Entre deux papier sérieux, un peu d’amusement dans ce monde de brutes. Cette semaine, c’est Le Monde Campus, qui en fournit la matière. C’est d’ailleurs très souvent le cas. Pour ceux qui ne seraient pas des lecteurs réguliers du grand quotidien du soir, Le Monde Campus est le supplément consacré aux questions d’enseignement supérieur, et accessoirement un magnifique miroir des fantasmes des « classes intermédiaires » sur ces questions.
Mais venons à l’article de cette semaine, dont le titre parle de lui-même : « Quand l’échec à un concours hante toute une vie ». Et en sous-titre : « Recalés à un examen, ils ressassent longtemps l’expérience douloureuse. Récits des illusions perdues ». Dans le catastrophisme, c’est presque aussi beau que de l’Elise Lucet. Le lecteur se prépare donc à un récit de douleur, de malheur et d’angoisse, et la suite ne déçoit pas :
« La boule au ventre, il pénètre dans l’immense salle où des centaines de chaises sont alignées au cordeau. Il s’assied, les mains moites. L’heure fatidique a sonné : il va découvrir les sujets du concours si longtemps préparé. Soudain, un tourbillon d’angoisse : aurait-il oublié de réviser une partie du programme ? Sur cette sensation de vertige, Laurent se réveille, en nage. Ces cauchemars resurgissent presque chaque été, quand, dans la chaleur des vacances, ses déceptions passées en profitent pour refaire surface. A presque 60 ans, Laurent est encore assailli par la piqûre de son premier échec, survenu plus de trente années plus tôt, au capes d’histoire-géographie. Qu’il ait été reçu l’année suivante à ce concours n’y change rien : la blessure est toujours vive. »
Et Laurent n’est pas le seul. L’article détaille ensuite avec un plaisir morbide des cas similaires : « Treize ans furent nécessaires à Stéphane pour surmonter son double échec à l’agrégation d’anglais. Il fallut quinze années à Nathalie pour « oser passer un autre concours » après avoir été recalée au capes. Car, plus qu’un simple échec scolaire, rater un concours peut être vécu comme un événement traumatisant pour les candidats qui « l’investissent comme un moment-clé dans leur trajectoire d’individu », indique Annabelle Allouch, maîtresse de conférences en sociologie à l’université de Picardie-Jules-Verne, auteure de La Société du concours (Seuil, 2017) ».
Bien entendu, les témoignages reproduits par Le Monde Campus n’ont aucune représentativité statistique. L’article en question est écrit – c’est rappelé dans le texte – sur la base d’un appel à témoignages. Et il est évident que ce genre d’appel fera venir témoigner ceux qui, ont été le plus affectés, les plus « traumatisés ». Même s’ils ne sont qu’une poignée, même si l’immense majorité des candidats à un examen ou concours surmontent sans problème le « traumatisme » qu’ils ont subi, il restera toujours une minorité suffisante de personnes psychologiquement fragiles pour alimenter une chronique. Par ailleurs, les témoignages n’étant pas reproduits in extenso, il faut être conscient de l’effet de sélection : les paragraphes reproduits sont choisis pour appuyer le point de vue de l’auteur de l’article, et non en fonction de l’importance que leur accordent les témoins eux-mêmes.
C’est pourquoi l’intérêt de cet article réside moins dans les cas qu’il cite que dans la sélection qui en est faite et dans les raisons pour lesquelles il est publié. Pourquoi les lecteurs de Le Monde Campus pourraient être intéressés par la problématique marginale de ceux qui se réveillent la nuit trente ans plus tard en pensant à leur échec à l’examen ? Voici encore un autre témoignage rapporté, qui répond peut-être à la question : « C’est bien sa « note catastrophique » que Hugo, 19 ans, a eu du mal à digérer. En juillet 2018, le jeune homme apprend qu’il est recalé au concours commun des instituts d’études politiques (IEP), avec 5,4 de moyenne. « J’avais peu confiance en moi et en mes chances de réussites, mais sanctionner plusieurs mois d’effort par une telle note, cela m’a laissé une grosse blessure », reconnaît-il. En septembre, l’étudiant lyonnais se résigne à se rendre en fac de droit, où il se surprend à se passionner pour les cours et à obtenir des résultats excellents. « Je savoure chaque semaine le fait que le travail paie. Mais reste en suspens une question qui a fait son chemin : est-ce que je vaux vraiment 5,4/20 ? » »
Et si la réponse était « oui » ? Si Hugo – ou plutôt son travail scolaire – « valaient vraiment » 5,4/20 ? Curieusement, si les témoignages insistent sur le sentiment de dévalorisation qui accompagne leur échec, aucun ne s’interroge sur les raisons ce celui-ci. A lire les témoignages, on a le sentiment que pour les intéressés l’échec est un phénomène aléatoire, accidentel, dans lequel ils ne jouent qu’un rôle de victime. Aucun ne s’interroge sur le fait de savoir si sa préparation était vraiment sérieuse, si l’effort et le travail fourni étaient à la mesure des exigences. Aucun ne s’interroge sur ce que les candidats qui ont réussi le concours avaient de plus qu’eux. En d’autres termes, la question de savoir si l’échec est juste ou injuste intéresse personne.
Cette question résume pour moi tout le problème. Enfants, nous avons vécu dans les jupes de nos Mères qui nous répétaient chaque jour que nous étions les plus beaux, les plus intelligents, les plus doués, les plus forts. Nous étions leur prince, et tous nos rêves allaient se réaliser. Et puis un jour le Père rentrait en scène, et nous étions arrachés à ce huis-clos domestique et protégé et plongés dans le vaste monde. Et nous découvrions – souvent à coups de poings dans la gueule – que nous ne sommes pas nécessairement les plus beaux, ni les plus intelligents, ni les plus doués, ni les plus forts. Que nous n’étions pas des princes et que tous nos rêves n’allaient pas se réaliser. Bref, qu’en moyenne, nous étions dans la moyenne – car c’est cela précisément ce que « moyenne » veut dire.
Bien entendu, ça ne fait pas plaisir. Ce n’est pas agréable de s’entendre dire par un prof « vous êtes nul », par un employeur « vous n’avez pas le bon profil », par une petite amie « t’est pas assez bien pour moi » – surtout si c’est vrai. Ce n’est jamais agréable de perdre une partie d’échecs, de se faire refuser une augmentation ou de se prendre un râteau. Mais c’est cela la vie, en tout cas celle d’un adulte. Des fois on perd, des fois on gagne. Que ce soit en amour ou en affaires, la lutte est dure, et le succès n’est jamais garanti. Et si chaque défaite, chaque échec devait nous traumatiser à vie, alors nous serions tous très malheureux.
Ma grand-mère avait l’habitude de dire « ce sont les coups qui font les hommes », et elle avait parfaitement raison. Depuis, on a banni les coups – et du coup on n’a plus d’hommes. Interdit de mettre une mauvaise note à un élève, de lui dire que son travail est mal fait. Cela pourrait provoquer chez lui un grave traumatisme, porter atteinte à sa confiance en soi et donc gâcher son avenir. Il faut au contraire po-si-ti-ver, quitte à lui donner une vision totalement faussée de lui-même. Pas étonnant que le jour où l’on se fracasse contre la réalité – et ce jour arrive tôt ou tard, que ce soit l’échec à un concours, un entretien d’embauche raté ou une demande en mariage refusée – les gens soient « traumatisés ».
Le fait que le journal de l’establishment publie un tel article montre combien nos « classes intermédiaires » ont du mal à sortir de la toute-puissance infantile, à s’assumer comme adultes. Combien il est difficile pour elles d’accepter l’idée qu’on puisse effectivement « valoir » à un moment de sa vie 5,4/20. Le “traumatisme” ne résulte pas ici du concours lui-même, mais du décalage entre l’image que l’individu a de lui même et celle que lui renvoie la réalité d’un processus d’évaluation objectif. Mais curieusement l’article s’attaque au processus d’évaluation, alors que le problème se situe plutôt dans l’image que l’individu a de lui même. Une image qui est faussée par le discours “positivé” que l’idéologie dominante a rendu obligatoire. Une image tellement décalée que des parents sont prêts à frapper le professeur lorsque celui-ci s’aventure à écrire que leur petit chéri n’est qu’un infâme cancre.
Descartes
Pour échapper à cela certains épousent une maman-bis, et ce sont de méchants ploucs à gilets jaunes qui viennent rappeler qu’il y a “processus d’évaluation objectif” .
‘C’est Mozart qu’on assassine’..A chaque conseil de classe,réunion parent/prof,c’est ce que j’entends.
Sauf que le ‘ on’,c’est moi qui suis dans le collimateur même dans les conseils de classe!
Quand à l’administration,y a que depuis que Blanker est là,qu’elle ne culpabilise plus continuellement les enseignants.
Blanker est le grand stratège d l’équipe à Macron,le penseur,son futur 1er Ministre.La réforme qu’il fait passer est la plus importante depuis 42 ans (Haby).
Trop tard pour moi;j’ai déjà divorcé,j’ai eu un cancer..La pression culpabilisatrice est si forte,venant de tous les côtés,les enfants,les collègues,les parents,l’inspection,l’administration,le surmoi…
Cela fait 34 ans que j’enseigne en collège,et les pires parents,les plus cruels vis à vis des profs de leur enfant,sont..Les enseignants !
Comment peut on expliquer cet incroyable paradoxe ?
@ luc
[« C’est Mozart qu’on assassine »… A chaque conseil de classe, réunion parent/prof, c’est ce que j’entends. Sauf que le ‘ on’, c’est moi qui suis dans le collimateur même dans les conseils de classe!]
C’est là la facette la plus notable du problème. Comment voulez-vous que l’adolescent prenne conscience de ses limitations si les parents – mais aussi les parents et les professeurs – voient dans chaque enfant « un petit Mozart » ? Et la question suivante serait de savoir pourquoi les parents, surtout dans les classes intermédiaires, ont autant de mal à prendre de la distance par rapport à leur progéniture, à accepter que l’enfant qu’ils ont mis au monde n’est finalement que « moyen »… Peut-être faut-il voir l’effet d’une société du spectacle qui ne valorise que l’exceptionnel, même lorsqu’il est parfaitement inutile. C’est le philosophe conservateur Roger Scruton qui notait qu’une société a tout intérêt à valoriser tous les métiers. Car nous ne pouvons pas tous être des stars, et a plupart d’entre nous devra essayer d’être heureux en restant anonyme…
[Quand à l’administration, y a que depuis que Blanker est là qu’elle ne culpabilise plus continuellement les enseignants.]
Il faut lui reconnaître pas mal de mérites : il connaît ses dossiers, il s’occupe vraiment de son ministère, il ne se laisse pas enfermer par les modes et par le politiquement correct.
[Cela fait 34 ans que j’enseigne en collège, et les pires parents, les plus cruels vis à vis des profs de leur enfant, sont… Les enseignants ! Comment peut on expliquer cet incroyable paradoxe ?]
La vengeance, peut-être ? Plus sérieusement : les enseignants sont probablement dans les classes intermédiaires les plus conscients de la fragilité du capital immatériel, et l’importance donc de le reconstituer à chaque génération. Ce sont par ailleurs ceux qui ont le « surmoi » scolaire le plus puissants, n’ayant d’autre héritage à transmettre à leurs enfants.
> C’est le philosophe conservateur Roger Scruton qui notait qu’une
> société a tout intérêt à valoriser tous les métiers. Car nous ne
> pouvons pas tous être des stars, et a plupart d’entre nous devra
> essayer d’être heureux en restant anonyme…
Je suis très content de vous voir écrire cela ; il me semble qu’on y rejoint une discussion qu’on avait eu il y a quelques semaines, justement à propos de la pression scolaire, où je vous écrivais, certes de manière provocante :
“On peut considérer que cette pression est salutaire si on considère que l’objectif individuel de chacun doit être à tout prix d’améliorer sa position dans une hiérarchie socio-économique.
C’est un objectif assez sain. Mais je ne crois pas que cet objectif doive être établi en dogme absolu. On pourrait avoir comme autre objectif un objectif que chacun soit heureux et épanoui dans sa vie. (…) Dans une société de classe, qui est l’extrême inverse, où chacun fait le même métier que ses parents, et cherche à transmettre ce qu’il a hérité à son fils, (…) il y a donc nettement moins de pression sur l’individu. Il ne reste plus qu’à chaque individu à avoir correctement de quoi vivre pour être heureux.”
J’avais naturellement pris l’exemple caricatural d’une société de classe de type “ancien régime”, pour la provocation. Mais je suis convaincu que, sans aller jusque là, le fait de mettre mieux en valeur les métiers, les savoirs faires, et de ne pas hiérarchiser trop les différents types de métiers, serait globalement une bonne chose.
>> [Cela fait 34 ans que j’enseigne en collège, et les pires parents,
>> les plus cruels vis à vis des profs de leur enfant, sont… Les
>> enseignants ! Comment peut on expliquer cet incroyable paradoxe ?]
> La vengeance, peut-être ? Plus sérieusement : les enseignants
> sont probablement dans les classes intermédiaires les plus
> conscients de la fragilité du capital immatériel, et l’importance
> donc de le reconstituer à chaque génération. Ce sont par ailleurs
> ceux qui ont le « surmoi » scolaire le plus puissants, n’ayant
> d’autre héritage à transmettre à leurs enfants.
C’est une explication. Mais ce n’est pas seulement avec les profs que les enseignants sont les plus pénibles. Là encore, on en parlait il y a quelques semaines, mais de nombreux témoignages concordants de médecins disent que les profs sont les patients les plus difficiles à soigner, car ils savent mieux que le médecin ce qu’il doit faire, etc.
Je pense donc qu’il y a peut être autre chose ; peut être que les profs, à force d’être les détenteurs du savoir, prennent l’habitude d’être celui qui ne souffre pas la contradiction, au point d’être comme cela avec tout le monde.
[anecdote vécue récemment : un médecin, qui est au téléphone à un de ses amis, dont la femme est prof de maths, a le malheur de lui dire que son fils est un peu malade. La femme de l’ami prend le combiné pour lui demander ce qu’il a, et explique (très gentiment, mais autoritairement) au médecin ce qu’il doit faire pour soigner son fils…]
@ Vincent
[J’avais naturellement pris l’exemple caricatural d’une société de classe de type “ancien régime”, pour la provocation. Mais je suis convaincu que, sans aller jusque là, le fait de mettre mieux en valeur les métiers, les savoirs faires, et de ne pas hiérarchiser trop les différents types de métiers, serait globalement une bonne chose.]
Oui, c’est peut-être un paradoxe : d’un côté, donner aux gens l’ambition d’améliorer leur position fera des malheureux, puisque tout le monde ne peut gagner à ce jeu. D’un autre côté, sans cette ambition la société se bloque irrémédiablement. Il s’agit donc de trouver le bon point d’équilibre, et surtout de permettre à ceux qui ne pourront pas améliorer leur situation socio-professionnelle d’avoir le sentiment d’avoir réussi quelque chose dans d’autres domaines.
> Il s’agit donc de trouver le bon point
> d’équilibre, et surtout de permettre
> à ceux qui ne pourront pas améliorer
> leur situation socio-professionnelle
> d’avoir le sentiment d’avoir réussi
> quelque chose dans d’autres domaines.
Je vais encore vous titiller, pour le plaisir…
Si je comprends bien, en termes de tradition philosophique, vous nous expliquez qu’il faut trouver un point d’équilibre entre :
– d’une part, l’individualisme des lumières, où l’individu isolé et émancipé cherche à s’assurer une position qui soit la meilleur possible,
– d’autre part, l’héritage de la société traditionnelle, ou chacun se contente, somme toute, de ce que la nature lui donne, ne doit pas être complètement jeté par la fenêtre, sous peine de faire une société d’ aigris/envieux.
Si j’en crois le livre “Le siècle de Monsieur Pétain”, dont vous avez régulièrement recommandé la lecture, la recherche du compromis entre individualisme des lumières et société de classe est justement ce qui caractérise le “refus du conflit” dont la France est malade…
Qu’en pensez vous ?
@ Vincent
[Si j’en crois le livre “Le siècle de Monsieur Pétain”, dont vous avez régulièrement recommandé la lecture, la recherche du compromis entre individualisme des lumières et société de classe est justement ce qui caractérise le “refus du conflit” dont la France est malade…]
Vous aurez noté que je n’utilise pas le mot « compromis », mais le mot « équilibre ». Pour Slama, l’idée qu’un compromis est possible entre la société de classe et l’individualisme des lumières qui permettrait d’abolir le conflit entre ces deux pôles pour aboutir à un unanimisme social est une illusion néfaste. Le conflit entre ces deux pôles est irréductible, et la démocratie implique qu’on admette que ce conflit existe et qu’il est fécond.
Je partage cette vision. Ce qui n’empêche que dans l’organisation de la société, dans la législation, dans la construction des institutions il faut bien mettre le curseur quelque part. Cela ne nie en rien le conflit, ou le fait que dans la société certains tireront le curseur d’un côté, les autres le tireront de l’autre. C’est cela « l’équilibre » – forcément instable – dont je parle.
@ Descartes
(((((Oui, c’est peut-être un paradoxe : d’un côté, donner aux gens l’ambition d’améliorer leur position fera des malheureux, puisque tout le monde ne peut gagner à ce jeu. D’un autre côté, sans cette ambition la société se bloque irrémédiablement. Il s’agit donc de trouver le bon point d’équilibre, et surtout de permettre à ceux qui ne pourront pas améliorer leur situation socio-professionnelle d’avoir le sentiment d’avoir réussi quelque chose dans d’autres domaines.))))
C’est un paradoxe que j’ai découvert la première fois, de mémoire, dans un roman de Kurt Vonnegut, (Abattoir 5 je crois). L’auteur y expliquait l’incroyable perversité de l’américan dream et de la mythologie du “self-made-man”, qui conduisait les gens à se rendre individuellement coupables/responsables de leur échec social, puisque certains de leurs semblables, eux, réussissaient. Vonnegut supposait que cette idéologie avait comme but premier de rompre l’esprit de classe qu’on retrouve dans les sociétés ou l’évolution sociale n’est pas possible (ou anecdotique). Dans ces sociétés, où l’on est mineur, ou ouvrier, ou artisan, ou marin de père en fils, les communautés professionnelles se soudent, fondent une identité solide (par exemple à travers un argot propre à la profession) et développent une fierté qui, malgré le faible niveau social et l’absence de perspective d’évolution, donnent du sens à l’existence de ses membres.
En creux, Vonnegut souligne donc que la méritocratie (réelle ou pas) pousse fatalement vers l’individualisme, et pousse ceux qui n’ont pas les moyens de progresser au désarroi, en leur jetant au visage leur incapacité.
Cette vision est très cruelle, mais je la trouve plutôt juste. La question est de savoir comment permettre aux individus méritants de s’émanciper d’une couche sociale, sans pour autant tendre un miroir aux alouettes à l’ensemble de la société, avec les effets absoluments nefastes que l’on connait actuellement.
@ Pierre
[En creux, Vonnegut souligne donc que la méritocratie (réelle ou pas) pousse fatalement vers l’individualisme, et pousse ceux qui n’ont pas les moyens de progresser au désarroi, en leur jetant au visage leur incapacité. Cette vision est très cruelle, mais je la trouve plutôt juste. La question est de savoir comment permettre aux individus méritants de s’émanciper d’une couche sociale, sans pour autant tendre un miroir aux alouettes à l’ensemble de la société, avec les effets absolument néfastes que l’on connait actuellement.]
C’est une question d’équilibre. Associer la réussite à des actions que tout le monde n’est pas capable de faire fabriquera des frustres et des malheureux. Mais associer la réussite à ce que tout le monde peut faire fabriquera une société d’immobilisme ou chacun se contentera avec ce que le sort lui a donné. Il faut donc une stimulation suffisante pour donner envie aux gens de se dépasser sans qu’ils soient « traumatisés » s’ils n’y arrivent pas. C’est un point d’équilibre pas facile à tenir…
Pour moi, la solution est qu’il y ait plusieurs « réussites » possibles : qu’on puisse socialement « réussir sa vie » en étant un grand professionnel, mais aussi un bon père de famille, un politique connu mais aussi un artisan anonyme. En d’autres termes, tenir un discours social qui valorise à égalité un nombre important de parcours différents. Cela permet à un grand nombre de « réussir » sans nécessairement entrer en compétition les uns avec les autres.
