Congrès du PCF: Chronique du désastre annoncé

La démocratie a fait de grand pas au PCF grâce à la “mutation” et a ses diverses adaptations. Qui aurait pu penser il y a encore quelques années que les communistes organiseraient des “congrès d’étape” censés examiner des textes “verrouillés” au point qu’on ne prend même plus la peine de le déguiser: les amendements ont été pure et simplement interdits, les textes iront au congrès sans modification. Même chose pour les organes dirigeants: ils seront réélus sans modification (on s’est entendu entre “courants” pour qu’il n’y ait pas de listes “alternatives”).

 

Il y a quelques années, une violation aussi flagrante des statuts du PCF et des droits des adhérents à peser sur les décisions (ce qu’on appelle dans le pompeux jargon du PCF “la souveraineté des adhérents sur leur parti”) aurait soulevé un tollé. Que les militants communistes aient accepté cette situation en dit long sur leur découragement et sur le manque d’intérêt que les gesticulations de la direction nationale suscitent. A la vérité, les militants s’en foutent parce qu’ils en ont vu d’autres: cela fait plusieurs congrès que les textes soigneusement amendés et votés s’auto-détruisent dans les jours qui suivent leur vote. Il n’y a qu’à voir le cas qu’on fait des statuts solennellement votés au dernier congrès et qu’on ignore soigneusement à l’heure d’organiser ce “congrès d’étape”. Alors, si les textes n’ont plus aucune autorité, à quoi bon revendiquer le droit de les amender ? Même chose pour la composition du CN. Tout le monde a compris que le CN ne pèse guère, au point que les deux tiers de ses membres sèchent ses réunions. On pourrait avantageusement remplacer ces camarades “absents” par les pensionnaires du Zoo de Vincennes et les textes soumis au vote par l’annuaire du téléphone que cela ne changerait strictement rien.

 

Voter des textes, cela n’a de sens que si on leur reconnaît une certaine autorité, et que les directions sont tenues à les appliquer. Elire des dirigeants n’a de sens que si ceux-ci ont un pouvoir effectif sur les événements. Or, dans le PCF d’aujourd’hui aucune de ces deux conditions ne sont remplies. Les textes ne sont qu’une liturgie: pour 90%, ils ne sont que la reprise des textes antérieurs. Et de toute façon, lorsqu’ils empêchent un “notable” de faire quelque chose qu’il a envie de faire, on s’assied dessus (ça s’appelle “se débarrasser de la gangue statutaire”, pour reprendre les mots de Marie-George Buffet). Et les dirigeants ne “dirigent” qu’avec la permission des “notables” élus du Parti qui font la pluie et le beau temps chez eux. Les quatre communistes qui sont allés à la soupe chez Frèche en sont l’exemple vivant: on attend toujours une prise de position de la direction nationale du PCF dans cette affaire…

 

Devenu en quelque sorte une confédération de tribus, le PCF peut encore garder une certaine visibilité dans les endroits où il garde des élus prestigieux (et encore, la plupart de ces élus ne se présente pas sous l’étiquette PCF) mais ne peut plus prétendre à une visibilité nationale. Le vide sidéral de ce “congrès d’étape” qui, dans les mots de Pierre Laurent (dans sa contribution consultable ici), n’a pour but que de lancer des “débats”, des “actions” ou des “initiatives” (touts ces choses qu’un CN normalement constitué devrait pouvoir faire, non ?) est une preuve terrifiante de l’incapacité du PCF d’exister autrement que par le discours. Un discours tellement usé aujourd’hui qu’il n’intéresse même pas ses propres militants.

 

Que peut-il sortir de ce “congrès d’étape” ? Un n-ième appel à “stopper Sarkozy et réussir le changement” (le titre de la “contribution” de Pierre Laurent) ? Un x-ième “signal d’une résistance amplifiée et immédiate, sans attendre 2012” (c’est toujours Laurent qui écrit) ? Ou peut être même l’engagement de “la rédaction d’un pacte d’union populaire, qui prendrait des engagements précis, dessinerait un nouveau projet de gauche pour sortir de la crise et ouvrir une nouvelle ère de progrès”, dernier avatar de toutes sortes de “pactes” proposés avec le succès que l’on sait depuis le “pacte unitaire pour le progrès” inventé par Robert Hue en 1995 et dont personne à ce jour n’a compris en quoi il consistait. On le voit bien, on tourne en rond. On essaye pour la vingtième fois les “appels”, les “résistances amplifiées” et les “pactes” qui n’ont jamais marché et qui ne marcheront jamais, parce qu’ils ne sont pas construits à partir d’une analyse de la réalité mais d’un schéma de pensée figé.

