Mélenchon dans sa réalité parallèle

« Dans cette maison, le 18 juin 1940, le peintre Vincent Van Gogh aurait pu entendre l’appel du général De Gaulle, s’il avait eu la radio, s’il avait été là, et s’il n’avait pas été mort » (panneau dans un village touristique)

Depuis les dernières élections législatives, je l’avoue, j’ai cessé de m’intéresser aux écrits de Jean-Luc Mélenchon. Oui, je sais, c’est irresponsable de ma part compte tenu de l’importance du Petit Timonier dans le paysage politique français, mais j’avoue que sa prose colérique et théâtrale a fini par me fatiguer. L’imprécation continue et creuse, à la fin, ça lasse. Et puis, je l’avoue, j’avais pensé que sa non-candidature aux législatives et le vaste coup de balai conduit par son héritier putatif Manuel Bompard, qui a poussé vers le placard un paquet de vieux compagnons du leader minimo – Alexis Corbière, Raquel Garrido… – traduisait une volonté de se ranger des voitures et de faire place aux jeunes.

On dit que les vieux donnent des bons conseils pour se consoler de ne plus pouvoir donner des mauvais exemples. Mélenchon est l’exception qui confirme la règle. Il persiste à donner le mauvais exemple, et ne réussit toujours pas à donner des bons conseils. La lecture de son dernier opuscule sur son blog le confirme : il n’a rien oublié, et rien appris. Tous ceux qui veulent se plonger dans la psychologie de Jean-Luc Mélenchon et comprendre le pourquoi de ses embardées stratégiques trouveront dans ce texte une mine d’informations (1), et souvent de comique involontaire.

D’abord, on y retrouve l’habitude mélenchonienne de prendre des libertés avec l’histoire lorsque cela l’arrange. Un petit exemple : « L’évolution de la social-démocratie danoise dans la xénophobie le prouve. Comme chaque fois, dans de telle circonstances, la gauche ne traverse jamais l’épreuve en restant indemne ! Le socialiste Marcel Déat ou le communiste Jacques Doriot l’ont montré dans le passé sur le mode danois d’aujourd’hui. Dès le début, Léon Blum avait vu clair et dit quel effroi lui suggéraient les propos de Déat sur « l’ordre ». Et, bien sûr, la bonne société montra Blum du doigt. »

Il est drôle de voir Mélenchon le révolutionnaire invoquer les mânes de ce grand réformiste qu’était Léon Blum. Mais surtout, je me demande bien à quels propos de Déat sur « l’ordre » Mélenchon fait référence. Si j’en crois le Maitron, qui fait autorité en la matière, la scission de la SFIO et les « néo-socialistes » dont était Déat ne se passa pas du tout comme il le dit : « ce fut Adrien Marquet qui précipita les choses, en lançant le triptyque, « Ordre, Autorité, Nation », dont Léon Blum se déclara épouvanté. Dans son discours, Déat développa les thèmes néos, en demandant au socialisme de ne se couper ni des classes moyennes, ni de la démocratie ni de la nation. Son intervention fut bien accueillie. Blum, dans sa réponse, ménagea Déat et Montagnon, tentant d’isoler Marquet ». Mais surtout, on ne voit pas le rapport avec « l’évolution de la social-démocratie danoise dans la xénophobie ». Le moteur de l’évolution politique de Déat n’est pas la xénophobie ou l’antisémitisme. Tout au long des années 1930, il sera l’un des hommes politiques les plus investi dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, intervenant régulièrement dans les réunions de la LICA – où il déclare, en 1935, « Nous sommes un peuple de métis » – et est associé à différentes organisations pro-sionistes. Non, ce qui conduira Déat de la « social-démocratie » à la Collaboration, c’est l’anticommunisme, notamment après l’expérience du Front Populaire. Ainsi, il se fait élire en 1939 député élu à Angoulême sur une liste de « rassemblement anticommuniste ». Un anticommunisme que Blum l’effrayé partage largement : on se souvient de son éditorial du « Populaire » approuvant l’interdiction du Parti communiste et la révocation des députés communistes en 1939…

Je n’ai pas non plus trouvé le moindre élément qui indiquerait que, « la bonne société », comme le dit Mélenchon, ait « montré du doigt » Blum à cette occasion. Il faut rappeler qu’on est en 1933, que le rapprochement qui aboutira au Front Populaire n’est même pas entamé, et que Blum ne fait donc pas encore objet de la détestation de « la bonne société ». Au contraire, « la bonne société » lui sait gré de s’être opposé au Congrès de Tours à l’adhésion à la IIIème Internationale. Ce n’est que plus tard, lorsqu’il aura ouvert la porte aux affreux en 1936 que la droite lui vouera une haine véritable.

Mais que ce soit pour Déat ou Doriot, voir l’évolution qui les mena de la gauche à la Collaboration « sur le mode danois d’aujourd’hui » n’a ni queue ni tête. Au cas où cela aurait échappé à Mélenchon, les sociaux-démocrates danois d’aujourd’hui sont arrivés au pouvoir par la grâce du suffrage universel dans un cadre démocratique. La politique qu’ils mènent – qu’on l’approuve ou pas – est celle voulue par le peuple danois. Déat et Doriot – comme l’ensemble des collaborateurs d’ailleurs – tiennent leur pouvoir d’une armée d’occupation. La comparaison est absurde. Mais elle sert un but politique : salir les dirigeants d’aujourd’hui, communistes (assimilés à Doriot) et socialistes (assimilés à Déat) en se portraiturant lui-même sous les traits du « sage » Blum.

Mais il y a plus amusant. Prenons par exemple le paragraphe suivant : « Ainsi, quand « Le Monde », sur plus de trente articles, n’en écrit pas un qui ne soit à charge (…). Quand ce journal, dont Trotsky, citant Jaurès, disait qu’il était « la bourgeoisie faite journal », fait cette sale besogne déshumanisante, ce n’est pas pour les milieux populaires qui ne le lisent pas. »

Si Jaurès et Trotsky ont qualifié le journal « Le Monde » de « la bourgeoisie faite journal », c’est qu’ils avaient des dons de voyance. Trotsky est mort en 1940 des suites d’un malheureux accident d’alpinisme dans sa chambre, et Jaurès avait quitté ce monde en 1914. Ni l’un, ni l’autre n’ont pu parcourir le journal « Le Monde », fondé par Hubert Beuve-Méry au sortir de l’Occupation, en 1944.

Si l’on croit ses thuriféraires qui vantent régulièrement sa grande culture historique, alors il faut conclure que cet anachronisme n’est pas une erreur de Mélenchon, mais tient d’un choix politique, celui de vivre dans une réalité parallèle. Et ce fonctionnement intellectuel est devenu – l’imitation, dit-on, est la plus sincère des flatteries – celui de l’ensemble des « insoumis ». C’est la logique de la « vérité alternative » chère à Donald Trump. Il ne s’agit pas de réinterpréter les faits, ce qui est après tout discutable mais licite, mais de changer les faits eux mêmes. Et ce n’est pas nouveau : depuis sa première aventure présidentielle, on trouve de bons exemples. La pauvre Emilienne Motpy, résistante communiste ravalée par la grâce mélenchonienne au rôle de féministe avant l’heure, en avait fait les frais (2).

Mais pour qui donc « la bourgeoisie faite journal » fait cette « sale besogne déshumanisante » ? Voici la suite du paragraphe : « C’est pour cette classe moyenne de pouvoir qui y est abonnée par les institutions. Il fait campagne pour faire baisser la proportion de 35 % de ses lecteurs qui a voté Insoumis aux présidentielles et aux législatives. Ses éditorialistes savent exactement ce qu’ils font, à quelle manœuvre ils participent. Ils se croient capables de la contrôler et d’empêcher que les choses aillent « plus loin » c’est-à-dire jusqu’à la liquidation d’autres forces politiques et peut être d’eux-mêmes. »

Les mots ont leur sens, et on ne peut utiliser le mot « liquider » sans précautions. Ici, il vaticine la « liquidation d’autres forces politiques », que les éditorialistes du « Monde » croient – à tort, selon le leader minimo – pouvoir « empêcher ». Fort bien : qui dit « liquidation », dit « liquidateur ». Qui serait ici celui qui « liquiderait » ces forces politiques – et accessoirement les éditorialistes de « Le Monde » ? Est-ce LFI qui se propose de tenir se rôle ? Il faut le croire puisque selon Mélenchon on ne peut « empêcher la liquidation d’autres forces politiques » qu’en s’attaquant à LFI. Comment s’étonner dans ces conditions que ces « autres forces politiques », promises à la « liquidation », utilisent tous les moyens à leur disposition pour échapper à la guillotine qui leur est promise ? Qui pourrait leur faire reproche ?

Mais au-delà de ces manipulations de l’histoire et ces détails de langage – qui n’en sont pas – c’est la tonalité générale qui frappe. Car dans ce très long papier, Mélenchon exagère le procédé de victimisation jusqu’à la paranoïa. Voici un exemple : « Au total, tout aura été tenté déjà contre nous : lawfare, menaces de mort, livres calomniateurs, manipulation d’agences d’intelligence, complots pour m’assassiner, vindicte permanente à coup d’un scandale sur un mot par semaine, punition hors la loi de députés, ordre d’attaque du Président en personne, refus judiciaire de faire retirer les vidéos où l’on montre comment assassiner des Insoumis ».

Cette paranoïa n’a pas de support dans la réalité: le « lawfare » n’est qu’un fantasme, un mythe qu’il a lui-même alimenté en faisant un scandale d’une perquisition somme toute assez banale. Et Mélenchon se donne beaucoup d’importance en imaginant qu’il y ait eu quelque part un « complot pour l’assassiner », lui ou ses partisans. Mais cette paranoïa n’est pas là par hasard. Elle vise à créer chez les « insoumis »une mentalité de forteresse assiégée qui permet de réduire au silence toute voix dissidente. Cette logique est un élément essentiel de tout fonctionnement sectaire. Car pour imposer son discours comme seul discours possible, la secte doit isoler ses membres de tout ce qui pourrait conduire à une remise en cause, à tout ce qui peut instiller le doute. L’adepte ne doit lire que les écrits de la secte, ne doit entendre que le discours de la secte, ne doit voir la réalité qu’à travers le prisme que la secte lui offre. Et tout ce qui vient de l’extérieur doit être rejeté sans même être examiné, tant il est vrai que « réfléchir, c’est commencer à désobéir ». Persuader les adeptes que les puissances visibles ou occultes de ce monde conjuguent leurs forces pour les détourner de leur but, pour les corrompre, pour les « tuer », que tout ce qui se dit et s’écrit en dehors de la secte est le résultat d’une volonté de nuire, de détruire, et qu’il doit donc être rejeté sans examen, est le b-a-ba de toute emprise sectaire.

Et comme souvent dans les sectes, on tombe vite dans le discours apocalyptique. Jugez plutôt : « « L’arc républicain », « la réconciliation nationale », sur la base politique de la diabolisation du Mouvement Insoumis et de ses élus, est la formule française du système hongrois de Orban ou de celui du PiS polonais. Celui de la Suède ou de la Finlande, celui de l’Italie, celui qui mûrit en Autriche (…). N’importe quel observateur un tant soit peu informé sait ce que cela veut dire, et ce que cela prépare en France et en Europe. Et quand les coalitions d’« arc républicain » et de « réconciliation nationale » auront tout écrasé autour d’elles, les divers nationalismes des divers pays feront leur retour dans l’antagonisme mutuel qu’ils portent en eux. Il est dans l’ordre des choses que la guerre intérieure contre une partie du peuple, menée au nom d’arguments ethniques et religieux, finisse dans le choc extérieur sur les mêmes bases ethnicistes et religieuses. Trois cent ans d’histoire française et des décennies de guerres européennes depuis la même période nous l’enseignent. La ligne de pente est écrite, si nous ne la bloquons pas avant qu’elles ne parviennent à son but. »

Là encore, les « trois cents ans d’histoire française » que Mélenchon invoque lui donnent tort. Ce n’est pas « la guerre intérieure contre une partie du peuple menée au nom d’arguments ethniques et religieux » qui a conduit aux guerres napoléoniennes, à la guerre de 1870 ou même celle de 1914. Ce serait plutôt le contraire : on se permet des « guerres intérieures » lorsque les perspectives de « guerre extérieure » s’éloignent. Lorsque la menace d’une « guerre extérieure » se précise, on cherche au contraire à effacer les divisions de la collectivité nationale pour mobiliser tous les moyens contre l’ennemi extérieur. Louis XIV révoque l’Edit de Nantes alors que la France est en paix et au faîte de sa puissance. L’affaire Dreyfus se développe dans un contexte où la paix conclue en 1870 semble solide et les chances de « revanche » s’éloignent. A l’inverse, 1914 fut un moment d’unité nationale au-delà des frontières religieuses ou politiques.

Le but de cette affirmation appuyée dans l’histoire – ou plutôt dans une réécriture de cette dernière – est évident : faire peur. Autrement dit, mobiliser ses militants non pas avec la promesse d’un avenir radieux, mais avec la menace d’un futur terrible (3) que le gourou est le seul à pouvoir conjurer. On retrouve là une logique apocalyptique bien connue, celle des grands prêtres qui s’érigent en seule planche de salut devant une catastrophe imminente, qu’elles ont tout intérêt à exagérer ou à inventer de toutes pièces. Car on peut se le demander : Mélenchon croit-il vraiment que l’arrivée au pouvoir de Meloni en Italie annonce une future guerre franco-italienne ? Que la Hongrie d’Orban se dispose à faire la guerre à ses voisins ? En fait, c’est tout le contraire. La guerre d’Ukraine montre que les pays ouverts et tolérants en matière ethnique, sexuelle ou religieuse sont autant « va-t-en guerre » que les plus intolérants.

Mais Mélenchon ne se contente pas de manipuler le passé. Le présent ne s’en sort pas mieux. Prenons un exemple. A propos des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel M., il écrit : « Ce lien, comme je l’ai fait alors, entre les causes en général et les effets en général, pris comme un tout, il faut le faire de même dans le cas des révoltes urbaines. Combien de textes ont déjà dit, mieux que je le ferai jamais, quelle injustice contient le traitement de la violences des classes qui s’affrontent dans la cité. Ils peignent cette violence absolue et radicale, cruelle et sans nuance des conseils d’administration qui vouent à la mort sociale des salariés licenciés. Ils montrent ces journalistes et autres porte-caméras à gages, qui aboient devant les incendies comme les loups devant la lune pour faire envoyer en prison des enfants, ces bourgeois confits d’eux-mêmes dégoulinant de haine contre le peuple qui ne se tient pas en silence à sa place. »

Tout ça est très joli. Mais on est obligé de constater que si les habitants des cités populaires souffrent de la « violence des conseils d’administration qui vouent à la mort sociale les travailleurs licenciés », ils sont aussi aux premières loges lorsque leur voiture est incendiée, lorsque la bibliothèque publique de leur quartier est dégradée, lorsque le gymnase où ils font du sport part en fumée. Et surtout, ce sont eux qui souffrent le plus des rodéos, du deal et la violence qui vient avec. Que propose Mélenchon à ces gens-là ? De faire le lien « entre les causes en général et les effets en général, pris comme un tout » ? De regarder leur voiture brûler en pensant à « la violence absolue et radicale, cruelle et sans nuance des conseils d’administration » ? De se consoler en pensant que la motivation des émeutiers est « juste » ?

Avec ce discours, Mélenchon s’inscrit dans la tradition de ces trotskystes qui méprisaient les conquêtes du mouvement ouvrier au motif qu’elles n’étaient pas révolutionnaires, qu’elles ne mettaient pas fin à l’exploitation capitaliste. Et, là encore, réécrit la réalité à sa convenance, au point qu’on peut se demander si cela ne relève pas de l’auto-intoxication. Croit-il vraiment que la destruction de bibliothèques, d’écoles, de gymnases, que le saccage de petits magasins de proximité et le pillage de grandes enseignes est la manifestation d’une « violence de classes », l’expression « du peuple qui ne se tient pas en silence à sa place ? Cette vision, c’est bien celle d’un (petit) bourgeois « confit de lui-même ». La classe ouvrière, comme le notait George Orwell, a une forme de « common decency » (« décence commune »). Elle n’est ni idiote, ni aveugle, et fait très bien la différence entre les institutions et les lieux qui symbolisent l’oppression et celles qui, au contraire, sont émancipatrices. Je mets au défi mon lecteur de donner un exemple, un seul, où la violence ouvrière ait mis le feu à une école, à une bibliothèque, à une université. Les petits bourgeois gauchistes l’ont fait en 1968 (4), de la même manière qu’ils se sont précipités à Renault-Billancourt pour « casser les machines du capital ». Les ouvriers ne les ont pas laissé faire, comme ils ont toujours protégé, même lors des grèves dures, l’outil de travail.

