Le discours de la méthode XV: comment le pacte social fut brisé

Dans mon précédent papier, j’avais évoqué la trahison du « pacte social » français par nos classes dominantes, en renvoyant le développement de cette idée à un prochain article. Je vais donc essayer de développer cette question qui me semble aujourd’hui fondamentale.

On voit aujourd’hui s’affronter deux conceptions de la démocratie représentative (1). L’une, que l’on pourrait qualifier de « dynamique », est issue de notre longue histoire politique. Elle considère que l’élection est avant tout la manifestation de la confiance que l’électeur peut avoir dans un candidat ou dans un parti politique. On vote pour celui à qui on fait confiance pour gouverner l’Etat, mais cette confiance n’implique aucun mandat pour appliquer un programme. Pour les tenants de cette conception, les programmes ne sont que des documents indicatifs, permettant à l’électeur de juger des préférences du candidat. Mais ce n’est nullement un engagement, et c’est vrai pour les deux parties : le candidat ne s’engage pas à le mettre en œuvre, l’électeur ne s’engage pas à le soutenir. Une fois élu, le représentant proposera des mesures pour lesquelles il lui faudra rechercher le soutien des citoyens, et ceux-ci peuvent manifester leur opposition par la voie de la pétition, de la manifestation, de la grève. C’est pourquoi ces droits sont dans notre système politique protégés par la Constitution, puisqu’ils sont intimement liés à l’exercice par le peuple souverain de ses prérogatives. Le représentant n’exerce donc le pouvoir qui lui est délégué que dans un rapport dialectique avec le peuple, sa légitimité à prendre telle ou telle mesure n’étant que précaire.

Il y a une deuxième conception, devenue prédominante ces dernières années, qui est celle qu’on peut qualifier de « statique ». Dans cette conception, l’élection est un véritable acte de délégation. Le citoyen désigne un représentant pour qu’il gouverne en son nom pendant tout son mandat, en principe pour mettre en œuvre son programme. Les citoyens n’ont ensuite d’autre contrôle sur lui que la possibilité de le sanctionner à la prochaine élection. En attendant, le représentant exerce la plénitude des pouvoirs que lui donnent les textes. Dans cette conception, la pétition, la manifestation, la grève sont vécues comme profondément antidémocratiques, presque séditieuses, puisqu’elles contestent l’essence même de la délégation qui est donnée au représentant.

La conception dynamique de la démocratie est celle qui a dominé le XXème siècle. La Constitution de 1958 en est peut-être le résumé le plus achevé. Loin de créer une « monarchie présidentielle », comme le disent certains, elle dote le représentant de pouvoirs considérables, mais d’une légitimité précaire et toujours soumise à l’arbitrage du citoyen. L’interprétation qui en est faite au XXIème siècle ramène plutôt à une vision statique. Il suffit d’analyser l’exercice du pouvoir par Emmanuel Macron et le discours des élus macronistes pour le constater.

Derrière ces conceptions de la démocratie il y a, bien entendu, un rapport de classe. Car il en faut pas oublier que notre démocratie fonctionne au sein d’une société dont l’évolution est le produit de la confrontation entre les intérêts des différentes classes sociales. La démocratie n’a pas le pouvoir d’effacer ces conflits d’intérêts. En fait, la démocratie n’est possible que parce qu’il existe un consensus sur une idée simple : personne, riche ou pauvre, jeune ou vieux, exploiteur ou exploité, n’a intérêt à un retour à l’état de nature, celui où les rapports de force s’expriment directement, sans médiation institutionnelle. On pourrait penser – et certains le pensent – qu’il est de l’intérêt des plus forts de ne pas s’embarrasser des limites que les institutions mettent à leur volonté, puisqu’elles peuvent toujours imposer sans limites leur volonté aux plus faibles. Mais comme le notait déjà Hobbes, cela rendrait l’existence des dominants comme des dominés « solitaire, misérable, difficile, sauvage et brève ». La domination par le simple exercice de la force a un coût écrasant pour l’ensemble des acteurs. Cela fait bien longtemps que les classes dominantes ont compris qu’il valait mieux toucher les deux tiers d’un gros gâteau plutôt que la totalité d’un petit. Et pour que le gâteau puisse grandir, il faut des institutions stables, des travailleurs motivés et disciplinés, des investissements à long terme. Ce qui demande une stabilité des rapports impossible sans un degré d’adhésion des dominés, qui suppose de leur céder une partie du gâteau pour prix de leur adhésion.

Les capitalistes ont très bien compris en 1945 – la peur du communisme soviétique les a bien aidés – que la stabilité de la société qui leur permet d’accumuler des richesses et d’en profiter repose sur le fait qu’aucune classe n’ait intérêt à renverser l’ordre institutionnel. Ce qui suppose que cet ordre lui laisse non seulement une part de gâteau conséquente, mais aussi une possibilité raisonnable de participer aux décisions et de les infléchir. C’est ce partage du gâteau et du pouvoir qui constitue le « pacte social » sur lequel la stabilité de notre démocratie s’est construite depuis la Libération.

Construire et préserver ce pacte social implique de la part des classes dominantes une grande intelligence. Car il s’agit non seulement d’évaluer correctement les rapports de force, mais aussi de mettre des limites aux instincts rapaces de toute classe dominante au nom d’une pensée systémique de long terme. L’idée qu’il vaut mieux se partager un grand gâteau que d’en avoir un petit pour soi tout seul n’est une idée naturelle pour aucune classe dominante, pas plus que n’est naturelle l’idée d’interdépendance entre la richesse des uns et le travail des autres : il a fallu une crise, une guerre mondiales et le fantôme du communisme pour que les bourgeoisies européennes se convertissent au keynésianisme et acceptent de partager une partie de leur cassette, pour qu’elles pensent en termes d’accumulation du capital social et pas seulement financier. Il en sortit le « pacte social » de 1945 : un capitalisme préservé dans ses rapports d’exploitation mais construit autour d’un Etat régulateur fort et garant d’une répartition de la richesse qui sans être juste était du moins acceptable par tous.

Avec l’effacement de la génération qui avait vécu la crise de 1929 et la deuxième guerre mondiale, cette intelligence a disparu. Le bloc dominant croit aujourd’hui que le rapport de forces favorable dont il bénéficie lui permet de gouverner la société selon son bon plaisir sans tenir compte de la dialectique entre l’intérêt général et son intérêt particulier. Et ce faisant, il pousse le pays lentement mais sûrement vers une situation ou la rupture de l’ordre social devient pour une couche de plus en plus importante une alternative acceptable et même désirable. C’est ainsi qu’on peut expliquer à mon avis la montée de la violence dans la société. Une montée de violence qu’on a pu observer lors des derniers mouvements sociaux, et notamment celui des « gilets jaunes », qui échappe à la logique des institutions politiques et syndicales – déchues, mais pas tout à fait disparues – qui ont été les piliers du « pacte social » de l’après-guerre. Une montée de la violence aussi dans les rapports sociaux, dans les rapports des gens avec les institutions et avec leurs concitoyens. Et ne parlons même pas de certains quartiers de marginalisation, où l’économie repose sur des trafics impossibles de concevoir dans le cadre d’un ordre social républicain.

Le macronisme a conservé la lettre de nos institutions en trahissant très profondément l’esprit. Pour s’en convaincre, il suffit par exemple de constater combien le gouvernement excipe aujourd’hui d’une légitimité électorale, celle des élections de 2017, pour fonder son droit à réformer le système de retraite sans tenir compte de l’avis de personne, que ce soit des organisations syndicales censées représenter le monde du travail, de l’opinion qui s’oppose massivement à cette réforme ou même des députés de sa propre majorité. A une grève qui rentrera dans l’histoire comme l’une des plus longues de notre histoire, et qui reste soutenue par une majorité de la population, quelle est la réponse du gouvernement ? Faire comme si le mouvement n’existait pas. Comme il l’a fait pour les « gilets jaunes », le gouvernement continue sa marche comme si de rien n’était, comme si en attendant les élections de 2022, on pouvait ignorer les multiples colères qui se manifestent dans le pays.

Le macronisme se veut « transgressif », et se fait une gloire de mettre par terre des institutions, des habitudes, des règles écrites ou non-écrites qui président à l’exercice du pouvoir politique. Mais ces règles, décrites invariablement comme obsolètes et poussiéreuses, ne sont pas là par hasard. Elles sont le produit d’une histoire, elles font partie des consensus qui permettent à la société de fonctionner paisiblement. Les jeter à bas, c’est renier cette histoire et de remplacer le règne de la règle par la toute-puissance du président-dictateur (2). Ceux qui accusaient De Gaulle ou Mitterrand de se comporter en monarque n’avaient rien vu : lorsque les citoyens grondaient, De Gaulle n’hésitait pas à recourir au référendum ou la dissolution pour demander au peuple de trancher, et Mitterrand retire on se souvient la loi Savary. Macron aujourd’hui comme Hollande hier se placent eux dans la logique « cause toujours… », sans se rendre compte que le peuple tirera une conclusion évidente : si gronder ne suffit plus, il faut mordre.

Descartes

(1) Je n’aborderai pas ici les autres formes démocratiques, et notamment la démocratie directe ou participative, dont j’ai eu l’occasion de souligner les vices par ailleurs. Je continue à soutenir que la fonction maïeutique du représentant, sa fonction de médiation entre les intérêts particuliers et l’intérêt général, sont irremplaçables.

(2) Et encore, si le président-dictateur faisait les choses bien… mais cette toute-puissance prend aujourd’hui une forme qui serait comique si l’affaire n’était pas aussi grave. Nous voici avec une réforme de fond de notre système de retraites préparée nous dit-on pendant deux ans… et que le gouvernement est incapable de décrire autrement que dans les grands principes, au point qu’on a l’impression qu’on découvre les problèmes. En deux ans, personne ne s’est rendu compte que le nouveau système appliqué tel quel allait réduire à la misère la retraite des enseignants ? Personne ne s’est rendu compte que certaines professions ont des spécificités qui interdisent un alignement sur un régime commun ? Comment a-t-on pu se lancer dans cette aventure sans avoir la moindre simulation à présenter, sans avoir une idée de comment le point sera calculé dans le nouveau système ? On finit par se demander si au gouvernement on ne croit qu’il suffit de dire « que la lumière soit » pour que les centrales électriques se construisent toutes seules.

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91 réponses à Le discours de la méthode XV: comment le pacte social fut brisé

  1. Ivanov dit :

    Excellente analyse, comme souvent. Aujourd’hui, la seule issue logique, me semble-t-il, consisterait à changer de premier ministre – Philippe est carbonisé, il a trop longtemps pris les gens de haut – puis à organiser un référendum sur la réforme des retraites. Après sa défaite, Macron aurait une petite chance de terminer paisiblement son mandat. Mais ça n’arrivera pas, et j’y vois trois raisons principales :
    1) Macron et la majorité de son personnel ne sont pas des politiciens professionnels. En conséquence, ils se fichent de l’avenir, parce que le leur sera de retourner exercer de hautes et rémunératrices responsabilités dans le privé, en vendant au passage un carnet d’adresses constitué aux frais de la République. On voit que le fantasme de la “société civile” (sans même parler du cauchemar du tirage au sort) est un leurre dangereux. Il y a beaucoup de comportements à améliorer chez nos femmes et hommes politiques, mais préférer des “amateurs”, on le constate à nos frais, n’est pas une solution. Pour Macron, par exemple, son “expérience de président” est une ligne de plus sur un CV qu’il lui reste vingt ou trente ans pour rentabiliser.
    2) Ni de Gaulle ni Mitterrand ne pouvaient s’appuyer sur une structure oligarchique et paranoïaque conçue pour gouverner un continent sans l’adhésion des populations. Et même en 1968, quand le Général a perdu pied, il y a eu un Pompidou (quoi qu’on en pense par ailleurs) pour négocier et mettre un terme au conflit.
    3) Le repli sur l’autoritarisme est aussi, et peut-être surtout, la conséquence du syndrome du “bunker” évoqué ci-dessus. Dans les principaux pays d’Europe, les gouvernements reposent sur des alliances farfelues (Italie et Espagne) des “grandes coalitions suicidaires” (Allemagne) ou des tours de passe-passe peu susceptibles de se reproduire (France). C’est la fête de la rustine, et ça ne peut pas bien se terminer, parce qu’on ne gouverne pas (longtemps) quelque cinq cent millions d’individus en étant minoritaire. La vraie démocratie représentative, celle que vous décrivez au début de votre texte, suppose qu’il y ait au moins un poignée de visions du monde et d’objectifs partagés par les “élites” et une majorité de citoyens. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et ça ne semble pas destiné à changer de si tôt.
    Cordialement

    • Descartes dit :

      @ Ivanov

      [Excellente analyse, comme souvent. Aujourd’hui, la seule issue logique, me semble-t-il, consisterait à changer de premier ministre – Philippe est carbonisé, il a trop longtemps pris les gens de haut – puis à organiser un référendum sur la réforme des retraites.]

      Si l’on se réfère à l’esprit de la Vème République, la seule issue logique serait soit une dissolution, soit un référendum, qui permettrait aux citoyens de s’exprimer sur une question où de toute évidence la position du gouvernement est remise en cause par le pays. Ma je n’imagine pas Macron ou Philippe prenant un tel risque.

      [1) Macron et la majorité de son personnel ne sont pas des politiciens professionnels. En conséquence, ils se fichent de l’avenir, parce que le leur sera de retourner exercer de hautes et rémunératrices responsabilités dans le privé, en vendant au passage un carnet d’adresses constitué aux frais de la République.]

      Tout à fait. Dans tous les domaines de l’activité humaine on a intérêt à s’adresser à des professionnels. Non seulement parce qu’ils ont l’expérience et la formation qu’il faut pour faire le boulot, mais parce qu’ils tiennent à leur réputation dans le milieu, réputation qui fait partie de leur fond de commerce. Pourquoi irait-il autrement en politique ? Les gens qui viennent, font un petit tour et puis s’en vont, sont un danger. Parce que, comme vous dites, ils n’ont aucun engagement de long terme dans le travail qu’ils font.

      [On voit que le fantasme de la “société civile” (sans même parler du cauchemar du tirage au sort) est un leurre dangereux. Il y a beaucoup de comportements à améliorer chez nos femmes et hommes politiques, mais préférer des “amateurs”, on le constate à nos frais, n’est pas une solution.]

      Tout à fait d’accord. Malheureusement, certaines croyances sont difficiles à éliminer. Le fantasme du « gouvernement des philosophes » traine depuis Platon. Le fantasme du gouvernement par « l’homme commun » traîne depuis les débuts de la démocratie.

      [2) Ni de Gaulle ni Mitterrand ne pouvaient s’appuyer sur une structure oligarchique et paranoïaque conçue pour gouverner un continent sans l’adhésion des populations. Et même en 1968, quand le Général a perdu pied, il y a eu un Pompidou (quoi qu’on en pense par ailleurs) pour négocier et mettre un terme au conflit.]

      C’est vrai pour De Gaulle, mais pas pour Mitterrand, qui a utilisé largement cette structure « oligarchique et paranoïaque » pour justifier le « tournant de la rigueur » de 1983. Mais il est vrai que les politiques de la génération de De Gaulle ou de celle de Mitterrand avaient un niveau d’écoute du peuple – grâce à des partis politiques enracinés capables de faire passer les messages – qui n’existe plus. Aujourd’hui, le monde politique tourne en vase clos, et nos politiques ne fréquentent et n’écoutent que des gens comme eux – c’est-à-dire, les classes intermédiaires. Les partis politiques sont réduits à des clubs de gens qui se ressemblent et dont le seul objectif est de conquérir des postes.

      [3) Le repli sur l’autoritarisme est aussi, et peut-être surtout, la conséquence du syndrome du “bunker” évoqué ci-dessus. Dans les principaux pays d’Europe, les gouvernements reposent sur des alliances farfelues (Italie et Espagne) des “grandes coalitions suicidaires” (Allemagne) ou des tours de passe-passe peu susceptibles de se reproduire (France).]

      Et pourtant, ça marche. Tout simplement parce que ces « alliances farfelues » ne sont pas si farfelues que ça. Elles regroupent des gens qui ont des discours opposés, mais qui ont les mêmes intérêts à cœur, ceux des classes intermédiaires. Ces alliances auraient été impossibles il y a cinquante ans, parce que les partis politiques représentaient des intérêts différents. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.

      Et tant que cela ne changera pas, nous continuerons dans cette logique de gouvernements minoritaires dans le pays qui tiennent leur pouvoir du fait qu’il n’existe aucune alternative, essayant de faire avaler des médecines amères aux couches populaires et provoquant de ce fait des explosions périodiques.

  2. Françoise dit :

    Encore faudrait-il que les contestataires du pouvoir soient majoritaires…
    Quand une poignée de grévistes-séditieux-casseurs (honte à eux) ne représentent personne d’autre qu’eux-mêmes, ils n’ont aucune légitimité démocratique pour imposer leur vue à la majorité qui a choisi un président qui avait prévenu, dès avant son élection, que son programme n’était pas construit pour plaire à des citoyens mais pour relever notre pays.
    Bravo à la majorité silencieuse des Parisiens et banlieusards qui ont supporté (presque) sans broncher des semaines de vélo et marche à pied, en soutien au gouvernement; et merci à ce gouvernement d’avoir tenu!

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Encore faudrait-il que les contestataires du pouvoir soient majoritaires…]

      Encore faudrait-il savoir ce que c’est un « contestataire du pouvoir ». Que doit entendre par cette formule ? Quelqu’un qui veut le départ de Macron ? Je ne doute pas qu’il y aurait une large majorité pour la souhaiter (après tout, il n’a fait que 24% des voix au premier tour de l’élection présidentielle). Quelqu’un qui s’oppose à la réforme des retraites ? Là encore, les sondages semblent indiquer que le système par points n’est pas soutenu que par une minorité, puisque les sondages indiquent qu’une majorité des Français – de l’ordre de 60% – juge le mouvement « justifié ».

      La réponse à cette question se trouve dans nos institutions. Pourquoi ne pas organiser un référendum sur les grands principes de la réforme des retraites ? Cela permettrait au peuple français de s’exprimer sans équivoque. Nous saurions alors si les « contestataires du pouvoir » sont ou non majoritaires…

      [Quand une poignée de grévistes-séditieux-casseurs (honte à eux) ne représentent personne d’autre qu’eux-mêmes, ils n’ont aucune légitimité démocratique pour imposer leur vue à la majorité qui a choisi un président qui avait prévenu, dès avant son élection, que son programme n’était pas construit pour plaire à des citoyens mais pour relever notre pays.]

      C’est justement tout le débat. Si on considère que la « légitimité démocratique » découle exclusivement de l’élection, alors vous avez raison : le peuple vote une fois tous les cinq ans, et entre deux élections il doit rester chez lui et accepter toutes les mesures prises par le gouvernement qu’il a élu sans aucune protestation. S’il n’est pas content, il pourra toujours sanctionner ses élus en votant contre eux, à supposer qu’ils se représentent. Si ce n’est pas le cas, alors aucune sanction n’est possible. Vous voyez bien les dangers d’une telle conception de la démocratie. Elle met le citoyen, censé être le souverain, à la merci de ses représentants.

      Mais il y a une autre conception de la démocratie, comme je l’ai expliqué dans mon papier : celle qui considère que si le vote exprime une confiance, il ne constitue pas un mandat ferme permettant à l’élu de faire ce qu’il veut entre deux élections. Le représentant a des pouvoirs, mais il les exerce dans un rapport dialectique avec le citoyen, qui peut à tout moment contester l’usage qui en est fait par les voix de la pétition, de la manifestation, de la grève. Et cela quand bien même la contestation serait « minoritaire ». Dans cette conception, les « grévistes » ne sont nullement des « séditieux », ils exercent leurs droits politiques – et c’est d’ailleurs pourquoi la grève est un droit constitutionnel.

      J’ajoute que je trouve drôle l’idée qu’un élu puisse prétendre que sa politique « n’est pas faite pour plaire aux citoyens mais pour relever le pays ». On se dit qu’une politique qui relève le pays ne peut que plaire aux citoyens, non ? Faut-il conclure que les citoyens ne veulent pas que le pays se relève, ou pire encore, qu’ils sont trop stupides pour comprendre quel est leur intérêt et ont besoin d’un dictateur qui « relève le pays » malgré eux ? Merci donc d’avoir rappelé cette citation, qui résume magnifiquement la conception macroniste de la démocratie. Le président-dictateur sait ce qui est bon pour le peuple, et lui imposera qu’il le veuille ou non.

      [Bravo à la majorité silencieuse des Parisiens et banlieusards qui ont supporté (presque) sans broncher des semaines de vélo et marche à pied, en soutien au gouvernement;]

      J’aime bien votre raisonnement. Si je comprends bien, le fait d’avoir pris son vélo ou de marcher pour aller à son travail lorsque les transports sont en grève est une marque de soutien au gouvernement ?

      [et merci à ce gouvernement d’avoir tenu!]

      D’avoir « tenu » quoi ? Je vous rappelle que le gouvernement a d’ores et déjà déclaré qu’une « règle d’or » empêchera le point de baisser (ce qui met par terre l’idée fondamentale d’un régime à points structurellement équilibré), que policiers, gendarmes, militaires, infirmiers et danseurs de l’Opéra garderaient des régimes d’exception (ce qui met par terre l’universalité du régime). Des idées de fond de la réforme, il ne reste pas grande chose… alors remercier le gouvernement d’avoir tenu, cela semble presque une plaisanterie.

      C’est cela qui est drôle. Pour se donner l’apparence de « tenir » et éviter la défaite politique, le gouvernement a déjà cédé sur plusieurs points absolument fondamentaux. Le régime qui est aujourd’hui proposé n’a plus rien « d’universel » (puisqu’il y aura plein d’exceptions), ce n’est plus un régime « à points » (au sens que le point sera fixé à un niveau qui ne dépendra pas des variations des cotisations perçues). Sauf à supposer que le gouvernement ne tiendra pas ses promesses (ce qui n’est pas à exclure, puisque le président a promis de « relever le pays » même si cela déplait aux Français, et qu’est-ce qu’un petit mensonge pour une fin aussi noble ?) on peut difficilement dire qu’il a « tenu ».

      Mais bon, dans ce pays il y a liberté de cultes. Si vous voulez chanter les louanges de Saint Macron, c’est votre affaire.

  3. bernard dit :

    Bonjour je serais curieux de savoir combien vont répondre a l’invitation de Asselineau pour fêter le brexit le 31 janvier , certains se réfugieront je pense derrière l’éventuelle présence de M Lepen ou les patriotes de Phillipot pour refuser l’invitation et ensuite si j’ai bien suivi l’actualité LFI de Corbiére se dit anti Boris Johnson , il y aura enfin que chacun va essayer de défendre son fond de commerce !!

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Bonjour je serais curieux de savoir combien vont répondre a l’invitation de Asselineau pour fêter le brexit le 31 janvier , certains se réfugieront je pense derrière l’éventuelle présence de M Lepen ou les patriotes de Phillipot pour refuser l’invitation et ensuite si j’ai bien suivi l’actualité LFI de Corbiére se dit anti Boris Johnson , il y aura enfin que chacun va essayer de défendre son fond de commerce !!]

      La route du rassemblement sera malheureusement très longue… Je trouverai très dommage que même pour fêter un évènement qui devrait réjouir le cœur de tous ceux qui sont attachés à la souveraineté nationale, on n’arrive pas à se mettre ensemble. Cela étant dit, je ne pense pas que le Brexit réjouisse LFI, par exemple. Derrière un vernis – d’ailleurs de plus en plus craquelé – le mouvement reste largement favorable à l’euro-supranationalité. L’esprit de Mitterrand est toujours là…

  4. Françoise dit :

    Ce n’est pas à vous qu’on va apprendre ce que veut dire “majorité”, absolue ou relative. LREM a la majorité, et est la majorité.
    Vous étiez vous -même d’accord pour se méfier d’abord des sondages puis des referendums (il faudrait que je retrouve vos citations) et que seules les urnes donnaient la légitimité.
    “démocratique”, c’est le pouvoir du peuple, c’est bien par une majorité qu’il s’impose, et non pas par un blocage par une poignée d’individus malveillants qui gueulent, même fortement.
    “à la merci” est un mot bizarre: le pouvoir n’est pas venu par hasard, il a été porté par une majorité de citoyens qui VEULENT réformer le pays. Les mécontents peuvent toujours manifester, faire la grève ou signer des pétitions, personne ne les en empêche; en revanche, ceux qui appellent à des actes violents et ceux qui commettent des actes violents contre l’Etat sont des séditieux et sont punis par la loi, je ne vois pas quel citoyen digne de ce nom pourrait objecter à cela.
    Et oui, si la politique présidentielle pour relever le pays plait à de nombreux citoyens, ce n’est pas le but recherché par Macron qui se fiche pas mal de tous les sondages qui sortent de partout et nulle part.
    Vous pourrez dire qu’il vous embarque “malgré vous”, si vous êtes une poignée, c’est plutôt anti démocratique, non?
    A pied, à cheval ou à vélo, nous avons serré les dents et montré aux grévistes irresponsables que leur petit jeu ne sert à rien.
    La plaisanterie, c’est de croire les résosocios avec des calculs de retraite imaginaires; la réforme mettra du temps à s’adapter, c’est un fait que j’accepte. J’en profite pour commenter sur les soi disants régimes d’exception: les militaires bossent au moins 70h par semaine, ne prennent pas leurs jours de congé, et sont rappelés nuits et week ends sans un centime de plus sur leur solde: cela vaut bien une petite retraite anticipée, des petits points pénibilité, non?
    Je ne suis adepte d’aucun culte mais vos justifications ne tiennent simplement pas la route.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Ce n’est pas à vous qu’on va apprendre ce que veut dire “majorité”, absolue ou relative. LREM a la majorité, et est la majorité.]

      Décidément, vous ne changerez jamais… vous continuez à penser que parce que vous affirmez autoritairement votre conviction, vous avez démontré quelque chose. Examinons votre première affirmation : « LREM a la majorité ». Si par-là là vous entendez que les députés appartenant au groupe LREM sont majoritaires à l’Assemblée nationale, c’est un fait que je ne pense pas avoir contesté. Mais ce fait n’implique nullement que LREM puisse compter sur un soutien majoritaire dans le pays. Prenons maintenant votre deuxième affirmation : « LREM est la majorité ». Là, je vous avoue, je reste pantois. LREM « est » la majorité de quoi ? Vous pouvez soutenir qu’une majorité a voté pour Macron, mais il serait ridicule d’affirmer que Macron « est » la majorité.

      [Vous étiez vous -même d’accord pour se méfier d’abord des sondages puis des referendums (il faudrait que je retrouve vos citations)]

      Il faudrait, en effet. Car si je soutiens qu’il faut se méfier des sondages, je ne crois jamais avoir dit que je me « méfiais des référendums ». Je suis tout à fait opposé au référendum d’initiative populaire à propos de tout et n’importe quoi, parce que je pense qu’il deviendrait très vite un instrument démagogique pour s’opposer à tout. Mais utiliser le référendum pour qu’un gouvernement puisse légitimer sa politique sur un point précis et important pour l’avenir du pays, je suis toujours pour.

      [et que seules les urnes donnaient la légitimité.]

      Tout à fait. Mais si le passage par les urnes est une condition NECESSAIRE à la légitimité à gouverner, il n’est pas une condition SUFFISANTE. Pour le dire autrement, seuls les élus peuvent faire la loi, mais ils ne sont pas pour autant légitimes à faire n’importe quelle loi qui leur passe par la tête. Les élus sont tenus de maintenir un dialogue permanent avec les citoyens, de tester en permanence leur légitimité à leur contact.

      [“démocratique”, c’est le pouvoir du peuple, c’est bien par une majorité qu’il s’impose, et non pas par un blocage par une poignée d’individus malveillants qui gueulent, même fortement.]

      C’est votre opinion, ce n’est pas la mienne. Ni, j’ajoute, celle du constituant français. Car il ne vous aura pas échappé que la Constitution protège le droit de grève quand bien même les grévistes seraient minoritaires. Pourquoi, à votre avis, le constituant n’a pas cru nécessaire d’exiger – comme cela se fait dans d’autres pays – que les grévistes démontrent être majoritaires avant d’autoriser l’arrêt du travail ?

      Je pense que vous confondez la démocratie avec la dictature de la majorité. Et en plus, vous accordez à une majorité qui s’est exprimée à un moment donné de gouverner pendant cinq ans comme si elle restait majoritaire. Il faut réaliser que la « majorité » n’est en fait qu’une convention. En France, le président est élu par une majorité absolue des citoyens. Aux Etats-Unis, par une majorité de grands électeurs, et il est légitime quand bien même il serait minoritaire en voix (c’est le cas de Donald Trump). En Grande Bretagne, la majorité relative suffit pour élire ses représentants. Et au fond, cela n’a pas d’importance aussi longtemps qu’on sait que les représentants ainsi élus ne peuvent se dispenser d’écouter les citoyens. Vous noterez d’ailleurs que l’on écoute plus attentivement certaines minorités que certaines majorités…

      [“à la merci” est un mot bizarre: le pouvoir n’est pas venu par hasard, il a été porté par une majorité de citoyens qui VEULENT réformer le pays.]

      Non. Tout au plus, il a été porté par une majorité de citoyens qui, en mai 2017, VOULAIENT réformer le pays. Rien ne garantit qu’ils le VEULENT toujours aujourd’hui, pas plus que rien ne garantit qu’ils veulent – ou qu’ils aient jamais voulu – l’ensemble des réformes proposées par Macron. Encore une fois, je constate que vous adhérez à une version ultra-statique de la démocratie : une fois que les électeurs ont voté, ils n’ont qu’à rentrer chez eux et attendre. Car leur participation démocratique, leur capacité d’infléchir les décisions ne se manifeste qu’à ce moment-là.