À propos d’Élise Lucet, justement, Wikipédia nous apprend que « Titulaire d’un bac scientifique obtenu à l’oral de rattrapage [!], elle entre à l’université de Caen et en ressort au bout de trois semaines. » Voilà un brillant parcours universitaire et scientifique…
(ce n’était même pas une enfant défavorisée : elle est fille d’enseignant et de directrice d’école ! bref, le profil idéal pour normalement avoir le bac les doigts dans le nez)
@ Antoine
[Voilà un brillant parcours universitaire et scientifique…]
Pour faire ce que fait Elise Lucet, point n’est besoin d’avoir une solide formation scientifique. Je dirais même que c’est exactement le contraire: une bonne formation scientifique implique une éthique de la vérité qui rend plus difficile l’utilisation de certaines méthodes de communication. En fait, Lucet ne fait qu’exploiter les préjugés de l’époque. En s’attaquant aux “grands complots” (des industriels de l’alimentation, du lobby nucléaire…) elle parle à un public qui a tellement envie de croire que la partie est gagnée d’avance. Dire au public ce qu’il a envie d’entendre, voilà le secret de la réussite médiatique.
Dans le même genre d’idée, le médiocre comique-acteur Omar Sy a récemment admis que les “bons” élèves de banlieue sont en général moyens ou médiocres quand on les met dans un lycée normal, et qu’il avait du faire les frais du décalage. Ben oui, l’EN a force d’inciter les profs à surnoter des cancres pour ne pas les “traumatiser”, au lieu de pousser ces élèves à vraiment travailler et à leur dire ce qu’ils valent vraiment, a conduit à un gâchis immense.
Un chiffre de l’OCDE est sorti récemment et parlait de presque 3 millions de jeunes en France entre 18 et 34 ans qui ne sont ni en formation ni en activité déclarée. C’est énorme, et ce sont des gens qui ne cotisent pas, et qui coûtent à la collectivité.
Entre les subventions massives aux études qui n’ont aucun débouché (sociologie, psychologie, services appauvrissants) mais qui occupent des jeunes, l’absence d’exigence et d’autorité, l’EN a ruiné l’instruction publique en 1 génération. Et vous couplez ça avec l’absence totale de politique industrielle, vous obtenez ce chiffre de 3 millions, qui ira en s’accentuant.
Dans ton article, tu parles des enfants de bobos, ce genre de traumatisés se retrouvent souvent dans les études qui ne débouchent sur rien ; j’ai beau n’avoir qu’un BTS, je suis assez lucide pour affirmer qu’un bac+10 en physique-chimie ne vaudra jamais un bac+10 en psycho-socio, droit humanitaire ou environnemental. Les bobos ont détruit l’école publique pour se garder les bons établissements, mais leurs enfants ont surinvestis les études de classes bavardantes au lieu d’investir des études difficiles alors qu’ils n’ont pas les contraintes de logement ou de bouffe qu’ont les enfants pauvres. Cette destruction de l’instruction publique aurait été presque pardonnable s’ils avaient repris le flambeau des élites techniques et intellectuelles du passé. On en parlait dans un topic précédent, aux USA on a aussi observé ce manque de goût pour les études difficiles et techniques pour les rejetons de classes qui n’ont pas les contraintes matérielles des plus pauvres. Même si le pays peut voler les cerveaux formés ailleurs, ne peut-on pas former des élites techniques sur place ?
Personnellement, je soutiendrais toute réforme radicale de l’instruction publique qui privatiserait toutes les études dont raffolent les classes bavardantes, et n’injecterait d’argent public que dans les études techniques et scientifiques, et pour les culturelles donner une ambition de transmission civilisationnelle (donc discriminer). Idem pour l’attribution de bourses, la subvention des pass navigos et de logements et restaus étudiants : pas d’égalitarisme, uniquement pour ceux qui suivent les études mentionnées plus haut. Ceux qui veulent faire du droit de l’environnement, du marketing, de la sociologie, et j’en passe, vous vous démerdez dès l’âge de 16 ans. Et un examen du type bac entre le CM2 et la 6ème, et entre la 3ème et la seconde pour s’assurer des acquis, et aucune pitié pour faire passer les cancres.
@ Bannette
[Dans le même genre d’idée, le médiocre comique-acteur Omar Sy a récemment admis que les “bons” élèves de banlieue sont en général moyens ou médiocres quand on les met dans un lycée normal, et qu’il avait du faire les frais du décalage. Ben oui, l’EN a force d’inciter les profs à surnoter des cancres pour ne pas les “traumatiser”, au lieu de pousser ces élèves à vraiment travailler et à leur dire ce qu’ils valent vraiment, a conduit à un gâchis immense.]
Oui. Mais ce mécanisme ne tient pas à la méchanceté des profs ou de l’EN. Il sert à bloquer l’ascenseur social, à éloigner le risque qu’en poussant les élèves doués venant des milieux modestes à travailler, on en fasse des redoutables concurrents aux enfants des classes intermédiaires. C’est là aussi la raison de cette critique permanente du recrutement par concours. Admettons un instant que le recrutement par concours soit injuste, socialement sélectif et tout le tralala. Par quoi se propose-t-on de le remplacer ? Par des « entretiens » ou l’effet de cooptation sociale sera cent fois plus important et les « réseaux » pourront jouer à plein ?
Il y a beaucoup de bêtises de dites sur les concours. D’abord, ils seraient injustes en privilégiant certaines couches sociales. Ceux qui utilisent cet argument oublient un peu vite que nous vivons dans une société inégalitaire, non pas par hasard, mais parce que son système économique est fondé sur l’inégalité dans la distribution du capital. Imaginer que la sélection scolaire pourrait échapper, on ne sait par quel miracle, à l’inégalité sociale est faire preuve d’une incroyable naïveté. Oui, le concours est « socialement inégalitaire ». Mais il reste beaucoup moins « inégalitaire » que toutes les autres alternatives.
[Un chiffre de l’OCDE est sorti récemment et parlait de presque 3 millions de jeunes en France entre 18 et 34 ans qui ne sont ni en formation ni en activité déclarée. C’est énorme, et ce sont des gens qui ne cotisent pas, et qui coûtent à la collectivité.]
Oui, c’est un énorme gâchis, qui tient en partie à des questions économiques, mais aussi à une inadaptation profonde d’une partie de la jeunesse au monde du travail. Combien de candidats j’ai pu avoir en entretien qui m’expliquent que le poste proposé est « trop peu pour eux », qu’ils ont d’autres ambitions – ambitions qui n’ont souvent aucun rapport avec leurs capacités réelles…
[Dans ton article, tu parles des enfants de bobos, ce genre de traumatisés se retrouvent souvent dans les études qui ne débouchent sur rien ; j’ai beau n’avoir qu’un BTS, je suis assez lucide pour affirmer qu’un bac+10 en physique-chimie ne vaudra jamais un bac+10 en psycho-socio, droit humanitaire ou environnemental.]
Je suis d’accord. Il y a malheureusement beaucoup d’enseignements universitaires qui transmettent moins des connaissances ou des méthodes qu’un langage et une posture militante. Il faut dire que les sciences « dures » ont su se défendre de la vague soixante-huitarde bien mieux que les sciences humaines.
[Les bobos ont détruit l’école publique pour se garder les bons établissements, mais leurs enfants ont surinvestis les études de classes bavardantes au lieu d’investir des études difficiles alors qu’ils n’ont pas les contraintes de logement ou de bouffe qu’ont les enfants pauvres. Cette destruction de l’instruction publique aurait été presque pardonnable s’ils avaient repris le flambeau des élites techniques et intellectuelles du passé.]
C’est la question du « noblesse oblige » qui revient. Les classes privilégiées du passé tenaient à établir une légitimité qui ne repose pas seulement sur l’argent, et acceptaient donc de se soumettre à des épreuves difficiles et à faire des études exigeantes. Les « classes intermédiaires » n’ont pas ce genre de comportement. Elles veulent les privilèges mais sans en payer le prix. C’est pourquoi les enseignements scientifiques, qui restent beaucoup plus exigeants, sont délaissés au point que même les grandes écoles d’ingénieurs tendent à devenir de plus en plus des écoles de commerce ou de management, ou la psychologie, le droit et le marketing remplacent le génie chimique ou la mécanique des fluides.
[Personnellement, je soutiendrais toute réforme radicale de l’instruction publique qui privatiserait toutes les études dont raffolent les classes bavardantes, et n’injecterait d’argent public que dans les études techniques et scientifiques, et pour les culturelles donner une ambition de transmission civilisationnelle (donc discriminer).]
Je trouve votre vision un peu extrême. Mon raisonnement serait différent : il faut que TOUS les enseignements supérieurs deviennent des enseignements « scientifiques ». En d’autres termes, rendre l’enseignement de l’histoire, du droit ou de la sociologie aussi exigeant, aussi sélectif que celui des sciences physiques ou naturelles. Un bon sociologue – c’est-à-dire un sociologue scientifique, ayant une vraie réflexion méthodologique et une connaissance encyclopédique de son domaine – est aussi utile qu’un bon chimiste. Plus que de privilégier certaines disciplines plutôt que d’autres, la priorité pour moi est de remonter le niveau d’exigence, et de dire aux étudiants la vérité des prix. Celui qui n’a pas acquis les bases ne peut continuer ses études. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un jugement de fait.
J’aurais aussi tendance à dire que ce qui tue lentement notre enseignement supérieur est une excessive spécialisation. Qu’un juriste décide au cours de sa vie professionnelle de se spécialiser dans le droit humanitaire, pourquoi pas. Mais l’université doit lui donner une base solide de raisonnement et de méthode juridique, et une culture générale du droit. Darwin avait déjà montré que plus une espèce est spécialisée, moins elle est adaptable à un environnement changeant et plus ses chances de survie sont maigres…
> il faut que TOUS les enseignements supérieurs deviennent des
> enseignements « scientifiques ». En d’autres termes, rendre
> l’enseignement de l’histoire, du droit ou de la sociologie aussi
> exigeant, aussi sélectif que celui des sciences physiques ou
> naturelles. Un bon sociologue – c’est-à-dire un sociologue
> scientifique, ayant une vraie réflexion méthodologique et une
> connaissance encyclopédique de son domaine – est aussi utile
> qu’un bon chimiste.
Si je ne me trompe pas, à part dans certains bastions de résistance (sciences de l’éducation…), au niveau des 3ème cycles (M2 recherche et après), on est en bonne voie.
Ainsi, un psychologue pourra choisir, s’il fait de la recherche, de se spécialiser dans l’étude par IRM des subtrats anatomiques des perceptions cognitives, etc.
Bref, là encore, il y a des résistances, mais sur une trajectoire longue, les professeurs d’université et maitres de conférence devraient, à terme, être tous des scientifiques tels que vous le décrivez.
On peut donc espérer qu’il y aura une diffusion vers les premiers cycles de ces approches. Reste effectivement à ce que les premiers cycles puissent être rendus plus sélectifs…
Plus que de privilégier certaines disciplines plutôt que d’autres, la priorité pour moi est de remonter le niveau d’exigence, et de dire aux étudiants la vérité des prix. Celui qui n’a pas acquis les bases ne peut continuer ses études. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un jugement de fait.
@ Vincent
[Si je ne me trompe pas, à part dans certains bastions de résistance (sciences de l’éducation…), au niveau des 3ème cycles (M2 recherche et après), on est en bonne voie.]
Oui, mais entretemps, quel gâchis de moyens… sans compter qu’on voit arriver en 3ème cycle des étudiants dont les bases sont souvent « à éclipses ». Il est vrai que beaucoup de professeurs ont fini par réaliser que le refus de la sélection est en train de tuer l’enseignement supérieur. Mais pour des raisons politiques, il est hors de question d’imposer des exigences en premier et deuxième cycle : les « classes intermédiaires » ne le supporteraient pas. Du coup, le premier et le deuxième cycle sont devenus d’immenses garderies…
” C’est pourquoi les enseignements scientifiques, qui restent beaucoup plus exigeants, sont délaissés au point que même les grandes écoles d’ingénieurs tendent à devenir de plus en plus des écoles de commerce ou de management, ou la psychologie, le droit et le marketing remplacent le génie chimique ou la mécanique des fluides.”
Je crois pas que ca soit par paresse intellectuelle (que ca soit des enseignants ou des eleves) qu on fasse moins de mecanique des fluides et plus de marketing en ecole d inegnieurs.
Mais tout simplement parce que les gros des ingenieurs feront assez peu de technique:
1) si vous voulez faire carriere vous comprenez vite que c est pas le bon plan d etre dans la technique
2) le declin de l industrie francaise fait qu on a besoin de moins en moins de technicien mais plus de vendeurs (de produits made in germany ou china ;-( ). Et comme votre acheteur sera souvent aussi incompetant que vous, mieux vaux avoir de bonne notions de marketing ou de psychologie que de mecanique
3) si vous avez un pb technique, il y a de forte chance que celui ci ait deja ete etudie et resolu. Vous avez bien plus souvent a adapter quelque chose qui existe qu a innover
@ cd
[Je crois pas que ce soit par paresse intellectuelle (que ce soit des enseignants ou des élèves) qu’on fasse moins de mécanique des fluides et plus de marketing en école d’ingénieurs.]
Je ne sais pas, mais je me le demande. J’ai entendu un directeur d’une grande école d’ingénieurs parisienne dire qu’un cursus trop « scientifique » rebutait les candidats qui après les années de préparation avaient « envie de se détendre ». On peut interpréter cette remarque de diverses façons…
[Mais tout simplement parce que les gros des ingénieurs feront assez peu de technique:]
Même si vous faites peu de technique après vos études, la formation technique vous fait une « tête bien faite », ce qui vaut souvent mieux qu’une tête bien pleine. Je reste convaincu que le contenu importe peut-être moins à ce niveau-là que la méthode. Et la méthode qu’on enseigne dans un cours de marketing n’est pas tout à fait la même que celle qu’on transmet dans un cours de génie chimique.
[1) si vous voulez faire carrière vous comprenez vite que c’est pas le bon plan d’être dans la technique]
Et bien, je ne suis pas convaincu. Il est vrai que si vous voulez gagner beaucoup d’argent, la technique n’est pas le bon choix. Mais si c’est la « carrière » qui vous intéresse, c’est-à-dire les possibilités d’évolution, de prise de responsabilités, etc. la technique reste bien plus « payante » que la finance ou le marketing, par exemple.
[2) le déclin de l’industrie française fait qu’on a besoin de moins en moins de technicien mais plus de vendeurs (de produits made in germany ou china ;-( ).]
Là, 100% d’accord. Aujourd’hui en France l’industrie n’a presque plus d’effet d’entraînement ni sur l’enseignement, ni sur la recherche. Dans la tête de beaucoup de nos concitoyens, l’industrie est une activité résiduelle destinée à disparaître.
[3) si vous avez un pb technique, il y a de forte chance que celui-ci ait déjà été étudié et résolu. Vous avez bien plus souvent à adapter quelque chose qui existe qu’à innover.]
Là, je ne suis pas du tout d’accord. Souvent, il faut bien plus de culture technique et scientifique pour « adapter » une solution conçue pour un problème différent que pour développer une solution nouvelle ex nihilo.
@Descartes
> Je ne sais pas, mais je me le demande. J’ai entendu un directeur d’une grande école d’ingénieurs parisienne dire qu’un cursus trop « scientifique » rebutait les candidats qui après les années de préparation avaient « envie de se détendre ». On peut interpréter cette remarque de diverses façons…
En effet. Personnellement, j’ai fait partie de ces étudiants qui ressentirent une saturation après deux années de prépa. Cela ne veut pas dire que je me suis senti attiré par une carrière non-technique, mais simplement que j’ai profité de la « détente » de l’école d’ingénieur pour me cultiver et me libérer des obligations scolaires. En réalité, j’ai maintenant de nombreuses années d’expérience professionnelle et ma carrière est hyper-technique. Ce n’était donc pas la technique dont j’étais saturé mais plutôt la scolarité, sa routine et ses obligations.
“J’aurais aussi tendance à dire que ce qui tue lentement notre enseignement supérieur est une excessive spécialisation”
Puisque ton post est pour rire un peu, j’en rapporte une qui a trait à ce sujet: Un patient va voir son médecin et lui dit qu’il a mal au testicule gauche. Le généraliste reconnait ne pas savoir ce qu’il peut y faire et lui conseille d’aller voir un urologue. Trop pressé, comme souvent les omnipraticiens, fouillant dans son agenda, il se trompe et lui donne l’adresse de son avocat. Le patient prend RV , se présente, entre dans le bureau, baisse son pantalon, lui disant: “j’ai mal au testicule gauche”. Et l’avocat de répondre: “Mais Monsieur, ma spécialité, c’est le Droit !” Ce qui évidemment met en colère le patient: “Mais alors, il y a des spécialistes pour les couilles gauches et d’autres pour les droites”
> Les bobos ont détruit l’école publique pour se garder les bons
> établissements, mais leurs enfants ont surinvestis les études
> de classes bavardantes au lieu d’investir des études difficiles
Vous vous trompez. Les études difficiles (ingénieur, médecine, vétérinaire, sciences) sont aussi peuplées d’enfants des “classes intermédiaires”. Mais le problème est que tous les enfants des “classes intermédiaires” n’ont pas les facultés de faire ces études. Et vous n’imaginez tout de même pas les enfants de ces classes ne pas avoir de Master ? Non ?
Du coup, il faut bien qu’ils aient des études adaptées à leur compétence pour ne pas se sentir dévalorisés…
Là où je vous donne un peu raison est qu’on trouve aussi des enfants qui ne sont pas issus de ces classes dans les études difficiles ; je ne suis pas certain que cela existe tellement en école de commerce ou en communication/marketing / immobilier…
> Cette destruction de l’instruction publique aurait été presque
> pardonnable s’ils avaient repris le flambeau des élites techniques
> et intellectuelles du passé.
Il y a toujours plein de jeunes qui se forment, qui bossent dur, et qui raisonnent bien, dans des filières difficiles. Dont beaucoup sont issus de ces classes. Leur nombre, en absolu, est même certainement en augmentation par rapport à il y a 40 ans.
Mais le problème est que, une fois sortis d’école, la plupart vont laisser tomber ce qu’ils ont appris pour aller vers des métiers faciles et rémunérateurs. Est ce que c’est de leur faute ? Si on vous laisse le choix entre un métier facile, rémunérateur, et où votre principal risque est de ne pas avoir de bonus. Ou un métier difficile, moins rémunérateur, et où vous engagez votre responsabilité pénale (médecin qui tue un patient, pont qui s’effondre…). Que choisissez vous ? Le 2ème, pour la beauté du métier ? C’est un choix que font certains, mais on peut comprendre que ça ne soit pas la majorité…
Ce qui est assez incroyable, c’est que les personnes qui témoignent ne font aucun retour d’expérience sur leur préparation, et n’arrivent pas à prendre le recul sur leur échec. Ce n’est pas pour me vanter, mais, appartenant à un des corps d’ingénieur de l’Etat, j’ai passé plusieurs fois le concours pour intégrer un “grand corps” de catégorie A+ (par le biais du concours interne), et après deux échecs, je l’ai réussi. Mes deux échecs ont en fait été le terreau de la réussite à la troisième tentative, car j’ai dépassé la déception, légitime, mais surtout j’ai analysé les causes de ces échecs, et ai adapté ma préparation en fonction de l’objectif poursuivi ; j’y ai ajouté un changement d’état d’esprit : je m’autorisais la déception en cas d’échec, mais pas les regrets. Autrement dit, se donner tous les moyens pour parvenir à l’objectif, et accepter que cela puisse tomber à côté ; mais ces moyens que je me suis donné, en effet, ce furent des jours et des jours de congés passés à faire des devoirs blancs (cette abominable épreuve écrite de la note de problématique sur dossier, en 6 heures…), à comprendre l’épreuve et ses attendus, à assimiler et perfectionner une méthode, etc. Sans compter la préparation de l’oral quand j’ai su que j’étais admissible.
