La retraite de Monsieur Hulot

Décidément, depuis l’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée, nous avons changé de monde. La preuve ? Nous avons assisté cette semaine à la première démission en direct à la radio. Un ministre – et pas le moindre, un ministre d’Etat, occupant le troisième rang dans l’ordre protocolaire – a tout à coup crié « je ne joue plus » sur un coup de tête dans le studio même, sans prendre la peine de prévenir le maître d’école.

Personnellement, la démission de Nicolas Hulot ne me touche pas plus que ça. Je l’ai vu arriver sans joie, je le vois partir sans regrets. Mais la forme de son départ, qui ne fait que prolonger la forme de sa gestion au vénérable ministère du Boulevard Saint Germain, devrait interroger ceux qui – à droite comme à gauche d’ailleurs – s’imaginent que le pays serait mieux gouverné si les décideurs venaient de la « société civile », de ceux qui s’imaginent qu’une star médiatique peut s’improviser homme politique. Une illusion tenace, qui subsiste alors que toutes les expériences – je dis bien toutes – de ministres venant de la « société civile » ont donné des résultats très mitigés – et c’est un euphémisme – quand cela ne s’est pas terminé par des désastres. Personne n’imaginerait de confier une opération à cœur ouverte à un honnête citoyen qui ne serait pas passé par la faculté de médecine et accumulé quelques années d’expérience ensuite. Personne ne confierait la présidence d’une cour d’Assises à un présentateur télé, ni même à un juge débutant. Alors, pourquoi imagine-t-on qu’un grand ministère serait mieux dirigé par des gens qui ne sont jamais passés par un parti politique, qui n’ont jamais siégé dans une assemblée, qui n’ont jamais dirigé une collectivité publique, qui n’ont jamais eu à gérer qu’eux-mêmes ? Il faut décidément que nos politiciens aient une piètre opinion de leur propre métier pour s’imaginer que n’importe qui puisse le faire correctement.

Dans une société aussi complexe que le nôtre, la politique est une véritable profession. Une profession qui s’apprend comme n’importe quelle autre profession. Et lorsqu’on veut l’exercer à haut niveau, en assumant des responsabilités tout en haut de l’Etat, c’est un métier incroyablement exigeant et difficile. On peut admettre qu’un avocat débutant défende un voleur de poules, qu’un chirurgien débutant opère une appendicite. Mais seul un grand avocat peut défendre dignement un Klaus Barbie, seul un grand chirurgien peut faire une greffe de cœur. Et c’est la même chose en politique : un ministre d’Etat, ce n’est pas simplement un type qui passe bien à la télé. C’est un homme qui doit prendre chaque jour des décisions qui engagent le pays pour des décennies, qui dans une crise doit non seulement savoir faire des choix, mais les faire de telle manière à inspirer à ses concitoyens l’envie et la confiance pour le suivre.

Nicolas Hulot est un militant, mais reste un amateur en politique. Certes, il fréquente depuis longtemps les allées du pouvoir. Mais ce n’est pas parce qu’on parle à l’oreille de Chirac, de Sarkozy ou de Hollande qu’on apprend le métier. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Hulot n’a pas compris ni comment fonctionne le système, ni quel était son rôle dans celui-ci. De ce point de vue, il a utilisé dans le plaidoyer pro domo pour justifier sa démission une formule intéressante : « j’avais de l’influence, je n’avais pas de pouvoir ». Pourquoi cette expression est révélatrice ? Parce qu’elle révèle une conception très « impériale » de la politique. Aucun ministre – et d’une façon générale, aucun politique –  n’a du « pouvoir » au sens qu’il lui suffit de pointer du doigt et de dire « que la lumière soit » pour que la lumière se fasse. Quel que soit le régime – y compris dans les dictatures les plus absolues – l’homme politique fonctionne dans un système de contraintes. Quelque soit son niveau, il n’est jamais seul à décider : il lui faut compter sur les rapports de force avec tel ou tel groupe d’influence, avec le peuple qui ne s’en laisse forcément compter. Il lui faut convaincre tel adversaire, séduire tel autre, neutraliser le troisième… et toujours regarder d’un œil attentif le peuple qui gronde.

Hulot se plaint d’avoir perdu des arbitrages. Et il est vrai qu’il en perdu beaucoup. Mais c’est largement de sa propre faute. Un arbitrage ne se gagne pas au cours d’un débat dans le bureau du président de la République ou du Premier ministre. Un arbitrage se gagne par le travail constant, harassant, de chaque jour. Il se gagne en faisant des propositions abouties du point de vue technique, parce qu'un président ou un Premier ministre est toujours rassuré lorsqu’on lui propose une décision dont les conséquences ont été correctement évaluées, dont la tuyauterie a été bien étudiée. Il se gagne en discutant au préalable avec les différents groupes d’intérêts, en établissant avec eux des compromis, parce qu’un président ou un Premier ministre n’aiment pas s’embarquer vers l’inconnu, et se laisseront séduire plus facilement par une proposition s’ils savent qu’il n’y aura pas de levée de boucliers, que les principaux intérêts sont satisfaits. Et finalement, un arbitrage se gagne en l’évitant, en appliquant l’adage qui veut qu’il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès. Dès lors qu’on va à l’arbitrage – pire, qu’on y va publiquement – quelqu’un doit perdre la face. Et alors soit on perd, soit on gagne mais on se fait un ennemi qui vous revaudra ça. Il vaut mieux donc aboutir à un compromis avant d’aller à l’arbitrage.

C’est là le véritable art du politique : « rendre possible ce qui est nécessaire » pour reprendre la magnifique formule de Richelieu. Hulot ne l’a pas compris. Il s’est contenté de marteler « c’est nécessaire » sans jamais se demander comment le rendre possible, comme si la « nécessité » en question s’imposait à tous par elle-même. Sa seule stratégie, si l’on peut appeler cela une stratégie, a été de chercher à culpabiliser l’opinion avec des discours apocalyptiques. Ça peut marcher lorsqu’il s’agit de soigner sa popularité, parce que les gens admirent l’ascèse chez les autres. Mais ce n’est pas pour autant que les gens ont envie de la pratiquer sur eux-mêmes. Aucun leader dans ce pays n’a jamais entrainé avec lui les français en les invitant à manger du pan sec  pour expier leurs péchés. De Pétain a Fillon, tous ceux qui ont essayé ont mal fini.

Reprocher à Macron comme le fait Hulot de ne pas l’avoir suffisamment soutenu n’a donc pas de sens. Un président de la République ne soutient pas, ne soutiendra jamais un projet qu’il sait ne pas être acceptable par l’opinion. C’est d’ailleurs son rôle. L’échec de Hulot n’est pas de ne pas avoir réussi à convaincre le président, mais de ne pas avoir réussi à convaincre les citoyens. Parce que la vérité est que, en dehors de quelques cercles militants qui font beaucoup de bruit, le glyphosate ou l’arrêt de Fessenheim, dans les faits, on s’en fout. Personne n’est sorti dans la rue pour exiger l’arrêt de la « folie nucléaire » ou l’interdiction du glyphosate. Les discours catastrophistes d’Hulot remportent un succès d’estime, mais guère plus. Personne ou presque n’est prêt à changer son mode de vie dans le sens où Hulot le voudrait, à mettre vraiment en œuvre son projet. L’échec de Hulot, comme celui de l’ensemble de l’écologie politique, c’est d’abord un échec politique, un échec à convaincre le citoyen.

Nicolas Hulot est un militant de l’écologie. Et un militant fait généralement un très mauvais politique. Parce qu’un militant, presque par construction, veut tout et tout de suite. Chaque concession au réel est un insupportable abandon, chaque compromis est une couleuvre d’avalée. Ce que les militants ne comprennent pas – et c’est pourquoi ils sont toujours déçus quand leur parti arrive au pouvoir – c’est que le compromis et la concession au réel sont l’essence du politique. Parce que, pour le dire très schématiquement, en politique on ne fait jamais tout ce qu’on veut. D’une part, parce qu’il y a une réalité physique qui s’impose à nous : il n’est pas du pouvoir d’un homme politique d’ouvrir la Mer Rouge, et quelle que soit la volonté de l’homme qui le promet, la géothermie ne saurait remplacer l’énergie nucléaire dans notre pays. Et d’autre part, parce qu’on n’arrive jamais seul aux affaires. Au pouvoir, on est obligé de tenir compte des autres, de leurs intérêts, de leurs projets qui ne sont pas forcément les mêmes. Gouverner nécessite de trouver un compromis suffisamment large pour désarmer les forces qui pourraient vous empêcher de le faire.

Quand on est médecin, il y a des patients qu’on sauve… et des patients qui meurent. Et celui qui n’est pas prêt d’accepter de les voir mourir ne devrait pas se faire médecin. Quand on est ministre, c’est pareil : il y a des arbitrages qu’on perd, et des arbitrages qu’on gagne. Celui qui n’est pas capable d’avaler des couleuvres n’a rien à faire en politique. Et lorsqu’il vous arrive d’en avaler, et bien il faut faire bonne figure et se consoler en pensant à la couleuvre que vous ferez avaler aux autres lorsque vous serez du bon côté de l’arbitrage. Encore faut-il arriver à en gagner… et pour cela il faut un travail long et pénible. Il faut des jours de préparation, des heures de discussion pour comprendre quelles sont les « lignes rouges » des uns et des autres, pour comprendre jusqu’où on peut pousser ses idées. Aller à l’arbitrage sur un conflit et sans solution acceptable par tous donne presque toujours la victoire à la solution qui va du côté de celui qui a les plus gros canons. Quand on n’est pas sûr de les avoir, mieux vaut la ruse que la force. La posture « tout ou rien » de Hulot et de sa base écologiste fait qu’il n’y a pas de demi-victoires, seulement des demi-défaites.

Le problème maintenant, c’est de lui trouver un successeur. Et les contraintes qui s’imposent au gouvernement sont immenses, du moins s’il veut que les faits soient cohérents avec les paroles. Car si Hulot est parti, son fantôme rôde encore. La ligne choisie par le gouvernement est celle de la surprise peinée. Si on entend les Griveaux et autres porte-paroles officiels ou officieux, Hulot serait parti sur un malentendu. Le président et le gouvernement étaient tout à fait d’accord avec sa politique, seulement celle-ci réclame un peu plus de temps que ce que l’impatience du ministre partant pouvait tolérer. Le problème de ce discours, c’est qu’il oblige le gouvernement à reprendre à la place de Hulot un ministre qui soit – au moins médiatiquement – sur la même ligne que lui sur les grands dossiers. Ce qui ne peut que prolonger les conflits et les blocages de l’ère Hulot. Si à cela on ajoute le fait qu’il faut garder à l’écologie une place protocolaire équivalente à celle qu’avait Hulot pour échapper au reproche de « dégrader » l’écologie, on voit que les personnalités susceptibles de prendre la place sans promettre une crise rapide ne sont pas légion. Les petits arrivistes ex-EELV comme Canfin, Pompili, De Rugy ? Ils ont tous les défauts de Hulot – sauf peut-être son inexpérience politique –  et aucune de ses qualités. Ségolène Royal ? Trop imprévisible. Sébastien Lecornu ? Trop évidement pro-chasse et pro-nucléaire, autant dire une provocation pour les écologistes médiatiques.

Parmi les noms qui apparaissent, il en est un qui mérite à lui seul un paragraphe, celui de Daniel Cohn-Bendit, dont le nom a circulé depuis qu’il a révélé à la presse avoir été approché par Griveaux et Castaner pour figurer sur la liste des propositions qui seront faites au président de la République. Ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est que des personnalités aussi haut placées de la macronie aient pris l’initiative de ce contact, et surtout que l’intéressé l’ait raconté à la presse – même si c’était pour exprimer ses doutes sur ses capacités. Il est évident qu’il s’agit d’une opération concertée pour « tester » un nom dans l’opinion. La totale incompétence sur le fond du personnage montre à quel point la macronie manque de cadres de qualité, mais aussi combien la nomination d’un ministre tient aujourd’hui plus du « coup de com’ » que du choix politique. Car on a du mal à imaginer que Griveaux ou Castaner puissent vraiment croire que Cohn-Bendit est capable de diriger une administration, de conduire véritablement une politique. Cohn-Bendit n’est qu’une marque. Est-il un penseur ? Qu’on me dise quelle idée originale on lui doit. Est-il un constructeur ? Qu’on me dise quel projet il a dirigé, quelle œuvre il laisse derrière lui.  Est-il un politique ? Qu’on m’explique quelle loi, quelle mesure porte sa marque.

Cohn-Bendit ne fait que capitaliser – en profitant d’ailleurs de l’effet nostalgie – une image construite un mois de mai d’il y a cinquante ans, gonflée hors de toute proportion par le romantisme soi-disant révolutionnaire de l’époque. C’est surtout son anticommunisme, qui ne s’est jamais démenti, et plus tard son engagement maastrichien qui lui a permis de devenir la coqueluche des bourgeois malgré son anarchisme de façade. On dit qu’il faut que jeunesse se passe, Cohn Bendit a réussi à faire croire que la sienne est éternelle. Dany le révolutionnaire est devenu Daniel le notaire – et bientôt ministre, avouez que symboliquement ça aurait de la gueule – tout en conservant son image de jeune rebelle qui plait tant aux vieilles rombières à la jeunesse soixante-huitarde. Mais derrière cette image, il n’y a rien. Que du vent. Une espèce de Coluche en plus magouilleur qui depuis trente ans se trouve toujours du côté des néo-libéraux tout en proclamant le contraire. De quelle œuvre peut se prévaloir Cohn-Bendit ? D’avoir chassé du pouvoir le conservateur De Gaulle, ouvrant ainsi la voie aux néo-libéraux ? D’avoir fait campagne pour le « oui » au traité de Maastricht ? D’avoir consacré sa vie à défendre une construction européenne qui a donné à l’Allemagne ce qu’elle cherchait depuis un siècle, la domination du continent ? D’avoir unifié les « verts » le temps d’une élection pour revenir à leurs petits jeux de pouvoir ensuite ?

Dieu et mes lecteurs savent que Macron n’est pas saint de ma dévotion, mais je vais vous faire une confidence : je pense que c’est un homme intelligent. En tout cas, trop intelligent pour imaginer un instant confier une telle responsabilité à Cohn-Bendit, ci-devant révolutionnaire professionnel aujourd’hui en retraite. Ou alors c’est qu’il est vraiment désespéré.

 

Descartes

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131 réponses à La retraite de Monsieur Hulot

  1. Mao dit :

    Sarko etait intelligent, Holland etait intelligent…Macron…Mmmmmmm, me parait pas tres fut fut ce gars ( Merci Todd).
    Non Macron est tres defiscient intellectuellement, ses origines sociales lui ont permis avec ses capacite cognitive plus ou moins dans la moyenne couple a son opputunisme d arriver la ou il en est : la pute…heu je veux dire le comptable des affaires de l’oligarchie francaise.

    • Descartes dit :

      @ Mao

      [Non Macron est très déficient intellectuellement, ses origines sociales lui ont permis avec ses capacité cognitive plus ou moins dans la moyenne couple a son opportunisme d’arriver là ou il en est :]

      Je peux comprendre qu’on n’aime pas la personnalité de Macron. C’est d’ailleurs mon cas. Mais il faut raison garder. Personne n’arrive « là où est » Macron sans une énorme capacité à traiter de l’information, à la mémoriser, à l’associer. Et c’est là la définition même de l’intelligence. La chance, les origines sociales, ça compte. Mais les imbéciles n’arrivent pas à l’Elysée. Vous parlez d’ailleurs « d’opportunisme ». Mais l’opportunisme n’est utile que si l’on est suffisamment intelligent pour détecter les « opportunités »…

    • Mao dit :

      Des argument fort valables…mais non : Macron reste a mes yeux un demeuré sous cocaine.

      Je n’ai pas d’autre argument 😉

    • Descartes dit :

      @ Mao

      Contre la volonté de croire, tout argument est inutile…

    • Vincent dit :

      @Mao

      Il a certes échoué au concours de l’ENS, mais ça arrive à beaucoup de monde, et ce n’est pas une preuve de débilité.
      Plus sérieusement, il n’est peut être pas le surdoué génial et doué d’une incroyable puissance cérabrale qu’on nous a vendu. Mais n’est certainement pas idiot…

      Peut être a-t-il eu, scolairemenyt parlant, la chance, à l’age où les autres commencent à se disperser et à faire des “conneries” d’être recadré par sa copine, qui l’a axé en mode monomaniaque sur sa scolarité. Ce qui lui a permis de développer certaines capacités cognitives utiles pour réussir ses études, et pour épater des gens en société. Mais peut être moins pour remettre systématiquement en doute ce qu’on lui enseignait (c’est normalement à cet âge qu’on commence à tout mettre en doute et à apprendre ce type de démarche intellectuelle).
      Mais j’extrapole sans doute beaucoup…

      > Macron…Mmmmmmm, me parait pas tres fut fut ce gars ( Merci Todd).

      J’ai entendu cette phrase de Todd. Et quand je l’ai entendue, je l’avais comprise :
      1°) Comme une volonté de faire rire l’assistance, un peu à l’anglosaxonne, où il faut lacher régulièrement une petite blague pour faire tenir son auditoire,
      2°) Comme une allusion à son manque de capacité à tenir une réflexion non conformiste, et en creux une critique de son orthodoxie en matière économique et sociale, où il ne dévie pas d’un iota des idéologies de ses maitres à penser.

      Il faut aussi la garder dans son contexte. Il en disait au moins autant de Sarko et Hollande…

  2. luc dit :

    @Descartes
    [Macron est intelligent..ou désespéré]
    Merci pour ce texte,brillant comme à l’accoutumé ,écrit,au moment où sans que vous en ayez eu connaissance, j’écrivais ceci,[Il semble que le sens du réel,échappe totalement,au président de la république.Son jeune âge,l’utilisation immodérée qu’il fait de la déconnection avec son électorat(j’ai voté pour lui) sont ils responsables de la disparition(momentanée,j’espère..) de son équilibre mental ? Il a contacté Daniel Cohn-Bendit,pour être son ministre de l’écologie.Rappelons,que Dany a la double nationalité,franco-allemande. Il fut élu de Francfort/main ,mais il n’a jamais protestée contre la colossale industrie du charbon/lignite,ultra-polluante(responsable des bronchiolites mortelles en Région Parisienne etc..].merci pour votre réponse,publiée à l’article précédent.
    Puis je prendre le pari,que comme vous le dites,il s’agit pas du choix de Macron,mais d’un sondage,sans conséquences de ces porte-flingues? Qu’aurait à gagner,Macron de prendre un hurluberlu,comme Cohn-Bendit dans son gouvernement,car ce serait le signe d’une fin de règne très prématurée? Pensez vous que la Macronie est en train de s’effondrer?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Puis je prendre le pari que comme vous le dites, il ne s’agit pas du choix de Macron mais d’un sondage sans conséquences de ces porte-flingues?]

      Il n’est jamais sage de parier sans avoir une information complète. Tout ce que nous savons c’est que Griveaux et Castaner ont pris contact avec Cohn-Bendit. Nous ne savons pas si c’est une initiative isolée, ou bien un plan conçu à l’Elysée en vue de faire entrer Dany le rouge – ou ce qui en reste – au gouvernement. Nous savons aussi – parce que cela a été abondamment commenté – que Macron reçoit l’intéressé cet après-midi, sachant que par ailleurs Macron l’a déjà plusieurs fois reçu informellement. A partir de là, peut-on tirer une conclusion sur la position de Macron ? Je ne le pense pas. Il le reçoit peut-être pour discuter d’une éventuelle entrée au gouvernement, mais il peut tout aussi bien le recevoir pour tester auprès de lui les différentes hypothèses pour le remplacement de Nicolas Hulot, vu que Cohn-Bendit connaît mieux que personne les petits jeux de pouvoir dans la galaxie écologiste. Peut-être même qu’il le reçoit pour lui proposer la tête de liste macroniste pour les élections européennes ?

      [Qu’aurait à gagner Macron de prendre un hurluberlu comme Cohn-Bendit dans son gouvernement car ce serait le signe d’une fin de règne très prématurée?]

      Difficile à dire. Cohn-Bendit est, aux dires de certains, un « poids lourd de l’écologie ». Il saura parler aux écolos, négocier avec les lobbies écologistes, les rassurer. Et puis c’est un eurolâtre convaincu, qui soutiendra sans hésiter les initiatives européennes de Macron, et cela comptera pendant la campagne électorale qui commence. C’est en plus un homme rompu à la communication et à la manipulation de l’opinion, qui a des réseaux partout dans les médias. Flanqué d’un directeur de cabinet ou d’un secrétaire d’Etat capable de « tenir » le ministère et de faire le boulot quotidien d’un ministre, Cohn-Bendit est un candidat très plausible.

      [Pensez-vous que la Macronie est en train de s’effondrer?]

      S’effondrer, peut-être pas. Mais les faiblesses structurelles du macronisme – qui ont fait l’objet de pas mal de discussions sur ce blog – qui étaient occultées dans l’optimisme de la nouveauté – commencent à se voir. Et le ralentissement économique, prévisible dans une logique de cycles, n’arrange rien.

      Le problème de la macronie est qu’elle manque de cadres. Macron peut compter, c’est vrai, sur des techniciens bien formés, bien éduqués et pas incompétents dans leur domaine qu’on trouve sans trop de difficulté dans l’appareil de l’Etat ou dans les entreprises. Le problème, est que rien ne motive ces gens en dehors de leur ambition personnelle. La « forme parti » avait l’avantage de fournir aux gens un projet commun qui les dépassait, et qui donnait une cohérence et une discipline à leur action. Les gens de la macronie n’ont d’autre projet que leur réussite individuelle. Comme dans une entreprise. Sauf que la demande des citoyens envers l’Etat n’est pas la même que celle des actionnaires envers l’entreprise.

    • Paul I dit :

      @ Descartes

      Bravo pour votre perspicacité: c’est en effet de la tête de liste aux européennes dont il s’agit.

    • Descartes dit :

      @ Paul I

      [Bravo pour votre perspicacité: c’est en effet de la tête de liste aux européennes dont il s’agit.]

      Vous savez, à force de naviguer en eaux troubles, on finit par apprendre à anticiper les courants…

  3. morel dit :

    En accord avec vous sur ce texte, Une chose est de savoir faire le «show» où, si l’on a quelque talent on ne peut que rencontrer succès et popularité, une autre d’administrer donc de se prononcer pour des choix au risque de ne pas l’emporter et de ne plus être le personnage consensuel,
    Par contre, je pense que vous allez trop loin sur ce point secondaire :

    « Et un militant fait généralement un très mauvais politique. Parce qu’un militant, presque par construction, veut tout et tout de suite. Chaque concession au réel est un insupportable abandon, chaque compromis est une couleuvre d’avalée. Ce que les militants ne comprennent pas – et c’est pourquoi ils sont toujours déçus quand leur parti arrive au pouvoir »,

    Certes, il y eu trop et il y a encore trop dans ce qu’il était convenu d’appeler «la gauche» (c’est peut-être aussi valable ailleurs mais je connais moins) de ce type de militants. Il n’est d’ailleurs pas illégitime de se demander si les responsables n’ont pas failli à leur devoir d’éducation même si maintenir «l’idéal» avec le réalisme n’est pas toujours simple.
    Il y a pas que le militant syndical qui, après avoir pesé la situation se dirige vers un compris. Le problème est, il me semble, d’avoir une analyse partagée de la situation. Peut-être avez-vous connu vous même des militants plus nuancés ?

    Par ailleurs, ce qui m’irrite le plus chez Hulot, c’est cette construction d’image sainte au-dessus des partis dont Macron a bien compris l’intérêt médiatique. N’a t-il pas en qualité de ministre d’État souscrit à la déconstruction du code du travail matérialisé par la loi, aux cadeaux fiscaux aux riches etc. sur fond d’européisme professé par ce gouvernement ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Certes, il y eu trop et il y a encore trop dans ce qu’il était convenu d’appeler «la gauche» (c’est peut-être aussi valable ailleurs mais je connais moins) de ce type de militants. Il n’est d’ailleurs pas illégitime de se demander si les responsables n’ont pas failli à leur devoir d’éducation même si maintenir «l’idéal» avec le réalisme n’est pas toujours simple.]

      Lorsque j’écris que les militants font de mauvais ministres parce que le militant veut « tout, tout de suite », ce n’était nullement une critique. Mon expérience me fait dire que, la psyché humaine étant ce qu’elle est, c’est inévitable. Car qu’est-ce qui pousse les gens à militer ? Souvent, c’est la quête de l’absolu, d’un monde différent et parfait. Le travail qui conduit le jeune militant idéaliste à devenir un vieux militant réaliste n’est pas un travail évident. Beaucoup restent d’ailleurs en chemin, incapables d’accepter le fait que les rêves sont faits pour être rêvés, et non pour être réalisés. Beaucoup se disent à un moment de leur vie « à quoi bon ». Ceux qui se sont investis avec l’espoir de pendre le dernier bourgeois avec les tripes du dernier curé ont du mal à accepter que cela vaut la peine de faire cet effort pour obtenir un comité d’entreprise.

      Il ne faut jamais oublier que l’acte de militer n’est pas un acte totalement désintéressé. Le militant tire une gratification de son activité. Pour certains, c’est de l’argent, du pouvoir. Pour d’autres, c’est une satisfaction morale, une valorisation de soi. Or, le compromis, qui implique des concessions réciproques, n’est jamais très valorisant. Comme disait Byron, « il est plus facile de mourir pour la femme qu’on aime que de vivre avec elle ».

      C’est là une des fonctions du dirigeant politique : de servir de médiateur entre la réalité et les militants. De leur expliquer les concessions faites et, fatalement, d’assumer le rôle de « traitre ». Connaissez-vous un seul dirigeant politique qui, une fois arrivé au pouvoir, n’ait pas eu à répondre de cette accusation, qui ait réussi à démontrer à ses militants qu’elle était infondée ?

      [Il y a pas que le militant syndical qui, après avoir pesé la situation se dirige vers un compris. Le problème est, il me semble, d’avoir une analyse partagée de la situation. Peut-être avez-vous connu vous-même des militants plus nuancés ?]

      Tout ça a l’air parfait aux yeux de la Raison. Mais le militant est motivé par beaucoup de choses, et parmi ces choses la Raison joue un rôle souvent mineur. Un militant pourra « partager » intellectuellement votre analyse rationnelle de la situation, et en même temps vous en vouloir de la lui avoir exposée. On ne pardonne pas facilement ceux qui vous disent la vérité…

      [Par ailleurs, ce qui m’irrite le plus chez Hulot, c’est cette construction d’image sainte au-dessus des partis dont Macron a bien compris l’intérêt médiatique. N’a t-il pas en qualité de ministre d’État souscrit à la déconstruction du code du travail matérialisé par la loi, aux cadeaux fiscaux aux riches etc. sur fond d’européisme professé par ce gouvernement ?]

      Au temps où l’on pensait qu’un gouvernement était une équipe cohérente assumant collectivement la responsabilité d’une politique globale, chaque ministre assumait la responsabilité de l’ensemble de la politique du gouvernement. Et lorsqu’il ne le voulait plus, il démissionnait pour pouvoir ouvrir sa gueule, selon le mot de Chevènement. Cette solidarité n’existe plus : les débats entre ministres, qui hier s’arbitraient dans le secret des conseils des ministres (rappelons qu’au début de la Vème République, il était interdit aux ministres de parler publiquement des débats au Conseil, et même de prendre des notes, pour assurer la confidentialité et donc la totale liberté de l’expression), sont aujourd’hui exposés sur la place publique. On sait quel ministre soutient quelle politique que tel autre ministre combat. Dans ce contexte, difficile de parler de responsabilité d’un ministre pour l’ensemble de la politique du gouvernement. Chacun n’est responsable que de ce qu’il fait… et encore, s’il gagne l’arbitrage. S’il le perd, il peut toujours plaider que la politique mise en œuvre n’est pas la sienne.

    • morel dit :

      « Dans ce contexte, difficile de parler de responsabilité d’un ministre pour l’ensemble de la politique du gouvernement. Chacun n’est responsable que de ce qu’il fait… et encore, s’il gagne l’arbitrage. S’il le perd, il peut toujours plaider que la politique mise en œuvre n’est pas la sienne. »

      C’est peut-être leur façon de voir mais ce n’est pas la réalité qui a vu Hulot participer pleinement à un gouvernement attaché à la sauvegarde de l’UE, à une fiscalité soft pour les possédants, à une remise en cause de l’État social. Personne ne l’a contraint à s’y afficher.

      « Tout ça a l’air parfait aux yeux de la Raison. Mais le militant est motivé par beaucoup de choses, et parmi ces choses la Raison joue un rôle souvent mineur. Un militant pourra « partager » intellectuellement votre analyse rationnelle de la situation, et en même temps vous en vouloir de la lui avoir exposée. On ne pardonne pas facilement ceux qui vous disent la vérité… »

      Il est vrai que tout devient beaucoup plus difficile lorsqu’on est devant un rapport de force défavorable dans notre activité mais le simple fait de constater que le fait militant même affaibli (logique dans cette période) continue donne lui même une indication.
      Dans ce type de période, je me suis toujours appliqué à un lien fort avec les militants, les rapports de style péremptoire sont à bannir d’ailleurs les vérités ne sont que relatives et moi-même, je m’interroge. Mais le plus souvent, ceux qui nous ont quitté l’ont fait par lassitude, un sentiment d’inutilité de leurs efforts. Il y bien eu quelques jeunes qui, à un moment difficile, sont partis vers plus « radical ». Ils sont aujourd’hui souvent « dans la nature » et j’ai eu le plaisir d’en voir revenir à nos heures d’information syndicale.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [C’est peut-être leur façon de voir mais ce n’est pas la réalité qui a vu Hulot participer pleinement à un gouvernement attaché à la sauvegarde de l’UE, à une fiscalité soft pour les possédants, à une remise en cause de l’État social. Personne ne l’a contraint à s’y afficher.]

      Je pense que c’est surtout la façon de voir de l’opinion. Je constate que personne ne reproche publiquement à Hulot d’avoir soutenu par sa présence au gouvernement la réforme du Code du travail ou celle de la SNCF. Ce qui montre que pour l’opinion il n’existe pas de politique globale du gouvernement, mais des politiques portées par chaque ministre. Le fait de participer à un gouvernement donné ne vous « marque » pas, comme c’était le cas il y a dix ou vingt ans.

      [Il est vrai que tout devient beaucoup plus difficile lorsqu’on est devant un rapport de force défavorable dans notre activité mais le simple fait de constater que le fait militant même affaibli (logique dans cette période) continue donne lui même une indication.]

      Certes. Mais vous noterez que le fait militant est vivace d’abord dans les partis d’opposition, ou dans ceux qui n’ont qu’un projet tribunitien. L’exercice du pouvoir a toujours été un poison pour le militantisme : le PS, le PCF, EELV sont sortis essorés de chacun de leurs passages au pouvoir. Connaissez-vous beaucoup de partis qui soient sortis du pouvoir avec plus de militants qu’ils n’en avaient en rentrant ?

      Le militant est souvent en quête d’absolu. Il est difficile de le faire rentrer dans la logique comptable, celle des « petits pas », qu’impose la réalité.

    • morel dit :

      “Je pense que c’est surtout la façon de voir de l’opinion. Je constate que personne ne reproche publiquement à Hulot d’avoir soutenu par sa présence au gouvernement la réforme du Code du travail ou celle de la SNCF”

      Ma remarque portait sur un constat de réalité. Nul n’est tenu de faire des concessions aux illusionnés et aux illusionnistes.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Ma remarque portait sur un constat de réalité. Nul n’est tenu de faire des concessions aux illusionnés et aux illusionnistes.]

      Ma remarque pointait elle aussi à une réalité, qui est à mon avis un changement fondamental dans l’idée qu’on se fait d’une équipe gouvernementale. Un changement qui nous éloigne du modèle de la Vème République et qui nous rapproche de la logique d’un « gouvernement de cabinet » tel qu’il se pratiquait sous la IVème et tel qu’il se pratique toujours dans certains pays comme l’Allemagne ou l’Italie.

      Dans la conception d’origine de la Vème République, le gouvernement est un tout. Les ministres peuvent être en désaccord, le manifester devant le Premier ministre ou en conseil des ministres. Mais ces désaccords ne se manifestent jamais en public, et une fois l’arbitrage prononcé il ne reste au perdant qu’à se soumettre ou – si l’affaire est pour lui trop grave pour pouvoir porter la décision – de se démettre. C’est d’ailleurs écrit dans la Constitution : « le Premier ministre détermine et conduit la politique de la nation ». Il n’y a donc qu’une seule « politique de la nation », et les ministres n’agissent que par délégation du premier d’entre eux. Pour réaffirmer cette unité dès le départ De Gaulle entoure le conseil des ministres d’un protocole destiné à marquer cette image d’unité : la réunion se fait portes closes, seuls les ministres y assistent, la presse est bannie, le compte rendu ne fait que répertorier les sujets traités, il est interdit aux ministres de prendre des notes ou de rendre compte des débats.

      Aujourd’hui, on va plutôt vers une logique de cabinet : chaque ministre a « sa » politique, qu’il exprime publiquement quitte à contredire la politique d’un autre ministre. Et si le Premier ministre conserve un rôle d’arbitre, l’arbitrage est public et le ministre qui a perdu l’arbitrage est tout à fait libre de se désolidariser publiquement de la décision prise, en indiquant aux journalistes que ce n’était pas l’option qu’il favorisait. On n’en est pas encore à la logique allemande, ou chaque ministre est roi dans son château et négocie avec les autres ministres les arbitrages, mais on se rapproche dangereusement.

      C’est pour cette raison que je vous disais que Hulot peut difficilement être accusé d’avoir soutenu la réforme du Code du travail. La logique du gouvernement de cabinet fait que les ministres ne sont responsables que de leur politique. Il n’y a plus de responsabilité collective.

    • morel dit :

      Ma remarque était sans doute un peu sèche et réagissait grandement à ces «hit parade» médiatiques
      sur les «personnalités préférées des Français» particulièrement lorsqu’ils ne mettent pas les mains dans le cambouis (il paraît que la «popularité» d’Hulot qui avait chuté s’est envolée depuis qu’il est parti).

      Plus calmement, je suis désolé de ne pas partager votre point de vue.
      Ce petit monsieur a entendu en conseil des ministres les exposés sur ce qui se dessinait dans les matières que j’ai évoqué, sujets sur lesquels on ne l’a guère entendu même lors de son départ, On peut en conclure logiquement que, pour lui, cela ne revêt aucune importance, Pensez, il se voit en sauveur de la planète, alors les problèmes des ouvriers et petits employés actifs ou retraités…

      A ce train, demain on nous casera un ministre de la cause animale ( une cause qui monte, parait-il) et on lui trouvera encore plus grand lorsqu’il claquera la porte.
      Le monde ne serait plus mû par des forces sociales antagoniques mais des «causes» déconnectées.

      C’est pourquoi quelque soient les façons de fonctionner ou les perceptions de l’opinion, il me semble important de souligner les responsabilités réelles de chacun.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [sur les «personnalités préférées des Français» particulièrement lorsqu’ils ne mettent pas les mains dans le cambouis (il paraît que la «popularité» d’Hulot qui avait chuté s’est envolée depuis qu’il est parti).]

      C’est bien connu : il est d’autant plus facile de rester une autorité prestigieuse qu’on ne confronte pas ses dires avec la réalité. C’est pourquoi toutes les « grandes consciences » ont perdu de leur lustre quand il leur a fallu mettre les mains dans le cambouis et mettre en œuvre leurs beauux principes.

      [Ce petit monsieur a entendu en conseil des ministres les exposés sur ce qui se dessinait dans les matières que j’ai évoqué, sujets sur lesquels on ne l’a guère entendu même lors de son départ. On peut en conclure logiquement que, pour lui, cela ne revêt aucune importance.]

      Certainement. Mais négliger un domaine est une chose, et soutenir des mesures c’en est une autre. On ne peut pas dire que Hulot, par sa présence au gouvernement, ait soutenu la réforme du code du travail. Il s’en est désintéressé.

      [A ce train, demain on nous casera un ministre de la cause animale (une cause qui monte, parait-il) et on lui trouvera encore plus grand lorsqu’il claquera la porte.]

      A ce propos, je trouve effrayant l’essor de « l’antispécisme ». La première fois que j’avais vu ce mot, c’était dans les années 1980 sous la plume de l’écrivain satyrique Terry Pratchett (« Les habitants d’Ankh-Morpork ne pratiquaient pas le racisme parce que pratiquer le spécisme était plus simple »). Il l’utilisait pour se moquer gentiment des excès de l’antiracisme de l’époque. C’est terrible de trouver que quelques années plus tard son ironie est devenue une réalité…

      [Le monde ne serait plus mû par des forces sociales antagoniques mais des «causes» déconnectées.]

      Rassurez-vous, la base matérielle du monde n’a pas disparu, et la lutte des classes reste le moteur de l’histoire. Toutes ces « causes » ne servent qu’à occulter les vrais combats, et à donner aux « classes moyennes », que Marx a expulsé du paradis en faisant de la classe ouvrière la classe révolutionnaire, l’illusion qu’elles portent l’avenir dans leurs mains.

  4. Tythan dit :

    2ème paragraphe : “quand cela ne s’est pas terminé par des désastres”, il manque le pas.

    4 ème paragraphe : “de ce point de vue, il a utilisé”, le y est de trop. Même paragraphe “Quel que soit son niveau” au lieu de quelque.

    Milieu de texte : “Personne n’est sorti” je ne mettrais pas ie à sorti.

    Je trouve très juste votre phrase sur les leaders politiques ayant invité les Français à se rependre de leurs pêchés… Mais très sincèrement, mettre Fillon à côté de Pétain pour illustrer cet exemple est non seulement inutilement insultant pour Fillon mais en plus assez injuste : Que Fillon ait pu parfois exagérer sur le pathos et l’échec de son pays (je suis à la tête d’un pays en faillite), certes, mais enfin ce n’était pas à ce point. J’aurais peut-être pensé à Philippe II d’Espagne ou tout autre roi confit en dévotion s’il avait fallu trouver une comparaison.

    • Descartes dit :

      @ Thythan

      Merci des corrections, elles ont été portées sur le texte. C’est un plaisir d’avoir des lecteurs aussi attentifs…

      [Je trouve très juste votre phrase sur les leaders politiques ayant invité les Français à se rependre de leurs pêchés… Mais très sincèrement, mettre Fillon à côté de Pétain pour illustrer cet exemple est non seulement inutilement insultant pour Fillon mais en plus assez injuste :]

      Je ne le pense pas. Je n’ai pas dit que les projets politiques de Fillon et de Pétain aient une quelconque ressemblance. Simplement qu’il ont utilisé le même recours rhétorique, celui de la culpabilisation et de la décadence, pour justifier leur politique. Et cette ressemblance n’est pas à mon avis une simple coïncidence. Il y a un courant de la droite française qui tient avec une belle constance ce discours depuis fort longtemps. De ce point de vue, il y a une filiation incontestable à mon avis commune à Fillon et à Pétain – et d’une façon générale, à tous les leaders de droite qui partagent la vision « sacrificielle » de la politique économique dénoncée par Henri Guaino.

      [Que Fillon ait pu parfois exagérer sur le pathos et l’échec de son pays (je suis à la tête d’un pays en faillite), certes, mais enfin ce n’était pas à ce point.]

      Il faut dire que Fillon n’avait pas une défaite de 1940 à sa disposition pour culpabiliser les français…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonsoir,

      [ Il faut dire que Fillon n’avait pas une défaite de 1940 à sa disposition pour culpabiliser les français…] ( réponse à Thyran)

      Comme vous semblez apprécier, en ce jour de rentrée scolaire, les remarques correctives d’orthographe et de syntaxe, je me permets de vous en signaler une qui est récurrente dans vos textes : c’est l’usage d’une minuscule pour évoquer les Français, et tous les autres citoyens de leurs pays respectifs. Quand il s’agit d’une personne physique, on met toujours une majuscule.
      Cette remarque se pare d’une valeur symbolique, surtout pour quelqu’un qui promeut la patrie.
      Pour ce qui est des autres écarts, vos lecteurs vous font sans aucun doute le crédit nécessaire à la réactivité de vos propos.

      [ Flanqué d’un directeur de cabinet ou d’un secrétaire d’Etat capable de « tenir » le ministère et de faire le boulot quotidien d’un ministre, Cohn-Bendit est un candidat très plausible. ] (réponse à luc)

      L’écologie ou l’environnement, c’est selon, sont un enjeu national et interministériel. Nommer un responsable à hauteur de ses collègues dont les intérêts politiques sont contradictoires est un piège à con.
      Pour moi, la meilleure décision serait de confier cette responsabilité au premier ministre, flanqué directement, comme vous le suggérer pour DCB d’un secrétaire d’État chargé de tenir administrativement la boutique. Les arbitrages poseraient moins de problèmes, Hulot constaterait qu’il est possible de se passer de ses caprices, les ministres réduiraient leurs pressions et entraves et le gouvernement donnerait l’image de prendre la question à bras le corps.
      Macron a l’occasion de se refaire là, un peu la cerise.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Comme vous semblez apprécier, en ce jour de rentrée scolaire, les remarques correctives d’orthographe et de syntaxe, je me permets de vous en signaler une qui est récurrente dans vos textes : c’est l’usage d’une minuscule pour évoquer les Français, et tous les autres citoyens de leurs pays respectifs.]

      Vous avez raison. Et en plus, je connais la règle. C’est donc une faute d’inattention. A ma décharge, je dirai que c’est un peu le prix que je paye à la volonté d’offrir à chaque intervenant une réponse rapide. La qualité prend du temps, et j’ai choisi de consacrer ce temps plutôt au fond qu’à la forme…

      [L’écologie ou l’environnement, c’est selon, sont un enjeu national et interministériel. Nommer un responsable à hauteur de ses collègues dont les intérêts politiques sont contradictoires est un piège à con. Pour moi, la meilleure décision serait de confier cette responsabilité au premier ministre flanqué directement, comme vous le suggérer pour DCB d’un secrétaire d’État chargé de tenir administrativement la boutique.]

      C’est exactement ce qui se passe : la Constitution dit que le Premier ministre « détermine et conduit la politique de la nation ». Il s’ensuit que TOUTES les politiques publiques – y compris celle ayant trait à l’environnement – lui sont confiées. Et pour l’aider à tenir la boutique, il a non pas un « secrétaire d’Etat » mais un ministre. Votre vœu est donc exaucé.

      Mais plus profondément, j’aimerais qu’on m’explique en quoi l’écologie ou l’environnement seraient plus un « enjeu national et interministériel » que l’équilibre budgétaire, l’éducation, la santé, le travail, etc. ? Franchement, cette idée que l’écologie serait un domaine « à part », que les politiques ayant trait à l’environnement seraient « spéciales », qu’elles seraient « transverses » là où les autres ne le seraient pas n’est qu’une invention médiatique. Quand le ministre de l’éducation fait une proposition, ne doit-il pas tenir compte lui aussi des retombées sur la politique du logement, sur celle de la santé, sur le tourisme, sur l’équilibre budgétaire, sur l’emploi, et ainsi de suite ? La préservation de l’environnement n’est pas plus transverse que la préservation de la culture, que la préservation de la santé, que la préservation de notre indépendance face à la menace extérieure.

      L’écologie aujourd’hui, c’est comme l’Europe ou les Droits de l’homme dans les années 1980-90. C’est la dernière Cause à la mode. De la même manière qu’on nous expliquait à l’époque “l’urgence” de la construction européenne ou de l’envoi des missionnaires bottés défendre les droits de l’homme, on nous rabat les oreilles avec l’urgence environnementale. Et demain, on passera à autre chose tant il est vrai que, comme disait Coco Chanel, “la mode, c’est ce qui se démode”.

      Cela ne veut pas dire que les questions environnementales ne soient de vraies questions, que les problèmes liés à la dégradation de l’environnement ne soient pas de vrais problèmes. Mais ils ne sont pas plus “vrais” que les questions liées à l’éducation, à la démographie, à l’équilibre budgétaire, à la santé, à l’aménagement du territoire. Et les problèmes environnementaux seront résolus comme sont résolus tous les autres problèmes: par le développement scientifique et technique, par des politiques rationnelles de très long terme. Et non par des jérémiades.

  5. Boultoukali dit :

    Un peu d’humanité (en tout cas la mienne…) dans les commentaires. Et si la démission de Mr HULOT n’était que le constat que ses aspirations à ”changer la planète” étaient voués à l’échec et que, en son âme et conscience, il ait décidé de se préserver ainsi que sa famille. Il a essayé, on ne l’a certainement pas aidé, il a renoncé. Ceux qui on servi l’état avec la conviction de défendre l’intérêt général et qui, comme d’autres, ont été confronté à la médiocrité (ce que j’appelle la corruption intellectuelle) des uns et les intérêts des autres (le fameux partage du gâteau sur un programme donné…) savent le découragement qui peut parfois, vous guetter.
    Je partage le désarrois de Mr HULOT et l’immense tristesse qui vous gagnent le soir, quand le calme revient et que vous prenez conscience qu’il va falloir (encore et toujours) remuer terre et ciel pour faire avancer ce que vous croyez être bon et juste pour l’intérêt général.
    Oui il faut une grande expérience politique pour être ministre. Mais chacun se doute que cette expérience ”rabote” vos convictions et votre envie de changer les choses. Ce ne sont pas les hommes qui font l’histoire, c’est l’histoire qui fait les hommes.

    • Descartes dit :

      @ Boultoukali

      [Un peu d’humanité (en tout cas la mienne…) dans les commentaires.]

      Ce n’est pas gentil pour les autres commentateurs… et surtout c’est très injuste. S’il y a quelque chose qui est humain, c’est bien la méchanceté !

      [Et si la démission de Mr HULOT n’était que le constat que ses aspirations à ”changer la planète” étaient voués à l’échec et que, en son âme et conscience, il ait décidé de se préserver ainsi que sa famille. Il a essayé, on ne l’a certainement pas aidé, il a renoncé.]

      C’est bien ce que je dis dans mon papier : Hulot n’était pas fait pour être ministre, et d’une façon générale, pour faire de la politique. Parce que faire de la politique c’est se fixer des objectifs atteignables, se donner les moyens de les atteindre. Et cela suppose de mettre toute son énergie, toutes ses capacités au service de l’Etat, dusse sa préservation personnelle et celle de sa famille en souffrir…

      Ministre, ce n’est pas un emploi de bureau, qu’on prend à 8 heures et qu’on quitte à 17 heures. Ce n’est pas quelque chose qu’on FAIT, c’est quelque chose qu’on EST, et cela vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’avais déjà commenté sur ce blog le commentaire de François Hollande, rapporté dans « Un président ne devrait pas dire ça », dans lequel il regrettait que le président ne puisse pas avoir une vie privée, que son travail ne s’arrête pas à 18 heures. Hulot tombe dans le même travers. Cette génération hédoniste a l’air d’avoir transposé à la vie politique cette idée – néfaste à mon avis – de séparation des sphères professionnelle et personnelle.

      Que Hulot préfère sa vie personnelle et sa vie de famille aux affaires publiques, c’est son droit, et je n’irai pas le lui reprocher. Mais dans ce cas, il n’avait rien à faire dans un ministère. Les ors de la République, la voiture avec chauffeur, l’accès aux tribunes a un coût. Si on n’est pas prêt à le payer, il ne faut pas signer. Comme disait un président américain, « si vous ne supportez pas la chaleur, vous n’avez rien à faire dans la cuisine ».

      [Ceux qui on servi l’état avec la conviction de défendre l’intérêt général et qui, comme d’autres, ont été confronté à la médiocrité (ce que j’appelle la corruption intellectuelle) des uns et les intérêts des autres (le fameux partage du gâteau sur un programme donné…) savent le découragement qui peut parfois, vous guetter.]

