L’homme qui rêvait de Matignon

« Quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves » (Goethe)

C’est cela qui est fascinant avec le macronisme : quand on pense qu’il ne peut plus tomber plus bas, il nous surprend en descendant encore d’un cran dans l’échelle. On est arrivé au niveau du vaudeville : vendredi matin, le président appelle François Bayrou pour lui dire qu’il ne sera pas premier ministre. Colère de l’intéressé, qui est reçu à l’Elysée où le président, pour le calmer, lui propose d’être le numéro deux du gouvernement dirigé par Roland Lescure. Explosion du béarnais, qui fait un scandale et menace de quitter le « bloc central » si on ne lui donne pas satisfaction. Deux heures plus tard, Jupiter nous informe par communiqué qu’il a décidé de réaliser le rêve que François Bayrou caresse depuis des décennies. Celui de rentrer à Matignon.

Devant ce spectacle qui tient plutôt de Feydeau que de Corneille, on peut se demander ce qui reste du président « jupitérien » qu’Emmanuel Macron appelait de ses vœux. Jupiter est tombé si bas s’il doit se soumettre au chantage d’un « minable » – le mot est de Daniel Cohn-Bendit – qui au bout de quarante ans de vie politique ne laisse derrière lui la moindre réalisation, la moindre idée, qui n’a jamais exposé le moindre projet, la moindre vision. Un démagogue qui préfère, dans ses tracts électoraux, se présenter comme éleveur de chevaux – ce qu’il n’est pas – plutôt que comme agrégé de lettres classiques – ce qu’il est. Il paraît que cela fait moins “parisien”. Un homme qui, lorsqu’il fut ministre, était connu pour « gouverner avec le sondoscope en bandoulière », selon le mot de Roger Fauroux, qui l’a bien connu à cette époque. Et surtout, une girouette opportuniste qui, s’étant plusieurs fois trouvé au bord du Rubicon, s’est contenté d’y pratiquer la pêche à la truite : ce fut le cas en 1995, lorsqu’il hésita à soutenir Jacques Delors à l’élection présidentielle pour finalement refuser – ce qui fut l’une des causes du retrait de ce dernier, ce fut le cas encore en 2007, où il négociera en coulisse avec Ségolène Royal sans oser finalement s’engager, et encore en 2012, quand il déclara voter « personnellement » pour François Hollande, mais sans donner consigne de vote. Bayrou, c’est l’éternel donneur de leçons qui fait penser à la formule de Cocteau : « les critiques, c’est comme les eunuques : ils savent, ils ne peuvent pas ». Et c’est cet homme-là censé déterminer et conduire la politique de la nation aujourd’hui. On est mal partis…

Mais commençons par le commencement : en juillet 2024, après le camouflet des européennes, les électeurs expriment sans ambigüité leur volonté d’une rupture avec les orientations et le mode de gestion des affaires publiques qu’Emmanuel Macron a instauré depuis 2017. Les partis qui rejettent l’essentiel du macronisme réunissent deux tiers des voix, et sans la constitution d’un « front républicain », le parti présidentiel aurait été laminé. En 1945, alors qu’il avait perdu les élections générales, Churchill se vit offrir par son souverain le plus haut des honneurs, l’Ordre de la Jarretière. Il la refusa en répondant « comment pourrais-je accepter l’Ordre de la Jarretière des mains de mon souverain, alors que je viens de recevoir l’ordre du coup de pied au cul par le peuple britannique ? ». Après avoir reçu leur « ordre du coup de pied au le cul » par le peuple français, la décence aurait commandé au camp présidentiel d’accepter leur défaite, et avec elle le fait que les choses ne pouvaient pas continuer comme avant, qu’une rupture était nécessaire.

La décence ? Elle est depuis longtemps partie avec tout le reste. Les macronistes ont cherché à garder par les combines parlementaires ce que les Français leur ont refusé dans les urnes. Ayant voté pour un changement, les Français se sont retrouvés avec une présidente de l’Assemblée nationale reconduite sans le moindre complexe, un gouvernement soutenu par un « bloc central » utilisant toutes les ressources de la procédure pour maintenir en l’état les « réformes » macroniennes, et où les portefeuilles économiques étaient détenus par des fidèles du président qui entendaient continuer les mêmes politiques.

Le 4 décembre, ce gouvernement a fini par être censuré. Le vote de censure a été justifié par des discours plus ou moins cohérents, mais derrière ces discours il y a une réalité : la censure traduit l’exaspération croissante de l’opinion populaire – à laquelle les députés, notamment à l’extrême droite, sont particulièrement sensibles – devant un système qui prétend, quitte à détourner les procédures, se perpétuer malgré le rejet dont il fait l’objet. C’est cette continuité, cette incapacité de Barnier à infléchir le cours des évènements, à montrer aux Français que leur vote était respecté et leur volonté de changement mise en oeuvre, qui a scellé son sort.

On pouvait imaginer qu’après l’échec de Michel Barnier, le président accepterait finalement la réalité. Ce qui aurait supposé de confier la conduite du gouvernement à une personnalité capable, sans se renier, d’incarner une forme de rupture, ou tout au moins de changement. Eh bien, encore raté. Le choix s’est finalement porté sur un homme qui non seulement est un soutien de la première heure du président, mais qui pendant sept ans n’a jamais manqué de soutenir sa politique. Certes, il a de temps en temps exprimé des critiques… surtout dans les périodes où il s’estimait maltraité dans la répartition des postes et des prébendes. Des critiques vites tues lorsque ceux-ci lui étaient accordés. Aviez-vous noté son silence depuis qu’il avait été nommé pompeusement commissaire général d’un plan inexistant ? Si, comme disait un autre Béarnais, Paris vaut bien une messe, une sinécure au commissariat au Plan vaut bien quelques silences.

Imagine-t-on Bayrou revenir sur la réforme des retraites ? Sur la politique de l’offre ? Sur les cadeaux fiscaux aux plus riches ? Allons, soyons sérieux. Bayrou, c’est Macron en plus vieux. On pourrait même dire que c’était le Macron d’avant Macron : avant que Macron ne s’en saisisse, Bayrou avait déjà inventé le « en même temps » et le petit drapeau bleu aux étoiles brandi dans les meetings. Avant Macron, il avait théorisé – à la suite de Giscard, qui l’avait inventée – cette union des gens « raisonnables » pour mener des politiques « raisonnables », tout en étant trop paresseux et pas assez courageux pour la réaliser. Bayrou, ce sera la ligne de la moindre résistance, la continuité de la politique du chien crevé au fil de l’eau. Ce sera le retour du bon père Queuille, vous savez, celui qui prétendait « qu’il n’est pas de problème dont une absence de solution n’en finisse par venir à bout ». Ou encore, plus révélateur, « la politique, ce n’est pas résoudre les problèmes, c’est faire taire ceux qui les posent ».

On a déjà eu un premier aperçu des tropismes de notre nouveau premier ministre. Entre la cellule de crise qui gère la situation à Mayotte, les consultations pour former un nouveau gouvernement et la réunion du conseil municipal de Pau, laquelle prend la préséance ? Et bien, la priorité est d’occuper le fauteuil de maire. Et cela nous dit deux choses : la première, que notre nouvel Henri IV ne se projette pas dans la durée. Matignon, ça durera peut-être quelques semaines, alors qu’une mairie, c’est potentiellement pour la vie, et ça se décide dans seize mois. Pas question donc de prendre le risque d’une absence qui pourrait laisser à un concurrent la possibilité de se montrer. Ce qui nous amène à la seconde constatation : que Bayrou n’a qu’une confiance fort limitée dans son équipe paloise, au point qu’il voit le danger de laisser son premier adjoint occuper, fût-ce temporairement, le fauteuil, au risque qu’il s’y installe trop confortablement. Alors, Mayotte peut attendre que le maire de Pau ait fini avec son conseil, tout comme les rendez-vous à Matignon pour préparer son gouvernement.