      [Les mécontents peuvent toujours manifester, faire la grève ou signer des pétitions, personne ne les en empêche; en revanche, ceux qui appellent à des actes violents et ceux qui commettent des actes violents contre l’Etat sont des séditieux et sont punis par la loi, je ne vois pas quel citoyen digne de ce nom pourrait objecter à cela.]

      Mais que se passe-t-il si les mécontents manifestent, font la grève, signent des pétitions et que les représentants élus n’en tiennent pas compte ? Soit les gens rentrent chez eux, et alors on peut se demander à quoi le droit de grève, de manifestation ou de pétition servent ; soit les gens passent à des actions, comment dire, moins « sages ».

      Nous ne sommes pas dans le monde des bisounours. Si l’on arrive à une situation dans laquelle une part importante – je la pense majoritaire, mais importante suffira – de la population ne trouve aucun écho dans le système démocratique, il rejettera ce système et cherchera à faire valoir ses revendications par d’autres moyens. Je ne dis pas que c’est bien ou c’est mal, je dis que c’est comme ça. La paix civile repose sur la capacité du système institutionnel à écouter tout le monde et à distribuer les richesses et les pouvoirs d’une façon qui, à défaut d’être juste, fasse que l’immense majorité des citoyens ait un intérêt à le soutenir. Lorsque le système n’est géré que dans l’intérêt d’une minorité, et n’écoute personne d’autre, la paix civile est menacée.

      [Et oui, si la politique présidentielle pour relever le pays plait à de nombreux citoyens, ce n’est pas le but recherché par Macron qui se fiche pas mal de tous les sondages qui sortent de partout et nulle part.]

      Qu’il se fiche des sondages, cela ne me pose aucun problème. Qu’il se fiche du sentiment des électeurs, c’est déjà plus embêtant. Parce que dans une démocratie les représentants ont été élus pour agir dans l’intérêt de la nation, et non en fonction de leurs caprices.

      [Vous pourrez dire qu’il vous embarque “malgré vous”, si vous êtes une poignée, c’est plutôt anti démocratique, non? A pied, à cheval ou à vélo, nous avons serré les dents et montré aux grévistes irresponsables que leur petit jeu ne sert à rien.]

      Je croyais que vous viviez en Allemagne. A quoi rime alors ce « nous avons serré les dents » ? Vous n’avez « serré aucune dent », que je sache. Maintenant sur le fond : qu’on puisse se réjouir qu’un mouvement soutenu par une majorité de Français « ne serve à rien » me semble être le comble de l’aveuglement. Mon idée de la démocratie est un système où lorsque les gens se mobilisent, s’expriment, agissent, cela « sert à quelque chose ». Et dites-vous bien que si demain protester pacifiquement « ne sert à rien », les gens auront recours à d’autres méthodes et on peut difficilement les blâmer.

      [La plaisanterie, c’est de croire les résosocios avec des calculs de retraite imaginaires; la réforme mettra du temps à s’adapter, c’est un fait que j’accepte.]

      A « s’adapter » à quoi ?

      [J’en profite pour commenter sur les soi disants régimes d’exception:]

      C’est quoi les « soi-disant régimes d’exception » ? A ma connaissance, aucun régime de retraite ne se qualifie lui-même de « régime d’exception », et personne sauf vous n’utilise cette formulation. Faites-vous référence aux « régimes spéciaux », ou bien avez-vous inventé une nouvelle notion ?

      [les militaires bossent au moins 70h par semaine, ne prennent pas leurs jours de congé, et sont rappelés nuits et week ends sans un centime de plus sur leur solde: cela vaut bien une petite retraite anticipée, des petits points pénibilité, non?]

      Je ne sais pas d’où vous sortez ces chiffres. Je connais pas mal de militaires qui travaillent au ministère des armées. Ils ne travaillent pas plus que le personnel civil, ils prennent leur congés comme tout le monde, et ne sont pas rappelés la nuit ou le week end plus souvent que leurs collègues civils. Ce que vous décrivez est vrai pour les militaires en opérations. Mais il ne vous aura pas échappé que les militaires ne passent qu’une fraction de leur carrière dans ce contexte.

      Cela étant dit, je trouve drôle que vous vous adressiez à moi comme si j’étais un adversaire des régimes spéciaux. C’est tout le contraire : j’ai même écrit un papier sur ce blog pour défendre les régimes spéciaux (dont celui des militaires, qui semble-t-il sont l’objet de toute votre sollicitude). C’est votre Macron adoré qui au contraire a promis la fin des régimes spéciaux (dont celui des militaires, qui semble-t-il… etc.) pour fondre tout le monde dans un régime « universel » ou toutes les différences de traitement seraient effacés, « un point valant un point » pour tout le monde.

      Bien entendu, le rêve macronien a buté sur la réalité, et maintenant on apprend que le régime « universel » ne sera finalement pas si « universel » que cela, que pompiers, militaires, infirmiers, danseurs de l’opéra – et la liste va s’allonger certainement avec le temps – auront des aménagements qui tiendront compte de leurs spécificités. Mais soyez consciente que ces aménagements – que, si j’ai bien compris votre commentaire, vous paraissent entièrement justifiés au moins pour les militaires – sont un RECUL de Macron, un ABANDON par rapport à son projet. Que vous ne vouliez pas admettre que Macron est faillible, c’est votre affaire. Mais sur cette affaire, il s’est de toute évidence trompé.

      [Je ne suis adepte d’aucun culte mais vos justifications ne tiennent simplement pas la route.]

      Je laisse les lecteurs juges…

      • Françoise dit :

        “Lorsque le système n’est géré que dans l’intérêt d’une minorité” c’est vous qui le dites, ce n’est pas vérifié.
        “dans une démocratie les représentants ont été élus pour agir dans l’intérêt de la nation” bravo, vous avancez dans la bonne direction, creusez encore!
        et non, je suis rentrée en France depuis quelques années… banlieusarde désormais, mais j’ai jeté mon gilet jaune de cycliste à la poubelle en novembre 2018!
        “on peut difficilement les blâmer.” je ne sais pas qui vous mettez derrière ce “on” malhonnête mais la loi est la même pour tous.
        “C’est quoi les « soi-disant régimes d’exception » ?” comme vous me paraissez très fatigué ou plutôt, vous lisant depuis longtemps, de très mauvaise foi, je vous informe que ce mot “d’exception” apparait sur votre réponse de ce matin et que j’ai pris soin d’y ajouter “soi disant” pour bien indiquer le caractère farfelu de votre discours.
        Pour les militaires, chacun a des responsabilités différentes mais « les militaires peuvent être appelés à servir en tout lieu en tout temps » (artL4121-5 du code de la Défense). En opex, ils ont des primes, pas au ministère. Vos collègues civils n’ont pas une compensation financière ou un repos supplémentaire quand leur temps de travail est rallongé sur la nuit ou les we?
        “C’est votre Macron adoré qui au contraire a promis la fin des régimes spéciaux (dont celui des militaires,” Notre président élu a justement dit que les militaires ne seraient pas concernés par la réforme des retraites car ils reçoivent une pension, faut suivre avant de poster.

        • Descartes dit :

          @ Françoise

          [“Lorsque le système n’est géré que dans l’intérêt d’une minorité” c’est vous qui le dites, ce n’est pas vérifié.]

          C’est moi qui dit quoi ? La locution « lorsque » introduit un prédicat hypothétique. « Lorsque vous perdez vous chaussures, il ne vous reste qu’à marcher pieds nus ». La formule n’affirme pas que vous ayez perdu votre chaussure, seulement que dans l’hypothèse où vous la perdriez, une certaine conséquence s’en suivrait…

          Cela étant dit, si vous pensez que Macron gère la France dans l’intérêt de la majorité… vous devriez vous demander pourquoi la majorité ne lui fait pas confiance.

          [“dans une démocratie les représentants ont été élus pour agir dans l’intérêt de la nation” bravo, vous avancez dans la bonne direction, creusez encore!]

          Je creuse encore : qui est habilité pour déterminer à chaque instant quels sont les « intérêts de la nation » ? Pour cela, je fais plus confiance aux citoyens qu’à un président-dictateur qui n’écoute personne.

          [“on peut difficilement les blâmer.” je ne sais pas qui vous mettez derrière ce “on” malhonnête mais la loi est la même pour tous.]

          Je ne vois pas en quoi ce « on » serait malhonnête. Mais vous avez raison. Il est facile de les blâmer. Malheureusement.

          [“C’est quoi les « soi-disant régimes d’exception » ?” comme vous me paraissez très fatigué ou plutôt, vous lisant depuis longtemps, de très mauvaise foi, je vous informe que ce mot “d’exception” apparait sur votre réponse de ce matin et que j’ai pris soin d’y ajouter “soi disant” pour bien indiquer le caractère farfelu de votre discours.]

          Je m’excuse, je n’avais pas bien compris. Je pensais que vous parliez du régime existant, pas du régime futur – qu’il faut bien appeler « d’exception » puisqu’il s’inscrit par exception dans un régime dit « universel ».

          [Pour les militaires, chacun a des responsabilités différentes mais « les militaires peuvent être appelés à servir en tout lieu en tout temps » (artL4121-5 du code de la Défense).]

          Je vous invite à réflechir sur la différence qui existe entre « peuvent » et « sont ». Il n’en reste pas moins que les militaires qui ne partent pas en OPEX bénéficient du même régime « spécial » de retraite que les autres. CQFD

          [“C’est votre Macron adoré qui au contraire a promis la fin des régimes spéciaux (dont celui des militaires,” Notre président élu a justement dit que les militaires ne seraient pas concernés par la réforme des retraites car ils reçoivent une pension, faut suivre avant de poster.]

          Effectivement, faut “suivre”. Si je vous comprend bien, les fonctionnaires civils ne seront donc pas concernés, puisque eux aussi reçoivent une “pension”. Je vous rappelle que les retraites des fonctonnaires civils comme militaires sont régis par un étrange document appellé “Code des pensions civiles et militaires de retraite”.

          Par ailleurs, je vous rappelle que pendant sa campagne, notre président avait promis un régime « universel » qui serait le même pour tous. On voit mal comment une telle promesse pourrait préserver le régime spécial des militaires. Mais si vous me dites maintenant que dès le départ Macron avait prévu de préserver des régimes « spéciaux »…

  5. Marcailloux dit :

    Bonjour,
    Avec beaucoup de retard, recevez mes meilleurs vœux de sérénité et de santé pour 2020.

    Pour l’essentiel, votre billet est, comme à l’habitude, bourré de pertinence. Néanmoins cette pertinence me semble avoir de plus en plus l’odeur du rassis. Les fractures dont vous faites écho se situent à l’intérieur de la « classe intermédiaire » plus qu’entre les classes. Et c’est ce qui me parait le plus inquiétant dans notre pays. Ce n’est pas la lutte des classes que l’on doit redouter mais la guerre civile à l’intérieur de la classe majoritaire, l’ « intermédiaire », que l’on peut estimer à 2/3 de la population.

    [C’est ce partage du gâteau et du pouvoir qui constitue le « pacte social » sur lequel la stabilité de notre démocratie s’est construite depuis la Libération.]
    57% de redistribution du PIB, c’est-à-dire 43% « libérés » dont une grande partie consacrée aux salaires nets des actifs. Certains profits sont iniques et justifient une franche contestation mais si l’on considère que les 57% redistribués le sont à «front renversé » plus proportionnellement pour les petits revenus, nous ne sommes tout de même pas loin d’un régime communiste – comme l’avait indiqué feu Bernard Maris – dans un pays qui présente une productivité de type capitaliste, ce qui n’était pas le cas et de loin de l’Union soviétique.
    Vue de l’intérieur, la France est une dictature broyant ses enfants sous la férule d’ogres capitalistes. Vue de l’extérieur, elle donne l’image du paradis sur terre où tous rêvent de vivre. J’exagère à peine.

    [Comme il l’a fait pour les « gilets jaunes », le gouvernement continue sa marche comme si de rien n’était, comme si en attendant les élections de 2022, on pouvait ignorer les multiples colères qui se manifestent dans le pays.]
    Il n’y a rien de moins certain que le soutien de la majorité de la population aux grèves et revendications que le pays subit. Nous ne connaissons en général pas vraiment les questions qui sont posées dans les sondages et les réponses semblent autant représenter une condamnation de l’amateurisme dont a fait preuve le gouvernement dans la conduite de son projet que la virulence des opposants politiques et « syndicalocorporatistes ». Et puis, ce qui n’est pas encore démontré, c’est l’ampleur de la nuance entre comprendre et soutenir. Je comprends tout a fait que des salariés dont une menace plane sur la position favorable dont ils jouissent, puissent manifester. Cela ne veut pas pour autant dire que je les soutiens inconditionnellement.
    P. Martinez réclamait dernièrement, dans une interview télévisée, une mise à plat générale, avec tous les chiffres disponibles. Eh bien je suis tenté de lui dire « chiche » Monsieur Martinez et on expose la réalité non biaisée par des informations qui, dans l’absolu ne sont pas forcément mensongères mais comme elles sont tronquées, altèrent considérablement la réalité vraie et entière des situations respectives de tous les citoyens.

    [Macron aujourd’hui comme Hollande hier se placent eux dans la logique « cause toujours… », sans se rendre compte que le peuple tirera une conclusion évidente : si gronder ne suffit plus, il faut mordre.]
    Mais mordre pour arriver à quoi ? Pour l’avènement d’un Mélenchon proto Chavez ? D’une Le Pen proto Trump ? ? ? Que peut, dans cette perspective, espérer le peuple qui produit la richesse du pays ?
    Le principe de la retraite à points ne présente pas, par essence, de tare particulière et a l’avantage, reconnu par une large majorité de Français, de permettre – si elle est bien constituée dans ses modalités d’application – une répartition la plus équitable possible entre ses bénéficiaires. C’est parce que, comme vous le soulignez en annexe, elle a été conduite avec une rare maladresse et un amateurisme consommé, que de nombreux partisans de cette méthode la rejettent, souhaitant, par là même jeter le bébé avec l’eau du bain.
    Si l’on reprend l’exemple des enseignants je constate entre autres deux aberrations dans le débat actuel.
    – La perte hypothétique ressentie et légitimement crainte est fondée sur un modèle de simulation qui avait, selon son concepteur à la CGT, pour but de donner des arguments chocs au débat et dont la vocation était délibérément partisane. Comment peut-on imaginer qu’une profession déjà mal rémunérée puisse à terme subir une perte- selon plusieurs témoignages d’enseignants qui se sont laissé abuser – de 900 euros par mois. Une telle naïveté me navre de la part d’une personne chargée de l’éducation de nos enfants. Mais c’est bien connu, plus c’est gros mieux ça passe.
    – Un enseignant qui ferait la plus grande partie de sa carrière dans les quartiers chics partira en même temps qu’un enseignant de même qualification qui se coltinera presque toute sa carrière les loubards de banlieue.
    C’est ça le corporatisme que refuse la majorité des Français.
    Il en va de même pour les bénéficiaires des régimes spéciaux où tout le monde est mis dans le même sac, ceux qui sont sur les chantiers, en 3×8 – 365 jours par an et leurs « collègues » administratifs, au siège, au chaud, aux 32h quelquefois qui assurent leur service la semaine entre 8h et 16h, en bénéficiant le cas échéant d’un logement social à proximité.
    Et des cas aberrants il en existe des masses.
    Un système à point bien élaboré permet une juste rétribution personnalisée des contraintes et exigences de chaque fonction exercée et rabote l’iniquité d’avantages acquis à des périodes qui, sans doute le justifiaient mais qui sont révolues. L’objection de la fixation de la valeur du point peut facilement être réfutée par la mise en place d’une gestion paritaire, comme cela fonctionne très bien à l’AGIRC-ARRCO.
    Finalement, il y a un ratio qui me parait extrêmement significatif. Comme ratio il ne présente d’intérêt que par la comparaison qu’il permet avec l’environnement mondial. C’est celui des heures travaillées, par an, en France divisées par le nombre d’habitants. Il est de l’ordre (de mémoire) de 630h chez nous pour culminer à plus de 1200h en Corée du sud. Les autres pays se situent entre ces deux extrêmes. Si l’on veut jouir d’un meilleur niveau de vie, on a deux voies possibles ;
    – Ruiner les riches et on va pouvoir se prélasser pendant 1 an ou 2. On sera soulagé dans notre quête d’égalitarisme. Puis nous reviendrons au problème initial, alors amplifié.
    – Travailler un peu plus (en moyenne) et conditionner au moins partiellement les aides de tous poils à une activité productive de richesse.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Avec beaucoup de retard, recevez mes meilleurs vœux de sérénité et de santé pour 2020.]

      Merci, également. Et c’est toujours un plaisir de vous voir par ici !

      [Pour l’essentiel, votre billet est, comme à l’habitude, bourré de pertinence. Néanmoins cette pertinence me semble avoir de plus en plus l’odeur du rassis.]

      Que voulez-vous : on peut inventer un nouveau mensonge chaque jour, mais lorsqu’on choisit la vérité, on ne peut que se répéter… c’est pourquoi ceux qui veulent être originaux choisissent toujours le mensonge… 😉

      [Les fractures dont vous faites écho se situent à l’intérieur de la « classe intermédiaire » plus qu’entre les classes. Et c’est ce qui me parait le plus inquiétant dans notre pays. Ce n’est pas la lutte des classes que l’on doit redouter mais la guerre civile à l’intérieur de la classe majoritaire, l’ « intermédiaire », que l’on peut estimer à 2/3 de la population.]

      Absolument pas. D’abord, je ne vois pas d’où vous tirez l’idée que les « classes intermédiaires » représenteraient deux tiers de la population. Vous pensez réellement que seul un travailleur sur trois est exploité ? Que deux tiers de la population a un revenu égal ou supérieur à la richesse qu’il produit par son travail ?

      Sur cette question, je ne peux que vous conseiller la lecture du « No society » de Christophe Guilluy. Sa théorie – assez proche de la mienne, même si le vocabulaire est différent – est que les classes moyennes au sens sociologique du terme se sont effondrées. La partie supérieure (ce que dans mon vocabulaire j’appelle les « classes intermédiaires ») ont rejoint la bourgeoisie pour constituer un bloc dominant, la partie inférieure a été marginalisée avec les classes populaires. Il évalue le « bloc dominant » entre 25 et 30% de la population, ce qui n’est pas très loin de ma propre estimation.

      Mais sur le fond, je vois mal en quoi la problématique que j’évoque opposerait des fractions d’une même classe. La réforme qui s’annonce ne touche guère la bourgeoisie – dont le revenu ne dépend que marginalement du système public de retraites. Il ne touchera que marginalement les « classes intermédiaires », dont les carrières sont généralement linéaires et dont le revenu leur permet d’accumuler suffisamment pour complémenter la retraite publique avec un revenu de capitalisation. Son effet le plus lourd se fera sentir au contraire sur les couches populaires, dont les carrières peuvent être fortement heurtées et l’accumulation plus faible.

      [« C’est ce partage du gâteau et du pouvoir qui constitue le « pacte social » sur lequel la stabilité de notre démocratie s’est construite depuis la Libération. » 57% de redistribution du PIB, c’est-à-dire 43% « libérés » dont une grande partie consacrée aux salaires nets des actifs.]

      Pourriez-vous m’indiquer d’où sortent vos chiffres ? Que la dépense publique représente 57% du PIB n’implique nullement que ce 57% soit « redistribué ». Dans certains cas la dépense publique est même contre-redistributive : pensez par exemple au budget de la création culturelle, ou celui de l’enseignement supérieur : à votre avis, quelle proportion de cette dépense bénéficie aux couches populaires, qui pourtant en supportent leur part du coût ? Et je ne parle même pas des subventions aux entreprises…

      En fait, seule une proportion limitée de la dépense publique est redistributive. C’est le cas pour les dépenses sociales ciblées : RSA, logement social, etc.. Mais la sécurité sociale ou l’assurance retraite (qui représentent l’essentiel de la dépense publique) ne sont que faiblement redistributives, pour la simple raison que les riches vivent plus vieux et se soignent donc plus. Pas plus que ne sont redistributives les dépenses de souveraineté : la police est bien plus présente dans les quartiers riches, les tribunaux traitent bien plus d’affaires concernant les gens qui ont du bien, l’armée et la diplomatie défendent bien plus efficacement les intérêts des entrepreneurs que celui des salariés. Je vous rassure donc : nous sommes très, mais alors très loin d’un « pays communiste ».

      [Vue de l’intérieur, la France est une dictature broyant ses enfants sous la férule d’ogres capitalistes. Vue de l’extérieur, elle donne l’image du paradis sur terre où tous rêvent de vivre. J’exagère à peine.]

      Les deux visions sont très exagérées. La France est un pays capitaliste, qui bénéficie encore des lambeaux du « pacte social » conclu à la Libération. Mais donnez quelques années encore à Macron, et on s’approchera assez de la première version…

      [Il n’y a rien de moins certain que le soutien de la majorité de la population aux grèves et revendications que le pays subit.]

      Rien n’est certain dans ce bas monde, et je partage votre méfiance quant aux indications données par les sondages. Cependant, il y a certains signes qui ne trompent pas. Le plus frappant est le peu d’énervement des usagers, qui confine à la bienveillance. Usager constant des transports en commun en région parisienne, j’ai pu le constater de visu.

      [Nous ne connaissons en général pas vraiment les questions qui sont posées dans les sondages et les réponses semblent autant représenter une condamnation de l’amateurisme dont a fait preuve le gouvernement dans la conduite de son projet que la virulence des opposants politiques et « syndicalocorporatistes ».]

      Je pense que la justesse d’une revendication ne se juge pas « in abstracto ». Si le gouvernement conduit mal la réforme – quand bien même celle-ci serait en théorie acceptable – les gens seront amenés à soutenir le mouvement qui s’oppose à celle-ci. Et ce soutien n’est pas moins « légitime » que s’il portait sur le fond de l’affaire. Personnellement, si j’étais à la place de Macron j’aurais déjà déclaré que la réforme est juste, mais qu’elle est mal préparée et qu’il faut donc prendre du temps pour la réussir. Donc, retarder la présentation du projet de loi et ouvrir des discussions – et faire le travail technique qui de toute évidence n’a pas été fait.

      [Et puis, ce qui n’est pas encore démontré, c’est l’ampleur de la nuance entre comprendre et soutenir. Je comprends tout a fait que des salariés dont une menace plane sur la position favorable dont ils jouissent, puissent manifester. Cela ne veut pas pour autant dire que je les soutiens inconditionnellement.]

      « D’abord ils sont venus chercher les communistes… » cela ne vous dit rien ?
      Dans notre beau pays, ceux qui jouissaient d’une « position favorable » ont toujours joué le rôle de locomotive sociale, leurs conquêtes diffusant lentement dans l’ensemble de la société. On peut comprendre la schadenfreude d’une partie des travailleurs français voyant s’envoler en fumée les prétendus « privilèges » de certaines catégories. Seulement, il faut voir que ces « privilèges » agissent comme une ligne de protection pour les salariés moins « privilégiés », parce que dans un marché concurrentiel comme l’est celui du travail, ceux-ci servent de référence. Leur suppression, c’est la porte ouverte au nivellement par le bas.

      [P. Martinez réclamait dernièrement, dans une interview télévisée, une mise à plat générale, avec tous les chiffres disponibles. Eh bien je suis tenté de lui dire « chiche » Monsieur Martinez et on expose la réalité non biaisée par des informations qui, dans l’absolu ne sont pas forcément mensongères mais comme elles sont tronquées, altèrent considérablement la réalité vraie et entière des situations respectives de tous les citoyens.]

      Vous noterez que le gouvernement ne partage nullement votre équanimité, et n’a aucune intention de dire « chiche » à la proposition de Martinez. Pourquoi, à votre avis ? Parce que mettre tous les chiffres sur la table – je dis bien TOUS – révèlerait bien des choses gênantes. En particulier, le fait que les régimes spéciaux ne constituent nullement des « privilèges », les avantages retraite étant en général compensés par des salaires plus faibles en cours de carrière. Mais aussi et surtout les avantages de certaines catégories, ceux des cadres supérieurs du privé par exemple, qui bénéficient de retraites-chapeau par capitalisation payées par les contribuables à travers les avantages fiscaux…

      [« Macron aujourd’hui comme Hollande hier se placent eux dans la logique « cause toujours… », sans se rendre compte que le peuple tirera une conclusion évidente : si gronder ne suffit plus, il faut mordre. » Mais mordre pour arriver à quoi ? Pour l’avènement d’un Mélenchon proto Chavez ? D’une Le Pen proto Trump ? ? ? Que peut, dans cette perspective, espérer le peuple qui produit la richesse du pays ?]

      Je ne crois pas que la colère des couches populaires puisse amener au pouvoir un Mélenchon. Lisez les propositions de LFI : elles se confondent avec les demandes des classes intermédiaires (petit aparté : vous pouvez trouver sur le site de LFI à la page « atelier des lois » parmi les textes soumis à discussion non seulement des projets de loi, mais aussi des projets de directive européenne… comme quoi LFI ne voit aucun inconvénient à ce que l’Europe impose sa loi aux gouvernements nationaux), et cela se voit.

      Aujourd’hui, la « common decency » à laquelle aspirent les couches populaires est plutôt du côté des conservateurs, et non d’une gauche devenue « libérale-libertaire ». Et puis, les ouvriers américains ont ils souffert des politiques de Trump ? Je ne saurais le dire, et cela a finalement peu d’importance : En tout cas, ils se sentent au moins écoutés, et la meilleure preuve en est qu’ils s’apprêtent à revoter pour lui.

      [Le principe de la retraite à points ne présente pas, par essence, de tare particulière et a l’avantage, reconnu par une large majorité de Français, de permettre – si elle est bien constituée dans ses modalités d’application – une répartition la plus équitable possible entre ses bénéficiaires.]

      Je pense que vous oubliez un élément fondamental : dans sa conception originale, la retraite à points implique un ajustement du point à la hausse ou à la baisse en fonction des recettes. Cela rend le système puissamment pro-cyclique, puisqu’en période de récession la baisse des cotisations et donc des pensions contribue à approfondir celle-ci, en période de vaches grasses les cotisations et donc les pensions augmentent et poussent donc l’économie à la surchauffe. Les systèmes de retraite à prestations définies sont un puissant « stabilisateur automatique »… n’est-ce pas là une « tare particulière » qu’il faut prendre en compte ?

      [C’est parce que, comme vous le soulignez en annexe, elle a été conduite avec une rare maladresse et un amateurisme consommé, que de nombreux partisans de cette méthode la rejettent, souhaitant, par là même jeter le bébé avec l’eau du bain.]

      Pas seulement. Le principe d’un point qui pourrait être ajusté à la baisse a été rejeté dès le départ et si majoritairement que le gouvernement a reculé rapidement sur cette question, en affirmat qu’il y aurait une « règle d’or » empêchant le point de baisser. Ce n’est pas un point secondaire, une question d’impréparation ou d’amateurisme : c’est un point fondamental du système à points qui a été remis en cause.

      Mais il est clair que l’amateurisme et les maladresses du gouvernement n’ont rien arrangé. Par ailleurs, cette affaire illustre bien le fait que le terme « technocratie » est inapproprié pour désigner la nouvelle caste politique issue du macronisme. Le propre du technocrate, c’est justement de donner plus d’importance aux moyens qu’aux fins. Une « technocratie » digne de ce nom aurait produit un projet peut-être absurde dans ses résultats, mais impeccable dans son organisation et son fonctionnement. Or, c’est tout le contraire que nous avons devant nos yeux : un gouvernement qui proclame les principes de sa réforme, mais qui est incapable d’expliquer son fonctionnement en pratique…

      [– La perte hypothétique ressentie et légitimement crainte est fondée sur un modèle de simulation qui avait, selon son concepteur à la CGT, pour but de donner des arguments chocs au débat et dont la vocation était délibérément partisane. Comment peut-on imaginer qu’une profession déjà mal rémunérée puisse à terme subir une perte- selon plusieurs témoignages d’enseignants qui se sont laissé abuser – de 900 euros par mois. Une telle naïveté me navre de la part d’une personne chargée de l’éducation de nos enfants. Mais c’est bien connu, plus c’est gros mieux ça passe.]

      Je trouve vos arguments étranges. Si je comprends bien, le fait que le modèle de simulation ait été conçu par la CGT et soit donc « partisan » implique nécessairement que ses résultats sont faux ?

      Oui, on peut parfaitement « imaginer » que le nouveau calcul conduise à des pertes aussi importantes dans la pension d’un enseignant. Un calcul approché vous permet de comprendre pourquoi. La retraite des fonctionnaires est grosso modo de 75% du TRAITEMENT – c’est-à-dire, le salaire hors primes – des six derniers mois. Dans le régime général, c’est 50% du salaire des vingt-cinq meilleures années, primes comprises. Imaginons maintenant que l’on alignait les fonctionnaires sur le régime général : ceux qui ont des primes importantes (pour un administrateur civil ou un ingénieur des mines, cela représente la moitié du salaire versé !) l’opération est indolore, l’inclusion des primes compensant la différence de calcul. Mais le fonctionnaire qui a peu de primes – et les enseignants sont dans ce cas – perdent au moins un tiers de leur retraite (passage du taux de remplacement dans le calcul de 75% à 50%) sans même tenir compte du calcul sur une période plus longue. Si l’on tient compte de ce paramètre, on est plus proche du 40%. On n’est pas loin du chiffre de 900 euros…

      Bien sur, me direz-vous, ce calcul repose sur l’idée que le régime « à points » donnera des résultats proches du régime général aujourd’hui. C’est une hypothèse raisonnable : puisque l’objectif est que le nouveau système ne coûte pas plus cher que l’ancien, il est probable que les pensions servies seront proches de celles du régime qui pèse le plus lourd aujourd’hui, c’est-à-dire, du régime général.