      Oui. Et je peux vous assurer que ce découragement a touché, à un moment ou un autre de leur carrière, de nombreux fonctionnaires et élus. Qui pourtant continuent à se battre malgré à leur niveau pour faire avancer ne serait-ce qu’un petit peu ce qu’ils estiment être l’intérêt général, et qui supportent au passage toutes sortes d’avanies, d’insultes, de mesquineries. Pensez par exemple à ceux qui aujourd’hui défendent l’énergie nucléaire, et qu’on traite de fous, d’assassins, et j’en passe.

      Si au lieu de rester et de se battre ces gens partaient en pleurnichant, la France ne serait pas ce qu’elle est. Si Hulot avait continué à se battre, j’aurais dit qu’il était dans son rôle de ministre quelque soit les différences que je puisse avoir avec lui. S’il était parti sur un désaccord politique clairement formulé comme ce fut le cas de Chevènement, aussi. Mais la démission sur le mode Calimero, c’est indigne de nous.

      [Je partage le désarrois de Mr HULOT et l’immense tristesse qui vous gagnent le soir, quand le calme revient et que vous prenez conscience qu’il va falloir (encore et toujours) remuer terre et ciel pour faire avancer ce que vous croyez être bon et juste pour l’intérêt général.]

      Eh oui. S’il suffisait d’agiter une baguette magique, cela aurait déjà été fait et on n’aurait pas besoin d’avoir des ministres pour s’en occuper. Plus je lis votre commentaire, et plus je prends conscience de l’attitude infantile de l’ex-ministre dans cette affaire. C’est le propre des enfants de pleurer parce qu’ils ne peuvent pas avoir tout de suite tout ce qu’ils désirent. Devenir adulte, c’est comprendre qu’il y a une réalité qui s’impose à nous, et que nos désirs ne peuvent être satisfaits que partiellement et grâce à l’effort. Qu’on ne peut accéder au royaume de la liberté sans passer par le royaume de la nécessité.

      [Oui il faut une grande expérience politique pour être ministre. Mais chacun se doute que cette expérience ”rabote” vos convictions et votre envie de changer les choses.]

      Plus qu’une « grande expérience politique », il faut un certain état d’esprit. Il faut savoir ce qu’on veut, et parmi ce qu’on veut établir des priorités, savoir ce sur quoi on et prêt à céder et ce a quoi on tient vraiment. Il faut être prêt à tout sacrifier, famille, amis, réputation, pour atteindre ses objectifs. Et surtout, IL FAUT BOSSER. On ne peut pas être ministre à mi-temps.

      [Ce ne sont pas les hommes qui font l’histoire, c’est l’histoire qui fait les hommes.]

      Je dirais plutôt qu’il y a un rapport dialectique entre les hommes et l’histoire…

  6. Axelzzz dit :

    Bonsoir,
    merci de ce papier qui fait l’éloge, en creux, du compromis et d’une certaine dose de cynisme en politique.
    Je souhaiterais ajouter deux remarques:
    d’une part Hulot a explicitement mentionné lors de sa démission ‘surprise’ qu’il “n’était peut-être pas à la hauteur”. On peut imaginer qu’il s’agit de quelqu’un qui souhaite soigner son image de pur jusqu’au bout. Mais je ne le crois pas. Je crois que cette démission est un aveu d’échec – à la fois vis à vis de ses propres convictions et de ses réalisations ou de son bilan. En somme, il n’est pas assez pragmatique pour être efficace – et il voit cette image d’échec tous les jours dans son miroir, ce qui lui est devenu insupportable. Ce n’est pas un personnage finalement si falot que cela – bien d’autres ‘politiques’ n’ont simplement pas le courage de passer à l’acte de la rupture.

    D’autre part, ce cas est une illustration de la dialectique entre éthiques de conviction et de responsabilité. A mon sens Hulot a sincèrement cru à la vertu de la responsabilité, à la logique de la négociation et du compromis. Il a voulu dealer certaines de ses convictions contre des ‘petits pas’. Mais plutôt que d’obtenir un dépassement du conflit, le résultat a été un échec insupportable. vous décrivez mieux que moi les raisons à cela: sans doute ne faisait-il pas les efforts requis pour y parvenir.
    Mais, il me semble être une exception dans LREM. Le reste de la Macronie me semble-t-il ne voit/vit aucune contradiction entre leurs convictions et leur sens des responsabilités: la clef venant d’une sincère adhésion à leur idéologie libérale et pro-européenne peu importe la taille des pas au fond dès lors que vit le rêve du ‘successful management’. Cela fait assez longtemps qu’on n’a pas eu de leader en France à ce point intoxiqués à leurs propres idées – et pour qui cette dialectique entre conviction est responsabilité ne pose aucun problème puisqu’elle n’existe simplement pas.
    Si cette superficialité est effectivement aussi répandue qu’il y parait, je trouve cela très préoccupant.

    Enfin, sur un tout autre sujet, suis je le seul à être frappé par l’incapacité de ce gouvernement et plus inquiétant encore de l’Etat à mettre en place de grands systèmes d’informations pour gagner en productivité (Louvois aux armées, parcoursup, maintenant l’impôt à la source, et je dois en oublier). C’est précisément sur l’exécution qu’ils pêchent. surprenant.

    Bien à vous,
    Axelzzz

    • Descartes dit :

      @ Axelzzz

      [merci de ce papier qui fait l’éloge, en creux, du compromis et d’une certaine dose de cynisme en politique.]

      Si vous suivez ce blog, je ne crois pas que ma position vous ait surpris…

      [Ce n’est pas un personnage finalement si falot que cela – bien d’autres ‘politiques’ n’ont simplement pas le courage de passer à l’acte de la rupture.]

      Je me suis bien gardé dans mon papier, d’exprimer une censure personnelle envers Nicolas Hulot. A titre purement personnel, et si je crois quelques amis qui ont travaillé avec lui, c’est une personnalité plutôt attachante. Il est correct avec ses collaborateurs, il est intelligent, il a de l’humour, il ne se prend pas pour dieu-le-père (et dans ce milieu, croyez-moi, c’est rare). C’est une personnalité torturée, capable d’introspection, très conscient de ses limites. Il en a donné d’ailleurs la preuve dans son dernier entretien, lorsqu’il explique qu’il n’a pas parlé de sa démission à Macron et à Philippe parce qu’il craignait qu’ils arrivent à l’en dissuader, ce qui revient à admettre sa propre faiblesse de caractère.

      On peut être une excellente personne et un mauvais ministre. C’est à mon avis le cas de Hulot. Mais la responsabilité n’est pas uniquement la sienne. C’est aussi celle de ceux qui lui ont proposé le poste et qui l’ont persuadé de l’accepter, alors qu’ils savaient pertinemment qu’il n’avait pas les qualités pour ça.

      [D’autre part, ce cas est une illustration de la dialectique entre éthiques de conviction et de responsabilité. A mon sens Hulot a sincèrement cru à la vertu de la responsabilité, à la logique de la négociation et du compromis. Il a voulu dealer certaines de ses convictions contre des ‘petits pas’. Mais plutôt que d’obtenir un dépassement du conflit, le résultat a été un échec insupportable. vous décrivez mieux que moi les raisons à cela: sans doute ne faisait-il pas les efforts requis pour y parvenir.]

      Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Personne à ma connaissance ne met en doute la sincérité des convictions de Nicolas Hulot. Le problème est que la sincérité dans les convictions – surtout quand elles sont erronées – ne suffit pas.

      [Mais, il me semble être une exception dans LREM. Le reste de la Macronie me semble-t-il ne voit/vit aucune contradiction entre leurs convictions et leur sens des responsabilités: la clef venant d’une sincère adhésion à leur idéologie libérale et pro-européenne peu importe la taille des pas au fond dès lors que vit le rêve du ‘successful management’. Cela fait assez longtemps qu’on n’a pas eu de leader en France à ce point intoxiqués à leurs propres idées – et pour qui cette dialectique entre conviction est responsabilité ne pose aucun problème puisqu’elle n’existe simplement pas.]

      J’avoue que je ne connais pas suffisamment la macronie – et notamment la macronie « de base », celle des militants et des néo-députés – pour en juger. Vue au niveau des décideurs, la macronie ne se pose pas la question du conflit entre l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction tout simplement parce que le macronisme ne se pose pas la question de l’éthique. Le macronisme est d’abord un utilitarisme : ce qui est efficace est justifié. On l’a d’ailleurs vu avec l’affaire Benalla. Ce qui gêne Macron n’est pas l’acte en lui-même. Il est excusable puisque Benalla rend par ailleurs les services que son patron attend de lui. Le problème, ce sont les conséquences médiatiques.

      [Enfin, sur un tout autre sujet, suis je le seul à être frappé par l’incapacité de ce gouvernement et plus inquiétant encore de l’Etat à mettre en place de grands systèmes d’informations pour gagner en productivité (Louvois aux armées, parcoursup, maintenant l’impôt à la source, et je dois en oublier). C’est précisément sur l’exécution qu’ils pêchent. surprenant.]

      Pas tant que ça. Lorsqu’il s’est agi de construire les routes de France, on a créé un corps technique, celui des Pont et Chaussées, on lui a confié les routes, et le travail a été bien fait. Lorsqu’il s’est agi de développer l’industrie, on a créé un corps technique, celui des Mines, on lui a confié le domaine, et le travail a été bien fait. Lorsqu’il s’est agi de développer le réseau téléphonique, on a crée un corps technique, celui des Télécom, et le travail a été bien fait. Lorsqu’on a voulu développer la production d’électricité, le nucléaire ou les chemins de fer, on a créé des établissements publics dédiés, et le travail a été bien fait. A chaque révolution technologique, l’Etat s’est doté des compétences techniques et des structures adaptées. L’informatique est l’exception : apparue à un moment où soufflaient des vents libéraux et où il s’agissait avant tout de « dégraisser le mammouth » étatique, on s’est reposé sur des compétences insuffisantes en interne et sur des prestataires privés. Le résultat parle de lui-même.

      Le problème est double : d’un côté, il n’y a pas dans les services de l’Etat de compétences suffisantes en informatique. D’une part, sans corps technique dédié les carrières dans la fonction publique sont chaotiques, et les postes de décision finissent par être pourvus avec des « amateurs » plus ou moins passionnés par le sujet mais n’ayant pas une formation systématique. Ces cadres sont incapables d’écrire des cahiers de charges de bonne qualité, et d’encadrer le développement, ce qui laisse aux prestataires une grande liberté pour faire n’importe quoi, et notamment traîner le développement. Car plus on traine, et plus on touche.

      En particulier, on voit dans tous ces outils une sur-spécification effrayante. Comme ceux qui spécifient n’ont pas une véritable connaissance de ce qui est raisonnablement possible, ils tendent à rédiger des cahiers de charges irréalistes, qui demandent des fonctions dont la valeur ajoutée est faible mais qui complexifient les projets à l’infini. D’où les résultats désastreux à l’arrivée.

      Cela étant dit, vous noterez qu’on sait plus de choses sur les trains qui arrivent en retard que sur ceux qui arrivent à l’heure. Tous les projets informatiques n’aboutissent pas à des désastres. Souvenez-vous de Socrate, le système de réservation informatique de la SNCF. Après quelque couacs de rodage – fort médiatisés – le système est sorti des radars et fonctionne aujourd’hui à la satisfaction générale des utilisateurs.

      Et finalement, vous noterez que dans certains cas on fait d’un développement informatique un bouc émissaire pour une décision politique. Le cas du prélèvement à la source est un bon exemple. Vous ne trouvez pas étonnant qu’on découvre le problème informatique juste au moment où le gouvernement envisage de reporter la reforme pour des raisons purement politiques ?

    • cdg dit :

      Pour les projets informatique et les problemes de specification, c est pas specifique au secteur public. Je travaille dans le prive et on a le meme probleme. C est meme pas specifique a la france : par ex Lidl en allemagne vient d arreter un projet avec SAP (ils devaient remplacer leur ancien systeme fait maison. apres 2 ans ils arretent les frais. Un peu comme Louvois chez nous)

      En fait le probleme est methodologique (rassurez vous je vais pas me lancer dans une longue dirgerssion sur le modele en V et ses problemes ou sur le developpement agile). Il est evidement accentue si vous faites developper le produit par une societe tierce (une SSII voudra simplement chiffrer au max, peu importe si le produit marche mal) et pire encore si vous faites developper off shore (on y ajoute les malentendu culturel et de langue)

    • Vincent dit :

      @Alexzzz

      > Il a voulu dealer certaines de ses convictions contre des ‘petits pas’. Mais plutôt que d’obtenir un
      > dépassement du conflit, le résultat a été un échec insupportable.

      Vous semblez indiquer que Nicolas Hulot a des convictions claires et bien définies. Mais -je ne suis peut être pas de près la vie politique-, vous m’aideriez beaucoup en m’expliquant lesquelles.
      Il est contre le nucléaire, la polllution, les émissions de CO2, les pesticides, les engrais, et l’agriculture intensive, si je comprends bien. Mais être “contre” ne fait pas une politique.

      Sur les deux seules positions où je l’ai entendu se prononcer clairement, je n’ai pas compris la logique de ses positionnements :
      – sur la sortie du nucléaire : pourquoi faut il sortir du nucléaire ? En quoi est ce cohérent avec la réduction des émissions de CO2 ? Comment le remplace-t-on sans augmenter à la fois les émissions de CO2, le coût de l’électricité, et le déficit commercial du pays ? Je crois qu’il n’en avait tout simplement pas la moindre idée lui même…
      – sur la sortie du glyphosate : pourquoi le glyphosate et pas un autre ? Alors que tous les experts sont d’accords pour dire que parmi les produits phytosanitaires, le glyphosates est un de ceux dont l’emprunte écotoxicologique et la plus faible, et en parallèle un de ceux dont le service rendu est le plus important ? Alors pourquoi celui ci plutôt qu’un autre ?

      Je pose les questions, mais je crois connaitre la réponse : dans le cas du nucléaire comme dans celui du glyphosate, des campagnes médiatiques bien menées ont réussi à les faire passer pour des dangers publics à éliminier. Et dans le monde de la communication, qui me semble être celui de N. Hulot, le fait qu’une vérité soit médiatiquement établie compte plus que n’importe quoi d’autre.
      Au final, c’est plutôt rassurant que ce type de “convictions” ne se matérialise pas politiquement…

      > Enfin, sur un tout autre sujet, suis je le seul à être frappé par l’incapacité de ce gouvernement
      > et plus inquiétant encore de l’Etat à mettre en place de grands systèmes d’informations pour
      > gagner en productivité (Louvois aux armées, parcoursup, maintenant l’impôt à la source, et je
      > dois en oublier). C’est précisément sur l’exécution qu’ils pêchent. surprenant.

      Là encore, je suis loin d’être un soutien de ce gouvernement, mais vous l’accusez là où il n’y est pour rien. Le système Louvois et sa catastrophe est nettement antérieur à l’élection de Macron. Ca date du début de mandat de Sarko, pour les décisions qui ont été -semble-t-il- les plus préjudiciables, et de la fin du mandat de Sarko pour les premiers problèmes de mise en oeuvre.
      Sur l’impot à la source, là où le gouvernement a sans doute une part de responsabilité, c’est de vouloir en définir le planning sur des impératifs politiques, sans laisser aux administrations et prestataires le temps de bien faire les choses.

      Ceci dit, je me fais les mêmes réflexions que vous, depuis des années, et je suis étonné des difficultés que rencontrent les grands projets de systèmes d’information, qui, de mon regard complètement extérieur, ne me semblent pas si complexes que cela… [même s’il y a un grand projet public qui a aussi été une catastrophe, dont je connais un peu les arcanes, même si celui ci n’a pas eu le droit au feu des projecteurs].

      Là où vous vous trompez, c’est quand vous pensez que l’Etat a le monopole des projets qui “foirent”. Il y en a aussi dans le privé…

    • Vincent dit :

      @Descartes

      > Le problème est double : d’un côté, il n’y a pas dans les services de l’Etat de compétences
      > suffisantes en informatique.

      C’est très clair s’agissant des services de l’Etat. Mais y a-t-il ces compétences en nombre suffisants en dehors des services de l’Etat. Je n’en suis pas convaincu. Et je ne suis notamment pas certain que les ingénieurs qui vont dans ces filières là sont ceux avec le meilleur esprit mathématique, qui devrait pourtant être le cas pour éviter des problèmes de mauvaise architecture des systèmes de données. Et quand l’architecture de base est mauvaise, et qu’il faut ajouter des patches sur des patches, c’est là que ça commence à partir en vrille.

      > Ces cadres sont incapables d’écrire des cahiers de charges de bonne qualité, et d’encadrer
      > le développement, ce qui laisse aux prestataires une grande liberté pour faire n’importe quoi,

      Tout à fait. Et notamment, lors des phases initiales, de vérifier que l’architecture même des systèmes proposés est adaptée et intelligente. Dans le cas que je connais, c’est modestement moi, qui lors d’une soirée avec un copain, où il m’expliquait un peu en détail ses problèmes, lui ai fait réaliser que l’architecture de base du système n’était pas adaptée aux besoins de son administration… Ca s’est fini 2 à 3 ans (et quelques millions) plus tard par une résiliation du contrat du prestataire…

      > et notamment traîner le développement.
      > Car plus on traine, et plus on touche.
      Ca ne marche pas à chaque fois : dans l’exemple que je connais, aux dernières nouvelles que j’ai eues, le contrat du prestataire a été cassé, et ça lui a coûté une petite fortune…
      Le prestataire n’a effectivement pas forcément intérêt à ce que tout fonctionne pile poile sans bogue du premier coup, mais il n’a pas non plus intérêt à faire quelque chose de fondamentalement mal concu.

    • Barbey dit :

      [Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Personne à ma connaissance ne met en doute la sincérité des convictions de Nicolas Hulot. Le problème est que la sincérité dans les convictions – surtout quand elles sont erronées – ne suffit pas. ]

      A un moment, on ne peut pas être écologiste, vouloir la croissance et être contre le nucléaire . Etre écolo, on gagne des points de coolitude sans rien dépenser. Proposer d´arrêter la croissance et toute consommation, c´est plus sérieux mais tellement plus emmerdant.
      Bref, la plupart des écologistes se retrouvent dans une seule cas, celle des arrivistes ; pour montrer leur supériorité morale ou pour faire du business. Etre pour l´écologie et ne pas gagner d´argent, c´est un peu con.

      [Pas tant que ça. Lorsqu’il s’est agi de construire les routes de France, on a créé un corps technique, celui des Pont et Chaussées, on lui a confié les routes, et le travail a été bien fait. Lorsqu’il s’est agi de développer l’industrie, on a créé un corps technique, celui des Mines, on lui a confié le domaine, et le travail a été bien fait. Lorsqu’il s’est agi de développer le réseau téléphonique, on a crée un corps technique, celui des Télécom, et le travail a été bien fait. Lorsqu’on a voulu développer la production d’électricité, le nucléaire ou les chemins de fer, on a créé des établissements publics dédiés, et le travail a été bien fait.]

      Et que sont devenus ces écoles ? Ces écoles ne forment pas plus à l´informatique et à la finance qu`à leurs noms d´origine ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Vous semblez indiquer que Nicolas Hulot a des convictions claires et bien définies. Mais -je ne suis peut être pas de près la vie politique-, vous m’aideriez beaucoup en m’expliquant lesquelles. Il est contre le nucléaire, la polllution, les émissions de CO2, les pesticides, les engrais, et l’agriculture intensive, si je comprends bien. Mais être “contre” ne fait pas une politique.]

      Je pense qu’il est juste de dire que Nicolas Hulot a des convictions claires et bien définies. Mais ses convictions ne sont pas « politiques », au sens qu’elles portent plus sur le diagnostic de l’existant que sur ce qu’il faut faire pour en sortir. Hulot est convaincu – et je crois que sa conviction est tout à fait sincère – qu’un désastre climatique se prépare à court terme, et que pour y faire face il faut un changement complet non seulement du système économique, mais aussi des comportements individuels.

      Cela étant dit, ce n’est pas parce que quelqu’un est sincèrement convaincu qu’un désastre s’annonce que 1) cela est vrai et 2) qu’il sait ce qu’il faut faire pour le conjurer.

      [- sur la sortie du nucléaire : pourquoi faut il sortir du nucléaire ? En quoi est ce cohérent avec la réduction des émissions de CO2 ? Comment le remplace-t-on sans augmenter à la fois les émissions de CO2, le coût de l’électricité, et le déficit commercial du pays ? Je crois qu’il n’en avait tout simplement pas la moindre idée lui même…]

      La sincérité n’exclut pas la confusion. Hulot est d’abord un prophète de malheur, et sa conclusion est à chaque fois « il faut faire quelque chose ». Contrairement à d’autres écologistes, il n’est pas antimoderne. Il est conscient que le développement scientifique et technologique est un allié de la protection de l’environnement, et non un ennemi. Quant au nucléaire, sa position – il le dit lui-même – relève plus de la peur irrationnelle qu’autre chose.

      [- sur la sortie du glyphosate : pourquoi le glyphosate et pas un autre ? Alors que tous les experts sont d’accords pour dire que parmi les produits phytosanitaires, le glyphosates est un de ceux dont l’emprunte écotoxicologique et la plus faible, et en parallèle un de ceux dont le service rendu est le plus important ? Alors pourquoi celui ci plutôt qu’un autre ?]

      Parce que l’affaire est médiatisée. Ce n’est pas Hulot qui a fait du glyphosate sa priorité. C’est devenu une priorité parce que l’affaire a été médiatisée dans le cadre du débat européen.

      [Je pose les questions, mais je crois connaitre la réponse : dans le cas du nucléaire comme dans celui du glyphosate, des campagnes médiatiques bien menées ont réussi à les faire passer pour des dangers publics à éliminier. Et dans le monde de la communication, qui me semble être celui de N. Hulot, le fait qu’une vérité soit médiatiquement établie compte plus que n’importe quoi d’autre.]

      Quant on navigue à la voile, on ne peut pas naviguer contre le vent. Tout au plus tirer des bords. Hulot tire sa seule légitimité de son image médiatique.

      [Sur l’impôt à la source, là où le gouvernement a sans doute une part de responsabilité, c’est de vouloir en définir le planning sur des impératifs politiques, sans laisser aux administrations et prestataires le temps de bien faire les choses.]

      Le problème est que le politique n’a plus le temps. Il est à la recherche du « big bang » qui lui permettra d’attacher son nom à la réforme. Dans le cas du prélèvement à la source, on aurait pu procéder par étapes : d’abord les fonctionnaires et les salariés des grandes entreprises, ou la situation est relativement simple et les moyens pour faire face aux problèmes plus importants, puis les salariés des petites entreprises, puis les indépendants… en se posant à chaque fois la question de savoir si l’extension à une nouvelle catégorie en vaut la peine. Pourquoi faut-il qu’à chaque fois on veuille faire rentrer tout le monde dans le moule tout de suite ?

      [Ceci dit, je me fais les mêmes réflexions que vous, depuis des années, et je suis étonné des difficultés que rencontrent les grands projets de systèmes d’information, qui, de mon regard complètement extérieur, ne me semblent pas si complexes que cela]

      Le grand problème pour moi est le manque de culture informatique chez ceux qui font les cahiers des charges et qui suivent le développement. D’une part, ce manque de culture conduit à des spécifications insuffisamment précises. De l’autre, ajoutée à la croyance naïve que tout est possible en informatique, elle conduit à demander l’impossible. En fait, on se trouve dans une situation où « ceux qui savent » – c’est-à-dire les sous-traitants qui vont le développement – ont intérêt à ce que les projets se prolongent le plus longtemps possible, et encouragent donc le client à complexifier.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [C’est très clair s’agissant des services de l’Etat. Mais y a-t-il ces compétences en nombre suffisants en dehors des services de l’Etat. Je n’en suis pas convaincu.]

      Ce n’est pas faux. Mais l’Etat a un problème particulier : il recrute dans le cadre de la grille de rémunération de la fonction publique. Une grille qui n’est guère compétitive dans une profession en tension, et dans laquelle culturellement la continuité des carrières et la sécurité de l’emploi ne sont pas des valeurs. Recruter un bon informaticien senior dans la fonction publique, c’est mission impossible.

      [Tout à fait. Et notamment, lors des phases initiales, de vérifier que l’architecture même des systèmes proposés est adaptée et intelligente.]

      Oui. Mes bons maîtres m’ont toujours enseigné que les meilleures architectures sont les architectures modulaires. Que le Grand Outil Qui Fait Tout est un rêve, et qu’il vaut mieux développer des outils simples qui font chacun une seule chose, quitte à les interconnecter ensuite. Mais, pour des raisons que j’ai du mal à comprendre, les fonctionnaires n’aiment pas les architectures modulaires !

      [Ca ne marche pas à chaque fois : dans l’exemple que je connais, aux dernières nouvelles que j’ai eues, le contrat du prestataire a été cassé, et ça lui a coûté une petite fortune…]

      Non, pas à chaque fois, mais très souvent. La plupart des sociétés de service informatique ont porté la technique de susciter en permanence chez le client des demandes supplémentaires au niveau d’un art.

      [Le prestataire n’a effectivement pas forcément intérêt à ce que tout fonctionne pile poile sans bogue du premier coup, mais il n’a pas non plus intérêt à faire quelque chose de fondamentalement mal concu.]

      Et pourquoi pas ? Un bug, c’est quelques semaines de travail supplémentaire. Une architecture mal foutue, c’est une rente de situation à vie de l’outil…

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [A un moment, on ne peut pas être écologiste, vouloir la croissance et être contre le nucléaire.]

      On peut parfaitement être écologiste et profiter de la croissance, tout comme on peut être antinucléaire et profiter des tarifs bas de l’électricité acquis grâce au nucléaire. Beaucoup de choses sont possibles si on accepte quelques contradictions entre ce qu’on dit et ce qu’on fait…

      Bien sur, c’était beaucoup plus facile d’être écologiste quand les écologistes étaient une petite secte éloignée du pouvoir et pouvaient cultiver leur utopie personnelle en soupirant « ah, si seulement on nous laissait mettre en œuvre nos idées ». En mettant l’écologie au sein d’un grand ministère qui gère aussi bien les petits oiseaux que l’énergie, les infrastructures et les risques, on a d’une certaine manière tué les écologistes : il est beaucoup plus facile de gueuler « non au nucléaire » quand on n’a pas de pouvoir que de le faire quand on a vraiment le pouvoir d’arrêter les réacteurs… et qu’on doit porter la responsabilité de la hausse des tarifs.

      [Et que sont devenus ces écoles ? Ces écoles ne forment pas plus à l´informatique et à la finance qu`à leurs noms d´origine ?]

      La question n’est pas tant les écoles que les corps. Un ingénieur des ponts a une carrière devant lui dans les services de l’équipement. Un ingénieur des mines a une carrière qui l’attend dans les services de l’industrie. Un informaticien n’a pas de carrière possible dans les services de l’Etat. Le corps des Télécom, qui avait fait la révolution téléphonique et le minitel dans les années 1970 a aujourd’hui disparu. Il n’avait guère de débouchés depuis que les télécom ont été privatisées.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Le grand problème pour moi est le manque de culture informatique chez ceux qui font les cahiers des charges et qui suivent le développement. D’une part, ce manque de culture conduit à des spécifications insuffisamment précises. De l’autre, ajoutée à la croyance naïve que tout est possible en informatique, elle conduit à demander l’impossible. En fait, on se trouve dans une situation où « ceux qui savent » – c’est-à-dire les sous-traitants qui vont le développement – ont intérêt à ce que les projets se prolongent le plus longtemps possible, et encouragent donc le client à complexifier.

      Il faut ajouter tout de même que les grandes sociétés de service ne sont pas des entreprises industrielles qui accumuleraient un capital technique et humain au fil des projets, mais des machines financières qui se contentent grosso modo de vendre des jours-hommes. Le client paie donc, plutôt cher, une expertise aléatoire voire inexistante. Comment on en est arrivé là, je n’en sais rien…

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Pour les projets informatique et les problemes de specification, c est pas specifique au secteur public.]

      Tout à fait. Mais c’est plus courant dans le public parce que du fait de la grille de la fonction publique il est pratiquement impossible de payer des informaticiens aux pris du marché.

      [Il est evidement accentue si vous faites developper le produit par une societe tierce (une SSII voudra simplement chiffrer au max, peu importe si le produit marche mal) et pire encore si vous faites developper off shore (on y ajoute les malentendu culturel et de langue)]

      Il faut aussi noter qu’un gros logiciel informatique est une « vache à lait » pour la société qui l’a développé. En effet, il est difficile de confier la maintenance d’un logiciel à une société autre que celle qui l’a développé sans perdre une part très importante de la connaissance. Un logiciel qui « marchotte » et qui a besoin d’une maintenance constante est donc une bénédiction…

  7. luc dit :

    @Descartes
    [J’avoue que je ne connais pas suffisamment la macronie – et notamment la macronie « de base », celle des militants et des néo-députés – pour en juger.]
    Une fois de plus,votre pertinence est confirmée.
    Lorsque sur ce blog,j’évoquais,’le populisme’ du Macronisme,vous aviez nié ce ‘populisme’.
    Or mes collègues,mes voisin,tous Macronistes de base,le sont pour des raisons populistes:
    -croyances qu’une politique d’austérité,en appauvrissant,les assistés,les enrichiront,eux qui se voient comme des citoyens vertueux.
    -croyances que la décollectivisation,de l’état français,favorisera leur prospérité.
    -croyances que la mondialisation,en enfonçant,les faibles,accroitra leur prospérité,puisqu’ils s’estiment forts.
    Cette idéologie,est présente depuis des décennies,et les contre feux collectivistes,politiques et syndicales,ont échoué face à ce populisme ,que Macron représente.
    Ma position vous semble t elle,plus convaiquante ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Lorsque sur ce blog, j’évoquais, ‘le populisme’ du Macronisme, vous aviez nié ce ‘populisme’.]

      Et je continue à le nier. Le « populisme » repose sur la négation du rôle des élites, en investissant le « peuple » d’une sorte de sagesse immanente. Mélenchon, avec son “place au peuple” et sa vision du “99% contre le 1%” est un “populiste”. Le macronisme est un anti-populisme, puisqu’il porte au contraire au pinacle les élites, supposées montrer la voie au reste de la population – y compris contre son gré. L’image des « premiers de cordée » est la négation même du populisme.

      [Or mes collègues, mes voisin, tous Macronistes de base, le sont pour des raisons populistes: (…)]

      Je ne vois pas très bien quel est le rapport entre les « raisons » que vous citez et le « populisme ».

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Le macronisme est un anti-populisme]
      moi, j’aurais plutôt parlé d’un néo-poujadisme: le mouvement de Pierre Poujade était originellement libéral, anti-communiste, anti-fiscaliste et anti-état ; il s’adressait aux petits indépendants et autres petits commerçants, qui représentaient la petite bourgeoisie de son époque, ce que vous appelez dans votre blog aujourd’hui…”Les classes moyennes”. La grande différence aurait pu être la quasi-disparition de la classe paysanne aujourd’hui, mais elle désormais remplacée numériquement par les écologistes.
      La seule chose qui m’étonne est comment une idéologie aussi hyper-individualiste et droitière que le poujadisme, a pu conquérir non seulement la quasi-totalité de la gauche et du centre, qui lui étaient historiquement hostiles…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Moi, j’aurais plutôt parlé d’un néo-poujadisme: le mouvement de Pierre Poujade était originellement libéral, anti-communiste, anti-fiscaliste et anti-état ; il s’adressait aux petits indépendants et autres petits commerçants, qui représentaient la petite bourgeoisie de son époque, ce que vous appelez dans votre blog aujourd’hui…”Les classes moyennes”.]

      Vous voyez bien que les deux choses n’ont rien à voir. On imagine mal Poujade tenir le discours des « premiers de cordée ». Non, Poujade était vraiment un « populiste », un défenseur des « petits », qui travaillent dur et se lèvent tôt, contre les « gros ». Poujade n’était en rien « libéral » partisan du laissez faire et de la régulation par le marché : il voulait au contraire que l’Etat protège le petit commerçant contre la grande surface, l’artisan et la PME contre la grande industrie, la petite paysannerie contre l’entreprise agricole.

      Macron, lui, encense les « gros ». Pire, il soutient que plus les gros deviendront gros, et plus leur richesse « ruissèlera » vers les petits. Vous imaginez Poujade défendant les banquiers et les financiers ?

      Le seul point commun entre les deux est la vision individualiste du « chacun pour soi ». Mais comme la société française a beaucoup changé depuis Poujade, cet individualisme n’a pas le même sens. C’est ce qui explique que la soi-disant « gauche » puisse y adhérer, alors qu’elle l’aurait rejeté avec horreur il y a cinquante ans.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Poujade n’était en rien « libéral » partisan du laissez faire et de la régulation par le marché : il voulait au contraire que l’Etat protège le petit commerçant contre la grande surface, l’artisan et la PME contre la grande industrie, la petite paysannerie contre l’entreprise agricole]
      Pardonnez-moi, mais j’estime que l’anti-fiscalisme est une sacré marque d’anti-étatisme, et Poujade était profondément anti-impôt! Et priver l’Etat de ses moyens d’action, c’est la meilleure façon de s’y opposer de fait!

      Sinon, ce que je qualifie de “néo-poujadisme” chez Macron est au poujadisme ce que le néo-libéralisme du même est au libéralisme classique: une dérive anti-politique, ultra-technocratique et cynique, où le peuple et les travailleurs sont virtuels, abstraits, et considérés comme des numéros et chiffres justes bons à être mis en forme dans une feuille de calcul Excel.
      Je vous l’accorde, le discours de Poujade n’était pas vraiment dénué de démagogie, et bien sûr, il est difficile pour un politicien de rivaliser avec Macron en terme de morgue et de mépris des plus humbles, chose dont était exempt le député de la IVè République. Mais à sa façon, je trouve que Napoléon le micron est lui aussi démagogue avec “son peuple” d’élection, à savoir les “classes moyennes”. Pire, “Microbe” n’est même pas original sur la forme: la métaphore du premier de cordée est la décalque exacte de celle des wagons de tête de “Maggie the Witch is dead” Thatcher pendant les années 80 utilisée pour démolir les protections sociales des Britanniques héritées des politiques keynésiennes des années 30.

      Pour revenir au caractère méprisant de Macron, je n’avais jamais vu une chose pareille depuis ma naissance il y a 46 ans, et si je fouille dans mes connaissances historiques, je pense que seul Charles X était aussi hautain, plein de morgue et peu soucieux de son peuple; et comme chacun sait, cela s’est terminé par les Trois Glorieuses. Certes, connaissant mes compatriotes, cela n’ira pas aussi loin de nos jours, mais attention, une étincelle est bien vite arrivée: tenez, par exemple, je sens que le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à partir de l’an prochain risque de déciller pas mal de contribuables, parce que pour l’avoir pratiqué en Belgique, pour celui qui ne mensualise pas ses impôts, c’est carrément une amputation du pouvoir d’achat! Sans compter que c’est également une forme d’infantilisation: le consentement à l’impôt fait partie intégrante des qualités d’un citoyen…
      Enfin, on sous-estime l’amateurisme qui règne concernant l’application de cette mesure: la valse-hésitation sur le décret d’application du nouveau système n’augure absolument rien de bon, en particulier pour un système fiscal aussi efficace que le notre: j’ai lu quelque part que le taux de recouvrement de l’impôt en France était déjà de 95%!

      Bref, les vrais raisons de cette « réforme » ne sont pas dites: est-ce pour préparer une « flat tax », à savoir un impôt proportionnel?

    • Antoine dit :

      @CVT et Descartes

      Surtout, Poujade était le défenseur des perdants de la mutation économique de son temps : les petits commerçants traditionnels, bientôt évincés par la grande distribution, et les petits artisans, bientôt évincés par l’industrie.

      Macron, à l’inverse, est le défenseur des gagnants de la mutation économique de son temps.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Pardonnez-moi, mais j’estime que l’anti-fiscalisme est une sacré marque d’anti-étatisme, et Poujade était profondément anti-impôt! Et priver l’Etat de ses moyens d’action, c’est la meilleure façon de s’y opposer de fait!]

      Mais qui a dit qu’un politique doit être cohérent ? On peut être « anti Etat » quand il s’agit de payer son fonctionnement, et « pro Etat » quand on veut que celui-ci protège la catégorie à laquelle vous appartenez… Le poujadisme dénonçait la pression fiscale, mais ne se plaçait pas dans une logique libérale ou l’Etat laisserait libre cours au jeu du marché, jeu qui, dans le contexte de l’époque, aurait condamné à très brève échéance les petits commerçants et artisans qui formaient la base électorale de Poujade.

      Macron est une espèce très rare chez nous : un authentique libéral (le dernier à avoir joué cette partition était Alain Madelin dans les années 1990…). Il est donc très difficile de le rattacher à un politicien français post-1945. Peut-être peut-on le comparer au Laval de 1930 ?

      [Sinon, ce que je qualifie de “néo-poujadisme” chez Macron est au poujadisme ce que le néo-libéralisme du même est au libéralisme classique: une dérive anti-politique, ultra-technocratique et cynique, où le peuple et les travailleurs sont virtuels, abstraits, et considérés comme des numéros et chiffres justes bons à être mis en forme dans une feuille de calcul Excel.]

      Mais là encore vous vous éloignez de Poujade, qui était au contraire un mouvement « tripal », reposant avant tout sur les émotions, et qui rejetait toute rationalité technocratique.

      [Pire, “Microbe” n’est même pas original sur la forme: la métaphore du premier de cordée est la décalque exacte de celle des wagons de tête de “Maggie the Witch is dead” Thatcher pendant les années 80 utilisée pour démolir les protections sociales des Britanniques héritées des politiques keynésiennes des années 30.]

      Macron prend effectivement beaucoup d’éléments de son discours dans l’utopie du « trickle down economics », cette théorie du ruissellement qui était la colonne vertébrale de l’idéologie reagano-thatchérienne. Il n’est donc pas étonnant de retrouver une certaine ressemblance au niveau des images et des symboles. Le problème de Macron est que beaucoup de choses ont changé depuis les années 1980. A l’époque, il était facile de dénoncer les excès du dirigisme et chanter les mérites d’une vision libérale dont les électeurs, élevés dans les états-providence de l’après-guerre avaient oublié les ravages. Après trente ans de révolution néo-libérale, la nostalgie va plutôt vers le « plus d’Etat ».

      [Enfin, on sous-estime l’amateurisme qui règne concernant l’application de cette mesure: la valse-hésitation sur le décret d’application du nouveau système n’augure absolument rien de bon, en particulier pour un système fiscal aussi efficace que le notre: j’ai lu quelque part que le taux de recouvrement de l’impôt en France était déjà de 95%!]

      Là où l’on voit l’amateurisme le plus grand, c’est dans l’hubris de vouloir appliquer la réforme à tout le monde en même temps. Dans le monde d’avant, on faisait les choses par étapes, de manière à ne pas se retrouver avec tous les problèmes en même temps. On commence par rendre obligatoire la mensualisation, puis on prélève à la source les fonctionnaires, puis les salariés des grandes entreprises, puis ceux des petites, pour finalement traiter les cas les plus compliqués. Comme ça, s’il y a un bug il ne touchera pas tout le monde en même temps, et les équipes des impôts seront suffisantes pour le traiter et pour répondre aux contribuables mécontents. Ok, comme ça, le projet prendra plus de temps et le président n’aura pas la possibilité de couper le ruban. Mais l’important c’est que ça marche, n’est ce pas ?

      [Bref, les vrais raisons de cette « réforme » ne sont pas dites: est-ce pour préparer une « flat tax », à savoir un impôt proportionnel?]

      On peut en effet se le demander… c’est peut-être ça le vrai gros cadeau aux “classes moyennes” en 2022 ?

  8. Timo dit :

    [Parce que la vérité est que, en dehors de quelques cercles militants qui font beaucoup de bruit, le glyphosate ou l’arrêt de Fessenheim, dans les faits, on s’en fout. ]

    Sur le glyphosate j’ai pas l’impression que le français moyen soit aussi indifférent que vous le dites aux documentaires catastrophistes de Marie-Monique Robin ou aux campagnes de com’ de Greenpeace. Par exemple sur le sondage d’odoxa d’octobre 2017, 81% souhaitent l’interdire. C’est sûr que si on leur expliquait que ça impliquerait de payer leur nourriture 40% plus cher il n’y aurait probablement plus grand monde, à part peut être parmi les “classes moyennes” et notamment ceux qui sont de toute façon déjà passés au “bio”. Mais quoi qu’il en soit je pense qu’ils ont vraiment réussit à convaincre une large majorité de la population que ce produit était indiscutablement dangereux pour la santé et qu’à terme il serait souhaitable de s’en passer.

    Je ne sais pas si vous vous êtes plongé dans ce sujet plus que ça mais je crois que cela fait partie de ces débats où on nage totalement dans l’irrationalité. Au niveau scientifique il n’y a aucun élément qui indique que cette molécule serait vraiment dangereuse pour la santé, autant aux doses auquelles sont exposés les agriculteurs que les consommateurs. En fait c’est le cas d’école où on reformule à sa sauce ce qu’a déclaré l’expert pour lui faire dire ce qu’on avait envie d’entendre. Cet article là est pas mal sur ma question (comme il est long je copie l’extrait qui résume le problème) :
    http://www.bunkerd.fr/greenpeace-manipule/

    “Le glyphosate, “cancérogène probable” selon l’OMS ?
    Remarquons déjà que dire que ce classement du glyphosate comme “cancérogène probable” serait issu “des experts de l’Organisation Mondiale de la Santé” n’est pas tout à fait juste. […] Le fait que cette classification émane du CIRC, et non juste “de l’OMS” n’est pas sans importance. Le CIRC n’est pas un organisme d’analyse des risques. Les classifications qu’il établit n’impliquent pas forcément l’existence d’un danger pour la population. Elles ne prennent en compte ni les doses en jeu, ni les quantités auxquelles les individus sont exposés, ni les voies d’exposition.
    En réalité, le CIRC sert plutôt de guide pour savoir sur quels éléments ces questions de risques pratiques doivent être posées ou approfondies, et ce sont alors à d’autres organismes de prendre le relais. En ce sens, la communication des diverses classifications du CIRC a largement été critiquée parce qu’elle confondait et effrayait inutilement.
    Bref : si l’on veut savoir s’il faut avoir peur du glyphosate, ce n’est pas aux classements du CIRC qu’il faut se référer. Celui-ci ne prétend pas répondre à cette question.”
    “Nous ne faisons pas de l’évaluation des risques mais de l’identification des risques. Notre avis ne dit pas si la population générale court un risque du fait de telle ou telle substance, cela c’est le travail des agences de sécurité sanitaire.” CIRC

    Et pourtant, même le président de la République avait déclaré qu’il souhaitait l’interdire. Alors que, comme vous dites, c’est sûrement quelqu’un de très intelligent, il est entouré de dizaines de conseillers tout aussi intelligents et qui ont le temps de s’intéresser au sujet pour comprendre ce que signifie le fait que le CIRC ait classé cette molécule comme “cancérigène probable”. Donc il sait sûrement très bien qu’elle n’ait pas dangereuse, mais à partir du moment où les trois quarts de la population sont convaincus que cet herbicide est un poison, ce serait désastreux pour son image d’affirmer le contraire. Et puis il faut bien faire 2-3 cadeaux symboliques aux “écolos” de temps en temps pour éviter de se les mettre totalement à dos. Je trouve ça assez effrayant, ça illustre encore une fois le pouvoir énorme qu’on finit par laisser à ces OGN et toute cette mouvance.

    J’ai pas regardé ce qu’a déclaré chaque homme politique sur la question, mais je sais que Philippot (un autre homme intelligent) s’est clairement positionné pour l’interdiction. J’ai même l’impression que maintenant il en fait une de ses priorités et que ces temps-ci à chaque fois qu’il s’exprime dans les médias il ne peut pas s’empêcher de dire que la premiere chose qu’il fera quand il sera élu ce sera d’interdire immédiatement le glyphosate. On peut comprendre que c’était très tentant, vu que cela faisait un argument facile pour dire qu’il faut sortir de l’Union Européenne pour pouvoir décider nous-même quels produits on veut interdire. En plus ça lui permettait de se donner la posture de l’écolo-anti-lobby-anti-grandes-entreprises-méchantes, indispensable quand on veut montrer qu’on est aussi un peu de gauche. Mais je trouve ça quand même assez désolant, et même si c’est peut-être une question mineure ça donne tout de suite beaucoup moins envie de le soutenir.

    • Descartes dit :

      @ Timo

      [Sur le glyphosate j’ai pas l’impression que le français moyen soit aussi indifférent que vous le dites aux documentaires catastrophistes de Marie-Monique Robin ou aux campagnes de com’ de Greenpeace. Par exemple sur le sondage d’odoxa d’octobre 2017, 81% souhaitent l’interdire. C’est sûr que si on leur expliquait que ça impliquerait de payer leur nourriture 40% plus cher il n’y aurait probablement plus grand monde,]

      Vous répondez vous-même à l’objection. Il faut se méfier des sondages dans lesquels on demande aux personnes interrogées de se prononcer sur une question abstraite. Il est assez évident qu’à la question « êtes vous contre ce qui est mauvais, et pour ce qui est bon », la réponse sera à 99% « oui » (il y a toujours 1% d’anticonformistes). Le sondage auquel vous faites référence montre tout simplement que la campagne médiatique a réussi à mettre le glyphosate du côté du « mal ».

      Mais lorsqu’on sort des questions abstraites pour aborder le concret, les citoyens ne suivent pas vraiment cette ligne. Les gens ne sont pas idiots, et savent que les mesures abstraites ont un coût lorsqu’on les transpose dans le monde réel. Et c’est pour cette raison qu’ils élisent – et réélisent – pour des gens dont le discours abstrait dit « blanc » et les mesures concrètes disent « noir ». On a tendance à simplifier la dialectique de la promesse électorale, en supposant que les électeurs, lorsqu’ils votent pour un candidat qui a promis de faire quelque chose, veulent EFFECTIVEMENT qu’il tienne sa promesse. C’est une erreur : beaucoup de promesses sont faites pour marquer l’adhésion a une idée abstraite, et les électeurs votent sachant parfaitement qu’elle ne sera pas tenue. Pire : ils ne voteraient pas dans le même sens s’ils pensaient que la promesse en question a la moindre chance de l’être.

      [Mais quoi qu’il en soit je pense qu’ils ont vraiment réussit à convaincre une large majorité de la population que ce produit était indiscutablement dangereux pour la santé et qu’à terme il serait souhaitable de s’en passer.]

      Mais c’est là la vérité. Le glyphosate EST dangereux. Il n’est pas question de nier les dangers du glyphosate, du nucléaire, de l’industrie chimique, des barrages, et que sais-je encore. La position rationnelle est de juger ce danger à l’aune des avantages que ces activités procurent. Si le glyphosate tue des gens, mais que les gains de productivité qu’il procure dégagent des moyens qui permettent de sauver des vies ailleurs, la raison commande de l’utiliser.

      [Je ne sais pas si vous vous êtes plongé dans ce sujet plus que ça mais je crois que cela fait partie de ces débats où on nage totalement dans l’irrationalité. Au niveau scientifique il n’y a aucun élément qui indique que cette molécule serait vraiment dangereuse pour la santé, autant aux doses auquelles sont exposés les agriculteurs que les consommateurs.]

      Il ne faut tout de même pas exagérer. A supposer même qu’il ait des effets négligeables sur la santé humaine, il a des effets certains sur la biodiversité. Encore une fois, la position rationnelle n’est pas de nier les problèmes, mais d’admettre qu’aucune solution n’est parfaite, et de choisir celle qui offre le meilleur compromis dans un monde nécessairement imparfait.

      [Donc il sait sûrement très bien qu’elle n’est pas dangereuse, mais à partir du moment où les trois quarts de la population sont convaincus que cet herbicide est un poison, ce serait désastreux pour son image d’affirmer le contraire. Et puis il faut bien faire 2-3 cadeaux symboliques aux “écolos” de temps en temps pour éviter de se les mettre totalement à dos. Je trouve ça assez effrayant, ça illustre encore une fois le pouvoir énorme qu’on finit par laisser à ces OGN et toute cette mouvance.]