On a beaucoup raillé – à tort et à raison – le soi-disant parisianisme de nos élites. Et par certains côtés, les reproches qu’on adresse à ce parisianisme sont justifiés. Mais à tout prendre, je préfère le parisianisme des élites au provincialisme des « barons » claniques. Parce que le parisianisme, quels que soient ses immenses défauts, porte un message méritocratique et universaliste qui transcende l’esprit de clocher des imbéciles heureux qui sont nés quelque part. Paris s’est fait de provinciaux qui sont « montés » à la capitale, souvent pour échapper aux déterminations de fortune et de naissance, qui sont restées bien plus vivaces dans les provinces. Ce n’est pas faire injure aux provinciaux que de noter que les structures politiques et sociales locales sont nettement plus claniques, que l’héritage et la naissance restent bien plus déterminantes que dans les structures nationales. Il n’est pas difficile de trouver des villes où l’on est maire de père en fils sur plusieurs générations (et je ne parle même pas de ceux qui laissent la place à leur femme…). Que l’’on soit attaché à son terroir, cela n’a rien de condamnable. Mais on attend d’un responsable politique du niveau national qu’il puisse dépasser son terroir pour s’élever au niveau de la nation. Quand Cyrielle Chatelain remarque que « François Bayrou, (…) a en revanche beaucoup parlé de sa ville de Pau aux leaders écologistes. Alors que ces derniers lui disaient leur préoccupation quant au budget consacré à la transition écologique en 2025, le maire de Pau a voulu les rassurer en leur rappelant qu’il a « mis en service des bus à hydrogène » dans sa ville dès 2019. » pour conclure que notre premier ministre « n’a pas une vision très claire de là où il va », elle dépeint assez bien la situation. Et quand notre premier ministre ouvre le débat sur le cumul des mandats comme si c’était là le problème prioritaire à traiter aujourd’hui – alors que ce n’est que SON problème, on voit bien qu’il n’est pas à la hauteur.

Mais du point de vue de l’establishment, Bayrou est l’homme de la situation. Parce que n’ayant ni projet, ni principes, il pourra tout accepter, y compris les attelages les plus absurdes, les mariages les plus biscornus. Et que pour conserver le pouvoir, il est prêt à tout. Il conduira un gouvernement qui ne fera rien, mais qui laissera faire. Avec cette technique, il pourra peut-être éviter de s’attirer les foudres d’une majorité des députés à l’Assemblée, qui n’ont pas non plus trop envie de retourner vite devant les électeurs. Parti sur cette logique, la plus grande menace pour le nouveau gouvernement ne sera pas l’Assemblée, mais la réalité. Ceux qui s’imaginent que Bayrou pourra faire une politique budgétaire rationnelle se trompent : pour échapper à la censure, il faudra contenter tout le monde, et donc distribuer de l’argent quitte à laisser filer le déficit. C’est exactement ce qu’a fait le couple Macron – Le Maire depuis sept ans. Mais tôt ou tard, on va se faire rattraper par les marchés financiers et les institutions européennes qui sonneront la fin de la récréation. Sans compter des pans entiers de l’économie et des services publics qui continuent à se dégrader, faute de choix consistants.

Pour prendre les mesures économiques, sociales et budgétaires indispensables, il faudrait un énorme courage. Non pas le courage que demande habituellement le « cercle de la raison », qui consisterait à ignorer les oppositions pour imposer au pays une cure d’austérité foncièrement injuste, sacrifiant les couches populaires pour préserver les intérêts du bloc dominant. Ce « courage », qui mérite plutôt le nom d’aveuglement, c’est ce qui nous a conduits à la situation où nous sommes. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est le courage d’exposer aux citoyens la véritable situation au pays, d’exiger les sacrifices nécessaires au rétablissement de la situation au nom d’une vision d’avenir à la fois réaliste et désirable, et de partager cet effort à proportion des moyens de chacun. Ces sacrifices peuvent être financiers – plus de prélèvements, moins d’allocations ou de subventions – mais qui peuvent aussi être d’autre nature – sélection méritocratique dans l’enseignement, priorité donnée aux intérêts du producteur sur ceux du consommateur.

La solution ? Elle ne viendra pas d’une réforme des institutions ou de la loi électorale, parce que le problème vient non pas de la fragmentation de la représentation, mais de la fragmentation des représentés eux-mêmes. Il faut le courage de faire appel au peuple, au lieu de se perdre dans les dosages des couloirs de l’Assemblée. Ce courage ne peut entrainer le peuple que s’il s’appuie sur une vision, une « certaine idée de la France » qui mérite de jouer son va-tout, de bruler ses vaisseaux. Parce que seul un engagement total peut susciter le respect et entraîner derrière lui une majorité de Français. Et un homme qui, quelques heures après avoir été nommé premier ministre, se retourne pour s’assurer de pouvoir conserver sa mairie est immédiatement tourné en statue de sel, ou pour être moins métaphorique, en guignol. Ce n’est pas à 73 ans qu’on commence une carrière de visionnaire. Bayrou, c’est au mieux un Rastignac sans envergure, au pire un syndic de faillite. D’une faillite que lui et ses amis ont contribuée à provoquer. Et le pire, c’est que ni lui, ni ses amis ne voient aucune raison d’en changer la trajectoire : leur but, c’est de continuer comme avant, et tant pis si le peuple demande le contraire.

C’est pour cela que Bayrou a tant de mal à former son gouvernement. Parce que tous les partis ont compris qu’être associés à cette continuité, c’est exaspérer les citoyens et donc de prendre des risques dans les urnes, d’autant plus que les élections législatives ou présidentielles pourraient arriver relativement vite. Personne ne peut accepter de monter sur le bateau sans bien marquer ses lignes rouges, sans obtenir des garanties. Ceux que Macron a snobés quand il était tout-puissant n’ont aucune envie d’assumer la continuité de son héritage maintenant qu’il est à terre. Et ils ont bien raison. Or, c’est précisément ce que Bayrou leur demande.

Il n’y a pas de sortie de crise aujourd’hui sans rupture avec le macronisme. La question est de savoir quand – et comment – nos élites politico-médiatiques accepteront cette réalité, de savoir si nos élites auront l’intelligence du Guépard : « il faut tout changer pour que rien ne change ».  Si elles ne l’acceptent pas, elles risquent de subir le sort des aristocrates de l’ancien régime…

Descartes

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24 réponses à L’homme qui rêvait de Matignon

  1. BERNARD dit :

    Bonsoir 
    Tant qu’il y aura le frond anti RN ou le bloc anti LFI ça risque de durer encore un bout de temps , les communistes ne representent plus rien , le PR et LR sont morribonts , tout ça sous le regard de l’UE avec qui personne ne veut rompre 
    ça  promet 

    • Descartes dit :

      @ BERNARD

      [Tant qu’il y aura le front anti RN ou le bloc anti LFI ça risque de durer encore un bout de temps,]

      Je ne le formulerai pas comme ça. Je dirais qu’aussi longtemps qu’il n’y aura personne pour s’adresser au peuple directement, par-dessus les partis, on restera dans cette situation. La situation dans laquelle on est n’est pas nouvelle : plusieurs fois dans notre histoire – je pense à 1939 et à 1958 – il y a eu une coupure entre le peuple et une classe politique censée le représenter mais qui avait perdu le sens des priorités à force de vivre isolée dans son marigot. Dans les deux cas, la chose s’est réglée par l’appel au peuple.

      • Paul dit :

        comment faire appel au peuple: par une allocution télévisée ou par référendum ? Ou autrement ?
        Je suis en accord avec vous, ce que vous aviez d’ailleurs proposé au moment de Barnier. Mais je ne crois pas qu’il lise votre blog, quoiique…

        • Descartes dit :

          @ Paul

          [comment faire appel au peuple: par une allocution télévisée ou par référendum ? Ou autrement ?]

