De l’eau dans le gaz européen

On ne peut que rendre hommage – un hommage de la vertu au vice, s’entend – à la capacité sans limite de nos eurolâtres à transformer une défaite en victoire. Dernier épisode en date, les propositions annoncées par la Commission européenne par la bouche de sa présidente pour diminuer la dépendance de l’Europe au gaz russe et pour réduire le coût de l’énergie.

Pour apprécier cette proposition à sa juste valeur, il n’est pas inutile de faire un petit peu d’histoire. Nous avions, dans nos beaux pays européens, des monopoles publics de distribution de gaz issus des réformes de l’après-guerre. Chez nous, il s’appelait Gaz de France, en Grande Bretagne Britsh Gas, et ainsi de suite.  Ces monopoles concluaient avec les pays fournisseurs, des contrats de long terme, qui compte tenu de leur taille et des garanties publiques dont ils bénéficiaient étaient conclus à des prix relativement avantageux. Ces monopoles achetaient et stockaient – car leur priorité était non pas le profit, mais la sécurité d’approvisionnement – et en fin de chaîne, ces monopoles distribuaient le gaz au prix règlementé.

Mais ces opérateurs ne choisissaient pas leurs fournisseurs ou leurs politiques de stocks purement en fonction des profits à réaliser. Dans ces choix, rentraient aussi des considérations comme la souveraineté nationale, l’indépendance énergétique, la sécurité des approvisionnements. Et s’ils pouvaient se permettre ce luxe, c’est parce que leur position monopoliste leur permettait de transférer le coût supplémentaire induit par ces considérations au consommateur.

Mais un jour, les eurolâtres sont arrivés, armés de textes affirmant l’objectif d’un « marché libre et non faussé » dans tous les domaines. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Les monopoles furent cassés, les marchés ouverts à la concurrence, les contrats de long terme voués aux gémonies. La « main invisible du marché », vous savez, celle qui « transforme les vices privés en vertus publiques », devait faire son travail. Grâce à elle, les prix allaient baisser, les stocks allaient être optimisés. Une ère de paix, de bonheur et de prix bas allait s’ensuivre. Une politique énergétique ? Pour quoi faire, puisque le marché allait guider les décisions des acteurs privés pour le bien de tous ?

Hélas, trois fois hélas… la « main invisible du marché » a fait son œuvre. Et c’est cette œuvre que nous contemplons maintenant. Car le marché n’a qu’une règle : celle du meilleur coût. Pourquoi voulez-vous que dans une logique de concurrence le consommateur accepte de payer plus alors qu’il peut payer moins ? Si demain vous aviez le choix entre plusieurs stations de service, l’une vendant de l’essence issue de pétrole russe, l’autre du pétrole saoudien, l’autre du pétrole américain, et ainsi de suite, laquelle choisiriez-vous ? Réponse évidente : celle qui vend l’essence moins cher. C’est là l’essence de la concurrence : l’acheteur cherche le coût le plus faible. Et le fournisseur est donc obligé d’optimiser le coût, quitte à jeter par-dessus bord des concepts tels que la diversification des approvisionnements ou l’indépendance nationale. Si le gaz russe est moins cher, le marché achètera du gaz russe, de la même façon qu’il achètera des masques chinois quand bien même on en fabriquerait en Europe. Le marché est insensible aux concepts abstraits et ne voit qu’un indicateur, le « signal prix ».

On ne peut imaginer qu’une régulation par le marché aboutisse, en plus de fournir au consommateur le prix le plus bas, à sauvegarder les intérêts de l’indépendance et la souveraineté, qu’elle soit nationale ou européenne. L’Allemagne est dépendante du gaz russe non parce que son gouvernement a décidé d’acheter chez les Russes, mais parce qu’il a décidé de faire confiance au marché pour choisir chez qui acheter. Alors, il faut faire des choix : si l’on veut prendre en compte des priorités autres qu’économiques, il faut que la volonté des Etats prime sur les marchés. Autrement dit, c’est la fin des marchés « libres et non faussés », et leur remplacement par des marchés « conditionnés et faussés » par l’intervention publique, voire par la régulation administrative.

Et c’est, curieusement, la solution proposée par la Commission pour le problème qu’elle a elle-même créé : Un « acheteur unique » de gaz pour l’ensemble de l’Union et des obligations de stockage. C’est – en apparence en tout cas – une révolution, cher lecteur, bien plus que l’Allemagne abandonnant sa politique de ne pas fournir d’armes aux belligérants dont on fait tout un foin. Devant nos yeux, la Commission abandonne sa foi dans le marché « libre et non faussé » et propose de rétablir un monopole ! Hier, elle expliquait que pour le marché fonctionne, il faut multiplier les acheteurs et les vendeurs – ce qu’on appelle un marché « atomisé » – et donc casser les gros opérateurs. Aujourd’hui, elle propose de créer un opérateur gigantesque à l’échelle européenne chargé d’acheter pour tous. Mais s’il y a un « acheteur unique » qui négociera avec les fournisseurs des contrats de long terme et fournira ensuite aux différents distributeurs à un tarif unique, si l’on impose administrativement la politique de stockage, quelle marge restera-t-il aux distributeurs indépendants de gaz ? Eux, dont le seul métier est d’acheter et de vendre, comment justifieront-ils leur existence ? Comment pourront-ils se concurrencer les uns les autres alors qu’ils n’ont aucun paramètre pour se distinguer ? En bonne logique, l’acheteur unique et la politique de stockage unique annoncent le distributeur unique…

On peut bien entendu se poser des questions sur la sincérité de la conversion de la Commission aux délices des monopoles, de la planification et des prix régulés. Personnellement, je ne parierai pas là-dessus. Comme toujours, avec la Commission c’est « deux pas en avant, un pas en arrière ». Quand la révolte contre les prix de l’énergie gronde, il faut bien proposer quelque chose, et l’on propose la seule chose qui soit à peu-près rationnelle. Mais de là à la mettre en œuvre… je suis prêt à parier qu’une fois la parenthèse ukrainienne fermée, on reviendra aux vieux errements du « marché partout et pour tout », et on oubliera que l’indépendance et la souveraineté ont un prix, et que pour que ce prix soit payé on ne peut compter sur le marché.

Mais il y a une question encore plus pressante : est-ce qu’on peut faire confiance à l’institution qui a créé les problèmes – et cela malgré les très nombreux avertissements des experts du sujet – pour trouver les solutions ? Est-ce que la Commission, toujours aveuglée par les mêmes œillères idéologiques – et soumise aux mêmes intérêts – est capable de faire autre chose que ce qu’elle a déjà fait ? Qu’on me permette d’en douter.

En attendant, on voit aujourd’hui les dégâts de la non-politique européenne de l’énergie dans le domaine du gaz. Dans les années qui viennent, on verra ses effets dans le domaine de l’électricité. On voit en effet d’année en année se réduire les marges opérationnelles des réseaux électriques, au fur et à mesure que les anciennes installations thermiques ou nucléaires arrivent en fin de vie. Ces installations ne sont pas remplacées tout simplement parce que les contraintes de la production électrique font que la pénurie est bien plus avantageuse pour les opérateurs que l’abondance. Aujourd’hui, aucun opérateur n’a intérêt à construire…

Faudrait-il un grand black-out, un hiver sans gaz pour que les citoyens réalisent enfin où nous mène la non-politique européenne de l’énergie ?

Descartes

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42 réponses à De l’eau dans le gaz européen

  1. François dit :

    Bonjour Descartes,
    [Pour apprécier cette proposition à sa juste valeur, il n’est pas inutile de faire un petit peu d’histoire. Nous avions, dans nos beaux pays européens, des monopoles publics de distribution de gaz issus des réformes de l’après-guerre.]
    C’était vrai pour la France et le Royaume-Uni. Dans bien d’autres pays (comme l’Allemagne), les entreprises d’électricité et de gaz étaient des régies municipales/régionales, si bien qu’il y avait une sorte d’atomicité du marché. Peut-être qu’a l’époque il y avait des achats groupés de gaz, mais je n’ai pas d’informations à ce sujet.
     
    [Si demain vous aviez le choix entre plusieurs stations de service, l’une vendant de l’essence issue de pétrole russe, l’autre du pétrole saoudien, l’autre du pétrole américain, et ainsi de suite, laquelle choisiriez-vous ? Réponse évidente : celle qui vend l’essence moins cher.]
    Mais au fond ça n’est pas ce qu’est devenu le gaz ? Un hydrocarbure comme un autre ? Historiquement le gaz était manufacturé à partir des gisements locaux de houille, puis à partir des années 60, c’est devenu un produit d’importation issu de champs comme n’importe quel autre hydrocarbure. Si l’on part du principe que le politique à une époque où il était bien plus étatiste n’avait pas cru bon de faire du pétrole un monopôle (avec certes des entreprises publiques puissantes dans le domaine comme ELF en France et BP au Royaume-Uni), pourquoi dans ces conditions technologiques, même dans un cadre volontariste revenir à un monopôle, sauf à en faire de même pour le pétrole ?
     
    [L’Allemagne est dépendante du gaz russe non parce que son gouvernement a décidé d’acheter chez les Russes, mais parce qu’il a décidé de faire confiance au marché pour choisir chez qui acheter.]
    Je crois que les politiques Allemands ont a minima fait preuve de complaisance concernant Nord Stream 1 & 2, quand ça n’est pas de la connivence (coucou Schröder). Avant la guerre en Ukraine, au moment où les États-Unis songeaient à sanctionner NordStream 2, je doute fort que la réaction du gouvernement allemand n’a pas été prise en compte.
    Même s’ils n’y auraient pas pris activement, il n’en reste pas moins que leur dépendance au gaz russe est la conséquence directe de leur politique énergétique avec l’abandon du nucléaire.

    • Descartes dit :

      @ François

      [« C’était vrai pour la France et le Royaume-Uni. Dans bien d’autres pays (comme l’Allemagne), les entreprises d’électricité et de gaz étaient des régies municipales/régionales, si bien qu’il y avait une sorte d’atomicité du marché. Peut-être qu’à l’époque il y avait des achats groupés de gaz, mais je n’ai pas d’informations à ce sujet. »]

      Effectivement, certains pays avaient des monopoles nationaux, d’autres des monopoles régionaux ou municipaux. Mais dans tous les cas, le système était fondé sur un monopole. Et là où il n’y avait pas d’acheteur unique, il y avait bien cartellisation. Le contraire eut été étonnant : avant l’ouverture du marché, la loi ne l’interdisait pas, et on voit un avantage évident à cette cartellisation…

      [« Si demain vous aviez le choix entre plusieurs stations de service, l’une vendant de l’essence issue de pétrole russe, l’autre du pétrole saoudien, l’autre du pétrole américain, et ainsi de suite, laquelle choisiriez-vous ? Réponse évidente : celle qui vend l’essence moins cher. » Mais au fond ça n’est pas ce qu’est devenu le gaz ? Un hydrocarbure comme un autre ?]

      Oui. Mais n’oubliez pas qu’à l’époque ou le gaz était un monopole, les approvisionnements pétroliers étaient, eux aussi, régulés. Bien sur, il n’y a jamais eu de monopole pétrolier de jure, mais chaque pays avait sa grande entreprise pétrolière qui portait les enjeux de sécurité d’approvisionnement et de souveraineté énergétique : BP en Grande Bretagne, ELF-ERAP en France, ENI en Italie… Ces entreprises étaient quelquefois privées, mais étant donné le poids stratégique du pétrole, elles vivaient en symbiose avec les services de l’Etat dont ils portaient le drapeau.

      Et accessoirement, on a imposé à l’époque aux opérateurs pétroliers de constituer des stocks stratégiques (3 mois de consommation). Difficile dans le contexte du marché « libre et non faussé » d’imposer une telle obligation aux opérateurs de gaz…

      [« L’Allemagne est dépendante du gaz russe non parce que son gouvernement a décidé d’acheter chez les Russes, mais parce qu’il a décidé de faire confiance au marché pour choisir chez qui acheter ». Je crois que les politiques Allemands ont a minima fait preuve de complaisance concernant Nord Stream 1 & 2, quand ça n’est pas de la connivence (coucou Schröder).]

      Pourquoi dites-vous ça ? Nord Stream 1 et 2 sont des infrastructures bâties avec de l’argent privé. Et dans la logique du « marché libre et non faussé », les Etats ne sont censés s’immiscer dans ce genre d’affaires – autrement qu’en contrôlant la sécurité technique de l’infrastructure. Je ne vois donc pas de quelle « bienveillance » vous voulez parler…

      [Avant la guerre en Ukraine, au moment où les États-Unis songeaient à sanctionner NordStream 2, je doute fort que la réaction du gouvernement allemand n’a pas été prise en compte.]

      Bien entendu. Mais dans une logique de « marché libre et non faussé », les sanctions n’ont pas leur place. Avouez que c’est drôle : après nous avoir expliqué qu’il fallait le marché réguler les infrastructures, on utilise ici une mesure administrative pour empêcher un investissement privé de fonctionner…

      [Même s’ils n’y auraient pas pris activement, il n’en reste pas moins que leur dépendance au gaz russe est la conséquence directe de leur politique énergétique avec l’abandon du nucléaire.]

      Pas du tout: l’Allemagne aurait parfaitement pu faire la même politique en achetant du GNL quatari ou américain. Mais bien sur, c’était plus cher, et du coup le sacro-saint marché à éliminé cette option…

  2. Patrick dit :

    [je suis prêt à parier qu’une fois la parenthèse ukrainienne fermée, on reviendra aux vieux errements du « marché partout et pour tout »]
    Il se pourrait que la parenthèse dure plusieurs années. Les USA espèrent bien transformer la situation en “Afghanistan” pour la Russie et ce n’est pas évident que les relations UE-Russie redeviennent “normales” avant un bon moment…

    • Descartes dit :

      @ Patrick

      [Il se pourrait que la parenthèse dure plusieurs années. Les USA espèrent bien transformer la situation en “Afghanistan” pour la Russie et ce n’est pas évident que les relations UE-Russie redeviennent “normales” avant un bon moment…]

      Vous noterez qu’en matière gazière et pétrolière, les réactions UE-Russie sont “normales” MAINTENANT! Et qu’on ne voit aucun signe que les Allemands soient prêts à changer de politique énergétique.

  3. Don diego dit :

    Je suis heureux de voir que le fait que la réalité vous ait donné tort récemment ne vous à pas poussé à la remise en question.
     
    Il serait bien d’écrire quelque chose de vrai, je me permet de corriger les menus erreurs qui se sont glissées dans votre texte :
    “les prix allaient baisser, les stocks allaient être optimisés. Une ère de paix, de bonheur et de prix bas allait s’ensuivre.”
    J’imagine que vous pouvez nous montrer où sont écrites ces promesses? Non, évidemment.
     
    ” Une politique énergétique ? Pour quoi faire”
    Voici le lien vers la politique énergétique de l’UE : https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/68/la-politique-de-l-energie-principes-generaux
    “Car le marché n’a qu’une règle : celle du meilleur coût”
    Non, c’est une erreur classique de gauchiste. Le marché recherche le meilleur bénéfice. Le meilleur cout c’est celui de ne rien faire et de retourner vivre dans des grottes, ça ça ne coute rien.
     
    “l’acheteur cherche le coût le plus faible.”
    Non l’acheteur cherche le meilleur rapport entre ses moyens, le prix qu’il paie et l’avantage qu’il retire de son achat. Encore une fois le cout le plus faible est le non achat, ça coute 0.
     
    “L’Allemagne est dépendante du gaz russe non parce que son gouvernement a décidé d’acheter chez les Russes, mais parce qu’il a décidé de faire confiance au marché pour choisir chez qui acheter”
    L’Allemagne est dépendante du gaz russe parce que son gouvernement a décidé de fermer ses centrales nucléaires, mais j’imagine que vous allez trouver une astuce pour rendre le capitalisme responsable.
     
    “la solution proposée par la Commission pour le problème qu’elle a elle-même créé : Un « acheteur unique [..] elle propose de créer un opérateur gigantesque à l’échelle européenne chargé d’acheter pour tous. Mais s’il y a un « acheteur unique » qui négociera avec les fournisseurs des contrats de long terme et fournira ensuite aux distributeur à un tarif unique, si l’on impose administrativement la politique de stockage,» de gaz pour l’ensemble de l’Union et des obligations de stockage” J’imagine que vous faites référence à ce document :
    https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021DC0660&from=EN
    Il est regrettable qu’il ne soit pas question de créer un acheteur unique mais de passer des marchés en commun. Ce que ça veut dire c’est que les pays européens auront tous le même contrat d’approvisionnement vis à vis des pays tiers. C’est très précisément pour ce genre de chose qu’on a créé l’UE : Mutualiser pour peser. 
    Pour le stock je vais juste citer le document : “La Commission analysera également les avantages possibles de la passation conjointe de marchés pour les stocks de réserve de gaz par les entités réglementées ou les autorités nationales, afin de permettre la mise en commun des forces et de créer des réserves stratégiques. La participation au système d’achat groupé serait volontaire et ce dernier devrait être structuré de manière à ne pas perturber le fonctionnement du marché intérieur de l’énergie et à respecter les règles de concurrence.”
     
