S’ils étaient rationnels, le débat qui a lieu aujourd’hui à l’Assemblée nationale devrait faire changer d’avis tous ceux qui dans ce pays militent pour une VIème république parlementaire, avec élection des assemblées à la proportionnelle. Regarder ce débat, c’est constater de visu une réalité qu’on connait au moins depuis la Rome antique : si une assemblée nombreuse peut se prononcer sur un projet, elle ne peut l’élaborer. C’est triste, mais c’est comme cela.
Le problème n’est pas l’absence d’un parti majoritaire. Comme je l’ai montré dans un article précédent, les élections législatives n’ont pas donné de majorité à un parti dans 7 élections législatives sur 11 depuis 1958. Mais dans les élections précédentes, les partis s’étaient regroupés dans des accords de gouvernement viables. Lorsque les électeurs votent en 1974, les gaullistes de l’UDR n’obtiennent que 184 sièges, alors que les centristes se partagent entre les Républicains Indépendants (54 sièges) et le Centre Démocratie et Progrès (23 sièges). La droite et le centre dépassent donc ensemble la majorité (244 sièges) mais aucun parti n’est majoritaire tout seul. Cependant, les électeurs savent que ces partis se sont entendus pour gouverner ensemble. Cela n’est pas allé sans heurts : après la présidentielle de 1974 gagnée par le centriste Giscard, et surtout après le départ de Chirac de Matignon, l’orientation de plus en plus centriste du gouvernement doit être imposée aux gaullistes par le biais du 49.3, dont Raymond Barre usera systématiquement pour faire approuver les lois de finances.
Ce qui est particulier aujourd’hui, c’est que non seulement aucun parti n’a la majorité, mais qu’aucun parti ne se sent lié à un autre par un pacte de gouvernement. En 1977, il était tout simplement impensable pour l’UDR devenue RPR de voter la censure au gouvernement Barre. Ses électeurs ne lui auraient pas pardonné un geste qui aurait pu ouvrir la voie au projet concurrent, celui de l’Union de la Gauche. Aujourd’hui, Michel Barnier peut-il compter sur un tel calcul ? Bien sûr que non : le NFP serait probablement prêt à joindre ses voix à celles du RN pour le faire tomber sans le moindre scrupule. Pour la simple raison que ni Barnier ni le NFP ne sont prêts à négocier leurs désaccords pour trouver un accord minimal de gouvernement, comme pouvaient le faire les gaullistes et les centristes naguère, sur le principe qu’il vaut mieux un mauvais accord qu’une bonne défaite.
Pourquoi cette différence ? Parce que les partis ont disparu en tant qu’organismes d’élaboration et de discussion collective. Les partis politiques aujourd’hui sont incapables de proposer un projet en hiérarchisant les différents éléments. Regardez le soi-disant « programme » proposé par le NFP. On trouve « en vrac » une liste de mesures organisée par thématiques, sans qu’on puisse y lire la moindre hiérarchie entre les mesures. Et ce n’est pas mieux ailleurs. Or, sans cette hiérarchisation des objectifs, comment négocier ? Comment savoir ce qui est secondaire, et qu’on est prêt à sacrifier pour faire avancer ce qu’on considère comme essentiel ? Si tout est au même niveau de priorité, alors on ne peut rien concéder. Mélenchon a exprimé très bien cette logique quand il a proclamé « tout le programme, rien que le programme ». Si les partis de la droite de 1973 avaient proclamé la même chose, on aurait connu une situation semblable à celle d’aujourd’hui.
Et cette situation est particulièrement perceptible dans le débat en cours sur la loi de finances pour 2025 et la loi de financement de la sécurité sociale, parce que ces lois sont des instruments globaux qui nécessitent une certaine cohérence. Or, cette cohérence n’est pas assurée : chacun dépose des amendements en fonction de ses objectifs, et les amendements en question sont votés ou non en fonction de la position des autres groupes sur ce sujet précis. Les majorités se jouent amendement par amendement, et ne résultent pas d’une négociation globale dans laquelle des groupes se mettent d’accord sur un projet commun ayant une certaine cohérence. Il n’y a donc aucune raison qu’un texte dont un alinéa est voté grâce aux voix du RN et le suivant grâce aux voix du NFP ait la moindre continuité sur le fond, d’autant plus que même les groupes censés soutenir le gouvernement font preuve d’une singulière indiscipline à l’heure de suivre les avis du ministre présent au banc.
Les parlementaires se sentent d’autant plus libres de jouer ce jeu qu’ils savent que devant l’opinion ils ne seront tenus pour responsables que de leur vote, et non des conséquences de la mesure votée. C’est l’un des grands problèmes du régime parlementaire : on se souvient à la rigueur que le député X a voté la ratification du traité de Maastricht. Mais qui ira lui reprocher les conséquences de ce vote ? Y a-t-il un seul exemple dans notre histoire où les citoyens aient reproché les conséquences d’une politique aux parlementaires, et non à l’exécutif ? Un seul exemple où les parlementaires aient été obligés de démissionner au vu des conséquences de leur vote ? Non, bien sur que non. Et c’est pourquoi à mon sens le régime d’assemblée est, contrairement à ce qu’affirment souvent les commentateurs, le moins démocratique qui soit. Parce que la démocratie implique, en contrepartie de la délégation de pouvoir qui lui est consentie, la responsabilité de l’élu. Et comme la responsabilité collective n’existe pas, il ne peut y avoir responsabilité que si le pouvoir est incarné dans un homme. Si cet homme faillit à ses devoirs, je peux trainer son honneur dans la boue. Mais comment traîner dans la boue un corps collectif ?
Devant cette assemblée d’irresponsables, le gouvernement se trouve donc devant un choix cornélien : dégainer le 49.3 pour lui permettre de rétablir une cohérence au texte (1) et encourir le risque d’être censuré – et plus encore, celui d’être taxé de dictatorial devant l’opinion ; ou bien laisser le débat aller au bout en faisant confiance à la navette – le Sénat étant beaucoup plus homogène que l’Assemblée – pour rétablir un texte à peu près exécutable, au risque d’aboutir à un chameau (2).
Les illustres commentateurs qui expliquent doctement sur les étranges lucarnes que cette situation est la conséquence de nos institutions, et qu’il est grand temps de les réviser se fourrent le doigt dans l’œil. Le problème est structurel. Il tient à la polarisation de l’opinion, qui a pour conséquence l’impossibilité de structures de médiation capables d’établir un accord minimal pour rendre le pays gouvernable. On peut lier ce comportement à l’irruption sur la scène politique de générations qui sont de moins en moins capables d’accepter la frustration, d’admettre qu’on ne peut pas avoir « tout, tout de suite ». Et qu’on ne peut faire avancer ses idées qu’à travers des compromis.
C’est pourquoi l’Assemblée nous offre le triste spectacle d’une cour de récréation, où chaque groupe se fait plaisir sans penser un instant à l’avenir du pays. Et où tout le monde compte – mais personne ne l’admettra – sur l’instituteur pour mettre de l’ordre à la fin.
Descartes
(1) L’article 49.3 permet au gouvernement de faire passer le texte proposé à l’origine, en y incorporant les amendements qu’il souhaite retenir même s’ils n’ont pas encore été discutés.
(2) « qu’est ce que c’est un chameau ? un cheval conçu par une assemblée ».
Pas besoin de réviser quoi que ce soit. Il suffit d’une loi électorale ad hoc. Le scrutin serait proportionnel et par liste uniquement. Prime de majorité accordée à la liste arrivée en tête, sur la base de 51% des sièges ; le reste réparti entre les listes arrivées après. Pas de sièges pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à une “petite liste” : au-dessous de 15% des voix, vous n’aurez rien. Pas de “choix multiples”, ou “d’apparentements”, ou toute autre crapulerie de ce genre : chaque électeur ne pourra choisir qu’une liste, et une seule.
On voit également ce phénomène (le refus buté de toute forme de compromis) en politique internationale, de la part de l’Occident. Les évènements d’Ukraine (et désormais, ceux de Géorgie – celle de Tbilissi, pas celle d’Atlanta) en sont une illustration tragique. Cela se terminera inéluctablement par une déflagration à la 1914 – avec des armes nucléaires de part et d’autre. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il s’agira là des conséquences inéluctables d’une quelconque “politique du chien crevé au fil de l’eau” : les évènements de 2022 ont assez montré à quel point notre classe politique, par ailleurs si légère et si veule, ne rêve en réalité, derrière le masque de ses cucuteries “woke”, que de guerre et de carnage.
@ MJJB
[Pas besoin de réviser quoi que ce soit. Il suffit d’une loi électorale ad hoc. Le scrutin serait proportionnel et par liste uniquement. Prime de majorité accordée à la liste arrivée en tête, sur la base de 51% des sièges ; le reste réparti entre les listes arrivées après.]
Le problème de ce genre de calcul, c’est qu’il suppose que la topologie électorale serait la même, alors qu’elle s’adapte justement au système électoral. Avec votre système, vous verriez les partis politiques s’entendre pour constituer des listes « techniques » ayant une chance de remporter 51% des voix, quitte ensuite à reprendre ensuite chacun son indépendance. Qui vous dit qu’à la dernière élection on n’aurait pas eu une liste unique « front républicain », allant de LR à LFI, ou l’on se serait reparti les sièges selon les poids respectifs de chacun ?
[Pas de sièges pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à une “petite liste” : au-dessous de 15% des voix, vous n’aurez rien. Pas de “choix multiples”, ou “d’apparentements”, ou toute autre crapulerie de ce genre : chaque électeur ne pourra choisir qu’une liste, et une seule.]
Un tel système conduit au bipartisme, à la rigueur au tripartisme, avec la formation de deux blocs très hétérogènes, le débat politique se déroulant autant à l’intérieur des blocs qu’à l’extérieur. Parce que vous n’imaginez pas tout de même que des organisations continueront à présenter leur propre liste alors qu’ils savent d’avance qu’ils n’auront aucun représentant ?
[On voit également ce phénomène (le refus buté de toute forme de compromis) en politique internationale, de la part de l’Occident. Les évènements d’Ukraine (et désormais, ceux de Géorgie – celle de Tbilissi, pas celle d’Atlanta) en sont une illustration tragique.]
Là, je ne suis pas d’accord avec vous. Le « refus buté de compromis » dans le cas de l’Ukraine ne tient nullement à la rigidité des Ukrainiens, mais à la décision américaine – servilement suivie par le système UE/OTAN – de tout faire pour affaiblir la Russie, et pour cela de se battre jusqu’au dernier Ukrainien. C’est l’OTAN qui a persuadé les Ukrainiens qu’ils pouvaient gagner la guerre, et qui les a mis dans une situation où tout accord ne pourrait être perçu que comme une capitulation.
[Le « refus buté de compromis » dans le cas de l’Ukraine ne tient nullement à la rigidité des Ukrainiens, mais à la décision américaine – servilement suivie par le système UE/OTAN – de tout faire pour affaiblir la Russie, et pour cela de se battre jusqu’au dernier Ukrainien.]
Pas seulement. Il faut se rappeler qu’en élisant Zelensky, 70% des ukrainiens ont voté pour une solution pacifique et négociée au conflit dans l’Est ; là où 30% voulaient en découdre, soit au côté des russes, soit contre eux.
Si cette politique de pacification n’a pas pu être mise en œuvre, ça n’est pas de la faute des USA, et l’UE, ou de l’OTAN, mais de formations politiques ukrainiennes minoritaires, ultraviolentes, qui ont les moyens d’intimider par la force le gouvernement ukrainien.
