La grande « décivilisation »

Cette semaine notre président a fait ce qu’il sait faire le mieux : inventer des formules. Ou plutôt les reprendre, car la formule en question n’est pas de lui. C’est là une des forces d’Emmanuel Macron : sa capacité à piquer ça et là des idées et des expressions – quelquefois contradictoires – et en faire son matériau pour fabriquer cette idéologie syncrétique qu’est le macronisme.

Cette semaine, intervenant devant le Conseil de ministres, le président a associé un certain nombre d’actes de violence à un « processus de décivilisation » (1). Le terme qui fait mouche, comme souvent, n’est pas de lui : c’est le titre d’un livre de Renaud Camus publié en 2011. Un penseur qu’on associe habituellement plutôt avec l’extrême droite, cette extrême droite qui est censée être le diable incarné, mais que les macronistes caressent dans le sens du poil depuis que la défaite des législatives les oblige à trouver des alliés. La formule du président mérite d’ailleurs d’être citée en entier : « Il faut être intraitable sur le fond. Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation ».

Pour une fois, et je n’ai pas honte de le dire, oui, je partage tout à fait le diagnostic du président sur le processus de « décivilisation » rampant qui affecte notre société, et au-delà l’ensemble du monde capitaliste, ce qui aujourd’hui veut dire peu ou prou le monde tout court. Ce que je regrette, c’est que le président ait une vision aussi restrictive des « violences » qu’il condamne et qu’il ne s’interroge à aucun moment sur les liens entre cette « décivilisation » et les politiques néolibérales mises en œuvre ces quarante dernières années, et dont sa propre action est un exemple signalé.

Bien entendu, l’ensemble de la société condamne la « violence » d’une attaque à l’arme blanche contre une infirmière. Mais quid d’une autre « violence », plus sournoise mais néanmoins bien réelle ? Forcer une infirmière à choisir entre abandonner ses patients et faire des horaires démentiels pour couvrir les sous-effectifs, n’est-ce pas là une « violence » ? Permettre qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse cette infirmière ne soit indemnisée que suivant un barème misérable qui ne couvre pas le préjudice réel qui lui est causé, n’est-ce pas là une « violence » ? Signifier sans autre forme de procès à cette infirmière à deux ans de la retraite qu’elle devra encore travailler deux ans de plus, n’est-ce pas là une « violence » ? Bloquer son traitement pendant dix ans alors que l’inflation galope et que les profits des entreprises explosent, n’est-ce pas là une « violence » ? Toutes ces « violences » – et on pourrait compléter longuement cette liste – ne sont pas elles aussi à la base du processus de « décivilisation » ?

La « violence » est là chaque fois qu’on impose à quelqu’un une règle par la force. Macron et ceux qui le soutiennent pleurnichent sur les élus qui se font vandaliser leur permanence comme si c’était là la plus grande « violence » possible. Mais ne se posent jamais de questions sur la violence qu’ils infligent eux-mêmes sur le corps de la société. Abolir l’impôt sur la fortune et boucher le trou en décalant l’âge de la retraite, c’est une « violence » dès lors qu’il n’y a pas de consensus social pour accepter ces mesures. Faire voter par le Congrès un traité dont les principes ont été rejetés par le peuple dans un référendum, c’est une « violence ». Expliquer publiquement aux chômeurs qu’il leur suffit de traverser la rue pour trouver un emploi – alors que c’est évidemment faux – est une « violence ». Profiter du fait qu’on a la force avec soi pour mettre un drapeau européen sous l’Arc de triomphe, alors que ce symbole n’a pas de consensus dans la société, c’est une « violence ». Violence symbolique, certes, mais violence tout de même (2). Tout le monde voit la « violence » lorsque le pouvoir dit « ferme ta gueule ». Mais il y a aussi une « violence » dans le « cause toujours », qui est bien plus sournoise mais qui n’est pas moins réelle. Le pouvoir n’est donné aux élus que sous la condition qu’ils écoutent la société. User de ce pouvoir sans écouter et sans convaincre, c’est user de la même « violence » que celle qu’utilise celui qui, parce qu’il a une arme à la main, s’estime en droit de vous délester de votre portefeuille.

Mais plus profondément, il faut comprendre que le processus de décivilisation est inséparable du processus de dérégulation voulu par les néolibéraux et qui est la conséquence logique d’un approfondissement du capitalisme. Pour le comprendre, il faut revenir à Hobbes : au départ, il y a l’état de nature, celui de la guerre de tous contre tous, où règne la loi du plus fort, et où la vie est « solitaire, misérable, dangereuse, animale et brève ». Et puis, les hommes découvrent qu’il est à l’avantage de tous de renoncer à la toute-puissance individuelle en cédant leur « capacité de nuire » à une institution centrale. Car c’est ainsi qu’on arrive à échapper à cet état, à rendre notre environnement sûr et notre vie plus agréable. C’est presque une métaphore du passage de l’enfant, enfermé dans sa toute-puissance, à l’adulte conscient de l’intérêt des règles qui s’imposent à tous, y compris à lui-même.

C’est à la lumière de cette analyse que la formule du président devient intéressante : « Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes » nous dit-il. Oui, vous avez bien lu : aucune violence. Même pas celle de l’Etat, donc ? Fini le « monopole de la violence légitime » dont parlent Hobbes et Weber ? La violence de l’Etat est pour Macron tout aussi « illégitime » que celle de n’importe quel groupe, de n’importe quel individu ? Et si l’Etat ne peut exercer une violence légitime, quel est l’instrument qui permettrait à la société de combattre « la violence verbale et celle contre les personnes » ? Si « aucune violence n’est légitime », alors il ne reste qu’à compter sur l’autolimitation des individus et à prier…

Bien entendu, je ne pense pas un instant que Macron soit consciemment sur cette position. Mais le lapsus – surtout chez un énarque, qui connaît par cœur le principe wébérien – est révélateur de l’adhésion de son auteur à cette vision de toute-puissance individuelle, d’un individu qui ne devrait être soumis à aucune contrainte institutionnelle. C’est là une petite fenêtre ouverte sur l’inconscient macronien, et qui le montre pour ce qu’il est : foncièrement libertarien. Et donc foncièrement « décivilisateur ». Parce que la civilisation est l’histoire d’une limitation croissante de la toute-puissance individuelle par des institutions de plus en plus complexes, aboutissant à la constitution de l’Etat détenant le monopole de la violence légitime. Un processus qui, du Moyen-Age jusqu’au milieu du XXème siècle aboutit à insérer les individus dans des architectures institutionnelles de plus en plus complexes, élaborées, raffinées. C’est ce processus qui s’inverse à partir de la fin des années 1960 avec la révolution néolibérale, dont mai 1968 est – aussi étonnant que cela puisse paraître – le point symbolique de départ. C’est à partir de là que commence – à gauche comme à droite – le grand démontage des règles et des institutions et la revalorisation de la toute-puissance individuelle. Et il n’est pas étonnant que ce démontage se soit fait au nom de deux principes : « dérégulation » et « simplification ». Deux concepts qui résument bien le rejet de la complexité qui est l’essence d’une civilisation.

Cette transformation a bien entendu une logique de classe. Elle marque l’arrivée dans le bloc dominant d’une nouvelle classe, les classes intermédiaires. Et comme toute nouvelle classe arrivant aux commandes, les classes intermédiaires rejettent l’ordre et les institutions héritées du passé, qui se sont faites sans eux. Mais ce qui rend la révolution néolibérale différente de toutes celles qui l’ont précédée, c’est que la nouvelle classe dominante n’a pas cherché à créer de nouvelles institutions, un nouvel ordre. Non, les classes intermédiaires ont au contraire théorisé la des-institutionnalisation et le désordre, et préparé l’avènement de l’individu-roi. A gauche à partir des postures libertaires comme celles des « enragés » de 1968, à droite dans la logique du darwinisme social faisant de la concurrence le seul mécanisme de régulation sociale. Le syncrétisme macronien est en fait la synthèse de ces deux positions, « en même temps » libérale de droite et libérale de gauche.

Mais cette transformation conduit prévisiblement vers la décivilisation. Car il n’y a pas une grande distance entre « l’état de concurrence » voulu par les néolibéraux de droite et le « interdit d’interdire » des néolibéraux de gauche, et l’état de nature dont parle Hobbes. La vision néolibérale, qu’elle soit de droite ou de gauche, aboutit immanquablement au règne du plus fort. C’est trivial pour la vision « concurrentielle » de la droite : dans la « concurrence libre », c’est le plus fort, le plus riche qui prend presque toujours le dessus. C’est plus subtil pour la vision de gauche, qui semble pavée de bonnes intentions. Il faut cependant rappeler la formule de Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». La vision néolibérale conduit à une radicalisation continue des moyens utilisés, puisque c’est le premier qui aura recours aux armes les plus puissants qui s’imposera dans le combat de tous contre tous. On le voit dans les faits divers : on commence à se disputer les points de deal avec des insultes, on continue avec les poings, on utilise ensuite le pistolet, et on finit avec la kalachnikov, et c’est un rêve d’imaginer que les individus eux-mêmes vont s’autolimiter. Seule une institution, c’est-à-dire, une entité qui transcende les intérêts individuels, peut limiter ce genre d’escalade, imposer une discipline. Ces institutions ont existé dans le passé, même en dehors de l’Etat : il fut un temps où les voyous acceptaient une discipline de « clan », et les chefs de clan se réunissaient pour partager les territoires et éviter les escalades de la violence, si mauvaises pour le « business ». Mais même ce niveau d’institutionnalisation est menacé aujourd’hui, et il ne manque pas de vieux voyous pour s’effrayer eux-mêmes de ce qu’est devenu le milieu du trafic, et d’une violence illimitée parce qu’aucune institution n’est là pour la contraindre.

Et cette dérive du chez les trafiquants se trouve aussi naturellement – vous me direz que les deux milieux ne sont pas très différents – chez les hommes d’affaires les plus respectables. Pour permettre la prise de contrôle d’Alstom par General Electric, on n’hésite pas à faire emprisonner sous un prétexte futile un cadre de l’entreprise française pour faire pression sur sa direction. Il faut se souvenir comment Uber a forcé sa place dans le marché en violant ouvertement la loi puis en imposant, par son poids économique et au nom de la liberté d’entreprendre, sa logique aux pouvoirs publics. Tout le monde sait d’ailleurs qu’à Bruxelles, où se prennent les vraies décisions économiques, la corruption est reine. L’affaire Kroes, qui voit une ancienne commissaire à la concurrence négocier avec Uber un point de chute dorée en échange d’une particulière bienveillance sans que des sanctions aient été prononcées est de ce point de vue révélatrice. On n’utilise pas encore – et je souligne le « encore » – de Kalachnikov au Berlaymont, mais les menaces sont déjà monnaie courante lorsqu’il s’agit, pour un lobby puissant, d’obtenir une décision favorable. Et puis, pourquoi s’en priver, puisque seul le résultat compte, et que l’argent est la mesure de toute chose ?

La civilisation, c’est aussi la séparation progressive entre la sphère publique, celle où s’imposent les règles et disciplines imposées par les institutions, et la sphère privée qui est celle où l’individu est libre de ses choix. Le néolibéralisme, conduit naturellement à l’annexion de la sphère publique par la sphère privée, condition nécessaire à la toute-puissance de l’individu. Et cette annexion est observable chaque jour, rien que dans la manière dont l’espace public est « privatisé ». Combien d’entre nous ont partagé leur bus ou leur wagon de métro avec un individu qui écoute de la musique à fort volume, sans se soucier des autres passagers, comme s’il était dans son salon ? Et bien entendu, personne n’ose réagir parce qu’on a peur du rapport de force. Les règles, qu’elles soient issues de la loi ou de la tradition deviennent facultatives, parce qu’il n’y a derrière elles plus aucune institution qui ait la force pour les légitimer et les imposer.

Ce chemin conduit bien à la « décivilisation », et au retour de la guerre de tous contre tous.  C’est le résultat inévitable de la dérégulation, la des-institutionnalisation. Et l’idée présidentielle qu’on pourrait « contrer le processus de décivilisation » par le simple fait d’être « intraitable sur le fond » en condamnant « la violence verbale ou contre les personnes » est d’une naïveté confondante. Cela revient à confondre le symptôme avec la cause. Il est vrai que revenir à la cause obligerait le président, à ceux qui le soutiennent et à ceux qui l’ont précédé à un très pénible examen de conscience. Car cela fait cinquante ans que les politiques de tous bords impulsent ou consentent à cette décivilisation. Bossuet écrivait que « Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit. ». Et bien, Dieu n’a pas fini de rigoler.

Descartes

(1) Comment le sait-on ? Après tout, ni vous, ni moi, ni les journalistes ne siégeons au Conseil des ministres. Mais aujourd’hui, l’époque où les débats du Conseil étaient confidentiels au point qu’il était interdit aux ministres de prendre des notes est depuis très longtemps révolue, et le Conseil est – grâce aux fuites convenablement organisées – un outil de communication comme un autre. Ce qui nuit certainement à la liberté et donc à la qualité des débats, mais compte tenu du fonctionnement « vertical » qui est devenue la règle aujourd’hui, cela n’a guère d’importance. Cela étant dit, on peut se demander si la désacralisation du Conseil de ministres, qui s’inscrit dans la banalisation de la fonction présidentielle, ne fait pas partie, elle aussi, d’une forme de « décivilisation »

(2) A ce propos, le texte voté récemment au Parlement et rendant obligatoire l’affichage du drapeau européen et du portrait du président dans les mairies est un exemple particulièrement significatif. L’objectif de ce texte est clairement d’imposer l’affichage d’un symbole à ceux qui ne partagent pas sa signification, autrement dit, à leur faire souscrire symboliquement un engagement qu’ils ne partagent pas. Si ce n’est pas là de la « violence »…

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38 réponses à La grande « décivilisation »

  1. Sami dit :

    Entièrement d’accord avec votre analyse, pour changer…
     
    Quelques remarques, juste pour alimenter le débat :
     
    Cette « révolution globale et morbide » serait donc, en quelque sorte, une révolution culturelle (68 en étant la date de naissance symbolique, c’est aussi mon avis), basée sur le néolibéralisme (les néocons US en sont l’archétype), forme ultime du capitalisme (globalisation, internationalisme économique, financiarisation, destruction des souverainetés nationales, impérialisme US en roue libre (soumettant, détruisant et humiliant même ses propres alliés les plus sûrs : la vieille Europe) etc., Forme ultime du capitalisme, parce qu’à part aller droit dans le mur de la barbarie (je sais, la citation de Rosa ne vous plaît pas particulièrement), je ne vois pas de voies de secours, comme on s’extirperait d’une autoroute tragique en empruntant une sortie secondaire, le socialisme devenant de plus en plus une lointaine utopie.
     
    Curieusement, l’un des appuis de cette révolution morbide, c’est le wokisme qui a entre autre comme outil idéologique, la promotion du communautarisme (les oppressions sont condamnées à travers un cadre communautariste : les « Noirs », les « homos », les “trans-genre”, les « femmes », etc., s’organisant en communautés activistes pour devenir des forces agissantes). Or, l’individualisme est aussi un aspect essentiel dans ce chaos civilisationnel programmé. Paradoxe ? Ou utilisation en mode virtuose de deux concepts antagonistes ? A voir… (l’idéal étant le “mono-communautarisme national”, garant de la protection de l’individu-citoyen).
     
    Autre remarque : comment articuler tout ce mouvement «(in)civilisationnel » dans lequel s’engage allègrement l’Occident, avec le reste du monde, qui semble de plus en plus inquiet, si ce n’est pire, par cette « dérive » du dit Occident ? 
     
    On voit bien qu’il s’amorce quelque part (et personne ne connaît la suite du feuilleton) une rupture justement civilisationnelle, entre l’Occident, qui donnait le LA, et le reste du monde, à la « faveur » de la guerre en Ukraine (par exemple, et en écho avec votre texte qui parle de la gestion de la violence, le « reste du monde » considère l’autoritarisme en tant qu’une vertu, alors que l’Occident considère que c’est une tare absolue, un anti-droit-de-l’homisme insupportable, etc.). 
     
    Cette rupture est d’autant plus violente que l’Occident (c’est à dire les USA) avait quasiment gagné la guerre de la culture globale, puisque d’Alger à Téhéran, de Moscou (avant la guerre) jusqu’au Cap en passant par Rio, le Coca ou le Rap sont connus, appréciés et digérés, remplaçant peu à peu les cultures locales. Et cette rupture s’opère non pas au niveau de l’idéologie économique, puisque le capitalisme a conquis à 100% la planète, mais au niveau culturel, , psychologique, civilisationnel donc. 
     
    Qui peut le nier encore…

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Cette « révolution globale et morbide » serait donc, en quelque sorte, une révolution culturelle (68 en étant la date de naissance symbolique, c’est aussi mon avis), basée sur le néolibéralisme (les néocons US en sont l’archétype), forme ultime du capitalisme (globalisation, internationalisme économique, financiarisation, destruction des souverainetés nationales, impérialisme US en roue libre (soumettant, détruisant et humiliant même ses propres alliés les plus sûrs : la vieille Europe) etc.,]

      Je nuancerai le propos. D’abord, l’expression « forme ultime » suggère qu’il n’y aurait pas d’autre « forme » du capitalisme à l’avenir. La réponse est qu’on n’en sait rien. Le capitalisme a donné déjà suffisamment de preuves de sa plasticité, de sa capacité d’adaptation, pour qu’on ne se risque pas à une telle prédiction. Ensuite, comme toute « révolution » il y a une dialectique entre ce qui relève de l’idéologie et de la culture (la « superstructure », pour les marxistes) et ce qui relève des transformations du mode de production (la « structure »). Mai 1968 fut une manifestation « culturelle » d’une transformation du mode de production : avec l’indépendance des anciennes colonies, l’extension des rapports marchands devient possible à un degré inconnu jusqu’alors ; la constitution de puissantes classes intermédiaires change profondément les rapports de force internes, l’explosion des technologies de transport et de télécommunications rendent une mondialisation de la production économiquement rentable. C’est pour cela que les reproches adressés à la « génération 68 » ou à la « génération Mitterrand » sont un peu injustes : comme le disait Marx, « les hommes font l’histoire, mais ne savent pas l’histoire qu’ils font ». Ce qu’on peut leur reprocher, c’est moins d’avoir fait ce qu’ils ont fait à l’époque, que de ne pas avoir fait un retour critique a posteriori.

      [Forme ultime du capitalisme, parce qu’à part aller droit dans le mur de la barbarie (je sais, la citation de Rosa ne vous plaît pas particulièrement), je ne vois pas de voies de secours, comme on s’extirperait d’une autoroute tragique en empruntant une sortie secondaire, le socialisme devenant de plus en plus une lointaine utopie.]

      C’est un mouvement historique trop profond pour imaginer que la volonté de quelques hommes puisse en changer le cours. C’est pourquoi – et je comprends que cela puisse être frustrant – je pense que l’action politique progressiste aujourd’hui consiste essentiellement a essayer de préserver ce qui peut être préservé de « civilisation », et de forger les instruments intellectuels, théoriques et politiques qui permettront demain, lorsque les conditions objectives seront réunies, de construire quelque chose de différent. Ce n’est pas enthousiasmant, je le sais, mais c’est ce qu’on peut faire. Nous sommes des résistants, et comme ceux de 1940 nous ne savons pas si et quand nos efforts serviront à quelque chose…

      [Curieusement, l’un des appuis de cette révolution morbide, c’est le wokisme qui a entre autre comme outil idéologique, la promotion du communautarisme (les oppressions sont condamnées à travers un cadre communautariste : les « Noirs », les « homos », les “trans-genre”, les « femmes », etc., s’organisant en communautés activistes pour devenir des forces agissantes). Or, l’individualisme est aussi un aspect essentiel dans ce chaos civilisationnel programmé. Paradoxe ?]

      Je ne le pense pas. Mon analyse est un peu différente : dans ce capitalisme sans âme, qui isole les individus dans leur toute-puissance et rétablit le combat de tous contre tous, les gens cherchent désespérément à se regrouper avec des gens qui leur ressemblent pour constituer des communautés qui les protègent. Et la plus simple manière de constituer et de maintenir unies ces communautés, c’est l’existence d’un dogme commun qui règle votre vie et qu’il est interdit de remettre en question. Autrement dit, des communautés qu’on peut qualifier de religieuses. Certains trouvent leur bonheur dans les « religions déistes », d’où la multiplication des pratiques communautaires intégristes chrétiennes ou musulmanes. D’autres le cherchent dans des « religions laïques » comme le véganisme ou le wokisme.

      Pour le dire autrement, le wokisme comme l’islamisme sont moins des idéologies de conquête que des idéologies de réaction. Leur succès tient non pas à leur capacité à proposer un monde nouveau, mais à organiser la résistance contre l’avancée d’un capitalisme sans âme. Le paradoxe dans le cas du wokisme, c’est que sous un langage prétendument « progressiste », c’est un mouvement profondément réactionnaire, qui nous ramène en arrière à une pensée antérieure aux Lumières.

      [Autre remarque : comment articuler tout ce mouvement «(in)civilisationnel » dans lequel s’engage allègrement l’Occident, avec le reste du monde, qui semble de plus en plus inquiet, si ce n’est pire, par cette « dérive » du dit Occident ?]

      L’occident, quoi qu’on en dise, a un coup d’avance sur les autres. Au XIXème siècle, il a imposé au reste du monde le capitalisme colonial. C’est de lui qu’est venue la révolution industrielle. Et aujourd’hui, c’est encore de l’occident que vient le néolibéralisme. Le reste du monde ne peut que constater ce fait : le processus de « décivilisation » qui nous affecte aujourd’hui, et qui a emporté une bonne partie de nos cadres culturels, religieux, politiques, demain emportera aussi ceux de l’Islam ou de la Chine traditionnelle. D’où des réactions de défense contre la pénétration de la culture – ou plutôt de l’inculture – occidentale et une crispation sur les cadres traditionnels de chaque civilisation.

      Cette résistance a-t-elle une chance de succès ? Ma conviction est que non. Tant que le capitalisme restera dominant, tant que les conditions objectives ne seront pas réunies pour passer à autre chose, il est inconcevable qu’une action purement « culturelle » puisse résister à une transformation structurelle. Le respect pour les anciens au Japon peut résister une ou deux générations, mais lorsque la logique de marché aura obligé les femmes à travailler à l’usine ou au bureau comme les hommes, les vieux iront à l’EHPAD, comme ailleurs.

      [On voit bien qu’il s’amorce quelque part (et personne ne connaît la suite du feuilleton) une rupture justement civilisationnelle, entre l’Occident, qui donnait le LA, et le reste du monde, à la « faveur » de la guerre en Ukraine (par exemple, et en écho avec votre texte qui parle de la gestion de la violence, le « reste du monde » considère l’autoritarisme en tant qu’une vertu, alors que l’Occident considère que c’est une tare absolue, un anti-droit-de-l’homisme insupportable, etc.).]

      Je pense que vous vous trompez : l’occident continue à donner le « La ». L’idéologie dominante au niveau mondial, c’est le néolibéralisme inventé par les Hayek, et non par un économiste ou un philosophe africain, chinois ou latinoaméricain. La Chine devient une puissance certes, mais elle devient une puissance en adoptant les modèles occidentaux. Maintenant, vous faites erreur en imaginant que l’occident considère « l’autoritarisme comme une tare absolue ». Pinochet, Somoza, Franco sont de purs produits de « l’occident », et leurs régimes ont été chouchoutés pendant de années par cet occident si « libéral » dans son discours. L’autoritarisme n’est une tare que chez les adversaires de l’occident. Chez ses alliés, il est parfaitement admissible.

      [Cette rupture est d’autant plus violente que l’Occident (c’est à dire les USA) avait quasiment gagné la guerre de la culture globale, puisque d’Alger à Téhéran, de Moscou (avant la guerre) jusqu’au Cap en passant par Rio, le Coca ou le Rap sont connus, appréciés et digérés, remplaçant peu à peu les cultures locales.]

      Je ne comprends pas très bien de quelle « rupture » vous parlez. Plus que le rap ou le coca, la domination idéologique de l’occident se manifeste dans l’organisation de la production. Aucune économie ne s’est développée en suivant des voies différentes à celles posées par l’occident depuis la révolution industrielle. Tous ceux qui ont essayé des alternatives se sont plantés. Aujourd’hui, il n’y a personne pour mettre en œuvre une politique qui ne soit fondée sur la libre entreprise et la régulation par le marché. Plus que le rap et le coca, c’est la prééminence du modèle économique occidental qui décrit le monde d’aujourd’hui…

      • Phael dit :

        @Sami
        [On voit bien qu’il s’amorce quelque part (et personne ne connaît la suite du feuilleton) une rupture justement civilisationnelle, entre l’Occident, qui donnait le LA, et le reste du monde, à la « faveur » de la guerre en Ukraine (par exemple, et en écho avec votre texte qui parle de la gestion de la violence, le « reste du monde » considère l’autoritarisme en tant qu’une vertu… ]
        @Descartes
        [Le reste du monde ne peut que constater ce fait : le processus de « décivilisation » qui nous affecte aujourd’hui, et qui a emporté une bonne partie de nos cadres culturels, religieux, politiques, demain emportera aussi ceux de l’Islam ou de la Chine traditionnelle. D’où des réactions de défense contre la pénétration de la culture – ou plutôt de l’inculture – occidentale et une crispation sur les cadres traditionnels de chaque civilisation. Cette résistance a-t-elle une chance de succès ? Ma conviction est que non. Tant que le capitalisme restera dominant, tant que les conditions objectives ne seront pas réunies pour passer à autre chose, il est inconcevable qu’une action purement « culturelle » puisse résister à une transformation structurelle]
         
        Ne faut-il pas faire entrer dans l’équation l’épuisement des ressources naturelles, au premier chef les ressources énergétiques ? Si l’énergie vient à se réduire, alors toute l’architecture économique est transformée, et de là tous les équilibres qu’elle impose changent avec.
         

        • Descartes dit :

          @ Phael

          [Ne faut-il pas faire entrer dans l’équation l’épuisement des ressources naturelles, au premier chef les ressources énergétiques ? Si l’énergie vient à se réduire, alors toute l’architecture économique est transformée, et de là tous les équilibres qu’elle impose changent avec.]

          Possiblement. Mais l’épuisement des ressources naturelles, on en parle depuis des décennies et on ne voit toujours rien venir. De toute façon, il est illusoire d’imaginer que l’humanité va résoudre un problème avant qu’il ne se pose vraiment. Quand on y sera, on verra.

      • cdg dit :

        “Au XIXème siècle, il a imposé au reste du monde le capitalisme colonial. C’est de lui qu’est venue la révolution industrielle”
        Pas du tout. il y avait des colonies bien avant la revolution industrielle (ex les 13 colonies anglaises (futur USA) ou le canada pour nous francais. on peut meme voir la gaule ou l hispanie comme des colonies romaines). Et si vous pensez a la colonisation en afrique, elle n a pas grand chose a voir avec la revolution industrielle. celle ci a commencé avant et si la GB etait aussi une puissance coloniale, l allemagne s est industrialisé sans developper d empire colonial. A l inverse la france a pris du retard dans la revolution industrielle mais on a eut le second empire colonial du monde
        “La Chine devient une puissance certes, mais elle devient une puissance en adoptant les modèles occidentaux”
        Franchement je vois pas ou vous voyez que la chine nous a copié (a part en copiant la propriete intellectuelle). Le pari de l entree de la chine dans l OMC etait qu a terme en effet elle copie non seulement l economie liberale mais aussi la democratie et force est de constater que c est le cas ni pour l un ni pour l autre
        La chine n a jamais ete une economie liberale, elle a certes des societes privées et reconnait en theorie la propriete privee (donc c est plus le communisme a la Mao) mais il y a non seulement un fort contingent d entreprise d etat mais aussi une imixition forte du PCC dans la gestion des entreprises privées (si vous en doutez, regardez le sort de Jack Ma ou Tecent). l etat de droit n a jamais existé en chine et pour rester sur le plan economique vous pouvez vous faire spolier sans aucun probleme
        “Aujourd’hui, il n’y a personne pour mettre en œuvre une politique qui ne soit fondée sur la libre entreprise et la régulation par le marché”
        Parce que c est le systeme qui marche le mieux. La chine en est le parfait exemple. Deng a liberalisé le systeme et l economie chinoise a explosée. Xi va reverrouiller le systeme et l economie chinoise va pericliter (ce qui pour un francais est pas forcement une mauvaise nouvelle)

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Au XIXème siècle, il a imposé au reste du monde le capitalisme colonial. C’est de lui qu’est venue la révolution industrielle » Pas du tout. Il y avait des colonies bien avant la révolution industrielle (ex les 13 colonies anglaises (futur USA) ou le Canada pour nous français. On peut même voir la Gaule ou l’Hispanie comme des colonies romaines).]

          Dans la formule « capitalisme colonial », le mot important est « capitalisme ». Oui, il y a eu des colonies bien avant la révolution industrielle, mais on peut difficilement dire que les romains aient exploité la Gaule ou l’Hispanie avec des méthodes capitalistes. Même chose au départ avec la colonisation de l’Amérique au XVIème siècle. Ce n’est qu’avec les prémisses de la révolution industrielle que se constituent les compagnies coloniales et s’organise un véritable capitalisme colonial.

          [Et si vous pensez à la colonisation en Afrique, elle n’a pas grand-chose a voir avec la révolution industrielle. Celle-ci a commencé avant et si la GB était aussi une puissance coloniale, l’Allemagne s’est industrialisée sans développer d’empire colonial. A l’inverse la France a pris du retard dans la révolution industrielle mais on a eu le second empire colonial du monde.]

          Mais quel était le but de la colonisation ? Pourquoi les puissances ont cherché à se constituer des empires coloniaux ? A l’époque romaine et jusqu’à la révolution industrielle, c’était la recherche du tribut et de la profondeur stratégique. Ce n’est qu’avec la révolution industrielle que se pose la question du contrôle des matières premières et du besoin de main d’œuvre.

          [« La Chine devient une puissance certes, mais elle devient une puissance en adoptant les modèles occidentaux » Franchement je ne vois pas où vous voyez que la chine nous a copié (à part en copiant la propriété intellectuelle).]

          Je n’ai pas dit que la Chine nous ait « copié », j’ai dit qu’elle a adopté nos modèles. Dans les universités chinoises, on enseigne et on applique la méthode scientifique conçue par un certain Descartes.

          [Le pari de l’entrée de la chine dans l’OMC était qu’à terme en effet elle copie non seulement l’économie libérale mais aussi la démocratie et force est de constater que c’est le cas ni pour l’un ni pour l’autre]

          C’est drôle de constater que vous identifiez les « modèles occidentaux » avec « la démocratie et l’économie libérale ». Je vous rappelle que l’étatisme de Staline ou de De Gaulle n’est pas moins « occidental » que le libéralisme de Thatcher ou Reagan, que la monarchie absolue est tout aussi « occidentale » que la démocratie. L’originalité de l’occident, ce n’est pas l’économie de marché, c’est la méthode scientifique.

          La démocratie, c’est bien dans les discours, mais au fond tout le monde s’en fout. L’Arabie Saoudite n’a rien d’une démocratie, et cela ne l’a pas empêché d’être jusqu’à il n’y a pas longtemps un allié indéfectible des occidentaux. Que les Américains aient essayé d’utiliser l’OMC pour essayer d’ouvrir le marché chinois à leurs intérêts, c’est une évidence. Qu’une telle ouverture n’était pas dans l’intérêt des chinois, aussi. Après, c’est une question de rapport de forces. Mais cela n’implique nullement que les Chinois n’aient pas adopté nos modèles. « l’économie libérale » au sens ou l’entend l’OMC n’est pas plus un « modèle occidental » que « l’économie étatiste »…

          [La Chine n’a jamais été une économie libérale, elle a certes des sociétés privées et reconnait en théorie la propriété privée (donc c’est plus le communisme a la Mao) mais il y a non seulement un fort contingent d’entreprise d’état mais aussi une immixtion forte du PCC dans la gestion des entreprises privées (si vous en doutez, regardez le sort de Jack Ma ou Tecent).]

          Un peu comme dans la France de De Gaulle ? Rien de bien « chinois » là dedans…

          [L’état de droit n’a jamais existé en Chine et pour rester sur le plan économique vous pouvez vous faire spolier sans aucun problème]

          Pardon, mais vous confondez deux choses : une chose est « l’état de droit », une autre la sacralisation de la propriété privée. Un état de droit est un état soumis au principe de légalité, c’est-à-dire, un état qui ne peut faire que ce que la loi l’autorise à faire. Mais cela ne dit rien du contenu de la loi. La loi peut parfaitement autoriser la confiscation des biens privés… sans que pour autant l’état qui l’applique cesse d’être un état de droit.

          Je ne connais pas l’histoire et le droit chinois assez pour savoir quel est le cadre légal dans lequel agit l’Etat en Chine. Mais je suspecte que ce n’est pas très différent de ce qui arrive chez nous : on applique le droit… sauf quand il contredit la raison d’Etat.

          [« Aujourd’hui, il n’y a personne pour mettre en œuvre une politique qui ne soit fondée sur la libre entreprise et la régulation par le marché » Parce que c’est le système qui marche le mieux.]

          Pour ceux qui ont le capital – et donc le pouvoir – sans aucun doute. Pour les autres…

  2. Phael dit :

    @Descartes
    [Et il n’est pas étonnant que ce démontage se soit fait au nom de deux principes : « dérégulation » et « simplification ». Deux concepts qui résument bien le rejet de la complexité qui est l’essence d’une civilisation.]
     
    Je me permets de rebondir sur ce point. Il me semble intéressant de constater que, dans la pratique, la “dérégulation” et la “simplification” aboutissent à leur contraire, au moins en partie.
    Ainsi, avec un néolibéralisme de plus en plus dominant en France, le nombre de fonctionnaires ne cesse pourtant d’augmenter (https://www.lepoint.fr/economie/le-nombre-de-fonctionnaires-continue-d-augmenter-18-01-2023-2505249_28.php#11). Et ce, alors même que la qualité des services publiques se dégradent. En somme, au lieu de faire”plus avec moins”, on fait “moins, au prix de plus”, soit l’inverse de ce que les libéraux sont censé faire le mieux ! Travaillant moi-même dans la fonction publique territoriale, dans une maison France services, je suis aux premières loges pour voir cette dégradation.
    Et si certaines démarches sont effectivement simplifiées (en s’appuyant surtout sur la créations de fichiers géants, regroupant toutes les informations sur quelqu’un, qui permettent d’automatiser les demandes au prix d’une évaporation complète de toute notion de protection des données), on voit à côté que le dialogue interminable de l’administration qui parle à l’administration (statistiques à fournir, demande de subventions, rapports, réunions, etc.) prend toujours plus d’ampleur.
    On a vraiment l’impression d’être dans la fable du rameur : https://www.legrandsoir.info/la-revanche-du-rameur.html.
     
    Comment expliquer une telle inefficacité du néolibéralisme ? Celle-ci se retrouve-t-elle à l’identique dans les autres pays ? Cette inefficacité touche-elle seulement l’état, ou les entreprises sont-elles aussi dans ce gonflement vains des postes improductifs au détriment des postes productifs ?
     

    • Descartes dit :

      @ Phael

      [Je me permets de rebondir sur ce point. Il me semble intéressant de constater que, dans la pratique, la “dérégulation” et la “simplification” aboutissent à leur contraire, au moins en partie. Ainsi, avec un néolibéralisme de plus en plus dominant en France, le nombre de fonctionnaires ne cesse pourtant d’augmenter (…).]

      Vous avez mal lu l’article, qui joue sur la confusion entre « fonctionnaires » et « agents publics ». Si le nombre d’emplois dans les fonctions publiques a augmenté de quelque 5% en dix ans, le nombre d’emplois occupé par des contractuels a augmenté de 6,5%. Le nombre de fonctionnaires a donc bien diminué…

      [Et ce, alors même que la qualité des services publiques se dégradent. En somme, au lieu de faire ”plus avec moins”, on fait “moins, au prix de plus”, soit l’inverse de ce que les libéraux sont censé faire le mieux ! Travaillant moi-même dans la fonction publique territoriale, dans une maison France services, je suis aux premières loges pour voir cette dégradation.]

      C’est que les effectifs, ce n’et pas tout. Il y a aussi la manière dont ces effectifs sont distribués. Une bonne partie de des effectifs sont consacrés à des fonctions inutiles (communication, « diversité » et autres amusements). C’est le but des néolibéraux : un état qui fait de moins en moins, et qui ne sert plus qu’à contrôler.

      [Comment expliquer une telle inefficacité du néolibéralisme ? Celle-ci se retrouve-t-elle à l’identique dans les autres pays ? Cette inefficacité touche-elle seulement l’état, ou les entreprises sont-elles aussi dans ce gonflement vains des postes improductifs au détriment des postes productifs ?]

      Ce n’est pas une « inefficacité ». Les néolibéraux ont très bien compris – quelquefois tardivement, souvenez-vous de la mésaventure de Madelin au ministère de l’industrie – qu’on ne pouvait pas politiquement détruire l’Etat frontalement, le dissoudre. Ils ont donc choisi de le réduire à l’impuissance, de le rendre inopérant. Par ailleurs, n’oubliez pas que ces postes « improductifs » font vivre une grosse partie des clases intermédiaires… il faut bien partager une partie du gâteau avec ses alliés si on veut les garder de son côté…

  3. Sylla dit :

    Il me semblait que c’était parce que l’Homme était devenu la mesure de toutes choses que l’argent, dès lors seule parole vraie, devenait mesure de tout, comme le bon le vrai et le beau l’étaient autrefois. 
      Sur le sujet du billet, la “décivilisation” dont vous parlez, résultat de la prospérité spectaculaire, n’est elle pas le contraire de celle dont l’élu par défaut parlerait (si sa parole se réfère aux trois faits divers auxquels elle fait suite, l’accident meurtrier, l’homicide par un fou, et l’incendie de la maison du maire démissionnaire, alors l’interprétation est toute autre), à savoir une résistance contre ce processus de déconstruction?

    • Descartes dit :

      @ Sylla

      [Sur le sujet du billet, la “décivilisation” dont vous parlez, résultat de la prospérité spectaculaire, n’est-elle pas le contraire de celle dont l’élu par défaut parlerait (…), à savoir une résistance contre ce processus de déconstruction ?]

      Je vois mal comment on résiste à la « déconstruction » en « déconstruisant » encore plus les choses.

      • Sylla dit :

        Et pourtant…Mais je ne vois pas en quoi les résistances, des gilets jaunes aux manifestations sur les retraites pour prendre les plus importantes dernièrement, déconstruisent quoi que ce soit, au contraire même.
           Comme à son habitude, Macron rejette la responsabilité sur cette société qui pour lui n’existe pas et habille le tout d’un concept creux, creux car il me semble qu’il ne soit pour lui que le synonyme du monopole de la violence par l’état. Et il me semblait que vous en faisiez un autre usage.

        • Descartes dit :

          @ Sylla

          [Et pourtant…Mais je ne vois pas en quoi les résistances, des gilets jaunes aux manifestations sur les retraites pour prendre les plus importantes dernièrement, déconstruisent quoi que ce soit, au contraire même.]

          Je n’ai pas dit que les « résistances » dont vous parlez « déconstruisent » quoi que ce soit. Je l’ai écrit plusieurs fois ici : pour moi, ces mouvements sont l’expression d’une insatisfaction envers les élites. Mais contrairement aux mouvements des classes intermédiaires comme mai 1968, ces mouvements ne sont pas anti-élitistes, au contraire. Ils n’appellent pas à la disparition des élites, ni même au remplacement d’une élite par une autre. Ils exigent au contraire que les élites les écoutent, qu’elles utilisent leur position pour résoudre les problèmes. Pour le dire autrement, ce que ces mouvements expriment est le rejet d’une élite sans idées, sans projets, incapable de proposer autre chose qu’un éternel serrage de ceinture.

          Or, un mouvement « expressif » ne peut rien déconstruire par définition. La déconstruction appartient au domaine de l’idéologie.

          [Comme à son habitude, Macron rejette la responsabilité sur cette société qui pour lui n’existe pas et habille le tout d’un concept creux, creux car il me semble qu’il ne soit pour lui que le synonyme du monopole de la violence par l’état. Et il me semblait que vous en faisiez un autre usage.]

          Je n’ai pas bien compris cette remarque. Personne à ma connaissance n’imagine que l’Etat pourrait avoir « le monopole de la violence ». Tout au plus, celui de la violence LEGITIME.

  4. cdg dit :

    Quand j ai entendu la formule de Macron, j ai tout de suite pensé a la FNSEA qui casse tout depuis au moins les annees 80 (avant je me rappelle pas, trop jeune). Mais je me rapelle bien ceux ci intercepter des camions venant d espagne et deverser leur contenu sur la chaussée il y a plus de 40 ans
    Et ca n a pas changé, il y a 2 mois, nous avons des pecheurs qui ont mit le feu a un etablissement public a brest. Reponse de l etat  ? rien
    Autrement dit, quand on a toléré des exactions pendant des années on est mal placé pour soudain jouer les vierges effarouchées
    Sur le plan plus general, si on considere le declin economique de la France et un serrage de ceinture generalisé pour cause de rechauffement climatique (ou epuissement des ressources), on se dit qu on est qu a debut de la decivilisation et que des bagarres pour du Nutella vont se produire pour avoir de l eau, de l electricité ou meme a manger
     
    Je trouve par contre l auteur tendancieux en mettant sur le meme plan la vilence d un coup de couteau et celle de 2 ans de travail en plus. C est quand meme pas au meme niveau.
    Et c est un peu facile de mettre le probleme sur le dos du capitalisme (qui n est qu un systeme de production, pas un systeme politique). Par ex, Staline a fait une belle oeuvre de decivilisation en generant famine et meme cannibalisme : https://fr.rbth.com/histoire/84754-famines-union-sovietique
    Pour finir je signalerai a l auteur qu il se trompe quand il ecrit ” : dans la « concurrence libre », c’est le plus fort, le plus riche qui prend presque toujours le dessus”
    Pour vous en convaincre regardez toutes les grosses societes qui ont disparu eliminée par des plus petites qu elles, mais qui offrait un meilleur service.
    IBM qui dominait l informatique dans les annees 60 a 80 est maintenant un acteur de second plan
    Nokia ou Alcatel ont ete detroné par des societes qui n existaient pas il y a 15 ans
    Kodak a disparu et tesla taille des croupieres a des constructeurs autos etablit depuis 50 ans
    A l inverse un marché bien regulé avec une intervention etatique massive permet a des dinausaures de survivre. Nous avons l exemple recent avec le festival de cannes ou nos cultureux gavés aux subventions se permettent de mordre la main qui les nourrit (les fims francais n attirant plus beaucoup de spectateurs, leur financement est issu du contribuable directement (subvention) ou non (par ex obligation de financer des films pour Canal+).
    Si IBM ou nokia aurait pu bloquer leurs concurrents par des proces et des lois et toucher des subventions ils seraient toujours dominants et google n existerait pas

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Et ça n’a pas changé, il y a 2 mois, nous avons des pêcheurs qui ont mis le feu a un établissement public à Brest. Réponse de l’état ? rien Autrement dit, quand on a toléré des exactions pendant des années on est mal placé pour soudain jouer les vierges effarouchées]

      Je suis fasciné par le choix des exemples. Arrêter des camions pour déverser le chargement sur la chaussée ? Violence. Dégrader un bâtiment public ? Violence. Mais… quid de l’employeur qui ferme une usine pour la transférer en Bulgarie et laisse deux ou trois cents travailleurs sur le carreau ? Quid du patron qui fait déménager nuitamment les machines, qui transfère les fonds à l’étranger de manière à ne pas payer les indemnisations ? N’est ce pas là aussi une « violence » insupportable, qu’on a toléré là aussi pendant des années ? Que dis-je « toléré », on les a encouragés !

      La question n’est pas tant qu’on ait « toléré » la violence, c’est qu’on a créé une situation où certains groupes ne peuvent se faire entendre qu’à travers la violence. Les « Bonnets Rouges » qui ont brûlé les portiques ont obtenu le retrait de l’écotaxe, les « Gilets Jaunes » qui ont saccagé l’Arc de Triomphe ont obtenu 15 Md€ de concessions. Les syndicats qui ont manifesté pacifiquement pendant treize semaines n’ont rien obtenu, comme n’ont rien obtenu les travailleurs qui se sont battus pacifiquement pour défendre leur emploi. Il y a là une réalité que Sarkozy avait très bien résumée : « maintenant, quand les gens font grève, personne ne s’en aperçoit ». Si les modes de protestation pacifiques ne sont pas entendus, les gens vont avoir recours à la violence. C’est inévitable.

      [Sur le plan plus général, si on considère le déclin économique de la France et un serrage de ceinture généralisé pour cause de réchauffement climatique (ou épuisement des ressources), on se dit qu’on est qu’au début de la décivilisation et que des bagarres pour du Nutella vont se produire pour avoir de l’eau, de l’électricité ou même à manger]

      Je vous avoue qu’en regardant les dividendes distribués par les entreprises, je n’ai pas remarqué de « serrage de ceinture » ou de « déclin ». Il est clair que si l’on continue à serrer la ceinture des plus modestes tout en augmentant la part de la richesse produite qui est empochée par le capital, la « décivilisation » se poursuivra.

      [Je trouve par contre l’auteur tendancieux en mettant sur le même plan la violence d’un coup de couteau et celle de 2 ans de travail en plus. Ce n’est quand même pas au même niveau.]

      Je ne sais pas. Quel est le critère qui vous permet de hiérarchiser les violences, d’estimer qu’un coup de couteau à une infirmière est moins grave que d’imposer deux ans de travail supplémentaires à des millions de travailleurs ? Mais le discours présidentiel me dispense d’entrer dans ce débat : il déclare que TOUTE violence est inacceptable. Pas besoin donc de les hiérarchiser…

      [Et c’est un peu facile de mettre le problème sur le dos du capitalisme (qui n’est qu’un système de production, pas un système politique). Par ex, Staline a fait une belle œuvre de decivilisation en générant famine et même cannibalisme (…)]

      Je ne vois pas très bien ce que Staline vient faire dans cette affaire. Staline assume le pouvoir dans un contexte de désordre général, ou tous les cadres économiques, politiques et sociaux se sont effondrés, avec un déchainement de violence extrême – il faut relire les chroniques de la guerre civile et des interventions étrangères des années 1920. En quinze ans son régime établit un cadre social et juridique, reconstruit l’économie, met fin à la violence incontrôlée. On peut beaucoup discuter sur les moyens utilisés pour aboutir à ce résultat, mais on peut difficilement parler de « décivilisation » à propos d’un processus qui aboutit à rétablir un ordre – juste ou injuste, mais ordre enfin.

      Quant au capitalisme, je ne vous contredirai pas lorsque vous soulignez qu’il s’agit d’un mode de production, et non un système politique. C’est une position sur laquelle j’insiste régulièrement ici. Mais un mode de production génère des institutions politiques qui lui sont fonctionnelles. Un mode de production qui repose sur la concurrence et le marché comme seul moyen de régulation ne peut générer des institutions fortes, parce qu’une institution forte ne peut laisser le marché décider de tout. La « décivilisation » – entendue dans le sens de l’affaiblissement des institutions – est donc la conséquence nécessaire d’un approfondissement du capitalisme.

      [Pour finir je signalerai à l’auteur qu’il se trompe quand il écrit : « dans la « concurrence libre », c’est le plus fort, le plus riche qui prend presque toujours le dessus » Pour vous en convaincre regardez toutes les grosses sociétés qui ont disparu éliminées par des plus petites qu’elles, mais qui offrait un meilleur service.]

      La force et la richesse ne résident pas dans les entreprises, mais dans les actionnaires. Ce sont eux qui disposent du capital. Des grosses sociétés ont périclité pour laisser la place à des sociétés plus petites et plus efficaces. Mais est-ce que le capitaliste a perdu quelque chose dans cette transformation ? Non, bien sûr que non : le capitaliste a gagné. Il a sorti son capital de la grosse entreprise qui rapportait peu, et investi dans la petite qui rapporte beaucoup.

      Posez-vous la question : pourquoi ce sont les plus forts, les plus puissants, les plus riches, qui défendent mordicus la « libre concurrence », alors que les plus modestes s’accrochent à des régulations administratives ? Pensez-vous que les puissants se tirent une balle dans le pied en défendant une logique qui leur est contraire ?

      [Si IBM ou Nokia aurait pu bloquer leurs concurrents par des procès et des lois et toucher des subventions ils seraient toujours dominants et google n’existerait pas]

      Mais est-ce que les actionnaires d’IBM ou de Nokia y ont perdu au change ? Non, ils ont retiré leur argent d’IBM et Nokia, l’ont mis sur Google, et ont gagné encore plus d’argent. Les entreprises ne sont pas des entités autonomes, elles n’ont pas d’intérêt propre.

  5. Luc dit :

    Ne sommes nous pas égaré par des enfumages de guerre sociale et guerre tout court ?
    La décivilisation n’est elle pas l’autre nom de l’ensauvagement due à ces guerres menées par l’Otan pour la plus grande perte de nos peuples ?
    Sur un site que vous n’aimez pas,désolé mais en période d’autocensure nécessité fait loi,il est possible de se rendre compte comment l’anomie piégeuse règne  aussi chez certains auto-proclamés ‘pacifistes’.Là il est écrit que même Jaurès fondateur du journal ‘L’Humanité’ est bafoué par son rédacteur en chef,Fabien Guay ,car le contenu de cet article de Franck Marsal semble étayé,non?

    Révélations : Qui sont les “experts” en géopolitique du journal l’Humanité ? par Franck Marsal

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Sur un site que vous n’aimez pas,désolé mais en période d’autocensure nécessité fait loi,il est possible de se rendre compte comment l’anomie piégeuse règne aussi chez certains auto-proclamés ‘pacifistes’.Là il est écrit que même Jaurès fondateur du journal ‘L’Humanité’ est bafoué par son rédacteur en chef,Fabien Guay ,car le contenu de cet article de Franck Marsal semble étayé,non?]

      Les dérives de l’Humanité n’ont rien de nouveau. Cela a commencé quand, sous la houlette du père UbHue, on a décidé que l’Humanité ne serait plus “l’organe central du PCF” mais qu’il deviendrait un journal “autonome” du Parti. Ce fut le prétexte à toutes les dérives, à toutes les démagogies. Il faut relire les colonnes qui avaient été confiées à l’époque à Fodé Sylla – parrainé par Jack Lang, tout un programme – ou à Clémentine Autain, et qui servaient à évangéliser les communistes à la “mutation” dans l’esprit “bouge l’Europe!”. J’ai depuis cette époque résilié mon abonnement, je ne lis le journal qu’épisodiquement, et c’est à chaque fois un calvaire, tant le journal est devenu bête.

  6. Bruno dit :

    Bonjour Descartes,
    Merci pour cet article.
    Je pars un peu en hors sujet mais j’aimerais avoir votre avis sur la déclaration détaillée dans l’article ci-dessous, et plus généralement, sur cette “mode” de dévalorisation du travail.
    https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-commissaire-europeen-a-l-emploi-plaide-en-faveur-de-la-semaine-de-quatre-jours-20230529
    Indépendamment du fait que je trouve l’argument du “commissaire” inepte, j’ai du mal à comprendre que les instances européennes puissent à se point pousser à la réduction du temps de travail. J’ai bien compris qu’il fallait dégager du temps au consommateur “équilibre vie privée/boulot” pour qu’il consomme davantage, certes, mais si on baisse encore le temps de travail, sauf à améliorer drastiquement la productivité, on va produire encore moins, ou, les gens, pressurisés, vont se jeter par les fenêtres…
    Les capitalistes ne scient t-il pas la branche sur laquelle il sont assis à force de dévaloriser le travail?
     
     

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Je pars un peu en hors sujet mais j’aimerais avoir votre avis sur la déclaration détaillée dans l’article ci-dessous, et plus généralement, sur cette “mode” de dévalorisation du travail. (…) Indépendamment du fait que je trouve l’argument du “commissaire” inepte,]

      J’avoue que la sortie du commissaire à l’emploi m’a laissé songeur. On peut comprendre une telle mesure si l’on veut donner plus d’importance à la vie privée sur le travail. Mais la proposer comme une solution aux tensions du marché du travail ? On croit rêver. En fait, le commissaire se place dans une logique concurrentielle : puisque les entreprises ont du mal à recruter, il faut qu’elles améliorent l’offre. Et comme Bruxelles est allergique à l’idée d’augmenter les salaires, on propose la baisse du temps de travail. Ce qui, en termes de salaire horaire, revient au même. Sauf que, comme la population de travailleurs qualifiés n’est pas extensible, la semaine de quatre jours c’est moins d’heures travaillées, donc moins de production…

      [j’ai du mal à comprendre que les instances européennes puissent à se point pousser à la réduction du temps de travail.]

      Les instances européennes ne « poussent » rien du tout. Le commissaire en question prend soin d’indiquer que c’est une position politique personnelle, qui n’engage en rien la Commission. Pour mieux comprendre sa sortie, il faudrait connaître les équilibres politiques dans son pays, le Luxembourg…

      [Les capitalistes ne scient t-il pas la branche sur laquelle il sont assis à force de dévaloriser le travail?]

      C’est là l’une des « contradictions » qui devraient à un moment où un autre rendre le capitalisme obsolète…

  7. delendaesteu dit :

    @descartes
    #Et nous avons à Paris une avenue qui rend hommage au président Wilson, une autre au président Roosevelt, une troisième au président Kennedy… si on leur rend hommage, je ne vois pas pourquoi on ne le pourrait dans le cas d’Halimi.#
    Il existe une différence essentielle entre les deux. 
    D’un côté, vous avez des dirigeants étrangers, de l’autre une citoyenne française. 
    Nous n’avons rien à attendre de dirigeants étrangers, un pays n’a pas d’amis, mais seulement des intérêts. 
    Mme halimi est une traître. Pourquoi honorer une traître ? 
     

    • Descartes dit :

      @ delendaesteu

      [Nous n’avons rien à attendre de dirigeants étrangers, un pays n’a pas d’amis, mais seulement des intérêts.]

      Mais alors, pourquoi donner leur nom à des avenues ? A la rigueur, je peux comprendre l’intérêt pour Roosevelt ou Wilson: on sortait d’une guerre, et on avait besoin d’eux (ou de leurs successeurs). Mais Kennedy ? Qu’est ce qu’il a jamais fait pourl a France, celui-là ?

      [Mme halimi est une traître. Pourquoi honorer une traître ?]

      Encore une fois, les catégories comme “traître” sont difficiles à manier dans une guerre civile…

      • delendaesteu dit :

        @descartes
        ». Mais Kennedy ? Qu’est ce qu’il a jamais fait pour la France, celui-là#
        Rien , si son nom a été attribué à des rues, c’est à cause des circonstances de sa mort.
        D’ailleurs sauf erreur de ma part, aucun de ses successeurs n’à eu cet honneur.
        De manière plus générale, on attribue des noms de chefs d’état étrangers pour faire plaisir à nos soit-disant alliés. Ou pour flatter certains groupes de pression. Exemple Nelson Mandela, pour faire plaisir à nos anti racistes de salon.
        Pour en revenir à Mme Halimi, cela permet de faire plaisir aux descendants de porteur de valise du FLN et en ces temps de metoo aux féministes .
        Et accessoirement, de faire oublier que François Mitterrand fut ministre de l’intérieur pendant la guerre d’Algérie.
         

        • Descartes dit :

          @ delendaesteu

          [“Mais Kennedy ? Qu’est ce qu’il a jamais fait pour la France, celui-là”. Rien , si son nom a été attribué à des rues, c’est à cause des circonstances de sa mort.]

          Vous avez probablement raison. Kennedy est un bon exemple de la “peopolisation” de la politique. Alors que le bilan de sa présidence est mitigé – et c’est un euphémisme – il a été starisé parce qu’il savait communiquer, qu’il avait une femme glamour, et qu’il est mort dans des circonstances mystérieuses. Le Vietnam ? La Baie des Cochons ? Le sabotage du régime gaullien ? Tout le monde a oublié…

          [De manière plus générale, on attribue des noms de chefs d’état étrangers pour faire plaisir à nos soit-disant alliés. Ou pour flatter certains groupes de pression. Exemple Nelson Mandela, pour faire plaisir à nos anti racistes de salon.]

          Je vous trouve injuste. Mandela fut un grand résistant, puis un grand président. Même si nos “antiracistes de salon” préfèrent oublier le Mandela réel et préfèrent un Mandela idéalisé, je pense que l’homme mérite un hommage.

          [Pour en revenir à Mme Halimi, cela permet de faire plaisir aux descendants de porteur de valise du FLN et en ces temps de metoo aux féministes.]

          Je ne pense pas que les descendants des porteurs de valises soient très nombreux à revendiquer un hommage. D’ailleurs, ce chapitre dans la vie d’Halimi n’est que rarement évoqué. C’est surtout les féministes “woke” qui veulent en faire une icône.

  8. maleyss dit :

    Et comment faites-vous le lien entre cette tendance à la dérégulation sous toutes ses formes, et une autre tendance, tout aussi lourde, qu’ont certains groupes de pression à vouloir tout reglementer, depuis notre vocabulaire jusqu’au contenu de nos assiettes, en passant, je suppose, par la manière dont nous sacrifions à Vénus ? N’est-il pas curieux que ces ci-devant libertaires sont prêts à nous faire un procès et à nous exclure de la vie professionnelle et sociale pour un mot qu’ils estiment impropre, ou une façon qu’ils jugent peccamineuse d’occuper nos loisirs ?

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Et comment faites-vous le lien entre cette tendance à la dérégulation sous toutes ses formes, et une autre tendance, tout aussi lourde, qu’ont certains groupes de pression à vouloir tout réglementer, depuis notre vocabulaire jusqu’au contenu de nos assiettes, en passant, je suppose, par la manière dont nous sacrifions à Vénus ?]

      Je pense qu’elles sont intimement liées. La régulation est indispensable si l’on veut pouvoir vivre en société. La dérégulation a conduit à une forme de chaos, et par réaction on essaye de remplacer la régulation civique par la régulation morale. Autrement dit, on autorise les individus à tout faire, mais on compte sur une contrainte interne pour qu’ils n’utilisent pas cette liberté. Hier, on interdisant certaines formes de rapport sexuel. Aujourd’hui, rien n’est interdit mais certains rapports vous condamnent à l’ostracisme social…

      • maleyss dit :

        Le problème, c’est que certains de ces individus semblent bien décidés à ne pas s’en tenir à la simple réprobation morale, mais à donner libre cours à leur “envie du pénal”, comme disait Muray, et à multiplier les interdictions. Certains d’entre eux nous expliquent même que, vu l’urgence (climatique, en l’occurence !), il pourrait être nécessaire de “suspendre la démocratie”.

        • Descartes dit :

          @ maleyss

          [Certains d’entre eux nous expliquent même que, vu l’urgence (climatique, en l’occurence !), il pourrait être nécessaire de “suspendre la démocratie”.]

          C’est le propre de la pensée religieuse: le dogme représente la Vérité Révélée, il est donc a dessus des lois humaines. La pensée écologiste aujourd’hui tient de la pensée religieuse…

  9. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    Il me semble que lorsque Renaud Camus parle de « décivilisation », il pense entre autres (parmi des choses bien plus graves) à ça :
    https://twitter.com/BFMTV/status/1663061022519832577
     
    [Pour une fois, et je n’ai pas honte de le dire, oui, je partage tout à fait le diagnostic du président sur le processus de « décivilisation » rampant qui affecte notre société, et au-delà l’ensemble du monde capitaliste, ce qui aujourd’hui veut dire peu ou prou le monde tout court.]
    Cela n’a rien à voir avec le capitalisme, mais essentiellement tout à voir avec la perte de l’homogénéité culturelle des sociétés occidentales, notamment en France, par l’importation massive du trop plein démographique des pays du tiers-monde (et qui dépasse largement l’utilité marginale pour le patronat afin de faire pression sur les salaires), et dont les mœurs n’ont pas grand chose à voir avec notre civilité, en particulier en ce qui concerne la notion de culpabilité. Voir comment au tribunal s’est terminée la sordide affaire Axelle Dorier en est la preuve la plus éclatante.
    Car des pays comme la Corée du Sud, le Japon, qui sont tout autant « capitalistes », voire plus que la France, ne sont nullement concernés par ce processus de « décivilisation », car mettant un point d’honneur à conserver leur homogénéité ethnique. C’est ce qu’a fini par comprendre (à temps) le Danemark, c’est ce qu’est en train de comprendre (en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard) la Suède, c’est ce que se refuse de comprendre la France, au risque de finir dans le meilleur des cas comme le Brésil, un pays au fond assez peu intéressant pour un « capitaliste ».
    Ainsi faisons une expérience de pensée : vous êtes un investisseur souhaitant lancer une chaîne de supérettes. Dans quel pays souhaitez vous vous installer : dans celui où vous devez payer des vigiles ; ou dans celui où vous n’avez même pas besoin de payer de caissier, la population locale payant d’elle-même honnêtement ses achats sans qu’il y ait besoin d’une quelconque surveillance ?
     
    [Abolir l’impôt sur la fortune et boucher le trou en décalant l’âge de la retraite, c’est une « violence » dès lors qu’il n’y a pas de consensus social pour accepter ces mesures.(…)]
    En somme, dès que l’on n’est pas satisfait de l’agissement d’autrui sur soi, c’est une « violence ». Ainsi, sera « violence » pour le transgenre de se faire « mégenrer », sera « violence » pour le bourgeois de se faire taxer plus lourdement, sera « violence » pour l’écologiste de voir rouler un pick-up V6 crachant une fumée bien noire, et pour l’identitaire sera « violence » de se promener dans une rue remplie d’enfoulardées, de kebabs, de boucheries halal et autres commerces Lyca ou Western Union.
    Mais bon si tout est violence, alors plus rien n’est violence…
     
    [Le pouvoir n’est donné aux élus que sous la condition qu’ils écoutent la société.]
    Je vais rouvrir le (long) débat que nous avons eu, mais je crains que cette vision de la démocratie basée sur l’écoute ne soit que votre vision de la démocratie, vision qui est différente de la mienne (basée sur le projet), et pour laquelle je n’ai également pas une quelconque prétention à affirmer qu’elle soit universelle, car au fond il y a autant de visions de la démocratie que de citoyens. In fine, est une démocratie, tout régime où le pouvoir politique est remis en jeu sur durées d’intervalles bornées supérieurement, au travers d’élections libres et sur la base d’un scrutin universel.
    Encore une fois, Dieu sait à quel point je déteste Macron, mais s’il y a bien quelque chose que je ne lui reproche pas, c’est de manquer « d’écoute », ayant par ailleurs été élu puis réélu avec pour argument qu’il fallait le prendre tel qu’il est, ou bien que ça aurait été le chaos.
    Personnellement, si je devais mentionner un poison pour la démocratie, ça ne serait pas le manque « d’écoute » des élus, mais la délégitimation permanente d’un camp politique par l’autre, en n’hésitant pas par exemple à le qualifier publiquement de « lèpre populiste ». Pourquoi argumenter et contre-argumenter rationnellement, si même en montrant les meilleurs gages de bonne volonté, on sera toujours considéré comme incarnant le mal ?
    Ainsi, personnellement je préfère avoir face à moi quelqu’un qui me dit que vu qu’il est au pouvoir, il fait ce qu’il veut (dans les limites de la constitution) et que si je ne suis pas content, je n’ai qu’à gagner les élections, plutôt que quelqu’un qui m’affirme que je suis indigne d’exister politiquement.
     
    [Mais plus profondément, il faut comprendre que le processus de décivilisation est inséparable du processus de dérégulation voulu par les néolibéraux]
    À partir d’un moment, il faudrait arrêter de tout mettre sur le dos des « néolibéraux » (vaste substantif dans lequel on pourrait très bien mettre… les keynésiens !). Singapour est un pays bien plus « néolibéral » que la France, qui assume ses larges inégalités sociales, et pourtant, vous verrez ce qu’il vous en coûte la simple incivilité qu’est de jeter un chewing-gum mâché sur la voie publique, ou même le simple fait d’y posséder de la gomme à mâcher hors prescription médicale…
     
     [C’est là une petite fenêtre ouverte sur l’inconscient macronien, et qui le montre pour ce qu’il est : foncièrement libertarien]
    L’inconscient de Macron serait donc foncièrement libertarien, après avoir imposé les mesures les plus liberticides (parmi d’autres, voir l’interdiction de l’hommage à un ancien de l’OAS sur lequel nous débattons) à l’ensemble de la population depuis l’Occupation pour lutter contre la pandémie du SRAS-Cov2 ? Après avoir pondu une règlementation délirante au nom de la protection de l’environnement ? Vraiment ? Ayn Rand doit faire l’ultra-centrifugeuse dans sa tombe.
     
    [Mais même ce niveau d’institutionnalisation est menacé aujourd’hui, et il ne manque pas de vieux voyous pour s’effrayer eux-mêmes de ce qu’est devenu le milieu du trafic, et d’une violence illimitée parce qu’aucune institution n’est là pour la contraindre.]
    Cela me rappelle le film Un Prophète de Jacques Audiard…
     
    [La civilisation, c’est aussi la séparation progressive entre la sphère publique, celle où s’imposent les règles et disciplines imposées par les institutions, et la sphère privée qui est celle où l’individu est libre de ses choix.]
    Ces puritains calvinistes que sont les Néerlandais ne connaissent pas la distinction entre sphère privée et sphère publique (pour la petite anecdote, ce qui m’avait marqué une fois, perdu dans une banlieue pavillonnaire des Pays-Bas, ce sont les gigantesques baies vitrées des maisons et sans rideaux permettant de voir directement ce qu’il se passe dans le séjour !). Diriez-vous qu’ils ne sont pas civilisés ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [Il me semble que lorsque Renaud Camus parle de « décivilisation », il pense entre autres (parmi des choses bien plus graves) à ça : (…)]

      Vous voulez parler du harcèlement scolaire ? je ne me souviens pas si Camus y fait référence, mais en toute franchise je suis un peu effaré de la manière dont on prend le problème. Le harcèlement a toujours existé, précisément parce que les enfants ne sont pas « civilisés ». Relisez « la guerre des boutons ». La différence, c’est qu’il y avait un passage au monde adulte, et que les enfants savaient que ce passage était inévitable – comme le montre la dernière phrase du livre.

      [Cela n’a rien à voir avec le capitalisme, mais essentiellement tout à voir avec la perte de l’homogénéité culturelle des sociétés occidentales, notamment en France, par l’importation massive du trop plein démographique des pays du tiers-monde (et qui dépasse largement l’utilité marginale pour le patronat afin de faire pression sur les salaires), et dont les mœurs n’ont pas grand chose à voir avec notre civilité, en particulier en ce qui concerne la notion de culpabilité.]

      « Pour celui qui a un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous ». Comme vous voulez absolument que l’immigration soit coupable de tous les maux, vous la voyez partout. Mais votre raisonnement souffre d’un gros problème :

      [Car des pays comme la Corée du Sud, le Japon, qui sont tout autant « capitalistes », voire plus que la France, ne sont nullement concernés par ce processus de « décivilisation », car mettant un point d’honneur à conserver leur homogénéité ethnique.]

      Si votre raisonnement était exact, la « décivilisation » ne devrait pas se manifester dans des pays dont la composition ethnique n’a pas changé significativement ces quarante ou cinquante dernières années. Est-ce le cas ? Non, bien sûr que non : on observe la « decivilisation » dans des pays aussi différents que la Russie, le Mexique ou le Sénégal. Qui sont aussi « homogènes » aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a quarante ans. Il faut donc chercher ce qui est commun à ces pays – et aux autres – et qui a significativement changé ces quarante ou cinquante dernières années.

      Par ailleurs, vous faites une deuxième erreur : les pays comme la Corée du Sud ou le Japon ne sont pas autant « capitalistes » que nous. Ils le sont beaucoup moins. Même si ces pays ont intégré les technologies développées par le capitalisme et un certain nombre de ses pratiques, l’organisation de la production reste largement marquée par les structures féodales : un salarié n’est pas perçu comme un agent libre qui vend sa force de travail au plus offrant, mais comme un serviteur fidèle envers qui l’entreprise a des devoirs qui vont au-delà d’un pur rapport d’argent.

      Que l’immigration pose un problème, je suis tout à fait d’accord. Mais en faire la source de TOUS les problèmes est un moyen de cacher d’autres phénomènes beaucoup plus néfastes. Le travailleur licencié par simple mail parce que son patron a décidé qu’il était plus rentable de déplacer l’usine en Bulgarie ou parce qu’il est jugé trop vieux et donc plus cher qu’un jeune subit une violence tout à fait comparable à celle du harcèlement scolaire ou de l’agression de rue. Idem pour celui qui est expulsé de son logement parce qu’il ne trouve pas de travail qui lui permette de payer le loyer. Et, sauf à ce que vous me démontriez le contraire, cette violence – qui a été massive ces trente dernières années – n’a aucun lien avec la question de l’immigration, au contraire ! Curieusement, lorsque vous parlez de « décivilisation », vous ne prenez en compte que les faits divers. Pourquoi ne pas parler de la « décivilisation » dans les rapports du travail ?

      [C’est ce qu’a fini par comprendre (à temps) le Danemark, c’est ce qu’est en train de comprendre (en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard) la Suède, c’est ce que se refuse de comprendre la France, au risque de finir dans le meilleur des cas comme le Brésil, un pays au fond assez peu intéressant pour un « capitaliste ».]

      Le Brésil est un pays très intéressant pour un capitaliste. Si intéressant qu’il est la première destination des investissements en Amérique Latine, et que son économie est bien plus dynamique que celle de pays bien plus « homogènes » ethniquement, comme l’Argentine ou la Bolivie. Encore une fois, vous essayez d’établir un lien entre hétérogénéité ethnique et « décivilisation » qui ne fonctionne pas. Tenez, prenez deux pays qui ont exactement la même composition ethnique, l’Argentine et l’Uruguay : l’une connait une augmentation depuis trente ans une augmentation endémique de la violence, l’autre reste « la Suisse des Amériques ». Pourquoi cette différence ? Parce que l’Argentine a eu des gouvernements néolibéraux à tout crin, alors que l’Uruguay est dans une logique plus traditionnaliste qui a sauvegardé les structures semi-féodales…

      [Ainsi faisons une expérience de pensée : vous êtes un investisseur souhaitant lancer une chaîne de supérettes. Dans quel pays souhaitez vous vous installer : dans celui où vous devez payer des vigiles ; ou dans celui où vous n’avez même pas besoin de payer de caissier, la population locale payant d’elle-même honnêtement ses achats sans qu’il y ait besoin d’une quelconque surveillance ?]

      Cela dépend : si le premier pays vit dans un capitalisme avancé, ou la société de consommation est reine et les gens ont un fort pouvoir d’achat et se précipitent pour acheter en masse, et que dans le second on est dans une économie plus traditionnelle, ou les gens n’achètent que le minimum et font durer les biens, j’investirai dans le premier sans hésiter. Parce que le surplus de ventes me permet de payer des vigiles et des caissiers sans que j’y perde au niveau profit. Pourquoi croyez-vous que Carrefour se bat pour conquérir le marché brésilien et néglige le marché suisse ?

      [« Abolir l’impôt sur la fortune et boucher le trou en décalant l’âge de la retraite, c’est une « violence » dès lors qu’il n’y a pas de consensus social pour accepter ces mesures.(…) » En somme, dès que l’on n’est pas satisfait de l’agissement d’autrui sur soi, c’est une « violence ».]

      Pas tout à fait. Il y a des choses avec lesquelles nous ne sommes pas « satisfaits », mais que nous estimons nécessaires. C’est pourquoi je vous parle de « consensus social » non pas sur la mesure elle-même, mais sur son acceptation. L’immense majorité des Français n’aime pas payer des impôts, ils préféreraient ne pas les payer, mais ils acceptent qu’ils sont nécessaires à la vie collective. Pour le dire autrement, il n’y a pas de différence objective entre le voyou qui vous plante un couteau, et le chirurgien qui vous plante un bistouri. La différence est subjective : le voyou vous pique sans votre accord et à votre détriment, le chirurgien opère avec votre accord, et à votre bénéfice. D’ailleurs, on parle de « violence médicale » lorsque le médecin accomplit un acte sans l’accord du patient.

      [Ainsi, sera « violence » pour le transgenre de se faire « mégenrer », sera « violence » pour le bourgeois de se faire taxer plus lourdement, sera « violence » pour l’écologiste de voir rouler un pick-up V6 crachant une fumée bien noire, et pour l’identitaire sera « violence » de se promener dans une rue remplie d’enfoulardées, de kebabs, de boucheries halal et autres commerces Lyca ou Western Union.]

      Cela dépend : si l’on « mégendre » un transgenre avec l’intention de lui causer un tort, ce sera bien entendu une « violence ». Taxer le bourgeois lourdement, au-delà de ce que le consensus des bourgeois estime légitime, c’est une « violence ». Faire rouler un pick-up qui crache au-delà des normes admises par la société pour ce type de véhicules c’est une « violence ». Et si l’on fait une rue d’enfoulardées, de kebabs et de boucheries halal avec pour seul objectif d’offenser les identitaires, oui, c’est une « violence ». La « violence » a un contenu objectif, mais surtout un contenu subjectif : objectivement, un coup de poing dans un bistrot fait autant mal qu’un coup de poing sur un ring de boxe. La « violence » présente dans la première situation et absente dans la seconde vient des éléments subjectifs.

      Après, il ne faut pas non plus faire de la « violence » un tabou. Un certain niveau de « violence » est inhérent à tout rapport de force, et donc à tout rapport social. Il y a des violences nécessaires, il y a des violences légitimes. Quand l’Etat impose aux bourgeois par la force de payer l’impôt, c’est sans doute une « violence », mais elle reste légitime dès lors que l’impôt est créé et perçu en respectant un certain nombre de procédures et garanties.

      [« Le pouvoir n’est donné aux élus que sous la condition qu’ils écoutent la société. » Je vais rouvrir le (long) débat que nous avons eu, mais je crains que cette vision de la démocratie basée sur l’écoute ne soit que votre vision de la démocratie, vision qui est différente de la mienne (basée sur le projet), et pour laquelle je n’ai également pas une quelconque prétention à affirmer qu’elle soit universelle, car au fond il y a autant de visions de la démocratie que de citoyens. In fine, est une démocratie, tout régime où le pouvoir politique est remis en jeu sur durées d’intervalles bornées supérieurement, au travers d’élections libres et sur la base d’un scrutin universel.]

      On peut donner beaucoup de définitions de la démocratie. Mais une fois qu’on a choisi une vision, alors il faut s’en tenir aux conséquences. Si l’on adopte la définition que vous proposez, alors il faut conclure qu’il n’existe dans la « démocratie » aucun mécanisme qui permette de garantir un haut degré d’acceptation par les gouvernés des décisions prises par les gouvernants. En effet, imaginons le système ou j’élis un président sur la base d’un scrutin universel et parfaitement libre et pour vingt ans, période pendant laquelle il aura les pleins pouvoirs. Il sera élu sur la base d’un programme, dont certaines mesures emporteront une adhésion majoritaire, et autres un rejet massif. Il suffit que l’ensemble soit jugé moins mauvais que celui proposé par ses adversaires. A supposer même qu’il mette loyalement en œuvre son programme, il imposera donc à la société des mesures qui sont massivement rejetées. Et je ne parle même pas des situations nouvelles et imprévues qui peuvent se présenter dans un intervalle aussi long, et pour lesquelles il faudra prendre des mesures qui ne sont pas inscrites dans son programme.

      Autrement dit, si l’on adopte votre définition, alors la « démocratie » est un mode de gouvernement bien peu efficace… En fait, ce que vous appelez « démocratie » ressemble plutôt à une forme de « dictature temporaire », dans laquelle le dictateur est élu dans des élections libres et périodiques, et dispose de la plénitude du pouvoir entre deux élections. Un tel système peut fonctionner – et a fonctionné dans le passé – seulement si le dictateur peut être mis en cause personnellement après la fin de son mandat pour ses actes de gouvernement. Car sans cette « corde de rappel », pas de responsabilité. Or, notre système constitutionnel interdit précisément cette remise en cause. Ce qui me fait penser que ans la tête de nos constituants, la vision de la « démocratie » était plus proche de la mienne que de la votre…

      [Encore une fois, Dieu sait à quel point je déteste Macron, mais s’il y a bien quelque chose que je ne lui reproche pas, c’est de manquer « d’écoute », ayant par ailleurs été élu puis réélu avec pour argument qu’il fallait le prendre tel qu’il est, ou bien que ça aurait été le chaos.]

      Je n’ai pas compris cette remarque. Vous trouvez que notre président « écoute » ? Ou pensez-vous qu’il n’écoute pas mais que cela ne devrait pas lui être reproché, dans la mesure où nous étions prévenus ?

      [Personnellement, si je devais mentionner un poison pour la démocratie, ça ne serait pas le manque « d’écoute » des élus, mais la délégitimation permanente d’un camp politique par l’autre, en n’hésitant pas par exemple à le qualifier publiquement de « lèpre populiste ». Pourquoi argumenter et contre-argumenter rationnellement, si même en montrant les meilleurs gages de bonne volonté, on sera toujours considéré comme incarnant le mal ?]

      Vous confondez le procureur et le juge. Les politiques peuvent se qualifier réciproquement de noms d’oiseau divers et variés, mais c’est le peuple souverain qui est juge. Quand la « lèpre populiste » obtient plus de 40% au deuxième tour d’une élection présidentielle, on peut se dire que le discours du procureur convainc de moins en moins le juge.

      [Ainsi, personnellement je préfère avoir face à moi quelqu’un qui me dit que vu qu’il est au pouvoir, il fait ce qu’il veut (dans les limites de la constitution) et que si je ne suis pas content, je n’ai qu’à gagner les élections, plutôt que quelqu’un qui m’affirme que je suis indigne d’exister politiquement.]

      Je ne choisis pas entre la lèpre et le choléra. La première posture est hypocrite : même si je gagne les élections, je ne pourrai pas défaire ce qui a été fait. La deuxième est, nous sommes d’accord, absurde.

      [« Mais plus profondément, il faut comprendre que le processus de décivilisation est inséparable du processus de dérégulation voulu par les néolibéraux » À partir d’un moment, il faudrait arrêter de tout mettre sur le dos des « néolibéraux » (vaste substantif dans lequel on pourrait très bien mettre… les keynésiens !).]

      D’abord, je ne mets pas TOUT sur le dos des néolibéraux, mais quelque chose de précis. Et vous noterez que dans le cas d’espèce, je ne mets pas la chose sur le dos des néolibéraux, mais de la « dérégulation » qu’ils ont voulu, ce qui suppose que la chose est plutôt un effet collatéral qu’une conséquence prévue et souhaitée.

      Ensuite, j’aimerais bien savoir comment vous faites pour classer les keynésiens parmi les « néolibéraux ». Si Hayek entendait ça…

      [Singapour est un pays bien plus « néolibéral » que la France, qui assume ses larges inégalités sociales, et pourtant, vous verrez ce qu’il vous en coûte la simple incivilité qu’est de jeter un chewing-gum mâché sur la voie publique, ou même le simple fait d’y posséder de la gomme à mâcher hors prescription médicale…]

      D’où tirez-vous que Singapour « assume ses larges inégalités sociales » ? Singapour n’assume rien du tout. Singapour est une ville-état, où les riches sont singapouriens et les pauvres qui viennent le servir sont des travailleurs immigrés, un peu comme dans les micro-états du Golfe Persique ou à Monaco. C’est un peu comme les « quartiers fermés » réservés aux ultra-riches aux Etats-Unis : dans ces petites enceintes, où tout le monde est riche, on peut effectivement se permettre des politiques hyper-répressives contre les « incivilités »… parce qu’on peut se permettre d’exporter les problèmes.

      [« C’est là une petite fenêtre ouverte sur l’inconscient macronien, et qui le montre pour ce qu’il est : foncièrement libertarien » L’inconscient de Macron serait donc foncièrement libertarien, après avoir imposé les mesures les plus liberticides (parmi d’autres, voir l’interdiction de l’hommage à un ancien de l’OAS sur lequel nous débattons) à l’ensemble de la population depuis l’Occupation pour lutter contre la pandémie du SRAS-Cov2 ?]

      Tout à fait. Relisez le docteur Freud : le propre de l’inconscient, c’est justement de rester caché…

      [Ces puritains calvinistes que sont les Néerlandais ne connaissent pas la distinction entre sphère privée et sphère publique (pour la petite anecdote, ce qui m’avait marqué une fois, perdu dans une banlieue pavillonnaire des Pays-Bas, ce sont les gigantesques baies vitrées des maisons et sans rideaux permettant de voir directement ce qu’il se passe dans le séjour !). Diriez-vous qu’ils ne sont pas civilisés ?]

      Je dirais qu’ils le sont moins, oui. Le système dans lequel les individus sont soumis au contrôle de la communauté, et où leurs moindres faits et gestes doivent être conformes au consensus de leurs voisins sous peine de sanctions me paraît nettement plus archaïque que celui où l’on distingue clairement ce qui relève des choix personnels et ce qui est soumis aux caprices de la communauté. J’ajoute que même dans les pays nordiques, si la distinction entre les ESPACES public et privé est plus faible que chez nous, la distinction entre les SPHERES publique et privée reste bien présente. On admet que la communauté exerce une surveillance, on accepte de moins en moins qu’elle soit prescriptive.

    • François dit :

      @Descartes,
      [[Il me semble que lorsque Renaud Camus parle de « décivilisation », il pense entre autres (parmi des choses bien plus graves) à ça : (…)]
      Vous voulez parler du harcèlement scolaire ?(…)]
      Sauf votre respect, je crois que vous n’avez pas ouvert le lien, qui parle d’un sujet somme toute un peu éloigné du harcèlement scolaire.
       
      [« Pour celui qui a un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous ». Comme vous voulez absolument que l’immigration soit coupable de tous les maux, vous la voyez partout. Mais votre raisonnement souffre d’un gros problème :]
      Admettons. Mais je crains malheureusement qu’il vaille mieux m’avoir avec un marteau et en conséquence une façon certaine de voir les problèmes que d’autres avec un couteau… Que voulez-vous Descartes, comme disait l’autre, les faits sont têtus, et ça n’est pas à cause des « néolibéraux » que des gosses dans leurs poussettes se font poignarder.
       
      [Est-ce le cas ? Non, bien sûr que non : on observe la « decivilisation » dans des pays aussi différents que la Russie, le Mexique ou le Sénégal. Qui sont aussi « homogènes » aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a quarante ans.]
      Car justement, ils n’ont jamais vraiment été homogènes. Ces pays étaient dotés d’institutions qui n’y allaient pas de main morte (en particulier l’ex-URSS) pour faire régner l’ordre, mais sitôt ces institutions disparaissent que la nature reprend le dessus. Je dirais que l’une des caractéristiques des sociétés « civilisées », c’est justement l’absence de nécessité de contrôle et de répression, que ça soit étatique (vertical) ou collectif (horizontal), pour que l’ordre règne : pour reprendre l’exemple de mon précédent commentaire, dans une société civilisée, un agriculteur pourra mettre en vente sa production dans un cabanon ouvert à tous, et ce sans aucune surveillance, qu’il sait d’avance que le soir, la valeur qu’il ne trouvera plus en fruits et légumes sur les étalages, il la retrouvera exactement en monnaie dans un bocal.
      Le capital social, à savoir les relations de confiance entre individus, y compris des tiers anonymes, est le bien le plus important de toute société, la fondation durable pour tout projet collectif. Ça n’est pas pour rien que les sociétés homogènes sont celles qui sont dotées d’états providences digne de ce nom, et c’est pour cela que je fais du retour de l’homogénéité nationale une priorité. Oui, ce sont les petites choses du quotidien, qui déterminent l’existence de grandes choses.
      Bref, plus une nation est hétérogène, plus le besoin d’avoir un état policier afin de maintenir l’ordre public est important.
       
      [Par ailleurs, vous faites une deuxième erreur : les pays comme la Corée du Sud ou le Japon ne sont pas autant « capitalistes » que nous.]
      En quoi seraient-ils moins « capitalistes » que nous ? Car à ma connaissance, ces pays possèdent des économies de marché, basées sur la propriété privée et vénale, la liberté contractuelle, etc, le tout avec un droit du travail et un état providence bien moins développés qu’en France. Je concède toutefois qu’ils sont bien plus protectionnistes que la France.
       
      [l’organisation de la production reste largement marquée par les structures féodales]
      Ce que vous me citez, c’est de la culture d’entreprise d’un type paternaliste, au même titre historiquement que le paternalisme de Michelin, de Peugeot, etc, et qui globalement existait dans le capitalisme occidental jusque dans les années 70.
      De plus ce serait une erreur que de croire que l’emploi à vie dans un chaebol/keiretsu soit encore la généralité là-bas :

      Mais c’est l’organisation du monde du travail qui permet aussi ces bons résultats comme l’explique Jean-Yves Colin: «Le marché de l’empoi au Japon est très flexible chez les plus jeunes qui occupent massivement des emplois précaires. De l’autre côté, chez les seniors, les salariés quittent souvent les grosses sociétés vers 59 ou 60 ans alors que l’âge de la retraite est plutôt vers 65 ans. Mais les entreprises sous-traitantes des grands groupes sont très demandeuses de profils expérimentés et offrent des contrats à durée déterminée, ce qui les maintient dans l’emploi jusqu’à la retraite». Contrairement à la France, le «chômeur type» au Japon n’est ni le jeune ni le senior, mais l’homme «entre deux âges». «Ceux qui font partie des 3,1% au Japon sont des hommes entre 35 et 55 ans, trop vieux pour occuper les emplois précaires destinés à la jeunesse, mais pas assez cependant pour décrocher des emplois de fin de carrière».

      https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/11/28/20002-20151128ARTFIG00017-au-japon-le-chomage-au-plus-bas-depuis-20-ans-sans-aucune-croissance.php
       
      [Le travailleur licencié par simple mail parce que son patron a décidé qu’il était plus rentable de déplacer l’usine en Bulgarie ou parce qu’il est jugé trop vieux]
      Je comprends parfaitement la déception des salariés de voir l’entreprise dans laquelle, pour certains ont travaillé des décennies, fermer. Lors de la liquidation de Camaïeu, dans les témoignages des reportages que j’écoutais, la colère des ex-salariés venait plus du gâchis ayant conduit à la faillite d’une entreprise à laquelle ils étaient attachés, que de la crainte concernant leurs perspectives d’avenir.
      Car, le problème de la France n’est pas le néolibéralisme, mais qu’elle a le cul entre deux chaises. La France a décidé de s’ouvrir au libre échangisme tout en maintenant son modèle social, générant un différentiel de compétitivité prix rendant ces cas de figure hélas inévitables, pire générant un cercle vicieux où les surcoûts liés au maintien du niveau de vie des chômeurs, pèsent sur le coût de la main d’œuvre restante et/ou l’endettement, etc.
      Aussi, si la France était vraiment néolibérale, les seules réglementations et administrations publiques restantes, hors « régalien », seraient celles assurant de l’atomicité du marché. Avec des résultats bien plus « violents » que ceux actuels…
      Ainsi, d’un point de vue économique, le problème de la France (et de nombre de pays occidentaux) n’est pas son « néolibéralisme », mais son passage d’un capitalisme de production à un capitalisme de consommation, capitalisme qui se doit d’avoir la base de consommateurs la plus large possible.
      Or nous savons tous comment cela se termine si un pays consomme sur le long terme plus qu’il ne produit…
       
      Par ailleurs, le coefficient de Gini en France est bien plus faible qu’il l’était durant les trente glorieuses : https://www.les-crises.fr/inegalites-revenus-france-1/. Il suffit par ailleurs de se rappeler du tollé que ça a suscité quand François Bayrou a dit qu’à 4k€/mois, (soit un peu moins de 2,5 fois le salaire médian) on n’est pas « riche ».
      Bref, dans le cas présent le problème de la France ne vient pas d’une inégalité de richesses, qui serait d’un niveau équivalent aux âges les plus sombres de la révolution industrielle. Même si je suis parfaitement conscient, avec notre enseignement supérieur quasi-gratuit, que c’est particulièrement ingrat de leur part, je suis surtout inquiet pour la France de voir ses éléments les plus qualifiés aller vers d’autres cieux où l’herbe est plus verte pour eux (Yann Le Cun étant l’exemple le plus frappant)…
       
      [Idem pour celui qui est expulsé de son logement parce qu’il ne trouve pas de travail qui lui permette de payer le loyer.]
      En règle générale, quand une usine ferme, ça a un impact sur les prix de l’immobilier local…
      Et je crains qu’en France, le problème soit surtout des propriétaires qui se retrouvent avec des biens immobiliers squattés, avec peu de réaction des pouvoirs publiques, qu’ils finissent par retrouver insalubres, propriétaires au demeurant qui bien souvent sont loin d’être des bourgeois avares perdant seulement une faible partie de leurs larges rentes. Dans quel pays « néolibéral » digne de ce nom, un individu peut si facilement se faire aliéner sans son consentement sa propriété ?
       
      [Curieusement, lorsque vous parlez de « décivilisation », vous ne prenez en compte que les faits divers. Pourquoi ne pas parler de la « décivilisation » dans les rapports du travail ?]
      Depuis quand les rapports (de force) spécifiques au travail sont-ils un indicateur du degré de civilisation d’une société ? La France du XIXe siècle n’était-elle pas « civilisée »? La cité d’Athènes, qui pratiquait sans vergogne l’esclavage (rapport de force ultime en défaveur du travailleur) dans l’antiquité, était-elle « barbare » ?
       
      [Le Brésil est un pays très intéressant pour un capitaliste. Si intéressant qu’il est la première destination des investissements en Amérique Latine (…)]
      C’est surtout compte tenu de son importance démographique qu’il est intéressant pour faire du volume. Le PIB/hab à PPA étant supérieur en Argentine qu’au Brésil, quant à la Bolivie, cet état se qualifie lui-même de plurinational. Mais à iso-population, lequel de ces deux pays est le plus intéressant : l’Uruguay ou le Brésil ? Sachant en plus que la spécificité de l’économie du Brésil est de faire du yo-yo.
       
      [Pourquoi cette différence ? Parce que l’Argentine a eu des gouvernements néolibéraux à tout crin]
      À ma connaissance, la politique économique de l’Argentine se caractérise par de violents mouvements de balanciers.
       
      [Cela dépend : si le premier pays vit dans un capitalisme avancé, ou la société de consommation est reine et les gens ont un fort pouvoir d’achat et se précipitent pour acheter en masse, et que dans le second on est dans une économie plus traditionnelle, ou les gens n’achètent que le minimum et font durer les biens, j’investirai dans le premier sans hésiter.]
      Ça se discute. Dans le second problème, si les gens achètent moins souvent, ils sont toutefois prêts à acheter plus cher pour une meilleure qualité, et payer en service pour la maintenance de leurs équipements. Les entreprises, dès qu’elles en ont l’opportunité, cherchent à se positionner sur le haut de gamme, l’exemple de Lidl étant frappant à cet égard.
       
      [Pourquoi croyez-vous que Carrefour se bat pour conquérir le marché brésilien et néglige le marché suisse ?]
      Parce qu’avec plus de 200 millions d’habitants d’un côté contre moins de 9 de l’autre, le Brésil permet de faire bien plus de volume qu’en Suisse.
       
      [En effet, imaginons le système ou j’élis un président sur la base d’un scrutin universel et parfaitement libre et pour vingt ans, période pendant laquelle il aura les pleins pouvoirs.]
      Ça n’est pas pour rien qu’aucun pays démocratique n’a de durée de mandat aussi longue.
       
      [A supposer même qu’il mette loyalement en œuvre son programme, il imposera donc à la société des mesures qui sont massivement rejetées.]
      Choisir, c’est renoncer.
       
      [Autrement dit, si l’on adopte votre définition, alors la « démocratie » est un mode de gouvernement bien peu efficace… En fait, ce que vous appelez « démocratie » ressemble plutôt à une forme de « dictature temporaire »]
      Au sens antique du terme, est dictateur toute personne nommée dans ces circonstances extra-ordinaire, avec des pouvoirs extra-ordinaires au regard des us et coutumes.
       
      [Je ne choisis pas entre la lèpre et le choléra. La première posture est hypocrite : même si je gagne les élections, je ne pourrai pas défaire ce qui a été fait.]
      Je considère que dans une démocratie idéale, tout ce qui a été réalisé par la majorité précédente pourrait être effacé par la suivante d’un trait de plume. D’ailleurs, une démocratie idéale n’est pas une démocratie représentative.
       
      [Je n’ai pas compris cette remarque. Vous trouvez que notre président « écoute » ? Ou pensez-vous qu’il n’écoute pas mais que cela ne devrait pas lui être reproché, dans la mesure où nous étions prévenus ?]
      Qu’il n’écoute pas, mais que cela ne peut lui être reproché dans la mesure où nous étions prévenus.
       
      [Et vous noterez que dans le cas d’espèce, je ne mets pas la chose sur le dos des néolibéraux, mais de la « dérégulation » qu’ils ont voulu, ce qui suppose que la chose est plutôt un effet collatéral qu’une conséquence prévue et souhaitée.]
      « Effets collatéraux » qui visiblement ne se manifestent pas uniformément de la même façon. Car dans le très néolibéral Chili, le pourtant très libertaire Gabriel Boric a déclaré tambour battant que les immigrés sont désormais persona non grata.
       
      [Ensuite, j’aimerais bien savoir comment vous faites pour classer les keynésiens parmi les « néolibéraux ». Si Hayek entendait ça…]
      Je qualifie de « néolibéral », toute doctrine économique s’inspirant du libéralisme classique ayant cherché à trouver les causes de la crise de 1929, et des solutions pour éviter qu’elle survienne à nouveau. Ainsi, le keynésianisme sied bien à cette définition. Par ailleurs, le « néolibéralisme » d’un Hayek n’a pas grand-chose à voir avec celui d’un Friedman (et à plus forte raison de celui d’un Maurice Allais, pourtant fondateur de la Société du Mont-Pèlerin).
       
      [D’où tirez-vous que Singapour « assume ses larges inégalités sociales » ? Singapour n’assume rien du tout. Singapour est une ville-état, où les riches sont singapouriens et les pauvres qui viennent le servir sont des travailleurs immigrés, un peu comme dans les micro-états du Golfe Persique ou à Monaco.]
      Disons qu’ils assument parfaitement de traiter comme moins que rien, la main d’œuvre immigrée faiblement qualifiée.
       
      [Tout à fait. Relisez le docteur Freud : le propre de l’inconscient, c’est justement de rester caché…]
      Rassurez moi : vous ne prenez tout de même pas au sérieux les fariboles de cet escroc ?
       
      [[Diriez-vous qu’ils ne sont pas civilisés ?]
      Je dirais qu’ils le sont moins, oui.]
      J’aime bien pour rigoler me payer la gueule du batave, avec son accent infâme, sa mentalité infâme.
      Mais soyons sérieux et revenons en au critère de « civilisation » basé sur les relations de confiance, en reprenant l’exemple du cabanon, alors les néerlandais sont un peuple plus civilisé que la France, ce qui ne veut pas dire que la vie y est plus enviable. C’est qu’être un peuple civilisé demande de l’effort, et qu’à partir d’un certain seuil, l’utilité marginale du degré de civilisation devient négligeable (le cas extrême étant le Japon).
       
      Bref, la France me fait penser à Orange mécanique, où malgré un fort volontarisme du gouvernement pour endiguer la misère, cela n’empêche pas la déliquescence de la société (HLM dépravés par l’incivisme de leurs résidants, contrôleur judiciaire impuissant, etc)…
      Une anarcho-tyrannie même, la préfecture de Haute-Savoie et le tribunal judiciaire d’Annecy n’ayant rien trouvé de mieux que d’interdire les manifestations à la suite du dramatique évènement d’aujourd’hui. C’est triste braves gens que vos enfants puissent se faire massacrer par des individus n’ayant rien à faire dans ce pays, mais il vous est formellement interdit de riposter, car dans un pays civilisé, il est hors de question de faire justice soi-même.

      • Descartes dit :

        @ François

        [Sauf votre respect, je crois que vous n’avez pas ouvert le lien, qui parle d’un sujet somme toute un peu éloigné du harcèlement scolaire.]

        La « booty therapy » ? Oui, j’ai regardé le lien, et je n’ai rien compris. Le seul truc que je retrouvé qui m’a paru à peu près avoir un rapport avec cette conversation était le harcèlement scolaire. J’ai manqué quelque chose ?

        [Admettons. Mais je crains malheureusement qu’il vaille mieux m’avoir avec un marteau et en conséquence une façon certaine de voir les problèmes que d’autres avec un couteau…]

        Non, il vaut mieux se doter des outils les plus adaptés au traitement de chaque situation…

        [Que voulez-vous Descartes, comme disait l’autre, les faits sont têtus, et ça n’est pas à cause des « néolibéraux » que des gosses dans leurs poussettes se font poignarder.]

        Là, j’ai du mal à vous suivre. Si vous considérez que c’est du fait de l’immigration incontrôlée que des gosses se font poignarder dans leurs poussettes, vous devriez blâmer ceux qui ont favorisé depuis des années cette immigration incontrôlée. Qui sont ceux qui ont toujours défendu la « libre circulation des hommes et des marchandises », par exemple. Qui sont ceux qui ont toujours poussé à l’internationalisation de la main d’œuvre pour pousser à la baisse les salaires. Et là-dedans, vous trouvez en première ligne les néolibéraux. Je vous rappelle que dans les années 1970-80, ce sont les communistes qui ont manifesté pour l’immigration zéro, et le CNPF, ancêtre du MEDEF, qui était farouchement contre. Schenguen, ce n’est pas les communistes qui l’ont fait, ce sont les néolibéraux de la Commission.

        C’est là une contradiction intéressante de votre discours : on ne peut à la fois défendre le capitalisme mondialisé des néolibéraux, et blâmer l’immigration qui n’est après tout le corollaire évident. Dans un système de libre circulation et de libre concurrence, le capital ira là où la rentabilité est la plus importante, le travail là où les salaires et allocations sont les plus favorables.

        [« Est-ce le cas ? Non, bien sûr que non : on observe la « decivilisation » dans des pays aussi différents que la Russie, le Mexique ou le Sénégal. Qui sont aussi « homogènes » aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a quarante ans. » Car justement, ils n’ont jamais vraiment été homogènes. Ces pays étaient dotés d’institutions qui n’y allaient pas de main morte (en particulier l’ex-URSS) pour faire régner l’ordre, mais sitôt ces institutions disparaissent que la nature reprend le dessus.]

        Je ne vois pas quelles étaient les « institutions qui n’allaient pas de main morte pour faire régner l’ordre » au Mexique ou au Sénégal, et qui auraient disparu récemment. Vous manquez le point : le fait est que la « décivilisation » s’observe autant dans des pays où le mix des populations s’est modifié que dans celui où cet équilibre est resté inchangé. Conclusion : ce n’est pas là la cause prédominante de la « décivilisation ». Cette cause serait plutôt à chercher dans l’effondrement des institutions, plutôt que dans les équilibres « ethniques ». Et dans cet effondrement, les néolibéraux ont joué un rôle signalé.

        [Je dirais que l’une des caractéristiques des sociétés « civilisées », c’est justement l’absence de nécessité de contrôle et de répression, que ça soit étatique (vertical) ou collectif (horizontal), pour que l’ordre règne :]

        Pourriez-vous me donner un seul exemple d’une « société civilisée » ? Soyons sérieux : sauf à vivre encore dans le monde idéal de Rousseau, l’homme est ce qu’il est : il est peut-être naturellement bon, mais il est meilleur quand on le surveille. La société sans répression, où chacun renonce volontairement et sans craindre quoi que ce soit à son « pouvoir de nuire » n’existe pas et n’a jamais existé. En fait, les sociétés réelles construisent des systèmes répressifs qui mélangent répression légale (celle de l’Etat) et extra-légale (celle exercée par les individus plus ou moins collectivement). Qu’il y ait une internalisation progressive des règles qui réduit radicalement le nombre de cas où cette répression s’exerce effectivement est une autre affaire. Mais la répression n’existe pas moins parce qu’elle est potentielle.

        [pour reprendre l’exemple de mon précédent commentaire, dans une société civilisée, un agriculteur pourra mettre en vente sa production dans un cabanon ouvert à tous, et ce sans aucune surveillance, qu’il sait d’avance que le soir, la valeur qu’il ne trouvera plus en fruits et légumes sur les étalages, il la retrouvera exactement en monnaie dans un bocal.]

        Pourriez-vous donner un exemple d’une société qui fonctionne ainsi ? Et d’ailleurs, est-ce qu’une telle société serait désirable ? Prenons votre exemple : imaginons que l’agriculteur en question soit le seul agriculteur de la région, et qu’il profite de ce fait pour augmenter ses prix de manière déraisonnable. L’acheteur pourrait-il se rebeller contre ces prix manifestement excessifs ? Ou doit-il sagement mettre dans le bocal le prix que le vendeur lui impose ?

        [Le capital social, à savoir les relations de confiance entre individus, y compris des tiers anonymes, est le bien le plus important de toute société, la fondation durable pour tout projet collectif.]

        Je suis d’accord. Mais la « confiance » traduit généralement la présence d’un gros bâton. Si dans certaines cultures une poignée de main scelle un contrat, ce n’est pas parce que les gens ont « confiance » de manière idéaliste, mais parce que celui qui ne tiendrait pas sa parole serait radié de la communauté et personne ne voudrait plus faire d’affaires avec lui. Autrement dit, la « confiance » apparaît lorsque votre interlocuteur a beaucoup à perdre à manque à sa parole…

        [Ça n’est pas pour rien que les sociétés homogènes sont celles qui sont dotées d’états providences digne de ce nom, et c’est pour cela que je fais du retour de l’homogénéité nationale une priorité.]

        Vous trouvez des états-providence très développés dans des pays très hétérogènes (l’URSS est un cas exemplaire, mais vous pouvez aussi penser au Canada) et des états-providence défaillants dans des pays très homogènes, comme Madagascar. J’ajoute que vous supposez que l’homogénéité est un facteur de « confiance ». Pensez à l’Irlande, territoire extrêmement homogène du point de vue ethnique, et pourtant siège d’un conflit sanglant plusieurs fois séculaire… alors il faudrait peut-être préciser ce que vous entendez par « société homogène », parce qu’il est clair qu’une application du sens habituel de ce terme n’aboutit pas au résultat que vous escomptez.

        [Bref, plus une nation est hétérogène, plus le besoin d’avoir un état policier afin de maintenir l’ordre public est important.]

        Diriez-vous que les Etats-Unis, pays hétérogène, ont plus besoin d’un « état policier » que des pays homogènes comme l’Arabie Saoudite ? Encore une fois, vous énoncez une loi générale qui est contredite par la réalité. Et je réitère ma question : qu’est ce que vous appelez exactement une « nation hétérogène » ? A quoi se mesure l’homogénéité d’une société dans votre vision ?

        [« Par ailleurs, vous faites une deuxième erreur : les pays comme la Corée du Sud ou le Japon ne sont pas autant « capitalistes » que nous. » En quoi seraient-ils moins « capitalistes » que nous ? Car à ma connaissance, ces pays possèdent des économies de marché, basées sur la propriété privée et vénale, la liberté contractuelle, etc,]

        Ce qui caractérise le capitalisme, ce n’est pas la manière dont les biens sont échangés, mais la manière dont ils sont produits. Ce qui caractérise le capitalisme, c’est le fait que le travailleur vend librement sa force de travail dans un marché, et que le capitaliste l’achète. Or, pour des raisons sociales et traditionnelles, la vente et l’achat de la force de travail sont beaucoup moins « libres » dans des pays comme la Corée du Sud que cela peut être le cas dans les pays « libéraux ». Le capitalisme paternaliste est un héritage des rapports féodaux, et c’est pourquoi d’ailleurs il tend à disparaître au fur et à mesure que les rapports capitalistes s’approfondissent…

        [« l’organisation de la production reste largement marquée par les structures féodales » Ce que vous me citez, c’est de la culture d’entreprise d’un type paternaliste, au même titre historiquement que le paternalisme de Michelin, de Peugeot, etc, et qui globalement existait dans le capitalisme occidental jusque dans les années 70.]

        Exactement. Des rapports que le capitalisme a hérité du mode de production antérieur, et qui se sont éteints au fur et à mesure que le capitalisme s’approfondit.

        [De plus ce serait une erreur que de croire que l’emploi à vie dans un chaebol/keiretsu soit encore la généralité là-bas : (…)]

        Le texte que vous citez ne soutient nullement votre point de vue. Regardez le titre de l’article : « au Japon le chômage au plus bas depuis 20 ans sans aucune croissance ». Il faudrait m’expliquer comment, s’il n’y a pas une logique de sécurité de l’emploi à vie, les entreprises gardent leur personnel alors que la croissance est nulle. Qu’on ait plus de difficulté à trouver un emploi en milieu de carrière qu’aux deux bouts, c’est une chose. Que les entreprises licencient leur personnel dès qu’ils n’en ont pas besoin, c’en est une autre.

        [« Le travailleur licencié par simple mail parce que son patron a décidé qu’il était plus rentable de déplacer l’usine en Bulgarie ou parce qu’il est jugé trop vieux » Je comprends parfaitement la déception des salariés de voir l’entreprise dans laquelle, pour certains ont travaillé des décennies, fermer. Lors de la liquidation de Camaïeu, dans les témoignages des reportages que j’écoutais, la colère des ex-salariés venait plus du gâchis ayant conduit à la faillite d’une entreprise à laquelle ils étaient attachés, que de la crainte concernant leurs perspectives d’avenir.]

        Dites-vous bien que les témoignages que vous avez écoutés sont sélectionnés. La télévision ne vous passe pas tout ce que les gens disent, mais les témoignages les plus « dramatiques », ceux qui permettent aux classes intermédiaires, qui sont celles qui réalisent les émissions, de s’identifier. Rappeler que ces gens auront du mal demain à nourrir leurs enfants, c’est d’un mauvais goût…

        [Car, le problème de la France n’est pas le néolibéralisme, mais qu’elle a le cul entre deux chaises. La France a décidé de s’ouvrir au libre échangisme tout en maintenant son modèle social, générant un différentiel de compétitivité prix rendant ces cas de figure hélas inévitables, pire générant un cercle vicieux où les surcoûts liés au maintien du niveau de vie des chômeurs, pèsent sur le coût de la main d’œuvre restante et/ou l’endettement, etc.]

        Tout à fait. Les néolibéraux français ont ouvert le pays au libre-échange, mais comme il est difficile d’envoyer l’armée tirer sur les salariés, ils n’ont pas réussi à baisser le niveau de vie des classes populaires assez rapidement. Mais rassurez-vous, c’est en cours. Dans quelques années, nous serons en mesure de concurrencer le Bangladesh. Et alors, plus d’endettement, plus de surcoûts, le paradis quoi. Le paradis pour les capitalistes, s’entend…

        [Aussi, si la France était vraiment néolibérale, les seules réglementations et administrations publiques restantes, hors « régalien », seraient celles assurant de l’atomicité du marché. Avec des résultats bien plus « violents » que ceux actuels…]

        On y arrive, on y arrive…

        [Ainsi, d’un point de vue économique, le problème de la France (et de nombre de pays occidentaux) n’est pas son « néolibéralisme »,]

        C’est drôle : lorsque vous parlez d’avoir « le cul entre deux chaises », de « s’être ouvert au libre-échangisme tout en conservant le modèle social », on voit bien qu’il y a deux choix possibles : on aurait pu choisir une chaise ou l’autre, l’ouverture au libre échangisme en liquidant le modèle social, ou bien au contraire garder le modèle social dans une perspective protectionniste. Mais à la phrase suivante il s’avère que le seul choix possible serait le choix néolibéral, et que le « problème » est plus qu’on est resté au milieu du gué, et non qu’on s’y est engagé en premier lieu…

        Je me place dans une autre perspective : pour moi, le problème est bien qu’on a adopté le modèle néolibéral, plutôt que de rester dans une économie régulée. Il n’y a rien de fatal dans le libre-échange, des pays fort convenables – les Etats-Unis, la Suisse – ont gardé des logiques protectionnistes et ne s’en portent pas plus mal. Le choix du modèle néolibéral nous conduit – pas assez vite à votre goût, mais rassurez-vous, on y arrivera – à sacrifier le modèle social, la cohésion de la société, et même les institutions à la logique de marché. Et c’est là que j’ai du mal à vous comprendre : vous vous inquiétez de la « décivilisation » lorsqu’elle conduit à la violence dans la voie publique, mais vous l’appelez de vos vœux dans la sphère de la production, du travail, du social. Et c’est là que l’immigration devient un rideau de fumée commode : attribuer la « décivilisation » à une « perte d’homogénéité » permet d’occulter les liens entre cette « décivilisation » et les transformations économiques. Il est illusoire d’imaginer qu’on peut licencier les gens comme des malpropres avec des indemnités ridicules, qu’on peut précariser le travail et le soumettre à la toute puissance du capital, et garder une société « civilisée ».

        [Or nous savons tous comment cela se termine si un pays consomme sur le long terme plus qu’il ne produit…]

        Ah bon ? Comment ? Les Etats-Unis font cela depuis plus de cinquante ans, et je n’ai pas l’impression que les Américains soient sur la paille…

        [Par ailleurs, le coefficient de Gini en France est bien plus faible qu’il l’était durant les trente glorieuses : (…)]

        Le coefficient de Gini ne mesure que les inégalités de revenu. Or, il y a une modification importante de la structure des patrimoines depuis les « trente glorieuses ». A mon âge, mes parents étaient locataires, alors que je suis propriétaire. Autrement dit, avec le même revenu je n’ai pas à payer un loyer. Par ailleurs, une partie des revenus du capital échappent à ce calcul, puisque beaucoup d’entreprises sont installées dans des paradis fiscaux et les revenus distribués ne sont pas rapatriés en France.

        [Il suffit par ailleurs de se rappeler du tollé que ça a suscité quand François Bayrou a dit qu’à 4k€/mois, (soit un peu moins de 2,5 fois le salaire médian) on n’est pas « riche ».]

        Je n’ai pas compris quelle conclusion vous tirez de ce « tollé », somme toute fort relatif…

        [Bref, dans le cas présent le problème de la France ne vient pas d’une inégalité de richesses, qui serait d’un niveau équivalent aux âges les plus sombres de la révolution industrielle.]

        Je ne sais plus de quel « problème » vous parlez. Le « problème de la France » n’est pas le même selon qu’on le regarde depuis une cité populaire de Hénin-Beaumont ou d’un appartement du Boulevard Raspail. Mais d’une manière générale, les « inégalités » ne sont jamais le problème. Les gens sont parfaitement prêts à accepter les « inégalités » lorsque la situation de tous s’améliore, autrement dit, lorsque l’ensemble de la société a une perspective positive. C’est pourquoi les discours sur les « inégalités » était marginal pendant les « trente glorieuses ». Il devient beaucoup plus présent lorsque la perspective est positive pour ceux d’en haut et négative pour ceux d’en bas, autrement dit, lorsqu’on a l’impression que les uns s’enrichissent sur l’appauvrissement des autres. Pour utiliser votre formule « le problème de la France » se situe plutôt là.

        [Même si je suis parfaitement conscient, avec notre enseignement supérieur quasi-gratuit, que c’est particulièrement ingrat de leur part, je suis surtout inquiet pour la France de voir ses éléments les plus qualifiés aller vers d’autres cieux où l’herbe est plus verte pour eux (Yann Le Cun étant l’exemple le plus frappant)…]

        On ne peut pas vouloir la liberté de marché, et pleurer sur ses conséquences. Si les compétences se vendent sur un marché, elles iront là où on peut les payer au mieux. L’idée que les gens resteront dans le pays qui les a formé par esprit de gratitude…

        [« Idem pour celui qui est expulsé de son logement parce qu’il ne trouve pas de travail qui lui permette de payer le loyer. » En règle générale, quand une usine ferme, ça a un impact sur les prix de l’immobilier local…]

        Renault Billancourt a fermé, et vingt ans plus tard je n’ai pas l’impression que les prix de l’immobilier aux alentours aient beaucoup baissé. Les effets de la fermeture d’une usine sur les prix de l’immobilier n’est pas aussi mécanique que vous le croyez.

        [Et je crains qu’en France, le problème soit surtout des propriétaires qui se retrouvent avec des biens immobiliers squattés, avec peu de réaction des pouvoirs publiques, qu’ils finissent par retrouver insalubres, propriétaires au demeurant qui bien souvent sont loin d’être des bourgeois avares perdant seulement une faible partie de leurs larges rentes.]

        Avez-vous une statistique ? Quel est le pourcentage de logements squattés sur l’ensemble ? Je crains malheureusement que ce ne soit qu’une goute d’eau comparé au nombre de « bourgeois avares » qu’on connaît sous le nom de « marchands de sommeil », et qui louent pour des prix astronomiques des logements insalubres.

        [Dans quel pays « néolibéral » digne de ce nom, un individu peut si facilement se faire aliéner sans son consentement sa propriété ?]

        Aucun même pas le nôtre : pour un tarif fort modique vous trouvez sur le port de Marseille des gens qui vous débarrasseront des occupants indélicats. C’est cela, l’économie de marché.

        [« Curieusement, lorsque vous parlez de « décivilisation », vous ne prenez en compte que les faits divers. Pourquoi ne pas parler de la « décivilisation » dans les rapports du travail ? » Depuis quand les rapports (de force) spécifiques au travail sont-ils un indicateur du degré de civilisation d’une société ?]

        Depuis la nuit des temps. On pourrait même dire que l’histoire de la « civilisation » est l’histoire de la régulation des rapports de travail. Depuis la plus haute antiquité, on soustrait les rapports entre le travailleur et l’employeur au pur rapport de force. Les codes babyloniens contiennent déjà des dispositions sur ce qu’on avait le droit de faire faire ou pas à un esclave. Il est difficile de trouver une seule société historique où ces rapports aient été de purs rapports de force.

        [La France du XIXe siècle n’était-elle pas « civilisée »? La cité d’Athènes, qui pratiquait sans vergogne l’esclavage (rapport de force ultime en défaveur du travailleur) dans l’antiquité, était-elle « barbare » ?]

        Contrairement à ce que vous pensez, les esclaves à Athènes n’étaient pas livrés au bon vouloir de leur maître. Le pouvoir de ce dernier était limité par les lois et les coutumes de la cité, et pas seulement par les rapports de force. L’esclavage n’est en rien un « rapport de force ultime », c’est un statut au même titre que celui de salarié, et si vous lisez le « code noir » vous verrez que les esclaves avaient légalement des droits dont les salariés n’ont bénéficié qu’au milieu du XXème siècle. Après, vous me direz que l’application effective de ces règles dépendaient du rapport de force… mais cela est vrai de nos jours aussi !

        [« Le Brésil est un pays très intéressant pour un capitaliste. Si intéressant qu’il est la première destination des investissements en Amérique Latine (…) » C’est surtout compte tenu de son importance démographique qu’il est intéressant pour faire du volume.]

        Faut savoir : vous aviez écrit qu’on risquait « finir dans le meilleur des cas comme le Brésil, un pays au fond assez peu intéressant pour un « capitaliste » ». Et maintenant vous admettez que le Brésil est bien un pays très intéressant pour un capitaliste ? Décidez-vous…

        Si les conditions de production étaient meilleures en Argentine, le capital irait là-bas pour ensuite vendre sur le marché brésilien. Non, si le capital va vers le Brésil, c’est surtout parce que le pays est attractif par sa main d’œuvre abondante et bon marché et par la stabilité de ses politiques économiques protectionnistes, quel que soit le régime politique du jour. Encore un exemple où « l’homogénéité » du pays ne joue aucun rôle.

        [« Pourquoi cette différence ? Parce que l’Argentine a eu des gouvernements néolibéraux à tout crin » À ma connaissance, la politique économique de l’Argentine se caractérise par de violents mouvements de balanciers.]

        Pas du tout. La politique argentine se distingue par de puissants mouvements de balancier. Mais la politique ECONOMIQUE est la même depuis le coup militaire de 1976 : une politique de monnaie forte – qui permet aux classes intermédiaires d’accéder aux biens d’importation a des prix raisonnables. Comme cette politique est intenable sur le long terme, elle conduit périodiquement à des explosions qui ajustent la valeur de la monnaie. Mais après l’explosion, on refait la même chose… jusqu’à l’explosion suivante. En Argentine, le dernier gouvernement à avoir fait une politique industrialiste à la brésilienne date de… 1972.

        [« Cela dépend : si le premier pays vit dans un capitalisme avancé, ou la société de consommation est reine et les gens ont un fort pouvoir d’achat et se précipitent pour acheter en masse, et que dans le second on est dans une économie plus traditionnelle, ou les gens n’achètent que le minimum et font durer les biens, j’investirai dans le premier sans hésiter. » Ça se discute. Dans le second problème, si les gens achètent moins souvent, ils sont toutefois prêts à acheter plus cher pour une meilleure qualité, et payer en service pour la maintenance de leurs équipements. Les entreprises, dès qu’elles en ont l’opportunité, cherchent à se positionner sur le haut de gamme, l’exemple de Lidl étant frappant à cet égard.]

        Mais dans le paragraphe suivant, vous dites exactement le contraire :

        [« Pourquoi croyez-vous que Carrefour se bat pour conquérir le marché brésilien et néglige le marché suisse ? » Parce qu’avec plus de 200 millions d’habitants d’un côté contre moins de 9 de l’autre, le Brésil permet de faire bien plus de volume qu’en Suisse.]

        Alors, décidez-vous : le capital cherche le volume, ou la montée en gamme ? Si je suis l’argument que vous avez présenté dans le paragraphe antérieur, Carrefour devrait investir en Suisse plutôt qu’au Brésil. Or, ce n’est pas ce qu’on observe. Le capitalisme tend à favoriser les produits peu durables, renouvelés fréquemment, plutôt que les biens durables. Il est d’ailleurs bien connu que les biens durables sont des investissements qui rapportent peu – laissons de côté le domaine du luxe, chez qui la fixation du prix échappe aux règles de marché « libre et non faussé ».

        [« En effet, imaginons le système ou j’élis un président sur la base d’un scrutin universel et parfaitement libre et pour vingt ans, période pendant laquelle il aura les pleins pouvoirs. » Ça n’est pas pour rien qu’aucun pays démocratique n’a de durée de mandat aussi longue.]

        Si je m’en tiens à la définition que vous avez proposée, la durée du mandat ne fait rien à l’affaire. Dès lors que le gouvernant est élu pour un terme limité, je rentre dans vos critères.

        [« A supposer même qu’il mette loyalement en œuvre son programme, il imposera donc à la société des mesures qui sont massivement rejetées. » Choisir, c’est renoncer.]

        Je ne vois pas le rapport. La question est ici de savoir si la démocratie conduit à prendre des mesures que le peuple accepte. De ce point de vue, la démocratie telle que vous l’avez définie est peu efficace.

        [« Je ne choisis pas entre la lèpre et le choléra. La première posture est hypocrite : même si je gagne les élections, je ne pourrai pas défaire ce qui a été fait. » Je considère que dans une démocratie idéale, tout ce qui a été réalisé par la majorité précédente pourrait être effacé par la suivante d’un trait de plume.]

        Autrement dit, votre démocratie idéale n’est possible que si le temps est réversible. Parce que, même si un gouvernement peut abroger « d’un trait de plume » les lois faites par ses prédécesseurs, il ne peut effacer leurs effets, sauf à pouvoir tourner les horloges en arrière. Si j’ai 60 ans et que le gouvernement décide de passer l’âge de la retraite 60 à 65 ans, je devrais continuer à travailler cinq ans de plus. Et si cinq ans plus tard son successeur revient à 60 ans, aucun retour en arrière n’est possible pour moi. Vous me direz qu’on pourrait toujours m’indemniser… mais quid si je suis mort dans l’intervalle ? Et si un gouvernant engage une guerre, que peut faire son successeur pour ressusciter les morts ?

        [D’ailleurs, une démocratie idéale n’est pas une démocratie représentative.]

        Si je m’en tiens à votre définition, si. Faudrait vous décider…

        [« Je n’ai pas compris cette remarque. Vous trouvez que notre président « écoute » ? Ou pensez-vous qu’il n’écoute pas mais que cela ne devrait pas lui être reproché, dans la mesure où nous étions prévenus ? » Qu’il n’écoute pas, mais que cela ne peut lui être reproché dans la mesure où nous étions prévenus.]

        Je ne me souviens pas que nous ayons été prévenus qu’il ne nous écouterait pas. A ma connaissance, il ne nous l’a jamais dit explicitement. Il est vrai qu’on avait les cinq ans d’expérience de son premier mandat, mais justement, il nous avait promis qu’il avait changé… tiens, d’ailleurs, j’y pense : de la même manière qu’il avait promis de reculer l’âge de la retraite, il avait promis d’écouter le peuple. Lorsque ces deux promesses entrent en contradiction, laquelle prime dans votre système ?

        [« Et vous noterez que dans le cas d’espèce, je ne mets pas la chose sur le dos des néolibéraux, mais de la « dérégulation » qu’ils ont voulu, ce qui suppose que la chose est plutôt un effet collatéral qu’une conséquence prévue et souhaitée. » « Effets collatéraux » qui visiblement ne se manifestent pas uniformément de la même façon. Car dans le très néolibéral Chili, le pourtant très libertaire Gabriel Boric a déclaré tambour battant que les immigrés sont désormais persona non grata.]

        Oh… des déclarations, cela ne coûte pas cher. Nous avons bien eu chez nous des politiques qui ont promis de « changer la vie »… et qui l’ont changée mais pas dans le sens promis. Quand le Chili fermera ses frontières à l’immigration et que le « bloc dominant » chilien emploiera dans ses usines et ses maisons du personnel chilien payé des salaires chiliens, plutôt que des Boliviens ou des Péruviens payés au lance-pierre, on en reparlera. Parler, ça ne coûte pas grand-chose.

        [« Ensuite, j’aimerais bien savoir comment vous faites pour classer les keynésiens parmi les « néolibéraux ». Si Hayek entendait ça… » Je qualifie de « néolibéral », toute doctrine économique s’inspirant du libéralisme classique ayant cherché à trouver les causes de la crise de 1929, et des solutions pour éviter qu’elle survienne à nouveau.]

        Avec une telle définition, effectivement, on aboutit à intégrer dans le « néolibéralisme » tous les économistes libéraux ayant exercé après 1929. Mais du coup, on fait rentrer dans le « néolibéralisme » des positions et des options tellement différentes que le terme perd tout son sens.

        [Ainsi, le keynésianisme sied bien à cette définition. Par ailleurs, le « néolibéralisme » d’un Hayek n’a pas grand-chose à voir avec celui d’un Friedman (et à plus forte raison de celui d’un Maurice Allais, pourtant fondateur de la Société du Mont-Pèlerin).]

        Bien sur que si. Même s’il y a entre eux quelques différentes, notamment sur les solutions à mettre en œuvre, leur analyse du fonctionnement de l’économie est assez semblable.

        [« D’où tirez-vous que Singapour « assume ses larges inégalités sociales » ? Singapour n’assume rien du tout. Singapour est une ville-état, où les riches sont singapouriens et les pauvres qui viennent le servir sont des travailleurs immigrés, un peu comme dans les micro-états du Golfe Persique ou à Monaco. » Disons qu’ils assument parfaitement de traiter comme moins que rien, la main d’œuvre immigrée faiblement qualifiée.]

        Encore une fois, ils n’assument rien du tout. Je ne connais pas de publication officielle du gouvernement singapourien où l’on puisse lire « nous traitons comme moins que rien la main d’œuvre faiblement qualifiée ». Il y a une grande différence entre commettre un acte et « l’assumer ». Assumer un acte, c’est accepter de payer – symboliquement et matériellement – pour ses conséquences. Je ne vois pas que Singapour « assume » quoi que ce soit ici.

        [« Tout à fait. Relisez le docteur Freud : le propre de l’inconscient, c’est justement de rester caché… » Rassurez moi : vous ne prenez tout de même pas au sérieux les fariboles de cet escroc ?]

        Ca dépend de quelles « fariboles ». La structure de l’inconscient, oui.

        [J’aime bien pour rigoler me payer la gueule du batave, avec son accent infâme, sa mentalité infâme.
        Mais soyons sérieux et revenons en au critère de « civilisation » basé sur les relations de confiance,]

        Personnellement, je n’en fait pas de cette question de « confiance » un critère de civilisation. Dans les sociétés très primitives, où il n’y a pas de propriété privée, pas grande chose à voler, et une forme de dépendance absolue à la communauté, la « confiance » est absolue. Et pourtant, je n’appelle pas cela « civilisation ». Pour moi, la « civilisation » est plutôt attachée à la complexité des rapports qu’une société arrive à bâtir. Mais admettons un instant votre définition :

        [en reprenant l’exemple du cabanon, alors les néerlandais sont un peuple plus civilisé que la France, ce qui ne veut pas dire que la vie y est plus enviable.]

        Si être « civilisé » ne rend pas la vie plus agréable, plus intéressante, plus « enviable » pour utiliser votre terme, alors au diable la civilisation… Je doute par ailleurs que le « cabanon » que vous décrivez fonctionne en pays batave…

        [C’est triste braves gens que vos enfants puissent se faire massacrer par des individus n’ayant rien à faire dans ce pays,]

        Pourquoi, s’ils se font massacrer par des gens ayant quelque chose à faire dans le pays, c’est acceptable ? Je vous rappelle que ce n’est pas le premier cas de violence contre les enfants, et qu’ils sont aussi commis par des gens bien de chez nous. Souvenez-vous d’Erick Schmitt, et de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly.

        Pour le reste, franchement, je trouve qu’on a gonflé cette affaire hors de proportion. Qu’un déséquilibré – car selon toute vraisemblance il s’agit d’un déséquilibré – s’attaque à des enfants, c’est horrible, bien entendu. Mais cela reste un fait divers. Qu’on arrête la séance à l’Assemblée nationale, que le ministre, le premier ministre, et même le président se déplacent, cela n’a pas de sens. Pourquoi pas des funérailles nationales aux victimes, puisqu’on y est ?

      • François dit :

        @Descartes,
        Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour cette réponse tardive et surtout pour cette très longue réponse obligée de tenir sur deux commentaires.
        [La « booty therapy » ? Oui, j’ai regardé le lien, et je n’ai rien compris. Le seul truc que je retrouvé qui m’a paru à peu près avoir un rapport avec cette conversation était le harcèlement scolaire. J’ai manqué quelque chose ?]
        Je doute fort que cela corresponde au raffinement civilisationnel attendu par un Renaud Camus. D’ailleurs, il a forgé un terme pour cela : le « petit remplacement », à savoir l’acculturation des Français, non seulement à l’américanisation, mais également au mœurs des grands remplaceurs, dans le cas présent à des pratiques complètement simiesques. Une assimilation à l’envers en somme, dont Franck Ribéry est le porte-étendard.
        Mais bon qui somme nous pour juger, si se mettre à « twerker » constitue ou non un signe de décivilisation, et revenons en à des éléments plus facilement qualifiables, quantifiables.
         
        [Je vous rappelle que dans les années 1970-80, ce sont les communistes qui ont manifesté pour l’immigration zéro, et le CNPF, ancêtre du MEDEF, qui était farouchement contre. Schenguen, ce n’est pas les communistes qui l’ont fait, ce sont les néolibéraux de la Commission.]
        Je ne nie pas la responsabilité historique du patronat tout comme je ne nie pas l’opposition du PCF à l’époque. Oui, le patronat porte une lourde responsabilité en ayant importé massivement des populations de faible qualité au lieu d’investir dans l’automatisation.
        Ceci dit, les premiers à avoir mis en garde contre les dangers de l’immigration, sont des libéraux comme Enoch Powell, (qui ironie de l’histoire, a eu droit à une grève de soutien des dockers après son limogeage des Tories, consécutif à son fameux discours).
         
        Seulement à partir d’un moment, je doute fort de la pertinence de faire venir en masse de la main-d’œuvre de populations, dont plus d’un tiers des individus souffrent de troubles psychiques comme c’est le cas précédemment (https://www.fdesouche.com/2023/06/11/une-etude-de-2020-montre-que-36-des-migrants-souffrent-de-troubles-psychiques-contre-10-des-francais-le-systeme-psychiatrique-francais-sature-par-ces-populations/). C’est que si c’est bien d’avoir une main d’œuvre payée au lance-pierre, ça le devient beaucoup moins si elle est particulièrement instable.
        Tout comme je doute fort que si l’immigration actuelle était essentiellement une immigration de travail, on trouverait des patrons faisant pleurer les chaumières, à cause de ces satanés de Français qui ne veulent pas faire des travaux payés au lance-pierre.
        D’ailleurs, si j’étais membre du patronat, je ferais en sorte que les standards d’importation de la main-d’œuvre soient les mêmes que ceux des états du Golfe afin de bien s’assurer qu’elle soit docile. On en est loin pour le moment.
         
        [C’est là une contradiction intéressante de votre discours : on ne peut à la fois défendre le capitalisme mondialisé des néolibéraux]
        Qui vous dit que je soutiens le capitalisme mondialisé des néo-libéraux ?
         
        [Dans un système de libre circulation et de libre concurrence, le capital ira là où la rentabilité est la plus importante, le travail là où les salaires et allocations sont les plus favorables.]
        Dans un modèle où la libre circulation est ouverte en effet. Mais dans le cas de la France, il y a une donnée en plus, qui elle n’est pas conforme à l’attendu néolibéral, celui d’un système de solidarité ouvert aux quatre vents ayant pour conséquence d’attirer des masses parasitaires. Car l’élève modèle du néolibéralisme de la Kommission qu’est l’Estonie ne se transforme pas en cloaque comme la France.
         
         
        [Je ne vois pas quelles étaient les « institutions qui n’allaient pas de main morte pour faire régner l’ordre » au Mexique ou au Sénégal, et qui auraient disparu récemment.]
        Disons qu’au moins pour le Sénégal, que Léopold Sédar Senghor était une main de fer dans un gant de velours.
         
        [Vous manquez le point : le fait est que la « décivilisation » s’observe autant dans des pays où le mix des populations s’est modifié que dans celui où cet équilibre est resté inchangé.]
        La question porte plus sur la statique que la dynamique. Et dans les pays où l’homogénéité est à un niveau haut, la Hongrie par exemple, on n’assiste pas à cette décivilisation, indépendamment des réformes économiques néolibérales. L’homogénéité est une condition nécessaire mais pas suffisante pour parvenir à de bas taux de violence.
         
         
        [Cette cause serait plutôt à chercher dans l’effondrement des institutions, plutôt que dans les équilibres « ethniques ». Et dans cet effondrement, les néolibéraux ont joué un rôle signalé.]
        Si ces institutions ont disparu, c’est parce qu’elles étaient intenables sur le long terme, pour répondre sur le cas du Mexique, son économie était basée sur la rente pétrolière.
         
        [La société sans répression, où chacun renonce volontairement et sans craindre quoi que ce soit à son « pouvoir de nuire » n’existe pas et n’a jamais existé.]
        Disons qu’il y a des sociétés qui s’en rapprochent plus que d’autres de cet état idéal.
         
        [La société sans répression, où chacun renonce volontairement et sans craindre quoi que ce soit à son « pouvoir de nuire » n’existe pas et n’a jamais existé. (…)
        Qu’il y ait une internalisation progressive des règles qui réduit radicalement le nombre de cas où cette répression s’exerce effectivement est une autre affaire.]
        En quoi est-ce une autre affaire ?
         
        [Pourriez-vous donner un exemple d’une société qui fonctionne ainsi ? Et d’ailleurs, est-ce qu’une telle société serait désirable ?]
        https://twitter.com/DamienRieu/status/1665727832717238274
        Je ne sais pas si c’est « désirable ». À vous de décider s’il est désirable ou non de vivre dans une société où vous n’avez pas à investir dans des systèmes de surveillance, de ne pas vivre dans la suspicion permanente envers les tiers, le tout sans même faire l’objet d’une surveillance permanente, verticale ou horizontale ; où vos enfants peuvent jouer sans crainte à l’extérieur du domicile.
         
        [L’acheteur pourrait-il se rebeller contre ces prix manifestement excessifs ? Ou doit-il sagement mettre dans le bocal le prix que le vendeur lui impose ?]
        C’est censé changer quoi concrètement qu’il ne puisse se rebeller contre ces prix car sa psyché l’en empêche, ou parce-que la boutique est tenue par un garde armé ?
        Dans quelle société d’ailleurs, cela a plus de chances de se produire ? Dans celle où le vendeur est coupé du monde, entouré de gardes/ prêt à dégainer son arme au moindre comportement suspect, ou celle où il peut sans crainte discuter avec ses clients ?
         
        [Je suis d’accord. Mais la « confiance » traduit généralement la présence d’un gros bâton.]
        Non, justement, cette confiance est celle de l’absence de présence d’un gros bâton. Celle où l’on peut déposer son vélo sans mettre de cadenas et qu’il ne se fasse pas voler, le vol des vélos étant le cadet des soucis des gros bâtons.
        De plus quand vous vous rendez chez quelqu’un (relation proche ou non), qu’est-ce qui vous empêche de piocher dans ses affaires dès qu’il a le dos tourné ? Qu’il appelle la police pour vous coffrer (le gros bâton) ? La honte que tout le monde le sache ? Ou le respect que vous lui portez, l’intériorisation de certaines règles de décence ?
         
        [Autrement dit, la « confiance » apparaît lorsque votre interlocuteur a beaucoup à perdre à manque à sa parole…]
        Elle apparaît quand l’interlocuteur a parfaitement intégré ce classique de la théorie du jeu, qu’est le dilemme du prisonnier. Ou tout du moins que la perte de son estime de soi est importante.
         
        [Vous trouvez des états-providence très développés dans des pays très hétérogènes (l’URSS est un cas exemplaire, mais vous pouvez aussi penser au Canada)]
        Au Canada, la sécurité sociale est principalement du ressort des provinces, quant à l’URSS, on a vu ce qu’il s’est passé sitôt la pression de l’état policier disparue…
         
        [et des états-providence défaillants dans des pays très homogènes, comme Madagascar.]
        Bien entendu, ça serait mensonger que de dire que la seule homogénéité est suffisante pour posséder un état providence développé. Les mécanismes mentaux de la population permettant l’émergence d’une économie prospère en font également partie.
         
        [Pensez à l’Irlande, territoire extrêmement homogène du point de vue ethnique, et pourtant siège d’un conflit sanglant plusieurs fois séculaire…]
        L’Irlande avec l’arrivée des Anglais et de leur protestantisme a justement perdu son homogénéité.
         
        [[Bref, plus une nation est hétérogène, plus le besoin d’avoir un état policier afin de maintenir l’ordre public est important.]
        L’Arabie Saoudite, un pays homogène ? Avec son fonctionnement encore tribal et sa forte minorité chiite ?
         
        [Et je réitère ma question : qu’est ce que vous appelez exactement une « nation hétérogène » ? A quoi se mesure l’homogénéité d’une société dans votre vision ?]
        L’homogénéité se partage à l’ensemble des « mèmes » partagés par la population, des plus simples règles de sociabilité, en passant par la langue, jusqu’aux références historiques. En partageant ces « mèmes », deux individus peuvent anticiper le comportement d’autrui, et donc ne pas se retrouver à une réaction négative inattendue, ce qui accroît la confiance, tout comme lesdits « mèmes » renforcent par la même occasion le sentiment d’appartenance de groupe, qui en retour favorise la solidarité de groupe. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde pense la même chose, car comme l’a fait remarquer un contributeur de votre blog, Jaurès et Maurras ne pensaient pas la même chose, mais ils partageaient néanmoins de mêmes références culturelles. Marcel Pagnol dans ses écrits autobiographiques narrait que son père, instituteur laïc et son oncle par alliance catholique malgré quelques frictions, partageaient de bonnes vacances en famille. Si l’un des protagonistes était un salafiste, cela aurait impossible.
        Et traduit en termes économiques, l’homogénéité veut dire de moindres coûts de transaction.
         
         
        [Exactement. Des rapports que le capitalisme a hérité du mode de production antérieur, et qui se sont éteints au fur et à mesure que le capitalisme s’approfondit.]
        Seulement l’émergence du paternalisme est postérieure à la révolution industrielle capitaliste, les patrons intelligents ayant compris que les surcoûts de ce genre d’organisation sont largement compensés par les gains de productivité. Henri Ford a fondé sa boîte à un moment où le capitalisme était déjà à un stade avancé aux États-Unis, pays au demeurant vierge de toute mentalité féodale. Et pourtant son paternalisme était quelque chose d’assez novateur dans le paysage industriel américain. Je n’ai plus la référence, mais je me souviens avoir lu que ce paternalisme était un moyen pour entre autres faire accepter aux ouvriers un travail devenu particulièrement abrutissant.
        Car in fine qu’est-ce que le paternalisme ? Ça n’est qu’une méthode de management, dans laquelle on cherche à fidéliser le salarié afin de réduire les coûts liés à la rotation de l’emploi, et lui donner des motivations pour qu’il soit plus productif au travail. Un simple calcul coûts/bénéfices pour le capitaliste donc. Henri Ford justement, ayant justement été très loin d’être un homme avec le cœur sur la main, possédant des reliquats de mentalité féodale.
         
        [Le texte que vous citez ne soutient nullement votre point de vue. Regardez le titre de l’article : « au Japon le chômage au plus bas depuis 20 ans sans aucune croissance ». Il faudrait m’expliquer comment, s’il n’y a pas une logique de sécurité de l’emploi à vie, les entreprises gardent leur personnel alors que la croissance est nulle.]
         
        Si la croissance du Japon est « nulle », c’est parce-que ce pays est en pleine dépression démographique. Aussi, pour conserver cette croissance nulle, le PIB/hab progresse fortement. Et justement, l’emploi à vie, caractéristique première d’un management de style paternaliste, n’est plus la règle au Japon comme indiqué dans l’article, les salariés en fin de carrière devant même se contenter de contrats précaires.
        Bref, les keiretsus sont des entreprises cotées en bourse, et donc soumises aux exigences de rendement des investisseurs (ce qui est un peu moins vrai pour certains chaebols, pour lesquels les familles fondatrices ont encore un pouvoir important). Et si leurs rendements ne sont pas suffisants, les investisseurs vont voir ailleurs. Et il semblerait donc au vu de l’article, que le paternalisme historique des keiretsus ne permette plus les rendements exigés par les marchés financiers.
         
        Quant à la Corée du Sud, si je n’ai pas obtenu d’informations sur le fonctionnement de l’emploi, j’ai vu deux films de ce pays (Parasite et Lucky Strike), et l’image qu’ils donnent du petit peuple, c’est qu’il est livré à lui même, bien loin d’être encasernés dans un chaebol contre une protection à vie.
        J’ajoute par ailleurs que Japon et Corée du Sud ont également réalisé des réformes néo-libérales avec privatisations d’entreprises publiques.
         
         
        [Tout à fait. Les néolibéraux français ont ouvert le pays au libre-échange, mais comme il est difficile d’envoyer l’armée tirer sur les salariés,]
        Pourquoi se gêneraient-ils, sachant qu’ils n’ont pas hésité à le faire sous d’autres cieux ? Peut-être tout simplement parce que lesdits « néolibéraux » ont obtenu ces dernières décennies, de façon nette et réitérée, le consentement libre et éclairé des Français ?
         
        En vous lisant Descartes, j’ai l’impression que pour vous le fait que la France ait rapporté au PIB les dépenses sociales les plus élevées de cette planète soit complètement négligeable, ne jouant aucun rôle de mitigation des violences économiques.
         
        [Dans quelques années, nous serons en mesure de concurrencer le Bangladesh. Et alors, plus d’endettement, plus de surcoûts, le paradis quoi. Le paradis pour les capitalistes, s’entend…]
        Le jour où la France serait en mesure de concurrencer le Bangladesh, alors il n’y aura plus beaucoup de marchés solvables où écouler des marchandises. Pas sûr que ce jour-là advienne le paradis des capitalistes.
         
        [[Aussi, si la France était vraiment néolibérale, les seules réglementations et administrations publiques restantes, hors « régalien », seraient celles assurant de l’atomicité du marché. Avec des résultats bien plus « violents » que ceux actuels…]
        On y arrive, on y arrive…]
        En pondant des normes débiles au nom de la protection de l’environnement (l’interdiction injustifiée des néonicotinoïdes pour les betteraves, condamnant la filière sucrière française, ou la croisade, pour le moment perdue, contre le glyphosate), le suicide industriel qu’est l’interdiction à moyen terme du moteur à explosion, ou la récente loi zéro artificialisation nette des sols ?
        En subventionnant avec de l’argent public des cultureux cuistres et pédants seulement bons à mordre la main qui les nourrit ?
         
        [Il n’y a rien de fatal dans le libre-échange, des pays fort convenables – les Etats-Unis, la Suisse – ont gardé des logiques protectionnistes et ne s’en portent pas plus mal.]
        Avec leur déficit commercial abyssal, les États-Unis ne sont que moyennement protectionnistes. Quant à la Suisse, avec de larges pans de l’économie sous contrôle public, à commencer par les banques cantonales, je ne qualifierais donc pas ce pays de néo-libéral.
         
        [Le choix du modèle néolibéral nous conduit – pas assez vite à votre goût, mais rassurez-vous, on y arrivera – à sacrifier le modèle social]
        D’où tirez vous pareille conclusion ? Après si vouloir dégager à grands coups de pieds au cul le lumpenprolétariat du tiers-monde (oui, j’assume complètement mon manque d’empathie), pour que le terme « solidarité nationale » reprenne toute sa noblesse, effectivement cela fait de moi un néolibéral considérant que la destruction du modèle social ne va pas assez vite.
        Bref, moins d’allocations pour le lumpenprolétariat, plus de dotations pour le CEA, tel est mon mantra.
         
        [Et c’est là que l’immigration devient un rideau de fumée commode : attribuer la « décivilisation » à une « perte d’homogénéité » permet d’occulter les liens entre cette « décivilisation » et les transformations économiques. Il est illusoire d’imaginer qu’on peut licencier les gens comme des malpropres avec des indemnités ridicules, qu’on peut précariser le travail et le soumettre à la toute puissance du capital, et garder une société « civilisée ».]
        Si seulement Descartes, les récentes émeutes étaient le fait d’ouvriers sur le carreau, pillant les supermarchés pour subvenir à leurs besoins vitaux, alors j’adhèrerais à votre point de vue. Mais hélas, la décivilisation en cours n’a rien à voir avec le néolibéralisme, mais tout avec l’importation massive d’une populace aux mœurs tribales. Des émeutiers ne comprenant que le rapport de force le plus brutal, rien de plus.
        On notera par ailleurs que le vétéran de la néolibérale administration Reagan qu’est Rudy Giuliani a recivilisé New-York.
        Reste maintenant à savoir pourquoi les « classes intermédiaires » n’usent pas de ce rideau de fumée bien commode…
         
        Pour répondre sur le fond, que mettre quelqu’un sur le carreau puisse être particulièrement dégueulasse, indubitablement oui. Que la puissance publique se doit de tempérer ce genre d’injustices, indubitablement oui. Mais ce qui est injuste n’est pas forcément violent. Aussi, je le dis crûment, la notion de violence physique est objective, celle de violence économique subjective. Constitue donc une violence physique, toute action sur une personne, générant de la douleur et/ou des dommages corporels. Mettre une gifle à quelqu’un, dans la mesure où cela génère un signal désagréable pour le cerveau et laisse une rougeur, fut-elle temporaire, constitue donc une violence physique, torturer à mort quelqu’un encore plus. Mais entre d’un côté l’ouvrier qui se fait licencier économiquement avec une indemnité dérisoire sans perspectives de retrouver un emploi, et qui une fois ses allocations chômages épuisées n’aura plus droit qu’au RSA avant de pouvoir toucher ses droits à la retraite, amputés des années non cotisées, et de l’autre le patron qui après avoir fait une belle bêtise, se fait remercier avec un beau parachute doré, quel est le seuil à partir duquel on peut parler de violence économique (car je doute fort que l’on puisse parler de violence pour le patron) ?
         
        [[Or nous savons tous comment cela se termine si un pays consomme sur le long terme plus qu’il ne produit…]
        Ah bon ? Comment ? Les Etats-Unis font cela depuis plus de cinquante ans, et je n’ai pas l’impression que les Américains soient sur la paille…]
        « L’American dream » a quand même sérieusement pris du plomb dans l’aile depuis la crise de 2008. Comme montré dans les Simpson, ce qui été parfaitement normal en 1989, à savoir posséder une maison et faire vivre une famille avec un seul revenu, le tout en étant ouvrier est désormais inconcevable. Et puis, reste à savoir combien de temps encore le dollar conservera son privilège exorbitant, surtout depuis la fin toute récente du règne sans partage du pétrodollar.
         
         

        • Descartes dit :

          @ François

          [Je ne nie pas la responsabilité historique du patronat tout comme je ne nie pas l’opposition du PCF à l’époque. Oui, le patronat porte une lourde responsabilité en ayant importé massivement des populations de faible qualité au lieu d’investir dans l’automatisation. Ceci dit, les premiers à avoir mis en garde contre les dangers de l’immigration, sont des libéraux comme Enoch Powell, (qui ironie de l’histoire, a eu droit à une grève de soutien des dockers après son limogeage des Tories, consécutif à son fameux discours).]

          Powell n’est pas vraiment un « libéral » au sens strict du terme. Il était pour la dénationalisation des services publics, certes. Mais il était aussi pour des syndicats forts. Quand on lit ses écrits, on voit quand même un mélange curieux de conservatisme classique, de libéralisme et d’organicisme.

          [Seulement à partir d’un moment, je doute fort de la pertinence de faire venir en masse de la main-d’œuvre de populations, dont plus d’un tiers des individus souffrent de troubles psychiques comme c’est le cas précédemment (…).]

          Le « trouble psychiatrique » est difficile à définir en dehors d’un cadre social de référence. Il y a des sociétés ou être athée ou homosexuel fait de vous un « fou ». C’est pourquoi appliquer les standards de la psychiatrie occidentale à des gens qui viennent de sociétés très différentes est pour le moins hasardeux.

          [Tout comme je doute fort que si l’immigration actuelle était essentiellement une immigration de travail, on trouverait des patrons faisant pleurer les chaumières, à cause de ces satanés de Français qui ne veulent pas faire des travaux payés au lance-pierre.]

          Vous noterez que ces patrons qui font pleurer dans les chaumières sont les mêmes qui cherchent à nous convaincre que l’immigration est indispensable pour maintenir l’équilibre des retraites (raisonnement qui rappelle curieusement la pyramide de Ponzi) ou pour faire les travaux que les français-ne-veulent-pas-faire.

          [« C’est là une contradiction intéressante de votre discours : on ne peut à la fois défendre le capitalisme mondialisé des néolibéraux » Qui vous dit que je soutiens le capitalisme mondialisé des néo-libéraux ?]

          Vos écrits m’ont conduit à cette conclusion. Dois-je conclure que ce n’est pas le cas ?

          [« Dans un système de libre circulation et de libre concurrence, le capital ira là où la rentabilité est la plus importante, le travail là où les salaires et allocations sont les plus favorables. » Dans un modèle où la libre circulation est ouverte en effet. Mais dans le cas de la France, il y a une donnée en plus, qui elle n’est pas conforme à l’attendu néolibéral, celui d’un système de solidarité ouvert aux quatre vents ayant pour conséquence d’attirer des masses parasitaires.]

          Donnez aux néolibéraux quelques années de plus, et votre vœu sera satisfait…

          [« Vous manquez le point : le fait est que la « décivilisation » s’observe autant dans des pays où le mix des populations s’est modifié que dans celui où cet équilibre est resté inchangé. » La question porte plus sur la statique que la dynamique. Et dans les pays où l’homogénéité est à un niveau haut, la Hongrie par exemple, on n’assiste pas à cette décivilisation, indépendamment des réformes économiques néolibérales.]

          Je ne connais pas le cas de la Hongrie, et je ne sais pas jusqu’à quel point la société hongroise s’est « décivilisée » ou pas. Par contre, je vous ai montré avec des exemples que la décivilisation touche indifféremment des pays dont le « mix » ethnique n’a pas changé depuis de décennies et ceux qui ont vu une immigration importante. Ce qui tend à faire penser que les deux phénomènes ne sont que faiblement liés.

          [« Cette cause serait plutôt à chercher dans l’effondrement des institutions, plutôt que dans les équilibres « ethniques ». Et dans cet effondrement, les néolibéraux ont joué un rôle signalé. » Si ces institutions ont disparu, c’est parce qu’elles étaient intenables sur le long terme, pour répondre sur le cas du Mexique, son économie était basée sur la rente pétrolière.]

          Et la rente pétrolière est toujours là. Alors, pourquoi les institutions se sont effondrées ?

          [« La société sans répression, où chacun renonce volontairement et sans craindre quoi que ce soit à son « pouvoir de nuire » n’existe pas et n’a jamais existé. » Disons qu’il y a des sociétés qui s’en rapprochent plus que d’autres de cet état idéal.]

          Pourriez-vous donner quelques exemples des sociétés qui à votre avis s’approchent le plus près de cet « idéal » ?

          [« La société sans répression, où chacun renonce volontairement et sans craindre quoi que ce soit à son « pouvoir de nuire » n’existe pas et n’a jamais existé. (…) Qu’il y ait une internalisation progressive des règles qui réduit radicalement le nombre de cas où cette répression s’exerce effectivement est une autre affaire. » En quoi est-ce une autre affaire ?]

          Parce que la menace de la répression est toujours là. Le fait qu’on n’ait pas utilisé la bombe atomique depuis Nagasaki n’implique pas que l’arme atomique n’ait plus de poids dans les rapports internationaux.

          [« Pourriez-vous donner un exemple d’une société qui fonctionne ainsi ? Et d’ailleurs, est-ce qu’une telle société serait désirable ? » https://twitter.com/DamienRieu/status/1665727832717238274%5D

          Pourriez-vous donner plus de détails sur cette « société » ? Une vidéo qui ne donne aucun élément de vérification n’est pas un exemple…

          [Je ne sais pas si c’est « désirable ». À vous de décider s’il est désirable ou non de vivre dans une société où vous n’avez pas à investir dans des systèmes de surveillance, de ne pas vivre dans la suspicion permanente envers les tiers, le tout sans même faire l’objet d’une surveillance permanente, verticale ou horizontale ; où vos enfants peuvent jouer sans crainte à l’extérieur du domicile.]

          Pardon, mais cette société ressemble beaucoup à la société lobotomisée que Burgess prophétise dans « Orange Mécanique ». Vous aimeriez vivre dans une société ou AUCUNE transgression n’est possible ?

          [« L’acheteur pourrait-il se rebeller contre ces prix manifestement excessifs ? Ou doit-il sagement mettre dans le bocal le prix que le vendeur lui impose ? » C’est censé changer quoi concrètement qu’il ne puisse se rebeller contre ces prix car sa psyché l’en empêche, ou parce-que la boutique est tenue par un garde armé ?]

          Que dans le cas où la boutique est tenue par un garde armé, on est dans une logique de rapport de forces. Et que si le vendeur m’impose un prix que j’estime excessif, je peux constituer une association avec mes voisins pour boycotter le magasin – ou éventuellement pour casser la gueule au garde armé. Tandis que dans le cas ou « la psyché m’en empêche », rien ne peut jamais changer, puisque je ne peux me rebeller. Une fois encore, on est ramené à « Orange Mécanique »…

          [Dans quelle société d’ailleurs, cela a plus de chances de se produire ? Dans celle où le vendeur est coupé du monde, entouré de gardes/ prêt à dégainer son arme au moindre comportement suspect, ou celle où il peut sans crainte discuter avec ses clients ?]

          Mais pourquoi irait-il discuter avec ses clients, puisque ceux-ci payent sagement le prix qu’il leur impose sans même qu’il soit présent…

          [« Je suis d’accord. Mais la « confiance » traduit généralement la présence d’un gros bâton. » Non, justement, cette confiance est celle de l’absence de présence d’un gros bâton. Celle où l’on peut déposer son vélo sans mettre de cadenas et qu’il ne se fasse pas voler, le vol des vélos étant le cadet des soucis des gros bâtons.]

          Les sociétés ou vous pouvez déposer votre vélo sans mettre des cadenas sont des sociétés où il existe une puissante surveillance sociale, ou chacun est contrôlé en permanence et où la sanction sociale s’abat sur celui qui aurait la témérité de prendre un vélo qui n’est pas à lui. J’ai vécu quelques années en Angleterre, dans un petit village. Et je peux vous dire que je sais de quoi je parle : au début, c’est charmant, vous pouvez laisser votre porte ouverte, votre clé sur le contact de votre voiture, votre vélo sans chaîne. Mais très vite, vous réalisez que tout le monde vous regarde, que le moindre de vos faits et gestes est connu, et qu’on vous demande des comptes. « qui est la personne qui vous a rendu visite hier ? », « pourquoi votre pelouse n’est pas tondue ? » ? Et si vous ne faite pas ce qu’on est censé faire, alors la sanction arrive vite.

          [De plus quand vous vous rendez chez quelqu’un (relation proche ou non), qu’est-ce qui vous empêche de piocher dans ses affaires dès qu’il a le dos tourné ? Qu’il appelle la police pour vous coffrer (le gros bâton) ? La honte que tout le monde le sache ? Ou le respect que vous lui portez, l’intériorisation de certaines règles de décence ?]

          Sans les trois premiers, le quatrième ne serait pas possible. On « internalise » une règle parce qu’il y a une mémoire de ce qui peut arriver à celui qui ne l’internalise pas.

          [« Vous trouvez des états-providence très développés dans des pays très hétérogènes (l’URSS est un cas exemplaire, mais vous pouvez aussi penser au Canada) » Au Canada, la sécurité sociale est principalement du ressort des provinces, quant à l’URSS, on a vu ce qu’il s’est passé sitôt la pression de l’état policier disparue…]

          Oui, a peu près la même chose qu’en France…

          [Bien entendu, ça serait mensonger que de dire que la seule homogénéité est suffisante pour posséder un état providence développé. Les mécanismes mentaux de la population permettant l’émergence d’une économie prospère en font également partie.]

          Pourtant, des états relativement pauvres ont des Etats-providence très développés (ex. Cuba). Vous ne voulez admettre que la question de l’homogénéité ethnique et la possibilité de l’Etat-providence sont deux questions sans aucun rapport, malgré le fait qu’on trouve des états hétérogènes avec des systèmes très développés, et des états homogènes dans le cas contraire. Dont acte.

          [« Pensez à l’Irlande, territoire extrêmement homogène du point de vue ethnique, et pourtant siège d’un conflit sanglant plusieurs fois séculaire… » L’Irlande avec l’arrivée des Anglais et de leur protestantisme a justement perdu son homogénéité.]

          Les protestants irlandais sont dans leur grande majorité « ethniquement » identiques aux catholiques irlandais.

          [« Bref, plus une nation est hétérogène, plus le besoin d’avoir un état policier afin de maintenir l’ordre public est important. » L’Arabie Saoudite, un pays homogène ? Avec son fonctionnement encore tribal et sa forte minorité chiite ?]

          On parlait ici d’homogénéité ETHNIQUE, non ? De ce point de vue, l’Arabie Saoudite est un pays très homogène.

          [« Et je réitère ma question : qu’est ce que vous appelez exactement une « nation hétérogène » ? A quoi se mesure l’homogénéité d’une société dans votre vision ? » L’homogénéité se partage à l’ensemble des « mèmes » partagés par la population, des plus simples règles de sociabilité, en passant par la langue, jusqu’aux références historiques. En partageant ces « mèmes », deux individus peuvent anticiper le comportement d’autrui, et donc ne pas se retrouver à une réaction négative inattendue, ce qui accroît la confiance, tout comme lesdits « mèmes » renforcent par la même occasion le sentiment d’appartenance de groupe, qui en retour favorise la solidarité de groupe.]

          Ok. Donc, de ce point de vue, la société saoudienne est « homogène », contrairement à ce que vous disiez plus haut. Après tout, même si le fonctionnement est clanique ou tribal, les règles de sociabilité, la langue, les références historiques sont les mêmes, et chacun peut parfaitement anticiper le comportement d’autrui. J’ajoute que même dans une société très hétérogène (comme par exemple la Suisse) il est possible pour chacun d’anticiper correctement le comportement des autres… il suffit pour cela que les gens se connaissent !

          [« Exactement. Des rapports que le capitalisme a hérité du mode de production antérieur, et qui se sont éteints au fur et à mesure que le capitalisme s’approfondit. » Seulement l’émergence du paternalisme est postérieure à la révolution industrielle capitaliste, les patrons intelligents ayant compris que les surcoûts de ce genre d’organisation sont largement compensés par les gains de productivité. Henri Ford a fondé sa boîte à un moment où le capitalisme était déjà à un stade avancé aux États-Unis, pays au demeurant vierge de toute mentalité féodale.]

          Mais le paternalisme commence bien avant Ford. On le trouve déjà en France au début du XIXème. Par ailleurs, je ne pense pas que les patrons paternalistes fussent aussi machiavéliques que vous les dépeignez. Enfin, les Etats-Unis à l’époque de Ford est essentiellement peuplé par des gens venus d’Europe, et donc modelés par des rapports féodaux…

          [Et pourtant son paternalisme était quelque chose d’assez novateur dans le paysage industriel américain.]

          Ce n’est pas son paternalisme qui est novateur (d’autres avaient ce type de comportement avant lui), c’est sa vision « keynésienne » du salaire – autrement dit, l’intérêt de maintenir la demande par la consommation.

          [Car in fine qu’est-ce que le paternalisme ? Ça n’est qu’une méthode de management, dans laquelle on cherche à fidéliser le salarié afin de réduire les coûts liés à la rotation de l’emploi, et lui donner des motivations pour qu’il soit plus productif au travail. Un simple calcul coûts/bénéfices pour le capitaliste donc.]

          Pas tout à fait. Le paternalisme accepte, pour « fidéliser le salarié » et de lui « donner des motivations pour qu’il soit productif », d’établir un rapport personnel entre le travailleur et son patron, rapport qui implique des obligations réciproques qui vont au-delà du pur rapport d’argent. Or, rappelons-le, le capitalisme se distingue par le fait qu’il réduit tous les rapports à un rapport monétaire.

          [Henri Ford justement, ayant justement été très loin d’être un homme avec le cœur sur la main, possédant des reliquats de mentalité féodale.]

          Je ne suis pas persuadé. Le fait qu’il ait laissé l’essentiel de sa fortune à une fondation tend à prouver le contraire.

          [« Le texte que vous citez ne soutient nullement votre point de vue. Regardez le titre de l’article : « au Japon le chômage au plus bas depuis 20 ans sans aucune croissance ». Il faudrait m’expliquer comment, s’il n’y a pas une logique de sécurité de l’emploi à vie, les entreprises gardent leur personnel alors que la croissance est nulle. » Si la croissance du Japon est « nulle », c’est parce-que ce pays est en pleine dépression démographique.]

          Votre raisonnement est contradictoire. Si le défaut de croissance tenait au manque de main d’œuvre (conséquence de la « dépression démographique »), alors les entreprises chercheraient naturellement à fidéliser et stabiliser leur main d’œuvre, et non à la précariser. Les logiques d’emploi à vie sont attaquées quand il y a EXCES d’offre de travail, et non dans le cas contraire.

          [Bref, les keiretsus sont des entreprises cotées en bourse, et donc soumises aux exigences de rendement des investisseurs (ce qui est un peu moins vrai pour certains chaebols, pour lesquels les familles fondatrices ont encore un pouvoir important). Et si leurs rendements ne sont pas suffisants, les investisseurs vont voir ailleurs. Et il semblerait donc au vu de l’article, que le paternalisme historique des keiretsus ne permette plus les rendements exigés par les marchés financiers.]

          On voit mal comment flexibiliser le marché du travail en pleine « dépression démographique », c’est-à-dire, alors qu’il y a un défaut de main d’œuvre, pourrait « permettre les rendements exigés par les marchés financiers ». C’est le contraire : la logique de l’emploi à vie permet de limiter les hausses de salaire par rapport à ce qu’elles seraient dans un marché tendu.

          [« Tout à fait. Les néolibéraux français ont ouvert le pays au libre-échange, mais comme il est difficile d’envoyer l’armée tirer sur les salariés, » Pourquoi se gêneraient-ils, sachant qu’ils n’ont pas hésité à le faire sous d’autres cieux ? Peut-être tout simplement parce que lesdits « néolibéraux » ont obtenu ces dernières décennies, de façon nette et réitérée, le consentement libre et éclairé des Français ?]

          Faire tirer sur les ouvriers, c’est mauvais pour le Karma. Et cela peut révéler d’une manière un peu trop évidente la véritable structure de la société. Mieux vaut maintenir l’illusion d’une décision prise démocratiquement. Et lorsqu’on contrôle le champ politique, on peut faire croire aux gens qu’ils ont le choix, alors qu’en fait, quelque soit le résultat de l’élection, on fera la même politique. Mais au moins on maintient la fiction que cela résulte d’un « consentement libre et éclairé des Français ». Cependant, le système a certaines limites. Ainsi, en 2005 les gens ont pu constater ce que les néolibéraux ont fait de leur « refus libre et éclairé » de voter le TCE. Et depuis, ils s’abstiennent de plus en plus, ou votent Le Pen.

          [En vous lisant Descartes, j’ai l’impression que pour vous le fait que la France ait rapporté au PIB les dépenses sociales les plus élevées de cette planète soit complètement négligeable, ne jouant aucun rôle de mitigation des violences économiques.]

          Je vous ai déjà montré que le montant des « dépenses sociales » est artificiel. En France, je paye des cotisations de sécurité sociale et la dépense santé est une dépense publique. Aux Etats-Unis, je paye une assurance et la dépense santé devient une dépense privée. Le fait qu’une dépense soit « privée » ou « publique » est une pure question comptable. Pour savoir si ces dépenses jouent un rôle ou non dans la mitigation des violences économiques, la question n’est pas tant de savoir si la dépense est « publique » ou « privée », mais l’effet redistributif de cette dépense. Si la dépense publique va de préférence vers les questions qui intéressent les classes intermédiaires, par exemple, elle ne joue aucun rôle dans la « mitigation » en question, au contraire. Or, depuis quarante ans, c’est un peu ce qu’on observe. Les déserts médicaux, ce ne sont pas les classes intermédiaires qui en souffrent.

          [« Dans quelques années, nous serons en mesure de concurrencer le Bangladesh. Et alors, plus d’endettement, plus de surcoûts, le paradis quoi. Le paradis pour les capitalistes, s’entend… » Le jour où la France serait en mesure de concurrencer le Bangladesh, alors il n’y aura plus beaucoup de marchés solvables où écouler des marchandises. Pas sûr que ce jour-là advienne le paradis des capitalistes.]

          Mais si, mais si… il y aura même quelques bangladeshis pour acheter les sacs Vuitton. Vous aurez comme moi remarqué que le secteur le plus dynamique du capitalisme français aujourd’hui, c’est le luxe…

          [« On y arrive, on y arrive… » En pondant des normes débiles au nom de la protection de l’environnement (l’interdiction injustifiée des néonicotinoïdes pour les betteraves, condamnant la filière sucrière française, ou la croisade, pour le moment perdue, contre le glyphosate), le suicide industriel qu’est l’interdiction à moyen terme du moteur à explosion, ou la récente loi zéro artificialisation nette des sols ?]

          Mais vous savez bien que tout cela est de la poudre aux yeux. Ce que vous appelez « suicide industriel » ne fait que répondre à la demande du patronat, vous savez, celui qui rêve de « l’entreprise sans usines », qui fait produire ailleurs, là où l’Etat est justement réduit à son aspect régalien. Toutes ces règles sont sans effet, dès lors que le capital a décidé d’avance de déplacer les activités productives ailleurs.

          [En subventionnant avec de l’argent public des cultureux cuistres et pédants seulement bons à mordre la main qui les nourrit ?]

          Faut bien faire plaisir aux classes intermédiaires… sans quoi, elles vous chient dans les bottes.

          [« Il n’y a rien de fatal dans le libre-échange, des pays fort convenables – les Etats-Unis, la Suisse – ont gardé des logiques protectionnistes et ne s’en portent pas plus mal. » Avec leur déficit commercial abyssal, les États-Unis ne sont que moyennement protectionnistes. (…)]

          Je ne vois pas le rapport. Le protectionnisme ne vise pas nécessairement à équilibrer la balance commerciale, mais à protéger certaines activités jugées stratégiques de la concurrence.

          [Quant à la Suisse, avec de larges pans de l’économie sous contrôle public, à commencer par les banques cantonales, je ne qualifierais donc pas ce pays de néo-libéral.]

          Je n’ai pas dit le contraire. La Suisse, comme les Etats-Unis, sont des pays intelligents : ils prêchent le néolibéralisme aux autres, ils ne se l’appliquent pas à eux-mêmes…

          [« Le choix du modèle néolibéral nous conduit – pas assez vite à votre goût, mais rassurez-vous, on y arrivera – à sacrifier le modèle social » D’où tirez vous pareille conclusion ?]

          De l’évolution de ces trente dernières années.

          [Après si vouloir dégager à grands coups de pieds au cul le lumpenprolétariat du tiers-monde (oui, j’assume complètement mon manque d’empathie), pour que le terme « solidarité nationale » reprenne toute sa noblesse, effectivement cela fait de moi un néolibéral considérant que la destruction du modèle social ne va pas assez vite.]

          Pour « dégager à grands coups de pieds au cul le lumpenprolétariat », il vous faudra combattre pied à pied les néolibéraux, parce que c’est grâce à eux que nous l’avons, ce lumpenprolétariat. Et ce sont eux qui ont le plus grand intérêt à ce qu’il s’étende…

          [Si seulement Descartes, les récentes émeutes étaient le fait d’ouvriers sur le carreau, pillant les supermarchés pour subvenir à leurs besoins vitaux, alors j’adhèrerais à votre point de vue. Mais hélas, la décivilisation en cours n’a rien à voir avec le néolibéralisme, mais tout avec l’importation massive d’une populace aux mœurs tribales. Des émeutiers ne comprenant que le rapport de force le plus brutal, rien de plus.]

          Mais justement, l’importation massive de cette populace et l’impossibilité de l’assimiler et d’en faire des travailleurs est intimement liée au néolibéralisme. Si nous avions encore des usines, si nous avions encore une logique méritocratique, ces jeunes seraient en train de préparer leur vie future au lieu de trainer ou de tomber dans les trafics.

          [On notera par ailleurs que le vétéran de la néolibérale administration Reagan qu’est Rudy Giuliani a recivilisé New-York.]

          J’ai l’impression que pour vous la « recivilisation » se réduit aux baisses dans les statistiques de la police. Pas pour moi…

          [Pour répondre sur le fond, que mettre quelqu’un sur le carreau puisse être particulièrement dégueulasse, indubitablement oui.]

          Je ne parle pas de « dégueulasse ». Je ne suis pas intéresse par la moralité du geste. Ce que j’ai dit, c’est que priver quelqu’un de son gagne-pain au motif qu’on peut trouver des salariés plus dociles et moins chers en Bulgarie, c’est une violence. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

          [Que la puissance publique se doit de tempérer ce genre d’injustices, indubitablement oui.]

          Comment pensez-vous que la puissance publique devrait agir pour « tempérer » – je note que vous n’utilisez ni le mot « empêcher » ni le mot « réparer » – ces « injustices » ?

          [Mais ce qui est injuste n’est pas forcément violent. Aussi, je le dis crûment, la notion de violence physique est objective, celle de violence économique subjective.]

          La violence consiste à imposer à quelqu’un un comportement ou un acte par la force. Le fait d’imposer à quelqu’un le chômage par le simple fait que la possession du capital vous permet d’imposer un rapport de force est bien une « violence ».

          [Constitue donc une violence physique, toute action sur une personne, générant de la douleur et/ou des dommages corporels.]

          Cette définition n’a ni queue ni tête. Vacciner un enfant génère de la douleur et un dommage corporel. Est-ce une « violence » ?

          [Mais entre d’un côté l’ouvrier qui se fait licencier économiquement avec une indemnité dérisoire sans perspectives de retrouver un emploi, et qui une fois ses allocations chômages épuisées n’aura plus droit qu’au RSA avant de pouvoir toucher ses droits à la retraite, amputés des années non cotisées, et de l’autre le patron qui après avoir fait une belle bêtise, se fait remercier avec un beau parachute doré, quel est le seuil à partir duquel on peut parler de violence économique (car je doute fort que l’on puisse parler de violence pour le patron) ?]

          Lorsqu’un patron salarié est nommé, son licenciement fait partie du contrat : son indemnisation, ses parachutes dorés et autres stock-options sont prévus. Il a un pouvoir de négociation, et ces éléments ne lui sont pas imposés par le rapport de force. L’ouvrier, lui, n’a aucun pouvoir de négociation quant aux conditions de son licenciement.

          [« Ah bon ? Comment ? Les Etats-Unis font cela depuis plus de cinquante ans, et je n’ai pas l’impression que les Américains soient sur la paille… » « L’American dream » a quand même sérieusement pris du plomb dans l’aile depuis la crise de 2008.]

          Oui, parce que, comme dans l’ensemble du monde capitaliste, il y a une concentration de la richesse et donc, concomitament, un appauvrissement relatif des couches populaires. Mais je ne vois en quoi le « plomb dans l’aile » en question viendrait du creusement de la dette… or c’était là la question posée…

      • François dit :

        [Le coefficient de Gini ne mesure que les inégalités de revenu]
        Ce qui selon moi, est le plus important. Car en dehors du matelas financier que cela constitue en cas d’imprévu, disposer d’un capital qui ne me rapporte rien, ne m’intéresse pas beaucoup. J’ai par ailleurs une certaine méfiance envers la notion d’inégalité de capital, compte tenu des valorisations boursières déconnectées de toute réalité.
         
        [Or, il y a une modification importante de la structure des patrimoines depuis les « trente glorieuses ». A mon âge, mes parents étaient locataires, alors que je suis propriétaire.]
        N’est-ce tout simplement pas dans votre cas personnel, parce-que vous avez bénéficié d’une conséquente promotion sociale (et bien entendu, bien méritée) ?
         
        [[Il suffit par ailleurs de se rappeler du tollé que ça a suscité quand François Bayrou a dit qu’à 4k€/mois, (soit un peu moins de 2,5 fois le salaire médian) on n’est pas « riche ».]
        Je n’ai pas compris quelle conclusion vous tirez de ce « tollé », somme toute fort relatif…]
        Que le seuil en France à partir duquel on est considéré comme riche est bien loin de celui des pays anglo-saxons. Quant à moi, pour donner une définition objective du « riche », l’est celui qui peut se permettre de vivre de ses rentes.
        [Je ne sais plus de quel « problème » vous parlez. Le « problème de la France » n’est pas le même selon qu’on le regarde depuis une cité populaire de Hénin-Beaumont ou d’un appartement du Boulevard Raspail. Mais d’une manière générale, les « inégalités » ne sont jamais le problème.]
        Le vôtre, celui de classes intermédiaires qui auraient déployé des politiques maximisant leurs intérêts au détriment de celui des classes populaires. Les statistiques que je vous ai montré tendent à montrer le contraire.
         
        [On ne peut pas vouloir la liberté de marché, et pleurer sur ses conséquences.]
        Serait-il possible d’éviter de me transformer en homme de paille ? Je me contente juste d’argumenter pour expliquer que la France ne correspond pas, assez imparfaitement du moins, à un certain modèle, non pas qu’il soit chérissable, pour ensuite en déplorer les conséquences. C’est que je ne vais pas me mettre à dire que le ciel est vert, juste parce-que les néolibéraux disent qu’il est bleu.
         
        [L’idée que les gens resteront dans le pays qui les a formé par esprit de gratitude…]
        Bref, dans le cas il est parfaitement légitime que l’état lui exige le remboursement avec intérêts des frais de scolarité, si un diplômé souhaite partir vers d’autres cieux où l’herbe est plus verte.
         
        [Renault Billancourt a fermé, et vingt ans plus tard je n’ai pas l’impression que les prix de l’immobilier aux alentours aient beaucoup baissé. Les effets de la fermeture d’une usine sur les prix de l’immobilier n’est pas aussi mécanique que vous le croyez.]
        Disons que même sans désindustrialisation, l’usine Renault de l’île Seguin aurait quand même fini par fermer. Enclavée dans un environnement urbain devenant hyperdense, cela était une horreur pour les chaînes logistiques, aussi il aurait été quand même bien plus intéressant de déménager l’usine (en France) puis dégager la plus value de la vente du foncier pour la réinvestir dans l’outil de production, en somme ce qui avait été fait avec l’usine Citroën quai de Javel à Paris, délocalisée à Aulnay-sous-Bois (mais hélas fermée à son tour).
        Et je doute fort que la désindustrialisation dans les bassins sidérurgiques ait été sans impact sur les prix de l’immobilier locaux. Pour que l’impact soit nul, il faut au moins que les pertes d’emplois dues à la désindustrialisation soient compensées par des emplois dans les services.
         
        [Avez-vous une statistique ?]
        Non
        [Aucun même pas le nôtre : pour un tarif fort modique vous trouvez sur le port de Marseille des gens qui vous débarrasseront des occupants indélicats. C’est cela, l’économie de marché.]
        Quant à la France, c’est pour cela que des gens se retrouvent au tribunal pour avoir soi-même délogé des indésirables (https://immobilier.lefigaro.fr/article/a-lyon-une-proprietaire-condamnee-a-dedommager-ses-squatteurs_b2137af4-c28c-11ed-9b69-b43a1877d2bb/). Par ailleurs, si l’on avait été au Texas, les nuisibles qui ont ravagé les cultures maraîchères près de Nantes, auraient été exterminés sur le champ.
        Bref, de fait, la France est ce qu’on appelle une « anarcho-tyrannie », à savoir une situation où la puissance publique néglige de lutter efficacement contre la délinquance, tout en interdisant aux citoyens de se défendre contre ladite délinquance. L’exemple le plus frappant étant l’enquête administrative ouverte contre les élèves de l’école des fusiliers marins de Lorient, car supposés avoir remis des émeutiers à la police. Autre exemple, le rassemblement annuel des gitans à Gien, générant raccordements sauvages à l’électricité, insalubrité, etc, où il n’y a eu qu’une personne interpellée : un agriculteur qui a fait un tir de sommation car on déféquait sur son terrain. Sans oublier, bien entendu, l’infâme détention arbitraire de Florian M.
        A contrario, l’Afrique du Sud est une anarchie, mais non tyrannique, le père d’Elon Musk s’étant vanté d’avoir refroidi en toute impunité à trois reprises des cambrioleurs qui étaient rentrés par effraction dans sa propriété. Reste à savoir combien de temps encore les Français supporteront le deux poids deux mesures…
         
        [Depuis la nuit des temps. On pourrait même dire que l’histoire de la « civilisation » est l’histoire de la régulation des rapports de travail.]
        Diriez-vous que (le début de) la révolution industrielle, période où le paysan, contraint de devenir ouvrier, se caractérise par une forte dérégulation des rapports de travail, est une période de « décivilisation » ?
        Diriez-vous que la France du début du XXe siècle, où les rapports de travail étaient beaucoup moins régulés, et en n’hésitant pas à faire tirer sur les grévistes (voire même jusqu’aux années 70 où  le patronat n’hésitait pas à user les gros bras de ses syndicats maison pour entraver l’implantation de syndicats pas assez dociles à son goût), que dans celle du XXIe siècle, est moins civilisée que la seconde ?
         
        [Contrairement à ce que vous pensez, les esclaves à Athènes n’étaient pas livrés au bon vouloir de leur maître. Le pouvoir de ce dernier était limité par les lois et les coutumes de la cité, et pas seulement par les rapports de force.]
        Je me demande quelles étaient les lois et coutumes qui limitaient le rapport de force entre le maître et l’esclave travaillant dans une mine.
         
        [L’esclavage n’est en rien un « rapport de force ultime », c’est un statut au même titre que celui de salarié]
        Ce qui détermine la condition de l’esclave, c’est sa rareté. Là où l’offre est abondante, alors il peut être traité comme du consommable. Là où l’offre est rare, alors on le traite suffisamment convenablement pour qu’il ne s’épuise pas trop vite à la tâche, et qu’il se reproduise. C’est ce qu’ont compris les sociétés abolitionnistes, en luttant contre la traite négrière, elles ont tari l’offre, améliorant ainsi les conditions de vie des esclaves, et in fine rendant l’abolition de l’esclavage plus « douce » pour les planteurs.
         
        [et si vous lisez le « code noir » vous verrez que les esclaves avaient légalement des droits dont les salariés n’ont bénéficié qu’au milieu du XXème siècle.]
        On va dire que le code noir était un voile pudique, car je doute fortement que les maîtres qui ne l’ont pas respecté, aient été sanctionnés. Quant à la traite transatlantique, n’en parlons même pas.
         
        [Après, vous me direz que l’application effective de ces règles dépendaient du rapport de force… mais cela est vrai de nos jours aussi !]
        Seulement le travailleur libre a la possibilité d’aller où l’herbe est plus verte. Et si cette possibilité est inexistante, il ne risque pas de subir des châtiments corporels s’il traîne un peu trop des pieds au boulot.
         
        [Faut savoir : vous aviez écrit qu’on risquait « finir dans le meilleur des cas comme le Brésil, un pays au fond assez peu intéressant pour un « capitaliste » ». Et maintenant vous admettez que le Brésil est bien un pays très intéressant pour un capitaliste ? Décidez-vous…]
        À population équivalente j’ai précisé. C’est à dire qu’à grandeurs intensives constantes, si le Brésil avait la population de la Suisse, alors ce marché deviendrait inintéressant pour Carrefour.
         
        [Alors, décidez-vous : le capital cherche le volume, ou la montée en gamme ?]
        Le capitaliste cherche la montée en gamme pour de meilleures marges, mais si ce marché est saturé ou inexistant, alors il se rabat sur le volume.
         
        [Si les conditions de production étaient meilleures en Argentine, le capital irait là-bas pour ensuite vendre sur le marché brésilien. Non, si le capital va vers le Brésil, c’est surtout parce que le pays est attractif par sa main d’œuvre abondante et bon marché et par la stabilité de ses politiques économiques protectionnistes, quel que soit le régime politique du jour. Encore un exemple où « l’homogénéité » du pays ne joue aucun rôle.]
        Les investissements pour vendre ou les investissements pour produire ? Car je donnais l’exemple d’une chaîne de supérette.
        J’ajoute par ailleurs que le PIB/emploi de l’Argentine en dollars constants de 2011 est bien plus important que celui du Brésil :
        https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.GDP.PCAP.EM.KD?locations=AR-BR
         
        [Pas du tout. La politique argentine se distingue par de puissants mouvements de balancier. Mais la politique ECONOMIQUE est la même depuis le coup militaire de 1976 : une politique de monnaie forte]
        Enfin, depuis 1999, la valeur Peso argentin ne cesse de s’enfoncer dans les abîmes
         
        [Il est d’ailleurs bien connu que les biens durables sont des investissements qui rapportent peu – laissons de côté le domaine du luxe, chez qui la fixation du prix échappe aux règles de marché « libre et non faussé ».]
        Je ne suis pas sûr. Sinon FNAC-Darty n’aurait pas lancé une offre d’assurance pour la réparation des produits électroménagers. La perte de durabilité des produits (perte portée par de nouveaux entrants sur le marché, les historiques (Miele, par exemple) cherchant à la maintenir) est selon moi plus la conséquence d’une volonté de la demande que de l’offre, demande qui souhaite renouveler régulièrement ses produits.
         
        [Je ne me souviens pas que nous ayons été prévenus qu’il ne nous écouterait pas. A ma connaissance, il ne nous l’a jamais dit explicitement.]
        C’est comme lorsque François Hollande avait déclaré tambour battant que son ennemi est la finance, pour discrètement se dédire quelques jours après. Sauf à être tombé avec la dernière pluie, personne ne peut de bonne foi affirmer avoir été dupé. Il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
         
        [de la même manière qu’il avait promis de reculer l’âge de la retraite, il avait promis d’écouter le peuple. Lorsque ces deux promesses entrent en contradiction, laquelle prime dans votre système ?]
        Celle qui correspond au logiciel mental de Macron, la première. Une personne peut promettre tout et son contraire, mais à partir d’un moment, avec un minimum de jugeote on peut facilement deviner quelles promesses seront tenues.
        Bref, Macron ressemble comme deux gouttes d’eau au trader cocaïnomane Jordan Belfort, joué par Leonardo Di Caprio dans « le Loup de Wall Street ». À partir de la, il ne faut pas s’étonner qu’il se comporte en trader cocaïnomane. D’ailleurs, comme l’a dit en toute franchise son protecteur Alain Minc, quand il était à la banque Rothschild, il faisait un métier de pute, un associé qu’il était là pour raconter des histoires.
         
        [Oh… des déclarations, cela ne coûte pas cher. Nous avons bien eu chez nous des politiques qui ont promis de « changer la vie »… et qui l’ont changée mais pas dans le sens promis.]
        Dans le cas présent, les « déclarations » ont consisté à mobiliser l’armée.
         
        [Bien sur que si. Même s’il y a entre eux quelques différences, notamment sur les solutions à mettre en œuvre, leur analyse du fonctionnement de l’économie est assez semblable.]
        Je ne suis pas sûr que la différence de conception du rôle de la monnaie entre Hayek et un Friedman soit purement cosmétique. Tout comme à la différence d’un Friedman, Hayek rejetait l’économie mathématique.
         
        [Ca dépend de quelles « fariboles ». La structure de l’inconscient, oui.]
        J’aimerais bien savoir d’où vous tirez cette conclusion, car de ce que je retiens du consensus scientifique, c’est que la théorie psychanalytique de l’inconscient est invalide.
        Diriez-vous que l’Association Française pour l’Information Scientifique, dont l’une de ses missions est de lutter contre les pseudosciences, se fourvoie en attaquant la psychanalyse ?
         
        [Personnellement, je n’en fait pas de cette question de « confiance » un critère de civilisation. Dans les sociétés très primitives, où il n’y a pas de propriété privée, pas grande chose à voler, et une forme de dépendance absolue à la communauté, la « confiance » est absolue.]
        Seulement, les sociétés primitives sont particulièrement violentes. Le bon sauvage où  tout le monde vit en harmonie, car il n’y a rien à envier, n’est qu’un mythe :
        https://ourworldindata.org/ethnographic-and-archaeological-evidence-on-violent-deaths
         
        [Pourquoi, s’ils se font massacrer par des gens ayant quelque chose à faire dans le pays, c’est acceptable ?]
        Qui a dit que ça serait plus « acceptable » ? Je remarque qu’à une quantité d’inacceptable, mais hélas difficilement compressible, on rajoute une quantité bien plus importante d’inacceptable mais compressible.
        [Qu’un déséquilibré – car selon toute vraisemblance il s’agit d’un déséquilibré – s’attaque à des enfants, c’est horrible, bien entendu. Mais cela reste un fait divers.]
        Un fait divers qui aurait pu être évité si la France n’était pas un attracteur à cinglés du tiers-monde.
         
        [Pourquoi pas des funérailles nationales aux victimes, puisqu’on y est ?]
        Parce qu’heureusement il se trouve dans ce pays des gens courageux qui ont évité le drame absolu pour que la question se pose. Puis bon dans la mesure où l’on observe une minute de silence parce qu’un policier n’a fait que son devoir en liquidant un nuisible (mais par pour la mort à 24 du pompier éteignant un feu causé par les émeutes, allez savoir pourquoi…).
         
        Enfin bref, en France, l’immigration du lumpenprolétariat du tiers-monde, c’est plus d’allocs à distribuer, plus de réparations des dégradations à payer, plus de moyens à allouer à la police, etc, donc plus de prélèvements obligatoires. Tout comme cela génère d’autres coûts comme les frais de gardiennage de la résidence sécurisée, l’école privée pour éviter que ses rejetons se retrouvent en mauvaise compagnie. De plus, avec la loi SRU consistant à éparpiller la merde, c’est également un cadre de vie dégradé, avec un environnement urbain enlaidi de façon particulièrement glauque obligeant de modifier ses habitudes de vie. Quel intérêt pour un membre des classes intermédiaires habitant le quartier de Stalincrack à Paris de continuer à soutenir l’immigration ? Si leur objectif est de maximiser leurs intérêts particuliers, alors la rationalité des classes intermédiaires m’échappe. D’ailleurs les personnes que je connais qui haïssent particulièrement l’état détestent également l’immigration. Des personnes cohérentes dans la maximisation de leurs intérêts particuliers. C’est que cela semble négligeable en contrepartie le cuistot, le livreur Deliveroo et éventuellement la nourrice. Comme l’expliquait Milton Friedman (immigrationniste assumé au demeurant, un libéral cohérent en somme), avoir un état providence tout en pratiquant la libre circulation des personnes, c’est de la folie.
         

        • Descartes dit :

          @ François

          [« Le coefficient de Gini ne mesure que les inégalités de revenu » Ce qui selon moi, est le plus important. Car en dehors du matelas financier que cela constitue en cas d’imprévu, disposer d’un capital qui ne me rapporte rien, ne m’intéresse pas beaucoup.]

          Vous voulez dire que deux personnes gagnant le SMIC, l’une propriétaire d’un beau logement, l’autre locataire, il n’y a pas de différence de situation ?

          [J’ai par ailleurs une certaine méfiance envers la notion d’inégalité de capital, compte tenu des valorisations boursières déconnectées de toute réalité.]

          C’est discutable. Si au niveau macro il y a une déconnexion entre la valeur de marché des actifs financiers et leur valeur « réelle » (au sens de la valeur qu’ils auraient s’ils étaient TOUS convertis en biens « réels », au niveau individuel la conversion est immédiate. Mais dans mon commentaire je pensais moins au patrimoine financier qu’au patrimoine en biens d’usage (logements, voitures, équipement, etc.).

          [« Or, il y a une modification importante de la structure des patrimoines depuis les « trente glorieuses ». A mon âge, mes parents étaient locataires, alors que je suis propriétaire. » N’est-ce tout simplement pas dans votre cas personnel, parce-que vous avez bénéficié d’une conséquente promotion sociale (et bien entendu, bien méritée) ?]

          Je ne sais pas si elle est méritée ou pas, mais c’est aussi le cas de mes frères et sœurs, qui n’ont pas eu autant de « mérite » (ou de chance…). Je pense qu’il y a un changement important dans la vision des gens et la manière dont ils distribuent leur revenu entre consommation et investissement. Dans la génération de mes parents, le crédit à la consommation était presque tabou : on ne prenait un crédit que pour acheter un bien « durable ».

          [« « Il suffit par ailleurs de se rappeler du tollé que ça a suscité quand François Bayrou a dit qu’à 4k€/mois, (soit un peu moins de 2,5 fois le salaire médian) on n’est pas « riche ». » » « Je n’ai pas compris quelle conclusion vous tirez de ce « tollé », somme toute fort relatif… » Que le seuil en France à partir duquel on est considéré comme riche est bien loin de celui des pays anglo-saxons.]

          Votre conclusion est bizarre. Si le commentaire de Bayrou a provoqué, comme vous le dites, un « tollé », c’est bien que l’opinion publique ne partage pas la position de Bayrou, i.e. que le seuil « consensuel » à partir duquel on est « riche » est bien plus élevé… en conclure que le seuil en France est « très loin de celui des pays anglosaxons » paraît donc aller à contre-sens.

          [Quant à moi, pour donner une définition objective du « riche », l’est celui qui peut se permettre de vivre de ses rentes.]

          Je ne sais pas si on peut donner une définition « objective » du riche, et je ne vois pas trop bien l’intérêt d’une telle définition. Moi, je serai tenté de donner justement une définition subjective : est riche celui qui n’a pas besoin de compter, autrement dit, celui qui n’éprouve pas le besoin de se restreindre pour des raisons économiques.

          [« On ne peut pas vouloir la liberté de marché, et pleurer sur ses conséquences. » Serait-il possible d’éviter de me transformer en homme de paille ? Je me contente juste d’argumenter pour expliquer que la France ne correspond pas, assez imparfaitement du moins, à un certain modèle, non pas qu’il soit chérissable, pour ensuite en déplorer les conséquences.]

          A la lecture de vos commentaires, j’en tire la conclusion que vous êtes très proche de la logique néolibérale – pour schématiser, que vous estimez que la régulation par le marché est toujours plus efficace que la régulation administrative. Si cette conclusion est erronée, je m’en excuse. Cela aiderait peut-être si vous faisiez l’effort de clarifier votre position.

          [C’est que je ne vais pas me mettre à dire que le ciel est vert, juste parce-que les néolibéraux disent qu’il est bleu.]

          Mais quand vous répétez que le ciel est vert alors que les néolibéraux disent que le ciel est vert, on peut se poser des questions, non ?

          [« L’idée que les gens resteront dans le pays qui les a formé par esprit de gratitude… » Bref, dans le cas il est parfaitement légitime que l’état lui exige le remboursement avec intérêts des frais de scolarité, si un diplômé souhaite partir vers d’autres cieux où l’herbe est plus verte.]

          Les seuls états qui à ma connaissance aient mis en œuvre une telle politique sont l’URSS et un certain nombre de démocraties populaires…

          [« Renault Billancourt a fermé, et vingt ans plus tard je n’ai pas l’impression que les prix de l’immobilier aux alentours aient beaucoup baissé. Les effets de la fermeture d’une usine sur les prix de l’immobilier n’est pas aussi mécanique que vous le croyez. » Disons que même sans désindustrialisation, l’usine Renault de l’île Seguin aurait quand même fini par fermer.]

          Probablement, mais c’est hors sujet. La question ici était de savoir si la fermeture d’une usine avait un effet mécanique à la baisse sur les prix de l’immobilier, et non si certines usines étaient ou non condamnées à fermer. Mon exemple vous montre que l’effet sur les prix de l’immobilier n’est pas aussi mécanique que vous le dites. CQFD

          [aussi il aurait été quand même bien plus intéressant de déménager l’usine (en France) puis dégager la plus-value de la vente du foncier pour la réinvestir dans l’outil de production, en somme ce qui avait été fait avec l’usine Citroën quai de Javel à Paris, délocalisée à Aulnay-sous-Bois (mais hélas fermée à son tour).]

          Il faut croire que fermer l’usine et déménager la production à l’étranger était encore « plus intéressant »… du moins pour ceux qui ont à prendre ce type de décisions.

          [« Avez-vous une statistique ? » Non]

          Dont acte. Votre théorie selon laquelle « le problème soit surtout des propriétaires qui se retrouvent avec des biens immobiliers squattés » n’est donc qu’une hypothèse.

          [« Aucun même pas le nôtre : pour un tarif fort modique vous trouvez sur le port de Marseille des gens qui vous débarrasseront des occupants indélicats. C’est cela, l’économie de marché » » Quant à la France, c’est pour cela que des gens se retrouvent au tribunal pour avoir soi-même délogé des indésirables.]

          C’est ce qui arrive lorsqu’on bricole soi-même. Cela n’arrive pas quand on a recours à des professionnels.

          [Bref, de fait, la France est ce qu’on appelle une « anarcho-tyrannie », à savoir une situation où la puissance publique néglige de lutter efficacement contre la délinquance, tout en interdisant aux citoyens de se défendre contre ladite délinquance.]

          Oui, avec certaines nuances : quand « ladite délinquance » touche les intérêts du bloc dominant, la puissance publique agit fort efficacement. D’ailleurs, les nuisibles le savent fort bien et s’abstiennent prudemment de traverser la ligne rouge. On fout le feu aux mairies, on défonce la porte d’un ministère, mais on épargne soigneusement les sièges des grandes entreprises ou celui du MEDEF.

          [A contrario, l’Afrique du Sud est une anarchie, mais non tyrannique, le père d’Elon Musk s’étant vanté d’avoir refroidi en toute impunité à trois reprises des cambrioleurs qui étaient rentrés par effraction dans sa propriété.]

          Mais les travailleurs ont-ils, eux aussi, de « refroidir » leur patron délinquant ? Par exemple, un patron qui ne met pas en œuvre les mesures de sécurité obligatoires, ou expose ses travailleurs à des produits chimiques interdits ? Et celui qui omet de déclarer ses travailleurs et de payer les cotisations correspondantes ? Ses travailleurs ont-ils eux aussi le droit de « se défendre contre ladite délinquance » armes à la main ? Non ? Ah… c’est bien embêtant… finalement, votre « anarchie non tyrannique » aboutit à un résultat bien connu : on a le droit de tirer sur les « délinquants » quand ils sont pauvres, pas quand ils sont riches.

          [Reste à savoir combien de temps encore les Français supporteront le deux poids deux mesures…]

          Certains ont déjà commencé à tirer sur leur DRH… tous les espoirs sont donc permis !

          [« Depuis la nuit des temps. On pourrait même dire que l’histoire de la « civilisation » est l’histoire de la régulation des rapports de travail. » Diriez-vous que (le début de) la révolution industrielle, période où le paysan, contraint de devenir ouvrier, se caractérise par une forte dérégulation des rapports de travail, est une période de « décivilisation » ?]

          Sans aucun doute. On partait d’un système qui enserraient le paysan dans un ensemble de droits et de devoirs, pour le plonger dans un système ou seul fonctionnait le droit du plus fort. Ce fut une période de recul de la « civilisation », de retour à une forme « d’état de nature ». Mais elle a été finalement très courte : très vite il a fallu mettre de l’ordre, établir des règles. A ce titre, l’analyse de C. Hill sur l’établissement du repos dominical dans l’industrie naissante dans l’Angleterre du XVIIème siècle est un bon exemple.

          [Diriez-vous que la France du début du XXe siècle, où les rapports de travail étaient beaucoup moins régulés, et en n’hésitant pas à faire tirer sur les grévistes (voire même jusqu’aux années 70 où le patronat n’hésitait pas à user les gros bras de ses syndicats maison pour entraver l’implantation de syndicats pas assez dociles à son goût), que dans celle du XXIe siècle, est moins civilisée que la seconde ?]

          Non. Les rapports de travail étaient plus violents, mais n’étaient pas « beaucoup moins régulés », au contraire. Le poids des règles était bien plus important qu’aujourd’hui. L’appareil législative et réglementaire était plus simple que celui d’aujourd’hui, mais la place était occupée par toute une série de règles coutumières, par une structuration en corps de métier. Dans les textes réglementaires de l’époque vous trouvez d’ailleurs de nombreuses références aux « règles de l’art » ou aux « coutumes de la profession ».

          Pour moi, la civilisation se mesure à l’éloignement des rapports de force nus, à l’existence d’un appareil normatif les organise.

          [« Contrairement à ce que vous pensez, les esclaves à Athènes n’étaient pas livrés au bon vouloir de leur maître. Le pouvoir de ce dernier était limité par les lois et les coutumes de la cité, et pas seulement par les rapports de force. » Je me demande quelles étaient les lois et coutumes qui limitaient le rapport de force entre le maître et l’esclave travaillant dans une mine.]

          Malheureusement, la sociologie du travail était très balbutiante chez les grecs, et le peu d’intérêt sur ces questions ne nous permet pas de savoir comment s’organisaient ces rapports. Mais dans des temps bien plus modernes, la lecture du « code noir » vous montrera une volonté claire de limiter et organiser les rapports de force.

          [« L’esclavage n’est en rien un « rapport de force ultime », c’est un statut au même titre que celui de salarié » Ce qui détermine la condition de l’esclave, c’est sa rareté. Là où l’offre est abondante, alors il peut être traité comme du consommable.]

          Exactement comme l’ouvrier…

          [« et si vous lisez le « code noir » vous verrez que les esclaves avaient légalement des droits dont les salariés n’ont bénéficié qu’au milieu du XXème siècle. » On va dire que le code noir était un voile pudique, car je doute fortement que les maîtres qui ne l’ont pas respecté, aient été sanctionnés.]

          Pourtant, les planteurs ont mobilisé tous leurs appuis politiques pour éviter sa promulgation. Pourquoi faire cet effort, si le texte n’était qu’un « voile pudique » ? Bien entendu, tous les planteurs n’ont pas appliqué le Code, et ceux qui l’ont appliqué n’ont probablement pas été aussi loin que le texte le prescrit. Mais de là à considérer qu’il n’a eu aucun effet…

          [« Après, vous me direz que l’application effective de ces règles dépendaient du rapport de force… mais cela est vrai de nos jours aussi ! » Seulement le travailleur libre a la possibilité d’aller où l’herbe est plus verte. Et si cette possibilité est inexistante, il ne risque pas de subir des châtiments corporels s’il traîne un peu trop des pieds au boulot.]

          Non, il risque le licenciement, la perte de son logement, et devoir vivre le reste de sa vie avec le RSA. Ce qui, par rapport aux châtiments corporels, reste objectivement un progrès, mais pas de quoi déboucher le Champagne. Quant à la possibilité du travailleur d’aller « où l’herbe est plus verte », cela implique que l’herbe soit plus verte quelque part. Or, dans un contexte où l’offre de travail dépasse la demande, les salaires baissent et la précarité monte partout.

          [« Si les conditions de production étaient meilleures en Argentine, le capital irait là-bas pour ensuite vendre sur le marché brésilien. Non, si le capital va vers le Brésil, c’est surtout parce que le pays est attractif par sa main d’œuvre abondante et bon marché et par la stabilité de ses politiques économiques protectionnistes, quel que soit le régime politique du jour. Encore un exemple où « l’homogénéité » du pays ne joue aucun rôle. » Les investissements pour vendre ou les investissements pour produire ? Car je donnais l’exemple d’une chaîne de supérette.]

          Pour produire. Je vous rappelle l’origine de cet échange : vous aviez écrit que nous risquions de « finir dans le meilleur des cas comme le Brésil, un pays au fond assez peu intéressant pour un « capitaliste » ». Aucune référence à une « chaine de superette ». Et je persiste : le Brésil est un pays fort intéressant pour un « capitaliste », puisque c’est la première destination d’investissement PRODUCTIF en Amérique Latine.

          [J’ajoute par ailleurs que le PIB/emploi de l’Argentine en dollars constants de 2011 est bien plus important que celui du Brésil :]

          Logique. L’Argentine est un pays relativement peu peuplé, assis sur une rente agricole liée à l’élevage et l’agriculture extensive. Il y a donc un PIB relativement important généré par une quantité de travail relativement faible. Presque la moitié des travailleurs sont « informels », et ne rentrent pas dans les statistiques.

          [« Pas du tout. La politique argentine se distingue par de puissants mouvements de balancier. Mais la politique ECONOMIQUE est la même depuis le coup militaire de 1976 : une politique de monnaie forte » Enfin, depuis 1999, la valeur Peso argentin ne cesse de s’enfoncer dans les abîmes]

          Oui, parce que la réalité s’impose. Le déséquilibre de la balance monétaire est tel que l’érosion de la monnaie est inévitable. Mais cela n’empêche pas tous les gouvernements successifs de faire des efforts massifs pour maintenir la parité peso-dollar anormalement basse. Ainsi, la cotisation « officielle » du dollar est presque la moitié de sa valeur de marché. Cette politique a pour effet de rendre les importations compétitives par rapport à la production nationale. Mais elle fait l’affaire des puissantes classes moyennes, qui aiment beaucoup acheter des produits importés et voyager…

          [« Il est d’ailleurs bien connu que les biens durables sont des investissements qui rapportent peu – laissons de côté le domaine du luxe, chez qui la fixation du prix échappe aux règles de marché « libre et non faussé ». » Je ne suis pas sûr. Sinon FNAC-Darty n’aurait pas lancé une offre d’assurance pour la réparation des produits électroménagers. La perte de durabilité des produits (perte portée par de nouveaux entrants sur le marché, les historiques (Miele, par exemple) cherchant à la maintenir) est selon moi plus la conséquence d’une volonté de la demande que de l’offre, demande qui souhaite renouveler régulièrement ses produits.]

          Ah, ces méchants consommateurs qui veulent garder longtemps leur frigo ou leur lave-linge, alors que les industriels cherchent au contraire à les persuader de les garder le plus longtemps possible… vous croyez vraiment ce que vous dites ?

          FNAC-Darty – qui sont des vendeurs, et non des fabricants – ont peut-être intérêt à offrir une « assurance réparation », puisque la prime d’assurance compense la marge sur la vente d’un nouveau produit. Mais le fabriquant, lui, a tout intérêt à ce que vous remplaciez votre lave-linge le plus fréquemment possible…

          [« Je ne me souviens pas que nous ayons été prévenus qu’il ne nous écouterait pas. A ma connaissance, il ne nous l’a jamais dit explicitement. » C’est comme lorsque François Hollande avait déclaré tambour battant que son ennemi est la finance, pour discrètement se dédire quelques jours après. Sauf à être tombé avec la dernière pluie, personne ne peut de bonne foi affirmer avoir été dupé. Il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.]

          C’est un peu différent. Hollande était le candidat d’un parti politique qui a gouverné la France la moitié des 40 dernières années, et qui n’a jamais renié les politiques pratiquées pendant ce temps. On pouvait juger sur pièce. Macron prétendait représenter une nouvelle manière de faire de la politique, et affirmait, après cinq ans au pouvoir, qu’il « avait changé » et que désormais il allait nous écouter. Vous me dites qu’on n’aurait pas dû le croire. Peut-être… mais si vous considérez le fait qu’il ait parlé de la réforme des retraites comme engageant, vous ne pouvez pas ne pas appliquer cette règle à son engagement à nous écouter.

          [« de la même manière qu’il avait promis de reculer l’âge de la retraite, il avait promis d’écouter le peuple. Lorsque ces deux promesses entrent en contradiction, laquelle prime dans votre système ? » Celle qui correspond au logiciel mental de Macron, la première. Une personne peut promettre tout et son contraire, mais à partir d’un moment, avec un minimum de jugeote on peut facilement deviner quelles promesses seront tenues.]

          Sans doute. Mais la question ici est non pas de prédire ce qu’il fera, mais dans quelle mesure ses paroles lui donnent légitimité pour le faire. Si sa promesse de faire la réforme « légitime » cette dernière, alors la promesse non tenue d’écouter les Français la lui enlève…

          [« Oh… des déclarations, cela ne coûte pas cher. Nous avons bien eu chez nous des politiques qui ont promis de « changer la vie »… et qui l’ont changée mais pas dans le sens promis. » Dans le cas présent, les « déclarations » ont consisté à mobiliser l’armée.]

          Avec quels effets ?

          [« Bien sûr que si. Même s’il y a entre eux quelques différences, notamment sur les solutions à mettre en œuvre, leur analyse du fonctionnement de l’économie est assez semblable. » Je ne suis pas sûr que la différence de conception du rôle de la monnaie entre Hayek et un Friedman soit purement cosmétique. Tout comme à la différence d’un Friedman, Hayek rejetait l’économie mathématique.]

          Je ne vois pas très bien la différence de fond entre Hayek et Friedman pour ce qui concerne le rôle de la monnaie dans l’économie. Quant à l’utilisation de l’instrument mathématique, c’est une question méthodologique, et non sur le fonctionnement de l’économie.

          [« Ca dépend de quelles « fariboles ». La structure de l’inconscient, oui. » J’aimerais bien savoir d’où vous tirez cette conclusion, car de ce que je retiens du consensus scientifique, c’est que la théorie psychanalytique de l’inconscient est invalide.]

          Je ne vois pas comment on peut SCIENTIFIQUEMENT invalider la théorie psychanalytique de l’inconscient, alors que celle-ci n’est pas scientifique au sens poppérien du terme. Quelle serait l’expérience susceptible de la falsifier ?

          [Diriez-vous que l’Association Française pour l’Information Scientifique, dont l’une de ses missions est de lutter contre les pseudosciences, se fourvoie en attaquant la psychanalyse ?]

          Ca dépend. Si l’affirmation de l’AFIS est que la psychanalyse n’est pas une connaissance scientifique, ils ont à mon avis parfaitement raison. Si elle affirme que la théorie de l’inconscient est fausse, elle a tort.

          [« Personnellement, je n’en fais pas de cette question de « confiance » un critère de civilisation. Dans les sociétés très primitives, où il n’y a pas de propriété privée, pas grande chose à voler, et une forme de dépendance absolue à la communauté, la « confiance » est absolue. » Seulement, les sociétés primitives sont particulièrement violentes. Le bon sauvage où tout le monde vit en harmonie, car il n’y a rien à envier, n’est qu’un mythe :]

          Exactement. La question de la violence n’a rien à voir avec celle de la confiance.

          [« Pourquoi, s’ils se font massacrer par des gens ayant quelque chose à faire dans le pays, c’est acceptable ? » Qui a dit que ça serait plus « acceptable » ?]

          Vous écriviez : « C’est triste braves gens que vos enfants puissent se faire massacrer par des individus n’ayant rien à faire dans ce pays ». Ce qui revient à dire que si les individus en question avaient quelque chose à faire dans le pays, la chose ne serait pas triste. Sinon, pourquoi introduire ce paramètre ? Pourquoi ne pas dire « c’est triste que vos enfants puissent se faire massacrer », tout simplement ? Pourquoi introduire cette distinction, si ce n’est pour marquer une différence dans la « tristesse » de la chose ?

          [Je remarque qu’à une quantité d’inacceptable, mais hélas difficilement compressible, on rajoute une quantité bien plus importante d’inacceptable mais compressible.]

          Les deux sont compressibles. Il vous suffit d’expulser tout le monde sauf vous.

          [« Qu’un déséquilibré – car selon toute vraisemblance il s’agit d’un déséquilibré – s’attaque à des enfants, c’est horrible, bien entendu. Mais cela reste un fait divers. » Un fait divers qui aurait pu être évité si la France n’était pas un attracteur à cinglés du tiers-monde.]

          On pourrait aussi en éviter en expulsant tous les cinglés bien de chez nous. Est-ce que vous proposez de le faire ?

  10. Glarrious dit :

    [ Pourquoi, s’ils se font massacrer par des gens ayant quelque chose à faire dans le pays, c’est acceptable ?]
    Non mais il était évitable s’il n’était entré pas en France.
     [  Je vous rappelle que ce n’est pas le premier cas de violence contre les enfants, et qu’ils sont aussi commis par des gens bien de chez nous. Souvenez-vous d’Erick Schmitt, et de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly.]
    Ils deviennent récurrentes, LA EST LE PROBLEME, affaire Lola, Shaina mais aussi l’attentat contre une école juive par Mohamed Merah ou bien la situation de détresse à cause de la colline aux cracks où dans les écoles aux alentour des enfants doivent être escorter par des flics. Ce n’est pas une raison de laisser enter chez nous n’importe qui.

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [« Pourquoi, s’ils se font massacrer par des gens ayant quelque chose à faire dans le pays, c’est acceptable ? » Non mais il était évitable s’il n’était entré pas en France.]

      Tout est « évitable » si vous allez par là. Interdisez les voitures, et vous n’aurez plus d’accidents de la route. Est-ce raisonnable d’utiliser comme argument contre l’immigration un incident rarissime, dans lequel le lien entre la nationalité de l’auteur et l’acte n’est nullement établi ?

      [« Je vous rappelle que ce n’est pas le premier cas de violence contre les enfants, et qu’ils sont aussi commis par des gens bien de chez nous. Souvenez-vous d’Erick Schmitt, et de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly. » Ils deviennent récurrents, LA EST LE PROBLEME,]

      Je ne sais pas. Avez-vous une statistique ? J’ai l’impression que LE PROBLEME réside plutôt dans le traitement médiatique de ce genre d’affaire. Je ne me souviens pas que lors de la prise d’otages à Neuilly le ministre de l’intérieur, le premier ministre et le président de la République se soient tous trois déplacés sur place pour verser leur larme. Cette affaire a fait d’ailleurs l’objet d’une couverture médiatique que je qualifierais sans hésiter d’indécente.

      [affaire Lola, Shaina mais aussi l’attentat contre une école juive par Mohamed Merah ou bien la situation de détresse à cause de la colline aux cracks où dans les écoles aux alentour des enfants doivent être escorter par des flics.]

      Il ne faut pas tout mélanger. L’affaire Merah ne concerne pas un immigré : Merah était né à Toulouse, de nationalité française, et avait fait toute sa scolarité en France. L’affaire Shaïna est assez typique des amours adolescentes, et je suis sûr que vous trouverez des références nombreuses à des affaires similaires dans nos campagnes…

      [Ce n’est pas une raison de laisser enter chez nous n’importe qui.]

      Avec votre critère, on ne laisse entrer personne…

      • Glarrious dit :

        [ Tout est « évitable » si vous allez par là. Interdisez les voitures, et vous n’aurez plus d’accidents de la route. Est-ce raisonnable d’utiliser comme argument contre l’immigration un incident rarissime, dans lequel le lien entre la nationalité de l’auteur et l’acte n’est nullement établi ?]
         
        Tout est « évitable » ? Non mais certains j’estime que oui, avec des contrôles aux frontières il ne serait pas entré, de même pour Merah qui certes est né en français ( personnellement je le considère comme “un français de papier” dont son rapport à la France est purement administrative) mais a fait le jihad en Afghanistan pour ENSUITE REVENIR EN FRANCE POUR COMETTRE LES ATTENTATS.
         
        [Je ne sais pas. Avez-vous une statistique ? J’ai l’impression que LE PROBLEME réside plutôt dans le traitement médiatique de ce genre d’affaire. Je ne me souviens pas que lors de la prise d’otages à Neuilly le ministre de l’intérieur, le premier ministre et le président de la République se soient tous trois déplacés sur place pour verser leur larme. Cette affaire a fait d’ailleurs l’objet d’une couverture médiatique que je qualifierais sans hésiter d’indécente.]
         
        Voici l’explosion de violence contre les enfants : https://fr.statista.com/statistiques/582190/nombre-violence-mauvais-traitement-abandon-enfants-france/
        L’affaire de la prise d’otage s’est bien terminé à la fin, le preneur d’otage a été éliminé par le RAID et les otages étaient sauvés. 

        • Descartes dit :

          @ Glarrious

          [Tout est « évitable » ? Non mais certains j’estime que oui, avec des contrôles aux frontières il ne serait pas entré, de même pour Merah qui certes est né en français (personnellement je le considère comme “un français de papier” dont son rapport à la France est purement administrative) mais a fait le jihad en Afghanistan pour ENSUITE REVENIR EN FRANCE POUR COMETTRE LES ATTENTATS.]

          Je ne vois pas très bien ce que le contrôle aux frontières aurait évité. Sauf à interdire aux citoyens français qui voyagent l’étranger d’y revenir, on n’aurait pas pu éviter que Merah revienne dans son pays, quand bien même ce ne fut que son pays administrativement. Pour ce qui concerne l’auteur de la tentative d’assassinat d’Annecy, il se trouvait régulièrement en France. Le contrôle aux frontières n’aurait donc rien changé.

          [Voici l’explosion de violence contre les enfants : (…)]

          Malheureusement, cette statistique ne permet pas de conclure à une augmentation des actes de violence contre les enfants. La difficulté est que votre statistique montre le nombre de faits constatés par la police nationale, en augmentation continue. Mais vous savez aussi qu’il y a ces dernières années une sensibilité particulière sur ce sujet, qui fait que des actes qui naguère n’était pas considérés comme des violences, ou qui n’étaient pas reportés, le sont aujourd’hui. Et du coup, il est difficile de savoir s’il y a une véritable augmentation, ou simplement une meilleure connaissance du phénomène.

          [L’affaire de la prise d’otage s’est bien terminé à la fin, le preneur d’otage a été éliminé par le RAID et les otages étaient sauvés.]

          Et alors ?

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