          Il y a plusieurs instruments, et il faut à mon avis adapter l’instrument à l’objectif. S’il s’agit de mettre les élus parlementaires devant leurs responsabilités, une allocution télévisée me semble être le meilleur moyen. Bien entendu, il faut un exercice de haute voltige: il faut que ce soit à la fois solennel et grave, mais pas pleurnichard. Il faut proposer un projet, une vision, mais sans tomber dans la liste de mesures ou le programme électoral. Il faut expliquer ce qu’on fera, et comment on le fera pour que la charge soit justement repartie. Et il faut être crédible… devant un public qui a entendu depuis des années les politiciens mentir systématiquement et sans vergogne. Ce n’est pas un exercice à la portée de tout le monde.

          Après, on peut utiliser intelligemment le référendum, et notamment ce qu’on peut appeler le “référendum plebiscitaire” (c’est à dire, cacher derrière le vote sur une mesure précise un vote de confiance). Le meilleur exemple est le référendum constitutionnel de 1958. A votre avis, combien d’électeurs avaient lu le texte qui leur était soumis et compris les nuances du rapport entre le premier ministre et le président, les joies du “parlementarisme rationnalisé” ?

          [Je suis en accord avec vous, ce que vous aviez d’ailleurs proposé au moment de Barnier. Mais je ne crois pas qu’il lise votre blog, quoique…]

          Peut-être maintenant, qu’il a pas mal de temps libre… Mais oui, je propose cela parce que je ne vois pas le petit monde politique débloquer la situation. Les partis ne sont plus que des écuries électorales, et chacun est donc obnubilé par les élections à venir. Leur raison d’être, c’est d’avoir des fauteuils. Comment voulez-vous qu’il y ait une vision, un projet dans ces conditions ?

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [Et il faut être crédible… devant un public qui a entendu depuis des années les politiciens mentir systématiquement et sans vergogne. Ce n’est pas un exercice à la portée de tout le monde.]
             
            Je n’identifie personne qui soit capable de réunir les qualités pour un tel discours. Le seul qui s’en approcherait serait peut-être de Villepin, et encore, j’ai des doutes.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Je n’identifie personne qui soit capable de réunir les qualités pour un tel discours. Le seul qui s’en approcherait serait peut-être de Villepin, et encore, j’ai des doutes.]

              Il ne faut pas chercher chez les premiers couteaux: s’ils étaient capables, ils l’auraient déjà fait. Les hommes capables de ce genre d’exploit sont révélés par les crises parmi les seconds couteaux. Un Bardella serait-il capable de le faire ? Peut-être. Un Ruffin ? C’est possible. Qui aurait pensé à lui avant que De Gaulle devienne De Gaulle ?

  2. Sami dit :

    Terrible constat, même si on le lit/déguste avec une certaine “gourmandise” peut-être malsaine (notre gourmandise, pas votre analyse), car l’heure est grave (on rit, je l’avoue, mais très très jaune !).
    Tout est dit, à propos de Bayrou. Mais pourtant, le rôle de Macron dans ce sinistre vaudeville reste flou. Vous expliquez très bien la situation, mais je me dis qu’il a dans sa besace, un truc, ce qu’il pense être un atout final, qu’il va sortir violemment. Je n’oublie pas que juste avant la confrontation surréaliste qui l’a opposé à Bayrou, il revenait de Pologne, et personne ne nous a clairement expliqué ce qu’il faisait à Varsovie alors que la France l’attendait à Paris…
    PS : Rastignac était un homme d’une très haute tenue morale. Il était le seul accompagnateur du Père Goriot déchu et abandonné par tous, dans son ultime  voyage vers sa dernière demeure. Rastignac était ambitieux, mais il n’a jamais, tout le long de la Comédie Humaine, causé le moindre tort à quiconque, ni sacrifié ou trahi qui que ce soit pour assouvir son ambition (il est l’antithèse de Rubempré). Il est de ces Provinciaux que vous avez décrits, qui sont devenus Parisiens, en s’extirpant de la gangue provinciale pour mieux tendre vers l’universel. Un gars bien, Rastignac ; mais dont une malédiction a transformé le nom en synonyme d’ambitieux, arriviste et torve sur les bords. En fait, c’est le nom de Bayrou qu’il faudrait dorénavant utiliser, pour désigner les “rastignacs” ! 😀 

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Terrible constat, même si on le lit/déguste avec une certaine “gourmandise” peut-être malsaine (notre gourmandise, pas votre analyse), car l’heure est grave (on rit, je l’avoue, mais très très jaune !).]

      On se console comme on peut. Si on n’essaye pas d’en rire un peu, on se flingue. Parce que, comme vous le dites, l’heure est grave. En fait, elle est grave depuis longtemps – parce que la dégradation de notre économie, de notre école, de nos institutions ne date pas d’aujourd’hui, mais aujourd’hui on ne peut plus mettre la tête sous le sable. Ca craque de partout…

      [Tout est dit, à propos de Bayrou. Mais pourtant, le rôle de Macron dans ce sinistre vaudeville reste flou. Vous expliquez très bien la situation, mais je me dis qu’il a dans sa besace, un truc, ce qu’il pense être un atout final, qu’il va sortir violemment. Je n’oublie pas que juste avant la confrontation surréaliste qui l’a opposé à Bayrou, il revenait de Pologne, et personne ne nous a clairement expliqué ce qu’il faisait à Varsovie alors que la France l’attendait à Paris…]

      Vous pensez au voyage à Baden de mongénéral ? Vous serez, je pense, déçu. Je ne pense pas un instant qu’il ait quelque « atout caché », et encore moins qu’il soit allé à Varsovie le chercher. Je pense qu’il est maintenant tricard en France, et qu’il essaye donc d’exister sur la scène internationale. C’est pourquoi il se promène partout : Argentine, Brésil, Pologne… sans compter son « coup » d’inviter Trump pour l’inauguration de Notre Dame. En fait, il ne lui reste dans la manche que très peu de cartes : à part refuser de nommer la nomination des ministres et autres hautes fonctions civiles et militaires de l’Etat, il ne lui reste que la démission…

      [PS : Rastignac était un homme d’une très haute tenue morale. Il était le seul accompagnateur du Père Goriot déchu et abandonné par tous, dans son ultime voyage vers sa dernière demeure. Rastignac était ambitieux, mais il n’a jamais, tout le long de la Comédie Humaine, causé le moindre tort à quiconque, ni sacrifié ou trahi qui que ce soit pour assouvir son ambition (il est l’antithèse de Rubempré). Il est de ces Provinciaux que vous avez décrits, qui sont devenus Parisiens, en s’extirpant de la gangue provinciale pour mieux tendre vers l’universel. Un gars bien, Rastignac ; mais dont une malédiction a transformé le nom en synonyme d’ambitieux, arriviste et torve sur les bords. En fait, c’est le nom de Bayrou qu’il faudrait dorénavant utiliser, pour désigner les “rastignacs” ! 😀]

      Vous avez un peu raison… même si le personnage de Balzac est moins moral que vous ne le dites (je pense notamment à ses exploits dans « les illusions perdues »).

  3. Bob dit :

    @ Descartes
     
     
    Une première remarque rapide, qui sera une citation de Bayrou lui-même, tant elle résume la force des convictions de ce dernier :
    “”Au lieu d’avoir des fauteuils rouges lorsqu’il y a des discussions, on aura des rangs de députés, puisqu’on va leur interdire le cumul des mandats, qui est une exception ridicule dans la démocratie française.”François Bayrou, candidat à l’élection présidentielle de 2012
     
    Cela se passe de commentaires.

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [Une première remarque rapide, qui sera une citation de Bayrou lui-même, tant elle résume la force des convictions de ce dernier : « Au lieu d’avoir des fauteuils rouges lorsqu’il y a des discussions, on aura des rangs de députés, puisqu’on va leur interdire le cumul des mandats, qui est une exception ridicule dans la démocratie française. » François Bayrou, candidat à l’élection présidentielle de 2012]

      Comme disait Edgar Faure – qui était un expert en la matière – ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent.