Il y a une réelle responsabilité des ultranationalistes ukrainiens dans le pourrissement de la situation, qui est, in fine, la cause de la guerre.
@ Vincent
[« Le « refus buté de compromis » dans le cas de l’Ukraine ne tient nullement à la rigidité des Ukrainiens, mais à la décision américaine – servilement suivie par le système UE/OTAN – de tout faire pour affaiblir la Russie, et pour cela de se battre jusqu’au dernier Ukrainien. » Pas seulement. Il faut se rappeler qu’en élisant Zelensky, 70% des ukrainiens ont voté pour une solution pacifique et négociée au conflit dans l’Est ; là où 30% voulaient en découdre, soit au côté des russes, soit contre eux.]
C’était bien mon point. Il existait un « parti de la paix » majoritaire en Ukraine.
[Si cette politique de pacification n’a pas pu être mise en œuvre, ça n’est pas de la faute des USA, et l’UE, ou de l’OTAN, mais de formations politiques ukrainiennes minoritaires, ultraviolentes, qui ont les moyens d’intimider par la force le gouvernement ukrainien.]
Mais ces mouvements n’auraient pas eu autant de prise si les USA, l’UE et l’OTAN ne les avaient pas soutenus à bout de bras. Et les Ukrainiens ne se seraient peut-être pas laissés emporter par la fièvre nationaliste si le système UE/OTAN avait tenu un discours de prudence plutôt que d’annoncer que les sanctions et les armes occidentales allaient mettre la Russie à genoux en quelques mois. Souvenez vous qu’au début du conflit l’establishment occidental affirmait que la guerre serait courte…
[Il y a une réelle responsabilité des ultranationalistes ukrainiens dans le pourrissement de la situation, qui est, in fine, la cause de la guerre.]
Certainement. Mais le pouvoir de nuisance de ces mouvements serait resté négligeable sans un soutien extérieur massif, comme on a pu le voir lors de « l’euromaïdan »…
Devant ce spectacle politicien il est probable que le RN passe pour le plus sérieux, rigoureux des partis et donc ne finisse par en tirer un bénéfice conséquent lors des prochaines élections; Un de mes amis très hostile au RN parce que fils de résistant mort en déportation pense désormais que le RN peut gagner et avoir une majorité parlementaire en 2027. Avant il pensait que le RN ne pourrait avoir qu’un rôle tribunicien à la façon du PCF d’autrefois.
@ Cording1
[Devant ce spectacle politicien il est probable que le RN passe pour le plus sérieux, rigoureux des partis et donc ne finisse par en tirer un bénéfice conséquent lors des prochaines élections;]
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Est-ce que c’est le sérieux et la rigueur qui motive les électeurs ? Plus prosaïquement, je pense que les électeurs sont fatigués d’une forme de désordre, d’une rhétorique « du bruit et de fureur » qui n’aboutit sur rien de tangible. La tactique de la gauche à l’assemblée, qui consiste à enliser les débats pour que les textes finissent par passer sans vote (et les députés n’ignorent pas que la constitution continent des « clauses couperet » pour empêcher le débat de s’enliser) pour ensuite dénoncer un débat soi-disant « confisqué » en est un bon exemple.
[Un de mes amis très hostile au RN parce que fils de résistant mort en déportation pense désormais que le RN peut gagner et avoir une majorité parlementaire en 2027. Avant il pensait que le RN ne pourrait avoir qu’un rôle tribunicien à la façon du PCF d’autrefois.]
Là encore, difficile de faire des prédictions. Si l’on se fie à l’histoire, l’arrivée au pouvoir d’un parti « extrême » sans qu’il y ait une situation révolutionnaire serait une première.
[Là encore, difficile de faire des prédictions. Si l’on se fie à l’histoire, l’arrivée au pouvoir d’un parti « extrême » sans qu’il y ait une situation révolutionnaire serait une première.]
L’oeuf ou la poule ?
Hors situation révolutionnaire, est ce qu’un parti abandonne son extrémisme pour pouvoir accéder au pouvoir, ou est ce qu’il l’abandonne une fois au pouvoir, face aux réalités ?
Je dirais : les deux. Il suffit de voir le grand ripolinage, voire la refonte, qu’a connu le programme du RN entre les européennes et les législatives (quand ils pensaient avoir une chance d’accéder au gouvernement), pour se rendre compte qu’ils avaient bien l’intention d’avoir un programme de gouvernement bien plus “centriste” que ne le laissait penser leurs positions passées.
De même, la stratégie de “dédiabolisation”, qui vise à rendre l’élection possible, passe également par un “recentrage” au milieu de l’échiquier politique.
@ Vincent
[« Là encore, difficile de faire des prédictions. Si l’on se fie à l’histoire, l’arrivée au pouvoir d’un parti « extrême » sans qu’il y ait une situation révolutionnaire serait une première. » L’oeuf ou la poule ?]
La poule, certainement. Ce ne sont pas les partis ou les idéologies, aussi radicaux soient-ils, qui créent les situations révolutionnaires. Les situations révolutionnaires apparaissent quand un mode de production devient obsolète, qu’il devient – pour reprendre la formule de Marx – un obstacle à l’expansion des forces productives. Que les idéologies ou les partis puissent donner une forme à la révolution, certainement. Mais ce ne sont pas eux qui créent les conditions dans lesquelles une révolution est possible.
[Hors situation révolutionnaire, est ce qu’un parti abandonne son extrémisme pour pouvoir accéder au pouvoir, ou est ce qu’il l’abandonne une fois au pouvoir, face aux réalités ?]
Les deux mon général. Cela dépend beaucoup des structures politiques et de l’état de l’opinion. Dans certains cas, l’opinion veut un discours radical, alors même que le rapport de forces économique rend la mise en pratique d’un tel discours impossible. Dans d’autres cas, l’opinion demande au contraire un discours modéré, et les partis radicaux ont le choix entre s’adapter à cette demande ou rester dans l’opposition.
[Je dirais : les deux. Il suffit de voir le grand ripolinage, voire la refonte, qu’a connu le programme du RN entre les européennes et les législatives (quand ils pensaient avoir une chance d’accéder au gouvernement), pour se rendre compte qu’ils avaient bien l’intention d’avoir un programme de gouvernement bien plus “centriste” que ne le laissait penser leurs positions passées.]
Cela dépend ce que vous appelez un « programme de gouvernement ». Si par-là vous faites référence au discours qu’on tient avant les élections, il est clair que le RN a beaucoup « lissé » son programme pour le rendre acceptable par les classes intermédiaires, sans lesquelles il est difficile de gagner une élection. Si par contre vous pensez aux politiques qu’il projetait de mettre en œuvre une fois arrivé au pouvoir, c’est déjà beaucoup plus difficile de tirer une conclusion. Ce ne serait pas la première fois qu’un parti est élu sur un programme pour ensuite en appliquer un autre, non ?
[Les situations révolutionnaires apparaissent quand un mode de production devient obsolète, qu’il devient – pour reprendre la formule de Marx – un obstacle à l’expansion des forces productives. Que les idéologies ou les partis puissent donner une forme à la révolution, certainement. Mais ce ne sont pas eux qui créent les conditions dans lesquelles une révolution est possible.]
J’espère que vous avez lu et apprécié le livre de Tatiana Ventôse, “Il est venu le temps des producteurs” qui aborde précisément ce thème. Dans le cas contraire, si cela vous convient et que vous acceptez le cadeau je me ferai un honneur (et un hommage à la qualité constante de votre travail civique) de vous l’offrir en version digitale (j’assume ma radinerie).
Une petite preview : https://www.youtube.com/watch?v=NtT4YQMbvWE
P.S : je suis certain que le cercle Aristote ou son relais régional le cercle Jean Mermoz se feraient un plaisir de vous recevoir si vous souhaitez vous exprimer devant un public souverainiste qui vous respecte et peut être vous admire. Et qui sait, vous pourriez même obtenir l’onction de Thinkerview.
@ Jordi
[J’espère que vous avez lu et apprécié le livre de Tatiana Ventôse, “Il est venu le temps des producteurs” qui aborde précisément ce thème. Dans le cas contraire, si cela vous convient et que vous acceptez le cadeau je me ferai un honneur (et un hommage à la qualité constante de votre travail civique) de vous l’offrir en version digitale (j’assume ma radinerie).]
Je n’ai jamais refusé un cadeau proposé de bonne foi… alors je n’ai aucune raison de refuser le votre ! J’ai lu un peu son commentaire, je crains qu’elle prenne ses désirs pour des réalites en parlant d’une montée en puissance de la « classe des producteurs »…
[P.S : je suis certain que le cercle Aristote ou son relais régional le cercle Jean Mermoz se feraient un plaisir de vous recevoir si vous souhaitez vous exprimer devant un public souverainiste qui vous respecte et peut être vous admire.]
Je vais toujours là où on m’invite à m’exprimer… par contre j’hésite à le faire dans une vidéo, compte tenu de mes obligations dans le cadre du devoir de réserve.
Bonsoir
Je me suis engagé publiquement à vous offrir le livre Dame Tatiana Ventôse, dont j’incline à penser qu’il pourrait vous plaire, de bon coeur. Chose promise, chose due. Ma duplicité libérale m’incite à poursuivre un triple objectif :
* satisfaire mon ego en assumant mes préférences, et en partageant un truc qui m’a vraiment fait réfléchir
* valoriser une penseuse marxienne intéressante de notre époque
* remercier un penseur marxi**(e) influent de mon époque dont j’admire le patriotisme, la clairvoyance, le courage, la franchise, la bienveillance et la sagacité
Dans ce contexte, je vous serais gré d’accepter de me partager vos adresses mail et/ou postales afin que je puisse vous faire parvenir votre cadeau de remerciement. Mon adresse mail yahoo, confidentielle, vous est ouverte et contient mon état civil authentique.
EM
P.S : ma paranoïa personnelle me fait honteusement demander une confidentialité la plus stricte possible
P.P.S : je crains que votre formulaire contact ne dysfonctionne
@ Jordi
[Je me suis engagé publiquement à vous offrir le livre Dame Tatiana Ventôse, dont j’incline à penser qu’il pourrait vous plaire, de bon coeur. Chose promise, chose due. Ma duplicité libérale m’incite à poursuivre un triple objectif :]
« Duplicité libérale »… mon dieu, auriez-vous pris des leçons de rhétorique chez les trotskystes ?
[* satisfaire mon ego en assumant mes préférences, et en partageant un truc qui m’a vraiment fait réfléchir
* valoriser une penseuse marxienne intéressante de notre époque]
C’est là une position d’éducateur. J’avoue que je m’attendais plutôt à ce que vous me proposiez un Hayek ou un Friedman… Mais ce serait oublier que ceux qui ont souvent lu Marx avec le plus d’attention, ce sont ses critiques libéraux !
[* remercier un penseur marxi**(e) influent de mon époque dont j’admire le patriotisme, la clairvoyance, le courage, la franchise, la bienveillance et la sagacité]
Je ne vois pas de qui vous voulez parler. Rares sont les « penseurs marxiens influents » de notre époque…
[Dans ce contexte, je vous serais gré d’accepter de me partager vos adresses mail et/ou postales afin que je puisse vous faire parvenir votre cadeau de remerciement. Mon adresse mail yahoo, confidentielle, vous est ouverte et contient mon état civil authentique.]
Croyez que j’apprécie à sa juste valeur votre geste. Je vous envoie tout ça dans la journée par messagerie privée.