L’ouvrier ne fout pas le feu à la voiture de son voisin, parce qu’il est conscient de l’effort qu’il a fallu pour l’acheter. Il ne dégrade pas la bibliothèque ou l’école, parce qu’il sait que c’est là la seule chance de promotion sociale de ses enfants. Il n’incendie pas le supermarché parce qu’il sait ce que cela veut dire de faire une demie heure de transport pour aller acheter ailleurs. Il ne met pas le feu au bus parce qu’il sait qu’il en a besoin pour aller au travail tous les jours. Il sait d’ailleurs que tous ces bâtiments, tous ces biens que certains détruisent allègrement sont le résultat de l’effort humain – en général, de l’effort de gens comme lui. C’est le lumpenprolétariat, le marginal, l’enfant-roi – quel que soit son âge – qui peut s’amuser de la destruction ou du pillage de ces biens qu’il ne produit pas, parce qu’il n’a pas conscience du lien entre le bien et l’effort qu’il faut pour le produire. Et c’est le petit bourgeois – et surtout le petit bourgeois héritier, qui en est la pire espèce – qui voit dans ces comportements une « violence de classe » que justifie on ne sait quelle « violence des conseils d’administration ».

Mélenchon est devenu un personnage dangereux. Non parce qu’il risque d’arriver au pouvoir : les chances de le voir à Matignon ou à l’Elysée sont – heureusement – minimes pour ne pas dire inexistantes. Il est dangereux parce que ses discours enflammés – soutenus par d’indéniables qualités d’orateur – dérivent de plus en plus vers une vision nihiliste et apocalyptique, parce que son discours se place de plus en plus dans une sorte de réalité parallèle où l’on est libre non seulement d’interpréter les faits, mais de les modifier pour appuyer sa démonstration. Et que ce déni de réalité s’étend malheureusement à l’ensemble de la gauche, malgré les efforts de certains de ses dirigeants. Or, comme disait mongénéral, on ne fait de la politique qu’avec des réalités – des réalités réelles, pas des réalités inventées pour les besoins de la cause. On ne change pas le réel quand on réfléchit dans un monde où l’on peut mourir en 1940 et commenter un journal né en 1944…

Descartes

(1) Texte consultable ici : https://melenchon.fr/2023/07/15/retour-a-la-raison-sur-les-revoltes-urbaines/

(2) https://descartes-blog.fr/2012/06/05/la-seconde-mort-demilienne-mopty/

(3) C’est dans ce discours qu’on peut voir la différence avec le PCF « stalinien » : même si l’on trouve à l’époque certains comportements sectaires, on ne retrouve jamais le caractère apocalyptique. Le communisme a toujours promis, même dans les moments les plus sombres, « des lendemains qui chantent » (Péri), « une société où il y aura pour tous du pain et des roses » (Marx), « il va vers le soleil levant notre pays » (Eluard). En ce sens Roussel et sa « campagne des jours heureux » ne fait que renouer avec la tradition « positiviste » du mouvement ouvrier, dont le PCF fut pendant très longtemps le principal porteur.

(4) « Quelques jours plus tard, j’acceptai de prendre un tour de garde aux portes de la bibliothèque de la Sorbonne, menacée par les Katangais. Les Katangais étaient des êtres vagues ; on ne savait pas d’où ils étaient sortis. Ils portaient ce nom en souvenir des mercenaires qui avaient fait la guerre au Katanga ; on disait qu’ils venaient de là. Il faut les avoir vus arpenter la Sorbonne avec leurs chaînes de vélo et leurs coups-de-poing américains! Ils avaient un regard à vous bouffer tout cru. Pierre, l’un de mes étudiants en philo, expliquait avec feu qu’il fallait s’en tenir à Lénine : « Pour faire la révolution, il faut ouvrir les portes des prisons ! C’est ce que disait Lénine ! On a besoin de la pègre ! » criait-il devant un amphithéâtre emballé. Plus tard, il est devenu psychanalyste. J’entends encore le mot rouler. Pègre ! Pègre ! Il en avait lui-même le souffle coupé. Comme je suis brave ! Je justifie la pègre !

La nuit où je pris mon tour de garde, la pègre mit le feu à la bibliothèque. Je m’étais enroulée dans une couverture sur une banquette de bois quand le feu éclata dans le secteur des thèses et nous ne pûmes rien faire, sinon donner un coup de main aux pompiers. Au petit matin tout le secteur des thèses avait brûlé. Dans la rue des Ecoles, se dressaient des tas de livres en cendres dégouttant d’eau. J’en ramassai un dont le haut des pages était noirci. C’était la thèse de Canguilhem. Quand je me relevai, Canguilhem était là, contemplant le désastre. Je lui tendis sa thèse sans un mot. Il pleurait. Moi aussi » (Catherine Clément, « Mémoire »).

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

39 réponses à Mélenchon dans sa réalité parallèle

  1. tmn dit :

     
    Bonjour,
     
    Il est tentant de rapprocher cette “vérité alternative” mélenchonienne de celle qui s’est emparée depuis quelques années d’une partie de l’opposition, et notamment des souverainistes Asselineau, Philippot, voire Dupont-Aignan. Ainsi que de Trump, mais aussi du mouvement QAnon et ses dérivés aux USA ou chez nous, avec une vraie myriade de “résistants” aussi irrationnels que flippants.
     
     
    Personnellement je trouve ceci un brin désespérant, quand ce sont (comme vous le mentionnez) les faits qui sont remis en cause, on ne peut en fait même plus discuter, s’opposer, c’est quelque part la fin de toute possibilité de débat politique.
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [Il est tentant de rapprocher cette “vérité alternative” mélenchonienne de celle qui s’est emparée depuis quelques années d’une partie de l’opposition, et notamment des souverainistes Asselineau, Philippot, voire Dupont-Aignan.]

      Tout à fait. Je prends Mélenchon comme exemple parce que c’est un cas extrême, mais aussi parce que l’individu et surtout ses thuriféraires ne perdent pas une opportunité de souligner la “grande culture historique” du leader minimo, et parce que celui-ci ne perd lui non plus une opportunité d’appeler l’histoire à son secours – ce qui n’est pas le cas ni avec Asselineau, ni avec Philippot, ni même avec Dupont-Aignant. Il est quand même curieux qu’un homme qui prétend avoir une culture historique et qui cite l’histoire à tout bout de champ fasse de tels écarts…

      Mais Mélenchon est un cas extrême d’une dérive constante, de la gauche en particulier mais du monde politique en général. Et qui est logique: plus la culture historique de nos concitoyens devient faible, et plus les hommes politiques peuvent inventer les faits sans que personne ne tique. Il y a un demi-siècle, quand la gauche était historiciste et que chaque parti politique avait sa section historique, les erreurs de Mélenchon l’auraient condamné au ridicule. Souvenez-vous comment Pierre Vidal-Naquet avait pointé rigoureusement toutes les erreurs historiques contenues dans “le testament de Dieu” de Bernard-Henri Lévy. Dans les milieux intellectuels, BHL ne s’en est jamais relevé. Mais aujourd’hui, on peut faire lire “Le Monde” à Jaurès ou Trotski impunément. Combien de jeunes “insoumis” sont capables de citer la date de fondation de “Le Monde” ?

      [Ainsi que de Trump, mais aussi du mouvement QAnon et ses dérivés aux USA ou chez nous, avec une vraie myriade de “résistants” aussi irrationnels que flippants.]

      Vous avez raison, cela ne touche pas seulement à l’histoire. Les campagnes des “antivax” montrent combien le réel s’efface devant le récit. C’est là le triomphe de l’idéologie post-moderne, qui confond le “fait” et le “récit sur le fait”, et du coup transforme la connaissance scientifique en un “récit” comme un autre.

      [Personnellement je trouve ceci un brin désespérant, quand ce sont (comme vous le mentionnez) les faits qui sont remis en cause, on ne peut en fait même plus discuter, s’opposer, c’est quelque part la fin de toute possibilité de débat politique.]

      Tout à fait. On ne peut faire de la politique qu’à partir des réalités. Le refus d’utiliser les instruments rationnels pour connaître cette réalité rend toute action politique aléatoire.

      • Marire dit :

        Quand vous citez les campagnes antivax, faites-vous allusion aux campagnes contre les vaccins en général, ou à ceux qui se sont basés sur les références médicales qui demandaient un délai de dix ans pour tester l’immunité d’un nouveau vaccin?

        • Descartes dit :

          @ Marire

          [Quand vous citez les campagnes antivax, faites-vous allusion aux campagnes contre les vaccins en général, ou à ceux qui se sont basés sur les références médicales qui demandaient un délai de dix ans pour tester l’immunité d’un nouveau vaccin?]

          Les deux, mon général. En fait, le terme “antivax” regroupe pour moi tous ceux qui rejettent des vaccins avec des arguments irrationnels. Il est irrationnel de s’opposer aux vaccins en général, dans la mesure où plus d’un siècle d’expérience a montré l’efficacité radicale des vaccins contre des maladies comme la variole – fléau aujourd’hui totalement erradiqué – ainsi que celui contre la poliomyélite, la diphtérie ou la tuberculose.

          Mais il est tout aussi irrationnel d’exiger “un délai de dix ans” pour tester l’innocuité d’un vaccin. Pourquoi pas 9 ans, ou bien 11 ans plutôt ? Aucune étude ne prouve qu’un vaccin est “sûr” après dix ans de tests, et “pas sûr” avant cette date. La durée des tests que l’autorité sanitaire impose est une pure question de balance risque/avantage. Si vous avez une maladie très virulente, qui tue 9 personnes sur dix, et qu’on vous propose un vaccin efficace, vous l’adopterez avec une durée d’essais très faible: même s’il se révèle toxique dans un cas sur dix, il sera toujours moins dangereux que la maladie elle-même. S’il s’agit d’une maladie peu virulente, pour laquelle des traitements efficaces existent, on exigera des tests plus longs et plus approfondis avant de vous autoriser à le mettre sur le marché. Mais exiger “un délai de dix ans” comme si dix ans était une longueur magique assurant l’innocuité d’un vaccin, c’est irrationnel. Si vous exigez vingt ans, vous aurez un risque encore moindre.

  2. Cording1 dit :

    L’évolution et  le comportement de Melenchon et de la FI ne seraient pas graves si cela ne concernait qu’eux. Le problème c’est son influence voire les diktats qu’il impose à toute la gauche par la NUPES interposée. Celui des Verts n’est pas moins problématique qui ont une préférence pour les questions sociétales largement étrangères aux catégories populaires et moyennes bien plus portées à la décence commune de George Orwell. En plus il terrorise une partie de la gauche modérée qui doit sa survie électorale à la NUPES celle du PS qui a accepté sa férule. Elle oublie facilement les leçons de l’élection partielle de l’Ariege où la sortante LFI-NUPES a été battue par  une socialiste dissidente. 
    En bref on dirait selon le fameux adage latin que Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre. C’est toute la gauche qu’il entraîne vers un échec politique programmé pour 2027. 

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [L’évolution et le comportement de Melenchon et de la FI ne seraient pas graves si cela ne concernait qu’eux. Le problème c’est son influence voire les diktats qu’il impose à toute la gauche par la NUPES interposée.]

      A mon sens, Mélenchon ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Mélenchon n’a pas créé la vague d’irrationalité qui nous a progressivement submergés depuis la fin des années 1960. Il ne fait que surfer sur elle. Avant lui, les « nouveaux philosophes » et autres « postmodernes » ont joué le même jeu. Si Mélenchon est en mesure « d’imposer ses diktats », c’est surtout parce qu’il est en résonance avec une partie de la société, qui préfère le principe de plaisir au principe de réalité.

      [Celui des Verts n’est pas moins problématique qui ont une préférence pour les questions sociétales largement étrangères aux catégories populaires et moyennes bien plus portées à la décence commune de George Orwell.]

      Tout à fait. Les écologistes ont eux aussi le plus grand mépris pour les faits. Les bêtises qui sont dites quotidiennement par les mouvements antinucléaires sont une excellente illustration. Et c’est d’autant plus choquant que contrairement aux faits historiques, dont nous avons une connaissance forcément indirecte à travers des documents, les faits scientifiques que les antinucléaires contestent sont vérifiables par de simples expériences…

      [En plus il terrorise une partie de la gauche modérée qui doit sa survie électorale à la NUPES celle du PS qui a accepté sa férule. Elle oublie facilement les leçons de l’élection partielle de l’Ariege où la sortante LFI-NUPES a été battue par une socialiste dissidente.]

      Oui, enfin, il ne faudrait pas trop exagérer la « terreur » en question. Ni Faure ni Roussel n’hésitent à se démarquer de Mélenchon. L’alliance électorale survivra tant que tout le monde y trouvera un intérêt, mais en dehors de l’accord électoral la NUPES n’a pas de véritable réalité. D’ailleurs, le débat au PS entre pro- et anti-NUPES porte moins sur le fond que sur l’intérêt tactique de l’alliance, sur l’intérêt relatif d’aller chercher les électeurs à gauche plutôt qu’au centre.

      [En bref on dirait selon le fameux adage latin que Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre. C’est toute la gauche qu’il entraîne vers un échec politique programmé pour 2027.]

      Quelle importance ? Quand « la gauche » réussit, on a droit à un Jospin qui bat tous les records de privatisation et privatise EDF, ou un Hollande qui saccage le Code du travail avec la loi El Khomri et se déculotte devant une Fernanda. Si Mélenchon achève le PS, il aura au moins fait ça dans sa vie.

  3. Ferrage dit :

    Tout ça sent le stalinien bon teint ….
    gratez le verni du donneur de leçons d’histoire …et découvrez la face hideuse des aboyeurs au service de Sa Majesté !

    • Descartes dit :

      @ Ferrage

      [Tout ça sent le stalinien bon teint …. gratez le verni du donneur de leçons d’histoire …et découvrez la face hideuse des aboyeurs au service de Sa Majesté !]

      Admettons que je sois un « stalinien bon teint » et à la fois un hideux « aboyeur au service de Sa Majesté » (deux affirmations assez contradictoires entre elles, mais passons…). Une fois cela admis, est-ce que les éléments factuels que j’ai cité dans mon article sont exacts ou pas ? Est-ce que le petit timonier a fait opiner Trotski ou Jaures sur un journal qui a été fondé après leur mort ? Est-ce qu’il a inventé une biographie d’Emlienne Mopty qui n’a qu’un rapport lointain avec la vraie pour servir sa cause ? Est-ce qu’il a « effrayé » Blum à contretemps ? Je constate que dans votre commentaire vous ne le contestez pas. Selon une vieille jurisprudence, dès lors qu’une partie ne conteste pas les faits invoqués par une autre, ceux-ci doivent être regardés comme établis à son égard. Dont acte. Et dans ce cas, les « insoumis » ont un grave problème, celui d’avoir un dirigeant investi de tous les pouvoirs qui déforme les faits pour les accommoder à ses besoins. Et le fait que je sois un suppôt du petit père des peuples ou que j’aboie pour Macron ne change rien : les faits restent les faits.

      Votre commentaire est intéressant parce qu’il illustre jusqu’à la caricature les travers que je dénonce chez les « insoumis ». D’une part, le mépris absolu des faits. De l’autre, le réflexe sectaire qui consiste à rabaisser au rang de vermine ceux qui feraient entendre une voix critique, et de refuser d’examiner leurs arguments au motif que celui qui les porte serait – par définition – animé d’intentions malveillantes plus ou moins avouées. Ce réflexe sectaire est bien entendu alimenté par le gourou et cercle aulique, parce qu’il est bien utile à l’heure d’exclure toute expression contestataire.

      Un jour, vous verrez, il vous arrivera d’être en désaccord avec le gourou et de le dire. Et ce jour-là, vous verrez, ce sera vous le « stalinien bon teint », le « hideux aboyeur au service de Sa Majesté », comme le furent Claude Desbons (qualifié par le gourou de “cacique aigri” sur son blog) ou Thomas Guenolé (qui raconta ses mésaventures dans un livre au titre beaucoup trop optimiste, “la chute de la maison Mélenchon”). Faites-moi confiance, je suis passé par là… et quand ce jour sera arrivé, souvenez-vous de cet échange.

