Pour un protectionnisme intelligent

Jusqu’à ces dernières semaines, le débat économique avait en France quelque chose d’irréél. On s’écharpait sur l’avenir de l’Euro, sur le fait de savoir si la BCE devait ou non acheter des titres de dette, sur la capitalisation suffisante ou insuffisante des banques, sur la notation financière de tel ou tel pays. Mais le débat portait rarement sur des questions qui peuvent intéresser le citoyen de base. La consommation, le pouvoir d’achat, l’emploi, tout cela était passé à l’arrière plan, comme si la crise n’existait que dans une sphère financière complètement déconnectée de la sphère réelle. Même la croissance, pourtant un paramètre essentiel de toute politique économique, était considérée comme un sujet secondaire comparé au “spread” des titres de la dette italienne ou espagnole.Si vous ne me croyez pas, prenez la peine de lire les communiqués et les conclusions des derniers sommets européens. Cherchez-y les références à une politique industrielle, une politique de l’emploi, une politique de croissance…

 

La financiarisation de l’économie est surtout une financiarisation du débat économique. Elle s’est traduite ces dernières années par un souverain mépris des question d’économie réelle – censées être résolues par le libre jeu des marchés – et un sur-investissement sur les questions financières. Alors que tout le monde se passionne sur la question “euro or not euro” et “dette or not dette”, personne ne semble être très intéressé par la question de la récupération des instruments de politique industrielle ou de politique de l’emploi, comme si la souveraineté économique se réduisait à la souveraineté monétaire (1). Ressusciter l’idée d’un “produire français” est bien, mais si l’on veut faire plus qu’une opération publicitaire, il faut récupérer le contrôle national de la politique de la concurrence.

 

En dernière instance, c’est l’activité économique qui alimente la dépense publique et privée. La monnaie, les titres financiers ne sont que des intermédiaires. En dernière instance, ils n’ont de la valeur que dans la mesure où l’on peut les échanger par des biens réels, issus du processus de production. C’est pourquoi la vision purement financière qui est celle de l’Union européenne aujourd’hui est viciée. On fait semblant de croire que la crise est le produit des déficits excessifs, moyennant quoi on présente le contrôle budgétaire et le respect des critères d’équilibre financier – les trop célèbres “critères de Maastricht” – comme la panacée pour éviter les crises futures. Mais l’exemple de l’Espagne devrait nous ouvrir les yeux: voici un pays qui, avant 2009, avait un budget en équilibre, dont l’endettement public était l’un des plus faibles de la zone Euro, bien inférieur à l’Allemagne. Si le contrôle des budgets nationaux que l’Allemagne veut aujourd’hui imposer avait existé à l’époque, il aurait accordé à l’Espagne un satisfecit. Et même chose pour l’Irlande.

 

En fait, l’aspect financier de la crise occulte la crise de l’économie réelle. Le fait est qu’une économie où l’on consomme plus de biens – en valeur – qu’on n’en produit la différence doit venir de quelque part. Elle vient en fait de l’emprunt, et creuse donc une dette. Bien entendu, dans une économie moderne cette dette est exprimée en monnaie, et non en produits: on n’emprunte pas des téléviseurs, des voitures ou des machines à laver, on emprunte l’argent nécessaire pour les acheter sur le marché international. Mais même si elle est “financiarisée”, cette dette est le résultat d’un déséquilibre qui se trouve dans l’économie réelle. On ne peut donc pas la résorber par l’utilisation d’instruments financiers qui seraient transparents par rapport à l’économie réelle. Résoudre la crise implique résoudre le déséquilibre réel, et donc agir dans la sphère réelle.