    En résumé ce que dit la commission européenne n’a rien à voir avec ce que vous avez compris, et la commission propose juste une extension du périmètre d’activités de l’UE. Ceci nous permet de répondre à votre question :
    “est-ce qu’on peut faire confiance à l’institution qui a créé les problèmes […] pour trouver les solutions ?”
    Spontanément j’ai envie de répondre non, mais je ne suis pas sur que ça fasse votre affaire, étant donné que dans l’exemple que vous avez choisi (l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne) et qui doit être le plus pertinent que vous avez pu trouver, le problème vient de la vision du monde que vous défendez (un état interventionniste). Ici tout ce que vous prouvez c’est que l’UE a une capacité d’adaptation forte et rapide, qu’elle est réaliste et capable de trouver des solutions. là aussi je ne pense pas que c’est ce que vous souhaitez prouver.

    • Descartes dit :

      @ Don Diego

      [Je suis heureux de voir que le fait que la réalité vous ait donné tort récemment ne vous à pas poussé à la remise en question.]

      Ceux qui auront lu avec attention et de bonne foi mon dernier article auront pu constater le contraire. Mais je vous comprends, « quand on veut tuer son chien… »

      [Il serait bien d’écrire quelque chose de vrai, je me permet de corriger les menus erreurs qui se sont glissées dans votre texte :]

      Heureusement qu’il y a parmi les commentateurs de ce blog quelques-uns qui comme vous sont capables de dire au reste d’entre nous ce qui est « vrai ». C’est une chance absolument exceptionnelle pour nous, pauvres créatures faillibles…

      [“les prix allaient baisser, les stocks allaient être optimisés. Une ère de paix, de bonheur et de prix bas allait s’ensuivre.” J’imagine que vous pouvez nous montrer où sont écrites ces promesses? Non, évidemment.]

      Oui, évidemment : Pour ce qui concerne les prix, je vous conseille par exemple la lecture de la communication de la Commission au Conseil du 16 mai 2000. On peut y lire que « L’ouverture complète des marchés de l’énergie est un facteur clé de la compétitivité européenne. (….) L’introduction progressive de la concurrence dans ce secteur a déjà produit une diminution significative des prix de l’électricité au cours de ces deux dernières années ». Vous trouverez des affirmations du même type dans un grand nombre de textes européens, et en particulier dans les considérants des directives.

      Pour ce qui concerne l’optimisation des stocks, je vous réfère aux nombreuses références dans les considérants des directives des trois « paquets » énergie. Ou si vous préférez un document grand public, à la présentation de la politique européenne de l’énergie sur le site du Parlement européen : « Pour harmoniser et libéraliser le marché intérieur européen de l’énergie, des mesures ont été adoptées, depuis 1996, (…) [ces mesures] renforcent et développent les droits des clients individuels et des communautés énergétiques, luttent contre la précarité énergétique, précisent les rôles et responsabilités des acteurs du marché et des régulateurs et agissent sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité, en gaz et en pétrole (…)]

      [” Une politique énergétique ? Pour quoi faire” Voici le lien vers la politique énergétique de l’UE : (…)]

      Oui. Seulement voilà, ce n’est pas parce qu’on affirme sur un site eurolâtre qu’il y a une politique de l’énergie que l’affirmation en question est vraie. Dans les textes européens, on confond souvent une « politique énergétique » avec une « politique d’ouverture des marchés de l’énergie ». Or, ce sont deux choses très différentes. Pour illustrer la différence, pensez au domaine de la santé : lorsque le politique décide où l’on implante des hôpitaux ou des centres de santé, comment on rembourse les prestations sanitaires, quelles campagnes de sensibilisation ou de vaccination, il fait une politique de la santé. Lorsque ses décisions se limitent à ouvrir le domaine de la santé à la concurrence et laisser les acteurs privés décider de tout cela aidés par « la main invisible », on fait une politique des marchés.

      Le seul domaine où l’Union européenne a une véritable politique de l’énergie, c’est dans le domaine des énergies renouvelables hors hydraulique. Pour le reste, la vision de l’Union est « on ouvre les marchés, et on laisse les acteurs du marché décider ».

      [“Car le marché n’a qu’une règle : celle du meilleur coût” Non, c’est une erreur classique de gauchiste. Le marché recherche le meilleur bénéfice. Le meilleur cout c’est celui de ne rien faire et de retourner vivre dans des grottes, ça ne coute rien.]

      Il était clair en fonction du contexte qu’il s’agissait du « meilleur coût » pour un bien ou un service donné. Mais comme on dit, il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir…

      [“L’Allemagne est dépendante du gaz russe non parce que son gouvernement a décidé d’acheter chez les Russes, mais parce qu’il a décidé de faire confiance au marché pour choisir chez qui acheter”
      L’Allemagne est dépendante du gaz russe parce que son gouvernement a décidé de fermer ses centrales nucléaires, mais j’imagine que vous allez trouver une astuce pour rendre le capitalisme responsable.]

      Absolument pas. Sans le « marché libre et non faussé », le gouvernement allemand aurait pu tout aussi bien choisir de fermer ses centrales nucléaires et de les remplacer par des centrales au gaz alimentées par du combustible quatari ou américain. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Pourquoi les opérateurs privés ont investi dans Nord Stream 1 et 2 plutôt que dans des terminaux GNL pour accueillir les bateaux venant du Quatar ou des Etats-Unis ? Réponse : parce que le coût n’était pas le même…

      [“la solution proposée par la Commission pour le problème qu’elle a elle-même créé : Un « acheteur unique [..] elle propose de créer un opérateur gigantesque à l’échelle européenne chargé d’acheter pour tous. Mais s’il y a un « acheteur unique » qui négociera avec les fournisseurs des contrats de long terme et fournira ensuite aux distributeur à un tarif unique, si l’on impose administrativement la politique de stockage,» de gaz pour l’ensemble de l’Union et des obligations de stockage” J’imagine que vous faites référence à ce document (…)]

      Non, pas vraiment. Je fais référence à un « non-paper » qui circule ces jours-ci dans les services de la Commission, et qui propose d’étendre au gaz ce qu’on a fait pour les vaccins. Le document que vous citez, sauf erreur ou omission de ma part, ne parle pas de « passer des marchés en commun » pour l’approvisionnement, mais seulement pour les réserves stratégiques. Pour le reste, il est dans la droite ligne de la Commission avant la crise : assurons nous que les marchés sont « libres et non faussés » et le reste suivra.

      Au-delà des débats syntaxiques, la logique des « achats en commun » comme cela a été fait pour les vaccins, où il n’existe qu’un seul prix qui est négocié par la Commission, revient à créer un acheteur unique quand bien même, formellement, chacun paye sa part.

      [Ce que ça veut dire c’est que les pays européens auront tous le même contrat d’approvisionnement vis à vis des pays tiers. C’est très précisément pour ce genre de chose qu’on a créé l’UE : Mutualiser pour peser.]

      Sauf que, comme le dit le papier que vous avec cité, cette « mutualisation » n’apparaît que maintenant, après avoir fait exactement le contraire depuis plus de vingt ans. Car depuis les années 1990, le but a été de « casser » les grands opérateurs pour atomiser le marché, c’est-à-dire, pour éviter qu’un opérateur ait un pouvoir de négociation important. Aujourd’hui, parce que la crise pointe son nez et que les peuples commencent à affuter les piques, tout à coup la Commission oublie les charmes du « marché libre et non faussé » et découvre les avantages des cartels d’achat… parce que c’est bien de cela qu’il s’agit : « mutualiser pour peser », cela s’appelle « cartel ». Et c’est exactement le contraire du marché « pur et parfait », qui se définit entre autres choses par le fait qu’aucun acteur n’a une taille suffisante pour peser à lui seul sur les prix…

      [Pour le stock je vais juste citer le document : “La Commission analysera également les avantages possibles de la passation conjointe de marchés pour les stocks de réserve de gaz par les entités réglementées ou les autorités nationales, afin de permettre la mise en commun des forces et de créer des réserves stratégiques. La participation au système d’achat groupé serait volontaire et ce dernier devrait être structuré de manière à ne pas perturber le fonctionnement du marché intérieur de l’énergie et à respecter les règles de concurrence.”]

      Tout est dit. Vu l’interprétation que la DG concurrence a des règles en question, la création des « réserves stratégiques » n’est pas pour demain. Notez accessoirement que là où ces réserves existent, c’est-à-dire dans le domaine pétrolier, la Commission fait tout son possible pour les supprimer… ou du moins pour empêcher qu’elles soient utilisées pour peser sur les prix !

      [En résumé ce que dit la commission européenne n’a rien à voir avec ce que vous avez compris,]

      Pardon, je reformule : ce que dit la commission européenne dans un document que vous avez amené et qui date de cinq mois n’a rien à voir avec ce que j’ai compris en lisant un autre document qui date de deux semaines. Ce qui, quand on y réfléchit bien, est parfaitement logique, non ?

      [Spontanément j’ai envie de répondre non, mais je ne suis pas sur que ça fasse votre affaire, étant donné que dans l’exemple que vous avez choisi (l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne) et qui doit être le plus pertinent que vous avez pu trouver, le problème vient de la vision du monde que vous défendez (un état interventionniste).]

      Encore une fois, non. Nord Stream 1 et 2 sont des initiatives privées. Le choix de s’approvisionner en gaz russe plutôt qu’en gaz américain ou qatari est une décision privée. L’Etat allemand a peut-être décidé de sortir du nucléaire, mais cette décision EN ELLE-MEME n’impose pas une dépendance envers la Russie. C’est le jeu du marché qui fait que l’une aboutit à l’autre…

      [Ici tout ce que vous prouvez c’est que l’UE a une capacité d’adaptation forte et rapide,]

      Cela dépend ce que vous appelez « capacité d’adaptation ». Si pour vous la capacité d’adaptation consiste à réagir à une situation en produisant un papier, l’UE a certainement une grande capacité d’adaptation. Si par contre, vous appelez « capacité d’adaptation » le fait de prendre en compte les problèmes REELS dans les politiques EFFECTIVEMENT mises en œuvre… c’est autre chose.

      [qu’elle est réaliste et capable de trouver des solutions.]

      Pourriez-vous me dire quelle est la « solution » que l’UE a trouvé dans ce cas particulier ? Comment expliquez-vous que si l’UE a trouvé une « solution », le problème soit toujours là ?

      • Don diego dit :

        “Ceux qui auront lu avec attention et de bonne foi mon dernier article auront pu constater le contraire. Mais je vous comprends, « quand on veut tuer son chien… »”
        Ceux qui auront lu votre dernier article de bonne foi auront conclu que vous êtes partial en faveur de la russie et que vous gardez le raisonnement qui vous a conduit à vos conclusions erronées.
         
        “Heureusement qu’il y a parmi les commentateurs de ce blog quelques-uns qui comme vous sont capables de dire au reste d’entre nous ce qui est « vrai ». C’est une chance absolument exceptionnelle pour nous, pauvres créatures faillibles…”
        C’est un grand plaisir de vous faire profiter de mon immense sagesse.
         
        “Oui, évidemment : Pour ce qui concerne les prix, je vous conseille par exemple la lecture de la communication de la Commission au Conseil du 16 mai 2000. On peut y lire que « L’ouverture complète des marchés de l’énergie est un facteur clé de la compétitivité européenne”
         
        D’une part se serait mieux avec les liens, d’autre part ce n’est pas ce que vous nous disiez. Vous nous disiez qu’on nous promettait “les prix allaient baisser, les stocks allaient être optimisés. Une ère de paix, de bonheur”. Où sont ces promesses de stock, de paix et de bonheur?
        Et j’insiste sur le terme de promesse. Soit vous avez un document promettant tout ça soit vous avez tort.
        En fait je vais aller plus loin, concernant votre histoire de stock voici ce que dit le site de l’UE “Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement pétrolier, la directive 2009/119/CE contraint les États membres à maintenir un niveau minimal de stocks pétroliers”.
        Voici le lien :https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/45/marche-interieur-de-l-energie 
        Donc si problème de stock il y a il vient des états qui n’applique pas les directives européennes.
         
        “Oui. Seulement voilà, ce n’est pas parce qu’on affirme sur un site eurolâtre qu’il y a une politique de l’énergie que l’affirmation en question est vraie. ”
        Le “site eurolatre” est en fait le site du parlement européen. Vous nous avez dit que cette politique n’existe pas, en cherchant 5 secondes je l’ai trouvée et maintenant vous essayez de noyer le poisson plutôt que d’admettre votre erreur. Vous parliez de bonne foi plus haut il me semble?
         
        “Non, pas vraiment. Je fais référence à un « non-paper » qui circule ces jours-ci dans les services de la Commission”
        Du coup nous ne pouvons pas vérifier ce que vous dites, c’est pratique. En fait non, puisqu’on passe de “la solution que propose la commission est” à “une note que je ne peux pas montrer, n’ayant aucune valeur et ne reflétant que l’avis de son auteur qui est anonyme confirme ce que je dis”. C’est un peu léger pour parler de révolution comme vous le faites.
        “Au-delà des débats syntaxiques, la logique des « achats en commun » comme cela a été fait pour les vaccins, où il n’existe qu’un seul prix qui est négocié par la Commission, revient à créer un acheteur unique quand bien même, formellement, chacun paye sa part.”
        Non, ça veut dire que les contrats cadres sont négociés en commun. Ce que recouvre ces contrats cadre n’est pas indiqué. Par exemple ils peuvent porter uniquement sur un engagement pour le fournisseur de fournir une quantité minimum sur demande. 
         
        “Sauf que, comme le dit le papier que vous avec cité, cette « mutualisation » n’apparaît que maintenant, après avoir fait exactement le contraire depuis plus de vingt ans.”
        Ca s’appelle s’adapter à la situation, avant le problème des approvisionnements ne se posaient pas, aujourd’hui il se pose et par conséquent l’UE cherche une solution.
        D’autre part ce n’est pas le contraire de ce qui a été fait. Que je sache l’UE n’a pas incité les états à négocié leur approvisionnement séparément. Noté que j’ai dit les états, puisque c’est de ça qu’on parle. 
         
        “Tout est dit. Vu l’interprétation que la DG concurrence a des règles en question, la création des « réserves stratégiques » n’est pas pour demain.”
        Du coup le problème n’est pas coté UE mais coté état, état que vous nous présentez comme la solution. 
         
        ” Notez accessoirement que là où ces réserves existent, c’est-à-dire dans le domaine pétrolier, la Commission fait tout son possible pour les supprimer…”
        J’imagine qu’ici aussi je dois vous croire sur parole? Non, je ne vais pas faire ça, je vais juste citer à nouveau : “Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement pétrolier, la directive 2009/119/CE contraint les États membres à maintenir un niveau minimal de stocks pétroliers”.
        Encore une fois si les états ne respectent pas les directives européennes le problème n’est encore une fois pas du coté de l’UE.
         
        “Pardon, je reformule : ce que dit la commission européenne dans un document que vous avez amené et qui date de cinq mois n’a rien à voir avec ce que j’ai compris en lisant un autre document qui date de deux semaines. Ce qui, quand on y réfléchit bien, est parfaitement logique, non ?”
        Ce qui aurait été logique aurait été de fournir le document sur lequel vous vous appuyez. 
         
        “Encore une fois, non. Nord Stream 1 et 2 sont des initiatives privées. Le choix de s’approvisionner en gaz russe plutôt qu’en gaz américain ou qatari est une décision privée. L’Etat allemand a peut-être décidé de sortir du nucléaire, mais cette décision EN ELLE-MEME n’impose pas une dépendance envers la Russie. C’est le jeu du marché qui fait que l’une aboutit à l’autre…”
        Non, c’est la décision de l’état qui a abouti à cette situation. L’Allemagne avait des centrales nucléaires, l’état a choisi de les fermer, il a fallu compenser.
        Vous jugez avec une légèreté incroyable des décisions prises il y a plus de 10 ans au regard de l’actualité,.
        Ensuite si il n’y avait pas dépendance au gaz russe il y aurait dépendance au gaz américain ou autre, et vous continueriez à vous plaindre du méchant marché. comment l’état aurait il réglé ça mieux que le marché? 
        Moi je peux vous le dire : Il aurait agi exactement de la même façon, parce que les contrats ont été validés par le gouvernement allemand, la construction des pipelines a eu besoin d’une autorisation. La réalité c’est que l’état et le marché ont géré la question main dans la main.
         
        “Si par contre, vous appelez « capacité d’adaptation » le fait de prendre en compte les problèmes REELS dans les politiques EFFECTIVEMENT mises en œuvre… c’est autre chose.”
        Vous avez passez les deux tiers de vos écrits à nous expliquer que les actions de l’UE sont néfastes et maintenant vous nous dites que l’UE ne fait rien. Il va falloir vous décider monsieur, soit l’UE est impuissante soit elle est un ogre mais elle ne peut pas être les deux.
         
