la direction qui étaient mises à l’écart. Vous ne le saviez pas ? Vous devriez discuter avec ceux qui ont connu Guy Hermier et son groupe de joyeux drilles, vous savez, ceux qui éditaient la revue « Futurs »… certains même sont allés quémander des moyens au PS pour monter une cabbale contre la direction. Vous ne le saviez pas non plus ?

      [C’était aussi le sort d’un certain Lucien Bonnafé, de quelques 40 ans mon aîné, …qui a tout de même, le beau diable, réussi je-ne-sais-comment à parler à la tribune ( !!!…), tout pendant que Robert Vizet s’écriait : « – Il n’a pas de mandat !… Il n’a pas de mandat !… »… Quel bordel, il faut dire, ces « re-» !!!…]

      Ah bon ? Les « re- » parlaient à la tribune sans mandat ? Dont acte. Un geste qui illustre parfaitement du cas que faisaient les « re – » des règles démocratiques ils exigeaient des autres le respect… Eh oui, loin de votre vision idyllique, vous montrez vous-même que c’était un affrontement pour le pouvoir, chacun violant les règles quand cela l’arrangeait pour faire avancer ses pions.

      [voici donc son intervention ( = document rare et que l’on est prié de respecter !…)]

      Ca veut dire quoi « respecter » un document ? On enlève son chapeau avant de le lire ?

      Je ne vois là dedans rien de particulièrement « respectable ». Bonnafé défend la possibilité de constituer des tendance (ce qui est après tout son droit). Il aura satisfaction, puisque les tendances existeront de facto au PCF dès la fin des années 1980, et qu’elles auront droit de cité avec l’abolition du CD en 1994. On aimerait savoir si l’auteur de la lettre en question vit encore, et dans ce cas, qu’est ce qu’il pense de l’état actuel du PCF, ce parti où l’on a mis en œuvre la transformation qu’il suggérait…

      Au vu des brillants résultats, il regrette peut-être de l’avoir écrite.

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      [« Pourriez-vous indiquer dans quel texte Lénine introduit « la figure du « demi-état » complètement ouvert à son appropriation par le peuple » ? » Je n’ai pas encore retrouvé explicitement cette idée. Mais c’est à mon sens « l’état d’esprit » de « L’état et la révolution »…]

      Et bien, une relecture attentive de « l’Etat et la révolution » s’impose. Parce que dans cet ouvrage, Lénine dit exactement le contraire. Pour lui, l’Etat bourgeois n’est qu’un outil d’oppression et d’exploitation dans les mains de la bourgeoisie. Pour aboutir, la révolution doit détruire l’Etat bourgeois, afin de reconstruire un Etat prolétarien. Il n’y a donc nulle part de la place pour un Etat « ouvert à son appropriation par le peuple »… déjà, le mot « peuple » aurait du vous étonner dans la bouche de Lénine.

      [« comment savez-vous que c’est « la direction de l’Huma » qui a envoyé le texte au Nouvel Observateur ? Quel était l’intérêt de la direction de l’Huma d’alimenter la campagne anticommuniste qui faisait rage à l’époque ? Comment savez-vous ce que Leroy a dit à Lainé ? » Je le sais assurément de la bouche de Tony Lainé.]

      Mais comment le savait-il, lui ? Puisque R. Leroy avait refusé de lui dire ce qui s’était passé, comment savait-il que c’était la direction de l’Huma qui l’avait transmis ? Lorsqu’on veut analyser un conflit, on ne peut pas se contenter de prendre pour de l’argent comptant le témoignage de l’une des parties. Et il faut aussi se demander si le récit à une cohérence logique. A l’époque, le PCF essayait d’éviter la vague de textes « réfondateurs/rénovateurs » qui s’étalaient sur les pages de Libération, du Monde ou du Nouvel Observateur. Dans ces conditions, quel intérêt aurait eu la direction du PCF à transmettre le texte de Lainé et Karlin au nouvel obs, et donner ainsi encore un bâton pour se faire battre ?

      [Pour qui c’était une souffrance.]

      Et alors ? Vous croyez que pour les gens comme moi qui étaient dans la tranchée sous le feu des mitterrandiens ce n’était pas une « souffrance » de voir les « réfondateurs/renovateurs » s’étaler à longueur de pages dans les médias crachant sur la direction du Parti ? Vous avez l’air de croire qu’il n’y a que les gens qui étaient de votre côté qui ont souffert, sans jamais penser que, eux aussi, ont infligé des souffrances à d’autres. Puisqu’on en est à jouer les « victimes », je ne vois pas pourquoi vous reconnaîtriez ce statut à Lainé et pas à Marchais, par exemple. Vous croyez que se voir insulter et accuser de « collabo » par Kriegel-Varlimont lui a fait plaisir ?

      [L’intérêt était de produire un effet de resserrement du Parti, en ramenant toute contestation à des effets de déloyauté.]