  4. Cording1 dit :

    Si Bayrou a contribué au retrait de Delors en 1995 – ce dont je me réjouis ne souhaitant nullement l’élection dudit Delors le créateur de l’Europe néolibérale par son double mandat de Commissaire européen- à l’échec de Ségolène Royal en 2007 qui a eu de bonnes intuitions mais son caractère instable et autoritaire y a contribué face à un Sarkozy avec un projet plus clair et net, il a contribué en 2017 au succès de Macron par son ralliement. Sept ans après il en est la roue de secours -bancale, défectueuse- du macronisme. Ce dernier est l’expression du consensus inavoué de la droite et de la gauche, UE oblige.
    Les partis de gauche par le NFP sous la férule de JLM ont préféré sauver la mise de Macron et des siens qui eussent été laminés. Ils n’ont pas voulu prendre le risque du RN au pouvoir alors que sous surveillance du président sa tâche aurait été compliquée, se serait discrédité pour 2027 par son exercice du pouvoir.  Maintenant la gauche est coincée parce que rien ne peut obliger le président même désavoué deux fois à démissionner. Nous sommes condamnés à subir les effets de la présence de Macron à la Primature.
    Comme vous le dites c’est le fond qui compte vraiment et là il n’y a personne pour une autre politique que celle du cercle de la raison. Le programme du NFP se heurterait rapidement aux conséquences obligatoires des engagements européens de la France. Là il n’y a aussi personne pour envisager autre chose, programme sérieux pour sortir des politiques économiques et sociales imposées par l’UE depuis au moins 30 ans. Pourtant des économistes hétérodoxes tels Jacques Sapir, David Cayla, et Frédéric Farah indiquent chacun  à leur façon un programme économique de rupture avec l’UE ce qui fait peur aux électeurs quand il est fermement exprimé comme les cabris du “Frexit, Frexit, Frexit”. Ces économistes n’ont guère de relais politique conséquents.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Les partis de gauche par le NFP sous la férule de JLM ont préféré sauver la mise de Macron et des siens qui eussent été laminés. Ils n’ont pas voulu prendre le risque du RN au pouvoir alors que sous surveillance du président sa tâche aurait été compliquée, se serait discrédité pour 2027 par son exercice du pouvoir. Maintenant la gauche est coincée parce que rien ne peut obliger le président même désavoué deux fois à démissionner. Nous sommes condamnés à subir les effets de la présence de Macron à la Primature.]

      Il ne faut tout de même pas trop exagérer « les effets de la présence de Macron à la primature ». Si la gauche était capable de regrouper autour d’elle une majorité, Macron n’aurait pas le choix. Le peu de pouvoir que Macron conserve tient à l’incapacité de ceux qui veulent une rupture avec le macronisme à s’entendre sur une plate-forme minimale pour gérer le pays. Peut-être parce que, au fond d’eux-mêmes, ils n’ont pas tant envie que ça de rompre avec le macronisme…

      [Comme vous le dites c’est le fond qui compte vraiment et là il n’y a personne pour une autre politique que celle du cercle de la raison. Le programme du NFP se heurterait rapidement aux conséquences obligatoires des engagements européens de la France. Là il n’y a aussi personne pour envisager autre chose, programme sérieux pour sortir des politiques économiques et sociales imposées par l’UE depuis au moins 30 ans.]

      C’est bien le problème. La réflexion de la gauche est organisée en « mesures », souvent calibrées pour faire plaisir à telle ou telle section de l’opinion, mais sans une réflexion globale sur la manière dont ces mesures s’inscrivent dans le fonctionnement de la société. Il ne s’agit pas d’une simple question d’équilibre financier, mais des effets qu’une mesure peut avoir sur le fonctionnement global de la société, et notamment sur le point fondamental qui est celui de la production.

      [Pourtant des économistes hétérodoxes tels Jacques Sapir, David Cayla, et Frédéric Farah indiquent chacun à leur façon un programme économique de rupture avec l’UE ce qui fait peur aux électeurs quand il est fermement exprimé comme les cabris du “Frexit, Frexit, Frexit”. Ces économistes n’ont guère de relais politique conséquents.]

      Ce n’est pas mieux à droite, où les Cotta et les Guaino prêchent eux aussi dans le désert.

  5. Glarrious dit :

    [Et cela nous dit deux choses : la première, que notre nouvel Henri IV ne se projette pas dans la durée. Matignon, ça durera peut-être quelques semaines, alors qu’une mairie, c’est potentiellement pour la vie, et ça se décide dans seize mois.]
     
    Je n’ai pas saisi le rapport avec Henri IV vous pouvez expliquer ?
     
    [On a beaucoup raillé – à tort et à raison – le soi-disant parisianisme de nos élites. Et par certains côtés, les reproches qu’on adresse à ce parisianisme sont justifiés. Mais à tout prendre, je préfère le parisianisme des élites au provincialisme des « barons » claniques.]
     
    Même si il y a M. Attal chez les parisiens. Vous maintenez vos propos par exemple comme reproches on peut émettre leurs arrogances ?

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [« Et cela nous dit deux choses : la première, que notre nouvel Henri IV ne se projette pas dans la durée. Matignon, ça durera peut-être quelques semaines, alors qu’une mairie, c’est potentiellement pour la vie, et ça se décide dans seize mois. » Je n’ai pas saisi le rapport avec Henri IV vous pouvez expliquer ?]

      Bayrou, cela ne vous aura pas échappé, est Béarnais. Difficile de l’ignorer, puisqu’il porte son identité régionale en bandoulière. Dans ses interventions récentes, Bayrou a plusieurs fois invoqué les mânes d’un autre Béarnais, un certain Henri IV, le monarque pacificateur après les affrontements des guerres de religion. Bayrou s’imagine signant un nouvel « édit de Nantes » qui pacifierait notre monde politique.

      [Même si il y a M. Attal chez les parisiens. Vous maintenez vos propos par exemple comme reproches on peut émettre leurs arrogances ?]

      Aussi détestable que soit Gabriel Attal, je peux vous trouver sans difficulté des exemples d’arrogance dans nos provinces qui n’ont rien à envier à la sienne. Pour n’en donner qu’un, la modestie de Bayrou ne saute pas aux yeux. Si vous passez par Rennes, visitez le « musée de Bretagne ». Vous y apprendrez que tout ce qui vaut dans ce bas monde a été inventé par les Bretons. Remarquez, si vous allez en Corse vous saurez que tout ce qui vaut dans ce bas monde a été inventé par les Corses… alors, « l’arrogance des parisiens », ça va un moment. Ce qui énerve souvent les provinciaux, ce n’est pas tant que les parisiens soient “arrogant”, mais qu’ils aient de quoi l’être. Souvenez-vous de la délicieuse réplique dans “Marius et Jeanette”: (je cite de mémoire le sens de la phrase) “On y arrive bien à Paris, pourquoi nous n’y arrivons pas” ?

      • Glarrious dit :

        [Bayrou s’imagine signant un nouvel « édit de Nantes » qui pacifierait notre monde politique.]
         
        Ah d’accord, je pensais plus à sa fin – son assassinat- par les temps qui cours par exemple les tentatives contre Trump, le président tchèque, ou de l’Equateur avec Evo Morales ou celui de l’ancien PM japonais Shinzo Abe.
         
        [Souvenez-vous de la délicieuse réplique dans “Marius et Jeannette”: (je cite de mémoire le sens de la phrase) “On y arrive bien à Paris, pourquoi nous n’y arrivons pas” ?]
         
        Ne pensez-vous pas que ce parisianisme est mort vers les années 80 ? De nos jours “nous n’y arrivons pas” sans avoir des contacts à la capitale, de réseaux.

