Ce week-end se tiendra finalement le congrès “programmatique” du PG. Un congrès qui, si l’on regarde de plus près, ne manque pas de mystère. D’abord par le choix des dates. Il n’est pas inutile d’abord de rappeler ici qu’il devait se tenir originalement il ya plus d’un an, et qu’il a été reporté deux fois sans que ces reports aient été expliqués (1).
Mais là où le mystère s’épaissit, c’est que ce congrès est quasiment absent dans l’expression publique du PG. On n’y trouve pratiquement aucune référence dans les interventions publiques de Jean-Luc Mélenchon – jusqu’à son billet de ce jour dans son blog, j’y reviendrai – ou dans celles des autres dirigeants. La page d’accueil du site internet du PG ne contient, à l’heure ou j’écris, aucune référence au congrès et une recherche du mot-clé “congrès” sur ce même site ne fournit aucune référence au congrès de ce week-end.
Un congrès, et à plus forte raison un congrès “programmatique” implique un énorme travail de préparation. Or, si travail de préparation il y a eu pour le congrès du PG, il a été mené dans la plus stricte confidentialité. Le seul texte soumis au débat dont on connaisse publiquement l’existence est le document “lignes d’horizon” adopté par la convention de décembre 2009, supposé être mis à jour au fur et à mesure du débat mais dont aucune mise à jour n’est disponible (2). Il n’est pas inutile de rappeller que même un parti aussi “centraliste démocratique” que le PCF publie avant ses congrès les textes soumis au débat des adhérents ainsi qu’une tribune publique de discussion dans ses publications, et cela au moins depuis 1945. En dehors des “sectes” comme Lutte Ouvrière, toutes les organisations de gauche ont historiquement privilégié le débat public lors de leurs congrès. On ne peut que s’interroger sur les raisons de l’attitude du PG… Mais peut-être trouve-t-on la réponse dans le dernier papier de Jean-Luc Mélenchon sur son blog (ici).
Dans ce texte, Mélenchon laisse transparaître sa conception du fonctionnement de son parti et de ce que cela veut dire de préparer un congrès. Et ce qu’il laisse transparaître donne des motifs d’inquiétude. Ainsi, il écrit:
Les délégués des comités du parti vont procéder à la mise en place des fondamentaux du parti comme les statuts, et les instances qui y sont prévues : bureau national et commissions nationales. Tout cela est en discussion depuis des mois dans les moments que l’organisation de l’action de terrain a laissé libre.
On retrouve ici un problème général de la “gauche radicale” que j’avais déjà abordé sur ce blog, à savoir le primat absolu de l’action sur la réflexion, et notamment la réflexion institutionnelle. Si l’on suit Mélenchon – mais on retrouve le même discours chez d’autres, notamment chez le Robert hue de la “mutation”, j’y reviendrai – la discussion sur les “fondamentaux”, loin d’être prioritaire, est quelque chose qu’on fait quand on a le temps, dans “les moments que “l’action de terrain laisse libre”. Et on retrouve cette même conception plusieurs fois dans le billet. Ainsi par exemple:
Programme gouvernemental, Manifeste, tout suit un renouvellement permanent et chaque moment n’est qu’une étape. (…) Souvent, mais pas toujours, beaucoup de choses ne sont pas prêtes à temps. Une partie de l’explication est qu’il faut tenir compte de tout ce que nous avons à faire et parce que notre priorité c’est l’action.
On ne saurait être plus clair. C’est l’action qui prime, la réflexion on la garde pour quand on aura le temps. Ce qui conduit à une expression de mépris pour le travail de réflexion proprement ahurissant dans la conclusion du même paragraphe:
Ce qui compte ce ne sont pas les kilos de littérature alignés devant l’appétit des souris mais la cohérence des actes avec les propos tenus et le résultat acquis par cette méthode.
En d’autres termes, peu importe quel est le fonds, le but des “actes”, pourvu qu’actes et propos soient cohérents et amènent des résultats. Connaissant la trajectoire de Jean-Luc Mélenchon, j’ai du mal à croire qu’il puisse vraiment soutenir pareille affirmation. Car si l’on pousse le raisonnement jusqu’à ses dernières conséquences, on exclut toute réflexion sur les buts de l’action politique pour se concentrer purement dans l’élaboration d’un discours “cohérent”. Mélenchon enfonce d’ailleurs le clou un peu plus loin:
Le parti est un outil, rien de plus. Sa cohérence d’action est la finalité recherchée. Son exigence idéologique est vouée à cette finalité. Il faut être précis et clair pour être efficace. Pas pour atteindre je ne sais quelle vérité.
Le discours mélenchonien pousse jusqu’au bout la réthorique Huesque du “parti outil”. Mais le “parti outil” de Mélenchon est plutôt un parti-instrument, dont la seule fonction est la recherche de la “cohérence d’action”, condition de “l’efficacité”. On voit bien l’inversion qui place ce Mélenchon-là plus près de Machiavel que de Jaurès: déclarer que le parti n’est qu’un “outil” implique que les objectifs de son action sont définis en dehors de lui. Ce n’est pas le marteau qui décide où planter un clou, mais la main qui le tient. Si le parti n’est qu’un “outil”, alors il faut se demander quelle est la main qui se place sur le manche…
Le mystère de la préparation qui n’en est pas une…
En fait, après lecture du texte de Mélenchon on arrive à la conclusion que si la préparation du congrès est confidentielle, c’est surtout parce que le débat interne et le travail de préparation s’est limité à quelques individus dans les instances dirigeantes. Mais surtout, parce que loin de fair partie d’un véritable travail programmatique le congrès est plutôt envisagé comme un “coup” médiatique. Ainsi, la première chose que Mélenchon dit du congrès dans son billet est:
Si j’en juge par le nombre des accréditations, je pense que nous aurons une couverture de presse qui permettra à ceux qui le voudront d’en savoir autant qu’ils le souhaitent. Et puis, dimanche, le discours de clôture sera retransmis sur LCI et Public Sénat ce qui signale la constance de ces deux médias audiovisuels.