      Eh oui. Les lobbies les plus néfastes ne sont pas ceux qu’on croit…

      [J’ai pas regardé ce qu’a déclaré chaque homme politique sur la question, mais je sais que Philippot (un autre homme intelligent) s’est clairement positionné pour l’interdiction. J’ai même l’impression que maintenant il en fait une de ses priorités et que ces temps-ci à chaque fois qu’il s’exprime dans les médias il ne peut pas s’empêcher de dire que la premiere chose qu’il fera quand il sera élu ce sera d’interdire immédiatement le glyphosate.]

      Difficile métier, que celui de politique. Cela va vous paraître cynique, mais si on veut faire bouger les choses il faut savoir se fixer des priorités. Vous ne pouvez pas nager à contre-courant dans TOUS les domaines. Dès lors que l’opinion publique condamne le glyphosate, soit vous faites du glyphosate LE combat de votre vie, soit vous dites comme tout le monde. Le combat de Philippot n’est pas le glyphosate, mais la sortie de la France de l’UE et de l’Euro. Je peux comprendre qu’il sacrifie tous les autres sujets à cet objectif.

      • Timo Bouvard dit :

        Et la farce continue…
        https://www.glyphosate.gouv.fr

        On devine facilement que ce site s’adresse moins aux agriculteurs, qui eux connaissent leur métier et savent ce que ça implique de se passer de ce désherbant, qu’aux bobos des centre-ville, dans le soucis de leur montrer que même si Macron ne peut pas l’interdire au moins il y met de la bonne volonté. Ça rejoint un peu ce que vous disiez plus haut, l’objectif est simplement de montrer que le gouvernement adhére bien à “l’idée abstraite” même s’ils ne peuvent pas mettre en place de “mesure concrète”.

        Je trouve ça même terriblement méprisant pour ces agriculteurs, comme si cette question de glyphosate c’était juste une question de “mauvaise habitude” et qu’il suffirait d’un site pour les sensibiliser et leur faire changer de comportement. Un peu comme les campagnes pour inciter les gens à mettre des ampoules basse consommation, à prendre des douches plutôt que des bains ou à se laver les mains avant chaque repas..

        D’ailleurs visiblement rien que pour trouver les témoignages ça a pas été une mince affaire, vu qu’ils ont même dû chercher des entretiens qui dataient de 5 ans à des gens qui n’avaient rien demandé
        https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/glyphosate-un-agriculteur-decouvre-son-temoignage-sur-le-site-lance-par-l-elysee-7795746833/amp

        ps : pour l’histoire de la newsletter, la désinscription/réinscription n’avait pas réglé le problème, mais c’est pas grave j’ai inscrit mon autre adresse

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Le combat de Philippot n’est pas le glyphosate, mais la sortie de la France de l’UE et de l’Euro. Je peux comprendre qu’il sacrifie tous les autres sujets à cet objectif.

      Moi aussi, je sacrifierais bien le glyphosate à la sortie de l’UE. Si seulement il s’agissait d’un calcul cynique et délibéré de la part de Philippot… Malheureusement, la façon dont il aborde ce sujet et d’autres sujets du même genre (en en faisant des tonnes sans la moindre nuance) me donne l’impression qu’il croit sincèrement aux racontars des prêcheurs de catastrophe, et que comme beaucoup de monde il mélange un peu tout : pesticides, OGM, mortalité des abeilles… Le problème c’est qu’il n’y a pas vraiment de gens compétents autour de lui. Philippe Murer, l’économiste attitré des Patriotes (présenté comme expert en écologie) est sur le même genre de ligne, et il chante les louanges de l’hydrogène dans le domaine énergétique.

      Sur le fond, le discours de Philippot donne une caution à l’obscurantisme et au catastrophisme, en méprisant totalement l’avis des agences officielles spécialisées. C’est bien pire que la simple interdiction d’un pesticide. Et c’est en effet un sujet sur lequel il insiste énormément dans ses interventions récentes, ce qui à mon avis dénote un certain désarroi stratégique (je doute vraiment qu’il attire des électeurs sur ce sujet).

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Moi aussi, je sacrifierais bien le glyphosate à la sortie de l’UE. Si seulement il s’agissait d’un calcul cynique et délibéré de la part de Philippot… Malheureusement, la façon dont il aborde ce sujet et d’autres sujets du même genre (en en faisant des tonnes sans la moindre nuance) me donne l’impression qu’il croit sincèrement aux racontars des prêcheurs de catastrophe, et que comme beaucoup de monde il mélange un peu tout : pesticides, OGM, mortalité des abeilles…]

      J’avoue que depuis son départ du FN je ne suis pas trop ce qui se passe de ce côté-là. J’ai peut être tort…

      [Le problème c’est qu’il n’y a pas vraiment de gens compétents autour de lui. Philippe Murer, l’économiste attitré des Patriotes (présenté comme expert en écologie) est sur le même genre de ligne, et il chante les louanges de l’hydrogène dans le domaine énergétique.]

      Le problème des groupuscules, c’est que leur tendance naturelle est de se placer en rupture en proposant une solution magique. Parler de l’hydrogène comme solution aux problèmes permet de se distinguer des autres en proposant une solution « révolutionnaire ». Mélenchon avait fait le même coup, souvenez-vous, lorsqu’il proposait de remplacer le nucléaire par la géothermie. Et les écologistes ont longtemps fait la même chose avec le « 100% renouvelables ».

      Il n’est pas évident, lorsqu’on est dans une logique groupusculaire, d’attirer des cadres et des « experts » de qualité. Je ne sais pas ce qu’est devenue l’équipe que Messiha et Philippot avaient monté au FN, mais je doute que ces gens soient restés actifs.

    • Vincent dit :

      @Antoine, Descartes

      >> je sais que Philippot (un autre homme intelligent) s’est clairement positionné pour l’interdiction. J’ai
      >> même l’impression que maintenant il en fait une de ses priorités et que ces temps-ci à chaque fois
      >> qu’il s’exprime dans les médias il ne peut pas s’empêcher de dire que la premiere chose qu’il fera
      >> quand il sera élu ce sera d’interdire immédiatement le glyphosate.]

      > Difficile métier, que celui de politique. Cela va vous paraître cynique, mais si on veut faire bouger les
      > choses il faut savoir se fixer des priorités. Vous ne pouvez pas nager à contre-courant dans TOUS
      > les domaines. Dès lors que l’opinion publique condamne le glyphosate, soit vous faites du glyphosate
      > LE combat de votre vie, soit vous dites comme tout le monde. Le combat de Philippot n’est pas le
      > glyphosate, mais la sortie de la France de l’UE et de l’Euro. Je peux comprendre qu’il sacrifie tous
      > les autres sujets à cet objectif.

      Moi aussi, j’apprécie à priori beaucoup le positionnement de Philippot, mais la principale raison qui me donne envie de prendre mes distances avec ce parti (comme avec l’Unité Nationale Cotoyenne, issue des dissidents de LDF), c’est leur manque de rationalité en matière de politique énergétique et environnementale.

      Peut être, comme l’exprime Descartes, devrais-je me contenter d’espérer qu’il ne s’agit que de surfer sur la vague médiatique pour servir leur propre cause (qui est aussi la mienne), mais j’ai du mal à m’y résoudre.

      Je crains en effet que sur ce sujet, il s’agisse de bien plus que simplement une tactique de communication, et qu’ils soient réellement profondément convaincus de la pertinence d’interdire immédiatement le glyphosate.

      Peut-être -et ce serait triste- qu’à force d’être proche de mouvances (FN / DLF sans parler de l’UPR) qui comportent dans leur rangs un bon nombre de militants aux raisonnements complotistes, les dirigeants eux mêmes ont fini par adopter ce type de raisonnement, remettant en cause sans vergogne tous les avis compétents… Ce serait vraiment triste pour le mouvement souverrainite…

    • Vincent dit :

      @Antoine, Descartes

      >> Le problème c’est qu’il n’y a pas vraiment de gens compétents autour de lui. Philippe Murer,
      >> l’économiste attitré des Patriotes (présenté comme expert en écologie) est sur le même genre
      >> de ligne, et il chante les louanges de l’hydrogène dans le domaine énergétique.]

      > Le problème des groupuscules, c’est que leur tendance naturelle est de se placer en rupture
      > en proposant une solution magique.

      Est ce qu’il ne s’agit pas d’un travers de beaucoup d’ingénieurs, qui considèrent (sans se l’avouer) qu’à tout problème il y a nécessairement une solution, et qui cherchent à tout prix à en trouver une. Philippe Murer est de base un ingénieur, et peut être y a-t-il eu des ingénieurs pour souffler à Mélenchon les idées autour de la géothermie.

      J’en ai croisé à plusieurs reprises, dans mon métier, qui ne pouvaient pas accepter, que, quand on leur demandait de faire une étude de faisabilité, la bonne réponse pouvait parfois être de présenter une moins mauvaise solution, pour conclure que même cette solution n’est PAS faisable, et qu’il n’a pas réussi à trouver de solution qui satisfasse à la fois des critères techniques, environnementaux, sécuritaires, et économiques…

      > Parler de l’hydrogène comme solution aux problèmes permet de se distinguer des autres en
      > proposant une solution « révolutionnaire ». Mélenchon avait fait le même coup, souvenez-vous,
      > lorsqu’il proposait de remplacer le nucléaire par la géothermie. Et les écologistes ont longtemps
      > fait la même chose avec le « 100% renouvelables ».

      Philippe Murer a écrit, il y a maintenant plusieurs années, un livre pour développer ses conceptions et ses idées en matière de politique énergétique. Il y plaide effectivement pour une utilisation massive de l’hydrogène. Mais il ne va pas jusqu’à proposer (ce qui serait irréaliste) d’utiliser l’hydrogène pour stocker de l’électricité en période de creux ou de pic de renouvelables (en effet, avec un rendement sur cycle de l’ordre de 30%, cette technique n’est absolument pas viable).

      Mais je pense qu’il n’a pas nécessairement tort sur l’avenir des transports routiers pour lesquels il me semble que le vecteur hydrogène a probablement un plus grand avenir que le vecteur “batterie”, en raison de la durée de vie réduite de celles ci, et des problèmes posés par les composants nécessaires pour produire ces batteries.

      En revanche, là où j’aurais, par rapport à Murer / Philippot, un désaccord, c’est sur la maturité technique de l’hydrogène, et sur la pertinence de lancer dès maintenant un grand plan hydrogène, avec le risque de faire le même type d’erreur qu’avec le Minitel (à savoir faire un grand plan volontariste sur une technologie d’avenir, pour finalement se rendre compte que c’est une technologie légèrement différente qui a été adoptée…)

      Et dans tous les cas, et je crois que Philippot / Murer gardent un peu le flou là dessus, s’ils envisagent les ENR électriques combinées avec de l’hydrogène pour remplacer le carburant routier, cela ne dit rien de la politique en matière de chauffage ou d’électricité…

    • Vincent dit :

      @Descartes

      > Et les écologistes ont longtemps fait la même chose avec le « 100% renouvelables ».

      J’ai du louper un épisode… Je n’ai pas souvenir d’avoir entendu EELV ou un autre mouvement écologiste ayant pignon sur rue renoncer à cet objectif (je ne parle naturellement pas des associations écologistes ouvertement pro nucléaire, mais elles ne font pas partie de celles ayant pignon sur rue…)

      Mais vous connaissant, je suppose que vous n’écrivez pas cela par erreur ? Qu’est ce qui vous permet d’écrire cela ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je crains en effet que sur ce sujet, il s’agisse de bien plus que simplement une tactique de communication, et qu’ils soient réellement profondément convaincus de la pertinence d’interdire immédiatement le glyphosate.]

      Je pense que Philippot a une culture trop « technicienne » pour avoir une conviction personnelle en une matière dont il n’est certainement pas expert. Ce qui est plus curieux, c’est qu’en reprenant une position anti-glyphosate il va à l’encontre du monde rural, pourtant l’un des plus importants réservoirs du vote de droite et d’extrême droite.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Est ce qu’il ne s’agit pas d’un travers de beaucoup d’ingénieurs, qui considèrent (sans se l’avouer) qu’à tout problème il y a nécessairement une solution, et qui cherchent à tout prix à en trouver une. Philippe Murer est de base un ingénieur, et peut être y a-t-il eu des ingénieurs pour souffler à Mélenchon les idées autour de la géothermie.]

      J’en doute. Ou alors c’est un très mauvais ingénieur, parce qu’une simple comparaison des ordres de grandeur montre que cela ne marche pas. Dans la mesure où l’ingénieur est par essence une personne formée pour résoudre des problèmes, tout ingénieur se pose comme principe méthodologique que tout problème bien posé a une solution. Mais ce n’est pas vraiment un réflexe d’ingénieur que de faire abstraction des ordres de grandeur…

      [Mais je pense qu’il n’a pas nécessairement tort sur l’avenir des transports routiers pour lesquels il me semble que le vecteur hydrogène a probablement un plus grand avenir que le vecteur “batterie”, en raison de la durée de vie réduite de celles ci, et des problèmes posés par les composants nécessaires pour produire ces batteries.]

      Le problème d’utiliser l’hydrogène pour fournir de l’énergie aux transports est que l’hydrogène est très difficile à manipuler et très dangereux. Contrairement à l’affaire de la géothermie ou de l’utilisation du stockage pour les renouvelables, il ne s’agit pas d’une question d’ordre de grandeur, mais d’une question technique.

      [En revanche, là où j’aurais, par rapport à Murer / Philippot, un désaccord, c’est sur la maturité technique de l’hydrogène, et sur la pertinence de lancer dès maintenant un grand plan hydrogène, avec le risque de faire le même type d’erreur qu’avec le Minitel (à savoir faire un grand plan volontariste sur une technologie d’avenir, pour finalement se rendre compte que c’est une technologie légèrement différente qui a été adoptée…)]

      Je ne suis pas d’accord sur votre analyse du programme Minitel. Le fait que cette solution n’ait pas été retenue in fine ne retire pas les effets positifs de ce type de programme. La difficulté pour moi n’est pas qu’on s’embarque sur une technologie qui ne sera finalement pas retenue, mais les risques associés à l’utilisation massive de l’hydrogène.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Mais vous connaissant, je suppose que vous n’écrivez pas cela par erreur ?]

      Vous avez une trop haute opinion de moi. C’est en effet une erreur de ma part.

  9. Antoine dit :

    Bonjour Descartes,

    Rien à voir, mais cette belle histoire aux pays des bons sentiments m’a bien fait rire :
    http://www.europe1.fr/societe/un-sdf-de-18-ans-suscite-lemoi-sur-les-reseaux-sociaux-3743840

    et la suite de l’affaire :
    http://www.europe1.fr/societe/paris-le-jeune-sdf-qui-a-emu-les-reseaux-sociaux-a-ete-interpelle-3746936

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [et la suite de l’affaire:]

      J’espère que le président du tribunal lui lira à la dame qui a porté plainte contre Maëlig le chapitre des “Misérables” de Victor Hugo, vous savez, celui où l’évêque de Digne rachète l’âme de Jean Valjean avec deux chandeliers en argent. Quand on pratique la charité, il faut aller jusqu’au bout.

      Cette histoire n’est qu’un exemple emblématique de la société de l’émotion. Des gens qui se plaignent à longueur de journée de devoir payer les impôts qui permettent de construire des logements sociaux, des écoles, des crèches, des hôpitaux sont prêts à n’importe quelle idiotie pour sauver un chaton blessé où un SDF pourvu qu’ils soient médiatisés. Et sans se poser la moindre question sur la réalité des faits qu’on leur rapporte. Remarquez, ce n’est pas nouveau: les escrocs qui soutiraient de l’argent en faisant pleurer sur la veuve et l’orphelin, ça ne date pas d’hier. Mais ce qui choque aujourd’hui, c’est la manière dont les gens exercent leur esprit critique: d’un côté, ils sont d’une méfiance maladive dans certains domaines, voyant des conspirations et des complots partout, de l’autre ils sont prêts à accueillir chez eux un SDF parce que Facebook leur raconte une belle histoire.

  10. cdg dit :

    Aujourd hui je viens de lire que Gaudin a demissionné (de la metropole, il conserve la marie de Marseille ou il regne de puis 25 ans). Ca m a fait penser a votre texte ou vous dites que la politique est un metier.
    Gaudin est en effet un tres bon professionnel si on en juge par son parcours : il a commence sa carriere en 65 (j etais meme pas né), depute en 78, senateur en 89, maire de Marseille depuis 95 et ministre de 95 a 97. IL na certes pas reussi a conquerir le graal (l elysee) mais il a eut une carriere brillante.
    Par contre pour le citoyen, Gaudin a ete une calamité : clientelisme, immobilisme sont les 2 mamelles de son action politique.

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Gaudin est en effet un très bon professionnel si on en juge par son parcours : il a commence sa carriere en 65 (je n’étais même pas né), députe en 78, sénateur en 89, maire de Marseille depuis 95 et ministre de 95 a 97. IL na certes pas réussi a conquérir le graal (l’Elysée) mais il a eut une carrière brillante.]

      Brillante, brillante… c’est vite dit. Si vous prenez la politique comme une profession, disons qu’il a eu une carrière de bon niveau. Un peu comme un commercial qui finirait directeur du marketing d’une grosse filiale, ou un ingénieur qui finirait directeur d’une usine. Son « cursus honorum » est honnête mais pas exceptionnel, et l’histoire ne retiendra pas grande chose de son passage en politique, sauf peut-être la revitalisation de la ville de Marseille, qu’on peut difficilement lui contester.

      [Par contre pour le citoyen, Gaudin a été une calamité : clientélisme, immobilisme sont les 2 mamelles de son action politique.]

      Ah bon ? Pourtant, les citoyens qui l’ont régulièrement réélu à la mairie de Marseille ont eu largement le temps de percevoir ses vertus et ses défauts. S’ils ont continué à le voter, c’est parce que les marseillais VEULENT un maire clientéliste et immobiliste. Peut on dire qu’un homme politique est une « calamité » parce qu’il fait ce que ses électeurs demandent de lui ?

      Je crains que vous n’ayez une vision idéalisée de la politique dans un contexte démocratique. Le politique est un professionnel. Et comme tout professionnel, il fait carrière en offrant à son supérieur, à celui qui a le pouvoir de le promouvoir ou de le renvoyer, tout ce qu’il attend de lui. Personne ou presque ne fait carrière en essayant d’éduquer son supérieur. Comme dans toutes les professions, la meilleure manière de faire une carrière longue et raisonnablement performante est de ne se fâcher jamais avec personne, de n’aller jamais à contre-courant, d’avoir un minimum d’originalité.

      Il ne faut pas confondre le politique – qui est un professionnel – avec l’homme d’Etat qui, lui, est une exception et qui d’ailleurs ne « fait carrière » que lorsque les circonstances sont exceptionnelles. Sans l’effondrement de 1940, De Gaulle serait resté un militaire remuant et trop instable pour être nommé à un grand commandement. Et sans l’incapacité des partis de la IVème République à gérer le conflit algérien, il serait mort oublié à Colombey.

    • cdg dit :

      ministre, president de l UMP, si on compare a une carriere professionnelle, il a une plus qu une carriere de bon niveau. Ca correspondrait a un ingenieur qui fini non pas directeur d une usine mais directeur pour un pays ou un groupe de pays. S il serait chez IBM, il aurait fini directeur d IBM france ou IBM europe

      Pour le reste, je suis d accord avec vous. Gaudin a ete elu et reelu car les electeurs voulaient du clientelisme et un homme d etat a quasiment aucune chance d etre elu a part circonstances exceptionelles. C est pourtant helas ce dont aurait besoin le pays (et pas qu en circonstance dramatique comme en 40 ou 58)

      Si on en revient a votre texte, vous dites que la politique est un metier. Alors nous aurons uniquement des Gaudin et jamais des De Gaulle car un homme d etat ne peu etre elu sauf si la France touche le fond. Et si on touche le fond, on est pas sur d avoir l homme d etat disponible non plus (imaginez par ex que De Gaulle soit tue durant la bataille de Montcornet en 40)

      Le fait d apporter du sang neuf par des gens qui ne font pas que de la politique permet d augmenter les chances d avoir des hommes d etat. Car meme si un homme politique a la carrure d un homme d etat, il sera soit marginalisé (car battu aux elections par un Gaudin) soit il deviendra lui meme un Gaudin afin d etre elu

      PS: j ai du mal a voir ou Gaudin a dynamiser Marseille. Comparez sur 25 ans l evolution de Marseille par rapport a Lyon ou d autres villes du Sud plus petites Toulouse, Montpellier …

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [ministre, president de l UMP, si on compare a une carriere professionnelle, il a une plus qu’une carriere de bon niveau.]

      Ministre ? Oui. Au gouvernement Juppé II de 1995, ce gouvernement formé après la défaite en rase campagne de la réforme des retraites. Un gouvernement tellement paralysé qu’il avait fallu à l’UMP racler les fonds de tiroir pour trouver des ministres. Et dans ce gouvernement Godin recevra le ministère de « l’Aménagement du territoire, de la Ville et de l’Intégration » au 14ème rang. Sous-ministre dans un gouvernement paralysé, ce n’est pas ce que j’appelle un grand poste…

      [Ca correspondrait a un ingénieur qui fini non pas directeur d une usine mais directeur pour un pays ou un groupe de pays. S il serait chez IBM, il aurait fini directeur d IBM france ou IBM europe]

      Plutôt d’IBM Argentine ou d’IBM Amérique du Sud. Marseille n’est pas la deuxième ville de France par son chiffre d’affaires, que je sache…

      [Si on en revient a votre texte, vous dites que la politique est un metier. Alors nous aurons uniquement des Gaudin et jamais des De Gaulle car un homme d etat ne peu etre elu sauf si la France touche le fond.]

      En situation normale, oui. C’est d’ailleurs une constante de notre histoire : à une crise majeure qui révèle une génération d’hommes d’Etat – car De Gaulle n’était pas seul, même s’il est le plus emblématique – succède en général une période plus ou moins longue pendant laquelle on revient à l’affairisme et aux petites combinaisons. Et cela jusqu’à la crise suivante. Il a fallu la crise révolutionnaire pour révéler Robespierre et Napoléon, la défaite de 1870 pour mettre en selle les fondateurs de la IIIème République…

      [Et si on touche le fond, on est pas sur d avoir l’homme d’Etat disponible non plus (imaginez par ex que De Gaulle soit tue durant la bataille de Montcornet en 40)]

      Taisez-vous, homme de peu de foi ! J’ai confiance dans la capacité de la France de produire des hommes d’Etat lorsque les circonstances l’exigent. Ces hommes existent aujourd’hui. On les trouve à l’Assemblée, on les trouve dans les administrations, on les trouve dans les entreprises, on les trouve dans les partis politiques. Seulement, ils sont trop caractériels, trop activistes, trop à contre-courant pour pouvoir accéder aux postes de direction, et sont donc inconnus. S’il y avait demain une crise grave, et que les affairistes et les opportunistes soient balayés – ou tout simplement refusent de prendre les responsabilités – j’ai confiance dans le fait que ces personnalités apparaîtraient en première ligne.

      [Le fait d apporter du sang neuf par des gens qui ne font pas que de la politique permet d augmenter les chances d avoir des hommes d’Etat.]

      Ca, je n’y crois pas un instant. Croire que des gens qui ne se sont jamais intéressé à la chose publique puissent devenir tout à coup des hommes d’Etat me paraît aussi illusoire que d’imaginer que quelqu’un qui ne s’est jamais intéressé à la médecine devienne tout à coup un grand chirurgien. Napoléon, De Gaulle ou Clemenceau – pour ne citer que trois exemples – ne sont pas sortis de nulle part. Napoléon avait milité au Club des Jacobins, De Gaulle avait publié des travaux et fréquenté des hommes politiques – au point d’être nommé secrétaire d’Etat en 1940 – et Clemenceau était un vieux journaliste et combattant parlementaire. On peut trouver des hommes d’Etat qui n’étaient pas des professionnels de la politique. Mais des hommes d’Etat qui « ne font pas de la politique », ça n’existe pas.

      [PS: j ai du mal a voir ou Gaudin a dynamiser Marseille. Comparez sur 25 ans l’évolution de Marseille par rapport a Lyon ou d autres villes du Sud plus petites Toulouse, Montpellier …]

      C’est injuste. Allez voire Marseille aujourd’hui : les quartiers du port ont été refaits, les anciens entrepôts transformés en logements pour bobos, ce qui fait fleurir les commerces. La Cannebière, qui était il y a vingt ans un coupe-gorge a été réhabilitée. Je ne sais pas si Godin a fait tout ça ou a laissé faire des adjoints plus actifs que lui – je penche pour cette dernière hypothèse – mais l’amélioration est incontestable, même si ça n’a aucun rapport avec le dynamisme de villes comme Lyon ou Toulouse.

  11. CVT dit :

    @Descartes,
    François de Rugy comme ministre remplaçant de Nicolas Hulot, qu’est-ce que cela vous inspire?
    Je garde en mémoire l’un de vos papiers les plus cinglants sur cet énergumène, et honnêtement cela prouve que Napoléon le Micron et l’impétrant font bien peu de cas de l’Assemblée Nationale, mais également de l’éthique…
    Sans compter que le favori à la succession de Rugy pour le “Perchoir” est Richard Ferrand, dont la probité est bien connue; quand bien même ce dernier est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, cela fait vraiment tache pour un président qui prétendait gouverner de façon morale!
    Et pour couronner le tout, le “Canard Enchaîné”, et Médiapart, dans une belle unanimité peu habituelle, ont livré un scoop sur la ministre des Sports sortante Laura Flessel, qui ferait l’objet d’une enquête fiscale sur des sociétés écrans qu’elle possèderait…
    Qui avait dit que la Restauration ou la IVè République étaient des époques de l’affairisme? En règle générale, dans l’histoire ne notre pays, cela a souvent précédé des périodes de guerre…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [François de Rugy comme ministre remplaçant de Nicolas Hulot, qu’est-ce que cela vous inspire?]

      Je vous mentirais si je vous disais que je suis surpris. Je pensais que De Rugy n’accepterait pas de quitter le perchoir – où il avait un bail jusqu’en 2022 – pour prendre un poste aussi aléatoire que ministre de l’écologie. Mais je me suis depuis souvenu que l’accord lors de son élection était que la présidence de l’Assemblée serait remise en jeu à mi-mandat. Dans cette optique, un poste ministériel devient déjà plus attractif.

      Vu côté Macron/Philippe, c’est le candidat idéal : il a un vernis écologiste, mais c’est surtout un opportuniste qui fera ce qu’on lui dira de faire là où on lui dira de le faire, du moins aussi longtemps qu’il y a trente deniers à gagner. Quelqu’un qui à choisir entre ca parole et son intérêt, choisira son intérêt – Hamon en sait quelque chose.

      [Sans compter que le favori à la succession de Rugy pour le “Perchoir” est Richard Ferrand, dont la probité est bien connue; quand bien même ce dernier est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, cela fait vraiment tache pour un président qui prétendait gouverner de façon morale!]

      Ce qui est effrayant, c’est la faible qualité des cadres de la macronie. En oubliant même la question de la probité, on ne peut pas dire que Ferrand vole intellectuellement très haut. Il est tout au plus un honnête – si l’on peut dire – porte-flingue.

      [Et pour couronner le tout, le “Canard Enchaîné”, et Médiapart, dans une belle unanimité peu habituelle, ont livré un scoop sur la ministre des Sports sortante Laura Flessel, qui ferait l’objet d’une enquête fiscale sur des sociétés écrans qu’elle possèderait…]

      Ah… l’argent qui corrompt…

      [Qui avait dit que la Restauration ou la IVè République étaient des époques de l’affairisme? En règle générale, dans l’histoire ne notre pays, cela a souvent précédé des périodes de guerre…]

      En tout cas, des périodes de grande crise.

  12. Alexandre dit :

    François de Rugy ministre de l’Environnement ! voilà une nomination qui ne m’enthousiasme pas du tout. Je le vois comme un politicien arriviste, plus gonflé d’ambition que de scrupules et prêt à renier ses engagements (Benoît Hamon en sait quelque chose) en fonction de ses intérêts.
    Mais je salue la performance : président de l’Assemblée puis ministre d’Etat en étant parti de la petite écurie EELV, c’est assez fort. A la place d’Edouard Philippe, je surveillerais mon fauteuil !
    Peut-être que de Rugy fera mieux que Hulot, qui sait ? Mais ce n’est pas avec une telle nomination qu’on accréditera l’idée d’une nouvelle ère. Si tant est que certains y croient encore … En tout cas, on peut dire que décidément l’ancien monde fait de la résistance !
    Quant au Ministère des Sports, je ne suis pas sûr que mettre une sportive à la place d’une sportive change quelque chose. Même si j’ai plutôt une bonne image de Roxana Maracineanu et pas seulement parce qu’elle a grandi (du moins après son exil) dans la même ville que moi : Mulhouse. Peut-être, vu son cursus, saura-t-elle davantage nager en eaux troubles ?

    • Descartes dit :

      @ Alexandre

      [François de Rugy ministre de l’Environnement ! voilà une nomination qui ne m’enthousiasme pas du tout. Je le vois comme un politicien arriviste,]

      Vous avez une excellente vue, à mon avis…

      [(…) plus gonflé d’ambition que de scrupules et prêt à renier ses engagements (Benoît Hamon en sait quelque chose) en fonction de ses intérêts.]

      Pour vous, c’est un défaut. Mais vue du côté du président de la République, c’est une qualité. Cela le rend à la fois obéissant et prévisible. Obéissant, parce qu’aussi longtemps que la soupe est bonne il fera ce qu’on lui dit de faire. Prévisible, parce qu’on sait d’avance de quel côté il se rangera : du côté du manche. Ce qui est particulièrement appréciable du point de vue de celui qui sert la soupe et qui tient le manche.

      [Peut-être que de Rugy fera mieux que Hulot, qui sait ?]

      Je pense qu’il a été nommé pour ne rien faire, et qu’il remplira parfaitement ce mandat. Il faut regarder avec attention la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévue pour la fin de l’année. Quand il n’était pas aux manettes, De Rugy exigeait qu’elle contienne un calendrier de sortie du nucléaire, avec désignation de la liste des réacteurs à fermer et le calendrier de fermeture. Je sens qu’on va beaucoup rigoler.

      [Quant au Ministère des Sports, je ne suis pas sûr que mettre une sportive à la place d’une sportive change quelque chose.]

      C’est la tradition, là encore, quand on a envie de ne rien faire.

    • Vincent dit :

      >> Quant au Ministère des Sports, je ne suis pas sûr que mettre une sportive à la place d’une
      >> sportive change quelque chose.
      > C’est la tradition, là encore, quand on a envie de ne rien faire.

      Je me permets de relancer sur quelque chose de complètement périphérique, mais je pense que ce type de choix n’est pas anodin, car il sous-tend quelque chose qui a un apect idéologique.

      Je m’explique :

      Historiquement, le ministère des sports était le ministère de la jeunesse et des sports, dont la vocation était de s’occuper de développer les aptitudes et compétences du plus grand nombre en matière physique et intellectuelle.

      Le fait qu’on nomme à ce type des postes des anciens sportifs professionnels dénote :
      – d’une part, la dérive de l’activité sport vers la propotion du sport de très haut niveau, et non vers la promotion du sport de masse,
      – le fait que le mérite n’est évalué que sur la capacité à avoir eu un résultat notable, dans une sorte de culte du “leader”, que la culture managériale du privé valorise tant. Un sportif de très haut niveau qui aurait eu la malchance, dans sa discipline, d’être de la même génération d’un champion inégalable d’une autre nationalité, peut avoir eu un énorme mérite, mais tout ce qu’il a fait ne sera pas valorisable car il n’est pas le premier de cordée.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Historiquement, le ministère des sports était le ministère de la jeunesse et des sports, dont la vocation était de s’occuper de développer les aptitudes et compétences du plus grand nombre en matière physique et intellectuelle.]

      On peut le voir comme ça. On peut le voir aussi au départ comme le bastion de ceux qui étaient des farouches adversaires de tout ce qui s’approche d’une discipline scolaire dans leur guerre contre l’Education nationale. Une tentative d’organisation du « temps de loisir » éducatif à l’opposé du « temps de travail » scolaire.

      Effectivement, la nomination de sportifs de haut niveau marque la perte d’influence des partisans de l’éducation populaire et le renforcement des milieux du sport-business. Car les sportifs de haut niveau sont de moins en moins des amateurs qui se livrent à une activité récréative et de plus en plus des professionnels dont le sport est le gagne-pain. Et du coup le ministère des sports est de plus en plus une administration qui règlement un marché, et de moins en moins une administration d’impulsion politique.

  13. Vincent dit :

    Sur F. de Rugy, ma première réaction a été un sourire d’incrédulité en repensant à l’article de ce blog à son propos…

    Ma 2nde réaction a été : mince, avec un écolo anti nucléaire de base, c’est pas gagné pour relancer la filière.

    Mais, sans doute ai-je été trop formaté par le plan en 3 parties, j’en suis arrivé à une synthèse : vu que ça ne le gène absolument pas de trahir ses “convictions”, ca ne devrait pas lui poser de problèmes d’être celui qui relancera le programme nucléaire après en avoir été un pourfendeur. Et, si c’est l’objectif de Philippe et Macron, ce serait même assez bien vu de leur part, puisque ses anciens camarades seront nécessairement un peu plus génés de lui tomber dessus à bras raccourcis que si ça avait été un profil moins marqué politiquement…

    Bref, si mon hypothèse est correcte, là encore, le reniement paie… Mais vu qu’il n’aura plus rien à monnayer après cela, il serait alors arrivé au faîte de sa carrière (Si c’est cela, contrairement à l’opinion d’ @Alexandre, Philippe n’a pas à surveiller son fauteuil 😉 )

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Mais, sans doute ai-je été trop formaté par le plan en 3 parties, j’en suis arrivé à une synthèse : vu que ça ne le gène absolument pas de trahir ses “convictions”, ca ne devrait pas lui poser de problèmes d’être celui qui relancera le programme nucléaire après en avoir été un pourfendeur. Et, si c’est l’objectif de Philippe et Macron, ce serait même assez bien vu de leur part, puisque ses anciens camarades seront nécessairement un peu plus génés de lui tomber dessus à bras raccourcis que si ça avait été un profil moins marqué politiquement…]

      Mon analyse n’est pas très différente de la vôtre. Avec Hulot on avait un homme de principes. Avec De Rugy, c’est comme la girouette : tout dépend de quel côté le vent souffle.

      [Bref, si mon hypothèse est correcte, là encore, le reniement paie…]

      Mais… il paye même très bien ! Le tout, c’est de savoir se renier au bon moment et de savoir choisir le bon cheval.

      [Mais vu qu’il n’aura plus rien à monnayer après cela, il serait alors arrivé au faîte de sa carrière (Si c’est cela, contrairement à l’opinion d’ @Alexandre, Philippe n’a pas à surveiller son fauteuil 😉 )]

      On ne sait jamais. La question n’est pas seulement de monter, mais d’éviter de descendre.

    • Vincent dit :

      Je pense qu’on avait raison, et je n’aurais pas cru que le message serait envoyé aussi rapidement 🙂
      https://actu.orange.fr/politique/rugy-il-faut-sortir-de-la-guerre-de-religion-sur-le-nucleaire-CNT0000016pXZT.html
      Extrait :
      “A la question “le nucléaire est-il encore une +énergie d’avenir+, comme le disait Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle?”, l’ancien candidat à la primaire de la gauche de 2017, qui prônait une sortie de l’atome d’ici à 2040, a répondu “spontanément, ma réponse est non. Mais il faut sortir de la guerre de religion”.”

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je pense qu’on avait raison, et je n’aurais pas cru que le message serait envoyé aussi rapidement :)]

      Eh oui… je vous l’avais bien dit. De Rugy, c’est « la voix de son maître ». Sauf que contrairement au chien de la publicité, il change souvent de maître… Remarquez, sur la question du nucléaire ce n’est pas forcément une mauvaise chose, puisque le maître a des idées nettement plus rationnelles.

  14. Jojo dit :

    Bonsoir Descartes,

    Pour ma part, je suis assez stupéfait par la rapidité de la déliquescence de la Macronie.
    Jusque début juillet, Macron semblait sortir sans trop de dégâts de ses décisions politiques, de son attitude ou de ses petites phrases assassines mais là en deux mois, quel festival !!!! De la rocambolesque affaire Benalla (qui je l’avoue m’a tenu en haleine et m’a méchamment fait rire) à la démission de Hulot, en passant par les ” gaulois réfractaires au changement “et la promotion de l’arriviste de Rugy, j’ai l’impression que le pauvre a sacrément perdu la main dans ses choix et sa communication. La coupure semble actée entre le ” peuple ” et nos représentants, tout au moins c’est ce que j’entends autour de moi, pourtant dans un milieu très favorable à Macron.
    J’en veux pour preuve aussi la promotion d’Agnès Saal qui a fait hurler dans les chaumières par ici.
    Comment peux-t-on être à ce point aveugle au dégoût que ce genre de pratique provoque chez les gens ? Si ce n’est lui, comment expliquer que ses conseillers laissent passer ce genre de promotion après l’attitude de cette dame ? Est-ce un esprit de caste ? Je ne suis pas du tout au fait des promotions dans la Haute-Fonction publique ni comment cela fonctionne mais cela relève-t-il du fonctionnement normal de nos institutions ? J’en doute.
    Bref lui qui avait tenu bon la barre de la Macronie malgré déjà des outrances pendant un peu plus d’un an vient en deux mois de la drosser à plusieurs reprises sur les récifs de la réalité et du vécu des français. La Macronie prend l’eau de toutes parts, très vite et on dirait que l’équipage le sait aussi. Cela ne cesse de me surprendre…
    Bien à vous et bonne continuation à votre blog, c’est toujours un plaisir de vous lire ainsi que les commentaires enrichissants.

    • Descartes dit :

      @ Jojo

      [Pour ma part, je suis assez stupéfait par la rapidité de la déliquescence de la Macronie.]

      Moi, pas vraiment. J’étais convaincu que la macronie était d’abord un village Potemkine. Une façade pimpante créé par des communicants pour cacher la misère derrière. Regardez le capital humain de la macronie : une moitié de seconds couteaux qui ont trahi leurs partis politiques d’origine pour aller à la soupe, et une seconde moitié d’individus de la « société civile » imbus d’eux-mêmes et persuadés qu’on peut faire de la politique comme on gère sa petite entreprise.

      Le macronisme est fils d’un réflexe très d’aujourd’hui, celui de la croyance naïve que le progrès passe par la simplification. Le monde serait plus beau si on n’avait plus qu’un régime unique de retraite, une seule caisse de sécurité sociale, et qu’on arrêtait d’accorder le participe et qu’on liquidait le passé simple. Seulement, la réalité ne se laisse pas simplifier aussi aisément : les institutions sont complexes parce qu’elles doivent coller à une réalité complexe – de la même manière que la langue doit être complexe pour pouvoir penser des choses complexes. Et la complexité nécessite concentration, attention, rigueur, discipline, et surtout beaucoup de temps. Toutes choses qui ne sont pas vraiment à la mode aujourd’hui. La politique est une course de fond, pas un cent mètres. Elle est impitoyable avec les gens qui, comme Hulot, pensent qu’il suffit d’agiter une baguette magique pour que le monde change. Et ils sont tous comme ça : ils croient qu’ils ont réformé la SNCF parce qu’ils ont voté une loi. Mais la loi, ce n’est que le début : ensuite, il faut faire sur le terrain. Et personne n’a l’air de le comprendre.

      [Jusque début juillet, Macron semblait sortir sans trop de dégâts de ses décisions politiques, de son attitude ou de ses petites phrases assassines mais là en deux mois, quel festival !!!! De la rocambolesque affaire Benalla (qui je l’avoue m’a tenu en haleine et m’a méchamment fait rire) à la démission de Hulot, en passant par les ” gaulois réfractaires au changement “et la promotion de l’arriviste de Rugy, j’ai l’impression que le pauvre a sacrément perdu la main dans ses choix et sa communication.]

      Beh oui. C’est comme dans le magicien d’Oz : une fois qu’on a levé un coin du rideau, tout vient avec. N’importe quel illusionniste vous le dira : le magicien n’a pas le droit à l’erreur, parce que l’illusion repose sur la continuité. Une fois qu’on a compris comment un seul tour fonctionne, tous les autres perdent leur pouvoir de suggestion.

      [J’en veux pour preuve aussi la promotion d’Agnès Saal qui a fait hurler dans les chaumières par ici.
      Comment peux-t-on être à ce point aveugle au dégoût que ce genre de pratique provoque chez les gens ? Si ce n’est lui, comment expliquer que ses conseillers laissent passer ce genre de promotion après l’attitude de cette dame ? Est-ce un esprit de caste ? Je ne suis pas du tout au fait des promotions dans la Haute-Fonction publique ni comment cela fonctionne mais cela relève-t-il du fonctionnement normal de nos institutions ? J’en doute.]

      La réponse est « oui et non ». Agnès Saal est un haut fonctionnaire, qui a commis une grande faute et a été sanctionnée. La faute est-elle suffisamment grave pour justifier sa radiation ? Ça se discute. Je ne connais pas intimement le dossier, mais à ce que j’ai lu la réponse est plutôt non. Le principe général qui veut qu’une fois la peine appliquée la personne a payé sa dette à la société s’applique donc. Il n’y a donc rien de scandaleux à ce que Saal soit nommée à des fonctions de son niveau. Et le moins qu’on puisse dire est que, pour une ancienne directrice générale d’un établissement public, le poste de « Haut fonctionnaire à l’égalité et à la diversité » ressemble plus à un placard qu’à une promotion.

      Après, on peut discuter le classement du poste. Est-il normal qu’un poste de « haut fonctionnaire à l’égalité et à la diversité » soit classé à l’échelon spécial ? Personnellement, je pense que ce genre de poste ne sert strictement à rien, que l’égalité entre les fonctionnaires et la diversité des recrutements est une responsabilité de n’importe quel directeur des ressources humaines, sans qu’il soit besoin de nommer un « haut fonctionnaire » pour s’occuper de ce genre de questions. Mais cela n’a aucun rapport avec l’identité du titulaire. Si on a décidé de classer cet emploi à tel ou tel échelon, il est normal que celui qui l’occupe y soit promu, quelque soient ses turpitudes passées.

      Je pense qu’on en fait trop de cette affaire Saal. S’il s’agissait d’une nomination à un emploi d’autorité (préfet, ambassadeur, directeur d’administration) la question se poserait. Mais s’agissant d’un emploi sans grande autorité, je ne vois pas le problème. Saal a commis une faute, et elle a été punie pour cela. Mais faut-il rayer à vie tous ceux qui commettent une faute à jamais de tout emploi public ?

      [Bien à vous et bonne continuation à votre blog, c’est toujours un plaisir de vous lire ainsi que les commentaires enrichissants.]

      Merci beaucoup !

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      [ Non, le sport est dans notre société une voie d’accès à l’argent et la notoriété, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que « l’excellence ». Et souvent un mirage qui permet d’écarter les jeunes des classes populaires de tout effort intellectuel en leur faisant miroiter une vie facile.]

      Ce n’est pas vraiment l’idée que je souhaitais développer. Il y a, certes des jeunes qui s’illusionnent sur des perspectives exceptionnelles. Cependant, nombre de jeunes sportifs de bon niveau, voire de très bon niveau amateur, sans chercher, car ils ont conscience de leurs capacités, à atteindre une notoriété internationale, accèdent par le réseau relationnel à des activités professionnelles que leur activité sportive a largement favorisé.
      C’est ce niveau que je souhaite voir privilégier par les pouvoirs publics. Quand des talents exceptionnels sont repérés par les grands financiers sportifs, ils ne manquent alors pas de moyens pour entretenir les écuries dans lesquelles ils sont intégrés.
      D’autre part, comme on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif, il est impossible de forcer aux études un jeune qui ne veut pas apprendre. Le sport est possiblement une voie de recours annexe qui lui permettra d’être reconnu. La reconnaissance est un besoin fondamental qui doit reposer sur une valeur réelle, quelle qu’elle soit.

    • morel dit :

      @ Jojo et Descartes

      En réalité, l’affaire Saal est un problème Hollande.

      Mme Saal a été nommée à la tête de l’INA en mai 2014, conformément à la procédure prévue pour un EPIC, en conseil de ministres par le président de la République sur proposition du ministre de tutelle. Il y aurait bien à dire sur la « gouvernance » de cette maison par cette dame qui a suscité une vocation de « corbeau » chez une personne bien renseignée qui a fait émerger l’affaire mais allons à l’essentiel à l’aide d’une experte :

      https://www.dalloz-actualite.fr/node/l-affaire-iagnes-saali-ou-quand-malgre-l-abus-de-taxis-carriere-du-haut-fonctionnaire-se-poursu#.W5WU2fZuJ9B

      Pour la précision: sauf faute du 1er groupe (les moins graves) une commission de discipline dans la fonction publique ne peut émettre qu’un AVIS, il revient à l’autorité de tutelle, ici, celle qui a procédé à la nomination de le suivre ou non.

      Autre remarque: généralement, la commission de discipline dans le cas d’une affaire à implications pénales, se tient après que cette dernière juridiction a statué ; une mesure provisoire et conservatoire de suspension de fonctions avec ou sans traitement, selon les faits peut être prononcé dans l’attente.
      Encore une fois, cette mesure de suspension ne peut qu’émaner de l’autorité ayant procédé au recrutement.

      La conclusion de l’article de notre experte que je vous laisse découvrir, est, quels que soient nos sentiments dans cette affaire, pertinente,

    • morel dit :

      @ Jojo et Descartes

      Une réticence cependant à ce que je viens de développer : la nomination de Mme Saal à l’échelon spécial du grade d’administratrice général, par gouvernement Philippe :

      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037308294&categorieLien=id

      J’avoue ignorer s’il s’agit d’une suite automatique de carrière ou un type de nomination plus discrétionnaire qui impliquerait alors l’autorité à l’origine de l’acte.
      Je ne connais pas les statuts de corps de la haute fonction publique et pour cause…

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Cependant, nombre de jeunes sportifs de bon niveau, voire de très bon niveau amateur, sans chercher, car ils ont conscience de leurs capacités, à atteindre une notoriété internationale, accèdent par le réseau relationnel à des activités professionnelles que leur activité sportive a largement favorisé.]

      Je ne saisis pas très bien votre propos. Pourriez-vous donner un ou deux exemples ?

      [D’autre part, comme on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif, il est impossible de forcer aux études un jeune qui ne veut pas apprendre. Le sport est possiblement une voie de recours annexe qui lui permettra d’être reconnu.]

      Là encore, je ne comprends pas très bien le raisonnement. Si celui qui fait de brillantes études est « reconnu », c’est parce que les qualités intellectuelles qu’il aura acquises seront utiles à la société. On part de l’hypothèse largement vérifiée que les services des ingénieurs, des chirurgiens, des astronomes, des philosophes rendent notre vie meilleure. Mais pourquoi faudrait-il « reconnaître » un jeune parce qu’il est capable de démolir un adversaire à coups de poings ou mettre une baballe dans les filets ?

      Sans vouloir vous offenser, je pense que vous tombez dans cette tendance qui nous vient d’outre atlantique et qui fait de la « reconnaissance » une espèce de droit ouvert à tout le monde. Et du coup, c’est comme à l’école des fans, il faut trouver une médaille pour chacun. S’il est nul pour les études, mauvais pour le sport, insupportable dans son comportement, on lui refilera la médaille de la plus belle dentition pour qu’il se sente « reconnu ». Comme ça, on ne portera pas atteinte à sa « confiance en soi ».

      Personnellement, je me place totalement en opposition à cette vision. La « reconnaissance » est un moyen d’encourager les gens à des comportements utiles à la société, de les décourager à des comportements nuisibles. Si faire du sport vous procure un plaisir, vous permet de vous insérer dans un groupe, tant mieux pour vous. Mais il n’y a rien à « reconnaître » là dedans.