        “Pourriez-vous me dire quelle est la « solution » que l’UE a trouvé dans ce cas particulier ?”
        Enfin monsieur, relisez le message, la solution est la mutualisation des négociations des contrats d’approvisionnement.
         

        Comment expliquez-vous que si l’UE a trouvé une « solution », le problème soit toujours là ?
        J’explique facilement. La solution a été proposée, pas validée. Figurez vous que la commission européenne ne fait pas ce qu’elle veut. 
        Et une fois que la solution sera validée il faudra le temps de l’appliquer. Nous parlons de l’approvisionnement en énergie de 26 pays, ce qui ne se modifie pas en claquant des doigts. 

        • Descartes dit :

          @ Don Diego

          [ “Ceux qui auront lu avec attention et de bonne foi mon dernier article auront pu constater le contraire. Mais je vous comprends, « quand on veut tuer son chien… »” Ceux qui auront lu votre dernier article de bonne foi auront conclu que vous êtes partial en faveur de la russie et que vous gardez le raisonnement qui vous a conduit à vos conclusions erronées.]

          Si vous ne voyez pas d’inconvénient, je laisserai les lecteurs juger…

          [“Heureusement qu’il y a parmi les commentateurs de ce blog quelques-uns qui comme vous sont capables de dire au reste d’entre nous ce qui est « vrai ». C’est une chance absolument exceptionnelle pour nous, pauvres créatures faillibles…” C’est un grand plaisir de vous faire profiter de mon immense sagesse.]

          C’est bien plus que de la sagesse. Le sage cherche la vérité… vous, vous l’avez trouvée.

          [“Oui, évidemment : Pour ce qui concerne les prix, je vous conseille par exemple la lecture de la communication de la Commission au Conseil du 16 mai 2000. On peut y lire que « L’ouverture complète des marchés de l’énergie est un facteur clé de la compétitivité européenne” D’une part se serait mieux avec les liens,]

          Possiblement, mais voyez-vous, je n’appartiens pas à l’église Google. Le document auquel je me réfère est un document sur lequel j’ai travaillé, et non un document que j’ai été cherché sur le réseau. Je l’ai donc dans mon archive sur mon ordinateur, et je n’ai donc pas de lien à vous donner…

          [d’autre part ce n’est pas ce que vous nous disiez. Vous nous disiez qu’on nous promettait “les prix allaient baisser, les stocks allaient être optimisés. Une ère de paix, de bonheur”. Où sont ces promesses de stock, de paix et de bonheur?]

          Je constate en tout cas que pour ce qui concerne « les prix qui allaient baisser », vous m’accordez le point. C’est déjà ça. Pour ce qui concerne « la paix et le bonheur », c’est de toute évidence une figure littéraire, je n’insisterai pas. Reste la question des stocks. Il est clair que pour une ressource qui est importée en totalité ou presque, écrire que l’ouverture des marchés est un pilier essentiel de la compétitivité de nos économies implique clairement une optimisation dans la gestion des stocks, puisque c’est là que se joue le compromis entre prix et sécurité de l’approvisionnement.

          [En fait je vais aller plus loin, concernant votre histoire de stock voici ce que dit le site de l’UE “Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement pétrolier, la directive 2009/119/CE contraint les États membres à maintenir un niveau minimal de stocks pétroliers”.
          Voici le lien (…) Donc si problème de stock il y a il vient des états qui n’applique pas les directives européennes.]

          Ca aussi c’est un grand classique : Dieu est parfait dans sa création, et si la réalité ne reflète pas cette perfection, c’est que l’homme est faible et faillible. Et pour la Commission, c’est la même chose : la « concurrence libre et non faussée » conduite à coups de directives devrait nous ouvrir les portes du paradis. Et si cela n’advient pas, c’est que les états – méchants, égoïstes, nationalistes – ne les appliquent pas correctement. On voit là combien la construction européenne a été l’œuvre des démocrates-chrétiens…

          [“Oui. Seulement voilà, ce n’est pas parce qu’on affirme sur un site eurolâtre qu’il y a une politique de l’énergie que l’affirmation en question est vraie. ” Le “site eurolatre” est en fait le site du parlement européen.]

          Oui, et alors ? Je vous mets au défi de me trouver sur ce site un seul article critique de la construction européenne. En l’absence de toute vision critique, on peut à juste titre parler d’un site « eurolâtre ».

          [Vous nous avez dit que cette politique n’existe pas, en cherchant 5 secondes je l’ai trouvée]

          Non. En cherchant 5 secondes, vous avez trouvé un document affirmant qu’elle existe. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Je vous ai déjà expliqué que cette politique n’existe pas : ce que dans les sphères bruxelloises on appelle « politique de l’énergie » est en fait une politique d’organisation du marché. Je vous ai expliqué la différence, je ne reviens pas.

          [“Non, pas vraiment. Je fais référence à un « non-paper » qui circule ces jours-ci dans les services de la Commission” Du coup nous ne pouvons pas vérifier ce que vous dites, c’est pratique.]

          Je ne sais pas si c’est pratique, mais c’est la réalité. Je pourrais m’interdire de partager avec mes lecteurs toute information que je ne serais pas de nature à prouver devant une cour de justice. Cela vous assurerait la possibilité de vérifier mes dires, mais limiterait très sérieusement la quantité d’information qu’on pourrait partager. J’ai fait le choix inverse : partager l’information dont je dispose, y compris l’information « invérifiable », en mentionnant la source si nécessaire. Et je laisse mon lecteur libre de me croire ou non.

          [En fait non, puisqu’on passe de “la solution que propose la commission est” à “une note que je ne peux pas montrer, n’ayant aucune valeur et ne reflétant que l’avis de son auteur qui est anonyme confirme ce que je dis”.]

          Un « non-paper » n’est pas un document anonyme, contrairement à ce que vous croyez. Ici, il s’agit d’un « non-paper » de la Commission. Les « non-papers » sont des documents informels qui reflètent l’opinion de l’institution signataire mais qui ne l’engagent pas (autrement dit, ils peuvent être retirés sans autre forme de procès). Ils permettent de « tester la température de l’eau » avant de plonger en établissement une proposition officielle. Mais encore une fois, on n’est pas au tribunal, et je ne suis tenu de « prouver » quoi que ce soit. Je partage avec vous une information, dont vous connaissez la provenance. Vous êtes libre de me croire ou pas.

          [C’est un peu léger pour parler de révolution comme vous le faites.]

          Vous savez, beaucoup de révolutions ont commencé avec des « non-papers »…

          [“Au-delà des débats syntaxiques, la logique des « achats en commun » comme cela a été fait pour les vaccins, où il n’existe qu’un seul prix qui est négocié par la Commission, revient à créer un acheteur unique quand bien même, formellement, chacun paye sa part.” Non, ça veut dire que les contrats cadres sont négociés en commun. Ce que recouvre ces contrats cadre n’est pas indiqué. Par exemple ils peuvent porter uniquement sur un engagement pour le fournisseur de fournir une quantité minimum sur demande.]

          Ici on ne parle pas de « contrats cadres », mais « d’achats en commun ». Ce qui suppose une commande ferme, et non la possibilité d’en passer un.

          [“Sauf que, comme le dit le papier que vous avec cité, cette « mutualisation » n’apparaît que maintenant, après avoir fait exactement le contraire depuis plus de vingt ans.” Ca s’appelle s’adapter à la situation, avant le problème des approvisionnements ne se posaient pas, aujourd’hui il se pose et par conséquent l’UE cherche une solution.]

          En matière d’énergie, l’anticipation est indispensable compte tenu des délais nécessaires pour concevoir et bâtir les infrastructures. Constater qu’on doit « s’adapter » sous la pression des évènements – évènements parfaitement prévisibles, d’ailleurs – aboutit à constater une défaillance grave de la « politique énergétique » à supposer qu’elle existe. Personnellement, je ne suis pas étonné, parce que j’ai pu constater qu’il n’y a pas de politique énergétique ni au niveau de l’Europe (parce que les institutions européennes n’en veulent pas vu qu’un « marché libre et non faussé » est le régulateur parfait), ni au niveau des états membres, parce que les directives européennes l’interdisent. La logique du système est « le marché pourvoira ». On peut constater que le marché, laissé à lui-même, aboutit à acheter là ou c’est moins cher, quitte à sacrifier l’indépendance stratégique.

          [D’autre part ce n’est pas le contraire de ce qui a été fait. Que je sache l’UE n’a pas incité les états à négocier leur approvisionnement séparément. Noté que j’ai dit les états, puisque c’est de ça qu’on parle.]

          Le « contraire » de « négocier des contrats au niveau européen » n’est pas « négocier des contrats au niveau des états », mais « ne pas négocier des contrats au niveau européen ». Et c’est bien ce qui a été fait. Mais plus précisément, quand je disais que « c’est le contraire qui a été fait », je faisais référence à la logique d’acheteur unique, que ce soit au niveau national ou européen. Pendant des années, la Commission n’a juré que sur l’atomicité du marché. La multiplicité des acteurs négociant chacun des contrats de court terme séparément était vue, conformément à la théorie, comme un élément indispensable pour bâtir le « marché libre et non faussé » censé garantir prix bas et sécurité d’approvisionnement. Aujourd’hui, elle propose le contraire : acheteur unique jouant sur sa taille pour faire baisser les prix, contrats à long terme…

          [“Tout est dit. Vu l’interprétation que la DG concurrence a des règles en question, la création des « réserves stratégiques » n’est pas pour demain.” Du coup le problème n’est pas coté UE mais coté état, état que vous nous présentez comme la solution. ]

          Relisez ce que j’ai écrit. Le problème n’est pas chez les états, mais dans l’interprétation que la DG concurrence de la Commission fait des règles.

          [”Notez accessoirement que là où ces réserves existent, c’est-à-dire dans le domaine pétrolier, la Commission fait tout son possible pour les supprimer…” J’imagine qu’ici aussi je dois vous croire sur parole ? Non, je ne vais pas faire ça, je vais juste citer à nouveau : “Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement pétrolier, la directive 2009/119/CE contraint les États membres à maintenir un niveau minimal de stocks pétroliers”. Encore une fois si les états ne respectent pas les directives européennes le problème n’est encore une fois pas du coté de l’UE.]

          Relisez le texte : « AFIN DE GARANTIR LA SECURITE DE L’APPROVISIONNEMENT, la directive (…) contraint les Etats membres à maintenir un niveau minimal de stocks pétroliers ». Mais dans cet échange ce qui était en cause n’était pas la « sécurité d’approvisionnement », mais de régulation des prix. Essayez d’utiliser ces stocks pour réguler les prix, et la DG concurrence de la Commission vous trainera devant la CJUE pour atteinte au fonctionnement du marché avant que vous ayez le temps de dire « construction européenne »…

          [“Encore une fois, non. Nord Stream 1 et 2 sont des initiatives privées. Le choix de s’approvisionner en gaz russe plutôt qu’en gaz américain ou qatari est une décision privée. L’Etat allemand a peut-être décidé de sortir du nucléaire, mais cette décision EN ELLE-MEME n’impose pas une dépendance envers la Russie. C’est le jeu du marché qui fait que l’une aboutit à l’autre…” Non, c’est la décision de l’état qui a abouti à cette situation. L’Allemagne avait des centrales nucléaires, l’état a choisi de les fermer, il a fallu compenser.]

          Oui, mais on aurait pu « compenser » avec du GNL américain. Qui a choisi de « compenser » avec du gaz russe ? Réponse : le marché. Pourquoi ? Parce que c’était me moins cher. Dans ce choix, qui conduit à la situation de dépendance qu’on connaît, l’Etat n’y est pour rien. A moins que vous supposiez que l’Etat a le droit de perturber le choix des marchés… mais ce n’est pas un point de vue très bien accepté dans les couloirs du Berlaymont…

          [Vous jugez avec une légèreté incroyable des décisions prises il y a plus de 10 ans au regard de l’actualité.]

          Je ne vois pas où est la « légèreté ». Quand ces décisions ont été prises, de très nombreux experts ont tiré les sonnettes d’alarmes. Le scénario qui se déroule sous nos yeux était prévu et prévisible. Quiconque a suivi les débats de politique énergétique ces vingt dernières années – et c’est mon cas – sait parfaitement que l’argument « on ne pouvait pas prévoir » est irrecevable.

          [Ensuite s’il n’y avait pas dépendance au gaz russe il y aurait dépendance au gaz américain ou autre, et vous continueriez à vous plaindre du méchant marché. Comment l’état aurait il réglé ça mieux que le marché ?]

          L’Etat, contrairement au marché, aurait cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement, même si cela suppose de payer un peu plus cher : un peu de gaz russe, un peu d’algérien, un peu de qatari, un peu d’américain… C’est d’ailleurs ce qu’on a fait en France, où l’empreinte des anciens monopoles publics est encore puissante quand bien même les marchés sont ouverts. En Allemagne, ou cette tradition n’existe pas, le marché est allé au moins cher, et le moins cher est le russe. Et du coup, le gas russe représente un poids sur les approvisionnements allemands qui crée une dépendance stratégique…

          [Moi je peux vous le dire : Il aurait agi exactement de la même façon, parce que les contrats ont été validés par le gouvernement allemand, la construction des pipelines a eu besoin d’une autorisation. La réalité c’est que l’état et le marché ont géré la question main dans la main.]

          Je ne vois pas très bien quels sont les contrats « validés par le gouvernement allemand ». La construction de pipe-lines nécessite des autorisations, mais ces autorisations en théorie sont accordées dès lors que l’infrastructure respecte les règles environnementales ou de sécurité, et non
          [“Si par contre, vous appelez « capacité d’adaptation » le fait de prendre en compte les problèmes REELS dans les politiques EFFECTIVEMENT mises en œuvre… c’est autre chose.” Vous avez passez les deux tiers de vos écrits à nous expliquer que les actions de l’UE sont néfastes et maintenant vous nous dites que l’UE ne fait rien. Il va falloir vous décider monsieur, soit l’UE est impuissante soit elle est un ogre mais elle ne peut pas être les deux.]

          Il n’y a là aucune contradiction. L’UE est bien un ogre. Mais même les ogres peuvent choisir d’agir ou ne pas agir dans tel ou tel domaine. Quand il s’agit par exemple de l’ouverture des marchés, l’UE agit en permanence, imposant des privatisations, trainant les états devant la CJUE dès qu’ils portent atteinte au fonctionnement des marchés « libres et non faussées ». Par contre, quand il s’agit de résoudre des problèmes réels, par exemple dans le domaine de l’énergie…

          [“Pourriez-vous me dire quelle est la « solution » que l’UE a trouvé dans ce cas particulier ?” Enfin monsieur, relisez le message, la solution est la mutualisation des négociations des contrats d’approvisionnement.]

          Quand cela sera mis en œuvre, on en reparlera. Si on est tous deux encore de ce monde…

          Personnellement, je n’y crois pas un instant. Mettre en oeuvre une telle “solution” impliquerait revenir sur l’ouverture du marché du gaz. Et je ne vois pas la DG concurrence accepter cela. Je pense que cette proposition est un acte de communication, une manière pour la Commission de montrer qu’elle fait quelque chose.

          • Don diego dit :

            “Possiblement, mais voyez-vous, je n’appartiens pas à l’église Google. Le document auquel je me réfère est un document sur lequel j’ai travaillé, et non un document que j’ai été cherché sur le réseau. Je l’ai donc dans mon archive sur mon ordinateur, et je n’ai donc pas de lien à vous donner”
            Dans ce cas vous ne devriez pas en parler.
            Nous n’avons aucun moyen de vérifier ce que vous prétendez, René Descartes n’approuverait pas cette méthode de travail.
             
            “Je constate en tout cas que pour ce qui concerne « les prix qui allaient baisser », vous m’accordez le point. C’est déjà ça. Pour ce qui concerne « la paix et le bonheur », c’est de toute évidence une figure littéraire, je n’insisterai pas”
            Je n’accorde rien, je me suis concentré sur ce que vous avez prétendu qui soit prouvable comme faux, soit impossible car non mesurable de façon objective. Vous n’insisterez pas, c’est une manière peu élégante de reconnaitre votre erreur.
             
            “Ca aussi c’est un grand classique : Dieu est parfait dans sa création, et si la réalité ne reflète pas cette perfection, c’est que l’homme est faible et faillible. Et pour la Commission, c’est la même chose : la « concurrence libre et non faussée » conduite à coups de directives devrait nous ouvrir les portes du paradis. Et si cela n’advient pas, c’est que les états – méchants, égoïstes, nationalistes – ne les appliquent pas correctement.”
            Je vous montre que l’UE demande un minimum de stockage de produits pétroliers aux états, après que vous ayez prétendu le contraire et c’est ça que vous me répondez?
            Il aurait mieux valu vous abstenir.
             