  4. P2R dit :

    Le truc avec Mélenchon, c’est que je n’arrive pas à savoir s’il croit ce qu’il dit (ce qui en ferait, comme dit le dicton, un homme dangereux), ou s’il “fait comme si”, comme dirait De Gaulle.
     
    Au fil de vos publications, il m’a clairement semblé que vous étiez convaincu de la deuxième hypothèse: Mélenchon tapinerait un certain électorat au mépris de ses convictions (pour peu qu’il en ait). En gros, vous brossiez un personnage si peu “idéologiquement sincère” qu’il vous semblait certain que s’il devait arriver aux manettes, il adopterait immédiatement une politique de type “business as usual”.
     
    Avec ce dernier article, je me prends à me demander si vous n’êtes pas en train de reconsidérer le personnage, quand vous le qualifiez de “dangereux” en particulier. Votre point de vue a-t’il changé ?
     
    J’ajoute qu’à de nombreuses reprises, vous avez argué de l’inocuité de LFI pour le pouvoir en place en décrivant le peu d’énergie que mettaient le gouvernement à le combattre, au contraire du RN qui serait le vrai danger pour les classes dominantes. Or ces derniers temps, je me demande si tout ceci est toujours d’actualité, voire ne l’a jamais été: quand le gouvernement décrit LFI comme étant en dehors de l’arc républicain, quand en off, certains députés de la majorité disent qu’au moins les députés RN sont souriants, polis, courtois, agréables et repectueux et qu’ils sont à la hauteur de la fonction.. Est-ce que le RN n’est psa en passe de finaliser sa dédiabolisation, auprès même de certains partis traditionnels ? Et à rebours, les événements récents n’ont-ils pas conduits à une diabolisation (méritée) de LFI, la majorité s’apercevant peut être que la stratégie du désordre des insoumis risque fort d’échapper aux mains de son créateur ? (on voit par ailleurs, avec certains signaux plus ou moins faibles tels que la sortie du devoir de réserve du prefet Nunez sur l’histoire du policier emprisonné à Marseille, qu’une cote d’alerte dans la question du rapport au maintient de l’ordre public semble être atteinte..)
     
     

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [Le truc avec Mélenchon, c’est que je n’arrive pas à savoir s’il croit ce qu’il dit (ce qui en ferait, comme dit le dicton, un homme dangereux), ou s’il “fait comme si”, comme dirait De Gaulle. Au fil de vos publications, il m’a clairement semblé que vous étiez convaincu de la deuxième hypothèse: Mélenchon tapinerait un certain électorat au mépris de ses convictions (pour peu qu’il en ait).]

      C’est plus compliqué que cela. Les « vrais cyniques », c’est-à-dire, les gens capables de conduire longtemps un combat contre leurs convictions intimes (ou sans elles) sont finalement très rares. La plupart des gens suivent leurs intérêts et se fabriquent dialectiquement un discours qui leur permet de justifier leurs choix. Quitte à en changer lorsque leurs intérêts changent. Mais à chaque instant, ils « croient » véritablement au discours qu’ils tiennent. C’est cette capacité d’auto-conviction qui permet aux gens de dormir le soir avec la conviction d’avoir bien agi, quand même bien ils feraient aujourd’hui le contraire de ce qu’ils ont promis hier.

      Personne ou presque n’agit contre ses convictions. Quand les convictions deviennent un obstacle à la poursuite de nos intérêts, on en change. C’est tout.

      [En gros, vous brossiez un personnage si peu “idéologiquement sincère” qu’il vous semblait certain que s’il devait arriver aux manettes, il adopterait immédiatement une politique de type “business as usual”.]

      Tout à fait. Mais dans les deux cas, il sera « idéologiquement sincère ». Aujourd’hui, il est sincèrement convaincu qu’il faut faire la révolution. Et demain, s’il arrive au pouvoir, il s’auto-convaincra qu’il faut donner du temps au temps, qu’il faut être « réaliste », qu’on peut arracher des conquêtes significatives sans tout changer… Relisez les discours des personnalités socialistes en 1981, et les discours des mêmes socialistes après 1983. Vous trouverez exactement cette évolution. Et à mon sens, on se trompe en voyant une hypocrisie. A ces deux dates, ils étaient convaincus. Mais pas de la même chose…

      [Avec ce dernier article, je me prends à me demander si vous n’êtes pas en train de reconsidérer le personnage, quand vous le qualifiez de “dangereux” en particulier. Votre point de vue a-t’il changé ?]

      Non, pas vraiment. Le danger de Mélenchon ne se trouve pas dans ses « convictions », mais dans sa capacité à diffuser un mode de pensée, qu’on pourrait qualifier de « populisme intellectuel ». Car Mélenchon offre à ses partisans – qui se l’approprient goulument d’ailleurs – une énorme liberté, celle de penser sans références. A quoi bon étudier les sciences, puisqu’on peut dire avec le gourou que « la géothermie peut remplacer le nucléaire » sans se poser des questions ? A quoi bon étudier l’histoire, puisqu’on peut inventer des biographies ou faire opiner Trotski sur « Le Monde » ? En fait, ce que Mélenchon offre, c’est la liberté de dire n’importe quoi sans complexe, puisque l’erreur ou l’inexactitude n’ont pas d’importance quand on sert « la cause ». Regardez les réactions indignées des « insoumis » sur mon blog : pas un ne conteste la substance de mes reproches, tous se concentrent sur ma personne, sur le fait que je ne dénoncerais pas assez Macron ou que je serais un « stalinien ».

      Bien entendu, Mélenchon n’est pas le seul. Il surfe sur une vague, mais celle-ci existe indépendamment de lui. On l’a vu avec la montée du discours antinucléaire, avec la campagne antivax. Mais Mélenchon est dangereux en ce qu’il importe dans la politique « mainstream » cette irrationnalité, jusque là confinée dans des groupuscules. Quand un « populiste intellectuel » fait 19% des voix, cela devient inquiétant. Pas pour le « bloc dominant », s’entend, mais pour ceux qui croient encore à une politique progressiste fondée sur la rationnalité.

      [J’ajoute qu’à de nombreuses reprises, vous avez argué de l’inocuité de LFI pour le pouvoir en place en décrivant le peu d’énergie que mettaient le gouvernement à le combattre, au contraire du RN qui serait le vrai danger pour les classes dominantes.]

      Ce n’est pas tout à fait ma position. Je ne sais si le RN en tant que tel est « dangereux » ou pas pour les classes dominantes. Mais les couches sociales sur lesquelles le RN s’appuie aujourd’hui le sont, incontestablement. Je ne sais si, arrivée au pouvoir, MLP défendrait les intérêts de ces couches, ou au contraire les trahirait. Mais la possibilité de la première option existe, et c’est pourquoi il vaut mieux ne pas prendre le risque. C’est très différent pour LFI : personne n’imagine une seconde le ramassis de petits-bourgeois qui entourent Mélenchon faire autre chose qu’un happening en arrivant au pouvoir, un peu comme en 1981, avant de revenir à leurs intérêts, qui sont ceux du bloc dominant, comme en 1983.

      [Or ces derniers temps, je me demande si tout ceci est toujours d’actualité, voire ne l’a jamais été: quand le gouvernement décrit LFI comme étant en dehors de l’arc républicain, quand en off, certains députés de la majorité disent qu’au moins les députés RN sont souriants, polis, courtois, agréables et respectueux et qu’ils sont à la hauteur de la fonction… Est-ce que le RN n’est pas en passe de finaliser sa dédiabolisation, auprès même de certains partis traditionnels ?]

      Sans aucun doute. Mais cette « dédiabolisation » ouvre aussi pour le bloc dominant une forme de récupération. Intégrer le RN à « l’establishment », n’est-ce pas aussi un moyen de le couper de cette « base » dangereuse que sont les couches populaires ? Il n’est pas inutile de rappeler ici l’histoire du PCF : tant qu’il était enfermé dans son ghetto, comme ce fut le cas jusqu’aux années 1970, il était dangereux. Mais à partir de 1970, il se « dédiabolise », entre dans des alliances… et de manière concomitante les classes intermédiaires y prennent progressivement le pouvoir, la défense des intérêts des classes intermédiaires – pardon, des « intellectuels » – prend le pas sur ceux des couches populaires.

      L’intégration du RN à l’espace politique « normal » est-elle la preuve que ce parti ne représente aucun danger pour les couches dominantes ? Ou est-ce au contraire un moyen de neutraliser ce danger par la récupération ? La question reste posée…

      [Et à rebours, les événements récents n’ont-ils pas conduits à une diabolisation (méritée) de LFI, la majorité s’apercevant peut-être que la stratégie du désordre des insoumis risque fort d’échapper aux mains de son créateur ?]

      Je ne vois pas où est la « diabolisation » dont vous parlez. Est-ce que les partis politiques « mainstream » refusent les alliances avec LFI (comme ce fut le cas avec le PCF dans les années 1950-70 et le FN à partir des années 1980 ? Non, pas du tout : la NUPES tient, et il y aura sans aucun doute des accords pour les prochaines municipales. Est-ce que les médias sont fermés aux « insoumis » ? Pas du tout, au contraire : plusieurs d’entre eux sont même chroniqueurs permanents dans différentes émissions, ce qui aurait été impensable pour le PCF ou le FN du temps du « ghetto ». Il ne faut pas céder à la rhétorique « insoumise » qui se prétend victimisée par une « diabolisation » qui n’existe tout simplement pas. LFI est très largement critiquée, et à juste titre. Mais « diabolisée » ?

      [(on voit par ailleurs, avec certains signaux plus ou moins faibles tels que la sortie du devoir de réserve du préfet Nunez sur l’histoire du policier emprisonné à Marseille, qu’une cote d’alerte dans la question du rapport au maintien de l’ordre public semble être atteinte..)]

      Je ne vois pas le rapport. Le « devoir de réserve » des fonctionnaires ne les condamne pas au silence. Il leur interdit toute expression qui pourrait remettre en question la neutralité du service public ou la dignité de leur fonction et de l’administration. Je ne pense pas que Laurent Nunez – qui n’a fait d’ailleurs que reprendre la formule de Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale – ait violé son devoir de réserve. C’eut été le cas s’il avait déclaré que les juges qui ont prononcé la détention provisoire des policiers en question étaient des criminels ou des idiots. Mais il s’est contenté d’une formule nuancée : « un policier n’a pas sa place en prison en attendant son procès ». On peut être d’accord ou pas avec lui, mais on voit mal en quoi la neutralité du service public, la dignité de sa fonction ou celle de l’Etat soient mises à mal par cette formule.

      Je ne suis pas sûr que la « stratégie du désordre » dont vous parlez en soit vraiment une. Je pense au contraire qu’elle révèle une absence de stratégie. Au risque de me répéter, Mélenchon est un grand tacticien, mais un piètre stratège. Il sait mobiliser ses militants et organiser une campagne électorale pour faire un bon résultat, très bon même. Mais ensuite ? Comment transformer ces voix, ces députés élus, en conquêtes politiques ? Comment peser sur le réel ? Est-ce que d’ailleurs cela l’intéresse ? Mélenchon est l’un de ces politiques pour qui « gouverner est un pénible devoir entre deux élections ». Toute sa vie, il a cherché à être un agitateur plutôt qu’un faiseur. En trente ans de carrière politique, il n’a occupé des fonctions exécutives que quelques mois.

      Les « insoumis » font du désordre parce qu’ils ne savent rien faire d’autre. Ils sont incapables de se fixer des objectifs politiques réalistes et de chercher les moyens de les atteindre. Tenez, je vous propose une petite expérience. Sauriez-vous me dire quels sont les objectifs de LFI pour cette législature ? Je ne vous parle pas de leur programme pour le jour où ils auront le pouvoir et pourront appliquer leur programme, mais leurs objectifs pour les quatre prochaines années, tenant compte du rapport de forces tel qu’il est. Interrogez les « insoumis », et vous n’aurez pas de réponse. Faites une recherche sur leur site, et vous ne trouverez rien. Dans le débat sur les retraites, le reste de la gauche avait formulé un objectif : obtenir que l’article 7 soit soumis au vote. Quel était l’objectif de LFI ? Il n’a jamais été formalisé.

      Toute secte hérite les défauts de son gourou, puisqu’il n’y a pas de contre-pouvoirs pour redresser la barre. Mélenchon est un agitateur, pas un gouvernant. Et il a produit un parti d’agitateurs. Il n’y a qu’à voir le profil des députés « insoumis ». Quels sont les mérites qui ont présidé à leur sélection ? Leur compétence ? Leur connaissance des sujets ? Leur habilité à négocier des compromis ? Pas du tout : le profil du député « insoumis », c’est celui de l’agitateur formé dans les assemblées étudiantes. Des petits mélenchons en puissance…

      • Zéniba dit :

        “Les « insoumis » font du désordre parce qu’ils ne savent rien faire d’autre. Ils sont incapables de se fixer des objectifs politiques réalistes et de chercher les moyens de les atteindre'”
        Mais oui ! Merci de le dire si clairement.
        Beaucoup se demande pourquoi le groupe LFI est aussi lamentable à l’assemblée nationale. C’est effectivement la meilleure explication, directement reliable au comportement de Mélenchon lui même.

        • Descartes dit :

          @ Zéniba

          [“Les « insoumis » font du désordre parce qu’ils ne savent rien faire d’autre. Ils sont incapables de se fixer des objectifs politiques réalistes et de chercher les moyens de les atteindre’” Mais oui ! Merci de le dire si clairement.]

          Ca ne va pas me faire que des amis…

          [Beaucoup se demande pourquoi le groupe LFI est aussi lamentable à l’assemblée nationale. C’est effectivement la meilleure explication, directement reliable au comportement de Mélenchon lui même.]

          C’est que le groupe – et d’une manière générale les cadres de LFI – sont d’abord des “opposants”. Leur expérience se réduit souvent au militantisme étudiant ou enseignant, à l’organisation de protestations, de manifestations d’opposition. Ceux parmi eux qui ont eu à diriger une équipe professionnelle, à faire fonctionner un service, une administration, une entreprise sont finalement très rares. Du coup, ils tendent à faire à l’Assemblée la seule chose qu’ils savent faire, au lieu de chercher à apprendre les procédures, les méthodes, les techniques de la lutte parlementaire. Et c’est pourquoi leur action est totalement inefficace.

          • Glarrious dit :

            [ Du coup, ils tendent à faire à l’Assemblée la seule chose qu’ils savent faire, au lieu de chercher à apprendre les procédures, les méthodes, les techniques de la lutte parlementaire. Et c’est pourquoi leur action est totalement inefficace.]
             
            Mais rien ne les empêchent à apprendre, alors  pourquoi ils ne le font pas ?

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Mais rien ne les empêchent à apprendre, alors pourquoi ils ne le font pas ?]

              D’abord, parce qu’ils manquent de curiosité. Cela nous ramène à mon papier sur cette question : malheureusement, on trouve aujourd’hui parmi les militants et les élus beaucoup de gens persuadés qu’ils ont vu tout ce qui mérite d’être vu, qu’ils savent tout ce qui mérite d’être appris. Et malheureusement c’est encore plus fort chez les militants. Combien de militants de gauche ont la curiosité d’aller une fois dans leur vie dans une réunion du RN ou de LR, juste pour voir comment c’est fait, comment les gens réagissent ? Combien de militants de droite sont allés dans une réunion du PCF ou de LFI ? Combien de gauchistes prennent le temps de lire Valeurs Actuelles, combien de droitiers lisent de temps en temps l’Insoumis ou l’Humanité ? Combien de ces militants sont intéressés de discuter avec ceux du camp adverse, ne serait-ce que pour comprendre comment l’autre fonctionne ?

              Et c’est encore pire dans les mouvements « sectaires » comme LFI, parce que le discours des dirigeants fait de ce manque de curiosité une vertu. Mélenchon illustre ce comportement jusqu’à la caricature. Il ne se met jamais dans la posture de l’apprenant, de celui qui ne sait pas et qui cherche l’enseignement de ceux qui savent. Non, il a des opinions définitives sur tout. Pas la peine d’aller chercher une connaissance ailleurs, puisque le « mouvement » a en son chef tout ce dont il a besoin.

