Avez-vous écouté le discours de Nicolas Sarkozy à Marseille ? Non ? Et bien, vous avez tort. On a toujours intérêt à écouter les gens avec qui on n’est pas d’accord. Surtout quand, malgré une désaffection certaine, ils attirent toujours un quart des électeurs. Ceux qui n’écoutent que ce qu’ils ont envie d’entendre font une grave erreur: c’est comme cela qu’on finit par vivre dans une espèce de monde virtuel où tout le monde nous ressemble, et qu’on est surpris le jour où l’on découvre qu’il existe un vaste monde qui pense différemment de nous. Au risque d’être excommunié par les bienpensants, je vous livre le fond de ma pensée: on a beaucoup à gagner à écouter le président de la République.
C’est pourquoi je vais me livrer devant vous à un exercice dangereux, mais que j’estime absolument nécessaire. Je vais analyser le discours de Nicolas Sarkozy. Mais plus que l’analyser, je voudrais vous le donner à lire. Car l’un des travers les plus courants aujourd’hui dans le débat politique, c’est que les gens ne lisent que les gens qu’ils soutiennent. Combien de ceux qui soutiennent Hollande ou Mélenchon ont pris la peine une fois dans leur vie d’aller dans un meeting de Sarkozy, de Le Pen, rien que pour voir comment c’est ? Combien prennent la peine de lire leurs discours ou leurs programmes en détail, non pas pour trouver les points faibles et les contradictions, mais pour s’imprégner de ce discours et comprendre en quoi il peut être convainquant pour beaucoup de gens ?
C’est à ce type de lecture que je vous invite. Non pas pour dire “vous avez vu la connerie qu’à dit ce type”, ou “il dit n’importe quoi”, mais pour chercher au contraire quels sont les points forts de son discours, quelle est sa structure, de quoi il veut nous convaincre. Je me permettrai donc de citer de larges extraits du discours, qui peut être consulté in extenso ici. Je me suis permis d’intervertir l’ordre des paragraphes, en les regroupant selon un certain nombre de “séquences” qui traversent le discours. Les soulignés, bien entendu, son les miens. Allons-y donc:
Séquence 1: “La France”
Aujourd’hui je suis venu parler de la France. On n’en parle pas assez de la France. Comme si c’était démodé de parler de la France. Comme si on avait fini par tellement s’y habituer de la France, que l’on n’y accordait plus d’importance.
Jeune, j’ai aimé la France sans le savoir. Beaucoup dans ma famille venaient de loin.
J’aimais le ciel sous lequel je vivais et ce n’était pourtant pas le ciel de Marseille.
J’aimais le son des mots.
J’aimais des chansons, des musiques, des livres.
J’aimais des villes, une façon d’aligner des maisons, de planter des arbres le long des routes.
J’aimais des bords de mer.
J’aimais une façon de rire, une façon d’être libre, j’aimais une façon française une façon de goûter la vie.
J’aimais une façon d’aimer.
Au fond, j’aimais la France sans le savoir.
J’aimais la France sans comprendre le prix qu’avait dû payer tant de générations pour nous léguer notre patrie.
Je l’aimais comme l’air qu’on respire.
Je l’aimais au fond sans comprendre ce que la France avait d’unique, ce que la France devait à des milliers d’années de travail et d’amour et au sang versé par tant de femmes et tant d’hommes pour qu’en entendant son nom de France, il n’y ait pas une seule personne au monde qui ne pense à la liberté.
J’ai mis du temps pour mesurer à quel point si la France restait si vivante dans mon coeur, elle le devait aussi à tous ceux qui dans le monde entier continuent d’aimer la France et continuent d’espérer pour la France.
Je n’ai cessé en avançant dans la vie de ressentir à quel point cette idée de France, qui me semblait si éloignée de mon existence quotidienne lorsque j’étais jeune, y était en réalité présente à chaque instant, combien la France était humaine, combien la France était charnelle et combien la France avait contribué à me façonner depuis l’enfance.
Je me souviens qu’au début j’ai fait de la politique parce que je voulais agir, je voulais résoudre des problèmes, je voulais aider les gens à surmonter leurs difficultés, je voulais me battre pour des idées.
En me retournant sur toutes ces années j’ai compris que le combat, le combat essentiel, c’est celui que l’on mène pour le pays qui vous a vu naître ou le pays que l’on reconnaît comme sien. Il n’y en a pas un seul combat qui soit supérieur à celui qu’on mène pour son pays.
Cette introduction est remarquable a plusieurs titres.D’abord, comme dans l’ensemble du discours d’ailleurs,il n’y a aucune référence à l’Europe ou à la “construction européenne”. Après des années où les partis dominants communiaient dans l’idée que “l’Europe est notre avenir” et que le cadre national allait progressivement s’effacer, le discours sarkozien marque une totale rupture. Le “combat essentiel“, est redevenu pour le candidat de la droite un combat national, et “il n’y a pas de combat supérieur à celui qu’on mène pour son pays“. Difficile d’être plus explicite.
Ensuite, on ne peut que remarquer qu’au détour d’une phrase Sarkozy fait une équivalence entre ceux que “le pays a vu naître” et ceux qui “le reconnaissent comme leur”. Un point qui mérite d’être signalé et qui nous amène à une troisième remarque: on se trouve devant un texte écrit par un fils d’immigré portugais et lu par un fils d’immigré hongrois. Et cela n’est en rien anecdotique: on n’entendra pas ce discours aujourd’hui dans la bouche d’un “français de souche”. Il n’y a que les enfants d’immigrés ou de rapatriés – pensez à Philippe Séguin ou plus près de nous JL Melénchon – pour oser aujourd’hui proclamer ce genre de sentiment. Même Marine Le Pen, pourtant censée représenter ce qu’on fait de plus extrême en termes d’exaltation de l’idéal national, hésite à le faire. Dans le climat de haine de soi qui nous entoure, où l’on entend une surenchère pour démontrer combien la France est méprisable, combien notre histoire est noire, combien il nous faudrait nous inspirer des Allemands, des Coréens, des Finlandais, des Japonais ou des Américains, il est encourageant d’entendre ceci:
Si la France a mieux résisté que d’autres, c’est qu’elle a puisé sa force dans ce qu’elle avait de meilleur, dans ce qui lui a toujours permis de surmonter les pires épreuves, de demeurer un grand pays.
Je veux parler du travail, je veux parler de l’effort, je veux parler du courage, je veux parler de l’intelligence, je veux parler des valeurs de responsabilité et d’autorité.
Je veux parler du sentiment très fort de former une seule et même Nation.
Je veux parler de l’idéal de la République, de la chance qu’elle veut donner à tous les talents, à tous les mérites, de la valeur qu’elle reconnait au travail.
Je veux parler de cette grande chose en France qui s’appelle l’État et dont on voit bien dans la crise combien l’absence ou la faiblesse peuvent être dangereuses.
Séquence 2: La République et les corps intermédiaires
Pendant cinq ans j’ai pu mesurer la puissance des corps intermédiaires qui s’interposent parfois entre le peuple et le sommet de l’État, ces corps intermédiaires qui prétendent souvent parler au nom des Français et qui en réalité, souvent, confisquent la parole des Français. Que ce soit pour l’autonomie des universités, le service minimum, la
réforme des ports ou les retraites, j’ai pu mesurer bien souvent la difficulté de réformer quand les Français n’ont pas leur mot à dire. Ce ne sont pas les Français qui sont rétifs aux réformes mais les corps intermédiaires qui n’aiment rien tant que l’Immobilisme.
Sarkozy ne fait ici que reprendre une vieille idée qui traverse notre histoire républicaine: celle du rapport direct du citoyen à la République. Nos républicains se sont toujours méfiés – à juste titre d’ailleurs – des “corps intermédiaires. Tout simplement parce que ces “corps intermédiaires” ont pour finalité la défense des intérêts spécifiques de leurs membres. Il est donc protéger de la pression que ces “corps intermédiaires” peuvent exercer les institutions de la République qui, elles, sont gardiennes non pas d’intérêts spécifiques, mais de l’intérêt général. Voici ce qu’écrivait Isaac Le Chapelier (1) en 1791:
« Il n’y a de pouvoirs que ceux constitués par la volonté du peuple exprimée par les représentants ; il n’y a d’autorités que celles déléguées par lui ; il ne peut y avoir d’action que celle de ses mandataires revêtus de fonctions publiques.
C’est pour conserver ce principe dans toute sa pureté que, d’un bout de l’Empire à l’autre, la Constitution a fait disparaître toutes les corporations, et qu’elle n’a plus reconnu que le corps social et les individus.[…]
Il n’y a plus de corporations dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux autres citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation. »
Et Sarkozy ne dit pas autre chose dans son discours. Et c’est la même idée qu’il formule plus loin, dans un paragraphe que beaucoup ont interprété comme purement antisyndical, mais qui en fait a des racines bien plus profondes:
Quand on aime la France, on n’est pas du côté de ceux qui pour défendre leurs intérêts bloquent le pays et prennent les Français en otage dans des conflits qui ne concernent que des minorités protégés par des statuts dont elles ont fini par penser qu’ils leur donnaient tous les droits. (…)
Quand on aime la France, on n’est prisonnier d’aucun groupe de pression, d’aucun syndicat, d’aucune clientèle, d’aucune minorité. On ne se pose qu’une seule question, la question de l’intérêt général.
En reprenant le raisonnement de De Gaulle, Sarkozy défend comme antidote à l’interférence des “corps intermédiaires” l’expression directe du peuple à travers du référendum. Mais sur ce point son discours n’est pas véritablement crédible, tout simplement parce qu’il n’a pas utilisé ce moyen de légitimation une seule fois dans son quinquennat.
Séquence 3: la République contre le communautarisme
A force de ne plus regarder la France comme un tout, comme une destinée commune dont chacun est solidaire, mais comme une simple juxtaposition de communautés et de clientèles, à force de donner à chacun ce qu’il réclame sans tenir compte de ce que ça coûte à tous, à force que chacun n’ait plus que des droits et que l’on ne se soucie plus de faire respecter des devoirs, on a fragilisé la société et pris le risque qu’elle vole en éclat dans l’épreuve au moment où elle avait besoin de la plus grande des cohésions.
Et il donne un exemple qui n’est pas dénué d’arrières pensées – puisqu’il constitue l’un des points du programme de François Hollande:
Quand on aime la France, on ne propose pas de ratifier la charte des langues régionales et minoritaires qui n’a pas pour but de faire vivre les langues régionales mais de reconnaître des droits linguistiques à toutes les minorités et de les placer sous le contrôle d’une Cour européenne qui jugera sans tenir compte de notre histoire nationale et de notre tradition républicaine.