      Au prix d’alimenter la campagne anticommuniste en ajoutant un texte supplémentaire ? Cela semble peu vraisemblable. D’ailleurs, on comprend mal que le Nouvel Observateur, qui était plutôt sympathique avec les « rénovateurs/refondateurs » se soit prêté à une telle manipulation, en publiant un texte qui lui est parvenu par des voies détournées sans en consulter les auteurs.

      [En outre – j’ai produit en ce sens une intervention de Lucien Bonnafé…- : sans doute y avait-il là une visée contre un « courant », celui, pour ainsi dire, de « la filière » psy., s’exprimant en Essonne, qui était « une fédération sensible », celle de Pierre Juquin.]

      Y avait-il un « courant » en Essonne ?

      [Je ne crois pas, au demeurant, être juste sourd à une « argumentation », faite de certitudes et fantasmes visiblement indéboulonnables, qui ramènent pratiquement tout à une thèse du Complot…,]

      Par une étrange coïncidence, les « certitudes et les fantasmes visiblement indéboulonnables » ne se trouvent que chez les autres. Jamais chez soi… dites, dois-je comprendre que vous n’êtes pas « sur » par exemple de ce que vous a raconté Tony Lainé (voir plus haut) ? Parce que si vous êtes « « sur », cela devient une « certitude », non ?

      En tout cas, je constate que je vous ai apporté des faits, des arguments, des textes et que vous ne répondez jamais sur le fond, vous en sortant à chaque fois avec une pirouette sémantique ou une digression. Je pense en avoir donné suffisamment d’exemples.

      [Qui est donc le pire sourd qui ne veut entendre de nous deux ?]

      Vous,faut croire. Moi, je fais au moins l’effort de vous répondre de manière circonstancié, en restant sur le sujet. Et pour ce faire, il est nécessaire d’écouter l’autre. Vous, au contraire, vous répondez à côté, ce qui fait qu’on peut se demander si vous avez lu ce que l’autre écrit.

      [Je vois bien que j’ai en tout état de cause à étoffer ma contre-argumentation, en ce qui concerne une « stratégie autogestionnaire », mais cela renvoie surtout, comme on dit, « à la pratique »…]

      Faudrait au moins commencer par donner une définition. Il est difficile d’argumenter sur un objet dont on ne sait pas très bien en quoi il consiste…