              A LFI, on n’aime pas le doute, on n’aime que les certitudes. Je me souviendrai toujours comment, après être intervenu sur un forum « insoumis », j’ai vu un commentaire mettant en garde les autres lecteurs contre ma prose corrosive, qu’il ne fallait pas lire car elle « remettait en cause nos certitudes » (sic). C’est pourquoi LFI n’apprend pas de ses erreurs – erreurs qu’on ne peut admettre car ce serait remettre en cause l’infaillibilité de Mélenchon. A chaque fois, Mélenchon expliquera qu’il a choisi la bonne méthode, la bonne stratégie. Et surtout, qu’il n’y a rien à apprendre des autres. Comment, dans ces conditions, les « insoumis » pourraient apprendre et surtout se couler dans le moule de la logique parlementaire ?

  5. Christian HENRI dit :

    Et vous n’avez rien à dire sur Macron et sa politique néfaste à la classe ouvrière ?
    comparer Melenchon (19%) aux dernières élections versus Roussel (2%) à une secte il faut oser !

    • Descartes dit :

      @ Christian Henri

      [Et vous n’avez rien à dire sur Macron et sa politique néfaste à la classe ouvrière ?]

      Plein de choses à dire. Mais vous ne pouvez pas tout dire dans un seul papier. Quand j’écris sur Macron, je parle de sa « politique néfaste à la classe ouvrière ». Mais je n’en ai pas non plus l’obsession, et Macron n’occupe pas l’ensemble de mon univers. Quand j’écris sur d’autres sujets, je ne vois pas trop l’intérêt d’y faire mention.

      [comparer Mélenchon (19%) aux dernières élections versus Roussel (2%) à une secte il faut oser !]

      Ce qui fait qu’un groupe est « sectaire » n’a rien à voir avec ses effectifs, et encore moins avec ses résultats dans les urnes. Il y a des associations qui n’ont que quelques dizaines de membres, et qui pourtant ont des comportements tout à fait ouverts. Et il y a des organisations qui ont plusieurs millions de membres, et qui sont des sectes. La « secte Moon » est bien une « secte », alors qu’elle affiche des millions de membres dans le monde.

      Comment appelleriez-vous un groupe sans instances formelles, où un homme détient le pouvoir absolu, qui prétend régler la vie privée de ses membres, qui développe chez eux une logique d’isolement où seuls les messages approuvés par le gourou doivent être entendus, et tout le reste rejeté sans examen ? Moi, j’appelle cela une secte, quel que soit le nombre de ses membres. Le fait est que chez Roussel (2%), il y a des débats publics, où s’affrontent des positions différentes, et la décision est tranchée par un vote des militants. Chez Mélenchon (19%), rien de tel : c’est le gourou qui décide sans appel. Aucune voix dissidente ne s’exprime – sauf bien entendu celles de ceux qui ont quitté la secte. En effet, la comparaison est osée…

  6. Luc Laforets dit :

    Bonjour.
    Le journal “Le Monde” est bien le successeur du “Temps” (grillé lors de la 2ème guerre mondiale) et joue le même rôle social.
    Cordialement.

    • Descartes dit :

      @ Luc Laforets

      [Le journal “Le Monde” est bien le successeur du “Temps” (grillé lors de la 2ème guerre mondiale) et joue le même rôle social.]

      Oui, de la même manière que De Gaulle est le successeur de Pétain en tant que chef du gouvernement. Je ne suis pas sûr que ce soit une raison suffisante pour les confondre. Oui, « Le Monde » reprit les locaux et le matériel du « Temps », en application de l’ordonnance du 30 septembre 1944 qui prévoyait la confiscation des journaux ayant paru sous l’Occupation. Mais il ne joue nullement « le même rôle social » que « Le Monde » aujourd’hui. Il suffit de comparer les diffusions : « Le Temps » était un journal quasi confidentiel, diffusant quelques dizaines de milliers d’exemplaires dans un lectorat choisi, à une époque où les grands journaux diffusent par centaines de milliers, voire des millions d’exemplaires. « Le Monde » aura très rapidement une diffusion massive. « Le Temps » était le journal de la grande bourgeoisie éduquée et conservatrice, « Le Monde » est aujourd’hui celui des classes intermédiaires triomphantes et libérales.

  7. Gérard Jeannesson dit :

    Merci pour cet article et pour ces échanges avec les lecteurs, très intéressants.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Jeannesson

      [Merci pour cet article et pour ces échanges avec les lecteurs, très intéressants.]

      La moitié du mérite appartient aux commentateurs, qui font eux aussi vivre ce blog. En tout cas, bienvenu et n’hésitez pas à commenter!

  8. Geo dit :

    @Tous
    Hors sujet, certes
    Je signale à ceux qui l’auraient ratée la sortie de “Féminicène”, livre de Véra Nikolski qui est un bel effort de sortie du délire dans le cadre du féminisme contemporain. (Comme ce blog cultive le soucis de la rationalité, le caractère hors-sujet se trouve relativisé.) Ceux qui reculeraient devant le prix de 21€50 pourront néanmoins s’en faire une idée précise ici:
    https://elucid.media/societe/la-realite-oubliee-derriere-l-emancipation-des-femmes-vera-nikolski/?mc_ts=crises
    Il n’est pas nécessaire de partager les anticipations de l’auteur pour trouver de l’intérêt à on texte.
    Cette publicité est gratuite: je n’entretiens aucun lien personnel ni financier avec l’auteur ou l’éditeur.

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Je signale à ceux qui l’auraient ratée la sortie de “Féminicène”, livre de Véra Nikolski qui est un bel effort de sortie du délire dans le cadre du féminisme contemporain.]

      Cette dame est courageuse de proposer une approche matérialiste. C’est dommage qu’elle ne pousse pas la rigueur jusqu’au bout, parlant “des femmes” comme s’il s’agissait là d’une catégorie homogène en termes de rôle ou d’intérêts. Or, ce n’est pas le cas. Parler d’une lutte “des femmes” exigeant “des hommes” qu’ils cèdent des “privilèges” suppose que TOUS les hommes aient des “privilèges” dont TOUTES les femmes sont privées. Est-ce que de ce point de vue la femme ouvrière et la femme bourgeoise sont logées à la même enseigne ? Le fait est qu’alors qu’il y a eu des syndicats et des partis ouvriers, il n’y a pas eu de syndicats ou des partis “féminins”.

      Le problème est qu’après avoir affirmé sa position matérialiste, l’auteur commence à parler de “droits”, “d’émancipation”, de “domination”, de “libération”, qui sont des concepts purement idéalistes (Nikolski, dans l’entretien, l’admet d’ailleurs). C’est ce qui explique que son raisonnement n’arrive pas à expliquer certaines exceptions comme le Japon, où le développement industriel n’arrive pas à “l’émancipation” telle que nous l’entendons en Occident. Car cette idée “d’émancipation” est subjective: le mouvement qui a sorti les femmes du foyer et les a obligé de rentrer sur le marché du travail est la conquête d’un “droit”, une forme d’émancipation, ou bien la simple transformation d’une rapport économique, à laquelle il est vain de chercher un sens ? Tout le problème se trouve là: considérer que la division du travail implique une hiérarchie, alors qu’en créant une dépendance mutuelle elle développe une dialectique beaucoup plus complexe. Véra Nikolski souligne par exemple que le monopole de l’activité militaire par les hommes a contribué à leur donner un “statut supérieur”. La possibilité pour les femmes d’aller à la guerre doit être regardée comme une “libération” ? Le fait d’être seuls à avoir l’insigne honneur d’aller mourir sur les champs de bataille doit être regardé comme un “privilège” ? Doit on voir dans le fait que l’écrasante majorité des noms gravés sur les monuments aux morts soient des noms masculins le signe d’un “statut supérieur” ?

      Mais malgré ces limitations, je retrouve dans son discours beaucoup d’idées intéressantes – que j’ai défendu d’ailleurs sur ce blog. D’abord, le rôle essentiel de la science et la technologie – bien plus que des “luttes” – dans l’amélioration du sort de l’humanité. Je partage en particulier l’idée que l’anthropocène, en réduisant la valeur relative de la force physique et de l’économie domestique et en réduisant la mortalité infantile, a radicalement changé le rapport entre les sexes. Il est malheureux que l’auteur ne s’interroge pas sur la manière dont ce changement a joué dans les différentes classes sociales. Parce que dans la bourgeoisie, la force physique n’était déjà plus au début de l’anthropocène un élément essentiel… et pourtant la femme bourgeoise n’était pas plus “libérée” que la femme ouvrière!

      L’entretien est très intéressant, et le livre l’est probablement aussi! Je le mets sur ma liste de lectures…

  9. P2R dit :

    @ Descartes
     
    [. Je partage en particulier l’idée que l’anthropocène, en réduisant la valeur relative de la force physique et de l’économie domestique et en réduisant la mortalité infantile, a radicalement changé le rapport entre les sexes]
     
    Je n’ai pas encore vu l’entretien, peut-être vais-je enfoncer nue porte ouverte, mais voici mon point de vue sur la question:
     
    Il y a deux phases dans ce changement de rapport entre les sexes: 
     
    Le premier, historiquement, a consisté dans la revendication des femmes d’accéder aux mêmes droits que les hommes. Apparition de métiers où la force physique est secondaire (tertiaire), déclin du catholicisme et démocratisation des moyens de contraception, apparition d’appareils ménagers permettant de diviser par 10 le temps dévolu aux tâches ménagères, vous avez déjà évoqué tout cela. Je pense que nous serons d’accord pour dire que cette phase est désormais très largement achevée.
     
    Mais aujourd’hui le mouvement que nous connaissons me semble très différent: non seulement l’époque moderne a permis à des femmes d’accéder à des emplois où la force physique n’était plus un critère de sélection, mais elle a aussi permis, grâce à la technologie, de réduire largement cette dimension physique y compris dans des domaines où elle était traditionnellement présente. En gros, notre environnement technologique ne fait pas que rendre accessible le marché de l’emploi à des femmes, y compris dans des domaines historiquement physiques: il tends à rendre les caractéristiques masculines simplement superflues.
     
    Et quand la force physique n’est plus un critère déterminant, mais aussi quand personne ne s’imagine aller aux tranchées dans un avenir prévisible, quand plus personne n’est foutu de réparer une voiture récente chez soi sans être ingénieur en électronique (et encore), quand une infime portion de la population se nourrit grâce à son potager, quand les horaires de travail permettent de débaucher à 17h, y compris pour un toubib, un ingénieur ou même pour un président de la république (certains en rêvaient), et quand votre pénis devient un moyen parmi d’autres (et pas toujours le meilleur, selon certains magazines féminins) d’avoir des gosses ou du plaisir, comment s’étonner que les “privilèges” masculins, ceux qui consistent à laisser la gestion des affaires domestiques, même facilitée, à Mme EN PLUS de son emploi, soient battus en brèche ?
     
    Tout comme la bourgeoisie s’est débarrassée de l’aristocratie, dont le rapport coût/bénéfice des privilèges devenait injustifiable, comment s’étonner que la femme qui travaille mène la fronde contre l’homme, si la non-contribution aux tâches domestiques de ce dernier n’a plus pour vocation de lui permettre de travailler davantage, de bêcher son jardin, de réparer le lave-linge ou d’assumer une fonction au cœur de la cité, mais de regarder le foot ou de jouer à la playstation pendant que Mme cuisine (de moins en moins, mais quand même), repasse (avec une centrale vapeur, mais quand même), donne le bain au dernier et s’occupe des démarches d’inscription au conservatoire de l’autre ? Est-ce un hasard si, dans les catégories populaires, où l’on garde cette tendance à jardiner, bricoler, s’investir dans le club de foot local*, ce néo-féminisme ne fait que faire rigoler les premières concernées ? 
     
    * généralisation hasardeuse, je pense que le mouvement de désinvestissement des tâches masculines n’épargne pas les catégories populaires, surtout chez les jeunes. Mais dans une bien moindre mesure que dans le bloc dominant
     

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [Il y a deux phases dans ce changement de rapport entre les sexes:]

      Je ne suis pas persuadé qu’on puisse parler des « rapports entre les sexes », comme si chaque « sexe » constituait un ensemble homogène. Mieux vaudrait parler des « rapports entre les sexes dans la bourgeoisie », « rapports entre les sexes dans le prolétariat », « rapport entre les sexes dans les classes intermédiaires », et ainsi de suite. Parce qu’on ne peut pas examiner ces rapports sans en tenir compte.

      Prenons un exemple : l’importance de la force physique. Cela fait belle lurette que les métiers que font les bourgeois et une large partie des classes intermédiaires ne sollicitent pas particulièrement le physique de ceux qui les exercent. De quelle « force physique » a-t-on besoin pour exercer le métier de banquier, d’avocat, de médecin, d’ingénieur ? Et cela ne date pas d’hier : on ne peut pas dire que les avocats de la renaissance étaient des athlètes… On peut donc se dire que la mécanisation a du radicalement modifier les rapports entre les sexes dans le prolétariat – et favoriser l’entrée massive des femmes prolétaires dans la production. Mais en quoi cela aurait changé les rapports dans un couple d’ingénieurs, d’instituteurs, d’avocats, de banquiers ?

      [Le premier, historiquement, a consisté dans la revendication des femmes d’accéder aux mêmes droits que les hommes.]

      Oui, mais avec beaucoup d’ambiguïtés. Car qui dit droit dit devoirs, et même les plus ardentes partisanes de l’égalité juridique se sont bien gardés de demander que les femmes soient soumises à la conscription, avec une option à monter à l’assaut dans les tranchées.

      [Apparition de métiers où la force physique est secondaire (tertiaire),]

      Comme je l’ai signalé plus haut, une partie de ces métiers existent depuis la Renaissance, et sont restés pourtant largement masculins. Ce n’est donc pas la question de la force physique qui a empêché les femmes de certaines classes sociales de les exercer.

      [déclin du catholicisme et démocratisation des moyens de contraception,]

      Sur ce point, le raisonnement développé dans la vidéo me parait très juste. Si la contraception et l’avortement ont pu se « démocratiser », c’est parce qu’avec la diminution absolument extraordinaire de la mortalité infantile, le renouvellement des générations n’est plus un problème. C’est donc pas une question de « déclin du catholicisme », mais une transformation matérielle qui en est à l’origine.

      [apparition d’appareils ménagers permettant de diviser par 10 le temps dévolu aux tâches ménagères, vous avez déjà évoqué tout cela.]

      L’apparition d’appareils ménagers, oui, mais surtout la division du travail qui fait qu’une grande partie de l’économie ménagère a disparu. Dans quel foyer aujourd’hui on coud les vêtements, on fait conserves et confitures maison, au lieu de les acheter ?

      [En gros, notre environnement technologique ne fait pas que rendre accessible le marché de l’emploi à des femmes, y compris dans des domaines historiquement physiques: il tends à rendre les caractéristiques masculines simplement superflues.]

      Pardon, mais c’est quoi les « caractéristiques masculines » ? En dehors de la force physique, quelle est la spécificité du sexe masculin ? Si vous pensez qu’il n’y en a pas, alors nous allons vers une indifférenciation généralisée, puisque le seul critère que les différentie n’aura demain guère d’importance. Je ne suis pas persuadé qu’on ira dans cette direction.

      [Tout comme la bourgeoisie s’est débarrassée de l’aristocratie, dont le rapport coût/bénéfice des privilèges devenait injustifiable, comment s’étonner que la femme qui travaille mène la fronde contre l’homme,]

      Encore une fois, je pense que vous faites un faux parallèle. « la femme » et « l’homme » ne constituent pas des classes sociales qui seraient en concurrence pour la répartition du gâteau. C’est un peu comme si vous me disiez que puisque les blonds peuvent faire tout ce que les bruns peuvent faire au travail, les blonds qui travaillent mèneront la fronde contre les bruns… Si le sexe n’est plus un critère de discrimination, alors on va vers une indifférenciation, et non une « fronde »…

      Personnellement, je ne pense pas qu’on va vers l’indifférenciation parce que hommes et femmes sont BIOLOGIQUEMENT différents. Nous sommes programmés par des millions d’années d’évolution d’abord à être attirés préférentiellement par le sexe opposé, et ensuite à vouloir des choses différentes. L’instinct conduit les hommes à s’accoupler, puis à protéger le noyau mère-enfant, il conduit les femmes à vouloir avoir des enfants et à les soigner. Et ces instincts n’ont rien à voir avec la société: ils existent chez tous les animaux sociaux, tout simplement parce que les individus qui ne les ont pas ont beaucoup moins de chance de transmettre leur patrimoine génétique. La différence biologique, qui ne se réduit donc pas aux organes reproducteurs, est irréductible.