      [La reconnaissance est un besoin fondamental qui doit reposer sur une valeur réelle, quelle qu’elle soit.]

      Mais quelle est la « valeur réelle » d’un boxeur ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [En réalité, l’affaire Saal est un problème Hollande.]

      Tout à fait. Comme l’explique très bien l’article que vous citez, le choix de la sanction infligée à Mme Saal incombait à la ministre de l’époque, Fleur Pèlerin. On peut discuter si la sanction (suspension de deux ans dont dix huit mois avec sursis sans salaire, la sanction la plus grave avant la révocation) infligée était proportionnée ou non. Personnellement, je trouve la sanction trop clémente. Plus le fonctionnaire est haut, et plus on doit exiger de lui une conduite sans tâche : la femme du César doit être irréprochable.

      Mais au-delà de cette discussion, la sanction a été infligée et purgée. Dès lors, il n’y a aucune raison pour que Mme Saal ne soit pas nommée par le ministre actuel sur un poste correspondant à son grade. Le fait qu’elle soit nommé dans une sorte de placard où elle n’a aucun pouvoir d’ordonner des dépenses me paraît finalement assez prudent.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [J’avoue ignorer s’il s’agit d’une suite automatique de carrière ou un type de nomination plus discrétionnaire qui impliquerait alors l’autorité à l’origine de l’acte.]

      Je peux vous répondre: la nomination à l’échelon spécial est bien une décision discrétionnaire. C’est le premier ministre qui décide ou non d’inscrire quelqu’un dans le tableau d’avancement, sous réserve qu’il en remplisse les conditions…

    • morel dit :

      « Je peux vous répondre: la nomination à l’échelon spécial est bien une décision discrétionnaire.»

      Merci pour cet éclairage.

      « le choix de la sanction infligée à Mme Saal incombait à la ministre de l’époque, Fleur Pèlerin. »

      Vous faites erreur à laquelle j’ai du contribuer en écrivant « autorité de tutelle » alors que, seule l’autorité qui a procédé à sa nomination, à savoir le président Hollande lui-même était habilité pour dicter suspension et sanction : décret présidentiel évoqué dans le texte « Dalloz » ; le Figaro du 5/01/16 précisant :

      « La procédure administrative durait depuis des mois. La sanction est enfin tombée. François Hollande, le président de la République, vient par décret d’exclure Agnès Saal de la fonction publique pour deux ans, dont six mois ferme, a révélé Le Point sur son site Internet. Une information confirmée par le ministère de la Culture.»

      In : http://www.lefigaro.fr/medias/2016/01/04/20004-20160104ARTFIG00222-agnes-saal-exclue-temporairement-de-la-fonction-publique.php

      Suite de l’article :

      « La polémique qui avait éclatée en avril dernier, après les révélations du Figaro , avait contraint Agnès Saal à la démission. Depuis, plusieurs commissions administratives paritaires interministérielles s’étaient réunies pour donner un avis consultatif dans la cadre d’une procédure disciplinaire. La décision de révoquer ou non Agnès Saal était du ressort du chef de l’État. Ce dernier a donc tranché en lui évitant la révocation pure et simple. Toutefois, ce décret présidentiel n’est pas du goût des soutiens d’Agnès Saal, qui ont d’ores et déjà choisi de déposer un recours gracieux et adresseront au président une lettre lui demandant de revenir sur sa décision. »

      Débutée en avril, la polémique enfle dans les médias et met une pression constante avec un président qui laisse filer… Pour finir par une demi-teinte qui évite le « tranché ».

      Comble de courage, je vous mets au défi de retrouver le décret au JO car il n’y a pas été publié mais seulement notifié à l’intéressée d’où l’étrange formulation dans le texte « Dalloz » :

      « Il semble cependant établi que la sanction prononcée ait été celle d’une exclusion temporaire de deux ans avec un sursis de dix-huit mois. ».

      Et avec ça les médias nous vendent encore Hollande, ses petites phrases, ses bons mots et son « retour ».

      Le problème avec une partie de la haute administration, c’est qu’on a voulu en faire des « managers new look ». Mme Saal à peine arrivée a renvoyé nombre de cadres pour y substituer son « staff » qui lui était dévoué à son poste précédent à Beaubourg, imposer ses méthodes particulières de patron start-up à lui tout seul, s’affranchir de tout contrôle ce qui ne lui a valu pas que des amis, le « corbeau » bien resnseigné à l’origine de l’affaire en témoigne,

      Mais c’est peut-être aussi pour cela que son profil a amené M,Philippe à signer sa promotion.
      Cette affaire en soi ne mérite sans doute pas une longue glose mais elle témoigne, à sa façon, d’une drôle d’impulsion mêlée à l’absence de contrôle, grave en matière de politique et de deniers publics.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Le problème avec une partie de la haute administration, c’est qu’on a voulu en faire des « managers new look ». Mme Saal à peine arrivée a renvoyé nombre de cadres pour y substituer son « staff » qui lui était dévoué à son poste précédent à Beaubourg, imposer ses méthodes particulières de patron start-up à lui tout seul, s’affranchir de tout contrôle ce qui ne lui a valu pas que des amis, le « corbeau » bien resnseigné à l’origine de l’affaire en témoigne.]

      Tout à fait. Et vous noterez aussi que lorsque le pot aux roses a été découvert, il y a eu une pétition pour défendre Mme Saal au prétexte qu’elle était « dévouée à la chose publique » et que « par son action elle avait fait économiser à l’administration bien plus que les dépenses de taxi qu’on lui reprochait ». Comme si le fait de faire gagner de l’argent à son patron justifiait qu’on en prenne un pourcentage à titre de commission…

      Vous avez raison de pointer un glissement qui est de plus en plus fréquent dans la haute fonction publique. Arrivés à la cinquantaine, pas mal de hauts fonctionnaires réalisent tout à coup que leurs petits camarades d’études qui sont allés au privé bénéficient de rémunérations, d’avantages, de « stock-options » et autres parachutes dorés alors qu’ils ont souvent des responsabilités bien moins lourdes sur les épaules. Ce décalage produit un sentiment d’injustice, et ouvre la voie aux réactions du type « on ne me reconnaît pas, j’ai donc le droit de me servir ». Alors tel fonctionnaire utilise sans compter le taxi, tel autre utilise la carte bleue de service pour inviter ses amis au resto, un troisième pique dans son ambassade un tableau qui lui plaît…

      La cause de ce glissement est double. D’une part, les différences de rémunération entre les hauts cadres du public et du privé ont explosés. Alors que les hauts fonctionnaires encourent de plus en plus des responsabilités personnelles considérables (demandez à un préfet s’il dort bien la nuit) l’écart de leur paye – et surtout leur retraite – avec ce qui se pratique à ce niveau dans le privé est devenu béant. Mais surtout, cet écart qui a toujours existé était naguère compensé par toutes sortes de récompenses symboliques : voiture avec chauffeur et cocarde, bureau dans les ors de la République, statut aux yeux de ses concitoyens. C’est de moins en moins le cas : la plupart des hauts fonctionnaires travaille aujourd’hui dans des bureaux banalisés, se déplace en métro et on n’arrête pas de cracher sur lui à la télé.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes

      Bonjour,

      [ Je ne saisis pas très bien votre propos. Pourriez-vous donner un ou deux exemples ?]

      Deux exemples qui me viennent à l’esprit car j’en suis témoins.
      Dans des équipes de rugby locales, en fédéral 2 ou 3 voire honneur, c’est à dire des clubs 4ème, 5ème ou 6ème division si le classement était ainsi, c’est à dire des amateurs sans espoir de devenir professionnels, l’esprit de la conquête, de la performance, de la victoire est tel que les dirigeants de ces équipes, souvent des notables locaux, font largement bénéficier des joueurs performants de leur aide, ou plus pour accéder à des emplois qui leur permette de s’entrainer avec plus de facilité qu’ailleurs. Ce pourra être qualifié de favoritisme, bien sûr. Mais entre le fils d’un membre du Lions Club qui obtient une place intéressante par l’intermédiaire des amis de son père et un sportif qui fera l’effort de s’entrainer durement pour accéder à un niveau de compétitivité qui fera qu’il sera convoité par telle ou telle équipe, je pense que l’équité va dans ce dernier sens. Je pourrais citer de nombreux cas dans l’une et l’autre des versions du favoritisme.
      Je connais plusieurs exemples similaires dans des clubs de golf pour accroitre les performances d’équipe de club.

      [Personnellement, je me place totalement en opposition à cette vision. La « reconnaissance » est un moyen d’encourager les gens à des comportements utiles à la société, de les décourager à des comportements nuisibles. Si faire du sport vous procure un plaisir, vous permet de vous insérer dans un groupe, tant mieux pour vous. Mais il n’y a rien à « reconnaître » là dedans.]

      Là, je vous l’assure, je suis sidéré, et à la fois troublé car la question de l’utilité du sport se pose dans son ensemble. D’un naturel enclin à idéaliser l’intellect, je n’en récuse pas pour autant l’importance primordiale du corps. Je fais mienne la citation de Juvénal « Un esprit sain dans un corps sain » car la dissociation de l’un et de l’autre ne me semble pas bénéfique à l’être humain. Un athlète qui pousse dans ses derniers retranchements – avec l’aide, souvent, d’un ensemble de techniques complexes – ses capacités physiques et psychiques est un exemple visible de tous de ce que peut produire un effort dans ce travail sportif qu’est l’entrainement.

      Notre monde n’est pas peuplé que de rats de bibliothèques dissertant sur le sexe de anges. Sont-ils d’ailleurs vraiment utiles ? Il existe moult individus que la nature n’a pas voulue qu’ils soient à même de débattre de philosophie, de politique, d’histoire ou d’art. Doit-on les cantonner définitivement aux oubliettes de la société ?.

      Je vais conclure ma « plaidoirie » par une évocation personnelle. J’ai 75 ans passé, je fais du golf en compétition depuis 4 ans, je continu de m’améliorer grâce à un travail qui me prend plus de temps, probablement, que vous n’en passez à votre activité professionnelle. Vous n’imaginez sans doute pas le bienfait que procure un sentiment de progrès à ces âges.
      Il est dingue le vieux, penserez vous.
      Eh bien, n’étant pas le seul dans ce cas, si je ne conservais pas ce challenge permanent sur moi même, je serais tout prêt pour m’abrutir devant les insanités télévisuelles ou autres occupations du temps dans l’attente de la mort. Tenter de s’approcher tant soit peu des champions est une raison de vivre.

      Si vous trouvez que ça n’est pas utile à la société, alors militez pour l’euthanasie radicale des vieux du quatrième âge.
      D’ailleurs, je me demande quelquefois si cela ne plane pas déjà dans l’esprit de certains.
      Le sport est une école, au même titre que la philosophie. Et puis, en province, dans les petites villes, à la campagne, il est plus aisé de fréquenter un stade qu’un salon de débats. Paris ne constitue pas l’archétype de notre nation.

      p.s. : à ceux qui penseront que le golf est un sport de « bourges » je leur demanderai de me dire ce que leur coute, pour certains, un paquet de cigarettes par jour. Mon activité de «nanti» me coute deux fois moins cher. Et elle ne pollue personne, ni, à ma connaissance ne provoque de cancer.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Deux exemples qui me viennent à l’esprit car j’en suis témoins.
      Dans des équipes de rugby locales, en fédéral 2 ou 3 voire honneur, c’est à dire des clubs 4ème, 5ème ou 6ème division si le classement était ainsi, c’est à dire des amateurs sans espoir de devenir professionnels, l’esprit de la conquête, de la performance, de la victoire est tel que les dirigeants de ces équipes, souvent des notables locaux, font largement bénéficier des joueurs performants de leur aide, ou plus pour accéder à des emplois qui leur permette de s’entrainer avec plus de facilité qu’ailleurs.]

      Vous me rappelez le président Sivardière, dans « coup de tête » : « je paye onze imbéciles pour tenir tranquilles 10.000 ». Ce genre de comportement n’est jamais désintéressé : les « notables » en question en tirent un avantage.

      [Ce pourra être qualifié de favoritisme, bien sûr.]

      Pourquoi « pourrait » ? Il est clair que si des gens sont recrutés non parce qu’ils sont compétents, mais parce qu’ils servent la gloire d’un notable local, c’est du favoritisme.

      [Mais entre le fils d’un membre du Lions Club qui obtient une place intéressante par l’intermédiaire des amis de son père et un sportif qui fera l’effort de s’entrainer durement pour accéder à un niveau de compétitivité qui fera qu’il sera convoité par telle ou telle équipe, je pense que l’équité va dans ce dernier sens.]

      Je ne vois pas pourquoi. Que le gosse de pauvre qui s’est crevé le cul à l’école pour devenir quelqu’un se fasse passer devant par un sportif ou par un fils à papa au prétexte qu’il a des « relations », c’est du pareil au même. Je ne vois pas où est l’équité là dedans.

      [Là, je vous l’assure, je suis sidéré, et à la fois troublé car la question de l’utilité du sport se pose dans son ensemble. D’un naturel enclin à idéaliser l’intellect, je n’en récuse pas pour autant l’importance primordiale du corps. Je fais mienne la citation de Juvénal « Un esprit sain dans un corps sain » car la dissociation de l’un et de l’autre ne me semble pas bénéfique à l’être humain.]

      Il ne vous a pas échappé que Juvénal vivait dans une société où la santé physique était une condition quasi indispensable pour être un bon citoyen, dans la mesure ou l’un des devoirs essentiels du citoyen était la défense armes à la main – et des armes nécessitant une force physique importante – de la cité. Mais les choses ont un peu changé depuis. Churchill – qui refusait catégoriquement tout exercice sportif – a été l’un des plus remarquables chefs de guerre du XXème siècle.

      [Un athlète qui pousse dans ses derniers retranchements – avec l’aide, souvent, d’un ensemble de techniques complexes – ses capacités physiques et psychiques est un exemple visible de tous de ce que peut produire un effort dans ce travail sportif qu’est l’entrainement.]

      Il paraît que la chimie aide aussi.

      [Notre monde n’est pas peuplé que de rats de bibliothèques dissertant sur le sexe de anges. Sont-ils d’ailleurs vraiment utiles ? Il existe moult individus que la nature n’a pas voulue qu’ils soient à même de débattre de philosophie, de politique, d’histoire ou d’art. Doit-on les cantonner définitivement aux oubliettes de la société ?]

      Pas nécessairement. Ce sont eux aussi qui construisent souvent les ponts, les avions, les voitures ou les satellites. Mais je ne pense pas que la société perdrait grande chose si tous les footballeurs, tous les boxeurs et tous les cyclistes professionnels disparaissaient brusquement.

      [Je vais conclure ma « plaidoirie » par une évocation personnelle. J’ai 75 ans passé, je fais du golf en compétition depuis 4 ans, je continu de m’améliorer grâce à un travail qui me prend plus de temps, probablement, que vous n’en passez à votre activité professionnelle. Vous n’imaginez sans doute pas le bienfait que procure un sentiment de progrès à ces âges.]

      Je n’en doute pas. Il n’y a pas de mal à se faire plaisir. Mais je ne vois pas très bien ce que ce plaisir apporte à la société en général, qui justifierait que celle-ci vous paye pour le prendre.

      [Si vous trouvez que ça n’est pas utile à la société, alors militez pour l’euthanasie radicale des vieux du quatrième âge.]

      Je ne vois pas pourquoi ? Une activité qui vous procure du plaisir est parfaitement honorable. Mais je ne vois pas pourquoi il faudrait que la société vous paye pour la faire.

      [Le sport est une école, au même titre que la philosophie.]

      Sauf que nous lisons encore les philosophes grecs, plus de deux mille ans plus tard. Alors que l’apport des plus grands sportifs grecs est totalement oublié. Il faut croire que les deux activités ne sont pas tout à fait équivalentes…

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,

      Bonjour Descartes, . . . . ma mauvaise conscience 🙂

      [Sauf que nous lisons encore les philosophes grecs, plus de deux mille ans plus tard. Alors que l’apport des plus grands sportifs grecs est totalement oublié. Il faut croire que les deux activités ne sont pas tout à fait équivalentes…]

      Je constate que le sport n’est pas votre tasse de thé et je vous trouve très injuste à son égard, et celui des anonymes dont je suis qui oeuvrent dans l’ombre pour l’organisation des compétitions locales sans envergure, ni visée de prestige.
      Nous partageons cependant en grande partie la réprobation des excès du sport professionnel.
      Vous pourrez tout au moins admettre que sans les athlètes de l’antiquité, nous aurions dans nos musées des statues de bedonnants, chauves et velus, et des corps décharnés sur nos tableaux.
      Allez, bonne journée, je pars au boulot ! :-)))

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Bonjour Descartes, . . . . ma mauvaise conscience :-)]

      Vous m’affligez d’une bien lourde responsabilité…

      [Je constate que le sport n’est pas votre tasse de thé (…)]

      Vous vous trompez. Je pratique un sport assidument – le Judo – depuis que j’ai 13 ans, et j’en tire un très grand plaisir. Qui plus est, j’ai été dirigeant de club et j’ai toujours soutenu les valeurs éducatives (respect de l’autre et de soi même, dépassement de soi, rapport entre le progrès individuel et celui du collectif) qu’on peut transmettre à travers de ce sport. Ce qui n’est pas « ma tasse de thé », c’est l’idée que ce qui est d’abord une activité « pour soi » devienne un métier, ou pire encore, un business. Pour transmettre ces valeurs, nous avions dans mon club une petite subvention municipale et le prêt de la salle. Pas besoin de « stars » grassement payées…

      [et je vous trouve très injuste à son égard, et celui des anonymes dont je suis qui oeuvrent dans l’ombre pour l’organisation des compétitions locales sans envergure, ni visée de prestige.]

      Au contraire, ce sont ces « anonymes » – dont je fais partie – que la politique des sports que j’appelle de mes vœux devrait revaloriser.

      [Nous partageons cependant en grande partie la réprobation des excès du sport professionnel.
      Vous pourrez tout au moins admettre que sans les athlètes de l’antiquité, nous aurions dans nos musées des statues de bedonnants, chauves et velus, et des corps décharnés sur nos tableaux.]

      Pas nécessairement. Les artistes représentent des corps idéalisés, et non des corps réels. Les athlètes de l’antiquité étaient peut être bien plus « bedonnants, chauves et velus » que vous ne le pensez…

  15. Marcailloux dit :

    @ Descartes,

    Bonjour,

    La démission de N. Hulot a plus ou moins occasionné –indirectement – celle de L. Flessel, puis son remplacement par R. Maracinéanu. À la clé une réduction sensible du budget, déjà squelettique du ministère des sports, qui semble être imposée.
    Nous avons là, selon ma sensibilité toute subjective, l’exemple d’un manque total de vision d’ensemble de ce que peut ou doit proposer un homme d’État digne de la France et des ambitions légitimes que ses citoyens peuvent exprimer.
    C’est ce que j’espérai, sans beaucoup d’illusion cependant, d’un jeune président en rupture avec le ronron des décennies précédentes.
    Je m’explique :
    Si l’on souhaite projeter son pays dans un bond de progrès économique, scientifique, technologique, social, le sport est une composante essentielle, susceptible de fédérer et de mobiliser une énergie nécessaire au sentiment national. En un mot, il est le support de l’idée d’excellence et d’effort à laquelle tout un chacun peut adhérer. Beaucoup de ceux qui, par la faiblesse de leurs études, la pauvreté de leurs relations, l’indigence de leur culture, n’ont que très peu de chance d’émerger socialement, peuvent, par la pratique assidue d’un sport, accéder à une bonne intégration dans la société.
    Le sport est souvent le Polytechnique du déshérité, l’accès low cost à l’excellence.
    Un peuple progresse réellement quand tous ses membres progressent.
    Alors pourquoi mégoter quelques millions sur ce domaine alors que des économies bien plus substantielles peuvent être réalisées dans bien des domaines.
    Décidément, nos gouvernants, de quelque obédience qu’ils soient, sont incapables de prendre conscience des ressorts d’un peuple. La tour d’ivoire du pouvoir les frappe de cécité.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [La démission de N. Hulot a plus ou moins occasionné –indirectement – celle de L. Flessel, puis son remplacement par R. Maracinéanu. À la clé une réduction sensible du budget, déjà squelettique du ministère des sports, qui semble être imposée.]

      Je pense que le terme « occasionné » est le bon : il ne faut pas voir un rapport de cause à effet, mais je pense que la démission de Hulot a créé « l’occasion » pour L. Flessel de démissionner sans que cela se voie trop. La véritable cause, semble-t-il, c’était le bruit des huissiers montant l’escalier pour réclamer quelques petits arriérés d’impôts…

      [Nous avons là, selon ma sensibilité toute subjective, l’exemple d’un manque total de vision d’ensemble de ce que peut ou doit proposer un homme d’État digne de la France et des ambitions légitimes que ses citoyens peuvent exprimer.]

      Je nuancerai le propos. Macron a certainement une « vision d’ensemble » : une France qui serait une « start-up nation », avec des patrons – pardons, des « premiers de cordée » – qui s’enrichiraient et feraient profiter le reste de la société de leurs richesses et des travailleurs flexibles, mobiles, et contents de l’être ; une Europe politique dans laquelle l’Allemagne, rassurée par la rigueur des politiques budgétaires de son partenaire, accepterait de co-gouverner avec la France et d’aller vers une construction fédérale…

      Le problème, c’est que cette « vision d’ensemble » est totalement déconnectée de la réalité. C’est en cela que Macron reste un politicien, et non un homme d’Etat. Parce qu’un homme d’Etat part du réel, et ne perd pas son temps à rêver ou à poursuivre des objectifs inatteignables. Lorsque De Gaulle dit à ses ministres « messieurs, l’Algérie de papa est morte, et si nous ne le comprenons pas nous mourrons avec elle » il se comporte en homme d’Etat : sa « vision » d’une Algérie arrimée à la France se révèle incompatible avec le réel, il faut donc y renoncer. Macron, au contraire, s’entête à faire des propositions européennes dont personne – Allemagne incluse – ne veut et ne voudra jamais, tout simplement parce que cela va contre leurs intérêts.

      [C’est ce que j’espérai, sans beaucoup d’illusion cependant, d’un jeune président en rupture avec le ronron des décennies précédentes.]

      Je l’avais compris, mais je n’ai jamais partagé votre optimisme. D’abord, parce que je ne vois pas de quel « ronron » vous voulez parler. Ces dernières décennies, on a privatisé à tout va, on a introduit toutes sortes de changements – pour le pire à mon avis – dans l’éducation nationale, on est passé à l’Euro, on a transféré toutes sortes de compétences à l’UE qui en retour a imposé toutes sortes de directives de libéralisation… c’est ça que vous appelez « le ronron » ?

      Mais je pense que vous parlez plutôt de la passivité institutionnelle. On pouvait imaginer que Macron rompe avec la tendance hollandienne de pratiquer la politique du chien crevé au fil de l’eau. Personnellement je n’y ai jamais cru. Tout simplement parce que la base électorale de Macron, qui n’est pas si différente de celle de Hollande, adore cette politique. Et qu’il faut être d’une autre carrure que celle de Macron pour faire ce qui est nécessaire contre son propre électorat. J’ai toujours pensé que Macron serait prisonnier de son électorat, peut-être plus que ses prédécesseurs tout simplement parce qu’il n’a pas un parti structuré qui puisse servir de médiateur entre lui et les citoyens.

      [Si l’on souhaite projeter son pays dans un bond de progrès économique, scientifique, technologique, social, le sport est une composante essentielle, susceptible de fédérer et de mobiliser une énergie nécessaire au sentiment national. En un mot, il est le support de l’idée d’excellence et d’effort à laquelle tout un chacun peut adhérer. Beaucoup de ceux qui, par la faiblesse de leurs études, la pauvreté de leurs relations, l’indigence de leur culture, n’ont que très peu de chance d’émerger socialement, peuvent, par la pratique assidue d’un sport, accéder à une bonne intégration dans la société.]

      Je n’idéalise pas autant le sport que vous. Oui, le sport peut véhiculer des valeurs positives d’effort, de discipline, de solidarité. Il peut aussi véhiculer des valeurs négatives, l’idée que seul le résultat compte, le chauvinisme de clocher, la soumission au groupe. En ce sens, le sport n’est ni meilleur ni pire que n’importe quelle autre activité compétitive. Quant à l’idée du sport en tant que substitut aux études, aux relations sociales, à l’indigence culturelle pour accéder à la bonne intégration de certaines classes ou groupes sociaux, je trouve l’idée profondément dérangeante. Je me refuse à cette idée que « la culture est pour les riches, le sport pour les pauvres ».

      [Le sport est souvent le Polytechnique du déshérité, l’accès low cost à l’excellence.]

      Quelle « excellence » ? Non, le sport est dans notre société une voie d’accès à l’argent et la notoriété, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que « l’excellence ». Et souvent un mirage qui permet d’écarter les jeunes des classes populaires de tout effort intellectuel en leur faisant miroiter une vie facile. Si l’on retient votre raisonnement, alors la réduction du budget des sports n’est pas une si mauvaise chose…

      [Alors pourquoi mégoter quelques millions sur ce domaine alors que des économies bien plus substantielles peuvent être réalisées dans bien des domaines.]

      Comme par exemple ? Ce qui m’inquiète, ce n’est pas tant le montant des coupes que leur répartition. Car s’il s’agit de couper dans le financement du sport professionnel ou du sport de haut niveau, cela ne me dérange pas vraiment. Mais je crains au contraire qu’on coupe dans le financement du sport amateur et des infrastructures de proximité.

  16. bip dit :

    Macron face à un lycéen blanc : https://www.youtube.com/watch?v=0oMQYaGB1dg

    Macron face à un sans-papier Algérien : https://twitter.com/franckallisio/status/1038517024203390976

    1er cas : il fait la leçon d’un ton méprisant à un ado qui a voulu faire le malin devant ses copains.
    2ème cas : il adopte un ton tout gentillet et sort une banalité à quelqu’un qui lui dit violer les lois de la République, le tutoie et se fout complètement de qu’il lui raconte.

    Un symbole des politiques menées actuellement en France ou un simple hasard ?

    Le hasard aussi si les saillies méprisantes (« illettrées », « alcooliques », etc.) de Macron visent toujours les mêmes ? La diversité c’est bien, sauf quand il s’agit de se foutre de la gueule des gens ?

    ps : quand Macron parle péjorativement des Gaulois et leur assimilent certains Français, ignore-t-il que ce terme est utilisé de manière insultante par une frange de la population issue de l’immigration arabo-africaine pour désigner les autochtones en pensant ainsi les assimiler à des bouseux arriérés ?
    Ou cherche-t-il sciemment à faire plaisir, sous forme de petit clin d’œil, à ceux qui emploient ce terme comme une insulte ?

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Macron face à un lycéen blanc : (…) ; Macron face à un sans-papier Algérien : (…) ; 1er cas : il fait la leçon d’un ton méprisant à un ado qui a voulu faire le malin devant ses copains.
      2ème cas : il adopte un ton tout gentillet et sort une banalité à quelqu’un qui lui dit violer les lois de la République, le tutoie et se fout complètement de qu’il lui raconte.]

      Il y a des jours ou mon chien me fait la fête quand je rentre, et des jours où il reste assis sur le canapé. Que dois-je en déduire, docteur ?

      Je pense que vous sur-interprétez les actions de Macron. C’est d’ailleurs l’une des malédictions de notre société d’hyper communication : un homme public ne peut se gratter le nez sans que le geste soit diffusé sur les réseaux sociaux et que des milliers voire des millions de personnes cherchent à donner une significaiton à la chose, sans se demander s’il y en a une à trouver.

      Quand l’homme politique travaillait 99% de son temps dans le secret de son cabinet et 1% sous les yeux des caméras, on pouvait penser qu’il cherchait à donner à ce 1% un sens. Mais lorsqu’il passe 99% du temps à être filmé, il semble absurde de chercher du sens partout. Peut-être que la différence de traitement entre les deux cas que vous citez tient à une véritable option politique, mais plus probablement elle tient à un état de fatigue, à une humeur différente.

      [Un symbole des politiques menées actuellement en France ou un simple hasard ?]

      Probablement un simple hasard. Et aussi la différence dans les situations : l’état d’esprit n’est pas le même dans une cérémonie officielle, ou l’on attend un certain décorum, et un bain de foule où le but est d’être gentil avec tout le monde.

      [Le hasard aussi si les saillies méprisantes (« illettrées », « alcooliques », etc.) de Macron visent toujours les mêmes ? La diversité c’est bien, sauf quand il s’agit de se foutre de la gueule des gens ?]

      Là, par contre, la constance dans le comportement est telle qu’il faut bien voir l’expression d’une conviction profonde. On le sait, Macron n’aime pas les gens. Il n’aime pas le peuple qu’il est censé gouverner. Il a une vision paternaliste de la politique, celle d’un groupe social persuadé d’être éclairé, qui sait ce qui est bon pour le peuple et qui fera son bonheur au besoin contre lui. Quand Juncker dit qu’il ne peut avoir de décision démocratique contre les institutions européennes, quand « Le Monde » applaudit l’article d’un transfuge de la Maison Blanche qui défend l’idée que dans un pays démocratique les fonctionnaires doivent empêcher les élus du peuple de gouverner, on retrouve ce même raisonnement.

      Les libéraux « à l’ancienne mode » pensaient que l’éducation du souverain était inséparable de la démocratie. Les néo-libéraux sont en difficulté parce qu’ayant préféré la propagande à l’éducation comme instrument politique, ils se retrouvent avec des électeurs prêts à élire un Trump. Il ne leur reste qu’à théoriser une sorte de démocratie limitée, ou la volonté du peuple serait bridée par ceux qui savent ce qui est bon pour lui.

      [ps : quand Macron parle péjorativement des Gaulois et leur assimilent certains Français, ignore-t-il que ce terme est utilisé de manière insultante par une frange de la population issue de l’immigration arabo-africaine pour désigner les autochtones en pensant ainsi les assimiler à des bouseux arriérés ?]

      Oui, je pense qu’il l’ignore. Il ne faut pas croire que les présidents de la République sont omniscients.

    • bip dit :

      [quand « Le Monde » applaudit l’article d’un transfuge de la Maison Blanche qui défend l’idée que dans un pays démocratique les fonctionnaires doivent empêcher les élus du peuple de gouverner, on retrouve ce même raisonnement.]

      J’adore. Ce sont les mêmes qui nous disent un jour que la situation est dramatique car « on n’est plus en démocratie, c’est l’ « état profond » qui décide de tout » et qui, un autre jour, nous servent exactement le même argument pour dire à quel point ils trouvent ça génial car l’« état profond » préserve la démocratie de ces hordes de populistes…

      Si en plus on y ajoute l’anonymat… J’ai pas lu cet article mais qu’est-ce qui fait qu’on considère que ce qui y est dit n’est pas largement inventé ? J’imagine que vous seriez capable de faire le même genre d’article adapté à la France ?
      Vous croyez que le Monde et le NYT publieraient un texte qui montrerait une connaissance des rouages de l’Élysée au milieu duquel serait glissé « Macron ce cocaïnomane qui lorsqu’il ne couche pas avec Benalla devant Brigitte, le fait avec une troupe de travelos se disant musiciens » ? La presse avait bien relayé l’histoire des prostituées russes qui auraient uriné sur Trump sur la base de… rien.
      Et après ça ils donnent des leçons sur les « fake news », sur le populisme ou sur n’importe quelle autre invention qui leur permet de cracher sur ceux qui ne les suivent pas dans leurs délires funestes. Et dire qu’ils font ça en partie avec nos impôts. Je les hais…

      ps : sinon j’ai vu un extrait (pas eu le courage de m’infliger en entier cette « production du service public ») du dernier Élise Lucet qui nous explique qu’après les centrales nucléaires prêtes à exploser à tout moment, ce sont maintenant les barrages qui vont céder d’une minute à l’autre. Vous avez jeté un œil ? C’est déjà l’effet de Rugy ? On est d’accord que nos merveilleuses « consciences écologiques qui vont sauver la planète » sont juste entrain de s’attaquer à l’énergie électrique la plus « propre » (et aussi la moins chère des « renouvelables », et même de très très loin si on tient compte que les infrastructures sont déjà là) de toutes : l’hydroélectricité ?

    • Descartes dit :

      @ bip

      [J’adore. Ce sont les mêmes qui nous disent un jour que la situation est dramatique car « on n’est plus en démocratie, c’est l’ « état profond » qui décide de tout » et qui, un autre jour, nous servent exactement le même argument pour dire à quel point ils trouvent ça génial car l’« état profond » préserve la démocratie de ces hordes de populistes…]

      Un des éléments les plus notables je pense dans le fonctionnement de nos élites intellectuelles est le fait qu’elles se sont affranchies de toute obligation de cohérence. On invoque les grands principes lorsque cela vous arrange, et on les viole allègrement lorsqu’on a intérêt à le faire. Vous me direz qu’il y a toujours eu une grosse différence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. Mais avant, cette différence était honteuse. On se drapait des droits de l’homme en public et on soutenait en sous-main Pinochet ou Marcos. Mais on le faisait honteusement, au nom du réalisme. Aujourd’hui, on érige tout et son contraire en principe. On condamnera l’annexion par la Russie de la Crimée au nom de l’intangibilité des frontières, et on applaudira la scission du Kossovo par la force, pourtant une atteinte explicite à ce même principe, au nom de la liberté des peuples de choisir leur destin.

      On est sous le règne du raisonnement ad-hoc. On crachera sur la Russie accusée d’avoir cherché à influencer le résultat des élections américaines, et on applaudira l’Union européenne lorsque celle-ci cherche à influencer les élections en Ukraine en aidant les partis pro-européens. On dénoncera les hauts-fonctionnaires de Bercy qui empêchent les élus du peuple de mettre en œuvre leur programme, mais on loue le courage des fonctionnaires américains qui empêchent Trump de faire de même. En fait, on a intégré le principe faussement attribué à Lénine selon lequel « la fin justifie les moyens »…

      [J’ai pas lu cet article mais qu’est-ce qui fait qu’on considère que ce qui y est dit n’est pas largement inventé ? J’imagine que vous seriez capable de faire le même genre d’article adapté à la France ?]

      L’ayant lu, je ne pense pas que ce soit « inventé ». Le texte ne cite guère d’ailleurs des faits précis et se contente de dresser le tableau d’un président ignorant, bête, impulsif – ce qu’on veut bien croire – que ses collaborateurs cherchent à modérer. Finalement, rien que de très classique : ceux qui ont travaillé dans les cabinets de Ségolène Royal ou de Rachida Dati, pour ne donner que deux exemples, savent de quoi je veux parler. D’ailleurs, c’est le boulot classique d’un haut fonctionnaire : expliquer à des politiques qui savent que le pouvoir c’est « capacité de traduire sa volonté en actes » mais qui ignorent tout de la mécanique qui permet de passer de l’un à l’autre. Bien de bêtises ont été évitées parce qu’un haut fonctionnaire a dit « oui, monsieur le ministre » en réponse à une commande exprimée en un moment d’enthousiasme ou de colère, puis s’est abstenu prudemment de l’exécuter.

      Il est faux de dire que la haute fonction publique bloque les initiatives du politique. Mais il est vrai de dire qu’elle expose au politique les difficultés associées à ses projets, et réinterroge le politique périodiquement sur le mode « vous voulez VRAIMENT faire ça ? ». Si le ministre veut VRAIMENT le faire, alors en général cela se fait. Mais croyez-moi, cette ré-interrogation est généralement très utile. Parce que souvent les ministres découvrent qu’une fois le moment d’enthousiasme ou de colère passé, ils ne veulent pas VRAIMENT faire ça. Et dans le cas de Trump, qui est capable de pousser le bouton nucléaire dans un moment de furie, ce filtre est probablement indispensable. Mais franchement, il n’y a pas de quoi faire un plat ou de publier un article dans le NYT.

      [Vous croyez que le Monde et le NYT publieraient un texte qui montrerait une connaissance des rouages de l’Élysée au milieu duquel serait glissé « Macron ce cocaïnomane qui lorsqu’il ne couche pas avec Benalla devant Brigitte, le fait avec une troupe de travelos se disant musiciens » ? La presse avait bien relayé l’histoire des prostituées russes qui auraient uriné sur Trump sur la base de… rien.]

      Difficile de comparer. Nous n’avons pas en France – merci Descartes – le même rapport à la vérité que celui du monde anglo-saxon. Nous n’avons pas non plus la même idée de ce qui relève du public et du privé. La vie affective ou sexuelle de nos hommes politiques est restée – même si l’on a donné depuis quelque temps quelques coups de canif au contrat – largement protégée. Malgré la pression de la culture anglo-saxonne, nous ne croyons toujours pas en France que la vertu privée ait un quelconque rapport avec la vertu publique. Ce que Macron fait avec Benalla ou avec Brigitte (ou avec les deux) derrière les portes closes de son appartement de fonction n’est pas notre problème. Et cette séparation empêche « Le Monde » de publier un article comme celui que vous évoquez.

      Quant au rapport à la vérité, on peut dire que les « fake news » ne datent pas d’aujourd’hui. Pensez à toutes les bêtises qui ont été dites pendant le McCarthysme. Pensez à un secrétaire d’Etat américain brandissant devant le Conseil de sécurité de l’ONU des « preuves » qu’il savait fabriquées. Pensez aux bêtises sans nom qu’on a dit lors des campagnes de ratification des traités européens. Les « fake news » sont en effet d’optique. Elles sont toujours chez ses adversaires, jamais chez soi. Là encore, la fin justifie les moyens.

      [ps : sinon j’ai vu un extrait (pas eu le courage de m’infliger en entier cette « production du service public ») du dernier Élise Lucet qui nous explique qu’après les centrales nucléaires prêtes à exploser à tout moment, ce sont maintenant les barrages qui vont céder d’une minute à l’autre.]

      Les gens adorent se faire peur. C’est comme ça qu’on vend du papier. Elise Lucet a très bien compris comment fonctionne le marketing des « lanceurs d’alertes ». Ce qui lui a permis, elle dont la formation scientifique s’est arrêtée au bac, de donner l’illusion à un public qui n’y connaît rien mais qui a envie de croire qu’on nous cache tout qu’elle sait de quoi elle parle.

      Cela étant dit, il faut rester vigilant sur l’entretien des ouvrages, surtout dans une logique où les concessions hydroélectriques seront raccourcies et privatisées (après plus de dix ans d’obstruction par les gouvernements successifs, la Commission européenne a mis en demeure la France de le faire, alors ça ne saurait tarder).

      [On est d’accord que nos merveilleuses « consciences écologiques qui vont sauver la planète » sont juste en train de s’attaquer à l’énergie électrique la plus « propre » (et aussi la moins chère des « renouvelables », et même de très très loin si on tient compte que les infrastructures sont déjà là) de toutes : l’hydroélectricité ?]

      Ce n’est pas nouveau. S’il fallait construire aujourd’hui les ouvrages qu’on a réalisé dans les années 1950-70, on n’y arriverait pas. Entre ceux qui s’inquiètent de la « continuité écologique » (le fait que les espèces ont du mal à remonter le cours de la rivière), ceux qui redoutent les modifications de l’écosystème et des paysages, ceux qui clament que c’est dangereux…

  17. luc dit :

    @Descartes
    [Et je continue à le nier. Le « populisme » repose sur la négation du rôle des élites, en investissant le « peuple » d’une sorte de sagesse immanente. Mélenchon, avec son “place au peuple” et sa vision du “99% contre le 1%” est un “populiste”. ]
    Nom de .Descartes!
    Et le doute cartésien,où le trouve t on,dans votre assetrion?
    Pour moi est ‘populiste’,celui qui à l’instar de Macron,croit que la populace existe?
    Pour moi est populiste celui qui considère que nos gouvernants,appartiennent à l’élite alors qu’il démantellent,l’industrie,y compris énergétique,les infrastructures médicales,sociales etc.
    Ne pensez vous pas que la notion d’élite doit être discutée,et le rôle du peuple ,de la base,revalorisée,au vue de ses ressources inépuisables et des évènements de destructions de l’état social français,inexorable menées par des soi disantes ‘élites’ ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Et le doute cartésien, où le trouve t on, dans votre assertion?]

      On ne trouve jamais le doute cartésien dans une assertion. Le doute cartésien se manifeste dans la manière dont une assertion est reçue par celui qui l’entend.

      [Pour moi est ‘populiste’, celui qui à l’instar de Macron, croit que la populace existe?]

      Dans ces conditions, vous ne pouvez pas – sauf à pouvoir lire dans la pensée des gens – déterminer qui est populiste et qui ne l’est pas. Si pour vous, le « populisme » dépend non pas de ce que les gens soutiennent mais de ce que les gens croient, alors cela devient une catégorie purement subjective.

      Par ailleurs, pensez-vous que tous ceux qui « croient que la populace existe » et en ont horreur puissent être qualifiés de « populistes » ?

      [Pour moi est populiste celui qui considère que nos gouvernants appartiennent à l’élite alors qu’il démantèlent, l’industrie, y compris énergétique, les infrastructures médicales, sociales etc.]

      Là, le rapport avec le populisme m’échappe totalement. La question de savoir si nos gouvernants forment une élite ou pas n’a aucun rapport avec leurs actions. On peut être très cultivé, très savant, avoir les meilleurs formations et les meilleurs outils intellectuels et détruire l’industrie et les hôpitaux tout simplement parce que c’est votre intérêts. Vous semblez faire de l’élite (étymologiquement « ceux qui sont sélectionnés ») une catégorie morale. Mais cela n’a rien à voir : les dirigeants de la mafia forment une élite, eux aussi…

      [Ne pensez vous pas que la notion d’élite doit être discutée, et le rôle du peuple, de la base, revalorisée au vue de ses ressources inépuisables et des évènements de destructions de l’état social français, inexorable menées par des soi disant ‘élites’ ?]

      Non. Je pense que la notion d’élite mérite d’être discuté, tout comme ses rapports avec le « peuple » (qu’il faudrait définir, pour commencer), mais certainement pas pour les raisons que vous signalez. D’abord, si vous reprochez aux élites la « destruction de l’état social français », vous devriez aussi rappeler que ce sont les élites qui l’ont bâti. Cela relativise tout de suite le propos.

  18. Paul I dit :

    Retour sur une séance de communication

    Rubrique : il s’en passe des choses à Marseille !

    Rencontre entre la gauche du PS (Maurel, Lienemann,ha ha, manque plus que Filoche, les grands discours sans les conditions de leur mise en acte…) avec au menu une table ronde sur la souveraineté populaire : Euh…où elle est, la table ronde ? Cela ressemble plutôt à un meeting classique, réunissant des personnes faisant le constat que l’Union Européenne est l’ennemi de la souveraineté.. mais qu’il ne faut pas en sortir !

    A relier avec la séquence de la veille, que beaucoup traitent avec ironie: cette rencontre entre Mélenchon et Macron sur le Vieux Port, où ils s’entendent pour dire que l’ennemi commun, c’est Le Pen. Diable utile( mais bien inutile dans les faits ) pour caricaturer les partisans d’une réappropriation de la souveraineté par la sortie de l’Europe et de l’Euro. Une telle convergence n’a rien d’étonnant: les uns comme les autres soutiennent de facto les intérêts des catégories sociales qui bénéficient de ces institutions.

    Cette nouvelle alliance est centrée sur le tour de passe-passe du plan A/B. Ou de la remise en cause des traités (lesquels, tout est bien flou…), mais surtout on ne remet pas en cause l’institution européenne elle-même.

    Cette convergence objective entre Macron et Mélenchon est du même ordre que celle entre Tsipras et Varouflakis. On sait où elle a mené.

    Mélenchon a rassuré Macron le long de ce week-end: il n’y aura pas de risque à “l’italienne”. Pas de dépassement du clivage gauche droite. Ceux qui le veulent sont de dangereux populistes nationalistes à la solde de Le Pen. Ça promet pour les élections européennes, les lignes de communication sont bien définies.

    • Descartes dit :

      @ Paul I

      [Rubrique : il s’en passe des choses à Marseille !]

      De plus en plus. Depuis que le Petit Timonier a été élu à Marseille, le centre de gravité de la France Insoumise s’est déplacé vers la Cannebière. Il est vrai que si Paris vaut bien une messe, la mairie de Marseille en vaut bien plusieurs…

      [Rencontre entre la gauche du PS (Maurel, Lienemann,ha ha, manque plus que Filoche, les grands discours sans les conditions de leur mise en acte…)]

      Quel dommage que Julien Dray n’ait pas pu venir. Mélenchon, Lienemann, Dray, ca ferait reconstitution de ligue (oh pardon, le mot m’a échappé) dissoute. Ca leur rappellera le temps béni de leur jeunesse, quand ils faisaient campagne coude à coude pour la ratification du traité de Maastricht, sous le regard attendri de leur idole François Mitterrand.

      Je me demande quand même ce que Maurel vient faire dans cette galère. Il est vrai qu’une place éligible aux européennes c’est l’assurance d’une place bien payée pendant cinq ans (ah, le charme de la proportionnelle). Mais peut-être espère-t-il juste faire monter les enchères au PS ? Je suis sûr que Olivier Faure sera ravi de lui proposer une place éligible sur la liste du PS pour le retenir. Encore faut-il qu’il soit convaincu que Maurel a vraiment l’intention de partir s’il n’obtenait pas satisfaction. En tout cas, à la place de Maurel je ferai mes calculs. Aussi longtemps qu’il est à prendre, il aura droit à la danse de la séduction et aux belles promesses. Mais une fois qu’il aura sauté le pas et quitté le PS, il n’aura plus rien à vendre et sera soumis à la règle commune de tous les ralliés à LFI : on fait ce que dit le gourou, ou on se fait jeter. L’exemple pathétique de ce pauvre Liêm Hoang Ngoc devrait faire réfléchir tous ceux qui songent à traverser le Rubicon…

      [avec au menu une table ronde sur la souveraineté populaire : Euh…où elle est, la table ronde ? Cela ressemble plutôt à un meeting classique, réunissant des personnes faisant le constat que l’Union Européenne est l’ennemi de la souveraineté… mais qu’il ne faut pas en sortir !]

      J’ai regardé la vidéo de la « table ronde » sur ce sujet lors des “Amfis”, et je l’ai trouvée passionnante – au sens qu’elle permet de mieux comprendre ce que les dirigeants de LFI ont dans la tête. On voit bien qu’ils ont un problème avec l’idée de nation, et qu’au lieu de le traiter ils préfèrent le contourner en attribuant la souveraineté à une entité mal définie, le « peuple ». Le problème, est qu’on ne sait jamais trop de quel « peuple » il s’agit. Est-ce le « peuple français » ? Non, puisque d’une part cela suppose de définir qui sont les membres de ce « peuple » et donc de traiter la question nationale, et d’autre part cela implique d’abandonner le droit de vote des immigrés, puisque n’étant pas « français » ils ne peuvent participer à l’exercice de la souveraineté.

      L’ambiguïté dans la définition et dans la délimitation du « peuple » n’est pas une insuffisance qu’on cherche à résoudre, mais une volonté délibérée. Car en donnant au mot « peuple » des sens à chaque fois différent, on masque les contradictions inhérentes à chacun de ces sens. Ainsi, il y a un « peuple français » mais à l’occasion aussi un « peuple européen » (ce qui du point de vue de la « souveraineté populaire » pose un problème, puisqu’il ne peut y avoir par essence deux « souverains » sur un même espace). Et puis le « peuple » peut aussi avoir une définition sociale en opposition aux « élites », ce fameux « 1% ». Tout dépend de l’opportunité.

      [A relier avec la séquence de la veille, que beaucoup traitent avec ironie: cette rencontre entre Mélenchon et Macron sur le Vieux Port, où ils s’entendent pour dire que l’ennemi commun, c’est Le Pen. Diable utile (mais bien inutile dans les faits ) pour caricaturer les partisans d’une réappropriation de la souveraineté par la sortie de l’Europe et de l’Euro. Une telle convergence n’a rien d’étonnant: les uns comme les autres soutiennent de facto les intérêts des catégories sociales qui bénéficient de ces institutions.]