            “Non. En cherchant 5 secondes, vous avez trouvé un document affirmant qu’elle existe. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Je vous ai déjà expliqué que cette politique n’existe pas : ce que dans les sphères bruxelloises on appelle « politique de l’énergie » est en fait une politique d’organisation du marché. Je vous ai expliqué la différence”
            Non vous n’avez rien expliqué, vous affirmé que cette politique n’existe pas. Et ça créé dans votre discours la contradiction de l’ogre impuissant, l’UE est à la fois toute puissante et sans la moindre force.  Soit l’UE est une machine inarrêtable imposant sa politique de marché libre aux états soit c’est une poignée de grattes papiers sans pouvoir. C’est soit l’un soit l’autre mais ça ne peut pas changer en fonction de vos besoins argumentatifs du moment.
             
            “Je ne sais pas si c’est pratique, mais c’est la réalité. Je pourrais m’interdire de partager avec mes lecteurs toute information que je ne serais pas de nature à prouver devant une cour de justice. ”
            Vous prenez les gens pour des imbéciles monsieur. Je ne vous demande  pas d’être capable de vous justifier devant un tribunal ou même une commission disciplinaire. 
            Ce que je vous reproche c’est de vous permettre un ton pour le moins condescendant et prétentieux alors que vous n’avez rien pour appuyer vos dires.
             
            “Un « non-paper » n’est pas un document anonyme, contrairement à ce que vous croyez. Ici, il s’agit d’un « non-paper » de la Commission. Les « non-papers » sont des documents informels qui reflètent l’opinion de l’institution signataire mais qui ne l’engagent pas (autrement dit, ils peuvent être retirés sans autre forme de procès). ”
            De  une on arrive sur ce que je disais : ce document n’a aucune valeur. 
            De deux si ce document est fait pour tester l’eau il doit être partagé, difficile de mesurer une réaction face à un document qui n’a pas été lu, mais vous nous dites que vous ne pouvez pas le partager. C’est regrettable.
             
            “Vous savez, beaucoup de révolutions ont commencé avec des « non-papers »…”
            Avez vous une liste?
             
            “Ici on ne parle pas de « contrats cadres », mais « d’achats en commun ». Ce qui suppose une commande ferme, et non la possibilité d’en passer un.”
            Non, ça c’est votre interprétation de votre part, sauf si vous pouvez me montrer où le texte passe de passer des commandes. 
             
            “En matière d’énergie, l’anticipation est indispensable compte tenu des délais nécessaires pour concevoir et bâtir les infrastructures. Constater qu’on doit « s’adapter » sous la pression des évènements – évènements parfaitement prévisibles, d’ailleurs”
            Je rappelle que l’événement parfaitement prévisible est l’invasion de l’Ukraine par la russie, dont vous nous aviez dit il y a un mois qu’il ne se produirait pas. Ai je besoin d’ajouter quelque chose?
            Oui j’ai besoin d’ajouter quelque chose, dans votre esprit les choses sont peut être totalement prévisible des décennies à l’avance mais dans la réalité il y a parfois des changements de situation rapide auxquels il faut faire face, venir nous expliquer 15 ans après ce qu’il aurait fallu faire n’est pas une démonstration de compétence.
             
            “dans cet échange ce qui était en cause n’était pas la « sécurité d’approvisionnement », mais de régulation des prix. Essayez d’utiliser ces stocks pour réguler les prix, et la DG concurrence de la Commission ”
            Vous changez de sujet monsieur, vous nous disiez que l’UE ne fait rien sur les stocks maintenant vous nous dites qu’elle fait mais juste pour que les gens ne paient pas leur essence trop cher. 
            Voici un autre extrait du même texte : “La disponibilité des stocks pétroliers et la sauvegarde de l’approvisionnement en énergie constituent des éléments essentiels de la sécurité publique des États membres et de la Communauté”
            Je vois un léger décalage avec vos propos, mais c’est peut être moi qui lis mal.
             
            “Oui, mais on aurait pu « compenser » avec du GNL américain. Qui a choisi de « compenser » avec du gaz russe ? Réponse : le marché. Pourquoi ? Parce que c’était me moins cher. Dans ce choix, qui conduit à la situation de dépendance qu’on connaît, l’Etat n’y est pour rien. ”
            Quand on commence par “oui mais” ça veut dire que la personne à qui vous parlez à raison. Ici, encore une fois, l’état allemand aurait pu garder ses centrales nucléaires. Il n’y aurait rien eu à compenser. 
            Ensuite pour l’approvisionnement du pays évidemment que l’état a eu son mot à dire. Ces questions sont sont stratégiques et rien n’est fais sans l’approbation de l’état. Il va falloir comprendre que vos méchants libéraux qui font n’importe quoi juste parce qu’ils ont envie n’existent pas, il y a des règles dans l’UE.
             
            “L’Etat, contrairement au marché, aurait cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement […] C’est d’ailleurs ce qu’on a fait en France, où l’empreinte des anciens monopoles publics est encore puissante quand bien même les marchés sont ouverts”
            C’est drôle parce que moi, après une brève recherche je trouve que 40 % du gaz importé en France vient de Norvège. L’Allemagne elle dépend du gaz russe à hauteur de 49%. Je suis désolé mais je ne vois pas de différence significative. Nous avons n’avons pas choisi le même fournisseur mais nos deux pays ont un fournisseur principal.
            Et si demain la Norvège devenait un repaire d’odieux fasciste  je n’irais pas prétendre que vous auriez du le voir arriver.
             
            “Je ne vois pas très bien quels sont les contrats « validés par le gouvernement allemand ». La construction de pipe-lines nécessite des autorisations, mais ces autorisations en théorie sont accordées dès lors que l’infrastructure respecte les règles environnementales ou de sécurité”
            C’est très simple monsieur : pour construire il faut un permis de construire, ce qui n’implique évidemment pas uniquement de respecter des normes. Qu’est ce que vous ne comprenez pas? 
             
            “Personnellement, je n’y crois pas un instant. Mettre en oeuvre une telle “solution” impliquerait revenir sur l’ouverture du marché du gaz. Et je ne vois pas la DG concurrence accepter cela. Je pense que cette proposition est un acte de communication, une manière pour la Commission de montrer qu’elle fait quelque chose.”
            Non, de une ça n’implique absolument pas de revenir sur quoi que ce soit de deux l’UE n’a aucun problème a réglementer quand c’est nécessaire, c’est d’ailleurs une grande plainte des brexiters.
            Vous ne voyez pas la dg concurrence accepter mais vous n’avez pas non plus vu la guerre en Ukraine arriver.

            • Descartes dit :

              @ Don diego

              [« Possiblement, mais voyez-vous, je n’appartiens pas à l’église Google. Le document auquel je me réfère est un document sur lequel j’ai travaillé, et non un document que j’ai été cherché sur le réseau. Je l’ai donc dans mon archive sur mon ordinateur, et je n’ai donc pas de lien à vous donner » Dans ce cas vous ne devriez pas en parler. Nous n’avons aucun moyen de vérifier ce que vous prétendez,]

              Et pourquoi ça ? Il s’agit d’une directive européenne, donc d’un texte public dont j’ai donné la référence. Il n’est donc pas trop difficile de la retrouver si nécessaire. Simplement, je préfère que ce soit vous plutôt que moi qui donniez un coup de Google…

              Accessoirement, quand bien même ce serait un document privé, je ne vois pas pourquoi je devrais éviter de faire mention. Des historiens très sérieux font figurer dans leurs ouvrages des citations avec pour référence « entretien avec l’auteur » ou « document dans l’archive de l’auteur ». Et dans ce cas, c’est au lecteur de décider du degré de confiance qu’il peut accorder à l’auteur en question.

              [René Descartes n’approuverait pas cette méthode de travail.]

              Au contraire : René Descartes avait jugé que même si nos sens peuvent nous tromper, nous ne pouvons pas nous passer d’eux pour comprendre la réalité. A partir de cette constatation, il a développé une méthode, fondée sur le doute systématique mais aussi sur le refus du « mauvais génie »…

              [“Je constate en tout cas que pour ce qui concerne « les prix qui allaient baisser », vous m’accordez le point. C’est déjà ça. Pour ce qui concerne « la paix et le bonheur », c’est de toute évidence une figure littéraire, je n’insisterai pas” Je n’accorde rien,]

              Dans ce cas, j’argumenterai le point. La Commission affirme que l’ouverture des marchés est un pilier essentiel de la compétitivité de l’économie européenne. Mais en quoi diable l’ouverture des marchés pourrait apporter plus de compétitivité ? En améliorant la continuité du service ? Les coupures de gaz sont déjà tout à fait exceptionnelles dans l’ensemble de l’Union. En améliorant la qualité du produit livré ? Le gaz distribué en Europe est déjà conforme aux standards les plus sévères. Il ne reste donc que le prix.

              Pour le reste, si vous considérez une figure littéraire comme une « erreur »… là encore, je laisse mes lecteurs juger.

              [Je vous montre que l’UE demande un minimum de stockage de produits pétroliers aux états, après que vous ayez prétendu le contraire et c’est ça que vous me répondez?]

              Je vous mets au défi de m’indiquer où j’ai « prétendu le contraire ». Où ais-je écrit que l’UE ne demande pas un minimum de stockage de produits pétroliers aux états ? Non, ce que je vous ai dit, c’est que l’Union européenne a combattu toute tentative de constituer des stocks pétroliers dans une optique de régulation des prix. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

              [“Non. En cherchant 5 secondes, vous avez trouvé un document affirmant qu’elle existe. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Je vous ai déjà expliqué que cette politique n’existe pas : ce que dans les sphères bruxelloises on appelle « politique de l’énergie » est en fait une politique d’organisation du marché. Je vous ai expliqué la différence” Non vous n’avez rien expliqué, vous affirmé que cette politique n’existe pas.]

              Encore une fois, je ne vais pas rentrer dans un échange « oui, non, oui, non ». Je laisse mes lecteurs juger de ce que j’ai dit ou n’ai pas dit.

              [Et ça créé dans votre discours la contradiction de l’ogre impuissant, l’UE est à la fois toute puissante et sans la moindre force.]

              Je vais devoir me répéter. Si la Commission n’a pas de politique de l’énergie, ce n’est pas parce qu’elle serait impuissante à en avoir une, mais parce qu’elle N’EN VEUT PAS. Ce qui intéresse la Commission, c’est de faire une politique d’ouverture à la concurrence dans tous les domaines, et donc dans celui de l’énergie. Il n’y a donc aucune contradiction : l’UE est TRES puissante, mais elle utilise cette puissance pour faire ce qui l’intéresse. Et faire une politique de l’énergie ne l’intéresse, pas, tout simplement parce qu’elle estime qu’une fois les marchés « libres et non faussés » mis en place, ceux-ci prendront les « bonnes » décisions à la place des politiques.

              C’est peut-être Alain Madelin – qu’on peut accuser de beaucoup de choses, mais pas de ne pas être cohérent – qui avait résumé la chose le mieux, lorsqu’il avait déclaré que son ambition comme ministre de l’Industrie… c’était de faire disparaître le ministère de l’Industrie. Et en effet : si l’on croit vraiment que le marché est le meilleur régulateur, alors on n’a plus besoin d’une politique industrielle, et donc d’un ministère pour la concevoir et la mettre en œuvre. Un « ministère du marché » suffira donc. Et vous noterez que c’est exactement ce qui advint : le ministère de l’Industrie a disparu depuis longtemps, et le ministère de l’Economie gère essentiellement les questions de concurrence.

              Eh bien, pour l’énergie, c’est exactement la même chose. Les néolibéraux qui sont le cœur battant de la Commission sont exactement sur la même longueur d’onde : une fois les marchés « libres et non faussés » installés, plus besoin d’une politique de l’énergie. Le marché pourvoira.

              [Soit l’UE est une machine inarrêtable imposant sa politique de marché libre aux états soit c’est une poignée de grattes papiers sans pouvoir. C’est soit l’un soit l’autre mais ça ne peut pas changer en fonction de vos besoins argumentatifs du moment.]

              Mais… j’ai toujours dit la même chose : l’UE est une machine inarrêtable imposant sa politique de marché libre aux états. Et s’il n’existe pas de politique de l’énergie, ce n’est pas parce que l’UE ne le PEUT pas mais parce qu’elle ne le VEUT pas.

              [“Je ne sais pas si c’est pratique, mais c’est la réalité. Je pourrais m’interdire de partager avec mes lecteurs toute information que je ne serais pas de nature à prouver devant une cour de justice. ” Vous prenez les gens pour des imbéciles monsieur.]

              Ça dépend lesquels…

              [Ce que je vous reproche c’est de vous permettre un ton pour le moins condescendant et prétentieux alors que vous n’avez rien pour appuyer vos dires.]

              « Condescendant et prétentieux »… une parabole biblique me vient à l’esprit, vous savez, celle qui fait intervenir une paille et une poutre… mais comme je l’interdis toute attaque ad hominem, j’en resterai là.

              [« Un « non-paper » n’est pas un document anonyme, contrairement à ce que vous croyez. Ici, il s’agit d’un « non-paper » de la Commission. Les « non-papers » sont des documents informels qui reflètent l’opinion de l’institution signataire mais qui ne l’engagent pas (autrement dit, ils peuvent être retirés sans autre forme de procès). » De une on arrive sur ce que je disais : ce document n’a aucune valeur.]

              Une bonne partie des discussions à Bruxelles se fait par échanges de « non-papers ». Mais si vous pensez que cela n’a aucune valeur, vous pouvez ignorer ces éléments dans mon commentaire.

              [De deux si ce document est fait pour tester l’eau il doit être partagé, difficile de mesurer une réaction face à un document qui n’a pas été lu, mais vous nous dites que vous ne pouvez pas le partager. C’est regrettable.]

              Quel intérêt auriez-vous à lire un document dont vous affirmez par ailleurs qu’il n’a « aucune valeur » ? Soyez cohérent…

              [“Vous savez, beaucoup de révolutions ont commencé avec des « non-papers »…” Avez-vous une liste?]

              Oui.

              [“Ici on ne parle pas de « contrats cadres », mais « d’achats en commun ». Ce qui suppose une commande ferme, et non la possibilité d’en passer un.” Non, ça c’est votre interprétation de votre part, sauf si vous pouvez me montrer où le texte passe de passer des commandes.]

              Le mot « achat » implique une « commande ». On voit mal comment on peut acheter sans commander…

              [“En matière d’énergie, l’anticipation est indispensable compte tenu des délais nécessaires pour concevoir et bâtir les infrastructures. Constater qu’on doit « s’adapter » sous la pression des évènements – évènements parfaitement prévisibles, d’ailleurs” Je rappelle que l’événement parfaitement prévisible est l’invasion de l’Ukraine par la russie,]

              Votre « rappel » est erroné. L’évènement parfaitement prévisible auquel je fais référence n’est pas l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais une situation conflictuelle entre l’Union européenne et la Russie. Et dès lors qu’il y a conflit, la question de la dépendance de l’UE au gaz Russe se pose. Que le conflit soit à propos de l’Ukraine ou autre chose est sans importance de ce point de vue.

              [“dans cet échange ce qui était en cause n’était pas la « sécurité d’approvisionnement », mais de régulation des prix. Essayez d’utiliser ces stocks pour réguler les prix, et la DG concurrence de la Commission ” Vous changez de sujet monsieur, vous nous disiez que l’UE ne fait rien sur les stocks maintenant vous nous dites qu’elle fait mais juste pour que les gens ne paient pas leur essence trop cher.]

              Non. J’ai dit que l’UE s’opposait à la constitution de stocks dans le contexte d’un échange qui concernait la régulation des prix. J’ai supposé, naïvement peut-être, que mon interlocuteur comprendrait le lien entre le contexte et l’affirmation. Je dois constater que sur ce point au moins je me suis trompé.

              [“Oui, mais on aurait pu « compenser » avec du GNL américain. Qui a choisi de « compenser » avec du gaz russe ? Réponse : le marché. Pourquoi ? Parce que c’était me moins cher. Dans ce choix, qui conduit à la situation de dépendance qu’on connaît, l’Etat n’y est pour rien. ” Quand on commence par “oui mais” ça veut dire que la personne à qui vous parlez à raison.]

              Non. Tout au plus que l’affirmation qui précède immédiatement est exacte. Ici, vous affirmiez qu’après la fermeture des centrales nucléaires « il a fallu compenser », et je vous accorde volontiers le point. Mais cela n’équivaut pas à dire que vous « avez raison » lorsque vous supposez que cette « compensation » ne pouvait se faire qu’avec du gaz russe. Et il n’y a donc pas un lien de cause à effet entre la décision d’abandonner le nucléaire et la dépendance au gaz russe. Cette dépendance ne résulte pas du choix de fermer les centrales nucléaires, mais du choix de les remplacer par du gaz russe plutôt que par du gaz américain. Et à qui doit-on ce choix ?

              [Ensuite pour l’approvisionnement du pays évidemment que l’état a eu son mot à dire.]

              Ah… quand le mot « évidemment » est lâché, c’est qu’on est à court d’arguments. Pouvez-vous m’indiquer quand l’état a eu « son mot à dire » dans le choix du gaz russe plutôt que du gaz américain ?

              [Ces questions sont stratégiques et rien n’est fait sans l’approbation de l’état.]