 

Pour le dire autrement: soit on réduit la consommation, soit on augmente la production. Parce qu’aussi longtemps que la balance des échanges de biens et services réels est déséquilibrée, la dette se creusera. C’est cette qui ensuite sera repartie entre dette privée et dette publique d’un manière qui dépend de la politique fiscale de chaque état. Voilà pourquoi les politiquees qui visent à réduire les déficits publics ne résolvent rien au fond: réduire la dette publique ne fait qu’augmenter la dette privée et vice-versa (2). Mais la dette globale n’est pas générée par un processus financier quel qu’il soit, mais par un déséquilibre réel. C’est à ce dernier qu’il faut s’attaquer.

 

A gauche, un certain nombre de gens proposent différentes formes de protectionnisme. Certains – notamment les fédéralistes qui cherchent un vernis anti-libéral – parlent d’un protectionnisme “aux frontières de l’Europe”. Ce qui est une absurdité, si l’on tient compte que l’UE est une zone économique relativement fermée, et que ce sont les déséquilibres entre pays de la zone qui sont responsables d’une bonne partie du désastre. D’autres proposent un protectionnisme aux frontières nationales.

 

La principale objection est fondée sur la théorie des avantages comparatifs, énoncée par David Ricardo vers 1817, et qui constitue l’argument essentiel du libre-échange. Cette théorie montre que le libre échange permet une utilisation plus efficace des facteurs de production, aboutissant à une richesse totale produite supérieure qu’en situation d’autarcie. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette théorie, je vais la développer en quelques lignes (les exemples sont ceux utilisés par Ricardo dans sa démonstration). Imaginons le monde réduit à deux pays, l’Angleterre et le Portugal. Il faut en Angleterre 100 heures de travail pour fabriquer une pièce de drap et 120 pour fabriquer une barrique de vin, alors qu’il faut 90 pour produire le drap au Portugal et 80 pour la barrique de vin. (on suppose les coûts du transport négligeables). Combien d’heures de travail il faudra pour que chaque pays dispose d’une pièce de drap et d’une barrique de vin ?

 

1) En situation d’autarcie, l’Angleterre devra investir 220 heures de travail et le Portugal 170. Soit un total de 390 heures.

 

2) En situation de libre-échange, si l’Angleterre se concentre sur le drap et le Portugal sur le vin, il faudra 200 heures de travail en Angleterre et 160 heures de travail au Portugal. Soit un total de 360 heures.

 

En d’autres termes, l’optimum est atteint lorsque chaque pays se concentre sur la production sur laquelle il est le plus efficace et se procure l’autre par importation. On économise ainsi 30 heures de travail qu’on pourrait utiliser à produire plus de drap et de vin, et donc à augmenter la richesse disponible (3). Bien entendu, cette théorie simplifie beaucoup la réalité, puisqu’elle ne prend en considération qu’un seul facteur de production (le travail) et deux produits. Mais des développement postérieurs confirment grosso modo l’intuition de Ricardo.

 

Mais le choix n’est pas entre l’autarcie et le libre-échange intégral. On peut conserver une certaine liberté des échanges permettant de profiter des avantages comparatifs, tout en forçant les balances commerciales à s’équilibrer. Voici ce qui me semble la meilleure proposition: instaurer une taxe sur les produits importés “plate” (c’est à dire, au même taux pour tous les produits). Cette taxe serait calculée de manière à prélever exactement le montant du déséquilibre de la balance des échanges courants (elle s’annulerait dès lors que la balance serait équilibrée ou positive, mais si tous les pays adoptent le même mécanisme cela ne peut arriver). En d’autres termes, cette taxe garantit par construction que le bilan de ce qui rentre et de ce qui sort est à tout moment équilibré.

 

La principale beauté de ce système tient au fait qu’il est généralisable: dans la mesure où il vise à ce que la balance de chaque pays soit équilibrée, il peut être mis en place par chaque pays sans que cela gêne les autres. En d’autres termes, il échappe à l’objection selon laquelle des taxes à nos frontières provoqueraient chez nos partenaires commerciaux une réponse symétrique, puisque la réponse symétrique est non seulement légitime, mais souhaitée. Le deuxième avantage, c’est qu’il permet de bénéficier des “avantages comparatifs”, puisque le fait d’appliquer la taxe à tous les produits au même taux conserve les avantages comparatifs des uns et des autres. Enfin, le troisième avantage, c’est qu’il permet de corriger les écarts de compétitivité entre les différents pays alors même que les parités monétaires sont fixes, ce qui le rend compatible avec une monnaie unique. C’était mon cadeau de Noël aux partisans de l’Euro.