[P.S : ma paranoïa personnelle me fait honteusement demander une confidentialité la plus stricte possible]
Je suis d’une discrétion absolue, ne craignez rien. C’est un peu mon boulot…
[P.P.S : je crains que votre formulaire contact ne dysfonctionne]
C’est une certitude… malheureusement, depuis quelque temps il fait des siennes.
J’espère que vous avez reçu mon lien, et que le contenu vous plaira.
[C’est là une position d’éducateur. J’avoue que je m’attendais plutôt à ce que vous me proposiez un Hayek ou un Friedman… ]
Ce sont des auteurs bien trop éloignés de vos perspectives pour vous parler, et je n’ai pas à vous imposer de sacrifier votre précieux temps de lecture à mes préférences.J’ai toujours considéré que le coût d’un livre, pour le lecteur, était plus le temps investi que le prix du bouquin. Temps investi que j’estime bien utilisé lorsque le livre est bon.
[Mais ce serait oublier que ceux qui ont souvent lu Marx avec le plus d’attention, ce sont ses critiques libéraux !]
Je n’ai pas de sympathie pour le marxisme, je lui trouve plein de réfutations, notamment chrétiennes (on reconnaît l’arbre à ses fruits).Mais une idéologie qui a fait rêver autant d’esprits fervents ne peut être dénuée de tout intérêt, on ne doit pas sous-estimer ce que l’on réfute.
@ Jordi
[J’espère que vous avez reçu mon lien, et que le contenu vous plaira.]
Je l’ai bien reçu, et il m’a beaucoup plu. J’ai commencé la lecture, et je trouve ça très rafraîchissant. Ce n’est pas bien entendu un ouvrage théorique, le ton n’est pas universitaire, c’est un peu écrit « avec les tripes ». Et du coup le texte survalorise un peu l’expérience personnelle de l’auteur par rapport à une analyse froide des faits. Je trouve aussi l’auteur un peu optimiste lorsqu’elle considère la prise du pouvoir par les producteurs comme « inéluctable »… mais c’est une lecture stimulante.
[« J’avoue que je m’attendais plutôt à ce que vous me proposiez un Hayek ou un Friedman… » Ce sont des auteurs bien trop éloignés de vos perspectives pour vous parler, et je n’ai pas à vous imposer de sacrifier votre précieux temps de lecture à mes préférences.]
Pourquoi dites-vous ça ? Hayek est très proche de mes « perspectives », au sens qu’il a écrit sur des sujets qui m’intéressent au plus haut point – même si c’est pour les prendre d’un point de vue diamétralement opposé. Friedman aussi, dans la mesure où la problématique monétaire m’a toujours intéressé. Que vous ne recommandiez pas la lecture de militants libéraux genre Sorman, je peux le comprendre. Mais la lecture des théoriciens n’est jamais une perte de temps. On ne peut comprendre le monde d’aujourd’hui, même d’un point de vue marxien, sans lire les théoriciens néolibéraux qui ont tant contribué à le façonner…
[J’ai toujours considéré que le coût d’un livre, pour le lecteur, était plus le temps investi que le prix du bouquin. Temps investi que j’estime bien utilisé lorsque le livre est bon.]
Diriez-vous que « la route de la servitude » est un mauvais livre ? Je vous trouve bien sévère …
[« Mais ce serait oublier que ceux qui ont souvent lu Marx avec le plus d’attention, ce sont ses critiques libéraux ! » Je n’ai pas de sympathie pour le marxisme, je lui trouve plein de réfutations, notamment chrétiennes (on reconnaît l’arbre à ses fruits).]
Pour moi, la seule « réfutation » admissible pour une théorie sont la réfutation expérimentale ou la réfutation logique. Et le marxisme n’a souffert ni de l’une, ni de l’autre. D’abord, j’aimerais que vous m’indiquiez ce que sont pour vous les « fruits » du marxisme. Je vous rappelle, avant que vous ne preniez la plume pour me parler du bloc soviétique ou de Cuba, que Marx est un théoricien du capitalisme, et non du socialisme. Marx a consacré l’essentiel de son œuvre a décortiquer le fonctionnement des sociétés capitalistes, à dévoiler les mécanismes intimes qui ont permis leur installation, leur développement, et qui peut-être entraîneront son dépassement. Mais il n’a guère écrit sur ce qui pourrait venir après. Ce sont donc ceux qui ont lu Marx qui ont rempli cet espace, et ses héritiers vont donc des socio-démocrates les plus modérés jusqu’aux gauchistes les plus fous. Certaines expériences ont « bien marché » (pensez aux social-démocraties dites « nordiques »), d’autres moins bien, et cela pendant des périodes plus ou moins longues. Mais vous noterez que le vieux Marx avait lui-même prédit que ces expériences ne pouvaient pas marcher sur la longue durée, puisqu’il avait montré qu’un mode de production ne peut être dépassé que lorsqu’il devient lui-même un obstacle au développement des forces productives. Ce qui, vous me l’accorderez, n’est pas encore arrivé.
Autrement dit, l’échec des expériences socialistes, loin d’être une « réfutation », et une confirmation de la théorie marxienne. Tant que le capitalisme reste en expansion, il a peu de chances d’être remplacé par quelque chose d’autre.
[Mais une idéologie qui a fait rêver autant d’esprits fervents ne peut être dénuée de tout intérêt, on ne doit pas sous-estimer ce que l’on réfute.]
Le marxisme n’a pas « fait rêver » tant de monde que ça. C’est une idéologie finalement assez aride et fataliste. Pour la rendre attractive, les partis qui s’en réclament ont eu besoin de rajouter pas mal d’éléments qui n’appartiennent pas au marxisme, mais qui viennent en fait… de la tradition et de la eschatologie chrétienne. Le « grand soir » qui fera que les justes seront récompensés et les méchants punis n’est pas très éloignée de la vision apocalyptique du Jugement dernier. L’internationalisme communiste est assez proche de l’universalité de l’église catholique, et on exigeait des cadres communistes des qualités qui font penser aux prêtres chrétiens, y compris en termes de sexualité. Dans « l’homme nouveau » et la « société radieuse » qu’on veut construire on retrouve des échos de Saint Augustin.
Bonjour
Juste pour dire que je reçois de nouveau les annonces pour les articles du Blog.
Sinon, on attend les résultats de l’élection US, laquelle risque de faire passer le reste des affaires du monde au second plan, pour un petit moment…
Au plaisir d’échanger à nouveau avec vous, et merci encore pour toutes vos analyses très précieuses, en ces temps où la presse atteint des niveaux de vacuité assez impressionnants ! Votre Blog est plus nécessaire que jamais.
@ sami
[Juste pour dire que je reçois de nouveau les annonces pour les articles du Blog.]
Merci Sami. Oui, le service a été rétabli partiellement. Il y en a encore qui ne reçoivent pas les notifications, mais on est sur la bonne voie…
[Sinon, on attend les résultats de l’élection US, laquelle risque de faire passer le reste des affaires du monde au second plan, pour un petit moment…]
Sur les plateaux de télévision, certainement. Nos médias traitent d’ailleurs de plus en plus les affaires américaines comme si nous étions devenus un état de l’Union. L’élection changera certainement beaucoup de choses pour les Américains, mais son effet sur le reste du monde mérite d’être nuancé. Les rapports internationaux sont gouvernés par des fondamentaux qui ne changent pas – sauf circonstances exceptionnelles – avec l’élection d’untel ou d’untel. Que ce soit Harris ou Trump, la politique de puissance des Etats-Unis sera à peu près la même.
[Au plaisir d’échanger à nouveau avec vous, et merci encore pour toutes vos analyses très précieuses, en ces temps où la presse atteint des niveaux de vacuité assez impressionnants ! Votre Blog est plus nécessaire que jamais.]
Merci beaucoup, c’est toujours encourageant de savoir que le travail qu’on fait est apprécié…
@ Descartes et Sami
[L’élection changera certainement beaucoup de choses pour les Américains, mais son effet sur le reste du monde mérite d’être nuancé. Les rapports internationaux sont gouvernés par des fondamentaux qui ne changent pas – sauf circonstances exceptionnelles – avec l’élection d’untel ou d’untel. Que ce soit Harris ou Trump, la politique de puissance des Etats-Unis sera à peu près la même.]
Contrairement à vous, je pense que l’élection de Trump n’est pas qu’une alternance lambda dans le cadre de la politique néolibérale mondialisée. Sa victoire est bien plus écrasante qu’en 2016, où il a pu bénéficier de l’effet de surprise, et malgré un bashing sans précédent de la part des élites du monde entier. On se rend compte au passage que contrairement à ce que beaucoup disaient, l’électeur américain ne vote pas en fonction des prises de positions de Taylor Swift, Beyonce ou Georges Clooney. Quel plaisir de voir les élites métropolitaines apprendre à leurs dépends que les “ploucs” sont bien moins influençables que ce qu’ils pensaient !
Au-delà de cette shadenfreude, il faut voir la dynamique qui se fait jour derrière le résultat de cette élection, et qui ne devrait pas, ou qui n’aurait pas dû être une surprise puisqu’elle est identique dans l’ensemble du monde occidental: chez les “somewhere”, à savoir les classes prolétaires mais aussi les classes intermédiaires les plus vulnérables, dont le déclassement commence à devenir une réalité de plus en plus sensible, et la petite bourgeoisie rurale ou périphérique, les effectifs s’étoffent d’élection en élection, jusqu’au résultat que l’on constate aujourd’hui, à savoir une victoire nette et sans bavure contre l’establishment et les “anywhere”, à savoir la bourgeoisie mondialisée et les classes intermédiaires qui ont réussi à s’internationaliser.
Ceux qui pensaient que le phénomène Trump était une anecdote de l’histoire en sont pour leurs frais. Et on remarque que contrairement à beaucoup d’égo-politiciens, celui-ci a pris soin d’adouber son successeur (Vance, dont l’un des modèles est un certain De Gaulle) en le nommant à la vice-présidence.
Vous dites que ce résultat n’impactera pas ou peu la politique internationale des USA ni ses répercussions. En effet le virage protectionniste était largement amorcé, cependant je pense que le fait d’avoir un président qui n’ait pas le moindre compte à rendre aux élites woke et tout à prouver à son électorat prolétaire va nous mener a des changements. Car les intérêts des électeurs de Harris et de ceux de Trump en sont pas les mêmes, et les répercussions internationales de ces politiques intérieures diffèreront également. Est-ce que l’électeur Trumpiste soutiendra la dépense de milliards de dollars dans l’interventionnisme des USA auprès des pays satellites de Moscou ? Probablement pas. Poussera-t’il davantage qu’un électeur de Harris pour un protectionnisme radical ? certainement. On risque donc d’assister à une intensification de la guerre commerciale avec l’Europe, et tant mieux, ai-je envie de dire. Ce sera l’heure de vérité, entre ceux qui vendront leur bonne âme européenne pour garder le droit de vendre des berlines outre atlantique et ceux qui, peut-être, espérons-le, finiront par se lasser d’être les dindons de la farce.
Harris aurait marqué l’agonie du néolibéralisme, Trump acte sa mort. Nous serons d’accord pour dire que ces deux événements auraient procédé d’un même mouvement, mais enfin, aujourd’hui on a l’impression que l’Histoire avance.
@ P2R
[Contrairement à vous, je pense que l’élection de Trump n’est pas qu’une alternance lambda dans le cadre de la politique néolibérale mondialisée. Sa victoire est bien plus écrasante qu’en 2016, où il a pu bénéficier de l’effet de surprise, et malgré un bashing sans précédent de la part des élites du monde entier.]