              Vous voulez dire que si les industriels allemands avaient décidé d’importer du gaz américain plutôt que du gaz russe, le gouvernement allemand s’y serait opposé ? Que c’est l’état allemand qui a imposé à l’industrie allemande son fournisseur ?

              [“L’Etat, contrairement au marché, aurait cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement […] C’est d’ailleurs ce qu’on a fait en France, où l’empreinte des anciens monopoles publics est encore puissante quand bien même les marchés sont ouverts” C’est drôle parce que moi, après une brève recherche je trouve que 40 % du gaz importé en France vient de Norvège. L’Allemagne elle dépend du gaz russe à hauteur de 49%. Je suis désolé mais je ne vois pas de différence significative.]

              Pourtant, il y en a une. Il faut regarder le système gazier dans son ensemble, et non pièce par pièce. La France achète, il est vrai, 40% de son gaz à la Norvège. Mais elle est bien moins dépendante de cet achat que l’Allemagne ne l’est du gaz russe. Pourquoi ? D’abord, parce que la France dispose de quatre terminaux GNL, ce qui lui permet de changer bien plus facilement de fournisseur. Si le gazoduc qui transporte le gaz norvégien était couper, on peut en faire venir des USA ou du Qatar par méthanier, chose impossible pour l’Allemagne qui n’a pas de terminal GNL. Ensuite, parce que contrairement à l’Allemagne la France ne dépend pas du gaz pour la production d’électricité.

              [“Je ne vois pas très bien quels sont les contrats « validés par le gouvernement allemand ». La construction de pipe-lines nécessite des autorisations, mais ces autorisations en théorie sont accordées dès lors que l’infrastructure respecte les règles environnementales ou de sécurité” C’est très simple monsieur : pour construire il faut un permis de construire, ce qui n’implique évidemment pas uniquement de respecter des normes. Qu’est ce que vous ne comprenez pas?]

              Normalement, un permis de construire est accordé si vous respectez les normes. Vous insinuez que les états pourraient peser sur les marchés en accordant des permis de construire permettant de se raccorder à certains fournisseurs et non à d’autres ? Cela serait une violation flagrante des traités européens, et la CJUE mettrait vite fait bon ordre…

              [Non, de une ça n’implique absolument pas de revenir sur quoi que ce soit de deux l’UE n’a aucun problème a réglementer quand c’est nécessaire,]

              Quand c’est « nécessaire » suivant quel critère ? Quand c’est nécessaire pour assurer une « concurrence libre et non faussée », l’UE n’hésite pas. Mais quand il s’agit d’aller contre les marchés, c’est déjà plus rare… d’autant plus que l’objectif des « marchés libres et non faussés » est dans les traités, et que la CJUE veille…

              [Vous ne voyez pas la dg concurrence accepter mais vous n’avez pas non plus vu la guerre en Ukraine arriver.]

              Je n’ai pas vu non plus les choses tomber de bas en haut…

      • KerSer dit :

        [Absolument pas. Sans le « marché libre et non faussé », le gouvernement allemand aurait pu tout aussi bien choisir de fermer ses centrales nucléaires et de les remplacer par des centrales au gaz alimentées par du combustible quatari ou américain. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Pourquoi les opérateurs privés ont investi dans Nord Stream 1 et 2 plutôt que dans des terminaux GNL pour accueillir les bateaux venant du Quatar ou des Etats-Unis ? Réponse : parce que le coût n’était pas le même…]J’avais compris que l’Allemagne avait fait de sa relation avec la Russie un choix stratégique : envoi de matières premières pas chères à l’est, envoi de machines-outils et autres produits à haute valeur ajoutée à l’est (ça vaut pour la Chine également). Et c’était parfaitement cohérent avec la politique mercantiliste de l’Allemagne de manière générale. Et comme l’Allemagne avait résisté à la pression pendant la (première ?) guerre froide, ils pensaient peut-être résister une nouvelle fois. Ce qui ne veut pas forcément dire que c’était un choix stratégique rationnel. Tiraillée comme elle est entre est et ouest, il aurait été difficile dans tous les cas pour l’Allemagne de maintenir l’équilibre quand les choses tourneraient mal.

        • Descartes dit :

          @ KerSer

          [J’avais compris que l’Allemagne avait fait de sa relation avec la Russie un choix stratégique : envoi de matières premières pas chères à l’est, envoi de machines-outils et autres produits à haute valeur ajoutée à l’est (ça vaut pour la Chine également).]

          Certes. Mais c’est qui exactement « l’Allemagne » dans ce contexte ? Le gouvernement fédéral ? Le patronat allemand ?

          Ce n’est pas le gouvernement fédéral qui a convoqué les patrons des grandes entreprises allemandes et leur a dit « j’ai décidé que vous n’achèterez plus que du gaz russe ». Il n’en a d’ailleurs pas le pouvoir. Le « choix stratégique » dont vous parlez n’est pas la décision d’un seul homme ou d’une seule institution. C’est un enchaînement de décisions prises indépendamment par des acteurs différents. L’Union européenne a décidé de l’ouverture d’un marché « libre et non faussé » de l’énergie, le gouvernement allemand a mené une politique énergétique qui obligeait à trouver des alternatives au nucléaire et au charbon, les entreprises allemandes ont acheté du gaz russe parce que c’était la solution la moins chère. La combinaison de ces décisions conduit à une relation particulière avec la Russie, mais sans que cette relation résulte d’un choix explicite.

          C’est en ce sens qu’il faut se méfier lorsqu’on parle d’un « choix stratégique ». Cette idée renvoie à la vision d’un Etat qui serait une véritable « tour de contrôle » et dont les décisions « stratégiques » s’imposeraient à l’ensemble des acteurs. Dans le contexte de l’Union européenne et du « marché libre et non faussé » comme unique régulateur, cette vision n’a plus guère de rapport avec la réalité.

          • CVT dit :

            @Descartes,
            [C’est en ce sens qu’il faut se méfier lorsqu’on parle d’un « choix stratégique ». Cette idée renvoie à la vision d’un Etat qui serait une véritable « tour de contrôle » et dont les décisions « stratégiques » s’imposeraient à l’ensemble des acteurs. Dans le contexte de l’Union européenne et du « marché libre et non faussé » comme unique régulateur, cette vision n’a plus guère de rapport avec la réalité]
             
            Pour le coup, j’utiliserai une expression allemande très pédante: cette vision de l’état stratège est surtout une …weltanschauung très…Française😬😈!!
            En France, même pour privatiser totalement notre économie , en France, il faut que l’Etat reste STRATEGE 😈!!!
            C’est vrai pour le meilleur et pour le pire: même P’tit Cron feint d’être un chef d’état stratège (gnark😬!) quand il laisse notre administration se faire vampiriser par les “big corporations” yankees!
            Certains ont voulu transposer à Bruxelles ce modèle de dirigisme, mais pas de chance, la majorité des démocraties européennes fonctionnent très différemment. En effet, les cultures politico-judiciaires de nos congénères de l’UE sont à l’opposée des nôtres car ce sont souvent des états faibles, où le parlement est souverain (de fait ou de droit), et où les décisions sont le faits de coalitions et donc de compromis boiteux: c’est une toute autre façon de concevoir l’intérêt général, foncièrement antithétique de la vision française, du moins depuis la fin de la IVè République.
            Comme l’aurait dit un jour le chancelier Otto Von Bismarck, toute personne qui parle de vision européenne ment 🤥 …

            • Descartes dit :

              @ CVT

              [Pour le coup, j’utiliserai une expression allemande très pédante : cette vision de l’état stratège est surtout une …weltanschauung très…Française !!]

              Tout à fait. Ce qui ne veut pas dire que des politiques ne soient fixées par l’Etat ailleurs qu’en France. C’est le cas dans des pays comme les Etats-Unis ou la Grande Bretagne. La grande différence étant que chez nous l’Etat est conçu comme le défenseur d’un intérêt général qui ne se confond pas avec la somme des intérêts particuliers, alors que dans le monde anglosaxon l’Etat est assumé comme l’instrument des intérêts particuliers tout simplement parce que l’idée même d’intérêt général n’existe pas. Souvenez-vous de la fameuse formule : « ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique ».

              Autrement dit, en France nous avons l’idée d’un Etat qui élabore et met en œuvre une stratégie dans le domaine économique, alors que dans le monde anglosaxon ce sont les grands intérêts qui élaborent la stratégie et l’Etat est leur instrument.

              [C’est vrai pour le meilleur et pour le pire: même P’tit Cron feint d’être un chef d’état stratège (gnark😬!) quand il laisse notre administration se faire vampiriser par les “big corporations” yankees!]

              Pardon, mais dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, Macron n’a fait que faire tomber les masques. Il assume de façon décomplexée ce que d’autres ont construit en se cachant. Parce que l’affaiblissement de l’Etat qui conduit inévitablement à confier des tâches autrefois régaliennes à des acteurs privés, cela n’a pas commencé avec Macron. On fait trop d’honneur à Macron en imaginant qu’il a innové par rapport à ses prédécesseurs. La seule différence, c’est que Macron assume.

  4. Simon dit :

    Cher Descartes, 
    Merci pour ce billet, clair comme toujours sur les questions énergétiques.
    L’acheteur unique de gaz me rappelle cette proposition d’Henri Prévôt sur l’acheteur-vendeur unique d’électricité (et donc un monopole non de production mais de commercialisation en gros), qui permet d’avoir le même résultat qu’un monopole de production avec des technocrates compétents (i.e. minimiser le coût global à contraintes de limitation des coupures de courant données). Certes, c’est plus compliqué que la solution historique, mais cela semble aussi intéressant : c’est en bas de la page en lien, je fais un copier-coller pour le lecteur :
    https://www.hprevot.fr/Polelectr.html
     
    Un organe public dépendant de l’Etat a le monopole de la vente d’électricité sortant des centrales. Il la vend à de gros consommateurs ou à des fournisseurs qui la vendront eux-mêmes aux consommateurs finaux.
    Cet organe n’achète pas d’électricité. Il achète des capacités de production. Pour les acquérir aux meilleures conditions, il fait un appel d’offre. Il paie les frais fixes de production (ceux qui ne dépendent pas des quantités produites tels que les investissements et les frais de gestion) et les dépenses directement liées aux quantités d’énergie qu’il commande. Le prix auquel il vend l’électricité est modulé en fonction du moment où elle est vendue de façon à inciter les usagers à éviter les pointes de consommation. Comme la tarification “Boiteux”, il imite ainsi ce que donnerait une concurrence parfaite, mais en en évitant les excès.
    Dans ce dispositif, l’organe central paie les producteurs selon des modalités qui répondent à leurs contraintes (un loyer pour financer l’investissement et le coût de l’énergie). Le prix qu’il paie est différent selon le mode de production de l’électricité mais ne dépend pas du moment où elle a été produite. Le prix auquel il vend l’électricité, lui, ne dépend pas de la façon dont elle a été produite mais du moment où elle est vendue.

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [L’acheteur unique de gaz me rappelle cette proposition d’Henri Prévôt sur l’acheteur-vendeur unique d’électricité (et donc un monopole non de production mais de commercialisation en gros), qui permet d’avoir le même résultat qu’un monopole de production avec des technocrates compétents (i.e. minimiser le coût global à contraintes de limitation des coupures de courant données).]

      En fait, c’est un peu la solution qui a été retenue en 1946 en France. Car contrairement à ce que les gens croient, EDF n’a jamais eu le monopole de la production d’électricité en France. Vous pouviez parfaitement construire une centrale électrique, mais la loi vous obligeait à vendre l’électricité ainsi produite à EDF. La question problématique est comment le prix d’achat est fixé…

      La proposition dans l’article de Prévot ne marche pas : si vous faites des « appels d’offre », et que vous soyez dans un marché véritablement « libre et non faussé », le prix devrait s’établir autour du coût marginal (c’est le théorème de Boiteux) et ne rémunérera donc pas les coûts fixes de la dernière installation démarrée. De plus, vous achetez la capacité de production en supposant qu’elle est déjà construite. Mais qui construira une capacité ne sachant pas à l’avance si l’état du marché lui permettra plus tard de la vendre ?

      Finalement, lorsqu’EDF était acheteur unique, il achetait à un prix fixé réglementairement, et qui correspondait grosso modo à la moyenne du coût de production de ses propres moyens… ce qui n’encourageait pas vraiment à construire !

      • Simon dit :

        Je pense que la proposition tient car l’acheteur unique “paie les frais fixes de production”
        L’acheteur unique fait un appel d’offre pour 20 turbines à gaz, chacun peut proposer un prix de vente pour cette construction. Le coût fixe de ces turbines à gaz est donc couvert (et ce même si par chance elle ne sert pas dans l’année). Il y a effectivement la question du risque de non-achat de capacité, j’imagine qu’une hypothèse est la hausse constante de la consommation (ou plus précisément l’absence de baisse plus rapide que la fermeture prévue des moyens de production).
        Si la question est “d’où vient l’argent nécessaire à l’acheteur unique pour payer les frais fixes des turbines à gaz”, je dirais “d’une somme supplémentaire ajoutée au prix de vente, qui à coût marginal instantané + coût moyen des frais fixes des turbines”, ce dernier coût pouvant être facilement calculé.
        Après, l’intérêt comparé à la gestion historique en France est faible, j’ai l’impression que le but est de concilier au maximum marché et efficacité, ce qui n’est intéressant que quand il n’y a pas déjà de monopole public (ou semi-public) efficace.

        • Descartes dit :

          @ Simon

          [Je pense que la proposition tient car l’acheteur unique “paie les frais fixes de production”
          L’acheteur unique fait un appel d’offre pour 20 turbines à gaz, chacun peut proposer un prix de vente pour cette construction. Le coût fixe de ces turbines à gaz est donc couvert (et ce même si par chance elle ne sert pas dans l’année).]

          Pas tout à fait. Cette méthode permet de couvrir les coûts d’INVESTISSEMENT. Mais les coûts fixes ne se réduisent pas à l’investissement. Prenez par exemple les salaires des travailleurs de l’installation. Ceux-ci doivent être payés que l’installation tourne ou pas. Or, la méthode des appels d’offre ne permet pas de couvrir ce type de coûts.

          [Il y a effectivement la question du risque de non-achat de capacité, j’imagine qu’une hypothèse est la hausse constante de la consommation (ou plus précisément l’absence de baisse plus rapide que la fermeture prévue des moyens de production).]

          Cela ne marche que si l’Etat régule correctement l’offre en limitant les appels d’offre de telle manière que la capacité ne dépasse pas les besoins. Ce qui suppose que l’Etat puisse prévoir la demande… in fine, vous verrez que toutes les solutions fondées sur des appels d’offre aboutissent à la même solution : l’Etat régule l’offre, et les prix de marché de l’électricité ne peuvent que refléter la qualité de ses prévisions… dans ces conditions, la régulation par le marché est purement artificielle.

          [Après, l’intérêt comparé à la gestion historique en France est faible, j’ai l’impression que le but est de concilier au maximum marché et efficacité, ce qui n’est intéressant que quand il n’y a pas déjà de monopole public (ou semi-public) efficace.]

          Je vous trouve bien gentil… en fait, le « but » dépend de l’acteur. La Commission croit dur comme fer que la régulation du marché est plus efficace que le monopole public, et cela dans tous les cas. Et cette croyance a aussi une fonction politique : affaiblir les monopoles publics, c’est affaiblir les états, et donc préparer l’avènement d’une Europe fédérale. Nos dirigeants savent parfaitement que le monopole, dans le cas particulier de l’électricité, est bien plus efficace que le marché. Mais ils sont tenus par leurs engagements européens, est vivent donc dans l’ambiguïté permanente, signant des directives de libéralisation, puis cherchant au niveau national tous les moyens imaginables pour les contourner.

  5. cdg dit :

    C est pas parce que c est un monopole etatique que le choix en sera meilleur. Il sera soumis a d autres contraintes. Je suis pas un expert du secteur mais je me rappelle que la France a par exemple acheté des hydrocarbures a l algerie a un prix superieur dans les annees 80 pour des raisons politiques (je me rappelle plus exactement la raison pour laquelle Mitterrand a voulu ca, de memoire c etait pour faire un geste vers le tiers monde)
    si on reprend votre exemple de gaz russe et la RFA, on aurait tres bien pu avoir un GDF allemand copinant encore plus avec gazprom car Schröder et co le souhaitaient (version noble pour ameliorer les relation avec la russie, version complotiste pour payer la pension alimentaire de schöder a sa Xieme femme)
    Sinon votre argument sur le choix du consommateur et du prix est faux. Si c etait vrai, tout le monde roulerai en dacia (c est les voitures les moins cheres) et personne en porsche
    Meme sur un produit banalisé comme l electricité (un electron c est le meme partout), vous avez different fournisseurs (par ex certains sont plus cher en vous promettant une electricite issue de renouvellable)
    Bref : Le prix fait parti des criteres de decision, mais c est loin d etre le seul.

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Ce n’est pas parce que c’est un monopole étatique que le choix en sera meilleur.]

      Si par là vous entendez que le monopole étatique per se ne garantit pas les bons choix en général, je suis d’accord avec vous. Mais dans des domaines spécifiques qui ont un fort caractère stratégique et des horizons de temps longs, comme l’énergie, c’est généralement le cas.