 

Bien entendu, je n’ai aucune prétention à avoir des idées géniales. D’autres plus intelligents que moi ont certainement eu la même idée. S’ils ne l’ont pas mise en oeuvre il doit bien y avoir une raison… et la raison est simple: un tel système empêche de “vivre à crédit”. Or, nos classes moyennes adorent ça, puisque de cette façon elles peuvent se permettre un niveau de vie qui va bien au delà de ce que permettrait la production réelle (4). Mettre en place le système que je propose nécessite donc d’affronter politiquement les classes moyennes. Vaste programme, n’est ce pas ?

 

Un mot avant de conclure: je ne revendique pas de propriété intellectuelle sur cette proposition, et je serais donc ravi de la voir reprise par d’autres, voire – on peut toujours rêver – par des candidats à la présidence de la république. Pour certains d’entre eux – je vous laisse deviner lesquels – je suis même prêt à assurer le service après-vente…

 

Reste à trouver un nom pour ce système. Et bien… pourquoi pas “protectionnisme intelligent” ?

 

 

Descartes 

 

 

(1) Ce qui n’implique pas de nier l’importance de la récupération des instruments de politique monétaire, non seulement parce que la politique monétaire est une composante essentielle de toute politique économique, mais aussi parce que la monnaie contient un élément symbolique qui ne doit pas être négligé.

 

(2) Il ne faut pas oublier que pour chaque débiteur il y a un créancier, et que pour chaque dette il y a une créance de même montant. La dette publique – qui est la somme de ce que l’Etat doit au secteur privé – doit donc être identique à la créance privée – somme des créances que les acteurs privés détiennent sur l’Etat et vice-versa. Si l’Irlande ou l’Espagne pouvaient exhiber une dette publique insignifiante avant 2008, c’est parce que l’essentiel de la dette était dans les mains privées. Lorsque le secteur privé s’est trouvé en situation de faillite, la dette a été “nationalisée” et transformée en dette publique, dépassant du coup tous les plafonds.

 

(3) La question de la répartition de cette richesse supplémentaire est bien entendu une autre affaire.

 

(4) Avec mon système, c’en est fini des chemisettes et des écrans plats chinois bon marché. Ce “bon marché” se paye évidement en termes de déficits de la protection sociale et des allocations chômage payées par la collectivité. C’est un peu comme si la collectivité subventionnait les chemisettes en question. Ma taxe réintègre ces dépenses dans le prix de la chemisette.

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15 réponses à Pour un protectionnisme intelligent

  1. argeles39 dit :

    100 % en phase avec ton analyse.

    As-tu connaissance de la charte de la havane 1948?

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_de_La_Havane

    Au niveau des solutions pour nous sortir du bourbier neolibéral, on gagnerait probablement à revisiter la charte de la havane, mais ce n’est sans doute pas envisageable tant que le système n’est
    pas totalement grippé, tant que le fiasco neolibéral n’est pas totalement consommé……

    • Descartes dit :

      As-tu connaissance de la charte de la havane 1948?

      Bien entendu! La Charte fixe comme objectif un équilibre de la balance commerciale des états, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons ni dans le même contexte que celui d’aujourd’hui. Mais
      l’objectif reste valable.

       

  2. laurent dit :

    Bonjour,

    Je viens de créer mon blog et je vous invite à participer au débat suivant :

    “la politique peut-elle être morale ?”

    Cordialement.

    http://debats-politique.over-blog.fr/

  3. Laurent dit :

    Très bien

    Je m’en occupe dans l’après midi. Il devrait donc être disponible ce soir.