Des élites intellectuelles, oui. Des élites économiques… c’est beaucoup moins évident. Il y a aussi une transformation de ce point de vue : l’argent, ce n’est plus – ou plus seulement – les patriciens comme Kennedy ou Rockefeller, qui faisaient des affaires et gouvernaient le pays tout en collectionnant des Picasso. Les nouvelles élites économiques, c’est Elon Musk ou Jef Bezos et la toute-puissance décomplexée de l’argent.
[On se rend compte au passage que contrairement à ce que beaucoup disaient, l’électeur américain ne vote pas en fonction des prises de positions de Taylor Swift, Beyonce ou Georges Clooney. Quel plaisir de voir les élites métropolitaines apprendre à leurs dépends que les “ploucs” sont bien moins influençables que ce qu’ils pensaient !]
Certes. Ce n’est pas Swift, Clooney ou Beyonce qui font l’élection. C’est Elon Musk. Est-ce mieux ? Je vous laisse juge. Mais encore une fois, ce n’est là que l’apparence. L’arrivée de Trump au pouvoir ne modifiera à mon avis qu’à la marge les fondamentaux de la politique américaine, surtout en matière de politique extérieure.
[Au-delà de cette shadenfreude, il faut voir la dynamique qui se fait jour derrière le résultat de cette élection, et qui ne devrait pas, ou qui n’aurait pas dû être une surprise puisqu’elle est identique dans l’ensemble du monde occidental: chez les “somewhere”, à savoir les classes prolétaires mais aussi les classes intermédiaires les plus vulnérables, dont le déclassement commence à devenir une réalité de plus en plus sensible, et la petite bourgeoisie rurale ou périphérique, les effectifs s’étoffent d’élection en élection, jusqu’au résultat que l’on constate aujourd’hui, à savoir une victoire nette et sans bavure contre l’establishment et les “anywhere”, à savoir la bourgeoisie mondialisée et les classes intermédiaires qui ont réussi à s’internationaliser.]
Ca, c’est le verre à moitié plein. Mais je ne peux pas ne pas voir aussi le verre à moitié vide. Si les « anywhere » ont été battus, et c’est là une bonne chose, ils ont été battus non pas par un mouvement des « somewhere » portant un véritable projet collectif, mais par une vague d’individus qui ne sont réunis que par le rejet de toute solidarité qui irait au-delà de la dimension tribale. Ce n’est pas par hasard si l’un des leitmotivs du trumpisme est la baisse des impôts, qui sont la matérialisation d’une véritable solidarité inconditionnelle.
[Car les intérêts des électeurs de Harris et de ceux de Trump en sont pas les mêmes, et les répercussions internationales de ces politiques intérieures diffèreront également. Est-ce que l’électeur Trumpiste soutiendra la dépense de milliards de dollars dans l’interventionnisme des USA auprès des pays satellites de Moscou ? Probablement pas.]
Mais de la même manière que le tournant protectionniste s’est amorcé sous Biden, l’interventionnisme des USA en Europe de l’Est était déjà en berne avant l’élection. Car les objectifs américains sont déjà largement atteints : l’économie européenne est à genoux grâce au tarissement du gaz russe bon marché et du coût des sanctions ; la puissance russe est usée sans pour autant aller jusqu’à une défaite qui menacerait la stabilité de la région ; la cohésion du système UE/OTAN sous primauté américaine a été rétablie. Oui, le protectionnisme ou le désengagement seront bien plus « cash » avec Trump qu’avec Biden, on ira peut-être plus loin et surtout plus vite, mais je doute qu’il y ait des révisions déchirantes sur le fond.
[On risque donc d’assister à une intensification de la guerre commerciale avec l’Europe, et tant mieux, ai-je envie de dire. Ce sera l’heure de vérité, entre ceux qui vendront leur bonne âme européenne pour garder le droit de vendre des berlines outre atlantique et ceux qui, peut-être, espérons-le, finiront par se lasser d’être les dindons de la farce.]
Malheureusement, à l’heure de jouer les idiots du village, les réserves de Bruxelles sont inépuisables.
[Harris aurait marqué l’agonie du néolibéralisme, Trump acte sa mort.]
C’est tout de même paradoxal que les coups les plus violents contre le néolibéralisme viennent du camp le plus « conservateur » et non de celui des « progressistes »… mais je pense que ce paradoxe tient surtout à la déception de l’électorat populaire, qui après des années d’identification avec le camp progressiste et fatigué de ne plus être écouté, a changé de crémerie.
[Nous serons d’accord pour dire que ces deux événements auraient procédé d’un même mouvement, mais enfin, aujourd’hui on a l’impression que l’Histoire avance.]
Oui. La question est de savoir dans quelle direction… ce qui me gêne dans le trumpisme – et je m’aperçois que cela me gêne aussi vis-à-vis du RN, même si dans son positionnement sur cette question, tradition étatiste oblige, est beaucoup moins clair – c’est que ce que les populistes de droite proposent aux couches populaires n’est pas un salut collectif – comme pouvait le faire le PCF – mais un salut individuel. Les communistes proposaient à la classe ouvrière de prendre collectivement le contrôle du capital, les populistes de droite lui proposent de prendre ce contrôle individuellement en devenant « entrepreneurs ». Les communistes luttaient contre le prélèvement injuste qu’est la plusvalue, les populistes de droite contre ce prélèvement juste qu’est l’impôt.
Cela étant dit, je reste convaincu que tout dirigeant est plus ou moins otage de son électorat, et que quelque soient les convictions et les discours de Trump – ou du duo Bardella/Le Pen – leur capacité à garder leur électorat populaire est intimement lié à leur capacité à améliorer ses conditions de vie. Et que cela implique de ne pas dépasser certaines bornes en matière de politique économique et sociale.
@ Descartes,
[l’économie européenne est à genoux grâce au tarissement du gaz russe bon marché et du coût des sanctions ;]
Pourriez-vous développer ce point selon lequel les Etats-Unis ont intérêt à “une économie européenne à genoux”? Les Européens sont des clients, non? Quel intérêt peut avoir l’Oncle Sam de se priver demain d’une demande solvable?
D’autre part, il y a une demande américaine pour que les Européens prennent davantage leur part du financement de l’OTAN. Comment cet objectif pourrait-il se réaliser avec des pays européens à l’économie exsangue? Et comment les Etats-Unis maintiendront-ils la cohésion du système UE/OTAN s’ils ne veulent plus investir dans la défense de l’Europe, sachant que les Européens, eux, n’en ont pas les moyens?
J’avoue que je ne vois pas bien, à terme, la justesse du calcul fait par les Américains.
@ Carloman
[« l’économie européenne est à genoux grâce au tarissement du gaz russe bon marché et du coût des sanctions ; » Pourriez-vous développer ce point selon lequel les Etats-Unis ont intérêt à “une économie européenne à genoux” ? Les Européens sont des clients, non ? Quel intérêt peut avoir l’Oncle Sam de se priver demain d’une demande solvable ?]
On a tendance, lorsqu’on parle de la politique américaine à imaginer qu’il existe quelque part un « directoire » qui prend des décisions en examinant les conséquences dans toutes les dimensions, alors que cette politique s’élabore au contraire par accumulation de décisions de différents pouvoirs qui ont des intérêts différents et quelquefois divergents, et dont l’horizon de temps n’est pas forcément le même.
Pour un certain nombre d’industriels américains, l’Allemagne constitue un concurrent redoutable. La mettre hors d’état de nuire est donc un objectif raisonnable. Est-ce que ces industriels réfléchissent au fait que ce faisant on appauvrit à terme un client ? C’est loin d’être évident. C’est un peu comme les patrons qui poussent vers le bas les salaires de leurs employés sans réaliser que leurs employés sont aussi leurs clients, et que baisser les salaires c’est baisser la demande. Un patron de garage qui baisse le salaire de son employé compte sur le fait que tous les autres employeurs ne feront pas de même, et que ses clients auront donc toujours de l’argent pour faire entretenir leur voiture. La plupart des gens ont une réflexion microéconomique, c’est-à-dire, agissent comme si leurs décisions n’avaient pas d’influence significative sur les paramètres globaux.
Les gaziers américains ont vite compris que pousser l’Europe à sanctionner le gaz russe ferait leurs affaires, parce que cela créerait une demande urgente pour leur propre gaz. Se sont-ils interrogés sur les effets à long terme d’une récession en Europe sur leurs ventes ? Je ne le crois pas.
[D’autre part, il y a une demande américaine pour que les Européens prennent davantage leur part du financement de l’OTAN. Comment cet objectif pourrait-il se réaliser avec des pays européens à l’économie exsangue ? Et comment les Etats-Unis maintiendront-ils la cohésion du système UE/OTAN s’ils ne veulent plus investir dans la défense de l’Europe, sachant que les Européens, eux, n’en ont pas les moyens ?]
« N’ont pas les moyens » ? L’Europe – du moins dans la vision américaine – est riche. Suffisamment riche pour se payer cinq semaines de congés payés. Suffit de réduire à trois semaines, et on peut se payer la défense. Et puis, la défense contre qui ? L’Europe fantasme sur une attaque russe, entre autres choses parce que ce fantasme est agité par les eurolâtres qui ont compris que leur seule chance de faire avancer la « construction européenne » face à des opinions publiques eurosceptiques c’est de se fabriquer un ennemi. Je ne pense pas qu’à Washington on partage cette fantasmagorie. Les Américains sont ravis d’une guerre d’usure qui affaiblit un adversaire stratégique, mais je ne pense pas un instant qu’ils croient aux visions de chars russes déferlant vers Varsovie ou Berlin. Alors, si en plus ils peuvent faire payer la guerre par d’autres, pourquoi se gêner ?
[J’avoue que je ne vois pas bien, à terme, la justesse du calcul fait par les Américains.]
C’est simple. Quels sont les objectifs des Américains (inchangés depuis le début du XXème siècle…) ?
1) Conquérir et garder la position de première puissance mondiale, en affaiblissement toute entité qui pourrait leur faire de l’ombre. A ce propos, on fait erreur en voyant dans la « guerre froide » une confrontation idéologique : si l’URSS avait été capitaliste, la confrontation aurait eu lieu quand même. L’affrontement en Ukraine illustre parfaitement ce point.
2) Maintenir le flux de richesse vers les Etats-Unis. Pour cela, il leur faut absolument maintenir la primauté du dollar, et donc structurer les activités économiques stratégiques de telle manière que le reste du monde ne puisse se passer d’eux.
@ Descartes
[Certes. Ce n’est pas Swift, Clooney ou Beyonce qui font l’élection. C’est Elon Musk. Est-ce mieux ? Je vous laisse juge. ]
Sur le fond, et indépendament du choix qu’on fait les américains, oui, je pense qu’il est préférable que des électeurs se positionnent pour ou contre une personnalité dont le poids politique est réel, et qui est en mesure d’influer sur le cours de l’histoire de leur société, plutôt que sur l’avis en 140 caractères d’une quelconque vedette du cinéma ou de la chanson. Cela me semble nettement plus rationnel.
Par ailleurs, et je reviens sur mon propos, il est fort possible que les Clooney et autres Beyonce aient bien davantage “fait” l’élection que ce qu’on pourrait imaginer de prime abord: quand la quasi-totalité du monde du luxe et de la jet-set appelle à voter Harris, l’électeur lambda n’a pas à faire un trop gros effort pour déterminer quel candidat défend quels intérêts..