Au-delà des dissertations un peu psychologisantes, sur mon cas ou sur les témoignages relatifs aux concours, je trouve que cette indigence de l’exigence touche de nombreux secteurs de la société, à commencer par les partis politiques, notamment de gauche. Clairement, ça ne travaille pas sur le fond. Le PCF par exemple semble s’imaginer que des slogans font une doctrine (et l’Huma que des tracts font des articles). Et après, ils s’étonnent, l’un d’être tombé à 2% des suffrages, l’autre, d’être en cessation de paiement. Tout se paie dans la vie, à commencer par l’absence de travail, de réflexion et de prise de recul. Et ni la gauche dans un cas, ni les candidats à un concours dans l’autre, ne peuvent espérer finir en tête (car une élection est in fine un concours dont le jury est le peuple) en travaillant si peu, si mal, en ne s’interrogeant pas sur les causes de l’échec, et donc en poursuivant toujours la même politique qui mène dans le mur. J’ai quitté le PCF il y bientôt 5 ans, après une conférence de section où, pour interpeller mes camarades, j’avais fait une petite courbe du nombre d’adhérents depuis 2001 (pas avant faute de données) : elle montrait une perte moyenne de 6000 adhérents par an. Conclusion logique : il faut analyser les causes de cette désaffection, la comprendre, et trouver la parade. En clair, il faut changer de politique (et pour paraphraser Chirac en 1981, pour changer de politique, il fallait changer de direction). Il n’en fut rien : les représentants de la direction, c’était prévisible, me traitèrent de menteur ; mais, pire, les adhérents eux-mêmes, au mieux ignorèrent ces chiffres, au pire considérèrent que c’était la preuve qu’il fallait continuer (à s’ouvrir, à s’allier avec Mélenchon, etc.). Atterré par un tel déni du réel, je l’ai quitté quelques mois plus tard.
Bref, tout ça pour dire qu’il est sain de parfois se trouver en échec, à condition de savoir l’analyser pour s’en servir d’une leçon vers la réussite. J’ai l’impression de dire une banalité, voire de me livrer à un exercice de développement personnel, mais même cette évidence ne semble pas être reconnue comme telle par tous.
@ Jacobin
[Ce qui est assez incroyable, c’est que les personnes qui témoignent ne font aucun retour d’expérience sur leur préparation, et n’arrivent pas à prendre le recul sur leur échec.]
Cela n’a rien « d’incroyable ». Comme je l’ai expliqué, cet article a été réalisé – de l’aveu de son auteur lui-même – avec la méthode du témoignage sollicité. Le Grand Quotidien de Référence (interdit de rire) fait maintenant comme n’importe quel média « trash » : il publie des petits entrefilets du genre « si vous avez été violé par votre mère et abandonné par votre père, venez témoigner ». Avec ce genre de méthode, vous arriverez à avoir des gens qui diront à peu-près n’importe quoi. Si vous publiez une annonce du genre « si vous avez échoué à un concours et que vous avez été traumatisé, venez témoigner », vous aurez un vaste choix de personnages qui n’auront pas été capables de prendre du recul. Car si vous êtes capable de prendre du recul, vous ne serez pas « traumatisé » par ce qui finalement n’est qu’un accident de parcours.
L’intérêt de cet article n’est pas tant dans les témoignages eux-mêmes, mais dans leur sélection. Pourquoi « Le Monde » trouve-t-il intéressant de publier un article glosant sur l’effet « traumatisant » des concours ? Pourquoi fait-il du cas finalement assez tristes de ces « traumatisés » un paradigme ? Quel est l’idéologie que tout cela révèle ?
Pas la peine d’être grand prêtre pour trouver la réponse. Ceux qui lisent régulièrement le quotidien en question savent que les articles contre la sélection par concours en particulier et contre la méritocratie en général se succèdent avec la régularité d’un métronome. Le « traumatisme » supposé n’est qu’une pierre de plus jetée dans le jardin des « méritocrates »…
[Tout se paie dans la vie, à commencer par l’absence de travail, de réflexion et de prise de recul. Et ni la gauche dans un cas, ni les candidats à un concours dans l’autre, ne peuvent espérer finir en tête (car une élection est in fine un concours dont le jury est le peuple) en travaillant si peu, si mal, en ne s’interrogeant pas sur les causes de l’échec, et donc en poursuivant toujours la même politique qui mène dans le mur.]
Tout à fait d’accord. Le problème est qu’avec l’avènement de la politique spectacle, la réflexion a cédé le pas à la communication. Puisqu’on peut se faire élire aujourd’hui à la plus haute magistrature sans parti, sans programme, juste porté par une campagne médiatique, la réflexion politique et programmatique a été remplacée par la recherche effrénée des « coups de com » censés faire la différence. De la « double parité » de la liste « Bouge l’Europe ! » à l’hologramme mélenchonien, les partis de la « gauche radicale » n’ont eu de cesse de ringardiser l’action politique de terrain, celle qui construit une confiance avec les citoyens sur le long terme sur la base d’une idéologie claire, par une communication débordante en temps d’élections.
[Bref, tout ça pour dire qu’il est sain de parfois se trouver en échec, à condition de savoir l’analyser pour s’en servir d’une leçon vers la réussite.]
Tout à fait. Mais pour cela, il faut être capable d’accepter que l’échec résulte de notre propre action, et non de la méchanceté du monde ou d’un grand complot sur lequel on n’a aucun contrôle. Il faut être capable de dire « je n’ai pas eu l’examen parce que je ne savais pas mon cours ». Si vous partez sur la logique « je n’ai pas eu l’examen parce que l’examinateur était méchant », vous ne pouvez tirer aucune leçon de votre échec.
> je trouve que cette indigence de l’exigence touche de nombreux
> secteurs de la société, à commencer par les partis politiques,
> notamment de gauche. Clairement, ça ne travaille pas sur le
> fond. Le PCF par exemple semble s’imaginer que des slogans
> font une doctrine
Vous semblez bien connaitre les partis de gauche, et je comprends totalement votre déception ; mais crains que votre constat ne s’applique tout autant de l’autre coté de l’échiquier. Et je ne peux que vous donner totalement raison sur le constat.
Mais en même temps, peut on donner tort aux politiciens qui font cela ?
Chevènement a toujours travaillé, et travaille. Pour quel résultat ? Aucun ! Aucune possibilité de peser sur quelque orientation que ce soit.
Les Verts n’ont jamais travaillé, si ce n’est les slogans et les postures. Et ils ont plein d’élus partout, et sont réellement en mesure de peser sur les choix politiques.
Dupont-Aignan travaillait lui aussi, jusqu’en 2017. Il a choisi en 2017 une campagne basée sur le principe du coup de communication permanent, au détriment du fond. 2 ans plus tard, alors qu’il était à 1 ou 2% dans les sondages, il se retrouve à talonner l’ex UMP !
Entre Philippot, qui a la réputation de bosser, et MLP, qui n’est que dans la communication, qui gagne ?
Bref, qui a raison, au fond ?
Ceci est un essai: est-ce que vous recevez ce message? Dans ce cas je me ferais un plaisir de commenter.
Le test est concluant… j’effacerai ce message dans une semaine
[Cette question résume pour moi tout le problème. Enfants, nous avons vécu dans les jupes de nos Mères qui nous répétaient chaque jour que nous étions les plus beaux, les plus intelligents, les plus doués, les plus forts. Nous étions leur prince, et tous nos rêves allaient se réaliser. Et puis un jour le Père rentrait en scène, et nous étions arrachés à ce huis-clos domestique et protégé et plongés dans le vaste monde.]
Les majuscules à « Père » et « Mères » signifient que vous considérez que ces rôles peuvent être joués par d’autres que par les géniteurs et notamment par des institutions ?
Institutions qui sont par exemple l’école et la justice ? Et que ce n’est peut-être pas un hasard si ces deux institutions qui se sont féminisées à outrance sont aujourd’hui dans un état lamentable ? Mais alors, cause ou effet ? Est-ce par leur féminisation que ces institutions ont décliné ou est-ce leur déclin qui a entraîné leur féminisation ?
Reste les armes, le « big business » et les sciences dures à être encore à large majorité masculine. Et bizarrement, ces domaines font partie de ceux qui tiennent le coup.
Ps : dans les couples de ma génération (autour de la trentaine) que je connais un peu, j’ai l’impression que c’est souvent la femme qui « domine » au sein de ceux-ci (si je devais définir « dominer » au sein d’un couple, je dirais « imposer sa vision des choses en cas de visions divergentes »). Vous remarquez ça aussi ? Si oui, c’est nouveau ?
Ps2 : et dans les cas de divorces, vous avez une idée de si c’est l’homme ou la femme qui en est le plus souvent à l’initiative ? Mon impression c’est qu’aujourd’hui c’est majoritairement la femme mais comme j’ai jamais rien lu à ce sujet c’est pas très solide…
@ bip
[Les majuscules à « Père » et « Mères » signifient que vous considérez que ces rôles peuvent être joués par d’autres que par les géniteurs et notamment par des institutions ?]
Pas tout à fait. J’utilisais les majuscules pour indiquer que je ne faisais pas référence aux parents en tant qu’individus, mais en tant qu’institutions. Et bien entendu, la fonction maternelle ou paternelle peut être déléguée socialement à des institutions. Ainsi, par exemple, l’école maternelle – le nom même vous le dit – agit par délégation et en substitution de la mère. A l’opposé, lorsque l’armée arrachait l’adolescent à son foyer dans le cadre du service militaire, elle agissait au nom du père.
[Institutions qui sont par exemple l’école et la justice ? Et que ce n’est peut-être pas un hasard si ces deux institutions qui se sont féminisées à outrance sont aujourd’hui dans un état lamentable ? Mais alors, cause ou effet ?]
En bon marxiste, je cherche toujours les causes dans la transformation du mode de production. Il y a dans notre société une transformation profonde, qui a vu la figure du Père s’effacer, et cela dans tous les domaines. Est-ce lié à l’entrée massive des femmes dans la production et dans les lieux de pouvoir ? Personnellement, je ne le pense pas. Je pense – cela ne vous étonnera pas – que c’est plus lié à la domination idéologique exercée par les « classes intermédiaires ». Car cette domination n’a pu s’établir que par la contestation de la structure préexistante, fondée largement sur la loi du Père. Une classe sans passé et sans mémoire ne peut accepter que le pôle paternel, gardien justement de la filiation, soit prédominant.
[Reste les armes, le « big business » et les sciences dures à être encore à large majorité masculine. Et bizarrement, ces domaines font partie de ceux qui tiennent le coup.]
Corrélation n’est pas raison… regardez le système politique !
[Ps : dans les couples de ma génération (autour de la trentaine) que je connais un peu, j’ai l’impression que c’est souvent la femme qui « domine » au sein de ceux-ci (si je devais définir « dominer » au sein d’un couple, je dirais « imposer sa vision des choses en cas de visions divergentes »). Vous remarquez ça aussi ? Si oui, c’est nouveau ?]
Il faudrait s’entendre d’abord sur ce que « dominer » veut dire. Quand vous parlez de « imposer sa vision des choses », c’est dans quel domaine ? Je prends par exemple mes grands-parents : à la maison, la domination de ma grand-mère était totale. C’est elle qui faisait les menus, la décoration, qui gouvernait la vie des enfants, et mon grand-père n’avait pas de voix au chapitre. D’un autre côté, pour tout ce qui se faisait hors de la maison, c’était mon grand-père qui avait le dernier mot. Dans ce contexte, peut-on dire que l’un d’eux « dominait » l’autre ?
Les rapports de couple sont trop complexes pour les réduire à un rapport binaire « dominant/dominé ». Ce que j’aurais tendance à dire, c’est que dans le passé les domaines étaient plus séparés, et chacun avait un peu son territoire, dans lequel il était roi. Dans les couples modernes, les domaines ne sont pas séparés et du coup la question de la « domination » se pose.
[Ps2 : et dans les cas de divorces, vous avez une idée de si c’est l’homme ou la femme qui en est le plus souvent à l’initiative ? Mon impression c’est qu’aujourd’hui c’est majoritairement la femme mais comme j’ai jamais rien lu à ce sujet c’est pas très solide…]
Je n’en sais rien. Et je me demande s’il est possible de faire une statistique fiable sur la question, qui ne repose pas sur la vision subjective des participants.
> > dans les couples de ma génération (autour de la trentaine) que
> > je connais un peu, j’ai l’impression que c’est souvent la femme
>> qui « domine » au sein de ceux-ci
> Il faudrait s’entendre d’abord sur ce que « dominer » veut dire.
Si on considère la domination d’un strict point de vue économique, à savoir celui qui gagne le plus, il est effectivement de plus en plus fréquent que la femme gagne plus que son mari. C’est le cas de la majorité des couples que je connais. Mon beau-père me dit parfois : “Les filles travaillent trop bien à l’école, elles sont trop sages, et du coup, elles vont nous bouffer grâce à la promotion par l’école”
Ce qui est rigolo, dans les couples que je connais, c’est que ça reste souvent la femme qui s’occupe davantage des taches ménagères…
@ Vincent
[Si on considère la domination d’un strict point de vue économique, à savoir celui qui gagne le plus, il est effectivement de plus en plus fréquent que la femme gagne plus que son mari.]
Mais en quoi ce serait là une « domination » ? Dès lors que chacun gagne suffisamment pour être éventuellement autonome, il me semble difficile de parler de « domination ». Par ailleurs, il faut tenir compte de la dialectique du maître et de l’esclave. Chez mes grands-parents, seul mon grand-père gagnait de l’argent. Mais mon grand-père était incapable de faire un œuf au plat ou de repasser une chemise. Il n’aurait été incapable de survivre tout seul. Dans ce contexte, qui « dominait » qui ?
[Ce qui est rigolo, dans les couples que je connais, c’est que ça reste souvent la femme qui s’occupe davantage des tâches ménagères…]
Personnellement, j’ai toujours trouvé cette idée de « partage des tâches ménagères » parfaitement idiot. Il y a une logique d’efficacité dans la division du travail. Chez moi, c’est ma femme qui fait le repassage et c’est moi qui entretien la voiture. Ma femme a appris à le faire avec sa mère, et ça lui prend cinq minutes de repasser une chemise. Et à l’inverse, moi j’ai appris avec mon père et je vous change une batterie en cinq minutes. Si je devais une fois sur deux faire le repassage, cela me prendrait une demi-heure de faire ce que ma femme fait en cinq minutes. Et même chose si elle devait changer la batterie. Alors, quel intérêt ? Qu’on distribue les tâches d’une manière équilibrée, tout à fait d’accord. Mais le « partage des tâches » ou chacun fait chaque chose à tour de rôle ? C’est une aberration économique.
J’ajoute que la division du travail implique que la distribution des tâches dans le couple soit décidée socialement, et non individuellement. En effet, on ne peut pas prédire qui se mariera avec qui. Il est donc rationnel que dès l’enfance TOUTES les femmes apprennent à faire certaines choses, et TOUS les petits garçons apprennent à faire les autres… ainsi, quel que soit le mariage on est sûr d’avoir toutes les compétences dans le couple…
J’ajoute que la division du travail telle qu’elle était pratiquée du temps de nos grands-parents était un ciment puissant des couples. Quand on est interdépendant, quand on a besoin de l’autre pour vivre décemment, on fait en sorte d’arrondir les angles. Les mariages de raison sont souvent bien plus solides – et j’oserais dire plus heureux – que les mariages d’amour.
> Chez mes grands-parents, seul mon grand-père
> gagnait de l’argent. Mais mon grand-père était
> incapable de faire un œuf au plat ou de repasser
> une chemise.
C’est incroyable, on croirait que vous êtes mon oncle ! Les 2 seule choses que je sais de mes arrières grands parents sont que, quand mon arrière grand mère avait été hospitalisée, mon arrière grand père s’était retrouvé dans l’incapacité de repasser ses chemises, et qu’il a subit un gros échec en essayant de se faire un œuf sur le plat ! (authentique)
> Personnellement, j’ai toujours trouvé cette idée
> de « partage des tâches ménagères » parfaitement
> idiot. Il y a une logique d’efficacité dans la division
> du travail.
Chez nous, on a poussé la logique à son paroxysme : chaque tache (hors courses et enfants) est devenue -de fait- l’exclusivité d’un de nous deux… Quand je pars une semaine, je me retrouve avec une montagne de poubelles à descendre, mais quand ma femme part une semaine, elle se retrouve avec des montagnes de vêtements à ranger 🙂
Et, de fait, dans tous les couples que je connais, il y a un partage spécialisé des taches. En revanche, j’en connais un qui fonctionne très bien avec Madame qui fait les travaux dans la maison, et Monsieur qui fait la cuisine (et qui au passage travaille à temps partiel, parce que Madame gagne suffisamment et qu’il n’y a pas besoin de plus…)
> Il est donc rationnel que dès l’enfance TOUTES les
> femmes apprennent à faire certaines choses, et TOUS
> les petits garçons apprennent à faire les autres… ainsi,
> quel que soit le mariage on est sûr d’avoir toutes les
> compétences dans le couple…
Je sens que vous allez vous faire beaucoup d’amis, notamment à gauche !
Sans parler de la question des couples homosexuels, qui se retrouveraient sérieusement pénalisés dans un tel fonctionnement 😉
Plus sérieusement, ce type de compétence s’apprend par imitation des parents, pas à l’école. Comme les enfants cherchent à imiter leurs parents sans considération pour leur sexe (des garçons jouent très bien à la dinette même si c’est leur mère qui fait la cuisine), la spécialisation n’est pas naturelle. Et, fort heureusement, les savoirs dont on a besoin pour vivre au quotidien ne sont pas compliqués au point qu’on ne puisse pas les acquérir après 25 ans. Et donc, même si les deux membres du couples ont les mêmes appétences, il y en aura bien un qui se dévouera pour acquérir les savoirs qui manquent…
> Les mariages de raison sont souvent bien plus solides – et
> j’oserais dire plus heureux – que les mariages d’amour.
Tiens, j’ai l’impression que vous me reprenez encore un argument d’il y a quelques semaines… ne seriez vous pas en train de virer conservateur ?
@ Vincent
[C’est incroyable, on croirait que vous êtes mon oncle ! Les 2 seule choses que je sais de mes arrières grands parents sont que, quand mon arrière grand-mère avait été hospitalisée, mon arrière grand père s’était retrouvé dans l’incapacité de repasser ses chemises, et qu’il a subit un gros échec en essayant de se faire un œuf sur le plat ! (authentique)]
Dans ma famille, qui est d’origine ouvrière, c’était encore le cas chez mes parents : lorsque ma mère partait en voyage, mon père gobait des œufs crus, de peur de faire une bêtise en essayant de les cuire !
[Plus sérieusement, ce type de compétence s’apprend par imitation des parents, pas à l’école. Comme les enfants cherchent à imiter leurs parents sans considération pour leur sexe (des garçons jouent très bien à la dinette même si c’est leur mère qui fait la cuisine), la spécialisation n’est pas naturelle.]
Je ne suis pas d’accord. Lorsque les parents sont « spécialisés », les enfants le sont aussi. Je ne crois pas avoir jamais joué à la dinette, et si je l’avais fait je pense que cela aurait beaucoup choqué mon père – et ma mère, d’ailleurs. Les enfants cherchent à imiter leurs parents, mais cette imitation est sexuée.
[Et, fort heureusement, les savoirs dont on a besoin pour vivre au quotidien ne sont pas compliqués au point qu’on ne puisse pas les acquérir après 25 ans. Et donc, même si les deux membres du couples ont les mêmes appétences, il y en aura bien un qui se dévouera pour acquérir les savoirs qui manquent…]
Oui… et non. Bien sûr, cuisiner un œuf au plat ou repasser une chemise ce n’est pas très difficile. Mais le faire d’une manière économique en temps et en matières premières et en étant sûr de le réussir à chaque fois… cela prend souvent des années.
[« Les mariages de raison sont souvent bien plus solides – et j’oserais dire plus heureux – que les mariages d’amour ». Tiens, j’ai l’impression que vous me reprenez encore un argument d’il y a quelques semaines… ne seriez vous pas en train de virer conservateur ?]
Je ne vois rien de particulièrement « conservateur » dans cet argument – que je ne reprends pas chez vous, puisque je l’ai développé plusieurs fois depuis le début de ce blog. « Cynique », peut-être, mais « conservateur », certainement pas.
[Les mariages de raison sont souvent bien plus solides – et j’oserais dire plus heureux – que les mariages d’amour.]
A ce sujet je viens de lire un petit livre très stimulant sur la question : “Comment l’amour empoisonne les femmes” de Peggy Sastre.
j ai pas retrouve les chiffres francais mais j avais lu que la grande majorite des divorces sont initiés par l epouse.