      Tout à fait. Il ne faut jamais oublier que Mélenchon, quelque soient ses racines trotskystes, reste un mitterrandien d’adoption. Ce n’est pas le fond des politiques qui l’intéresse, c’est la tactique. La conquête de positions de pouvoir plutôt que son exercice. En cela il n’est pas très différent de Macron, ce génie du blitzkrieg politique qui, une fois la timbale décrochée, ne sait pas trop quoi faire avec. Quant à l’Europe, si leur vision de l’Europe idéale est très différente, ils sont d’accord sur l’essentiel : elle doit être supranationale. Le reste…

      [Cette nouvelle alliance est centrée sur le tour de passe-passe du plan A/B. Ou de la remise en cause des traités (lesquels, tout est bien flou…), mais surtout on ne remet pas en cause l’institution européenne elle-même.]

      Oui. C’est de la poudre aux yeux pour occulter le véritable débat, qui est celui de la supranationalité. Veut-on une Europe des nations, c’est-à-dire, un ensemble d’institutions qui sont en fait des lieux de débat, de négociation, de compromis qui doivent être acceptables pour tous ? Ou veut-on plutôt une Europe supranationale, c’est-à-dire un ensemble d’institutions qui prennent des décisions qui s’imposent ensuite aux nations même lorsqu’elles ne les ont pas acceptées ? Ce choix est un choix fondamental, que la dialectique du « plan A/plan B » évite soigneusement d’aborder, puisque quelque soit le plan choisi le but est le même, cette « autre Europe » tout à fait supranationale.

      [Cette convergence objective entre Macron et Mélenchon est du même ordre que celle entre Tsipras et Varouflakis. On sait où elle a mené.]

      Sur ce point, je ne suis pas d’accord. Tsipras – envers qui je suis moins sévère que vous – représente pour moi le réalisme. Il a bien compris qu’il n’y avait pas dans l’électorat une majorité pour sortir de l’Euro. A partir de là, il a cherché à trouver la moins mauvaise politique – la plus proche de ses engagements initiaux – compatible avec le maintien dans l’Euro, et je mets quiconque au défi de me démontrer qu’il aurait pu faire mieux dans ce cadre contraint. Qu’auriez-vous fait à sa place ?

      Varoufakis, lui, a refusé cette contrainte et préféré le magistère de la parole plutôt que l’exercice réel du pouvoir. C’est tout à fait respectable, mais pas plus que l’attitude inverse.

      [Mélenchon a rassuré Macron le long de ce week-end: il n’y aura pas de risque à “l’italienne”. Pas de dépassement du clivage gauche droite. Ceux qui le veulent sont de dangereux populistes nationalistes à la solde de Le Pen. Ça promet pour les élections européennes, les lignes de communication sont bien définies.]

      Vous aviez des doutes ? Croyez-moi, on ne fait pas de révolution à 67 ans. Pas plus qu’on ne trahit quarante années de trajectoire politique. Mélenchon n’est pas et ne sera jamais un souverainiste.

  19. Allez j’ose: votre réaction à l’affaire Audin?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Allez j’ose: votre réaction à l’affaire Audin?]

      De quelle « affaire » parlez-vous ? De sa disparition et son assassinat en 1957, ou de sa résurrection médiatique grâce à Macron en 2018 ? 😉

      Sur la disparition et l’assassinat, il n’y a pas beaucoup à dire qui n’ait déjà été dit. Ce que fut la disparition de personnes, la torture, les exécutions sommaires pratiquées par l’armée française en Algérie a été abondamment décrit et je n’y reviens pas. Des militaires français ont commis là, avec l’appui actif de leurs supérieurs mais aussi l’autorité politique, ce qui est indéniablement un crime de guerre. Ces militaires n’ont jamais été sanctionnés et n’ont eu nullement à souffrir des conséquences sur leur carrière. Certains ont des rues à leur nom. Et ils n’ont pas eu à répondre de leurs crimes devant aucun tribunal, si ce n’est celui de l’opinion.

      Et pire qu’un crime, une faute : l’indépendance de l’Algérie était inévitable, et la faute principale incombe au politique, qui ne l’a pas compris ou – pire – qui n’a pas eu le courage de l’imposer face aux intérêts des colons.

      Maurice Audin n’est pas le seul à avoir « disparu », à avoir été torturé, à avoir été assassiné par l’armée française. Mais il en est devenu le symbole, d’une part parce que son cas a été porté sur la place publique par un écrivain de talent, Henri Alleg, et par le PCF. Et d’autre part, parce que l’armée française et le gouvernement se sont sentis obligés de maquiller son assassinat en tentative de fuite, avec la conséquente occultation du corps. Occultation qui, soixante ans après les faits, n’est toujours pas levée et ne le sera probablement jamais, puisque les assassins de Maurice Audin sont partis dans la tombe avec leur secret.

      Vous me direz qu’il y eut des crimes des deux côtés. Et c’est vrai. Seulement, la brutalité d’un braqueur ne justifie pas la brutalité policière. L’Etat est tenu par le principe de légalité, et il se détruit lui-même en y portant atteinte. En accordant à l’Etat le droit de faire disparaître des citoyens, de les torturer, de les assassiner au prétexte que des criminels en face font de même, on s’engage sur une pente dangereuse. La torture et l’assassinat d’opposants a peut-être permis à l’armée de gagner la « bataille d’Alger ». Mais le prix politique payé par l’utilisation de ces méthodes a rendu cette victoire pyrrhique, et a eu un poids non négligeable dans la fin de la IVème République et la décision de De Gaulle de sortir du « bourbier algérien » à tout prix.

      Maintenant, sur la « reconnaissance » de Macron. C’est toujours un progrès quand un pays accepte de regarder en face les faits. Accepter que la guerre d’Algérie fut une guerre civile, dans laquelle les deux camps ont eu recours à des méthodes qui incluaient la torture, la séquestration de personnes, l’assassinat, le terrorisme me paraît indispensable s’il s’agit d’écrire une histoire de cette période. Mais je ne suis pas persuadé que ce soit le rôle de l’Etat de « reconnaître » telle ou telle réalité. Le rôle de l’Etat est d’ouvrir les archives et de laisser les historiens travailler. Rien de plus. Il n’a pas à établir des « vérités officielles ». Si Maurice Audin a été assassiné par des militaires français, c’est aux historiens de l’établir, pas au président de la République qui, au fond, n’en sait personnellement rien.

      Je me méfie d’ailleurs des actes de repentance, surtout ceux accomplis par les héritiers des auteurs des faits. Cela ne leur coute finalement pas grande chose. Si Macron « reconnaît » aujourd’hui l’assassinat de Maurice Audin, c’est moins je pense pour servir la justice que pour faire un geste à destination du gouvernement algérien, dans la droite ligne de son entretien au cours duquel il avait parlé de « crime contre l’humanité ». Et il suffit de regarder les réactions de l’autre côté de la Méditerrannée pour constater que cela marche.

      Je me demande par contre quel sera l’effet de la déclaration présidentielle en France. En particulier, on sait que les tortionnaires d’Audin ont poursuivi de brillantes carrières. Philippe Erulin a aujourd’hui des rues et même je crois une promotion de Saint-Cyr à son nom. Doit-on les débaptiser ? Comment faire coexister la reconnaissance de l’assassinat et les honneurs rendus à l’assassin ?

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Mais je ne suis pas persuadé que ce soit le rôle de l’Etat de « reconnaître » telle ou telle réalité. Le rôle de l’Etat est d’ouvrir les archives et de laisser les historiens travailler. Rien de plus. Il n’a pas à établir des « vérités officielles ».]

      Et encore moins à s’excuser pour la mort d’un traître qui venait en aide à des gens qui massacraient des Français, femmes et enfants compris. Et pas que…

      Qu’on reconnaisse l’avoir tué et que c’était mal, très bien. Mais on lui a donné ce qu’il méritait. Et c’est très bien aussi.

      [Si Macron « reconnaît » aujourd’hui l’assassinat de Maurice Audin, c’est moins je pense pour servir la justice que pour faire un geste à destination du gouvernement algérien, dans la droite ligne de son entretien au cours duquel il avait parlé de « crime contre l’humanité ». Et il suffit de regarder les réactions de l’autre côté de la Méditerrannée pour constater que cela marche.]

      Ce comportement est à rapprocher de celui qui a vu, dans l’entre-deux guerres, certains plaindre les Allemands et la « dureté » du traité de Versailles. On sait comment ça a fini.

    • @ Descartes,

      Je parlais plutôt de la “résurrection médiatique” de Maurice Audin (dont j’ai pour ma part découvert l’existence à cette occasion). Je vous remercie de votre réponse détaillée, dont je ne partage pas néanmoins tous les éléments.

      Vous parlez de “crime de guerre”. Pouvez-vous citer une guerre où aucun crime n’ait été commis? On pourrait même soutenir après tout que la guerre elle-même est un crime… Sur l’Algérie précisément, vous soulignez que le prix politique à payer a été énorme compte tenu de l’usage de la torture. Pardon, mais, si vous aviez été dirigeant politique ou militaire français, qu’auriez-vous fait? Nous sommes là en plein tragique: ne pas torturer et, peut-être, ne pas pouvoir arrêter les attentats du FLN ou torturer et, peut-être, empêcher ces attentats. “Les Centurions”, excellent film avec Quinn et Delon, inspiré du bouquin de Lartéguy montre bien le dilemme. Delon refuse la torture et les interrogatoires “musclés”… Jusqu’au moment où il y est contraint pour obtenir des informations susceptibles de donner un avantage décisif à l’armée française (il s’agit de faire parler Claudia Cardinale qui joue une jeune Algérienne pour laquelle Delon a développé des sentiments par ailleurs). Ces “crimes de guerre” que vous dénoncez, je les tiens pour nécessaires quand la situation l’exige.

      Quant à l’indépendance de l’Algérie, oui, sans doute était-elle inévitable. Je pense qu’il faut chercher l’explication de l’obstination française dans l’histoire militaire de la France en ce milieu du XX° siècle: humiliée en 1940 par la Wehrmacht, battue en 1954 en Indochine, contrainte de se retirer l’oreille basse à Suez en 1956, l’armée française pouvait-elle se permettre d’être vaincue en Algérie? La France pouvait-elle se satisfaire d’une image de nation toujours défaite? Non, bien sûr que non, car la grandeur en ce temps-là était encore liée à la puissance militaire. Le pragmatisme exigeait peut-être d’abandonner l’Algérie, mais l’honneur l’interdisait. Et l’honneur de la France est indissociable de sa grandeur.

      Pour le reste, je ne formulerais qu’un seul reproche à la famille Audin: qu’est-ce que ces gens-là font ici? Si j’en crois Wikipédia, Maurice Audin était membre du parti communiste algérien, et c’est un héros de l’autre côté de la Méditerranée, il y a une place à son nom. Pourquoi diable être venus vivre dans le pays des assassins de leur mari et père qui avait donné sa vie pour la cause indépendantiste? On ne peut pas être un héros des deux côtés de la Méditerranée… La famille Audin doit aller vivre en Algérie. C’est leur place. Ils ne sont pas français.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Je parlais plutôt de la “résurrection médiatique” de Maurice Audin (dont j’ai pour ma part découvert l’existence à cette occasion).]

      Je suis très surpris de votre parenthèse. J’aurais pensé que le nom de Maurice Audin était connu de toute personne s’intéressant à l’histoire contemporaine. Il est vrai que venant d’une culture communiste, le nom de Maurice Audin m’est familier depuis l’enfance, et qu’on a tendance à croire que ce qui est évident pour vous l’est pour tout le monde.

      [Vous parlez de “crime de guerre”. Pouvez-vous citer une guerre où aucun crime n’ait été commis?]

      Probablement pas. Et alors ? Quand je dis que l’armée française a commis des crimes de guerre, je ne fais pas un jugement moral, je constate un fait. J’ajoute que si les crimes de guerre sont communs à tous les guerres, la guerre d’Algérie a cela de particulier que les crimes en question ont été couverts et même encouragés par l’autorité politique. La récupération de la mémoire politique passe aussi par le rappel de ce fait. Je suspecte d’ailleurs que c’est cela qui explique le silence de Jean-Luc Mélenchon sur cette affaire. Contrairement, il se souvient peut-être du nom du ministre de la justice de l’époque…

      [On pourrait même soutenir après tout que la guerre elle-même est un crime…]

      Je ne connais aucun pays qui l’ait mise hors la loi. Ce n’est donc pas un « crime ». Par contre, les pays se sont accordés – et cela depuis l’antiquité – sur ce qu’on appelle « les lois de la guerre », dont le but est d’empêcher que les combats fassent des victimes inutiles. S’y sont essayés des juristes et législateurs aussi prestigieux que Hammurabi ou Grotius…

      [Sur l’Algérie précisément, vous soulignez que le prix politique à payer a été énorme compte tenu de l’usage de la torture. Pardon, mais, si vous aviez été dirigeant politique ou militaire français, qu’auriez-vous fait?]

      Vous savez que cette question ne peut recevoir de réponse satisfaisante. Peut-être aurais-je été clairvoyant et compris que la guerre ne pouvait être gagnée, et j’aurais fait ce qu’a fait De Gaulle en 1958 sans passer par a case torture. Ou bien j’aurais peut-être pensé que « l’Algérie c’était la France », et que l’unité de la nation devait être défendue par tous les moyens. Comment savoir ? Quand je suis né, les faits étaient déjà faits. Comment imaginer ce qu’auraient été mes convictions si j’avais été éduqué dans le monde d’avant ?

      [Nous sommes là en plein tragique: ne pas torturer et, peut-être, ne pas pouvoir arrêter les attentats du FLN ou torturer et, peut-être, empêcher ces attentats. “Les Centurions”, excellent film avec Quinn et Delon, inspiré du bouquin de Lartéguy montre bien le dilemme.]

      C’est certainement une situation tragique. Et c’est pourquoi je ne juge pas les participants. Tout au plus je pourrais reprocher à l’armée française de ne pas avoir sanctionné ceux qui ont torturé. C’est là le sens du tragique : à la fin, tout le monde doit souffrir. Le militant communiste a été martyrisé. Il serait juste que son tortionnaire soit puni, même si l’on admet qu’il a peut-être fait ce qui était nécessaire.

      [Ces “crimes de guerre” que vous dénoncez, je les tiens pour nécessaires quand la situation l’exige.]

      Cela n’exclue pas que celui qui le commet soit dénoncé et puni. C’est le propre du tragique.

      [Quant à l’indépendance de l’Algérie, oui, sans doute était-elle inévitable. Je pense qu’il faut chercher l’explication de l’obstination française dans l’histoire militaire de la France en ce milieu du XX° siècle:]

      Je pense que vous êtes bien naïf. Ce sont surtout les intérêts des colons, dont les plus gros avaient des relais politiques de poids à Paris, qui ont alimenté le jusqu’auboutisme du politique et celui des militaires. Ajoutez à cela le solide anticommunisme des militaires et le poids de la « théorie des dominos » popularisée par les américains… dans cette affaire, « l’honneur de la France » a bon dos.

      [Pour le reste, je ne formulerais qu’un seul reproche à la famille Audin: qu’est-ce que ces gens-là font ici? Si j’en crois Wikipédia, Maurice Audin était membre du parti communiste algérien, et c’est un héros de l’autre côté de la Méditerranée, il y a une place à son nom.]

      J’ignore les circonstances dans lesquelles la femme et les enfants de Maurice Audin sont rentrés en France métropolitaine. Mais au fond, cela n’a pas beaucoup d’importance. On peut estimer qu’il est juste que tel ou tel territoire accède à l’indépendance, et militer à cet effet, sans nécessairement avoir envie d’y vivre. Ou d’en devenir le citoyen. On peut aussi se demander si Maurice Audin, s’il avait vécu, n’aurait partagé le sort d’Henri Alleg, lui aussi militant du PCA considéré « persona non grata » dans l’Algérie indépendante.

      [Pourquoi diable être venus vivre dans le pays des assassins de leur mari et père qui avait donné sa vie pour la cause indépendantiste?]

      Parce que dans ce même pays il y eut des gens pour défendre et pour honorer les sacrifice de Maurice Audin. Il ne faut pas simplifier les choses. Ceux qui ont milité pour l’indépendance de l’Algérie n’avaient pas forcément comme projet ce que l’Algérie est devenue aujourd’hui.

      [On ne peut pas être un héros des deux côtés de la Méditerranée…]

      Maurice Audin n’est pas un « héros », tout au plus un martyr.

      [La famille Audin doit aller vivre en Algérie. C’est leur place. Ils ne sont pas français.]

      Cela rappelle un peu trop « les cocos a Moscou »… Non. Les Audin sont français – Maurice Audin n’était pas né en Algérie, mais en Tunisie, d’ailleurs.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Et encore moins à s’excuser pour la mort d’un traître qui venait en aide à des gens qui massacraient des Français, femmes et enfants compris. Et pas que…]

      Dans une guerre civile – et la guerre d’Algérie en était une – il n’y a pas de « traitres » puisqu’un tel conflit oppose des français à des français. Les français qui défendaient la colonisation n’étaient pas plus légitimes que ceux qui défendaient l’indépendance. Les uns fondaient leur légitimité sur les institutions, les autres sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. On peut charger Audin de complicité avec les crimes du FLN, mais certainement pas de « traître ».

      Je crains que vous ne tombiez dans la tentation de réduire ce qui fut une guerre civile – avec toute la complexité qui accompagne ce genre de situations – à un conflit manichéen entre « fidèles » et « traîtres ». Ce n’est pas à mon avis le cas. Chaque camp pouvait valablement se réclamer d’une légitimité. C’est bien cela qui rend la situation tragique : c’est que, comme disait Jean Renoir, « ce qui est terrible sur cette terre est que tout le monde a ses raisons ».

      [Qu’on reconnaisse l’avoir tué et que c’était mal, très bien. Mais on lui a donné ce qu’il méritait. Et c’est très bien aussi.]

      Je crois me souvenir que dans un Etat de droit, il appartient aux juges de décider ce que chacun « mérite ». Et non à un quarteront de militaires qui se prennent pour Dieu.

    • @ Descartes,

      “J’aurais pensé que le nom de Maurice Audin était connu de toute personne s’intéressant à l’histoire contemporaine.”
      Désolé de vous décevoir, mais je n’avais jamais entendu parlé de Maurice Audin, et Henri Alleg est pour moi un parfait inconnu. La vérité est que j’ai peu étudié et assez peu enseigné la décolonisation. Et très franchement, ce n’est pas la période de l’histoire de France que je préfère…

      “la guerre d’Algérie a cela de particulier que les crimes en question ont été couverts et même encouragés par l’autorité politique.”
      Ce sont les fellagas qui ont fixé les règles du jeu. Je ne leur jette pas la pierre: les grandes causes méritent qu’on se salisse les mains. Mais la France s’est adaptée.

      “S’y sont essayés des juristes et législateurs aussi prestigieux que Hammurabi ou Grotius…”
      Le Code d’Hammurabi parle des lois de la guerre? Pouvez-vous m’indiquer le passage en question?

      “Cela n’exclue pas que celui qui le commet soit dénoncé et puni”
      Pendant que de l’autre côté de la Méditerranée, les ex-terroristes font de belles carrières, en uniforme et couverts de médailles? Allons… Ne demandez pas à la France de faire ce qu’aucun autre pays n’accepte de faire. Est-ce que l’Allemagne se dépêche de juger les anciens seconds couteaux du nazisme quand elle les trouve? Combien d’officiers et de soldats soviétiques ont été jugés pour les viols commis à Berlin en 1945? Pourquoi le Japon n’a pas retiré le nom des criminels de guerre d’un de ses grands monuments patriotiques?

      “Je pense que vous êtes bien naïf.”
      C’est possible, mais je pense qu’il y a des éléments de la mentalité française qui vous échappe d’une part, et d’autre part vous êtes parfois victime de votre matérialisme historique qui vire au strict déterminisme. Au-delà des intérêts des uns et des autres (que je ne nie pas, entendons-nous bien), la question de la stature militaire, géopolitique, diplomatique d’un pays pèse également. Et l’état d’esprit des chefs militaires et politiques compte aussi. On l’a vu en 40…

      “Ce sont surtout les intérêts des colons, dont les plus gros avaient des relais politiques de poids à Paris, qui ont alimenté le jusqu’auboutisme du politique et celui des militaires”
      Ben faudrait savoir. Dans une réponse à un autre commentateur, vous expliquiez que la France a abandonné les colonies parce que les élites économiques et politiques ne voyaient plus l’intérêt de conserver l’empire, coûteux et peu productif. Maintenant, vous expliquez qu’une partie importante de la classe politique était de mèche avec les gros colons. N’est-ce pas contradictoire?

      “Ceux qui ont milité pour l’indépendance de l’Algérie n’avaient pas forcément comme projet ce que l’Algérie est devenue aujourd’hui.”
      Mais le résultat relève quand même de leur responsabilité. De la même façon que ceux qui rêvaient d’une “autre Europe” sont pour partie responsable de celle que nous avons… La voie de l’enfer est souvent pavée de bonnes intentions, vous le savez bien.

      “Maurice Audin n’est pas un « héros », tout au plus un martyr”
      Il y a des martyrs chez les communistes? Moi qui croyais qu’un communiste de stricte obédience était athée… Rassurez-moi: il n’y a pas d’hérétiques et de sainte inquisition, tout de même 😉

      “Cela rappelle un peu trop « les cocos a Moscou »…”
      Ne mélangeons pas tout. Maurice Audin a soutenu, en connaissance de cause, un mouvement qui tuait des soldats français, mais aussi des civils, des colons ainsi que des Algériens partisans de la présence française (il y en avait!). Cet homme travaillait sciemment à la défaite des armées de la France. Vous déniez à cet homme le qualificatif de “traître” que lui attribue bip. Je veux bien, mais qu’a- t-il fait de moins condamnable qu’un Brasillach ou qu’un Henriot? Ou bien le fait d’être communiste vaut-il absolution de tous les péchés?

      La torture en Algérie, et la guerre d’Algérie de manière générale, n’est pas une page glorieuse de l’histoire de France. Ce fut une “sale guerre” comme on dit. Mais les soldats français qui y ont pris part n’étaient pas des mercenaires à la solde d’une puissance étrangère. Cette guerre était menée au nom de la République française et avec l’approbation du gouvernement légitime du pays. Notre armée a opéré avec l’accord du pouvoir civil. C’est pourquoi nos soldats tombés en Algérie ont leurs noms sur les monuments aux morts. Audin lui, mérite d’être honoré en Algérie, certainement pas en France. Quant à sa famille, maintenant qu’elle a eu confirmation de son assassinat, elle doit partir.

    • Carnot dit :

      @ Descartes et N-E

      Je suis d’accord avec vous sur le fait que, dans une guerre civile, il est difficile de voir les choses de façon trop manichéenne. A titre personnel, ceux qui se sont fourvoyés jusqu’à soutenir des terroristes assassinant des innocents m’écoeurent mais, comme Français patriote, je ressens également dans ma chair le déshonneur qu’a constitué le comportement de l’armée, avec la complicité des autorités gouvernementales. J’aurais voulu que la guerre d’Algérie, même si la cause était perdue d’avance, ait pu être menée la tête haute par nos soldats. Soixante ans après, au vu du bilan calamiteux du FLN, la victoire morale aurait alors été du côté de la France.

      Cependant, je crois que N-E marque un point lorsqu’il souligne le rôle de l’idée de l’honneur dans toute cette affaire. Certes, les colons, toujours aussi odieux pour beaucoup d’entre eux, ont pesé lourd, mais je ne crois pas que ce fussent eux qui firent de l’Algérie la grande cause dans laquelle l’armée se jeta à corps perdu. Romain Gary a dans Time magazine il me semble, écrit un très beau texte – mais sans complaisance – sur ces soldats perdus, au moment du putsch de 61. Il y explique que ces hommes, élevés dans le culte de l’Empire, qui avaient connu la défaite en 1940, qui s’étaient senti abandonnés par les politiques en Indochine dans une guerre que l’opinion préféraient oublier, s’étaient jurés que cette fois ils ne seraient pas vaincu et que la France triompherait. Pour ces hommes, dont je n’excuse en rien les actes, surtout quand ils ont cru devoir comme le FLN se retourner contre l’Etat, l’exemple de de Gaulle refusant l’inacceptable le 18 juin 40 a dû peser lourd, les conduisant à se croire dépositaires d’une légitimité supérieure. Cette faute irréparable qui fut la leur, proprement tragique, n’est pas réductible à mon sens aux gros intérêts matériels des riches colons prêts à tout pour protéger leur capital.

      Par ailleurs, si Maurice Audin est mort avant la fin de la guerre, je pense que comme le fait N-E on peut s’interroger sur le silence de ceux des soutiens de l’indépendance qui, dans les décennies qui ont suivie et alors que l’Algérie indépendante s’enfonçait dans le désastre économique et l’obscurantisme, n’ont jamais eu la bonne fois de revenir publiquement sur le bien-fondé d’un engagement dont les fruits, quelle qu’ait été la pureté de leurs intentions originelles, avait été singulièrement empoisonnés.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [A titre personnel, ceux qui se sont fourvoyés jusqu’à soutenir des terroristes assassinant des innocents m’écœurent mais, comme Français patriote, je ressens également dans ma chair le déshonneur qu’a constitué le comportement de l’armée, avec la complicité des autorités gouvernementales.]

      Pour ce qui concerne le soutien au terrorisme, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Je ne connais pas situation ou l’usage du terrorisme – c’est-à-dire le meurtre de « cibles » choisies au hasard – ait contribué à une issue progressiste. Ce n’est certainement pas le cas en Algérie ou les « rivières de sang » qu’ont fait couler terrorisme et contre-terrorisme ont creusé un fossé infranchissable qui a empêché toute coopération après la guerre entre les Algériens d’origine européenne et les autochtones. Mais comme je l’ai dit, j’établis encore une hiérarchie entre le terrorisme simple et le terrorisme d’Etat. Parce que la constitution de l’Etat est fondé sur le monopole de la violence légitime, chaque fois que l’Etat exerce une violence illégitime il se détruit un peu lui-même.

      [[Soixante ans après, au vu du bilan calamiteux du FLN, la victoire morale aurait alors été du côté de la France.]

      Je ne crois pas qu’on puisse poser la question en ces termes. Il est clair que l’Algérie indépendante n’est pas le pays que les gens comme Audin, Alleg mais aussi pas mal d’intellectuels progressistes français ont rêvé. Mais ce n’est pas la faute des algériens si les intellectuels français ont des rêves impossibles. Le FLN n’était pas un rassemblement d’hommes désintéressés dont le but aurait été de faire triompher le bien, la liberté et la justice en Algérie. Le conflit algérien est, comme tous les conflits, un affrontement d’intérêts. Et les intérêts qui étaient derrière le FLN n’étaient pas de nature à pousser vers une modernisation technique ou politique du pays, au contraire. C’est pourquoi parler de « bilan calamiteux » est trompeur. Le FLN a réalisé le programme sur lequel il s’était engagé. Il a chassé les Français du pouvoir, de l’économie, de l’université, et donné les leviers de commande aux algériens « de souche ». Le reste est la conséquence fatale de ce choix.

      C’est là la grande faille de l’idéologie tiers-mondiste – qui réproduit sur le plan international l’erreur que commet le populisme sur le plan national. C’est d’avoir négligé l’importance des élites, d’avoir cru qu’un peuple pouvait les produire spontanément, et avec elles toute une tradition scientifique, culturelle, politique. Rejeter la domination française sur la politique algérienne, ouvrir le pouvoir politique aux autochtones était une noble cause. L’erreur était de croire qu’on pouvait suivant la même logique chasser les professeurs français, les ingénieurs français, les médecins français, les administrateurs français et les remplacer du jour au lendemain par des algériens « de souche ». Les tiers-mondistes ont confondu le rejet du pouvoir du colonisateur avec le rejet de la culture du colonisateur. Le problème, c’est que le colonisateur apportait avec sa culture la méthode scientifique, l’Etat moderne, la démocratie et la séparation des pouvoirs, et toutes sortes de choses qui avaient précisément permis au colonisateur de dominer le monde. En rejetant cette culture, on se condamne à revenir en arrière.

      [Cependant, je crois que N-E marque un point lorsqu’il souligne le rôle de l’idée de l’honneur dans toute cette affaire. Certes, les colons, toujours aussi odieux pour beaucoup d’entre eux, ont pesé lourd, mais je ne crois pas que ce fussent eux qui firent de l’Algérie la grande cause dans laquelle l’armée se jeta à corps perdu.]

      Je ne dis pas le contraire. Mais pour que l’armée puisse « se jeter à corps perdu » dans la guerre d’Algérie avec les méthodes que l’on sait, il faut bien que quelqu’un lui ait fourni les moyens. Les militaires ne sont pas allés en Algérie de leur propre initiative, ni avec leur propre argent. Ce sont des politiques qui ont voté les crédits, qui ont envoyé le contingent, qui ont toléré et même encouragé les méthodes expéditives. Et ces politiques ont agi d’abord sous la pression du « bloc algérien », dans un contexte où les majorités se faisaient et se défaisaient tous les jours.

      J’ajoute que lorsqu’on lit les écrits de l’époque – et non ceux, forcément corrigés par le passage du temps, écrits bien plus tard – on ne peut que constater que « l’honneur » est bien moins présent que l’anticommunisme. Ceux qui torturaient en Algérie le faisaient moins par convictions de défendre l’ l’honneur de la France que dans la croyance qu’ils protégeaient l’Occident libre et chrétien contre les hordes communistes, dont les anticolonialistes n’étaient que les idiots utiles. On retrouvera d’ailleurs certains de ses personnages comme conseillers ou inspirateurs des tortionnaires latino-américains, ce qui montre que le combat anticommuniste était pour eux plus motivant qu’un quelconque « honneur ».

      [Pour ces hommes, dont je n’excuse en rien les actes, surtout quand ils ont cru devoir comme le FLN se retourner contre l’Etat, l’exemple de de Gaulle refusant l’inacceptable le 18 juin 40 a dû peser lourd, les conduisant à se croire dépositaires d’une légitimité supérieure.]

      Je ne pense pas qu’ils aient été chercher leur « légitimité » dans la geste gaullienne. Quand on lit les écrits de l’époque, c’est surtout la lutte contre le communisme et la défense de la chrétienté qui apparaît comme l’élément essentiel de légitimation de leur combat – et qui continuera à l’être pour ceux qui rejoindront l’OAS.

      [Cette faute irréparable qui fut la leur, proprement tragique, n’est pas réductible à mon sens aux gros intérêts matériels des riches colons prêts à tout pour protéger leur capital.]

      Comme toujours, il faut distinguer ce qui motive les individus et ce qui fait bouger les institutions. Les véritables cyniques sont très rares, et la plupart des institutions motivent leurs membres avec une idéologie qui occulte les intérêts et qui justifie leurs actes au nom de l’intérêt général.

      [Par ailleurs, si Maurice Audin est mort avant la fin de la guerre, je pense que comme le fait N-E on peut s’interroger sur le silence de ceux des soutiens de l’indépendance qui, dans les décennies qui ont suivie et alors que l’Algérie indépendante s’enfonçait dans le désastre économique et l’obscurantisme, n’ont jamais eu la bonne fois de revenir publiquement sur le bien-fondé d’un engagement dont les fruits, quelle qu’ait été la pureté de leurs intentions originelles, avait été singulièrement empoisonnés.]

      C’est que l’engagement en question n’est pas remis en cause par les faits, puisqu’il repose sur un principe : celui qui veut que les peuples aient le droit de se gouverner eux-mêmes, y compris pour faire leur malheur. Je crois que c’est là l’ambiguïté implicite dans le processus de décolonisation. Si l’on pense que les peuples ont le droit de se gouverner, alors les militants du PCA ou du FLN ont eu raison de se battre pour que le peuple algérien accède à ce droit. Et le désastre économique ou politique, l’obscurantisme et tout le reste n’y changent rien.

      Votre raisonnement repose sur un postulat implicite : celui qu’il vaut mieux être un serviteur bien payé, bien soigné, bien éduqué et bien logé que d’être un maître pauvre, mal soigné, ignorant. C’est un point de vue qui se défend, mais qui n’est pas évident par lui-même. Et il faut reconnaître quand même aux militants du PCA de s’être opposé, après l’indépendance, aux politiques obscurantistes et aberrantes mises en œuvre par le FLN, au point d’être déclarés « persona non grata » en Algérie malgré leur participation au combat pour l’indépendance.

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      Je vous accorde que la question du choix entre serviteur confortablement installé et maître pauvre et ignorant est difficile. Cependant mon postulat implicite était qu’à terme le système colonial étant de toute façon en train de s’effondrer, en l’absence d’indépendance les Algériens auraient été assimilés et que leur situation n’aurait plus été celle de sujets de la France mais bien de citoyens. Donner à des millions d’hommes et de femmes un passé aussi riche et un avenir prometteur, cela ne me serait pas apparu comme un maintien dans la dépendance.

      Pour ma part, même s’il était évidemment bien trop tard en 1954 pour que cela ait une chance de marcher et qu’il faut saluer la clairvoyance de de Gaulle, je considère que le refus d’assimiler l’Algérie – en particulier lors du moment favorable qui s’est présenté après la Première guerre mondiale – est une grande faute de la France au XXe siècle. Je suis convaincu que commencé suffisamment tôt, ce processus aurait pu fonctionner et qu’une France s’étendant sur les deux rives de la Méditerranée non seulement serait plus puissante et ne se serait pas fourvoyée dans la construction européenne mais aurait probablement largement échappé au poison de la repentance coloniale.

      Plus généralement, concernant le “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, pour vous dire le font de ma pensée je vous avouerai que je n’ai jamais été vraiment convaincu par ce principe général. Si on l’avait suivi à la lettre tout au long de notre histoire la France serait sans doute bien plus petite et des dizaines de millions de Français qui ont été heureux de l’être aurait connu une vie moins riche et sans doute moins heureuse. Ce qui pour moi rendait nécessaire l’indépendance de l’Algérie en 1954-62 n’est pas une raison de principe, c’est une raison pratique : le coût humain, matériel et politique pour imposer l’assimilation et l’égalité des droits était désormais exorbitant.

    • Tythan dit :

      Cher Descartes,

      Lorsque vous écrivez “Dans une guerre civile – et la guerre d’Algérie en était une – il n’y a pas de « traitres » puisqu’un tel conflit oppose des français à des français”, je me dois de réagir et de m’opposer très fermement à cette idée extrêmement dangereuse.

      Comme NE (qu’au passage je me permets de saluer tant ses interventions sont intéressantes et que j’encourage vivement à poster) je ne connais pas du tout le parcours ni les méfaits de Maurice Audin. Reste qu’il est établi qu’il s’est rangé du côté du FLN, parti qui assassinait les “colons” parce que Français et des Algériens parce qu’ils étaient favorables à la France. Il est donc, indubitablement, un traître. C’est triste, mais il n’y a malheureusement pas à discuter.

      Sans doute Maurice Andin était-il un idéaliste qui cherchait à faire le bien. Peut-être même avait-il compris que l’indépendance algérienne était inéluctable. De ce que je comprends, il n’a personnellement rien fait d’autre qu’héberger un militant communiste blessé. Mais, au moment où il a disparu, les choses étaient claires et il a choisi son camp : ce n’était pas celui de la France. J’ajoute, après avoir entendu Eric Zemmour, que les atrocités commises par le FLN étaient telles qu’il est difficile, dans le contexte, d’excuser l’attitude de ce traître.

      Malheureusement, je connais trop mal le parcours de ce militant ou bien le contexte général de la guerre d’Algérie pour dialoguer avec un aussi fin dialecticien que vous : je me doute bien que vous n’allez pas approuver ce que je vous écris ici. Je laisserai sans doute plus qualifié que moi vous répondre, mais je suis absolument sûr de mon bon droit.

      Je peux comprendre qu’en raison de votre parcours, il vous soit difficile de reconnaître que Maurice Andin, dont peut-être certains de vos parents partageaient les idées, soit un traître. Mais il l’était, quoique cela vous en coûte de l’admettre, tout comme l’attitude du Parti Communiste après le Molotov-Ribbentrop était inqualifiable.

      Je précise, pour être bien clair, que je vous suis totalement lorsque vous expliquez combien l’Etat a sapé son autorité en pratiquant une violence illégitime, que bien entendu je considère moi aussi que l’indépendance de l’Algérie était inéluctable. Je précise également que je suis un descendant d’un officier d’active qui a lui-même refusé de commettre des actes de violence à l’égard de populations civiles (ce qui, selon son entourage, aurait freiné sa carrière) et qui a participé à mettre fin au putsch des généraux : je l’ai peu connu mais il était, paraît-il, très lucide quant au sort final de l’Algérie et avait dès sa première permission expliqué à ses proches que, des colons ou des Arabes, l’une des parties devrait faire ses valises ou creuser sa tombe. Lui-même était très sévère à l’encontre du racisme des colons. Tout ça pour vous dire que je ne suis absolument pas un nostalgique de l’Algérie française, ni particulièrement favorable aux colons ou bien encore un extrémiste ou quoi que ce soit. J’ai de la compassion pour les pieds noirs, mais rien de plus. Mais il n’en reste pas moins que Maurice Audin, contrairement à ce que vous dites, était un traître.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Je vous accorde que la question du choix entre serviteur confortablement installé et maître pauvre et ignorant est difficile.]

      Très difficile. On peut lui donner une réponse idéaliste genre « mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux ». Mais si laisse de côté les réactions romantiques et qu’on est sérieux, on s’aperçoit qu’une certaine aisance matérielle est la condition de la liberté : « Primum panem, deinde philosophari ». Le maître pauvre et ignorant est esclave de son besoin et de son ignorance, et cet esclavage est bien plus terrible que celui du serviteur confortablement installé.

      [Cependant mon postulat implicite était qu’à terme le système colonial étant de toute façon en train de s’effondrer, en l’absence d’indépendance les Algériens auraient été assimilés et que leur situation n’aurait plus été celle de sujets de la France mais bien de citoyens. Donner à des millions d’hommes et de femmes un passé aussi riche et un avenir prometteur, cela ne me serait pas apparu comme un maintien dans la dépendance.]

      Des projets assimilationnistes ont été proposés lors de la discussion du statut de l’Algérie en 1947. Ils n’ont pas été retenus, tout simplement parce qu’il n’y avait pas en France un consensus pour assimiler l’ensemble des algériens « de statut personnel musulman », opération dont la difficulté et le coût aurait été plus importante que celle de l’assimilation intérieure sous la IIIème République. Une telle politique n’avait pas de majorité possible. Les européens d’Algérie y voyaient la fin de leurs privilèges, le patronat métropolitain la fin d’un réservoir de main d’œuvre bon marché, et l’électorat voyait le risque du déferlement d’un électorat arabe qui représentait à l’époque presque un tiers du total…

      [Pour ma part, même s’il était évidemment bien trop tard en 1954 pour que cela ait une chance de marcher et qu’il faut saluer la clairvoyance de de Gaulle, je considère que le refus d’assimiler l’Algérie – en particulier lors du moment favorable qui s’est présenté après la Première guerre mondiale – est une grande faute de la France au XXe siècle. Je suis convaincu que commencé suffisamment tôt, ce processus aurait pu fonctionner et qu’une France s’étendant sur les deux rives de la Méditerranée non seulement serait plus puissante et ne se serait pas fourvoyée dans la construction européenne mais aurait probablement largement échappé au poison de la repentance coloniale.]

      La politique fiction est un domaine difficile… et pas forcément très productif. Mieux vaut essayer de comprendre pourquoi la France, qui pourtant a fait preuve d’une mentalité « assimilationniste » en cherchant à scolariser les algériens musulmans n’a pas été jusqu’au bout de la démarche. Et lorsqu’on cherche la réponse à cette question, on trouve le même mécanisme qui a abouti à la fin de l’assimilation en métropole : dans un contexte de stagnation économique, assimiler les algériens autochtones, c’est en faire des compétiteurs pour les algériens d’origine européenne. C’est pourquoi les européens d’Algérie ont saboté l’application du statut de 1947 – pourtant très modéré sur la question – jusqu’à le vider de son sens.

      [Plus généralement, concernant le “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, pour vous dire le font de ma pensée je vous avouerai que je n’ai jamais été vraiment convaincu par ce principe général.]

      Pour moi, ce principe est tout à fait louable… à condition de pouvoir définr ce qu’est un « peuple ». Et c’est là que les problèmes commencent, en général. Qu’est ce qui permet de dire qu’il existe un « peuple breton » et pas un « peuple rhône-alpin » ?

      [Ce qui pour moi rendait nécessaire l’indépendance de l’Algérie en 1954-62 n’est pas une raison de principe, c’est une raison pratique : le coût humain, matériel et politique pour imposer l’assimilation et l’égalité des droits était désormais exorbitant.]

      Mais dans ce cas, pourquoi organiser le référendum en Algérie ? Si on a organisé ce vote, c’est bien parce qu’on reconnaissait aux Algériens le droit de décider de leur destin. Pensez-vous qu’on ait eu tort de les faire voter ?

    • Descartes dit :

      @ Tythan

      [Lorsque vous écrivez “Dans une guerre civile – et la guerre d’Algérie en était une – il n’y a pas de « traitres » puisqu’un tel conflit oppose des français à des français”, je me dois de réagir et de m’opposer très fermement à cette idée extrêmement dangereuse.]

      Vous me flattez en suggérant que mes idées puissent être « dangereuses »…

      [Reste qu’il est établi qu’il s’est rangé du côté du FLN, parti qui assassinait les “colons” parce que Français et des Algériens parce qu’ils étaient favorables à la France. Il est donc, indubitablement, un traître. C’est triste, mais il n’y a malheureusement pas à discuter.]

      Malheureusement, il y a au contraire beaucoup à discuter. D’abord, le FLN n’assassinait pas les colons « parce que Français », mais parce qu’ils soutenaient la colonisation. Lorsque ceux-ci étaient des opposants à la colonisation, comme c’était le cas d’Audin ou Alleg, le FLN ne les tuait point. Le point de division n’était pas de savoir si on était « favorable à la France » ou pas, mais si on était favorable à la colonisation française. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

      C’est là tout le problème d’une guerre civile. Dans une guerre extérieure, la légitimité de chaque camp est évidente, puisque « salus populo suprema lex esto » (« le salut du peuple est la loi suprême »). Mais dans une guerre civile, les choses sont plus difficiles parce que chaque camp peut se réclamer de la même légitimité. Pour beaucoup de militants tiers-mondistes de l’époque, la France s’abaissait en refusant à un peuple son droit à se gouverner lui-même. En aidant ce peuple à acquérir son indépendance, ces gens là étaient persuadés de défendre la vraie France, prise en otage par les affairistes. En quoi cette position serait-elle sur le principe moins légitime que celle qui pose comme principe que défendre la France c’est défendre son intégrité territoriale envers et contre tout ?

      On retrouve ici la même question que celle posée par les allemands qui ont rejoint les Alliés – ou ont espionné pour eux – pour combattre le nazisme. Etaient-ils des « traîtres » à leur pays ? Ou au contraire des héros qui ont fait passer « l’Allemagne éternelle » avant le nazisme ? Toutes les guerres civiles sont marquées par cette ambiguïté.

      [Mais, au moment où il a disparu, les choses étaient claires et il a choisi son camp : ce n’était pas celui de la France.]

      Mais ça veut dire quoi « ce n’était pas celui de la France » ? Qui décide que « le camp de la France » était celui qui défendait une colonisation qui déniait aux algériens musulmans les droits du citoyen plutôt que le camp qui prétendait que l’indépendance libérerait à la fois l’Algérie et la France ?

      Au fonds, j’ai l’impression que pour vous la seule légitimité est la légitimité institutionnelle. La France, ce sont ses institutions. Le raisonnement se défend lorsque ces institutions sont démocratiques et représentent donc la volonté générale. Mais vis-à-vis des Algériens musulmans, privés de facto du droit de vote, l’étaient-elles ? Non, bien sur que non. L’Etat ne peut revendiquer le monopole de la force légitime que parce qu’il est l’Etat de TOUS les citoyens. Lorsque certains citoyens sont exclus du processus, on ouvre la porte aux légitimités concurrentes.

      [J’ajoute, après avoir entendu Eric Zemmour, que les atrocités commises par le FLN étaient telles qu’il est difficile, dans le contexte, d’excuser l’attitude de ce traître.]

      La question n’est pas d’excuser, mais de comprendre. Mais quand bien même son attitude serait inexcusable, cela attenue-t-il l’horreur commis par ceux qui l’ont torturé, l’ont assassiné et ont occulté son corps ?

      [Je peux comprendre qu’en raison de votre parcours, il vous soit difficile de reconnaître que Maurice Audin, dont peut-être certains de vos parents partageaient les idées, soit un traître.]

      Mon parcours n’a rien à faire là dedans. Vous qualifiez Audin de traitre, je vous explique les raisons qui font qu’à mon avis c’en est pas un. Je vous prie de répondre aux arguments avec des arguments. Et « votre parcours ne vous permet pas de reconnaître » n’est pas un argument.

      [(…) Tout ça pour vous dire que je ne suis absolument pas un nostalgique de l’Algérie française, ni particulièrement favorable aux colons ou bien encore un extrémiste ou quoi que ce soit.]

      Je ne crois pas vous avoir accusé de quoi que ce soit de tel.

      [Mais il n’en reste pas moins que Maurice Audin, contrairement à ce que vous dites, était un traître.]

      La répétition ne constitue pas un argument. J’aimerais que vous m’expliquiez quel est exactement le critère qui pour vous fait de Audin un « traître ». Est-ce le fait d’avoir soutenu l’opposition armée à la politique du gouvernement légitime de son pays ? Dans ce cas, il n’est pas plus « traître » que les résistants allemands qui ont aidé les Alliés, ou que De Gaulle lorsqu’il s’oppose à Pétain en juin 1940. Est-ce le fait d’avoir porté atteinte à l’intégrité du territoire ? Là encore, vous le retrouvez en compagnie de De Gaulle lorsque ce dernier décide d’accorder l’indépendance à l’Algérie.

      On peut qualifier Audin de beaucoup de choses : de complicité avec des terroristes, par exemple. Mais le mot « traître » n’a pas de sens dans le cadre d’une guerre civile.

    • Tythan dit :

      [Vous me flattez en suggérant que mes idées puissent être « dangereuses »…]

      Je me suis sans doute un peu enflammé… Mais la question est d’importance pour moi. Nous en avons déjà discuté, nous venons de traditions politiques très différentes. Si mes aïeuls savaient l’importance qu’a pour moi vos écrits, ils frémiraient et me chasseraient sans doute de leur table.

      Vous ne pouvez pas ignorer que la question de l’appartenance nationale est l’une des principales critiques formulée à l’encontre des communistes. Que vous le vouliez ou non, un Français d’une tradition politique comme la mienne (la droite souverainiste) vous soupçonnera toujours de verser dans l’internationalisme. Le pacte Molotov-Ribbentrop et l’attitude du parti communiste français avant l’entrée de l’URSS restera à jamais une tache indélébile sur le communisme français. Et cette forfaiture a été rendue possible par l’internationalisme directement issu des travaux de Karl Marx.

      Sur Maurice Audin, nous sommes là aux prises avec un cas topique, une ligne que je ne peux pas vous voir franchir en haussant les épaules. Si vous voulez, c’est pour moi une sorte de chiffon rouge que vous agitez devant moi et dans lequel je ne peux que foncer tête baissée. Pour vous ce n’est rien, et je le comprends, mais pour moi c’est fondamental. Si vous justifiez le comportement de Maurice Audin hier, qui me dit que si (Dieu nous en garde) un conflit apparaissait vous ne feriez pas le même choix?

      [Malheureusement, il y a au contraire beaucoup à discuter. D’abord, le FLN n’assassinait pas les colons « parce que Français », mais parce qu’ils soutenaient la colonisation. Lorsque ceux-ci étaient des opposants à la colonisation, comme c’était le cas d’Audin ou Alleg, le FLN ne les tuait point. Le point de division n’était pas de savoir si on était « favorable à la France » ou pas, mais si on était favorable à la colonisation française. Ce n’est pas tout à fait la même chose.]