  43. Eciruam dit :

    Bravo à Descartes,de la façon patiente et appliquée,avec laquelle ,il a débattu avec son interlocuteur au style alambiqué,Aubert Sikirdji.Les longs textes détaillés trés pertinents de Descartes sont généreusement la réponse à des textes obscurs,peut être,cryptés mais mais au fond,polémiques d’Aubert Sikirdji.Celui-ci,évite d’argumenter,sous le prétexte qu’il ‘n’a pas lu ‘Hobbes’,c’est dérisoire!Par contre,il ne se prive pas,de noyer le poisson,alors que ce sont des propos étayés qui sont au minimum attendus.Puisqu’il se pose en donneur de leçon ‘droitdelhommiste’,rappelons que lorsque ‘larchipel du goulag’ de Soljénytsine,a été publié en France,en 1975,le groupe Bonnafé,Aubert Sikirdji,Martelli,n’en a pas tenu compte.A cette époque le grand argentier,d PCF,G.Plissonier,leur aurait coupé les vivres et toute perspectives de carrières.Or,c’était le moteur de Martelli and Co,que de prendre la direction du PCF.Ils y sont restés jusqu’en 2006,et pour certains l’ont quitté,pour exercer avec ceux qui y sont restés,une gouvernance extérieur/Intérieur,par l’intermédiaire de l’entourage de P.Laurent.Or,entre 1975,et 1984,presuqe 10 ans duranr lesquels,seule la dissimilation primait et non le débat de fond,qui aurait exigé une prise de position claire sur ce que Soljénytsine,écrivait.Ma question,précise est,vous M.Aubert Sikirdji,que pensez vous aujourd’hui,de ce que Soljénytsine a écrit,qu’en pensiez vous en 1975,pourquoi ne pas avoir pris position clairement,avant 1984?
    Revenons au fond,c.a.d ,au contresens qu’il y a, du point de vue de Marx lui-même, à parler de communisme et même de socialisme à propos de l’expérience soviétique (mais aussi des régimes chinois, vietnamien et a fortiori cambodgien) qui a marqué le 20ème siècle et nous fait croire encore que le communisme est soit une abomination meurtrière, soit une utopie définitivement invalidée par l’histoire. Depuis, il a lu mon Retour à Marx (Buchet-Chastel) et m’a fait parvenir un commentaire intelligent, assez différent et largement approbateur sur l’essentiel. Le plus simple est donc que je rappelle brièvement cet essentiel, en plusieurs points.
    1 Pour comprendre l’échec de cette expérience et rouvrir l’avenir, il faut effectivement revenir à Marx, par-delà le « marxisme-léninisme », et à sa conception matérialiste, déterministe- évolutionniste de l’histoire. 2 Celle-ci est résumée dans la Préface de 1859 à la « Critique de l’économie politique » (mais on la trouve dans bien d’autres textes) et elle a été dévalorisée à tort par le courant althussérien. Elle nous présente l’idée d’une succession de modes de production dans l’histoire, qui obéit à des lois. Dans son prolongement, l’idée d’un nouveau mode de production à venir, mettant fin aux antagonismes de classes est envisagée (le communisme), mais sur la base de trois conditions (que d’autres textes précisent). Ici, c’est d’abord celle d’un fort développement des forces productives matérielles, ce qui signifie que le passage au communisme (via le socialisme) présuppose le capitalisme développé, la société industrielle donc. Ailleurs (voir le « Manifeste »), une condition sociale impérative est indiquée : la constitution d’une « immense majorité » de travailleurs salariés, liés directement ou indirectement à l’industrie (ce qui suppose que l’on comprenne bien le terme de « prolétariat »). Enfin, il y a la démocratie politique, issue de cette majorité, « l’émancipation des travailleurs ne pouvant être que l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». 3 Ces conditions n’existaient pas dans la Russie de 1917 et leur absence est la cause principale de l’échec qui a suivi, même si d’autres causes ont joué comme l’encerclement capitaliste. Certes, Marx à la fin de sa vie a envisagé qu’une révolution puisse se déclencher dans ce pays sous-développé, mais il a ajouté (ce qu’on oublie toujours) qu’elle ne pourrait réussir qu’avec l’appui d’une révolution en Occident lui apportant ses « acquêts » (= ses acquis)… qui n’a pas eu lieu ! Lénine en eut conscience et c’est pour cela qu’il opéra le tournant de la NEP. Mais il est mort trop tôt et très pessimiste quant au futur. 4 A partir de là on peut et doit (et sans oublier certains aspects positifs sur le plan économique et social) considérer le stalinisme (celui de Staline) comme l’exact opposé de ce que voulait Marx sous le nom de communisme, en particulier s’agissant de la liberté, du poids de L’Etat et du respect des hommes. Et l’on constatera qu’aucune révolution à visée communiste dans un pays sous-développé n’a réussi durablement : je le regrette mais je le comprends à partir de Marx ! 5 A l’inverse, on peut affirmer (quitte à me retrouver seul en le disant) que la social-démocratie était bien un chemin d’« évolution révolutionnaire » (Jaurès) vers le communisme, mais qu’elle s’est arrêtée en chemin, puis s’est convertie au social-libéralisme après la chute du mur de Berlin. 6 Nous sommes aujourd’hui, avec en plus la crise mondiale du capitalisme, dans les conditions que Marx avait globalement prévues (voir Badiou) et les conditions économiques, sociales et politiques (la démocratie formelle) existent (même si les conditions subjectives font défaut), qui rendent possible, par hypothèse, le passage au communisme dans son vrai sens, au moins en Occident. Mais ce ne sont que des « présupposés objectifs » (voir Sève) qui rendent ce passage possible mais non nécessaire ou inéluctable : il faut éliminer de la pensée de Marx toute trace de ce vocabulaire fataliste ou messianique… qui encombre parfois sa pensée ! 6 Par contre, il faut remettre au premier plan l’instance de la morale (et pas seulement celle de l’intérêt,) que Marx a dévalorisée théoriquement alors que son texte est aussi une critique morale du capitalisme (toute critique suppose des valeurs, ici morales) ! Il est vrai, comme me l’a rappelé depuis Vergely, la morale ne suffit pas et elle peut même être inopérante sans l’appel à l’intérêt matériel (que Marx ne méprisait pas) et aux luttes concrètes. Mais seule elle peut nous faire saisir ce que le capitalisme a de scandaleux sur le plan humain (et non seulement d’improductif ou d’inefficace aujourd’hui) et elle fait apparaître le communisme aussi comme une exigence morale. Dans une époque où le sens moral paraît se défaire un peu partout, il faut remotiver les hommes en politique sur cette base normative.