    Merci.

    http://debats-politique.over-blog.fr

  4. marc.malesherbes dit :

    en ce qui me concerne, je suis très favorable à votre proposition, mais il faut savoir pourquoi elle ne plaît pas aux candidats à la présidentielle (de JL Mélenchon à N Sarkozy): elle implique de
    fait une rupture avec tous les tarités européens, avec la direction de la concurrence de Bruxelles.
    De plus cela déplaierait à l’Allemagne et à l’Angleterre qui, pour des raisons opposées, tiennent à ne pas avoir de taxes aux fontières: l’Allemagne pour ses exportations, l’Angleterre pour
    pouvoir dévaluer par rapport à l’euro (ce qu’elle fait)
    Il faudrait donc beaucoup de courage, et surtout la capacité de convaincre malgrè les médias dominants. Difficile, difficile. (à titre d’exemple le PCF durant ces dernières années, pour survivre,
    a accepté de capituler vis à vis de ces médias)

    De plus, une telle taxe ne plaîrait pas aux multinationales. Ce sont elles qui ont massivement implanté leur usines dans les pays à bas couts (salariaux, environementaux, sociaux …). Et, comme
    vous le soulignez, c’est la collectivité qui paie le chômage induit: c’est donc tout bénéfice pour elles.

    nb1: c’est plus facile à mettre en oeuvre que de quitter l’euro. Néammoins, rester dans l’euro empêche la banque de France de financer notre dette. En passant par les marchés, on a de gros
    risques de montée de nos taux d’intérêts, et nous ne pourrons y faire face sans poursuivre l’austérité. Bref, je soutiens votre mesure comme une “demi-mesure” qui va dans la bonne direction.
    Mettre en place une telle taxe reviens à faire une dévaluation “controlée” (ce qu’on ne peut faire sans une monnaie nationale appuyée par une banque centrale)

    nb2: une telle taxe n’a d’intérêt que si on la couple avec un arrêt de la politique d’austérité, une relance du pouvoir d’achat des ménages aux plus faibles revenus. Mais on voit mal comment le
    faire sans impliquer un peu l’état. Et cela repose le problème de la dette et de la nécessité de la financer, d’ou à nouveau le contrôle par la banque de France et une monnaie nationale.

    Cela rappelle que l’économie fait “système” et que l’on ne peut envisager telle ou telle mesure sans en apprécier les répercussions d’ensemble.

     

    nb3: en ce qui concerne les classes moyennes, je dirai plutôt que tous ceux qui ont un travail à temps plein raisonnablement assuré profitent du système actuel (y compris les ouvriers et
    employés). Cela fait encore beaucoup de monde, si on considère qu’ils sont insensibles aux risques à venir et au sort de leurs enfants.

     

    • Descartes dit :

      en ce qui me concerne, je suis très favorable à votre proposition, mais il faut savoir pourquoi elle ne plaît pas aux candidats à la présidentielle (de JL Mélenchon à N Sarkozy): elle
      implique de fait une rupture avec tous les tarités européens, avec la direction de la concurrence de Bruxelles.

      Vous répondez vous-même à votre propre question. C’est l’idée de “rupture” que les politiciens de la génération Hollande-Sarkozy (de droite comme de gauche) ne peuvent même pas concevoir.
      Lorsqu’on rentre dans les détails, toutes les propositions qu’on entend aujourd’hui, même celles qui se veulent les plus “radicales”, sont en fait dans la continuité des politiques appliquées
      depuis trente ans. Mélenchon, malgré sa détestation affichée pour le traité de Lisbonne, reste sur la vision héritée du traité de Maastricht et de la vision europhile héritée de François
      Mitterrand. A l’autre extrême, on appelle “réforme” ce qui en fait n’est qu’un rajustement des manettes. Pour Sarkozy, passer l’age de la retraite de 60 à 62 ans c’est une
      “rupture”. 