[Si les « anywhere » ont été battus, et c’est là une bonne chose, ils ont été battus non pas par un mouvement des « somewhere » portant un véritable projet collectif, mais par une vague d’individus qui ne sont réunis que par le rejet de toute solidarité qui irait au-delà de la dimension tribale. Ce n’est pas par hasard si l’un des leitmotivs du trumpisme est la baisse des impôts, qui sont la matérialisation d’une véritable solidarité inconditionnelle.]
Vous disiez dans un autre post que les peuples gardent les caractéristiques que leur confère leur histoire. Vous ne pouvez pas décemment attendre des américains un projet socialiste. La dimension tribale a toujours fait partie du paradigme des Etats Unis.
[Malheureusement, à l’heure de jouer les idiots du village, les réserves de Bruxelles sont inépuisables.]
Certainement. Mais chaque ineptie de Bruxelles nous rapproche du moment où les peuples diront ‘stop”. La bascule populiste est amorcée dans tout l’occident. Les gouvernements des pays de l’UE n’auront, je crois, plus la même bienveillance face à l’aveuglement idéologique de Bruxelles que par le passé.
[Harris aurait marqué l’agonie du néolibéralisme, Trump acte sa mort. // C’est tout de même paradoxal que les coups les plus violents contre le néolibéralisme viennent du camp le plus « conservateur » et non de celui des « progressistes »… ]
Ah ? Pourquoi donc ? Il me semble pourtant que le “progressisme” (comprendre, ceux pour qui les droits des individus sont supérieurs aux intérêts de la société) a volontier marché main dans la main avec le néolibéralisme contre les conservateurs depuis un bon demi-siècle…
[ce qui me gêne dans le trumpisme – et je m’aperçois que cela me gêne aussi vis-à-vis du RN, même si dans son positionnement sur cette question, tradition étatiste oblige, est beaucoup moins clair – c’est que ce que les populistes de droite proposent aux couches populaires n’est pas un salut collectif – comme pouvait le faire le PCF – mais un salut individuel. Les communistes proposaient à la classe ouvrière de prendre collectivement le contrôle du capital, les populistes de droite lui proposent de prendre ce contrôle individuellement en devenant « entrepreneurs ». Les communistes luttaient contre le prélèvement injuste qu’est la plusvalue, les populistes de droite contre ce prélèvement juste qu’est l’impôt.]
Je pense qu’il faut commecer par ne pas comparer ce qui n’est pas comparable: le rapport de notre pays et des USA à un pouvoir central fort et à l’impôt n’est pas comparable. En revanche le rapport aux élites mondialisées, lui, est analogue, par définition, puisqu’elles sont les mêmes à New-York qu’à Londres, Berlin ou Paris.
Ceci étant dit, parlons du rapport à l’impôt: je pense que la critique de l’impôt dans notre pays tient non pas à la logique du prélèvement et de la solidarité entre citoyens, mais avant tout à l’usage qui en est fait. Aujourd’hui, l’impôt n’est pas, n’est plus perçu comme quelque-chose qui vous permet de vous soigner convenablement, de donner des chances d’ascension sociale à vos enfants ou de financer de grands projets. A quoi sert l’impôt en France en 2024 ? Il sert à acheter le calme d’un lumpenproletariat toujours plus nombreux et marginalisé, il sert à rétribuer toute une myriade de ce que De Gaulle appelait des “féodalités” (chaque corps constitué dont le pouvoir de nuisance potentiel lui permet de faire chanter l’Etat pour préserver ses prébendes), il sert (et c’est je crois chez vous que j’ai lu cette thèse pour la première fois) à être sacrifié aux Dieux de la bienpensance, sous la forme de milliards distribués en vain pour la cause écologique ou diversitaire, il sert enfin à acheter l’intérêt de quelques entreprises à s’installer sur notre territoire, de la même manière qu’un micheton incapable de séduire s’achète pour une heure l’intérêt d’une femme vénale. Voilà votre impôt.
Quand on aura foutu le lumpen à la porte ou au travail, quand on aura cassé les féodalités, quand on commencera à retrouver de la rationnalité dans l’efficacité des politiques publiques plutôt que de faire du symbole, quand on aura une politique protectionniste plutôt que de faire du dumping fiscal, là, vous pourrez retrouver un consentement à l’impôt de la part des classes populaires. Mais leur demander de remettre au pot avant ça, c’est se mettre le doigt dans l’oeil, et c’est le meilleur moyen de continuer à dissoudre tout lien de solidarité pour finir par se retrouver avec une situation à l’argentine.
@ P2R
[Sur le fond, et indépendament du choix qu’on fait les américains, oui, je pense qu’il est préférable que des électeurs se positionnent pour ou contre une personnalité dont le poids politique est réel, et qui est en mesure d’influer sur le cours de l’histoire de leur société, plutôt que sur l’avis en 140 caractères d’une quelconque vedette du cinéma ou de la chanson. Cela me semble nettement plus rationnel.]
Pourquoi ? En quoi est-ce plus « rationnel » que quelqu’un puisse « influer sur le cours de l’histoire » parce qu’il a un paquet de fric, que quelqu’un puisse « influer sur le cours de l’histoire » parce qu’il compose des chansons ou fait des films ? En quoi le pouvoir de l’argent est-il plus « rationnel » que celui de la célébrité ? La « rationalité » n’a rien à faire là-dedans…
[Par ailleurs, et je reviens sur mon propos, il est fort possible que les Clooney et autres Beyonce aient bien davantage “fait” l’élection que ce qu’on pourrait imaginer de prime abord: quand la quasi-totalité du monde du luxe et de la jet-set appelle à voter Harris, l’électeur lambda n’a pas à faire un trop gros effort pour déterminer quel candidat défend quels intérêts…]
Et bien, le pense que ce raisonnement est fallacieux. Démontrer que le candidat X ne défend pas l’intérêt des couches populaires n’implique pas nécessairement que le candidat Y les défende. Je pense que c’est là un piège dans lequel il ne faut pas tomber. Est-ce Trump qui a gagné l’élection, ou Harris qui l’a perdue ? La question a l’air tautologique, elle ne l’est pas. En 2022, c’est Marine Le Pen qui a perdu l’élection, et non Macron qui l’a gagnée. C’est le rejet de Marine Le Pen, et non les mérites de Macron, qui lui ont permis de passer confortablement. Il faudrait voir quel pourcentage dans le vote Trump est un vrai vote d’adhésion, et quel pourcentage est un rejet du formidable mépris que l’establishment démocrate a montré pour les américains « d’en bas ».
[« Si les « anywhere » ont été battus, et c’est là une bonne chose, ils ont été battus non pas par un mouvement des « somewhere » portant un véritable projet collectif, mais par une vague d’individus qui ne sont réunis que par le rejet de toute solidarité qui irait au-delà de la dimension tribale. Ce n’est pas par hasard si l’un des leitmotivs du trumpisme est la baisse des impôts, qui sont la matérialisation d’une véritable solidarité inconditionnelle. » Vous disiez dans un autre post que les peuples gardent les caractéristiques que leur confère leur histoire. Vous ne pouvez pas décemment attendre des américains un projet socialiste. La dimension tribale a toujours fait partie du paradigme des Etats Unis.]
Tout à fait. Mais cette dimension individualiste et tribale explique aussi pourquoi la politique américaine reste aussi archaïque, dans une société qui fait au contraire étalage de son modernisme.
[Certainement. Mais chaque ineptie de Bruxelles nous rapproche du moment où les peuples diront ‘stop”. La bascule populiste est amorcée dans tout l’occident. Les gouvernements des pays de l’UE n’auront, je crois, plus la même bienveillance face à l’aveuglement idéologique de Bruxelles que par le passé.]
Je suis d’accord. Seulement, lorsqu’on dira « stop », c’est pour mettre en selle des politiques qui pousseront à une « tribalisation » encore plus grande – comme le fait Trump ? C’est là que tous les « populismes » ne se valent pas.
[Je pense qu’il faut commecer par ne pas comparer ce qui n’est pas comparable: le rapport de notre pays et des USA à un pouvoir central fort et à l’impôt n’est pas comparable. En revanche le rapport aux élites mondialisées, lui, est analogue, par définition, puisqu’elles sont les mêmes à New-York qu’à Londres, Berlin ou Paris.]
Vous avez tout à fait raison. Le RN, pour conquérir l’électorat populaire en dehors de ses bastions habituels du sud, a dû mettre de l’eau dans son vin néolibéral. De ce point de vue, entre les discours anti-fonctionnaires de Jean-Marie, et la « lettre aux fonctionnaires » de sa fille, beaucoup d’eau a passé sous les ponts. Les français n’ont pas le même rapport à l’Etat que les Américains, et les populismes chez nous sont – à droite comme à gauche – fondamentalement étatistes.
[Ceci étant dit, parlons du rapport à l’impôt: je pense que la critique de l’impôt dans notre pays tient non pas à la logique du prélèvement et de la solidarité entre citoyens, mais avant tout à l’usage qui en est fait. Aujourd’hui, l’impôt n’est pas, n’est plus perçu comme quelque-chose qui vous permet de vous soigner convenablement, de donner des chances d’ascension sociale à vos enfants ou de financer de grands projets.]
Ne simplifions pas les choses à l’excès. L’impôt est un moyen de mutualisation de la dépense, et donc de transfert entre ceux qui ont plus et ceux qui ont moins. Dans ces conditions, ceux qui ont plus ont toujours renâclé à le payer. Mais il est clair que lorsque l’argent public est bien utilisé, même ceux qui en payent le plus ne peuvent s’y opposer sans afficher publiquement leur égoïsme. C’est pourquoi le consentement à l’impôt est moins lié au niveau de celui-ci qu’à la qualité de la dépense. Et vous avez raison : au fur et à mesure que cette qualité diminue, qu’on consacre de moins en moins d’argent aux services publics et aux infrastructures, et de plus en plus à des subventions ciblées sur certaines catégories, la résistance à l’impôt s’accroit.
[Quand on aura foutu le lumpen à la porte ou au travail, quand on aura cassé les féodalités, quand on commencera à retrouver de la rationnalité dans l’efficacité des politiques publiques plutôt que de faire du symbole, quand on aura une politique protectionniste plutôt que de faire du dumping fiscal, là, vous pourrez retrouver un consentement à l’impôt de la part des classes populaires. Mais leur demander de remettre au pot avant ça, c’est se mettre le doigt dans l’oeil, et c’est le meilleur moyen de continuer à dissoudre tout lien de solidarité pour finir par se retrouver avec une situation à l’argentine.]
Tout à fait. Je suis d’accord, et c’est pourquoi si je prolonge le raisonnement je pense que la gauche a tort de se concentrer sur le montant de la dépense publique, et non sur sa qualité. On est beaucoup plus crédible pour dire de dépenser plus lorsqu’on a bien traité la question du dépenser mieux.
@ Descartes
[Pourquoi ? (..) En quoi le pouvoir de l’argent est-il plus « rationnel » que celui de la célébrité ?]
Je n’ai pas dit cela. J’ai souligné que dans un monde (le notre) où le pouvoir de l’argent est absolu -ce qui est un fait, et pas une opinion- il est plus rationnel de choisir son camp en fonction du soutien reçu ou non par tel ou tel milliardaire (et de savoir si sa vision du monde nous convient ou non) que par des stars mondaines. En ce sens, je trouve que le fait que les électeurs américains aient accordé plus de poids au soutient d’un Musk qu’à celui de Jennifer Lopez montre que ces électeurs sont plus rationnels que ce que pensaient les démocrates.