    Merci à mon interlocuteur Aubert Sikirdji,de répondre au texte ci-dessous,que je lui avais présenté,et qu’il a esquivé,par un jeu de mots,toujours avec cette morgue à l’allure agressive sous couvert d’être ‘une victime’:
    [Au moment de l’affaire Fizbin (1976),ont eu lieu,des polémiques autour de G.Marchais,D’Ellenstein,Althusser,à une époque où les finances dépendaient de Gaston Plissonier,c.a.d essentiellement de l’URSS.Le groupe autour de Martelli,à cette époque,soucieuse hier comme aujourd’hui,d’être du côté du manche,n’a jamais pris position sur ces affaires.
    Pendant,les décennies qui ont suivi,ce groupe autour de Martelli,a grenouillé pendant que des milliers de militants,étaient muselés,chassés du pcf,durant la ’mutation’.
    En effet,l’enjeu pour eux était de prendre la direction du pcf.
    Chose faite,aujourd’hui,par la stratégie dehors(Martelli)/dedans(Laurent and Co).
    N’oublions pas que jusqu’en 2006,le groupe autour de Martelli,encore ’adhérent’ au pcf,n’a cessé de louvoyer en cachant son jeu,pour liquider ce pcf,où ils ont exercé un pouvoir de nuisance immense.
    Car comme les poissons,le pcf a commencé à se désagréger,par la tête,c.a.d sa direction,inféodé au groupe de Martelli.
    Il en est de même encore aujourd’hui.
    En 2017,l’électorat du pcf,aprés que celui ci ait été effacé de sa visibilité,suite à son énième absence à l’élection présidentielle,c’est, 1,3% des inscrits aprés,les 1,8% de MGB.Ainsi,c’est la victoire des ennemis de dehors(Martelli)/dedans(Laurent and Co)tous des liquidateurs du PCF,à quelles fins,avec quelles conséquences ?
    Aucune pour eux,car cachées,leurs actions ne sont mêmes pas assumées : drôle de mentalité,non ?]

    • Descartes dit :

      @ Eciruam

      [Puisqu’il se pose en donneur de leçon ‘droitdelhommiste’, rappelons que lorsque ‘l’archipel du goulag’ de Soljénytsine, a été publié en France,en 1975,le groupe Bonnafé, Aubert Sikirdji, Martelli, n’en a pas tenu compte.]

      Là, j’ai du mal à vous suivre. La publication de « l’Archipel » n’a rien appris à personne que l’on ne sut déjà. Le livre est d’ailleurs assez pauvre tant en termes historiques que politiques, et n’apporte guère de connaissances nouvelles. Vous noterez que plus personne ne le lit ni le cite aujourd’hui. Sa publication en 1975 n’était qu’une opération anticommuniste comme on verra se multiplier à la fin des années 1970.

      Un parti politique, ce n’est pas un institut universitaire. Le critère fondamental qui guide son discours est celui de l’efficacité, et non la vérité. Qu’est ce que cela aurait impliqué pour le PCF de « tenir compte » de la publication de « l’Archipel » en 1975 ? Se frapper la poitrine publiquement en reniant tout ce qu’on avait adoré ? Est-ce que cela aurait conduit les intérêts de la classe ouvrière à être mieux défendus ? Certains l’ont fait, et on ne peut pas dire que les résultats aient été à la hauteur des espérances…

      Les grandes institutions ont cela de commun qu’elles vivent sur des fictions. Et lorsqu’elles commettent des erreurs, elles les couvrent du manteau de l’oubli. Croyez-vous que l’Eglise catholique ne s’est jamais couverte de cendres pour avoir soutenu que la terre était plate où d’avoir brûlé des sorcières ? Non, bien sur que non. Elle a reconnu discrètement que la terre était ronde quand l’évidence s’est imposée à tout le monde, et elle est repartie allègrement. A-t-elle organisé des séances solennelles de réhabilitation des victimes de l’Inquisition ? Non, bien sûr que non. Elle a arrêté les frais, et est passée à autre chose.

      [Revenons au fond, c.a.d ,au contresens qu’il y a, du point de vue de Marx lui-même, à parler de communisme et même de socialisme à propos de l’expérience soviétique (mais aussi des régimes chinois, vietnamien et a fortiori cambodgien) qui a marqué le 20ème siècle et nous fait croire encore que le communisme est soit une abomination meurtrière, soit une utopie définitivement invalidée par l’histoire.]

      Là encore, je ne suis pas persuadé qu’il y ait un « contresens ». En matière historique, il y a le modèle théorique, et puis il y a la réalité. Et les deux concordent rarement. De la même manière que les régimes « bourgeois » sont loin d’être conformes point par point au modèle théorisé par Hume, Smith, Ricardo ou Locke, les régimes « socialistes » n’ont aucune raison d’être en tout points conformes au modèle théorique de Marx et de ses successeurs. Je crois qu’il faut se défaire de l’idée qu’il y aura un jour un « socialisme » – et à fortiori un « communisme » – purs, conformes au modèle. Il y sera des sociétés « socialistes » comme il en est des sociétés « libérales » : des systèmes qui associeront des éléments du « modèle » avec d’autres venus de leur histoire. Et de ce point de vue, l’expérience soviétique est bien une expérience « socialiste », avec toutes les ambiguïtés que le mot « expérience » implique.

      [Depuis, il a lu mon Retour à Marx (Buchet-Chastel) et m’a fait parvenir un commentaire intelligent, assez différent et largement approbateur sur l’essentiel. Le plus simple est donc que je rappelle brièvement cet essentiel, en plusieurs points.]

      Je ne savais pas que nous avions Yvon Quiniou parmi nos commentateurs… n’est ce pas Maurice ?

      [3 Ces conditions n’existaient pas dans la Russie de 1917 et leur absence est la cause principale de l’échec qui a suivi, même si d’autres causes ont joué comme l’encerclement capitaliste.]