      Il faut le dire et le répéter: les mêmes causes produisant les mêmes effets, on ne peut imaginer qu’on puisse changer quoi que ce soit si l’on n’accepte pas qu’il faut changer la manière dont
      l’Europe fonctionne. Ce qui veut dire une “rupture” avec les traités tels qu’ils sont aujourd’hui. Penser qu’on peut les “rafistoler”, c’est se mettre le doigt dans l’oeil.

       

  5. Il n’y a pas que les fédéralistes qui parlent de “protectionnisme européen”. Chevènement lui-même, à ma grande surprise, soutient l’idée, dans cet entretien:

    http://www.chevenement.fr/En-2002-mon-projet-etait-en-avance-sur-la-crise_a1328.html

     

    • Descartes dit :

      Il y a deux types de “souverainistes”, les souverainistes de passion et les souverainistes de raison. Les premiers rejettet la constuction européenne “fédérale” pour une question de principe, les
      seconds pour une question de réalisme, c’est à dire, parce qu’elle n’a aucune chance de marcher. Chèvenement appartient – comme beaucoup de souverainistes venus du socialisme – à la deuxième
      catégorie. C’est pourquoi sa première réaction, que ce soit en ce qui concernel l’UE comme pour ce qui concerne l’Euro, c’est de chercher des moyens de les réformer pour les faire marcher. Ce qui
      donne un discours moins percutant que celui des souverainistes “de passion” que sont Dupont-Aignan ou Marine Le Pen.

  6. stu dit :

    Comment se passe le service après vente ? Est-ce que cette proposition a été discutée quelque part ?

    • Descartes dit :

      Si ça intéresse un candidat, je suis prêt à travailler sur cette proposition avec lui ou avec ses équipes. Et même à participer dans l’équipe qui pourrait la mettre en oeuvre demain s’il était
      élu…

      Mais je vous rassure: pour le moment, aucun candidat n’a pris contact !

  7. Trubli dit :

     Cette taxe serait calculée de manière à prélever exactement le montant
    du déséquilibre de la balance des échanges courants 

     

    N’y a-t-il pas un problème lié à l’évolution continue des parité monétaire? Je m’explique. Le déficit
    commercial français est de 70 milliards en 2011. En 2012, vous instaurez une taxe qui doit rapporter 70 milliards. Mais si en cours d’année la Chine dévalue sa monnaie, vous arriverez
     peut-être un déficit de 20 milliars au lieu des 70 attendus. 

    Ensuite pour ma culture, le déficité de la balance des transaction courante est-il un déficité de l’état où
    comme je le pense un déficit de tous les agents économiques nationaux ( ménages, entreprises, administration) ?

    Pourriez-vous expliquer dans le détail comment un déficit de la balance des transaction courantes finit par
    impacter l’état car c’est un point que je ne trouve pas encore très clair ? Est-ce du à un manque à gagner en terme de charges salariales versées par les entreprises, d’allocations chômage à
    verser et d’impôts sur le revenus en moins ?

    • Descartes dit :

      N’y a-t-il pas un problème lié à l’évolution continue des parité monétaire? Je m’explique. Le déficit commercial français est de 70 milliards en 2011. En 2012, vous instaurez une taxe qui
      doit rapporter 70 milliards. Mais si en cours d’année la Chine dévalue sa monnaie, vous arriverez  peut-être un déficit de 20 milliars au lieu des 70 attendus.

      Une taxe n’est pas nécessairement proportionnelle au prix du bien. On peut faire des taxes à montant fixe (on parle dans ce cas d’une accise plutôt que d’une taxe). L’autre possibilité, c’est de
      calculer la taxe en fonction des prévisions et de “corriger” l’année suivante si à cause des variations des parités monétaires le perçu s’éloigne trop du prévisionnel.

      Ensuite pour ma culture, le déficité de la balance des transaction courante est-il un déficité de l’état où comme je le pense un déficit de tous les agents économiques nationaux ( ménages,
      entreprises, administration) ?