      [Il sera soumis à d’autres contraintes. Je ne suis pas un expert du secteur mais je me rappelle que la France a par exemple acheté des hydrocarbures a l’Algérie a un prix supérieur dans les années 80 pour des raisons politiques (je me rappelle plus exactement la raison pour laquelle Mitterrand a voulu ça, de mémoire c’était pour faire un geste vers le tiers monde).]

      L’exemple est mal choisi : il s’agit là d’un choix de financement d’une politique générale : on a choisi d’utiliser une partie des bénéfices d’ELF pour aider le régime algérien (cela ne pouvait pas avoir d’effet sur les prix, puisque le secteur pétrolier n’a jamais été un monopole). Cela aurait été plus propre pour l’Etat d’empocher les dividendes en question puis d’accorder une subvention à l’Algérie, on a choisi pour des raisons de discrétion de déguiser la chose en jouant sur les prix, mais l’effet économique est le même.

      En fait, le défaut classique des monopoles publics est moins l’influence politique que de privilégier la sécurité d’approvisionnement à tout prix, ce qui conduit en général à du surinvestissement, et donc à faire supporter au consommateur une dépense inutile. Ainsi, par exemple, le programme nucléaire d’EDF a conduit à une surcapacité notoire, et cela même après que Mitterrand a annulé la construction des deux derniers sites (Le Cannet et Plogoff…).

      [si on reprend votre exemple de gaz russe et la RFA, on aurait tres bien pu avoir un GDF allemand copinant encore plus avec gazprom car Schröder et co le souhaitaient (version noble pour ameliorer les relation avec la russie, version complotiste pour payer la pension alimentaire de schöder a sa Xieme femme)]

      C’est possible, bien entendu, mais la pratique montre plutôt le contraire. Comme je vous l’ai dit plus haut, les monopoles publics ont généralement tendance à privilégier la sécurité d’approvisionnement par rapport à tout autre critère – et c’est logique : le consommateur pardonne plus facilement la hausse du prix que la coupure de la fourniture. Un « GDF allemand » aurait probablement eu le même réflexe que le GDF français : diversifier les approvisionnements.

      [Sinon votre argument sur le choix du consommateur et du prix est faux. Si c etait vrai, tout le monde roulerai en Dacia (c’est les voitures les moins chères) et personne en Porsche]

      Poussez au moins votre exemple jusqu’au bout : pourquoi rouler en Dacia, alors qu’on peut encore réduire le coût en ne roulant plus du tout ?

      Soyons sérieux. Quand je dis que le marché choisit en fonction du coût, cela veut dire que POUR UN BIEN OU UN SERVICE DONNE, on ira acheter là ou c’est moins cher. Pour le dire autrement, si je cherche le service que délivre une Dacia, j’irai acheter ma Dacia là où elle est moins chère. Et de même, si je veux le genre de confort que donne une Porsche, j’irais acheter ma Porche là où elle est le moins chère. Mais je n’ai jamais dit qu’entre la Dacia et la Porsche, on choisit en fonction du prix.

      [Même sur un produit banalisé comme l’électricité (un électron c’est le même partout), vous avez différents fournisseurs (par ex certains sont plus cher en vous promettant une électricité issue de renouvelable)]

      Vous apportez de l’eau à mon moulin : pour vendre « plus cher », les fournisseurs sont obligés à « différentier » le produit, parce qu’autrement le consommateur ira naturellement acheter… le moins cher !

      • cdg dit :

        “Pour le dire autrement, si je cherche le service que délivre une Dacia, j’irai acheter ma Dacia là où elle est moins chère.”
        le service d une voiture c est quand meme d aller d un point A ou B. Certes si vous roulez en porsche vous allez avoir un agrement de conduite mais de la a justifier un prix 5 fois plus elevé … Rationnellement, tout le monde devrait rouler en dacia
        Si vous voulez des voitures a performance identique disons qu entre une renault et une dacia, les performances sont identiques (c est quasiment la meme mecanique), l image de marque est la meme (on est pas chez porsche) et pourtant en france Renault vend plus de clio que de Dacia …)
         
        meme si vous voulez acheter une voiture d un modele X, le gros des clients ne vont pas au moins cher (les mandataires) mais vont chez le concessionnaire (proximité, service …)
        “pour vendre « plus cher », les fournisseurs sont obligés à « différentier » le produit, parce qu’autrement le consommateur ira naturellement acheter”
        C est sur que si vous voulez vendre il faut vous differencier sur quelque chose. Que ca soit sur le prix, sur le service ou sur la provenance du produit.C est ainsi qu on vous vend de la viande plus chere car elle est issue d un animal elevé francais (en quoi un poulet elevé en france est mieux qu un poulet elevé en belgique ?), qu on vend de les electrons plus cher car issus de renouvelable ou qu une station service total vous vend son essence plus chere car vous pouvez payer avec une carte pro (public visé les routiers). Pour prendre mon ex perso, je fais en general le plein a la station a coté de chez moi meme s il y en a une moins chere a 3 km car j ai pas envi de faire un detour

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [“Pour le dire autrement, si je cherche le service que délivre une Dacia, j’irai acheter ma Dacia là où elle est moins chère.” le service d’une voiture c’est quand même d’aller d’un point A ou B.]

          Non. Un vélo, un âne peuvent aussi vous conduire du point A au point B. Et j’imagine que vous n’allez pas me dire qu’ils procurent le même service qu’une Porsche ou même une Dacia. Le service délivré par une voiture c’est d’aller d’un point A à un point B avec une certaine vitesse, une certaine qualité de conduite, un certain confort, un certain prestige…

          [Certes si vous roulez en porsche vous allez avoir un agrement de conduite mais de la a justifier un prix 5 fois plus elevé … Rationnellement, tout le monde devrait rouler en dacia]

          Avec le même raisonnement, tout le monde devrait marcher. C’est encore moins cher qu’une Dacia, et ça vous conduit du point A au point B. Encore une fois, le marché régule le prix d’un bien offrant un service interchangeable. Il ne vous permet pas de comparer des biens offrant des services différents.

          [Si vous voulez des voitures a performance identique disons qu’entre une Renault et une Dacia, les performances sont identiques (c’est quasiment la même mécanique), l’image de marque est la même (on n’est pas chez Porsche) et pourtant en France Renault vend plus de Clio que de Dacia …)]

          Je ne comprends pas ce raisonnement. Si vous avez deux voitures qui offrent EXACTEMENT le même service, quel serait le critère de l’acheteur pour choisir l’une plutôt que l’autre ?

          [même si vous voulez acheter une voiture d’un modèle X, le gros des clients ne vont pas au moins cher (les mandataires) mais vont chez le concessionnaire (proximité, service …)]

          Mais la « proximité » et le « service » font partie du service que prête une voiture ! Si chaque fois que je dois réparer ma voiture je dois l’amener à l’autre bout de la France, il est clair que ma voiture sera moins disponible, donc le service qu’elle me rend sera inférieur… Franchement, je vois mal comment vous pouvez soutenir que lorsqu’il s’agit de choisir entre plusieurs fournisseurs offrant un produit INDIFFERENTIE, les clients pourraient choisir sur un autre critère que le prix.

          [“pour vendre « plus cher », les fournisseurs sont obligés à « différentier » le produit, parce qu’autrement le consommateur ira naturellement acheter” C’est sûr que si vous voulez vendre il faut vous différencier sur quelque chose.]

          Autrement dit, vous admettez que, s’agissant d’un produit indifférencié (comme le gaz, l’électricité ou le pétrole) le client choisit toujours en fonction du prix ? Parce que c’état là précisément mon point. Effectivement, lorsqu’il s’agit d’acheter du gaz, si le gaz russe est moins cher le marché poussera à acheter du gaz russe. Il est donc illusoire dans une logique de marché « libre et non faussé » de voir les acheteurs prendre en considération des critères tels que l’indépendance nationale…

  6. cherrytree dit :

    Je ne suis pas spécialiste, et je trouve ce billet très clair.
    Cependant je ferais une remarque : l’acheteur unique dans le but de faire baisser le prix du gaz, risque de ne rien faire baisser du tout. En effet, le gaz ne voyage pas totalement par gazoduc, mais aussi par méthaniers, une fois le gaz liquéfié, puis stocké, enfin regazéifié. Or, dans l’UE, tous les pays ne sont pas également équipés des ports et des  structures permettant le reconditionnement. Ainsi, si l’Espagne est relativement bien pourvue, la France compte 4 ports méthaniers, et l’Allemagne, aucun, vu que le gazoduc russe permettait de s’en passer.
    l’Algérie propose à la France de fournir davantage de gaz, mais son gazoduc sous marin est un brin vieillissant, quant aux transformations méthaniers, il n’est pas évident du tout qu’elles puissent avoir un rendement plus important qu’à l’heure actuelle.  Biden propose de fournir du gaz US (de schiste ?), mais le coût du transport implique que ce ne sera pas vraiment donné, et puis en échange de quoi outre le paiement ? Que l’Ukraine fasse partie de l’OTAN par exemple ? Et il faut pouvoir réaliser l’acheminement jusqu’en Allemagne, entre autres, et certainement pas par voie maritime, l’Allemagne n’ayant pas de ports méthaniers. 
    De fait, le problème n’est pas tant celui de l’acheteur unique, que celui de la distribution. Et la, je ne sais pas s’il est envisageable d’avoir un distributeur unique.
    Je pense qu’en réalité, la possibilité d’un acheteur unique est du mouron pour les petits oiseaux, une manière comme une autre de faire gober que l’UE peut éventuellement se passer du gaz russe, et que la Russie n’a que peu de moyens de pression possibles. En attendant, la Russie continue de fournir, et il semble qu’il n’y ait pour l’heure guère de moyens de faire autrement. Et quand ce sera possible, le coût  sera si exorbitant, même si l’Algérie, les Émirats et les USA faisaient des prix d’amis, que le problème demeurera entier. 

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Cependant je ferais une remarque : l’acheteur unique dans le but de faire baisser le prix du gaz, risque de ne rien faire baisser du tout. En effet, le gaz ne voyage pas totalement par gazoduc, mais aussi par méthaniers, une fois le gaz liquéfié, puis stocké, enfin regazéifié. Or, dans l’UE, tous les pays ne sont pas également équipés des ports et des structures permettant le reconditionnement. Ainsi, si l’Espagne est relativement bien pourvue, la France compte 4 ports méthaniers, et l’Allemagne, aucun, vu que le gazoduc russe permettait de s’en passer.]

      L’acheteur unique permet de faire baisser les prix au sens qu’il a un pouvoir de négociation très important du fait de sa taille. Cela étant dit, l’acheteur unique est obligé de tenir compte des contraintes physiques : à rien ne sert d’acheter du gaz à un fournisseur alors qu’il n’existe de moyen économique de l’acheminer.

      [Biden propose de fournir du gaz US (de schiste ?), mais le coût du transport implique que ce ne sera pas vraiment donné, et puis en échange de quoi outre le paiement ? Que l’Ukraine fasse partie de l’OTAN par exemple ? Et il faut pouvoir réaliser l’acheminement jusqu’en Allemagne, entre autres, et certainement pas par voie maritime, l’Allemagne n’ayant pas de ports méthaniers.]

      Je pense que Biden n’offre en fait que la capacité de production – autrement dit, l’opportunité d’acheter le gaz en question au prix du marché. Après, l’acheminement aura besoin peut être de construire des terminaux méthaniers et autres infrastructures. Peut-être que nos terminaux (sous-utilisés aujourd’hui) permettraient d’accueillir un surplus de gaz et l’envoyer vers l’Allemagne en changeant le sens d’utilisation des gazoducs existants ? Je ne connais pas assez le réseau pour pouvoir le dire…

      [Je pense qu’en réalité, la possibilité d’un acheteur unique est du mouron pour les petits oiseaux, une manière comme une autre de faire gober que l’UE peut éventuellement se passer du gaz russe, et que la Russie n’a que peu de moyens de pression possibles.]

      Je le pense aussi, mais pas pour la même raison. Je pense surtout que l’acheteur unique implique une régulation administrative, et donc l’abandon du projet de marché « libre et non faussé » du gaz. Je ne crois pas que la Commission soit prête à devenir raisonnable…

  7. Pierre dit :

    Étape 1 : introduire le culte du marché pour détruire les monopoles nationaux, et subséquemment les solidarités nationales.
    Étape 2 : sur le champ de ruines, créer un monopole européen pour conforter l’émergence d’une solidarité européenne.
    Bruno Le Maire avait craché le morceau en 2019 : “Le Nouvel Empire. L’Europe du vingt-et-unième siècle” (éd. Gallimard). Tous les moyens sont bons pour atteindre l’objectif. L’U.R.S.S. ouest-européenne se met peu à peu en place.

  8. cherrytree dit :

    Ce qui est plutôt comique, c’est la façon dont les media, avec un ensemble parfait, depuis quelques jours, serinent les déclarations des ministres et autres chefs d’Etat, c’est à dire qu’il faut absolument apprendre à se passer du gaz russe. Il est stupéfiant de voir Erdogan, qui aux premiers temps du conflit envisageait de bloquer le détroit du Bosphore, se poser en médiateur. Ça part dans tous les sens. Et hop, on accélére la construction du terminal méthanier du Havre, qui était à l’état de projet. Et hop, Castex dans l’Aude pousse à l’accélération de la ferme éolienne au large de Gruissan et Port la Nouvelle, dont le rendement et la maintenance sont plus qu’improbables, en oubliant au passage que cela implique sur le rivage une énorme centrale et une flopée de transformateurs, ruinant au passage le tourisme sur le littoral, principale ressource avec la viticulture , d’un des départements les plus pauvres de France métropolitaine. Et hop, cela ne fait pas un pli, depuis ce matin le refrain est “économies d’énergie” sur tous les tons, et la ritournelle “se passer du gaz russe” Zelensky peut toujours appeler à l’embargo et/ou au boycott, ce n’est pas le problème de l’Ukraine, qui dispose, elle, de ressources en gaz et céréales. Le plus étonnant est de voir l’Allemagne  entonner le même couplet,. Sauf erreur, la fin de l’utilisation du  nucléaire était pour la fin 2022, prolongeant au passage l’exploitation charbonnière (les conséquences sur le climat, pour le coup, passent à la trappe), mais enfin  on assure que la sortie de l’énergie carbonnée est avancée à 2030. Dans la foulée, il est question, sans rire, de se passer du gaz russe d’ici la fin de l’année. Sérieusement, je ne vois pas bien comment  peut -on, le croire ou même l’envisager? Certes il y a la proposition de fourniture de gaz de schiste US, mais encore une fois, l’Allemagne ne dispose d’aucun terminal méthanier, ni d’usines de gazéification du gnl(gaz naturel liquide). Et puis ce gaz, il faudra l’acheminer en bonne partie par la route. Les écologistes allemands qui ont réclamé sur l’air des lampions le démantèlement des centrales nucléaires au nom de la lutte contre la pollution, portent paradoxalement une lourde responsabilité sur ce qui ne va pas vraiment faire de bien à la planète Et à moins de couvrir le pays de panneaux photovoltaïques, dont le rendement n’est pas au rendez-vous en cas d’ensoleillement insuffisant, on voit mal comment, dans les années qui viennent, on pourra si facilement abandonner énergie carbonnée et  recours au gaz de schiste, et gnl dont le coût, compte tenu du prix d’achat ( les pays de l’OPEP n’envisagent pas d’augmenter leur production pour éviter la baisse des cours du gaz et du pétrole), dont le coût, donc, atteindra de toute façon des sommets.
    Et en France, une fois que l’on aura rabâche la nécessité pour les particuliers de faire des économies d’énergie, il faudra se résoudre à voir les coûts de production s’envoler car l’industrie a besoin de fonctionneret donc une inflation record, au moment où l’on est encore à chipoter sur un SMIC qui ne permettra ni de se chauffer, ni de se déplacer sans rogner sur un des postes de dépenses incompressibles, comme la nourriture. Notons au passage qu’il est question d’économies d’énergie, et d’une consommation plus sobre,  mais que l’on va devoir s’asseoir sur une bonne part des accords de Paris concernant le recours aux énergies fossiles.
    C’est pourquoi je crois bien que la Russie cède peut-être du terrain en Ukraine, mais que Poutine n’a plus qu’à faire preuve de patience : la crise économique qui se profile dans l’UE, et les pénuries alimentaires en Afrique et dans le Moyen Orient, qui redonneront une audience aux islamistes, feront bien plus de dégâts que les bombardements (je parle d’économie, pas de bilan humain, bien sûr). Et pas la peine de tabler sur une éventuelle révolution en Russie qui déposerait Poutine, si le peuple russe ne le supportait plus, cela ferait longtemps qu’il ne serait plus au pouvoir

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Ce qui est plutôt comique, c’est la façon dont les media, avec un ensemble parfait, depuis quelques jours, serinent les déclarations des ministres et autres chefs d’Etat, c’est à dire qu’il faut absolument apprendre à se passer du gaz russe. Il est stupéfiant de voir Erdogan, qui aux premiers temps du conflit envisageait de bloquer le détroit du Bosphore, se poser en médiateur. Ça part dans tous les sens. Et hop, on accélère la construction du terminal méthanier du Havre, qui était à l’état de projet.]