Une rapide recherche sur internet donne les 2/3 des divorces inities par l epouse au USA et 72 % en GB. Je suppose qu on doit etre dans cas similaire en france
https://www.telegraph.co.uk/men/relationships/10357829/Why-do-women-initiate-divorce-more-than-men.html
https://www.liveabout.com/why-most-divorces-are-initiated-by-women-3974044
@ cdg
[Une rapide recherche sur internet donne les 2/3 des divorces inities par l’épouse aux USA et 72 % en GB. Je suppose qu’on doit être dans cas similaire en France]
Pas tout à fait. N’oubliez pas qu’en France le conjoint n’a droit à une pension alimentaire que dans des cas très circonscrits, et que ces pensions sont bien plus réduites que les « alimonies » versées dans les pays anglo-saxons et qui bénéficient pratiquement toujours aux épouses et jamais aux maris. Dans ces conditions, les femmes ont un fort intérêt à déclencher les procédures de divorce…
Chez nous, 55% des divorces est prononcé par consentement mutuel. Ce n’est donc ni le mari ni la femme qui « demandent » le divorce, c’est une demande conjointe. Pour le 45% restant, les femmes sont demandeuses dans le 2/3 des cas. Mais cela ne représente du coup que 1/3 du total des divorces.
c est pas parce que 55 % sont par consentement mutuel que l idee initiale ne vient pas de l epouse (en gros, on peut vous dire : soit on divorce soit je te mene une vie tellement impossible que tu le regrettera). J avoue d ailleurs ne pas vraiment voir l interet de vouloir rester marié coute que coute, surtout pour un homme (c est rare les hommes qui se retrouveraient sans un sou en cas de divorce). Pire, si votre femme est assez machiavelique, elle peut avoir un enfant avec son amant et vous contraindre a l entretenir (vu qu il est presumé etre celui de l epoux. et comme les tests ADN en france ne sont reconnu que si c est le juge qui le demande, bon courage pour aller faire reconnaitre que vous etes cocu)
PS: meme si le divorce est plus remunerateur dans les pays anglo saxons (aucune idee si c est vrai, la prestation compensatoire existe aussi en france et je doute qu un seul homme en ait touché une), il faut quand meme bien signaler que pour faire un divorce remuneratuer il faut deja avoir fait un beau mariage. Si vous epousez quelqu un qui n a pas d argent, vous toucherez rien, en GB USA ou France. Donc on devrait pas avoir de variation forte entre les USA et la France pour les ouvriers ou classe moyenne basse
@ cdg
[c’est pas parce que 55 % sont par consentement mutuel que l’idée initiale ne vient pas de l’épouse]
Certes, mais cela empêche de faire des statistiques. Car comment voulez-vous déterminer dans ces 55% quels sont les divorces à l’initiative de l’une et de l’autre partie ? Cela reste comme vous le soulignez vous-même très subjectif…
[(en gros, on peut vous dire : soit on divorce soit je te mène une vie tellement impossible que tu le regrettera). J’avoue d’ailleurs ne pas vraiment voir l’intérêt de vouloir rester marié coute que coute, surtout pour un homme (c’est rare les hommes qui se retrouveraient sans un sou en cas de divorce).]
Vous êtes trop cartésien dans une matière qui ne s’y prête pas, mon ami… on peut aimer avec passion une personne qui ne vous aime pas, on peut s’imaginer qu’on peut rattraper la situation pour peu qu’on se donne les moyens (en déménageant, en faisant un enfant, en changeant de boulot). Sans compter les questions économiques et le statut social…
[Pire, si votre femme est assez machiavélique, elle peut avoir un enfant avec son amant et vous contraindre à l’entretenir (vu qu’il est présumé être celui de l’époux. et comme les tests ADN en France ne sont reconnus que si c’est le juge qui le demande, bon courage pour aller faire reconnaitre que vous êtes cocu)]
Même si le test ADN était reconnu, la présomption de paternité au bénéfice du mari est irréfragable sauf dans des cas particuliers. Mais le « machiavélisme » dont vous parlez serait à double tranchant. Car votre femme ne peut vous contraindre à entretenir ses enfants que pour moitié, l’autre moitié lui incombant…
[PS: même si le divorce est plus rémunérateur dans les pays anglo-saxons (aucune idée si c’est vrai, la prestation compensatoire existe aussi en France et je doute qu un seul homme en ait touché une),]
La « prestation compensatoire » existe en France, mais elle est rarement accordée (15% des cas) et en tout état de cause elle est beaucoup plus faible, puisqu’elle a pour objet de compenser les dommages résultant des renonciations faites par l’un des conjoints du fait du mariage, et non pas à égaliser les fortunes.
[il faut quand même bien signaler que pour faire un divorce rémunérateur il faut déjà avoir fait un beau mariage. Si vous épousez quelqu’un qui n’a pas d’argent, vous toucherez rien, en GB USA ou France.]
Vous savez, on est toujours le pauvre de quelqu’un. Et on sait que dans certaines familles paysannes on tue pour un bout de champ. La notion de « beau mariage » est très dépendante du statut social.
@ Descartes
[En bon marxiste, je cherche toujours les causes dans la transformation du mode de production. Il y a dans notre société une transformation profonde, qui a vu la figure du Père s’effacer, et cela dans tous les domaines. Est-ce lié à l’entrée massive des femmes dans la production et dans les lieux de pouvoir ? Personnellement, je ne le pense pas. Je pense – cela ne vous étonnera pas – que c’est plus lié à la domination idéologique exercée par les « classes intermédiaires ». Car cette domination n’a pu s’établir que par la contestation de la structure préexistante, fondée largement sur la loi du Père.]
Mais peut-on considérer qu’une des traductions de cette transformation profonde est l’entrée massive des femmes ? Car de ce que j’ai pu en juger (ma scolarité…), la différence dans le niveau de « calme » des classes au collège/lycée selon que le prof était une femme ou un homme était très importante (bien sûr des femmes étaient capables d’autant imposer leur autorité que des hommes, certains en étant d’ailleurs incapables, mais c’était loin d’être la majorité…).
Et donc dans une société au même stade de transformation, les propriétés des périodes précédentes s’expriment plus ou moins selon les groupes d’individus. Et ce n’est sans doute pas un hasard si c’est avec une catégorie de personne « nouvelle » dans un domaine que le changement s’exprime le plus fortement.
En gros, mon idée est que si la population enseignante était restée largement masculine, on ne serait pas allé aussi loin dans transformations néfastes amenées par l’époque.
[Quand vous parlez de « imposer sa vision des choses », c’est dans quel domaine ? Je prends par exemple mes grands-parents : à la maison, la domination de ma grand-mère était totale. C’est elle qui faisait les menus, la décoration, qui gouvernait la vie des enfants, et mon grand-père n’avait pas de voix au chapitre. D’un autre côté, pour tout ce qui se faisait hors de la maison, c’était mon grand-père qui avait le dernier mot. Dans ce contexte, peut-on dire que l’un d’eux « dominait » l’autre ? ]
Vu comme ça, non. Mais avec ce que vous dites ensuite sur la non séparation des « territoires », mon impression serait alors que les « territoires » réservés aujourd’hui aux hommes se raréfiant (les femmes conduisent, les capacités de bricolage semblent avoir beaucoup diminué en une génération, les bistrots disparaissent (ce n’est pas vraiment un domaine « familial » mais ça faisait partie des endroits qui permettaient au père de sortir de l’intérieur du domicile n’importe quand), etc), les pères se retrouvent alors à s’occuper aussi beaucoup de ce qui se passe à l’intérieur. Mais pas de n’importe quelle manière, de celle voulue par la mère !
Ps : j’ai pensé à un truc marrant que je vous soumets. Le corps des magistrats se féminisent massivement. Les personnes incarcérées sont des hommes (je crois environ 95 %). Or on nous présente la société comme « patriarcale ». Une société patriarcale où les femmes mettent les hommes en prison ! Logique !
@ bip
[Mais peut-on considérer qu’une des traductions de cette transformation profonde est l’entrée massive des femmes ?]
Bien entendu. Deux phénomènes se sont conjugués pour atteindre ce résultat : d’une part, le décalage de productivité entre l’économie domestique et l’économie industrielle (qui fabrique encore des conserves, des confitures ou des vêtements à la maison ?) ; d’autre part les besoins massifs en main d’œuvre.
[Car de ce que j’ai pu en juger (ma scolarité…), la différence dans le niveau de « calme » des classes au collège/lycée selon que le prof était une femme ou un homme était très importante (bien sûr des femmes étaient capables d’autant imposer leur autorité que des hommes, certains en étant d’ailleurs incapables, mais c’était loin d’être la majorité…).]
Pendant longtemps on avait un système ou les enseignants des « petites classes » étaient majoritairement des femmes, et à mesure que l’écolier avançait il se trouvait de plus en plus d’hommes. J’y vois personnellement une illustration de ce passage de la « loi de la Mère » à la « loi du Père ». Je n’ai pas remarqué comme vous une différence dans la discipline (d’ailleurs, mes souvenirs les plus terrifiants de ma scolarité concernent des enseignantes plus que des enseignants). Mais je vois une différence dans la distance qu’on pouvait avoir par rapport à l’enseignant.
[En gros, mon idée est que si la population enseignante était restée largement masculine, on ne serait pas allé aussi loin dans transformations néfastes amenées par l’époque.]
Là, je pense que vous confondez la cause et le symptôme. La féminisation n’implique nullement l’effacement de la loi du père. Ma grand-mère gouvernait sa famille en invoquant en permanence le fait que « papa va se fâcher », ce qui revient à rétablir la loi du Père comme principe fondamental. J’ai eu des professeurs de sexe féminin (je me refuse à utiliser le mot « professeure ») qui avaient un grand esprit institutionnel – ce qui revient là aussi à remettre le Père à sa place. Non, ce n’est pas la féminisation du personnel, mais la féminisation des esprits qui compte. Les professeurs de sexe masculin qui ont joué contre l’institution ont fait plus de mal de ce point de vue que n’importe quelle « féminisation »…
[Vu comme ça, non. Mais avec ce que vous dites ensuite sur la non séparation des « territoires », mon impression serait alors que les « territoires » réservés aujourd’hui aux hommes se raréfiant (les femmes conduisent, les capacités de bricolage semblent avoir beaucoup diminué en une génération, les bistrots disparaissent (ce n’est pas vraiment un domaine « familial » mais ça faisait partie des endroits qui permettaient au père de sortir de l’intérieur du domicile n’importe quand), etc), les pères se retrouvent alors à s’occuper aussi beaucoup de ce qui se passe à l’intérieur. Mais pas de n’importe quelle manière, de celle voulue par la mère !]
Le mouvement est symétrique. L’entrée des femmes dans des domaines considérés « masculins » s’accompagne d’une entrée symétrique des hommes dans les champs considérés comme « féminins ». L’économie domestique ayant perdu son importance, aujourd’hui hommes et femmes sont en grande partie interchangeables (sauf pour la procréation, c’est le seul domaine qui reste sexué). Cette interchangeabilité met fin à l’interdépendance qui permettait à mon grand-père et à ma grand-mère d’établir un rapport de forces équilibré. Pour eux, la séparation signifiait une perte de niveau de vie importante pour l’un et pour l’autre. Aujourd’hui, cette perte est minime : la femme peut gagner son salaire, l’homme peut mettre un plat préparé dans le microondes ou laver ses chemises « sans repassage » dans la machine à laver. Ce n’est pas un hasard si les divorces et les séparations sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui qu’hier. Hier, les époux n’avaient pas besoin de s’aimer pour rester ensemble : l’intérêt suffisait. L’amour était un bonus – qui venait souvent avec l’habitude.
[Ps : j’ai pensé à un truc marrant que je vous soumets. Le corps des magistrats se féminisent massivement. Les personnes incarcérées sont des hommes (je crois environ 95 %). Or on nous présente la société comme « patriarcale ». Une société patriarcale où les femmes mettent les hommes en prison ! Logique !]
La question se pose en effet. Dans le procès dit « du viol du 36 », les journaux se sont considérés obligés d’indiquer que le jury était majoritairement féminin, comme si ce paramètre avait une importance capitale. Bientôt, on aura le débat à l’américaine : un noir peut-il avoir un procès équitable devant un jury majoritairement blanc ? Un homme peut-il avoir un procès équitable devant un jury majoritairement féminin ?
> Mais curieusement l’article s’attaque au processus d’évaluation,
> alors que le problème se situe plutôt dans l’image que l’individu
> a de lui même
Je ne vous contredirai certainement pas sur le fond de cette phrase (mais je compte bien chipoter sur d’autres points, rassurez vous…). Mais vous l’énoncez sans chercher plus loin à l’expliquer, et cela m’étonne un peu de vous.
La question qui vient immédiatement derrière est selon moi : “pourquoi les classes bavardantes veulent-elles s’attaquer au concours” ?
Vous nous avez expliqué, de manière assez convaincante, dans de nombreux autres articles, que ces classes voulaient saboter l’EN pour empêcher les pauvres de venir faire de la concurrence à leurs enfants sur les postes à responsabilité à l’avenir.
Cette attaque contre les concours ne serait elle pas, si on suit cette même logique d’intérêt, un moyen de faire en sorte que le “savoir être”, les réseaux, les bonnes introductions, etc. puissent se substituer aux concours républicains purs et simples ?
@ Vincent
[Mais vous l’énoncez sans chercher plus loin à l’expliquer, et cela m’étonne un peu de vous.]
Je pensais qu’elle découlait assez naturellement de ce qui précédait. Est-ce que le fait de perdre une partie d’échecs avec Kasparov, un combat de judo avec Teddy Riner serait pour vous un « traumatisme » ? Bien sûr que non : vous savez que vous n’avez pas le niveau, que vous n’avez qu’une chance minime d’emporter de tels défis. Quelqu’un qui rate un concours – ou n’importe quelle autre épreuve, d’ailleurs – alors qu’il sait qu’il n’a pas le niveau nécessaire pour la réussir n’est jamais « traumatisé ». Ce n’est que lorsque l’échec nous retourne une image de nous-mêmes en complet décalage avec notre propre perception que le traumatisme aparait.
[Cette attaque contre les concours ne serait-elle pas, si on suit cette même logique d’intérêt, un moyen de faire en sorte que le “savoir être”, les réseaux, les bonnes introductions, etc. puissent se substituer aux concours républicains purs et simples ?]
Tout à fait. Le système de sélection méritocratique joue pour les « classes intermédiaires » le même effet que l’impôt sur l’héritage pour la bourgeoisie : il menace de rebattre à chaque génération les cartes du capital immatériel de la même façon que l’impôt sur l’héritage rebat les cartes du capital matériel. Et même si les classes intermédiaires sont bien mieux armées pour réussir au concours que les couches populaires, le concours laisse à ces dernières une possibilité bien plus grande de promotion sociale que les autres modes de sélection (entretiens, réseaux, etc.).
Le problème de l’éducation en France, c’est qu’on insiste sur ce qui a été mal fait et donc on casse les élèves. A l’inverse dans les pays anglo-saxons, on met en avant ce qui a été bien fait ce qui permet aux élèves d’avoir confiance en eux et de mieux avancer.
Car même un “cancre” peut faire des bonnes choses et peut progresser.
@ Koko
[Le problème de l’éducation en France, c’est qu’on insiste sur ce qui a été mal fait et donc on casse les élèves. A l’inverse dans les pays anglo-saxons, on met en avant ce qui a été bien fait ce qui permet aux élèves d’avoir confiance en eux et de mieux avancer.]
Ou pas. Et c’est le jour où ils sont devant leur premier employeur qu’ils découvrent tout à coup qu’ils sont nuls. Je pense qu’il est plus sain de leur faire prendre conscience de leur nullité au plus tôt, ne trouvez-vous pas ? La « confiance en soi » peut être une qualité, mais lorsqu’elle consiste à se croire capable de faire quelque chose alors qu’on est incapable, c’est quelque chose de très dangereux. Donnez aux gens « confiance » dans leur capacité de voler, et ils sauteront tous par la fenêtre.
[Car même un “cancre” peut faire des bonnes choses et peut progresser.]
Mais pourquoi le ferait-il ? Si son professeur « met en avant ce qu’il fait bien » et ses parents lui expliquent qu’il est très bien comme il est, pourquoi changerait-il ?
C’est le professeur qui dit « vous êtes nul, mais vous pouvez progresser » qui aide le cancre. Celui qui lui répète « vous êtes très bon, continuez comme ça » ne sert à rien.
@ Koko et Descartes
Il y a probablement une mésentente sur cette question.
La principale différence dans les pays anglosaxons, pour autant que je sache, n’est pas la propension à valoriser le positif, qu’a valoriser l’initiative, quel que soit son résultat. Autrement dit, d’être capable de valoriser l’échec, pour peu que la personne ait tenté, ait produit un travail. Ce qui revient à dire “tu t’es planté, mais on s’en fout, si tu apprends de tes erreurs, si tu recommence suffisamment de fois, tu finiras par réussir. Donc continue”. Ce qui est très très différent de la valorisation de la réussite, qui elle, laisserait à penser qu’on est “arrivé”.
Il y a deux façons d’avoir confiance en soi: soit d’être confiant dans le fait que l’on possède une valeur intrinsèque, soit d’être confiant dans le fait que l’on peut surmonter les obstacles par l’effort. ça n’a strictement rien à voir.
J’élargis en soulignant que la notion de pédagogie et/ou de bienveillance, souvent décriée ici, peut être utilisée à l’une ou l’autre de ces finalités. Et que selon moi ce n’est pas le principe de la bienveillance qui est nocif, mais c’est la finalité à laquelle on l’emploie. Après tout, quoi de plus bienveillant que d’accompagner un môme dans la démonstration que le travail paie, et de l’aider à connaitre ses forces et faiblesses ? Ah, par contre, c’est immensément plus chronophage, épuisant, difficile à défendre que de lui laisser croire qu’il est “naturellement bon”…
@ Pierre
[La principale différence dans les pays anglosaxons, pour autant que je sache, n’est pas la propension à valoriser le positif, qu’a valoriser l’initiative, quel que soit son résultat. Autrement dit, d’être capable de valoriser l’échec, pour peu que la personne ait tenté, ait produit un travail.]
Je pense que vous faites erreur. J’ai plusieurs collègues dont les enfants ont fait leur scolarité aux Etats-Unis, et je peux vous assurer que le système, loin de valoriser « l’initiative », valorise au contraire le RESULTAT. La grande obsession des adolescents américains au lycée, c’est la « popularité ». Il y a des lycéens « populaires », et autres qui ne le sont pas. Et la « popularité » se conquiert soit par les origines sociales, par l’exploit sportif, criminel ou sexuel… c’est-à-dire par des résultats, et non par la capacité « d’initiative ». Ceux qui essayent mais n’y arrivent pas sont vite catalogués comme « loosers » et mis de côté. Il faut arrêter d’idéaliser le modèle américain.
[Ce qui revient à dire “tu t’es planté, mais on s’en fout, si tu apprends de tes erreurs, si tu recommence suffisamment de fois, tu finiras par réussir. Donc continue”. Ce qui est très très différent de la valorisation de la réussite, qui elle, laisserait à penser qu’on est “arrivé”.]
Vous confondez à mon sens deux choses. Le discours « tu t’est planté, mais si tu travailles et tu apprends de tes échecs tu finiras par réussir » existe autant dans l’école française que dans l’école américaine. Je ne connais pas beaucoup d’enseignants qui disent à leur élève « pas la peine de faire le moindre effort, de toute façon tu n’arriveras à rien ». Promettre le paradis à condition de faire des efforts est une constante dans toutes les sociétés occidentales. La question de la valorisation n’a rien à voir avec ce discours. A la fin de l’année, ceux qui remportent les prix, ce sont ceux qui ont essayé, où ceux qui ont réussi ?
[Il y a deux façons d’avoir confiance en soi: soit d’être confiant dans le fait que l’on possède une valeur intrinsèque, soit d’être confiant dans le fait que l’on peut surmonter les obstacles par l’effort. ça n’a strictement rien à voir.]
Au contraire, c’est exactement la même chose. Ou réside cette « valeur intrinsèque », si ce n’est dans la capacité de surmonter les obstacles ? Quelle serait la « valeur intrinsèque » d’un individu incapable d’en surmonter le moindre ?
[J’élargis en soulignant que la notion de pédagogie et/ou de bienveillance, souvent décriée ici, peut être utilisée à l’une ou l’autre de ces finalités. Et que selon moi ce n’est pas le principe de la bienveillance qui est nocif, mais c’est la finalité à laquelle on l’emploie. Après tout, quoi de plus bienveillant que d’accompagner un môme dans la démonstration que le travail paie, et de l’aider à connaitre ses forces et faiblesses ?]