      Le déficit de la balance des transactions courantes est la différence entre les biens et les services qui sortent et ceux qui rentrent. Il traduit donc l’activité de tous les agents économiques.
      Ce n’est donc pas un déficit de l’Etat, mais de l’ensemble des agents, et n’a aucun rapport avec les déficits publics.

      Pourriez-vous expliquer dans le détail comment un déficit de la balance des transaction courantes finit par impacter l’état car c’est un point que je ne trouve pas encore très clair ?

      Le déficit de la balance des transactions courantes traduit le fait que l’on achète à l’extérieur plus qu’on en vend. Si le processus continuait indéfiniment, le pays finirait par se vider de
      monnaie (puisqu’on paye plus qu’on n’encaisse). Il faut donc, pour compenser ce déficit, emprunter de la monnaie. Cet emprunt alourdit la dette privée (si l’emprunteur est un acteur privé) soit
      la dette publique (si c’est l’Etat qui emprunte). Et lorsqu’il y a crise, il y a une tendance pour éviter la faillite des acteurs économiques à “nationaliser” la dette privée en la transformant
      en dette publique (par exemple, en nationalisant une banque en détresse ou en prêtant de l’argent à faible taux aux acteurs en faillite). C’est par ces mécanismes que le déficit de la balance des
      transactions finit par se trouver dans la dette publique.

  8. Théo dit :

    Cher Descartes,

    Lors d’un débat concernant l’Union Européenne, un de mes interlocuteurs vous a cité lorsque le sujet a dérivé sur le protectionnisme et le libre-échangisme. J’ai alors fait quelques remarques concernant votre article qu’il m’a suggéré de vous retranscrire ici. Je m’exécute donc !

    Le problème principal que je vois d’abord dans votre proposition pour un protectionnisme intelligent, c’est l’usage d’une théorie de macro-économie "simpliste" comme argument principal de votre argumentation : ici l’avantage comparatif de Ricardo, maintes et maintes fois débattu, affirmé et contesté.

    En effet, vous n’êtes pas sans savoir que depuis que David Ricardo a publié sa théorie à l’aube du 19ème siècle, le monde a bien changé, l’économie a évolué de même que les débats académiques sur le sujet, et de nombreux auteurs ont contredit ou cherché à approfondir les thèses qui manquent de pertinence pour des sujets aussi complexe que la politique étrangère d’un pays.

    D’ailleurs, vous en êtes conscient et vous évoquez très brièvement les limites de votre théorie mais vous les éludez par une simple phrase : "Mais des développement postérieurs confirment grosso modo l’intuition de Ricardo."

    Ce qui est loin d’être une vérité ni même une certitude. Il suffit de chercher un peu plus loin dans les cours de première année de commerce international : que ce soit le modèle Heckscher-Ohlin (sur les différences de dotations en facteurs de production comme déterminant du commerce) ou les théories allant au delà de cet avantage comparatif (je pense notamment aux économies d’échelles comme déterminant du commerce), il existe de nombreuses théories plus pertinentes pour analyser le commerce international et ce fait porte grandement atteinte à la validité de la suite de votre démonstration.

    Ensuite la taxe que vous proposez n’est pas stupide, elle part même d’une excellente idée sauf quelle me laisse circonspect pour une raison majeure : vous n’évoquez qu’évasivement la façon de la mettre en place ("Cette taxe serait calculée de manière à prélever exactement le montant du déséquilibre de la balance des échanges courants" ==> "serait calculée" par qui ? comment ? avec quels critères ?). Cette proposition est donc trop vague pour être vraiment opérationnalisable et j’aimerai bien savoir comment vous répondriez à ces objections.

    En espérant que mon commentaire vous interpelle ou du moins vous intéresse, je vous (ou bien "te", je ne sais jamais trop comment m’adresser aux inconnus sur la toile) souhaite une bonne soirée !