      Je n’ai malheureusement pas de faits précis à vous soumettre, faute de bien connaître la période, mais sur ce point je pense que vous vous trompez : le FLN a commis de nombreux attentats à la bombe commis dans les quartiers européens. Au cours de la guerre, les Algériens, dont ceux qui seront ensuite ou étaient des militants FN, ont également procédé à de nombreux massacres d’Européens.

      Or, il me semble que la bombe discriminant ses victimes en fonction de leur opinion politique n’a pas, à ce jour, été inventée. De même, au cours de ces pogroms commis par les Algériens, je doute que les auteurs de ces atrocités aient pris le temps de se renseigner sur les convictions politiques de leurs victimes. Je dirais même qu’il est vraisemblable qu’un certain nombre ont peut-être, espérant ainsi avoir la vie sauve, prétendu souhaiter cette indépendance : je doute que cela ait eu un quelconque effet sur leurs bourreaux.

      Il faudrait faire des recherches plus approfondies sur ce sujet, mais il n’en reste pas moins que votre objection tombe.

      [C’est là tout le problème d’une guerre civile]

      Par ailleurs, en rabaissant la guerre d’Algérie à une simple guerre civile alors qu’il s’agit d’une guerre d’indépendance, vous rabaissez les Algériens en faisant d’eux des acteurs mineurs d’un conflit les dépassant complètement. Or, les protagonistes essentiels de ce conflit étaient, ne vous en déplaise, d’un côté des Algériens et de l’autre les Français qui les occupaient depuis plus d’un siècle. Il y avait bien deux camps identifiés.

      Vous le dites d’ailleurs plus loin : les Algériens musulmans ne se concevaient pas comme Français, et les Français d’ailleurs ne les concevaient pas comme des Français. Dans ces conditions, parler de guerre civile est incohérent et à mon sens indélicat à l’égard des Algériens

      [Dans une guerre extérieure, la légitimité de chaque camp est évidente, puisque « salus populo suprema lex esto » (« le salut du peuple est la loi suprême »)]

      On peut questionner la légitimité au sein du camp algérien puisqu’il n’était pas évident, au début de la guerre d’indépendance algérienne, que le salut du peuple passe par l’indépendance. Mais en revanche, du point de vue français, il n’y a aucun doute à avoir : que l’on soit favorable ou non à l’indépendance de l’Algérie, quelle qu’en soit les raisons dont je ne méconnais pas la légitimité, à partir du moment où la guerre est lancée, un individu comme Maurice Audin a trahi.

      [Mais dans une guerre civile, les choses sont plus difficiles parce que chaque camp peut se réclamer de la même légitimité. Pour beaucoup de militants tiers-mondistes de l’époque, la France s’abaissait en refusant à un peuple son droit à se gouverner lui-même.En aidant ce peuple à acquérir son indépendance, ces gens là étaient persuadés de défendre la vraie France, prise en otage par les affairistes. En quoi cette position serait-elle sur le principe moins légitime que celle qui pose comme principe que défendre la France c’est défendre son intégrité territoriale envers et contre tout ?]

      Sur le principe et s’agissant de l’Algérie, Maurice Audin avait tout à fait le droit de penser que la France avait tort de chercher à conserver l’Algérie, et même de penser qu’elle se déshonorait en le faisant. Je n’ai aucun problème avec ça et je me doute que les militaires seraient allés le chercher s’il s’était contenté de cette posture.

      Tout le problème vient de ce qu’il ne s’est pas arrêté là mais a également agi contre ses compatriotes.

      S’il s’était agi d’un territoire métropolitain, en revanche, je pense que ma réaction serait différente : mes ancêtres ont lutté, certains ont perdu la vie pour défendre le territoire où ils vivaient et où leur culture nationale s’est épanouie, et je n’ai absolument pas le droit de tolérer que quiconque, aussi pure soit ses intentions et aussi sympathique soit-il, souhaite l’abandonner parce que pas assez rentable ou je ne sais quoi.

      [On retrouve ici la même question que celle posée par les allemands qui ont rejoint les Alliés – ou ont espionné pour eux – pour combattre le nazisme. Etaient-ils des « traîtres » à leur pays ? Ou au contraire des héros qui ont fait passer « l’Allemagne éternelle » avant le nazisme ? Toutes les guerres civiles sont marquées par cette ambiguïté.]

      Je vais peut-être en faire hurler certains, et ma foi tant pis, mais pour moi il ne fait aucun doute qu’ils étaient traîtres à leur pays. Ce qui ne m’empêche pas d’espérer que, si j’avais été un allemand de 1933, j’aurais eu le courage de m’exiler afin de ne pas être associé aux horreurs nazies : si vous voulez, je peux comprendre l’objecteur de conscience qui refuse d’aller se battre pour une cause qui lui paraît immorale, mais pas celui qui porte les armes contre ses compatriotes.

      Pour en revenir à notre sujet et en m’excusant par avance pour tout descendant d’harkis qui me liraient, je vous précise que je reste cohérent et considère que les Harkis, du point de vue des Algériens, ont trahi leur camp.

      Ceci étant dit, je précise comprendre ce choix, au-delà de ceux qui ont fait un calcul d’opportunités, puisqu’ils ont choisi sur la base d’une situation pré-existante et que la France, même si on peut critiquer certains des aspects de son rôle en Algérie, avait aussi une mission civilisatrice en Algérie pouvant justifier qu’elle continue de rester dominante dans ce pays.

      [Mais ça veut dire quoi « ce n’était pas celui de la France » ? Qui décide que « le camp de la France » était celui qui défendait une colonisation qui déniait aux algériens musulmans les droits du citoyen plutôt que le camp qui prétendait que l’indépendance libérerait à la fois l’Algérie et la France ?]

      La question que vous posez est intéressante, mais elle est inopérante pour le cas de Maurice Audin qui nous concerne : quelle que en soit la réponse, le fait est que les camps en présence étaient, ne vous en déplaisent, délimités. Et s’il pouvait y avoir quelques doutes chez un jeune idéaliste quant à l’opportunité d’aider ceux qui luttent contre votre propre pays parce que ce serait le sens de l’histoire, les massacres innommables commis par le FLN auraient dû le lever.

      [Au fonds, j’ai l’impression que pour vous la seule légitimité est la légitimité institutionnelle. La France, ce sont ses institutions. Le raisonnement se défend lorsque ces institutions sont démocratiques et représentent donc la volonté générale.

      C’est la vraie question. Après, si on regarde le cas qui nous intéresse, la guerre en Algérie était légale, voulue par le gouvernement français pour mater la rébellion violente, et, au moins en 1957, soutenue par les Français. Au moment de la mort de Maurice Audin, la question est donc réglée.

      Mais je ne veux pas me défiler et je veux vous répondre dans l’absolu : votre impression est la bonne, mais en fait je suis plus radical que cela, et c’est votre réflexion sur le principe de l’intégrité territoriale ci-dessus qui m’y a fait penser. Le cas est limite parce que cela n’a aucune chance de se produire : si par exemple demain, par extraordinaire, la majorité des Alsaciens (mon épouse porte un nom originaire de cette région) considéraient qu’ils ont intérêt à se rattacher à l’Allemagne, je pense que j’aurais beaucoup de mal à l’accepter et il n’est pas impossible que je cherche à m’y opposer par la force.

      [Mais vis-à-vis des Algériens musulmans, privés de facto du droit de vote, l’étaient-elles ? Non, bien sur que non. L’Etat ne peut revendiquer le monopole de la force légitime que parce qu’il est l’Etat de TOUS les citoyens. Lorsque certains citoyens sont exclus du processus, on ouvre la porte aux légitimités concurrentes.]

      Mais tout à fait et vous apportez ce faisant de l’eau à mon moulin pour refuser à la guerre d’Algérie son caractère de guerre civile.

      [La question n’est pas d’excuser, mais de comprendre. Mais quand bien même son attitude serait inexcusable, cela attenue-t-il l’horreur commis par ceux qui l’ont torturé, l’ont assassiné et ont occulté son corps ?]

      Ce sont des actes horribles bien entendu, mais qui pour moi peuvent être légitimes : si les renseignements qu’ils ont pu obtenir en torturant ont été utiles, si d’autres crétins idéalistes ont pu être refroidis de passer à l’action suite à la disparition horrible de cet homme, et bien je comprends l’attitude de ceux qui ont commises ces exactions.

      L’un de mes ascendants a, comme je vous l’ai exposé, refusé de participer à une action de représailles contre des villageois favorables au FLN. Il a refusé de le faire pour plusieurs raisons, mais la principale tient à ce qu’il prenait cette répression comme inutile, même si le formalisme a aussi joué (il n’avait pas reçu d’ordres écrits).

      [Mon parcours n’a rien à faire là dedans. Vous qualifiez Audin de traitre, je vous explique les raisons qui font qu’à mon avis c’en est pas un. Je vous prie de répondre aux arguments avec des arguments. Et « votre parcours ne vous permet pas de reconnaître » n’est pas un argument.]

      Ma volonté n’était évidemment pas de vous blesser et je me rends compte que ma rédaction était maladroite en ce qu’elle faisait supposer que dans mon esprit vous étiez forcément dans cette situation, ce que je ne sais bien sûr pas. Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses sur ce point.

      En revanche, pardonnez-moi de penser que c’est une possibilité que je ne peux pas refermer, malgré vos dénégations, dont je suis sûr qu’elles sont sincères. Sans doute n’aurais-je pas dû en parler, mais maintenant que je l’ai fait, je ne peux plus me dédire et je mentirais en vous disant que cette hypothèse ne me traverse pas l’esprit.

      [Je ne crois pas vous avoir accusé de quoi que ce soit de tel] (d’être un nostalgique de l’Algérie française etc)..

      Si j’ai fait cette précision, c’est, sans doute un peu confusément, pour bien vous faire comprendre que je pouvais accepter une dérogation au principe de l’intégrité du territoire dont nous avons parlé.

      [J’aimerais que vous m’expliquiez quel est exactement le critère qui pour vous fait de Audin un « traître ». Est-ce le fait d’avoir soutenu l’opposition armée à la politique du gouvernement légitime de son pays ?]

      Oui, cela en fait partie et cela suffit à le qualifier de traître. Mais sa traîtrise va au-delà de cette ignominie. Parce qu’il n’a pas seulement soutenu une opposition armée combattant à la loyale, mais un mouvement terroriste auteur d’actes absolument innommables dont il ne pouvait pas ne pas avoir connaissance.

      [Dans ce cas, il n’est pas plus « traître » que les résistants allemands qui ont aidé les Alliés]

      Bien sûr que si. Parce que les ignominies commises par le régime allemand avaient atteint, dès les premières années un niveau d’ignominie que n’ont jamais atteint les Français, même les pires tortionnaires qui hélas, restent une tâche à jamais indélébile.

      [ou que De Gaulle lorsqu’il s’oppose à Pétain en juin 1940]

      Je comprends l’objection, mais la situation est différente. Parce que Pétain se soumet en fait à l’Allemagne, ce que Charles de Gaulle avait compris dès le départ, avant même Montoire qui aurait dû déciller les yeux. Après, je reconnais que c’est facile après coup.

      [Est-ce le fait d’avoir porté atteinte à l’intégrité du territoire ? Là encore, vous le retrouvez en compagnie de De Gaulle lorsque ce dernier décide d’accorder l’indépendance à l’Algérie].

      Le cas est différent : il y a eu des personnes qui pensaient voulaient transformer l’Algérie en province vraiment française, avec une égalité des droits entre citoyens et une assimilation. Mais cette assimilation était impossible. Au principe d’intégrité du territoire s’opposait la nécessité d’imposer un régime d’apartheid. Je ne conteste pas le choix qui a été fait

      [On peut qualifier Audin de beaucoup de choses : de complicité avec des terroristes, par exemple. Mais le mot « traître » n’a pas de sens dans le cadre d’une guerre civile.]

      C’est une différence qu’il me faut accepter avoir avec vous. Elle me peine un peu, mais c’est la vie : quand je vous lis, je vous suis dans pratiquement tout ce que vous dites. Mais pas sur ce point. En revanche, je ne renonce pas à l’idée de vous convaincre que qualifier la guerre d’indépendance algérienne de guerre civile n’est pas juste : par certains aspects, oui, mais accessoirement seulement.

    • Descartes dit :

      @ Tythan

      [Nous en avons déjà discuté, nous venons de traditions politiques très différentes. Si mes aïeuls savaient l’importance qu’a pour moi vos écrits, ils frémiraient et me chasseraient sans doute de leur table.]

      Si cela peut vous consoler, mes aïeuls ne seraient pas très contents non plus… mais le fait que nous puissions échanger poliment montre qu’on a progressé en une génération… 😉

      [Vous ne pouvez pas ignorer que la question de l’appartenance nationale est l’une des principales critiques formulée à l’encontre des communistes. Que vous le vouliez ou non, un Français d’une tradition politique comme la mienne (la droite souverainiste) vous soupçonnera toujours de verser dans l’internationalisme.]

      Je sais. Et je dirais même que la critique est justifiée. Dès le début de son histoire les PCF a été déchiré entre la tradition anarcho-syndicaliste qui crachait sur tout ce qui se rapprochait de la nation, et la tradition républicaine française qui s’est construite autour de cette notion. Et il a fallu beucoup de combats – et une guerre mondiale – pour aboutir « au mariage du drapeau rouge et du drapeau tricolore ». Cela étant dit, je ne rejette pas l’étiquette « internationaliste ». Je vous ferais simplement remarquer que dans « internationaliste » il y a « inter-nationaliste ». L’internationalisme ne nie pas nécessairement les nations, mais cherche à établir un rapport amical et équilibré entre elles. La victoire de Staline sur Trotsky fut d’ailleurs la victoire d’une vision de la nation comme cadre politique plutôt que l’internationalisme naïf du Komintern.

      [Le pacte Molotov-Ribbentrop et l’attitude du parti communiste français avant l’entrée de l’URSS restera à jamais une tache indélébile sur le communisme français. Et cette forfaiture a été rendue possible par l’internationalisme directement issu des travaux de Karl Marx.]

      Là, franchement, je ne vous suis pas. Du point de vue de l’URSS, la décision de signer le pacte était une pure question d’intérêt national : après des années infructueuses avec la France et la Grande Bretagne pour mettre en place un système de sécurité collective – la France avait même signé un accord, mais refusé de le mettre en œuvre – les soviétiques ont compris que la politique des puissances occidentales était de pousser Hitler vers l’Est. Ils l’ont compris quand la France et la Grande-Bretagne ont préféré abandonner la Tchecoslovaquie plutôt que de faire pression pour la Pologne pour qu’elle permette le passage des troupes soviétiques pour la secourir. Alors, Staline a compris que pour éviter de se faire avoir, il ne lui restait qu’à signer un pacte avec Hitler et compter sur son obsession de régler ses comptes à l’Ouest avant d’aller ver l’Est… avec en plus l’option de récupérer les territoires que la Pologne avait arraché dans les années 1920 profitant de la faiblesse du pays des Soviets. Si vous êtes un souverainiste, vous ne pouvez pas reprocher à Staline d’avoir fait ce qui était dans l’intérêt de son pays et de son peuple. Et rein à voir avec « l’internationalisme directement issu des travaux de Karl Marx ».

      Reste la question de la réaction des communistes français au pacte. Elle ne fut en rien unanime. Les communistes ont été déchirés entre leur devoir de français et leur désir d’empêcher que soit étouffée dans l’œuf la première expérience socialiste dans le monde. Les communistes ont vécu avec cette contradiction. Ils ont défendu le pacte, et ont préparé l’appareil clandestin qui leur servira plus tard dans la Résistance. Si tâche il y eut, elle fut effacé par le sang des Résistants.

      [Sur Maurice Audin, nous sommes là aux prises avec un cas topique, une ligne que je ne peux pas vous voir franchir en haussant les épaules. Si vous voulez, c’est pour moi une sorte de chiffon rouge que vous agitez devant moi et dans lequel je ne peux que foncer tête baissée. Pour vous ce n’est rien, et je le comprends, mais pour moi c’est fondamental.]

      Je ne vous permets pas ce « pour vous ce n’est rien ». Pour moi c’est très important, au contraire, parce que j’aurais pu me trouver à sa place. Je crois que vous oubliez un peu vite que c’est Maurice Audin qui a été torturé et assassiné, que c’est sa mère, sa femme et ses enfants qui n’ont jamais eu un corps pour faire leur deuil, une tombe pour pouvoir s’y recueillir.

      [Si vous justifiez le comportement de Maurice Audin hier, qui me dit que si (Dieu nous en garde) un conflit apparaissait vous ne feriez pas le même choix?]

      Je n’ai pas de réponse à votre question. L’expérience montre qu’il est très difficile de prédire de quel côté tel ou tel individu pourrait se trouver dans une guerre civile. Mais je vous rappelle que je n’ai jamais « justifié » quelque comportement que ce soit. Cela ne change rien : qu’Audin fut un saint ou un salaud ne change rien au fait qu’il a été torturé, assassiné et son corps occulté probablement à jamais. Et que ceux qui l’ont fait n’ont jamais été inquiétés.

      [Or, il me semble que la bombe discriminant ses victimes en fonction de leur opinion politique n’a pas, à ce jour, été inventée.]

      Pas plus qu’une bombe qui discrimine en fonction de l’origine. C’est pourquoi votre commentaire accusant le FLN de « tuer les colons parce que français » ne peut s’appliquer qu’aux assassinats ciblés, et non aux attaques terroristes de masse. Et je persiste : lors des assassinats ciblés, le FLN n’a jamais tué un partisan de l’indépendance, fut il « français ». Ce qui tend à prouver que loin de « tuer les colons parce que français », on tuait les colons parce que colonialistes.

      [Par ailleurs, en rabaissant la guerre d’Algérie à une simple guerre civile alors qu’il s’agit d’une guerre d’indépendance, vous rabaissez les Algériens en faisant d’eux des acteurs mineurs d’un conflit les dépassant complètement.]

      « Une simple guerre civile » ? Les guerres civiles n’ont rien de « simple », et elles n’ont rien à envier en termes de brutalité aux guerres « comme il faut ». Et la guerre d’Algérie fut bien une guerre civile. L’affrontement ne faisait pas intervenir les armées étatiques, disciplinées, identifiées et répondant chacune à un commandement unique. Elle vit s’affronter des populations imbriquées, partageant le même espace, les mêmes ressources, les mêmes références. De nombreux français ont soutenu le FLN – et pas seulement en Algérie. Des français ont organisé des milices qui ont assassiné d’autres français – souvenez-vous des commandos Delta.

      [Or, les protagonistes essentiels de ce conflit étaient, ne vous en déplaise, d’un côté des Algériens et de l’autre les Français qui les occupaient depuis plus d’un siècle. Il y avait bien deux camps identifiés.]

      Non. Beaucoup de français étaient du côté de l’indépendance algérienne, et pas mal d’algériens ont soutenu l’armée française, y compris les armes à la main. La différence entre une guerre extérieure et une guerre civile ne tient pas au fait qu’il y ait deux camps, mais au fait que les camps sont imbriqués, que le conflit divise les familles, les institutions, la société toute entière. C’est le fait que l’ennemi peut être votre camarade de travail, votre voisin, votre frère.

      [Sur le principe et s’agissant de l’Algérie, Maurice Audin avait tout à fait le droit de penser que la France avait tort de chercher à conserver l’Algérie, et même de penser qu’elle se déshonorait en le faisant. Je n’ai aucun problème avec ça et je me doute que les militaires seraient allés le chercher s’il s’était contenté de cette posture. Tout le problème vient de ce qu’il ne s’est pas arrêté là mais a également agi contre ses compatriotes.]

      Vous voulez dire qu’en 1940 De Gaulle aurait dû se contenter de penser que la France se déshonorait en signant l’armistice ? Qu’il n’aurait pas du « agir contre ses compatriotes » à Dakar ? Vous devriez lire ce que De Gaulle a écrit dans ses « mémoires de guerre » sur cet épisode. Le parallèle s’applique exactement à Maurice Audin.

      [« On retrouve ici la même question que celle posée par les allemands qui ont rejoint les Alliés – ou ont espionné pour eux – pour combattre le nazisme. (…) » Je vais peut-être en faire hurler certains, et ma foi tant pis, mais pour moi il ne fait aucun doute qu’ils étaient traîtres à leur pays.]

      Et bien, je suis en total désaccord avec vous. Je ne sous-estime pas la légitimité institutionnelle. Mais il y a des situations extrêmes ou les institutions d’un pays ont cessé de représenter son âme, son esprit profond. Et dans ces cas, il est du devoir du citoyen d’œuvrer au renversement de ces institutions, même au prix de la défaite par des armées étrangères. C’est ce qu’a fait De Gaulle lorsqu’il attaque Dakar avec le soutien des Britanniques, c’est ce qu’on fait les allemands qui ont résisté en aidant les alliés.

      [Pour en revenir à notre sujet et en m’excusant par avance pour tout descendant d’harkis qui me liraient, je vous précise que je reste cohérent et considère que les Harkis, du point de vue des Algériens, ont trahi leur camp.]

      Mais en quoi était-ce « leur » camp ? Qui décide à quel « camp » on appartient dans un conflit de ce type ? Encore une fois, vous négligez totalement la problématique de la guerre civile. Dans une guerre extérieure, votre appartenance à un « camp » va de soi dans l’immense majorité des cas. Elle est dictée par votre naissance, par votre éducation, par votre cadre familial, institutionnel, civique. Dans une guerre civile, vous êtes obligé de choisir votre camp. De quel droit décidez-vous que les algériens « autochtones » mais qui s’étaient assimilés, qui aimaient la France, qui avaient combattu dans les armées françaises et fait du tricolore leur drapeau auraient du considérer que le camp du FLN était « leur » camp ?

      [La question que vous posez est intéressante, mais elle est inopérante pour le cas de Maurice Audin qui nous concerne : quelle que en soit la réponse, le fait est que les camps en présence étaient, ne vous en déplaisent, délimités.]

      Mais « délimités » par quoi, bon dieu ? Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’untel appartient à tel camp, qu’untel appartient à tel autre ? Je crois que vous ne vous rendez pas compte que c’est précisément cela qui fait que la guerre d’Algérie a été une guerre civile : c’est que le « camp » auquel on appartient ne va pas de soi. C’est un choix personnel qui le détermine. Des européens ont choisi d’aider le FLN, des autochtones se sont battus avec l’armée française. Les qualifier de « traîtres » implique admettre qu’ils avaient chacun un camp « naturel », qu’ils auraient dû servir. Or, vous ne me dites jamais quel est le critère qui permettrait de savoir quel était le camp « naturel » de chacun.

      [C’est la vraie question. Après, si on regarde le cas qui nous intéresse, la guerre en Algérie était légale, voulue par le gouvernement français pour mater la rébellion violente, et, au moins en 1957, soutenue par les Français. Au moment de la mort de Maurice Audin, la question est donc réglée.]

      Pas vraiment. La guerre d’Algérie avait été voulue par un gouvernement issue d’une assemblée dans laquelle les Algériens autochtones n’étaient pas justement représentés. Quelle légitimité avait ce gouvernement pour décider de l’avenir de l’Algérie ? J’ajoute pour reprendre mon parallèle qu’en juin 1940, Pétain état le gouvernement légal de la France. Pensez-vous que De Gaulle était un traitre ?

      [Mais je ne veux pas me défiler et je veux vous répondre dans l’absolu : votre impression est la bonne, mais en fait je suis plus radical que cela, et c’est votre réflexion sur le principe de l’intégrité territoriale ci-dessus qui m’y a fait penser. Le cas est limite parce que cela n’a aucune chance de se produire : si par exemple demain, par extraordinaire, la majorité des Alsaciens (mon épouse porte un nom originaire de cette région) considéraient qu’ils ont intérêt à se rattacher à l’Allemagne, je pense que j’aurais beaucoup de mal à l’accepter et il n’est pas impossible que je cherche à m’y opposer par la force.]

      Mais imaginez que le gouvernement légal de la France décide de céder l’Alsace à l’Allemagne. Que feriez-vous ? Chercheriez-vous à vous y opposer la par la force ? Vous seriez alors exactement dans la même position que Maurice Audin : vous décideriez à vous opposer à l’action d’un gouvernement légal mais dont vous considérez qu’il trahit la France.

      [« Mais vis-à-vis des Algériens musulmans, privés de facto du droit de vote, l’étaient-elles ? Non, bien sur que non. L’Etat ne peut revendiquer le monopole de la force légitime que parce qu’il est l’Etat de TOUS les citoyens. Lorsque certains citoyens sont exclus du processus, on ouvre la porte aux légitimités concurrentes. » Mais tout à fait et vous apportez ce faisant de l’eau à mon moulin pour refuser à la guerre d’Algérie son caractère de guerre civile.]

      Je ne vois pas le rapport.

      [« La question n’est pas d’excuser, mais de comprendre. Mais quand bien même son attitude serait inexcusable, cela attenue-t-il l’horreur commis par ceux qui l’ont torturé, l’ont assassiné et ont occulté son corps ? » Ce sont des actes horribles bien entendu, mais qui pour moi peuvent être légitimes : si les renseignements qu’ils ont pu obtenir en torturant ont été utiles, si d’autres crétins idéalistes ont pu être refroidis de passer à l’action suite à la disparition horrible de cet homme, et bien je comprends l’attitude de ceux qui ont commises ces exactions.]

      En d’autres termes, la fin justifie les moyens… même les moyens « horribles » ? Dans ces conditions, êtes-vous partisan de légaliser la torture, l’assassinat sans jugement, l’occultation des corps ? Puisque ces actes sont utiles, pourquoi ne pas leur donner un statut légal de manière à protéger ceux qui les pratiqueraient pour notre plus grand bonheur ?

      Je vous fais par ailleurs noter que votre raisonnement aboutit à justifier l’utilisation par le FLN des bombes dans les cafés, ou de la torture, l’assassinat et l’émasculation des militaires français faits prisonniers. Après tout, si cela permet d’obtenir d’informations utiles et de dissuader d’autres de s’engager…

      [« J’aimerais que vous m’expliquiez quel est exactement le critère qui pour vous fait de Audin un « traître ». Est-ce le fait d’avoir soutenu l’opposition armée à la politique du gouvernement légitime de son pays ? » Oui, cela en fait partie et cela suffit à le qualifier de traître.]

      Dans ce cas, tous les résistants, tous les gaullistes sont des traitres, du premier au dernier. Vous voyez bien que l’on ne peut pas généraliser un concept inventé pour les conflits extérieurs à une guerre civile.

      [« ou que De Gaulle lorsqu’il s’oppose à Pétain en juin 1940 » Je comprends l’objection, mais la situation est différente. Parce que Pétain se soumet en fait à l’Allemagne, ce que Charles de Gaulle avait compris dès le départ, avant même Montoire qui aurait dû déciller les yeux. Après, je reconnais que c’est facile après coup.]

      En d’autres termes, De Gaulle n’est pas un traître parce qu’il représente la « vraie » France, alors que le régime de Vichy, tout légal qu’il soit, la trahit. Maurice Audin pouvait parfaitement faire le même raisonnement : le gouvernement français trahit l’esprit de la France lorsqu’il s’oppose à l’indépendance algérienne. Il est donc légitime de se révolter contre lui, y compris les armes à la main. Ce que j’essaye de vous faire comprendre, c’est la complexité d’une situation de guerre civile…

      [En revanche, je ne renonce pas à l’idée de vous convaincre que qualifier la guerre d’indépendance algérienne de guerre civile n’est pas juste : par certains aspects, oui, mais accessoirement seulement.]

      J’attends avec impatience votre démonstration…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-jacobin

      [« la guerre d’Algérie a cela de particulier que les crimes en question ont été couverts et même encouragés par l’autorité politique. » Ce sont les fellagas qui ont fixé les règles du jeu. Je ne leur jette pas la pierre: les grandes causes méritent qu’on se salisse les mains. Mais la France s’est adaptée.]

      Je ne crois pas que l’assassinat de Maurice Audin suivi de la dissimulation de son corps et le recit grotesque d’une évasion inventée aient beaucoup aidé la France a atteindre ses objectifs. A supposer même qu’on retienne votre idée selon laquelle la fin justifie les moyens, on voit mal en quoi les moyens dans cette affaire pouvaient permettre d’atteindre les fins.

      Si, comme vous le dites, la France s’était « adaptée » aux règles du jeu fixées par le FLN, elle n’aurait pas eu de difficulté à admettre la torture et la mort de Maurice Audin comme un acte nécessaire, décidé et assumé par l’autorité politique. Comme le faisait le FLN, d’ailleurs. Pourquoi a-t-on alors inventé un mensonge pour occulter la torture et l’assassinat ?

      [« S’y sont essayés des juristes et législateurs aussi prestigieux que Hammurabi ou Grotius… » Le Code d’Hammurabi parle des lois de la guerre? Pouvez-vous m’indiquer le passage en question?]

      J’avais un professeur de droit qui citait cette référence, considérant que la formule utilisée dans l’introduction du code selon laquelle les lois sont faites pour empêcher le fort d’opprimer le faible est le premier fondement dans l’histoire d’un droit de la guerre. Mais je vous avoue que je n’ai pas vérifié dans le texte.

      [« Cela n’exclue pas que celui qui le commet soit dénoncé et puni » Pendant que de l’autre côté de la Méditerranée, les ex-terroristes font de belles carrières, en uniforme et couverts de médailles?]

      Oui. Parce que nous, nous sommes les justes. Parce que l’Etat, contrairement aux groupes terroristes, est tenu par le principe de légalité.

      [Allons… Ne demandez pas à la France de faire ce qu’aucun autre pays n’accepte de faire. Est-ce que l’Allemagne se dépêche de juger les anciens seconds couteaux du nazisme quand elle les trouve?]

      L’Allemagne de l’Est l’a fait, oui. L’Argentine a jugé les militaires qui ont torturé pendant la période 1976-83. L’Afrique du Sud a organisé un processus de « vérité et réconciliation » dans lequel les anciens tortionnaires échappaient à une condamnation pénale en échange d’une reconnaissance qui valait sanction sociale. En France même, on a « épuré » après Vichy les collaborateurs les plus notoires. Lorsque au cours d’une guerre civile les deux camps ont commis des atrocités de même nature et au même niveau, l’amnistie peut avoir un sens. Mais lorsque les actes des deux camps sont très déséquilibrés, l’amnistie est une injustice.

      [Combien d’officiers et de soldats soviétiques ont été jugés pour les viols commis à Berlin en 1945? Pourquoi le Japon n’a pas retiré le nom des criminels de guerre d’un de ses grands monuments patriotiques?]

      Ces deux exemples concernent des guerres étrangères. Ce n’est pas du tout la même situation que pour une guerre civile.

      [C’est possible, mais je pense qu’il y a des éléments de la mentalité française qui vous échappe d’une part, et d’autre part vous êtes parfois victime de votre matérialisme historique qui vire au strict déterminisme. Au-delà des intérêts des uns et des autres (que je ne nie pas, entendons-nous bien), la question de la stature militaire, géopolitique, diplomatique d’un pays pèse également. Et l’état d’esprit des chefs militaires et politiques compte aussi. On l’a vu en 40…]

      Mais « l’état d’esprit » en question n’était pas tout à fait déconnecté des intérêts de classe. Et tout particulièrement du fait que pas mal de chefs militaires pensaient que le vrai ennemi était la Russie soviétique, et non une Allemagne qui mettait les communistes en prison. Je ne nie pas l’importance des questions culturelles, symboliques, intellectuelles dans la motivation des individus. Mais lorsqu’on examine le comportement collectif, le poids déterminant des intérêts apparaît très vite. Par ailleurs, comme je l’ai expliqué à Carnot, les écrits de l’époque montrent que les militaires jusqu’auboutistes étaient plus sensibles au discours anticommuniste et de défense de l’Occident chrétien qu’à l’honneur de la France.

      [Ben faudrait savoir. Dans une réponse à un autre commentateur, vous expliquiez que la France a abandonné les colonies parce que les élites économiques et politiques ne voyaient plus l’intérêt de conserver l’empire, coûteux et peu productif. Maintenant, vous expliquez qu’une partie importante de la classe politique était de mèche avec les gros colons. N’est-ce pas contradictoire?]

      Non. La bourgeoisie n’est pas un tout unique, et il y a des contradictions à l’intérieur même de cette classe. Pour le capitaliste métropolitain peu présent sur le marché d’outre-méditerrannée, l’Algérie était une charge financière qui pompait des ressources et empêchait d’achever la modernisation des infrastructures du pays. Ces gens-là n’étaient donc pas chauds pour continuer la guerre. Les gros colons algériens, dont la prospérité dépendait non seulement de la continuité de la colonisation mais aussi de l’injection d’argent de la métropole, c’était le contraire. Or, le système de la IVème République permettait à un petit groupe de députés, qui jouaient un rôle de charnière dans la constitution des majorités, de prendre en otage le reste du pays. Sans compter sur les dons généreux de certains colons pour les campagnes électorales…

      [Mais le résultat relève quand même de leur responsabilité. De la même façon que ceux qui rêvaient d’une “autre Europe” sont pour partie responsable de celle que nous avons… La voie de l’enfer est souvent pavée de bonnes intentions, vous le savez bien.]

      C’est plus compliqué que ça. Pour les militants du PCA, l’indépendance de l’Algérie était un bien en soi, quelque fut la suite. En ce sens, ceux avec qui j’ai pu discuter ne regrettent pas leur combat pour l’indépendance. Après, l’Algérie indépendante avait à choisir sa voie. Certains – dont ceux du PCA – ont lutté pour imposer un choix progressiste, et ont été battus. La plupart – dont Henri Alleg – ont été déclarés « persona non grata » et ont du quitter l’Algérie qu’ils avaient pourtant contribué à rendre indépendante. On peut donc difficilement leur reprocher ce que l’Algérie est devenue…

      [« Maurice Audin n’est pas un « héros », tout au plus un martyr » Il y a des martyrs chez les communistes? Moi qui croyais qu’un communiste de stricte obédience était athée… Rassurez-moi: il n’y a pas d’hérétiques et de sainte inquisition, tout de même ;)]

      Je ne vous insulterai pas vous rappelant l’étymologie du mot « martyr ». Eh oui, il y a des communistes qui « témoignent » de leurs convictions parfaitement athées au point de donner leur vie pour elles… vous en doutiez ?

      [Ne mélangeons pas tout. Maurice Audin a soutenu, en connaissance de cause, un mouvement qui tuait des soldats français, mais aussi des civils, des colons ainsi que des Algériens partisans de la présence française (il y en avait!). Cet homme travaillait sciemment à la défaite des armées de la France. Vous déniez à cet homme le qualificatif de “traître” que lui attribue bip. Je veux bien, mais qu’a- t-il fait de moins condamnable qu’un Brasillach ou qu’un Henriot? Ou bien le fait d’être communiste vaut-il absolution de tous les péchés?]

      Le crime de Brasillach ou celui d’Herniot est de s’être compromis avec un ennemi extérieur. A lire vos différents exemples j’ai l’impression que vous ne faites pas la différence entre une guerre extérieure et une guerre civile. Si dans une guerre extérieure le devoir de chaque citoyen est clair, dans une guerre civile la chose est beaucoup moins évidente, puisque chaque parti peut se réclamer d’une légitimité équivalente. Mettez-vous dans le contexte de l’époque : qui, en Algérie, représentait « légitimement » la voix de la nation, alors que des millions de français « de statut personnel musulman » n’avaient pas le droit de voter égalité avec els autres, et qu’une minorité se réservait le pouvoir politique et économique sur le fondement du droit de conquête ?

      Toute la difficulté de la situation algérienne est que selon les sources et les moments la guerre se présente comme un conflit entre deux nations, la France et la « nation algérienne », soit comme un conflit à l’intérieur d’une France qui inclut l’Algérie. On peut choisir l’option « guerre extérieure », mais dans ce cas, à laquelle des deux « nations » appartenaient les « pieds noirs » ?

      [La torture en Algérie, et la guerre d’Algérie de manière générale, n’est pas une page glorieuse de l’histoire de France. Ce fut une “sale guerre” comme on dit. Mais les soldats français qui y ont pris part n’étaient pas des mercenaires à la solde d’une puissance étrangère.]

      Je n’ai pas dit le contraire. C’est pourquoi à mon avis on ne peut pas parler de la responsabilité des militaires sans parler de la responsabilité des politiques qui ont rendu les excès de l’armée possibles et les ont couvert ensuite. Or, c’est là la tendance actuelle. Aussaresses est mort vilipendé, alors que Mitterrand est encensé.

      [Cette guerre était menée au nom de la République française et avec l’approbation du gouvernement légitime du pays.]

      C’est cette « légitimité » qui est en cause. Si on pense une République Française qui inclut l’Algérie, peut-on dire qu’un gouvernement élu par une petite fraction des habitants de l’Algérie est « légitime » quand il s’agit de décider pour ce territoire ? C’est là la problématique d’une guerre civile.

      [Notre armée a opéré avec l’accord du pouvoir civil. C’est pourquoi nos soldats tombés en Algérie ont leurs noms sur les monuments aux morts.]

      Tout à fait. Et ce n’est pas moi qui contestera leur droit à y être. Je pense qu’on est d’accord sur ce point au moins : les militaires ne choisissent pas leurs causes.

      [Audin lui, mérite d’être honoré en Algérie, certainement pas en France.]

      A ma connaissance, Audin n’est « honoré » nulle part en France. Même pour les communistes, c’est une victime et non un héros. Si on donne son nom à des places, c’est pour rappeler qu’on a torturé en Algérie, et non pour rendre hommage à ses mérites personnels. En Algérie, par contre, il est considéré un héros de l’indépendance, et c’est logique.

      [Quant à sa famille, maintenant qu’elle a eu confirmation de son assassinat, elle doit partir.]

      Il faut être cohérent. Si pour vous Audin est un « traître », c’est qu’il était français. Sa famille est donc chez elle en France.

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      [Pour moi, ce principe est tout à fait louable… à condition de pouvoir définir ce qu’est un « peuple ». Et c’est là que les problèmes commencent, en général. Qu’est ce qui permet de dire qu’il existe un « peuple breton » et pas un « peuple rhône-alpin » ?]

      C’était bien mon point, alors qu’on parle d’un supposé “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, « peuple » n’est pas une catégorie juridique. Pourquoi y aurait-il davantage en 1945 un « peuple algérien » qu’un « peuple breton » au moment de la Révolution ? Dès lors je trouve l’usage qu’on fait du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » très hypocrite. En réalité on se borne en général à reconnaître un état de fait quand un groupe a montré qu’il était suffisamment motivé pour se battre pour son indépendance et qu’il vaut mieux que l’Etat concerné « prenne ses pertes ».

      Pour moi les Algériens de statut musulman étaient légitimes à demander leur indépendance, ou d’ailleurs l’égalité des droits, mais seulement parce justement ils étaient juridiquement des citoyens de seconde zone – en fait des sujets. Mais en dehors de cela et du pragmatisme lié au rapport de force je ne vois pas en quoi il existerait un « peuple algérien » pendant la colonisation française, d’autant que l’Algérie n’existait pas comme territoire unifié avant que la France ne la créée.

      Je pense que toute personne peut exiger l’égalité des droits civils et politiques avec ses concitoyens ainsi que d’avoir son mot à dire quant à la façon dont son pays est dirigé. Mais reconnaître un « droit à la sécession », très peu pour moi. Par ailleurs il me semble qu’au cours de l’Histoire, et notamment avant l’âge démocratique, beaucoup de très bonnes choses ont été faites sans le consentement des populations intéressées mais qui ont servi leur intérêt de long terme, l’intégration de la Gaule dans l’empire romain par exemple.

      [Mais dans ce cas, pourquoi organiser le référendum en Algérie ? Si on a organisé ce vote, c’est bien parce qu’on reconnaissait aux Algériens le droit de décider de leur destin. Pensez-vous qu’on ait eu tort de les faire voter ?]

      Il ne vous a pas échappé qu’on n’a pas organisé de « référendum en Algérie », du moins pas dans un premier temps. En 1961 (référendum sur l’autodétermination de l’Algérie) et en mars 1962 (Accords d’Evian), c’est la totalité du corps électoral national, Algérie comprise, qui s’est prononcer. A ce moment là, la Nation tout entière a validé d’abord la possibilité puis a validé le renoncement à une partie du territoire national. Ensuite, conformément aux stipulations des Accords d’Evian la population du territoire concerné a été interrogée par référendum, conformément à la constution de la Ve République qui dispose que nul territoire ne saurait être cédé sans le consentement des populations intéressées. A aucun moment je ne vois dans tout ceci la reconnaissance par la France d’un quelconque peuple algérien.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [C’était bien mon point, alors qu’on parle d’un supposé “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, « peuple » n’est pas une catégorie juridique. Pourquoi y aurait-il davantage en 1945 un « peuple algérien » qu’un « peuple breton » au moment de la Révolution ? Dès lors je trouve l’usage qu’on fait du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » très hypocrite. En réalité on se borne en général à reconnaître un état de fait quand un groupe a montré qu’il était suffisamment motivé pour se battre pour son indépendance et qu’il vaut mieux que l’Etat concerné « prenne ses pertes ».]

      Bien entendu. En pratique, le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » est généralement utilisé à rebours pour légitimer a posteriori un état de fait. Si le référendum catalan avait abouti à l’indépendance, tout le monde aurait reconnu le nouvel Etat en se fondant sur le droit en question. Comme cela n’a pas abouti, tout le monde continue à reconnaître l’intégrité de l’Etat espagnol.

      [Mais en dehors de cela et du pragmatisme lié au rapport de force je ne vois pas en quoi il existerait un « peuple algérien » pendant la colonisation française, d’autant que l’Algérie n’existait pas comme territoire unifié avant que la France ne la créée.]

      La question de savoir quand est née une « nation algérienne » et un « peuple algérien » a été beaucoup débattue au cours des années, et instrumentalisée selon les périodes et les intérêts de chaque groupe. La délimitation de ce « peuple » et de cette « nation » a d’ailleurs posé toutes sortes de problèmes. Une des difficultés est que l’Algérie, contrairement à d’autres colonies françaises comme l’Indochine, n’a pas d’histoire nationale qui préexiste à la colonisation. Le territoire algérien était en effet morcelé entre différentes tribus et populations, et sous l’influence plus ou moins importante selon les régions de différents conquérants (arabes, ottomans). Son histoire est plutôt celle d’un état prédateur, retirant l’essentiel de ses richesses de la piraterie et des razzias pratiquées dans l’espace méditerranéen.

      D’une certaine façon, la « nation algérienne » et le « peuple algérien » tel que les voyait le FLN se sont construites par opposition. Etait « Algérien » tout ce qui n’était pas français. L’exemple des juifs algériens est assez révélateur de ce point de vue. Installés pour certains depuis le XVème siècle, plus de trois siècles avant le début de la colonisation française, on aurait pu penser qu’ils remplissaient les conditions pour être considérés « algériens de souche ». Mais patatras ! Le décret Crémieux avait fait d’eux des français. Et du coup, ils étaient des étrangers en Algérie pour le FLN.

      [Je pense que toute personne peut exiger l’égalité des droits civils et politiques avec ses concitoyens ainsi que d’avoir son mot à dire quant à la façon dont son pays est dirigé. Mais reconnaître un « droit à la sécession », très peu pour moi.]

      Le sujet est complexe. Si on considère que la nation est fondée sur un « contrat sans cesse renouvelé » entre ses membres, alors il faut considérer la situation ou un groupe important de citoyens n’accepte pas – ou plus – le contrat en question. Une certaine logique voudrait que dans ce cas le contrat puisse être révisé ou rompu, ce qui aboutit à ce que vous appelez un « droit à la sécession ». Seulement, il faut tenir compte que ce contrat n’est pas seulement instantané, il est intergénérationnel. L’Ile de France pourrait aujourd’hui considérer que le reste de la France lui coute trop cher, qu’elle serait bien plus riche toute seule. Seulement, ce serait oublier que l’Ile de France a une dette envers le reste du pays, que sa richesse vient en partie des apports des autres, et que d’autres se sont mobilisés dans le passé pour la défendre.

      [Par ailleurs il me semble qu’au cours de l’Histoire, et notamment avant l’âge démocratique, beaucoup de très bonnes choses ont été faites sans le consentement des populations intéressées mais qui ont servi leur intérêt de long terme, l’intégration de la Gaule dans l’empire romain par exemple.]

      Beaucoup de bonnes choses ont été faites sans le consentement des populations. Beaucoup de mauvaises aussi. On ne peut donc pas instituer ce principe. Je crois que la problématique n’est pas tant de savoir si l’on peut faire des bonnes choses en se passant du consentement des gens, mais de savoir quelles sont les conditions pour que ces choses soient acceptées comme légitimes. Or, une fois perdue la légitimité issue du droit divin, il ne vous reste qu’une source de légitimité, le peuple…

    • @ Descartes,

      Je vous en veux terriblement d’avoir répondu d’abord aux commentateurs qui avaient posté après moi… Mettez-vous à ma place: j’attendais hier au soir ma réponse, et elle ne venait point. On me privait de ma nourriture intellectuelle. Quelle frustration! Mais je suis bon chrétien, je vous pardonne 🙂

      “Si, comme vous le dites, la France s’était « adaptée » aux règles du jeu fixées par le FLN, elle n’aurait pas eu de difficulté à admettre la torture et la mort de Maurice Audin comme un acte nécessaire, décidé et assumé par l’autorité politique”
      Eh beh non. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans lesquelles la torture peut être un mal nécessaire. Il faut le faire, mais tâcher d’être discret. Se vanter de torturer me paraît contre-productif. Je ne connais pas précisément l’affaire Audin. Savait-il des choses importantes qui justifiaient qu’on le brutalise et qu’on le tue? Ou bien s’agit-il de l’élimination pure et simple d’un opposant sous couvert de “lutte contre le terrorisme”? Jusqu’à quel point Audin était-il impliqué dans la “résistance” algérienne?

      “considérant que la formule utilisée dans l’introduction du code selon laquelle les lois sont faites pour empêcher le fort d’opprimer le faible est le premier fondement dans l’histoire d’un droit de la guerre”
      Effectivement, la formule s’y trouve. Mais j’avoue que je ne vois pas le rapport avec le droit de la guerre… D’autant que la guerre au temps d’Hammurabi était d’une grande cruauté, c’est le moins qu’on puisse dire. Si la réduction en servitude ou le massacre des populations vaincues, pratiquées allègrement par tous les royaumes mésopotamiens antiques, n’est pas une forme d’ “oppression du faible par le fort”, qu’est-ce donc alors?

      “Par ailleurs, comme je l’ai expliqué à Carnot, les écrits de l’époque montrent que les militaires jusqu’auboutistes étaient plus sensibles au discours anticommuniste et de défense de l’Occident chrétien qu’à l’honneur de la France.”
      Vous marquez un point.

      “Non. La bourgeoisie n’est pas un tout unique, et il y a des contradictions à l’intérieur même de cette classe”
      Deux points…

      Pour répondre à Tythan, que je remercie chaleureusement de ses encouragements, j’hésite de plus en plus à poster ici parce que je sais que la plupart du temps, vous allez l’emporter dans nos joutes et me “corriger” (avec courtoisie et indulgence, je ne le nie pas). Je me disais que, le temps passant, vous perdriez de votre redoutable talent 🙂 Mais je pense que vous êtes plus jeune que je le croyais: j’avais tendance à vous faire naître au début des années 60 mais, compte tenu de ce que vous écrivez ici ou là, je dirais à présent que vous êtes né autour de 1970. J’ai bon?

      “La plupart – dont Henri Alleg – ont été déclarés « persona non grata » et ont du quitter l’Algérie qu’ils avaient pourtant contribué à rendre indépendante. On peut donc difficilement leur reprocher ce que l’Algérie est devenue…”
      Les mains propres et la tête haute, en somme. C’est le propre des gens qui n’ont rien fait, pardon de le dire. Cela étant, ils auraient pu avoir la décence, après avoir combattu l’armée française, de choisir de vivre dans un autre pays que le nôtre. Le monde est vaste.