        • Descartes dit :

          @ Glarrious

          [« Bayrou s’imagine signant un nouvel « édit de Nantes » qui pacifierait notre monde politique. » Ah d’accord, je pensais plus à sa fin – son assassinat- par les temps qui cours par exemple les tentatives contre Trump, le président tchèque, ou de l’Equateur avec Evo Morales ou celui de l’ancien PM japonais Shinzo Abe.]

          Oui, Morales c’est la Bolivie, pas l’Equateur. Mais pour revenir à Bayrou, je n’imagine pas quelqu’un cherchant à le tuer. A l’entarter, à la rigueur… mais le tuer ? Ce serait lui faire trop d’honneur d’imaginer que la mort de Bayrou pourrait changer quoi que ce soit.

          [Ne pensez-vous pas que ce parisianisme est mort vers les années 80 ?]

          En partie, oui. C’est l’un des aspects les plus désastreux de la décentralisation. Avant, la capitale drainait vers elle une bonne partie des forces vives du pays. Les gens les plus talentueux, les plus doués nés dans les provinces « montaient » à Paris pour parfaire leur éducation et travailler. Cela permettait d’assembler dans la capitale une « masse critique » intellectuelle. Des gens qui se voyaient tous les jours, qui travaillaient ensemble, dont les discussions fécondaient les travaux. Tous les villages de France ne peuvent avoir une Ecole Polytechnique, et une Ecole Polytechnique n’est rien si ses professeurs ne peuvent échanger avec ceux de l’Ecole Normale, de l’Ecole Centrale, du Muséum d’Histoire Naturelle, du Collège de France. Maintenant, si vous mettez l’Ecole Polytechnique à Grenoble, l’Ecole Centrale à Nantes, le Muséum à Bordeaux et le Collège à Lille, vous faites plaisir aux maires respectifs mais vous perdez cette « masse critique ». Chacun travaillera dans son coin, et le niveau des travaux s’en ressentira. Et c’est vrai dans tous les domaines : l’art moderne ne serait pas ce qu’il est si le jeune Picasso avait habité à Nice, Max Ernst à Brest, André Breton à Toulouse. On a d’ailleurs pris conscience de ce gâchis – trop tard, comme d’habitude – avec le projet de concentration des différentes institutions scientifiques à Saclay…

          Et ce n’est pas propre à la France. Il n’y aurait probablement pas eu le même développement des nouvelles technologies aux Etats-Unis sans une « masse critique » comme celle de la Silicon Valley, qui draine là aussi les meilleurs spécialistes sur l’ensemble du pays. Le parisianisme d’avant 1980, n’en déplaise à certains, c’était la « silicon valley » avant l’heure.

          [De nos jours “nous n’y arrivons pas” sans avoir des contacts à la capitale, de réseaux.]

          Foutaises. Si les écoles marseillaises tombent en ruine, ce n’est pas parce que les élus marseillais n’ont pas « des contacts à la capitale, des réseaux ». C’est parce qu’ils s’en foutent. Quand il s’est agi de sauver l’OM qui était dans le rouge ou de retaper son stade avec des fonds publics, ils n’ont eu aucun problème à trouver. Si la Corse plonge dans le clientélisme et la violence, ce n’est pas parce que les élus corses n’auraient pas « des contacts à la capitale est des réseaux ». La charge contre les « parisiens », cela fait partie du victimisme ambiant, une manière élégante de reporter toutes ses fautes sur « l’autre ». C’est très à la mode.

          Et le virus affecte même les gens intelligents : pour ne donner qu’un exemple, je suis en train de lire le livre – par ailleurs fort intéressant de Tatiana Ventôse « il est venu le temps des producteurs » (qui m’a été offert par l’un des lecteurs de ce blog, qu’il en soit remercié), qui contient un chapitre à charge sur la « colonisation des provinces par Paris ». A mon sens, l’auteur fait une énorme erreur. Nous avons besoin d’un pôle qui concentre les forces vives de la nation si nous voulons que la France tienne un rang de puissance dans le monde. A partir de là, une dissymétrie entre ce pôle et le reste du pays est inévitable. Qu’il faille distribuer la richesse plus justement entre les différents territoires, en transférant une partie de la richesse que ce pôle central amène, à travers d’une politique intelligente d’aménagement du territoire, je suis d’accord. Mais Paris doit rester un pôle d’attraction.

  6. maleyss dit :

    Quelques questions et remarques :
    – [moins d’allocations ou de subventions ] Voulez-vous dire la fin de “l’état-guichet” tel que décrit par Jérôme Fourquet ? Cela risque d’être douloureux, quoique salutaire.
    – [priorité donnée aux intérêts du producteur sur ceux du consommateur.]
    Pouvez-vous développer ?
    Par ailleurs, vous me rappellerez peut-être l’auteur de la maxime : “Les révolutions se produisent quand l’Etat ne peut plus et que le peuple ne veut plus”. Il semble que nous en soyons là, mais je vois mal une révolution à brève échéance. Qu’en pensez-vous ?

    • Descartes dit :

      @ maleys

      [– [moins d’allocations ou de subventions ] Voulez-vous dire la fin de “l’état-guichet” tel que décrit par Jérôme Fourquet ?]

      A moitié seulement. Si ma mémoire ne me trompe pas, Fourquet parle surtout des guichets « sociaux ». Il n’aborde pas les nombreux guichets d’aides au patronat.

      [Cela risque d’être douloureux, quoique salutaire.]

      Cela risque d’être certes douloureux. Mais je pense que nos compatriotes sont prêts à l’accepter à deux conditions : que le sacrifice soit justement distribué, et qu’il soit demandé au nom d’un projet, d’une vision partagée. Il est clair que si le sacrifice ne touche que les budgets sociaux, et que l’objectif est de « satisfaire le 3% de Maastricht », cela ne marchera pas.

      [« – [priorité donnée aux intérêts du producteur sur ceux du consommateur. » Pouvez-vous développer ?]

      Depuis quarante ans, la finalité de la politique économique européenne est de privilégier les intérêts du consommateur sur ceux du producteur. Pour ne donner qu’un exemple, toute la politique de concurrence a été fondée sur la croyance que la concurrence « libre et non faussée » permet de réduire le prix payé par le consommateur et mieux ajuster le service rendu aux demandes de ce dernier. Le fait que la concurrence « pure et parfaite » fait tendre les prix vers le coût marginal a été purement et simplement ignoré, et ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme ont été qualifiés d’indécrottables nationalistes. Pourtant, lorsque le prix est proche du coût marginal, vous n’avez aucun intérêt à réaliser de nouveaux investissements. Et c’est comme ça que notre industrie a vieilli jusqu’à mourir… pendant que nos consommateurs trouvaient leurs étals pleins de produits de moins en moins chers, mais venus d’ailleurs.

      Pour maintenir une activité industrielle, qui se distingue par le fait que le coût complet et le coût marginal sont très différents, il faut des marchés imparfaits. Et c’est à la politique économique de faire en sorte que ces imperfections soient suffisantes pour rendre l’activité productive intéressante pour le capital, tout en empêchant les abus. Un monopole bien régulé fonctionne souvent beaucoup mieux qu’un système concurrentiel – le cas de l’électricité en France fournit un excellent exemple. Dans un marché « pur et parfait » seules survivent les activités pour lesquelles le coût marginal est proche du coût complet, i.e. les activités de service.

      [Par ailleurs, vous me rappellerez peut-être l’auteur de la maxime : “Les révolutions se produisent quand l’Etat ne peut plus et que le peuple ne veut plus”. Il semble que nous en soyons là, mais je vois mal une révolution à brève échéance. Qu’en pensez-vous ?]

      Je ne suis pas convaincu par cette maxime. Les véritables révolutions, celles qui changent le mode de production, arrivent lorsqu’un mode de production est devenu un obstacle à l’expansion des forces productives. Mais je pense que vous parlez plutôt des révolutions qu’on pourrait qualifier de « politiques », c’est-à-dire, celles qui modifient la répartition des pouvoirs et des richesses sans forcément remettre en cause radicalement le mode de production. Et dans ce cas, effectivement, l’impuissance de l’Etat et l’affaiblissement du consensus démocratique – qui, en France, sont intimement liés – sont des éléments à prendre en compte.