      [– Un enseignant qui ferait la plus grande partie de sa carrière dans les quartiers chics partira en même temps qu’un enseignant de même qualification qui se coltinera presque toute sa carrière les loubards de banlieue.]

      C’est bien le cas dans un régime « universel », non ? Macron a martelé pendant deux ans que « un euro cotisé donnera les mêmes droits » à tous. En quoi l’affirmation que vous citez plus haut serait inexacte ? Bon, il est vrai qu’en pratique le gouvernement est en train de distribuer à chaque catégorie des aménagements qui réduisent à un veux pieu l’universalité du système…

      [C’est ça le corporatisme que refuse la majorité des Français.]

      Je ne vois pas très bien d’où vous sortez que « la majorité des Français » refuserait le corporatisme. Les Français refusent le corporatisme CHEZ LES AUTRES. Mais à l’heure de défendre leur propre position, ils sont tout à fait favorables au plus rigide des corporatismes. Citez-moi une seule profession qui ait accepté publiquement de sacrifier ses avantages au bien commun…

      [Il en va de même pour les bénéficiaires des régimes spéciaux où tout le monde est mis dans le même sac, ceux qui sont sur les chantiers, en 3×8 – 365 jours par an et leurs « collègues » administratifs, au siège, au chaud, aux 32h quelquefois qui assurent leur service la semaine entre 8h et 16h, en bénéficiant le cas échéant d’un logement social à proximité.]

      Relisez le papier que j’ai publié sur les régimes spéciaux. Il est faux de croire que « tout le monde est mis dans le même sac ». Pratiquement tous les régimes spéciaux font des distinctions entre « ceux qui sont sur les chantiers » et « ceux qui sont au bureau bien au chaud ». Cela s’appelle des « sédentaires » et des « roulants » à la SNCF, cela passe par un « taux d’activité » à EDF. Mais plus profondément, c’est une erreur de croire que les régimes spéciaux aient pour seul objet de traiter la pénibilité. Les régimes spéciaux ont été créés historiquement dans une logique de fidélisation, et sont couplés avec une pyramide salariale particulièrement défavorable particulièrement au niveau du recrutement. On fidélisait le personnel en le payant moins au début en échange d’un grosse récompense à la fin…

      [Un système à point bien élaboré permet une juste rétribution personnalisée des contraintes et exigences de chaque fonction exercée et rabote l’iniquité d’avantages acquis à des périodes qui, sans doute le justifiaient mais qui sont révolues.]

      Oui. Mais « un système à points bien élaboré » implique aussi la prise en compte de la problématique des pyramides salariales des régimes spéciaux dont j’ai parlé plus haut. Cela implique soit une « clause du grand père » dans laquelle les nouveaux embauchés seuls seraient redevables du niveau système… et verraient leur grille salariale augmentée en conséquence. Je me demande comment dans ces conditions certaines professions arriveraient à fidéliser leur personnel, mais c’est une autre question.

      [L’objection de la fixation de la valeur du point peut facilement être réfutée par la mise en place d’une gestion paritaire, comme cela fonctionne très bien à l’AGIRC-ARRCO.]

      Vous noterez que le point AGIRC-ARRCO n’a JAMAIS BAISSE. L’équilibre du système n’a pas donc été assuré par la baisse du point – comme ce devrait être le cas dans un « vrai » régime à points – mais par les bonnes vieilles mesures d’âge et d’augmentation des cotisations…

      J’ai l’impression qu’il y a une grande confusion sur ce qu’est un « régime à points ». Rebaptiser les trimestres en « points » ne change pas la nature du système. Le propre du système à points est d’être structurellement à l’équilibre par l’ajustement du point.

      [Finalement, il y a un ratio qui me parait extrêmement significatif. Comme ratio il ne présente d’intérêt que par la comparaison qu’il permet avec l’environnement mondial. C’est celui des heures travaillées, par an, en France divisées par le nombre d’habitants. Il est de l’ordre (de mémoire) de 630h chez nous pour culminer à plus de 1200h en Corée du sud. Les autres pays se situent entre ces deux extrêmes. Si l’on veut jouir d’un meilleur niveau de vie, on a deux voies possibles ;
      – Ruiner les riches et on va pouvoir se prélasser pendant 1 an ou 2. On sera soulagé dans notre quête d’égalitarisme. Puis nous reviendrons au problème initial, alors amplifié.
      – Travailler un peu plus (en moyenne) et conditionner au moins partiellement les aides de tous poils à une activité productive de richesse.]

      Vous avez oublié une troisième voie : travailler autant et augmenter la productivité du travail. C’est d’ailleurs cette voie qui a permis historiquement à l’humanité de s’enrichir : nous travaillons aujourd’hui bien moins qu’au moyen-âge, et nous sommes infiniment plus riches ! Vous semblez aussi oublier qu’on pourrait augmenter de dix pour cent les heures travaillées sans « travailler plus en moyenne » : cinq millions de chômeurs n’attendent que ça !

      Je trouve cet oubli très significatif de la pénétration idéologique du discours malthusien et sacrificiel…

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Les Français refusent le corporatisme CHEZ LES AUTRES. Mais à l’heure de défendre leur propre position, ils sont tout à fait favorables au plus rigide des corporatismes. Citez-moi une seule profession qui ait accepté publiquement de sacrifier ses avantages au bien commun…

        Les politiciens ? Les journalistes ? Ah non, tiens, c’est bizarre… 🙂

        • Vincent dit :

          [[Citez-moi une seule profession]…
          Les politiciens ?]

          C’est une question que je me suis posée. Est ce que le régime à points concerne aussi les retraites des députés, sénateurs, maires, conseillers généraux ? i.e. avec des droits à la retraite dépendant uniquement du montant de leurs cotisations ?

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [C’est une question que je me suis posée. Est-ce que le régime à points concerne aussi les retraites des députés, sénateurs, maires, conseillers généraux ? i.e. avec des droits à la retraite dépendant uniquement du montant de leurs cotisations ?]

            Pour ce qui concerne les députés et les sénateurs, leur régime de retraite dépend exclusivement de leur assemblée respective. Ils pourront donc voter pour conserver un régime spécial ou au contraire pour le transformer en régime à points. Les maires et conseillers généraux, par contre, seront affectés par la réforme.

      • Vincent dit :

        [Les Français refusent le corporatisme CHEZ LES AUTRES. Mais à l’heure de défendre leur propre position, ils sont tout à fait favorables au plus rigide des corporatismes.]

        “Le désir du privilège et le goût de l’égalité, passions dominantes et contradictoires des Français de toute époque.”
        ou
        “Tout français désire bénéficier d’un ou plusieurs privilèges. C’est sa façon d’affirmer sa passion pour l’égalité.”

        Charles de Gaulle

  6. tmn dit :

    [Nous voici avec une réforme de fond de notre système de retraites préparée nous dit-on pendant deux ans… et que le gouvernement est incapable de décrire autrement que dans les grands principes, au point qu’on a l’impression qu’on découvre les problèmes. En deux ans, personne ne s’est rendu compte que le nouveau système appliqué tel quel allait réduire à la misère la retraite des enseignants ? Personne ne s’est rendu compte que certaines professions ont des spécificités qui interdisent un alignement sur un régime commun ? Comment a-t-on pu se lancer dans cette aventure sans avoir la moindre simulation à présenter, sans avoir une idée de comment le point sera calculé dans le nouveau système ? ]

    Pas mal de gens, ayant fait des études, ayant accès à beaucoup d’infos via internet ont l’impression qu’ils savent tout et sont capables de tout faire ou presque, pour peu qu’ils aient pris quelques heures à se renseigner sur un sujet. Ça n’a pas que du mauvais, mais c’est ainsi que sur les réseaux sociaux, tout le monde est spécialiste du maintien de l’ordre depuis quelques temps. Un avion est abattu ? A partir d’une vidéo sur laquelle on ne voit rien, les “experts” en balistiques vous expliquent ce qu’il s’est passé. De même dans le monde du travail, certains cadres font semblant d’écouter les problèmes des opérationnels et les “résolvent” en trois phrases avec des solutions qui n’ont simplement aucun rapport avec la réalité (mais qu’il sera difficile de démonter vu leur “bon sens” au premier abord) . L’attitude des gens qui ont “pensé” cette réforme me fait un peu penser à ça : rien n’est vraiment complexe, les trucs compliqués comme la retraite c’est forcément un archaïsme, même pas la peine d’essayer de les comprendre, plutôt le foutre en l’air avec un nouveau système qui tient sur un powerpoint de cinq pages.

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [Pas mal de gens, ayant fait des études, ayant accès à beaucoup d’infos via internet ont l’impression qu’ils savent tout et sont capables de tout faire ou presque, pour peu qu’ils aient pris quelques heures à se renseigner sur un sujet.]

      Tout à fait. Il y a une anecdote célèbre dans laquelle une dame à la sortie d’un concert disait à un grand violoniste « je donnerais la moitié de ma vie pour pouvoir jouer comme vous », et le violoniste de répondre « c’est à peu près ce que j’ai fait ». Oui, on assiste depuis quelques années à une dévalorisation constante des « techniciens » et des « experts », qui s’accompagne d’une surestimation des capacités de « l’homme commun », du membre de la « société civile ». Dans une société où les objets et les problématiques deviennent chaque jour plus complexes, on nous vend la fiction que Mme Michu en consultant trois pages sur Internet peut donner une opinion informée sur n’importe quel sujet.

      Cette logique tue le débat public. Le discours de ceux qui connaissent le sujet – par exemple parce qu’ils ont passé des années à le travailler – est couvert par des raisonnements approximatifs fondés sur des faits inexistants ou caricaturés. Les « débats » sur les vaccins, sur l’électrosensibilité ou sur le nucléaire donnent des exemples à la pelle.

      Alors qu’on nous annonce la mort des idéologies, on assiste au contraire à leur victoire. Le militant a raison contre l’expert, puisque la conviction prime sur les faits. En politique, cela se traduit par un total mépris de l’intendance : dès lors que l’Idée est là, la mise en œuvre n’est qu’un détail. Or, la politique est, comme la guerre, un art tout d’exécution.

      [L’attitude des gens qui ont “pensé” cette réforme me fait un peu penser à ça : rien n’est vraiment complexe, les trucs compliqués comme la retraite c’est forcément un archaïsme, même pas la peine d’essayer de les comprendre, plutôt le foutre en l’air avec un nouveau système qui tient sur un powerpoint de cinq pages.]

      C’est un peu ce que je disais plus haut. Tant qu’on reste dans la logique des grands principes, tout est relativement simple. C’est lorsqu’on soumet ces principes au test de la réalité que les choses deviennent compliquées. Qui peut être contre le principe d’un régime de retraite qui serait universel et égalitaire ? Mais lorsqu’on réfléchit à la mise en œuvre, on découvre qu’un tel régime conduit à mettre sur scène les danseurs de l’Opéra jusqu’à 65 ans, ce qui semble pour le moins saugrenu.

      • Vincent dit :

        [des raisonnements approximatifs fondés sur des faits inexistants ou caricaturés.]

        Je vous conseille à titre d’illustration la lecture de cet article :

        https://reporterre.net/Le-nucleaire-bon-pour-le-climat-Orano-poursuivi-pour-publicite-mensongere

        Je cite le meilleur paragraphe, où l’expert consultant donne ses arguments massue pour expliquer pourquoi il est faux de dire que le nucléaire est bon pour le climat :

        Aux dires de Mycle Schneider, le maintien du nucléaire existant n’est guère plus intéressant :« il faut se poser la même question : pour un euro dépensé, quelle baisse des émissions pourrais-je durablement obtenir ? La réponse à cette question entraînerait la fermeture d’une grande partie des réacteurs nucléaires en service dans le monde, car ils ne sont pas compétitifs face à d’autres moyens de production d’électricité, comme les énergies renouvelables, et d’autres solutions bénéfiques pour le climat, comme l’efficacité énergétique. »
        « EDF ne publie ses coûts de production qu’à travers une moyenne — contestable par ailleurs — sur l’ensemble du parc, et non réacteur par réacteur ; idem pour la Cour des Comptes. Or, il ne fait aucun doute que certains réacteurs ne sont plus du tout compétitifs par rapport à d’autres moyens de production. EDF a remporté l’appel d’offre pour le premier éolien offshore au large de Dunkerque, une des technologies renouvelables les plus chères, pour 44 euros par mégawattheure. En 2016, selon la Cour des Comptes, celui du nucléaire existant était déjà 50% plus cher ! »

        Où comment embrouiller une question simple, en mélangeant les questions de coût au prix de marché, coût moyen, émissions de CO2, tonnes de CO2 évitées, etc.

        Ce serait amusant si ce type de “raisonnements” ne conduisait pas à fermer pour de vrai 2 réacteurs en Alsace, dont le coût carbone (lors de la construction) a déjà été payé, et où le contenu carbone de l’électricité marginale est approximativement nul.

        A ce sujet, je viens de lire dans les justifications de Macron ce que je soupçonnais depuis longtemps : il a dit qu’il le fermait pour tenir ses engagements vis à vis de l’Allemagne. On sait donc où a, en réalité, été prise la décision de fermer (B _ _ _ _ n)

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« des raisonnements approximatifs fondés sur des faits inexistants ou caricaturés. » Je vous conseille à titre d’illustration la lecture de cet article : (…)]

          Si vous lisez le site « reporterre », vous trouverez des centaines d’exemples. Et encore, parler de « raisonnements approximatifs » c’est un euphémisme.

          [« EDF ne publie ses coûts de production qu’à travers une moyenne — contestable par ailleurs — sur l’ensemble du parc, et non réacteur par réacteur ; idem pour la Cour des Comptes. Or, il ne fait aucun doute que certains réacteurs ne sont plus du tout compétitifs par rapport à d’autres moyens de production. »]

          Notez bien ce qui est dit : le « consultat » Mycle Schneider ne dispose pas des chiffres réacteur par réacteur, mais « il ne fait aucun doute » que celles-ci indiquent que « certains réacteurs ne sont pas du tout compétitifs ».

          Outre ce non-sens, ce paragraphe montre que Schneider n’est pas sérieux. Le parc nucléaire fonctionne dans une logique intégrée. Il est donc très difficile de dire si tel ou tel réacteur est ou non « compétitif ». Dire qu’un réacteur en particulier n’est pas « compétitif » c’est un peu comme dire que la roue droite de votre voiture n’est pas « compétitive » alors que les trois autres le sont.

          [EDF a remporté l’appel d’offre pour le premier éolien offshore au large de Dunkerque, une des technologies renouvelables les plus chères, pour 44 euros par mégawattheure. En 2016, selon la Cour des Comptes, celui du nucléaire existant était déjà 50% plus cher ! »]

          On verra ce qu’il en sera lorsqu’il sera construit. On peut noter que pour le moment quatre parcs éoliens en mer ont été concédés à des tarifs autour de 200 €/MWh en 2015. Cinq ans plus tard, on attend toujours la pose de la première pierre.

          • Vincent dit :

            Personnellement, ça m’amuserait énormément que cette association gagne en justice, et que le nucléaire n’aie pas le droit de se prévaloir d’être bon pour le climat.
            En effet, ça ferait jurisprudence, et avec les mêmes arguments, l’éolien et le photovoltaïque, qui sont pires que le nucléaire de ce point de vue, n’auraient plus non plus le droit de s’en prévaloir.
            Toutes les pub pour l’électricité verte, etc. seraient désormais interdites… 🙂

            Seule l’hydroélectricité et la biomasse pourrait peut être y prétendre, au final.

          • Marcailloux dit :

            Bonjour,
            Il est donc très difficile de dire si tel ou tel réacteur est ou non « compétitif ». Dire qu’un réacteur en particulier n’est pas « compétitif » c’est un peu comme dire que la roue droite de votre voiture n’est pas « compétitive » alors que les trois autres le sont.]

            Votre argument ne me semble pas convaincant. D”abord, je n’ai aucune connaissance particulière de la gestion des centrales nucléaires. Cependant, si je prends l’exemple d’un navire ou d’un avion qui possèdent 2 ou 4 hélices ou propulseurs, l’un d’entre eux peut ne pas fournir le rendement énergétique attendu, pour des causes diverses, et obliger le commandant de bord à jouer sur le gouvernail ou la dérive pour avancer en ligne droite, mais à moindre vitesse. Chaque moteur fait bien partie néanmoins d’un système intégré. Il ne me semble par absurde, sur le principe, de constater, voire de mesurer la défaillance ou la diminution de performance d’un réacteur dans une centrale nucléaire.
            Reprenons votre exemple de la roue. Si, sur les 4 pneus vous en avez un qui est usé jusqu’à la corde, ses capacités de traction seront amoindries sans pour autant entraver la marche du véhicule.

            • Descartes dit :

              @ Marcailloux

              [Cependant, si je prends l’exemple d’un navire ou d’un avion qui possèdent 2 ou 4 hélices ou propulseurs, l’un d’entre eux peut ne pas fournir le rendement énergétique attendu, pour des causes diverses, et obliger le commandant de bord à jouer sur le gouvernail ou la dérive pour avancer en ligne droite, mais à moindre vitesse.]

              Vous pouvez mesurer le « rendement » de chaque moteur séparément parce que vous pouvez mesurer la consommation et la poussée de chaque moteur indépendamment. Mais que se passe-t-il lorsque vous avez des organes dont vous ne pouvez pas mesurer la contribution séparément, soit parce qu’ils partagent certains éléments communs, soit parce que la performance des uns dépend de la performance des autres ?

              Prenons si vous le voulez bien un exemple : la demande à laquelle le système électrique varie selon les heures. Pour suivre ces variations, certains réacteurs fonctionnent à puissance variable (c’est ce qu’on appelle le « suivi de charge ») alors que d’autres sont calés à la puissance maximale. Or, un réacteur est économiquement plus « rentable » lorsqu’il fonctionne à puissance maximale : d’une part, parce que les charges fixes représentant la plus grande partie du coût de l’électricité produite, plus on produit et plus on rentabilise l’investissement, et d’autre part parce que les variations de puissance entrainent des contraintes sur les différents éléments qui augmentent les coûts de maintenance. Les réacteurs placés en « suivi de charge » seront en apparence moins « rentables » (ils coûteront plus et produiront moins) que ceux placés en puissance nominale, et cela alors qu’ils sont identiques !

              Si on pousse le raisonnement à la limite, il y a le paradoxe de l’assurance. Cela fait trente ans que je conduis, et je n’ai pas eu un seul accident. Ais-je donc dépensé mes primes d’assurance voiture en pure perte ? De la même manière, il y a des centrales qui ne tournent que quelques heures par an, mais qui sont là pour empêcher l’effondrement du réseau en cas d’incident sur une autre installation. Prises séparément du reste du système, leur rentabilité est très faible… et pourtant elles sont indispensables.

              Lorsqu’on étudie un système intégré, il est très difficile de juger de la performance économique de chaque organe. Or, le système électrique est l’un des systèmes les plus intégrés qu’on puisse imaginer!

            • Marcailloux dit :

              Bonjour,
              Merci pour ces explications claires

  7. luc dit :

    En 3ans ,la France a vécu des combats sociaux dans lesquels les Macronistes ont abusé de cynisme,d’esprits manipulatoires et de violences anti salariés.
    Le bilan qui sortira des urnes en 2022 sera vraissemblablement un rejet de Macron.
    Or Lepen semble la seule a pouvoir empocher les bénéfices de cette Macronophobie bien légitime.
    Ne serait il pas l’heure pour un dirigeant politique de se faire le chantre de la troisième voie , à l’instar d’une Ségo qui crève l’écran ces temps ci ?
    Quelles sont les raisons profondes qui sont responsables de la polarisation autour du RN, depuis 1982 et les élections de Dreux ?
    N’est ce pas l’abandon par tous les autres partis politiques de perspectives souverainistes qui ont fait que le RN est devenu l’axe politique que Macron va utiliser telle une fronde pour se mettre en orbite pour un deuxième mandat ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Le bilan qui sortira des urnes en 2022 sera vraisemblablement un rejet de Macron. Or Le Pen semble la seule a pouvoir empocher les bénéfices de cette Macronophobie bien légitime. Ne serait il pas l’heure pour un dirigeant politique de se faire le chantre de la troisième voie, à l’instar d’une Ségo qui crève l’écran ces temps-ci ?]

      Mais de quelle « troisième voie » parlez-vous ? Ségolène a été ministre de François Hollande, et à ce poste non seulement elle a soutenu l’ensemble de sa politique, mais elle a été l’exécutante des pires abandons – la fermeture de Fessenheim, pour ne donner qu’un exemple. Si c’est ça la « troisième voie », je passe.

      [Quelles sont les raisons profondes qui sont responsables de la polarisation autour du RN, depuis 1982 et les élections de Dreux ? N’est-ce pas l’abandon par tous les autres partis politiques de perspectives souverainistes (…)]

      Pas seulement. Depuis 1982, les classes intermédiaires ont occupé l’ensemble du champ politique, à gauche comme à droite, et réduit les couches populaires à l’impuissance : qu’elles votent à gauche ou qu’elles votent à droite, c’est la même politique – celle qui avantage les classes intermédiaires – qui est mise en œuvre. La seule organisation politique qui est restée hors de ce système et qui a fait l’effort d’écouter les couches populaires, c’est le RN. C’est cela qui a construit son succès.

      • Vincent dit :

        [Si c’est ça la « troisième voie », je passe.]

        Petite correction orthographique : “voix” et pas “voie”.

        Royal a en effet un talent certain pour avoir une voix qui porte. Mais je ne sache pas qu’elle aie jamais montrée une quelconque voie…

        Et accessoirement, Macron montre-t-il réellement une “voie”, ou ne s’agirait il pas plus simplement de suivre la politique du chien crevé au fil de l’eau ? Il a une voix qui porte, quand il s’agit de dire “parceque c’est notre projet !” Mais ce projet n’ouvre pas particulièrement de voie…

        Quand à MLP, elle a, comme vous le soulignez, une voix qui arrive aux oreilles des classe populaires, c’est indéniable. Mais je ne la tiens pas pour plus qu’une tribunitienne, et je pense qu’elle serait aussi mal à l’aise au pouvoir que son propre père l’aurait été, faute d’avoir une vision cohérente, bref, une “voie” à proposer.

        Au final, je suis certain qu’il fallait bien orthographier : “3ème voix”…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Si c’est ça la « troisième voie », je passe. » Petite correction orthographique : “voix” et pas “voie”.]

          Je veux bien qu’on remplace « voie » par « voix », mais alors je ne vois pas très bien en quoi celle de Ségolène serait « la troisième ». Il y a quand même quelques centaines d’hommes politiques qui ont critiqué Macron avant elle…

          [Royal a en effet un talent certain pour avoir une voix qui porte. Mais je ne sache pas qu’elle aie jamais montrée une quelconque voie…]

          Ségolène n’a jamais rien « montré » parce qu’elle a toujours « suivi ». Il faut lui reconnaître au moins ça : elle a d’excellentes antennes pour « capter » les sujets à la mode et deviner ceux qui peuvent plaire à son électorat. Mais il faut bien dire qu’elle suit ses électeur plus qu’elle ne les précède.

          [Et accessoirement, Macron montre-t-il réellement une “voie”, ou ne s’agirait-il pas plus simplement de suivre la politique du chien crevé au fil de l’eau ? Il a une voix qui porte, quand il s’agit de dire “parce que c’est notre projet !” Mais ce projet n’ouvre pas particulièrement de voie…]

          Je pense que Macron montre effectivement une « voie ». Hollande, c’était un homme sans convictions qui ne s’intéressait qu’à la manœuvre politique. Avec lui, c’était bien la politique du chien crevé au fil de l’eau. Macron, quelque soient ses énormes défauts, a des convictions. Il a une vision de la France qu’il veut construire (qui ressemble drôlement à une espèce de Californie mythique) et essaye de l’imposer. Il ressemble plus à Thatcher qu’à Hollande. La différence avec Thatcher, c’est que la « dame de fer » avait une vision profondément ancrée dans l’histoire de son pays, alors que Macron essaye d’implanter en France un modèle « hors sol ».

          [Quant à MLP, elle a, comme vous le soulignez, une voix qui arrive aux oreilles des classes populaires, c’est indéniable. Mais je ne la tiens pas pour plus qu’une tribunitienne, et je pense qu’elle serait aussi mal à l’aise au pouvoir que son propre père l’aurait été, faute d’avoir une vision cohérente, bref, une “voie” à proposer.]

          Je suis d’accord avec vous. Le RN occupe aujourd’hui la place qui fut naguère celle du PCF, c’est un dire un rôle fondamentalement tribunitien. Une fonction qui ne consiste pas à gouverner, mais à obliger ceux qui le font à tenir compte des classes populaires. Mais contrairement au PCF, qui avait une excellente école de formation de cadres et qui aurait probablement été capable de gouverner en trouvant un accord avec l’appareil de l’Etat – on a bien vu combien les ministres communistes, que ce fut en 1945 ou en 1981 ont été capables de diriger sans incident leurs ministères – le RN a d’énormes difficultés à construire un vivier de cadres. Même s’il faut souligner les progrès considérables faits durant la période Philippot. Souvenez-vous des premières expériences municipales du RN, qui avaient souvent sombré du fait de l’incapacité des édiles issus du RN de sortir d’une logique de provocation, de contrôler la corruption, le népotisme, le copinage. La « nouvelle génération » de maires arrivés du temps de Philippot ont au contraire géré leurs communes – souvent très pauvres – intelligemment, et ont toutes les chances d’être réélus.

          • Vincent dit :

            [Je veux bien qu’on remplace « voie » par « voix », mais alors je ne vois pas très bien en quoi celle de Ségolène serait « la troisième ».]

            La 3ème voix qui dit vouloir se présenter en 2022.

            [Ségolène n’a jamais rien « montré » parce qu’elle a toujours « suivi ».]

            Tout à fait, c’est ce que je voulais dire

            Il faut lui reconnaître au moins ça : elle a d’excellentes antennes pour « capter » les sujets à la mode et deviner ceux qui peuvent plaire à son électorat. Mais il faut bien dire qu’elle suit ses électeur plus qu’elle ne les précède.

            [Je pense que Macron montre effectivement une « voie ». Hollande, c’était un homme sans convictions qui ne s’intéressait qu’à la manœuvre politique.]

            Je pense que c’était le cas pendant la campagne. Mais depuis qu’il est élu, le principe de réalité l’a rattrapé (un petit peu). Il a constaté qu’il n’était pas en Californie, et se contente de faire ce qu’il faut pour calmer Bruxelles et l’Allemagne (Fessenheim par exemple, qu’il aurait très bien pu retarder au prochain quinquennat en conservant le principe d’attendre Flamanville).

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [La 3ème voix qui dit vouloir se présenter en 2022.]

              Ségolène est pour le moment la SEULE qui ait proclamé son intention d’être candidate en 2022.

              [Ségolène n’a jamais rien « montré » parce qu’elle a toujours « suivi ».]

              Tout à fait, c’est ce que je voulais dire

              [Je pense que c’était le cas pendant la campagne. Mais depuis qu’il est élu, le principe de réalité l’a rattrapé (un petit peu). Il a constaté qu’il n’était pas en Californie, et se contente de faire ce qu’il faut pour calmer Bruxelles et l’Allemagne]

              Il semblerait en effet que Macron, qui a pu observer la prudence et l’indécision de Hollande, ait cru qu’il suffirait d’une volonté à l’Elysée pour que tout soit différent, sans réaliser les énormes contraintes auxquelles notre pays est soumis. Sa première déception fut l’Europe : il avait cru qu’en agitant le petit drapeau bleu aux étoiles et en proclamant son amour il obtiendrait de la bienveillance, et il a été déçu. L’Allemagne n’a répondu à aucune de ses ouvertures, et l’UE a continué sa route imperturbable en l’ignorant superbement. A cela s’est ajouté l’incompétence crasse des macronistes envoyés en éclaireurs à Bruxelles…

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes

              [Ségolène est pour le moment la SEULE qui ait proclamé son intention d’être candidate en 2022.]

              A ma connaissance, Marine Le Pen a aussi annoncé sa candidature :

              https://www.lefigaro.fr/politique/marine-le-pen-annonce-sa-candidature-a-la-presidentielle-de-2022-20200116

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [A ma connaissance, Marine Le Pen a aussi annoncé sa candidature :]

              Disons qu’elle a annoncé sa candidature à la candidature, puisqu’elle a noté qu’elle se proposait “sans préjuger de la décision du congrès”. Même si la décision en question ne fait guère de doute, elle ne s’est pas tout à fait “autorisé d’elle-même”, contrairement à Ségolène.

            • morel dit :

              L’annonce de la candidature de Mme Le Pen à la prochaine élection présidentielle a surpris par sa précocité, Cela pourrait bien avoir quelque rapport avec sa mise en examen pour « détournement de fonds publics » d’octobre 2018 qui devrait déboucher sur un procès en 2021 où pourrait être prononcée une peine d’inégibilité.

              Cette perspective explique le pourquoi d’une annonce si précoce alors qu’aucun concurrent ne la menace dans son parti. On peut parfaitement expliquer cette annonce par la volonté de rendre inéluctable sa candidature ; sa défense multiplie d’ailleurs les recours dans le but de repoussoir l’échéance judiciaire après la présidentielle.