      Je crains que cette conclusion soit trop rapide. Si nous attendons que les trois « conditions » dont vous parlez soient remplies intégralement, on y sera jusqu’à la Saint Glinglin. Tout au plus, on peut imaginer des situations ou ces conditions seraient plus ou moins – et plutôt moins que plus – remplies. Dans les situations concrètes, on sera toujours loin des conditions idéales du modèle théorique. Et c’est pourquoi les « socialismes » issus des situations concrètes seront toujours bancals, inachevés, contradictoires.

      Pour ces raisons, il faut être très prudent avant d’appliquer le mot « échec » à une expérience historique. Sur la longue durée, toutes les systèmes « échouent », au sens qu’ils tombent pour céder la place à d’autres. Mais peut-on dire la Révolution française a « échoué » parce que la monarchie est rétablie après Waterloo ? Pas vraiment. La révolution de 1917 est un formidable succès : en à peine vingt-cinq ans, soit une génération, elle transforme un pays arriéré et défait en une puissance capable de battre la meilleure machine de guerre de son époque et d’en sortir transformée en une super-puissance mondiale. Si « échec » il y a dans l’expérience soviétique, il se trouve plutôt dans les années 1950, quand l’URSS perd la course à la croissance économique. Car c’est là le nœud de l’affaire : c’est l’économie, et non les « droits de l’homme » qui font tomber le « socialisme réel ». Quand le mur tombe, les gens de l’Est ne se sont pas précipités dans les cinémas, les théâtres, les bibliothèques. Ils se sont précipités dans les supermarchés.

      [4 A partir de là on peut et doit (et sans oublier certains aspects positifs sur le plan économique et social) considérer le stalinisme (celui de Staline) comme l’exact opposé de ce que voulait Marx sous le nom de communisme, en particulier s’agissant de la liberté, du poids de L’Etat et du respect des hommes.]

      Cela est certain. De même que la Révolution française était probablement sur beaucoup de points l’exact opposé de ce que voulait Robespierre, dont on se souvient des discours contre la peine de mort. Le problème, encore une fois, c’est que l’histoire s’amuse à faire cocus les théoriciens, en prenant des voies qui ne sont jamais conformes à la pureté des modèles théoriques. Staline fut un dirigeant réel, obligé de « faire ce qu’on peut avec ce qu’on a ».

      [Et l’on constatera qu’aucune révolution à visée communiste dans un pays sous-développé n’a réussi durablement : je le regrette mais je le comprends à partir de Marx !]

      Il faut admettre qu’aucune révolution à visée communiste n’a réussi durablement non plus dans un pays développé, ce qui « à partir de Marx » est déjà plus difficile à comprendre.

      [5 A l’inverse, on peut affirmer (quitte à me retrouver seul en le disant) que la social-démocratie était bien un chemin d’« évolution révolutionnaire » (Jaurès) vers le communisme, mais qu’elle s’est arrêtée en chemin, puis s’est convertie au social-libéralisme après la chute du mur de Berlin.]

      On peut l’affirmer, mais ce n’est pas vrai pour autant. Là encore, au-delà des théories, il faut regarder les résultats dans les faits. On ne peut pas dire que le bilan de la social-démocratie soit très brillant, surtout une fois que, le croquemitaine communiste ayant disparu, la bourgeoisie et les classes moyennes ont cessé d’avoir besoin d’une « caution de gauche ».

      [6 Nous sommes aujourd’hui, avec en plus la crise mondiale du capitalisme, dans les conditions que Marx avait globalement prévues (voir Badiou) et les conditions économiques, sociales et politiques (la démocratie formelle) existent (même si les conditions subjectives font défaut), qui rendent possible, par hypothèse, le passage au communisme dans son vrai sens, au moins en Occident. Mais ce ne sont que des « présupposés objectifs » (voir Sève) qui rendent ce passage possible mais non nécessaire ou inéluctable : il faut éliminer de la pensée de Marx toute trace de ce vocabulaire fataliste ou messianique… qui encombre parfois sa pensée !]

      Non, les conditions que Marx avait globalement prévues ne sont pas satisfaites : il en manque une dont vous n’avez pas parlé, qui est le fait que le capitalisme en tant que mode de production soit en crise, c’est-à-dire, qu’il soit devenu « un obstacle au développement des forces productives ». Or, c’est là une condition fondamentale.

      [6 Par contre, il faut remettre au premier plan l’instance de la morale (et pas seulement celle de l’intérêt,) que Marx a dévalorisée théoriquement alors que son texte est aussi une critique morale du capitalisme (toute critique suppose des valeurs, ici morales) !]