    • Descartes dit :

      [Le problème principal que je vois d’abord dans votre proposition pour un protectionnisme intelligent, c’est l’usage d’une théorie de macro-économie "simpliste" comme argument principal de votre argumentation : ici l’avantage comparatif de Ricardo, maintes et maintes fois débattu, affirmé et contesté.]

      Je ne crois pas que la théorie de Ricardo soit « simpliste ». Bien entendu, il l’applique à un exemple simple (le cas à deux pays et deux marchandises) pour qu’on comprenne le mécanisme. Mais on peut la généraliser à des systèmes bien plus complexes.

      [En effet, vous n’êtes pas sans savoir que depuis que David Ricardo a publié sa théorie à l’aube du 19ème siècle, le monde a bien changé, l’économie a évolué de même que les débats académiques sur le sujet,]

      Depuis que Pythagore a énoncé son célèbre théorème il y a 2500 ans, le monde et les mathématiques ont changé bien plus. Et pourtant, la somme des carrés des côtés d’un triangle rectangle continue à être égale au carré de l’hypoténuse. Une théorie reste valable aussi longtemps qu’elle n’a pas été réfutée, et l’obsolescence n’est pas un argument…

      [D’ailleurs, vous en êtes conscient et vous évoquez très brièvement les limites de votre théorie mais vous les éludez par une simple phrase : "Mais des développement postérieurs confirment grosso modo l’intuition de Ricardo". Ce qui est loin d’être une vérité ni même une certitude. Il suffit de chercher un peu plus loin dans les cours de première année de commerce international : que ce soit le modèle Heckscher-Ohlin (sur les différences de dotations en facteurs de production comme déterminant du commerce) ou les théories allant au delà de cet avantage comparatif (je pense notamment aux économies d’échelles comme déterminant du commerce), il existe de nombreuses théories plus pertinentes pour analyser le commerce international et ce fait porte grandement atteinte à la validité de la suite de votre démonstration.]

      Je crois que vous faites erreur lorsque vous affirmez que les modèles comme Heckscher-Ohlin sont contradictoires avec la théorie de Ricardo. En fait, ce n’est qu’un raffinement. Ricardo parle des « avantages comparatifs », mais n’explique pas l’origine de ces avantages. Hecksher-Ohlin répond partiellement à cette question. Les résultats obtenus par Heckscher-Ohlin raffinent les résultats obtenus par Ricardo, mais ne contredisent pas.

      [Ensuite la taxe que vous proposez n’est pas stupide, elle part même d’une excellente idée sauf quelle me laisse circonspect pour une raison majeure : vous n’évoquez qu’évasivement la façon de la mettre en place ("Cette taxe serait calculée de manière à prélever exactement le montant du déséquilibre de la balance des échanges courants" ==> "serait calculée" par qui ? comment ? avec quels critères ?). Cette proposition est donc trop vague pour être vraiment opérationnalisable et j’aimerai bien savoir comment vous répondriez à ces objections.]

      La réponse au « par qui ? » est évidente : c’est l’Etat qui calcule les taxes. La difficulté est que la taxe ne peut être calculée qu’à postériorité, une fois le déséquilibre de la balance constatée. Mais le solde des échanges n’est pas si volatile, et on peut dire que le solde constaté un mois donné permet raisonnablement de prévoir celui du mois suivant à partir d’une courbe de saisonnalisation. On pourrait donc calculer le montant total de la taxe à prélever au mois N à partir du solde constaté le mois N-1. Ce montant serait ensuite reparti sur l’ensemble des produits importés.

      Comme vous pouvez le constater, la méthode est relativement simple et très opérationnelle. Si le rajustement de la taxe tous les mois vous paraît excessif, on pourrait la rajuster sur une autre période, mais les risques d’écart avec le déséquilibre réel deviennent plus importants.

      [En espérant que mon commentaire vous interpelle ou du moins vous intéresse, je vous (ou bien "te", je ne sais jamais trop comment m’adresser aux inconnus sur la toile) souhaite une bonne soirée !]

      Merci beaucoup. Et croyez que les commentaires m’intéressent toujours !

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