            • Descartes dit :

              @ morel

              [L’annonce de la candidature de Mme Le Pen à la prochaine élection présidentielle a surpris par sa précocité, Cela pourrait bien avoir quelque rapport avec sa mise en examen pour « détournement de fonds publics » d’octobre 2018 qui devrait déboucher sur un procès en 2021 où pourrait être prononcée une peine d’inégalité.]

              J’avoue que je ne saisis pas très bien le rapport. Le fait de se déclarer candidat ne changera en rien le processus judiciaire. Et de toute façon, à supposer qu’il y ait un procès en 2021, on voit mal comment il pourrait y avoir une condamnation définitive avant l’élection de 2022. Or, il ne faut pas oublier que l’appel a un caractère suspensif.

              [Cette perspective explique le pourquoi d’une annonce si précoce alors qu’aucun concurrent ne la menace dans son parti. On peut parfaitement expliquer cette annonce par la volonté de rendre inéluctable sa candidature ;]

              Encore une fois, je vois mal en quoi le fait de se déclarer candidat très tôt rend cette candidature « inéluctable ». Si MLP venait à être condamnée en appel, alors elle serait inéligible et ne pourrait se présenter quelle que soit la date de sa déclaration de candidature. Je pense plutôt que la raison de cette candidature précoce vise à éviter toute ambiguïté à un moment où certaines voix au RN proposent d’autres candidatures pour rajeunir l’image du parti (Marion Maréchal, Jordan Bardella)…

              [sa défense multiplie d’ailleurs les recours dans le but de repoussoir l’échéance judiciaire après la présidentielle.]

              Avouez qu’il serait étrange que pour avoir escroqué le Parlement européen Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui à eux deux ont fait presque la moitié des suffrages, soient empêchés de se présenter au suffrage de leurs concitoyens… sans compter avec François Bayrou, qui prend le même chemin.

            • morel dit :

              « Le fait de se déclarer candidat ne changera en rien le processus judiciaire. »

              Sans doute mais un passage en correctionnelle en pleine campagne électorale serait du plus bel effet même si l’intéressée est habituée aux cris d’orfraie fleurant bon le victimisme.

              « Encore une fois, je vois mal en quoi le fait de se déclarer candidat très tôt rend cette candidature « inéluctable ». Si MLP venait à être condamnée en appel, alors elle serait inéligible et ne pourrait se présenter quelle que soit la date de sa déclaration de candidature. »

              Or, plus haut, vous m’indiquiez :

              « Et de toute façon, à supposer qu’il y ait un procès en 2021, on voit mal comment il pourrait y avoir une condamnation définitive avant l’élection de 2022. Or, il ne faut pas oublier que l’appel a un caractère suspensif. »

              Il y a aussi un élément important à ne pas négliger : pas sûr que les juges prennent la décision de juger en pleine campagne électorale, je ne connais pas de cas en ce sens et pourtant..

              « Avouez qu’il serait étrange que pour avoir escroqué le Parlement européen Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui à eux deux ont fait presque la moitié des suffrages, soient empêchés de se présenter au suffrage de leurs concitoyens… sans compter avec François Bayrou, qui prend le même chemin. »

              Si vous voulez dire par là qu’elle n’est pas la seule escroc, c’est une évidence mais un peu drôle pour ces parangons d’honnêteté qui, dénonçant tout le monde, arborait le slogan « Tête haute et mains propres !»

              J’ajoute que l’absence éventuelle des têtes d’affiche citées pour dommageable que cela pourrait être ne serait pas un revers pour la classe ouvrière.

            • Descartes dit :

              @morel

              [« Le fait de se déclarer candidat ne changera en rien le processus judiciaire. » Sans doute mais un passage en correctionnelle en pleine campagne électorale serait du plus bel effet même si l’intéressée est habituée aux cris d’orfraie fleurant bon le victimisme.]

              Mais en quoi une déclaration de candidature très tôt change quelque chose à l’affaire ? Le procès n’aura pas lieu avant 2021. Se déclarer maintenant ou se déclarer en décembre prochain, c’est du pareil au même. Difficile donc d’attribuer l’empressement à présenter sa candidature aux déboires judiciaires.

              [« Encore une fois, je vois mal en quoi le fait de se déclarer candidat très tôt rend cette candidature « inéluctable ». Si MLP venait à être condamnée en appel, alors elle serait inéligible et ne pourrait se présenter quelle que soit la date de sa déclaration de candidature. » Or, plus haut, vous m’indiquiez : « Et de toute façon, à supposer qu’il y ait un procès en 2021, on voit mal comment il pourrait y avoir une condamnation définitive avant l’élection de 2022. Or, il ne faut pas oublier que l’appel a un caractère suspensif. »]

              Je ne vois pas la difficulté. Vous attribuez l’empressement de MLP à présenter sa candidature à ses déboires judiciaires. Or, la date de présentation de candidature ne changera rien à sa situation : si elle est condamnée en appel avant l’élection, elle ne pourra pas être candidate, dans le cas contraire elle le pourra. Alors, pourquoi se presser ? Cela étant dit, je ne crois pas qu’une condamnation avant l’élection soit possible.

              [Il y a aussi un élément important à ne pas négliger : pas sûr que les juges prennent la décision de juger en pleine campagne électorale, je ne connais pas de cas en ce sens et pourtant.]

              La tradition veut que les affaires concernant les candidats soient mises au frigo pendant la campagne, pour éviter que l’action du juge puisse être perçue comme politique. Cela étant dit, ce raisonnable principe a été violé en 2017 dans le « pénélopegate », ce qui a eu pour conséquence de débarrasser Macron du seul candidat qui aurait pu lui ravir la présidence. Difficile donc de savoir s’il sera respecté en 2022…

              [Si vous voulez dire par là qu’elle n’est pas la seule escroc, c’est une évidence mais un peu drôle pour ces parangons d’honnêteté qui, dénonçant tout le monde, arborait le slogan « Tête haute et mains propres !»]

              « Le voleur du voleur obtiendra le paradis » dit le proverbe géorgien. Franchement, je doute qu’il se trouve beaucoup d’électeurs pour condamner celui qui a escroqué le parlement européen.

              [J’ajoute que l’absence éventuelle des têtes d’affiche citées pour dommageable que cela pourrait être ne serait pas un revers pour la classe ouvrière.]

              Franchement, je ne crois pas que le score du RN soit très lié à la figure de MLP. Un Jordan Bardella ferait peut-être aussi bien. Quant à LFI, sans Mélenchon le mouvement n’existe tout simplement pas. Il n’y a qu’à voir ce qu’a été la constitution de la liste pour les européennes… Vous imaginez Obono ou Panot candidates à la présidence de la République ?

            • morel dit :

              « La tradition veut que les affaires concernant les candidats soient mises au frigo pendant la campagne, pour éviter que l’action du juge puisse être perçue comme politique. Cela étant dit, ce raisonnable principe a été violé en 2017 dans le « pénélopegate », ce qui a eu pour conséquence de débarrasser Macron du seul candidat qui aurait pu lui ravir la présidence. Difficile donc de savoir s’il sera respecté en 2022… »

              Le « Pénélope gate » constitue en effet une exception à tel point qu’il serait plus qu’intéressant de connaître ce qui a aboutit à cette décision. Faut-il que les intérêts soient forts !
              Cela dit, une exception reste une exception et s’il y aura toujours un doute concernant l’application d’une disposition qui ne relève pas du droit, mon point de vue n’est pas si absurde que Mme Le Pen – et rappelons que le nom du candidat du FN/RN n’a jamais été indifférent, qui a largement contribué à faire élire une jeune fille inexpérimentée (on peut trouver des vidéos d’interview sur le net soulignant son inanité) mais portant le nom sacré – escompte, en fonction des nouvelles qui lui parviennent des affaires en jugement, de différer le jugement, phénomène qui ’est d’ailleurs en cours avec l’affaire judiciaire en relative aux « kits de campagne du FN » :

              https://www.20minutes.fr/justice/2663783-20191130-affaire-kits-campagne-fn-attendra-24-avril-connaitre-verdict

              (municipales : 15 et 22 mars prochains)

              Mon hypothèse est donc très loin d’être absurde d’autant que je peux vous retourner la problématique : quel intérêt à se déclarer de manière très anticipée ? La concurrence interne ? L’argument me paraît pas très sûr car si la critique à son égard devait survenir, elle se serait plutôt exercée après sa prestation TV en dessous de tout entre les deux tours. Elle a jeté au feu Philippot et, manifestement cela a satisfait ses troupes : aucune contestation de son « leadership » à l’horizon au RN.

              « « Le voleur du voleur obtiendra le paradis » dit le proverbe géorgien. Franchement, je doute qu’il se trouve beaucoup d’électeurs pour condamner celui qui a escroqué le parlement européen. »

              En dernière analyse, il ne s’agit nullement de « l’argent du parlement européen » qui ne produit rien et n’a pas de recettes propres en soi. Il s’agit bien de l’argent de contribuables dont les Français contributeurs nets.
              Par ailleurs, une escroquerie est une escroquerie et laisse transparaître des méthodes dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elles dénotent des façons de détourner de l’argent public, inquiétant lorsqu’on postule à une fonction du même nom. Confirmé par l’affaire des kits de campagne citée plus haut.

            • Descartes dit :

              @ morel

              [Cela dit, une exception reste une exception et s’il y aura toujours un doute concernant l’application d’une disposition qui ne relève pas du droit, mon point de vue n’est pas si absurde que Mme Le Pen (…) escompte, en fonction des nouvelles qui lui parviennent des affaires en jugement, de différer le jugement, phénomène qui ’est d’ailleurs en cours avec l’affaire judiciaire en relative aux « kits de campagne du FN » :]

              Je vois mal comment MLP pourrait « différer le jugement ». Ce sont les juges qui fixent les dates des délibérés, pas les accusés.

              [Mon hypothèse est donc très loin d’être absurde d’autant que je peux vous retourner la problématique : quel intérêt à se déclarer de manière très anticipée ? La concurrence interne ?]

              Oui, tout à fait.

              [L’argument me paraît pas très sûr car si la critique à son égard devait survenir, elle se serait plutôt exercée après sa prestation TV en dessous de tout entre les deux tours. Elle a jeté au feu Philippot et, manifestement cela a satisfait ses troupes : aucune contestation de son « leadership » à l’horizon au RN.]

              Le « recentrage » du RN sur ses fondamentaux – qui a provoqué le départ de Philippot a certainement calmé le jeu pour un temps. Mais des ambitions se font jour, notamment après l’excellente prestation de Bardella pendant la campagne des européennes. Annoncer sa candidature maintenant, cela revient à prendre une longueur d’avance. Oui, le nom « Le Pen » n’est pas indifférent au RN… mais les temps changent, et nous changeons avec eux. Mieux vaut s’assurer, par les temps qui courent.

              [En dernière analyse, il ne s’agit nullement de « l’argent du parlement européen » qui ne produit rien et n’a pas de recettes propres en soi. Il s’agit bien de l’argent de contribuables dont les Français contributeurs nets.]

              Le contribuable français n’est pas lésé. Si le RN (ou LFI, ou le MODEM, qui ont recours aux mêmes turpitudes) avaient fait travailler leurs assistants au bénéfice des travaux du Parlement européen au lieu de les utiliser comme permanents de leur parti, le contribuable aurait payé autant, et n’aurait pas reçu un meilleur service puisque le Parlement européen est strictement inutile.

              [Par ailleurs, une escroquerie est une escroquerie et laisse transparaître des méthodes dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elles dénotent des façons de détourner de l’argent public, inquiétant lorsqu’on postule à une fonction du même nom.]

              Allons, soyons sérieux… utiliser les sommes destinées à rémunérer des attachés parlementaires pour payer des permanents politiques, cela se fait dans tous les partis et depuis des années. Sans cela, les partis ouvriers – ceux qui ne peuvent pas faire payer leurs permanents par des grandes entreprises – n’auraient pas pu jouer leur rôle démocratique. Je ne pense pas que ce type de détournement – qui finalement n’a pas un but d’enrichissement professionnel, mais de faire fonctionner la démocratie – révèle une noirceur d’âme particulière.

              [Confirmé par l’affaire des kits de campagne citée plus haut.]

              Là encore, c’est très critiquable si le but de l’opération était l’enrichissement personnel de quelques individus. Mais si c’était fait pour financer l’activité politique, je propose que celui qui n’a pas péché lui jette la première pierre. Parce que TOUS les partis utilisent cette technique. TOUS, sans aucune exception. Moi-même – il y a maintenant prescription – je l’ai fait quand j’ai été trésorier de campagne. Et je n’en ai pas honte. Comment croyez-vous qu’on arrive à financer une activité politique quand on n’a pas la chance d’avoir des entreprises qui font de généreuses donations ?

            • morel dit :

              Nous sommes manifestement en désaccord et j’ai le sentiment qu’il serait improductif de poursuivre plus avant.
              La vie ne s’arrêtera pas pour autant.

            • Vincent dit :

              [Cette perspective explique le pourquoi d’une annonce si précoce alors qu’aucun concurrent ne la menace dans son parti. ]

              Dupont Aignan avait prévu d’annoncer en Mars ou Avril la tenue d’une primaire ouverte à lui, philippot, MLP, Asselineau, les gaullistes de l’UMP, et tous les plus ou moins souverrainistes.
              Si elle en a entendu parler, ce qui est possible, elle a pu vouloir le prendre de vitesse…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Dupont Aignan avait prévu d’annoncer en Mars ou Avril la tenue d’une primaire ouverte à lui, philippot, MLP, Asselineau, les gaullistes de l’UMP, et tous les plus ou moins souverrainistes. Si elle en a entendu parler, ce qui est possible, elle a pu vouloir le prendre de vitesse…]

              Je ne crois pas. Une telle “primaire” serait pour MLP une bénédiction. En effet, dans une primaire les participants s’engagent en principe à s’effacer au bénéfice de celui qui l’emporte (les traîtres façon De Rugy sont l’exception, et non la règle). Or, dans une primaire ouverte à Philippot, MLP, Asselineau, les gaullistes de LR et autres souverainistes divers, il est clair que MLP l’emporterait haut la main. Cela lui permettrait de se présenter non plus en candidate du RN seulement, mais en candidate de tout le camp souverainiste. Son intérêt n’est donc pas de “prendre de vitesse” une telle initiative, mais au contraire de s’y plier…

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Mais des ambitions se font jour, notamment après l’excellente prestation de Bardella pendant la campagne des européennes.

              De quelles ambitions s’agirait-il ? Après avoir hésité entre la grande politique et la boutique, Marine Le Pen a choisi la boutique – à la grande satisfaction de la plupart des cadres du FN, qui sont beaucoup plus à l’aise avec une telle stratégie. À quoi servirait de devenir chef à la place du chef, dans un parti qui n’a pas l’intention d’exercer le pouvoir ? Ni Bardella ni les autres n’iront plus haut que député européen ou à l’AN… ce qu’ils sont déjà.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [De quelles ambitions s’agirait-il ? Après avoir hésité entre la grande politique et la boutique, Marine Le Pen a choisi la boutique – à la grande satisfaction de la plupart des cadres du FN, qui sont beaucoup plus à l’aise avec une telle stratégie.]

              Je me demande si ce ne serait plutôt l’inverse. Après tout, Marine Le Pen a fait pendant quelques années de la « grande politique » avec Philippot à ses côtés. On peut imaginer qu’après un premier tour excellent, les barons « tradis » du FN ont compris que Philippot risquait de sortir renforcé et qu’il serait difficile ensuite de le déplacer, ont eu peur et ont exercé une pression irrésistible sur la tête du parti pour un « retour aux fondamentaux » donc à la boutique. Pour moi, c’est la seule théorie qui explique le changement de taquet du FN entre les deux tours.

              [A quoi servirait de devenir chef à la place du chef, dans un parti qui n’a pas l’intention d’exercer le pouvoir ?]

              Je ne sais pas, mais je constate que la lutte pour devenir calife à la place du calife fait rage dans des organisations gauchistes qui n’ont aucune chance de jamais exercer le pouvoir. Faut croire donc que le fait d’être primum inter pares offre quelques petites compensations…

      • Claustaire dit :

        Bref, la seule organisation politique capable de s’opposer (du moins verbalement voire politiquement) à l’hégémonie des classes intermédiaires dont souffre le pays, c’est le RN ? Alors, souhaitons-nous au moins une bonne année, en attendant 2022.

        • Descartes dit :

          @ Claustaire

          [Bref, la seule organisation politique capable de s’opposer (du moins verbalement voire politiquement) à l’hégémonie des classes intermédiaires dont souffre le pays, c’est le RN ?]

          Ce n’est pas ce que j’ai dit. Ce n’est pas une question de « capacité » mais de positionnement. Aujourd’hui, la seule organisation qui reprend à son compte les revendications, les angoisses, les amertumes et les espoirs des couches populaires, c’est le RN. Les autres organisations n’ont d’oreilles que pour les problématiques qui intéressent les classes intermédiaires.

          Vous voulez quelques exemples ? A droite, on trouve encore et toujours l’obsession d’une baisse de la pression fiscale et des suppressions d’emplois publics, alors que l’impôt et les services publics sont le mode de redistribution qui bénéficie d’abord aux couches populaires – et qui coûte surtout aux couches intermédiaires. A gauche, on se complait dans des débats sur les droits de telle ou telle minorité dans une logique « victimiste » permanente. Franchement, quel intérêt pour le chômeur d’Hénin-Beaumont de discuter la baisse de l’impôt sur le revenu ou la pertinence de l’utilisation du « langage inclusif » ?

          Le RN est aujourd’hui installé dans le rôle du parti tribunicien. Il ne gouverne pas, mais il pèse sur ceux qui gouvernent. Il représente une menace que l’establishment politique ne peut combattre qu’en tenant compte de problématiques qui intéressent les couches populaires, et qui autrement seraient pure et simplement ignorées. C’est triste à dire, mais si aujourd’hui dans le débat public on parle des problèmes posés par l’immigration, de la question des frontières et de la souveraineté nationale, de l’abandon des territoires périphériques, ce n’est pas au PS, au PCF où à LFI qu’on le doit.

          C’est là toute l’ambiguïté qui me fait quelquefois passer aux yeux de certains lecteurs comme un suppôt du RN. Sur beaucoup de sujets les IDEES propagées par les dirigeants du FN sont à l’opposé des miennes. Mais cela n’implique pas que le RN joue un ROLE négatif aujourd’hui. C’est là une distinction qu’il faut garder en tête, parce qu’elle est générale en politique.

      • Lazeby dit :

        Bonjour Descartes,

        [La seule organisation politique qui est restée hors de ce système et qui a fait l’effort d’écouter les couches populaires, c’est le RN. ]

        Oui, raison pour laquelle je me suis retrouvé chez eux après un long cheminement qui est passé par le chevènementisme.

        (Lequel m’avait tout de même valu un coup de fusil de chasse -raté- de la part d’un abruti alcoolisé du front en rentrant chez moi le soir de la surprise d’avril 2002, cela pour vous dire qu’il faut vraiment que la donnée politique française soit désespérément problématique pour que je me retrouve finalement au FN).

        Mais c’est surtout le mirage Philippot qui m’a conduit à franchir le Rubicon.
        Mirage parce que j’ai vraiment cru que Florian allait réussir le miracle d’établir la passerelle tant attendue avec le patriotisme de gauche tout en normalisant complètement son parti grâce au sang neuf qui s’y était rallié.
        J’avais pourtant déjà attendu comme Godot le même genre de miracle avec Chevènement, et j’avais été passablement déprimé après le repli général sur la gamelle des élections législatives qui avaient suivi les présidentielles de 2002.
        Cela d’autant plus que les gens qui avaient le plus mouillé le maillot pendant la campagne étaient souvent des électrons libres dans mon genre -j’avais voté RPF/Pasqua aux européennes précédentes*.

        Aujourd’hui je me demande si le coup de billard qui a porté Macron au pouvoir n’était pas à plusieurs bandes et ne visait pas aussi à Flinguer l’épouvantail Philippot, cela car les mêmes intérêts qui ont animé la victoire de Macron étaient et sont toujours bien représentés au sein du FN/RN. J’avais trouvé en particulier énorme l’incongruité de la nièce désertant les rangs en plein milieu de campagne « pour s’occuper de sa fille ».
        Je n’ai pas pour autant rallié le mouvement de Florian car je lui en ai beaucoup voulu de ne pas avoir vu le coup venir. Il y a sans doute un problème d’égocentrisme à son niveau (mais est-ce original aujourd’hui ?) qui expliquerait son aveuglement, comme le montre encore sa réaction à peine tiède à l’invitation récente d’Asselineau.

        Surtout, j’ai été comme vous très impressionné par les analyses de Guilluy mais j’en ai tiré des conclusions plus radicales.
        Le moment sociologique de la France d’aujourd’hui créé le blocage politique, mais qui ne vient pas du désormais RN, dont je ne vois pas ce qui pourrait empêcher sa progression inexorable (plafond de verre = serpent de mer), dans le mouvement de centrifugeuse qui agite le pays et rejette sans cesse plus de monde dans l’acculturation périphérique.
        Le véritable blocage est représenté par la gauche, dont les déchirements internes représentent ceux des classes intermédiaires aux abois.
        Et lorsque l’ami Todd déclare que « le mouvement social finira par nuire au RN », il se goure en fait complètement (ce savant génial a décidément l’air d’une taupe au milieu d’une bassine remplie quand il se pique d’analyse politique).
        Cela ne fait que nuire aux retrouvailles DES peuples de France dont il est devenu impossible sociologiquement qu’ils se retrouvent dans la gauche à l’heure actuelle, même si celle-ci dispose encore des leviers qui lui permettent encore de récupérer tout mouvement social.

        * PS : Il y aurait aussi un livre à écrire sur la manière dont quelqu’un qui ne venait pas de ce que les classes intermédiaires entendent par « peuple de gauche » (ensemble des fonctionnaires ou territoriaux syndiqués) se sentait considéré dans la cellule d’un parti de Bac +5 d’une métropole régionale universitaire. J’ai même eu l’impression un temps d’être vu comme le « sous-marin » d’extrême droite en titre -même après le coup de fusil de l’autre épave.

        • Descartes dit :

          @ Lazeby

          [« Oui, raison pour laquelle je me suis retrouvé chez eux après un long cheminement qui est passé par le chevènementiste ». (Lequel m’avait tout de même valu un coup de fusil de chasse -raté- de la part d’un abruti alcoolisé du front en rentrant chez moi le soir de la surprise d’avril 2002, cela pour vous dire qu’il faut vraiment que la donnée politique française soit désespérément problématique pour que je me retrouve finalement au FN).]

          Je n’ai pas très bien compris de quelle persuasion était l’abruti alcoolisé en question. La référence à 2002 suggère que le coup de fusil venait du PS – qui d’autre pouvait à l’époque vous reprocher d’être chevènementiste ? – mais ce n’est qu’une déduction.

          [Mais c’est surtout le mirage Philippot qui m’a conduit à franchir le Rubicon. Mirage parce que j’ai vraiment cru que Florian allait réussir le miracle d’établir la passerelle tant attendue avec le patriotisme de gauche tout en normalisant complètement son parti grâce au sang neuf qui s’y était rallié.]

          Je vous trouve bien sévère. Philippot – et ceux qui l’ont accompagné – n’étaient pas un « mirage ». Ils existaient vraiment. Ils ont engagé un combat au sein du FN, et l’ont perdu. Cela ne diminue en rien leur mérite. Il y a certains combats qu’il faut engager et perdre pour semer les graines qui permettront à d’autres de les gagner demain. Philippot n’aura pas réussi jusqu’au bout, mais le FN après lui ne sera plus comme avant. Son combat aura permis la rupture avec les références d’une certaine extrême-droite aristocratique, pétainiste et libérale pour aller vers les couches populaires On voit mal le RN revenir en arrière.

          Personnellement, ce qui m’a surpris n’est pas tant que Philippot soit chassé par les « traditionnels », c’est qu’il ait pu résister aussi longtemps. Après tout, il n’a pas hésité à piétiner les vaches sacrées du « FN du sud ». Je ne connais pas assez le FN pour comprendre pourquoi la réaction n’ait pas été plus violente et comment MLP l’a autant soutenu, jusqu’à prendre position contre le patriarche…

          [J’avais pourtant déjà attendu comme Godot le même genre de miracle avec Chevènement, et j’avais été passablement déprimé après le repli général sur la gamelle des élections législatives qui avaient suivi les présidentielles de 2002.]

          Chevènement a une stature intellectuelle à toute épreuve et une intégrité incontestable. Mais ce n’est pas un tacticien et encore moins un stratège. IL a eu raison avant tous les autres, mais il n’a pas su transformer cette intuition en facteur politique. Il n’est pas le seul dans ce cas : Seguin ou Guaino avaient le même défaut.

          [Aujourd’hui je me demande si le coup de billard qui a porté Macron au pouvoir n’était pas à plusieurs bandes et ne visait pas aussi à Flinguer l’épouvantail Philippot, cela car les mêmes intérêts qui ont animé la victoire de Macron étaient et sont toujours bien représentés au sein du FN/RN. J’avais trouvé en particulier énorme l’incongruité de la nièce désertant les rangs en plein milieu de campagne « pour s’occuper de sa fille ».]

          Je n’irais pas aussi loin que vous, mais il est clair qu’il y avait des forces au FN qui voulaient la peau de Philippot, et qui ont fait ce qu’il fallait pour que le succès – incontestable – du FN au premier tour de 2017 soit minimisé. La présentation du résultat de MLP au deuxième tour comme un échec – alors qu’elle avait quand même recueilli un vote sur trois malgré le tir de barrage médiatique et les appels au « front républicain » est de ce point de vue assez révélatrice. Car si elle a été faible lors de son débat avec Macron, ce n’est pas la faute de Philippot, au contraire : c’est la décision de s’écarter des thèmes de campagne que celui-ci avait impulsé, et notamment de la sortie de l’Euro, qui a fait apparaître le projet du FN comme totalement incohérent.

          [Surtout, j’ai été comme vous très impressionné par les analyses de Guilluy mais j’en ai tiré des conclusions plus radicales. Le moment sociologique de la France d’aujourd’hui créé le blocage politique, mais qui ne vient pas du désormais RN, dont je ne vois pas ce qui pourrait empêcher sa progression inexorable (plafond de verre = serpent de mer), dans le mouvement de centrifugeuse qui agite le pays et rejette sans cesse plus de monde dans l’acculturation périphérique.]

          Je ne partage pas votre point de vue. Le « plafond de verre » existe : il tient à ce que les Français ne sont pas convaincus, à juste titre, que le RN soit capable de gouverner. Et il sera très difficile pour le RN de démontrer le contraire dans la mesure où la configuration politique actuelle exclut toute possibilité du RN de participer à une coalition gouvernementale avec des ministres estampillés RN qui pourraient faire la démonstration qu’ils sont capables de s’insérer dans un dispositif institutionnel. La présidence d’une région ou la mairie d’une métropole pourrait permettre de faire cette démonstration, mais cela aussi semble aujourd’hui hors de portée.

          Or, tant que cette démonstration n’est pas faite, les couches populaires seront ravies de voir le RN faire des scores importants, qui lui permettent de peser sur le débat public, mais seront méfiants à l’heure de lui confier les leviers de pouvoir.

          [Le véritable blocage est représenté par la gauche, dont les déchirements internes représentent ceux des classes intermédiaires aux abois.]

          Comme disait un écrivain, « il n’est de pire avant-garde que celle qui ne veut pas avancer ». Effectivement, lorsque le « parti du progrès » n’est plus un facteur progrès, il y a un problème. La gauche a oublié son mandat, qui est celui de défendre les classes exploitées, pour se vautrer dans les délices de la « politique des identités ».

          [* PS : Il y aurait aussi un livre à écrire sur la manière dont quelqu’un qui ne venait pas de ce que les classes intermédiaires entendent par « peuple de gauche » (ensemble des fonctionnaires ou territoriaux syndiqués) se sentait considéré dans la cellule d’un parti de Bac +5 d’une métropole régionale universitaire. J’ai même eu l’impression un temps d’être vu comme le « sous-marin » d’extrême droite en titre -même après le coup de fusil de l’autre épave.]

          En effet, c’est un sujet très intéressant, et sur lequel il y a des livres qui ont été écrits. Julien Mischi, dans « le communisme désarmé », évoque un peu le problème et montre combien les militants issus des couches populaires au PCF ont été progressivement déplacés par les « bac+5 » qui les accusaient d’ouvriérisme et de ne pas être ouverts aux « nouveaux combats » (féminisme, diversité…).

          • Lazeby dit :

            [..qui d’autre à l’époque pouvait vous reprocher d’être chevènementiste…]

            Le fait divers réel était encore plus grotesque. Je sortais du local de campagne avec un rouleau d’affiche sous le bras et portait une chemise ROSE (une horrible chemise d’été rose de marque Tex/Carrefour).
            Le drôle, qui fêtait la réussite de Jean Marie à sa façon (il titrait 3g quand la maréchaussée est venu le cueillir sur mon appel) m’a donc pris pour « un pédé du PS ».
            C’est ce que l’on m’a dit ou que j’ai lu dans la presse locale, car je n’ai pas porté plainte et ne suis pas allé à son procès. Il a quand même pris 18 mois avec sursis avec grosse amende et injonction de soins, plus bien sûr la confiscation de ses joujoux bruyants -il y avait trois armes d’épaule chez lui.
            Sinon, oui, la haine des gens du PS à notre endroit était absolue après le 21 avril. Tout ce qu’ils pouvaient reprocher à Mamère ou à Taubira étaient retombé sur nous. Ceux qui sont retournés vers le PS par la suite avaient la mine des bourgeois de Calais.