      Comme disait Nietzche, l’impératif catégorique nécessite un empereur. Pourquoi « il faut » remettre au premier plan l’instance de la morale ? Et de quelle « morale », d’ailleurs ? Parce que cela ne vous aura pas échappé que la morale est une règle essentiellement personnelle et subjective. Il n’y a pas UNE morale, il y a DES morales. Et elles ne disent pas toutes la même chose…

      [Mais seule elle peut nous faire saisir ce que le capitalisme a de scandaleux sur le plan humain (et non seulement d’improductif ou d’inefficace aujourd’hui) et elle fait apparaître le communisme aussi comme une exigence morale. Dans une époque où le sens moral paraît se défaire un peu partout, il faut remotiver les hommes en politique sur cette base normative.]

      Encore ce « il faut ». Pourquoi « faudrait-il » faire du communisme une exigence morale ? Je crains que vous ne fassiez un raisonnement circulaire. Il n’existe pas de morale universelle, qui qualifierait le capitalisme de « scandaleux ». La morale est une idéologie, et comme telle dialectiquement liée à une base matérielle. Chaque classe construit une « morale » qui est conforme à ses intérêts. Avoir recours à la « morale » pour remotiver les hommes, c’est en fait avoir recours à leurs intérêts sous une forme détournée.

    • Aubert Sikirdji dit :

      Un drôle d’« Eciruam », tout retourné, qui parle verlant !… Croit-il qu’un homme inverti en vaille deux ? Alors là, bonjour les deux gars !… Je sais qu’avoir un bon copain c’est merveilleux, mais là …ce serait une drôle de version, pas bien drôle, du « je est un autre » !… (Voir l’effet de dédoublement, par exemple dans « le horla » de Maupassant…, ou dans « le double », de Dostoïevski…)

      Je sais que, quoi que je dise ici, cela sera au risque que cela soit, avec plus ou moins de subtilité (plutôt moins que plus…), retenu contre moi… Et que je serai d’abord transformé moi-même en un « Il », une « troisième personne »,… et ensuite vu, à la limite,… comme pratiquant un « double jeu », …comme une sorte d’être double, habité à l’intérieur par un autre, du genre « Caliméro », que l’on invitera à « sorti de ce corps » !… Etc. Pour ça, merci, je suis servi. J’ai déjà un « double », en chair et en os,… un frère jumeau : il s’appelle François Sikirdji.

      Mais pour autant, il n’est pas possible de « m’autrifier », et de me demander, dans une logique néo-inquisitoriale, …de « répondre » à des questions qui partent d’une autre logique « hérétique » que la mienne : à la limite, l’on pourrait considérer, par incorrigible besoin de fantasmer,… que j’aurais participé à « une logique cachée du complot » sans même m’en rendre compte !… Mais, à moins de considérer que la moindre conversation interpersonnelle, y compris « en couple », en relèverait, l’on ne pourra trouver absolument aucun « fait » dans ma vie, du genre « pratique de sous-groupe concertée », ou « pratique fractionnelle »,… qui puisse « illustrer » de tels aprioris d’inquisiteurs !… Ce serait m’obliger à tourner le dos, pour le coup vraiment à mon corps défendant,… à « ma » propre logique !… D’aucuns, par exemple, ont émargé à des « comités Juquin ». Ce n’est pas mon « cas » !…

      Je rappelle d’ailleurs, à qui sera capable de la lire attentivement, ….la récusation ci-dessous, dans la prise de parole de Lucien Bonnafé pour le 25ème congrès du PCF, que j’ai donnée, le 20 août à 13h42, d’une vision de « l’individu » uniquement concevable comme « annulé par la fusion dans quelque secte ou contre-secte » !… Car …cela dépasse effectivement l’entendement des sectaires, que l’on puisse en face d’eux être autre chose qu’un autre genre, fusse à son corps défendant, de « pratiquant » de sous-secte !…

      Que l’on me permette donc de dire ici que, y compris à me retrouver au coin, comme on-ne-sait-quel « mauvais élève »… qui n’a pas encore lu Hobbes, …ou comme participant d’on-ne-sait-quelle filière de « donneurs de leçons droit-de-l’hommistes », …et si par hasard je ne « répondais pas », y compris, « à la question ici posée » sur …Soljenitsyne (et puis quoi encore ?),… je signale qu’aucun professeur… ou aucun commissaire… ne pourront jamais regarder la réalité en face, à n’en voir que la fesse !… Qu’on le veuille ou non, j’écris ici à visage découvert : et je redis que je n’ai rien, absolument rien, même « inconsciemment », d’un « complotiste » !!!!… Il y a erreur sur la personne !… C’est à ceux qui ont la cervelle à l’envers de se la remettre à l’endroit (mais sans doute est-ce bien trop leur demander) !…

      Je signale (ou rappelle), en outre, ce fait historique : que Lucien Bonnafé a fait partie des auteurs de « la déclaration des libertés » du PCF, du milieu des années 70, sous la responsabilité de Pierre Juquin. Qu’il a joué un rôle central dans un débat à ce propos à la fête de l’Humanité de septembre 75, où il fut en particulier question de l’usage « politique », en URSS, de « la psychiatrie »…
      Il avait d’ailleurs un « léger » différend avec Juquin, qui parlait de cette initiative comme devant « damer le pion au PS ». Lucien, lui, considérait que ça n’était pas la question. Que cette initiative avait une valeur d’ampleur stratégique, et qu’elle s’imposait, hors toute « obsession du PS »…

    • Descartes dit :

      @ Aubert Sikirdji

      Je me permets d’intervenir dans votre échange avec « Ecuiram » aka Maurice.