On voit donc la hiérarchie des ordres: l’action prime sur la réflexion, et l’action médiatique prime sur toute autre forme d’action. Dans la même veine, on trouve dans le billet ce paragraphe étonnant:
Le premier est l’ouverture du congrès. Quinze ou seize personnalités, qui ne sont pas membres de notre parti, vont prendre la parole devant nous, dans le cours même de nos débats. Elles diront ce qu’elles voudront pour nous interpeller, nous alerter ou prendre part à nos préoccupations. Librement. Je ne crois pas qu’il y ait de précédent à cette façon de faire.
Mélenchon se trompe: il y a “un précédent à cette façon de faire”, et il n’est pas très convainquant. En 1997, Robert Hue impose cette façon de faire au 29ème congrès du PCF (3). Et il le fait parce que la logique des “coups” mise en place par Robert Hue joue sur “l’inédit”. Convaincu que la nouveauté et la transgression font vendre, Robert Hue multipliera les “gadgets” en proclamant, comme le fait Mélenchon ici, que “il n’y a pas de précédent à cette façon de faire”: ce sera l’intervention de “personnalités” au Congrès, la liste “à double parité” Bouge l’Europe, la fête techno à Fabien… et des techniques de préparation des congrès de plus en plus nébuleuses (4).
Lorsque les caméras s’éteindront, que restera-t-il de ce congrès ? Difficile à dire, puisqu’on ne connaît même pas avec précision l’ordre du jour du congrès ou son programme. Mélenchon promet dans son billet des “statuts” et la mise en place des organes qu’ils prévoient. Pour le reste c’est le flou: le déroulement est qualifié “d’imprévisible” et pour ce qui concerne les textes, il est dit que: “Les documents plus lourds, qui d’habitude clouent sur place et déchirent des organisations aussi jeune que la notre, ont été inscrits dans une méthode qui permet de traiter la difficulté. Programme gouvernemental, Manifeste, tout suit un renouvellement permanent et chaque moment n’est qu’une étape (…) De toute façon nous n’avons pas le choix. Souvent, mais pas toujours, beaucoup de choses ne sont pas prêtes à temps”. Façon oh combien élégante d’avouer qu’on n’en sait rien et qu’on verra bien.
Et puis, à quoi bon ces “documents”, qui en fin de comptes ne sont utiles qu’à nourrir les souris ?
Descartes
(1) Un congrès “programmatique” avait été annoncé pour “l’automne 2009” dans les textes du congrès “constitutif” de janvier 2009. Il avait été reporté sans autre indication à juin 2010, puis à novembre 2010. A chaque report, aucune explication sérieuse n’a été fournie.
(2) Le texte “lignes d’horizon”, qui était disponible quelque temps sur le site du PG, n’y figure plus parmi les liens. La facilité de recherche disponible sur le site ne m’a pas permis de le retrouver.
(3) Les “personnalités extérieures” invitées à s’exprimer au 29ème Congrès étaient Julia Kristeva, Roland Castro, Stéphane Rozès, Emmanuel Todd et Francine de La Gorce. On n’a jamais su comment le choix avait été fait.
(4) L’expérience du PCF a d’ailleurs montré que l’expression de “personnalités” et autres gadgets du même style font partie d’une panoplie de techniques pour divertir (au sens stricte du terme) les délégués, et leur faire oublier qu’un congrès est une instance de décision et non pas une école de formation où un club de discussion. Ce n’est pas l’endroit ou le débat de fonds est engagé, mais le lieu où ce débat est tranché par des votes. Les vieux routiers des congrès du PCF ont bien noté que le temps dévolu à trancher (travail en commission, discussion des amendements, votes) se réduit comme peau de chagrin pour laisser la place à des “gadgets” (débats “en ruche”, présentations confiées à des “personnalités”). D’ou les scènes hallucinantes et ridicules où l’on force les votes sous prétexte qu’il faut en finir avant l’heure prévue pour la conférence de presse ou du départ des cars…
Salut,
tu as des échos de ce fameux congrès du PG ou pas? J’ai regardé ce matin le discours de clôture de Mélenchon, et si j’ai pu constater qu’il maniait toujours aussi bien le verbe, je reste plus que
sur ma faim sur les idées, et plus que les idées les propositions.
Pour cela, il faudra lire les textes votés une fois qu’ils seront publiés. Etant donnée la manière dont ils ont été élaborées, je pense qu’on se retrouvera avec une analyse aux ras des
pâquerettes et pour ce qui concerne le projet à une nouvelle réédition du “pour tout ce qui est bon, contre tout ce qui est mauvais”. Je t’avoue que je suis très pessimiste ce soir, d’autant plus
que l’élection de Martine Billard en tant que “co-présidente” confirme mes pires craintes quant à l’OPA gauchiste sur le PG. Le projet de “parti creuset” pouvant servir de point de ralliement aux
Républicains est en train de laisser la place à une n-ième organisation écolo-gauchiste. C’est très dommage.
Dommage qu’il n’y ait personne du PG pour répondre à tes articles…
En tout cas continue tes articles, je suis un fervent lecteur 🙂
Merci… j’aurai au moins un lecteur régulier! 😉
Bah qu’est-ce que c’est que ce pessimisme ? Tu en as plusieurs, lecteurs réguliers… Non mais.
Bonne continuation.
C’est pas du pessimisme, c’est de la modestie… en tout cas, content de te voir dans le lot ! Et ne te gêne pas
pour commenter, ici le taulier aime la discussion…