          • Philippe Dubois dit :

            Bonsoir Descartes

            [le succès – incontestable – du FN au premier tour de 2017]

            Non, c’est une raclée

            MLP était créditée de 28 à 30 % en novembre 2016, après des régionales où le FN avait atteint 27 % et des départementales à 25 %
            Après Charlie, le Bataclan, et Nice, avec le chômage et la misère, elle avait un boulevard, qu’elle a transformé en impasse.
            J’ai suivi la campagne de près comme responsable local du front (je me suis fait virer par le RN) et j’ai donc suivi d’abord le tassement puis la dégringolade finale dans les sondages, qui ont donné les bons chiffres.

            Elle aurait dû finir largement première avec au moins 25 % pour qu’on puisse parler de succès.
            Deux semaines de campagne de plus et Mélenchon pouvait passer devant. (Regarder sur wiki les courbes des sondages)

            Son discours incohérent sur la sortie de l’euro assortie d’un référendum couplé avec un quasi silence sur les questions identitaires, qui étaient et restent le fond de commerce essentiel du FN et la motivation principale des électeurs, ont complètement brouillé le message de MLP.

            Même avant le débat de l’entre deux tour, c’était plié

            Cette raclée s’est confirmée aux législatives, où le FN espérait 50 à 60 députés au moins.

            • Descartes dit :

              @ Philippe Dubois

              [« le succès – incontestable – du FN au premier tour de 2017 » Non, c’est une raclée. MLP était créditée de 28 à 30 % en novembre 2016, après des régionales où le FN avait atteint 27 % et des départementales à 25 %.]

              Et alors ? Le succès ou l’échec à une élection ne se mesure pas en comparant les sondages préélectoraux avec les résultats sortis des urnes. Faut-il considérer que le résultat de Mélenchon en 2017 est une « raclée » au prétexte que certains sondages préalables lui donnaient plusieurs points de plus, et le plaçaient même au deuxième tour ? Non, le succès à une élection se mesure à l’évolution du vote d’une élection à une autre.

              Avec 22%, le FN a fait en 2017 le meilleur résultat de son histoire dans une élection présidentielle. Et lorsqu’on regarde la carte électorale et qu’on se réfère aux études sociologiques, on constate qu’il a pénétré des électoraux nouveaux, notamment dans le nord et l’est populaire. Un électorat qui auparavant lui était franchement hostile. Si ça c’est une « raclée »…

              [Elle aurait dû finir largement première avec au moins 25 % pour qu’on puisse parler de succès.]

              Ce n’est pas parce qu’il n’a pas satisfait vos expectatives – ou vos illusions – que c’est un « échec ». Tous les candidats « hors système » ont le même problème. Ils peuvent sortir très fort dans les sondages quelques semaines avant le vote, mais dans les derniers jours les mécanismes de « vote utile » ou de « votre raisonnable » jouent à plein, et les résultats se tassent. Ce fut le cas avec Mélenchon en 2012 et 2017 comme avec Chevènement en 2002 ou Marchais en 1981. Imaginer que MLP aurait pu faire 25% en 2017 c’était céder à une illusion.

              [Deux semaines de campagne de plus et Mélenchon pouvait passer devant. (Regarder sur wiki les courbes des sondages)]

              Je ne vois pas d’où vous sortez cette idée. Si je regarde les sondages de Mélenchon, ils sont passés par un maximum autour de 20% vers la mi-avril, puis il s’est tassé vers 19% et est resté autour de ce chiffre. Quant à MLP, elle était stable à partir du mois d’avril autour de 24%. On ne voit pas en quoi les tendances permettent d’imaginer que Mélenchon aurait « passe devant » si la campagne avait duré deux semaines de plus.

              [Son discours incohérent sur la sortie de l’euro assortie d’un référendum couplé avec un quasi silence sur les questions identitaires, qui étaient et restent le fond de commerce essentiel du FN et la motivation principale des électeurs, ont complètement brouillé le message de MLP.]

              Le discours sur la sortie de l’Euro n’est devenu « incohérent » qu’après le deuxième tour et le désastreux accord avec Dupont-Aignan. Quant au silence sur les « questions identitaires », je vous rappelle que lorsque le FN est resté « centré » sur ces questions, il n’a jamais réussi à dépasser les 20%.

              [Cette raclée s’est confirmée aux législatives, où le FN espérait 50 à 60 députés au moins.]

              Là encore, ce n’est pas la comparaison entre ce que vous espérez et ce que vous réalisez qui caractérise l’échec. Autrement, la recette du succès serait simple : il suffit de se fixer des objectifs nuls, et le succès sera toujours au rendez-vous.

  8. JanHuss dit :

    Excellent papier de M. Descartes. Autrement dit,

    Une seule solution
    La Destitution.

    • Descartes dit :

      @ JanHuss

      [Autrement dit, une seule solution
      La Destitution.]

      J’imagine que vous pensez à Macron. Ok, supposons. Il est destitué. Et ensuite, vous faites quoi ?

  9. cdg dit :

    Aucune personne sensee ne peut croire qu on va mettre en œuvre 100% d un programme et rien qui n est pas dans le programme d un candidat. Tout simplement car les choses changent et il faut bien d adapter (sans aller jusqu a une guerre, si le prix du petrole triple comme en 1973 il faut bien changer son fusil d epaule)
    Par contre nous avons maintenant tendance a avoir des elus qui ont un programme qu ils n ont aucune intention d appliquer. Chirac n avait aucunement l intention de traiter la « fracture sociale », l objectif était juste de se demarquer du « traitre » Balladur qui lui avait « volé » programme et parti. De meme, Hollande n avait pas comme ennemi la finance. Il s agissait juste de piquer des voix a Melanchon qui montait dangereusement.
    Et la en effet ca pose un probleme car l electeur a l impression de s etre fait avoir (et c est pas en realisant des promesses obscure du programme qu on peut compenser (genre hollande avec le mariage homo, ca n a jamais été un axe majeur de son discours electoral).
    A la decharge de Macron, on peut quand meme reconnaitre que sa politique est assez dans le sens de son discours electoral : assez liberal (bon Macron vient du PS, donc c est du liberalisme tres modere mais dans l echiquier politique francais ca reste liberal)
    Doit on ecouter les electeurs et les manifestants ?
    Pourquoi pas. Mais que faire si ca revient a ne jamais rien faire comme Chirac ? Car quasiment toute mesure va faire des mecontents et la seule facon de reser au pouvoir c est de ne rien faire qui va vous aliener votre clientele electorale.
    Le probleme c est que le monde change et nus devons evoluer (la chine était inexistante economiquement il y a 25 ans) la France est tres divisee et que pour pas mal de mesures importantes vous avez pas de nette majorité. L ideal serait de faire comme De Gaulle pour chaque mesure controversee : un referendum (et un retrait si desavoué ?). De Gaulle a été mis au pouvoir par les partisans de l algerie francaise et il a fait un referendum pour l independance. Par contre Mitterrand s est fait elire en 81 sur un programme de rupture avec le capitalisme (si si, c est les mots du PS de l epoque) et n a jamais fait un referendum ou remis son poste en jeu quand il a tourné le dos a ses orientations politiques d origine a peine 1 an apres son election
    Et je serai meme favorable a un droit au referendum d initiative populaire comme en suisse (en France, c est une farce, c est theoriquement possible mais tout est fait pour que ca soit jamais mit en œuvre)
    Reste a savoir si un resultat 50.2/49.8 sera-t-il accepte par les perdants ?

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Aucune personne sensée ne peut croire qu’on va mettre en œuvre 100% d’un programme et rien qui n’est pas dans le programme d’un candidat. Tout simplement car les choses changent et il faut bien s’adapter (sans aller jusqu’à une guerre, si le prix du pétrole triple comme en 1973 il faut bien changer son fusil d’épaule)]

      En pratique, c’est ainsi que cela se passe. Il faut être naïf pour imaginer qu’après plus d’un siècle d’exercices démocratiques, les citoyens croient encore que les promesses électorales sont de véritables engagements. N’importe quel citoyen normalement constitué sait que les promesses électorales sont au mieux une description de ce que le candidat voudrait pouvoir faire dans un monde idéal, au pire le résultat d’une étude d’opinion qui permet au candidat de dire ce que les gens ont envie d’entendre.

      [Par contre nous avons maintenant tendance a avoir des élus qui ont un programme qu’ils n’ont aucune intention d’appliquer. Chirac n’avait aucunement l’intention de traiter la « fracture sociale », l’objectif était juste de se démarquer du « traitre » Balladur qui lui avait « volé » programme et parti. De même, Hollande n’avait pas comme ennemi la finance. Il s’agissait juste de piquer des voix a Mélenchon qui montait dangereusement.]

      Je vous trouve un peu trop sévère avec Chirac. Je pense que lorsque Chirac a adopté le discours de la « fracture sociale », cela correspond à une conviction personnelle. Je suis convaincu que pour Chirac la question de la « fracture » de la société était une véritable préoccupation, et que du coup son appel à réparer cette fracture était sincère. Qu’il ne fut pas prêt à payer le prix de cette politique – ou qu’il fut convaincu que son électorat n’y était pas prêt – c’est une autre affaire. Pour Hollande, c’est plus nuancé : toute sa carrière s’est construite sur une totale absence de convictions, sur des choix qui étaient à chaque fois purement tactiques. Et d’ailleurs, on a pu l’entendre pendant sa campagne dire un peu tout et son contraire en fonction de l’auditoire qu’il avait devant lui. Ce qui n’était pas tout à fait le cas avec Chirac.

      Pour moi, le problème n’est pas tant que les élus n’entendent pas appliquer leur programme. Cela a toujours été un peu le cas. De toute façon, ma position est que les citoyens en se choisissant un représentant ne choisissent pas un programme, mais un homme en qui ils déposent leur confiance. Le problème, c’est surtout que le programme reflète de moins en moins l’opinion réelle de l’homme qui le porte, et de plus en plus des calculs de communicants. Et du coup, il ne permet plus aux citoyens de connaître l’homme qui sollicite leur suffrage.

      [A la décharge de Macron, on peut quand meme reconnaitre que sa politique est assez dans le sens de son discours électoral : assez libéral (bon Macron vient du PS, donc c’est du libéralisme très modère mais dans l’échiquier politique français ça reste libéral)]

      La question n’est pas là. Macron n’a pas été élu sur son programme, qui a attiré moins d’un électeur sur quatre. Il a été élu sur le fait que deux électeurs sur trois ont estimé qu’il était moins pire que Le Pen. Imaginer que dans ces conditions on a un mandat pour appliquer son programme me paraît pour le moins un abus.

      [Doit-on écouter les électeurs et les manifestants ?]

      Je ne crois pas que la question se pose comme ça. Il faut écouter le peuple. Et le peuple s’exprime de plusieurs façons : par le vote, par la manifestation, par la pétition, et même par la conversation de bistrot ou celle du marché. « Ecouter » ne veut bien entendu pas « suivre ». Si le représentant a un devoir de prendre en compte l’opinion et l’intérêt des représentés, il a aussi un devoir de les informer, de les convaincre, d’appeler à la confiance qu’ils ont déposé en lui pour faire passer des mesures qu’il estime nécessaires malgré leur impopularité. Gouverner n’est pas qu’une science, c’est aussi un art.

      [Pourquoi pas. Mais que faire si ça revient à ne jamais rien faire comme Chirac ? Car quasiment toute mesure va faire des mécontents et la seule façon de rester au pouvoir c’est de ne rien faire qui va vous aliéner votre clientèle électorale.]

      Diriez-vous que François Mitterrand n’a « rien fait qui puisse mécontenter sa clientèle électorale » ? Cela ne l’a pas empêché de rester au pouvoir… Et puis, si le peuple veut qu’on ne fasse rien, au nom de quelle autorité l’homme politique aurait le droit de faire quelque chose ?

      [Le problème c’est que le monde change et nus devons évoluer (la Chine était inexistante économiquement il y a 25 ans) la France est très divisée et que pour pas mal de mesures importantes vous n’avez pas de nette majorité.]

      Pardon, mais je vous rappelle que tout impératif nécessite un empereur. Lorsque vous dites que « nous devons évoluer », d’où vient ce « devoir » ? Nous « devons évoluer » pour que nos classes dominantes puissent garder un haut niveau de vie ? Nous « devons évoluer » pour que les couches populaires puissent améliorer le leur ? Nous « devons évoluer » pour que la France garde son rang dans le monde ?

      Si l’impératif « nous devons évoluer » servait les intérêts de toutes les couches sociales, alors il n’y a aucune raison pour qu’on ne trouve pas une « nette majorité » pour soutenir ces évolutions. Si l’on ne trouve pas de « nette majorité », c’est parce que les « évolutions » qui sont proposées vont dans le sens des intérêts d’un bloc dominant minoritaire, au détriment de tout le reste. Evidemment, si vous proposez que la société « évolue » en réduisant les salaires des travailleurs pour que les financiers puissent continuer à amasser des fortunes, vous ne risquez pas d’avoir un consensus…

      La France a toujours été « très divisée ». Mais elle a eu pendant trente ans des gouvernements qui mal que mal ont cherché des politiques ou tout le monde avait quelque chose à gagner. Au travail on offrait une amélioration continue de leur niveau de vie, au capital une main d’œuvre bien formée, stable, disciplinée, des institutions solides, des protections douanières, des infrastructures de qualité, le tout sous l’égide d’un Etat régulateur. Les divisions ne deviennent dangereuses que lorsqu’une section dominante de la société, parce qu’elle n’a plus besoin des autres, refuse de partager le gâteau.

      [L’idéal serait de faire comme De Gaulle pour chaque mesure controversée : un referendum (et un retrait si désavoué ?).]

      Peut-être. Mais la difficulté se situe en amont. Il faudrait éviter qu’il y ait tant de mesures « controversées », et cela suppose de construire des consensus, de chercher non pas le clivage mais au contraire la mesure qui, tout en ne satisfaisant personne, donne à chacun suffisamment pour qu’il adhère globalement au projet. Le pilotage social des gouvernements gaullistes a été, contrairement à ce qu’on croit souvent aujourd’hui, très consensuel. Le gouvernement traitait avec les syndicats de puissance à puissance, et évitait chaque fois que c’était possible le conflit. En mai 1968, alors que le pays était paralysé, le fil de la discussion ne s’est jamais rompu entre la CGT et le gouvernement. Et je parle d’une véritable discussion où tous les sujets étaient sur la table, pas une convocation à Matignon pour « expliquer » une fois de plus la politique du gouvernement et annoncer que celui-ci ne céderait pas.

      Le référendum, c’est le recours ultime pour trancher une question fondamentale pour laquelle on n’arrive pas à trouver un équilibre. C’était le cas de l’indépendance algérienne, puisqu’il n’y avait pas de demi-mesure possible. Et dans la mesure où De Gaulle avait reçu mandat implicite lors de son investiture de garder l’Algérie, le référendum s’imposait.

      [Par contre Mitterrand s’est fait élire en 81 sur un programme de rupture avec le capitalisme (si si, c’est les mots du PS de l’époque) et n’a jamais fait un referendum ou remis son poste en jeu quand il a tourné le dos a ses orientations politiques d’origine a peine 1 an après son élection.]

      Au-delà de son programme, lorsque Mitterrand entreprend le « tournant de la rigueur », il a l’essentiel de la société derrière lui. On peut donc lui reprocher d’avoir trahi SES électeurs, mais pas vraiment d’avoir trahi le peuple qu’il était censé représenter. On peut regretter qu’il n’y ait pas eu en 1983 un véritable débat national sur ce que ce « tournant » impliquait pour l’avenir. Mais on ne peut pas accuser Mitterrand d’avoir rompu le pacte de confiance avec le peuple.

      Le cas de Macron est différent : sur l’affaire des retraites, il est clair que le pays ne le suit pas. Après six semaines de grève, il se trouve encore un peu moins de deux tiers des Français pour estimer dans les sondages que la demande de retrait du projet est justifiée.

      [Et je serai même favorable à un droit au referendum d’initiative populaire comme en Suisse]

      Personnellement, je suis absolument contre. Pour moi, la démocratie représentative n’est pas simplement une question de technique, liée à la difficulté de mettre tout le peuple dans une seule salle pour débattre et voter. Le représentant a une fonction maïeutique. Instaurer le référendum à la Suisse, c’est nier l’importance de cette fonction.

      • cdg dit :

        [Je vous trouve un peu trop sévère avec Chirac. Je pense que lorsque Chirac a adopté le discours de la « fracture sociale », cela correspond à une conviction personnelle. Je suis convaincu que pour Chirac la question de la « fracture » de la société était une véritable préoccupation, et que du coup son appel à réparer cette fracture était sincère. ]
        Permettez moi de douter. JC était en 1986 un admirateur de Mme Thatcher et comme premier ministre de 86-88 il mena une politique de liberalisation. Et une fois au pouvoir en 95, il abandonne tout de suite son discours electoral pour faire une politique qui aurait pu etre celle de Balladur : augmentation de la TVA pour boucher les trous budgetaire et reduction des deficits (avec une reforme des retraites d ailleurs 😉)
        JC était un opportuniste de la pire espece. Ce qui l interessait c est d etre elu, peut importe comment. Il a donc ete pour un travaillisme a la francaise, puis admirateur de Thatcher, puis pourfendeur de la fracture sociale pour finir en « roi faineant » (dixit Sarkozy) a la Mitterrand. Il a été contre le parti de l etranger (appel de Cochin) puis pour la dissolution de la France dans l UE … pas franchement coherent comme parcours
        [La question n’est pas là. Macron n’a pas été élu sur son programme, qui a attiré moins d’un électeur sur quatre. Il a été élu sur le fait que deux électeurs sur trois ont estimé qu’il était moins pire que Le Pen]
        Ca c est l argument des amis de Melanchon. Meme si le score de Macron a été faible au premier tour (De Gaulle faisait quasiment 50 % au premier tour sans faire campagne !) c est quand meme celui qui a fait le plus ! Le Pen a fait encore moins et si Macron n aurait pas été present au second tour, le 3eme (Fillon) aurait été elu president contre Marine avec un score au premier tour encore plus faible
        [Imaginer que dans ces conditions on a un mandat pour appliquer son programme me paraît pour le moins un abus. ]
        Dans ce cas on fait quoi ? je suis elu president mais j applique pas mon programme ? je fais comme Chirac et je ne fais rien pour pouvoir me faire reelire ?

        [ « Ecouter » ne veut bien entendu pas « suivre ». Si le représentant a un devoir de prendre en compte l’opinion et l’intérêt des représentés, il a aussi un devoir de les informer, de les convaincre, d’appeler à la confiance qu’ils ont déposé en lui pour faire passer des mesures qu’il estime nécessaires malgré leur impopularité.]
        Tout a fait. C est la ou Macron a était tres mauvais. On se demande comment ils ont pu se lancer dans une telle affaire avec un baton merdeux (Delevoye et ses conflit d interet dont ils etaient au courant). Avec en prime aucune idee claire (qui connait le projet du gouvernement ? c était flou de A a Z)
        [Diriez-vous que François Mitterrand n’a « rien fait qui puisse mécontenter sa clientèle électorale » ? Cela ne l’a pas empêché de rester au pouvoir…]
        Mitterrand est certes reste 14 ans au pouvoir. Mais a quel prix ? on charge beaucoup Hollande pour le declin du PS mais l initiateur de ce declin c est Mitterrand qui a renié les ideaux du PS (en 81 le PS parlait de rupture avec le capitalisme, en 88 le meme parti va chercher Tapie) et transformé celui-ci en un parti d apparatchik prêt a tout pour conserver le pouvoir. ET quand je dis prêt a tout c est vraiment a tout : on peut sacrifier l avenir du pays pour se cramponner au pouvoir (je pense a la cohabitation et la politique de sabotage de l action du premier ministre menee par l elysee)
        [ Et puis, si le peuple veut qu’on ne fasse rien, au nom de quelle autorité l’homme politique aurait le droit de faire quelque chose ?]
        C est toute la difference entre un homme politique et un homme d etat. Un politicien va caresser l electeur dans le sens du poil meme s il sait que ca va mener le pays dans le mur. Un homme d etat va mettre sa carriere en jeu pour aller dans ce qu il pense etre la bonne direction
        De Gaulle aurait tres bien pu ne pas se rapprocher d Adenauer (le sentiment anti allemand était encore vis a l epoque) et fonder la CEE. De meme larguer l algerie était pas populaire dans son electorat. Meme Pompidou (pas un revolutionnaire !) a du affronter des gens de son parti qui voyait encore l avenir de la France dans l agriculture et non l industrie

        [Lorsque vous dites que « nous devons évoluer », d’où vient ce « devoir » ?]
        Simplement car le monde change. Quand j etais gamin (annees 70) personne n avait d ordinateur et les gens consommait en majorite des produits fait en France.
        Aujourd hui vous pouvez commander quelque chose sur amazon (techno US) qui est fabrique en chine …
        On peut evidement rester comme avant et subir le sort des dinosaures. Ou pour rester dans le domaine economique faire comme la camif (https://fr.wikipedia.org/wiki/CAMIF)
        Si on reste au niveau des retraites, en 1970, les gens partaient a la retraite a 65 ans (quand ils y arrivaient) touchaient une misere et mourraient vite. Aujourd hui les retraités sont parti avant 60, vont vivre 25 ans et ont un niveau de vie superieur aux actifs. Mon grand père aurait été tres surpris si je lui aurait dit que 40 ans plus tard des retraités iraient faire des tours du monde alors que des gens qui travaillent doivent dormir dans leur voiture …
        [ Nous « devons évoluer » pour que nos classes dominantes puissent garder un haut niveau de vie ? Nous « devons évoluer » pour que les couches populaires puissent améliorer le leur ? Nous « devons évoluer » pour que la France garde son rang dans le monde ? ]
        C est un tout. Si vous voulez qu un pays reste important il lui faut une economie prospere (sinon le poids de l armement va simplement couler le pays. Sans compter que vous ne pouvez pas avoir un pays puissant miltairement sans qu il maitrise un minimum de techno)
        De meme, si vous voulez avoir une economie prospere vous ne pouvez avoir une minorite de clients tres riches et une majorite peu eduquee et condamnee a des emplois de domestique aux services des premiers. En plus ce type de societe est fondamentalement instable et incite les riches a investir ailleurs (cf amerique du sud).
        Une confusion assez frequente chez ceux qui pronent des baisses d impots c est entre riche et dynamique. Je serai pour qu on permettent aux gens de s enrichir par leur travail sans les taxer a mort (genre salaire max de melenchon ou taxe a 75 % de Hollande) mais pour taxer plus les rentiers (en France vous pouvez vivre en etant assez peu taxé si vous ne travaillez pas mais vivez de votre capital)

        [Si l’impératif « nous devons évoluer » servait les intérêts de toutes les couches sociales, alors il n’y a aucune raison pour qu’on ne trouve pas une « nette majorité » pour soutenir ces évolutions.]
        C est loin d etre sur. Déjà vous allez avoir des demagogues qui vont affirmer que ces evolutions sont nocives ou que vous pourriez avoir plus. Apres vous pouvez avoir des manipulations qui font que les gens votent contre leur interet. L exemple typique c est la FNSEA ou le gros de petits paysans servent les interets d une minorite de cerealiers
        Apres vous avez des conflits d interets. Supposez que vous proposez un changement qui degrade votre vie aujourd hui mais qui profitera a vos enfants dans 20 ans. Est-ce que la majorite de la population va accepter. Une partie d entre elle va y perdre a coup sur (morte dans 20 ans). Celle qui va y gagner ne vote pas encore … Pire les boomers sont une generation globalement egoiste qui n hesitera pas a planter la generation qui suit si ca peut leur rapporter (sinon comment expliquer les politiques a court terme menees depuis 20 ans. On a systematiquement economisé sur l investissement pour pouvoir maintenir le niveau des prestations sociales)
        [Mais elle a eu pendant trente ans des gouvernements qui mal que mal ont cherché des politiques ou tout le monde avait quelque chose à gagner.]
        C est vrai que c est plus dur quand on est plus comme dans l ecole des fans ou tout le monde a gagné. Faire des choix implique des gagnants et des perdants. C était aussi vrai avant : les colons algeriens ont perdu quand De Gaulle a largue l algerie. Les paysans ont perdu sous Pompidou…
        Mais je reconnais que c est plus simple avec une economie qui croit de 5 % par ans qu avec une economie stagnante voire en declin
        [Les divisions ne deviennent dangereuses que lorsqu’une section dominante de la société, parce qu’elle n’a plus besoin des autres, refuse de partager le gâteau.]
        L ecart s est creusé entre les differentes classes sociales (pas mal de raison a ca. Une partie des classes populaires ont leur propre modele et n aspirent plus a imiter le nievau au dessus. Une immigration qui fait que le francais CSP+ se sent aucune affinité avec le RMIste d origine algerienne). Une partie de la societe pense en effet qu elle n a plus besoin des autres (je l ai entendu d un cousin CSP++) meme si le retour de manivelle (brexit, vote trump/FN, integrisme/terrorisme) av peut etre les faire changer d avis.
        Mais a mon avis l explication la plus simple est simplement que le gateau ne grandit plus. En 1960 il ets facile de satisfaire tout le monde avec +5 % par an. Quand vous faite +1.5 % c est bien plus dur. Surtout si votre population augmente (+1.5% de croissance eco et +1.5 % de croissance de la population signifie 0 % par individu. Pire une population vieillissante implique que vous devez ponctionner plus les actifs. J ai été surpris de voir qu en 10 ans le nombre de retraité avait double (c était pour un post sur autre article votre blog))

        [Le référendum, c’est le recours ultime pour trancher une question fondamentale pour laquelle on n’arrive pas à trouver un équilibre]
        Pas forcement, ca peut etre pour valider un projet. Surtout avec l effondrement des corps intermediaires. La CGT actuelle n esplus que l ombre de la CGT de l epoque Gaullienne.
        [Au-delà de son programme, lorsque Mitterrand entreprend le « tournant de la rigueur », il a l’essentiel de la société derrière lui.]
        De facon assez ironique ceux qui le soutenaient etaient ceux qui avaient voté … VGE. Je vous rejoint sur le fait qu une facon democratique aurait été de dire pourquoi il y a eut ce virage et de le faire valider par referendum. Ce que Mitterrand c est bien gardé de faire
        [ [Et je serai même favorable à un droit au referendum d’initiative populaire comme en Suisse]
        Personnellement, je suis absolument contre. Pour moi, la démocratie représentative n’est pas simplement une question de technique, liée à la difficulté de mettre tout le peuple dans une seule salle pour débattre et voter. Le représentant a une fonction maïeutique. Instaurer le référendum à la Suisse, c’est nier l’importance de cette fonction.]]
        L un n empeche pas l autre. En Suisse le gouvernement et les partis (ou organisations/syndicats) donnent leur avis sur les questions soumise a referendum et peuvent aussi impulser des referendums (c est meme le cas dans la plupart des cas car receuillir les signatures necessite une sacree organisation). Le système suisse force au consensus car si vous passez en force vous etes sur que vos opposants vont vous balancer un referendum dans les pattes

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Permettez-moi de douter. JC était en 1986 un admirateur de Mme Thatcher et comme premier ministre de 86-88 il mena une politique de libéralisation. Et une fois au pouvoir en 95, il abandonne tout de suite son discours électoral pour faire une politique qui aurait pu être celle de Balladur : augmentation de la TVA pour boucher les trous budgétaires et réduction des déficits (avec une réforme des retraites d’ailleurs 😉)]

          On a le droit de changer d’avis. Ni le Chirac ni la France de 1986 n’étaient ceux de 1995. Et la politique du Chirac de 1995 n’était pas celle de Balladur. Pensez aux privatisations, par exemple.

          [JC était un opportuniste de la pire espèce. Ce qui l’intéressait c’est d’être élu, peu importe comment. Il a donc été pour un travaillisme a la française, puis admirateur de Thatcher, puis pourfendeur de la fracture sociale pour finir en « roi fainéant » (dixit Sarkozy) a la Mitterrand.]

          Mais comment se place sa position sur l’Irak et sur le référendum du TCE dans ce tableau ? On voit mal ce qu’un « opportuniste » aurait eu à gagner à s’opposer aux américains et encore moins à mettre en danger la ratification du TCE en la soumettant à référendum. Même chose avec la dissolution de 1997.

          Je pense qu’il y a deux Chirac : celui qui voulait être président de la République à tout prix – et pour cela a épousé la mode libérale de la droite des années 1980 puis le gaullisme social de Seguin quand il a fallu se distinguer de Balladur – et celui qui une fois élu n’avait plus rien à prouver et est revenu à ses sources rad-soc.

          [« La question n’est pas là. Macron n’a pas été élu sur son programme, qui a attiré moins d’un électeur sur quatre. Il a été élu sur le fait que deux électeurs sur trois ont estimé qu’il était moins pire que Le Pen » Ca c’est l’argument des amis de Mélenchon.]

          Faut-il définir un « point Mélenchon » comme on définit un « point Goodwin » ? Franchement, ce genre d’argument est faible : il arrive même aux amis de Mélenchon d’être dans le vrai, parfois…

          Personne ne discute la légitimité de Macron à diriger le pays. Ce qui est plus contestable, c’est sa prétention à fonder la légitimité de ses réformes sur son élection. La manière dont celle-ci a été acquise ne permet pas de conclure que les Français soutiennent son programme.

          [Même si le score de Macron a été faible au premier tour (De Gaulle faisait quasiment 50 % au premier tour sans faire campagne !) c est quand meme celui qui a fait le plus ! Le Pen a fait encore moins et si Macron n aurait pas été present au second tour, le 3eme (Fillon) aurait été elu president contre Marine avec un score au premier tour encore plus faible.]