      Par certains côtés, je pense qu’une révolution de ce dernier type n’est pas très loin. Du moins si l’on mesure les choses à l’aune de la « fatigue démocratique » de la population. Dans un climat international qui se dégrade de tout point de vue, et alors que nous sommes devenus massivement dépendants des marchés internationaux, le système ne semble plus avoir les ressorts politiques et sociaux pour réagir à une crise. Je ne parle pas d’un évènement comme celui de Mayotte ou l’épidémie de COVID : nous avons encore des ressources humaines et matérielles pour traiter une situation critique de ce type bien mieux que beaucoup d’autres pays. Mais même celles-ci tendent à disparaître. Il ne faudrait pas oublier que pendant le COVID la structure a tenu en grande partie grâce à la structure préfectorale. Depuis lors, le corps préfectoral a été supprimé. Demain, lorsqu’une crise de ce type surviendra, à qui fera-t-on appel ? A McKinsey ?

      Il y a quarante ans, on pouvait encore sortir deux cents mille personnes à Paris pour défendre la sidérurgie. Aujourd’hui, cela paraît impossible. L’individualisme, la désespérance, la résignation – alimentée par le discours ambiant mais aussi par la longue succession de batailles perdues – fait que des choses qui hier auraient alimenté une poussée révolutionnaire sont accueillies avec l’indifférence des vaches qui regardent passer le train. Bien sûr, on a de temps en temps une convulsion dans les ronds-points, une émeute dans les cités, mais ce sont là des mouvements expressifs, qui n’ont pas et ne peuvent avoir une traduction politique, parce qu’il n’y a pas d’institution proposant une idéologie qui pourrait leur donner une forme. Alors une révolution ? Qui la propose ?

  7. Manchego dit :

    @ Descartes
    ***Jupiter est tombé si bas s’il doit se soumettre au chantage d’un « minable » – le mot est de Daniel Cohn-Bendit***
    Je me souviens de ce débat télévisé très savoureux, Bayrou avait reproché à Cohn-Bendit d’avoir “joué à touche-pipi” avec des enfants, lorsqu’il était éducateur à Francfort. Cohn-Bendit avait rapidement pris l’ascendant en traitant Bayrou de Minable, ce dernier s’était écrasé mollement…
    ***Bayrou, c’est l’éternel donneur de leçons qui fait penser à la formule de Cocteau : « les critiques, c’est comme les eunuques : ils savent, ils ne peuvent pas ». Et c’est cet homme-là censé déterminer et conduire la politique de la nation aujourd’hui. On est mal partis…***
    L’homme a quand même un mérite, il a vaincu son bégaiement à la force du poignet pour se hisser au sommet de l’état, mais il est vrai qu’il n’a jamais fait d’étincelles (comme en témoigne son passage comme commissaire au plan où personne n’est capable de dire ce qu’il a fait…).
    ***On pouvait imaginer qu’après l’échec de Michel Barnier, le président accepterait finalement la réalité. Ce qui aurait supposé de confier la conduite du gouvernement à une personnalité capable, sans se renier, d’incarner une forme de rupture, ou tout au moins de changement.***
    Je crois que Macron est trop immature pour accepter la réalité, et puis il ne peut pas trahir tout ceux qui l’ont sponsorisé pour accentuer la politique de l’offre initiée par Hollande. Cette politique de l’offre, le MEDEF et l’oligarchie en sont friands mais s’est un fiasco. On a pris 1300 milliards de déficit supplémentaire, on a pas vu de ruissellement mais une capillarité, tous les services publics ont continué à dévisser… Et puis trouver une personnalité capable de changement en restant dans le cadre du Macronisme relève de la quadrature du cercle, car de part et d’autre du bloc centriste il y a des antagonismes irréconciliables.
    Le scénario qui me semble le plus probable c’est une nouvelle censure du futur gouvernement Bayrou, car le RN et LFI sont pressés d’en découdre suite à une présidentielle anticipée et ils feront tout pour que Macron jette l’éponge. Moi je n’ai jamais voté à droite et encore moins à l’extrême droite, je suis communiste, mais sur une deuxième tour Le Pen – Mélenchon je voterai Le Pen sans hésiter car dans le bloc LFI- Ecolos il y a des fanatiques woke qui peuvent faire beaucoup de dégâts s’ils prennent les manettes. 
     

    • Descartes dit :

      @ Manchego

      [Je me souviens de ce débat télévisé très savoureux, Bayrou avait reproché à Cohn-Bendit d’avoir “joué à touche-pipi” avec des enfants, lorsqu’il était éducateur à Francfort. Cohn-Bendit avait rapidement pris l’ascendant en traitant Bayrou de Minable, ce dernier s’était écrasé mollement…]

      Je suis d’ailleurs très étonné que ce débat, dont la bobine doit dormir dans les archives de l’INA, ne soit pas sorti dans les médias. L’indépendance des journalistes, probablement…

      [Je crois que Macron est trop immature pour accepter la réalité,(…)]

      Il y a probablement de ça. Macron a vécu toute sa vie dans du coton. Son expérience professionnelle s’est déroulé dans des milieux où l’on manipule des chiffres et où l’on gagne ou l’on perd sur tapis vert. Je pense qu’il a du mal à comprendre qu’en politique les victoires qu’on emporte en jouant sur les ressorts de la procédure sont souvent des victoires à la Pyrrhus, dont les conséquences sont souvent plus coûteuses que la défaite. Le cas de la réforme des retraites est de ce point de vue un cas d’école. Macron a réussi à la passer à la force du poignet et en exploitant toutes les ressources de la procédure parlementaire. Pour lui, c’était une victoire. Mais ce faisant, il a fabriqué un « totem » qui maintenant empêche toute véritable négociation pour sortir de l’impasse parlementaire, puisque ses opposants ne peuvent transiger sur son abandon. Mitterrand, en 1983, avait la majorité parlementaire qui lui aurait permis de faire voter la loi Savary. Mais il avait compris que cette victoire allait provoquer une cassure irréparable dans l’opinion qu’il serait ensuite très difficile de gérer. Ce n’est pas parce qu’on peut faire quelque chose que c’est une bonne idée de le faire.

      [(…) et puis il ne peut pas trahir tous ceux qui l’ont sponsorisé pour accentuer la politique de l’offre initiée par Hollande.]

      Vous avez tout à fait raison de le rappeler. La question de l’abandon ou non de la politique de l’offre n’est pas seulement une question d’idéologie ou d’opinion. Il y a derrière de gros intérêts, parce que cette politique remplit les poches de pas mal de gens… et vide aussi celles de pas mal de monde.

      [Cette politique de l’offre, le MEDEF et l’oligarchie en sont friands mais c’est un fiasco. On a pris 1300 milliards de déficit supplémentaire, on n’a pas vu de ruissellement mais une capillarité, tous les services publics ont continué à dévisser…]

      Oui, tout à fait. La « politique de l’offre » consiste schématiquement à remplir les poches des patrons avec de l’argent qu’on emprunte en échange de la création d’emplois au rabais.

      [Le scénario qui me semble le plus probable c’est une nouvelle censure du futur gouvernement Bayrou, car le RN et LFI sont pressés d’en découdre suite à une présidentielle anticipée et ils feront tout pour que Macron jette l’éponge.]

      Au point où nous en sommes, je me demande si Bayrou arrivera à former un gouvernement. Son objectif semble être de nommer un gouvernement de « fortes personnalités », capables d’aller chercher par leur charisme les votes à l’Assemblée. Seulement les « fortes personnalités » ne semblent pas se presser au portillon pour le rejoindre. Si François Rebsamen, l’éternel recalé au ministère de l’intérieur, est le mieux qu’il peut trouver, je doute que ça fasse le poids.