Ca dépend du sens que vous donnez au mot « bienveillance ». Dans l’univers pédagogiste, le principe de bienveillance consiste à ne voir que les forces. Comment dans ces conditions pouvez-vous aider votre môme à connaître ses « faiblesses » ? Rien de plus positif que d’accompagner « la démonstration que l’effort paye ». Encore faut-il, pour que la démonstration fonctionne, qu’il y ait effort. Or, le principe de bienveillance, en valorisant ce que l’enfant est plutôt que ce que l’enfant fait, ne l’invite nullement à l’effort.
> Interdit de mettre une mauvaise note à un élève, de lui dire que son
> travail est mal fait. Cela pourrait provoquer chez lui un grave traumatisme,
> porter atteinte à sa confiance en soi et donc gâcher son avenir. Il faut au
> contraire po-si-ti-ver, quitte à lui donner une vision totalement faussée
> de lui-même.
Je vais apporter un témoignage personnel, statistiquement aussi représentatif que ceux du Monde :
En Terminale, alors que j’hésitais entre une “maths-sup” et la Fac, le prof de maths, me demander en pleine classe (pendant un exercice) :
“- finalement, tu sais ce que tu veux faire ?
– je suis pas encore sûr, mais peut-être maths-sup,
– [avec un grand sourire ostensible] Ah bon ?
– Pourquoi ça vous fait sourire ?
– Je vous imagine très bien aller en maths-sup, et démissionner après les vacances de la Toussaint, parceque vous ne tenez pas”
Ce qui m’a gêné, plus que ce qu’il me disait, était le fait qu’il le dise devant toute la classe (c’est pour cela que ça m’a marqué).
Heureusement, il a été malade, et on a eu un prof remplaçant, qui m’a dit en partant qu’il fallait absolument que j’aille en maths-sup, que je pouvais y réussir. Au final, j’y suis allé, et c’est ce dernier qui a eu raison.
Tout ça pour dire que l’excès inverse n’est pas bon non plus ; je ne suis pas passé loin (ça s’est joué à pile ou face) de passer à coté d’une filière qui était parfaite pour moi, parce que j’en aurais été découragé par un prof…
@ Vincent
[Je vais apporter un témoignage personnel,]
Je n’aime pas trop discuter des témoignages personnes, parce qu’on peut facilement offenser les gens sans le vouloir… mais dans le cas présent, je ferai une exception :
[– je suis pas encore sûr, mais peut-être maths-sup,
– [avec un grand sourire ostensible] Ah bon ?
– Pourquoi ça vous fait sourire ?
– Je vous imagine très bien aller en maths-sup, et démissionner après les vacances de la Toussaint, parce que vous ne tenez pas”]
Elle avait raison. Vous écrivez « je ne suis pas encore sûr ». Or, l’environnement de math-sup – et si vous l’avez fait, vous savez de quoi je parle – est un environnement très exigeant, qui nécessite une motivation sans faille pour « tenir » le coup. Pensez-vous qu’un professeur qui cherche à dissuader ceux qui ne paraissent pas suffisamment motivés pour réussir ait tort ? Moi, j’interprète le commentaire de votre enseignant comme une façon de vous interroger sur votre motivation, presque une épreuve.
[Heureusement, il a été malade, et on a eu un prof remplaçant, qui m’a dit en partant qu’il fallait absolument que j’aille en maths-sup, que je pouvais y réussir. Au final, j’y suis allé, et c’est ce dernier qui a eu raison.]
Imaginez un instant qu’elle n’ait pas été malade. Quel aurait été votre choix ? Je me dis que si vous étiez suffisamment motivé pour réussir en math-sup, alors vous n’auriez pas tenu compte de l’avis de votre enseignant, au contraire !
> Imaginez un instant qu’elle n’ait pas été malade. Quel
> aurait été votre choix ? Je me dis que si vous étiez
> suffisamment motivé pour réussir en math-sup,
> alors vous n’auriez pas tenu compte de l’avis de
> votre enseignant, au contraire !
En l’occurrence, tel n’était absolument pas mon état d’esprit. J’étais convaincu que j’avais 80% de chances d’aller à l’échec en faisant une prépa. Malgré le prof remplaçant qui m’a motivé à y aller, mon orientation s’est jouée à pile ou face ; je pense que je n’aurais même pas fait ce tirage si je n’avais pas eu le prof remplaçant.
Je suis allé en prépa sans avoir une motivation extraordinaire, mais en me disant : “j’y vais, comme ça je ne pourrai pas regretter plus tard de ne pas avoir essayé”.
Au final, ça m’a intéressé, je me suis pris au jeu, et ça a finalement été les années les plus agréables de ma scolarité.
Mais j’ai conscience de ne pas être représentatif… Toujours est-il que mon prof de Terminale s’est particulièrement trompé, puisque, contrairement à ce qu’il me disait, j’étais particulièrement bien fait pour ce type d’orientation.
Trajet d’un enfant de classe moyenne chez les bobos aixois, la règle étant d’éviter tout traumatisme (à l’enfant?):
Accouchement à la maternité de Pertuis, dans une piscine d’eau.
Allaitement au sein jusqu’à…
Cododo (enfant dort avec Maman) jusqu’à…
Crèche parentale
Ecole Freinet
… Quand au collège, çà tient encore, au lycée, abandon pour beaucoup.
Pour d’autres, études d’ingénieur, qui lorsqu’elles sont menées à terme, soit on va à l’étranger (çà paye mieux), soit on va faire du théâtre.
Pas de trauma donc dans le monde des bisounours…
@ Paul I
[Pas de trauma donc dans le monde des bisounours…]
Enfermé dans un tel cocon, comment s’étonner que les Tanguy se multiplient… ?
Ca me rappelle une histoire que j’avais lu quelque part, d’une mère qui élevait son enfant dans du coton jusqu’à l’adolescence, et comme l’enfant faisait toujours pipi au lit elle consulte un psychologue qui lui dit “vous savez, vous étouffez votre enfant, laissez le partir, s’envoler, découvrir le monde”. Rentrée chez elle, elle dit à son enfant “va, sort, découvre le monde”. L’enfant sort, réflechir, revient et demande à sa mère “maman, comment fait-on pour découvrir le monde ?”. Et la mère de dire “je savais que tu avais encore besoin de moi”…
Je rebondis sur l’école Freinet :
Je n’en avais jamais entendu parler il y a quelques années, mais j’ai eu récemment de grosses discussions avec des parents qui scolarisent leurs enfants (entre 10 et 20 ans) en école Freinet (ce n’est pas en France). Et les préjugés que j’avais contre cette méthode (les enfants n’apprennent rien, donc l’école est nulle) sont un peu tombés ; je me fais les réflexions suivantes, que je vous livre de manière brute :
Certes, ils potassent beaucoup moins la culture classique, et ne deviendront jamais des grands scientifiques…
Mais cette pédagogie a de nombreux avantages : elle incite à s’impliquer et à travailler pour soi, afin de montrer ce dont on est capable dans son domaine d’excellence. Ce qui fait que les élèves, en fait, travaille beaucoup (l’un le saxophone, l’autre la peinture, le 3ème je ne sais pas quoi encore). Et ils doivent faire cela dans le cadre de projets où ils vont eux mêmes monter des dossiers pour obtenir les financements et autorisations, s’il y en a besoin ; et aussi communiquer autour de ce qu’ils font, car la communication autour est au moins aussi importante que le projet en lui même, etc.
Bref, depuis le plus jeune âge, une vraie école de la manière dont ça se passe en entreprise ou en administration. Le tout avec, effectivement, un cadre qui fait que chacun acquiert une confiance en lui bien plus importante que dans un système classique, qui “casse” un peu.
Je ne vois rien d’étonnant à ce que des élèves ayant été éduqué d’une telle manière s’en sortent particulièrement bien plus tard, en entreprise… Et gagnent suffisamment bien leur vie pour que leurs enfants aillent eux aussi dans une telle école !
Après… La question qu’il faut se poser est : si, à titre individuel, ce type d’école à un intérêt pour la carrière, à titre collectif, si tout le monde était éduqué ainsi, cela ferait une nation de gens dynamiques et entreprenants, mais sans découvertes techniques, sans idée de rupture, sans notion d’éducation citoyenne non plus… Bref, cela ne fonctionnerait pas…
Du coup, cela m’interpelle, vu que j’ai l’impression que ce type d’éducation permet la réussite individuelle (tant que peu de gens le font), mais pas la réussite collective.
Qu’en pensez vous ?
@ Vincent
[Je rebondis sur l’école Freinet : Je n’en avais jamais entendu parler il y a quelques années, mais j’ai eu récemment de grosses discussions avec des parents qui scolarisent leurs enfants (entre 10 et 20 ans) en école Freinet (ce n’est pas en France). Et les préjugés que j’avais contre cette méthode (les enfants n’apprennent rien, donc l’école est nulle) sont un peu tombés ;]
Le problème avec la pédagogie Freinet – comme avec beaucoup d’autres pédagogies expérimentales d’ailleurs – est que les enfants y apprennent en fonction du bagage qu’ils amènent de la maison. En d’autres termes, des enfants qui sont stimulés chez eux ont de très bons résultats dans une école Freinet… mais auraient les mêmes dans une autre école !
[je me fais les réflexions suivantes, que je vous livre de manière brute : Certes, ils potassent beaucoup moins la culture classique, et ne deviendront jamais des grands scientifiques…]
Même sans devenir des « grands » ceci ou cela, est-ce que la culture classique à de la valeur ? La pédagogie Freinet est une pédagogie « naturaliste ». Son principe directeur est qu’il existe une façon « naturelle » d’acquérir les connaissances, et qu’il ne faut surtout pas chercher à aller contre cette nature (« La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’École, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle »). En d’autres termes, c’est une pédagogie qui s’oppose à l’idée même de transmission. Pour moi, c’est la négation même de l’idée de culture, qui implique un processus d’accumulation dans le temps, et donc une transmission.
[Mais cette pédagogie a de nombreux avantages : elle incite à s’impliquer et à travailler pour soi, afin de montrer ce dont on est capable dans son domaine d’excellence. Ce qui fait que les élèves, en fait, travaille beaucoup (l’un le saxophone, l’autre la peinture, le 3ème je ne sais pas quoi encore).]
Cela dépend ce qu’on appelle « travail ». Par définition, le « travail » implique une contrainte. Quelle est la différence entre moi jouant du piano pour m’amuser, et un pianiste professionnel ? Que moi, si un soir je n’ai pas envie de jouer, je ne joue pas. Et le pianiste professionnel doit jouer tous les soirs au théâtre, qu’il ait envie ou pas. Pour moi, jouer du piano est un loisir, pour le pianiste professionnel, c’est un « travail ». La méthode Freinet abolit justement le « travail », puisque les enfants font ce qui leur fait plaisir, sans qu’il y ait une véritable contrainte.
[Bref, depuis le plus jeune âge, une vraie école de la manière dont ça se passe en entreprise ou en administration.]
Non. Dans une entreprise, dans une administration, vous ne faites pas le projet dont VOUS avez envie, mais le projet que VOTRE CHEF a choisi. C’est une différence fondamentale, celle précisément qui existe entre « loisir » et « travail ». A mon sens, c’est là que se trouve le principal défaut de la pédagogie Freinet : elle prépare l’enfant à vivre en fonction du principe de plaisir, et non du principe de réalité.
[Le tout avec, effectivement, un cadre qui fait que chacun acquiert une confiance en lui bien plus importante que dans un système classique, qui “casse” un peu.]
Mais confiance en quoi, exactement ? Comme je l’ai déjà dit, avoir « confiance » dans sa capacité à sauter par la fenêtre et voler comme un oiseau peut vous être fatal. Pour être utile, la « confiance en soi » doit avoir un rapport avec vos véritables capacités.
[Je ne vois rien d’étonnant à ce que des élèves ayant été éduqué d’une telle manière s’en sortent particulièrement bien plus tard, en entreprise…]
Moi non plus. Les élèves qui sont éduqués de cette manière sortent en général des milieux sociaux qui ont le « capital immatériel » et les réseaux permettant à leurs enfants de bien réussir en entreprise. La question serait plutôt, si ces mêmes enfants au lieu d’aller dans une école Freinet allaient dans une école classique, réussiraient-ils moins bien ?
[Après… La question qu’il faut se poser est : si, à titre individuel, ce type d’école à un intérêt pour la carrière, à titre collectif, si tout le monde était éduqué ainsi, cela ferait une nation de gens dynamiques et entreprenants, mais sans découvertes techniques, sans idée de rupture, sans notion d’éducation citoyenne non plus… Bref, cela ne fonctionnerait pas…]
Même à titre individuel, la pédagogie Freinet tend à former des gens sûrs d’eux-mêmes et incultes. Est-ce cela l’objectif républicain ?
Le Monde, c’est le journal des losers…
Moi aussi, j’ai connu les échecs aux concours, et pas qu’un peu: un échec au concours d’entrée à l’ENS, un échec au Capes d’histoire-géographie, deux échecs à l’agrégation d’histoire… La déception, c’est normal. Rétrospectivement, je me dis que j’aurais dû travailler différemment, et surtout en groupe. Contrairement à une idée reçue (“concours = compétition, faut écraser les autres, etc”), un concours, ça se travaille plus efficacement à plusieurs.
La 2ème année où j’ai préparé le Capes, nous avons constitué un groupe d’une dizaine d’étudiants, nous avons travaillé des sujets, échangé des fiches de lecture, etc. Résultat: huit d’entre nous avons été reçu au concours! Et personnellement, à une très bonne place (dans les 25 premiers sur plus de 700 admis, le mieux classé de mon université, et je crois même de mon académie). Je vais paraître très immodeste, mais je dois bien avouer que cette réussite fut mon heure de gloire: après ce succès, le soleil brillait avec plus d’éclat, le chant des oiseaux résonnait plus agréablement à mes oreilles, les femmes étaient plus belles, la vie valait d’être vécue… Et l’admiration de mes pairs n’était pas la moins plaisante de ces petites satisfactions. Tout ça pour dire que le bonheur du succès se mesure aussi à la difficulté pour l’obtenir. Pour ma part, ce succès a effacé les échecs et les déceptions passés (sauf peut-être celle d’avoir seulement frôlé l’admissibilité à l’agrégation malgré le travail fourni).
En revanche, il est clair que mes échecs m’ont laissé un séquelle de taille: si je reste très attaché à la sélection par concours, il ne faut plus me demander d’en passer un, même en interne. On pourrait me reprocher de me reposer sur mes lauriers. Et pourtant, j’ai aimé passer des concours. Contrairement à ce que dit un des “traumatisés” de l’article, l’ambiance enfiévrée des salles d’épreuves (écrites surtout) m’a toujours motivé. Je me souviens de cette petite poussée d’adrénaline, de ce désir, de cette envie de produire une bonne copie, bien construite, bien écrite. Ce moment où, seul face au sujet et face à la feuille blanche, on peut se dire: “il ne tient qu’à moi d’être le meilleur, ici et maintenant”. L’année où j’ai eu le Capes, j’ai obtenu 18/20 à la dissertation d’histoire. Encore aujourd’hui, je n’ai pas peur de le dire: je suis très fier de cette copie qui fut sans doute l’une des meilleures de cette session dans sa catégorie…
@ nationaliste-ethniciste
[Le Monde, c’est le journal des losers…]
Mais non, mais non : c’est le journal des privilégiés qui se déguisent en victimes.
[Contrairement à une idée reçue (“concours = compétition, faut écraser les autres, etc”), un concours, ça se travaille plus efficacement à plusieurs.]
Très bonne remarque. Sauf à être exceptionnellement brillant – et ça existe – la plupart des gens que je connais qui ont réussi un concours l’ont travaillé en groupe. Pourtant, le mythe de la compétition effrénée a la peau dure…
[Je vais paraître très immodeste, mais je dois bien avouer que cette réussite fut mon heure de gloire: après ce succès, le soleil brillait avec plus d’éclat, le chant des oiseaux résonnait plus agréablement à mes oreilles, les femmes étaient plus belles, la vie valait d’être vécue…]
Pourquoi serait-il de l’immodestie ? Vous avez fait un effort d’étude et de travail et votre effort a été reconnu et récompensé. A mon avis, peu de fiertés sont aussi légitimes.
[Tout ça pour dire que le bonheur du succès se mesure aussi à la difficulté pour l’obtenir. Pour ma part, ce succès a effacé les échecs et les déceptions passés (sauf peut-être celle d’avoir seulement frôlé l’admissibilité à l’agrégation malgré le travail fourni).]
J’ai eu des expériences semblables, et je partage tout à fait. C’est d’autant plus beau que c’est difficile… et je trouve que c’est un peu escroquer la jeunesse que de ne pas lui proposer des épreuves exigeantes pour la stimuler.
[En revanche, il est clair que mes échecs m’ont laissé un séquelle de taille: si je reste très attaché à la sélection par concours, il ne faut plus me demander d’en passer un, même en interne. On pourrait me reprocher de me reposer sur mes lauriers. Et pourtant, j’ai aimé passer des concours.]
Là, j’ai plus de mal à vous suivre. Comme vous, j’ai aimé passer les concours. Je me suis amusé à en passer certains simplement par défi, parce que c’était l’opportunité de travailler certains sujets tout en sachant que les chances étaient minimes. Mais alors, pourquoi ne plus avoir envie d’en passer un ?
@ Descartes et Natio.
((((Mais alors, pourquoi ne plus avoir envie d’en passer un ?))))
Il y a sûrement concours et concours, mais pour ceux que j’ai connu, médecine pour ma part, CAPES et Agrégation pour ma conjointe, il faut être réaliste: passer un concours, c’est plus de vie de couple, plus de vie de famille, plus rien pendant 8 mois. Pendant un mois avant les épreuves, j’ai tourné sur des cycles de 20h de travail/4h de sommeil. Sans gosses, sans vie à coté tout simplement, c’est déjà dur, aujourd’hui je ne recommencerais pour rien au monde. Mais je le referais si c’était à refaire 🙂
PS: en médecine, on a même pas la fierté de rendre une belle copie, le principe du concours d’entrée étant (quand je l’ai passé) 75 QCM en une heure (y compris pour des épreuves de physique – avec des calculs à faire bien entendu – ou de chimie orga, qui demandent un peu de réflexion. Je reste partagé entre l’absurdité du principe (personne ne compléte totalement l’épreuve, c’est une course de vitesse pure et dure) et le coté grisant qu’avait le fait de rentrer dans cette salle, d’être comme un sprinter dans les starting blocks, et en situation de flux total de la première à la dernière seconde.
@ Pierre
[Il y a sûrement concours et concours, mais pour ceux que j’ai connu, médecine pour ma part, CAPES et Agrégation pour ma conjointe, il faut être réaliste: passer un concours, c’est plus de vie de couple, plus de vie de famille, plus rien pendant 8 mois.]
C’est vrai. Préparer un concours c’est un peu comme écrire un livre, ça demande une certaine vocation monacale. Mais je n’avais pas l’impression que c’était à cela que NE faisait référence.
@ Descartes,
“Mais alors, pourquoi ne plus avoir envie d’en passer un ?”
Parce qu’il est clair que ma réussite au Capes a tué mes ambitions. Il faut je pense vous brosser à grand trait le contexte. Mon père était enseignant, la réussite scolaire était très importante à ses yeux. J’ai été élevé dans ce culte de l’excellence, et je ne m’en plains pas. Il se trouve que j’avais des “facilités” comme on dit. J’ai fait une très bonne scolarité dans le primaire et le secondaire, souvent comme premier de la classe. Brevet et bac mention très bien. Je crois pouvoir dire que j’ai fait la fierté de mes maîtres et de mes professeurs. En hypokhâgne et khâgne, j’étais aussi dans les meilleurs. C’est pourquoi les échecs aux concours, je les ai vécus douloureusement, parce que je n’étais tout simplement pas habitué à l’échec. Pour quelqu’un qui longtemps s’est vu faire une belle carrière, devenir un grand universitaire, un chercheur renommé, le monde s’effondrait. Je m’en suis remis, notez-le bien, et je ne me considère nullement comme traumatisé. Mais j’ai été ébranlé, je le reconnais, et j’ai perdu de ma superbe, si j’ose dire. L’obtention du Capes, et avec les honneurs, a été pour moi une bouffée d’oxygène inespérée au milieu de ce qui commençait à ressembler à une Bérézina, alors qu’en cas d’échec je m’apprêtais à me réorienter vers un autre domaine. Après cela, j’ai été satisfait de mon sort: après tout, j’aurais pu tout rater…
@ nationaliste-ethniciste
[Parce qu’il est clair que ma réussite au Capes a tué mes ambitions. Il faut je pense vous brosser à grand trait le contexte (…).]