          Et il aurait eu autant de mal à fonder sa légitimité à faire les réformes promises pendant sa campagne sur son score. Je ne comprends pas ici votre raisonnement. Macron « a fait le plus », et cela lui donne le droit d’occuper la présidence. Mais – et c’est là précisément mon point – élire une personne pour occuper une charge c’est une chose, et lui donner la légitimité pour appliquer son programme, c’en est une autre. Quand comme De Gaulle on est élu avec près de 50% au premier tour, on peut considérer que les Français soutiennent ou du moins acceptent qu’il applique son programme. Quand on obtient moins d’une voix sur quatre, il faut aller chercher la légitimité pour appliquer les mesures qu’on propose ailleurs : dans le soutien populaire, dans un référendum…

          [« Imaginer que dans ces conditions on a un mandat pour appliquer son programme me paraît pour le moins un abus. » Dans ce cas on fait quoi ? Je suis élu président mais j’applique pas mon programme ?]

          Dans ce cas, je suis élu président, je propose mes réformes et je cherche à obtenir le soutien de la société quitte à négocier des modifications, à supprimer certains irritants, à introduire des compléments. Et si la société continue à manifester une opposition, alors soit je demande aux électeurs de trancher par un référendum ou par une dissolution, ou je renonce à la réforme en question.

          Ma position est que même lorsqu’on est élu on ne peut pas faire une réforme contre la société. Lorsqu’un rejet massif se manifeste – et le fait qu’il y ait plus de 60% de Français qui se disent favorables à un retrait après six semaines de grève rend vraisemblable un tel rejet – on ne peut pas se contenter de dire « j’ai été élu ». Il faut négocier. C’est cela la démocratie. Accepter le contraire, ce serait admettre que l’élu dispose du soir de l’élection un chèque en blanc pendant cinq ans, et que le peuple doit attendre sagement la prochaine élection pour – éventuellement – le sanctionner.

          [« Diriez-vous que François Mitterrand n’a « rien fait qui puisse mécontenter sa clientèle électorale » ? Cela ne l’a pas empêché de rester au pouvoir… » Mitterrand est certes reste 14 ans au pouvoir. Mais a quel prix ?]

          La question n’est pas là. Vous aviez affirmé que pour rester au pouvoir les politiques ne font rien « qui puisse mécontenter leur clientèle électorale ». Je vous ai montré que ce n’est pas le cas. Certains politiques arrivent à « changer » de clientèle : Mitterrand a été élu avec les voix des « libéraux-libertaires » du PS et des couches populaires représentées par le PCF. Il a été réélu par le centre.

          [« Et puis, si le peuple veut qu’on ne fasse rien, au nom de quelle autorité l’homme politique aurait le droit de faire quelque chose ? » C’est toute la différence entre un homme politique et un homme d’état. Un politicien va caresser l’électeur dans le sens du poil même s’il sait que ça va mener le pays dans le mur. Un homme d’état va mettre sa carrière en jeu pour aller dans ce qu’il pense être la bonne direction.]

          Tout à fait. Mais l’homme d’Etat cherche à entraîner le peuple avec lui – quitte à risquer sa carrière – et non à lui imposer ce dont il ne veut pas. Celui qui fait cela s’appelle un dictateur.

          [De Gaulle aurait très bien pu ne pas se rapprocher d’Adenauer (le sentiment anti allemand était encore vif à l’époque) et fonder la CEE. De même larguer l’Algérie n’était pas populaire dans son électorat. Même Pompidou (pas un révolutionnaire !) a dû affronter des gens de son parti qui voyait encore l’avenir de la France dans l’agriculture et non l’industrie]

          Tout à fait. Mais ni De Gaulle ni Pompidou dans les exemples que vous donnez n’ont rêvé d’imposer à la société dans son ensemble ce dont elle ne voulait pas. A chaque fois qu’ils ont affronté une partie de leur électorat, ils avaient la société derrière eux. De Gaulle n’a pas hésité à faire légitimer les choix par le référendum ou la dissolution, et la politique industrielle de Pompidou avait un soutien massif. Après les législatives de 1968, alors qu’il en sort avec une légitimité pleine et entière, il propose une réforme de l’Université qui va dans le sens des demandes de la société, et qui ne correspond guère ç ses propres choix.

          [« Lorsque vous dites que « nous devons évoluer », d’où vient ce « devoir » ? » Simplement car le monde change. Quand j’étais gamin (années 70) personne n’avait d’ordinateur et les gens consommaient en majorité des produits faits en France. Aujourd’hui vous pouvez commander quelque chose sur Amazon (techno US) qui est fabrique en Chine…]

          J’avoue que je ne vois pas très bien le rapport avec les retraites. En quoi le fait qu’on puisse acheter des produits en Chine rend la retraite à points indispensable ?

          Je n’ai pas été clair, je le crains. Mon point n’était pas de dire qu’on pouvait se dispenser d’évoluer. Mon point est que les « évolutions » sont à notre main. Aucune ne nous est imposée. Lorsqu’on propose telle ou telle réforme pour « s’adapter » à l’évolution du monde, d’autres réformes aboutissant au même résultat sont possibles. Le choix dépend des intérêts qu’on veut privilégier.

          [Si on reste au niveau des retraites, en 1970, les gens partaient à la retraite a 65 ans (quand ils y arrivaient) touchaient une misère et mourraient vite. Aujourd’hui les retraités sont parti avant 60, vont vivre 25 ans et ont un niveau de vie supérieur aux actifs. Mon grand-père aurait été très surpris si je lui avais dit que 40 ans plus tard des retraités iraient faire des tours du monde alors que des gens qui travaillent doivent dormir dans leur voiture …]

          Il aurait été tout aussi surpris peut-être d’apprendre qu’on a 5 millions de chômeurs alors que les profits des entreprises battent tous les ans des records, que dix points de PIB ont été transférés du travail vers le capital, non ? Peut-être que si on revenait au plein emploi et à la distribution de la valeur des années 1970, on arriverait à ce que les actifs aient un meilleur niveau de vie que les retraités sans pour autant baisser les retraites. Voilà peut-être une « évolution » qu’on peut proposer pour ne pas devenir comme les dinosaures, qu’en dites-vous ?

          [« Nous « devons évoluer » pour que nos classes dominantes puissent garder un haut niveau de vie ? Nous « devons évoluer » pour que les couches populaires puissent améliorer le leur ? Nous « devons évoluer » pour que la France garde son rang dans le monde ? » C’est un tout. Si vous voulez qu’un pays reste important il lui faut une économie prospère.]

          Tout à fait. Mais c’est quoi, une « économie prospère » ? Une économie hautement productive dans les domaines de pointe avec du personnel bien formé et bien payé ? Une économie faiblement productive fondée sur des petits boulots disqualifiés et mal payés mais qui sert de riches dividendes aux investisseurs ?

          Ceux qui aujourd’hui n’ont que le « nous devons évoluer » nous poussent décidément vers la deuxième option. Ce n’est donc pas « un tout » comme vous le dites dans votre réponse. Il y a plusieurs choix : « l’évolution » peut privilégier les intérêts du bloc dominant au détriment des couches populaires, ou l’inverse.

          [Une confusion assez fréquente chez ceux qui prônent des baisses d’impôts c’est entre riche et dynamique. Je serai pour qu’on permettent aux gens de s’enrichir par leur travail sans les taxer a mort (genre salaire max de Mélenchon ou taxe a 75 % de Hollande) mais pour taxer plus les rentiers (en France vous pouvez vivre en étant assez peu taxé si vous ne travaillez pas mais vivez de votre capital)]

          Je n’ai rien contre le fait que les gens s’enrichissent grâce à leur travail, et je ne suis pas de ceux qui demandent le même salaire pour tout le monde. Mais dans la réalité il y a des salaires qui sont en fait des rentes déguisées et qui ne représentent ni de près ni de loin la valeur réelle produite par le travail des individus qui les touchent. Pensez-vous que le salaire d’un Neimar représente fidèlement le travail qu’il fournit ? Je ne pense pas que ce soit scandaleux de surtaxer à fond ces excès.

          [« Si l’impératif « nous devons évoluer » servait les intérêts de toutes les couches sociales, alors il n’y a aucune raison pour qu’on ne trouve pas une « nette majorité » pour soutenir ces évolutions. » C’est loin d’être sûr. Déjà vous allez avoir des démagogues qui vont affirmer que ces évolutions sont nocives ou que vous pourriez avoir plus. Apres vous pouvez avoir des manipulations qui font que les gens votent contre leur intérêt. L’exemple typique c’est la FNSEA ou le gros de petits paysans servent les intérêts d’une minorité de céréaliers.]

          Si l’on part comme ça, il est urgent d’enlever le droit de vote à tous ces gens qui sont tellement stupides qu’ils ne savent même pas où est leur intérêt. Personnellement, j’ai beaucoup plus de confiance que vous dans le bon sens des citoyens. Oui, on peut les duper pendant quelque temps, mais ce n’est pas si facile que ça. D’ailleurs, s’il était aussi facile de les convaincre qu’il fait jour à minuit, pourquoi Macron n’arrive pas à obtenir leur soutien massif pour sa réforme ?

          [Apres vous avez des conflits d’intérêts. Supposez que vous proposez un changement qui dégrade votre vie aujourd’hui mais qui profitera à vos enfants dans 20 ans. Est-ce que la majorité de la population va accepter.]

          Je ne sais pas. Mais ce n’est pas la question : je vous rappelle que votre point était qu’une réforme qui sert les intérêts de la majorité ne trouve pas nécessairement un soutien majoritaire. On ne parlait pas des réformes qui ne servent pas les intérêts de la majorité mais le feront dans vingt ans.

          J’ajoute que notre histoire a montré que la réponse à votre question est positive. Ceux qui avaient 50 ans en 1945 et se sont retroussés les manches pour reconstruire le pays ont fait précisément ce choix. Cela étant dit, on peut effectivement se demander si la génération des baby-boomers, celle des soixante-huitards, serait aussi généreuse…

          [« Mais elle a eu pendant trente ans des gouvernements qui mal que mal ont cherché des politiques ou tout le monde avait quelque chose à gagner. » C’est vrai que c’est plus dur quand on est plus comme dans l’école des fans ou tout le monde a gagné. Faire des choix implique des gagnants et des perdants.]

          Pas nécessairement : les choix faits en 1945 ont fait gagner tout le monde. Certes, le monde du travail a gagné plus que le capital, mais tout le monde a gagné. Les seuls qui ont vraiment perdu, ce sont les rentiers… et c’était une toute petite minorité.

          [C’était aussi vrai avant : les colons algériens ont perdu quand De Gaulle a largue l’Algérie. Les paysans ont perdu sous Pompidou…]

          Effectivement, dans l’affaire algérienne les pieds-noirs ont perdu. Et cela a failli nous couter une guerre civile. C’est à contrario un exemple qui apporte pas mal d’eau à mon moulin. Quant aux paysans sous Pompidou, vous faites un raisonnement erroné. Les paysans qui vivaient misérablement se sont transformés en ouvriers ayant des appartements avec eau courante et chauffage central. Oui, le nombre de paysans a beaucoup diminué, mais il n’est pas évident que les personnes concernées aient perdu en niveau de vie.

          [Mais je reconnais que c’est plus simple avec une économie qui croit de 5 % par ans qu’avec une économie stagnante voire en déclin]

          Sans doute, il est plus facile de distribuer les fruits de la croissance que ceux de la disette. Mais à supposer que notre économie soit en déclin, la chose serait mieux acceptée si les conséquences étaient équitablement distribuées.

          [Mais a mon avis l’explication la plus simple est simplement que le gâteau ne grandit plus. En 1960 il ets facile de satisfaire tout le monde avec +5 % par an. Quand vous faite +1.5 % c’est bien plus dur.]

          Le fait n’en demeure pas moins que les profits des entreprises et la rémunération versée au capital augmente régulièrement, et plus vite que ce maigre 1,5%. Ce qui tend à montrer que le problème est moins la faiblesse de la croissance que le fait qu’une partie de la société accapare une part croissante du gâteau.

          [L’un n’empêche pas l’autre. En Suisse le gouvernement et les partis (ou organisations/syndicats) donnent leur avis sur les questions soumise à referendum et peuvent aussi impulser des referendums (c’est même le cas dans la plupart des cas car recueillir les signatures nécessite une sacrée organisation).]

          Je n’ai pas dit que le référendum d’initiative populaire prive les partis de toute fonction. Ce que j’ai dit, c’est qu’il les prive de la fonction maïeutique.

      • Yoann dit :

        [Au-delà de son programme, lorsque Mitterrand entreprend le « tournant de la rigueur », il a l’essentiel de la société derrière lui. On peut donc lui reprocher d’avoir trahi SES électeurs, mais pas vraiment d’avoir trahi le peuple qu’il était censé représenter. ]

        Il reste la question de savoir comment on peut faire accepter de tel recule au peuple… C’est pas ça la différence entre une démocratie bourgeoise (bourgeoisie qui a aussi les médias, et un nombre croissant de relais pour changer l’opinion) de ce que serait une démocratie “prolétaire” ?

        • Descartes dit :

          @ Yoann

          [Il reste la question de savoir comment on peut faire accepter de tel recule au peuple…]

          Quel « recul » ? Le « tournant de la rigueur » faisait parfaitement l’affaire des bourgeois et des classes intermédiaires, qui jusqu’à nouvel ordre font, elles aussi, partie du « peuple ». Pour le reste, on a caché très largement au reste du peuple les reculs que le « tournant » de 1983 allait entraîner.

          [C’est pas ça la différence entre une démocratie bourgeoise (bourgeoisie qui a aussi les médias, et un nombre croissant de relais pour changer l’opinion) de ce que serait une démocratie “prolétaire” ?]

          Ce serait quoi, une « démocratie prolétaire » ?

          • Yoann Kerbrat dit :

            [Ce serait quoi, une « démocratie prolétaire » ?]

            Une dans laquelle on ne peut pas léser autant des couches sociales en ” cach[ant] très largement les reculs que le « tournant » de 1983 allait entraîner”. Une dans laquelle les médias n’appartiennent pas à un nombre décroissant de personnes, dont la fortune est croissante. Une dans laquelle c’est la bourgeoisie pour changé qui est lésée, car elle permet plus facilement l’alliance des couches intermédiaires avec les ouvriers-employés, que l’alliance couche intermédiaire-bourgeoisie.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Une dans laquelle on ne peut pas léser autant des couches sociales en ” cach[ant] très largement les reculs que le « tournant » de 1983 allait entraîner”.]

              Je vois mal comment vous arrivez à obtenir ce miracle. La démagogie n’est pas une invention du capitalisme, elle existait déjà dans la Rome antique. A part trouver un sérum de vérité qu’on pourrait administrer aux politiques, je ne vois pas comment on pourrait les forcer à dire la vérité. Et encore, pour dire la vérité il faudrait qu’ils la connussent. Je ne suis même pas totalement convaincu que ceux qui ont soutenu le tournant de 1983 et s’en sont faits les propagandistes aient été conscients à l’époque des reculs que cette décision préparait.

              [Une dans laquelle les médias n’appartiennent pas à un nombre décroissant de personnes, dont la fortune est croissante.]

              Le contrôle des médias par les grandes fortunes était un grave problème du temps ou les médias étaient rares et la concurrence entre eux faible. Mais aujourd’hui, le marché médiatique est atomisé et la concurrence y est féroce. Du coup, pour garder leur audience les médias sont obligés de dire ce que l’auditeur veut entendre. Les médias « forment » moins l’opinion qu’ils ne la suivent.

              [Une dans laquelle c’est la bourgeoisie pour changé qui est lésée, car elle permet plus facilement l’alliance des couches intermédiaires avec les ouvriers-employés, que l’alliance couche intermédiaire-bourgeoisie.]

              Difficile de définir un régime politique (la « démocratie prolétaire ») à partir de la nature des alliances de classe. Si les classes intermédiaires ne sont pas les alliés des couches populaires, c’est parce que ce n’est pas leur intérêt. Et cela n’est pas une question de régime politique. Imaginer que l’introduction de la proportionnelle, d’un régime d’assemblée ou d’un référendum d’initiative populaire changera quelque chose aux alliances de classe est une douce illusion.

            • Yoann Kerbrat dit :

              [Les médias « forment » moins l’opinion qu’ils ne la suivent.]

              Point de vu intéressant.

              [Difficile de définir un régime politique (la « démocratie prolétaire ») à partir de la nature des alliances de classe]

              En effet. J’ajouterais cependant qu’une tel démocratie impacterait les décisions au sein des banques et des entreprises (mais on va pas réécrire les travaux de P. Boccara, c’est ce que j’ai aussi en tête).

  10. Luc dit :

    Toute la configuration politique va changer avec ce bouleversement profond des retraites.
    Ce sera un charivari qui va durer des années..
    Macron disparaîtra des radars encore + vite qu’Holland,concluant ainsi un cycle commencé en 1983.
    Autrement dit les Macronistes deviendront des Macronards supportant à jamais d’avoir fait passer un réforme au forceps.
    Par un sentiment de supériorité immérité et de façon rebutante parceque
    dogmatique.
    Tout ça pour un coût exorbitant .
    Le futur est à écrire , la donné est bouleversée , la Macronie est exsangue n’est ce pas?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Toute la configuration politique va changer avec ce bouleversement profond des retraites.
      Ce sera un charivari qui va durer des années… Macron disparaîtra des radars encore + vite qu’Hollande, concluant ainsi un cycle commencé en 1983.]

      Attendez… où voyez-vous Macron « disparaître des radars » ? Le fait est qu’alors que le pays est, sinon à feu et à sang, passablement secoué par un mécontentement majoritaire et une détestation du président de la République, on ne voit aucune alternative surgir. Mélenchon et sa secte sont marginalisés ; LR n’en finit pas de se trouver un projet ; le PCF, PS et les verts sont trop occupés à sauver leurs élus municipaux… Les mouvements sont là, et aucun ne trouve un exutoire politique.

      [Autrement dit les Macronistes deviendront des Macronards supportant à jamais d’avoir fait passer un réforme au forceps.]

      On n’est pas chez Disney. Les méchants ne sont pas nécessairement punis à la fin. Dans le monde réel, ils mènent des vies prospères et heureuses, et passent à leurs enfants leurs biens mal acquis.

  11. Françoise dit :

    à tous les perdants qui se font du mal à refaire le match de 2017 et voudraient changer la règle du jeu à leur avantage, voici la réponse de Macron:
    https://www.lefigaro.fr/politique/macron-repond-a-ceux-qui-comparent-la-france-a-un-etat-autoritaire-essayez-la-dictature-et-vous-verrez-20200124

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [à tous les perdants (…)]

      Allons, Françoise… on ne dit pas « perdants », on dit « derniers de cordée ». Ou bien « ceux qui ne sont rien », par opposition à « ceux qui ont réussi ». Puisque vous êtes devenue une « fan » de Macron, apprenez au moins à utiliser son vocabulaire…

      [voici la réponse de Macron:]

      Une réponse particulièrement bête, qui contient une erreur fondamentale. Voici le paragraphe le plus notable :

      « La démocratie est «un système politique où l’on choisit les représentants qui auront à voter librement les lois qui régissent la société». «Ça a beaucoup d’exigences : ça veut dire que la liberté du peuple et sa souveraineté sont reconnues. Mais ça a une contrepartie : c’est que, dans une démocratie, on a un devoir de respect à l’égard de ceux qui représentent et portent cette voix. Parce que, précisément, on a le pouvoir de les révoquer ».

      Macron se trompe. En France, on n’a pas le « pouvoir de révoquer » nos élus. Tout au plus, le pouvoir de ne pas les réélire. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Dans la démocratie telle que Macron la conçoit, le peuple vote tous les cinq ans, et dans la période qui court entre deux élections les représentants « votent librement la loi ». Dans cette logique, le représentant qui ne compte pas se représenter a donc les mains totalement libres. Pendant cinq ans, il peut ignorer totalement les électeurs. On est bien en présent d’une logique « autoritaire » puisque le représentant, une fois élu, exerce une autorité absolue qui ne saurait être contestée.

      On peut donc parler de « dictature » au sens que le terme avait dans la Rome antique : le pouvoir absolu conféré à une personne pendant un temps limité. Bien entendu, il y a des dictatures « hard » et des dictatures « soft », et celle de Macron – ou plutôt celle que Macron aimerait exercer – est plutôt dans la logique « soft ». Mais cela ressemble quand même drôlement à une dictature.

      Heureusement, ce n’est pas parce que Macron se conçoit comme dictateur et se comporte comme tel que le système suit. L’affaire Benalla a montré que si le président peut nommer un cheval sénateur, le nettoyage des écuries peut être très coûteux. Les gilets jaunes et les mouvements en cours ont montré que les gens ne sont pas prêts à accepter la logique autoritaire dans laquelle le peuple s’exprime une fois tous les cinq ans et doit garder un silence « respectueux » entre deux élections, sauf quand on le convie à des « grandes débats » pour écouter sagement le président…

      J’ajoute qu’en démocratie personne n’a un « devoir de respect » envers qui que ce soit. Les citoyens sont tenus d’obéir aux lois, pas de « respecter » ceux qui la font. Le respect, cela ne se commande pas, cela se gagne. Et de toute évidence, les élus de 2017 n’ont pas su la gagner.

      • Françoise dit :

        “on ne dit pas « perdants », on dit « derniers de cordée »”
        ou trotskiste ou communiste ou cégétiste ou filloniste ou lepeniste ou gilejoniste ou, un condensé de tous les précédents, pseudo D-iste; bref, tous ceux qui sont jaloux que Macron parvienne à faire sa révolution programmée!
        😉

      • Yoann Kerbrat dit :

        [Dans la démocratie telle que Macron la conçoit, le peuple vote tous les cinq ans, et dans la période qui court entre deux élections les représentants « votent librement la loi »]

        Je sais que vous êtes attaché à la Ve, et vous avez même réussi à me détourner de l’idée d’une VIe pour le bon. Mais l’absence de gardes fous constitutionnelles pour devenir un dictateur “solf” n’en est-elle pas une limite, et si oui comment y remédier ?

        La révocation des élus n’a guère de sens sauf à créer des mandats impératifs (et on tombe dans la dictature de la majorité), un régime parlementaire pourrait limiter les marges de manœuvres mais au prix de jeux politiques dans l’ombres qui sont étranger au peuple Français… Le RIC toujours le même problème de la dictature de la majorité, une démocratie par tirage au sort me semble une folie, et une transformation du Sénat s’il n’a guère plus de pouvoir que l’actuel ne changerait rien.

        • Descartes dit :

          @ Yoann Kerbrat

          [Je sais que vous êtes attaché à la Ve, et vous avez même réussi à me détourner de l’idée d’une VIe pour le bon. Mais l’absence de gardes fous constitutionnelles pour devenir un dictateur “soft” n’en est-elle pas une limite, et si oui comment y remédier ?]

          Il n’y a que les juristes pour croire qu’une disposition constitutionnelle peut faire barrage à une dictature. Quand un groupe social juge qu’il a plus intérêt à renverser la table qu’à jouer le jeu, il renverse la table. Et ce n’est certainement pas le droit qui l’en empêchera. Ce sont les institutions de la IIIème République qui ont permis l’instauration en 1940 d’une dictature. Et pourtant, c’était un régime tout ce qu’il y a de plus parlementaire, assez semblable à celui qu’appellent de leurs vœux les tenants d’une VIème République… Le seul « garde fou » contre l’instauration d’une dictature, c’est la vigilance populaire. C’est la logique qui veut que le peuple puisse demander des comptes aux gouvernants non pas tous les cinq ans, mais à chaque instant par les voies de la grève, de la manifestation, de la pétition.

          Il n’y a pas de démocratie sans responsabilité, et il n’y a pas de responsabilité sans puissance. Un régime dans lequel les gouvernements peuvent toujours se cacher derrière leur impuissance pour justifier leurs erreurs – comme ce fut le cas sous la IIIème et la IVème Républiques – est foncièrement mauvais. La grande vertu de la Vème, c’est que le gouvernement a les instruments pour gouverner, et par conséquence peut être tenu pour responsable de ce qu’il fait. Et les moyens de faire jouer cette responsabilité existent : la sanction dans les urnes, la pétition, la manifestation et, si le gouvernement ne veut pas écouter, l’émeute. Car il ne faut pas oublier que « la résistance à l’oppression » et l’un des quatre droits fondamentaux.

          [La révocation des élus n’a guère de sens sauf à créer des mandats impératifs (et on tombe dans la dictature de la majorité),]

          Mais surtout, elles privent l’élu de son rôle maïeutique. En faisant de lui un simple porte-parole, on le prive de la fonction d’intermédiation : expliquer à ceux d’en haut ce que pensent ses électeurs, expliquer à ses électeurs ce que pensent ceux d’en haut.

          [un régime parlementaire pourrait limiter les marges de manœuvres mais au prix de jeux politiques dans l’ombres qui sont étranger au peuple Français…]

          Et surtout, en condamnant les gouvernements à l’instabilité, il les rend impuissants et donc irresponsables. L’expérience des IIIème et surtout IVème République est là pour celui qui veut la voir…

          • Yoann Kerbrat dit :

            [ si le gouvernement ne veut pas écouter, l’émeute]

            Vous m’encouragez a rejoindre ceux qui veulent refaire un 1er décembre 2018 maintenant. (en attendant le “Que Faire ?” de Descartes).

            [ L’expérience des IIIème et surtout IVème République est là pour celui qui veut la voir]

            Malgré tout les régimes parlementaires sont nombreux en Europe. Mais les périodes d’instabilités font parti du paysage, alors que chez nous nous n’y sommes pas habitué. Les partisans d’une 6e république s’imagine pas ce qu’ils proposent tellement on a la 5e dans le sang et les habitudes.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [« si le gouvernement ne veut pas écouter, l’émeute » Vous m’encouragez a rejoindre ceux qui veulent refaire un 1er décembre 2018 maintenant. (en attendant le “Que Faire ?” de Descartes).]

              Tout l’art de la politique est de comprendre jusqu’où on peut tendre la corde sans qu’elle rompe. Si le gouvernement avait montré un minimum d’écoute et d’empathie, s’il avait accordé le tiers de ce qu’il accordera après le saccage de l’arc de triomphe, on n’aurait jamais eu de 1er décembre 2018 et cela lui aurait coûté finalement moins cher. L’Etat est comme un grand bateau, et l’art du capitaine est de faire en sorte que personne à bord n’ait intérêt à faire un trou dans la coque.

              [Malgré tout les régimes parlementaires sont nombreux en Europe. Mais les périodes d’instabilités font parti du paysage, alors que chez nous nous n’y sommes pas habitué. Les partisans d’une 6e république s’imagine pas ce qu’ils proposent tellement on a la 5e dans le sang et les habitudes.]

              D’abord, un système politique n’est pas un produit d’importation. Ce qui marche chez les autres marche aussi parce qu’il y a une tradition politique souvent millénaire, avec des structures sociologiques, philosophiques, économiques qui sont différentes des nôtres. Le système politique de la Grande Bretagne fonctionne depuis des siècles sans constitution écrite. Imagine-t-on ce qui se passerait si on essayait la même chose en France ?

              Ensuite, il ne faut pas oublier que le régime de la Vème République est un régime parlementaire :
              « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement (…) » (constitution du 4 octobre 1958, article 20). Si l’on se réfère à la Constitution, le président a des pouvoirs relativement limités : il nomme le Premier ministre (mais ne peut le renvoyer), il peut dissoudre l’Assemblée. Tout le reste est essentiellement symbolique (accréditation des ambassadeurs, nomination aux hauts emplois civils et militaires, présidence du Conseil des ministres, promulgation des lois). Il n’y a que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles qu’il bénéficie de pouvoirs significatifs (article 16). C’est la pratique, et non le droit, qui fait du président de la République la « clé de voute » du système. On l’a bien vu pendant les périodes de cohabitation…

              Enfin, le problème ne se pose pas de la même façon dans une puissance mondiale et dans un pays qui ne l’est pas. La Belgique peut se permettre de ne pas avoir de politique extérieure pendant des mois et des années. La France pourrait-elle se le permettre ? Et dans la même logique, le problème ne se pose pas de la même manière dans un pays unitaire comme la France et dans un pays fédéral comme l’Allemagne ou la Belgique.

  12. luc dit :

    https://www.lefigaro.fr/flash-eco/retraites-buzyn-aurait-prefere-un-autre-avis-du-conseil-d-etat-20200126
    A LA LECTURE DU LIEN CI DESSUS , 2 interrogations me viennent:

    -L’avis du conseil d’état est préventif , contraignant mais ne supprime pas la loi ?

    -Si des irrégularités persistent , le conseil constitutionnel peut quand même valider la Loi ,car sa décision est politique ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [-L’avis du conseil d’état est préventif, contraignant mais ne supprime pas la loi ?]

      Le Conseil d’Etat a deux fonctions distinctes : une fonction de conseiller de gouvernement, et une fonction de juge administratif. En tant que juge administratif, il juge de la conformité des actes du pouvoir exécutif (décrets, arrêtés, circulaires) avec la loi, les traités et la constitution. Ses décisions sont contraignantes et s’imposent à l’autorité administrative. Cette fonction est assurée par une « section » du Conseil d’Etat, la « section du contentieux ». Selon le sérieux de l’affaire, elle est jugée par une « sous-section », par plusieurs « sous-sections réunies » ou, pour les affaires les plus complexes, par « l’assemblée générale de la section du contentieux ».

      Mais le Conseil d’Etat est aussi conseiller du gouvernement. A ce titre, il examine les projets de décret « en conseil d’Etat », d’ordonnance ou de loi. Selon l’importance du texte, il est examiné en « section administrative » spécialisée (section des travaux publics, de l’administration, des affaires sociales, des finances, de l’intérieur…) et lorsque des difficultés juridiques se présentent, par l’assemblée générale du Conseil d’Etat.