[Et bien, le pense que ce raisonnement est fallacieux. Démontrer que le candidat X ne défend pas l’intérêt des couches populaires n’implique pas nécessairement que le candidat Y les défende.]
Certainement. Sauf que quand d’un coté, un candidat pose en serveur de McDonald et en éboueur et que de l’autre une candidate transforme ses meetings en défilés de stars faute d’avoir quoi que ce soit à dire, le symbole est fort et le message est limpide quand à savoir qui se préoccupe de qui. Vous me direz, Harris a certainement un grand coeur et Trump est certainement cynique. Mais c’est de la pure spéculation: pendant la campagne, il était évident de déterminer qui apportait de la considération à qui, sans même parler du dérapage final de Biden qualifiant les électeurs de Trump de “garbage”, dans la plus pure tradition “progressiste”, après les “sans-dents” de Hollande, les “riens” de Macron ou encore les “déplorables” de Clinton..
[Est-ce Trump qui a gagné l’élection, ou Harris qui l’a perdue ? (…) Il faudrait voir quel pourcentage dans le vote Trump est un vrai vote d’adhésion, et quel pourcentage est un rejet du formidable mépris que l’establishment démocrate a montré pour les américains « d’en bas ».]
Je pense que le fait que Trump ait réussi à blinder le Madison Square Garden lors d’un meeting à NY, qui est très loin d’être sa zone de confort électoralement parlant, apporte un début de réponse. Tout comme le fait que Trump emporte le vote populaire et augmente élection après élection son nombre de voix. Cependant dans certains états comme le Michigan, il semble que l’abstention ait été plus forte que prévu et que cela ait profité à Trump, accréditant davantage une défaite de Harris qu’une victoire de Trump. Il y a certainement un peu des deux.
[Je suis d’accord. Seulement, lorsqu’on dira « stop », c’est pour mettre en selle des politiques qui pousseront à une « tribalisation » encore plus grande – comme le fait Trump ? C’est là que tous les « populismes » ne se valent pas.]
Je pense que c’est à ce moemtn qu’intervient votre thèse sur l’âme des peuples, leur conscience historique, leurs réflexes sociaux. Le mouvement de populisme actuel est un dégagisme avant d’être un mouvement idéologique. Dans les pays protestants et communautaires, il en ressortira probablement une organisation sociale encore plus communautaire. Dans les pays catholiques et à tendance jacobine, on reviendra vers un pouvoir centralisé fort et des politiques assimilationnistes.
D’ailleurs, faites l’expérience: combien de personnes avez-vous vu autour de vous dire des choses telles que “les musulmans, laissons les dans leurs quartiers, vivre leur vie entre eux comme ils l’entendent, du moment qu’ils ne nous causent pas de problème ? Personne ne dit ça en France. A gauche, on va nier les problèmes d’intégration, à droite on va se lamenter de ce que ces gens ne vivent pas comme nous. Personne en France n’assume réellement une vision communautariste.
[Je suis d’accord, et c’est pourquoi si je prolonge le raisonnement je pense que la gauche a tort de se concentrer sur le montant de la dépense publique, et non sur sa qualité.]
Je suis toujours épaté de voir que pour vous la gauche devrait être autre chose que ce qu’elle est depuis un demi siècle. Je suis né au début des années 80, et pour moi, dire que la gauche ferait mieux de s’interroger sur la qualité de la dépense publique plutot que sur une approche clientéliste et la défense de ses féodalités, c’est comme de dire que les poissons feraient mieux de grimper aux arbres…
A ce sujet vous n’avez pas répondu à ma question concernant le paradoxe que vous relevez sur le fait que les conservateurs soient davantage en pointe dans la lutte contre le néolibéralisme que les soit-disant progressistes.
@ P2R
[Je n’ai pas dit cela. J’ai souligné que dans un monde (le notre) où le pouvoir de l’argent est absolu -ce qui est un fait, et pas une opinion- il est plus rationnel de choisir son camp en fonction du soutien reçu ou non par tel ou tel milliardaire (et de savoir si sa vision du monde nous convient ou non) que par des stars mondaines.]
Je ne comprends toujours pas votre raisonnement. Diriez-vous que pour un ouvrier français il serait plus « rationnel » de voter pour Macron – qui a le soutient des milliardaires français dans leur immense majorité – plutôt que de voter pour Marine Le Pen ? Justement parce que le pouvoir de l’argent est très grand, le réflexe de l’électeur populaire devrait être de voter celui qui n’aurait pas l’appui de l’argent, pour faire contrepoids…
[En ce sens, je trouve que le fait que les électeurs américains aient accordé plus de poids au soutient d’un Musk qu’à celui de Jennifer Lopez montre que ces électeurs sont plus rationnels que ce que pensaient les démocrates.]
Je vois mal pourquoi. Le fait que Musk soutienne Trump ne prouve qu’une chose : que Musk pense pouvoir gagner beaucoup plus d’argent avec Trump à la maison blanche plutôt que Harris. Que les gens qui ont les mêmes intérêts que Musk suivent son choix, on pourrait à la rigueur le comprendre. Mais pourquoi l’électeur populaire devrait-il faire son choix en fonction des intérêts de monsieur Musk ?
[Certainement. Sauf que quand d’un coté, un candidat pose en serveur de McDonald et en éboueur et que de l’autre une candidate transforme ses meetings en défilés de stars faute d’avoir quoi que ce soit à dire, le symbole est fort et le message est limpide quand à savoir qui se préoccupe de qui. Vous me direz, Harris a certainement un grand coeur et Trump est certainement cynique. Mais c’est de la pure spéculation: pendant la campagne, il était évident de déterminer qui apportait de la considération à qui, sans même parler du dérapage final de Biden qualifiant les électeurs de Trump de “garbage”, dans la plus pure tradition “progressiste”, après les “sans-dents” de Hollande, les “riens” de Macron ou encore les “déplorables” de Clinton…]
La victoire de Trump me paraît parfaitement logique. Au-delà de ce qu’ils feront ou auraient fait une fois installés au pouvoir, il est clair que la communication de Trump montrait une bonne connaissance des préoccupations des couches populaires là où celle d’Harris était empreinte des préoccupations des classes intermédiaires. Mais il ne faut pas confondre la communication et la substance. Cynique ou pas, Trump sera obligé de faire des concessions à son électorat populaire, Harris aurait été obligée de le faire aux classes intermédiaires. C’est pourquoi in fine la victoire de Trump ne sera pas une mauvaise chose pour les couches populaires, quand bien même ses priorité seront ailleurs.
[Je pense que c’est à ce moment qu’intervient votre thèse sur l’âme des peuples, leur conscience historique, leurs réflexes sociaux. Le mouvement de populisme actuel est un dégagisme avant d’être un mouvement idéologique. Dans les pays protestants et communautaires, il en ressortira probablement une organisation sociale encore plus communautaire. Dans les pays catholiques et à tendance jacobine, on reviendra vers un pouvoir centralisé fort et des politiques assimilationnistes.
D’ailleurs, faites l’expérience: combien de personnes avez-vous vu autour de vous dire des choses telles que “les musulmans, laissons les dans leurs quartiers, vivre leur vie entre eux comme ils l’entendent, du moment qu’ils ne nous causent pas de problème ? Personne ne dit ça en France. A gauche, on va nier les problèmes d’intégration, à droite on va se lamenter de ce que ces gens ne vivent pas comme nous. Personne en France n’assume réellement une vision communautariste.]
Je trouve votre raisonnement très intéressant. Oui, d’une certaine manière, on assiste à un recentrage de chaque peuple sur son héritage. Trump, c’est un peu le retour vers la tradition américaine de l’isolationnisme et du communautarisme, là où le populisme français invoque plutôt l’Etat fort…
[Je suis toujours épaté de voir que pour vous la gauche devrait être autre chose que ce qu’elle est depuis un demi-siècle.]
On ne guérit pas de son histoire. Je suis un enfant de « la gauche », même si ma formation politique s’est fait au PCF à une époque où le fossé, politique, idéologique, social entre les communistes et ce qu’on appelait « la gauche non communiste » – le nom même est révélateur – était abyssal. On avait à l’époque l’illusion qu’on pouvait entraîner « la gauche » sur un chemin révolutionnaire…
[Je suis né au début des années 80, et pour moi, dire que la gauche ferait mieux de s’interroger sur la qualité de la dépense publique plutot que sur une approche clientéliste et la défense de ses féodalités, c’est comme de dire que les poissons feraient mieux de grimper aux arbres…]
Oui. Moi j’ai le souvenir d’une « gauche » qui osait aller à contre-courant. Je me souviens être allé à Plogoff pour entendre Georges Marchais dire aux Bretons qu’ils avaient tort de s’opposer à la construction de la centrale. J’ai soutenu Paul Mercieca contre les accusations de « racisme » parce qu’il avait refusé que les municipalités riches se déchargent de leurs immigrés en les envoyant à Vitry. On affichait notre opposition absolue au trafic de cannabis alors que le reste de la gauche roulait des joints et parlait de dépénalisation, quitte à se faire traiter de « réactionnaires » et de « ringards ». A l’époque, pour « ma » gauche, il ne s’agissait pas de caresser les gens au sens du poil, mais au contraire de les éduquer politiquement. Vous, vous êtes arrivé après la bataille…
[A ce sujet vous n’avez pas répondu à ma question concernant le paradoxe que vous relevez sur le fait que les conservateurs soient davantage en pointe dans la lutte contre le néolibéralisme que les soit-disant progressistes.]
Vous vous souvenez certainement que la révolution néolibérale a été portée d’abord par les conservateurs. En Grande Bretagne, c’était Thatcher qui privatisait à la hache, qui supprimait les obstacles à la « concurrence libre et non faussée » dans tous les domaines. Aux Etats-Unis, c’étaient les Républicains conduits par Ronald Reagan qui ont cassé les grèves et libéralisé le commerce international. Ceux qu’on appelle aujourd’hui les « progressistes » se trouvaient dans le trottoire d’n face. Aujourd’hui, c’est un gouvernement conservateur qui en Grande Bretagne organise le départ de l’UE, et aux Etats-Unis impose des politiques protectionnistes… au grand dam des « progressistes ».
@Descartes,
“I beg to differ”, comme on dit outre-manche.
Thatcher, l’une des figures politiques occidentales les plus détestables que j’ai connu de mon vivant (mais qui vient tout juste d’être rattrapée par son lointain descendant Keir Starmer…), n’a jamais vraiment été “tory”: c’était une “whig” (libérale-libertaire britannique) déguisée en conservateur. Son livre de chevet était “la Route de la servitude” de Friedman, un auteur qui n’était pas particulièrement en cour chez les conservateurs de l’époque, qui eux étaient de la gentry sociale tendance paternaliste. Thatcher n’a dû son succès qu’aux excès des syndicats britanniques dans le marché du travail des années 70, particulièrement puissants et qui avaient dans pas mal de secteurs d’activité un monopole d’embauche.
Elle est réputée pour sa politique violemment anti-sociale et anti-travailleurs, mais il ne faut pas oublier non plus qu’en bonne petite bourgeoise jalouse de la noblesse rosbif, elle s’est attaquée à pas mal de leurs privilèges (attribution des titres, propriété, etc…) et à leurs usages (suppression des samedis fériés, chasse, etc…).
Bizarrement, Thatcher était la figure honnie de la gauche française mais ses actions ressemblent étrangement à celles que les bobos ont accompli en France depuis le premier mandat Mitterrand, mais en prenant beaucoup plus de temps (entre 1983 et 20002).