C’était un peu le but de la question. Votre décision de ne plus passer de concours résulte d’une ambition satisfaite, ou d’un « traumatisme » qui vous empêcherait de le faire alors que vous en avez envie ? Si je comprends bien, c’est la première option qui est la bonne, et vous n’entrez donc pas dans la catégorie dénoncée par Le Monde…
un hors sujet sur le Venezuela
Pensez-vous que notre position de “reconnaître” comme président par intérim légitime l’opposant Guaidó
est bienvenue ?
en ce qui me concerne j’ai des doutes.
Certes le régime de Maduro est un régime autoritaire, corrompu, en faillite et met sa population dans la misère, conduisant de nombreuses personnes à l’exode.
Guaidó met en avant des arguments juridique pour “invalider” Maduro, mais ses arguments sont discutables. Devons-nous nous ingérer dans cette lutte intérieure ? Pour l’instant Maduro tient encore le pays.
Par contre que nous soutenions en sous main Guaidó ou d’autres, pourquoi pas, mais pas officiellement *.
Si Guaidó l’emporte, il sera alors bon de le reconnaître (en négociant quelques avantages ?).
* un investissement sur le futur qui peut être bon si il est bien balancé coûts/avantages.
@ marc.malesherbes
[Un hors sujet sur le Venezuela. Pensez-vous que notre position de “reconnaître” comme président par intérim légitime l’opposant Guaidó est bienvenue ?]
Personnellement, et c’est valable pour le Venezuela comme pour l’Iran, la Syrie comme le Cameroun, je me méfie toujours de ceux qui prennent position dans les conflits internes des nations, et qui prétendent expliquer aux gens comment ils doivent vivre. En politique internationale, la France doit défendre des principes : la souveraineté nationale, le droit des peuples à se donner les institutions et les gouvernants de leur choix. Et dans ce cadre, chercher à parler à toutes les parties en présence et à les pousser vers une négociation sans prendre parti, sauf bien entendu quand ses intérêts lui commandent le contraire – ne soyons pas naïfs.
Dans le cas du Venezuela, nous n’avons pas d’intérêts particuliers à défendre. Pour moi, le régime Chavez/Maduro n’a jamais été autre chose qu’un typique « caudillisme » latino-américain, avec son cortège de clientélistes et de corrompus. Le problème, c’est que je ne crois pas un instant que les gens qui sont derrière Guaido soient beaucoup mieux. C’est un peu la tragédie latino-américaine : vous devez choisir entre le « caudillo » populiste synonyme de populisme et de corruption, et des « caudillos » bourgeois synonyme de mépris et d’exploitation pour les couches populaires…
Le problème est que le régime de Maduro a, par son incompétence, ruiné le pays. Aujourd’hui il ne tient plus que par l’inertie institutionnelle et l’appui intéressé de la caste militaire, qui a beaucoup à perdre dans un changement de régime. Ses jours sont comptés, et tout le monde le sait. Chercher à se mettre bien avec ceux qui seront appelés à le succéder est un geste de realpolitik qui n’a rien d’irrationnel.
Permettez moi une remarque : n’est-il pas curieux et même dangereux qu’au nom de la démocratie, des puissances étrangères désignent le chef d’État d’un pays ?
@ morel
[Permettez moi une remarque : n’est-il pas curieux et même dangereux qu’au nom de la démocratie, des puissances étrangères désignent le chef d’État d’un pays ?]
Certainement. Mais dans le cas du Vénézuela, il ne s’agit pas de”désigner” le chef de l’Etat, mais de le reconnaître. Et je vois mal comment on pourrait faire autrement: à partir du moment ou deux ou plusieurs personnes se proclament chef de l’Etat, il faut bien que les puissances étrangères décident lequel d’entre eux est pour eux l’interlocuteur valable.
« dans le cas du Vénézuela, il ne s’agit pas de”désigner” le chef de l’Etat, mais de le reconnaître »
*-
Et « reconnaître » ne serait pas une façon de « désigner » (le bon) ?
Il me semble avoir affaire ici à une « innovation » diplomatique dangereuse, ne connaissant, jusqu’à présent, que le cas de non-reconnaissance d’un Etat (donc pas de chef reconnu) et celui de la guerre (autorités gouvernementales repliées à Londres par exemple).
Je précise que je ne suis partisan d’aucun des deux protagonistes.
@ morel
[Et « reconnaître » ne serait pas une façon de « désigner » (le bon) ?]
Non. C’est tout simplement reconnaître qu’il représente effectivement son pays et qu’il doit être donc traité comme le seul interlocuteur. Contrairement à ce que vous pensez, c’est un problème qui se pose à chaque fois qu’il y a une crise constitutionnelle. Pensez à la situation de la France en aout 1940 : d’un côté un « chef de l’Etat » élu par l’assemblée nationale, de l’autre un « chef de la France Libre » autoproclamé. Lequel « reconnaître » pour le représentant légitime de la France ? Les Etats-Unis ont reconnu Pétain, et maintenu un ambassadeur à Vichy jusqu’à la déclaration de guerre par l’Allemagne aux Etats-Unis. La Grande Bretagne a reconnu la France Libre.
Et le problème se pose beaucoup plus souvent que vous ne le croyez : chaque fois qu’un coup d’Etat ou une élection prétendument truquée se produit, la question se pose. Faut-il reconnaître le gouvernement issu du coup d’Etat dans la mesure où il contrôle effectivement le pays, ou maintenir la reconnaissance au régime déchu ? Realpolitik ou principes ?
[Il me semble avoir affaire ici à une « innovation » diplomatique dangereuse, ne connaissant, jusqu’à présent, que le cas de non-reconnaissance d’un Etat (donc pas de chef reconnu) et celui de la guerre (autorités gouvernementales repliées à Londres par exemple).]
Il ne s’agit pas d’une « innovation », et il ne faut pas confondre la reconnaissance d’un Etat et la reconnaissance de son gouvernant. La reconnaissance du Vénézuela en tant qu’Etat n’est pas en discussion, la question posée est de déterminer quel est le représentant légitime de cet Etat. Pensez au renversement de Pinochet par Allende, ou l’élection truquée qui a opposé Gbagbo à Ouattara. Chaque fois qu’il y a un doute sur la légitimité d’un régime, le problème se pose. Et à chaque fois, la question est de trancher entre le réalisme politique (qui pousse à reconnaître celui qui contrôle véritablement le pays, ou qui est susceptible de le faire) et les grands principes démocratiques. Dans le cas du Vénézuela, on peut se demander lequel est le plus « légitime » même en termes de principe : l’autoproclamé ou le mal élu ?
[Je précise que je ne suis partisan d’aucun des deux protagonistes.]
Même chose ici. Maduro est le résultat d’un caudillisme corrompu, Guaido d’une bourgeoisie rapace. Aucun des deux n’est très ragoûtant. La seule différence est qu’avec Maduro on va droit à la guerre civile, alors qu’avec Guaido il y a une chance de préserver un certain niveau de paix civile.
« [Et « reconnaître » ne serait pas une façon de « désigner » (le bon) ?]
Non. C’est tout simplement reconnaître qu’il représente effectivement son pays »
Donc quelques soient les raisons ou l’enrobage, le désigner en se substituant au peuple dont nous ne connaissons pas le choix.
Pour les situations de guerre (incluant la guerre civile), j’avais écrit : « et celui de la guerre (autorités gouvernementales repliées à Londres par exemple). »
Reste « une élection prétendument truquée ». Soit les éléments dont nous disposons permettent de trancher, soit…
Il me semble que c’est dans ce type de crise que doit s’affirmer la diplomatie et non pousser l’une ou l’autre partie au recours armé et que l’ancienne conception de souveraineté des états est battue en brèche par celle, nouvelle, du « droit d’ingérence » qui masque mal que ce dernier s’exerce selon une géométrie variable : il ne s’exerce pas à l’encontre d’états « amis », ni à l’égard d’états trop forts quelques soient les faits dramatiques qui s’y déroulent.
L’internationalisation d’un conflit conduit toujours a le rendre plus radical encore, Maduro a fait tirer, Guaido a publiquement souhaité une intervention armée américaine.
Et, au fond, la ligne de clivage des états entre pro-Maduro et pro-Guaido en recouvre d’autres où l’intérêt du peuple Vénézuélien me semble bien absent.
@ morel
[Donc quelques soient les raisons ou l’enrobage, le désigner en se substituant au peuple dont nous ne connaissons pas le choix.]
Encore une fois, non. Le fait de reconnaître Guaido n’a aucun effet matériel sur le pouvoir effectif qu’il peut avoir sur la société vénézuélienne. Ce n’est pas la « reconnaissance » qui lui donnera le pouvoir de gouverner, qui assurera l’obéissance de l’armée ou de l’administration, qui lui permettra de faire appliquer ses décisions. En ce sens, il y a une différence entre la « désignation » et la « reconnaissance ».
En quoi le fait pour le gouvernement français de reconnaître que l’élection indirecte telle que pratiquée par les américains représente la « vraie » voix du peuple américain serait plus légitime que le fait de reconnaître la procédure par laquelle Guaido se proclame président par intérim ? Et pourtant, nous « reconnaissons » Donald Trump… Cet exemple vous montre que la question de la « reconnaissance » est une question permanente. Lorsque dans un Etat il y a un consensus pour reconnaître un dirigeant, la chose est plus simple. Lorsque ce consensus n’existe pas, il faut bien que les Etats étrangers reconnaissent un interlocuteur.
[Pour les situations de guerre (incluant la guerre civile), j’avais écrit : « et celui de la guerre (autorités gouvernementales repliées à Londres par exemple). »]
Ne pensez-vous pas que la situation vénézuélienne s’apparente à une guerre civile ? Après tout, il est incontestable que le fonctionnement normal des pouvoirs publics est impossible…
[Reste « une élection prétendument truquée ». Soit les éléments dont nous disposons permettent de trancher, soit…]
Que les conditions dans lesquelles la dernière élection présidentielle au Venezuela s’est déroulée ne satisfont pas les standards démocratiques (arrestations des leaders de l’opposition, pressions, achat de voix, etc.) est à mon avis difficile de contester. Reste à savoir si de tels agissements ont pu changer l’issue du scrutin. C’est là que se trouve toute l’ambiguïté.
[Il me semble que c’est dans ce type de crise que doit s’affirmer la diplomatie et non pousser l’une ou l’autre partie au recours armé]
C’est à peu près ce que j’ai écrit. La France aurait intérêt à rester le pays qui parle à tout le monde, en évitant de prendre des positions surtout lorsque ses intérêts ne sont pas directement en jeu.
[et que l’ancienne conception de souveraineté des états est battue en brèche par celle, nouvelle, du « droit d’ingérence » qui masque mal que ce dernier s’exerce selon une géométrie variable : il ne s’exerce pas à l’encontre d’états « amis », ni à l’égard d’états trop forts quelques soient les faits dramatiques qui s’y déroulent.]
Bienvenu dans le monde réel… Vous noterez tout de même que « l’ingérence » au Venezuela reste assez symbolique. Entre autres choses, parce que les américains ont fini par comprendre la doctrine des magasins de porcelaine : « you break it, you take it » (« si vous le cassez, vous le prenez »). Et personne n’a envie de payer la reconstruction du Venezuela.
[Et, au fond, la ligne de clivage des états entre pro-Maduro et pro-Guaido en recouvre d’autres où l’intérêt du peuple Vénézuélien me semble bien absent.]
Là encore, bienvenu au monde réel. “Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts”.
La diplomatie ne reconnaît elle pas seulement les États et non les représentants?
Cette notion a ces limites mais trancher pour reconnaître un chef d´État plutôt qu un autre en a tout autant voire plus en cas de mauvais choix
@ Barbey
[La diplomatie ne reconnaît-elle pas seulement les États et non les représentants?]
Les deux, mon général. La diplomatie reconnaît les Etats comme des entités souveraines sujets du droit international. Mais lorsqu’il s’agit de parler à un Etat, il faut bien que celui-ci ait des représentants. Et lorsque plusieurs personnes se réclament seul représentant légitime d’un Etat, il faut bien que les gouvernements étrangers choisissent celui avec lequel ils discuteront d’Etat à Etat. Prenons un exemple : imaginons que Maduro désigne un ambassadeur à Paris, et que Guaido fasse de même. Lequel des deux doit être reconnu par le gouvernement français comme ayant le droit de s’installer dans le bâtiment de l’ambassade du Venezuela ?
[Cette notion a ces limites mais trancher pour reconnaître un chef d´État plutôt qu’un autre en a tout autant voire plus en cas de mauvais choix.]
Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. Sauf à refuser toute discussion avec qui que ce soit en attendant qu’ils se mettent d’accord ?
C’est un peu lassant, « Le Monde » nous expose les états d’âme de sa clientèle favorite, Ils s’y complaisent, A lire les témoignages, on se demande si les concernés n’ont pas subi quelque guerre horrible ou l’horreur des camps qui les hanteraient mais une lecture plus attentive nous rassure et, je le confesse, m’agace.
L’échec, chacun peut le connaître dans sa vie et tout le monde n’en fait pas un drame devant être exposé dans un journal dit de référence.
Mais peut-être, ne suis-je pas résolument « moderne »? Moi, qui n’a jamais forcé mon travail en scolaire devrais-je me présenter en victime (dites moi si ça peut me rapporter pour éclairer ma décision) ?
Au-delà, on échoue à un examen parce qu’on a pas le niveau (malgré que pour certains il est devenu bien bas).
Pour un concours, c’est un peu plus compliqué car le niveau des autres candidats peut être meilleur, c’est la logique républicaine.
Dans tous les cas, je peux en témoigner, en négatif, comme en positif (mes enfants ; ayant joué « au con », j’étais trop fort pour eux à ce jeu,là ) bosser est la seule garantie, plus particulièrement lorsqu’on vient d’un milieu où la culture n’est pas en héritage et c’est toujours gratifiant y compris pour les parents « aiguillons » ( les profs ne peuvent s’imaginer le plaisir à lire, même fatigué, un cours bien fait ).
On peut aussi s’interroger quand, en conséquences de brillantes études, l’enfant a parfois tendance à épouser les vues qui nous sont opposées mais peut-être faut-il « tuer le père » pour enfin passer à soi ?
@ morel
[C’est un peu lassant, « Le Monde » nous expose les états d’âme de sa clientèle favorite, Ils s’y complaisent, A lire les témoignages, on se demande si les concernés n’ont pas subi quelque guerre horrible ou l’horreur des camps qui les hanteraient]
En effet. Dans un pays qui a vécu deux guerres mondiales, on peut s’étonner qu’une personne puisse « mettre treize ans » à se « reconstruire » après un échec à un concours. Et encore plus qu’un journaliste puisse présenter ce cas comme étant significatif.
[Mais peut-être, ne suis-je pas résolument « moderne »? Moi, qui n’a jamais forcé mon travail en scolaire devrais-je me présenter en victime (dites moi si ça peut me rapporter pour éclairer ma décision) ?]
Je vous assure que c’est un excellent investissement. Le statut de « victime » ouvre droit à toutes sortes de satisfactions morales – et quelquefois matérielles – y compris l’admiration de vos proches. Comme rapporta qualité/prix, c’est presque meilleur que d’avoir réussi le concours !
[Au-delà, on échoue à un examen parce qu’on a pas le niveau (malgré que pour certains il est devenu bien bas).]
Mais non, mais non. On échoue à un examen parce qu’on n’a pas eu de chance, parce que l’examinateur était méchant, parce que le programme de l’examen n’est pas adapté à vous. Enfin, pour plein de raison dont aucune ne dépend de vous. Décidément, vous n’êtes pas « moderne »…
[On peut aussi s’interroger quand, en conséquences de brillantes études, l’enfant a parfois tendance à épouser les vues qui nous sont opposées mais peut-être faut-il « tuer le père » pour enfin passer à soi ?]
Vous posez là un problème intéressant. Dans les sociétés « de classe », comme la Grande Bretagne, il est courant que les parents découragent les enfants lorsqu’ils essayent de faire des études qui les sortiraient de leur milieu social. Dans ces sociétés, essayer de sortir de la classe ou l’on est né est presque vécu comme une trahison. L’une des grandes qualités de la méritocratie républicaine est d’avoir cassé cette prison mentale. En France, les parents paysans étaient fiers d’avoir un instituteur ou un receveur des postes dans la famille, et poussaient souvent dans ce sens.
Bonjour,
> Dans les sociétés « de classe », comme la Grande Bretagne, il est courant que les parents découragent les enfants lorsqu’ils essayent de faire des études qui les sortiraient de leur milieu social. Dans ces sociétés, essayer de sortir de la classe ou l’on est né est presque vécu comme une trahison.
À ce sujet, je ne peux que recommander ce merveilleux sketch :
https://www.youtube.com/watch?v=MkihKpnx5yM
@ Antoine
[À ce sujet, je ne peux que recommander ce merveilleux sketch : (…)]
Délicieux, comme toujours avec les Monty Python. Mais il montre en l’inversant une réalité très forte dans les sociétés “de classe”: on ne peut sortir de son milieu qu’au prix d’une trahison.
Cher Descartes,
Merci pour ce billet et les réponses aux différents commentaires. Je dois bien reconnaître une convergence des constats : partant d’une vision assez différentes des choses, je ne peux que constater les mêmes phénomènes -ce qui est plutôt heureux.
[C’est le philosophe conservateur Roger Scruton qui notait qu’une société a tout intérêt à valoriser tous les métiers. Car nous ne pouvons pas tous être des stars, et a plupart d’entre nous devra essayer d’être heureux en restant anonyme…]
Sur l’ascenseur social, ce qui me surprend toujours c’est le discours l’exaltant quand les mesures le bloquent. Lors d’une discussion avec un ami gauchiste, j’ai été surpris par le discours portant sur la nécessité de la non-reproduction sociale, et sur le caractère négatif de toute corrélation entre les professions des parents et enfants. Il me semble naturel qu’une forte reproduction sociale existe, au moins dans le sens qu’un fils de vigneron a plus de chance d’être vigneron qu’un fils de marin-pêcheur, et qu’un fils de marin-pêcheur a plus de chance d’être matin-pêcheur qu’un fils d’ouvrier. Et il me semble que dans une société ordonnée, quelqu’un reprenant l’activité familiale devrait plutôt être bien vu, sans que cela ne signifie bloquer l’ascenseur social. Si le fils du vigneron a un goût pour la médecine et a le niveau, c’est une bonne chose qu’il puisse faire médecine, et s’il n’en a pas l’idée, c’est une bonne chose si un professeur l’évoque (il ne s’agit pas non plus de gâcher des talents utile à la nation), et que le concours soit sans malus ni bonus pour les fils de médecin. L’intérêt principal étant que la reprise de la profession ou d’une profession proche de celle des parents est souvent accessible, et qu’un objectif accessible contribue probablement au bonheur.
J’ai l’impression que le discours des classes intermédiaires est “il faut que chacun puisse tout faire et rester dans son milieu, c’est rance et moisi” et en même temps de bloquer tout mécanisme permettant au classes populaires de monter. Et exalter la mobilité, dire que chacun peut monter haut en empêchant la montée, c’est probablement créer beaucoup d’aigreur.
Sauriez-vous de quand date ce dédain pour la reprise des activités et profession?
Bien cordialement,
@ Simon
[Et il me semble que dans une société ordonnée, quelqu’un reprenant l’activité familiale devrait plutôt être bien vu, sans que cela ne signifie bloquer l’ascenseur social. Si le fils du vigneron a un goût pour la médecine et a le niveau, c’est une bonne chose qu’il puisse faire médecine, et s’il n’en a pas l’idée, c’est une bonne chose si un professeur l’évoque (il ne s’agit pas non plus de gâcher des talents utile à la nation), et que le concours soit sans malus ni bonus pour les fils de médecin. L’intérêt principal étant que la reprise de la profession ou d’une profession proche de celle des parents est souvent accessible, et qu’un objectif accessible contribue probablement au bonheur.]
Oui, mais vous ne pouvez pas échapper à une question d’argent. En effet, on peut avoir tous les discours valorisant tel ou tel métier, à la fin du mois il y a le salaire qui tombe dans le compte en banque. Et dans une société où l’argent devient la seule mesure du succès, il est difficile de maintenir un discours qui est contredit par le rapport d’argent. Le fils du vigneron essayera de faire médecin parce que médecin paye mieux, même s’il n’a pas les moyens. Avec l’évolution du capitalisme, comme le disait Marx, le « payement au comptant » remplace les anciennes hiérarchies aristocratiques du savoir, du statut, du métier.