      En tant que conseiller du gouvernement, les avis du Conseil ne sont pas contraignants et le gouvernement est libre de maintenir son texte. Cependant, lorsque le Conseil en tant que conseiller signale une difficulté, il y a de grandes chances que la section du contentieux, lorsqu’elle aura à juger de la régularité du texte, suive la même tendance… il faut donc avoir de très bons arguments pour passer outre l’avis du Conseil. Pour les lois, c’est un peu plus compliqué parce que le contentieux concernant la conformité des lois avec les traités et la Constitution est porté devant le Conseil Constitutionnel. Mais comme c’est le conseil d’Etat qui assure le secrétariat et conseille ce dernier, là encore les défauts soulevés en tant que conseil du gouvernement risquent de provoquer une annulation…

      [-Si des irrégularités persistent, le conseil constitutionnel peut quand même valider la Loi ,car sa décision est politique ?]

      Il le peut, bien sûr. Le Conseil constitutionnel (et le Conseil d’Etat jugeant au contentieux) sont souverains et ne sont pas tenus par les avis du Conseil en tant que conseiller du gouvernement. Mais si les décisions du Conseil constitutionnel sont en partie « politiques », le Conseil ne peut s’asseoir sur le droit, tout simplement parce que ses décisions font jurisprudence, et que la solution qu’ils auront appliqué à un litige s’appliquera aussi à toutes les affaires similaires. Si le Conseil d’Etat signale dans son avis – comme il le fait dans cette affaire – un conflit entre le texte et les décisions antérieures du Conseil constitutionnel, ce dernier ne pourra pas dire le contraire, sauf à renier ses propres décisions.

  13. Ian Brossage dit :

    Bonsoir,

    Signe des temps : pendant que la majorité de la classe politique française, gauche comprise, ne remet pas en cause les politiques de mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux en UE, une ministre du gouvernement conservateur britannique a attaqué les entreprises britanniques pour leur dépendance au travail de ressortissants européens à bas salaires :
    https://www.dailymail.co.uk/news/article-7930871/Priti-Patel-attacks-UK-business-far-reliant-cheap-labour-EU.html

    • Descartes dit :

      @ Ian Brossage

      [Signe des temps : pendant que la majorité de la classe politique française, gauche comprise, ne remet pas en cause les politiques de mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux en UE, une ministre du gouvernement conservateur britannique a attaqué les entreprises britanniques pour leur dépendance au travail de ressortissants européens à bas salaires : (…)]

      Passionnant en effet : on voit les patrons britanniques demander à leur gouvernement d’autoriser l’arrivée de personnel faiblement qualifié après la sortie de l’UE, et un ministre conservateur leur répondre par la négative, soulignant qu’il faudra que le patronat « investisse plus dans les travailleurs britanniques ».

      On ne peut que donner rétrospectivement raison à Todd sur un point. Si la sortie de l’UE ne résout en elle-même aucun problème, elle a l’avantage de faire que LES problèmes deviennent NOS problèmes, dont la solution peut être discuté entre nous, au lieu d’attendre qu’elle vienne miraculeusement de Bruxelles, de Francfort ou d’ailleurs. Tout à coup, des sujets qui étaient hors discussion – à quoi bon discuter de l’investissement dans le capital humain national, puisqu’il n’y a plus de frontières et que les patrons peuvent toujours recruter là où c’est moins cher – peuvent être abordés, et on peut penser des solutions.

      Cette affaire montre aussi la mutation du parti conservateur. Libéral dans les années Thatcher, il devient un grand parti populaire dans une optique qui rappelle le social-souverainisme qui rappelle drôlement le gaullisme mais aussi la mutation que Philippot l’avait impulsé lors de son passage au FN. Les conservateurs britanniques reconnaissent – et c’est rare chez eux – une certaine attraction pour le modèle français. La droite française s’inspirera-t-elle de ce tournant ?

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Libéral dans les années Thatcher, il devient un grand parti populaire dans une optique qui rappelle le social-souverainisme qui rappelle drôlement le gaullisme mais aussi la mutation que Philippot l’avait impulsé lors de son passage au FN.

        Je ne sais pas si l’on peut déjà observer qu’il y a « mutation ». C’est Boris Johnson qui semble avoir impulsé le changement de discours (il a fait des percées considérables dans le Nord de l’Angleterre à la dernière élection), et les autres le suivent car Johnson est un animal politique qui a su renverser une situation en apparence désespérée. Ce changement perdurera-t-il quand viendront les difficultés de l’exercice du pouvoir ?

        Mais bon, c’est tout de même un changement réjouissant.

        > La droite française s’inspirera-t-elle de ce tournant ?

        Pensez-vous à LR ? Il faudrait qu’il y ait une personnalité capable, par son intelligence politique et son influence, d’imposer un tel tournant. Je ne suis pas sûr que Julien Aubert ait le poids politique de Johnson… Certes, le ralliement de certains à En Marche peut ouvrir des possibilités.

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Je ne sais pas si l’on peut déjà observer qu’il y a « mutation ». C’est Boris Johnson qui semble avoir impulsé le changement de discours (il a fait des percées considérables dans le Nord de l’Angleterre à la dernière élection), et les autres le suivent car Johnson est un animal politique qui a su renverser une situation en apparence désespérée. Ce changement perdurera-t-il quand viendront les difficultés de l’exercice du pouvoir ?]

          Je suis d’accord, mais si Johnson a pu « impulser le changement », c’est parce qu’il avait la base du parti conservateur avec lui. Sans quoi il n’aurait jamais réussi à se faire élire malgré la campagne intensive contre lui des tories « modérés ». C’est en ce sens qu’on peut parler d’une « mutation » du parti conservateur.

          [« La droite française s’inspirera-t-elle de ce tournant ? » Pensez-vous à LR ?]

          Oui, tout à fait. LR réalisera un jour que l’électorat centriste est parti chez Macron, et que sa seule chance de se refaire est de viser l’électorat populaire laissé en friche par la gauche et réticent pour des raisons historiques à voter massivement pour le RN ?

          Le problème est que même si certains chez LR partagent cette analyse, la droite française est essentiellement trouillarde. Pour trouver une personnalité volontariste et courageuse, il faut bien chercher. Johnson et les siens ont osé couper les amarres qui les liaient à l’UE, et ont manifesté par ce geste un grand courage et une totale confiance dans leur propre capacité à dépasser les obstacles. La droite française, elle, a peur de son ombre. Elle va chaque fois chercher des personnalités rassurantes genre Fillon ou Juppé.

  14. Luc dit :

    Certains , au vu des déconfiture actuelles de la Macronie , peuvent penser qu’elle est en train de disparaitre.
    Immergé dans l’enseignement secondaire , comme mes collègues je suis , dupé , leurré , manipulé par Blanquer , complotiste Macronard en chef.
    Pourtant non seulement l’administration obéit à Blanquer mais à de rares exceptions près , les salariés de l’EN font l’Autruche.
    C’est bien sûr le fruit d’un formatage qu’on nimportequoïsme’ diffusé par les médias acquis au bloc dominant depuis des décennies.
    Les nouveaux dispositifs de mise en rupture de carrières à l’initiative aussi de l’EN instauré depuis le 01
    Janvier 2020.constitue aussi une menace à l’instar d’un licenciement.
    Dans les réseaux ex-macronistes du PS(Hollandais , Strauss-Kahnien ,Rocardien..)aucune autocritique.
    Au contraire c’est la fuite en avant ds un déchaînement contre la CGT et une fusion inconditionnelle avec l’électorat de Fillon.
    Autrement dit le socle des 24% d’électeurs irrédentistes de Macron , ds l’EN et en dehors persiste malgré la calamiteuse réforme bancale des retraites.Ça suffit pour faire réélire Macron contre Lepen..
    N’est ce pas parceque personne n’arrive à expliquer comment équilibrer les retraites dans un avenir où ns aurons 1,7 cotisant pr 4 retraités ,selon Blanquer le grand manipulateur et autres ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Certains, au vu des déconfiture actuelles de la Macronie, peuvent penser qu’elle est en train de disparaitre.]

      Ils ont tort. Le macronisme, c’est l’idéologie dominante d’une classe, ou plus précisément d’une alliance de classes, le bloc dominant. Il n’est pas exclu que le personnage Macron sombre, entraîné par ses erreurs politiques. Le style changera alors, mais les orientations politiques resteront les mêmes.

      [Pourtant non seulement l’administration obéit à Blanquer mais à de rares exceptions près, les salariés de l’EN font l’Autruche.]

      Que l’administration obéisse à Blanquer, c’est normal. Quoique vous puissiez penser de Blanquer, c’est le ministre d’un gouvernement élu. Ce n’est pas à l’administration de choisir à qui elle doit obéir. Si l’administration a un devoir de neutralité, et d’obéissance à la loi.

      La passivité des enseignants est par contre intéressante à analyser. J’y vois la confirmation de mon analyse : même si les enseignants sont relativement mal payés, ils font bien partie des « classes intermédiaires », et ont donc confiance dans un gouvernement qui répond au bloc dominant pour protéger leurs intérêts. Comment expliquer autrement leur passivité, alors qu’il s’agit d’un milieu d’habitude très réactif, fortement syndicalisé et corporatiste, et dont il est évident qu’il sera l’une des principales victimes du nouveau système tel qu’il est proposé aujourd’hui ?

      [C’est bien sûr le fruit d’un formatage qu’on nimportequoïsme’ diffusé par les médias acquis au bloc dominant depuis des décennies.]

      Je ne le crois pas. Les gens ne sont pas des marionnettes qui se laissent « formater » aussi facilement. Et c’est particulièrement vrai pour les enseignants, qui en principe ont tous les instruments intellectuels pour avoir une vision critique. Si les enseignants ne réagissent pas, il faut chercher les raisons dans la manière dont leurs intérêts sont pris en compte et satisfaits.

      [Les nouveaux dispositifs de mise en rupture de carrières à l’initiative aussi de l’EN instauré depuis le 01 Janvier 2020 constitue aussi une menace à l’instar d’un licenciement.]

      Je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence. La « rupture conventionnelle » dans la fonction publique ne constitue aucune « menace » puisqu’elle requiert l’accord de l’agent.

      [Dans les réseaux ex-macronistes du PS (Hollandais, Strauss-Kahnien, Rocardien..)aucune autocritique.]

      Pourquoi voulez-vous une « autocritique », alors que Macron fait ce qu’ils ont toujours rêvé de faire ? Les critiques qu’on entend au PS sont purement tactiques.

      • matérialiste-patriote dit :

        [Comment expliquer autrement leur passivité, alors qu’il s’agit d’un milieu d’habitude très réactif, fortement syndicalisé et corporatiste, et dont il est évident qu’il sera l’une des principales victimes du nouveau système tel qu’il est proposé aujourd’hui ?]

        C’est peut-être une explication complémentaire plus que concurrente, mais je vois pas mal de collègues qui perçoivent négativement ce qui se passe et qui n’arrivent pas à réagir collectivement. La culture syndicale s’est beaucoup perdue dans l’éducation nationale: s’il reste pas mal de collègues syndiqués, très peu sont des leaders dans leur établissement, en particulier dans les nouvelles générations. Faire grève n’a plus rien de naturel.
        Je crois que les profs “anciennes générations” avaient une vision un peu irénique des conflits sociaux et avaient l’habitude qu’en gueulant un peu ils voient leurs revendications satisfaites. L’attitude autoritaire du gouvernement actuel les déboussole. Ajoutons à cela que ce sont des générations qui ont dévalorisé l’engagement politique traditionnel en raison d’une idéologie individualiste, et qui commencent à se rendre compte des limites de cette attitude; mais comment reconstruire? D’où une attitude gauchiste de certains, qui appellent à passer à des actions illégales ou plus “musclées” car ils voient que le corps enseignant ne fait plus bloc.
        Quant aux nouveaux collègues que je vois passer, leur immaturité politique et leur volonté de ne surtout pas passer pour de “mauvais élèves” m’impressionne. Mais à leur décharge, il faut reconnaître que la socialisation politique n’est pas, ou mal effectuée par les anciennes générations.

        • Descartes dit :

          @ matérialiste-patriote

          [C’est peut-être une explication complémentaire plus que concurrente, mais je vois pas mal de collègues qui perçoivent négativement ce qui se passe et qui n’arrivent pas à réagir collectivement.]

          Ca c’est un constat. Mais quelle serait l’explication ? Pourquoi des gens qui perçoivent négativement la réforme et qui, contrairement aux employés du privé, sont protégés par leur statut, « n’arrivent pas à réagir » ?

          [Je crois que les profs “anciennes générations” avaient une vision un peu irénique des conflits sociaux et avaient l’habitude qu’en gueulant un peu ils voient leurs revendications satisfaites. L’attitude autoritaire du gouvernement actuel les déboussole.]

          Pourtant, après avoir gueulé un peu, les enseignants ont obtenu l’assurance d’une revalorisation salariale qui, même si elle est peu crédible (500 M€ divisés par un million d’enseignants, ça fait 50 € de plus par mois pour chacun…), n’est pas nulle. Pourquoi n’ont-ils pas continué la grève ?

          [Quant aux nouveaux collègues que je vois passer, leur immaturité politique et leur volonté de ne surtout pas passer pour de “mauvais élèves” m’impressionne. Mais à leur décharge, il faut reconnaître que la socialisation politique n’est pas, ou mal effectuée par les anciennes générations.]

          Effectivement, je crois que le mot « immaturité » est celui qui le mieux qualifie notre époque. On voit partout se multiplier chez les adultes – on devrait plutôt dire chez les adultomorphes – des comportements et des attitudes qui sont celles de l’enfant : incapacité de se projeter dans le temps, refus d’accepter la moindre frustration.

  15. morel dit :

    @ Descartes

    Hors sujet mais aussi dedans :

    Vous avez certainement entendu parler de l’affaire « Mila ».
    Vous savez que je ne goûte guère aux « réseaux sociaux » (même si vous avez su impulser un blog où la courtoisie se mêle à l’argumentation raisonnée y compris sans concession) dominants qui ne sanctifient pas l’échange, sont trop fréquemment vulgaires, tournent à l’insulte et au pugilat stupides.
    J‘avoue aussi que je suis plus qu’interrogatif devant la montée des personnes s’avouant homosexuelles (je vais passer pour un facho) ou LGBTQI selon la formule canonique consacrée.
    Entendons nous bien : de ma vie qui commence à devenir un peu longue, j’ai toujours été glacé d’horreur devant la maltraitance en raison d’une sexualité différente entre adultes consentants.

    Il reste qu’une gamine est menacée de mort, est sous surveillance policière, a été exfiltrée de son lycée,

    La réaction de ce gouvernement a été :

    1/ ouvrir une double instruction : à l’encontre de la lycéenne pour traquer s’il n’y a pas « appel à la haine religieuse » ( j’avais plutôt cru que cela concernait dans les faits les agresseurs).
    2/ enfin sur les menaces de mort.

    Pour sans doute préciser le sens de cette double instruction, Mme Belloubet ministre de la justice, a fortement appuyé sur les pseudos propos d’appel à la « haine religieuse ».

    Une précision si vous le voulez bien dans ces temps où la confusion règne : il n’y a pas de « droit au blasphème » catégorie selon moi déjà cléricale mais un droit à la critique y compris forte.

    Pour conclure : défense inconditionnelle de la gamine. Les auteurs des menaces doivent être recherchés et déferrés sans férir à la justice. Un point, c’est tout !

    Je suis allé, comme militant, participer à la manifestation contre la remise en cause du droit à la retraite tel que nos anciens l’ont arraché après 45 (sifflets des modernes – c’est rance ou vieux pour eux),
    La seule satisfaction que j’en tire est que ma camarade a suivi mes conseils de ne pas noyer l’organisation syndicale dans le « mouvement » : les instances se réunissent et j’y ai été invité ce soir.

    Ces propos paraîtront sans doute poussiéreux à vos jeunes lecteurs mais qu’ils me permettent de rappeler que le monde dans lequel ils sont nés et dont ils sont heureusement les bénéficiaires est aussi le produit, au moins en ce qui concerne ceux qui ne sont pas bien « nés », des luttes de milliers de militants ouvriers.

    Pour le reste, si, sans doute, d’aucuns voudraient tourner la page, les façons de faire de la « Macronerie » ne le permettront pas . Comme pour l’affaire des « gilets jaunes » (et on pourrait discuter longuement sur ce sujet), incapables de faire même les concessions nécessaires pour arriver à une fin de conflit plus paisible (et là les ultras qui ne me comprennent pas m’accuseront de collusion) y compris pour le chef de tous les esclaves : M,Berger :
    https://www.marianne.net/economie/age-pivot-laurent-berger-rame-pour-defendre-son-compromis-sur-les-retraites

    Marianne m’épargne de développer plus avant. Son titre, hélas, ne laisse pas assez présager du contenu plus net.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [J‘avoue aussi que je suis plus qu’interrogatif devant la montée des personnes s’avouant homosexuelles (je vais passer pour un facho) ou LGBTQI selon la formule canonique consacrée.
      Entendons-nous bien : de ma vie qui commence à devenir un peu longue, j’ai toujours été glacé d’horreur devant la maltraitance en raison d’une sexualité différente entre adultes consentants. Il reste qu’une gamine est menacée de mort, est sous surveillance policière, a été exfiltrée de son lycée,]

      Cette affaire est triste à pleurer. De quelque côté qu’on se tourne, c’est un concentré de bêtise.

      D’abord, la question de l’homosexualité ou, pour ne vexer personne, de la lGBTQI+ (il faut mettre les « plus » parce que chaque année on y ajoute une lettre). Autant la discrimination sur la base d’une préférence sexuelle m’est détestable, autant je trouve absurde d’en faire une question identitaire et un motif de fierté. D’une façon générale, il est stupide d’être « fier » de ce que la nature nous à fait par hasard et sans la moindre intervention de notre part.

      Ensuite, l’expression de cette Mila. Son expression est inacceptable non pas parce qu’elle est blasphématoire, mais parce qu’elle est grossière et vulgaire. Je ne sais pas s’il faudrait faire de la grossièreté et de la vulgarité des délits, mais je suis convaincu que ce devraient être considérés comme des infractions aux codes de la vie en société et punis comme tels par la réprobation publique. C’était le cas, ne l’oublions pas, jusqu’il y a quelques années : dans les années 1960, il était interdit de dire « merde » à la télévision, et des humoristes comme Coluche étaient écartés des ondes nationales du fait de leur vulgarité. Même après 1968, on a mis du temps à violer ce tabou : ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir de Mitterrand qu’on commence à faire l’éloge de la « transgression » et de « l’insolence », et à voir apparaître des émissions comme « droit de réponse », dont le ressort dramatique était l’injure, la grossièreté et la bagarre sur le plateau.

      L’expression décomplexée de la violence verbale qui se déploie dans les réseaux sociaux n’arrive pas par hasard. Ce n’est que la démocratisation de la violence verbale que nos chers intellectuels médiatiques ont tant appelé de leurs vœux après 1968. Coluche hurlant « connard » au micro aboutit nécessairement à Mila écrivant qu’elle « met un doigt dans le cul à votre dieu » : quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limite.

      Et finalement, il y a la question du blasphème. Et là, notre ministre de la Justice s’est illustrée par un cri du cœur qui montre combien chez nos classes dirigeantes ont abandonné la logique de laïcité à la française – qui fait de la croyance une affaire privée – pour lui substituer une idéologie molle du « respect ». Et c’est logique : la laïcité à la française est une politique exigeante, qui nécessite à tout moment une grande vigilance mais aussi une volonté sans faille pour défendre la sphère publique des incursions cléricales. Cela suppose qu’on n’ait pas peur de l’affrontement. Or, si quelque chose fait peur à nos élites, c’est précisément cela. Tout affrontement doit être occulté, enterré sous des idéologies bisounoursiennes du « respect de la diversité » et du mythe qui veut qu’on puisse « vivre ensemble » sans partager une sociabilité commune.

      [Pour sans doute préciser le sens de cette double instruction, Mme Belloubet ministre de la justice, a fortement appuyé sur les pseudos propos d’appel à la « haine religieuse ».]

      Tout ça est très logique, et participe de la confrontation de deux idées de l’organisation d’une société. D’un côté, ceux qui pensent qu’il y a dans toute société des conflits d’intérêt, de vision, de projet, que ces conflits sont irréductibles et que la politique est en fait une technique pour nous permettre de vivre avec ces conflits, de trouver les meilleurs équilibres. De l’autre côté, la conception unitaire qui proclame qu’il est possible de construire une société sans conflits, où la rationalité technicienne permettra de trouver des solutions qui seront bénéfiques et donc acceptables par toutes les couches de la société. C’est cette dernière conception – totalitaire au sens strict du terme – qui s’impose aujourd’hui. Et c’est pourquoi tout conflit doit être nié, caché, ou dans le pire des cas, évacué. Ici, on l’évacue en le transformant en écart individuel, la justice étant chargée de remettre le déviant dans le droit chemin. Ailleurs, on prétendra que l’électeur déviant a été « trompé » par un méchant démagogue.

      Le macronisme, avec son biais pédagogique, est la quintessence de cette pensée totalitaire. Il n’y a qu’une seule Vérité, et tous ceux qui ne la voient pas se trompent. Le gouvernement est légitime à imposer une réforme parce qu’il est dans le Vrai, et le fait qu’elle soit rejetée par la société n’a donc aucune importance. Tout au plus cela prouve que la société n’a rien compris. Brecht avait résumé cela avec une formule célèbre : « puisque le peuple n’est pas d’accord avec le Comité central, il faut dissoudre le peuple et en élire un nouveau ».

      [Une précision si vous le voulez bien dans ces temps où la confusion règne : il n’y a pas de « droit au blasphème » catégorie selon moi déjà cléricale mais un droit à la critique y compris forte.]

      Oui et non. Le blasphème occupe une place singulière dans le champ de la liberté d’expression. La liberté consiste, nous dit la déclaration de 1789, à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Dans ce contexte, est-ce que le fait de dire des choses qui vous déplaisent constitue une « nuisance » ? La réponse à cette question a conduit à limiter dans certains cas la liberté d’expression : la diffamation, la calomnie, les appels à la violence ou l’apologie des crimes constituent des délits et sont punis comme tels.

      Le problème du blasphème, c’est que pour le croyant il est censé pouvoir amener un châtiment divin non seulement sur celui qui le profère, mais aussi sur l’ensemble de la communauté. La question de savoir si le blasphème est ou non une nuisance ne reçoit pas la même réponse selon que l’on croit ou que l’on ne croit pas. En abolissant le délit de blasphème, l’Etat s’est rangé du côté des non-croyants. Pour le dire autrement, l’Etat agit comme si dieu n’existait pas, puisqu’il estime que la communauté ne sera pas punie pour avoir laissé l’un de ses membres blasphémer.

      Le délit de blasphème ayant existé pendant des siècles dans nos lois pénales et ayant été aboli il y a seulement deux siècles, on peut effectivement parler d’un « droit à blasphémer ».

      [Pour conclure : défense inconditionnelle de la gamine. Les auteurs des menaces doivent être recherchés et déferrés sans férir à la justice. Un point, c’est tout !]

      « Inconditionnelle », non. Ce qu’elle a écrit n’est pas acceptable, non pas parce qu’elle insulte une religion, mais parce que, comme je l’ai dit, combattre la grossièreté et la vulgarité n’est pas un combat secondaire…

      [Ces propos paraîtront sans doute poussiéreux à vos jeunes lecteurs mais qu’ils me permettent de rappeler que le monde dans lequel ils sont nés et dont ils sont heureusement les bénéficiaires est aussi le produit, au moins en ce qui concerne ceux qui ne sont pas bien « nés », des luttes de milliers de militants ouvriers.]

      Un rappel tout à fait salutaire. La rupture dans la transmission fait que beaucoup de nos jeunes concitoyens connaissent très mal notre histoire sociale, et ont tendance à croire que la sécurité sociale, la retraite, le droit de grève, les congés payés sont de l’ordre du naturel. Beaucoup de jeunes s’étonnent lorsqu’on leur explique qu’il y a moins de deux siècles le travailleur ne se reposait que les dimanches, et qu’il reste encore des pays où les congés payés ne sont pas un droit. Rappeler cette histoire est aussi important pour pousser nos jeunes concitoyens à mieux aimer leur pays, en étant plus conscients de tout ce qu’ils lui doivent…

      [Pour le reste, si, sans doute, d’aucuns voudraient tourner la page, les façons de faire de la « Macronerie » ne le permettront pas . Comme pour l’affaire des « gilets jaunes » (et on pourrait discuter longuement sur ce sujet), incapables de faire même les concessions nécessaires pour arriver à une fin de conflit plus paisible (et là les ultras qui ne me comprennent pas m’accuseront de collusion) y compris pour le chef de tous les esclaves : M,Berger :]

      Quand j’étais plus jeune, j’avais entendu la formule « si le patronat rétablissait l’esclavage, la CFDT irait négocier le poids des chaînes ». Et cela était et reste tout à fait vrai. La CFDT a depuis les années 1970 été le cheval de Troie des classes intermédiaires dans le monde du travail. C’est par son intermédiaire que le discours « diversitaire » a remplacé la question sociale. Et ce « syndicalisme d’accompagnement » a pu fleurir grâce à la complicité du patronat et des gouvernements de gauche comme de droite qui lui lâchaient un peu de lest pour lui permettre d’apparaître comme le syndicat « qui gagnait des combats » là où la CGT perdait les siens.

      Mais ça ne marchait qu’aussi longtemps que le « bloc dominant » pensait avoir besoin d’un certain degré d’adhésion des couches populaires. Le macronisme a fini avec tout ça : il pense n’avoir besoin de personne, et du coup a renvoyé le gentil M. Berger, qui finalement ne demandait pas grande chose, dans ses buts. Berger a d’ailleurs été le premier surpris, et depuis lors mendie gentiment une aumône pour ne pas perdre la face. Peut-être Philippe lui lâchera un nonos lors de la conférence de financement ? A sa place, je ne parierais pas là-dessus…

      • morel dit :

        Le parquet de Vienne (Isère) avec la montée de la polémique et en l’absence de fondement en droit à l’accusation « d’appel à la haine » a au final décidé de ne plus donner suite.

        Encore un effort pour que le parquet ait le courage de demander des comptes à M.Zekri président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie et Délégué du CFCM, qui a lui, affirmé à Sud Radio que « Mila » a «créé une situation»: «Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit». Comme pour « Charlie », elle n’a que ce qu’elle mérite..

        « Le délit de blasphème ayant existé pendant des siècles dans nos lois pénales et ayant été aboli il y a seulement deux siècles, on peut effectivement parler d’un « droit à blasphémer »

        On peut comprendre alors les raisons qui vous amènent à cette position mais j’ai du mal avec « En abolissant le délit de blasphème, l’Etat s’est rangé du côté des non-croyants. Pour le dire autrement, l’Etat agit comme si dieu n’existait pas, puisqu’il estime que la communauté ne sera pas punie pour avoir laissé l’un de ses membres blasphémer. »,

        J’aime citer ce passage de la discussion parlementaire sur la liberté de la presse de 1881 :
        – Clemenceau : « Dieu se défendra bien lui-même. Il n’a pas besoin pour cela de la chambre des députés »
        – Mgr Freppel : « Dieu n’a pas besoin d’être défendu par l’homme mais l’homme a le devoir de défendre Dieu »
        – Député Lelièvre : « On ne fait pas des lois pour le bon Dieu ».

        La représentation nationale d’alors considère qu’elle est là pour faire des lois pour les hommes, se déclarant par avance inapte en matière religieuse donc logiquement se refuse à statuer pour « Dieu ».
        A offense divine, la réponse adaptée ne peut être que la sanction du même nom et les fidèles ne sont pas habilités a exiger de la justice des hommes une sanction qui pour eux ne fera pas de doute ne serait-ce qu’après le décès du fautif.

        La République, sagement, ne s’occupe que des affaires humaines.

        [Pour conclure : défense inconditionnelle de la gamine. Les auteurs des menaces doivent être recherchés et déferrés sans férir à la justice. Un point, c’est tout !]
        « Inconditionnelle », non. Ce qu’elle a écrit n’est pas acceptable, non pas parce qu’elle insulte une religion, mais parce que, comme je l’ai dit, combattre la grossièreté et la vulgarité n’est pas un combat secondaire…
        J’ai dit au début de mon intervention ce que je pensais généralement des « réseaux sociaux » dont je n’aime pas non plus la « vulgarité et la grossièreté » mais le qualificatif « inconditionnelle » est ici pour souligner que ceci ne saurait mettre le moindre bémol sur la défense de la personne. Il ne faut pas laisser s’épanouir ces comportements fascisants qui n’en sont pas à leur premier coup :

        https://www.marianne.net/societe/hugo-15-ans-menace-pour-une-blague-sur-la-mecque-est-en-2019-et-il-faut-encore-rappeler-que

        Bon développement sur la CFDT qui depuis trop longtemps est l’allié des classes possédantes dans le salariat à tel point que celles-ci avouent ne plus en avoir besoin. Il reste à espérer que les salariés eux-mêmes le mette à l’index.

        • Descartes dit :

          @ morel

          [Le parquet de Vienne (Isère) avec la montée de la polémique et en l’absence de fondement en droit à l’accusation « d’appel à la haine » a au final décidé de ne plus donner suite.]

          Le parquet fait son travail : il regarde si une infraction a été commise, constate qu’elle ne l’a pas été, et clos le dossier. Mais cela n’efface pas la formule de Beloubet : « L’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience ». Qu’un ministre de la justice reste en poste après avoir proféré une telle formule, c’est cela qui est grave.