Si on y pense, ce n’est pas un hasard si l’une des rares amies de feu Jacques Delors fut celle que le chanteur Renaud surnomma “Miss Maguy”…
@ CVT
[Thatcher, l’une des figures politiques occidentales les plus détestables que j’ai connu de mon vivant (mais qui vient tout juste d’être rattrapée par son lointain descendant Keir Starmer…), n’a jamais vraiment été “tory”: c’était une “whig” (libérale-libertaire britannique) déguisée en conservateur. Son livre de chevet était “la Route de la servitude” de Friedman, un auteur qui n’était pas particulièrement en cour chez les conservateurs de l’époque, qui eux étaient de la gentry sociale tendance paternaliste.]
« La route de la servitude » est de Hayek, et non de Friedman. Mais je pense que vous allez un peu vite en besogne en faisant de Thatcher une « whig ». S’il est vrai qu’elle n’appartenait pas à la branche « patricienne » du parti conservateur, cela n’en fait pas moins une « tory ». En fait, elle fait partie d’une tradition conservatrice bien établie, celle de la personne d’humbles origines qui arrive à se hisser socialement par son effort et son caractère, et qui débite le discours « si j’ai pu le faire, pourquoi pas les autres ». Son attachement aux valeurs traditionnelles de la famille, du travail, de l’effort acharné la classent nettement dans la tradition conservatrice, et non dans la tradition libérale.
[Thatcher n’a dû son succès qu’aux excès des syndicats britanniques dans le marché du travail des années 70, particulièrement puissants et qui avaient dans pas mal de secteurs d’activité un monopole d’embauche.]
Ca l’a aidée, sans doute. Mais comment est-elle arrivée à déplacer tous les vieux barons du parti conservateur et à se faire sa place ? Pas grâce aux excès des syndicats. Aussi détestable que puissent vous paraître ses idées, il faut reconnaître à Maggie un formidable caractère.
[Elle est réputée pour sa politique violemment anti-sociale et anti-travailleurs, mais il ne faut pas oublier non plus qu’en bonne petite bourgeoise jalouse de la noblesse rosbif, elle s’est attaquée à pas mal de leurs privilèges (attribution des titres, propriété, etc…) et à leurs usages (suppression des samedis fériés, chasse, etc…).]
Thatcher est une digne représentante des classes intermédiaires britanniques, et a largement défendu leurs intérêts. Ce n’est pas évident vu de France parce que ces classes n’ont pas en Grande Bretagne la même structure que les nôtres…
[Bizarrement, Thatcher était la figure honnie de la gauche française mais ses actions ressemblent étrangement à celles que les bobos ont accompli en France depuis le premier mandat Mitterrand, mais en prenant beaucoup plus de temps (entre 1983 et 2002).]
Ca n’a rien d’étonnant : c’est la même classe que Thatcher et Mitterrand ont servi. Seulement, comme je l’ai dit plus haut, ces classes n’ont pas tout à fait la même structure en Grande Bretagne et en France. Alors qu’elles sont essentiellement marchandes en Grande Bretagne et comptent sur les mécanismes de marché pour faire leur beurre, en France la tradition étatiste reste forte et leur conversion au libéralisme superficielle.
Pour finir, je dois dire que si je partage la détestation pour les idées de Thatcher, je ne peux qu’admirer la personne, sa ténacité, sa rigueur, sa force de caractère, son engagement total pour défendre son pays – ou du moins l’idée qu’elle s’en faisait – qui la met à mon avis au même niveau qu’un Churchill ou un De Gaulle.
@ Descartes
[Diriez-vous que pour un ouvrier français il serait plus « rationnel » de voter pour Macron – qui a le soutient des milliardaires français dans leur immense majorité – plutôt que de voter pour Marine Le Pen ?]
Je n’ai pas dis qu’il était rationnel de voter POUR Musk, j’ai dit qu’il était rationnel de voter EN FONCTION du soutien de Musk à tel ou tel candidat. En d’autres termes je trouve préférable qu’un électeur vote EN FONCTION du ralliement d’un personnage qui a le pouvoir d’influer sur tel ou tel choix de société qu’en fonction du ralliement d’un personnage n’ayant aucun pouvoir hormis celui de tweeter son opinion.
Après, Musk ne fait aucun mystère de sa vision de la société, les américains ont fait leur choix en leur âme et conscience, ce n’est pas à moi de dire q’ils ont tort ou raison, d’autant que cet avis serait fatalement marqué d’un biais de culturocentrisme français.
[Je vois mal pourquoi. Le fait que Musk soutienne Trump ne prouve qu’une chose : que Musk pense pouvoir gagner beaucoup plus d’argent avec Trump à la maison blanche plutôt que Harris.]
Est-ce que les motivations de Musk sont uniquement d’ordre vénales ? J’en doute. Je ne pense pas d’ailleurs que ses choix de développement d’industries aient été les chemins les plus courts et les plus faciles vers la fortune. Il me semble que Musk, au-delà de l’argent, est réellement un convaincu de l’idéologie libérale-libertaire, voire transhumaniste.
[Je trouve votre raisonnement très intéressant. Oui, d’une certaine manière, on assiste à un recentrage de chaque peuple sur son héritage. Trump, c’est un peu le retour vers la tradition américaine de l’isolationnisme et du communautarisme, là où le populisme français invoque plutôt l’Etat fort…]
Vous me flattez, mais vous y êtes pour beaucoup. Vos réflexion sont toujours très stimulantes !
Sur ce point de la “régression” des peuples vers leur caractère historique, j’espère que cette vision n’est pas trop optimiste, mais l’hypothèse me semble assez élégante. Il faudra du temps avant de la vérifier..
[A l’époque, pour « ma » gauche, il ne s’agissait pas de caresser les gens au sens du poil, mais au contraire de les éduquer politiquement. Vous, vous êtes arrivé après la bataille…]
La manoeuvre qui a consisté à réaliser une mutation idéologique intégrale et silencieuse sous couvert de la conservation des termes “de gauche” est le fléau le plus terrible du monde politique. Vous avez raison de continuer la bataille des termes, même si c’est un combat perdu. Vous honorez votre jeunesse. C’est déjà ça.
[Vous vous souvenez certainement que la révolution néolibérale a été portée d’abord par les conservateurs.]
Dire qu’une révolution est portée par des conservateurs, c’est presque une oxymore 🙂
Blague à part, et pour faire un peu de sociologie de comptoir, on remarque qu’aujourd’hui les contempteurs du néolibéralisme font partie des classes les plus ancrées dans le terroir et les traditions. Peut-être peut-on y voir un recoupement avec la culture chrétienne résiduelle plus prégnante chez eux que chez les “progressistes”, tradition chrétienne en vertue de laquelle “faute avouée, à moitié pardonnée”… alors que pour nos chers progressistes élevés dans le culte du “moi”, on préfèrerait mourir que d’admettre une erreur…
@ P2R
[« Diriez-vous que pour un ouvrier français il serait plus « rationnel » de voter pour Macron – qui a le soutient des milliardaires français dans leur immense majorité – plutôt que de voter pour Marine Le Pen ? » Je n’ai pas dis qu’il était rationnel de voter POUR Musk, j’ai dit qu’il était rationnel de voter EN FONCTION du soutien de Musk à tel ou tel candidat.]
C’était bien ma question, à laquelle vous ne répondez pas.
[En d’autres termes je trouve préférable qu’un électeur vote EN FONCTION du ralliement d’un personnage qui a le pouvoir d’influer sur tel ou tel choix de société qu’en fonction du ralliement d’un personnage n’ayant aucun pouvoir hormis celui de tweeter son opinion.]
Et bien, je ne suis pas d’accord avec vous. Un personnage comme Guaino, qui n’a « aucun pouvoir hormis celui de tweeter son opinion », peut orienter mon vote par une argumentation rationnelle. Et même s’il ne me donne pas son argumentation, je pourrais être influencé par son appel parce que je respecte son intelligence, et que s’il choisit de voter pour quelqu’un, il y aura probablement une bonne raison. Mais le fait que Bolloré ou Arnault décide de voter pour quelqu’un n’aura aucune influence sur moi, parce que je sais qu’il n’appelle à voter qu’en fonction de ses intérêts, qui ne sont pas les miens. Je pense donc bien plus rationnel, pour quiconque pense à l’intérêt général, à voter en fonction de ce que dit Guaino plutôt que
[Après, Musk ne fait aucun mystère de sa vision de la société, les américains ont fait leur choix en leur âme et conscience, ce n’est pas à moi de dire qu’ils ont tort ou raison, ]
Je suis d’accord, mais pas pour les mêmes raisons. Je pense que l’élection de Trump n’est ni bonne ni mauvaise pour « les Américains », parce que « les Américains » sont divers. Certains Américains y gagneront, d’autres y perdront…
[« Je vois mal pourquoi. Le fait que Musk soutienne Trump ne prouve qu’une chose : que Musk pense pouvoir gagner beaucoup plus d’argent avec Trump à la maison blanche plutôt que Harris. » Est-ce que les motivations de Musk sont uniquement d’ordre vénales ?]
Vous avez raison, il n’y a pas que le fric. Il y a aussi le pouvoir…
[J’en doute. Je ne pense pas d’ailleurs que ses choix de développement d’industries aient été les chemins les plus courts et les plus faciles vers la fortune. Il me semble que Musk, au-delà de l’argent, est réellement un convaincu de l’idéologie libérale-libertaire, voire transhumaniste.]
Je veux bien le croire. Au risque de me répéter, je pense que les vrais cyniques sont relativement rares. Les gens en général croient à ce qu’ils disent. Seulement, ils s’arrangent pour croire ce qui arrange leurs intérêts. L’idéologie libérale-libertaire de Musk a, par une étrange coïncidence, le bon goût de justifier le fait que le pouvoir et l’argent aillent aux gens comme Musk…
[Vous me flattez, mais vous y êtes pour beaucoup. Vos réflexion sont toujours très stimulantes !]
Merci ! Arrêtez de me jeter des fleurs… je vais finir par croire que vous voulez m’enterrer !
[« A l’époque, pour « ma » gauche, il ne s’agissait pas de caresser les gens au sens du poil, mais au contraire de les éduquer politiquement. Vous, vous êtes arrivé après la bataille… » La manoeuvre qui a consisté à réaliser une mutation idéologique intégrale et silencieuse sous couvert de la conservation des termes “de gauche” est le fléau le plus terrible du monde politique. Vous avez raison de continuer la bataille des termes, même si c’est un combat perdu. Vous honorez votre jeunesse. C’est déjà ça.]
J’avoue que je ne regrette rien. J’ai cru à des choses fausses, mais cela m’a donné la force de faire des choses qui étaient bonnes, et j’ai donc du mal à le regretter. Si vous avez vu le film « tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir eu des parents communistes », vous saurez de quoi je parle. Et si vous ne l’avez pas vu, courez le voir.
[« Vous vous souvenez certainement que la révolution néolibérale a été portée d’abord par les conservateurs. » Dire qu’une révolution est portée par des conservateurs, c’est presque une oxymore]
Le jeu de mots était volontaire, je suis ravi que vous l’ayez relevé. Bien entendu, il y a là une simplification, j’aurais dû écrire « la révolution néolibérale a été portée d’abord par des gens qui portaient l’étiquette « conservateur » ». Cette étiquette a d’ailleurs rassuré pas mal de gens qui n’auraient peut-être pas voté pour eux s’ils avaient su à quoi ils s’engageaient.