      [Je sais que, quoi que je dise ici, cela sera au risque que cela soit, avec plus ou moins de subtilité (plutôt moins que plus…), retenu contre moi…(…)]

      Paranoïaque, moi ?

      [Mais pour autant, il n’est pas possible de « m’autrifier », et de me demander, dans une logique néo-inquisitoriale, …de « répondre » à des questions qui partent d’une autre logique « hérétique » que la mienne :]

      Pitié. Personne ne va vous brûler la plante des pieds sur des charbons ardents. Vous exposez votre point de vue, c’est votre droit. Des commentateurs contestent certains de ces points ou vous demandent de clarifier votre position, c’est le leur. Arrêtez de vous poser en victime d’on ne sait quelle Sainte Inquisition. Vous ne pouvez pas prétendre à ce que votre position soit écouté dans un silence rempli de révérence puis acceptée comme parole d’évangile. Assumez le fait qu’il peut y avoir des désaccords, et que de la même manière que vous avez souffert des actions des autres, d’autres peuvent avoir souffert des vôtres.

      [à la limite, l’on pourrait considérer, par incorrigible besoin de fantasmer,… que j’aurais participé à « une logique cachée du complot » sans même m’en rendre compte !…]

      Personne n’a dit pareille chose. Le fait est qu’il y a bien eu un « complot » au sens d’une tentative organisée et concertée de renverser la direction du PCF, et que vous avez soutenu et soutenez encore des gens qui ont participé à ce « complot ». Saviez-vous quel était l’objectif poursuivi par ces gens ? Ou avez-vous seulement été séduit et manipulé par un discours construit pour essayer de récupérer le mécontentement et l’angoisse des militants devant les résultats électoraux ? Je ne saurais le dire, et d’ailleurs ce n’est pas le nœud de la question. Je veux bien vous accorder le bénéfice du doute sur ce point. Mais ne continuez pas à propager le mythe des « rénovateurs/refondateurs » qui auraient été des doux agneaux remplis de nobles intentions et, bien sur, totalement désintéressés. Parce que ce n’est qu’un mythe. On a vu ce que ces gens ont fait quand ils ont eu une parcelle de pouvoir.

      [Je rappelle d’ailleurs, à qui sera capable de la lire attentivement, ….la récusation ci-dessous, dans la prise de parole de Lucien Bonnafé pour le 25ème congrès du PCF, que j’ai donnée, le 20 août à 13h42, d’une vision de « l’individu » uniquement concevable comme « annulé par la fusion dans quelque secte ou contre-secte » !… Car …cela dépasse effectivement l’entendement des sectaires,]

      Oui, je sais, la secte, c’est les autres… Mais là encore, il vous faut examiner les conséquences de ce discours. Parce que ce discours du pauvre individu « annulé par la fusion dans quelque secte ou contre secte » a abouti dix ans plus tard à la doctrine du « parti-outil », ou l’organisation ne sert plus à faire avancer des projet délibérés collectivement mais n’est plus qu’un « outil » dans les mains des individus qui le composent, et ne sert qu’à ce que chacun puisse faire avancer SES revendications.

      Il faut sortir d’une logique idéaliste. Les idées ne surgissent pas par hasard, ou parce qu’elles sont justes. Les idées sont des outils au service d’intérêts. Quand on raconte que l’individu doit se soumettre à une discipline, c’est parce que cette soumission est nécessaire pour faire avancer certains intérêts. Lorsqu’on commence à proclamer que l’individu « ne doit pas être annulé par la fusion dans quelque secte », c’est que les intérêts qu’on défend ont changé.

      [Que l’on me permette donc de dire ici que, y compris à me retrouver au coin, comme on-ne-sait-quel « mauvais élève »… qui n’a pas encore lu Hobbes, …]

      Je suis étonné, je dois le dire, que quelqu’un d’aussi cultivé que vous, qui cite aussi extensivement Marx ou Lénine, ne connaisse pas Hobbes, qui est un peu le père de la philosophie politique matérialiste. Mais personne ne vous a « mis au coin » pour cela.