[Sauriez-vous de quand date ce dédain pour la reprise des activités et profession?]
Je ne crois pas que ce « dédain » soit une réalité. Que le fils de l’ingénieur soit ingénieur, le fils du patron patron, le fils de l’énarque énarque ne dérange personne. C’est dans les professions faiblement payées et reconnues que le problème se pose.
[ Un bon sociologue – c’est-à-dire un sociologue scientifique, ayant une vraie réflexion méthodologique et une connaissance encyclopédique de son domaine – est aussi utile qu’un bon chimiste. ]
Effectivement, voire même plus. Si la France avait 10 sociologues, 10 historiens, 10 philosophes de classe exceptionnelle, cela lui serait probablement plus profitable que 10 chimistes, 10 physiciens et 10 mathématiciens de classe exceptionnelle. Mais avec 1000 ingénieurs moyens vous pouvez construire un TGV, avec 1000 sociologues moyens vous pourrez juste remplir des bennes de papier usagé (au mieux, au pire, vous dégradez le pays). Je ne sais pas comment il faudrait faire, mais il me paraît clair que former massivement des sociologues moyens est une très mauvaise idée.
[En effet. Dans un pays qui a vécu deux guerres mondiales, on peut s’étonner qu’une personne puisse « mettre treize ans » à se « reconstruire » après un échec à un concours. ]
Je n’arrive pas à retrouver la référence, mais un spectacle au festival d’Avignon cette année (ou une exposition) évoquait la difficulté pour nos générations (en France, pas sur place, évidemment) à se reconstruire après avoir été marqué par les images de la guerre aux Balkans…
@ Simon
[Je n’arrive pas à retrouver la référence, mais un spectacle au festival d’Avignon cette année (ou une exposition) évoquait la difficulté pour nos générations (en France, pas sur place, évidemment) à se reconstruire après avoir été marqué par les images de la guerre aux Balkans…]
Les ressources du « victimisme » sont inépuisables…
Intéressant billet, pas si anecdotique que ça.
Pour ce qui est des examens , puis des concours, issue d’une famille ouvrière où le certificat d’études maternel était le diplôme le plus relevé, je dois dire que j’ai donné. J’ai pu mesurer, à mon premier échec à l’agrégation de lettres, que l’environnement culturel dans lequel évoluaient naturellement mes camarades d’études, me faisait parfois défaut. J’ai compensé par une véritable boulimie de littérature, de grammaire, de linguistique, etc, raflant tout ce que je pouvais dans les bibliothèques, alors que je n’avais accès ni au cinéma ni au théâtre. Évidemment, cela s’est ressenti, et j’ai échoué . Accuser quoi ? Le sort? Le jury? Mon environnement social? De toute façon, devant gagner ma vie, je n’avais pas le lois de me lamenter. L’année suivante, je me suis présentée de nouveau au concours, mais en ayant soin de préparer en même temps le Capes, et le concours de professeur de lycée professionnel, préparant ce dernier toute seule.
Je dois bien dire que j’ai essuyé quelque remarques un brin dédaigneuses, de certains de mes prestigieux professeurs, ou de camarades qui visaient plus haut. Re-échec à l’agrégation, recalage à l’oral du Capes, mais reçue au concours de PLP. D’abord j’ reçu une excellente formation, et au final je me suis régalée en Lycée professionnel. Ainsi, je n’ai pas développé de “traumatisme” ni d’aigreur, ayant certes essuyé deux échecs, mais m’étant ménagé la possibilité d’obtenir un succès. Deux ans plus tard, j’ai réussi brillamment au Capes, convaincue que succès ou échec reposent pour une bonne part sur la conviction que l’on met à accomplir un travail, plus que sur la confiance en soi.
Quatre ans plus tard, j’ai passé un second Capes, arrivée dans les premières places. À l’oral de littérature, un membre du jury, qui ignorait que j’étais déjà enseignant e certifiée, donc sa collègue s’est montré désagréablement ironique. Ainsi, je sais que, comme ailleurs, la profession compte son quorum de sadiques et d’imbéciles, qui ne sont pas là pour recruter des enseignants solides, mais pour exercer leur petit pouvoir. Cela existe, ils ne sont pas légion, mais il y en a. Cependant, n’est-ce pas une situation que l’on est amené à rencontrer plusieurs fois dans une vie? Autant se faire à l’idée. Pour Épictète, c’est une des conditions du bonheur.
Baby boomer, je fais partie de cette heureuse génération qui n’a pas connu la guerre. Mes grands-parents, mes parents, et tous mes aïeux, ont connu la guerre dans leur vie. La génération de mes parents, dernière génération à avoir connu la guerre, mesurait sa chance, je pense. Nous, les baby boomer, avons connu ce bonheur sans en avoir la conscience, parce que nous n’avons pas vécu sous cette inquiétude. Pour nos enfants et petits-enfants, la guerre c’est loin, c’est à la télé, c’est très abstrait. Le bonheur est un dû, il va de soi, la publicité nous le serine “parce que nous le valons bien”. Aussi tout échec, toute frustration, est difficilement supportable. On relâche son amertume de ne pas voir ses mérites reconnus dans Le Monde, on traite de tous les noms celui qui vous “vole” la place de parking convoitée, on casse la figure du nouveau copain de son ex, cela procède du même ressenti: il faut absolument un responsable au moindre échec, à la moindre frustration, la remise en question n’existe souvent pas. Ou on la confond avec un manque d’estime de soi, comme si pour s’estimer il fallait nécessairement réussir. Révélateur, le vocabulaire: il faut être un “battant” ( en oubliant que, pour cela, il faut bien qu’il y ait des “battus”, et que le soleil doit briller pour eux aussi?). Révélateur, le jugement de Macron sur “ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien”. On lui en veut beaucoup pour cela, alors qu’il exprime un sentiment communément répandu.
Pour achever mon propos, bientôt, les traumatisés des examens n’auront plus motif de récriminer: le bac avec programme dit “à la carte”, obtenu par la grâce du contrôle continu, avec toutes les dérives que ce système suppose, fera de tous les heureux propriétaires d’une peau d’âne donnant DROIT à la fac de médecine, par exemple, et suscitant autant de frustés du nécessaire concours. Qui ne se poseront pas la question de leur compétence pour les études ou la profession de médecin, se tourneront vers une profession par défaut et rumineront leur échec, tout en oubliant qu’il faut absolument valoriseer les autres métiers de la santé, voir les infirmiers quasi smicards…
Je ressens fortement ces insatisfactions ajoutées qui viennent d’agréger aux colères légitimes. Oserais-je faire le lien avec les colères hebdomadaires des Gilets Jaunes? Euh, un peu.
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@ cherrytree
[Je dois bien dire que j’ai essuyé quelque remarques un brin dédaigneuses, de certains de mes prestigieux professeurs, ou de camarades qui visaient plus haut. Re-échec à l’agrégation, recalage à l’oral du Capes, mais reçue au concours de PLP. D’abord j’ reçu une excellente formation, et au final je me suis régalée en Lycée professionnel. Ainsi, je n’ai pas développé de “traumatisme” ni d’aigreur, ayant certes essuyé deux échecs, mais m’étant ménagé la possibilité d’obtenir un succès. Deux ans plus tard, j’ai réussi brillamment au Capes, convaincue que succès ou échec reposent pour une bonne part sur la conviction que l’on met à accomplir un travail, plus que sur la confiance en soi. (…)]
Merci de votre témoignage. Je pense qu’il correspond bien plus à la réalité que ceux qu’a recueillis « Le Monde ». La plupart des gens essayent, échouent, repartent… et finissent par trouver leur vrai niveau sans pour autant être « traumatisés ». Si tout le monde pouvait réussir le Capes ou l’ENA du premier coup et sans effort, quelle serait la valeur de ces concours ? S’ils ont de la valeur, c’est parce qu’ils se placent à un haut niveau d’exigence, et s’ils sont exigeants cela veut dire qu’il y a plus de candidats que de reçus et que certains échouent. C’est inévitable.
[Pour nos enfants et petits-enfants, la guerre c’est loin, c’est à la télé, c’est très abstrait. Le bonheur est un dû, il va de soi, la publicité nous le serine “parce que nous le valons bien”. Aussi tout échec, toute frustration, est difficilement supportable. On relâche son amertume de ne pas voir ses mérites reconnus dans Le Monde, on traite de tous les noms celui qui vous “vole” la place de parking convoitée, on casse la figure du nouveau copain de son ex, cela procède du même ressenti: il faut absolument un responsable au moindre échec, à la moindre frustration, la remise en question n’existe souvent pas.]
Tout à fait. Le mot d’ordre de notre temps est « je veux tout et tout de suite ». Cette focalisation dans le temps présent associée à la toute-puissance est la caractéristique de l’enfant. Est-ce une coïncidence si notre société nous encourage en permanence à « garder notre âme d’enfant » et diabolise tout ce qui appartient au monde adulte ?
Cette intolérance à la frustration conduit à retarder sans cesse le moment où l’on doit dire aux gens la vérité des prix. On n’échoue plus guère au certificat d’études, on échoue de moins en moins au bac grâce à des manipulations de notes que tout le monde connaît et que personne n’assume. Et on développe aujourd’hui des « soutiens » et autres « rattrapages » avec le but que personne n’échoue en licence. En fait, l’âge du premier échec est reporté… à l’entrée dans le marché du travail. Parce que là, la vérité des prix apparaît dans toute sa vérité. Sauf, bien entendu, pour ceux qui ont des réseaux… Et c’est là la raison pour laquelle les « classes intermédiaires » poussent ce type de politique. Parce que pour pouvoir utiliser à plein la logique du réseau, il faut d’abord affaiblir la logique du mérite.
[Ou on la confond avec un manque d’estime de soi, comme si pour s’estimer il fallait nécessairement réussir. Révélateur, le vocabulaire: il faut être un “battant” (en oubliant que, pour cela, il faut bien qu’il y ait des “battus”, et que le soleil doit briller pour eux aussi?). Révélateur, le jugement de Macron sur “ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien”. On lui en veut beaucoup pour cela, alors qu’il exprime un sentiment communément répandu.]
Effectivement : l’idéologie dominante est celle d’une société où il y ait de la compétition mais à condition que tout le monde gagne… En pratique, bien entendu, c’est différent. La compétition oui, mais à l’intérieur de sa classe. Il ne faut surtout pas que les enfants des « classes intermédiaires » se fassent concurrencer par ceux des couches populaires.
[Je ressens fortement ces insatisfactions ajoutées qui viennent d’agréger aux colères légitimes. Oserais-je faire le lien avec les colères hebdomadaires des Gilets Jaunes? Euh, un peu.]
Et vous auriez à mon avis raison. On ne parle pas beaucoup, mais à mon avis l’un des moteurs de la colère des « gilets jaunes » est le manque de perspective. Depuis trente ans on leur demande des sacrifices et des efforts, sans que ce sacrifice et cet effort trouve un sens dans une amélioration, fut elle à long terme, de leur situation. Le progrès global et la promotion individuelle sont les grands ciments des sociétés, car c’est cela qui donne un sens à la « communauté de destin ». Que intérêt y a-t-il à « partager un destin » si le « destin » en question est un lent déclin ou chaque génération vivra moins bien que la précédente ?
Ce genre d’article est honteux.
Pendant qu’on cherche à nous apitoyer sur les malheureux qui se sentiraient traumatisés parce qu’ils ont raté un concours on ne parle pas du vrai scandale : ceux qui ont réussi le concours et se le sont fait voler ensuite, parce que les collectivités territoriales refusent d’embaucher les lauréats sur les postes qu’elles ont mis au concours, et renouvellent dessus des contractuels qui l’on raté ou ne l’ont même pas tenté.
Elles savent parfaitement qu’en faisant cela elles condamnent le lauréat à perdre automatiquement le bénéfice de son concours au bout de quatre ans, faute d’avoir trouvé un poste.
Pour le coup les victimes sont vraiment traumatisées, très durablement, et pour une raison incontestable.
@ VIO59
[(…) on ne parle pas du vrai scandale : ceux qui ont réussi le concours et se le sont fait voler ensuite, parce que les collectivités territoriales refusent d’embaucher les lauréats sur les postes qu’elles ont mis au concours, et renouvellent dessus des contractuels qui l’on raté ou ne l’ont même pas tenté.]
C’est le problème du statut de la fonction publique territoriale, qui n’est en fait qu’un statut à moitié. C’est un choix délibéré des élus, qui lors de la décentralisation ont tenu à garder la haute main sur le recrutement dans les collectivités – et les ressources clientélistes qui vont avec. Contrairement à la fonction publique d’Etat, où le statut empêche la politisation du recrutement en faisant l’équivalence entre la réussite au concours et le poste, le concours dans la fonction publique territoriale ne permet au candidat que de rentrer dans un vivier, où les élus sont libres de puiser – ou pas – à leur convenance.
Et plus notre régime devient “girondin”, moins il y a des chances que cela change…
Puisqu’il est question de concours difficiles ou prestigieux, je ne peux résister à porter votre connaissance des propos récents de l’ineffable Alain Minc à “Challenges” :
“Du haut de ses 26 ans, sous la pression médiatique, Alexandre Benalla en aurait remontré, par sa maîtrise, à tous ces jeunes hauts fonctionnaires qui sortent de l’ENA avec encore du lait dans le nez “, nous confie Alain Minc, qui a trouvé ” éblouissant ” le grand oral un peu particulier de l’ex-garde du corps au Sénat. L’auteur de Voyage au centre du ” système ” met dans le même sac Alexandre Djouhri, cet intermédiaire réputé proche de Nicolas Sarkozy, réfugié à Londres, qui, selon lui, ” est supérieurement intelligent et serait plus performant que beaucoup de patrons du CAC 40 “.
Un peu comme jadis le parrain du capitalisme Ambroise Roux, découvreur et soutien de Bernard Tapie, Minc admire le talent, surtout s’il sort des sentiers battus. ” Un directeur d’école aurait dû repérer Djouhri et Benalla, s’occuper d’eux, ils auraient suivi la filière d’excellence française : l’un aurait fait Polytechnique, l’autre l’ENA. Mais, comme le système ne les a ni repérés ni reconnus, pour réussir, ils ont pris les tangentes. ” Alain Minc conseille à ses clients grands patrons de découvrir et mettre à leur service les nouveaux Benalla, ” avant qu’ils ne partent en zone sombre “.
In : https://www.challenges.fr/politique/minc-sur-benalla-il-aurait-merite-de-faire-l-ena_641531
Minc serait-il en train de nous expliquer que le “traumatisme” subi par ces deux-là les a conduit “en zone sombre” ?
@ morel
[Puisqu’il est question de concours difficiles ou prestigieux, je ne peux résister à porter votre connaissance des propos récents de l’ineffable Alain Minc à “Challenges” : “Du haut de ses 26 ans, sous la pression médiatique, Alexandre Benalla en aurait remontré, par sa maîtrise, à tous ces jeunes hauts fonctionnaires qui sortent de l’ENA avec encore du lait dans le nez “]
Il est vrai que nos hauts fonctionnaires sont bien mal formés à cacher aux commissions sénatoriales leurs turpitudes. Contrairement à Benalla, ils ne sont pas « éblouissants » quand il s’agit de cacher leur affairisme et leur mépris de la loi. Faut-il le regretter ? Faut-il prévoir à l’ENA des cours sur « comment mentir devant une commission parlementaire » ou « comment cacher vos passeports diplomatiques » ?
[Un peu comme jadis le parrain du capitalisme Ambroise Roux, découvreur et soutien de Bernard Tapie, Minc admire le talent, surtout s’il sort des sentiers battus.]
C’est un grand classique. Comme naguère les aristocrates couchaient avec le palefrenier, les Minc et Roux, sortis en bonne place des meilleures écoles de la République s’encanaillent en admirant les « talents » des maffiosi de tout poil.
[” Un directeur d’école aurait dû repérer Djouhri et Benalla, s’occuper d’eux, ils auraient suivi la filière d’excellence française : l’un aurait fait Polytechnique, l’autre l’ENA. Mais, comme le système ne les a ni repérés ni reconnus, pour réussir, ils ont pris les tangentes. ”]
Ici, on reconnaît Minc l’homme des réseaux. Pour faire Polytechnique ou l’ENA, l’essentiel est d’être « repéré », pas de bosser sur le fond. Il ne lui vient même pas à l’idée que Djouhri ou Benalla puissent NE PAS AVOIR ENVIE de s’enfermer pendant quelques années avec des livres pour acquérir les connaissances qui font un bon ingénieur ou un bon administrateur – et qui ne sont pas tout à fait les mêmes que celles nécessaires pour faire un bon escroc.
[Alain Minc conseille à ses clients grands patrons de découvrir et mettre à leur service les nouveaux Benalla, ” avant qu’ils ne partent en zone sombre “.]
Je crois qu’il y a un patron qui a mis Benalla à son service. Il s’appelle Emmanuel Macron, et il semblerait qu’il n’ait pas fini de s’en mordre les doigts. Au fond, Minc a une foi superlative dans les grandes écoles françaises : il croit qu’elles peuvent transformer un mafieux en un homme honnête…
S Benalla est en effet intelligent. Mais qu’est-ce que l’intelligence quand elle ne sert que l’intérêt particulier, au mépris même de ce qui vous a donné votre place? Je m’explique. Voici un très jeune homme qui gravit quatre à quatre les marches du pouvoir, mais par un escalier dérobé, le pouvoir occulte lui donnant davantage barre sur ceux dont il est censé être au service. Notez que d’employé, aux fonctions aussi floues que nombreuses, il a pris le titre de “collaborateur”, ce qui explique que chacun s’est aplati devant ce que l’on pensait être l’ éminence grise de Macron souverain.
À l’âge de 25 ans, le voici haut gradé d’un corps de réserve, émargeant à 6000 € hors notes de frais, sa compagne salariée de La Rem pour un hypothétique travail, logé par l’État. Toujours collé au Président, décidant de s horaires des festivités d’accueil de la Coupe du Monde… Mieux que s’il avait fait l’ENA, et plus vite, sans les affres du concours. Néanmoins, cela lui a-t- il suffi? Apparemment non, puisque dans le même temps il grenouillait en eau trouble pour faire ses petites affaires, ce qui est strictement interdit à un serviteur de l’ État issu de l’ENA. En eau trouble avec de bien étranges personnages, que ce soit un proche de Poutine frayant avec la mafia russe, ou que ce soit un curieux homme d’affaires traînant dans les méandres du pouvoir tchadien. Non, l’ENA n’aurait apparemment pas tenté Benalla, qui n’est au service que de lui-même, et dont l’intelligence est un sens inné de la filouterie. Minc à trop lu Vidocq.
Ceci dit, au-delà des petites crapouilleries de Benalla, qui sont l’arbre qui cache la forêt, nous avons là quelqu’un qui avait l’oreille du président pour la réorganisation de son service de sécurité, zappant au passage police et armée. Et livrant éventuellement, moyennant une grosse contrepartie, les clés de la sécurité du sommet de l’État. Cet individu avait le passe de l’Assemblée, pour avoir accès à la salle de sport(?!), et un permis de port d’arme délivré par le Préfet de Paris, mis bout à bout ces deux droits laissent rêveur. Il disposait de deux passeports diplomatiques.
Cet individu est passé de la sécurité de F.Hollande à celle de M. Aubry (entre nous je me demande comment il a eu le temps d’obtenir ses diplômes de droit?), puis le candidat Macron lui a semblé être le bon cheval sur qui parier. Il a fait une candidature spontanée pour la campagne électorale, à su se rendre indispensable pour de menus services , à l’occasion être au courant de menues bricoles puis de plus grosses, comme le financement de campagne, tant qu’à évoquer Vidocq faisons dans le feuilleton, et puis exercer un petit chantage sur le désormais chef de l’État (ah, le coffre-fort baladeur impunément soustrait aux curiosités d’une perquisition…). Chantage qui expliquerait l’étonnante protection dont il bénéficie.
En effet, Macron n’a pas fini de se mordre les doigts.
Auprès de ce tripatouillage, les emplois fictifs de Pénélope Fillon sont des broutilles, et bien qu’il ne soit pas un saint de ma dévotion, je ne pense pas que Fillon aurait commis tant d’erreurs , ni ait potentiellement livré la sécurité du chef de l’État à ce qui est, au final, un malfrat barbouzeux. Ma parole, je vais finir par le regretter😒.