      [Moi je n’ai jamais voté à droite et encore moins à l’extrême droite, je suis communiste, mais sur une deuxième tour Le Pen – Mélenchon je voterai Le Pen sans hésiter car dans le bloc LFI- Ecolos il y a des fanatiques woke qui peuvent faire beaucoup de dégâts s’ils prennent les manettes.]

      J’aurais du mal à vous contredire… je sors d’un stage obligatoire de formation « à la lutte contre les discriminations sur l’aspect physique », ça donne envie de voter Trump.

  8. cdg dit :

    Tout d abord une petite remarque sur agrégé/eleveur de chevaux. Le premier est le resultat d un concours, le second une profession. Bayrou aurait pu se presenter comme professeur (mais je crois qu il n a quasiment jamais enseigné). Je pense qu il se presentait comme eleveur surtout pour eviter de faire “intello”. Vous remarquerez qu aucun de nos politiciens ne met en avant les concours qu ils ont reussit (et pourtant l ENA ou polytechnique sont des concours tres selectifs, ils doivent etre fier de les avoir reussi)
    Sur le fond, je vois pas tres bien qui Macron pourrait nommer. S il nomme le parti qui a fait le meilleur score (RN), un gouvernement RN tombera des qu il agira sur une alliance (NFP/Macron). De meme un gouvernement NFP tombera par une coalition (RN/Macron). On est donc parti pour etre sans gouvernement jusqu en juin (nouvelle dissolution)
    Personnellement j aurai souhaité que Macron nomme Castet ou mieux Melanchon car comme disait un de mes anciens professeurs, afin de remonter il faut toucher le fond. Et on touchera plus rapidement le fond avec un gouvernement LFI (sauf si Melanchon fait comme son modele Mitterrand et se renie au bout d un an)
    Et qui sait, apres un echec de l etatisme RN ou NFP on aurait un Milei pour remettre les choses en place

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Tout d’abord une petite remarque sur agrégé/éleveur de chevaux. Le premier est le résultat d’un concours, le second une profession. Bayrou aurait pu se présenter comme professeur (mais je crois qu’il n’a quasiment jamais enseigné). Je pense qu’il se présentait comme éleveur surtout pour éviter de faire “intello”. Vous remarquerez qu’aucun de nos politiciens ne met en avant les concours qu’ils ont réussi (et pourtant l’ENA ou polytechnique sont des concours très sélectifs, ils doivent être fier de les avoir réussi)]

      Ce n’est pas « ils doivent être fiers », c’est « ils devraient pouvoir être fiers », et j’ajouterais même « nous devrions être fiers » d’avoir des dirigeant qui les ont réussis. Le fait que nos hommes publics « évitent de faire intello » – et ce n’est pas limité aux hommes politiques, on trouve de plus en plus de célébrités qui jouent la corde populiste – est en soi une évolution intéressante. C’est en fait la revanche des cancres : être passé par Polytechnique ou l’ENA est, si l’on croit cette idéologie, une tare. Alors qu’avoir été exclu du lycée est un badge d’honneur qui prouve qu’on est « proche du peuple ».

      Et bien, je peux vous dire que ce n’est pas chez le véritable « peuple » que ce discours est le plus virulent. Bien entendu, on est sensible partout à l’idéologie dominante. Mais ce n’est pas dans les cités populaires qu’on entend les reproches les plus amères. C’est chez le fils des classes intermédiaires, c’est-à-dire, chez ceux qui étaient socialement bien placés pour rentrer à Polytechnique ou à l’ENA s’ils avaient eu les capacités et bossé à l’école. Et c’est tout à fait logique : pour l’enfant des classes intermédiaires qui a fait des études universitaires médiocres, l’énarque et le polytechnicien sont de redoutables concurrents. Pour le fils d’ouvrier qui a fait son BTS plomberie, non. Le premier attend de l’énarque et du polytechnicien qu’ils lui laissent les bonnes places, le second a d’autres préoccupations.

      La dévalorisation des concours – et par ricochet des gens qui en sont issus – n’est pas le fruit du hasard. C’est la conséquence logique de la prise du pouvoir par les classes intermédiaires, c’est-à-dire, par des classes dont la position sociale repose sur le capital immatériel. Ces classes ne peuvent garantir leur reproduction qu’en empêchant les autres d’accéder à ce capital.

      [Sur le fond, je ne vois pas très bien qui Macron pourrait nommer. S’il nomme le parti qui a fait le meilleur score (RN), un gouvernement RN tombera dès qu’il agira sur une alliance (NFP/Macron). De même un gouvernement NFP tombera par une coalition (RN/Macron). On est donc parti pour être sans gouvernement jusqu’en juin (nouvelle dissolution)]

      Je ne vois pas une nouvelle dissolution produire un résultat très différent de la précédente. Mais je note que votre calcul est purement parlementaire. Vous ne concevez pas dans voter raisonnement l’intervention populaire. Or, je pense qu’elle est vitale. Seule une personnalité capable aujourd’hui de s’adresser au peuple par-dessus les politiques pourrait casser le blocage que vous évoquez.

      [Personnellement j’aurais souhaité que Macron nomme Castet ou mieux Mélenchon car comme disait un de mes anciens professeurs, afin de remonter il faut toucher le fond. Et on touchera plus rapidement le fond avec un gouvernement LFI (sauf si Mélenchon fait comme son modèle Mitterrand et se renie au bout d’un an)]

      Vous savez, on peut faire beaucoup de dégâts en un an… et même en six mois. Mais ce n’est pas la peine de faire des plans sur la comète. Castets n’a été désignée que parce que Mélenchon savait que Macron ne la nommerait pas – il n’aurait jamais donné son accord s’il avait pensé un instant que le président pourrait la nommer. Réfléchissez : Castets premier ministre, c’est faire apparaître sur la scène une personnalité qui pourrait demain faire un bon candidat à l’élection présidentielle…

      Nommer Mélenchon ? C’aurait été une absurdité : Mélenchon n’est pas le candidat désigné par le NFP, et il aurait donc eu le prétexte idéal pour refuser le poste en humiliant le président au passage. Parce que ne vous imaginez pas un instant que Mélenchon vise Matignon. Il sait parfaitement qu’entrer à Matignon maintenant, c’est entrer en position de faiblesse dans une position où il lui faudrait justifier ses actions devant les Français, et donc compromettre ses chances de candidature présidentielle. Non, la stratégie de Mélenchon est celle de la bordélisation, et cela nécessite d’être en dehors des institutions.

      [Et qui sait, après un échec de l’étatisme RN ou NFP on aurait un Milei pour remettre les choses en place]

      Parce que vous pensez que Milei a « remis les choses en place » ? Je trouve cette remarque assez révélatrice de la façon dont vous voyez le monde. Regardons le bilan de Milei. Pour le moment, qu’à-t-il réussi à faire ? L’économie de son pays est en situation critique, avec une croissance négative sur les deux derniers trimestres, des indices de pauvreté qui explosent, une consommation qui a baissé de 20% sur les produits essentiels, et une cohorte massive de faillites. L’investissement privé et public sont proches de zéro. Le déficit fiscal a été massivement réduit, il est vrai, mais cette réduction est artificielle, puisqu’elle est acquise en refusant de payer ses fournisseurs. Le SEUL résultat positif est la baisse de l’inflation. Vous me direz qu’il n’a gouverné qu’un an, qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Admettons. Mais dans ce cas, ne trouvez-vous pas que c’est un peu trop tôt pour le créditer d’avoir « remis les choses en place » et de souhaiter une expérience similaire en France ?

      Ce qui m’amuse dans votre remarque, c’est la manière dont vous préférez l’idéologie aux réalités. Vous ne jugez pas Milei à ses résultats, mais à ses ides. Dès lors qu’il rejette « l’étatisme », il a « remis les choses en place ». Et peu importe si son rejet de « l’étatisme » coupe fondamentalement l’investissement en infrastructures on en éducation, coupes qui risquent d’être néfastes pour l’économie dans les années qui viennent.