          De plus en plus, on a l’impression qu’un ministre peut dire n’importe quoi sur les antennes sans que jamais la sanction tombe. Il fut un temps où le ministre qui exprimait une position contraire à la politique du gouvernement était sèchement remercié (on se souvient du cas du Professeur Schwartzenberg…), tout simplement parce que la parole d’un ministre était une affaire sérieuse, et qu’elle était prise au sérieux. Aujourd’hui le garde des sceaux exprime une position de fond en rupture totale avec nos principes constitutionnels, sans que l’Elysée ou Matignon ne réagissent. Si les ministres parlent comme on parle au comptoir du bistrot, pourquoi les prendrions-nous au sérieux ?

          [Encore un effort pour que le parquet ait le courage de demander des comptes à M.Zekri président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie et Délégué du CFCM, qui a lui, affirmé à Sud Radio que « Mila » a «créé une situation»: «Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit». Comme pour « Charlie », elle n’a que ce qu’elle mérite…]

          Dans cet exemple, M. Zekri ne fait que suivre la pente naturelle de notre société. Il ne vous aura pas échappé que de plus en plus on nous appelle à se faire justice soi-même. Des personnalités accusées d’agression sexuelle sont mises au ban, privées de leur emploi, voient leurs carrières brisées alors même qu’elles ont été blanchies par la justice. Quand on peut condamner quelqu’un à la mort sociale sur la simple accusation d’une personne, le pas qui sépare la mort sociale de la mort physique est aisément franchi…

          « Le délit de blasphème ayant existé pendant des siècles dans nos lois pénales et ayant été aboli il y a seulement deux siècles, on peut effectivement parler d’un « droit à blasphémer »

          [On peut comprendre alors les raisons qui vous amènent à cette position mais j’ai du mal avec « En abolissant le délit de blasphème, l’Etat s’est rangé du côté des non-croyants. Pour le dire autrement, l’Etat agit comme si dieu n’existait pas, puisqu’il estime que la communauté ne sera pas punie pour avoir laissé l’un de ses membres blasphémer. »,

          [A offense divine, la réponse adaptée ne peut être que la sanction du même nom et les fidèles ne sont pas habilités a exiger de la justice des hommes une sanction qui pour eux ne fera pas de doute ne serait-ce qu’après le décès du fautif.]

          Mais poussez un peu le raisonnement. Imaginez-vous que vous êtes convaincu que le blasphème impuni commis par un seul membre de la collectivité aura pour effet d’attirer le châtiment divin non pas seulement sur la personne qui a commis l’acte, mais sur l’ensemble de la collectivité. Imaginez par exemple que vous soyez convaincu que laisser impunie la publication des caricatures de Mahomet entrainera la destruction de Paris dans un déluge de feu et de sang. Quelle devrait être dans ce cas la position du législateur ?

          Il est clair que dans ce contexte, le législateur se doit de protéger le plus grand nombre même si cela implique de restreindre la liberté d’un individu. Il devrait donc logiquement punir le blasphème. Et c’est d’ailleurs le raisonnement qui fait que dans la plupart des sociétés antiques le blasphème est puni. Il ne s’agit pas de « protéger dieu des hommes », mais de protéger les hommes de la colère supposé de dieu.

          Si le blasphème a disparu de notre loi pénale, c’est parce qu’implicitement le législateur ne croit plus au châtiment divin. En d’autres termes, l’Etat a implicitement choisi, tout en refusant de se prononcer sur l’existence ou non d’un dieu punisseur, de « faire comme si » il n’existait pas. Et cette position apparaît clairement dans la laïcité à la française : si on peut renvoyer les croyances et pratiques religieuses dans la sphère privée, c’est parce qu’implicitement on ne croit pas qu’elles puissent avoir un effet sur les affaires publiques. Si le législateur pensait vraiment que la prière permet de combattre la sécheresse ou les épidémies, sa position ne pourrait pas être la même.

          [La République, sagement, ne s’occupe que des affaires humaines.]

          Tout à fait. Mais implicitement, la République a décidé qu’il n’y a pas de dieu pour agir sur les affaires humaines, et qu’on peut donc décider dans un sens ou dans un autre sans pour autant craindre que dieu vienne s’en mêler.

          • Louis dit :

            Bonsoir,

            [Qu’un ministre de la justice reste en poste après avoir proféré une telle formule, c’est cela qui est grave. […] Si les ministres parlent comme on parle au comptoir du bistrot, pourquoi les prendrions-nous au sérieux ?]

            C’est ce qui m’inquiète le plus. La carrière de Mme Belloubet m’importe peu, car sa personne, comme celle de la plupart de nos hommes d’Etat, est insignifiante. Elle engage cependant davantage que sa personne, lorsqu’elle prend la parole : elle engage l’autorité de l’Etat. En s’exposant au ridicule, c’est l’Etat qui est ridiculisé.

            Ces derniers temps, on a vu bien des gens en colère jeter aux pieds de leurs supérieurs, souvent représentant de l’Etat, leurs uniformes ou leurs outils de travail. Je ne cache pas une certaine joie, des plus malignes, à pareille humiliation. Pourtant je ne peux m’empêcher de voir cela d’un mauvais œil. Si l’autorité de l’Etat s’amenuise à mesure que ses représentants la dilapide par leur bêtise, leur incompétence, ou simplement leur politique, ou à mesure que ces derniers sont injuriés, humiliés, bafoués, le ressort de l’autorité ne risque-t-il pas d’être, un jour prochain, brisé ?

            Ce que je crains, c’est que si les circonstances et nos efforts portaient au pouvoir des hommes de valeur, guidés par une doctrine claire, ayant soin de relever le pays et de redresser sa politique, ces derniers soient impuissants. Car qu’auraient-ils entre les mains, sinon l’appareil d’Etat le plus fourni de notre histoire —et sans doute le plus compliqué, mais c’est une autre affaire—, au service d’un Etat que “plus personne ne prendrait au sérieux”, pour reprendre votre expression ?

            S’il est devenu courant de ne plus prêter attention aux propos d’un président ou de ses ministres ; s’il est devenu courant de faire justice soi-même et de s’en prendre aux forces de l’ordre ; s’il est devenu courant de ne plus tenir compte des lois qui nous arrangent le moins ; si, d’une manière général, pour éviter une liste à rallonge, les citoyens n’ont plus l’habitude de la souveraineté de l’Etat, habitude qui est le ressort de ceux qui reconnaissent l’autorité, non de ceux qui l’exercent, ne peut-on craindre que les moyens requis pour rétablir l’autorité de l’Etat, afin qu’il mène souverainement sa politique, soient violents ?

            Si vous me permettez cette analogie, je pense aux adultes qui, trop de fois bafoués, n’ayant plus d’autorité sur leurs enfants, ne voient plus que le salutaire coup de pied au derrière pour se faire obéir. Salutaire, sur le moment, peut-être. Délétère, assurément, en fin de compte. On n’obéit pas qu’à la baguette ; et pour ce qui nous concerne, je n’aimerais pas être le sujet d’un despote, fût-il le plus éclairé.

            Si vous me permettez un exemple, je pense aux premiers capétiens. Le naufrage de l’Etat carolingien avait entraîné, comme au temps des derniers mérovingiens, un abaissement tel de l’autorité de l’Etat, joint au souvenir de sa puissance, que d’une part, le roi avait un prestige inversement proportionnel à sa puissance — sacré, mais roi de pacotille —, et d’autre part, que le royaume était, partout, tombé entre les mains de seigneurs plus ou moins grands, héritiers de la fonction publique*. Il nous en a fallu, du temps, et des temps violents, pour restaurer l’Etat, grâce aux capétiens.

            Si nous pouvions éviter de nous pouvions éviter d’en arriver là…

            *C’est d’un moins la thèse de Servir l’Etat barbare dans la Gaule franque, très bien défendue par son auteur, Bruno Dumézil. Clair, sans jargon mais non sans humour, je vous recommande chaudement ses travaux.

            Bonne soirée

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [C’est ce qui m’inquiète le plus. La carrière de Mme Belloubet m’importe peu, car sa personne, comme celle de la plupart de nos hommes d’Etat, est insignifiante. Elle engage cependant davantage que sa personne, lorsqu’elle prend la parole : elle engage l’autorité de l’Etat. En s’exposant au ridicule, c’est l’Etat qui est ridiculisé.]

              Je n’irai pas aussi loin. Cela fait longtemps que les Français savent faire la différence entre l’Etat et les personnes qui occupent temporairement un poste de ministre. Cela étant dit, je suis en grande partie d’accord avec vous : un ministre capable de dire n’importe quoi est probablement capable de faire n’importe quoi, et on peut se demander s’il est plus sérieux lorsqu’il dirige son ministère que lorsqu’il parle au micro. Plus que ridiculiser l’Etat, on ridiculise ainsi la fonction politique.

              [Ces derniers temps, on a vu bien des gens en colère jeter aux pieds de leurs supérieurs, souvent représentant de l’Etat, leurs uniformes ou leurs outils de travail. Je ne cache pas une certaine joie, des plus malignes, à pareille humiliation. Pourtant je ne peux m’empêcher de voir cela d’un mauvais œil. Si l’autorité de l’Etat s’amenuise à mesure que ses représentants la dilapident par leur bêtise, leur incompétence, ou simplement leur politique, ou à mesure que ces derniers sont injuriés, humiliés, bafoués, le ressort de l’autorité ne risque-t-il pas d’être, un jour prochain, brisé ?]

              La réponse est très probablement positive. Ce que les gens qui nous gouvernent n’ont pas compris c’est que contrairement à ce qui se passe dans le privé, l’exercice de l’Etat implique une dimension symbolique. On ne vire pas un patron parce qu’il a menti à ses fournisseurs ou ses clients – au contraire, si cela profite aux actionnaires, on le récompense. Mais la femme du César doit être insoupçonnable.

              Que le président de la République ou ses ministres ne puissent sortir de leurs palais de peur d’être l’objet d’une interpellation musclée, voire d’une agression, n’est pas neutre. Cela montre à quel point nos politiques ont perdu l’aura qui leur garantissait la considération ou tout au moins le respect de leurs concitoyens. Et c’est logique : lorsque noblesse n’oblige plus, lorsqu’un président se plaint de ne pas pouvoir quitter le bureau à 18 heures comme un citoyen « normal »…

              [Ce que je crains, c’est que si les circonstances et nos efforts portaient au pouvoir des hommes de valeur, guidés par une doctrine claire, ayant soin de relever le pays et de redresser sa politique, ces derniers soient impuissants. Car qu’auraient-ils entre les mains, sinon l’appareil d’Etat le plus fourni de notre histoire —et sans doute le plus compliqué, mais c’est une autre affaire—, au service d’un Etat que “plus personne ne prendrait au sérieux”, pour reprendre votre expression ?]

              Je ne pense pas que ce soit un vrai risque. Les Français attendent beaucoup de l’Etat. Plus que du mépris pour lui, les Français manifestent avec force leur exigence d’un Etat fort. Si des gens de valeur arrivaient aux postes de pouvoir, ils pourraient compter immédiatement sur un préjugé favorable. On le voit bien d’ailleurs : les Français accordent systématiquement à leurs nouveau présidents une « période de grâce ».

              La dégradation de l’appareil d’Etat est, elle, bien plus inquiétante. Contrairement à ce que vous pensez, il n’est pas « le plus fourni de notre histoire ». Il a au contraire perdu massivement des personnels, des budgets, des leviers d’action. Et cette perte a des effets désastreux sur le recrutement : dans beaucoup de domaines, l’Etat a tout simplement perdu la compétence et dépend du secteur privé.

              [S’il est devenu courant de ne plus prêter attention aux propos d’un président ou de ses ministres ; s’il est devenu courant de faire justice soi-même et de s’en prendre aux forces de l’ordre ; s’il est devenu courant de ne plus tenir compte des lois qui nous arrangent le moins ; si, d’une manière général, pour éviter une liste à rallonge, les citoyens n’ont plus l’habitude de la souveraineté de l’Etat, habitude qui est le ressort de ceux qui reconnaissent l’autorité, non de ceux qui l’exercent, ne peut-on craindre que les moyens requis pour rétablir l’autorité de l’Etat, afin qu’il mène souverainement sa politique, soient violents ?]

              Non, je ne le pense pas, pour les raisons que j’ai expliqué plus haut. Les Français sont en demande d’Etat. Si l’Etat répondait à cette demande, son autorité se rétablirait d’elle-même. Je ne dis pas qu’il ne faudrait pas des actions « violentes », notamment pour reconquérir les territoires perdus de la République que sont devenues certaines cités, par exemple. Mais dans l’ensemble, je ne crois pas qu’on aille vers la guerre civile.

            • Louis dit :

              Bonjour,

              Ne vous contredisez-vous pas lorsque vous ne pensez pas que l’Etat soit ridiculisé dans la personne de ses ministres, tout en reconnaissant que son ressort peut être brisé un jour ou l’autre, faute d’une “dimension symbolique” amenuisée par ces derniers ? En tout cas, c’est ce que je voulais dire, quand je parlais de “ridicule”.

              Il ne suffit pas que les hommes d’Etat ait du pouvoir, pour être homme d’Etat. Encore faut-il qu’ils aient le sens de l’Etat, qui implique, entre autres, la majesté. Le mot peut paraître fort, mais je je préfère parce qu’il est simple. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais la définition qu’en donne Guillaume Budé, dans son Livre de l’institution du prince, donne à réfléchir : elle est “une ample dignité d’estime et de réputation acquise non seulement par grande puissance et autorité : mais aussi par gravité et constance, et par maintien agréable au peuple, faisant foi de grande vertu”.

              Quelque gravité dont fasse preuve nos hommes d’Etat, surtout pour jouer les indignés ou les jupins d’opérette, leur inconstance la réduit à néant. Leur politique et leur manière de la poursuivre les rend “désagréables au peuple” (nous dirions : “leur fait perdre le soutien populaire” nécessaire en république, particulièrement la nôtre). Ainsi, ne leur reste plus rien qui “fasse foi de grande vertu”. Ils passent pour corrompus aux uns, menteurs aux autres, voués au ridicule ou à l’exécration.

              Bref, on ne respecte plus ce qui n’est plus digne de respect. Mais là où un simple particulier n’engage en général que lui, je me demande si, en engageant l’Etat, on ne crée pas des précédents qu’il faudra surmonter, quand bien même nous aurions enfin un bon gouvernement.

              Pour être plus précis, lorsque vous dites :

              [Je ne pense pas que ce soit un vrai risque. Les Français attendent beaucoup de l’Etat. Plus que du mépris pour lui, les Français manifestent avec force leur exigence d’un Etat fort. Si des gens de valeur arrivaient aux postes de pouvoir, ils pourraient compter immédiatement sur un préjugé favorable.]

              Vous avez bien raison, y compris pour l’état de grâce, auquel je n’avais pas pensé. Néanmoins, songeons à la fin de la monarchie d’Ancien régime. Louis XIV avait rendu, à la suite de son père et des cardinaux ministres, toute la majesté nécessaire à l’Etat pour se faire obéir. Il a suffit qu’à sa mort, on rende aux parlements leurs prérogatives, pour qu’ils les conservassent un siècle, ces derniers s’appuyant toujours sur le précédent qu’avait été l’alliance de circonstance entre eux-mêmes et le Régent, pour alourdir le poids du groupe de pression qu’ils formaient au sein de l’appareil d’Etat.

              C’est à ça que je pensais, lorsque je prenais l’exemple de ces gens qui, au nom de leur corps de métier, bafouent l’autorité de l’Etat en lui renvoyant les insignes de leur métier.

              Il y a bien longtemps que les professeurs, en tant que corps de métier, exerce une pression sans cesse alourdie par chaque concession que fait le ministère à leur rodomontades. S’il en allait ainsi pour chaque corps de métier — avocats, policiers, médecins légistes, etc. —, n’y a-t-il pas lieu de craindre que ce seront autant de précédents dont pourraient, à l’avenir, se targuer ces corps pour défendre leur intérêt particulier, quand bien même un gouvernement ayant l’intérêt général en vue, gouvernerait ?

              En fait, vous avez raison quant aux particuliers, mais je ne sais pas si votre argument vaut de la même manière pour les groupes de métiers qui se constituent en groupe de pression. Tel qui ferait confiance au gouvernement quant à soi, ne le ferait plus si sa profession était engagée. Si l’habitude est prise qu’un corps de métier se défie de l’Etat, n’est-ce pas une nouvelle difficulté à résoudre pour un bon gouvernement ?

              C’est pourquoi lorsque vous écrivez :

              [Non, je ne le pense pas, pour les raisons que j’ai expliqué plus haut. Les Français sont en demande d’Etat. Si l’Etat répondait à cette demande, son autorité se rétablirait d’elle-même.]

              Je vous accorde que “les Français sont en demande d’Etat”, même si je ne suis pas sûr que “les avocats”, “les policiers”… le soient, dès lors qu’ils ont pris conscience qu’en agissant en corps, ils peuvent obtenir de l’Etat des concessions. Pensez-vous cependant que l’autorité se rétablirait d’elle-même ?

              Quant à la violence, je suis désolé d’avoir parlé trop vite. Je ne pensais pas à des batailles rangées, ou ce genre de joyeusetés. Je pensais à des mesures “radicales”, tel que le renvoi massif de fonctionnaires, pour mater l’insoumission coutumière de certains d’entre eux (je pense toujours aux professeurs, par exemple) ; la poursuite judiciaire d’un grand nombre d’hommes d’affaire ; la conduite d’une diplomatie farouchement indépendante… Disons, d’une manière générale, le fait de devoir “taper du poing sur la table” à chaque réforme, si l’habitude est perdue d’obtempérer.

              Autrement dit : pensez-vous que solliciter la confiance populaire, comme le prévoient nos institutions, par le suffrage universel, en suivant la pratique du général de Gaulle, soit suffisant pour mener de front toutes les batailles politiques qui nous attendraient, sous un bon gouvernement ?

              [La dégradation de l’appareil d’Etat est, elle, bien plus inquiétante. Contrairement à ce que vous pensez, il n’est pas « le plus fourni de notre histoire ». Il a au contraire perdu massivement des personnels, des budgets, des leviers d’action. Et cette perte a des effets désastreux sur le recrutement : dans beaucoup de domaines, l’Etat a tout simplement perdu la compétence et dépend du secteur privé.]

              Vous avez entièrement raison. Je parlais du “plus fourni” en comparaison avec l’appareil d’Etat de la Convention, de la monarchie des Bourbons, ou de toute autre période de notre histoire. Si l’on se concentre sur les dernières décennies, une à une, vous avez raison : c’est le déclin…

              Bon dimanche à vous

            • Descartes dit :

              @ Louis

              [Ne vous contredisez-vous pas lorsque vous ne pensez pas que l’Etat soit ridiculisé dans la personne de ses ministres, tout en reconnaissant que son ressort peut être brisé un jour ou l’autre, faute d’une “dimension symbolique” amenuisée par ces derniers ? En tout cas, c’est ce que je voulais dire, quand je parlais de “ridicule”.]

              Non, aucune contradiction. L’Etat a une nature double : il y a d’un côté l’Etat comme institution, et il y a l’Etat comme bras armé du gouvernement. Ce n’est pas parce que les ministres se ridiculisent que les citoyens perdent confiance dans le préfet de leur département pour assurer leur sécurité ou les secourir en cas de catastrophe, dans l’instituteur ou au directeur d’école à l’heure de leur confier leurs enfants.

              Ce qui maintient cette séparation, ce qui fait qu’on continue à faire confiance à l’Etat-institution alors qu’on ne fait plus confiance au gouvernement tient à l’existence d’une fonction publique de carrière au recrutement méritocratique. Le véritable risque, c’est la politisation de la haute fonction publique et un recrutement qui serait fait par faveur du prince et non par mérite. Si cela devait se faire, alors il n’y aurait plus de séparation entre l’Etat et le gouvernement, le premier étant en fait l’image du second, comme aux Etats-Unis.

              [Il ne suffit pas que les hommes d’Etat ait du pouvoir, pour être homme d’Etat. Encore faut-il qu’ils aient le sens de l’Etat, qui implique, entre autres, la majesté. Le mot peut paraître fort, mais je je préfère parce qu’il est simple. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais la définition qu’en donne Guillaume Budé, dans son Livre de l’institution du prince, donne à réfléchir : elle est “une ample dignité d’estime et de réputation acquise non seulement par grande puissance et autorité : mais aussi par gravité et constance, et par maintien agréable au peuple, faisant foi de grande vertu”.]

              Très belle citation. Elle résume très bien le propos, que je partage tout à fait. Le plus intéressant, c’est que Budé écrit ces mots au XVème siècle, c’est-à-dire, bien avant que la politique s’organise autour d’institutions démocratiques. Ceci nous rappelle que le gouvernant de tout tems a eu besoin d’un certain niveau de consentement des gouvernés. Un consentement qui ne pouvait être gagné que par « un maintien agréable au peuple » qui permet au gouvernant de montrer sa « vertu ».

              [Quelque gravité dont fasse preuve nos hommes d’Etat, surtout pour jouer les indignés ou les jupins d’opérette, leur inconstance la réduit à néant.]

              Si quelque chose a été perdu ces dernières années, c’est bien la « gravité ». En voyant le comportement de nos gouvernants, on n’a pas l’impression qu’ils considèrent eux-mêmes les affaires dont ils s’occupent comme des affaires « graves », ou se joue la vie et la mort de notre pays, et qui méritent par conséquent une attention constante et un travail sérieux. Lorsqu’un texte aussi vital que celui sur les retraites est modifié six fois après son dépôt au Conseil d’Etat – ce sont les sages du Palais Royal qui le disent – on voit bien qu’on ne prend pas vraiment au sérieux son travail.

              [Vous avez bien raison, y compris pour l’état de grâce, auquel je n’avais pas pensé. Néanmoins, songeons à la fin de la monarchie d’Ancien régime. Louis XIV avait rendu, à la suite de son père et des cardinaux ministres, toute la majesté nécessaire à l’Etat pour se faire obéir. Il a suffit qu’à sa mort, on rende aux parlements leurs prérogatives, pour qu’ils les conservassent un siècle, ces derniers s’appuyant toujours sur le précédent qu’avait été l’alliance de circonstance entre eux-mêmes et le Régent, pour alourdir le poids du groupe de pression qu’ils formaient au sein de l’appareil d’Etat.]

              Effectivement. Mais l’Etat centralisé construit par Louis XIV était très fragile précisément parce qu’il reposait sur la figure toute-puissante du Roi. Le Roi mort, tout était remis en cause. Napoléon l’a très bien compris, et c’est pourquoi il a fondé son pouvoir non pas sur sa personne, mais sur ce qu’il appelait « les masses de granit » qu’étaient l’administration préfectorale, les Codes civil et pénal, les corps techniques de l’Etat. Ces « masses de granit » lui ont survécu, et ont donné à l’Etat une stabilité institutionnelle que Richelieu ou Louis XIV n’ont pas pu lui donner.

              [Il y a bien longtemps que les professeurs, en tant que corps de métier, exerce une pression sans cesse alourdie par chaque concession que fait le ministère à leur rodomontades. S’il en allait ainsi pour chaque corps de métier — avocats, policiers, médecins légistes, etc. —, n’y a-t-il pas lieu de craindre que ce seront autant de précédents dont pourraient, à l’avenir, se targuer ces corps pour défendre leur intérêt particulier, quand bien même un gouvernement ayant l’intérêt général en vue, gouvernerait ?]

              Bien entendu, la République n’est possible que si l’intérêt général s’impose aux intérêts particuliers. Mais pour que cela marche, le gouvernement doit pouvoir invoquer de manière crédible l’intérêt général. Or, nous avons depuis 2012 des gouvernements incapables de définir un intérêt général, et qui ne gouvernent qu’en recherchant un équilibre entre intérêts particuliers. C’est cela qui provoque à son tour une atomisation ou chacun consacre ses efforts à crier « et moi, et moi, et moi ». C’est presque caricatural avec la réforme des retraites : le gouvernement essaye d’expliquer à chaque catégorie que ses intérêts seront préservés, mais on ne parle jamais de l’intérêt général, du type de société que ce système sous-tend.

              [« Non, je ne le pense pas, pour les raisons que j’ai expliqué plus haut. Les Français sont en demande d’Etat. Si l’Etat répondait à cette demande, son autorité se rétablirait d’elle-même. » Je vous accorde que “les Français sont en demande d’Etat”, même si je ne suis pas sûr que “les avocats”, “les policiers”… le soient, dès lors qu’ils ont pris conscience qu’en agissant en corps, ils peuvent obtenir de l’Etat des concessions. Pensez-vous cependant que l’autorité se rétablirait d’elle-même ?]

              Oui, tout à fait. Si l’Etat parlait de l’intérêt général, si au lieu d’essayer de calmer chaque groupe séparément on expliquait à tous quelle est la société désirable qu’on veut construire à travers de la réforme des retraites, l’Etat récupérerait toute sa légitimité. Quand l’Etat parle de cette vois-là, les intérêts particuliers se font discrets. Par contre, lorsqu’il apparaît évident que l’Etat n’a pas une vision générale mais cherche un équilibre entre les intérêts particuliers, alors chaque groupe essaye de gueuler plus fort de peur d’être oublié avec l’espoir de tirer son épingle du jeu.

              [Je pensais à des mesures “radicales”, tel que le renvoi massif de fonctionnaires, pour mater l’insoumission coutumière de certains d’entre eux (je pense toujours aux professeurs, par exemple) ; la poursuite judiciaire d’un grand nombre d’hommes d’affaire ; la conduite d’une diplomatie farouchement indépendante… Disons, d’une manière générale, le fait de devoir “taper du poing sur la table” à chaque réforme, si l’habitude est perdue d’obtempérer.]

              Je ne pense pas que vous aurez besoin d’un « renvoi massif ». La dissuasion suffit. Lorsque le gouvernement a montré volonté de se faire obéir, et qu’il bien montré qu’il tirait sa légitimité de l’intérêt général, il a été obéi sans avoir besoin de renvoyer massivement qui que ce soit. Pensez à l’arrivée au pouvoir de De Gaulle, après plus de dix ans de gouvernements impuissants. A-t-il eu besoin d’un « renvoi massif » de fonctionnaires ? Non, bien sur que non. Les mêmes fonctionnaires qui n’obéissaient pas les gouvernements faibles de la IV République ont été ceux qui ont mis en œuvre les politiques des gouvernements de la Vème. L’Etat en France est une machine magnifique.

              [Autrement dit : pensez-vous que solliciter la confiance populaire, comme le prévoient nos institutions, par le suffrage universel, en suivant la pratique du général de Gaulle, soit suffisant pour mener de front toutes les batailles politiques qui nous attendraient, sous un bon gouvernement ?]

              Oui, j’en suis convaincu. Je pense qu’il y a chez nous une véritable demande d’autorité fondée sur l’intérêt général, bref, de République. Le dirigeant qui sera capable de répondre à cette demande aura tous les instruments pour gouverner. Le problème est moins l’instrument que le rapport de force : aussi longtemps que le « bloc dominant » que forment la bourgeoisie et les classes intermédiaires sera là, il n’y a guère de chances qu’un tel dirigeant arrive au pouvoir.

  16. Luc dit :

    Le conseil d’État a récalé le projet de déclassification politique pr les communes de moins de 9000 âmes de Castaner ainsi que le projet des retraites.
    Martin et d’autres dirigeants Macronistes seront candidats en position éligible aux municipales de Mars.
    Tout ceci ne laisse t il pas présager un remaniement fin mars ?
    Si ce remaniement n’a pas lieu est il concevable qu’une nouvelle voie politique de constitue ?
    De même concernant l’absence de solution politique Macron n’a t il pas intérêt à se rapprocher des Holland , Cohn Vendit etc ..qui sont ses véritables père spirituels ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Le conseil d’État a recalé le projet de déclassification politique pour les communes de moins de 9000 âmes de Castaner ainsi que le projet des retraites.]

      Faut pas tout confondre. Sur la circulaire Castaner, le Conseil d’Etat se prononçait en tant que juge contentieux, et il a annulé le texte. C’était prévisible, parce que la ficelle était un peu grosse. Par contre, sur le projet de loi le Conseil d’Etat n’a rien « recalé » tout simplement parce qu’il n’en a pas le pouvoir : lorsqu’il s’agit de projets de loi, le Conseil n’est qu’un conseiller.

      [Martin et d’autres dirigeants Macronistes seront candidats en position éligible aux municipales de Mars.]

      C’est qui « Martin » ? Vous ne pensez plutôt « Philippe » ?

      [Tout ceci ne laisse-t-il pas présager un remaniement fin mars ?]

      Le remaniement est toujours possible. On se trouve à mi-mandat, et si Macron ne souhaite pas garder son Premier ministre jusqu’au bout, c’est le moment de le changer. Mais dans l’ensemble, cela me paraît peu probable. D’une part, parce que la réforme des retraites est loin d’être achevée, et on voit mal qui Macron pourrait mettre à cette place pour faire le boulot. D’autre part, parce que mettre Philippe dans la nature c’est laisser à un adversaire potentiel lors de la prochaine présidentielle les mains libres. S’il veut être réélu, Macron a intérêt à trainer Philippe avec lui jusqu’au bout.

      [Si ce remaniement n’a pas lieu est-il concevable qu’une nouvelle voie politique de constitue ?]

      Je ne sais pas ce que vous appelez une « nouvelle voie politique ».

      [De même concernant l’absence de solution politique Macron n’a-t-il pas intérêt à se rapprocher des Hollande , Cohn-Bendit etc … qui sont ses véritables père spirituels ?]

      Pour quoi faire ? Hollande et Cohn-Bendit sont des « has been ». Ils gardent un – tout petit – poids médiatique, mais rien de plus.

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