      “vous en doutiez ?”
      Je doute de tout… Mais j’admire les gens qui sacrifient leurs vies sans même espérer une récompense dans l’au-delà. Cela étant, le martyr est pour moi celui qui va au-devant de la mort. Je pense qu’Audin espérait traverser la guerre sans être arrêté ni torturé. Ce n’est pas un martyr. Et, encore une fois, quel était précisément son degré d’implication? Pouvait-il raisonnablement craindre une telle fin compte tenu de ce qu’il avait fait?

      “Toute la difficulté de la situation algérienne est que selon les sources et les moments la guerre se présente comme un conflit entre deux nations, la France et la « nation algérienne », soit comme un conflit à l’intérieur d’une France qui inclut l’Algérie. On peut choisir l’option « guerre extérieure », mais dans ce cas, à laquelle des deux « nations » appartenaient les « pieds noirs » ?”
      Je pense, et peut-être est-ce là le fond du débat, que la guerre d’Algérie a à la fois des caractères d’une guerre extérieure (l’armée française opérant hors de métropole contre des éléments se définissant comme “étrangers”) et des éléments d’une guerre civile (entre Algériens indépendantistes et pro-français, entre mouvements indépendantistes, car le FLN a éradiqué d’autres groupes, ne l’oublions pas, entre pieds-noirs indépendantistes et pieds-noirs pro-français). Vous me posez la question pour les pieds-noirs, je vous répondrai que les pieds-noirs étaient à la croisée des identités, Français de culture, de statut, de sang parfois mais pas toujours, Algérien quant au lieu de naissance et quant à l’attachement à leur terre natale. Les pieds-noirs symbolisent pour moi le tragique de la décolonisation… Vous vivez, parfois depuis trois générations (ou plus), sur une terre, que vous aimez, que vous avez contribué à mettre en valeur, et un jour on vous oblige à partir. Rétrospectivement, la colonisation a été une erreur, les peuples ne fusionnent pas quand le fossé culturel est trop grand. L’immigration est en train de reproduire à mon sens le même type d’erreur, c’est pourquoi je milite ardemment pour le renvoi massif des populations extra-européennes, et tout particulièrement quand elles sont musulmanes. Même si la France avait accordé l’égalité des droits aux Algériens, leur situation économique défavorable et leur spécificité culturelle auraient tôt ou tard conduit une partie d’entre eux à se retourner contre les Pieds-noirs. Ils auraient difficilement résisté aux sirènes de l’islamisme.

      “A ma connaissance, Audin n’est « honoré » nulle part en France.”
      Pour le moment! Mais je prends les paris qu’une mairie de gauche ne tardera pas à faire une proposition pour baptiser une rue ou une place.

      “Il faut être cohérent. Si pour vous Audin est un « traître », c’est qu’il était français.”
      Mais je n’ai pas dit qu’il était un traître. J’ai dit que bip lui avait attribué ce statut et, dans le cas où on le considérerait comme Français, je vous demandais ce qu’il avait fait de moins condamnable que Brasillach ou Henriot. Pour moi, Audin est simplement un Algérien. Et je trouverais plus cohérent que sa famille parte vivre en Algérie, fournir à ce pays les cadres dont il a un besoin urgent. Apparemment, le FLN n’a pas répudié le souvenir d’Audin puisqu’il est honoré là-bas. Alors?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Je vous en veux terriblement d’avoir répondu d’abord aux commentateurs qui avaient posté après moi… Mettez-vous à ma place: j’attendais hier au soir ma réponse, et elle ne venait point. On me privait de ma nourriture intellectuelle. Quelle frustration! Mais je suis bon chrétien, je vous pardonne :)]

      Si cela peut vous consoler, sachez que votre message est le premier auquel j’ai commencé à répondre. J’ai du partir de chez moi avant de finir la réponse et j’ai sauvegardé mon travail sur une clé… que j’ai oublié au travail. Je ne l’ai récupéré que le lendemain, et du coup j’ai complété votre réponse après tous les autres…

      [Eh beh non. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans lesquelles la torture peut être un mal nécessaire. Il faut le faire, mais tâcher d’être discret. Se vanter de torturer me paraît contre-productif.]

      Pourquoi ? Dès lors que vous soutenez que cette méthode est « légitime », autant la légaliser et la rendre publique. Cela ne peut que la rendre encore plus dissuasive, non ? En fait, vous admettez que la torture peut être un « mal nécessaire », mais que c’est un mal. Et qu’on ne peut donc pas permettre sa banalisation. C’est pourquoi elle doit rester un secret honteux.

      [Je ne connais pas précisément l’affaire Audin. Savait-il des choses importantes qui justifiaient qu’on le brutalise et qu’on le tue?]

      Mais comment ses tortionnaires pouvaient ils le savoir AVANT de le torturer ? C’est là tout le problème de la torture, et ce qui finalement la rend à la fois inacceptable et inefficace. Inacceptable parce que par essence le tortionnaire ignore qui sait quelque chose. Et du coup, toute personne devient en principe « torturable » puisque tout le monde est susceptible d’être suspect. La deuxième raison est qu’on peut obliger quelqu’un à parler, mais qu’il n’existe pas de moyen pour savoir s’il dit la vérité.

      [Ou bien s’agit-il de l’élimination pure et simple d’un opposant sous couvert de “lutte contre le terrorisme”? Jusqu’à quel point Audin était-il impliqué dans la “résistance” algérienne?]

      Nous ne le saurons probablement jamais, puisqu’Audin est parti dans la tombe avec ses secrets, et que ceux qui l’ont torturé sont morts. La manière dont sa mort a été occultée suggère que Audin est mort pendant une séance de torture qui a mal tourné. Mais comme je vous l’ai dit, on ne saura jamais.

      [Effectivement, la formule s’y trouve. Mais j’avoue que je ne vois pas le rapport avec le droit de la guerre…]

      Je ne me souviens pas quel était le raisonnement de mon professeur… c’était il y a trente ans !

      [Pour répondre à Tythan, que je remercie chaleureusement de ses encouragements, j’hésite de plus en plus à poster ici parce que je sais que la plupart du temps, vous allez l’emporter dans nos joutes et me “corriger” (avec courtoisie et indulgence, je ne le nie pas). Je me disais que, le temps passant, vous perdriez de votre redoutable talent 🙂 Mais je pense que vous êtes plus jeune que je le croyais: j’avais tendance à vous faire naître au début des années 60 mais, compte tenu de ce que vous écrivez ici ou là, je dirais à présent que vous êtes né autour de 1970. J’ai bon?]

      Pas loin… mais je suis désolé d’entendre que vous ressentez nos dialogues comme une « correction ». Je ne sais pas si mes commentaires vous sont utiles, mais j’apprends énormément en lisant les vôtres, même lorsque je ne partage pas vos conclusions. Je n’aime pas l’idée que mes réponses vous dissuadent de quelque manière que ce soit de commenter ici. Sachez que j’ai le plus grand respect pour votre position, même si je ne la partage pas – et que je ne la comprends pas toujours.

      [Les mains propres et la tête haute, en somme. C’est le propre des gens qui n’ont rien fait, pardon de le dire. Cela étant, ils auraient pu avoir la décence, après avoir combattu l’armée française, de choisir de vivre dans un autre pays que le nôtre. Le monde est vaste.]

      N’exagérez pas. Les militants communistes ont combattu la colonisation avec des moyens politiques, ils n’ont jamais que je sache « combattu l’armée française » les armes à la main. Cela leur avait d’ailleurs valu une accusation de « tièdes » qui leur a collé à la peau pendant de longues années de la part des « anticolonialistes pur jus » genre Nouvel Observateur. Et si vous lisez la littérature de l’époque, vous verrez que les communistes étaient assez réservés sur la question de la lutte armée en général.

      [Je doute de tout… Mais j’admire les gens qui sacrifient leurs vies sans même espérer une récompense dans l’au-delà. Cela étant, le martyr est pour moi celui qui va au-devant de la mort. Je pense qu’Audin espérait traverser la guerre sans être arrêté ni torturé.]

      Sans doute. Si pour vous un martyr est celui qui recherche la mort, qui la souhaite, alors effectivement vous en trouverez très peu chez les communistes de tradition léniniste. De mon temps, le PCF se moquait des gauchistes qui admiraient Guevara en écrivant que « le devoir d’un communiste n’est pas de mourir pour la révolution, c’est de vivre pour elle ». Mais je pense que votre vision est trop extrême même pour la tradition chrétienne. La plupart des martyrs chrétiens cherchaient à convertir et à évangéliser, et non à être tués.

      [Et, encore une fois, quel était précisément son degré d’implication? Pouvait-il raisonnablement craindre une telle fin compte tenu de ce qu’il avait fait?]

      On ne le saura jamais, puisqu’il est mort en emportant ses secrets. Ce qui l’ont fréquenté décrivent un militant communiste, qui distribuait des tracts et vendait des journaux, qui faisait de la propagande dans son travail, à qui il arrivait d’héberger des militants blessés ou poursuivis par la police. Mais qui peut exclure qu’il ait fait d’autres choses bien plus graves sans que son entourage le sache ? Comme je vous l’ai dit, nous sommes tous supects…

      [Je pense, et peut-être est-ce là le fond du débat, que la guerre d’Algérie a à la fois des caractères d’une guerre extérieure (l’armée française opérant hors de métropole contre des éléments se définissant comme “étrangers”) et des éléments d’une guerre civile (entre Algériens indépendantistes et pro-français, entre mouvements indépendantistes, car le FLN a éradiqué d’autres groupes, ne l’oublions pas, entre pieds-noirs indépendantistes et pieds-noirs pro-français).]

      Je ne pense pas que l’on puisse parler de guerre extérieure à propos de la guerre d’Algérie. Oui, on a envoyé l’armée française, contingent inclus. Mais dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, et non dans le cadre d’opérations militaires. Les prisonniers faits au FLN n’ont jamais été considérés comme des prisonniers de guerre, les conventions de Genève n’ont pas été appliquées.

      Au contraire, on retrouve dans la guerre d’Algérie toutes les caractéristiques d’une guerre civile : la fragmentation de chaque « camp » en groupes concurrents qui se combattaient entre eux autant qu’ils combattaient l’ennemi commun ; le fait que les combattants qui s’opposaient partageaient les mêmes lieux, appartenaient quelquefois à la même famille… En 1940-44, on vit la superposition d’une guerre étrangère et d’une guerre civile. En Algérie, ce fut une véritable guerre civile.

      [Vous me posez la question pour les pieds-noirs, je vous répondrai que les pieds-noirs étaient à la croisée des identités, Français de culture, de statut, de sang parfois mais pas toujours, Algérien quant au lieu de naissance et quant à l’attachement à leur terre natale. Les pieds-noirs symbolisent pour moi le tragique de la décolonisation…]

      Oui, mais mon point est que vous ne pouvez pas les situer à priori dans un camp ou dans un autre. Peut-on dire que les pieds-noirs qui se sentaient algériens et qui se battaient pour l’indépendance étaient des « traîtres » ? Je ne le pense pas. C’est là tout le tragique d’une guerre civile.

      [Vous vivez, parfois depuis trois générations (ou plus), sur une terre, que vous aimez, que vous avez contribué à mettre en valeur, et un jour on vous oblige à partir. Rétrospectivement, la colonisation a été une erreur, les peuples ne fusionnent pas quand le fossé culturel est trop grand.]

      Je ne suis pas si sûr. On aurait pu je pense assimiler la population « de statut personnel musulman » si on y avait mis le prix. Seulement voilà, les colons n’en voulaient pas. Et les régimes qui se sont succédés avant 1958 étaient trop faibles et trop dépendants des lobbies coloniaux pour mettre en œuvre une véritable politique d’assimilation.

      [L’immigration est en train de reproduire à mon sens le même type d’erreur, c’est pourquoi je milite ardemment pour le renvoi massif des populations extra-européennes, et tout particulièrement quand elles sont musulmanes. Même si la France avait accordé l’égalité des droits aux Algériens, leur situation économique défavorable et leur spécificité culturelle auraient tôt ou tard conduit une partie d’entre eux à se retourner contre les Pieds-noirs. Ils auraient difficilement résisté aux sirènes de l’islamisme.]

      Je retrouve ici notre désaccord traditionnel concernant l’assimilation…

      [« A ma connaissance, Audin n’est « honoré » nulle part en France. » Pour le moment! Mais je prends les paris qu’une mairie de gauche ne tardera pas à faire une proposition pour baptiser une rue ou une place.]

      Baptiser une rue ou une place ne revient pas à « honorer ». Le « marché des Innocents » ne cherche pas à honorer les saints innocents – qui n’ont pas fait grande chose, les pauvres – mais pour perpétuer le souvenir d’un massacre. Audin n’a rien apporté à l’humanité qui mérite des honneurs. C’est une victime dont on peut perpétuer le souvenir, c’est tout.

      [Pour moi, Audin est simplement un Algérien. Et je trouverais plus cohérent que sa famille parte vivre en Algérie, fournir à ce pays les cadres dont il a un besoin urgent. Apparemment, le FLN n’a pas répudié le souvenir d’Audin puisqu’il est honoré là-bas. Alors?]

      Le FLN honore Audin mort, mais les mésaventures d’Henri Alleg me font penser qu’ils ne l’auraient pas honoré vivant. Comme je vous l’ai dit, je ne connais pas les circonstances qui ont fait que la famille de Maurice Audin est revenue en métropole, mais j’imagine que les raison doivent être très similaires…

    • morel dit :

      Les déclarations suivies de la visite à la veuve de Maurice Audin interrogent quant à l’intention de Macron. Il me fait penser à cet autre gouvernement en perdition qui a vu Valls rouler des mécaniques face à l’antisémite Dieudonné. L’indignation est venu du camp qui le talonne le plus : FN et LR.

      Par ailleurs, il s’agit là de la divulgation d’un secret de polichinelle pour les historiens et ceux qui s’intéressent à l’histoire même si personne n’en connaît les détails.

      Ceci dit, ce type de déclaration est bien intentionnelle (visée outre Méditerranée aussi ? Au-delà?). Cette déclaration d’aujourd’hui poursuit nécessaire des buts actuels même si elle concerne l’histoire passée.

      Une remarque en passant: une différence entre les colonisations anglaises et françaises. Chez nos voisins d’outre-Manche les colonies à visée de peuplement aboutissent souvent à la disparition des populations locales (colonies britanniques devenues USA, Australie, Canada, dans une mesure un peu moindre Nouvelle-Zélande).

      L’Algérie est le seul exemple de colonie de peuplement de la France et quoiqu’en en pense, le « modèle » britannique n’y a jamais eu cours.

      Il y aurait beaucoup à dire sur la guerre d’Algérie mais pas le temps pour livrer un travail fouillé.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Les déclarations suivies de la visite à la veuve de Maurice Audin interrogent quant à l’intention de Macron. Il me fait penser à cet autre gouvernement en perdition qui a vu Valls rouler des mécaniques face à l’antisémite Dieudonné. L’indignation est venue du camp qui le talonne le plus : FN et LR.]

      Quelque soient les raisons qui ont poussé Macron à faire ce geste, vous pouvez être sûr que ce ne sont ni une conviction profonde, ni un souci de justice. Après, on peut discuter. L’a-t-il fait pour faire plaisir à Cédric Villani et au groupe qui tourne autour de lui, qui avait fait de la réhabilitation du mathématicien une de ses causes ? L’a-t-il fait pour envoyer un signal au gouvernement d’Alger, dans la droite ligne de ses déclarations faisant de la colonisation un « crime contre l’humanité » ? L’a-t-il fait en s’imaginant que ce texte rétablirait son image de président jeune, à qui les fantômes du passé ne font pas peur ? Très difficile à dire.

      [Par ailleurs, il s’agit là de la divulgation d’un secret de polichinelle pour les historiens et ceux qui s’intéressent à l’histoire même si personne n’en connaît les détails.]

      Le geste de Macron est purement symbolique. Il n’apporte rien à la connaissance de l’affaire Audin. L’histoire grotesque de la « tentative de fugue » au cours de laquelle Audin aurait réussi à s’échapper et serait passé à la clandestinité n’était plus soutenu par personne, même pas par les derniers gardiens de l’honneur de l’armée et de l’Algérie française. Les acteurs de l’épisode sont aujourd’hui morts, qu’ils aient parlé ou pas. Et je doute fort qu’on trouve dans les archives des documents sur cette affaire qui nous apprennent quelque chose qu’on ne sache déjà.

      Plus intéressante est sa promesse d’ouvrir aux historiens les archives militaires de l’époque. On verra ce qu’il en est dans les faits.

      [L’Algérie est le seul exemple de colonie de peuplement de la France et quoiqu’en en pense, le « modèle » britannique n’y a jamais eu cours.]

      Pas tout à fait : vous oubliez la Nouvelle Calédonie. Mais il est vrai que la politique française en Algérie n’a pas d’équivalent dans le monde anglo-saxon. Pour les colons britanniques, la séparation entre la métropole et les colonies a toujours été totale, avec une identité juridique, politique, linguistique différente. La France, pays unitaire, a toujours eu derrière la tête d’une incorporation plus ou moins étroite de ses colonies à l’espace français, avec une unification de la législation, des institutions, des statuts. On a envoyé en Algérie des instituteurs français enseigner aux petits algériens l’histoire de France, la langue française, les lois françaises. Je ne connais pas d’équivalent dans les territoires colonisés par les britanniques.

      [Il y aurait beaucoup à dire sur la guerre d’Algérie mais pas le temps pour livrer un travail fouillé.]

      Je pense qu’il y a encore plus à dire sur l’histoire de la colonisation en Algérie. Il est à mon avis regrettable que l’histoire soit enseignée ou diffusée dans les médias comme si l’histoire commune à la France et à l’Algérie avait commencé en 1954…

    • @ Descartes,

      “Si cela peut vous consoler, sachez que votre message est le premier auquel j’ai commencé à répondre.”
      Je ne demande pas de justification, je plaisantais. Je craignais en fait que vous n’ayez pas reçu mon commentaire.

      “En fait, vous admettez que la torture peut être un « mal nécessaire », mais que c’est un mal.”
      Oui. Ma position est simple: il faut éviter la violence si on peut; mais si elle est nécessaire (et je pense que parfois elle l’est), à la sauvegarde de l’Etat, de l’unité de la nation, à la préservation des intérêts de la France, alors je ne fais pas objection à son usage.

      “C’est là tout le problème de la torture, et ce qui finalement la rend à la fois inacceptable et inefficace”
      Je ne suis pas d’accord avec vous. Si la torture est utilisée en association avec des services de renseignement efficaces, il n’est pas question de torturer au hasard, n’importe qui. Il s’agit de “faire parler” des gens qu’on a clairement identifiés comme appartenant à un réseau que l’on combat. C’est pourquoi la torture doit être utilisée, non seulement avec discrétion, mais avec parcimonie.

      “mais je suis désolé d’entendre que vous ressentez nos dialogues comme une « correction ». Je ne sais pas si mes commentaires vous sont utiles, mais j’apprends énormément en lisant les vôtres, même lorsque je ne partage pas vos conclusions. Je n’aime pas l’idée que mes réponses vous dissuadent de quelque manière que ce soit de commenter ici.”
      J’avais mis le terme “corrigé” entre guillemets, n’ayant pas trouvé le mot adéquat. Je faisais simplement observer que, dans nos échanges, vous avez tendance à prendre l’ascendant. Ne me reprochez pas (et ne vous reprochez pas) que je rende hommage à vos talents de débatteur! Il arrive aussi assez fréquemment qu’un autre commentateur exprime les objections que j’ai en tête, aussi je préfère éviter les redondances. Mais je vous invite à regarder la date de mon premier commentaire sur votre blog. Vous noterez que le temps a passé, et que je suis toujours là. C’est plus fort que moi…

      “Je retrouve ici notre désaccord traditionnel concernant l’assimilation…”
      Tout à fait, et au risque de vous lasser, je reviens à la charge sur ce point. Je ne redéveloppe pas ma position concernant les populations des anciennes colonies, qui devraient selon moi assumer le choix collectif et historique du divorce d’avec la France. Je pense que votre foi assimilationniste vous conduit à idéaliser l’assimilation à la française: elle fut en réalité beaucoup plus partielle et imparfaite que vous le croyez. Le biais de votre raisonnement vient je pense du fait que vous êtes vous-mêmes le produit d’une assimilation réussie. Mais tout le monde n’est pas Descartes. Votre assimilation, de mon point de vue, s’explique autant par votre culture familiale (issue d’une minorité persécutée, ayant déjà tenté, si j’ai bien compris, de s’assimiler dans un pays latino-américain) que par le modèle français. J’ajoute que là d’où votre famille est partie, l’idée de nation existait déjà, vous avez grandi avec ce concept. Ce n’est pas le cas de beaucoup d’immigrés qui viennent de sociétés claniques ou tribales.

      Ensuite, je voudrais revenir sur un de vos arguments récurrents: la réussite de l’assimilation “intérieure”. Mais cette dernière est très différente de l’assimilation des immigrés. En effet, l’assimilation intérieure fut à double sens: certes, la Bretagne, la Bourgogne, l’Alsace ou la Provence sont devenues françaises, mais (et les régionalistes n’arrivent pas à comprendre cela) la France est tout autant devenue bretonne, bourguignonne, alsacienne ou provençale. L’assimilation intérieure, c’est la production d’une synthèse. J’ajoute que cette assimilation n’a pas pour origine un déracinement: les populations des différentes régions n’ont pas dû abandonner brutalement leur terre natale. De plus, le Breton devenu Français a pu demeurer Breton dans une certaine mesure, comme le Français de Provence a pu rester Provençal.

      Assimiler l’immigré est une autre paire de manches. D’abord, il y a souvent le drame du déracinement, la perte de repères, la nostalgie de la terre natale. Ensuite, il y a le problème culturel: la culture provençale ou savoyarde est devenue partie intégrante de la culture française. Je ne vois pas bien, excusez-moi, comment la culture arabe, berbère, malienne ou ivoirienne pourrait devenir partie intégrante de la culture française, dans la mesure où les terres d’origine de ces cultures sont étrangères. Par ailleurs, si la culture française doit demain être une synthèse comprenant des éléments de la culture islamique ou subsaharienne, j’aime mieux que la France soit détruite. De mon point de vue, ce serait un abâtardissement de la civilisation française. Le problème de l’immigré algérien ou congolais, c’est qu’il doit choisir entre son identité d’origine et l’identité française. Le Lorrain ou le Béarnais n’a pas eu ce dilemme.

      Alors bien sûr, vous allez me répondre: mais la France a assimilé les Polonais, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, et sans grande difficulté. C’est vrai. Mais elle les a assimilés dans un contexte de croissance économique et de développement industriel. Or les Trente Glorieuses sont finies, et elles ne reviendront pas, notre industrie est moribonde, et depuis que je suis né au début des années 80, j’entends comme un leitmotiv: “c’est la crise”. Nous luttons pathétiquement pour avoir entre 1 et 2 points de croissance. Lors de la crise des années 30, beaucoup de Polonais et d’Italiens ont dû partir. Si ceux qui sont restés ont été assimilés sans trop de difficulté, la raison est à chercher dans le catholicisme. Durant le Moyen Âge, l’Eglise catholique a diffusé un modèle, une matrice culturelle (dont l’héritage de Rome) partout où elle s’est implantée. Au Moyen Âge, en Suède ou en Pologne, on écrit le latin, bien que ces régions n’aient jamais appartenu à l’empire. C’est l’une des gloires de l’Eglise romaine: avoir répandu la romanité au-delà des anciens territoires ayant appartenu aux Césars. Et au-delà de l’Europe: ne venez-vous pas d’Amérique “latine”? Il ne s’agit pas de nier les différences culturelles, mais je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance de cette matrice catholique. L’intégration par le travail a fait le reste. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les Suédois et les Danois luthériens ne sont pas beaucoup venus en France (alors que les Etats-Unis en ont accueilli un nombre assez important à la fin du XIX°).

      Concernant les juifs, vous allez me dire: “mais eux sont étrangers à la matrice catholique, et ils se sont assimilés! Alors?”. Les juifs sont un cas très particulier, vous le savez mieux que moi: minoritaires partout où ils vivent depuis le II° siècle après Jésus-Christ, souvent persécutés, parfois expulsés, l’assimilation était je pense pour eux une chance, une opportunité de sortir du ghetto, de mettre fin à cette angoissante errance multiséculaire. De par son histoire, la culture juive peut survivre, malgré l’assimilation, nous en avons déjà parlé.

      Enfin, je dirais un mot de ma conception de l’histoire de l’humanité (si j’ose cette expression un peu pompeuse): depuis l’apparition de notre espèce sur Terre, l’humanité a connu une très longue période de nomadisme et de semi-nomadisme, qui a duré très longtemps dans certaines régions (je pense à l’Asie centrale). Ces mouvements perpétuels de population ont créé pendant des siècles de l’instabilité, des invasions, bref une confusion des peuples. Aujourd’hui, le mode de vie sédentaire a triomphé, des frontières ont été tracées sur chaque continent. Aujourd’hui, les migrations doivent progressivement s’arrêter, chaque nation, chaque peuple, doit vivre en paix, à l’abri de ses frontières. Nous pouvons commercer, échanger, apprendre à nous connaître, sans avoir besoin de vivre au même endroit ou de se métisser. Vous savez, on me prend souvent pour un raciste ou un xénophobe, mais si la situation était différente, j’adorerais visiter des pays comme la Syrie ou l’Algérie. Je ne suis pas hostile aux autres civilisations, bien au contraire. Quand je vois des images de Samarcande ou de Marrakech, je suis admiratif. Simplement, le Maghreb ou l’Afrique subsaharienne, je les ai à 200 mètres de chez moi: dans la tenue des femmes (et parfois des hommes), dans les commerces, jusque dans la langue utilisée dans la rue. Et ça, ce n’est pas acceptable. J’ajoute que, pour moi, le métissage biologique engendre nécessairement un métissage culturel, d’où mon hostilité aux unions “mixtes”.

      Je perçois une forme de mondialisation comme une menace, parce qu’en rétablissant une forme de nomadisme (et en gommant les frontières), elle crée selon moi les germes des instabilités à venir. Je n’ai jamais compris comment en l’espace de quelques mois des centaines de milliers de Syriens, d’Irakiens et d’autres ont pu arriver en Europe, franchir autant de frontières sans que personne ne réagisse. Tout le monde a hurlé quand Orban a clôturé sa frontière, mais il a simplement rendu son rôle à ce qu’est intrinsèquement une frontière. Une frontière nous sépare, nous protège. Pour l’avoir oublié, nous n’avons pas fini de le payer…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [« En fait, vous admettez que la torture peut être un « mal nécessaire », mais que c’est un mal. » Oui. Ma position est simple: il faut éviter la violence si on peut; mais si elle est nécessaire (et je pense que parfois elle l’est), à la sauvegarde de l’Etat, de l’unité de la nation, à la préservation des intérêts de la France, alors je ne fais pas objection à son usage.]

      Mon point allait un peu plus loin. Il y a des formes de « violence » qui son nécessaires à la sauvegarde de l’Etat et à la préservation des intérêts de la France et qui sont publiques, assumées, écrites dans les lois et les règlements. Les armes que portent policiers et les gendarmes ne sont pas des éléments de décoration, et les chars qu’on promène sur les Champs Elysées le 14 juillet le sont à la vue de tous.

      Vous me dites n’avoir pas d’objection à l’usage de la torture lorsqu’elle est nécessaire à la sauvegarde de l’Etat et la préservation des intérêts de la France. Mais alors, pourquoi ne proposez-vous pas de l’assumer, lui donner un cadre légal, doter l’armée française de matériel prévu à cet effet et l’exhiber fièrement dans les défilés ? Pourquoi avoir honte alors qu’on le fait pour la bonne cause ?

      Vous voyez bien qu’il y a violence et violence. Il y a une violence qu’on est prêt à assumer, et une violence qui, même si on admet l’usage, on préfère voire cachée. Pourquoi, à votre avis ? Pourquoi est-on prêt à assumer le fait qu’un gendarme ou un soldat peut tuer quelqu’un si sa mission l’exige, mais on occulte le fait qu’il pourrait torturer si cela était nécessaire ?

      [« C’est là tout le problème de la torture, et ce qui finalement la rend à la fois inacceptable et inefficace » Je ne suis pas d’accord avec vous. Si la torture est utilisée en association avec des services de renseignement efficaces, il n’est pas question de torturer au hasard, n’importe qui. Il s’agit de “faire parler” des gens qu’on a clairement identifiés comme appartenant à un réseau que l’on combat.]

      Vous savez bien qu’en torturant quelqu’un on peut lui faire dire qu’il fait partie d’un complot avec Brigitte Macron et Michel Drucker pour assassiner le président. Et ensuite ? Qu’est ce que vous faites ? Brigitte Macron et Michel Drucker nient toute connaissance de l’affaire. Il ne vous reste plus qu’à les torturer jusqu’à ce qu’ils avouent…

      L’expérience a largement montré qu’une fois qu’on commence à torturer, on finit par torturer au hasard. Parce que sous la torture, n’importe qui dénonce n’importe qui. Les aveux extorqués sous la contrainte ont conduit en prison plus d’innocents que de coupables.

      [C’est pourquoi la torture doit être utilisée, non seulement avec discrétion, mais avec parcimonie.]

      Vous ne pouvez pas. Parce qu’une fois que vous avez torturé X jusqu’à ce qu’il avoue qu’il prépare un attentat avec Y, Z, W et T, qu’est ce que vous ferez ? Arrêter Y, Z W et T ? Ils nient tous. Il ne vous reste qu’à les torturer pour qu’ils avouent, moyennant quoi ils dénonceront A, B, C, D, F, G, H… qui à leur tour nieront. Et petit à petit, vous aurez sous la gégène tout l’alphabet, sans que cela vous permette de savoir qui est coupable et qui est innocent.

      [Le biais de votre raisonnement vient je pense du fait que vous êtes vous-mêmes le produit d’une assimilation réussie. Mais tout le monde n’est pas Descartes. Votre assimilation, de mon point de vue, s’explique autant par votre culture familiale (issue d’une minorité persécutée, ayant déjà tenté, si j’ai bien compris, de s’assimiler dans un pays latino-américain) que par le modèle français. J’ajoute que là d’où votre famille est partie, l’idée de nation existait déjà, vous avez grandi avec ce concept. Ce n’est pas le cas de beaucoup d’immigrés qui viennent de sociétés claniques ou tribales.]

      Je n’ignore pas ces difficultés. Mon cas est loin d’être généralisable, parce que je viens en effet d’une minorité dont l’assimilation est par certains côtes une ambition historique, généralement contrariée par les sociétés d’accueil d’ailleurs. C’est bien entendu beaucoup plus difficile lorsque les populations à assimiler viennent de plus loin culturellement parlant. C’est justement pour cette raison que je ne crois pas que l’assimilation des populations venues d’Afrique par exemple puisse être spontanée comme le fut la mienne. Pour assimiler ces populations, il faut une véritable pression de la société d’accueil, qui ne laisse pas aux individus le choix. De ce point de vue, je suis beaucoup moins porté sur l’angélisme que vous ne le pensez.

      [Ensuite, je voudrais revenir sur un de vos arguments récurrents: la réussite de l’assimilation “intérieure”. Mais cette dernière est très différente de l’assimilation des immigrés. En effet, l’assimilation intérieure fut à double sens: certes, la Bretagne, la Bourgogne, l’Alsace ou la Provence sont devenues françaises, mais (et les régionalistes n’arrivent pas à comprendre cela) la France est tout autant devenue bretonne, bourguignonne, alsacienne ou provençale.]

      Je ne vois pas la différence. L’assimilation, qu’elle soit intérieure ou extérieure, est une dialectique, et l’assimilé laisse toujours sa marque sur l’assimilateur. Les juifs ashkénazes sont parfaitement assimilés en France, mais leur présence est encore détectable par certains mots, certains plats, certaines habitudes qui ont été adoptées par la société assimilatrice.

      [L’assimilation intérieure, c’est la production d’une synthèse. J’ajoute que cette assimilation n’a pas pour origine un déracinement: les populations des différentes régions n’ont pas dû abandonner brutalement leur terre natale. De plus, le Breton devenu Français a pu demeurer Breton dans une certaine mesure, comme le Français de Provence a pu rester Provençal.]

      Vous avez en partie raison, mais c’est moins tranché que vous ne le dites. L’assimilation intérieure a été obtenue en partie grâce au déracinement. Difficile de concevoir l’assimilation intérieure de la fin du XIXème sans la rotation des fonctionnaires, le service militaire, l’exode rural. A cela il faut ajouter un déracinement culturel et symbolique : les gens qui sont restés sur leur territoire d’origine ont vu arriver le chemin de fer, l’électricité, l’école… et ont aussi vu chasser les nonnes des hôpitaux et les curés des écoles.

      [Assimiler l’immigré est une autre paire de manches. D’abord, il y a souvent le drame du déracinement, la perte de repères, la nostalgie de la terre natale.]

      Il ne faut rien exagérer non plus. La « nostalgie » d’une terre ou vous avez vu vos parents crever de faim, ou des gens vous poursuivaient avec des machettes pour prendre votre nourriture, où l’on vous a envoyé à dix ans travailler dans les champs est toute relative. Je ne me souviens pas avoir entendu une seule fois mes grands parents parler de « nostalgie » des pogroms de leur pays natal… C’est peut-être la différence de nos expériences, mais je crois que pour beaucoup d’immigrés le rapport avec la terre natale est bien plus complexe que vous ne le pensez. Il y a la nostalgie pour les lieux de son enfance, mais il y a aussi la colère pour le pays qui vous a rejeté, qui vous a obligé à partir.

      [Ensuite, il y a le problème culturel: la culture provençale ou savoyarde est devenue partie intégrante de la culture française. Je ne vois pas bien, excusez-moi, comment la culture arabe, berbère, malienne ou ivoirienne pourrait devenir partie intégrante de la culture française, dans la mesure où les terres d’origine de ces cultures sont étrangères.]

      En quoi la « culture savoyarde » est devenue française ? Je ne connais pas de littérature savoyarde, de science savoyarde, de philosophie savoyarde qui aurait intégré l’héritage français. Si la « culture savoyarde » a enrichi la culture française, c’est en apportant quelques mots à la langue, quelques plats à la cuisine. Et de ce point de vue, je ne vois pas la difficulté : certains plats arabes ou maliens à l’origine font aujourd’hui partie de notre cuisine…

      La « culture française » s’est développé indépendamment des cultures régionales, et l’assimilation intérieure n’a conduit à aucune « synthèse ». L’école de la République a généralisé l’utilisation du français cultivé, où les traces de Breton, de Provençal ou d’Alsacien sont marginales si tant est qu’il y en ait. Elle a diffusé une littérature qui ne fait qu’une place mineure aux écrivains patoisants. Elle a diffusé une vision de la science qui ne laisse aucune, mais alors aucune place à une quelconque vision régionaliste.

      [Par ailleurs, si la culture française doit demain être une synthèse comprenant des éléments de la culture islamique ou subsaharienne, j’aime mieux que la France soit détruite.]

      Pourquoi ? Les mathématiciens français utilisent depuis des siècles les chiffres arabes, et on mange du couscous dans les cantines scolaires. En quoi cela vous pose un problème ?

      [De mon point de vue, ce serait un abâtardissement de la civilisation française. Le problème de l’immigré algérien ou congolais, c’est qu’il doit choisir entre son identité d’origine et l’identité française. Le Lorrain ou le Béarnais n’a pas eu ce dilemme.]

      Mais bien sur que si. Quand la République a chassé les curés des écoles et les bonnes sœurs des hôpitaux, le Lorrain a perdu une partie de son identité. Quand le français a remplacé le béarnais non seulement à l’école et à la mairie, mais aussi à la maison, les béarnais ont perdu une partie de leur identité. Je pense que vous sous-estimez la distance culturelle qui séparait l’écrivain parisien du paysan breton. Je ne suis pas persuadé qu’elle était inférieure à celle qui sépare aujourd’hui l’écrivain parisien du paysan marocain.

      [Alors bien sûr, vous allez me répondre: mais la France a assimilé les Polonais, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, et sans grande difficulté. C’est vrai. Mais elle les a assimilés dans un contexte de croissance économique et de développement industriel.]

      Je suis d’accord, et c’est exactement ce que j’ai écrit ici plusieurs fois. C’est là le véritable problème : l’assimilation fonctionne dans une société conquérante, confiante dans son avenir, sûre de sa force. Qui se développe économiquement, politiquement, scientifiquement, socialement, institutionnellement. La société du « toujours moins » pour les couches populaires – que les nouveaux arrivants sont appelés logiquement à rejoindre – ne se prête guère à l’assimilation. C’est d’ailleurs ce qui pour moi explique que la machine à assimiler se soit arrêtée à la fin des années 1970, en même temps que l’ascenseur social.

      [Il ne s’agit pas de nier les différences culturelles, mais je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance de cette matrice catholique.]

      Loin de moi l’idée d’ignorer l’importance de ce que vous appelez « la matrice catholique ». Mais à ce propos, je vous rappelle que beaucoup d’immigrés sub-sahariens sont eux-mêmes catholiques. Je n’ai pas l’impression que cela favorise particulièrement leur assimilation. C’est que, voyez-vous, la « grandeur » de l’Eglise catholique tient aussi et surtout à sa flexibilité. Si le catholicisme a étendu la romanité au-delà des terres de l’empire des Césars, il l’a fait au prix d’une différentiation locale importante, et le catholique polonais n’est pas tout à fait le même que le catholique italien ou irlandais…

      [Enfin, je dirais un mot de ma conception de l’histoire de l’humanité (si j’ose cette expression un peu pompeuse): (…)]

      Je partage assez la vision que vous exposez, sauf peut-être sur l’aspect ethnique. Je suis, comme vous je pense, convaincu que le progrès, la créativité d’une société nécessite un cadre de référence partagé, protégé par des frontières qui servent à indiquer ce qui est à l’intérieur de ce cadre et soumis à lui, et ce qui est à l’extérieur. Cela n’est possible que pour autant que les migrations soient limitées en nombre, et que les migrants soient assimilés à la société d’accueil.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Quelque soient les raisons qui ont poussé Macron à faire ce geste, vous pouvez être sûr que ce ne sont ni une conviction profonde, ni un souci de justice. Après, on peut discuter. L’a-t-il fait pour faire plaisir à Cédric Villani et au groupe qui tourne autour de lui, qui avait fait de la réhabilitation du mathématicien une de ses causes ? L’a-t-il fait pour envoyer un signal au gouvernement d’Alger, dans la droite ligne de ses déclarations faisant de la colonisation un « crime contre l’humanité » ? L’a-t-il fait en s’imaginant que ce texte rétablirait son image de président jeune, à qui les fantômes du passé ne font pas peur ? Très difficile à dire.

      Je pense que votre dernière hypothèse est la bonne. Je dis cela en me rappelant cet épisode de la campagne de second tour où il avait fait un déplacement médiatisé à Oradour-sur-Glane. Macron est le genre de type qui pense qu’il faut « briser les tabous », y compris les tabous historiques (si tant qu’il y en ait encore, concernant Oradour-sur-Glane notamment…) qui lui permettent de se placer symboliquement dans le camp du Bien. D’où aussi sa sortie sur la colonisation soi-disant crime contre l’humanité (où je doute, contrairement à vous, que le désir de plaire au gouvernement d’Alger ait été pour beaucoup, quand on voit par ailleurs l’absence totale de pragmatisme de sa politique internationale – par exemple la façon dont la France traite le RU dans le cadre des négociations sur le Brexit).

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Les mathématiciens français utilisent depuis des siècles les chiffres arabes]

      L’appellation « chiffres indiens » serait plus correcte. Car les arabes n’en sont pas les inventeurs.

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Dans une guerre civile – et la guerre d’Algérie en était une – il n’y a pas de « traitres » puisqu’un tel conflit oppose des français à des français.[…] Je crains que vous ne tombiez dans la tentation de réduire ce qui fut une guerre civile – avec toute la complexité qui accompagne ce genre de situations – à un conflit manichéen entre « fidèles » et « traîtres ».]

      Oui. En fait, je me rends compte que je considère que l’Algérie n’a jamais été vraiment française. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à penser qu’un territoire non européen sur le plan géographique puisse être dit « français ». Les seuls Français que j’y vois alors sont ceux qui ont quitté la France pour s’y installer et leurs descendants. Et donc la qualification de « civile » ne va pas de soi pour moi. (bien que j’aie lu vos arguments)
      J’en reviens au constat que j’ai déjà évoqué ici je crois. On a bien fait d’aller en Algérie leur mettre la branlée qu’ils méritaient pour les barbaresques. Mais jamais, au grand jamais, on n’aurait dû en prendre possession… Ou seulement dire que le Sahara et ses ressources étaient à nous, y faire un super terrain d’entraînement militaire et l’exploiter tranquillement. Que de drames auraient alors été évités : passés, actuels et surtout à venir…

      Je considère aussi que lorsque vous tuez de manière délibérée des civils français non combattants et non décideurs, et pas en tant que « dommages collatéraux » car vous visiez une infrastructure particulière, des militaires, des politiques, etc, alors vous êtes un traître. Ou un étranger. Mais pas un Français. Jamais.
      J’ai bien noté les réponses où vous considériez que ce sont les colons, et non les Français, qui étaient visés. Mais ont également été sciemment assassinés des enfants. Et même des bébés… Un bébé peut-il coloniser ? Non. Mais son « sang » peut être français. Si bien que si on le tue, c’est son « sang » et non son « statut » qui est alors visé.
      Un Français ne tue pas, ni n’aide à tuer, des bébés français pour obtenir un changement politique. Jamais. Car sinon il perd tout droit à être considéré autrement que comme une ordure. Et traité comme tel.

      [Je crois me souvenir que dans un Etat de droit, il appartient aux juges de décider ce que chacun « mérite ». Et non à un quarteront de militaires qui se prennent pour Dieu.]

      En temps de guerre, c’est beaucoup moins clair.

      Accessoirement, quand l’État de droit sert, comme parfois aujourd’hui, en tant qu’instrument de destruction du pays, ça ne l’est pas non plus.
      De même que considérer qu’il faille payer ses impôts à un État dont on jugerait que les politiques œuvrent à notre destruction n’a rien d’évident puisque ça ferait en partie de nous des complices.

      D’ailleurs c’est marrant mais aujourd’hui j’ai bien l’impression que ce sont des juges qui se prennent pour Dieu en interprétant les lois à leur sauce tout en sachant pertinemment qu’ils vont à l’encontre de leur esprit.
      Au-delà de la boutade, le juge d’application des peines, c’est bien un peu une sorte de Dieu qui décide, dans le respect des lois bien sûr, de ce que peut être l’application du jugement d’un tribunal populaire ?
      D’ailleurs j’ai une idée les concernant. Si une personne libérée par anticipation récidivait, alors le juge qui l’a libérée serait considéré comme complice et condamné comme tel. Elle est bonne ?

    • @ Descartes,

      Vous convaincre sera le combat de ma vie… J’aime les causes perdues.

      “Pourquoi avoir honte alors qu’on le fait pour la bonne cause ?”
      Même pour la bonne cause, il arrive que l’on fasse des choses peu glorieuses. Par ailleurs, la torture est contraire aux droits de l’homme.

      “Vous ne pouvez pas. Parce qu’une fois que vous avez torturé X jusqu’à ce qu’il avoue qu’il prépare un attentat avec Y, Z, W et T, qu’est ce que vous ferez ? […] Et petit à petit, vous aurez sous la gégène tout l’alphabet, sans que cela vous permette de savoir qui est coupable et qui est innocent.”
      Donc vous niez catégoriquement que la Gestapo ou les paras français en Algérie aient obtenu la moindre information en torturant des résistants dans un cas, et des membres du FLN dans l’autre? Vous soutenez que les uns comme les autres ont arrêté et torturé des gens au hasard? Pourquoi l’ont-ils fait? Par pur sadisme?

      “Pour assimiler ces populations, il faut une véritable pression de la société d’accueil, qui ne laisse pas aux individus le choix. De ce point de vue, je suis beaucoup moins porté sur l’angélisme que vous ne le pensez.”
      Êtes-vous certain que la “pression” que vous appelez de vos vœux ne tombera pas sous le coup de la législation de lutte contre le racisme et les discriminations?

      “Les juifs ashkénazes sont parfaitement assimilés en France, mais leur présence est encore détectable par certains mots, certains plats, certaines habitudes qui ont été adoptées par la société assimilatrice.”
      Je serais curieux de savoir lesquels. Mes ancêtres cohabitent avec des Ashkénazes depuis des siècles, et pourtant la culture ashkénaze m’est aussi étrangère que la culture russe ou la culture grecque…

      “La « nostalgie » d’une terre ou vous avez vu vos parents crever de faim, ou des gens vous poursuivaient avec des machettes pour prendre votre nourriture, où l’on vous a envoyé à dix ans travailler dans les champs est toute relative”
      Pour la première génération, sans doute. Mais pour les enfants issus de l’immigration, c’est beaucoup moins vrai. Le pays d’origine apparaît comme une patrie de substitution pour des jeunes qui sentent bien que, malgré les beaux discours et leurs papiers d’identité, ils ne sont pas Français. L’âme de ce pays leur est étrangère. Ils se réfugient dans un ailleurs mythique et idéalisé, le “bled”.

      “Et de ce point de vue, je ne vois pas la difficulté : certains plats arabes ou maliens à l’origine font aujourd’hui partie de notre cuisine…”
      Je ne suis pas d’accord. Quand je mange une galette bretonne ou une fondue savoyarde, je mange un plat français, qui fait partie du patrimoine culinaire de mon pays. Quand je mange du couscous (et j’aime le couscous, je le précise), des sushis ou des plats libanais (autant de mets dont je raffole), ce sont pour moi des plats exotiques. Quant à un plat malien, je serais bien en peine de vous en citer un…

      “La « culture française » s’est développé indépendamment des cultures régionales, et l’assimilation intérieure n’a conduit à aucune « synthèse ». L’école de la République a généralisé l’utilisation du français cultivé, où les traces de Breton, de Provençal ou d’Alsacien sont marginales si tant est qu’il y en ait.”
      Je ne suis pas d’accord. Un nombre de mots importants de la langue française viennent de la langue d’oc en général, et parfois du provençal, ou même des dialectes d’oïl (un exemple: le mot “campagne” issu des dialectes de Normandie-Picardie, correspondant à l’ancien français “champagne”, s’est imposé dans le sens général, son équivalent français désignant des espaces géographiques précis). En se diffusant dans tout le pays, le français s’est enrichi de termes empruntés aux dialectes régionaux. Votre vision d’une culture française élaborée à Paris en petit comité puis imposée à l’ensemble du pays me paraît erronée.

      “Les mathématiciens français utilisent depuis des siècles les chiffres arabes”
      Les chiffres arabes ne font pas partie de “la culture française”: c’est devenu un langage presque universel. Mais l’emprunt des chiffres arabes n’a pas vraiment “arabisé” les cultures européennes. La construction de mosquées ou le développement d’une cuisine hallal et sans porc, c’est autre chose.

      “Je pense que vous sous-estimez la distance culturelle qui séparait l’écrivain parisien du paysan breton. Je ne suis pas persuadé qu’elle était inférieure à celle qui sépare aujourd’hui l’écrivain parisien du paysan marocain.”
      Je ne suis pas d’accord. Je veux bien admettre que le fossé culturel était un peu plus prononcé avec les régions périphériques habités par des locuteurs de langues non-romanes (Alsace, Basse-Bretagne) mais ailleurs, il ne faut pas l’exagérer. Le fossé que vous signalez est d’abord social et peut tout aussi bien s’appliquer à la différence entre un grand seigneur breton et un paysan de la même province. Pour le reste, l’écrivain parisien et le paysan auvergnat avaient quand même des points communs: une tradition religieuse, un cadre administratif (que les Capétiens ont commencé à homogénéiser dès le Moyen Âge avec les bailliages et les sénéchaussées) et législatif (héritage du droit romain et début de l’unification du droit par les rois). Mais surtout, le paysan, béarnais ou breton, avait des élites déjà francisées, nobles et bourgeois parlant et écrivant le français. L’assimilation intérieure s’est achevée sous la III° République, mais elle avait commencé avant. Au XVIII° siècle, il y a bon temps que les nobles et les bourgeois bretons ou provençaux sont passés au français. Ne négligeons pas ce rôle de diffusion précoce de la langue française, notamment en milieu urbain. Cela va de pair avec le renforcement de l’administration royale.