 

L’avenir du PCF (à supposer qu’il en ait un, ce dont on peut raisonnablement douter) se trouve non pas dans les “combinazioni” d’appareil ou dans le discours “prêt à penser”. Il se trouve dans sa capacité à reconstruire une force militante formée, soudée et disciplinée, des mécanismes de décision avec des organismes qui organisent, des commissions qui réfléchissent et des dirigeants qui dirigent. Il se trouve dans la capacité à distinguer entre verbiage et pensée. Il se trouve dans sa capacité à rétablir le contact avec les couches populaires et de construire une projet qui prenne en compte leurs préoccupations tout en les transcendant, au lieu de faire du “sociétal” pour faire plaisir aux classes moyennes.

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces capacités ne semblent pas aujourd’hui se manifester.

 

Descartes

 

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4 réponses à Congrès du PCF: Chronique du désastre annoncé

  1. Darthé-Payan dit :

    Bonsoir Descartes

    La gauche est vraiment mal barré entre un PCF qui ne sait plus à quel saint se vouer et le PG qui maintenant esquive un pas de deux avec les écololibertariens d’Europe-Ecologie.

    Ce soir Marie-Georges Buffet, a indiqué que le PCF et le PG donc le Front de gauche (agonisant mais bougeant encore quelques membres !) allait vers un programme partagé et la création d’une
    structure des partisans du Front de gauche.

    Déjà tout cela sent le réchauffé depuis deux ans de réunions en interpellations et mots doux les responsables du PCF et du PG nous ont appris et surtout démontré que ce qui dit ou proposé un jour
    peut être balayé un autre jour. Donc on verra bien.

    Comme, il me semble être tricard sur le blog de JL Mélenchon, mes deux posts ont été effacés, ceux ou j’informais ma position. Bon, c’est pas grave. On peut la retrouver sur mon blog.

    A quand JL Mélenchon comprendra que la convergence permettant les victoires fécondes et aussi mobilisatrices au niveau du peuple passe par la mise en perspective d’un projet républicain socialiste
    et jacobin. Il y a des gens disponibles à gauche et aussi à droite notamment chez les gaullistes de progrés.

    Je pense que la stratégie de se déporter vers la droite vers Europe Ecologie est la dernière tentative du PG avant implosion et l’extinction des feux.

    Le PCF, malgré son mauvais état n’en mourra pas, il date de 1920 et en quand même des bases militantes et financières plus solides que le PG.

    Merci à toi, pour ton point de vue, ici et tes arguments sur le blog de JLM. Je continuerai à te lire.

    Bien fraternellement à toi.

    • Descartes dit :

      Je te remercie. Mes arguments sur le blog de JLM ne seront bientot plus audibles, dans la mesure ou j’ai reçu du webmestre une injonction à ne plus commenter d’autres messages que les textes de
      JLM. C’est des choses qui arrivent…

  2. argeles39 dit :

    Il y a des gens “médiocres” à Gauche et des gens “remarquables” à Droite, c’est une évidence. On peut être de gauche comme moi et le reconnaitre.
    A mon sens le clivage Gauche/Droite n’est pas binaire, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre, c’est plutôt un clivage philosophique sur ce que doit être l’organisation d’une
    société.
    De Gaulle était un homme remarquable, à droite aujourd’hui je ne vois pas trop qui a la même envergure (Ph Seguin est mort, alors De Villepin ou Juppé ?), alors que dans ces années 30 il y a avait
    des gens de gauche assez médiocres, tu as cité Laval, je citerais Léon Blum pour sa lâcheté devant le fascisme (il capitula devant Chamberlain pour valider la tragique farce de la non intervention,
    ce qui fut la genèse de la deuxième guerre mondiale).
    Si de Gaulle a pu émerger c’est à la faveur de circonstances particulières (la guerre), circonstances qui ont balayées les élites corrompues et vautrées dans la collaboration. Si ensuite on a eu
    les 30 glorieuses, ce n’est pas un hasard.
    Si la France est encore une grande nation, c’est à mon sens du au fait que nous sommes encore sur l’inertie de De Gaulle et Napoléon. Aujourd’hui dans l’équipe Sarkozy je ne vois que des nains
    Aujourd’hui le système libéral est en grandes difficultés, je ne sais pas comment ça va finir, mais on a peut-être à nouveau des circonstances particulières de nature à provoquer un renouvellement
    salutaire des élites.

    • Descartes dit :

      Je partage en grande partie ton commentaire. Il est vrai que ce sont les “grandes circonstances” qui font les “grands hommes”. Pourquoi ? Parce que des situations exceptionnelles (une guerre, une
      révolution) font sauter la gangue de préjugés qui corsettent la pensée politique et obligent à trouver de nouvelles méthodes de travail. Dans un contexte congélé “droite/gauche”, De Gaulle
      n’aurait jamais surgi. Il a fallu un évènement exceptionnel pour casser le carcan, et permettre que des jacobins de droite et des jacobins de gauche travaillent ensemble pour concevoir le projet
      du CNR. Est-ce que tu t’imagines aujourd’hui des communistes et des gaullistes travaillant ensemble à un programme de sortie de la crise ? Inimaginable. Et le dirigeant qui a gauche oserait
      suggérer ce type de coopération (comme le fit Chèvenement en son temps) serait immédiatement diabolisé et réduit au silence.

       

       

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