      Il faut dire qu’en France les opérateurs énergétiques publics ont fait le choix de se doter de terminaux méthaniers précisément parce que l’alimentation par gazoduc vous rend dépendant du fournisseur qui est à l’autre bout. Aujourd’hui les évènements font qu’il y a un soutien politique évident pour continuer cette politique, il est normal que les opérateurs en profitent. Ce qui est grotesque, c’est de voir tout ce beau monde néolibéral reprendre les thèses qui, il n’y a pas si longtemps, vous valaient le tampon de « souverainiste » et l’ostracisme qui va avec. Des gens qui pendant trente ans nous ont seriné le discours « il faut laisser le marcher choisir les fournisseurs » nous expliquent maintenant que c’est aux états – pardon, à l’UE – de le faire. Et ils n’ont même pas la décence d’expliquer qu’ils ont changé d’avis…

      [Et hop, cela ne fait pas un pli, depuis ce matin le refrain est “économies d’énergie” sur tous les tons, et la ritournelle “se passer du gaz russe” Zelensky peut toujours appeler à l’embargo et/ou au boycott,]

      Le plus drôle, là-dedans, c’est que l’économie ukrainienne est en bonne partie financée par les droits de passage du gaz russe sur son territoire – au point que les Ukrainiens et leurs parrains se sont opposés à la construction des gazoducs Nord Stream 1 et 2, dont le but était précisément d’éviter le territoire ukrainien. Si demain l’Europe « se passe du gaz russe », l’Ukraine risque de perdre une ressource budgétaire importante…

  9. Lingons dit :

    Bonsoir;
     
    Autant je ne peux que partager votre constat sur la situation déplorable pour notre pays, de l’organisation actuelle du marché de l’énergie européen, autant je trouve que, encore une fois, lorsqu’il s’agit des dossiers européens, vous vous trompez de cible pour vos foudres.
    Je pense que tout lecteur régulier de vos papiers (dont je fais partie même si je commente très rarement) ont compris que pour vous l’UE est Satan incarnée et la Commission sa fille préférée, responsable de tous les maux des nations membres et tenant les gouvernements nationaux par les gonades. 
    Alors effectivement la logique du marché libre et non faussé est très présente chez les fonctionnaires européens, mais je vous rappelle qu’au sein de l’UE la Commission PROPOSE mais ne DECIDE de rien, ce rôle revient au Parlement et, surtout, au Conseil c’est à dire les Etats.
    Vous pourriez me rétorquer que la Commission dispose de “moyens importants” pour faire plier les Etats, je vous ferais toutefois remarquer que cette affirmation est bien souvent invalidée par les faits. Le meilleur exemple en date est la guerre de tranchées entre la Pologne et la Commission où cette dernière démontre son impuissance face à un état de puissance moyenne, au point que le Parlement a utilisé ce prétexte pour avancer ses pions face à la Commission (la menaçant de la traîner devant la CJUE)
    J’ai l’impression que vous voyez la Commission comme une structure monolithique, avançant tel un rouleau compresseur, mais rien n’est plus faux. La Commission est un agglomérat de satrapies administratives où se confrontent les intérêts des différents services et des Etats qui placent leurs pions au sein des DG (les Allemands sont très fort à ce petit jeu, les Français d’une nullité crasse). Vous pensez que la commissaire roumaine prend ses ordres de Von der Leyen plutôt que de Bucarest ?
    Pour en revenir au marché de l’énergie, cela fait 40 ans que nos dirigeants nationaux défendent bec et ongles la logique néolibérale, l’UE n’est qu’un moyen de faire passer cela plus facilement même si je vous le rappelle les directives décisions et autres règlements doivent êtres approuvés par les Etats, sans quoi la “toute puissante” Commission se retrouve le bec dans l’eau.
    Cela fait 40 ans que cette idéologie empoisonne nos décisions politiques mais durant tout ce temps qui a mis au pouvoir ces dirigeants ? Et bien le bon peuple de France bien sur, qui est le premier à venir pleurer sur l’état de nos services hospitaliers, de la disparition des petites lignes de train ou du prix de l’énergie mais qui le reste de temps appelle à grands cris à “dégraisser le mammouth”ou à réviser les statuts de ces “privilégiés de fonctionnaires”
     
    La politique néolibérale ne plaît pas à notre bon peuple ? Alors pourquoi met-il au pouvoir depuis des décennies des politiques de ce bord ?
    Oui la politique énergétique européenne actuelle est mauvaise, mais quitte à trouver les responsables à celle-ci peut être faudrait il ne pas forcément regarder vers Bruxelles, mais bien plus proche de nous… 
     
    PS: Comme dit plus haut je n’ai que rarement le loisir de réagir à vos papiers, avec lesquels j’ai souvent des désaccords, pourtant soyez assuré que j’apprécie toujours de les lire.                       
     

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [Je pense que tout lecteur régulier de vos papiers (dont je fais partie même si je commente très rarement) ont compris que pour vous l’UE est Satan incarnée et la Commission sa fille préférée, responsable de tous les maux des nations membres et tenant les gouvernements nationaux par les gonades.]

      N’exagérons rien. Je ne pense pas avoir dit que l’UE soit responsable de TOUS les maux des états membres. Il y a des maux qui sont purement nationaux, même si la liste se réduit d’année en année du fait de la progression de la construction européenne. Car il faut bien comprendre : les domaines ou les états peuvent faire des conneries sont de moins en moins nombreux au fur et à mesure que les conneries sont faites au niveau européen…

      [Alors effectivement la logique du marché libre et non faussé est très présente chez les fonctionnaires européens, mais je vous rappelle qu’au sein de l’UE la Commission PROPOSE mais ne DECIDE de rien, ce rôle revient au Parlement et, surtout, au Conseil c’est à dire les Etats.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. Il est vrai que règlements et directives nécessitent l’approbation du Conseil et du Parlement. Mais il existe d’autres actes juridiques qui peuvent être pris par la Commission toute seule : « actes d’exécution » et surtout, depuis le traité de Lisbonne, les « actes délégués » qui se multiplient dans les textes européens.

      Mais cela c’est du détail. La Commission a un pouvoir de décision bien plus considérable. Le premier, c’est qu’elle « décide » de ce qu’on met dans un projet de règlement ou de directive. Car si le Conseil et le Parlement peuvent accepter ou refuser un texte en bloc, ils ne peuvent pas l’amender, puisque la Commission détient le monopole de la proposition. Autrement dit, la Commission peut avoir recours facilement au chantage « c’est le texte que nous proposons, ou pas de texte du tout ». Et à condition de mettre dans le texte quelques « sucreries » politiques permettant d’acheter les votes nécessaires au Conseil ou au Parlement, la Commission arrive ainsi à faire passer l’essentiel de ses idées. Une technique habituelle est d’offrir une « sucrerie » pour tout de suite, alors que la mesure que veut la commission n’entrera en vigueur que dans dix ans (c’est-à-dire, lorsque le politique qui participe au Conseil sera parti vers d’autres horizons).

      Il y a un deuxième pouvoir de décision dont la Commission use et abuse, c’est celui qui fait d’elle le « gardien des traités ». C’est donc elle qui décide d’ouvrir – ou pas – les procédures d’infraction contre les états. Non seulement c’est là un outil de pression très efficace pour obtenir les voix nécessaires pour faire passer une directive ou un règlement, mais il permet aussi de changer le sens d’une directive déjà approuvée, en laissant courir certains états qui la violent tout en réprimant certains autres…

      [Vous pourriez me rétorquer que la Commission dispose de “moyens importants” pour faire plier les Etats, je vous ferais toutefois remarquer que cette affirmation est bien souvent invalidée par les faits. Le meilleur exemple en date est la guerre de tranchées entre la Pologne et la Commission où cette dernière démontre son impuissance face à un état de puissance moyenne, au point que le Parlement a utilisé ce prétexte pour avancer ses pions face à la Commission (la menaçant de la traîner devant la CJUE)]

      Mais cette guerre porte sur quoi ? Le fonctionnement de la justice. Un sujet régalien, sujets sur lesquels la Commission est effectivement particulièrement faible. Mais pourriez-vous me donner un seul exemple où un état ait eu gain de cause contre la Commission sur un sujet concernant le marché intérieur, l’ouverture de certains secteurs à la concurrence, la privatisation des services publics ?

      [J’ai l’impression que vous voyez la Commission comme une structure monolithique, avançant tel un rouleau compresseur, mais rien n’est plus faux. La Commission est un agglomérat de satrapies administratives où se confrontent les intérêts des différents services et des Etats qui placent leurs pions au sein des DG (les Allemands sont très fort à ce petit jeu, les Français d’une nullité crasse). Vous pensez que la commissaire roumaine prend ses ordres de Von der Leyen plutôt que de Bucarest ?]

      Encore une fois, cela dépend dans quel domaine. Lorsqu’il s’agit de privatiser les services publics, d’ouvrir à la concurrence, d’interdire les aides d’Etat aux secteurs stratégiques, la Commission a toujours parlé d’une seule voix. Je ne sais pas si la commissaire roumaine prend ses ordres à Bucarest, mais je peux vous assurer que lorsqu’il s’est agi d’empêcher le démantèlement d’EDF, de défendre le nucléaire ou d’empêcher la privatisation des concessions hydroélectriques, le commissaire français n’a rien fait. Absolument rien.

      Oui, la Commission est un agglomérat de satrapies administratives qui s’affrontent. Mais ces satrapies ne représentent nullement les intérêts des états. Elles représentent surtout l’intérêt des « lobbies » qui forment leur clientèle. Le commissaire allemand est bien plus sensible aux intérêts de l’industrie automobile allemande qu’à celui de l’Allemagne en tant qu’état… Et puis, ces satrapies représentent aussi l’intérêt de la caste qui les fait fonctionner. Comme toute bureaucratie, la bureaucratie européenne a bien compris l’intérêt que présente pour elle d’augmenter son pouvoir. C’est pour cela qu’elle adhère unanimement à l’idéologie néolibérale : parce que cette idéologie est fonctionnelle à leurs intérêts. Affaiblir les états, livrer tout au « marché unique », c’est augmenter leur propre pouvoir. La seule différence entre les bureaucraties nationales et la bureaucratie européenne, c’est que la bureaucratie nationale voit sa puissance limitée par un « demos » qui la contrôle. Cela n’existe pas au niveau européen…

      [Pour en revenir au marché de l’énergie, cela fait 40 ans que nos dirigeants nationaux défendent bec et ongles la logique néolibérale, l’UE n’est qu’un moyen de faire passer cela plus facilement même si je vous le rappelle les directives décisions et autres règlements doivent être approuvés par les Etats, sans quoi la “toute puissante” Commission se retrouve le bec dans l’eau.]

      Comme je vous l’ai montré plus haut, la Commission a des instruments qui lui permettent d’acheter ou de faire pression pour obtenir les votes nécessaires des Etats. Mais cela n’exonère pas, bien entendu, les politiciens nationaux de leurs responsabilités. La construction européenne n’aurait pas pu faire de tels dégâts sans la complicité des dirigeants nationaux, complicité qui reflète les intérêts communs du « bloc dominant » qui est le même grosso modo dans tous les pays d’Europe. Mais peut-on pour autant dire qu’un homme comme Jospin « défendait bec et ongles la logique néolibérale » ? Cela me paraît excessif. Et pourtant, il a quand même signé les accords de Barcelone, qui ouvrent la voie au démantèlement d’EDF.

      [Cela fait 40 ans que cette idéologie empoisonne nos décisions politiques mais durant tout ce temps qui a mis au pouvoir ces dirigeants ? Et bien le bon peuple de France bien sûr, qui est le premier à venir pleurer sur l’état de nos services hospitaliers, de la disparition des petites lignes de train ou du prix de l’énergie mais qui le reste de temps appelle à grands cris à “dégraisser le mammouth” ou à réviser les statuts de ces “privilégiés de fonctionnaires”. La politique néolibérale ne plaît pas à notre bon peuple ? Alors pourquoi met-il au pouvoir depuis des décennies des politiques de ce bord ?]

      Lorsqu’une classe est dominante, l’idéologie qui justifie sa domination tend aussi à devenir l’idéologie dominante. C’est là qui intervient le processus d’aliénation, qui conduit les classes dominées à prendre des positions qui sont contraires à leur intérêt.

      Sur un plan strictement juridique, vous avez raison : le peuple est souverain, l’électeur prend ses décisions en toute liberté et par conséquent est responsable des conséquences. Mais si vous élargissez l’analyse, vous ne pouvez que constater que les moyens intellectuels pour analyser le réel ne sont pas également repartis. Que lorsque économistes, sociologues, ingénieurs, politologues – qui tous, quelle coïncidence, appartiennent à la même classe – expliquent et démontrent dans tous les médias – qui, autre coïncidence, appartiennent eux aussi à la même classe – qu’il n’y a pas d’alternative, Mme Michu est bien mal placée pour trouver les failles dans leurs raisonnements et remettre en cause leurs conclusions.

      Pourquoi le peuple met au pouvoir depuis des décennies des politiques de ce bord ? Eh bien, parce que tout politique qui ne serait pas de ce bord est immédiatement diabolisé, trainé devant le tribunal de l’opinion et condamné à la marginalité. Vous noterez que la véritable dédiabolisation de Marine Le Pen ç=à laquelle on assiste ne correspond pas à un adoucissement de son discours sur l’immigration ou la sécurité, mais à l’abandon de sa proposition de sortie de l’UE et de l’Euro. Ce n’est pas un accident, à mon avis. C’est plus banalement que la proposition de sortir de l’Euro fait peur au « bloc dominant », alors que celle de renvoyer les immigrés chez eux ne les gêne pas particulièrement.

      Les politiques ont bien compris cela. C’est pourquoi devant le choix cornélien entre la marginalisation médiatique et le renoncement à certaines idées, ils ont choisi le deuxième terme. Aujourd’hui, AUCUN candidat ne tient un discours critique sur l’Euro. Autrement dit, quand bien même notre peuple voudrait voter contre l’Euro, cette alternative ne lui est pas ouverte.

      [Oui la politique énergétique européenne actuelle est mauvaise, mais quitte à trouver les responsables à celle-ci peut-être faudrait-il ne pas forcément regarder vers Bruxelles, mais bien plus proche de nous…]

      Je n’y vois aucun inconvénient. Cela a d’ailleurs toujours été mon discours : in fine l’UE n’est qu’un tigre de papier. L’autorité de la Commission sur nos vies n’existe que parce que nous y consentons. Le Brexit l’a montré : on peut refuser cette autorité et le ciel ne nous tombe pas sur la tête pour autant. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’aussi longtemps que nous acceptons l’autorité des institutions européennes, RIEN OU PRESQUE ne peut être fait pour résoudre un certain nombre de problèmes. Autrement dit, ceux qui nous promettent de résoudre les problèmes tout en passant sous les fourches caudines de l’UE sont des menteurs. Et ça fait beaucoup de monde !

      [PS: Comme dit plus haut je n’ai que rarement le loisir de réagir à vos papiers, avec lesquels j’ai souvent des désaccords, pourtant soyez assuré que j’apprécie toujours de les lire.]

      Je vous remercie de votre encouragement. Savoir que des gens comme vous lisent et apprécient mon travail donne envie de continuer. Et je ne peux que vous encourager à intervenir, c’est le débat qui fait tout l’intérêt de ce blog. Surtout si vous n’êtes pas d’accord avec moi !

      • cdg dit :

        ” Autrement dit, quand bien même notre peuple voudrait voter contre l’Euro, cette alternative ne lui est pas ouverte”
        Elle l a ete a la derniere campagne avec Marine Le Pen. Et celle ci en a deduit que c etait pour elle un boulet et elle a abandonné l idee et Philippot qui a repris le flambeau s est fait ereinter dans les elections intermediaires
         
        S il y aurait un candidat pour le retour au franc, il ferait combien ? 2 % ? MLP avait fait 21 % en 2017. En admettant que tous ses electeurs l aient fait pour sa position anti euro (ce qui est deja dementi par son score actuel) ca fait quand meme 79 % de pro euro …

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Elle l a ete a la derniere campagne avec Marine Le Pen. Et celle ci en a deduit que c etait pour elle un boulet]

          Oui, mais pourquoi en est-elle arrivée à cette conclusion ? Parce qu’elle a compris qu’aussi longtemps qu’elle parlait de sortir de l’Euro, l’ensemble de l’appareil médiatique allait l’éreinter. Depuis qu’elle a enlevé cet élément de son discours, les médias – y compris France Inter, qui passait son temps à lui tirer dessus en 2017 – sont devenus tout miel…

          [S’il y aurait un candidat pour le retour au franc, il ferait combien ? 2 % ? MLP avait fait 21 % en 2017. En admettant que tous ses electeurs l’aient fait pour sa position anti euro (ce qui est deja dementi par son score actuel) ca fait quand meme 79 % de pro euro …]

          Et c’est quoi la conclusion ? En 1938, il y avait certainement une majorité encore plus importante pour soutenir Munich.