[Blague à part, et pour faire un peu de sociologie de comptoir, on remarque qu’aujourd’hui les contempteurs du néolibéralisme font partie des classes les plus ancrées dans le terroir et les traditions. Peut-être peut-on y voir un recoupement avec la culture chrétienne résiduelle plus prégnante chez eux que chez les “progressistes”, tradition chrétienne en vertue de laquelle “faute avouée, à moitié pardonnée”…]
Je ne suis pas sûr. Les « classes les plus ancrées dans le terroir et les traditions », n’ont jamais été très chaudes pour le néolibéralisme. On peut dire qu’ils ont été généralement trahis par les politiciens qui se prétendaient « conservateurs ». Souvenez-vous de ce que fut la « parenthèse libérale » de 1986-88, quand la droite française revenue au pouvoir s’était reconvertie au thatcherisme. Les électeurs n’ont pas été convaincus…
Bonjour.
Tout à fait d’accord avec votre premier paragraphe à propos d’une VIe République parlementaire, ainsi qu’avec l’irresponsabilité des actuels députés.
C’est bien pour cela que dans la Constitution de la VIe République que nous proposons, il y a à la fois des mécanismes garantissant de dégager des majorités pour gouverner ; mais aussi un ancrage des députés localement par l’exercice du pouvoir exécutif départemental (via l’élection d’un binôme de députés). Cette structuration responsabilise les élus et introduit une articulation entre les échelons nationaux et locaux, tout en assurant une légitimité locale diminuant d’autant la dépendance des députés vis-à-vis des partis centralisés.
Cordialement.
Luc Laforets
http://www.1P6R.org
@ Luc Laforets
[C’est bien pour cela que dans la Constitution de la VIe République que nous proposons, il y a à la fois des mécanismes garantissant de dégager des majorités pour gouverner ; mais aussi un ancrage des députés localement par l’exercice du pouvoir exécutif départemental (via l’élection d’un binôme de députés).]
Le problème, c’est que votre système ne dégage nullement une majorité. Si je lis bien votre texte, c’est le département qui sert de base à l’élection, avec un système dans lequel la « liste » arrivée en tête emporte les deux tiers des sièges (les « commis primordiaux ») et les autres listes se partagent proportionnellement le tiers restant. L’ennui, c’est que le parti qui arrive en tête à dans un département n’est pas forcément celui qui arrive en tête dans un autre. Que se passe-t-il s’il y a dix partis, et que chacun arrive en tête dans 10% des départements ?
Mais surtout, vous postulez que les « listes » seront constitués de gens capables de gouverner ensemble. Cela n’a rien d’évident. Pensez aux dernières élections…
[Cette structuration responsabilise les élus]
En quoi ? Quelle est la différence en termes de « responsabilisation » par rapport au système actuel ?
[tout en assurant une légitimité locale diminuant d’autant la dépendance des députés vis-à-vis des partis centralisés.]
Il y a là une contradiction fondamentale. Sans “partis centralisés”, il n’y a absolument aucune raison que les élus des différents territoires aient une cohérence qui leur permette de gouverner en fonction de l’intérêt général. Un système qui libère les élus de toute contrainte nationale construit une logique où les décisions ne sont pas le produit d’une vision globale, mais d’une négociation entre les intérêts locaux. Par ailleurs, on ne voit pas en quoi votre système réduit la “dépendance des députes” vis à vis des partis centralisés.
@ Descartes
[Le fait que Musk soutienne Trump ne prouve qu’une chose : que Musk pense pouvoir gagner beaucoup plus d’argent avec Trump à la maison blanche plutôt que Harris].
L’homme le plus riche du monde se soucierait encore de gagner de l’argent ? Permettez-moi d’en douter.
[Vous, vous êtes arrivé après la bataille…]
… perdue, malheureusement.
[au grand dam des « progressistes ».]
Ce qui montre que le mot « progressiste » ne signifie rien, en fait.
@ Bob
[L’homme le plus riche du monde se soucierait encore de gagner de l’argent ? Permettez-moi d’en douter.]
Vous pouvez en douter… mais dites vous bien que lorsqu’il était le deuxième homme le plus riche du monde, il s’en souciait suffisamment pour chercher à devenir le premier!
Bien entendu, son “souci” ne vient pas d’une recherche de confort, de pouvoir s’offrir un plus beau costume ou une plus belle maison, comme ce serait le cas pour vous et moi. A partir d’un certain chiffre, l’argent cesse d’être le moyen de satisfaire des besoins, et commence à être un moyen de satisfaire la vanité. “It’s a way of keeping score” (“c’est un moyen de compter les points”) dans le jeu, comme disent les Américains…
@ Descartes
Complétement hors-sujet. Avez-vous regardé les auditions en commission de Le Maire, Attal, … cette semaine.
Si oui, je suis très curieux de connaitre votre avis, tant sur le fond que sur la forme.
Je vous donne le mien sur cette d’Attal et la forme : une arrogance inouïe, à la limite de l’insolence. Très pénible à écouter ; Macron en presque pire (je ne pensais pas cela possible). Il se permet même de renverser le cours de l’audition, souvent c’est lui qui pose les questions et met le rapporteur sur le grill. Incroyable.
Me viennent à l’esprit le même genre d’auditions aux États-Unis, où les personnes entendues n’en “mènent pas large”, font en général profil bas et où le rapporteur ne se laisse pas mener par le bout de nez, d’ailleurs “l’invité” n’y songerait pas une seconde.
Sur le fond, selon lui, Attal n’est responsable de rien évidemment, et a tout bien fait. Circulez…
@ Bob
[Complétement hors-sujet. Avez-vous regardé les auditions en commission de Le Maire, Attal, … cette semaine.]
Je n’ai regardé qu’une partie. J’étais curieux surtout de voir si Le Maire ou Attal allaient avoir l’outrecuidance de rejeter la faute sur les hauts fonctionnaires de Bercy. J’ai constaté qu’ils se sont prudemment abstenus, ce qui au fond ne m’étonne pas. Je suis persuadé que le directeur général des Finances Publiques, celui du Budget et celui du Trésor gardent précieusement dans leur coffre-fort les notes qu’ils ont adressé en temps et en heure pour prévenir leurs ministres respectifs. Le silence relatif des ministres sur ces questions montrent qu’ils connaissent l’existence de ces notes, et qu’ils n’ont pas envie qu’elles soient mises sur la place publique…
[Si oui, je suis très curieux de connaitre votre avis, tant sur le fond que sur la forme.]
Sur le fonds, j’avoue que je suis perplexe. Personnellement, je suis un grand partisan de la jurisprudence « Crishel Down ». Celle-ci fait référence à une affaire où le ministre de l’agriculture britannique a démissionné en réponse à un acte commis par l’un de ses fonctionnaires, alors qu’il était établi qu’il n’avait pas ordonné l’acte en question et qu’il n’en avait pas connaissance. La logique de la décision est que le ministre est responsable de ce qui se passe dans son ministère : s’il le sait, il a commis la faute de laisser faire. Et s’il ne le sait pas, il a commis une faute parce que son devoir, c’est de savoir. Cette jurisprudence a pour objectif éviter que les ministres puissent utiliser l’ignorance comme prétexte. Dans ce contexte, peu importe que Le Maire ait su ou non, qu’il ait anticipé ou non, qu’il ait averti ou non le président ou le premier ministre. Du point de vue politique, il est responsable. S’il ne savait pas, il a commis un défaut de surveillance. S’il savait, il aurait dû exiger les moyens d’agir. Et si ces moyens lui étaient refusés, il aurait dû protester publiquement et offrir sa démission. Et le même raisonnement vaut pour le premier ministre.
Alors, à quoi sert cette commission ? Si le but est d’investiguer le fonctionnement interne de Bercy, je dirais que ce n’est pas le boulot du Parlement. Le ministre est responsable du fonctionnement de son administration, et si les informations n’ont pas bien circulé, si les fonctionnaires de Bercy sont des incompétents, c’est à lui de demander un rapport à l’inspection générale de son ministère et d’agir. Le Parlement a une fonction de contrôle politique, et non administratif. Le fait est que les ministres ont laissé filer le déficit sans en avertir le Parlement. La commission devrait se concentrer sur ce point, qui est le seul qui rentre dans sa compétence.
[Je vous donne le mien sur cette d’Attal et la forme : une arrogance inouïe, à la limite de l’insolence. Très pénible à écouter ; Macron en presque pire (je ne pensais pas cela possible). Il se permet même de renverser le cours de l’audition, souvent c’est lui qui pose les questions et met le rapporteur sur le grill. Incroyable.]
Que voulez-vous, Attal a été blessé de la pire manière : il a subi une blessure narcissique. Ce jeune homme a qui tout réussissait, ministre à trente ans, premier ministre à trente-cinq, a été fauché en plein vol par celui qui était un peu son modèle, qui l’avait choyé, sur qui il pensait pouvoir compter. Ce jeune homme qui n’avait jamais connu la frustration de la défaite, à qui tout souriait depuis l’enfance, a fini par se prendre un râteau, fauché en plein vol par la décision de son idole.
Selon la tradition, lors des triomphes romains on mettait dans le char ou défilait le général vainqueur un esclave dont la fonction était de lui répéter à l’oreille « souviens toi que tu es mortel ». Ou pour reprendre la formule de Tertullien, « Respice post te! Hominem te esse memento! » (« Regarde autour de toi, et souviens-toi que tu n’es qu’un homme ! »). Attal aurait peut-être dû prévoir un fonctionnaire pour faire ce travail…
Attal est un peu un personnage de télé-réalité. C’est un système terrifiant qui fonctionne dans la logique de la bicyclette : tant que vous avancez, vous restez en équilibre. Mais si quelque chose vous arrête, vous tombez. Et une fois à terre, le peloton vous dépasse, et il est très difficile d’y revenir, parce qu’un autre jeune ambitieux prendra votre place…
[Me viennent à l’esprit le même genre d’auditions aux États-Unis, où les personnes entendues n’en “mènent pas large”, font en général profil bas et où le rapporteur ne se laisse pas mener par le bout de nez, d’ailleurs “l’invité” n’y songerait pas une seconde.]
Parce que les parlementaires américains travaillent leurs dossiers. En France aussi, lorsque les commissions d’enquête sont dirigées par des élus sérieux, les invités tremblent (souvenez-vous de la commission sur l’affaire Benalla). Par ailleurs, les commissions sénatoriales américaines utilisent systématiquement leurs pouvoirs répressifs… ce que ne font qu’exceptionnellement les commissions françaises.
[Sur le fond, selon lui, Attal n’est responsable de rien évidemment, et a tout bien fait. Circulez…]
Ca vous étonne ?
Bonjour Descartes,
Je tenais à vous signaler la traduction d’un ouvrage du sociologue marxiste Erik Von Wright : Classer les classes – La Vie des idées
Il me semble que sa réflexion sur les classes sociales pourrait vous être utile si vous tâchez un jour de systématiser votre réflexion sur le bloc hégémonique “bourgeoisie / classes moyennes”.
@ Johnathan R. Razorback
[Je tenais à vous signaler la traduction d’un ouvrage du sociologue marxiste Erik Von Wright :]
Merci beaucoup, je l’avais lu à sa sortie en anglais. C’est en effet un texte très intéressant, qui je pense a influencé pas mal mes idées sur la question des “classes intermédiaires”, même si sa vision de “l’autorité” comme instrumentale dans le rapport de forces construit par cette classe plutôt que du “capital immatériel” ne me convainc pas. Je l’avais d’ailleurs cité dans un commentaire sur ce même blog…