      “Mais à ce propos, je vous rappelle que beaucoup d’immigrés sub-sahariens sont eux-mêmes catholiques. Je n’ai pas l’impression que cela favorise particulièrement leur assimilation.”
      C’est discutable. Avoir un prénom à consonance française plutôt qu’arabo-musulmane est selon moi un atout. J’ignore quelle est la proportion de catholiques parmi les Subsahariens vivant en France. Parmi ceux qu’il m’est donné de côtoyer, les musulmans sont majoritaires, et parmi les chrétiens, nombreux sont les membres d’églises évangéliques. Je n’ai pas l’impression que la catholicisme soit dans une grande phase d’expansion en Afrique.

      “Si le catholicisme a étendu la romanité au-delà des terres de l’empire des Césars, il l’a fait au prix d’une différentiation locale importante, et le catholique polonais n’est pas tout à fait le même que le catholique italien ou irlandais…”
      Je ne prétends pas qu’il n’y a pas de différence. Je dis qu’il y a aussi des points communs, notamment dans les pays d’Europe qui ont été nourris au sein du catholicisme médiéval. La réforme grégorienne ou le concile de Trente ont des conséquences pour tous les catholiques de cette époque. Après tout, l’implantation du catholicisme est récente en Afrique subsaharienne.

    • morel dit :

      @ Descartes, nationaliste-ethniciste

      « L’expérience a largement montré qu’une fois qu’on commence à torturer, on finit par torturer au hasard. Parce que sous la torture, n’importe qui dénonce n’importe qui. Les aveux extorqués sous la contrainte ont conduit en prison plus d’innocents que de coupables ».

      Supplice de l’eau, de l’estrapade, des brodequins…cela rappelle les temps obscurs de notre pays et même là une étude approfondie montre qu’on l’a très tôt réglementée, puis de restrictions en restrictions, en 1780 : l’abolition d’un « usage barbare et INUTILE ».

      Il faut souligner qu’une pensée proche de ce que vous exprimez, nationaliste-ethniciste, : « il n’est pas question de torturer au hasard, n’importe qui. Il s’agit de “faire parler” des gens qu’on a clairement identifiés comme appartenant à un réseau que l’on combat » relevait des restrictions sus-mentionnées.
      C’est bien l’expérience allié à la montée de la civilisation qui a conduit à l’abandonner.

      « Les mathématiciens français utilisent depuis des siècles les chiffres arabes »

      Ils sont d’origine indienne (environ 3è siècle avant J-C ), repris par les arabes vers le 9è après J-C puis par l’occident qui les qualifia d’ « arabes ». Il en reste pas moins qu’aux 10è et 11è, les arabes apportent une pierre non négligeable aux branches mathématiques.

      Ma réaction ne vise pas à « jouer au savant » mais est surtout dirigé contre ce lieu commun véhiculé par certains enseignants plus soucieux de valoriser la « diversité » que de véracité ou simplement de transmettre les savoirs comme me le conte ma vieille amie instit.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [L’appellation « chiffres indiens » serait plus correcte. Car les arabes n’en sont pas les inventeurs.]

      Dans le cadre de mon argument, le fait de savoir si les arabes sont ou non les inventeurs n’a aucune importance. Le fait est que ce sont les arabes qui les ont apporté en Europe.

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Oui. En fait, je me rends compte que je considère que l’Algérie n’a jamais été vraiment française. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à penser qu’un territoire non européen sur le plan géographique puisse être dit « français ». Les seuls Français que j’y vois alors sont ceux qui ont quitté la France pour s’y installer et leurs descendants. Et donc la qualification de « civile » ne va pas de soi pour moi. (bien que j’aie lu vos arguments)]

      Je pense que le fait d’avoir vécu toute votre vie dans un pays unitaire occulte le fait qu’on puisse avoir sur un territoire même « européen » une grande diversité culturelle, linguistique, juridique. Les paysans chouans qui ont participé aux révoltes de Vendée étaient aussi différents des Parisiens, que les pieds-noirs pouvaient l’être des algériens musulmans. Et pourtant, les guerres de Vendée sont bien des guerres civiles…

      [J’en reviens au constat que j’ai déjà évoqué ici je crois. On a bien fait d’aller en Algérie leur mettre la branlée qu’ils méritaient pour les barbaresques. Mais jamais, au grand jamais, on n’aurait dû en prendre possession…]

      Et pourquoi pas ? N’oubliez pas combien l’empire français a joué un rôle fondamental pour la France Libre en 1940… Personnellement, je ne pense pas que la colonisation ait été pour la France – et pour les colonisés, d’ailleurs, au risque d’être politiquement incorrect – une expérience aussi négative que vous le pensez. Je pense par contre qu’on n’aurait jamais du commencer une guerre qu’on n’était pas en mesure de gagner. Dès lors que la France n’était pas prête à payer le prix d’une assimilation totale – et je pense que ce prix aurait été trop élevé – il fallait se retirer avec grâce, comme le firent les britanniques en Inde.

      [Je considère aussi que lorsque vous tuez de manière délibérée des civils français non combattants et non décideurs, et pas en tant que « dommages collatéraux » car vous visiez une infrastructure particulière, des militaires, des politiques, etc, alors vous êtes un traître. Ou un étranger. Mais pas un Français. Jamais.]

      On peut en discuter. Mais diriez-vous que les membres de l’OAS étaient des traîtres ou des étrangers ? Je ne crois pas que cela reflète la réalité.

      [Un Français ne tue pas, ni n’aide à tuer, des bébés français pour obtenir un changement politique. Jamais. Car sinon il perd tout droit à être considéré autrement que comme une ordure. Et traité comme tel.]

      Là encore, je vous renvoie à l’OAS. Qui a commis des atrocités aussi graves sinon plus que le FLN. Et dont les principaux dirigeants ont été amnistiés… par François Mitterrand.

      [« Je crois me souvenir que dans un Etat de droit, il appartient aux juges de décider ce que chacun « mérite ». Et non à un quarteront de militaires qui se prennent pour Dieu. » En temps de guerre, c’est beaucoup moins clair.]

      Sauf que, je vous le rappelle, la situation en Algérie n’a jamais été qualifiée de « guerre » par le gouvernement français.

      [Au-delà de la boutade, le juge d’application des peines, c’est bien un peu une sorte de Dieu qui décide, dans le respect des lois bien sûr, de ce que peut être l’application du jugement d’un tribunal populaire ?]

      Un « Dieu » qui ne peut agir que dans le respect des lois et sous la surveillance de la juridiction d’appel est un dieu assez limité…

      [D’ailleurs j’ai une idée les concernant. Si une personne libérée par anticipation récidivait, alors le juge qui l’a libérée serait considéré comme complice et condamné comme tel. Elle est bonne ?]

      Non. L’un des principes fondamentaux du droit est que le juge est irresponsable sauf en cas d’erreur manifeste. Autrement, comment pourrait-il juger en toute impartialité ? S’il devait être puni chaque fois qu’un condamné libéré récidive, son intérêt serait de condamner tout le monde à la perpétuité.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-jacobin

      [Vous convaincre sera le combat de ma vie… J’aime les causes perdues.]

      Ne soyez pas trop modeste ! Sur beaucoup de points, vos contributions m’ont fait changer d’avis ou nuancer des opinions trop tranchées. Vous m’avez ouvert les yeux sur une partie de la culture française, celle d’une tradition paysanne et catholique, que je ne connaissais pas vraiment.

      [« Pourquoi avoir honte alors qu’on le fait pour la bonne cause ? » Même pour la bonne cause, il arrive que l’on fasse des choses peu glorieuses. Par ailleurs, la torture est contraire aux droits de l’homme.]

      Dans une guerre vous tuez un, dix, cent soldats ennemis, et on vous décore. Tuer des ennemis, c’est glorieux. Mais si au lieu de les tuer vous les torturez, ce n’est « pas glorieux ». Pourquoi à votre avis ? Pourquoi tire-t-on gloire du fait de tuer, et pas de torturer ? Pourquoi donner la mort n’est pas « contraire aux droits de l’homme » alors que torturer l’est ? Réfléchissez à cette intéressante nuance : faire souffrir quelqu’un « pour la bonne cause » est honteux, lui ôter la vie, au contraire, est glorieux. Etonnant, non ?

      Je pense que cette différence n’est pas tout à fait le fruit du hasard. Elle tient au fait qu’on peut sauver la Patrie en tuant des ennemis, et que personne n’a jamais rien sauvé en torturant des gens.

      [Donc vous niez catégoriquement que la Gestapo ou les paras français en Algérie aient obtenu la moindre information en torturant des résistants dans un cas, et des membres du FLN dans l’autre?]

      Non. Ce que je dis, c’est que l’information ainsi obtenue a couté bien plus à la cause des tortionnaires que ce qu’elle leur a rapporté.

      [Vous soutenez que les uns comme les autres ont arrêté et torturé des gens au hasard? Pourquoi l’ont-ils fait? Par pur sadisme?]

      Pour certains oui. Pour d’autres par vengeance. Pour d’autres encore parce qu’ils ne voyaient pas les dommages que la torture pouvait faire à leur cause.

      [Êtes-vous certain que la “pression” que vous appelez de vos vœux ne tombera pas sous le coup de la législation de lutte contre le racisme et les discriminations?]

      Dans la tête d’un certain nombre de gens – dont beaucoup qui utilisent ce genre de prétexte pour dissimuler leur refus de payer le prix de l’assimilation – certainement. Mais je soutiendrai même devant un juge que c’est au contraire la meilleure manière de combattre le racisme et les discriminations. De ce point de vue je pense que le meilleur exemple historique ou cette pression fut manifeste est celui des douze questions soumises par Napoléon au Grand Sanhedrin en 1807. Ce qu’on demandait à la communauté juive, c’était en fait de se prononcer sur le fait de savoir si elle était prête à réinterpréter la Loi juive pour la rendre compatible avec la loi civile française – auquel cas la citoyenneté française leur était ouverte – ou pas. Etais-ce du « racisme », de la « discrimination » de poser ces questions aux juifs alors qu’on ne les posait pas aux autres ? En tout cas, cet acte fondateur ouvre la porte à l’assimilation complète des juifs français, au point que même les antisémites français feront, plus d’un siècle plus tard, la différence entre les « juifs étrangers » et les « juifs français ».

      [Je serais curieux de savoir lesquels. Mes ancêtres cohabitent avec des Ashkénazes depuis des siècles, et pourtant la culture ashkénaze m’est aussi étrangère que la culture russe ou la culture grecque…]

      Le mot « abracadabra » – utilisé dans une de ses variantes par un président de la République, rien de moins – est un mot hébraïque apporté par les juifs ashkénazes. En fait, l’assimilation des juifs en France fait que les éléments culturels qu’ils ont apportés vous apparaissent comme « naturels ». Vous n’avez même pas conscience de les voir. Prenez un cinéaste comme Gérard Oury, dont l’humour est typiquement juif et porte la marque de l’assimilation. Mais parce que cet humour est depuis longtemps incorporé à la culture française, il a pu devenir l’un des cinéastes les plus populaires en France.

      [Pour la première génération, sans doute. Mais pour les enfants issus de l’immigration, c’est beaucoup moins vrai. Le pays d’origine apparaît comme une patrie de substitution pour des jeunes qui sentent bien que, malgré les beaux discours et leurs papiers d’identité, ils ne sont pas Français. L’âme de ce pays leur est étrangère. Ils se réfugient dans un ailleurs mythique et idéalisé, le “bled”.]

      Oui, mais pourquoi « ne sont-ils pas Français » ? Parce que la France leur a refusé l’assimilation, ou pour être plus précis, a refusé de les forcer à s’assimiler. Je suis parfaitement conscient du paradoxe contenu dans cette dernière formule, mais c’est le paradoxe de toute transmission. L’assimilation, comme l’éducation, est une libération, et en même temps elle ne fonctionne que si elle est imposée. Parce que l’être humain tend à choisir la voie du moindre effort, même si la récompense est moindre, alors que l’assimilation est un investissement très important pour un retour futur.

      Lorsque l’assimilation se passe bien, le pays d’origine n’est pas idéalisé. Pour reprendre la formule du poète Dylan Thomas : « the land of my fathers ? My fathers can have it » (« la terre de mes ancêtres ? A mes ancêtres je la laisse”).

      [Je ne suis pas d’accord. Quand je mange une galette bretonne ou une fondue savoyarde, je mange un plat français, qui fait partie du patrimoine culinaire de mon pays. Quand je mange du couscous (et j’aime le couscous, je le précise), des sushis ou des plats libanais (autant de mets dont je raffole), ce sont pour moi des plats exotiques. Quant à un plat malien, je serais bien en peine de vous en citer un…]

      Et quand vous mangez un hamburguer chez McDonalds ? Est-ce là aussi un « plat exotique » ? Pourtant, il vient de bien plus loin…

      [Je ne suis pas d’accord. Un nombre de mots importants de la langue française viennent de la langue d’oc en général, et parfois du provençal, ou même des dialectes d’oïl (un exemple: le mot “campagne” issu des dialectes de Normandie-Picardie, correspondant à l’ancien français “champagne”, s’est imposé dans le sens général, son équivalent français désignant des espaces géographiques précis).]

      Difficile de savoir si ces mots viennent de la langue d’Oc ou s’ils ont été introduits dans le français via le Latin. L’exemple que vous donnez ne me convainc pas : le mot « campagne » existe aussi dans la toponymie italienne, ce qui laisse penser que son origine est Latine, et non issu d’un quelconque dialecte.

      [En se diffusant dans tout le pays, le français s’est enrichi de termes empruntés aux dialectes régionaux.]

      Très peu, en fait. Vous seriez bien en peine de me citer quelques mots bretons qui font aujourd’hui partie de la langue française…

      [Je ne suis pas d’accord. Je veux bien admettre que le fossé culturel était un peu plus prononcé avec les régions périphériques habitées par des locuteurs de langues non-romanes (Alsace, Basse-Bretagne) mais ailleurs, il ne faut pas l’exagérer.]

      Prenons déjà ces régions-là. Vous m’accorderez que Bretons et Alsaciens se sont fort bien assimilés, en tout cas aussi bien que les français d’autres régions parlant des langues romanes, comme les Corses ou les Auvergnats.

      [Le fossé que vous signalez est d’abord social et peut tout aussi bien s’appliquer à la différence entre un grand seigneur breton et un paysan de la même province.]

      Non. Le seigneur breton et le paysan breton faisaient partie du même système de relations. Chacun connaissait et reconnaissait la place de l’autre, savait quels gestes étaient attendus de lui vis-à-vis de l’autre. Ce n’est pas la même chose que deux personnes qui appartiennent à des cadres culturels différents, et qui n’ont pas les éléments sociaux pour communiquer, quand bien même ils parleraient la même langue.

      [Pour le reste, l’écrivain parisien et le paysan auvergnat avaient quand même des points communs: une tradition religieuse, un cadre administratif (que les Capétiens ont commencé à homogénéiser dès le Moyen Âge avec les bailliages et les sénéchaussées) et législatif (héritage du droit romain et début de l’unification du droit par les rois).]

      Jusqu’à un certain point seulement. Certaines régions, certaines villes avaient conservé des droits et des privilèges particuliers en matière administrative et juridique. Quant à la religion, si l’iconographie est similaire il vous faut reconnaître que le rapport au religieux n’était pas le même pour un Voltaire ou un De Sade et pour le paysan auvergnat de leur époque. Sans compter avec la persistance dans certaines régions de croyances païennes ou magiques qui coexistaient avec l’orthodoxie catholique.

      [Mais surtout, le paysan, béarnais ou breton, avait des élites déjà francisées, nobles et bourgeois parlant et écrivant le français. L’assimilation intérieure s’est achevée sous la III° République, mais elle avait commencé avant.]

      Là, je vous concède le point. L’assimilation intérieure ne concerne en fait que les paysans, qui étaient fort nombreux certes mais qui n’étaient pas toute la France. La centralisation commencée sous Louis XI et parachevée sous Louis XIV avait très largement francisé et « assimilé » les élites, qu’elles fussent nobiliaires, administratives ou universitaires. Lorsque les Etats Généraux se réunissent en 1789, tous les députés peuvent participer aux séances en langue française.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« Les mathématiciens français utilisent depuis des siècles les chiffres arabes » Ils sont d’origine indienne (environ 3è siècle avant J-C ),]

      Peut-être. Mais l’occident les a reçu des arabes. Et c’était là mon point : il est inexact de dire que la culture occidentale se serait auto-produite, sans apport de ses contacts avec ses voisins.

    • @ Descartes,

      “Sur beaucoup de points, vos contributions m’ont fait changer d’avis ou nuancer des opinions trop tranchées. Vous m’avez ouvert les yeux sur une partie de la culture française, celle d’une tradition paysanne et catholique, que je ne connaissais pas vraiment.”
      Vous savez, il arrive que dans certains de mes cours, mes élèves vous entendent par ma voix. Nous avons de profondes divergences sur ce qui fonde l’identité française, ou sur l’assimilation. Mais il y a d’autres sujets: la confiance dans l’esprit humain, le refus des discours technophobes et écolo-catastrophistes, l’attachement à la raison, la défense d’une logique “industrialiste” (j’ignore si le mot existe), autant de point sur lesquels vous m’avez convaincu. J’ajoute que grâce à vous j’ai acquis quelques notions d’économie et de marxisme, choses qui m’étaient étrangères auparavant.

      “Réfléchissez à cette intéressante nuance : faire souffrir quelqu’un « pour la bonne cause » est honteux, lui ôter la vie, au contraire, est glorieux. Etonnant, non ?”
      Peut-être un reste des anciennes valeurs d’honneur? Il est considéré comme plus honorable de tuer rapidement un ennemi, que de le supplicier. Historiquement, la torture était d’ailleurs plutôt utilisée pour les criminels et les traîtres que pour les ennemis “extérieurs”, du moins dans nos contrées.

      “et que personne n’a jamais rien sauvé en torturant des gens.”
      Admettons que vous ayez un faisceau d’indices concordants qui laissent à penser que A appartient à un groupe terroriste. Vous le torturez et vous obtenez l’identité de B, C et D, les autres membres du réseau. Après leur arrestation, les attentats cessent. Diriez-vous que la torture n’a sauvé personne? Encore une question: pourquoi la CIA torturait encore il n’y a pas si longtemps? Pour le plaisir ou la vengeance uniquement?

      “Mais je soutiendrai même devant un juge que c’est au contraire la meilleure manière de combattre le racisme et les discriminations.”
      Certes, mais vous serez condamné quand même… L’exemple que vous donnez est pertinent, mais nous ne sommes plus à l’époque de Napoléon. De plus, les musulmans, contrairement aux juifs du début du XIX° siècle, peuvent recevoir le soutien de pays étrangers à majorité musulmane (d’ailleurs beaucoup d’associations cultuelles islamiques sont plus ou moins à la solde de gouvernements étrangers). L’ONU hurlerait à la violation des principes de liberté religieuse. Remarquez, mon programme d’expulsions massives entraînera des critiques plus virulentes encore, je vous l’accorde.

      “Pour reprendre la formule du poète Dylan Thomas : « the land of my fathers ? My fathers can have it » (« la terre de mes ancêtres ? A mes ancêtres je la laisse”).”
      Je vous avoue que cette façon de voir les choses m’est incompréhensible. Non, je ne peux pas “laisser la terre de mes ancêtres à ces derniers”. La terre comme la culture forme un héritage. Mes ancêtres ont façonné les paysages de la France comme ils ont créé un mode de vie. Contrairement à la culture juive, la culture française est une culture “topique” c’est-à-dire attachée à des lieux (“topoi” en grec). Si on laisse s’écrouler Versailles, le Louvre, les cathédrales gothiques, les églises de village, les bâtiments haussmanniens, les monuments aux morts…, il ne reste rien de la civilisation française, ou pas grand-chose. Le judaïsme est une culture du Livre, la civilisation française est une culture de la terre et de la pierre. D’ailleurs, l’identité française ne survit pas longtemps hors de France. Les juifs sont un peuple d’intellectuels et d’artisans, les Anglo-saxons un peuple de marchands et d’industriels, mais les Français seront toujours un peuple de paysans. Pour le meilleur et pour le pire.

      “Et quand vous mangez un hamburguer chez McDonalds ? Est-ce là aussi un « plat exotique » ?”
      C’est un plat américain, comme la pizza est un plat italien, et ça ne m’empêche pas d’aimer l’un comme l’autre. Je fais la distinction entre deux choses: des éléments culturels issus de la mondialisation, comme le hamburger, la pizza, le kebab, le couscous, le fait que des vêtements arborent la bannière étoilée, la tête de Guevara ou celle de Bob Marley, ou que les jardineries vendent des bouddhas décoratifs pour jardins, tout cela formant une “global culture” qui n’est, à mes yeux en tout cas, qu’un vernis; et les éléments de la culture proprement nationale, comme les plats traditionnels français, une certaine sociabilité, l’héritage chrétien marié (si j’ose dire) à un certain anticléricalisme, etc. Vous savez, j’aime beaucoup les animés japonais et les sabres de samouraïs, ce n’est pas pour ça que je me sens japonais…

      “le mot « campagne » existe aussi dans la toponymie italienne, ce qui laisse penser que son origine est Latine, et non issu d’un quelconque dialecte.”
      Mais… Toutes les langues romanes sont par définition issues du latin! Le dialecte d’oïl de Normandie-Picardie ne fait pas exception à la règle. J’ai revérifié dans le Larousse, et il me dit que campagne est “la forme normande de l’ancien français champaigne” (qu’on retrouve fréquemment dans la toponymie). Que cela ne vous convainque pas n’empêche pas que l’exemple est recevable. Je suppose que les deux mots dérivent du latin “campus”. Mais en français, le son “k” connaît une mutation phonétique en “ch” (“campus” donne “champ”, “castellus” donne “chastel” puis “château”, etc) que ne connaît pas la langue d’oc (exemple “châtaigne” en français, “castagne” en occitan mot passé en français uniquement dans le sens de “coup, bagarre”, ou les toponymes comme “Castelnau” forme d’oc de “Châteauneuf”) ni le dialecte d’oïl normand (où l’on disait par exemple “vaque” au lieu de “vache”).

      “Vous seriez bien en peine de me citer quelques mots bretons qui font aujourd’hui partie de la langue française…”
      Baragouiner, goéland, mine (dans le sens de visage)… Mais je vous accorde que les emprunts au breton restent modestes.

      “Ce n’est pas la même chose que deux personnes qui appartiennent à des cadres culturels différents, et qui n’ont pas les éléments sociaux pour communiquer, quand bien même ils parleraient la même langue.”
      Pardon mais depuis le Moyen Âge et jusqu’à la Révolution en France (et dans les pays voisins), le cadre culturel pour les habitants ruraux des différentes provinces se résument à deux choses: une structure sociale héritée de la féodalité et l’empreinte de l’Eglise catholique. Certes, les structures familiales et les règles de succession varient ici où là. Vous comparez l’écrivain parisien au paysan breton. Mais si on compare l’écrivain parisien à l’écrivain nantais, ou le paysan breton au paysan beauceron, les différences culturelles s’estompent en grande partie, sans jamais complètement disparaître…

      “La centralisation commencée sous Louis XI et parachevée sous Louis XIV avait très largement francisé et « assimilé » les élites, qu’elles fussent nobiliaires, administratives ou universitaires.”
      Or une partie de ces élites ne vit pas complètement coupée du petit peuple des campagnes. Il faut comprendre que les élites jouent un rôle de médiation et de diffusion. Par cercles concentriques autour de ces élites, la francisation irrigue une partie du reste de la société. Pensez au cas des domestiques par exemple: dans certaines régions au XVIII° siècle, des filles de la campagne s’en vont à la ville comme servantes des familles riches avant de retourner au village se marier. Le temps qu’elles passent comme domestiques, quelle langue entendent-elles parler chez les élites “francisées”? Bien sûr, il ne faut pas généraliser, les campagnes reculées ne connaissent pas ce phénomène. Je crois malgré tout qu’une forme d’assimilation “en tâche d’huile” a commencé bien avant la III° République.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-jacobin

      [« Réfléchissez à cette intéressante nuance : faire souffrir quelqu’un « pour la bonne cause » est honteux, lui ôter la vie, au contraire, est glorieux. Etonnant, non ? » Peut-être un reste des anciennes valeurs d’honneur? Il est considéré comme plus honorable de tuer rapidement un ennemi, que de le supplicier. Historiquement, la torture était d’ailleurs plutôt utilisée pour les criminels et les traîtres que pour les ennemis “extérieurs”, du moins dans nos contrées.]

      Admettons. Mais si on considère la chose d’un point de vue matérialiste, alors il faut conclure que si la torture était si utile, si elle permettait d’éviter des crimes et de gagner des guerres, les philosophes auraient travaillé d’arrache-pied pour construire une idéologie qui permette de la justifier, de la même manière qu’ils ont travaillé à justifier la guerre ou la persécution des hérétiques. Or, je ne connais pas un seul courant philosophique qui justifie la torture. Je suis donc obligé de conclure qu’a aucune époque la torture n’a été jugée utile ou efficace, ou du moins que son bilan coût/avantages est trop mauvais pour que son adoption comme pratique légitime se justifie…

      [« et que personne n’a jamais rien sauvé en torturant des gens. » Admettons que vous ayez un faisceau d’indices concordants qui laissent à penser que A appartient à un groupe terroriste. Vous le torturez et vous obtenez l’identité de B, C et D, les autres membres du réseau. Après leur arrestation, les attentats cessent. Diriez-vous que la torture n’a sauvé personne?]

      Première objection : Imaginons que ma récolte soit en train de se perdre du fait de la sécheresse. Que je danse une danse de la pluie, et que le jour suivant la pluie se met à tomber. Diriez-vous que ma danse a sauvé la récolte ? Vous savez bien qu’une corrélation n’est pas synonyme de causalité…

      Deuxième objection : Dans les séries américaines, on voit des policiers rudoyer – torturer ? – des suspects. Et si le procédé apparaît légitime, c’est parce qu’ils ne se trompent jamais. Mais lorsqu’on considère une procédure réelle, il faut prendre en compte tous les cas. Que faites-vous torturez A, que vous arrêtez B, C et D et que les attentats NE CESSENT PAS ? Quel est le coût social d’un système ou n’importe qui peut être arrêté sur des indices qu’un fonctionnaire quelconque juge « concordants » et torturé ?

      [Encore une question: pourquoi la CIA torturait encore il n’y a pas si longtemps? Pour le plaisir ou la vengeance uniquement?]

      Je pense qu’il y a plusieurs raisons : d’abord cette culture de série américaine ou le policier ne se trompe jamais, et où le suspect qu’on rudoye est toujours le coupable. Ensuite, vous noterez que la CIA n’a jamais torturé un citoyen américain – et quelle aurait eu de graves ennuis si elle l’avait fait. Les Américains ne torturent que les sous-hommes, des êtres inférieurs qui ne méritent aucune garantie et dont la culpabilité n’a pas à être établie dès lors qu’ils ne sont pas Américains. L’exemple de la base de Guantanamo me paraît de ce point de vue illustrer à la perfection leur raisonnement. Mais est-ce que Abou Ghraib ou Guantanamo ont fait beaucoup pour une victoire américaine en Irak ou en Afghanistan ? Franchement, je n’en ai pas l’impression.

      Graham Greene, dans un livre délicieux (« Notre homme à La Havane ») décrit un chef de police féru des méthodes américaines et qui divise la population en deux catégories : les « torturables » et les « non torturables »…

      [« Mais je soutiendrai même devant un juge que c’est au contraire la meilleure manière de combattre le racisme et les discriminations. » Certes, mais vous serez condamné quand même…]

      Je ne sais pas. Je ne suis pas convaincu que le discours post-moderne soit aussi ancré que vous le pensez. En dehors des « classes bavardantes », il reste dans ce pays un fond raisonnable.

      [L’exemple que vous donnez est pertinent, mais nous ne sommes plus à l’époque de Napoléon. De plus, les musulmans, contrairement aux juifs du début du XIX° siècle, peuvent recevoir le soutien de pays étrangers à majorité musulmane (d’ailleurs beaucoup d’associations cultuelles islamiques sont plus ou moins à la solde de gouvernements étrangers). L’ONU hurlerait à la violation des principes de liberté religieuse. Remarquez, mon programme d’expulsions massives entraînera des critiques plus virulentes encore, je vous l’accorde.]

      Je ne dis pas que ce soit simple. Mais je suis convaincu que s’il y avait une volonté, il y aurait un chemin. Le véritable obstacle à mon sens n’est pas l’influence étrangère ou les hurlements de l’ONU. Le véritable obstacle est interne : ceux qui ont les moyens – c’est-à-dire le « block dominant » – n’ont nullement la volonté de pousser à l’assimilation. Et il est difficile pour un gouvernant de faire preuve de volonté politique quand ceux qui ont l’argent et les idées ne suivent pas.

      [Je vous avoue que cette façon de voir les choses m’est incompréhensible. Non, je ne peux pas “laisser la terre de mes ancêtres à ces derniers”. La terre comme la culture forme un héritage. Mes ancêtres ont façonné les paysages de la France comme ils ont créé un mode de vie. Contrairement à la culture juive, la culture française est une culture “topique” c’est-à-dire attachée à des lieux (“topoi” en grec). Si on laisse s’écrouler Versailles, le Louvre, les cathédrales gothiques, les églises de village, les bâtiments haussmanniens, les monuments aux morts…, il ne reste rien de la civilisation française, ou pas grand-chose.]

      Je pense que vous avez mal interprété la formule de Dylan Thomas. Je pense que ce qu’il rejetait n’était pas le travail de ses ancêtres, leurs œuvres, mais l’idée qu’une identité se réduit à une « nature » géographique. Ce ne sont pas dans les falaises d’Etretat, les glaciers du Mont Blanc ou n’importe quel autre accident naturel que réside l’identité de la France. C’est dans ce paysage « façonné », dans ces monuments, qui sont comme vous le dites, les témoins d’un mode de vie et d’une histoire. Mais il ne faut pas non plus exagérer : s’il y a dans la culture française un élément « topique » qu’il ne faut pas mélanger, il y a aussi un élément universel. La pensée de Descartes ne se résume pas aux paysages de la Touraine.

      [« Et quand vous mangez un hamburguer chez McDonalds ? Est-ce là aussi un « plat exotique » ? » C’est un plat américain, comme la pizza est un plat italien, et ça ne m’empêche pas d’aimer l’un comme l’autre.]

      Mais quelle est pour vous la différence entre un plat « étranger » et un plat « exotique » ? Pourquoi qualifiez-vous le couscous ou le sushi « d’exotique » et pas le hamburger ou la pizza ?

      [Je fais la distinction entre deux choses: des éléments culturels issus de la mondialisation, comme le hamburger, la pizza, le kebab, le couscous, le fait que des vêtements arborent la bannière étoilée, la tête de Guevara ou celle de Bob Marley, ou que les jardineries vendent des bouddhas décoratifs pour jardins, tout cela formant une “global culture” qui n’est, à mes yeux en tout cas, qu’un vernis; et les éléments de la culture proprement nationale, comme les plats traditionnels français, une certaine sociabilité, l’héritage chrétien marié (si j’ose dire) à un certain anticléricalisme, etc. Vous savez, j’aime beaucoup les animés japonais et les sabres de samouraïs, ce n’est pas pour ça que je me sens japonais…]

      J’entends bien. Mais ce qu’à mon avis vous niez, c’est qu’il y a une certaine perméabilité entre les cultures. Que des choses qui ont commencé par être « exotiques » ont fini par être incorporées dans notre civilisation. Vous parlez de « plats traditionnels français », mais combien de siècles faut-il pour qu’un plat étranger devienne « traditionnel » ? N’oubliez pas qu’au XVIIème siècle le sucre et le chocolat étaient des mets « exotiques »…

      Personnellement, j’ai tendance à dire qu’un objet culturel cesse d’être étranger ou exotique quand la culture d’accueil se sent libre de le réinterpréter à sa guise. Le couscous qu’on mange dans un bon restaurant en France n’est pas le même qu’on mange au Maghreb : il a été réinterprété et adapté au goût français, à un goût qui est formé par des siècles de « plats traditionnels ». Et vous trouvez le même phénomène ailleurs : le plat indien que vous mangez à Londres n’est pas du tout le même qu’on mange à Delhi. Je peux vous le dire d’expérience : moi qui adore la cuisine indienne à Londres, j’ai trouvé la cuisine indienne à Delhi immangeable !

      [« le mot « campagne » existe aussi dans la toponymie italienne, ce qui laisse penser que son origine est Latine, et non issu d’un quelconque dialecte. » Mais… Toutes les langues romanes sont par définition issues du latin!]

      Précisément. Et on peut donc déduire que les mots qui ont une racine latine sont des apports du Latin, et non d’une langue régionale quelconque. Si, comme vous dites, il y a un apport au français des langues régionales, il faudrait chercher parmi les mots non-latins…

      [« Vous seriez bien en peine de me citer quelques mots bretons qui font aujourd’hui partie de la langue française… » Baragouiner, goéland, mine (dans le sens de visage)… Mais je vous accorde que les emprunts au breton restent modestes.]

      Pour ce qui concerne Baragouiner, l’origine bretonne est disputée. Il est utilisé sous la forme « barragouyn » (« Beaux seigneurs, je ne suis point Barragouyn, mais aussi bon chrestian ») par Du Cange en 1391, ce qui contredit la légende selon laquelle le mot aurait été formé des mots bretons « pain » et « vin » (« bara » et « gwin »). Voir http://www.leslyriades.fr/spip.php?article605

      Mais vous admettez que l’apport du breton est relativement modeste. Bien plus modeste que l’apport d’une langue comme l’arabe, si l’on regarde bien : algèbre, amiral, algorithme, alambic, artichaut… et je m’arrête à la lettre A !

      [Pardon mais depuis le Moyen Âge et jusqu’à la Révolution en France (et dans les pays voisins), le cadre culturel pour les habitants ruraux des différentes provinces se résument à deux choses: une structure sociale héritée de la féodalité et l’empreinte de l’Eglise catholique. Certes, les structures familiales et les règles de succession varient ici où là. Vous comparez l’écrivain parisien au paysan breton. Mais si on compare l’écrivain parisien à l’écrivain nantais, ou le paysan breton au paysan beauceron, les différences culturelles s’estompent en grande partie, sans jamais complètement disparaître…]

      Je ne suis pas persuadé que les différences entre le paysan corse et le paysan lorrain, entre le paysan breton et le paysan béarnais fussent aussi minces que vous le dites. Les structures familiales et sociales sont très différentes, tout comme le droit l’était. Oui, le cadre féodal – et encore, il n’était pas de même nature dans les territoires de l’ancien empire carolingien que dans le reste – et l’église catholique fournissaient un cadre général. Mais ce cadre général était très, très général. Même le catholicisme connaissait des différences importantes dans ses rapports avec les anciennes croyances païennes selon les régions. Par contre, nous sommes d’accord pour ce qui concerne les élites intellectuelles qui, elles, étaient très largement unifiées avant la Révolution.

      [« La centralisation commencée sous Louis XI et parachevée sous Louis XIV avait très largement francisé et « assimilé » les élites, qu’elles fussent nobiliaires, administratives ou universitaires. » Or une partie de ces élites ne vit pas complètement coupée du petit peuple des campagnes.]

      Cependant, on peut dire que plus elles sont coupées, et plus elles sont « francisées ». Les grands seigneurs sont allés à Versailles, ont assimilé les goûts, les modes, la langue, les principes politiques, administratifs et juridiques dont on parlait dans les salons. La « noblesse crottée » de Vendée ou de basse Bretagne, beaucoup moins.

      [Il faut comprendre que les élites jouent un rôle de médiation et de diffusion. Par cercles concentriques autour de ces élites, la francisation irrigue une partie du reste de la société. Pensez au cas des domestiques par exemple: dans certaines régions au XVIII° siècle, des filles de la campagne s’en vont à la ville comme servantes des familles riches avant de retourner au village se marier. Le temps qu’elles passent comme domestiques, quelle langue entendent-elles parler chez les élites “francisées”?]

      Tout à fait. La mobilité fut en France un instrument essentiel d’assimilation intérieure. Celle de la main d’œuvre bien sûr, celle des administrateurs, celle du service militaire plus tard.

      [Bien sûr, il ne faut pas généraliser, les campagnes reculées ne connaissent pas ce phénomène. Je crois malgré tout qu’une forme d’assimilation “en tâche d’huile” a commencé bien avant la III° République.]

      Je suis d’accord. L’image d’une Révolution qui aurait « fait table rase » du passé est largement légendaire : sur beaucoup d’aspects, les jacobins (dont Napoléon) sont les continuateurs de Louis XI, de Richelieu, de Louis XIV. La différence tient à la volonté politique. Si Louis XI et Richelieu se sont d’abord préoccupé de mettre au pas les « corps intermédiaires » locaux, si Louis XIV a eu le souci d’unifier l’administration, c’est avec la Révolution qu’apparaît une volonté d’assimilation des populations elles-mêmes. Assimilation qui ne sera achevée qu’un siècle plus tard, avec la IIIème République.

  20. bip dit :

    Et au procès Méric ? Les qualificatifs de « procès politique » et de « justice de classe » trouvent-ils écho chez vous ?

    Un ouvrier immigré d’extrême droite tue un bourgeois d’extrême gauche au cours d’une bagarre générale. Que Méric, connaissant sa constitution physique extrêmement fragile, participe volontairement à ce genre de choses aurait pourtant largement dû faire bénéficier l’accusé de clémence. (Par charité, ne parlons pas de ceux qui l’ont laissé faire, voire encourager, et qui aujourd’hui se pavanent en donnant des leçons de morale)

    Au final la condamnation est extrêmement lourde pour des faits de ce genre dans la France du 21ème siècle (il ne doit pas être très dur de trouver des tas d’exemples de condamnations bien moindres pour des faits autrement plus graves). (1)
    A-t-on cherché à lui faire payer la « trahison » de la figure de l’« immigré victime » créée par une certaine gauche dont Méric faisait partie ? (2)

    ps : un article de quelqu’un dont vous partagez souvent l’analyse : http://www.vududroit.com/2018/09/affaire-meric-justice-se-pique-de-combattre-bete-immonde/

    (1) Le pompon c’est quand même les 7 ans de prison pour l’autre accusé qui a simplement participé à la bagarre avec peut-être un poing américain…

    (2) A noter que le témoignage du vigile maghrébin a été un de ceux qui ont été les plus favorables aux accusés. Caramba !… Encore raté !…
    Au final c’est cette « gauche » qui regroupe les authentiques racistes puisque toute leur pensée repose sur des axiomes racistes. C’est elle qui a voulu la colonisation, qui a voulu maintenir contre toute évidence l’Algérie française et qui, aujourd’hui, justifie l’immigration de masse par le droit moral de gens d’abandonner une terre natale forcément sans avenir. Et le plus grave, peut-être, qui encourage par tous les moyens les immigrés et leurs descendants à maintenir une vision victimaire des choses. Vision déjà si naturelle à certains que l’encourager revient à les armer physiquement…

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Un ouvrier immigré d’extrême droite tue un bourgeois d’extrême gauche au cours d’une bagarre générale. Que Méric, connaissant sa constitution physique extrêmement fragile, participe volontairement à ce genre de choses aurait pourtant largement dû faire bénéficier l’accusé de clémence.]

      Comme vous, je trouve le verdict dans le procès déroutant. Que les « antifa » prêchent autant la violence que les « faf », c’est public. Il suffit d’aller sur leurs sites sur la toile pour voir des photos suggestives de personnes frappées à coups de batte ou de botte. J’en avais publié quelques unes sur ce même blog lorsque l’affaire a démarré. Cette fois-ci, c’est le militant « antifa » qui a pris un mauvais coup, mais c’aurait pu très bien être l’inverse. On se serait donc attendu à ce que la cour d’assises reconnaisse cette symétrie en prononçant des peines assorties d’un sursis important, et cela d’autant plus que les accusés ont montré assez clairement qu’ils regrettent les conséquences de ce qui n’est finalement qu’une bagarre de colleurs d’affiches.

      J’ose espérer que les condamnations seront plus raisonnables en appel.

      [ps : un article de quelqu’un dont vous partagez souvent l’analyse :]

      Tout à fait. Et je retiens un paragraphe de son article pour ceux qui n’auraient pas la patience de lire en entier :

      « On va rappeler à ce stade qui étaient les acteurs de cette bagarre qui a mal tourné. Les deux groupuscules existent, sous des formes diverses, depuis fort longtemps, et j’ai moi-même connu, dans mon jeune temps, leurs folklores respectifs débiles, et leur goût commun d’affirmation virile par des affrontements de cour d’école. On rappellera comme gage de sérieux de nos excités symétriques, que la rencontre tragique s’est faite à l’occasion d’une vente privée de polos siglés que les deux camps s’enorgueillissent de porter ! À droite, nous avons des brochettes d’abrutis déclassés issus en général du lumpenprolétariat, qui trouvent là un moyen d’opposition violente en adoptant un folklore détestable qu’ils cultivent dans des groupes au fonctionnement de secte. Et comme dans toutes les sectes il y a des gourous qui en ont fait un métier et en vivent comme Serge Ayoub. Les plus chanceux rentrent un peu plus tard dans le rang, les autres continuant leur vie de dérive inepte. En face, à « gauche » des enfants de la petite bourgeoisie aisée, en mal de sensations qu’ils recherchent en embrassant ce qu’ils croient être des grandes causes. Antifascistes de pacotille, ils pimentent leur vie confortable en participant aux manifestations syndicales sérieuses qu’ils s’efforcent de dévoyer par la violence, et en cherchant la bagarre avec ces crânes rasés au front bas qu’ils toisent de leur mépris social. Je dis « antifascistes de pacotille », pour savoir ce que sont les vrais antifascistes et les avoirs fréquentés. Tout d’abord ceux qui avaient risqué leur vie dans le combat contre le nazisme et qui avaient noms par exemple, Georges Séguy ou Henri Krasucki, tous deux déportés à 16 ans, qui à Buchenwald, qui à Auschwitz. Inutile de rapporter leur opinion sur les gauchistes braillards, on l’imagine très bien. Et ensuite pour avoir dirigé des organisations de solidarité avec l’Amérique latine pendant les terribles années de plomb et y avoir perdu quelques courageux amis. De toute façon, nos anti-fas cesseront à un moment leurs singeries et rentreront sagement à la maison, si tant est qu’ils ne l’aient jamais quittée. C’est pour toutes ces raisons que la mort de Clément Méric est à ce point désolante, stupide et si inutile. »

    • Bannette dit :

      J’ai une tendance naturelle à faire confiance à la justice français, mais là encore, je rejoins Me de Castelnau. Et je ne peux pas me défaire de cette impression d’une justice aux ordres du politique.
      Je précise que pour ma part, la sentence dans toute affaire ayant entraîné la mort (ou la tentative) DOIT être lourde, car le commandement “tu ne tueras point” fait partie de ces tabous structurants de notre société. Donc que pour moi, les 2 accusés doivent faire de la prison. Le problème c’est cette impression d’une extrême sévérité, une vigilance hyper pointilleuse envers tout ce qui s’approche de près ou de loin de “l’extrême droite” qui n’est pas appliquée ailleurs. C’est détestable quand on apprend après coup dans les affaires de terrorisme que les délinquants ont des casiers longs comme le bras, ont bénéficié de toutes remises de peines, mises à l’épreuve, et tutti quanti possibles, les affaires des malheureux policiers brûlés vifs, les tentatives de meurtre sur des agents de la force publique, alors que les “déplorables” bouseux ont globalement droit à des peines que j’estime méritées dans l’esprit.
      En matière de justice, c’est la récidive et l’absence de réponse pénale qui sont très graves. et notre ministre qui annonce le désengorgement des prisons dont on peut être sûr qu’il va bénéficier à vous-savez-qui.
      Qu’il y ait des magistrats républicains et qui font leur boulot, je n’en doute pas. Mais la perte de confiance dans la justice est la porte ouverte à la chienlit. Et moi je commence de plus en plus à la perdre.
      Ces tribunaux engorgés par des affaires de “crimes de haine” qui en fait pénalisent une parole désagréable dans un pays censé respecter la liberté d’expression et de conscience, alors qu’on ne devrait punir que les appels au meurtre, et pas les propos perçus comme offensants par des associations de bons à rien procéduriers.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [J’ai une tendance naturelle à faire confiance à la justice français, mais là encore, je rejoins Me de Castelnau. Et je ne peux pas me défaire de cette impression d’une justice aux ordres du politique.]

      Je ne crois pas qu’il faille voir une justice « aux ordres du politique », au sens que les juges ou les jurés ont reçu des ordres du président ou du ministre quant à la peine à prononcer. Mais les juges et les jurés ne sont pas moins hommes et femmes, et l’idéologie dominante a une influence plus ou moins forte sur eux. On le voit dans les affaires de violence conjugale (ou la femme est par définition la victime, même si c’est elle qui tue son conjoint). On le voit ici dans une affaire de bagarre de « bandes » où la politique n’est en fait qu’un prétexte, une justification.

      [Je précise que pour ma part, la sentence dans toute affaire ayant entraîné la mort (ou la tentative) DOIT être lourde, car le commandement “tu ne tueras point” fait partie de ces tabous structurants de notre société. Donc que pour moi, les 2 accusés doivent faire de la prison.]

      Oui et non. Oui, il faut condamner, et condamner lourdement, parce que la société doit transmettre un message très clair sur les lignes rouges à ne pas franchir. Mais il faut aussi garder un sens de la proportionnalité entre l’acte et la peine. Donner des peines aussi lourdes pour une mort accidentelle transforme la vie en une loterie. Au cours d’une bagarre, vous poussez quelqu’un, il tombe, vous aurez au mieux un rappel à la loi, au pire quelques jours de travail d’intérêt général. Mais si par hasard il tombe sur un objet dur et meurt, vous passez onze ans en prison. Ce n’est pas rationnel. Le fondement du droit pénal, c’est la prévisibilité : chacun doit savoir, avant d’accomplir un acte, ce qui est permis et ce qui est interdit et quelle peine est prévue dans chaque cas. C’est pour cette raison que la non-rétroactivité est un principe fondamental.

      Si le but est de dissuader les gens de s’engager dans une bagarre – et donc de prendre le risque d’un accident comme celui dont a été victime Méric – alors il aurait fallu sanctionner TOUS les participants, de quelque bord qu’ils soient, et les sanctionner à égalité. Et les sanctionner chaque fois qu’il y a une bagarre, et pas seulement lorsque le risque se réalise. Mais à quoi servent les peines infligées à ce procès, à part à satisfaire le désir de rétribution de la famille Méric ?

      Pour moi, la condamnation à une peine lourde avec sursis – pour prendre en compte le fait que la mort est accidentelle et non volontaire – aurait été la voie la plus juste. D’autant plus que de toute évidence cette affaire a beaucoup fait réfléchir les accusés.

      [En matière de justice, c’est la récidive et l’absence de réponse pénale qui sont très graves. et notre ministre qui annonce le désengorgement des prisons dont on peut être sûr qu’il va bénéficier à vous-savez-qui.]

      Le problème est moins la faiblesse de la réponse pénale, mais surtout sa lenteur. Et c’est particulièrement vrai quand les délinquants sont jeunes. Une peine prononcée des années après les faits n’a plus aucune valeur pédagogique ou dissuasive. Le problème est que la justice, comme bien d’autres services de l’Etat, est – pour reprendre le mot d’un ancien ministre de la justice – en voie de clochardisation avancée.

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