    • Renard dit :

      @ Descartes
      [Je ne suis pas persuadé qu’on puisse parler des « rapports entre les sexes », comme si chaque « sexe » constituait un ensemble homogène.]
      &&
      [L’instinct conduit les hommes à s’accoupler, puis à protéger le noyau mère-enfant, il conduit les femmes à vouloir avoir des enfants et à les soigner.]
      Il me semble que vous vous contredisez quelque peu. Les sexes ne seraient pas des ensemble homogènes, mais, des caractéristiques instinctives seraient pourtant communes à une grande majorité des hommes, et d’autres caractéristiques à une grande majorité des femmes ?
      J’entends que la femme bourgeoise ai des intérêts divergents avec la femme prolétaire. Mais ses intérêts ne coïncident pas exactement non plus avec l’homme bourgeois.
      Vous évoquiez plus haut qu’il n’y a pas eu de grands partis politiques, ni de grands syndicats dont le critère de recrutement serait principalement basé sur le sexe, parce que les intérêts de classes priment sur les intérêts liés au groupe sexuel. Dont acte.
      Cependant, au sein de chaque parti, ou organisation politique, on a eu des groupes défendant les intérêts d’un sexe contre l’autre. Et cela ne date pas de l’époque moderne. J’ai en tête les monastères féminins du Moyen-Âge, qui revendiquaient l’accès à certaines études ou fonction réservées aux hommes.
      [Mieux vaudrait parler des « rapports entre les sexes dans la bourgeoisie », « rapports entre les sexes dans le prolétariat », « rapport entre les sexes dans les classes intermédiaires », et ainsi de suite. Parce qu’on ne peut pas examiner ces rapports sans en tenir compte.]
      C’est un peu ce que j’évoquais plus haut. Mais s’il y a des caractéristiques communes aux hommes que ne possèdent pas les femmes, ou inversement, dans ce cas, ces rapports entre les sexes devraient également présenter des points communs permettant de les étudier sous un angle plus général, non ?
      [Prenons un exemple : l’importance de la force physique. Cela fait belle lurette que les métiers que font les bourgeois et une large partie des classes intermédiaires ne sollicitent pas particulièrement le physique de ceux qui les exercent. De quelle « force physique » a-t-on besoin pour exercer le métier de banquier, d’avocat, de médecin, d’ingénieur ? Et cela ne date pas d’hier : on ne peut pas dire que les avocats de la renaissance étaient des athlètes…]
      L’exemple me parait peu pertinent.
      Tout d’abord, il ne suffit pas d’un métier pour caractériser les classes dominantes. A la Renaissance, et jusqu’à l’orée de l’ère moderne, la domination passait par la force physique. Pierre de Medicis était peut-être gouteux,  mais son père, ses fils, ses cousins et ses neveux étaient tout à fait capables de prendre les armes et de se lancer dans des confrontations physiques si la nécessité s’en faisait sentir. Pensez-vous que la famille aurait eu le même succès si Laurent avait été une femme ?
      Même dans les classes dominantes, ce n’est que peu à peu que l’importance de la force physique a baissé pour établir un rapport de domination, à mesure que la société se complexifiait.
      [Oui, mais avec beaucoup d’ambiguïtés. Car qui dit droit dit devoirs, et même les plus ardentes partisanes de l’égalité juridique se sont bien gardés de demander que les femmes soient soumises à la conscription, avec une option à monter à l’assaut dans les tranchées.]
      Même en 45, être un homme était un avantage sur un champ de bataille, et il était plus rationnel de donner aux femme un rôle de production d’armes et de matériel. Or, dans les deux guerres mondiales, la production a joué un rôle décisif, parfois supérieur à celui des soldats.
      Puisqu’on avait besoin des femmes pour gagner, on leur a donné le droit de participer à la décision publique.
      [Sur ce point, le raisonnement développé dans la vidéo me parait très juste. Si la contraception et l’avortement ont pu se « démocratiser », c’est parce qu’avec la diminution absolument extraordinaire de la mortalité infantile, le renouvellement des générations n’est plus un problème. C’est donc pas une question de « déclin du catholicisme », mais une transformation matérielle qui en est à l’origine.]
      Tout à fait d’accord. Et cela éclaire aussi le maintien à des tâches domestique des femmes dans le passé. Pour parler un peu trivialement, la productivité des mères a été multipliée par deux ou trois. Cela s’est traduit dans un premier temps par une augmentation de leur production, puis dans un second temps par leur réduction de temps de travail, ce qui leur a permis de se consacrer à d’autres tâches.
      En réalité, il faudrait dire : ce qui a permis à la société de les réaffecter à d’autres tâches. Les femmes des classes dominantes sont devenues avocates. Celles du prolétariat ouvrières.
      [Pardon, mais c’est quoi les « caractéristiques masculines » ? En dehors de la force physique, quelle est la spécificité du sexe masculin ? ]
      Je ne pense pas non plus qu’il y en ai. Les femmes gardent, pour l’instant, une caractéristique, celle de contrôler la reproduction.
      Et du coup, il est en effet pertinent de considérer qu’il y a une inversion du rapport de force. Dans toutes les classes sociales, on peut désormais mettre une femme à la place d’un homme -ce qu’on ne pouvait pas faire autrefois-. L’inverse, en revanche, n’est toujours pas vrai.
      [Nous sommes programmés par des millions d’années d’évolution d’abord à être attirés préférentiellement par le sexe opposé, et ensuite à vouloir des choses différentes. ]
      Je pense que vous vous laissez aller à votre envie de croire.
      Admettons que l’instinct s’exprime dans des termes aussi restrictifs. Il n’a d’intérêt que dans un groupe social où la femelle a besoin de protection physique, et où les enfants ne pourraient être soignés que par leur mère.
      Supprimez ces pressions sélectives, et cet instinct disparaitra.
       

      • Descartes dit :

        @ Renard

        [Il me semble que vous vous contredisez quelque peu. Les sexes ne seraient pas des ensembles homogènes, mais, des caractéristiques instinctives seraient pourtant communes à une grande majorité des hommes, et d’autres caractéristiques à une grande majorité des femmes ?]

        Je n’ai pas été clair. Lorsque je dis que les sexes ne constituent pas des ensembles homogènes, je parle vis-à-vis de leur intérêt collectif. Pour le dire autrement, les « hommes » ne partagent pas un intérêt collectif comme c’est le cas pour les bourgeois ou les prolétaires. Mais cela ne veut pas dire que les sexes ne partagent pas universellement certaines caractéristiques. Physiques d’abord – cela est évident – mais aussi certains instincts qui ont été développés au cours des millénaires d’évolution.

        [J’entends que la femme bourgeoise ai des intérêts divergents avec la femme prolétaire. Mais ses intérêts ne coïncident pas exactement non plus avec l’homme bourgeois.]

        Bien sûr que si. Est-ce que la femme bourgeoise – même si l’on considère la femme « soumise » des années 1950 – a intérêt dans le maintien et l’approfondissement du mode de production capitaliste ? Oui, sans aucun doute, puisque c’est ce maintien qui assure sa position privilégiée. Sur ce point fondamental, les intérêts du bourgeois et de la bourgeoise sont alignés. Après, il y a bien entendu dans chaque classe sociale des individus qui ont des intérêts secondaires différents.

        [Cependant, au sein de chaque parti, ou organisation politique, on a eu des groupes défendant les intérêts d’un sexe contre l’autre. Et cela ne date pas de l’époque moderne. J’ai en tête les monastères féminins du Moyen-Âge, qui revendiquaient l’accès à certaines études ou fonction réservées aux hommes.]

        Je ne vois pas ce que vous appelez « les intérêts d’un sexe ». La contraception, l’avortement ne bénéficient pas à « un sexe » seulement. Le fait de pouvoir choisir de faire ou non un enfant ce n’est pas une conquête des femmes, mais une conquête de l’humanité toute entière. Le fait que les femmes puissent travailler libère les hommes de l’obligation multiséculaire d’entretenir la famille. Pourriez-vous me donner un exemple de « l’intérêt d’un sexe contre l’autre » ?

        Après, vous trouverez en toute époque et dans tous les sexes des individus qui veulent pouvoir faire ce qui leur est interdit ou impossible. Icare voulait voler. Ca ne lui a pas réussi, d’ailleurs…

        [C’est un peu ce que j’évoquais plus haut. Mais s’il y a des caractéristiques communes aux hommes que ne possèdent pas les femmes, ou inversement, dans ce cas, ces rapports entre les sexes devraient également présenter des points communs permettant de les étudier sous un angle plus général, non ?]

        Des « points communs », certainement. Mais de là à pouvoir dégager un « intérêt » commun à tous les hommes ou à toutes les femmes…

        [L’exemple me parait peu pertinent. Tout d’abord, il ne suffit pas d’un métier pour caractériser les classes dominantes. A la Renaissance, et jusqu’à l’orée de l’ère moderne, la domination passait par la force physique. Pierre de Medicis était peut-être gouteux, mais son père, ses fils, ses cousins et ses neveux étaient tout à fait capables de prendre les armes et de se lancer dans des confrontations physiques si la nécessité s’en faisait sentir. Pensez-vous que la famille aurait eu le même succès si Laurent avait été une femme ?]

        Quelques années plus tard, Elizabeth Ière a régné plus de 44 ans sur une Angleterre qui a connu plusieurs agressions extérieures, et malgré son absence de force physique son règne est considérée comme un âge d’or. Elle l’avait dit d’ailleurs elle-même : « Je sais que mon corps est celui d’une faible femme, mais j’ai le cœur et l’estomac d’un roi, et d’un roi d’Angleterre – et je me moque que le duc de Parme [Farnèse] ou n’importe quel prince d’Europe ose envahir les rivages de mon royaume ». Donc je vous réponds : oui, si Laurent avait été une femme de la trempe d’une Elizabeth Ière, il aurait réussi de même. Après la Renaissance, les rois n’ont plus besoin d’être des guerriers eux-mêmes, il suffit qu’ils sachent s’entourer… Vous noterez d’ailleurs qu’on représente de moins en moins les rois en harnachement militaire.

        [Même dans les classes dominantes, ce n’est que peu à peu que l’importance de la force physique a baissé pour établir un rapport de domination, à mesure que la société se complexifiait.]

        Assez rapidement, en fait. Alors qu’au moyen-âge il était impensable qu’un roi ne prenne pas la tête de ses armées, vous ne trouverez que peu d’auteurs pour louer la force physique d’un Richelieu…

        [Même en 45, être un homme était un avantage sur un champ de bataille, et il était plus rationnel de donner aux femme un rôle de production d’armes et de matériel.]

        Et surtout, de production de soldats. Il fallait des femmes pour repeupler, et c’est pourquoi on les a protégé – et cela depuis l’antiquité, selon l’adage « les femmes et les enfants d’abord ». Oui, le statut des femmes, à la fois civilement mineures mais mieux protégées que les hommes, était parfaitement rationnel dans un contexte donné.

        [« Pardon, mais c’est quoi les « caractéristiques masculines » ? En dehors de la force physique, quelle est la spécificité du sexe masculin ? » Je ne pense pas non plus qu’il y en ai.]

        Dans ce cas, la logique voudrait qu’on aille vers l’indifférenciation.

        [Les femmes gardent, pour l’instant, une caractéristique, celle de contrôler la reproduction. Et du coup, il est en effet pertinent de considérer qu’il y a une inversion du rapport de force.]

        Pas tout à fait. Seul le prolétaire peut produire de la valeur, le capitaliste en est incapable. Et pourtant, c’est le capitaliste qui crée le rapport de force en sa faveur, et non l’inverse. Pour reprendre votre métaphore de la production, l’homme, qui ne peut engendrer, pourra louer un ventre qui le produira pour lui moyennant finance. Dans le capitalisme, celui qui détient le pouvoir n’est pas celui qui peut produire, mais celui qui peut acheter cette capacité…

        [Supprimez ces pressions sélectives, et cet instinct disparaitra.]

        Sans doute. Mais très, très lentement…

      • Renard dit :

        @ Descartes
        [Quelques années plus tard, Elizabeth Ière a régné plus de 44 ans sur une Angleterre qui a connu plusieurs agressions extérieures, et malgré son absence de force physique son règne est considérée comme un âge d’or.]
         
        Et quelques centaines d’années plus tôt, Hatshepsout était pharaon d’Égypte. L’une comme l’autre ont eu à cœur de faire oublier leur sexe, preuve qu’il n’était pas un avantage dans leur fonction.
        Mon argument consistait à dire qu’avaient l’époque moderne, la force physique (humaine) était indispensable au maintien d’un système, et que cela avait permis à un sexe d’occuper la presque totalité des positions de pouvoir.
        L’existence d’exceptions n’infirme pas une tendance.

        [Assez rapidement, en fait. Alors qu’au moyen-âge il était impensable qu’un roi ne prenne pas la tête de ses armées, vous ne trouverez que peu d’auteurs pour louer la force physique d’un Richelieu…]
        Et pourtant, quand je pense à Richelieu, l’une des premières images qui me vient à l’esprit est celle d’un Cardinal en armure faisant le siège de la Rochelle.
        Mais là, je chipote, parce que c’est effectivement à ce moment qu’en effet, on commence à voir apparaître des franges entières des classes dominantes n’ayant aucun lien avec l’exercice direct de la violence.
        J’y voyais une corrélation avec l’augmentation de la complexité des société (parce qu’il me semble voir des prémices de cette tendance dans les deux premiers siècles de l’empire romain). A la réflexion, peut-être faudrait-il plutôt chercher un lien avec la généralisation de la poudre à canon.
        Mais cela nous éloigne du sujet.
        [Seul le prolétaire peut produire de la valeur, le capitaliste en est incapable. Et pourtant, c’est le capitaliste qui crée le rapport de force en sa faveur, et non l’inverse. ]
        Dans ce cas, pourquoi le capitaliste reste-t-il dominant ?
        J’avais cru comprendre du marxisme que le capitalisme était arrivé au pouvoir parce qu’en tant que système, il “libérait des forces productives” que le féodalisme ne pouvait pas exploiter, et que le communisme devait, lui aussi, produire plus de valeur que le capitalisme pour finalement le supplanter.
         
        J’entends que le seigneur féodal, comme le capitaliste ne travaillent pas, mais ils s’efforcent d’organiser la société de la manière la plus productive possible, et en ce sens, ils créent bien de la valeur, non ?
         
        [Je ne vois pas ce que vous appelez « les intérêts d’un sexe ». La contraception, l’avortement ne bénéficient pas à « un sexe » seulement. Le fait de pouvoir choisir de faire ou non un enfant ce n’est pas une conquête des femmes, mais une conquête de l’humanité toute entière. Le fait que les femmes puissent travailler libère les hommes de l’obligation multiséculaire d’entretenir la famille. Pourriez-vous me donner un exemple de « l’intérêt d’un sexe contre l’autre » ?]
        Il me semble que la charge de l’enfant pèse plus lourdement sur la femme que sur l’homme. Certains hommes qui le désiraient se libéraient très bien de l’obligation d’entretenir une famille, alors que sans moyens médicaux modernes, on ne se libère prématurément d’une grossesse qu’à grands risques.
        Le fait d’avoir accès aux fonctions de direction me semble également non dénué d’intérêt.
        J’entends que vous disiez que les femmes des classes dominantes ont plus profité de cette libération que les ouvrières.
        J’entends également que les améliorations de la vie des femmes ne se pas faites dans une lute réellement collective, mais dans une juxtaposition de luttes individuelles.
        Mais il me semblerait hasardeux de dire que la situation des femmes avant l’époque moderne était équivalente à celle des hommes.
         
         
         

        • Descartes dit :

          @ Renard

          [« Quelques années plus tard, Elizabeth Ière a régné plus de 44 ans sur une Angleterre qui a connu plusieurs agressions extérieures, et malgré son absence de force physique son règne est considéré comme un âge d’or. » Et quelques centaines d’années plus tôt, Hatshepsout était pharaon d’Égypte. L’une comme l’autre ont eu à cœur de faire oublier leur sexe, preuve qu’il n’était pas un avantage dans leur fonction.]