      Le Milei argentin a par ailleurs des marges de manœuvre qu’un Milei français n’aurait pas. Prenez la fonction publique. La fonction publique d’Etat argentine est presque aussi nombreuse que la fonction publique française, pour un pays fédéral, et qui a moitié moins d’habitants. Pourquoi cette inflation ? Parce qu’elle est pleine d’emplois fictifs ou d’incompétents recrutés par patronage politique. On peut donc parfaitement la dégraisser sans que les argentins voient une différence dans le niveau des services publics. Même chose pour les travaux publics : il est vox populi que la plus grande partie de ces travaux sert en fait à financer des mécanismes de corruption, que la plupart de ces travaux est payée mais jamais réalisée (l’ancienne présidente Cristina Kirchner vient d’être condamnée pour ce genre de manœuvres, et son ancien ministre de la planification dort depuis quelques années en prison pour avoir acheté des trains hors d’usage en les faisant passer pour matériel roulant neuf, et ce ne sont là que quelques exemples). Alors, réduire massivement les travaux ne provoque chez les argentins que des protestations bien modérées.

      Un Milei français n’aurait pas ces marges de manœuvre. Aujourd’hui, l’Etat n’a pas beaucoup de gras. Bien sûr, on pourrait supprimer tel service de communication, dont la seule utilité est de sonner la trompette du ministre, tel « haut fonctionnaire à la diversité » qui a sous ses ordres une dizaine de cadres pour diffuser la bonne parole wokiste. Mais c’est à peu près tout : pour faire des économies, il faut tailler dans le vif : réduire les subventions aux patrons ou les allocations aux plus modestes, couper dans les effectifs de la police ou de l’enseignement. Et je doute que les Français acceptent cela.

  9. cdg dit :

    Si on voit plus loin que le cas Bayrou, je crains que nos concitoyens aient une vision biaisee de la situation.
    J avais lu une interview d un dirigeant indien (j ai oublie qui et son poste) il disait une chose assez sensée : “pourquoi un indien qualifié devrait avoir un niveau de vie inferieur a un occidental non qualifié ?”
    La seconde chose est liés aux evaluation (PISA ou TIMMS). Pour les evaluations en mathematique on est avant dernier (comme quoi BLM est pas une exception ;-)).
    Assez peu de reaction et surtout aucune action pour corriger cet etat de fait.
    Le peu de reaction etaient pour signaler l impact du milieu social ou la difference entre garcon et fille. Personne n a signalé que les meilleurs francais etaient au niveau des … moyens en coree
    Il y a des compagnies low-cost  (ex ryanair) nous sommes en train de devenir un pays low skill : main d oeuvre peu competante et cout prohibitif pour employer des gens qualifés (les salaires aux smic sont peu taxés et pour compenser on taxe a fond les CSP+ pour financer un modele social a bout de souffle)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Si on voit plus loin que le cas Bayrou, je crains que nos concitoyens aient une vision biaisee de la situation. J’avais lu une interview d’un dirigeant indien (j’ai oublié qui et son poste) il disait une chose assez sensée : “pourquoi un indien qualifié devrait avoir un niveau de vie inferieur a un occidental non qualifié ?”]

      Seule la religion peut répondre à la question du « pourquoi ». L’analyse économique, politique, historique permet tout au plus de répondre à la question du « comment ». Comment sommes-nous arrivés au fait qu’un indien qualifié a un niveau de vie inférieur à celui d’un occidental non qualifié ? Eh bien, in fine cela revient à une question de productivité et d’usage des ressources. Et pas seulement de productivité individuelle, mais aussi de productivité sociale.

      J’ai toujours été impressionné par un exemple qu’avait donné l’un de mes professeurs d’économie. En 1945, l’Argentine est l’un des pays les plus riches du monde, au point que son président déclare qu’on ne peut circuler dans les coffres de la Banque centrale, tant les réserves d’or se sont accumulées. Epargnée par la guerre, le pays avait bénéficié des besoins énormes des alliés en produits agricoles. A l’inverse, en 1945, l’Allemagne est un pays a terre, ses villes rasées, ses usines et ses infrastructures détruites, plusieurs millions de jeunes hommes tués au front ou dans les camps. En moins d’une génération, l’Allemagne est redevenue une puissance économique, alors que l’Argentine est restée un pays du tiers monde. Pourquoi ? Parce que l’Allemagne détient un capital social, des traditions d’ordre, de travail, d’obéissance aux règles que l’Argentine n’avait pas. En Allemagne, l’argent du Plan Marshall est allé à la reconstruction, en Argentine l’argent est allé au clientélisme et à a corruption. L’indien même qualifié, fonctionne dans une société dont la productivité est faible. Les traditions, l’organisation sociale font que des ressources considérables sont gâchées. Ce sont ces ressources qui manquent à l’heure de fixer son niveau de vie…

      [La seconde chose est liée aux évaluations (PISA ou TIMMS). Pour les évaluations en mathématiques on est avant dernier (comme quoi BLM est pas une exception ;-)). Assez peu de réactions et surtout aucune action pour corriger cet état de fait.]

      Plus haut, vous parlez de « nos concitoyens », qui « auraient une vision biaisée de la situation ». Mais de quels « concitoyens » parlez-vous ? Je doute que dans les cafés d’Hénin-Beaumont ou dans l’usine Legal du Havre les conversations tournent autour des évaluations PISA ou TIMMS relatives à l’enseignement des mathématiques. Alors, à quelle « réaction » ou « action » vous attendriez-vous de leur part ? Le problème n’est pas ici la responsabilité de « nos concitoyens » en général, mais la responsabilité de « certains concitoyens » en particulier. Ceux qui, par leur position sociale, ont les instruments pour comprendre le problème, et qui, dans une société bien fait, on corrélativement la responsabilité de le résoudre.

      Le problème, c’est que nos élites ont perdu cette notion de contrepartie, de responsabilité sociale, de « noblesse oblige ». Et accessoirement, ce sont elles qui ont combattu pied à pied « la sélection par les maths », conscientes que ce type de sélection menaçait leur position sociale. Car il ne faut pas oublier que la sélection par les maths est bien plus objective que la sélection par les engagements sociétaux, si prisée de nos élites aujourd’hui…

      [Il y a des compagnies low-cost (ex Ryanair) nous sommes en train de devenir un pays low skill : main d’œuvre peu compétente et cout prohibitif pour employer des gens qualifiés (les salaires aux smic sont peu taxés et pour compenser on taxe a fond les CSP+ pour financer un modèle social a bout de souffle)]

      Tout à fait d’accord. C’est le résultat prévisible d’une politique économique qui est d’abord une politique de l’emploi plutôt qu’une politique de la production. Les politiques ont les yeux rivés sur les indicateurs de l’emploi, personne ne regarde la croissance ou l’équilibre de la balance commerciale. Au lieu de chercher à produire plus – quitte ensuite à imaginer les bons mécanismes pour partager la richesse ainsi créée – on cherche à employer le plus possible de monde. Autrement dit, on subventionne le retour au tissage manuel et on pénalise les métiers Jacquard. Ce qui revient a multiplier les emplois à faible productivité – commerce, services à la personne – et pénaliser les investissements dans la productivité.

      Mais c’est là une logique implicite dans les traités européens, construits pour défendre l’intérêt du consommateur plutôt que celui du producteur. C’est là le choix fondamental dont tout le reste dérive. Et c’est ce choix qui fait que notre modèle social est « à bout de souffle ». Parce que notre modèle social est construit, justement, sur la production. C’est pour cette raison que je reste persuadé que la « TVA sociale » est une bonne idée : dans un contexte européen qui ne pense qu’à l’intérêt du consommateur, il faut que le financement de la protection sociale grève la consommation, et non la production.

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