  10. CVT dit :

    @Descartes,
    un petit hors-sujet pour vous, cher camarade : que dites vous de la disparition de l’Etat, ou devrais-je dire, de l’oblitération de l’Administration par les bons soins d’Emmanuel MacKinsey?
    Depuis quelque temps, je n’arrête pas de me poser la question de savoir si la France n’est pas déjà morte comme nation, mais avec l’affaire McKinsey, je me demande si on n’a pas déjà mis en bière l’Etat…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [un petit hors-sujet pour vous, cher camarade : que dites vous de la disparition de l’Etat, ou devrais-je dire, de l’oblitération de l’Administration par les bons soins d’Emmanuel MacKinsey?]

      Je vais faire un papier sur la question, alors un peu de patience… mais pour tous ceux qui voient la chose de l’intérieur, ce n’est guère une surprise. A force de réduire les moyens de l’Etat, la haute fonction publique est totalement accaparée par la gestion du quotidien, et n’a guère le temps de travailler sur des questions prospectives. Qui plus est, il est difficile de conserver les compétences quand le privé paye un consultant quatre fois plus que n’est payé un haut fonctionnaire (dans le rapport sénatorial, on estime le coût d’un haut fonctionnaire tout compris à 400 € la journée, et celui d’un consultant à 2900 € la journée… tout est dit!). Dans ces conditions, le recours croissant aux consultants extérieurs devient une quasi-évidence.

      • cdg dit :

        Ayant travaillé dans une societe de conseil, les 2900/jour me semble vraiment tres elevé (bon on faisait dans l IT pas dans le conseil au gouvernement). Meme pour des profils pointus sur des missions tres courtes
         
        Et il faut pas rever, si la societe facture 2900 €/j la personne n en touche pas autant (la societe prend sa marge, le commercial aussi). Surtout que vous allez rarement facture 20 j/mois 12 mois par an a ce tarif.
         

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Ayant travaillé dans une societe de conseil, les 2900/jour me semble vraiment tres elevé (bon on faisait dans l IT pas dans le conseil au gouvernement).]

          Un consultant informatique ou formation se paye autour de 1000 €/j. Mais un consultant stratégique capable de conseiller un directeur général ou un président, cela facture bien plus. Les montants sont en général très confidentiels à ce niveau, mais j’imagine que l’information donnée dans le rapport de la commission sénatoriale vient de la comptabilité publique, autrement dit, de ce qui a été effectivement facturé.

          [Et il faut pas rêver, si la société facture 2900 €/j la personne n’en touche pas autant (la societe prend sa marge, le commercial aussi).]

          Bien entendu, et il faut aussi déduire les cotisations sociales. Mais lorsqu’on le compare au coût horaire d’un consultant fonctionnaire de 390 €/jour, on reste songeur. Ce que vous dites du consultant est aussi vrai du fonctionnaire: très rares sont les hauts fonctionnaires qui touchent 390 € par jour de travail…

  11. cherrytree dit :

    La France et l’Allemagne refusent de payer le gaz russe en roubles. Si ça amuse…
    La France peut (à quel prix ?…) se permettre ce genre de plaisanterie. l’Allemagne, sans centrales nucléaires ni terminaux méthaniers, ne peut compter que sur la solidarité européenne. Et la péréquation a un coût, qu’on le veuille ou non. Qui passera très mal en temps de crise, car le”quoi qu’il en coûte” devra bien un jour coûter.
    Ce que j’écrivais récemment se vérifie : La Russie ( ou Poutine si on y tient) n’a que faire d’une guerre sur le terrain, la guerre économique suffit bien. 
    Déjà dans les pourparlers la neutralité de l’Ukraine et l’indépendance du Donbass ne paraissent plus si loufoques. 
    Le gaz, pour la Russie, c’est à peu près 7% de ses revenus en exportations. Sans parler du reste, les métaux rares par exemple. 6 mois de blocage, devinez un peu qui va gagner ?…
     

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [La France et l’Allemagne refusent de payer le gaz russe en roubles. Si ça amuse…]

      Vous verrez, ça finira par s’arranger. En fait, ce que Poutine veut faire est de créer une demande de roubles, ce qui l’aidera à soutenir sa monnaie.

      [La France peut (à quel prix ?…) se permettre ce genre de plaisanterie. l’Allemagne, sans centrales nucléaires ni terminaux méthaniers, ne peut compter que sur la solidarité européenne. Et la péréquation a un coût, qu’on le veuille ou non. Qui passera très mal en temps de crise, car le”quoi qu’il en coûte” devra bien un jour coûter.]

      La liaison des marchés implique malheureusement que les bêtises faites par les Allemands seront payés par tous les européens. On le voit bien avec l’électricité…

  12. maleyss dit :

    Je suis fort surpris de ne pas vous avoir entendu sur l’affaire McKinsey.
    En avez-vous assez d’être “vox clamantis in deserto” ?

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Je suis fort surpris de ne pas vous avoir entendu sur l’affaire McKinsey. En avez-vous assez d’être “vox clamantis in deserto” ?]

      Non, mais je ne suis pas un journaliste professionnel, alors il me faut un peu de temps pour prendre en compte l’actualité!

  13. cherrytree dit :

    Je suis si surprise que d’aucuns soient surpris.
    Quand j’étais lycéenne avec l’économie de l’URSS au programme d’histoire géographie, nous étudions l’importance du Donbass, et aussi l’accès aux mers chaudes. Il semble qu’on découvre ce que tout lycéen moyen savait en 1975, la question linguistique en moins, puisque la République Socialiste Soviétique d’Ukraine avait conservé sa langue.
    Les bras m’en tombent…

  14. Lingons dit :

    “Descartes”
     
    Bonsoir ;
     
    Navré pour ce (très) long délai de réponse, je n’ai que rarement l’occasion de commenter vos papiers , mais comme vous aviez fait l’effort de me répondre, la politesse élémentaire m’oblige à faire de même.
     
    “Mais il existe d’autres actes juridiques qui peuvent être pris par la Commission toute seule : « actes d’exécution » et surtout, depuis le traité de Lisbonne, les « actes délégués » qui se multiplient dans les textes européens.”
    Pardon, mais je crois que vous faites une fausse idée de ce que sont ces actes :
    Un acte d’exécution permet bien à la Commission d’adapter et compléter les actes pris par procédure législative ordinaire. 
    Un acte délégué permet à la commission d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui modifie des points non essentiels des actes législatifs.
    MAIS ces deux types d’actes sont délégués à la Commission par le Conseil (acte d’exécution)  et le Parlement (acte délégué), sont soumis à des limites étroites et une surveillance constante (la fameuse Comitologie) par ces derniers, en clair Von der leyen ne peut pas se lever un matin et décider de prendre un acte délégué, on lui en donne l’autorisation.
     
    Après, on peut s’interroger sur le bien fondé de ses possibilités de délégation (que je n’approuve par personnellement, voyant cela comme une marque de fainéantise des législateurs) mais en aucun cas il ne s’agit d’acte unilatéral de la Commission comme vous sembler les considérait.  
    “Car si le Conseil et le Parlement peuvent accepter ou refuser un texte en bloc, ils ne peuvent pas l’amender”
    Pardon, mais ce que vous dites là est tout simplement faux, le texte de la Commission est transmis en même temps au Parlement et Conseil qui peuvent soit l’accepter sans modification, le rejeter ou l’amender (en commission ou séance plénière pour le parlement), c’est ce qu’on appelle une “position” . Les textes ainsi amendés font ensuite la navette entre les deux institutions suivant une procédure globalement proche de notre système bicaméral français afin d’adopter une “position commune”.
    Je veux bien que l’on voue le système européen aux gémonies , mais encore faut-il se baser sur de vrais défauts de ce dernier (qui ne manque pas d’ailleurs). 
    “les procédures d’infraction contre les états. Non seulement c’est là un outil de pression très efficace”
    Efficace cela se discute, la Commission et la CJUE peuvent bien gesticuler et brandir cette menace, les procédures prennent un tel temps (au moins 3 ans) que cela fait souvent sourire plus qu’autre chose. un exemple qui me vient à l’esprit est une décision de la CJUE qui condamne l’Italie suite à une telle procédure d’infraction (une sombre histoire de distribution de subventions UE en Sardaigne dont je vous épargne les détails). La décision a été prise en novembre de l’année dernière après 5 ans de procédure et malgré les pénalités journalière Rome ne semble toujours pas pressée de payer…
     
    “Le fonctionnement de la justice. Un sujet régalien, sujets sur lesquels la Commission est effectivement particulièrement faible”
    Pardon , mais si cette affaire a pris une telle ampleur, c’est justement parce qu’on touche à un point cardinal pour la Commission : la primauté du droit européen, pas un sujet sur lequel la Commission est laxiste justement.
     “Mais pourriez-vous me donner un seul exemple où un état ait eu gain de cause contre la Commission sur un sujet concernant le marché intérieur”
    Comme ça, à brule pourpoint, je pourrais vous citer l’exemple de l’arrêté du 30 décembre 2021 relatif aux produits CBD notifié à la Commission par la France en juillet 2021, selon la procédure 2015/1535, qui représentait une violation des décisions de la CJUE sur le sujet ainsi que des règles de libre circulation des biens du marché intérieur (au point d’être suspendue par le Conseil d’État en janvier dernier) et qui est pourtant passé comme une lettre à la poste. Je pourrais aussi citer les infractions des pays bas et de l’Allemagne aux règles de déséquilibres aux exportations en 2010-2012 vis-à-vis desquelles la Commission a gentiment baissé les yeux (au point qu’on s’en était étonné au Sénat via QAG) 
     
    “mais je peux vous assurer que lorsqu’il s’est agi d’empêcher le démantèlement d’EDF, de défendre le nucléaire ou d’empêcher la privatisation des concessions hydroélectriques, le commissaire français n’a rien fait. Absolument rien.”
     
    Ah ça, que les représentants français à Bruxelles préfèrent se curer le nez et encaisser leur salaire plutôt que de défendre les intérêts de notre pays (au Parlement comme à la Commission), je suis bien d’accord avec vous, mais ne croyez pas que les autres nationalités sont aussi paresseuses. Les Allemands sont par exemple très actif et très efficace pour défendre les intérêts allemands (vous qui vous plaigniez à juste titre de la casse du nucléaire français, je vous conseille d’ailleurs de regarder davantage du côté de Berlin que de Bruxelles). De même, les Tchèques, et les Anglais en leur temps, sont également très doués pour capter les projets européens à leurs avantages. 
    Il faut voir les institutions européennes comme une grosse boite à outils pour faire avancer des intérêts, qu’ils soient privés ou étatiques et dans le cas de la France, ce n’est pas parce que nous ne sommes pas fichus de planter un clou qu’il faut à chaque fois accuser le marteau de faire n’importe quoi.
     
    PS: Encore désolé pour ce délai de réponse, mais permettez-moi de vous remercier encore pour vos papiers que j’apprécie toujours autant de lire   

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [Navré pour ce (très) long délai de réponse, je n’ai que rarement l’occasion de commenter vos papiers, mais comme vous aviez fait l’effort de me répondre, la politesse élémentaire m’oblige à faire de même.]

      Pas de raison d’être navré. Chacun à son rythme !

      [MAIS ces deux types d’actes sont délégués à la Commission par le Conseil (acte d’exécution) et le Parlement (acte délégué), sont soumis à des limites étroites et une surveillance constante (la fameuse Comitologie) par ces derniers, en clair Von der Leyen ne peut pas se lever un matin et décider de prendre un acte délégué, on lui en donne l’autorisation.]

      Pas tout à fait. Une fois que Von der Leyen a réussi à inscrire dans un acte législatif l’autorisation pour la Commission de prendre des actes délégués ou des actes d’exécution, elle peut se lever un matin et prendre l’acte comme elle l’entend, sans en référer au Conseil ou au Parlement. Il est vrai que la délégation – un peu comme l’autorisation à légiférer par ordonnances que le Parlement français peut donner à l’exécutif – peut comporter les objectifs, le contenu, la portée, la durée de la délégation, et les conditions encadrant cette délégation. Mais comme la Commission garde le droit exclusif de proposition, l’encadrement des pouvoirs délégués à la Commission ne peut être approuvé qu’avec l’accord… de la Commission !

      [Après, on peut s’interroger sur le bien fondé de ses possibilités de délégation (que je n’approuve par personnellement, voyant cela comme une marque de fainéantise des législateurs) mais en aucun cas il ne s’agit d’acte unilatéral de la Commission comme vous sembler les considérait.]

      Vous faites ici une confusion. La DELEGATION n’est pas un acte unilatéral de la Commission. Mais les actes délégués pris en vertu de cette délégation le sont. Exactement comme les ordonnances en droit français… sauf que les ordonnances, pour avoir valeur législative, doivent être ratifiées. Pas les actes délégués…

      [“Car si le Conseil et le Parlement peuvent accepter ou refuser un texte en bloc, ils ne peuvent pas l’amender” Pardon, mais ce que vous dites là est tout simplement faux, le texte de la Commission est transmis en même temps au Parlement et Conseil qui peuvent soit l’accepter sans modification, le rejeter ou l’amender (en commission ou séance plénière pour le parlement), c’est ce qu’on appelle une “position”. Les textes ainsi amendés font ensuite la navette entre les deux institutions suivant une procédure globalement proche de notre système bicaméral français afin d’adopter une “position commune”.]

      Vous voyez-bien que ce n’est pas le cas : si le texte est SIMULTANEMENT traité par le Parlement et par le Conseil, alors cela signifie que chacun établit sa position sans connaître celle de l’autre. Ce qui est radicalement différent de la logique de la navette, ou chaque institution se prononce sur le texte amendé par l’autre. Non, le système européen est asymétrique, en ce sens que la Commission détient le monopole de la proposition. Et les « amendements » – qui n’en sont pas au sens français du terme, puisqu’il ne s’agit que de « propositions d’amendement » – ne rentrent dans le texte que si la Commission en est d’accord. Ce n’est donc pas une « navette », mais une « négociation ». Ce n’est pas du tout la même chose.

      [“les procédures d’infraction contre les états. Non seulement c’est là un outil de pression très efficace” Efficace cela se discute, la Commission et la CJUE peuvent bien gesticuler et brandir cette menace, les procédures prennent un tel temps (au moins 3 ans) que cela fait souvent sourire plus qu’autre chose.]

      Quand vous êtes condamné à rembourser quelques milliards d’euros, comme c’est le cas dans certaines affaires d’aide d’Etat, je vous assure que cela refroidit plus d’un. Certaines procédures d’infraction prêtent peut-être à sourire, mais quand il s’agit d’une « infraction » politiquement importante pour la Commission, je peux vous assurer – pour l’avoir vécu – que les Etats membres tremblent.

      [“Le fonctionnement de la justice. Un sujet régalien, sujets sur lesquels la Commission est effectivement particulièrement faible” Pardon, mais si cette affaire a pris une telle ampleur, c’est justement parce qu’on touche à un point cardinal pour la Commission : la primauté du droit européen, pas un sujet sur lequel la Commission est laxiste justement.]

      L’un n’empêche pas l’autre. La base légale dont dispose la Commission pour se mêler des questions régaliennes est beaucoup moins solide que celle concernant le fonctionnement du marché intérieur, par exemple. La Commission a donc peut-être des difficultés à l’emporter sur un sujet régalien, mais son pouvoir n’a jamais été contesté avec succès lorsqu’il s’est agi de privatiser des services publics, par exemple…

      [“Mais pourriez-vous me donner un seul exemple où un état ait eu gain de cause contre la Commission sur un sujet concernant le marché intérieur” (…)]

      Les exemples que vous donnez sont des exemples ou la Commission a choisi de regarder ailleurs, et non des cas où l’Etat a eu « gain de cause ». Que la Commission décide, dans le cadre d’obscures négociations, de fermer les yeux sur une infraction pour gagner quelque chose sur un autre tableau, c’est une chose. Que l’Etat concerné ait eu « gain de cause » c’en est une autre.

      [Ah ça, que les représentants français à Bruxelles préfèrent se curer le nez et encaisser leur salaire plutôt que de défendre les intérêts de notre pays (au Parlement comme à la Commission), je suis bien d’accord avec vous, mais ne croyez pas que les autres nationalités sont aussi paresseuses.]

      Tout à fait d’accord. Le problème, c’est que nous envoyons à Bruxelles des hauts fonctionnaires « qui croient à l’Europe ». Alors que les autres pays envoient des gens qui croient surtout à leurs intérêts nationaux. Il n’y a qu’en France qu’on forme les élites administratives dans une mystique européenne… les autres sont bien plus pragmatiques que nous.

      [PS: Encore désolé pour ce délai de réponse, mais permettez-moi de vous remercier encore pour vos papiers que j’apprécie toujours autant de lire ]

      Je vous remercie, ce blog vit des encouragements de ses lecteurs !

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