          J’aimerais savoir ce qui vous conduit à la conclusion que Hatshepsout aurait « eu à cœur de faire oublier son sexe ». Dans le cas d’Elizabeth Ière, c’est de toute évidence faux : Elizabeth a au contraire à cœur de rappeler qu’elle est une femme, et que cela ne constitue pas un obstacle pour régner avec grandeur sur son pays, comme le montre l’adresse que j’ai cité dans mon commentaire précédent.

          [Mon argument consistait à dire qu’avaient l’époque moderne, la force physique (humaine) était indispensable au maintien d’un système, et que cela avait permis à un sexe d’occuper la presque totalité des positions de pouvoir. L’existence d’exceptions n’infirme pas une tendance.]

          Si votre point était que la force physique était « indispensable », alors un seul contre-exemple suffit à le réfuter, puisqu’il démontre qu’on peut s’en dispenser. Et Elizabeth n’est pas une « exception ». Après la renaissance, on voit fleurir des personnalités de tout premier plan qui ne possédaient pas une force physique particulièrement notable. Pensez à Richelieu et Mazarin…

          [« Assez rapidement, en fait. Alors qu’au moyen-âge il était impensable qu’un roi ne prenne pas la tête de ses armées, vous ne trouverez que peu d’auteurs pour louer la force physique d’un Richelieu… » Et pourtant, quand je pense à Richelieu, l’une des premières images qui me vient à l’esprit est celle d’un Cardinal en armure faisant le siège de la Rochelle.]

          Je ne vois aucun portrait contemporain de Richelieu en armure. J’imagine que vous faites référence au tableau d’Henri Motte, dans lequel Richelieu porte un étrange accoutrement : une cuirasse par-dessus une robe de cardinal. Je me permets de vous signaler qu’il s’agit d’un tableau peint en 1881, avec un Richelieu revu et corrigé par le romantisme. Il est fort peu probable que Richelieu se soit jamais habillé de la sorte…

          [J’y voyais une corrélation avec l’augmentation de la complexité des société (parce qu’il me semble voir des prémices de cette tendance dans les deux premiers siècles de l’empire romain). A la réflexion, peut-être faudrait-il plutôt chercher un lien avec la généralisation de la poudre à canon.
          Mais cela nous éloigne du sujet.]

          J’aurais tendance plutôt à y voir un effet de la complexification des sociétés et notamment la formation de l’Etat moderne. A l’époque de Charlemagne, un prince ne pouvait se maintenir au pouvoir que par la crainte, et pour cela la capacité de prendre la tête d’une armée et sa place au combat était fondamentale. Mais après la Renaissance, la puissance est de plus en plus associé à des capacités politiques, diplomatiques, administratives. On voit alors l’ascension sociale de personnages comme Richelieu ou Mazarin, Colbert ou Sully, dont le rayonnement devait peu à la force physique et beaucoup à leurs capacités intellectuelles. La vielle noblesse d’épée a d’ailleurs très vite vu le danger et montrait sa haine et son mépris pour ces « bourgeois »…

          [« Seul le prolétaire peut produire de la valeur, le capitaliste en est incapable. Et pourtant, c’est le capitaliste qui crée le rapport de force en sa faveur, et non l’inverse. » Dans ce cas, pourquoi le capitaliste reste-t-il dominant ?]

          Justement, parce que contrairement à ce que vous croyez ce n’est pas le fait d’être le seul à pouvoir faire quelque chose qui fait pencher la balance du rapport de force en votre faveur. Le prolétaire est seul à pouvoir produire de la valeur… mais il a le choix d’aller la produire chez le capitaliste ou crever de faim. C’est cela qui fait le pouvoir du capitaliste : le fait qu’il a le choix. La faiblesse du prolétaire, c’est qu’il ne l’a pas.

          [J’avais cru comprendre du marxisme que le capitalisme était arrivé au pouvoir parce qu’en tant que système, il “libérait des forces productives” que le féodalisme ne pouvait pas exploiter, et que le communisme devait, lui aussi, produire plus de valeur que le capitalisme pour finalement le supplanter.]

          Vous avez très bien compris. Avec une nuance : le capitalisme est un mode de production, c’est-à-dire, une manière d’organiser la société en vue de produire les biens et services dont nous avons besoin pour vivre. Il n’est donc pas correct de dire qu’il a « pris le pouvoir ». Il s’est imposé, et remplacé les modes de production anciens, bien moins efficaces. Et comme vous le dites – et la question est loin d’être triviale au vu de l’échec des premiers « socialismes réels » – il ne sera remplacé que par un mode de production encore plus efficace.

          [J’entends que le seigneur féodal, comme le capitaliste ne travaillent pas, mais ils s’efforcent d’organiser la société de la manière la plus productive possible, et en ce sens, ils créent bien de la valeur, non ?]

          S’ils « s’efforcent », alors c’est qu’ils font un effort, et donc fournissent un travail. Il faut faire une distinction claire entre le « capitaliste » et le « patron ». Le propriétaire du capital, l’actionnaire, ne fait que toucher des dividendes, ne fournit aucun travail et ne produit aucune valeur. Un chef d’entreprise, qui dirige son affaire, fournit un travail et produit par conséquent de la valeur. Quelquefois, les deux fonctions sont confondues dans la même personne. Et dans ce cas, on peut dire que d’un côté il touche une partie du fruit de son travail (comme un prolétaire) et d’un autre côté il touche le revenu du capital (c’est-à-dire, la plus-value extraite sur la valeur produite par les salariés de l’entreprise).

          Autrement dit, la possession du capital, par elle-même, ne produit aucune valeur. Mais le possesseur du capital, lui, peut éventuellement travailler et donc produire de la valeur.

          [Il me semble que la charge de l’enfant pèse plus lourdement sur la femme que sur l’homme. Certains hommes qui le désiraient se libéraient très bien de l’obligation d’entretenir une famille, alors que sans moyens médicaux modernes, on ne se libère prématurément d’une grossesse qu’à grands risques.]

          Bien sur que si. L’abandon ou l’accouchement sous X sont elles aussi des institutions multiséculaires. Il faut savoir de quoi on parle. Il y a toujours eu des hommes qui abandonnaient leur foyer, et des femmes qui abandonnaient leurs enfants. Mais la pression sociale condamnait sévèrement les uns et les autres. La règle sociale imposait aux femmes d’avoir les enfants que le sort leur apportait et de les élever, et aux hommes d’entretenir le foyer. L’avortement et la contraception ont libéré les uns et les autres de cette contrainte.

          [Le fait d’avoir accès aux fonctions de direction me semble également non dénué d’intérêt.]

          Oui, mais cet « intérêt » ne s’applique qu’à une toute petite fraction des femmes. Je vous assure que pour les ouvrières de Vertbaudet la possibilité « d’avoir accès aux fonctions de direction » est une perspective lointaine. Parler de cet accès comme d’un « intérêt d’un sexe » alors qu’il ne touche qu’une toute petite section de ce « sexe » me paraît exagéré.

          [J’entends que vous disiez que les femmes des classes dominantes ont plus profité de cette libération que les ouvrières.]

          Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je n’ai pas abordé cette question. Ce que j’ai dit, c’est qu’on ne peut pas parler d’un « intérêt des femmes » comme si les femmes constituaient une classe sociale.

          [J’entends également que les améliorations de la vie des femmes ne se pas faites dans une lutte réellement collective, mais dans une juxtaposition de luttes individuelles.]

          Je n’ai pas très bien compris cette remarque. « L’amélioration de la vie des femmes » résulte d’abord de l’amélioration générale du niveau de vie. Les antibiotiques, les conditions de travail, la qualité de la nourriture ont fait bien plus pour les femmes que toutes les luttes réunies.

          [Mais il me semblerait hasardeux de dire que la situation des femmes avant l’époque moderne était équivalente à celle des hommes.]

          Je n’ai rien dit de pareil. C’est une comparaison très difficile à faire. Sur beaucoup d’aspects, leur situation était largement MEILLEURE. Regardez les noms inscrits aux monuments aux morts, et vous verrez qu’ils sont à 99,99% masculins. Les jeunes hommes étaient d’ailleurs appelés à donner une année – voire deux – de leur vie à leur pays, pas les femmes. Après, le fait de peser le pour et le contre est assez subjectif : que préféreriez-vous, avoir besoin de l’autorisation de votre conjoint pour travailler et être assuré de ne jamais aller dans les tranchées, ou pouvoir travailler librement mais aller à la guerre une fois par génération ?

  10. P2R dit :

    @ Descartes
     
    [Je ne suis pas persuadé qu’on puisse parler des « rapports entre les sexes », comme si chaque « sexe » constituait un ensemble homogène.]
     
    Et pourtant vous le faites vous-même quand vous dites “L’instinct conduit les hommes à s’accoupler, puis à protéger le noyau mère-enfant, il conduit les femmes à vouloir avoir des enfants et à les soigner”. Ce n’est pas une loi universelle, mais largement majoritaire.
     
    [On peut donc se dire que la mécanisation a du radicalement modifier les rapports entre les sexes dans le prolétariat – et favoriser l’entrée massive des femmes prolétaires dans la production. Mais en quoi cela aurait changé les rapports dans un couple d’ingénieurs, d’instituteurs, d’avocats, de banquiers ?]
     
    La question de la force physique est une dimension du tropisme masculin/féminin vers certains postes, mais il est loin d’être le seul: les métier de banquier, d’avocat, de médecin, d’ingénieur sont tous des fonctions qui ont pour objectif le fonctionnement de la cité, prédisposition biologiquement masculine, quand les métiers du care restent largement féminins. Et vous remarquerez que l’ouverture de ces métiers aux femmes s’est faite de manière assez sélective: vous trouverez une proportion bien plus élevée de femmes institutrices, naturopathes ou avocate spécialisée dans le social que de femmes chirurgiens, chercheurs, ingénieurs ou avocats d’affaires.
     
    D’ailleurs, cela se retrouve également dans les classes populaires: la population employée dans les secteurs de la logistique ou de la sécurité est très largement masculine, quand la population employée dans les métiers du care est quasi-exclusivement féminine.
     
    Quant à savoir POURQUOI les femmes d’antan ne se sont pas saisies des professions sus-mentionnées en leur temps, je crois qu’il faut garder en tête que la structure sociale d’alors, et en particulier le fonctionnement du noyau familial, y compris dans la bourgeoisie, restait axé sur un modèle beaucoup plus “rationnel” en terme d’exploitation des capacités d’un individu compétent: le médecin, le notaire, l’instituteur, et même le banquier, étaient médecin, notaire, instituteur ou banquier à temps plein, parce qu’il était plus rentable pour la société d’exploiter 15h par jour un médecin que d’en former deux travaillant 7h par jour. En contrepartie, il fallait bien quelqu’un pour s’occuper du foyer, même avec le petit personnel (qu’il fallait tout de même gérer) ou les aides ménagères (qui, si elles ont réduit la charge de travail, ne l’ont pas non plus faite disparaitre). Le modèle social fonctionnel correspondait donc à cette répartition des tâches: d’un coté le travail d’utilité public, de l’autre coté la gestion du foyer.
     
    En aparté, et sur cette question de l’évolution de la structure familiale, j’ai revu récemment le merveilleux Mary Poppins avec mon petit dernier, et j’ai été ébloui par la profondeur du propos derrière la fable pour enfants. Je ne pense pas sur-interpréter:
    M. Banks est un banquier très occupé par son travail, et Mme Banks est une militante féministe qui ne trouve guère le temps de s’occuper de ses deux enfants, ni même à vrai dire de chapeauter nourrice, gouvernante et cuisinière. L’aspect dysfonctionnel du foyer est manifeste. Quand sous l’influence de Mary Poppins, le jeune Michael convainc son père de l’emmener à la banque (dans le monde des adultes), son comportement infantile provoque une crise financière majeure (autres temps..!)
    M. Banks est viré, et Michael s’enfuit, avant de tomber sur Bert (Dick Van Dyke) à qui il expose tous ses malheurs, ce sur quoi Bert lui réponds: “moi, j’aurais plutôt tendance à être du coté de votre père, parce que contrairement à vous, qui avez une multitude d’épaules sur lesquelles pleurer, lui, quand il a un problème, et bien il ne se plaint pas, il faut qu’il se débrouille tout seul.” (Comparez avec le propos des productions disney actuelles, c”est à pleurer)
    Et le meilleur est pour la fin: quand M. Banks rentre chez lui, viré, déshonoré, il retrouve le sourire grâce au fameux mot magique qui lui fait retrouver son âme d’enfant: et là, la réaction de la cuisinière, si ma mémoire est bonne,est simplement: “ça y est, il est fou!”, et en effet, c’est carrément l’asile, plus rien n’a de sens, avec ce symbole des vieux banquiers qui font du cerf-volant dans le parc. Le happy-end (M.Banks réembauché) est là pour la forme, mais le fond est bel et bien tragique, et la conclusion évidente: résoudre les problèmes en retrouvant son âme d’enfant, ça marche dans les contes de fée, mais dans la vraie vie, bonjour la catastrophe !
     
    [Oui, mais avec beaucoup d’ambiguïtés. Car qui dit droit dit devoirs, et même les plus ardentes partisanes de l’égalité juridique se sont bien gardés de demander que les femmes soient soumises à la conscription, avec une option à monter à l’assaut dans les tranchées. ]
     
    Certes, mais elles ont tout de même “obtenu” la possibilité d’avoir à travailler pour subvenir à leurs besoins, ce qui indirectement peut apparaître comme un sacrifice beaucoup plus concret qu’une hypothétique mobilisation.
     
    [L’apparition d’appareils ménagers, oui, mais surtout la division du travail qui fait qu’une grande partie de l’économie ménagère a disparu. Dans quel foyer aujourd’hui on coud les vêtements, on fait conserves et confitures maison, au lieu de les acheter ?]
     
    Ce point est valable pour les hommes également: dans quelle maison se nourrit-on essentiellement de ce qui pousse dans son jardin, change-t’on sa courroie de transmission tout seul, répare-t’on une fuite sur la toiture ? L’étiolement de l’économie domestique est un phénomène général. Et l’un dans l’autre, il reste toujours plus de tâches qui incombent au “domaine féminin” qu’au “domaine masculin”.

    [Pardon, mais c’est quoi les « caractéristiques masculines » ? En dehors de la force physique, quelle est la spécificité du sexe masculin ?]
     
    Agir pour la sécurité du foyer (garantir la protection de la famille, un toit étanche sur la tête et à manger dans les assiettes) et l’intérêt pour les affaires de la cité (protection de la patrie, investissement dans le fonctionnement de la société). Préoccupations dont vous conviendrez qu’elles sont aujourd’hui loin d’apparaitre cruciales pour une large partie de la population, justement celle qui fait l’opinion. C’est la raison pour laquelle je dis que ces valeurs apparaissement superflues dans une période largement pacifiée, de sécurité alimentaire, et où on va jusqu’à proposer d’octroyer des subventions pour que les citoyens fassent réparer leur vélo ou ressemmeler leurs chaussures… Mais je ne dis pas que cela va durer: dès que les temps difficiles reviendrons, les caractéristiques masculines redeviendront utiles et le féminisme déconstructivistes tendance 2020 mourra de sa belle mort.

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [« Je ne suis pas persuadé qu’on puisse parler des « rapports entre les sexes », comme si chaque « sexe » constituait un ensemble homogène. » Et pourtant vous le faites vous-même quand vous dites “L’instinct conduit les hommes à s’accoupler, puis à protéger le noyau mère-enfant, il conduit les femmes à vouloir avoir des enfants et à les soigner”. Ce n’est pas une loi universelle, mais largement majoritaire.]

      Ce n’est pas du tout la même chose. D’un côté, c’est une question d’intérêts, de l’autre, une question biologique. Oui, les hommes portent tous – ou presque tous – certaines caractéristiques physiques et certains instincts. Mais cela n’implique pas qu’ils aient les mêmes intérêts dans un mode de production donné, qu’ils soient solidaires entre eux face à l’autre sexe. Et c’est la même chose pour les femmes.

      [« On peut donc se dire que la mécanisation a du radicalement modifier les rapports entre les sexes dans le prolétariat – et favoriser l’entrée massive des femmes prolétaires dans la production. Mais en quoi cela aurait changé les rapports dans un couple d’ingénieurs, d’instituteurs, d’avocats, de banquiers ? » La question de la force physique est une dimension du tropisme masculin/féminin vers certains postes, mais il est loin d’être le seul : les métier de banquier, d’avocat, de médecin, d’ingénieur sont tous des fonctions qui ont pour objectif le fonctionnement de la cité, prédisposition biologiquement masculine, quand les métiers du care restent largement féminins.]