C’est le communautarisme qui est au bout du chemin et pas la défense d’un magnifique patrimoine de langues et de cultures qui font la richesse de notre pays.
Je veux défendre ce patrimoine. Je veux m’opposer à toute dérive communautariste parce que cette dérive ruinerait des siècles d’efforts et de sacrifices pour nous construire un État, une Nation, une République dont nous pouvons être fiers et dont nous tirons notre force et notre intelligence collectives.
Je me souviens de ceux qui, il n’y a pas si longtemps, refusaient l’interdiction de la burqa parce que leurs convictions n’étaient pas assez fortes.
Je me souviens de ceux qui voulaient séparer les hommes et les femmes dans les piscines municipales parce qu’ils étaient prêts à tous les compromis avec les valeurs républicaines. Pas de compromis avec les valeurs républicaines !
Plus loin, il reprend la même logique sur un autre point du programme du candidat socialiste:
Quand on aime la France, on ne réduit pas la nationalité française à une adresse et on ne prend pas le risque du vote communautaire qui ferait peser sur les élus locaux une pression communautariste immense et voler en éclat notre pacte républicain.
Séquence 4: Je n’ai à vous promettre que du sang, de la sueur et des larmes
Sarkozy n’essaye pas de défendre son bilan en positif. Il évite de reprendre telle ou telle mesure, si ce n’est en diagonale (autonomie des universités, RGPP, etc.). Il admet volontiers que sa présidence a vu la situation de ses concitoyens se dégrader. Sa principale ligne d’attaque est d’affirmer que la situation aurait pu être bien pire, et que si l’on a évité le véritable désastre, c’est en grande partie grâce à son action:
En France, c’est vrai, l’endettement a augmenté, les fins de nombreux de nos compatriotes sont difficiles.
C’est vrai, il y a plus de chômeurs.
C’est vrai, c’est difficile de se loger.
C’est vrai, on ne pourra plus partir à la retraite à 60 ans.
C’est vrai, il va falloir travailler plus longtemps.
C’est vrai, un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’est pas remplacé mais ces décisions, je les assume parce qu’elles étaient difficiles. Mais si on ne les avait pas prises à temps, où en serions-nous aujourd’hui ?
La vérité, c’est que la France n’a pas été emportée par une crise de confiance qui a ravagé tant d’autres pays dans le monde.
La vérité c’est que l’État n’a pas fait faillite.
La vérité c’est que les salaires et les pensions de retraite n’ont pas baissé.
La vérité c’est que le chômage n’a pas explosé comme ailleurs.
La vérité c’est que des milliers de Français n’ont pas été chassés de chez eux.
La vérité, c’est que dans notre beau pays il n’y a pas eu ce désespoir, cette violence qui a embrasé tant d’autres pays si proches de notre coeur et de nos frontières.
Le choix de Sarkozy est de se mettre en position de “celui qui dit la vérité” même si elle est déplaisante, alors que ses concurrents sont prêts à occulter cette vérité où à la travestir pour faire plaisir à l’électeur:
Je préfère tenir le discours de vérité que d’être à la place de ceux qui font cela parce que je ne pourrai pas paraître devant ces ouvriers à qui l’on dit : votre emploi nous le volons pour gagner la place que nous convoitons.
Aimer la France, c’est refuser d’accepter les 35 heures qui mettent tant d’entreprises françaises hors d’état d’affronter la concurrence des entreprises étrangères.
Aimer la France, c’est refuser de promettre la retraite à 60 ans en sachant que dans moins de 10 ans on ne pourra plus payer les retraites.
Aimer la France, c’est refuser d’augmenter les dépenses et d’augmenter les impôts en pleine crise mondiale de la dette.
Ou encore:
Quand on aime la France, on ne ment pas tous les jours aux uns pour faire plaisir aux autres. On tient le même discours à tout le monde parce que tenir le même discours à tout le monde, c’est la seule façon de respecter les Français.
Quand on aime la France, on dit la vérité aux Français sur ce que l’on veut faire, sinon on jette un discrédit sur une parole publique qui n’a pas besoin d’être discréditée.
Il faut avoir le courage de dire aux élites qu’une partie d’entre elles n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités en s’octroyant des rémunérations qui défiaient le sens commun. Cette minorité a trahi les valeurs qu’elle devait défendre.
Mes chers amis, il faut avoir le courage de dire à la jeunesse qu’elle ne réussira rien sans effort.
Il faut avoir le courage dire aux ouvriers qu’ils ne pourront pas gagner plus en travaillant moins.
Il faut avoir le courage dire aux retraités que l’on ne pouvait pas continuer à payer les pensions à crédit.
Il faut avoir ce courage. Ce courage d’aimer la France, ce courage de respecter les Français. Ce courage de la vérité.
Ce discours “de vérité” mord parce qu’il s’appuie sur une faiblesse du discours de ses adversaires. Dans son ensemble, la gauche a dans cette campagne une tendance forte à appliquer un vieil principe mitterrandien: “on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment”. D’où la formulation souvent elliptique et vague des propositions ou de ses prises de position. Et si l’affaire est véritablement difficile (nucléaire au FdG, vote du MES au PS…) on peut toujours s’en remettre à un “grand débat national” ou à une vague “renégociation”, bien entendu après les élections, quand ce n’est pas à un comité Théodule. Le président-candidat fait de toute évidence le choix opposé: lorsqu’il aborde un sujet dans son discours, il s’efforce d’exprimer une position tranchée et dénuée d’ambiguïté, quitte a froisser. C’est le cas par exemple du nucléaire:
Les ouvriers qui m’ont dit, la semaine dernière, à la centrale nucléaire de Fessenheim : « Monsieur le Président, ils nous ont vendus » savent bien que l’on ne croit pas en son pays quand on est prêt à arrêter des dizaines de réacteurs nucléaires en contrepartie d’un accord électoral qui se fait sur le dos de milliers d’ouvriers de la filière nucléaire française.
Est-ce qu’on est capable de dire en face à face, en regardant dans les yeux un ouvrier dont on vole le travail parce que l’on a voulu glaner quelques voix sur le tapis vert des négociations ?
Je préfère tenir le discours de vérité que d’être à la place de ceux qui font cela parce que je ne pourrai pas paraître devant ces ouvriers à qui l’on dit : votre emploi nous le volons pour gagner la place que nous convoitons.
Même chose sur l’immigration:
Aimer la France, c’est refuser d’aborder l’immigration par la seule posture idéologique. C’est un sujet qu’il faut évoquer avec gravité parce qu’une immigration non maitrisée est la cause de beaucoup de souffrances. Et les premiers à en souffrir sont ceux que l’on n’est pas capable d’accueillir dignement et ceux-là se sont souvent fait dépouiller de leurs maigres économies par des passeurs sans scrupules qui n’ont pas hésité à mettre leur vie en danger et qui ne sont qu’une bande de criminels qui ne méritent que le châtiment le plus extrême.
Il y a d’autres conséquences très lourdes qu’on n’a pas le droit de cacher aux Français. Si l’on ne maitrise pas l’immigration alors que le chômage reste si élevé, notre protection sociale ira droit à la faillite, notre pacte social explosera car nous n’aurons pas les moyens de le financer et alors ce sont toujours les plus faibles, les plus vulnérables, ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale qui en souffriront le plus.
Je n’ai jamais été et je n’ai pas changé et je ne changerai pas pour l’immigration zéro qui pour un pays comme la France n’a tout simplement pas de sens. Mais refuser tout contrôle, récuser l’immigration choisie laissant ainsi la porte ouverte à l’immigration subie, c’est irresponsable et c’est moralement condamnable.
Mes chers amis, rien n’est pire que la bonne conscience qui ne veut pas regarder en face les conséquences de ce qu’elle réclame. Régulariser massivement, ouvrir les vannes, ce n’est ni plus ni moins qu’une faute.
Non-séquence 5: Pas de promesses
Peut-être l’élément le plus remarquable de ce discours est la manière comme il résout le dilemme du sortant. En effet, contrairement à l’opposition, le mandataire sortant qui fait des promesses s’expose à la question qui tue: “si c’était une si bonne idée, pourquoi ne l’avez vous pas fait jusqu’à maintenant ?”. Mitterrand en 1988 et Chirac en 2002 avaient pu échapper à cette malédiction parce qu’ils se présentaient en sortie de cohabitation. Sarkozy, lui, n’a pas cet avantage. C’est pourquoi il évite très intelligemment de promettre, règle qu’il viole deux fois – on se demande pourquoi – sur le référendum et sur la proportionnelle. Et encore, il le fait sans véritable conviction sur des sujets qui en fait n’intéressent pas véritablement grand monde.
Séquence 6: Je préfère l’optimisme de la volonté au pessimisme de la raison
Je vais à cette rencontre en ayant en moi tout ce que j’ai appris, des souffrances qui se sont exprimées devant moi, Chef de l’Etat, souffrances auxquelles je ne pouvais pas répondre.
Celle de la victime dont on n’a pas retrouvé le coupable.
Celle de la femme, de la mère qui pleure devant le cercueil d’un soldat mort pour la France.
Celle de ce chômeur dont l’usine vient d’être délocalisée et qui ne sait pas, alors qu’il n’y ait pour rien, comment il va faire vivre sa famille.
Je vais à cette rencontre en sachant que la volonté ne peut pas tout mais sans volonté, mes chers amis, on ne peut rien.
Certains considèrent qu’il vaut mieux ne rien tenter que de prendre le risque d’échouer – comment ils disent ?- au risque de donner de faux espoirs.
Mais, mes chers amis, si l’on ne veut rien, si l’on ne tente rien, si l’on ne prend jamais le risque d’échouer, alors on peut être certain qu’il n’y a plus rien à espérer du tout. Quand on risque d’échouer, on risque aussi de réussir. Alors je préfèrerai toujours prendre le risque d’échouer que de renoncer à la possibilité, même la plus mince, de réussir. S’il y a une chance, une seule chance, d’empêcher qu’une vie s’abîme, s’il y a une chance de sauver un emploi, s’il y a une chance, rien qu’une chance, d’éviter une souffrance, je ne me résignerai jamais à ne pas la tenter.
Je suis fait ainsi et je n’ai pas l’intention de changer.
Rester les bras croisés devant un problème simplement parce qu’il est difficile –je vous garantis depuis cinq ans j’en aurai des crampes ! – ou lever les bras au ciel en s’écriant que contre le chômage on a tout essayé ou que l’État ne peut pas tout et que par conséquent on ne fait rien, c’est une conception de la politique qui ne sera jamais la mienne. Je préfère arrêter que devenir comme cela.
Séquence 7: Responsabilité et Autorité, deux valeurs retrouvées
Deux valeurs qui imprègnent le discours sarkozien sont celles de responsabilité et d’autorité. Et il en parle très franchement, en donnant sa vision de l’une et de l’autre:
La responsabilité c’est une valeur dont je veux parler aux Français parce qu’on l’a trop souvent négligée.
La responsabilité c’est le contraire de l’impunité.
Chacun doit être responsable de ses actes.
Chacun doit assumer les conséquences de ce qu’il fait, de ses erreurs, de ses fautes, de ses manquements, comme de ses réussites.
L’impunité pour le fraudeur, pour le voyou, ce n’est pas acceptable. Mais l’impunité en haut de l’échelle ne l’est pas davantage.
Quand un préfet ne fait pas son travail, je l’assume, on change de préfet.
Quand un juge commet une faute, je l’assume, il doit être sanctionné car il n’y a aucune indépendance qui exonère de toute responsabilité.
Sur l’autorité, même discours décomplexé:
Je veux aller à la rencontre des Français pour leur parler de l’autorité, cette valeur que l’on a tant dénigrée dans le passé et dont on se rend compte à quel point maintenant elle manque.
Je veux parler de l’autorité du maître à l’école, pas du copain à l’école mais du maître à l’école, de l’autorité du professeur, de l’autorité du policier, de l’autorité de l’État, de l’autorité de la loi.
Je veux parler de l’autorité que confère le savoir et que confère la morale.
Je veux dire qu’un monde sans autorité est un monde sans liberté, parce que l’autorité et la liberté c’est complémentaire, c’est l’ordre et le mouvement, la transmission et la transgression dans la même direction.
La encore, le président-candidat joue sur les faiblesses de ses adversaires, et notamment sur le discours “libéral-libertaire” qui est celui de la gauche depuis 1968, discours construit sur un rejet simultané des principes d’autorité et de responsabilité.
Séquence 8: On n’est pas en guerre civile
Un grand contraste aussi dans la caractérisation de l’adversaire. D’abord, le président n’a pas mentionne une seule fois le nom d’un parti politique ou d’un candidat. Le contraste est remarquable compte tenu du fait que tous les autres candidats ne font que ça. Non seulement les “petits” candidats, mais même ceux qui prétendent se donner une véritable stature présidentielle. Sarkozy fait preuve de beaucoup d’intelligence politique en évitant le langage de la guerre civile, celui du “front contre front”, pour mettre en avant sa tolérance, y compris devant ses propres amis:
La France ce ne sont pas des camps, ce ne sont pas des partis, ce ne sont pas des factions qui ne cessent jamais de se combattre avec la certitude d’être le bien contre le mal.
Je ne pense pas qu’il suffise d’être dans le camp du mal parce qu’on n’ait pas immédiatement convaincu par mes idées, par mon action, par mon discours.
Et il passe aux travaux pratiques:
A mes amis qui souvent m’ont dit : « on a confié la présidence de la Commission des Finances à l’opposition, regarde ce qu’ils en font », je leur ai dit : « oui, bien sûr, mais nous ne serons jamais comme eux ».
Parce qu’on ne combat pas le sectarisme en étant sectaire soi-même.
Parce qu’on ne combat pas l’intolérance en étant intolérant soi-même.
Parce qu’on ne combat pas l’excès en étant excessif soi-même. Nous ne leur ressemblons pas».
Nous n’avons pas les mêmes méthodes. Nous n’avons pas d’ennemis dans le peuple français.
Conclusion: Sarkozy au pouvoir ?
Rassurez-vous, mes chers lecteurs, je ne me suis pas converti aux vertus du sarkozysme. Je me suis contenté de choisir des morceaux de son discours en les commentant de la manière la plus neutre possible, comme pourrait le faire un citoyen républicain lambda n’ayant pas de convictions affirmées et cherchant sa voie. J’ai voulu surtout mettre en évidence quels sont les éléments qui rendent ce discours attractif, et notamment pour un public populaire attaché aux grandes valeurs de la République française. Contrairement à ce que beaucoup semblent croire à gauche: le discours sarkozien ne se limite pas à une suite d’éructations pour essayer de récupérer les voix du front national et des clins d’oeil vers les riches, pas plus qu’il ne se compose essentiellement de promesses. C’est un discours construit et qui sur beaucoup de domaines reprend des drapeaux qui furent ceux de la gauche – l’amour de la patrie, la vérité, la responsabilité, l’effort – et que la gauche a laissé tomber. Un discours qui exploite aussi très habilement les ambiguïtés et les contradictions de la gauche bienpensante: son incapacité congénitale à trouver des compromis réalistes, sa fuite dans l’ambiguïté, son adhésion aux valeurs “libérales-libertaires” qui sont aujourd’hui rejetées par une bonne partie des couches populaires, son europhilie béate, sa tendance à formuler le combat politique en termes de guerre civile.
Le principal problème de que pose ce discours est la sincérité. Car il y a un fossé béant entre le contenu du discours et la pratique sarkozienne du pouvoir (2). Alors qui croire, le Sarkozy qui nous explique qu’il faut avoir recours au référendum pour rendre aux français la parole confisquée par les “corps intermédiaires”, ou bien le Sarkozy qui fait voter un traité conçu par les “corps intermédiaires” – le traité de Lisbonne – pour contourner l’expression référendaire du peuple français ? Quel est le vrai Sarkozy, celui qui chante les louanges de l’Etat régalien et abhorre le communautarisme régionaliste, ou celui qui a présidé à l’affaiblissement de l’Etat via la RGPP, le transfert de compétences régaliennes aux collectivités locales ou au privé ? Si l’on pouvait prendre le discours des candidats pour de l’argent comptant, le choix entre Sarkozy et Hollande serait assez évident pour tout Républicain digne de ce nom. Seulement voilà, il y a la théorie et il y a la pratique.
Il est peu probable que Sarkozy réussisse à rétablir la situation – même s’il ne faut jamais jurer de rien dans cette matière – et François Hollande sera probablement le prochain président de la République. Mais cela n’invalide pas pour autant le discours du premier. On peut faire une analyse pertinente de la demande de l’électorat sans nécessairement arriver à la satisfaire. Si Sarkozy est battu, ce ne sera pas parce que son discours est rejeté par les français. Plus peut-être qu’en 2007, ce discours garde un grand pouvoir d’attraction parce qu’il prend bien plus en compte la demande de l’électorat populaire et de l’électorat républicain que les différents discours tenus par la gauche. Si Sarkozy est battu, ce sera parce que l’électorat ne lui pardonnera pas d’avoir pendant cinq ans trahi dans son action les valeurs qu’il avait si bien défendu par la parole.
Descartes
(1) Promulguée le 14 juin 1791, la loi Le Chapelier – du nom de son rédacteur, Isaac Le Chapelier, député jacobin et premier président du club du même nom – dissout toute une série de “corps intermédiaires”: les corporations, les manufactures privilégiées, les marchés paysans, et en général toutes les associations destinées à protéger l’exercice d’un métier ou d’une profession ou commerce en la réservant à ses membres. Ce texte se trouve dans la continuité des réformes adoptées lors de la “nuit du 4 août 1789 – Isaac Le Chapelier était alors, et ce n’est pas une coïncidence, le président de l’Assemblée – qui avaient déjà aboli les privilèges des ordres ainsi que certains privilèges locaux. La loi Le Chapelier sera utilisée pendant une bonne partie du XIXème siècle pour interdire les syndicats ouvriers.
(2) Le rôle singulier d’Henri Guaino dans le discours sarkozien n’est pas pour rien dans le décalage entre le Sarkozy qui parle et le Sarkozy qui agit. Contrairement à d’autres “plumes” présidentielles – on pense à Erik Orsenna – qui mettaient un talent littéraire au service des idées de leur patron, Henri Guaino est bien plus qu’un écrivain. C’est un idéologue au service d’un président qui n’aime pas les idées. Guaino ne se contente pas de donner une forme littéraire aux idées de Sarkozy: il fournit la forme et le fond. Et Sarkozy, qui est un homme d’action sans véritable réflexion, ne voit pas d’inconvénient à lire, avec un talent certain, un texte qui reflète des idées qui ne sont pas forcément les siennes mais dont il est convaincu qu’elles lui apporteront des voix.
Il ne manque pas d’air le “sortant” ! En fait, Sarkozy-candidat est un opposant du Sarkozy-Président. Si ça convient aux Français, alors…
Adhésion aux valeurs libérales-libertaires, europhilie béate : c’est tout lui ça.
Je n’écoute pas Sarkozy parce qu’on sait quelle politique il a mené (et on le savait à l’avance). Je n’aurais pas eu le courage (si ce n’est le talent ) de faire ce papier.
Adhésion aux valeurs libérales-libertaires, europhilie béate : c’est tout lui ça.
Faudrait pas trop exagérer. Sarkozy n’est certainement pas un “europhile béat”. On aurait du mal à trouver chez lui une adhésion à la “construction européenne” qui dépasse un simple pragmatisme.
Ses discours, d’habitude si lyriques sur la France, ne contiennent que de très rares envolées sur l’Europe.
Je n’écoute pas Sarkozy parce qu’on sait quelle politique il a mené (et on le savait à l’avance).
Pas vraiment. On le présentait comme un libéral impénitent, en pratique il a été plutôt interventionniste. En matière économique, il est plus proche d’un keynésien que d’un orthodoxe. Toutes les
politiques de droite ne se valent pas, et se réfuser à faire la différence ne contribue pas à leur compréhension.
Je n’aurais pas eu le courage (si ce n’est le talent ) de faire ce papier.
Ce n’est pas facile, je te l’accorde. Pourtant, je pense qu’il faut faire l’effort d’écouter – et non seulement d’entendre – et de lire de première main ce que nos adversaires produisent. Ne
serait-ce que pour mieux les comprendre. Disqualifier par avance leur expression est peut-être rassurant, mais ce n’est pas très constructif.
Je suis moins spécialiste que toi sur ces questions mais s’il a été interventionniste, c’est peut-être parce qu’il n’avait pas le choix. Même un libéral peut nationaliser une banque quand il n’a
pas le choix.
Je suis moins spécialiste que toi sur ces questions mais s’il a été interventionniste, c’est peut-être parce qu’il n’avait pas le choix.
En politique, on a toujours le choix. Il aurait pu laisser Alstom crever – d’autres l’auraient fait, suivez mon regard – et pourtant il est intervenu. Il a créé le FSI et OSEO, les premiers
outils de politique industrielle publique depuis des décennies.
Je continue à penser que la présidence de Sarkozy a été désastreuse. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut en faire le diable ou ne pas reconnaître que dans certains domaines, on risque de le
regretter.
Peu de choses à dire sur cet article, excepté que je ne comprends pas Guaino.
Comment peut-il mettre sa plume au service d’un homme qui maltraite ses valeurs ?
Comment peut-on défendre l’UE quand on s’appelle Guaino ?
Comment peut-il mettre sa plume au service d’un homme qui maltraite ses valeurs ?
Peut-être parce que c’est un réaliste, et qu’il sait qu’il aurait beaucoup moins d’influence s’il ne le faisait pas. Après tout, il s’était fait virer comme un malpropre par Jospin pour avoir
ouvert sa gueule un peu trop fort.
Finalement, l’essentiel n’est pas dans le corps de ton texte, mais dans ton annexe 2…
Comme toi visiblement, j’adore écouter et lire Guaino depuis que j’ai lu “l’etrange renoncement”. Ce gars là est un authentique républicain de droite, ce qui est devenu une denrée rare. On peut
trouver dommage qu’il seconde le diable en pensant pouvoir changer les choses de l’interieur.
Mais bon, du Guaino dans la bouche de Sarkozy, c’est un peu Carla Bruni qui chante du heavy metal en play back.
On se sent pas obligé de prendre ca au serieux!
Comme toi visiblement, j’adore écouter et lire Guaino depuis que j’ai lu “l’etrange renoncement”.
Tout à fait. C’est un type remarquable, non seulement un authentique républicain, mais aussi un cerveau de premier plan. En d’autres temps, il aurait pu être un grand commis de l’Etat comme
Guillaumat, Besse, Delouvrier ou Boiteux. Mais notre temps n’aime pas les langues bien pendues: Jospin l’a viré du commissariat général au plan, et Sarkozy l’a cantoné au rôle de conseiller
spécial sans véritable pouvoir.
On peut trouver dommage qu’il seconde le diable en pensant pouvoir changer les choses de l’interieur.
D’un autre côté, on ne sait pas combien de conneries il a pu bloquer, et quelles sont les choses qu’il a réussi quand même à faire passer. Je me demande par exemple si l’engagement sans faille de
Sarkozy pour le nucléaire – engagement qu’il n’avait jamais exprimé avant la campagne de 2007 – ne doit tout à son influence. Si c’était le cas, il mériterait en ce qui me concerne une indulgence
plenière.
Excellent papier, qui rappelle à point nommé qu’une élection n’est pas l’examen rationnel des programmes et des hommes. C’est aussi un processus identitaire ou l’électeur se fait supporter du
“champion” qui lui présente l’image la plus fidèle de ses propres aspirations. Même lorsque ce discours est totalement déconnecté de la pratique et des projets, il flatte et renforce” nombre
d’aspirations populaires légitimes. La comparaison avec Hollande et son discours-repoussoir active encore davantage l’identification… Celà dit comme tu le soulignes le bonhomme n’est pas un
perdreau de l’année et l’image du candidat reste brouillée par celle du président.
Remarque en passant : “En matière économique, il est plus proche d’un keynésien que d’un orthodoxe.” – je crois que Sarkozy n’est ni l’un ni l’autre : c’est un néolibéral de la pire espèce,
c’est-à-dire quelqu’un qui sous couvert d’un discours “orthodoxe” subordonne systématiquement l’Etat aux intérêt du secteur dominant du capitalisme. Que celà passe par une explosion des dépenses
publiques pour sauver les créanciers n’a rien d’étonnant – et rien malheureusement de “keynesien”, ce qui eut supposé de sérieuses mesures contre la finance et la mise en oeuvre d’un programme de
soutien à la demande au lieu du sauvetage des banques et des “marchés”. “Capitalisme monopoliste d’état” disait le PCF naguère, l’expression conviendrait assez bien aujourd’hui dans un autre
contexte….
Excellent papier, qui rappelle à point nommé qu’une élection n’est pas l’examen rationnel des programmes et des hommes. C’est aussi un processus identitaire ou l’électeur se fait supporter du
“champion” qui lui présente l’image la plus fidèle de ses propres aspirations.
Tout à fait. L’élection n’est pas un simple acte de mandatement, et cela est particulièrement vrai pour une élection présidentielle. On n’élit pas un homme seulement pour appliquer un programme,
on élit un homme qui aura la lourde tâche d’agir dans un environnement changeant et faire face à des situations que son programme n’a pas prévu. Le programme est important, parce qu’il donne une
idée de la capacité de l’homme politique à avoir une vision réaliste et hiérarchisée de ses objectifs. Mais il reste à évaluer sa capacité à réagir comme nous le souhaiterions à une crise, à un
imprévu. Et pour cela, le seul guide que nous avons est son action passée et son caractère.
Remarque en passant : “En matière économique, il est plus proche d’un keynésien que d’un orthodoxe.” – je crois que Sarkozy n’est ni l’un ni l’autre : c’est un néolibéral de la pire espèce,
c’est-à-dire quelqu’un qui sous couvert d’un discours “orthodoxe” subordonne systématiquement l’Etat aux intérêt du secteur dominant du capitalisme.
Il faudra m’expliquer en quoi le sauvetage d’Alstom fait partie d’un discours “orthodoxe” ou subordonne l’Etat aux intérêts du secteur dominant du capitalisme. Idem pour la politique nucléaire…
Non. Je pense qu’on fait une sérieuse erreur en voulant à tout prix diaboliser Sarkozy en lui collant l’étiquette de “néolibéral de la pire espèce” (y aurait-il des néolibéraux d’espèces
meilleures ?). Etre un “néolibéral” implique assumer une position idéologique, et c’est précisement ce que Sarkozy ne fait pas. Sarkozy est avant tout un pragmatique, et comme pour tous les
pragmatiques il est difficile de classer sa politique dans une matrice idéologique. Sur telle question, il prendra des mesures qui sont nettement antilibérales: ce fut le cas en matière
“sociétale” avec la burqua ou le mariage homosexuel, en matière économique et industrielle avec la politique énergétique et en politique européenne avec ses prises de position contre les
politiques d’austérité (qu’il ait été battu n’empêche qu’il a essayé). Sur d’autres questions, il aura au contraire privilégié les intérêts privés sans vergogne.
Ce qui est détestable chez Sarkozy, et qui à mon avis le conduira à l’échec électoral dans une France qui est pourtant sociologiquement à droite, c’est moins son idéologie que son absence
d’idéologie. Cela l’a conduit à une gestion des affaires erratique qui mélange des mesures keynésiennes et des mesures monétaristes, des mesurs pro-marché et des mesures anti-marché, des mesures
qui renforcent l’Etat et des mesures qui l’affaiblissent.
Que celà passe par une explosion des dépenses publiques pour sauver les créanciers n’a rien d’étonnant – et rien malheureusement de “keynesien”, ce qui eut supposé de sérieuses mesures contre
la finance et la mise en oeuvre d’un programme de soutien à la demande au lieu du sauvetage des banques et des “marchés”.
Il ne faut pas exagérer. De quelles “dépenses publiques pour sauver les créanciers” parlez-vous ? Des exemples concrets, s’il vous plaît. L’argent prêté aux banques françaises a finalement
rapporte près de 2 Md€ au budget de l’Etat et ce fut pour celui-ci une bonne affaire (au point que les banques concernées l’ont remboursé dès qu’elles ont pu). Et quand bien même ce ne serait pas
le cas, qui sont d’après vous les “créanciers” qu’on a sauvé ? Les “créanciers” en question, c’est vous et moi.
On peut critiquer la gestion de Sarkozy sur beaucoup de points. Mais dans la gestion de la crise financière, il y a plus à louer qu’à critiquer. Depuis 2008 la France est l’un des rares pays
européens qui a continué à soutenir la demande – c’est d’ailleurs pour cela que notre croissance s’est moins dégradée que chez nos voisins. La position de la France dans les débats à Bruxelles a
été de s’opposer autant que possible à la brigade austéritaire, et même si la France a été battue on ne peut contester que le combat a été mené.
Je trouve l’antisarkozysme primaire très fatigant. On peut reprocher au président énormément de choses, mais de là à en faire le diable incarné, a lui attribuer tous les pêchés possibles, il y a
un pas que je me refuse à franchir. On peut combattre un homme ou un régime sans pour cela se sentir obligé de le qualifier de “néolibéral de la pire espèce”.
“Capitalisme monopoliste d’état” disait le PCF naguère, l’expression conviendrait assez bien aujourd’hui dans un autre contexte….
Et surtout avec une autre signification. Le capitalisme monopoliste d’Etat, tel qu’il fut décrit par Boccara en son temps, se caractérise en effet par le caractère dominant du secteur public dans
les secteurs financier et productif, et par une rémunération du capital à des taux réduits, voire négatifs. C’est l’organisation du capital qui a prévalu après la Libération et jusqu’à ce que les
libéraux y mettent fin sous le règne de Mitterrand. Si pour vous “l’expression convient bien aujourd’hui”, alors il faut voter Sarkozy sans hésiter…
Si Sarkozy est battu, ce ne sera pas parce que son discours est rejeté par les français. Plus peut-être qu’en 2007, ce discours garde un grand pouvoir d’attraction parce qu’il prend
bien plus en compte la demande de l’électorat populaire et de l’électorat républicain que les différents discours tenus par la gauche.
Il est très fort pour lire les discours écrits par Guaino, celui de Toulon I était vraiment remarquable. Mais le problème c’est que derrière les discours il reste un engagement sans failles en
faveur de l’oligarchie néolibérale, au détriment du plus grand nombre.
On pourrait résumer son actuelle posture par une formule: J’ai échoué, je n’ai tenu aucune promesse, sauf celles envers les riches, mais redonnez moi 5 ans pour que je termine mon travail.
Mais c’est vrai qu’une élection de Hollande présente le risque d’être bien plus nocive pour notre peuple, triste dilemme que nous avons……
Merci beaucoup d’avoir fait cette analyse rigoureuse, qui a tu te prendre beaucoup de temps.
Je *n’écoute pas* Sarko car comme tu dis en conclusion, l’écart entre ce qu’il lit (de Guaino) et ses actes d’affaiblissement manifeste de la République (il n’est pas le seul, je le reconnais,
merci aussi au PS quand il est au pouvoir) est tellement gros, que je passe mon chemin.
Je suis d’accord avec toi sur le fait que Guaino est une plume tout fait estimable, et le passage sur les sentiments du descendant d’immigrés qui a adhéré à l’idéal républicain résonne
également fortement en moi, car c’est tout à fait ce que je ressens (Guaino ayant bien plus de talent que moi pour l’exprimer). Mélenchon, comme tu le notes, fait aussi parfois des passages de ce
type dans ses discours, dont on sent qu’ils viennent du fonds du coeur. Les gauchistes pour qui le descendant d’émigrés est forcément un traumatisé à qui il faudrait passer ses caprices m’ont
toujours agacée.
Guaino a effectivement pris le contrepieds de la plupart des discours politiques actuels millénaristes, déclinistes et misérabilistes, c’est un choix audacieux, mais comme le décalage dont
je parle plus haut est très fort, il est fort possible que cette audace ne paie pas (nan mais franchement Hollande, qui va faire du Zapatero frances avec les gages donnés aux marottes des pipoles
engagés type mariage gay ou centres de femmes battues, moi je vais à la pêche).
Guaino a effectivement pris le contrepieds de la plupart des discours politiques actuels millénaristes, déclinistes et misérabilistes, c’est un choix audacieux, mais comme le décalage
dont je parle plus haut est très fort, il est fort possible que cette audace ne paie pas
Que voulez-vous, le souverain n’a guère changé en France: les citoyens d’aujourd’hui sont comme Louis XIV hier. Ils aiment être flattés tout en méprisant les flatteurs. Le peuple n’est pas dupe,
bien sûr, et il sait très bien que ces politiques qui lui promettent la lune se foutent de lui dès qu’ils sont derrière une porte fermée. Mais il ne votera pas ceux qui ne le flattent pas. Les
Guaino, les Séguin et les Chèvenement n’ont guère de chance aujourd’hui d’être élus. Ils ont la langue trop bien pendue. Ces caractères-là arrivent au pouvoir en France lorsqu’il y a une crise
grave, existentielle, et sont en général renvoyés chez eux dès que ça se calme…
Le néolibéralisme “réellement existant” n’est pas une théorie, il n’a rien d'”orthodoxe”. Les vrais libéraux orthodoxe s’étranglent devant le sauvetage des banques et la collusion des Etats avec
les milieux d’affaire. Le néolibéralisme est un bric-à-brac idéologique pour couvrir la collusion de l’Etat avec la direction des grandes entreprises – d’où ma référence au “capitalisme
monopoliste d’Etat”, dont le concept s’appliquait évidemment comme je le précisais à un autre contexte.
De quelles “dépenses publiques pour sauver les créanciers” parlez-vous ? Des exemples concrets, s’il vous plaît.
Cadeaux fiscaux, plan de soutien à répétition aux créanciers de la Grèce, allègements de charges divers, suppression de la taxe professionnelle, et j’en passe…
Les “créanciers” en question, c’est vous et moi.
Bien sûr chacun de nous est un petit rentier. Mais pour ma part et comme au moins 90% de la population, j’ai beaucoup plus perdu comme salarié que gagné comme rentier…
Depuis 2008 la France est l’un des rares pays européens qui a continué à soutenir la demande – c’est d’ailleurs pour cela que notre croissance s’est moins dégradée que chez nos voisins.
Le soutien à la demande a essentiellement résulté des stabilisateurs automatiques : l’inertie des dépenses publiques et de la protection sociale MALGRE les efforts de Sarkozy. Sa contribution :
cadeaux fiscaux aux hauts revenus, blocage des salaires (et même réduction en termes réels dans la fonction publique), plans de déremboursement de la Sécu, etc.
Si tu veux dire que celà aurait pu être encore pire, je veux bien te l’accorder… mais je crains que ce soit surtout le manque de marge de manoeuvre politique qui l’en a empéché.
La position de la France dans les débats à Bruxelles a été de s’opposer autant que possible à la brigade austéritaire, et même si la France a été battue on ne peut contester que le combat a
été mené.
Je ne prétend pas que le capitalisme financier soit un bloc immuable ; l’équation particulière de l’Allemagne la place dans une position extrémiste et dangereuse pour le système lui même. Cela
dit la pression française pour “sauver” la Grèce et refinancer les dettes auprès de la BCE répondait aussi (surtout ?) aux intérêts des banques françaises… et quand l’Allemagne essaie
d’interdire les ventes à découvert, la France s’y oppose…Le bilan de Sarkozy, c’est qu’il s’est couché après quelques rodomontades auxquelles il ne croyait pas lui même.
Le néolibéralisme “réellement existant” n’est pas une théorie, il n’a rien d'”orthodoxe”.
Mais en quoi consiste précisement ce “néolibéralisme réellement existant” ? Et j’insiste: pré-ci-se-ment. Parce qu’à vous lire – et rassurez-vous, vous n’êtes
pas le seul – on a l’impression que la définition du “néolibéralisme réellement existant” s’adapte de manière à couvrir n’importe quelle politique/personne/discours qui ne vous plaît pas. Sarkozy
est-il “néolibéral” ? Et Le Pen (père et fille) ? Et Mitterrand ? Et Delors ?
Le néolibéralisme est un bric-à-brac idéologique pour couvrir la collusion de l’Etat avec la direction des grandes entreprises
Mais alors, De Gaulle, Delouvrier, Boiteux étaient donc des affreux “néolibéraux” ? Guillaumat, Pecqueur, Besse, et même Marcel Paul l’étaient aussi ? Peut-on imaginer “collusion” plus
grande que celle qui a existé jusqu’aux années 1980 entre EDF, ELF et l’Etat ? Je pense que vous faites du “néolibéralisme” un croquemitaine, un mot-valise qui finalement ne veut plus rien dire.
Il y a tellement de manières d’être “néolibéral” selon votre patron que le qualificatif n’a plus grand sens.
Cadeaux fiscaux, plan de soutien à répétition aux créanciers de la Grèce, allègements de charges divers, suppression de la taxe professionnelle, et j’en passe…
Soyons sérieux: parler de “dépenses publiques pour sauver les créanciers” en référence aux “cadeaux fiscaux”, aux “allègements de charges” ou la “suppréssion de la taxe professionnelle” est une
double erreur. D’une part, parce qu’aucune de ces mesures n’est une “dépense”. Et d’autre part, parce qu’aucune d’elles n’a pour objet – ni pour résultat – de “sauver les créanciers”. Quels sont
les créanciers “sauvés” par la suppression de la taxe professionnelle ?
Une fois encore, si l’on veut comprendre les choses il faut être rigoureux. Laissons donc au vestiaire les jérémiades “alter” contre les “créanciers”, les “panquiers” et “néolibéraux” et
concentrons nous sur les faits, s’il vous plait…
“Les “créanciers” en question, c’est vous et moi”. Bien sûr chacun de nous est un petit rentier.
Pas forcément. Mais chacun de nous est peu ou prou un créancier. Nous sommes créanciers de notre banque pour le montant qui figure dans notre compte courant. Nous sommes créanciers de la sécurité
sociale pour nos remboursements. Nous sommes créanciers des régimes de retraite pour nos droits à pension. Croire que la faillite des banques n’aurait touché que les hommes ventrus à cigare et
chapeau haut de forme est une vision de l’économie qui était réelle en 1900, quand les travailleurs étaient payés à la semaine et en liquide et consommaient tout leur salaire. Mais depuis qu’on
est payé par virement bancaire, et qu’on gagne en moyenne suffisamment pour pouvoir épargner un peu (ce qui, n’en déplaise les gauchistes, est le cas de l’immense majorité des salariés) nous
sommes tous des créanciers.
Le soutien à la demande a essentiellement résulté des stabilisateurs automatiques : l’inertie des dépenses publiques et de la protection sociale MALGRE les efforts de Sarkozy.
Mon commentaire faisait référence aux politiques keynésiennes suivies par la France depuis 2008. Le fait est que Sarkozy n’a pas cherché à démantéler ces stabilisateurs automatiques en réponse à
la crise. Il a même combattu l’idée d’une politique d’austérité et n’a pas véritablement cherché à comprimer les dépenses publiques. Il s’y est plié à partir de 2011 sous la pression européenne.
Je crois qu’on commet une erreur fondamentale en voyant en Sarkozy un père-la-rigueur.
Si tu veux dire que celà aurait pu être encore pire, je veux bien te l’accorder… mais je crains que ce soit surtout le manque de marge de manoeuvre politique qui l’en a empéché.
Je ne le crois pas. Dans un certain nombre de domaines (pensez à la politique industrielle, par exemple) la politique sarkozienne a été nettement expansionniste. Pensez par exemple au Grand
Emprunt (40 Md€, tout de même). C’est un exemple presque caricatural d’une politique keynésienne. Il est vrai que Sarkozy se méfie de la dépense sociale, qu’il semble considérer dans beaucoup de
cas comme “improductive”. Mais reprocher à Sarkozy de vouloir réduire par principe la dépense publique est à mon avis une erreur.
Je ne prétend pas que le capitalisme financier soit un bloc immuable ; l’équation particulière de l’Allemagne la place dans une position extrémiste et dangereuse pour le système lui même.
Cela dit la pression française pour “sauver” la Grèce et refinancer les dettes auprès de la BCE répondait aussi (surtout ?) aux intérêts des banques françaises…
Une coïncidence n’implique pas un rapport de causalité.
et quand l’Allemagne essaie d’interdire les ventes à découvert, la France s’y oppose…
Normal, c’est une idiotie. Mais je pourrais aussi vous opposer votre propre raisonnement: Si Angela Merkel propose d’interdire les ventes à découvert, n’est ce pas le signe que c’est dans
l’intérêt de la finance ? Pourquoi accorder à Merkel le bénéfice du doute et le refuser à Sarkozy ?
Le bilan de Sarkozy, c’est qu’il s’est couché après quelques rodomontades auxquelles il ne croyait pas lui même.
A la rigueur, le “bilan” est qu’il s’est couché. Mais comment savez-vous qu’il “n’y croyait pas lui même” ? A moins de lire dans ses pensées… Ce dernier commentaire montre d’une manière presque
caricaturale à quel point vous condamnez Sarkozy non pas pour ce qu’il est, mais en fonction de vos préjugés.
“Mais en quoi
consiste précisement ce “néolibéralisme réellement existant” ? “
Privatisation des gains et socialisation des pertes. Pile ils gagnent,
face la société règlera l’ardoise.
En fait je vois bien deux libéralismes : un libéralisme schumpeterien qui
donne la part belle à l’entrepreneur, à la destruction créatrice et un libéralisme de la rente.
En principe un libéral est contre la rente. Cependant ces 30 à 40
dernières années les réformes menées au nom du libéralisme ont profité à la rente :
financement des dépenses publiques par l’emprunt alors qu’on vient d’interdire à l’état d’emprunter
directement à sa banque centrale. Vu que ce sont les plus riches qui sont les principaux prêteurs, l’ensemble des contribuables devra leur verser un intérêt. Est-ce préférable à l’impôt
inflationnaire, j’en doute, tout dépend du niveau d’inflation.
affaiblissement de l’école par les libéraux culturels et les libéraux économiques alors que les
dépenses publiques liées à l’éducation permettent de réduire les inégalités de naissance, et la méritocratie est un des meilleurs moyens de lutter contre les rentes de situation
réduction par Sarkozy de l’impôt sur les successions, mesure qui va profiter aux
héritiers.
Mise en place de l’Euro, monnaie forte qui profite aux rentiers en raison de l’exclusivité donnée à la
lutte contre l’inflation. Alors oui les entreprises en économie ouverte souffraient des trop fréquentes dévaluations compétitives des pays voisins mais ce n’était pas une raison pour bloquer
l’Europe en un système rigide dirigé par l’Allemagne.
Un laissez-fairisme stupide qui conduit par exemple à l’invention des CDS nus et autres produits
financiers complexes et potentiellement dangereux.
Une liberté de circulation des capitaux guidée par la volonté de fuire vers les zones de basse
pression fiscale et non pas l’investissement à long terme dans les entreprises.
Je peux apprécier le libéralisme d’un Jean-Claude Werrebrouck mais le libéralisme proclamé des Minc, Attali et
Sarkozy me donne des boutons.
Une remarque, Sarkozy a peut-être créé le FSI mais pas OSEO qui n’est que le nouveau nom de la BDPME.
Qu’est-ce qui vous fait dire que l’interdiction de la vente à découvert est une idiotie ?
Privatisation des gains et socialisation des pertes. Pile ils gagnent,
face la société règlera l’ardoise
Si c’est cela qu’on appelle “libéralisme”, alors le mot perd tout sens. Suivant ce critère, Sarkozy ne
ser ait pas “néolibéral”. Après tout, lorsqu’il nationalise Alstom pour la revendre
ensuite, les actionnaires y ont perdu et l’Etat y a gagné, ce qui selon ta définition même serait le contraire du “néolibéralisme”. Je pense qu’il faut se méfier des “mots-valises” qui finissent
pr désigner tout et n’importe quoi.
En principe un libéral est contre la rente.
Faudrait te décider: tu dis toi même qu’il y a deux types de
libéraux, les schumpéteriens et les “liberaux de la rente”. On peut supposer que ces derniers ne sont pas “en principe” contre la rente, à moins qu’ils soient masochistes…
Le libéralisme est une doctrine politique qui soutient que la société
désirable est celle où les individus ont la plus large liberté possible, la société ne pouvant intervenir que lorsque cette intervention est absolument nécessaire pour permettre la vie en
collectivité. Le libéralisme économique est la traduction dans l’économie des principes politiques libéraux: un régime où chacun est libre de ses choix économiques, de choisir son activité et
d’en vendre le produit au prix qu’il souhaite, l’Etat n’intervenant là encore que lorsque ceci est nécessaire pour permettre à chacun de jouir de cette liberté.
Henri Guaino est l’exemple même de l’homme de talent qui ne peut qu’être au service du Prince, la couleur de la tunique lui importe peu, elle fut rose un
temps elle est aujourd’hui bleu marine, et elle pourrait très bien être demain de couleur brune ; certains se targuent de son républicanisme et de son potentiel d‘homme d’état, c’est là lui faire
une grande gloire, ce monsieur malgrés tout son talent de plumitif n’a en réalité aucune trempe. L’avez vous vu s’avancer dans une prise de risque à titre personnel pour faire vivre ses idées,
non jamais. Dans les discours rédigés pour le Prince du moment, il ne fait que flâtter l’appartenance et le chauvinisme, il éxalte le «franchouillard» jamais il n’atteint le discours humaniste,
Henri Guaino en est bien loin. C’est un idéologue de l’ombre qui n’a jamais su prendre la responsabilité de défendre seul ses idées, il lui faut pour cela servir, il se positionne dans le
rôle du laquais, là est son inintérêt. Aujourd’hui au service d’un homme dont le cerveau n’est occupé que par l’appât du gain, il voudrait nous faire croire l’impossible espoir de voir changer
cette caricature d’homme d’état qu’est Nicholas Sarkozy; Hier, fin manipulateur, il n’a fait que retourner une autre tête vide, Mme LE PEN, dont il partage les idées dit-il.
Henri Guaino est l’exemple même de l’homme de talent qui ne peut qu’être au service du Prince, la couleur de la tunique lui importe peu, elle fut rose un
temps elle est aujourd’hui bleu marine, et elle pourrait très bien être demain de couleur brune
Oh, vous savez, cela arrive à beacoup de monde… votre héros Mélenchon, sans aller plus loin, porta lui aussi la tunique rose des vrais mittérandiens et
vota “oui” à Maastricht avant d’enfiler la tunique rouge et verte… et demain, pourquoi pas la bleue ou la brune, lui aussi ?
Faudrait tout de même pas oublier que si Henri Guaino a quité le Prince “rose”, c’est parce que le Prince en question l’a viré comme un malpropre, et que
s’il l’a viré, c’est précisement parce qu’il a refusé de fermer sa gueule. Faut croire que Guaino tient donc plus à ses idées qu’a “être au service du Prince”…
Vous avez le droit de penser que le meilleur endroit pour faire avancer ses idées c’est la tribune d’un meeting où le poste d’élu d’opposition. D’autres
pensent qu’on peut plus efficacement exercer une influence sur les événnements en étant conseiller d’un Prince dont on ne partage pas forcément toutes les idées, mais qui vous laisse une certaine
marge de manoeuvre. Je ne permettrais pas d’arbitrer entre les deux positions…
L’avez vous vu s’avancer dans une prise de risque à titre personnel pour faire vivre ses idées, non jamais.
Beh si, justement. Il faut croire que vous avez oublié les circonstances dans lesquelles il fut sèchement
révoqué comme commissaire général au Plan par Lionel Jospin pour avoir publié un rapport sur le chômage qui contredisait la politique officielle du gouvernement.
Pour tout vous dire, je trouve paradoxal de la part de quelqu’un qui fait campagne pour Jean-Luc Mélenchon de faire ce type de reproches. Après tout,
Mélenchon a soutenu systématiquement les politiques socialistes après 1983: l’austérité, le franc fort, l’acte unique, le traité de Maastricht, les privatisations… Lui aussi servait un “Prince”
dont il ne partageait pas forcément tout – en tout cas c’est ce qu’il dit maintenant – mais je ne me souviens pas d’une seule parole critique de sa part. Je vous invite d’ailleurs à relire ses
interventions au Parlement lors du débat sur le traité de Maastricth. En termes de “prise de risque personnel”, votre héros en a pris bien moins que Guaino.
C’est un idéologue de l’ombre qui n’a jamais su prendre la responsabilité de défendre seul ses idées,
Pour un idéologue de l’ombre, je trouve qu’il est très souvent sous les projecteurs. Désolé, mais vous dites n’importe quoi: Guaino a été haut fonctionnaire
(et il a été viré justement pour avoir un peu trop défendu ses idées), il a écrit des livres qu’il a signé sous son nom. Je trouve qu’il a pris assez
de “responsabilités”. Si pour vous “prendre des responsabilités” c’est se faire élire, nous n’avons certainement pas la même idée de ce que “responsabilité” veut dire. Je vous rappelle que De
Gaulle a été élu pour la première – et l’unique – fois en 1965.
il lui faut pour cela servir, il se positionne dans le rôle du laquais,
Si pour vous les fonctionnaires sont des “laquais”, décidément nous n’avons pas les mêmes valeurs.
Aujourd’hui au service d’un homme dont le cerveau n’est occupé que par l’appât du gain,
Arrêtez vos jérémiades, elles sont ridicules. Si Sarkozy n’était “occupé que par l’appât du gain”, il aurait fait des affaires. Avec la moitié du travail et
de l’énergie qu’il a investi pour conquérir la présidence il aurait pu faire infiniment plus d’argent dans un poste de dirigeant d’entreprise. Que vous n’aimiez pas Sarkozy, c’est votre droit.
Moi je ne l’aime pas non plus. Mais ce n’est pas une raison pour lui attribuer tous les pêchés du monde. Les ressorts de son action peuvent être l’ambition, la mégalomanie, le besoin de
reconnaissance… mais l’appât du gain certainement pas. Si vous avez besoin d’un croquemitaine pour vous faire peur, c’est votre problème. Le monde n’est pas aussi simple que vous le croyez, et
le combat politique n’est pas réductible au combat du Bien contre le Mal.
Laissons, monsieur, venir à nous la suite des événements, voulez-vous ; quant à mon héros ce n’est certainement pas celui que vous croyez. Ne dit-on pas “faute de grives, mangeons du merle”, je
crois bien que nous en sommes vous et moi à ce stade, et ma foi le repas ne va pas être bien gras !
Lisez moi plus attentivement et vous verrez que derrière mes propos se tient une exigence qui n’est pas la vôtre. Pour ma part il ne m’est pas indispensable ni d’admirer, ni de croire, seulement
de vouloir et d’exiger de la part de celui ou de celle qui s’engage, justement son engagement et rien d’autre que son engagement, le reste m’indiffére et ne me concerne pas. Il n’est d’intérêts
que ceux qui ménent le combat, votre intelligence et votre savoir, aussi grand soit-il l’un et l’autre, ne vous serviront jamais à rien sur le pavé qu’un jour vous devrez fouler, mon indifférence
m’a déjà sauvée de bien des tracas et seule ma volonté de croire en une victoire possible me méne au long de ce combat qu’est la sauvegarde de ma liberté et de mon intégrité. Laissons la paix au
peuple, il la mérite.
En attendant, j’attends de votre part un peu plus de respect quant à vos engagements, on ne prend pas une chronique ne serait ce que dans une feuille de choux telle que la mienne, sans en avertir
son réalisateur de la panne probable pour l’édition de la semaine, je sais vous m’aviez prévenu de votre possible manquement, mais encore faut-il l’assumer. Je peux comprendre que votre blog vous
intéresse davantage qu’autre chose, il suffit juste de se désengager.
Ceci étant dit, sachez cher monsieur que j’ai beaucoup de plaisir à vous lire, malheureusement cela reste et ne restera toujours qu’au stade du plaisir intellectuel, c’est à dire sans grande
implication dans la vie quotidienne du lambda que je suis au final.
Salutations.
Laissons, monsieur, venir à nous la suite des événements, voulez-vous ;
Quand bien même je ne le voudrais pas, la “suite des évennements” viendrait à nous quand même.
quant à mon héros ce n’est certainement pas celui que vous croyez. Ne dit-on pas “faute de grives, mangeons du merle”
Un héros par défaut reste un héros. Votre critique d’Henri Guaino est féroce, et on peut facilement déduire de sa lecture que vous ne voteriez jamais pour lui. Je ne comprends pas pourquoi, alors
que les mêmes critiques pourraient être faites à votre “merle”, vous persistez à le manger…
Pour ma part il ne m’est pas indispensable ni d’admirer, ni de croire, seulement de vouloir et d’exiger de la part de celui ou de celle qui s’engage, justement son engagement et rien d’autre
que son engagement, le reste m’indiffére et ne me concerne pas.
Je ne comprends pas très bien. Vous êtes prêt à accepter un “engagement” sans y “croire” ? C’était bien mon point: si je pouvais y croire, beaucoup d’engagements du candidat Sarkozy pourraient
lui gagner mon vote. C’est précisement parce que je ne peux pas y croire (pour l’avoir vu à l’oeuvre) qu’il ne risque pas de l’avoir. Mais si je prends votre position, vous semblez au contraire
n’exiger de votre candidat qu’une belle histoire, sans même besoin qu’elle soit croyable…
seule ma volonté de croire en une victoire possible me méne au long de ce combat qu’est la sauvegarde de ma liberté et de mon intégrité.
La volonté de croire est l’une des forces les plus puissantes et les plus néfastes que l’homme ait inventée…
En attendant, j’attends de votre part un peu plus de respect quant à vos engagements, on ne prend pas une chronique ne serait ce que dans une feuille de choux telle que la mienne, sans en
avertir son réalisateur de la panne probable pour l’édition de la semaine
Je ne crois pas que ce blog soit l’endroit pour règler des comptes privés. Mais je vous avais prévenu: mes obligations professionnelles ne me permettent pas de m’engager à vous livrer un papier
par semaine. Par ailleurs, je vous avais adressé une contribution que vous n’avez pas trouvé digne de votre publication pour des raisons qui dépassent de très loin les termes sur lesquels on
avait établi notre collaboration. C’est votre droit – quoique – mais vous ne pouvez pas en même temps m’exiger d’en produire un autre au pied levé pour le remplacer.
je sais vous m’aviez prévenu de votre possible manquement, mais encore faut-il l’assumer
Puisque je vous ai prévenu, je l’assume. Je pense que vous me faites ici un mauvais procès suivant la règle qui veut que lorsqu’on a du mal à attaquer le message, on tape sur le messager.
Je peux comprendre que votre blog vous intéresse davantage qu’autre chose, il suffit juste de se désengager.
Du moment où votre publication rejette des papiers parce qu’ils seraient un peu trop compliqués pour “nos braves lecteurs”, oui, je l’avoue, mon blog m’intéresse plus.
“Mais en quoi consiste précisement ce “néolibéralisme réellement existant” ? Et j’insiste: pré-ci-se-ment. Parce qu’à vous lire – et rassurez-vous, vous
n’êtes pas le seul – on a l’impression que la définition du “néolibéralisme réellement existant” s’adapte de manière à couvrir n’importe quelle politique/personne/discours qui ne vous plaît
pas”
Cher Descartes, je lis avec plaisir des commentaires critiques et éclairants. Mais, face à la contradiction (qui était ici seconde vu l’objet de ton papier) tu me sembles te laisser emporter par
une polémique plus réthorique qu’éclairante. Le néolibéralisme n’est pas un concept arbitraire apparu par surprise sur ton blog, nombre d’auteurs ont développé ses spécificité et je l’ai moi même
évoqué sur mon blog. Il s’agit comme je l’écrivais de la combinaison particulière de discours qui a servi de doctrine, ou de fausse conscience, au néocapitalisme, c’est-à-dire la phas ouverte
dans les années 80 avec la politique de Reagan, en opposition aux politiques “fordistes” de l’après-guerre, mais aussi très décalée du libéralisme “classique”. On peut discuter du contour de ces
notions, dont la théorie est encore une construction. Mais cela n’avance à rien de noyer la discussion dans un vaste amalgame avec le “libéralisme classique”. La question est : en quoi les
politiques suivies depuis les années 80 sont-elle spéciales ? Elles mêlent en gros trois composantes à mon sens : une critique radicale de l’Etat qui ne s’applique en réalité qu’aux services
publics (le “public choice”), un interventionnisme pratique surdéveloppé (manipulations monétaires, déficits budgétaires systématiques, accompagnement sans précédent des mouvements spéculatifs,
effet d’entraînement des dépenses militaires aux Etats-Unis)… Ceci est évidemment très incomplet mais en tout cas se distingue radicalement du “libéralisme orthodoxe” comme du keynesianisme. Ce
dernier ne se réduit pas à la pratique du déficit budgétaire qui devait, selon Keynes, être orienté vers la dépense et non le soutien aux banques, aux marchés financiers ou même aux entreprises
dont les comportements restent recessifs en période de dépression. Et Keynes préconisait aussi la régulation du système financier, l’impôt progressif un certain protectionnisme, etc. C’est
pourquoi je pense que lorsque tu prêtes du “keynesianisme” à la politique de Sarkozy tu fais complètement fausse route.
S’agit-il de “diaboliser” Sakozy ? Personnellement je ne suis pas en campagne électorale ! J’en dirais autant de la plupart des candidats ou chefs d’Etat des années passées, avec cependant un
zèle spécial de Sarkozy par rapport à Mitterrand ou Chirac – mais ce ne sont que des détails. C’est le paradigme qui est vicieux et non la déclinaison légèrement spécifique qu’en feraient Sarko,
Hollande ou Bayrou.
Pour l’avenir : comme les politiques néolibérales mettent en péril la consistance même de l’Etat et de l’industrie en Europe, nous assisterons certainement à de nouveaux clivages et de nouvelles
contradictions France/Allemagne/Etats-Unis, dont tel ou tel protagoniste apparaîtra sur un point particulier comme un “moindre mal”. Si Sarkozy ou son remplaçant impose la monétisation des dettes
publiques par la BCE, j’applaudirais, de même que j’applaudirais Merkel si elle se donne les moyens de rendre effective l’interdiction des ventes à découvert, ou le Dood-Franck Act américain
quand s’il rétablit la séparation des banques d’affaire et de dépôt.. Mais le basculement vers une nouvelle régulation du capitalisme supposera des mesures autrement radicales (qui seront
peut-être l’oeuvre d’un policien d’ajourd’hui assez hardi pour tourner sa veste au moment opportun, mais nous n’en sommes pas là).
tu me sembles te laisser emporter par une polémique plus réthorique qu’éclairante.
Je ne le crois pas. Comme je te l’ai expliqué, j’ai horreur des “mots-valises” qui finissent par désigner n’importe quoi. L’expression “néo-libéralisme” recouvre tellement de significations
différentes (je ne vous parle pas bien entendu des significations anciennes, car malgré le “néo”, l’expression date en fait de la fin du XIXème siècle) ces temps-ci qu’on peut y mettre tout et
n’importe quoi. Vous même, d’ailleurs, peinez à le définir et vous contentez d’en faire la “combinaison particulière de discours qui a servi de doctrine, ou de fausse conscience, au
néocapitalisme, c’est-à-dire la phas ouverte dans les années 80 avec la politique de Reagan, en opposition aux politiques “fordistes” de l’après-guerre”. Lorsqu’on définit une théorie non
pas en fonction de ses points marquants mais à partir du positionnement politique de ceux qui l’ont utilisée, c’est bien qu’il y a un problème.
La question est : en quoi les politiques suivies depuis les années 80 sont-elle spéciales ?
C’est certainement une question. Mais il faut la préciser: “spéciales” par rapport à quoi ? Par rapport à la parenthèse 1845-74 ? Par rapport aux politiques des années 1930 ?
Elles mêlent en gros trois composantes à mon sens : une critique radicale de l’Etat qui ne s’applique en réalité qu’aux services publics (le “public choice”), un interventionnisme pratique
surdéveloppé (manipulations monétaires, déficits budgétaires systématiques, accompagnement sans précédent des mouvements spéculatifs, effet d’entraînement des dépenses militaires aux
Etats-Unis)… Ceci est évidemment très incomplet mais en tout cas se distingue radicalement du “libéralisme orthodoxe” comme du keynesianisme.
Je pense que vous confondez une théorie économique et la pratique politique (déformation professionnelle, peut-être ). Le “libéralisme orthodoxe” est une théorie livresque, elle n’a jamais vraiment été mise en pratique. Même à l’époque d’or du libéralisme classique britannique, les gouvernements sont
intervenus dans l’économie: privilèges accordés aux Compagnies coloniales, utilisation des ressources militaires pour privilégier le commerce, “navigation act”, etc. A l’opposé, le keynésianisme
est une “théorie” inventée non pas par un économiste universitaire, mais par un haut fonctionnaire. C’est à la base une politique économique, et pas véritablement une théorie économique.
Ce dernier ne se réduit pas à la pratique du déficit budgétaire qui devait, selon Keynes, être orienté vers la dépense et non le soutien aux banques, aux marchés financiers ou même aux
entreprises dont les comportements restent recessifs en période de dépression. Et Keynes préconisait aussi la régulation du système financier, l’impôt progressif un certain protectionnisme, etc.
C’est pourquoi je pense que lorsque tu prêtes du “keynesianisme” à la politique de Sarkozy tu fais complètement fausse route.
Pourquoi ? Prenons des exemples concrets: le RSA, c’est une mesure “keynésienne” ou néo-libérale ? Et la mise en place d’un Plan Pluriannuel d’investissement dans le domaine énergétique ? La
re-reglementation du système bancaire ? Même l’idée – dont il faut signaler combien elle s’oppose au malthusianisme orthodoxe – du “travailler plus pour gagner plus” ?
Maintenant, tu as qualifié la politique de Sarkozy de “néo-libérale”. Je te demande encore une fois: quelles sont précisement les mesures qui te permettent de le qualifier ainsi
?
Pour l’avenir : comme les politiques néolibérales mettent en péril la consistance même de l’Etat et de l’industrie en Europe, nous assisterons certainement à de nouveaux clivages et de
nouvelles contradictions France/Allemagne/Etats-Unis, dont tel ou tel protagoniste apparaîtra sur un point particulier comme un “moindre mal”.
Exactement mon point. Et devant la taille de la menace, “fou qui fait le délicat”. Entre une gauche “néo-libérale” et une droite keynésienne…
Si Sarkozy ou son remplaçant impose la monétisation des dettes publiques par la BCE, j’applaudirais,
Mais pourquoi ne pas applaudir aussi lorsqu’il sauve Alstom ou lorsqu’il s’oppose à la vision “austéritaire” de l’Allemagne ? Je te demande pas d’applaudir d’ailleurs, mais au moins d’admettre
que cela s’éloigne considérablement d’une vision “néolibérale”…
“le keynésianisme (…) me est à la base une politique économique, et pas véritablement une théorie économique.”
Nous ne sommes pas d’accord là-dessus ; Keynes complète Marshall par une théorie du circuit, une analyse de la finance et des convention qui en fait une source originale pour l’analyse
économique.
Quant au néolibéralisme, ce n’est en effet pas une “théorie”, mais je le définissait comme une “combinaison de discours”, les politiques qu’il inspire sont par conséquent assez pragmatiques mais
suivent une orientation commune.
Quant aux applaudissement à Sarko, ce n’est pas une question de principe, mais je crois que les gages qu’il fournit ne les autorisent guère (j’ai dû pourtant être un peu plus aimable à son égard
en 2008 ou, effectivement, il n’a pas choisi la pire des options politiques. Mais le Sarko de 2010-11 s’est rallié à la pire – je persiste sur le “pire” – version du néolibéralisme, à savoir la
purge et la “règle d’or”).
Nous ne sommes pas d’accord là-dessus ; Keynes complète Marshall par une théorie du circuit, une analyse de la finance et des convention qui en fait une source originale pour l’analyse
économique.
Je ne songeais pas à nier la contribution de Keynes à la théorie économique. Ce que je voulais signaler, c’est que ce qu’on appelle “keynésianisme” n’est pas une construction théorique cohérente,
mais un ensemble de raisonnements et de principes de politique économique. De ce point de vue, on ne peut pas parler de “kéynésianisme” comme on parle de “libéralisme”. Le second est un corpus
idéologique et théorique qui n’a été mis en oeuvre qu’imparfaitement, le premier est avant tout une politique économique qui à l’inverse a été “mis en théorie”…
Quant au néolibéralisme, ce n’est en effet pas une “théorie”, mais je le définissait comme une “combinaison de discours”, les politiques qu’il inspire sont par conséquent assez pragmatiques
mais suivent une orientation commune.
Je diffère: On a qualifié de “néolibérales” des idées et des politiques tellement différentes, que je ne crois pas que le terme puisse encore avoir le sens d’une “orientation commune”. Pour moi,
c’est devenu un “mot valise” à éviter comme la peste.
Quant aux applaudissement à Sarko, ce n’est pas une question de principe, mais je crois que les gages qu’il fournit ne les autorisent guère (j’ai dû pourtant être un peu plus aimable à son
égard en 2008 ou, effectivement, il n’a pas choisi la pire des options politiques. Mais le Sarko de 2010-11 s’est rallié à la pire – je persiste sur le “pire” – version du néolibéralisme, à
savoir la purge et la “règle d’or”).
Je ne vous ais jamais demandé d’applaudir. Il est vrai que le Sarkozy 2010-2011 s’est plié aux diktats allemands de la purge et de la “règle d’or”. Cependant, je voudrais vous faire toucher la
différence qu’il y a entre admettre pragmatiquement un diktat et de s’y rallier intellectuellement. Je persiste: je ne crois pas un instant que Sarkozy adopte la vision allemande parce qu’il a
été convaincu. Et entre un homme qui applique une politique par conviction et un homme qui le fait en cédant à un rapport de force il y a une différence, subjective certes, mais importante à
noter. Contrairement à un Bérégovoy, qui s’est véritablement converti au libéralisme – et qui est mort de ne pas pouvoir assumer cette conversion – Sarkozy, quelque soient ses énormes
défauts et limitations, n’est pas, par choix, un “néo-libéral”.
Vous noterez d’ailleurs qu’aucun président de la République n’a encore été élu en affichant des convictions libérales…
Je ne comprends pas que Sarkozy ait cédé face à Merkel.
La France n’avait-elle aucun moyen de résister ? Ou de proposer un projet différent ?
Peut-être Sarkozy a-t-il surtout cédé face à la vieille droite représentée par ‘axe JUppé-Fillon. Cette vieille France girondine qui compte s’appuyer sur l’Allemagne pour discippliner sa
population.
Je ne comprends pas que Sarkozy ait cédé face à Merkel. La France n’avait-elle aucun moyen de résister ? Ou de proposer un projet différent ?
Proposer, on peut toujours proposer… la difficulté est de faire accepter ses propositions par d’autres dans un système où la décision nécessite l’accord de tous. Ce qui suppose d’avoir un
rapport de forces favorable. Or, le rapport de forces en europe nous est très défavorable: avec une inflation structurelle plus forte que l’Allemagne dans un marché européen ouvert et à parité
monétaire fixe nous ne pouvons que voir notre déficit des échanges se creuser, et le déficit de notre balance des échanges – parce que c’est là que le problème commence, et non dans le déficit
public – nous rend très dépendants de la confiance des marchés puisque nous avons besoin de financer ce déficit.
Dans ces conditions, le gouvernement français est obligé d’arriver à un accord avec ceux qui ont la confiance des investisseurs, c’est à dire l’Allemagne. Et donc d’accepter les conditions que
l’Allemagne pose à cet accord. Et les rodomontades d’Hollande n’y changeront rien, il sera bien obligé d’y passer lorsque son tour arrivera. Pour y échapper, le seul recours est d’équilibrer
notre balance des échanges (en d’autres termes, de produire autant qu’on consomme). Certains ont l’illusion qu’on peut arriver à ce résultat par la déflation salariale: en réduisant les salaires,
ont augmente la compétitivité de nos produits qui se vendent donc mieux à l’international. C’est ce qu’on est en train de tenter en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal, en Irlande. Pour
l’instant, le moins qu’on puisse dire est que les résultats ne sont pas brillants.
En dehors de la déflation salariale, les seules techniques pour équilibrer la balance des échanges est le recours au protectionnisme (ce qui suppose de violer la sacro-sainte “libre circulation”
qui est le fondement du marché unique) ou la dévaluation monétaire (qui implique une sortie de l’Euro). Ce serait un saut dans l’inconnu que nos hommes politiques sont particulièrement mal
équipés mentalement pour concevoir.
je ne pense pas que néo-libéralisme soit un mot valise.
En tout cas je ne souscris pas à cette thèse dont vouv vous faites le héraut.
Le néolibéralisme c’est de libéralisme revanchard d’Hayek et Friedman. Ces deux crapules, ces deux mafieux. Les politiques aujourd’hui naviguent entre le monétarisme friedmanien et la mise en
concurrence des systèmes juridiques prônée par Hayek.
je ne pense pas que néo-libéralisme soit un mot valise.
Dans ce cas, vous ne devriez avoir aucune difficulté pour en donner une définition précise…
Le néolibéralisme c’est de libéralisme revanchard d’Hayek et Friedman. Ces deux crapules, ces deux mafieux.
J’avoue que je vois mal en quoi les noms d’oiseau contribuent à la compréhension de ces questions. Cependant, si pour vous le néolibéralisme se réduit “au libéralisme d’Hayek et
Friedman”, vous mettez de ce fait hors du néo-libéralisme tous les critiques du monétarisme. Avec ce critère, difficile de faire de Sarkozy – et même de Merkel – un “néo-libéral”. Il y a beaucoup
de libéraux qui critiquent la théorie monétariste: les “nouveaux classiques”, par exemple (Lucas, Barro, Sargent). L’hypothèse monétariste est que les agents économiques agissent en fonction de
leur présent, et peuvent donc être trompés par la politique monétaire. Les nouveaux classiques au contraire estiment que les agents économiques sont capables d’anticipation rationnelle, et
prévoient donc les effets à long terme des politiques. Aujourd’hui, ce sont plutôt ces “nouveaux classiques” qui mènent le camp libéral. Doit on conclure qu’ils ne sont pas “néo-libéraux” ?
“En dehors de la déflation salariale, les seules techniques pour équilibrer la balance des échanges est le
recours au protectionnisme (ce qui suppose de violer la sacro-sainte “libre circulation” qui est le fondement du marché unique) ou la dévaluation monétaire (qui implique une sortie de l’Euro). Ce
serait un saut dans l’inconnu que nos hommes politiques sont particulièrement mal équipés mentalement pour concevoir. “
Justement dans cette situation de rapport de force, la France peut très bien menacer de sortir de l’euro ou
de remettre des barrières douanières ou d’utiliser l’article 50. Et là les Allemands feront moins les malins.
Je continue à penser que les allemands resteront d’éternels ennemis et qu’il n’y a aucune pitié a avoir. Ils
ne comprennent qu’un langage viril et musclé.
Justement dans cette situation de rapport de force, la France peut très
bien menacer de sortir de l’euro ou de remettre des barrières douanières ou d’utiliser l’article 50. Et là les Allemands feront moins les malins.
Sauf que pour marcher, il faut que la menace soit crédible. Ce qui suppose
d’abord qu’on ait chez nous une majorité politique favorable à la sortie de l’euro, les barrières douanières et l’utilisation de l’article 50. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’une telle
majorité n’a rien d’évident. Ensuite, pour que la menace soit crédible il faut se donner les instruments techniques pour pouvoir mettre la menace à exécution: préparation des plans de crise
correspondants, impression des nouveaux billets, préparation des actes législatifs et réglementaires, etc. Là encore, le moins qu’on puisse dire est que la préparation n’a pas été
faite.
Il faut arrêter les enfantillages à la Mélenchon: la “menace” n’est efficace
que si l’on a les moyens de mettre sa menace à exécution et que ces moyens sont crédibles.