Alors les appréciations de Minc, hein…
@ Cherrytree
[Non, l’ENA n’aurait apparemment pas tenté Benalla, qui n’est au service que de lui-même, et dont l’intelligence est un sens inné de la filouterie. Minc à trop lu Vidocq.]
Surtout, à l’image d’une pie, Minc est trop attiré par ce qui brille. L’ENA n’a pas, n’en déplaise à Minc et à quelques autres, la vocation de former des « stars » de la politique ou du business qui feront la « une » des journaux dans des enquêtes parlementaires. L’ENA a pour mission de former des fonctionnaires compétents, qui aient la vocation du service public, et leur dont l’immense majorité n’aura que très occasionnellement l’occasion de briller devant les caméras.
Je suis toujours fasciné par l’idée que se font les français de l’ENA. Cette vénérable école forme une centaine de hauts fonctionnaires par an. Dans chaque promotion il y aura quatre ou cinq qui brilleront dans les médias. Les autres feront des carrières anonymes, travailleront de longues heures – bien plus que le quota statutaire – dans un tribunal administratif, dans une préfecture, dans l’administration centrale ou déconcentrée d’un ministère, dans un établissement public, sans autre reconnaissance que celle de leurs pairs… et pour un salaire largement inférieur que ce que le privé leur aurait offert.
Imagine-t-on Benalla, le jeune homme pressé peu regardant sur les règles et qui avait besoin d’adrénaline au point de mettre sa carrière en danger pour aller faire le coup de poing dans la rue s’astreindre à cette discipline ? Pas un seul instant. Comme disait le personnage du Préfet dans le magnifique téléfilm « La dette » à son stagiaire de l’ENA : « il y a des héros qui s’en vont conquérir des terres lointaines, et il y a des héros qui restent pour garder la maison. Nous, nous gardons la maison ». Et Benalla n’avait certainement pas cette vocation…
Je n’ai pas lu l’article du Monde (je n’y ai pas accès), mais les exemples que vous citez laissent penser qu’en matière de concours, ceux qui sont visés par l’article sont particulièrement le CAPES et l’agrégation, au moins autant que les concours des grandes écoles.
L’analyse des commentaires précédents, d’une attaque contre les grandes écoles, est peut être en fait tout autant une attaque contre les corps de professeurs fonctionnaires.
Et cela serait tout à fait logique dans l’optique d’un journal comme “Le Monde”, puisque l’alternative à un concours national de recrutement des enseignants est, comme dans la plupart des pays, un recrutement sur CV et entretien, par l’établissement, qui choisit librement ses profs. C’est le principe du chèque éducation, et de la libéralisation de l’enseignement qui est derrière cela…
@ Vincent
[Je n’ai pas lu l’article du Monde (je n’y ai pas accès), mais les exemples que vous citez laissent penser qu’en matière de concours, ceux qui sont visés par l’article sont particulièrement le CAPES et l’agrégation, au moins autant que les concours des grandes écoles.]
Oui. Mais il y a aussi dans l’article des exemples tirés du concours de médecine.
[L’analyse des commentaires précédents, d’une attaque contre les grandes écoles, est peut être en fait tout autant une attaque contre les corps de professeurs fonctionnaires.]
Aussi. La logique serait la même.
{Et cela serait tout à fait logique dans l’optique d’un journal comme “Le Monde”, puisque l’alternative à un concours national de recrutement des enseignants est, comme dans la plupart des pays, un recrutement sur CV et entretien, par l’établissement, qui choisit librement ses profs.]
Tout à fait. Et qui dit recrutement sur CV et entretien, dit l’importance du réseau pour la reproduction de classe…
》Mais il y a aussi dans l’article
》 des exemples tirés du concours
》 de médecine
Quelle coïncidence! Ça fait des années que nos libéraux réclament la suppression du numérus clausus en médecine, d’habitude en raison des problèmes de démographie médicale.
C’est une autre manière de l’attaquer. La médecine reste en effet un des seuls secteurs où les praticiens peuvent negocier leurs conditions de travail…
@ Vincent
[Quelle coïncidence! Ça fait des années que nos libéraux réclament la suppression du numérus clausus en médecine, d’habitude en raison des problèmes de démographie médicale.]
Oui, mais “nos libéraux” n’oublient pas non plus que la suppression du numérus clausus risque d’augmenter l’offre, et donc faire baisser la rémunération des futurs médecins. Ce qui déplait à un secteur capital des “classes intermédiaires”…
> “nos libéraux” n’oublient pas non plus que la
> suppression du numérus clausus risque d’augmenter
> l’offre, et donc faire baisser la rémunération des
> futurs médecins. Ce qui déplait à un secteur capital
> des “classes intermédiaires”…
C’est l’argument qu’on entend tout le temps ; et cela ne déplairait pas fortement aux “classes intermédiaires” des secteurs les plus médiatiques, puisque leurs enfants n’arrivent pas à réussir ce concours (ce sont des enfants de profs, de médecins, ou de scientifiques, souvent, qui réussissent le mieux).
Mais je pense que ce n’est pas cela le principal :
1°) Si on supprime le numérus clausus, il reste un facteur qui est que les médecins doivent avoir des stages universitaires pour se former, dans des hôpitaux avec des malades, etc.
L’augmentation du numerus clausus depuis 10 ans a conduit à baisser fortement la formation pratique des externes, puisque les stagiaires sont plus nombreux pour autant de services et de malades. Et il n’est donc pas possible, sauf à créer de nouveaux CHU, de former plus de médecins sans continuer à baisser leur niveau.
Du coup, il y aura bien une sélection, comme il y en a dans tous les pays. Mais ce ne sera plus un concours. Et effectivement, cette idée que la sélection ne soit plus un concours
2°) Que l’ouverture ferait baisser les salaires des médecins est assez logique et intuitif. Mais la santé est un secteur pour lequel chacun est prêt à payer. Et cela restera. Et de fait, quand on compare la rémunération des médecins en France avec les rémunérations dans les autres pays occidentaux (ils sont au dessus), il semble clair qu’une évolution vers une libéralisation, comme cela se pratique ailleurs, conduira quand même, d’une manière ou d’une autre, à augmenter les rémunérations.
Ces deux éléments combinés expliquent très bien que les classes intermédiaires des secteurs médiatiques soient à la fois très favorables à une libéralisation de la médecine, et une suppression du numerus clausus.
@ Vincent
[1°) Si on supprime le numérus clausus, il reste un facteur qui est que les médecins doivent avoir des stages universitaires pour se former, dans des hôpitaux avec des malades, etc.
L’augmentation du numerus clausus depuis 10 ans a conduit à baisser fortement la formation pratique des externes, puisque les stagiaires sont plus nombreux pour autant de services et de malades. Et il n’est donc pas possible, sauf à créer de nouveaux CHU, de former plus de médecins sans continuer à baisser leur niveau.]
Je ne connais pas bien le circuit de formation des médecins. Il est clair que supprimer le numerus clausus sans augmenter les moyens de formation ne peut aboutir qu’à une baisse du niveau de la formation. Il est aussi probable que même si le numerus clausus était aboli pour le passage en deuxième année, il y aurait à un autre étage de la formation une sélection permettant de réguler l’offre de médecins.
Le problème est aussi qu’en matière de santé, l’offre créé la demande. Plus vous aurez de médecins, et plus vous encouragez la consommation médicale, payée bien entendu par la sécurité sociale. Tout le monde sait que le triangle « liberté de choix du médecin, liberté de prescription, liberté de consultation » est intenable.
[2°) Que l’ouverture ferait baisser les salaires des médecins est assez logique et intuitif. Mais la santé est un secteur pour lequel chacun est prêt à payer. Et cela restera.]
Avec modération. On est prêt à payer beaucoup pour rester en vie, mais pas forcément pour traiter les bobos du quotidien, et cela touche particulièrement la médecine de prévention, qui est pourtant la plus « rentable » en termes de rapport coût/résultats.
@ Descartes
(((“nos libéraux” n’oublient pas non plus que la suppression du numérus clausus risque d’augmenter l’offre, et donc faire baisser la rémunération des futurs médecins)))
C’était vrai il y a 40 ans, et c’est pour celà que le numérus closus a été institué et perpétué: garder la main sur l’offre.
Aujourd’hui ce que vous dites est à nuancer.
Dans le milieu hospitalier, il manque des médecins partout, de telle sorte qu’on est obligé d’aller pêcher des “médecins” formés ailleurs en Europe et dont la qualification laisse largement à désirer. Tous les médecins “made in france”, qui sont une des professions les plus exposées au burn-out et au suicide sont unanimes pour réclamer l’ouverture du concours…
Et chez les médecins libéraux de ville/compagne c’est 10 fois pire, ils sont tous en train de paniquer parce qu’ils n’ont personne pour reprendre leur patientèle, et pire, pour racheter leur cabinet !
@ Pierre
[Dans le milieu hospitalier, il manque des médecins partout, de telle sorte qu’on est obligé d’aller pêcher des “médecins” formés ailleurs en Europe et dont la qualification laisse largement à désirer. Tous les médecins “made in france”, qui sont une des professions les plus exposées au burn-out et au suicide sont unanimes pour réclamer l’ouverture du concours…]
Les médecins hospitaliers ne sont, si mes informations sont bonnes, qu’une minorité. La très large majorité des médecins tirent l’essentiel de leurs revenus de l’exercice dans le secteur privé – en clinique ou en libéral.
[Et chez les médecins libéraux de ville/campagne c’est 10 fois pire, ils sont tous en train de paniquer parce qu’ils n’ont personne pour reprendre leur patientèle, et pire, pour racheter leur cabinet !]
N’exagérons rien. C’est vrai dans la « France périphérique », ce n’est certainement pas vrai dans les grandes villes et les métropoles.
N’oublions pas que sans les normes d’urbanisme malthusiennes il n’y aurait pas de ségrégation résidentielle, puisque la construction des logements nécessaires pour accueillir en ville les classes populaires qui préfèreraient y résider ne serait pas interdite.
Et sans ségrégation résidentielle, plus de ségrégation scolaire possible, plus moyen d’empêcher physiquement les pauvres et les classes moyennes d’inscrire leurs enfant dans les mêmes établissements que les riches s’ils le souhaitent.
La tactique consistant à saboter l’enseignement dispensé aux enfants des pauvres, notamment en jouant sur les moyens alloués ou le niveau d’exigence de l’institution, ne servirait plus à rien, puisque les pauvres ne seraient plus enfermés dans les quartiers qui sont attaqués.
Ne nous contentons pas de déplorer les méfaits des bobos (ce sont bien ceux que vous appelez classes intermédiaires ?) puisque nous savons parfaitement ce qu’il fallait faire pour les empêcher de causer tous ces dommages depuis le début.
Si nous voulons gagner cette guerre il faut absolument remonter à la racine du problème. Il n’y a jamais eu aucune raison honorable pour autoriser les riches à chasser les pauvres de leurs immeubles, rues, quartiers, communes et établissements scolaires ou universitaires en creusant une pénurie de logement artificielle autour d’eux à coups de hauteurs limites de construction, densités maximales d’occupation des sols, sites classés, vues imprenables et compagnie.
@ VIO59
[N’oublions pas que sans les normes d’urbanisme malthusiennes il n’y aurait pas de ségrégation résidentielle, puisque la construction des logements nécessaires pour accueillir en ville les classes populaires qui préfèreraient y résider ne serait pas interdite.]
Je n’ai pas compris cette remarque. A ma connaissance, la ségrégation résidentielle n’a rien à voir avec les « normes d’urbanisme ». Si vous construisiez deux fois plus de logements dans le VIIème arrondissement de Paris, cela ne changerait rien pour les classes populaires : le prix des logements ainsi construits dépasserait de très loin leurs moyens.
La ségrégation géographique est le résultat paradoxal de l’amélioration des transports. Au début du XXème siècle, quand les transports étaient difficiles, les classes aisées étaient obligées de prévoir le logement de ceux qui travaillaient pour eux à proximité du lieu de travail. Ainsi, par exemple, les bonnes étaient logées dans les mêmes immeubles que les bourgeois, les ouvriers pas très loin des ingénieurs ou des directeurs des compagnies. Avec l’automobile et le transport en commun performant, on a pu renvoyer ouvriers et employés dans des cités de banlieue.
[Et sans ségrégation résidentielle, plus de ségrégation scolaire possible, plus moyen d’empêcher physiquement les pauvres et les classes moyennes d’inscrire leurs enfant dans les mêmes établissements que les riches s’ils le souhaitent.]
Tout à fait. C’est la ségrégation géographique qui est à la base des autres ségrégations – et en retour du phénomène communautaire.
[Je n’ai pas compris cette remarque. A ma connaissance, la ségrégation résidentielle n’a rien à voir avec les « normes d’urbanisme ».]
Mais si. Sans les normes d’urbanisme malthusiennes il serait impossible d’empêcher les promoteurs privés de construire des logements en nombre suffisant pour satisfaire la demande qui serait normalement solvable si l’offre était libre (c’est d’ailleurs une des rares questions sur lesquelles les économistes sont unanimes, pour une fois que les supply-siders ont raison)
Les prix et les loyers baisseraient au fur et à mesure que la pénurie se résorberait, ce qui ferait reculer la ségrégation résidentielle puis scolaire.
[Si vous construisiez deux fois plus de logements dans le VIIème arrondissement de Paris, cela ne changerait rien pour les classes populaires : le prix des logements ainsi construits dépasserait de très loin leurs moyens.]
Il faut abolir les les normes d’urbanisme malthusiennes partout, pas seulement dans le VIIème de Paris, sinon cela ne changera pas grand-chose. Ce n’est pas parce que le logement est hors de prix que les français n’arrivent pas à se loger, c’est parce qu’ils n’arrivent pas à se loger que le logement est hors de prix.
[La ségrégation géographique est le résultat paradoxal de l’amélioration des transports]
C’était une condition nécessaire pour que la bourgeoisie entreprenne de chasser les classes moyennes et populaires mais pas suffisante pour qu’elle y parvienne, pour cela il fallait creuser artificiellement une terrible pénurie de logements, et sans les normes d’urbanisme malthusiennes cela aurait été impossible.
[Tout à fait. C’est la ségrégation géographique qui est à la base des autres ségrégations – et en retour du phénomène communautaire.]
Bien d’accord.
@ VIO59
[Mais si. Sans les normes d’urbanisme malthusiennes il serait impossible d’empêcher les promoteurs privés de construire des logements en nombre suffisant]
Pourriez-vous expliquer précisément quelles sont les « normes d’urbanisme » auxquelles vous faites référence ?
[« Si vous construisiez deux fois plus de logements dans le VIIème arrondissement de Paris, cela ne changerait rien pour les classes populaires : le prix des logements ainsi construits dépasserait de très loin leurs moyens. » Il faut abolir les normes d’urbanisme malthusiennes partout, pas seulement dans le VIIème de Paris, sinon cela ne changera pas grand-chose. Ce n’est pas parce que le logement est hors de prix que les français n’arrivent pas à se loger, c’est parce qu’ils n’arrivent pas à se loger que le logement est hors de prix.]
Globalement oui, localement non. Même en dehors de toute norme d’urbanisme « malthusienne », la quantité de logements qu’on peut construire sur une superficie donnée est limitée. Et si tous les riches veulent vivre dans cette superficie, alors les prix monteront jusqu’à en exclure les pauvres. C’est pourquoi l’assouplissement des normes d’urbanisme ferait baisser GLOBALEMENT le prix des logements, mais pas nécessairement LOCALEMENT. Et n’aurait donc pas d’effet sur la ségrégation sociale.
[Mais si. Sans les normes d’urbanisme malthusiennes il serait impossible d’empêcher les promoteurs privés de construire des logements en nombre suffisant]
Pourriez-vous expliquer précisément quelles sont les « normes d’urbanisme » auxquelles vous faites référence ?]
Ce sont les normes (zones inconstructibles, sites classés, vues imprenables, hauteurs limites de construction, coefficients maximaux d’occupation des sols, etc) qui ont pour objet et pour effet d’imposer autoritairement une limite quantitative à la production de logements.
Elles sont incompatibles avec les objectifs poursuivis par les natalistes ; cela ne sert à rien d’encourager les naissances en amont si on ne peut pas construire en aval les logements nécessaires.
C’est étonnant que vous soyez en guerre contre les malthusiens et n’ayez pas encore trouvé l’emplacement de leur forteresse. C’est donc avec plaisir que je vous le révèle :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20190217
Que dites vous, par exemple, de cette brûlante profession de foi malthusienne ?
“(…) Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l’utilisation de l’espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région (…)” (article L141-1 du code de l’urbanisme)
Comme la politique familiale est chez nous un bastion nataliste imprenable, le parti malthusien a jeté son dévolu sur la politique de l’urbanisme. C’était ce qui pouvait nous arriver de pire. Il aurait mille fois mieux valu l’inverse, comme en Chine où il n’y a pas si longtemps pendant que le ministre de la famille inventait chaque jour une nouvelle astuce pour dissuader les citoyens de faire des enfants son collègue en charge de l’urbanisme faisait tourner la bétonnière à vitesse supersonique pour accueillir dignement tous les enfants qui avaient réussi à franchir les obstacles.
Pour rendre justice à Malthus je doute qu’il aurait approuvé la pénurie de logements comme méthode de maitrise de la démographie, car ce qu’il redoutait c’est que la nature s’en charge elle-même par la famine ou par la guerre. Et je ne vois pas en quoi la pénurie de logements serait préférable à la famine ou à la guerre.
[Même en dehors de toute norme d’urbanisme « malthusienne », la quantité de logements qu’on peut construire sur une superficie donnée est limitée.]
Vous donnez raison prématurément à Malthus. La limite naturelle existe certainement, mais elle est encore loin d’être atteinte, et les planificateurs n’ont aucune envie de savoir où elle se situe puisqu’ils ont pris les devants en imposant des limites artificielles beaucoup plus draconiennes de toute façon.
[ Et si tous les riches veulent vivre dans cette superficie, alors les prix monteront jusqu’à en exclure les pauvres. C’est pourquoi l’assouplissement des normes d’urbanisme ferait baisser GLOBALEMENT le prix des logements, mais pas nécessairement LOCALEMENT.]
Toutes choses égales par ailleurs, globalement et localement. Si vous n’avez pas réussi à me convaincre ce n’est pas grave, vous pouvez encore essayer de convaincre les bobos qu’ils peuvent se passer des normes d’urbanisme malthusiennes pour protéger leurs enfants de la concurrence de ceux des classes populaires.
@ VIO59
[Ce sont les normes (zones inconstructibles, sites classés, vues imprenables, hauteurs limites de construction, coefficients maximaux d’occupation des sols, etc) qui ont pour objet et pour effet d’imposer autoritairement une limite quantitative à la production de logements.]
Pardon. Les réglementations auxquelles vous faites référence ont peut-être pour EFFET de limiter la production de logements. Mais il me semble très abusif de prétendre que la législation sur les sites classés ou les zones inconstructibles ont pour OBJET d’imposer une limite quantitative à la production de logements. Je pense que c’est là que se trouve notre désaccord : une réglementation « malthusienne » est une réglementation dont l’OBJET est de limiter la construction de logements.
[Elles sont incompatibles avec les objectifs poursuivis par les natalistes ; cela ne sert à rien d’encourager les naissances en amont si on ne peut pas construire en aval les logements nécessaires.]
La difficulté, c’est qu’on ne peut pas tout avoir. On ne peut pas garantir à tout le monde un grand logement en centre-ville avec un jardin. Il faut donc choisir : en moyenne, ceux qui veulent un grand logement ou un jardin ne pourront se le payer qu’en banlieue.
[Que dites vous, par exemple, de cette brûlante profession de foi malthusienne ?
“(…) Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l’utilisation de l’espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région (…)” (article L141-1 du code de l’urbanisme)]
Je ne vois pas en quoi ce serait « malthusien » de « maîtriser la croissance urbaine et démographique »…
[« Même en dehors de toute norme d’urbanisme « malthusienne », la quantité de logements qu’on peut construire sur une superficie donnée est limitée. » Vous donnez raison prématurément à Malthus. La limite naturelle existe certainement, mais elle est encore loin d’être atteinte,]
Ca dépend où, et selon quels critères. Oui, bien sur, on pourrait lotir le parc du château de Versailles pour en faire des logements. Pensez-vous que ce soit une bonne idée ?