      Si la question de la force physique n’est qu’une dimension parmi d’autres, alors on peut difficilement dire que sa dévalorisation ait « radicalement modifié les rapports entre les sexes ».

      [Et vous remarquerez que l’ouverture de ces métiers aux femmes s’est faite de manière assez sélective : vous trouverez une proportion bien plus élevée de femmes institutrices, naturopathes ou avocate spécialisée dans le social que de femmes chirurgiens, chercheurs, ingénieurs ou avocats d’affaires.]

      Mais la magistrature, par exemple, s’est très largement féminisée et cela dans tous les domaines. Difficile donc d’établir une corrélation du type « care vs. cité ». On peut se demander s’il ne faut pas corréler la féminisation des métiers avec l’organisation du temps et la possibilité d’établir une frontière étanche entre la vie professionnelle et la vie personnelle.

      [D’ailleurs, cela se retrouve également dans les classes populaires: la population employée dans les secteurs de la logistique ou de la sécurité est très largement masculine, quand la population employée dans les métiers du care est quasi-exclusivement féminine.]

      L’exemple n’est pas bien choisi : la logistique et la sécurité restent des domaines ou la force physique reste un paramètre important.

      [Quant à savoir POURQUOI les femmes d’antan ne se sont pas saisies des professions sus-mentionnées en leur temps, je crois qu’il faut garder en tête que la structure sociale d’alors, et en particulier le fonctionnement du noyau familial, y compris dans la bourgeoisie, restait axé sur un modèle beaucoup plus “rationnel” en terme d’exploitation des capacités d’un individu compétent: le médecin, le notaire, l’instituteur, et même le banquier, étaient médecin, notaire, instituteur ou banquier à temps plein, parce qu’il était plus rentable pour la société d’exploiter 15h par jour un médecin que d’en former deux travaillant 7h par jour. En contrepartie, il fallait bien quelqu’un pour s’occuper du foyer, même avec le petit personnel (qu’il fallait tout de même gérer) ou les aides ménagères (qui, si elles ont réduit la charge de travail, ne l’ont pas non plus faite disparaitre). Le modèle social fonctionnel correspondait donc à cette répartition des tâches: d’un coté le travail d’utilité public, de l’autre coté la gestion du foyer.]

      Tout à fait d’accord. Ce n’est donc pas tant la dévalorisation de la force physique que celle de l’économie domestique qui a permis – et poussé – les femmes sur le marché du travail. Ce qui d’ailleurs répondait à la logique capitaliste : en industrialisant ce qui relevait autrefois de la production domestique, on a gagné en productivité. Et le travail féminin augmente la concurrence sur le marché du travail et pousse les salaires à la baisse…

      [En aparté, et sur cette question de l’évolution de la structure familiale, j’ai revu récemment le merveilleux Mary Poppins avec mon petit dernier, et j’ai été ébloui par la profondeur du propos derrière la fable pour enfants. Je ne pense pas sur-interpréter: (…)]

      Je pense malheureusement que vous surinterprétez… même s’il est vrai que dans les classiques de Disney il y a souvent un fond tragique sous la couverture de sucre glace…

      [« Oui, mais avec beaucoup d’ambiguïtés. Car qui dit droit dit devoirs, et même les plus ardentes partisanes de l’égalité juridique se sont bien gardés de demander que les femmes soient soumises à la conscription, avec une option à monter à l’assaut dans les tranchées. » Certes, mais elles ont tout de même “obtenu” la possibilité d’avoir à travailler pour subvenir à leurs besoins, ce qui indirectement peut apparaître comme un sacrifice beaucoup plus concret qu’une hypothétique mobilisation.]

      Dans les couches populaires, les femmes travaillaient depuis toujours : la production domestique, qui était essentielle dans l’économie, reposait sur elles, sans compter sur le soutien qu’elles donnaient à leur mari lorsque c’était nécessaire. Et de l’autre côté, la « mobilisation » n’avait rien d’hypothétique. Entre 1870 et 1970, il y a eu une guerre par génération sur notre territoire…

      [L’apparition d’appareils ménagers, oui, mais surtout la division du travail qui fait qu’une grande partie de l’économie ménagère a disparu. Dans quel foyer aujourd’hui on coud les vêtements, on fait conserves et confitures maison, au lieu de les acheter ?]

      [L’étiolement de l’économie domestique est un phénomène général. Et l’un dans l’autre, il reste toujours plus de tâches qui incombent au “domaine féminin” qu’au “domaine masculin”.]

      J’aurais tendance à dire le contraire : il est moins cher d’acheter des confitures, des conserves ou des vêtements que de les faire à la maison. Mais appeler un professionnel pour changer le joint d’un robinet qui fuit, de changer une prise, de remplacer une pièce sur la voiture ou de rédiger la déclaration d’impôts reste prohibitif. Pour ce qui concerne l’économie domestique, le « domaine féminin » s’est érodé beaucoup plus fortement que le « domaine masculin ».

      [« Pardon, mais c’est quoi les « caractéristiques masculines » ? En dehors de la force physique, quelle est la spécificité du sexe masculin ? » Agir pour la sécurité du foyer (garantir la protection de la famille, un toit étanche sur la tête et à manger dans les assiettes) et l’intérêt pour les affaires de la cité (protection de la patrie, investissement dans le fonctionnement de la société). Préoccupations dont vous conviendrez qu’elles sont aujourd’hui loin d’apparaitre cruciales pour une large partie de la population, justement celle qui fait l’opinion.]

      Quand même, la protection de la famille, le toit étanche et manger dans des assiettes reste quand même des préoccupations toujours très présentes chez nos concitoyens. Quant à l’investissement dans la cité, le mantra lancinant de la « protection de la planète » ne s’inscrit-elle pas dans cette logique ?

      [C’est la raison pour laquelle je dis que ces valeurs apparaissent superflues dans une période largement pacifiée, de sécurité alimentaire, et où on va jusqu’à proposer d’octroyer des subventions pour que les citoyens fassent réparer leur vélo ou ressemmeler leurs chaussures…]

      Ca dépend, là encore, des classes sociales. Pour beaucoup de gens, le toit étanche, la sécurité de la famille et mettre de la nourriture dans les assiettes n’est pas aussi trivial que vous semblez le croire.

      [Mais je ne dis pas que cela va durer: dès que les temps difficiles reviendrons, les caractéristiques masculines redeviendront utiles et le féminisme déconstructivistes tendance 2020 mourra de sa belle mort.]

      Amen !

  11. Didier Bous dit :

    Mélenchon appelle également à la violence. C’est un monsieur de 72 ans et je m’intéresse beaucoup plus à ses militants, sympathisants et électeurs. Que se passe-t-il pour qu’une nouvelle génération de gauche donne tant de bêtise et de haine? Sent-elle qu’elle est finie, qu’elle n’a aucun projet?

    • Descartes dit :

      @ Didier Bous

      [Mélenchon appelle également à la violence.]

      Mélenchon a assez de péchés propres pour qu’on lui en invente d’autres. Je ne me souviens pas que Mélenchon ait jamais “appelle à la violence”. Je dirais plutôt que, parce qu’il veut capter un électorat qui approuve ou excuse cette violence, il a tendance à l’approuver ou l’excuser lui-même. La nuance peut paraître minime, mais elle est à mon sens importante. Mélenchon surfe sur une vague, mais ce n’est pas lui qui la provoque. En cela, il applique à la perfection la loi du démagogue: “je suis leur leader, je dois les suivre”. Personnellement, je pense que ce qui sépare l’homme politique de l’homme d’Etat est justement la capacité qu’à ce dernier à distinguer ce qui est essentiel de ce qui est aléatoire, et ne jamais céder sur les fondamentaux.

      [C’est un monsieur de 72 ans et je m’intéresse beaucoup plus à ses militants, sympathisants et électeurs. Que se passe-t-il pour qu’une nouvelle génération de gauche donne tant de bêtise et de haine? Sent-elle qu’elle est finie, qu’elle n’a aucun projet?]

      En fait, nous savons bien peu de chose sur les militants et sympathisants de LFI. Pour la simple raison qu’ils n’ont aucun canal d’expression. A LFI, ni les militants, ni les sympathisants ne sont jamais consultés, que ce soit sur les textes programmatiques, sur la tactique, sur les choix stratégiques. Est-ce que les militants LFI dans leur majorité approuvent, excusent ou rejettent la violence des émeutiers ? Est-ce qu’ils y voient une expression de la “lutte des classes” comme leur gourou, ou au contraire un carnaval de destruction imbécile ? On n’en sait rien. Dans une organisation qui n’a ni instances de décision, ni débat public, ni votes, difficile de savoir ce que pense le militant de base.

      La seule chose qu’on sait, c’est qu’ils acceptent d’abdiquer de toute expression indépendante, d’admettre que le gourou soit la seule voix qui les représente. Et cela est, en soi, un gros problème pour la gauche.

  12. marc.malesherbes dit :

    pour la défense de JL Mélenchon
     
    JL Mélenchon est homme politique qui cherche à avoir le plus d’électeurs possibles pour les Européennes puis Présidentielles à venir. Pour ce faire, comme tout bon démagogue, il est prêt à dire n’importe quoi, et vous le démontrez amplement.
     
    Il a au moins le mérite de le dire clairement :”Croyez à la vertu de la polémique, de l’excès de langage. »
     
    Pour lui évidement l’excès comporte toutes les contre-vérité utiles à satisfaire son électorat potentiel, à savoir les abstentionnistes tandis que les socialistes, communistes et écologistes, pour M. Mélenchon, “croient à l’existence du centre-gauche, une illusion. Il faudrait que les classes moyennes soient ascendantes, mais elles régressent”.

    Et majoritairement les abstentionnistes sont dans les quartiers dit populaires, c’est à dire les quartiers peuplés d’immigrés et de leurs descendants, gangrenés par les islamistes et les trafiquants de drogues, animés par la haine du « blanc », de la police et des institutions.

    En résumé, j’ai beaucoup d’admiration pour la cohérence de JL Mélenchon et la réussite notable de son entreprise. Il réussit à occuper les médias et à faire des scores électoraux pas ridicules, sans compter toute une gauche, même universitaire, séduite par ses propos, quel qu’ils soient. 
     
    Bien sûr cela rend triste sur les ravages de la démagogie de droite, du centre, de gauche … mais c’est ainsi que fonctionne notre démocratie. Si on regarde de prés les discours de Macron, c’est pareil … un discours démagogique, fluctuant en direction de son électorat. Idem pour le RN, les Verts .. Et ils font tout aussi usage que Mélenchon des contre vérités, dans un registre différent en fonction de leur électorat. 
     
    Et pourquoi cela réussi-t-il ? parce que très majoritairement nous l’acceptons et allons gentiment voter pour l’un de ces menteurs lors des élections. Comme le dit l’auteur de ce blog, dans des commentaires précédents, c’est selon lui faire preuve de courage politique ! Et il va même jusqu’à dire que les hommes politiques sont « sincères ». Il faut voir comment ils sont les premiers surpris qu’on les croît. Les hommes politiques ont donc bien raison de nous mentir … on en redemande.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [pour la défense de JL Mélenchon]

      Que Sainte Rita vous protège…

      [JL Mélenchon est homme politique qui cherche à avoir le plus d’électeurs possibles pour les Européennes puis Présidentielles à venir. Pour ce faire, comme tout bon démagogue, il est prêt à dire n’importe quoi, et vous le démontrez amplement.]

      Qu’un homme politique cherche à avoir le plus d’électeurs possibles, c’est dans la logique même du fonctionnement démocratique. Mieux vaut avoir un peu raison avec tout le monde que d’avoir beaucoup raison tout seul. Tous les « grands », de Napoléon à De Gaulle en passant par Clemenceau ou Thorez, ont à l’occasion caressé l’électeur dans le sens du poil. La question n’est pas là. Je pardonnerais volontiers à Mélenchon d’être un démagogue si cette démagogie était un moyen pour atteindre des objectifs progressistes. Le problème est que Mélenchon est un excellent tacticien, mais un piètre stratège. Il est très bon pour gagner des batailles, mais n’a pas véritablement réfléchi à ses buts de guerre. Il n’y a pas de véritable « projet » mélenchonien. « L’ère du peuple » ? Une vague théorie spontanéiste. « La constituante » ? Mélenchon peine à dire ce qu’il proposerait comme arrangement constitutionnel, et s’imagine que parce qu’on réunira les représentants du « peuple » il en sortira quelque chose de très bien. « L’humain d’abord » ? Un ramassis de mesures contradictoires destinées à faire plaisir à tel ou tel segment de l’électorat. Même Varoufakis, pourtant un de ses soutiens, a dit dans un moment de sincérité que ce n’était pas la peine d’analyser dans le détail le programme de Mélenchon, parce qu’une fois arrivé au pouvoir il en ferait un autre…

      Mélenchon souffre de la même maladie que son modèle : sa réflexion sur les moyens d’arriver au pouvoir est beaucoup plus fouillée que son travail sur ce qu’on en fera une fois qu’on l’aura. Comme beaucoup de gauchistes, toute son énergie s’épuise à la conquête du fauteuil.

      [Il a au moins le mérite de le dire clairement : « Croyez à la vertu de la polémique, de l’excès de langage. »]

      Pas si clairement que ça. Il oublie opportunément d’ajouter « tant que c’est moi qui les fais ». Parce que je n’ai pas l’impression que Mélenchon encourage beaucoup la « polémique » et les « excès de langage » dans les débats internes à LFI. C’est même le contraire : Mélenchon a toujours utilisé le risque de « polémique » et de « excès » comme prétexte pour refuser toute forme de débat interne, tout vote des adhérents de LFI. Mélenchon réagit aussi très violemment lorsque ses adversaires ont recours à des « excès de langage ». Relisez son blog, où il dénonce régulièrement les « appels au meurtre contre les insoumis » supposément lancés par ses adversaires…

      [Pour lui évidement l’excès comporte toutes les contre-vérité utiles à satisfaire son électorat potentiel, à savoir les abstentionnistes tandis que les socialistes, communistes et écologistes, pour M. Mélenchon, “croient à l’existence du centre-gauche, une illusion. Il faudrait que les classes moyennes soient ascendantes, mais elles régressent”.]

      La formule montre où se trouve la véritable sensibilité de Mélenchon : la « régression » des « classes moyennes ». Pour le reste, oui, Mélenchon est prêt à dire n’importe quoi pour attirer les électeurs de sa « cible ». Le problème, c’est que pour caresser cette « cible » dans le sens du poil, il faut tenir des discours qui, in fine, sont profondément contradictoires avec toute politique progressiste. Difficile de s’inscrire dans un idée d’amélioration de l’homme ou de la société quand on fait ami-ami avec les islamistes, quand on transforme les pillages ou la destruction d’écoles et bibliothèques en expression de la « lutte des classes ».

      C’est là où Mélenchon devrait relire les classiques marxistes. On ne fait pas une révolution à partir de n’importe quel groupe social. Si le prolétariat est une classe potentiellement révolutionnaire, c’est parce que sur elle repose la production de valeur et que c’est son travail qui fournit la plus-value qui alimente les revenus de la bourgeoisie. Imaginer qu’on fera une révolution en s’appuyant sur le lumpenprolétariat est une illusion dont l’absurdité avait déjà été démontrée par Marx, et un siècle et demi d’histoire lui a donné raison.

      [Et majoritairement les abstentionnistes sont dans les quartiers dit populaires, c’est à dire les quartiers peuplés d’immigrés et de leurs descendants, gangrenés par les islamistes et les trafiquants de drogues, animés par la haine du « blanc », de la police et des institutions.]

      Je n’ai pas l’impression que les quartiers « dit populaires » d’Hénin-Beaumont ou d’Hagondange soient « peuplés d’immigrés et de leurs descendants », et encore moins « gangrénés par les islamistes et trafiquants de drogue ». Le « populaire » ne se réduit pas à certaines banlieues des grandes villes.

      [En résumé, j’ai beaucoup d’admiration pour la cohérence de JL Mélenchon et la réussite notable de son entreprise.]

      Sur ces deux points, Macron a fait beaucoup mieux. Il est tout aussi cohérent, mais en plus il a gagné l’élection. A-t-il lui aussi votre « admiration » ?