      [Je signale (ou rappelle), en outre, ce fait historique : que Lucien Bonnafé a fait partie des auteurs de « la déclaration des libertés » du PCF, du milieu des années 70, sous la responsabilité de Pierre Juquin. Qu’il a joué un rôle central dans un débat à ce propos à la fête de l’Humanité de septembre 75, où il fut en particulier question de l’usage « politique », en URSS, de « la psychiatrie »…]

      Il faut aussi rappeler qu’il a joué un rôle important dans la « psychologisation » du PCF, porte d’entrée de l’idéologie de mai 1968. A tout seigneur, tout honneur…

  44. Eciruam dit :

    @Aubert Sikirdji
    L’honnêteté intellectuelle me fait confirmer que mes arguments doivent tout en effet à yvon quiniou,point commun que j’ai avec Aubert Sirkidji .Celui ci étant prompt à repérer chez ces interlocuteurs des ‘défauts’,souvent imaginaires,je vais abruptement lui signifier,que ce n’est absolument pas ds’l’état et la révolution’que des prémisses de l’autogestion se trouve.Ce livre de Lénine est un appel à la dictature bolchévique la plus impitoyable,pour gagner la guerre faite à la jeune russie révolutionnaire,pourquoi faire croire que Lénine inspire Aubert Sikirdji?

  45. Maurice dit :

    Pour la 2ième fois,en 16 mois,R.Hue annonce qu’il quitte la vie politique.Prenons le au mot,même si eprsonne n’y croit et évoquons quelques épisodes de son parcours.
    Premiérement R.Hue,ne doit pas être ‘diabolisé’.Son côté rond,enjoué trés humain a été une des raisons de son choix par G.Marchais en 1994,pour lui succéder comme secrétaire général du PCF,et des 9% des présidentielle du PCF en 1995.
    Mais,ceux qui ont inventés,ce délire de la ‘mutation’ et tirés les ficelles ,de cette mut(il)ation,(c.a.d auto-destruction,cf:Cohen séat et sa compagne Borvo,Marie pierre Vieu,Dhareville, etc…)sont toujours les dirigeants d’un pcf à 2%, incrustés,à vie?
    C’était déjà, sous leur influence que la 2ième candidature de R.Hue,en 2002 a recueille 3%!
    Cela fait plus de 15 ans qu’en toute irresponsabilité devant les mandats des militants cette équipe culpabilise les militants par des questionnaires et conserve les manettes du pcf voué à la destruction sous leurs directions immature,aveugles,sans qu’ils assument leur choix désastreux…Revenons, sur les raisons du « choix » de georges marchais. En fait le successeur de Marchais était prévu de longue date, c’était Fitterman. Mais celui-ci à la suite de la « participation » gouvernementale (la première) a craqué et avec Rigout s’est rangé aux côtés de Mitterrand. Marchais cherchait donc un autre successeur, il avait pensé à Gayssot, mais celui-ci avait également commencé une dérive y compris personnelle, tout le monde s’en méfiait, donc un certain nombre de camarades sont intervenus auprès de Georges pour l’en dissuader. Il était bien embarrassé parce qu’il voulait absolument, légitimement, cèder la main. C’est alors que madeleine Vincent a proposé un de ses collaborateurs auprès des élus, Robert Hue. Il n’était en rien préparé à cette tâche; Dès arrivé, Gayssot et Blottin ont mis la main sur lui et il a été impliqué dans des négociations secrètes avec le PS.Derrière,Gayssot et Blottin,y avait Hermier,Rigout,etc..

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [Pour la 2ième fois, en 16 mois, R. Hue annonce qu’il quitte la vie politique. Prenons le au mot, même si personne n’y croit]

      Moi j’y crois. Non pas parce qu’il en ait fait le choix, mais parce que les circonstances le forcent. L’aventure solitaire de R. Hue au MUP et ses divers avatars ne pouvait fonctionner que comme poisson pilote du PS, qui garantissait au père UbHue et à certains de ses amis des postes sur ses listes et des aides financières. Le PS n’étant plus en état de filer des miettes, le MUP n’a plus raison d’être. Avec Hollande s’est envolée la dernière chance pour Hue de devenir ministre, et son siège de sénateur n’était plus garanti…

      [Premièrement R.Hue, ne doit pas être ‘diabolisé’.]

      Je suis d’accord. Si quelque chose caractérise le Diable, c’est son intelligence et son hauteur de vues. R. Hue est un imbécile inculte, vaniteux et incapable. Pas de quoi en faire un diable. S’il est devenu patron du PCF, c’est parce que les « barons » et les « notables » de l’après-Marchais voulaient une personnalité faible, qui leur soit acquise, et qui « passe » bien en communication. Ils ont eu ce qu’ils voulaient.

      [Mais,ceux qui ont inventés,ce délire de la ‘mutation’ et tirés les ficelles ,de cette mut(il)ation,(c.a.d auto-destruction,cf:Cohen séat et sa compagne Borvo,Marie pierre Vieu,Dhareville, etc…)sont toujours les dirigeants d’un pcf à 2%, incrustés,à vie?]

      Bien entendu. Les secrétaires nationaux passent, les « notables » et les « barons » restent…

      [Revenons, sur les raisons du « choix » de georges marchais. En fait le successeur de Marchais était prévu de longue date, c’était Fitterman.]

      J’en doute. Ce n’était pas la tradition du PCF de prévoir des successeurs « de longue date ». Fiterman était le « n°2 » de Marchais, mais cela ne faisait pas de lui le dauphin.

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