      En 1992, le pouvoir était chez Mitterrand, et du coup Mélenchon vote et fait voter « oui » à Maastricht. En 2005, Mélenchon fait voter « non » parce qu’il veut dynamiter la direction du PS et qu’il a un accord politique avec Fabius. En 2000, il devient ministre du gouvernement qui ouvrira les marchés de l’électricité et du gaz et mènera la plus importante campagne de privatisations de notre histoire sans qu’on entende sortir de sa bouche la moindre protestation. En 2007, fidèle dirigeant du PS, il fait la campagne de Ségolène Royal. Un an plus tard, il comprend que jamais il n’ira au pouvoir avec les socialistes, et veut « mettre ensemble ce qu’il y a de mieux chez les socialistes et les communistes, fonde le PG et essaye une OPA sur le PCF. En 2012, comprenant que l’OPA a échoué, il devient gauchiste et fonde LFI… Comme « cohérence » idéologique, on fait mieux. La seule « cohérence » dans ce parcours, c’est celle d’Iznogoud : « je veux être calife à la place du calife ». En cela, la ressemblance avec Macron est remarquable.

      Personnellement, je réserve mon « admiration » à des personnalités politiques pour lesquelles la conquête du pouvoir est un moyen, et non un but.

      [Il réussit à occuper les médias et à faire des scores électoraux pas ridicules, sans compter toute une gauche, même universitaire, séduite par ses propos, quel qu’ils soient.]

      Et alors ? En quoi son action aura changé quoi que ce soit au sort des Français, et d’abord ceux des couches populaires… ? Ses scores électoraux seront vite oubliés…

      [Bien sûr cela rend triste sur les ravages de la démagogie de droite, du centre, de gauche … mais c’est ainsi que fonctionne notre démocratie.]

      Je dirais plutôt qu’elle ne fonctionne pas. L’abstention atteint des niveaux massifs… y compris dans les élections de proximité.

      [Si on regarde de près les discours de Macron, c’est pareil … un discours démagogique, fluctuant en direction de son électorat.]

      Macron et Mélenchon sont les deux meilleurs exemples d’égo-politicien. Ils ont construit leur succès sur une forme particulière de populisme, diffusé par un mouvement « gazeux » sans institutions, sans instances, tout entier dévoué à la promotion du Grand Homme. La différence est que Macron s’appuie sur un socle sociologique capable de lui faire gagner l’élection, et pas Mélenchon.

      [Idem pour le RN, les Verts… Et ils font tout aussi usage que Mélenchon des contre vérités, dans un registre différent en fonction de leur électorat.]

      Je ne suis pas d’accord. On peut reprocher beaucoup de choses au RN ou aux verts, mais pas de changer de position en fonction de l’électorat visé. Vous aurez du mal à trouver une déclaration du RN vantant l’immigration incontrôlée, un texte des verts défendant l’énergie nucléaire. Mais vous pouvez voir un Mélenchon proclamant son attachement à la laïcité et défilant ensuite avec les Frères Musulmans.

      La logique des Verts ou du RN reste une logique de parti : le leader a un pouvoir de proposition, mais les positions restent le résultat d’une dialectique collective. Chez Macron ou Mélenchon, c’est le résultat d’un choix individuel.

      [Et pourquoi cela réussi-t-il ? parce que très majoritairement nous l’acceptons et allons gentiment voter pour l’un de ces menteurs lors des élections.]

      Qui ça, « nous » ? Très majoritairement, nous n’allons pas gentiment voter pour l’un de ces menteurs, puisque l’abstention est devenue, depuis un certain temps, le premier vote des Français. Mais plus profondément, je pense que vous donnez beaucoup trop d’importance au « mensonge ». Le « mensonge » est inscrit dans la politique depuis toujours. Napoléon, Richelieu ou De Gaulle n’hésitaient pas à « mentir » ou à jouer de l’ambiguïté, suivant la formule machiavélienne. Leur grandeur ne vient pas du fait qu’ils aient toujours dit la vérité, mais qu’ils ont mis leurs « mensonges » au service d’un projet qui allait bien au-delà de la simple prise ou conservation du pouvoir et de ses privilèges. Le problème aujourd’hui, ce n’est pas que nous ayons le choix entre des « menteurs », mais réside dans le fait qu’aucun de ces « menteurs » n’a un projet progressiste.

      J’ajoute que si je mets entre guillemets le mot « menteur », c’est parce qu’on peut s’interroger sur le sens d’un « mensonge » que personne ne croit. Car soyons sérieux : combien d’électeurs croient vraiment aux promesses des uns et des autres ? Est-ce qu’un « mensonge » auquel personne ne croit en reste un ?

      [Comme le dit l’auteur de ce blog, dans des commentaires précédents, c’est selon lui faire preuve de courage politique !]

      Je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence ? Quand ais-je dit que mentir fut une preuve de « courage politique » ?

      [Et il va même jusqu’à dire que les hommes politiques sont « sincères ». Il faut voir comment ils sont les premiers surpris qu’on les croît.]

      Oui. Et je persiste. Il est très difficile pour un être humain de faire ce qu’il sait être le mal, d’en supporter la culpabilité qui va avec. Et c’est pourquoi la plupart de nous invente des justifications qui nous permettent de nous convaincre nous même que nous faisons le bien. Les véritables cyniques existent, bien entendu. Mais ils sont relativement rares.

      Par ailleurs, je vois mal d’où vous tirez l’idée que les hommes politiques soient « surpris lorsqu’on les croit ». Pourriez-vous donner un exemple précis ?

      [Les hommes politiques ont donc bien raison de nous mentir … on en redemande.]

      Si vous en redemandez, c’est à vous de faire votre examen de conscience. Mais de grâce, ne venez pas me refiler votre culpabilité avec ce « nous » englobant…

  13. Patriote Albert dit :

    Le Monde déteste tellement Mélenchon que quelques jours après son billet délirant, il publie sa tribune (qui pour le coup n’est pas inintéressante) sur le coup d’État au Niger : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/05/coup-d-etat-au-niger-au-sahel-tout-miser-sur-les-emprises-militaires-ne-constitue-pas-une-politique-viable_6184527_3232.html
    Ils sont pas rancuniers, au Monde !
     
    Sinon, une section locale de LFI a publié le 4 août un visuel où il est écrit qu’il y a 234 ans, “la République abolissait les privilèges”. En matière historique, la base s’inspire bien du maître !
     
    Je serais curieux de connaître l’évolution du militantisme LFI depuis 2017. Dans mon entourage, la plupart des compagnons de route se sont éloignés, et cela ne m’étonnerait pas qu’on retrouve un rétrécissement de la base militante, lui aussi typique d’une dérive sectaire.

    • Descartes dit :

      @ Patriote Albert

      [Le Monde déteste tellement Mélenchon que quelques jours après son billet délirant, il publie sa tribune (qui pour le coup n’est pas inintéressante) sur le coup d’État au Niger :]

      Vous la trouvez « pas inintéressante » ? Franchement, qu’est ce que vous apprenez de nouveau à sa lecture ? Pour moi, c’est la position gauchiste classique : « nous n’avons pas de solution à proposer, mais nous savons que votre solution n’est pas la bonne ». Dans un contexte extraordinairement complexe et difficile, que proposent les auteurs de cette tribune ? Des actes concrets ? Une politique bien définie ? Des priorités claires ? Non : « un bilan global approfondi, après un travail conclusif des commissions parlementaires. Puis un débat suivi d’un vote sur ce sujet ».

      On avait évoqué la question dans un échange ici même : la gauche aujourd’hui occulte l’absence d’idées concrètes par des propositions procédurales. LFI ne propose pas une constitution, un arrangement institutionnel précis. Elle propose une « constituante », censée avoir les idées brillantes qu’ils sont incapables de proposer. Et on trouve la même chose dans cette tribune. On ne propose pas une nouvelle politique africaine pour la France, on propose de « faire un bilan » et d’organiser « un débat parlementaire ». Misère…

      [Sinon, une section locale de LFI a publié le 4 août un visuel où il est écrit qu’il y a 234 ans, “la République abolissait les privilèges”. En matière historique, la base s’inspire bien du maître !]

      En effet, en effet…

      [Je serais curieux de connaître l’évolution du militantisme LFI depuis 2017. Dans mon entourage, la plupart des compagnons de route se sont éloignés, et cela ne m’étonnerait pas qu’on retrouve un rétrécissement de la base militante, lui aussi typique d’une dérive sectaire.]

      C’est aussi mon impression, mais le caractère « gazeux » du mouvement ne permet pas d’avoir accès à des chiffres précis. S’ajoutent les effets de l’épuration entreprise par Manuel Bompard, qui s’est traduite par la mise sur la touche d’un certain nombre “d’historiques” du mouvement, souvent remplacés par des personnalités moins expérimentées et plus faibles et devant tout au gourou. C’est là encore un processus classique dans les sectes, qui permet au gourou de renforcer son contrôle sur l’organisation.

      Le problème aussi est que LFI n’a pas de véritable perspective politique. La stratégie parlementaire de “bordélisation” se révèle être un échec: elle a indisposé l’opinion et ouvert une brèche avec ses alliés de la NUPES. Les prochaines échéances électorales sont bouchées par le scrutin européen, qui risque de mettre en lumière toutes les ambiguïtés du discours mélenchonien sur ces questions et ouvrir des conflits mal cicatrisés. Sans compter sur l’échec du mouvement sur les retraites, dont LFI avait fait la mère de toutes les batailles…

      J’ajoute que ce que je peux observer me conduit aussi à voir une fragmentation de plus en plus importante du mouvement, avec des « communautés » centrés chacune sur des problématiques particulières.

  14. Startigel dit :

    Mélenchon (et Ruffin) a déjà cité “la bourgeoisie faite journal”, en contextualisant. Il s’agit d’une citation sur le Temps, prédecesseur bourgeois du Monde, qui sombra dans la collaboration. 
    En fait la formule n’est ni de Trotski ni de Jaurès mais de Jules Guesde.
    https://melenchon.fr/2023/05/04/le-bloc-bourgeois-de-macron-a-le-pen-en-passant-par-le-monde/
    Dans l’extrait que vous citez, il fait un raccourci anachronique.
    Dans son journal de 1935, Trotski parle du Temps “Journal du Comité des Forges” et de Wendel.
    https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/journal/journal14_02.htm
    On y lit un jugement plaisant de Trotski sur Blum :
    《8 février
    Il est difficile d’imaginer une occupation plus pénible que la lecture de Léon Blum. Cet homme cultivé, et intelligent à sa manière, on dirait qu’il s’est donné pour but dans la vie de ne rien dire d’autre que de plates inanités et de prétentieuses sottises. La clé de l’énigme, c’est qu’il est, politiquement, depuis longtemps périmé. Toute l’époque actuelle dépasse sa taille. Son tout petit talent, valable pour les couloirs, prend un air pitoyable et nul dans l’effrayant tourbillon de nos jours.》
     
    Les Insoumis ont des références éclectiques, et pour le moins contradictoires…

    • Descartes dit :

      @Startigel

      [Mélenchon (et Ruffin) a déjà cité “la bourgeoisie faite journal”, en contextualisant. Il s’agit d’une citation sur le Temps, prédécesseur bourgeois du Monde, qui sombra dans la collaboration.]

      Il ne peut donc même pas invoquer l’ignorance comme circonstance atténuante… Votre commentaire est très intéressant parce qu’il conduit implicitement à s’interroger sur l’identité de l’auteur des papiers du blog de Mélenchon. S’il a écrit celui de mai 2023 que vous citez, alors il est clair qu’il sait que la phrase en question se réfère au « Temps », et non au « Monde ». Alors, comment peut-il dire le contraire quelques mois plus tard ? Une erreur qui suggère que l’auteur du papier de juillet 2023 ignore que « Le Monde » a été fondé après la mort de Trotsky (et, accessoirement, de Jaurès). Est-il concevable que Mélenchon commette lui-même une telle suite d’erreurs ? Ou doit-on conclure que les papiers de son blog sont écrits par quelqu’un d’autre, dont la culture historique est bien plus pauvre que celle du « gourou » ?

      Accessoirement, il y a à mon sens une grave erreur d’analyse dans l’amalgame entre le « Temps » d’avant-guerre et le « Monde » de 2023. Le fait est que les deux journaux ne répondent pas du tout aux mêmes intérêts. Le « Temps » était un journal au tirage relativement confidentiel (quelques dizaines de milliers d’exemplaires, à une époque où les quotidiens tiraient souvent plus d’un million d’exemplaires) et sa ligne éditoriale représentait les élites économiques, et le porte-voix du grand patronat français, et notamment, du comité des forges. Le « Monde », aujourd’hui, représente plutôt les classes intermédiaires, les élites intellectuelles et administratives « progressistes ». On imagine mal le « Temps » militer pour les transformations sociétales – sujet sur lequel LFI et le vénérable quotidien sont généralement sur la même longueur d’onde. On le lit beaucoup moins « Le Monde » au MEDEF (où l’on préfère « les Echos ») que dans la haute administration et à l’Université. Notez d’ailleurs que si Mélenchon mène campagne systématiquement contre « Le Monde », il n’a pas la même hargne s’agissant des Echos ou du Figaro. Pourquoi ? Parce que « Le Monde » est le journal que lit une partie de l’électorat de LFI, ce qui n’est pas le cas des deux autres quotidiens susvisés…

      [En fait la formule n’est ni de Trotski ni de Jaurès mais de Jules Guesde.]

      Je ne saurais le dire. Avez-vous une référence ?

      [Les Insoumis ont des références éclectiques, et pour le moins contradictoires…]

      Logique. Comme il n’y a pas de véritable travail théorique, pas de véritable ligne idéologique, Mélenchon – et les dirigeants « insoumis » derrière lui, parce que l’imitation est la plus sincère des flatteries – prend ses références à droite et à gauche, souvent hors contexte, quitte à en tordre la signification ou directement à la modifier pour l’adapter à ses besoins du moment. Cela aboutit forcément à des contradictions. L’exemple le plus amusant est probablement la relecture faite par les « insoumis » de La Boétie, et de son « discours de la servitude volontaire ». Le texte de La Boétie est publié entre 1574 et 1576, alors que les guerres de religion font rage et que commence à se constituer en France l’Etat au sens moderne du terme. L’ouvrage de La Boétie s’inscrit donc dans la lutte des élites provinciales contre la centralisation et l’absolutisme monarchique naissant. Après la Saint-Barthélémy (1572) la question d’un support théorique pour la contestation de l’autorité monarchique – le « tyran » de La Boétie, qui ne prend des exemples que dans l’antiquité ne trompe personne – se pose.

      Vouloir transposer la réflexion de La Boétie au début du XXI siècle sans précautions conduit tout droit à l’anachronisme. Car si La Boétie montre que la hiérarchie sociale – et l’Etat, qui en est l’expression la plus achevée – se maintient non par l’usage de la force brute mais par le consentement des dominés, il n’arrive à expliquer sa genèse. Il est obligé à avoir recours à un « accident », ce qu’il a appelle « la malencontre ». Il est clair que cette explication, qui paraissait satisfaisante à l’époque, ne peut l’être aujourd’hui, compte tenu des connaissances accumulées par des disciplines comme l’économie, l’histoire, la sociologie. Une telle structure ne se maintien pas par « accident », mais parce qu’elle est fonctionnelle. L’apparition d’un Etat central fort et puissant n’a pas fait seulement l’affaire du tyran et de ses proches : elle a fait l’affaire de tout le monde. Car cet Etat ne fait pas que donner des ordres et lever des impôts : il met hors d’état de nuire les bandits et empêche les noblaillons locaux de se faire la guerre en permanence.

      Mais cette idée d’une « servitude volontaire », et son corollaire, qu’il suffit de désirer la liberté pour être libre, aussi absurde soit elle, ça marche bien dans le discours « insoumis ». Alors, sans autre forme de procès, La Boétie est élevé au rang des références « insoumises »…

  15. Patriote Albert dit :

    [Vous la trouvez « pas inintéressante » ? Franchement, qu’est ce que vous apprenez de nouveau à sa lecture ?]
    Je me suis peut-être mal exprimé, je n’y apprends pas grand-chose, mais LFI m’a habitué à des propositions tellement folles, que je trouve cette tribune certes imprécise et idéaliste, mais relativement rationnelle. Pour une fois qu’il n’y est pas question de racisme systémique, d’anthropocène et de révolution citoyenne… Et puis je m’attendais bien à une balle perdue contre le nucléaire dans la tribune, mais point ! Que voulez-vous, avec les Insoumis, je me contente de peu !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *