C’était inévitable. Je veux bien entendu parler de la réaction enthousiaste de la « gauche radicale » française le soir de l’élection grecque. Dans la maison Mélenchon, la consigne – martelée par son entourage – était simple : « je suis Tsipras » (ou plutôt, avec l’exquise modestie qui caractérise le personnage, « Tsipras est « le Mélenchon grec »). Chez Pierre Laurent, le ton est comme d’habitude plus mou, mais le cœur y est : « la victoire de Syriza ouvre la voie au changement en Europe ». Chez « Ensemble », où le ridicule ne tue d’évidence pas – sans quoi ce groupuscule serait déjà plusieurs fois mort – on compare la victoire de Syriza à « la rupture fondamentale dans l’histoire connue de l’humanité [qui] s’est produite en Grèce [il y a 2500 ans]. Pour la première fois, des êtres humains ont affirmé explicitement que les lois qui les gouvernent sont issues d’eux-mêmes et non pas d’une source extérieure à eux-mêmes (Dieu, les dieux, les ancêtres, la tradition, etc.), et qu’en conséquence, ils peuvent donc les changer ». Ce qui est légèrement exagéré. Mais la tonalité dans la « gauche radicale » est globalement celle-là. Il n’y a que les pisse-vinaigre de Lutte Ouvrière pour marmonner que le salut des travailleurs ne viendra que des travailleurs eux-mêmes, sans intermédiaires, et qu’il faut donc se méfier de tout et de tous.
Loin de moi l’idée de refuser à ces gens une opportunité d’être joyeux. Après tout, dans la dure époque qu’il nous est donné de vivre, les opportunités de se réjouir sont rares. D’autant plus que la victoire de Syriza, si elle est moins « révolutionnaire » qu’on ne veut bien le dire, ouvre effectivement des perspectives intéressantes. Mais ces perspectives ne se trouvent probablement pas là où notre « gauche radicale » les imagine… Pour le comprendre, il faut revenir comme toujours à l’enfance de l’art, c’est-à-dire, à l’analyse de classe.
La Grèce en 1981, comme l’Espagne en 1986, rejoignent non pas l’Union européenne, qui n’existe pas à l’époque, mais la Communauté européenne. Cette remarque peut paraître banale, mais il faut s’en souvenir de cette « Europe à douze » pour comprendre combien le contexte a changé. Coté allemand, l’unification était encore un rêve et la réadmission des allemands dans l’espèce humaine pas encore tout à fait acquise. Pour l’Allemagne, l’intégration européenne était perçue comme l’instrument politique pour réaliser ces objectifs. Côté français, on imaginait encore une « Europe française » qui servirait comme substitut à la puissance perdue, une intégration européenne se faisant sur le modèle français. Pour les américains, enfin, la construction européenne était un moyen d’unir le vieux continent contre l’Union Soviétique et lui faire partager le fardeau de la défense européenne. Et pour faire plaisir à Washington et réaliser ces rêves – dont on ne s’aperçut pas à l’époque combien ils étaient contradictoires – allemands et français étaient prêts à mettre la main à la poche. Et à signer d’énormes chèques. Avec l’argument de la « mise à niveau », d’énormes masses d’argent ont été déversées sur l’Espagne et la Grèce pendant vingt ans, sans compter les avantages douaniers sans réciprocité et les délocalisations dont ces pays ont bénéficié.
Ce sera pour ces deux pays vingt-cinq ans – une génération – de fête endiablée. Le déversement massif des fonds structurels dope la demande et permet une croissance rapide de la consommation et du niveau de vie. Bien sur, il y a toujours quelques aigris qui cherchent à gâcher la fête, dont quelques économistes qui ont eu la témérité de pointer le fait que lorsque les richesses consommées croissent beaucoup plus rapidement que les richesses produites, le système doit à un moment où un autre se gripper. Mais ils furent réduits au silence par la « vodoo economics » reaganienne servilement copiée à Paris, à Bonn et à Bruxelles. La mise en place de l’Euro dans la décennie 1990 a permis de maintenir le système en mouvement, le tarissement des « fonds structurels » européens étant compensé par la capacité à emprunter presque sans limite à faible taux rendue possible par l’illusion de solvabilité créée par la monnaie unique.
Cette période permet la constitution d’une « classe moyenne » relativement nombreuse, et un enrichissement de l’ensemble de la population qu’on pourrait presque comparer aux « trente glorieuses » de chez nous. Mais il y a une différence fondamentale : les « trente glorieuses » françaises sont une période de croissance endogène, avec une croissance économique qui résulte d’une augmentation continue de la productivité des facteurs de production, tirée par modernisation réelle de l’appareil de production et des infrastructures ainsi qu’un effort éducatif massif. La « fête » espagnole et grecque des années 1980-2000 est au contraire une croissance exogène, tirée par le déversement de fonds européens puis par un endettement privé et public massif et par le développement conséquent de « bulles » financières.
Ce système de « cavalerie » financière a permis à beaucoup de pays européens de vivre au dessus de leurs moyens, c’est-à-dire, de leur productivité réelle. Pour certains, le fossé entre la productivité réelle et le niveau de vie était énorme. La crise de 2009 n’a fait que révéler que le roi était nu, vérité que le culte eurolâtre avait réussi à cacher jusqu’alors derrière l’illusion de la solidarité illimitée entre les pays européens en matière de dette, illusion qui a volé en éclats quand l’Allemagne a refusé – mais elle n’était pas toute seule – de payer pour les autres. Tout à coup, les prêteurs ont découvert le risque et ces pays ont été ramenés brutalement à la réalité économique, à savoir, qu’on ne peut consommer plus qu’on ne produit qu’aussi longtemps qu’on arrive à trouver un prêteur naïf.
La fête est terminée, et l’adition est arrivée. Toute la question, c’est de repartir l’adition entre les convives, sachant qu’aucun d’eux n’a envie de payer, ni pour les autres, ni pour lui-même. La logique européenne étant ce qu’elle est, il est impossible de faire payer le capital. La libre circulation implique nécessairement que celui-ci migre vers les cieux les plus favorables, et donc, pour faire simple, il est impossible de le taxer au-delà de ce que font les voisins. Dans ces conditions, le discours de celui qui refuse de payer l’addition, pour peu qu’il soit crédible, est terriblement attractif. Du point de vue de la sociologie électorale, c’est le discours de rassemblement presque parfait, puisqu’en dehors des créanciers – et la dette grecque est détenue essentiellement par des étrangers – tous les électorats y gagnent.
Syriza n’a pas gagné cette élection sur une promesse de changement politique ou social. Pas de révolution prolétarienne à l’horizon, pas même une réforme en profondeur des institutions de la République grecque. Point de sortie de l’Union européenne ou de l’Euro. Point de fin du libre-échange ou de « protectionnisme intelligent ». En fait, Syriza a gagné avant tout sur une plateforme très étroite et qu’on peut résumer en une formule : « l’Europe peut et doit payer ». Où Syriza se propose de trouver l’argent pour payer l’augmentation du salaire minimum, la réembauche de certains fonctionnaires renvoyés par le gouvernement précédent, la relance de l’économie ? Dans les poches européennes, soit par le réemploi de fonds structurels, soit par l’abandon des créances détenues ou garanties par d’autres pays ou par la BCE. Bien sur, on peut sympathiser avec Alexis Tsipras et son discours sur la « dignité » des grecs. Mais derrière ce discours, quelle est la proposition pour une Grèce qui vivrait de ce qu’elle produit, et non des transferts européens ?
C’est cela qui explique pourquoi les discours du genre « je ne veux pas payer » de Syriza en Grèce ou de « Podemos » en Espagne obtiennent un large soutien dans leur pays, toutes couches sociales confondues, alors qu’en France ce même discours reste du domaine de l’incantation. Le fait est que nous ne sommes pas, eux et nous, du même côté du transfert. Si demain on mettait en place en Europe des transferts inconditionnels entre les pays riches et les pays pauvres, comme ceux qui existent entre les régions d’une même nation, la France serait du côté des donateurs, alors que la Grèce ou l’Espagne seraient du côté des receveurs. Même si nous sommes moins revendicatifs sur ce plan que les Allemands, nos intérêts sont plus proches des leurs que de ceux des « pays du sud ».
Mais le triomphe de Tsipras met aussi en évidence d’autres différences fondamentales entre Syriza et la « gauche radicale » française quant à son positionnement dans le système politique. Il y a traditionnellement deux manières de faire de la politique. La première manière est d’exercer – ou d’aspirer à exercer – le gouvernement de la cité. La deuxième manière, c’est d’assumer le rôle « tribunitien », c’est-à-dire, d’interpeller ceux qui gouvernent au nom de ceux qui ne gouvernent pas. Ces deux manières de faire de la politique sont en fait parfaitement complémentaires. Il faut des gens qui gouvernent et qui cherchent à le faire de la meilleure manière possible, car sans eux on tomberait dans le chaos. Il faut aussi des tribuns pour mettre en tension le système, en assurant la surveillance de ceux qui gouvernent mais aussi en énonçant publiquement ce qui est désirable, alors que les gouvernants sont limités à ce qui est possible. Il n’y a donc pas lieu de mépriser « ceux qui causent » par rapport à « ceux qui font », pas plus qu’il n’y a lieu de porter aux nues les « purs » de la tribune par rapport aux compromis inséparables de l’exercice réel du pouvoir. Chacun a son rôle, et notre vie politique n’a jamais été aussi riche et créative que lorsque nous avions des partis de gouvernement forts au pouvoir, et des partis « tribuniciens » forts dans la rue.
Tsipras se place clairement dans la logique d’exercice du pouvoir. Avant même d’avoir gagné les élections, il a commencé à négocier une alliance parlementaire. Et une fois élu, il n’a pas hésité à s’allier avec un parti qui partageait ses objectifs en termes d’exercice du pouvoir plutôt que d’aller chercher les voix qui lui manquaient chez des gens plus proches de ses « valeurs », mais qui étaient sur un programme de gouvernement totalement différent. L’alliance de Tsipras avec ANEL – un parti souverainiste qui, dans notre échiquier politique, se situe quelque part entre Dupont-Aignan et Marine Le Pen – n’est pas un épiphénomène ou un choix de circonstance. C’est un acte symboliquement fondateur. En s’alliant avec un parti nettement à droite mais eurosceptique plutôt qu’avec un parti de centre gauche mais eurolâtre, Tsipras a montré qu’il était plus attaché aux réalités qu’aux idées, qu’il était prêt à sacrifier sa pureté idéologique pour pouvoir négocier avec l’Union européenne dans les meilleures conditions, soutenu par un allié qui ne lui ferait pas défaut.
Mélenchon – mais la question vaut aussi pour Laurent, pour Besancenot, pour Autain, pour Duflot – serait-il capable d’un tel pragmatisme ? On peut très sérieusement en douter. Voici l’entretien que le Petit Timonier rapporte lui-même dans son blog :
Q : En Grèce, Tsipras a noué une alliance avec des nationalistes de droite…
R : Il manque deux sièges à Syriza pour être majoritaire. Le parti communiste orthodoxe grec a refusé de soutenir Syriza. Le PS qui a gouverné avec la droite et l’extrême droite est haïe. Que devait faire Tsipras ? Retourner aux urnes.
Oui, vous avez bien lu. Si dans une situation de crise profonde, les électeurs avaient confié au FdG la majorité à deux sièges près, au lieu de se retrousser les manches et chercher à gouverner avec quiconque serait prêt à le soutenir dans ce qu’il considère être les politiques prioritaires, Mélenchon serait « retourné aux urnes »… A votre avis, quelle serait la réaction des électeurs devant un tel mépris de la réalité, une telle prétention à « gouverner seul ou pas du tout » ?
Cette réponse montre admirablement combien la « gauche radicale » française se situe dans une vision « tribunitienne » de la politique. Cela a toujours été vrai pour l’extrême gauche, et depuis que le PCF a cédé aux sirènes « libérales-libertaires » il ne reste pratiquement plus personne à la gauche du Parti Socialiste pour s’intéresser à l’exercice du pouvoir. Mélenchon réagit ici comme un « pur », qui ne saurait faire des compromis. Il oublie que – et c’est encore plus vrai en démocratie – le compromis est l’essence de l’exercice du pouvoir. Contrairement à ce qu’on croit trop souvent à gauche, gouverner ce n’est pas tendre le bras et dire « j’ordonne ». Avant de faire ce geste, il faut trouver un ordre que les gens aient envie – ou du moins soient prêts – à obéir. Sinon, on se ridiculise. A gauche on pense souvent qu’il suffit d’être ministre pour faire ce qu’on veut, et on est tout surpris quand cela ne marche pas. C’est que gouverner, comme disait Richelieu, consiste à « rendre possible ce qui est nécessaire ». Pour cela, il faut tisser inlassablement des compromis, bâtir des rapports de force, trouver des solutions qui plaisent au plus grand nombre et qui ne heurtent inutilement personne. Le passage en force – qui excite tellement la « gauche radicale », il n’y a qu’à voir les expressions qui ont entouré le débat sur le « mariage pour tous » – est du point de vue politique toujours un échec, qu’on paye tôt ou tard.
Refuser tout compromis, c’est refuser l’exercice du pouvoir. Cela n’a rien de honteux, comme je l’ai dit plus haut. Le rôle « tribunitien » est un rôle fort honorable. Mais comme disent les paysans, on ne peut courir avec le lièvre et chasser avec la meute. Lorsqu’on choisit la tribune, on ne peut pas s’étonner qu’on ne vous donne pas un maroquin. Syriza est arrivé en tête du scrutin parce qu’il a réussi à proposer une stratégie d’exercice du pouvoir crédible. Syriza demandait le pouvoir, et les électeurs le lui ont accordé. En négociant avec ANEL avant même l’élection, il montre encore que cette stratégie était sérieuse. A l’opposé, la « gauche radicale » française ne propose aucune stratégie de pouvoir. Elle est incapable de se choisir des alliés pour gouverner, tout simplement parce qu’elle est incapable de définir quelles sont les priorités de son action, et admettre que tout le reste est susceptible de compromis. Elle déclare au contraire à chaque opportunité qu’elle n’est prête à aucun compromis sur rien, ce qui lui garantit l’isolement et l’impuissance.
Toutes ces questions, la « gauche radicale » ne se les posera pas, enfermée qu’elle est dans la conviction d’avoir toujours raison. Lorsque l’on demande au prétendant au titre de « Tsipras français » ce qu’il pense de la différence entre sa situation et celle du premier ministre grec, voici ce qu’il répond :
« En effet. La situation n’est pas aussi mûre [qu’en Grèce]. Et nous nous heurtons à un obstacle majeur : le mode de scrutin. En Grèce, la « caste » a perdu grâce à la proportionnelle. En France, elle résiste grâce à la monarchie présidentielle. C’est pourquoi je veux mobiliser pour la VIe République. »
Rejeter la faute sur le système électoral est une vieille habitude, qui permet de ne pas se poser des questions sur sa propre action. Mais dans le cas présent est doublement ridicule. Car en Grèce « la caste » n’a pas perdu « grâce à la proportionnelle ». Si la Grèce avait un système de proportionnelle intégrale, comme celle proposée par Mélenchon à de nombreuses reprises, Syriza – qui n’a finalement que 35% – n’aurait certainement pas pu constituer une majorité cohérente lui permettant d’affronter la « Troïka » et les bonzes de Bruxelles. Si avec 35% des voix il peut avoir une majorité absolue à deux voix près, c’est parce que la « proportionnelle » à laquelle Mélenchon tient tant a été sérieusement mâtinée par une « prime majoritaire » qui représente 14% des sièges et qui est accordée au parti arrivé en tête à l’élection. Est-ce le genre de « proportionnelle » que Mélenchon a en tête pour remplacer la « monarchie présidentielle » ? En fait, la mise en accusation de la « monarchie présidentielle » est fort commode pour dissimuler un fait fondamental : si le Front de Gauche avait fait 35% des voix en 2012 comme son pseudo-homologue grec en 2015, il gouvernerait aujourd’hui. Aucun des candidats élus à la présidence de la République, aucun des partis majoritaires à l’Assemblée depuis bien longtemps n’a fait plus de 35% au premier tour. Le problème, ce n’est pas le mode de scrutin, c’est que la « gauche radicale » fait autour de 10% des voix. Un système qui lui permettrait de prendre le pouvoir avec un tel résultat serait un système bien peu démocratique !
Et là encore, la différence entre Tsipras et Mélenchon est énorme. Tsipras est un militant formé à l’école des cadres communiste, un organisateur plus qu’un tribun, un négociateur plutôt qu’une personnalité médiatique. Un homme qui sait s’entourer et qui respecte les « experts » – il est lui-même un technicien – plutôt qu’un homme de « clan » et de « cour ». Un homme du collectif plutôt qu’un leader charismatique. Lui et Mélenchon, c’est la nuit et le jour.
C’est pourquoi, lorsque la « gauche radicale » rêve d’un « effet domino », elle se berce de douces illusions. Ni Mélenchon, ni Laurent, ni Besancenot ne sont des Tsipras, pas plus que le Front de Gauche n’est Syriza. La « gauche radicale » française a une base électorale essentiellement constituée par les « classes moyennes », dont l’intérêt est en fait de donner l’illusion de la radicalité tout en s’assurant que rien ne change. Seul Mélenchon peut imaginer qu’il ira affronter l’Union européenne et « désobéir » aux traités du bras de Duflot ou Joly, deux eurolâtres convaincues.
La victoire de Syriza et la formation du gouvernement Tsipras est une bouffée d’espoir. C’est la démonstration que la frontière « droite/gauche », devenue totalement artificielle depuis la chute du « socialisme réel » et la conversion des partis socialistes et social-démocrates au libéralisme, est en train de céder. C’est aussi la démonstration d’une prise de conscience que la nouvelle ligne de partage passe entre les défenseurs de la souveraineté nationale et les partisans d’une société mondialisée à l’image du capitalisme du même nom. Et c’est finalement l’illustration de l’obsolescence des institutions bruxelloises, incapables de la moindre créativité institutionnelle, réduites à répéter les mêmes poncifs et prescrire les mêmes remèdes éculés quelque soit le problème à résoudre. Les prochains mois risquent d’être passionnants.
Descartes
Bonsoir,
[Les prochains mois risquent d’être passionnants.]
N’allons-nous pas assister à un effet de ciseau avec comme chaque lame les pays créanciers et leurs citoyens qui ne veulent plus mettre la main au portefeuille et le peuple grec qui attend avec vigueur le retour aux temps bénis de l’argent facile ? Conséquence : pression insupportable pour l’Allemagne et la France et obligation de naviguer entre Charybde et Scylla.
Solution pour les gouvernements « majeurs » d’Europe : trouver un coup de bonneteau dans lequel, ni vu ni connu la, les dettes, celles de la Grèce, mais aussi une bonne partie, voire la totalité des dettes espagnole, portugaise, italienne , etc… seraient à peu près mutualisées et rendues provisoirement insensibles par la baisse de l’euro conjointe à celle du pétrole. Une fédéralisation par les bas-fonds, en quelque sorte
Et la France là-dedans ? Entre le marteau et l’enclume, nous sommes à la fois créditeurs et débiteurs, on peut craindre [fortement] qu’elle ne soit le dindon de la farce. Car une fois une partie des dettes mutualisées (la part la plus criante probablement) dans l’euphorie générale de la rémission artificielle, le retour à l’équilibre des cours de l’euro et du pétrole entre autres, risque de s’accompagner de la présentation de la note des créanciers qui eux n’accepterons plus de courir face à la ruine.
Les Grecs et consorts seront dans une situation proche de celle qu’ils avaient en 2002 et la France gardera l’essentiel de sa dette, l’obligation de trancher furieusement dans la dépense publique, telle la Grèce ces dernières années, supporter le poids d’une dette à 5 ou 7% (+80 à 100 Md € par an) et peut être plus, pas les moyens d’y faire face, puis être acculée à une sortie de l’euro, avec l’entrainement de toute la zone bien entendu, et se retrouver en caleçons, avec une dette colossale en "francsarko" ou "francassés".
Scénario pessimiste me direz-vous ? Sans doute, mais si nos gouvernants en sont vraiment convaincus, et les Français dans leur ensemble pas dupes de ce qui se prépare, alors, des décisions courageuses peuvent émerger.
En effet, les prochains mois risquent d’être passionnants, . . . . . . . ou passionnément troubles et agités.
@ Marcailloux
[N’allons-nous pas assister à un effet de ciseau avec comme chaque lame les pays créanciers et leurs citoyens qui ne veulent plus mettre la main au portefeuille et le peuple grec qui attend avec vigueur le retour aux temps bénis de l’argent facile ? Conséquence : pression insupportable pour l’Allemagne et la France et obligation de naviguer entre Charybde et Scylla.]
Oui, bien sur. L’illusion de « l’Europe nation », avec un principe de solidarité inconditionnelle entre « régions » riches et « régions » pauvres, déjà bien mal en point, en sera probablement la première victime. Cette solidarité, qui caractérise la construction nationale, n’existe pas, mais alors pas du tout, au niveau européen. Cela aura un effet sur la politique nationale, puisque les organisations politiques traditionnellement « europhiles » vont devoir intégrer ce paramètre dans leur discours sous peine d’être balayés par les « eurosceptiques ». Car il faudra expliquer, si la Grèce ne paye pas ses dettes – que ce soit par un défaut assumé, ou plus probablement par un « rééchelonnement » qui déguisera le fait – qui les payera a sa place. Je vois mal un parti politique expliquant aux français qu’il faut se serrer la ceinture pour relancer l’économie grecque alors que le chômage bat tous les records et qu’on fait des coupes sombres dans les budgets des services publics pour tenir les objectifs fixés par les sacro-saints traités européens.
De ce point de vue, la position de la « gauche radicale » eurolâtre risque d’être assez difficile dans les mois qui viennent. Le discours de soutien au gouvernement grec lorsqu’il refuse de payer sa dette est parfaitement défendable, mais seulement si on admet au préalable que la fonction du gouvernement grec est la défense des intérêts grecs, et non d’on ne sait quel « intérêt européen ». En d’autres termes, que la doctrine « salus populo suprema lex esto » reste valable au niveau national, et non au niveau européen… pour beaucoup de gens, ce sera une révolution copernicienne.
[Solution pour les gouvernements « majeurs » d’Europe : trouver un coup de bonneteau dans lequel, ni vu ni connu la, les dettes, celles de la Grèce, mais aussi une bonne partie, voire la totalité des dettes espagnole, portugaise, italienne , etc… seraient à peu près mutualisées et rendues provisoirement insensibles par la baisse de l’euro conjointe à celle du pétrole. Une fédéralisation par les bas-fonds, en quelque sorte]
Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Cela veut dire quoi « rendre insensible par la baisse de l’euro conjointe à celle du pétrole » ? La « mutualisation » des dettes implique nécessairement un transfert des pays « riches » vers les pays « pauvres ». Si on transforme la dette grecque, espagnole, portugaise, etc. en « dette européenne », cela veut dire que des dettes qui aujourd’hui sont garanties par la Grèce, l’Espagne, le Portugal, le seront demain solidairement par tous les pays d’Europe. En d’autres termes, lorsque l’un d’eux ne pourra pas payer, ce sont les autres qui payeront. Et comme on sait bien qui sont ceux qui ne pourront pas payer…
Le mécanisme que vous décrivez nécessiterait, pour être accepté par les peuples, qu’il existe cette « solidarité inconditionnelle » caractéristique des nations. Au niveau européen, ce n’est de toute évidence pas le cas.
[Et la France là-dedans ? Entre le marteau et l’enclume, nous sommes à la fois créditeurs et débiteurs, on peut craindre [fortement] qu’elle ne soit le dindon de la farce.]
Bien entendu. Il faut arrêter de croire que l’économie française est plus proche de l’économie grecque que de l’économie allemande. L’idéologie des « classes moyennes » consiste à se vivre symboliquement comme pauvre alors qu’on est riche, comme opprimé alors qu’on est oppresseur. Et cette idéologie percole jusque dans notre vision de nous-mêmes. On proclame « nous sommes Tsipras », alors qu’en fait nous sommes bien plus proches de Merkel. Mais si demain la Grèce venait à faire défaut et que les obligations qui sont dans les poches de nos « classes moyennes » ne valaient plus rien, je parie que le discours changera…
[Les Grecs et consorts seront dans une situation proche de celle qu’ils avaient en 2002 (…)]
Oui, et les mécanismes qui les ont conduit là où ils sont seront toujours en place. Parce qu’il ne faut pas se tromper : même si la dette était demain effacée magiquement, l’industrie et l’agriculture grecque ne deviendraient pas plus compétitives pour autant, l’Euro et la libre circulation des capitaux et des marchandises seront toujours en place… et les mêmes causes provoquant les mêmes effets, la dette recommencera à croitre.
Il n’y a pas de solution magique, et l’histoire des états-nations a montré que dans une logique de libre circulation des personnes et des biens, on ne peut maintenir la cohésion de l’ensemble sans prévoir des transferts de richesse permanents et inconditionnels entre « régions » riches et « régions » pauvres. Annuler la dette ne fait que ramener la Grèce quinze ans en arrière, mais n’empêche pas l’histoire de se répéter.
Bonjour,
[Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Cela veut dire quoi « rendre insensible par la baisse de l’euro conjointe à celle du pétrole » ?]
Les économies européennes bénéficient d’un "bonus" suite à la baisse du pétrole, bien sûr ainsi que de quelques frémissements sur les exportations liés à la baisse de l’euro. Cette "embellie" toute relative et passagère, ne risque-t-elle pas d’anesthésier et les gouvernements et les peuples en facilitant la prise de mesures moins drastiques vis à vis de la Grèce dans un premier temps, qu’elles ne l’auraient été sans ces dépenses en moins dont nous devrions bénéficier ?
Ce que je crains, c’est un tour de passe passe qui tendrait à nous démontrer qu’un accord très favorable vis à vis de la Grèce, ne se ressentirait pas dans nos comptes publics et privés et qu’ainsi serait justifiée la démarche vers une sorte de fédération à la mode européenne qui n’annoncerait pas son nom pour autant.
[Annuler la dette ne fait que ramener la Grèce quinze ans en arrière, mais n’empêche pas l’histoire de se répéter.]
Oui dans un certain sens,et tout de même théorique pour la répétition de l’histoire, car imaginez vous les Espagnols, les Portugais, les Italiens, les Chypriotes, les Irlandais, les Belges même, ainsi que bientôt les Slovènes, astreints à se serrer durement la ceinture et ne pas réagir violemment si de semblables mesures ne leurs sont pas accordées ? Que va-t-il se passer dans ce cas ? Je ne vois pas d’issue possible autre que des remous explosifs, avec en France un artificier qui tiendra le bout de la mèche, un briquet allumé à la main.
Et dans tout ça, l’Europe n’est pas à l’avant veille de mettre de l’ordre dans l’évaporation des capitaux, des profits, les blanchiments de toutes sortes et les trafics illicites dans la zone euro.
N’étant pas un euroseptique radical et forcené, je me fais de moins en moins d’illusions quant aux possibilités de construire, dans l’état actuel des choses, de vastes projets communs. Pensez vous qu’Airbus pourrait se réaliser actuellement ? Sinon à quoi peut bien servir l’Europe que l’on nous sert à chaque repas?
@ Marcailloux
[Cette "embellie" toute relative et passagère, ne risque-t-elle pas d’anesthésier et les gouvernements et les peuples en facilitant la prise de mesures moins drastiques vis à vis de la Grèce dans un premier temps, qu’elles ne l’auraient été sans ces dépenses en moins dont nous devrions bénéficier ?]
C’est très possible, tellement nos dirigeants fonctionnent au jour le jour.
[Ce que je crains, c’est un tour de passe passe qui tendrait à nous démontrer qu’un accord très favorable vis à vis de la Grèce, ne se ressentirait pas dans nos comptes publics et privés et qu’ainsi serait justifiée la démarche vers une sorte de fédération à la mode européenne qui n’annoncerait pas son nom pour autant.]
Le tour de passe-passe est en partie déjà engagé. On nous explique déjà que Syriza a mis de l’eau dans son vin puisqu’il ne réclame plus l’annulation d’une partie de la dette mais un simple « rééchelonnement » à des taux d’intérêts inférieurs, ce qui pourrait parfaitement lui être accordé par les pays créanciers. Ce qui, comme le montre un très simple calcul, revient exactement au même.
Imaginons que je vous prête 100 € à un an, à 5% d’intérêt. Il va de soi que lorsque je consens à vous prêter à ce taux, je fais un calcul de risque sur ce que sera votre situation dans un an et votre capacité à rembourser. Si au lieu de me demander un prêt à un an vous me demandiez un prêt à dix ans, évidement je ne vous accorderai pas le même taux, tout simplement parce que j’ai beaucoup moins de visibilité sur votre capacité à rembourser dans dix ans, et que je suis donc obligé à couvrir un risque plus important. Pour vous prêter à dix ans, je vous aurai demandé donc, disons, 8% annuel. Pour que le rééchelonnement soit « neutre » pour le prêteur, il faudrait qu’il se fasse à un taux supérieur, en d’autres termes, que l’emprunteur échange le temps pour de l’argent. Vous voulez parier que ce ne sera pas le cas ?
Un autre tour de passe-passe est celui de la transformation de la dette « à temps » de la Grèce en « dette perpétuelle ». Un peu comme si le locataire qui loue mon appartement me disait « je ne vous rendrai jamais l’appartement, mais je m’engage à payer éternellement le loyer ». Vous voyez l’arnaque…
[Oui dans un certain sens,et tout de même théorique pour la répétition de l’histoire, car imaginez vous les Espagnols, les Portugais, les Italiens, les Chypriotes, les Irlandais, les Belges même, ainsi que bientôt les Slovènes, astreints à se serrer durement la ceinture et ne pas réagir violemment si de semblables mesures ne leurs sont pas accordées ?]
Non, mais pourquoi ne pas mettre aussi les français dans cette liste ? Les poncifs sur la « solidarité européenne », ça va un moment, mais si demain on présente aux français une facture de quelque 40 milliards – c’est le montant de nos engagements de garantie sur la dette grecque – je pense qu’il y aura quelques grincements. C’est là tout le problème : si l’Union cède trop visiblement, trop facilement aux demandes de Tsipras, cela pourrait donner des idées aux autres, et finir par une kermesse générale où chacun se débarrasserait allègrement de ses dettes sur la BCE. Après tout, si la Grèce ne paye pas ce qu’elle nous doit, pourquoi devrions nous payer ce que nous devons ?
Nous nous approchons très dangereusement d’un point critique, celui où tout le monde découvre brusquement que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et que les titres de dette publique n’ont de valeur que dans la mesure où leur prix est inférieur au coût que présenterait pour les états le fait de s’asseoir dessus. Si la France déclarait demain un défaut sur sa dette, elle aurait de sérieuses difficultés pour se financer sur les marchés et l’économie aurait quelques problèmes. Il est évident que si c’est pour effacer une dette de quelques centaines de milliards, cela ne vaut pas la peine. Mais lorsque la dette dépasse les deux mille milliards d’Euros, ça commence à devenir intéressant… Comme disait Jacques de Larosière lorsqu’il était président du FMI, « si je dois à ma banque mille dollars, j’ai un problème ; si je lui dois mille milliards de dollars, alors c’est la banque qui a un problème ».
C’est pourquoi je suis persuadé que Tsipras va toucher le gros lot. Il réussira parce qu’il a tiré le premier, et que personne n’osera faire le saut dans l’inconnu en lui disant « non ». La Grèce a l’Euro en otage, et les « grands pays » européens se sont trop engagés politiquement dans la monnaie unique pour prendre le risque de tout casser. Alors bien sur on trouvera les « éléments de langage » pour que tout ça ait l’air raisonnable, après tout, on est entre gens bien, n’est ce pas ? Mais au fonds, on arrive à la situation que l’Europe a connu en 1938, à Munich : dans une assemblée de mous, celui qui ose prendre des risques emporte souvent le morceau sans même avoir à combattre.
[Et dans tout ça, l’Europe n’est pas à l’avant veille de mettre de l’ordre dans l’évaporation des capitaux, des profits, les blanchiments de toutes sortes et les trafics illicites dans la zone euro.]
Penser qu’elle pourrait le faire, c’est imaginer que le renard pourrait organiser la protection du poulailler.
[N’étant pas un euroseptique radical et forcené, je me fais de moins en moins d’illusions quant aux possibilités de construire, dans l’état actuel des choses, de vastes projets communs. Pensez vous qu’Airbus pourrait se réaliser actuellement ? Sinon à quoi peut bien servir l’Europe que l’on nous sert à chaque repas?]
Airbus n’a pas été construit par « l’Europe », c’est un programme construit par des Etats qui ont mis au pot commun leur industrie aéronautique, dont le savoir-faire avait été développé là aussi à partir des programmes nationaux et des coopérations bilatérales. Airbus est le fils de Concorde. Et la réponse est « non » : aujourd’hui, l’union européenne fusillerait un tel programme au nom de la chasse aux « aides d’Etat » et de la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée ». On le voit bien d’ailleurs : si vous faites la liste des « champions » industriels européens, tous sans exception ont été créés avant l’Union européenne.
@Descartes,
[Bien entendu. Il faut arrêter de croire que l’économie française est plus proche de l’économie grecque que de l’économie allemande. L’idéologie des « classes moyennes » consiste à se vivre symboliquement comme pauvre alors qu’on est riche, comme opprimé alors qu’on est oppresseur. Et cette idéologie percole jusque dans notre vision de nous-mêmes. On proclame « nous sommes Tsipras », alors qu’en fait nous sommes bien plus proches de Merkel. Mais si demain la Grèce venait à faire défaut et que les obligations qui sont dans les poches de nos « classes moyennes » ne valaient plus rien, je parie que le discours changera…]
Ca fait du bien d’entendre que nous ne sommes pas la Grèce, car tant les ultra-libéraux que les gauchistes nous annoncent que la faillite de la France, c’est pour demain!
Evidemment, la direction prise est la même, mais nous n’y allons pas du tout à la même vitesse, et pour une raison bien simple: contrairement à la Grèce, nous Français avons un…ETAT! C’est d’ailleurs le plus grand élément d’inertie vers la ruine!
Oui, cet état si inefficace, si injuste, si coûteux est paradoxalement celui qui nous maintient à flot et qui maintient l’ordre. Car malgré l’impéritie qui règne à son sommet (je parle de nos dirigeants irresponsables et incompétents), et grâce des institutions solides (que les socialistes prennent un malin plaisir à vouloir mettre par terre…), nous avons encore du chemin avant d’avoir un destin à la Grecque. Nous avons un chômage record, mais malgré cela, notre pays est loin d’avoir encore épuisé tous ses recours, et ce pour une bonne raison: nous sommes (encore) un pays développé!
Si la France devait dans les années qui suivent être mise sous tutelle comme la Grèce, ce serait l’équivalent d’un nouveau juin 1940: une telle chute ne nous ait pas souvent arrivé dans notre histoire, et c’est pour cela que je ne supporte plus les catastrophistes! Malheureusement, cela signifie également que nous pourrions encore endurer cette dépression économique (on ne peut plus parler de crise, maintenant…) pour un bon moment, et ce, sans que les plus nantis et vos fameuses classes moyennes ne souffrent outre mesure…
@CVT
[Evidemment, la direction prise est la même, mais nous n’y allons pas du tout à la même vitesse, et pour une raison bien simple: contrairement à la Grèce, nous Français avons un…ETAT! C’est d’ailleurs le plus grand élément d’inertie vers la ruine!]
Un Etat, mais pas seulement. Nous avons aussi un capital, matériel et immatériel. Un système éducatif contre lequel nous pestons mais qui, même s’il laisse « sur le bord de la route » 20% des jeunes, fournit à l’autre 80% une éducation de bonne qualité. Des infrastructures en veux tu en voilà. Une main d’œuvre de qualité et un tissu économique dense. L’Etat est le chef d’orchestre, et à ce titre son rôle est essentiel. Mais le chef ne peut rien si l’orchestre n’est pas de bonne qualité !
[Oui, cet état si inefficace, si injuste, si coûteux est paradoxalement celui qui nous maintient à flot et qui maintient l’ordre. Car malgré l’impéritie qui règne à son sommet (je parle de nos dirigeants irresponsables et incompétents), et grâce des institutions solides (que les socialistes prennent un malin plaisir à vouloir mettre par terre…), nous avons encore du chemin avant d’avoir un destin à la Grecque.]
C’est le grand paradoxe français. Alors que nos élites bavardantes passent leur temps à baver sur l’Etat et ses serviteurs, les français gardent en leur Etat une confiance que les autres européens refusent aux leurs. Il suffit de voyager un peu pour le comprendre. Que l’on ait besoin d’un recours lors d’une crise, d’un médiateur dans un conflit, d’argent pour financer un projet ou pour aider une entreprise en difficulté, vers qui on se tourne ? Pas vers les ONG, les associations, les syndicats. On se tourne à chaque fois vers l’Etat.
J’ai moi aussi très apprécié le pragmatisme de Tsipras qui fait alliance avec des "souverainistes de droite" plutôt qu’avec des "centristes ex-Pasok avec qui il partagerait les mêmes valeurs sociétales", cela montre une grande maturité politique dans le sens où il sait hiérarchiser : oui la Souveraineté Nationale est au dessus de TOUT, c’est LA question fondamentale. Tiens ça rappelle le compromis gaullo-communiste de fait pendant les 30 glorieuses en France… La digue du clivage gauche/droite est tombée de son côté, et il montre bien qu’il a compris que le clivage se situe plutôt du côté Souveraineté VS Globalisation.
Dans le même genre de message "souverainiste" que Tsipras nous envoie, il y a sa "provocation" dans son refus de signer une énième déclaration anti-russe avec sanctions à la clé, dans la crise ukrainienne. Il nous dit ainsi que la politique internationale de la Grèce doit être décidée par la Grèce et si ses intérêts sont contraires à ceux de l’OTAN (y a-t-il une flotte russe en Egée ?), eh bien il faut s’en désolidariser. Qu’est-ce que ça fait du bien à entendre par rapport aux discours de prétendues synthèses d’intérêts totalement contradictoires façon PS !
Après, ce que tu dis sur son programme en lui-même et donc de son rapport à l’UE (il ne propose ni sortie de l’Euro, ni de l’UE), il parait plutôt se lancer dans le bras de fer avec les institutions européennes : soit le défaut de la dette et donc la fédéralisation de la dette grecque et donc le principe d’union des transferts budgétaires (ce que les autres peuples européens n’accepteront jamais, Allemagne en tête), soit la sortie de l’euro déguisée soit par une "bad bank" européenne, ou une coupure des financements des banques grecques par la BCE et donc la réactivation de la Banque Centrale grecque pour le robinet de crédit. Dans tous les cas, Tsipras par le chantage coercitif du "petit" face à l’Allemagne est gagnant dans tous les tableaux.
Même dans le cas très improbable où l’Allemagne cède face à la Grèce, il y aura derrière l’Espagne, l’Italie et quelques autres…
On remarquera que les USA soutiennent Tsipras et cherchent à raisonner Merkel car si l’euro tombe, le dollar US sera aussi affaibli…
Puisse Tsipras provoquer la dissolution de l’Euro et s’inspirer de l’expérience feu-Nestor Kirchner !
@ Bannette
[J’ai moi aussi très apprécié le pragmatisme de Tsipras qui fait alliance avec des "souverainistes de droite" plutôt qu’avec des "centristes ex-Pasok avec qui il partagerait les mêmes valeurs sociétales", cela montre une grande maturité politique dans le sens où il sait hiérarchiser : oui la Souveraineté Nationale est au dessus de TOUT, c’est LA question fondamentale.]
Je ne sais pas si c’est cette hiérarchisation là qu’il faut lire dans la décision de Tsipras. En fait, je faisais référence à un autre type de hiérarchie. Par cette décision, Tsipras montre qu’il est capable de hiérarchiser les différents points de son programme, et que pour lui avoir une majorité cohérente sur la question de la négociation avec l’UE est plus important qu’avoir une majorité cohérente sur la question du rôle de l’église orthodoxe. En d’autres termes, il se place dans une position de gouvernant, et non d’idéologue.
[Tiens ça rappelle le compromis gaullo-communiste de fait pendant les 30 glorieuses en France… La digue du clivage gauche/droite est tombée de son côté, et il montre bien qu’il a compris que le clivage se situe plutôt du côté Souveraineté VS Globalisation.]
Bien entendu. Le compromis « gaullo-communiste » était là aussi une entente pragmatique entre des gens qui étaient en désaccord sur tout, sauf sur l’essentiel… et comme le regrettait Paul Marie de La Gorce, ce compromis ne pouvait qu’être un « non dit », précisément parce que le fossé droite/gauche empêchait toute formalisation publique.
[Après, ce que tu dis sur son programme en lui-même et donc de son rapport à l’UE (il ne propose ni sortie de l’Euro, ni de l’UE), il parait plutôt se lancer dans le bras de fer avec les institutions européennes (…)]
Oui, mais sur ce point son « bras de fer » porte sur des questions de court terme. Imaginons un instant qu’il réussit son coup, et que la dette grecque est supprimée, peu importe le mécanisme. Et ensuite ? La libre circulation des marchandises et des capitaux sera toujours là, l’Euro qui empêche par la dévaluation de corriger les écarts de compétitivité sera toujours là, l’économie grecque sera toujours aussi peu compétitive. Et les grecs auront le choix entre réduire leur niveau de vie pour l’adapter à la productivité de leur économie – ce que personne n’acceptera – ou recommencer la ronde des emprunts pour soutenir artificiellement le niveau de vie.
[On remarquera que les USA soutiennent Tsipras et cherchent à raisonner Merkel car si l’euro tombe, le dollar US sera aussi affaibli…]
Les USA soutiennent Tsipras parce que ce soutien ne leur coute pas un rond, et leur permet de faire plaisir à un pays qui est un allié historique et qui pourrait avoir des velléités de se rapprocher de la Russie. Sans compter avec le poids électoral et économique de la communauté grecque aux Etats-Unis. Le sort de l’Euro pèse peu dans les décisions américaines.
[Puisse Tsipras provoquer la dissolution de l’Euro et s’inspirer de l’expérience feu-Nestor Kirchner !]
On peut toujours rêver…
Bonsoir , tout a fait d’accord avec cette analyse et je pense que le bras de fer va s’engager avec l’Allemagne qui va faire couper les ponts avec la Grèce qui ne pourra que sortir de l’Euro !
@ Bernard
[Bonsoir , tout a fait d’accord avec cette analyse et je pense que le bras de fer va s’engager avec l’Allemagne qui va faire couper les ponts avec la Grèce qui ne pourra que sortir de l’Euro !]
Je ne crois pas que ce soit aussi simple. Souvenez vous que nous sommes gouvernés par une génération de politiciens qui ont perdu tout sens du tragique, et qui ne détestent rien autant qu’une décision tranchée ou un saut dans l’inconnu. C’est pourquoi je pense que Tsipras peut réussir son coup, dans une logique de « dissuasion du faible au fort », pour peu qu’il propose une solution qui permette aux créanciers de sauver la face. L’Allemagne – et la France aussi, ne vous faites pas d’illusions – finiront par céder au chantage grec et tout continuera comme avant jusqu’à la prochaine crise. Ne sous-estimez pas la mollesse généralisée de nos dirigeants, ni leur capacité de noyer le poisson et d’esquiver les problèmes.
C’est d’ailleurs l’un des paradoxes de la situation politique actuelle. Nos gouvernants sont devenus tellement mous, qu’un groupuscule peut imposer sa façon de voir pour peu qu’il soit décidé et prêt à aller jusqu’au bout. Il suffit de quelques centaines de personnes pour mettre en échec la décision démocratique de construire un barrage ou un aéroport. Les pleurnicheries de Macron sur les « menaces de mort » qu’il aurait reçu sont assez révélatrices d’ailleurs de la force de caractère de nos gouvernants.
@Descartes,
[Les pleurnicheries de Macron sur les « menaces de mort » qu’il aurait reçu sont assez révélatrices d’ailleurs de la force de caractère de nos gouvernants.]
je n’étais au courant :-s… Décidément, après la ministre des Technologies informatique qui fond en larmes, en plein Conseil des Ministres, après une remarque cassante de M.Valls, j’aurais tout entendu!
Non, vraiment, nous sommes bien gouvernés par des gens à l’image de notre président: des lâches, des poltrons et des pleureuses! Ce n’est pas ça, la politique, bon sang! Un peu de dignité, que diable!
Quel contraste avec les morts de Charlie Hebdo qui ont défendu leurs idées jusqu’à la mort: nos dirigeants sont vraiment indignes!
En fait, ce qui m’enchante le plus chez Tsipras, c’est l’alliance avec des souverainistes de droite, ce qu’on ne verra jamais chez nous (à moins d’une guerre). Il n’y a qu’à voir comment en 2009 aux élections européennes, le FdG a saboté toute possibilité d’alliance avec les chevènementistes, et s’entêtait à faire les yeux doux au NPA (aujourd’hui aux écolos), alors Dupont-Aignan…
Par contre, j’ai certaines réserves sur le chantage du petit face au Goliath teuton (même si je n’ai aucune admiration pour Merkel et les élites allemandes) qui excite tant les gauchistes infantiles, et encore plus sur la volonté de maintien du niveau de vie sur la base des mêmes recettes qu’au sortir des dictatures (colonels grecs, Franco en Espagne), c’est à dire, comme tu l’as bien expliqué, par le transfert de fonds des pays à forte productivité (France, Allemagne) vers ceux à productivité moindre (Europe du Sud, PECO, Irlande). Le maintien du niveau de vie est humainement compréhensible, et je ne suis bien sûr pas favorable aux mesures d’humiliation type Troika/FMI, mais j’espère que Tsipras a bien compris que le défi pour son pays est la libération des forces productives grecques et non une croissance artificielle par les pays riches. Il me semble intelligent, dons je suis sûre qu’il l’a compris, mais encore une fois, le langage de la dignité et “c’est aux créanciers de payer” qui fait plaisir à tous les électorat, masquent le problème de fonds et tend vers l’irresponsabilité. Ces créanciers c’est nous tous, c’est pas une bande de multimilliardaires comploteurs venant d’une autre planète.
En parlant de dignité grecque, celle-ci s’acquérira par une croissance majoritairement endogène, et non le chantage pour garder le même niveau de vie. Une classe moyenne avec un capital immatériel s’est développée au sortir de la dictature ? Tant mieux pour elle, la Grèce n’ayant pas le niveau éducatif du Zimbabwe ou du Bengladesh, donc que cette classe moyenne participe au développement des forces productives, qu’elle mette la main à la poche, que les élites grecques se responsabilisent un peu.
Les pays à forte productivité en Europe l’étaient déjà avant l’intégration européenne et avaient mené des politiques nationales pour obtenir la prospérité. En France ce fut le programme du CNR et le compromis gaullistes/communistes. Que des pays qui ont des difficultés demandent de l’aide, c’est normal, mais qu’ils profitent des acquis des pays à forte productivité sans faire aussi le travail institutionnel, éducatif, structurel, d’investissement productif massif, qui ont permis à ces pays riches d’être prospères, là je ne suis pas d’accord.
C’est un peu comme ces pays arabo-musulmans qui veulent bien des avantages techniques et matériels de la modernité, mais refusent l’esprit qui a permis l’accouchement de cette modernité (la liberté d’esprit, la sécularisation de la société, le débat d’idées).
Mais j’ai bien conscience que la faute est partagée : nos propres classes moyennes toujours obsédées à vouloir tout payer moins cher, à voyager pour pas cher, c’est sûr que le dumping fiscal et social des pays du sud les arrangeaient bien aussi.
@CVT
[Les pleurnicheries de Macron sur les « menaces de mort » qu’il aurait reçu sont assez révélatrices d’ailleurs de la force de caractère de nos gouvernants.][je n’étais au courant :-s… Décidément, après la ministre des Technologies informatique qui fond en larmes, en plein Conseil des Ministres, après une remarque cassante de M.Valls, j’aurais tout entendu!]
Pas « en plein Conseil des ministres », mais dans une réunion du Premier ministre avec les ministres concernés par le « plan d’action pour l’école » dans le cadre de la lutte antiterroriste. Mais peu importe. On peut se demander si un ministre qui fond en larmes devant une remarque cassante du Premier ministre est de taille à garder la tête froide devant les pressions des « lobbies » ou de conduire le pays en situation de crise. Ce qui est le minimum pour un ministre.
Nos soi-disant élites ont perdu, j’insiste, tout sens du tragique. Gouverner, ce n’est pas un métier de bisounours. Un ministre, ça ne pleurniche pas parce que son chef a été méchant avec lui. Si on n’est pas capable d’entendre une remarque cassante sans fondre en larmes, on se choisit un autre métier. Un homme d’Etat s’engage totalement : il met en jeu sa fortune, sa santé, sa sécurité, sa vie. Imaginez-vous De Gaulle fondant en larmes après l’attentat du Petit Clamart ? A la place de Macron, je serais d’ailleurs plutôt flatté que quelqu’un trouve mon action suffisamment importante pour trouver que cela vaut la peine de me zigouiller.
@Bannette
[En fait, ce qui m’enchante le plus chez Tsipras, c’est l’alliance avec des souverainistes de droite, ce qu’on ne verra jamais chez nous (à moins d’une guerre). Il n’y a qu’à voir comment en 2009 aux élections européennes, le FdG a saboté toute possibilité d’alliance avec les chevènementistes, et s’entêtait à faire les yeux doux au NPA (aujourd’hui aux écolos),]
Exactement. Je ne suis pas un expert de politique grecque, mais je me dis que si Tsipras peut impunément s’allier avec les souverainistes de droite sans provoquer une scission de son propre parti ni craindre la sanction de son électorat, c’est le signe que son parti et son électorat sont sociologiquement très différents du FdG chez nous. Pour le FdG, il est plus facile d’imaginer une alliance avec les « libéraux-libertaires » eurolâtres qu’avec les souverainistes. Si Pierre Laurent ou Jean-Luc Mélenchon apparaissent dans la même tribune que Duflot ou Baupin, cela ne scandalise ni leurs électeurs, ni leurs militants. Par contre, imaginez-les un instant à la même tribune que Dupont-Aignan ou – horresco referens – Florian Philippot ? Même pour le référendum de 2005, même pour la grande manifestation du 11 janvier, c’est impossible. Et ce n’est pas étonnant : l’électorat « libéral-libertaire » appartient à la même classe sociale que celui du FdG, alors que l’électorat souverainiste est sociologiquement très différent.
Un alliance, même tactique, entre la « gauche radicale » et la droite souverainiste en France est difficile parce qu’au fond du fond, les intérêts des couches qu’ils représentent sont différents et même opposés. Mais cela n’avait pas empêché le « pacte gaullo-communiste » de fonctionner. Ce qui a changé depuis, c’est que le PCF a profondément muté pour devenir totalement schizophrène. Au niveau local, la domination des « notables » qui veulent à tout prix garder leurs postes contribue à un hyper-pragmatisme électoraliste mais sans véritable ligne directrice. Au niveau national, le PCF se retranche dans un rôle « tribunitien » et n’a plus aucune réflexion pragmatique sur les moyens de gouverner. Or, le PCF était, dans la « gauche radicale », la seule organisation qui se concevait comme destinée à gouverner. Avec sa mutation, la « gauche radicale » est devenu purement « tribunitienne » et n’a aucune crédibilité pour gouverner tout simplement parce qu’elle ne s’imagine même pas dans ce rôle. Pourquoi, dans ces conditions, irait-elle sacrifier au pragmatisme d’alliances tactiques sur des objectifs limités, comme le fait Syriza ?
[Par contre, j’ai certaines réserves sur le chantage du petit face au Goliath teuton (même si je n’ai aucune admiration pour Merkel et les élites allemandes) qui excite tant les gauchistes infantiles, et encore plus sur la volonté de maintien du niveau de vie sur la base des mêmes recettes qu’au sortir des dictatures (colonels grecs, Franco en Espagne), c’est à dire, comme tu l’as bien expliqué, par le transfert de fonds des pays à forte productivité (France, Allemagne) vers ceux à productivité moindre (Europe du Sud, PECO, Irlande).]
C’est là à mon avis tout le problème. Pourquoi ce « maintien du niveau de vie sur la base de transferts » ne nous pose aucun problème au niveau national – après tout, l’Ile de France, la région Rhône-Alpes ou Midi-Pyrénées subventionnent depuis plus d’un siècle et demi les régions plus pauvres, Bretagne, Corse, Provence… – mais nous sembles difficilement justifiables « moralement » dans l’Union européenne ? Pourquoi acceptons-nous si facilement de subventionner la Corse et pas la Grèce ?
C’est là le miracle – car c’en est un – de la Nation : un partie de la population accepte d’aider une autre partie de manière permanente et sans espoir que les flux s’inversent. En bon matérialiste, je me dis que cela ne peut-être, qu’il faut bien qu’il y ait quelque part une contrepartie pour que les régions les plus riches acceptent durablement cet état de fait. Et cette contrepartie existe sous la forme d’un certain nombre d’obligations réciproques. Celle de défense d’abord : les citoyens des régions les plus pauvres ont été mobilisés et sont morts par dizaines de milliers pour la défense commune. La contrepartie, c’est aussi l’abdication des différences, avec le principe que tout citoyen peut s’installer partout dans le territoire et être aussi bien traité que dans sa région d’origine. C’est l’acceptation de servitudes communes – l’installation dans une région d’une raffinerie ou d’une centrale nucléaire qui ira alimenter une autre région…
L’Europe n’est pas une nation. Il n’y a pas de « demos » européen, pas plus qu’il n’y a de « solidarité inconditionnelle » entre ses peuples. Et c’est pour cela qu’un modèle de développement « régional » ou le niveau de vie des grecs serait durablement soutenu par des transferts allemands est impensable…
[Le maintien du niveau de vie est humainement compréhensible, et je ne suis bien sûr pas favorable aux mesures d’humiliation type Troika/FMI, mais j’espère que Tsipras a bien compris que le défi pour son pays est la libération des forces productives grecques et non une croissance artificielle par les pays riches.]
Je pense que Tsipras l’a bien compris, et je pense que c’est le sens de la distinction qu’il fait lorsqu’il dit que la Grèce accepte l’idée d’une « vie austère », qui n’est pas la même chose qu’une « politique d’austérité ». Je ne sais pas jusqu’à quel point cette distinction subtile est comprise par son parti et au-delà par le peuple grec. En tout cas, l’idée est très mal comprise chez notre « gauche radicale », qui continue semble-t-il à croire que le problème de fond est la dette, et que si la BCE prêtait aux états à taux nul tout serait résolu.
En fait, on revient toujours au même problème : cela fait trente ans qu’on a dévalué symboliquement le travail et la production. Que ce soit à droite ou à gauche, tout le monde se passionne pour les questions financières ou monétaires, mais la politique industrielle, la question de la production n’intéresse personne. Elle n’est abordée que sous l’angle de l’emploi, comme si le but premier des activités productives était d’employer des gens.
[Il me semble intelligent, dons je suis sûre qu’il l’a compris, mais encore une fois, le langage de la dignité et “c’est aux créanciers de payer” qui fait plaisir à tous les électorat, masquent le problème de fonds et tend vers l’irresponsabilité. Ces créanciers c’est nous tous, c’est pas une bande de multimilliardaires comploteurs venant d’une autre planète.]
Tout à fait. Cela me fait toujours rigoler d’entendre des petits gauchistes crier « il ne faut pas payer la dette ». Sont-ils conscients que l’un des postes importants de la dette publique est constitué par les retraites à verser ?
[Les pays à forte productivité en Europe l’étaient déjà avant l’intégration européenne et avaient mené des politiques nationales pour obtenir la prospérité. En France ce fut le programme du CNR et le compromis gaullistes/communistes. Que des pays qui ont des difficultés demandent de l’aide, c’est normal, mais qu’ils profitent des acquis des pays à forte productivité sans faire aussi le travail institutionnel, éducatif, structurel, d’investissement productif massif, qui ont permis à ces pays riches d’être prospères, là je ne suis pas d’accord.]
C’est tout le problème. Les pays qui ont fait des politiques nationales – souvent coûteuses – de développement endogène ne l’ont pas fait par hasard. Ils l’ont fait entre autre chose parce qu’ils se rendaient parfaitement compte qu’une économie saine était le fondement de la souveraineté, et que personne n’allait les aider et qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Dans certains cas, ils ont même refusé d’être aidés de peur que cette aide compromette leur souveraineté et leur autonomie de décision.
Mais ça, c’était avant. Du temps où les intérêts du patronat et ceux de la classe ouvrière convergeaient dans le sens de la puissance nationale. C’est ce que n’ont pas compris les organisations ouvrières, qui en 1914 imaginaient les intérêts du prolétariat mondial en dehors de tout cadre national. Ils ont du coup été surpris que le prolétariat français et le prolétariat allemand, au lieu de fraterniser, se foutent sur la gueule. Mais l’alliance des « classes moyennes » et d’une bourgeoisie mondialisée qui a pris le pouvoir à la fin du XXème siècle cela change radicalement. Les « classes moyennes » se foutent de la souveraineté, ce qui les obnubile c’est leur niveau de vie. Et cela ne les dérange pas du tout de vivre d’emprunts et de mourir endettée. Il est donc illusoire d’imaginer qu’elle acceptera de se serrer la ceinture, comme l’ont accepté les français dans la période 1945-1960, au nom de la « reconstruction » du pays. C’est pourquoi je ne me fais guère d’illusions : même si Tsipras est conscient du problème, il aura beaucoup de mal à faire passer l’idée qu’il faut se « serrer la ceinture » pour construire en Grèce une économie moderne.
>Seul Mélenchon peut imaginer qu’il ira affronter l’Union européenne et « désobéir » aux traités de Duflot ou Joly, deux eurolâtres convaincues.<
Je sais bien que l’on ne peut voir en ces deux dames que de "vraies européennes" selon l’expression, mais n’est-ce pas exagérer leur rôle que de parler de "leur" traités ?
En outre, j’attends avec impatience de voir ce que va donner l’exercice du pouvoir par Syriza. Selon le KKE (j’ai l’impression au PCF d’être le seul à se souvenir qu’il existe des "partis frères") Syriza, par son refus de remettre en cause l’UE, est en fait destinée à plier devant les intérêts que représente celle-ci.
@ BolchoKek
[Je sais bien que l’on ne peut voir en ces deux dames que de "vraies européennes" selon l’expression, mais n’est-ce pas exagérer leur rôle que de parler de "leur" traités ?]
Vous avez tout à fait raison, bien entendu. Dans mon texte, quelques mots avaient sauté au moment de la publication, ce qui donnait au texte un sens différent. J’ai corrigé l’erreur.
[En outre, j’attends avec impatience de voir ce que va donner l’exercice du pouvoir par Syriza.]
Bien entendu, c’est LA chose à regarder. Comme tout parti qui exerce le pouvoir, il sera obligé de faire des compromis, de choisir les batailles qui méritent qu’on y mette les moyens pour gagner, et celles qu’on peut se permettre de perdre. Je ne partage pas le maximalisme habituel de la gauche qui voit des « trahisons » partout. Si Syriza fait ce qu’il peut, ce sera déjà beaucoup.
[Selon le KKE (j’ai l’impression au PCF d’être le seul à se souvenir qu’il existe des "partis frères") Syriza, par son refus de remettre en cause l’UE, est en fait destinée à plier devant les intérêts que représente celle-ci.]
« Partis frères » ? Il est vrai qu’on choisit ses amis, mais pas sa famille…
Il y aurait beaucoup à dire sur le KKE, et pas forcément en bien. Ok, ça fait plaisir d’entendre de temps en temps le langage qui fleure bon les années 1950. Ok, cela rassure de savoir qu’il reste encore des « purs » quelque part. Mais en même temps, il faut être conscient des limites de la fonction « tribunicienne » et du splendide isolement. Syriza ne fera pas la révolution d’Octobre, nous sommes d’accord, pas plus qu’il ne sortira la Grèce de l’Euro ou de l’UE. A partir de là, je ne suis pas persuadé que refuser son soutien à un gouvernement avec lequel on partage à minima les priorités à court terme soit la ligne politique la plus intelligente. Mais encore une fois, je ne suis pas un expert en politique grecque.
[« Partis frères » ? Il est vrai qu’on choisit ses amis, mais pas sa famille…]
Il est aussi vrai que c’est surtout dans la famille que l’on trouve les liens de solidarité les plus forts…
[Ok, ça fait plaisir d’entendre de temps en temps le langage qui fleure bon les années 1950.]
Peut-être, ça fait folklo… mais personnellement, je trouve ça fatigant, cette manie qu’ont certains communistes "orthodoxes" à mettre de "l’impérialisme" et de la "révolution prolétarienne" à toutes les sauces. Premièrement, ça banalise l’usage de termes souvent pour un mauvais usage. Ensuite, un vocabulaire aussi marqué dans des communiqués publics peut repousser pas mal de gens. Le PCF de l’époque Marchais avait maintenu une ligne léniniste en utilisant un vocabulaire simple, je ne vois donc pas l’intérêt d’avoir l’air de sortir des années 1930 auprès des gens qui ne sont pas habitués à ce genre de langage.
[Syriza (…) ne sortira la Grèce de l’Euro ou de l’UE. A partir de là, je ne suis pas persuadé que refuser son soutien à un gouvernement avec lequel on partage à minima les priorités à court terme soit la ligne politique la plus intelligente.]
Le KKE s’est justifié en rappelant que pour lui, les "priorités à court terme" sont la sortie de l’Euro et de l’UE. Pour Syriza, ces possibilités sont très difficilement envisageables. Ils ne sont donc pas d’accord sur les priorités, ce qui même en faisant un effort de pragmatisme forcené, peut difficilement amener à des accords. Je trouve que le KKE a été cohérent : il répète depuis des années (même des décennies) que quelque soit le programme ou la couleur politique d’un gouvernement qui décide de rester en Europe, il sera tenu par les traités et donc n’aura aucune marge de manoeuvre. On peut discuter d’à quel point cette dernière affirmation est valide, mais là n’est pas le sujet : le KKE aurait difficilement pu renier la pièce centrale de son discours depuis plus de vingt ans…
@ BolchoKek
[« Partis frères » ? Il est vrai qu’on choisit ses amis, mais pas sa famille…][Il est aussi vrai que c’est surtout dans la famille que l’on trouve les liens de solidarité les plus forts…]
Oui. Et aussi les haines les mieux recuites et les plus impitoyables… aucune guerre n’est aussi horrible que la guerre civile.
[Peut-être, ça fait folklo… mais personnellement, je trouve ça fatigant, cette manie qu’ont certains communistes "orthodoxes" à mettre de "l’impérialisme" et de la "révolution prolétarienne" à toutes les sauces.]
Tout à fait d’accord. C’est un peu ce qui m’a dégouté définitivement dans le débat interne du PCF, ou l’on était sommé de choisir entre le saut dans le vide et le retour aux années 1930. Comme tu le dis si bien, le PCF de l’époque Marchais avait réussi à garder une ligne politique de classe tout en parlant le langage de tous les jours. Malheureusement, il n’y a pas que chez les catholiques qu’on cherche à rétablir la messe en Latin…
[Je trouve que le KKE a été cohérent : il répète depuis des années (même des décennies) que quelque soit le programme ou la couleur politique d’un gouvernement qui décide de rester en Europe, il sera tenu par les traités et donc n’aura aucune marge de manoeuvre.]
Je ne reproche pas au KKE d’avoir été incohérent. Mais la cohérence dans l’erreur n’est pas forcément une qualité. En politique, on a toujours une certaine marge de manœuvre. Et le KKE a tout intérêt à ce que Syriza gouverne, ne serait-ce que pour montrer que même un gouvernement pétri de bonnes intentions ne peut aller au-delà des maigres marges permises par les traités. J’aurais compris que le KKE ne participe pas au gouvernement, pour garder sa liberté de parole, un peu comme le PCF en 1936. Mais j’ai du mal à comprendre que le KKE soit prêt à empêcher Syriza de gouverner, ne serait-ce que pour éviter de perpétuer l’illusion que s’il avait gouverné il aurait fait des miracles. Le KKE a tout intérêt, même de son point de vue, d’obliger l’électorat de Syriza à se confronter à la dure réalité des institutions européennes.
[On peut discuter d’à quel point cette dernière affirmation est valide, mais là n’est pas le sujet : le KKE aurait difficilement pu renier la pièce centrale de son discours depuis plus de vingt ans…]
Là n’est pas la question. Je ne demande pas au KKE de dire « tiens, on s’est trompé, on peut résoudre les problèmes de la Grèce en restant dans l’Euro ». Mais je pense qu’ils auraient du dire « on veut bien soutenir Syriza parce qu’ils ont la volonté de faire des choses, mais vous allez voir que cela ne suffira pas à résoudre les problèmes ».
Bonjour Descartes,
Que pensez-vous de la capacité (et de la volonté) de Syriza d’appliquer le point n°40 de son programme (cf: http://links.org.au/node/2888 ), à savoir, la fermeture des bases étrangères et la sortie de l’OTAN ?
@ Jonhathan R. Razorback
[Que pensez-vous de la capacité (et de la volonté) de Syriza d’appliquer le point n°40 de son programme (cf: http://links.org.au/node/2888 ), à savoir, la fermeture des bases étrangères et la sortie de l’OTAN ?]
Je ne pense pas que ce soit, à l’heure actuelle, une priorité. Syriza a montré une rare capacité à se concentrer sur les priorités même si cela implique mettre entre parenthèses des objectifs importants mais moins prioritaires. Et c’est tout à son honneur : on ne peut se battre sur tous les fronts en même temps. Si Syriza arrive à remettre l’économie grecque sur les bons rails, il sera alors dans une position bien meilleure pour aborder les enjeux de politique étrangère. Et s’il n’y arrive pas, il sera balayé. Inutile donc d’ouvrir maintenant un second front sur la question des bases militaires et la sortie de l’OTAN.
Excusez mon ignorance certainement crasse, mais que signifie : " &gt ; .< ????? etc ?
@JMP et BolchoKek
Patience, patience… il s’agit de chaînes html censées coder les caractères spéciaux tels que les guillemets. J’ai écrit au webmaster du blog pour lui demander de corriger le problème… on verra ce qu’il répond !
la victoire de Syriza est une mauvaise nouvelle pour la gauche du PS
en ce qui concerne la Grèce, j’ai observé qu’elle avait depuis 2 ans une balance des biens et services équilibrée (tout juste).
Ce qui veut dire que "grâce" à la baisse du pouvoir d’achat, les importations ont beaucoup diminué.
La Grèce est donc fondamentalement, au niveau de vie actuel, dans une position équilibrée.
Il faut cependant rappeler que la condition de beaucoup de grecs n’est guère satisfaisante.
Evidemment, toute relance du pouvoir d’achat, non accompagné d’autres mesures de baisse des dépenses d’Etat, ou de transfert des plus aisés, fera replonger la balance des biens et services à court-moyen terme, en attendant de souhaitables améliorations des exportations.
Autrement dit, pour l’instant, il ne peut y avoir relance du pouvoir d’achat sans faire appel à l’Europe pour payer.
Aussi la venue au pouvoir de Syriza est une mauvaise nouvelle pour la gauche du PS. Syriza ne pourra pas tenir plus d’un an sans renier l’essentiel de ses promesses et s’attirer l’hostilité populaire. Un peu comme Mitterrand après 83. Et donc au moment des Présidentielles de 2017 l’échec de Syriza sera devenu patent, et la droite le rappellera aux électeurs.
nb: en ce qui concerne la France, nous avons encore du pain noir devant nous. Notre balance des biens et service reste significativement négative. Nous devrons davantage nous serrer la ceinture. Par contre, nous avons encore des capacités exportatrices, et la sortie de l’euro nous sera certainement profitable (à condition de ne pas faire de bêtises).
@ marc.malesherbes
[Evidemment, toute relance du pouvoir d’achat, non accompagné d’autres mesures de baisse des dépenses d’Etat, ou de transfert des plus aisés, fera replonger la balance des biens et services à court-moyen terme, en attendant de souhaitables améliorations des exportations.]
C’est bien le problème. Dans un contexte de libre circulation des marchandises tel qu’il est inscrit dans les traités européens, et sans avoir recours à la dévaluation pour prendre en compte les différences de compétitivité, toute relance du pouvoir d’achat se reporte vers les produits les plus compétitifs. C’est pourquoi une relance par les salaires est doublement dangereuse : d’une part, augmenter les salaires revient à augmenter les coûts de production, et donc à diminuer la compétitivité relative des produits grecs. Cela veut dire que le complément de pouvoir d’achat bénéficiera plus aux produits importés, et qu’à l’inverse les exportations grecques seront plus chères… On l’a vu chez nous en 1981. Et encore, à l’époque on avait réussi à atténuer l’effet désastreux par des dévaluations successives et l’inflation. Avec une inflation quasi-nulle et sans pouvoir dévaluer, les effets risquent d’être bien plus désastreux.
Cette explication vous montre que le fait que les mesures de relance soient accompagnées par une baisse ou non des dépenses de l’Etat, ou du « transfert des plus aisés » ne changera rien. Une relance par les salaires non compensée par une dévaluation ne peut que dégrader les soldes extérieurs.
[Aussi la venue au pouvoir de Syriza est une mauvaise nouvelle pour la gauche du PS. Syriza ne pourra pas tenir plus d’un an sans renier l’essentiel de ses promesses et s’attirer l’hostilité populaire. Un peu comme Mitterrand après 83. Et donc au moment des Présidentielles de 2017 l’échec de Syriza sera devenu patent, et la droite le rappellera aux électeurs.]
Vous êtes trop optimiste. Etant donnée l’imbécillité des institutions européennes – voir la décision de la BCE de couper le robinet des liquidités aux banques grecques – la gauche du PS aura toujours la possibilité d’attribuer l’échec de Syriza aux pressions et complots extérieurs.
[nb: en ce qui concerne la France, nous avons encore du pain noir devant nous. Notre balance des biens et service reste significativement négative. Nous devrons davantage nous serrer la ceinture.]
C’est drôle… quand on parle de balance déséquilibrée, la première réaction est de dire « il faut se serrer la ceinture ». Moi, au contraire, j’en déduirais qu’il faut améliorer notre production, produire plus et mieux…
Bonjour,
[C’est drôle… quand on parle de balance déséquilibrée, la première réaction est de dire « il faut se serrer la ceinture ». Moi, au contraire, j’en déduirais qu’il faut améliorer notre production, produire plus et mieux…]
« il faut se serrer la ceinture »……….dans la réalité, et assez inconsciemment, c’est plutôt « serrer les ceintures, des autres sauf la mienne » à quoi l’on pense, à défaut de le dire.
En parlant de ceinture, j’ai beaucoup aimé cette phrase prononcée par J. Wayne dans un western :
« Je ne peux pas avoir confiance en quelqu’un qui porte à la fois une ceinture et des bretelles ; en quelqu’un qui n’a pas confiance en son pantalon. »
Elle me semble bien illustrer l’état d’esprit de beaucoup de Français – et sans doute de Grecs, d’Espagnols, etc………. – vis à vis de la production et de la consommation, du travail et des loisirs, des lois et des libertés, le pantalon figurant le pays qui nous protège. On attend tout de lui et cependant on remet ses fondements en cause en permanence.
Concernant l’amélioration de la production, en plus et en mieux, on peut à la rigueur être d’accord, mais ça ne veut pas dire grand-chose car il s’agit d’incantation. Et cela comporte quelques limites et nécessite des précisions. Le plus et le mieux que vous appelez de vos vœux ne sont pas neutres dans la balance avantages / inconvénients et notre société n’est pas qualifiée pour évaluer, sans un cadre de critères consensuels à minima, ce qui est bon de ce qui ne l’est pas.
En matière de progression socioéconomique, nous sommes, comme dans la discipline sportive de la corde, devant un équilibre instable, menacé d’écroulement, déployant, sans grand résultat, beaucoup d’énergie.
Notre système politique est constitué d’une opposition à 180 degrés. A effort à peu près égal, la résultante est nulle. Et pourtant, ça s’agite, ça babasse, ça s’invective.
Pas question de varier de 5 degrés par rapport à l’axe de la partie adverse. Pour le sport, OK, pour l’esprit, c’est à choisir entre la malhonnêteté et imbécillité.
La corde représente plus les ors de la république et ses prébendes que les idées. Les tactiques électorales, les turpitudes politicardes, les ambitions nombrilistes épuisent presque toutes les compétences et bonnes volontés disponibles.
La vie politique de notre pays est aussi vaine que le spectacle du PSG contre l’OM.
Les enjeux sont presque nuls, et pourtant chacun des spectateurs défend son écurie – qui vit très très bien sur le dos des supporters – avec un aveuglement et un sectarisme affligeant. Ils aiment à être la volaille que l’on plume, ça caquette, ça caquette………………..
@ Marcailloux
[En matière de progression socioéconomique, nous sommes, comme dans la discipline sportive de la corde, devant un équilibre instable, menacé d’écroulement, déployant, sans grand résultat, beaucoup d’énergie.]
J’avoue que je n’ai pas compris le but de votre propos. Je ne vois pas à quel « équilibre instable » vous faites référence.
[Notre système politique est constitué d’une opposition à 180 degrés. A effort à peu près égal, la résultante est nulle.]
Vous trouvez ? Moi, je perçois le contraire : malgré les rodomontades et les postures, il me semble que depuis trente-cinq ans tout le monde tire plus ou moins dans la même direction. Sinon, comment expliquez-vous la remarquable continuité des politiques poursuivies depuis 1983 au moins ? Citez-moi un gouvernement, un seul, qui depuis cette date ait durablement et constamment ramé contre le courant de la « monnaie forte » puis de la « monnaie unique », de la « construction européenne », de l’extension permanente des « droits » et l’oubli concomitant des « devoirs »… Avec des discours qui donnent l’illusion d’une « opposition à 180 degrès » on poursuit en fait les mêmes politiques.
[Les enjeux sont presque nuls,]
Les enjeux sont presque nuls parce que gauche « sociale-libérale » et droite « centriste » sont d’accord sur l’essentiel, et on se dispute sur les queues de cerises, genre « mariage pour tous »…
@ Descartes
Bonsoir,
[ J’avoue que je n’ai pas compris le but de votre propos. Je ne vois pas à quel « équilibre instable » vous faites référence.]
Eh oui ! « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément. », C’est bien là le problème. Je vais essayer d’éclaircir mon sentiment et ça n’est pas simple.
Par « équilibre instable » je veux évoquer un état du pays où rien ne change vraiment – comme vous le confirmez à la fin de votre réponse – sinon la dégradation des indicateurs principaux, et dans lequel des courants s’opposent dans tous les sens, une incapacité des partis de gouvernements à s’accorder sur quelque sujet que ce soit de crainte de détériorer ses chances aux élections, ce qui nous amènent assez rapidement vers un pouvoir confié à des extrêmes
La déliquescence du politique en France me semble provenir de ce que je nommerais : l’oligarchie composite à spectre large bande à visage de démocratie.
Dépouillé d’une part sans cesse croissante de ses pouvoirs de décision et d’action, le personnel politique en est réduit, insensiblement depuis quelques dizaines d’années, à abandonner le pouvoir au bénéfice des attributs et prérogatives du pouvoir. L’Union européenne n’est en fait qu’un « diable de confort ». Pour faire simple, il cherche plus les postes que les responsabilités. Pour que cela fonctionne et dure, il doit composer avec nombre de groupes de pression, d’organisations prééminentes dans divers secteurs socio économiques. Et pour cela, il partage le « fromage » de la république, en maintenant une kyrielle de structures inefficientes, en maintenant des privilèges iniques, en zigzagant entre les lobbies de tous poils, en favorisant ou en laissant prospérer les petits arrangements entre amis, renvoi d’ascenseur et tutti quanti, etc……
Résultat : la moindre décision est amendée, altérée et finalement, le pays se transforme en une énorme maternité où les éléphants n’accouchent plus que de souris………quand les décrets d’application sont promulgués. Et tout cela dans un grand balai de postures, d’invectives, d’outrances, de manœuvres tacticiennes.
Tout ce beau monde tire à hue et à dia, proclame toutes sortes de menaces qui seraient abolies à la prochaine alternance, à la seule condition qu’ils soient entièrement maîtres de la manœuvre.
Le système tient parce ce qu’il y a encore quelque dizaines de millions de gens qui produisent de la richesse – qui au demeurant devient de moins en moins suffisante pour satisfaire tous les appétits, légitimes et illégitimes – et l’horizon s’obscurcie inéluctablement alors que la tendance générale est à l’éclaircissement chez nos partenaires et voisins.
A certains égards, la France me fait penser à ce qu’elle était dans les années précédant 1789 et je garde définitivement en mémoire cette image des livres de mon enfance qui montrait un membre du tiers-état courbé et portant sur son dos deux personnages de la noblesse et du clergé.
La réforme que j’appelle de mes vœux devra passer avant tout par une mise à plat, la plus objective possible selon les critères d’une large majorité de la population. Ensuite doivent venir les choix débattus d’orientation avec les mesures à différents niveaux que cela implique. Puis, avec la mise en œuvre, des moyens d’évaluation rigoureux et démocratiques.
Pour cela, deux conditions sont requises :
– limiter l’apparat républicain au seul niveau de la présidence de la république afin de désintéresser les parasites de toutes sortes.
– engager une très vaste campagne d’information débat pour que l’ensemble des citoyens puisse faire un choix en connaissance – à minima – des tenants et aboutissant de leur vote.
Si ce travail de salubrité publique n’est pas accompli, je ne vois toujours aucune raison pour donner mon aval électoral à l’un ou à l’autre des partis , et à priori ceux de gouvernement.
@ Marcailloux
[La déliquescence du politique en France me semble provenir de ce que je nommerais : l’oligarchie composite à spectre large bande à visage de démocratie. Dépouillé d’une part sans cesse croissante de ses pouvoirs de décision et d’action, le personnel politique en est réduit, insensiblement depuis quelques dizaines d’années, à abandonner le pouvoir au bénéfice des attributs et prérogatives du pouvoir.]
Je pense que vous inversez les termes du problème. Le personnel politique n’a pas été « dépouillé d’une part sans cesse croissante de ses pouvoirs de décision et d’action ». Il s’en est débarrassé – et il s’en débarrasse chaque jour un peu plus – lui-même. Et pas seulement au profit de l’Union européenne d’ailleurs. Il n’y a qu’à regarder les normes récentes : on multiplie à tort et à travers les procédures de consultation, d’avis et d’accord de toute une série d’organismes plus ou moins représentatifs. Et tout ça au nom de la « démocratie » participative ou pas. Il fut un temps où les PDG des entreprises publiques étaient nommées par décret. Aujourd’hui, il leur faut en plus plancher devant les commissions de l’Assemblée Nationale et du Sénat pour obtenir leur accord. C’est un progrès de la transparence, me direz-vous ? Que nenni : tout ça ne sert qu’à diluer les responsabilités. Si le candidat une fois nommé pique dans la caisse, le gouvernement et les commissions pourront se renvoyer la balle sur le mode « mais vous, vous l’avez approuvé aussi ». Il fut un temps où les lois qui sortaient du Parlement étaient fondamentalement les textes du gouvernement légèrement amendés. Maintenant, un projet de loi comme celui pour la « transition énergétique » rentre à l’Assemblée avec 65 articles et en sort avec 177. Quand demain il se révèlera inapplicable, on verra le gouvernement renvoyer la balle sur le Parlement et vice-versa.
On accuse nos élus d’aimer le pouvoir et de s’y accrocher. C’est de la diffamation : nos élus, c’est vrai aiment LES ATTRIBUTS du pouvoir : la voiture avec chauffeur, l’appartement de fonction, le fait d’être appelés « Monsieur le Ministre », etc. Mais ils détestent le véritable pouvoir, parce qu’exercer le pouvoir implique faire des choix et prendre des décisions, et qu’en faisant des choix et en prenant des décisions on se fâche nécessairement avec des gens. Or, c’est tellement plus sympa de faire plaisir à tout le monde… Et c’est pourquoi, lorsqu’une décision se pointe à l’horizon, la première réaction de l’homme politique est de l’éviter, en se cachant derrière un « rapport d’experts » suivi d’une « commission consultative » ou peut-être même d’une « consultation du public », ou bien en refilant le bébé au Conseil d’Etat ou à la Commission européenne.
[Résultat : la moindre décision est amendée, altérée et finalement, le pays se transforme en une énorme maternité où les éléphants n’accouchent plus que de souris………quand les décrets d’application sont promulgués. Et tout cela dans un grand balai de postures, d’invectives, d’outrances, de manœuvres tacticiennes.]
J’aime beaucoup votre image de « maternité ou les éléphants… etc. ».
[Le système tient parce ce qu’il y a encore quelque dizaines de millions de gens qui produisent de la richesse – qui au demeurant devient de moins en moins suffisante pour satisfaire tous les appétits, légitimes et illégitimes – et l’horizon s’obscurcie inéluctablement alors que la tendance générale est à l’éclaircissement chez nos partenaires et voisins.]
Et aussi parce qu’il y a encore quelques dizaines de milliers de fonctionnaires et quelques centaines de hauts fonctionnaires qui pouvant faire des choses bien plus intéressantes et surtout plus lucratives se consacrent encore au service de l’Etat, y compris lorsqu’il s’agit de pallier aux défaillances de l’autorité politique. Sans cette fonction publique pour amortir les chocs, nous serions depuis longtemps une république bananière.
[A certains égards, la France me fait penser à ce qu’elle était dans les années précédant 1789 et je garde définitivement en mémoire cette image des livres de mon enfance qui montrait un membre du tiers-état courbé et portant sur son dos deux personnages de la noblesse et du clergé.]
La comparaison n’est pas mauvaise.
[- limiter l’apparat républicain au seul niveau de la présidence de la république afin de désintéresser les parasites de toutes sortes.]
Je crois que c’est un remède pire que le mal. Si vous ne rémunérez pas l’effort symboliquement, vous serez obligé de le rémunérer matériellement. Pendant des décennies les hauts fonctionnaires ont accepté des salaires bien inférieurs à ceux du privé, parce qu’ils avaient des récompenses symboliques, cet « apparat républicain » dont vous parlez ici : des bureaux dans des bâtiments historiques, des plantons qui vous saluent au passage… mais si demain vous les installez dans des bureaux sans âme à La Défense comme un vulgaire cadre de TOTAL, alors il faudra leur payer les salaires que paye TOTAL…
[- engager une très vaste campagne d’information débat pour que l’ensemble des citoyens puisse faire un choix en connaissance – à minima – des tenants et aboutissant de leur vote.]
Mais qu’est ce qui vous fait penser que l’ensemble des citoyens a envie de passer le temps et de consacrer l’effort nécessaire pour comprendre les tenants et les aboutissants de son vote ? Et s’ils ne sont pas prêts à faire cet effort, comment comptez-vous les y obliger ?
@ Descartes
Bonjour,
[Je crois que c’est un remède pire que le mal. Si vous ne rémunérez pas l’effort symboliquement,………..]
Quelques paragraphes plus haut, vous regrettez – à juste titre – la dilution de l’autorité de l’Etat en matière de nomination. Elle allait de pair, à l’époque, avec son autorité en matière de limogeage en cas d’incompétence. Ce qui n’est plus tout a fait le cas.
D’autre part, je trouve méprisant de rémunérer le personnel politique (j’entend par là autant la fonction publique que les élus) avec des artifices qui sont finalement une "consommation forcée", car qui vous dit que nombre de fonctionnaires où d’élus éprouvent le besoin ou du plaisir à rentrer dans ce jeu de rôles dans lequel ils sont les suzerains d’une pléiade de vassaux endimanchés.
Que l’on diminue les nombre d’élus,
Que l’on réduise le nombre de fonctionnaires en réformant les procédures,
Que l’on rémunère correctement ceux qui restent en veillant scrupuleusement que leur action est réellement bénéfique.
J’entends, à l’encan, que des jardiniers du Sénat sont rémunérés à plus de 6000 € par mois, et ce n’est qu’un exemple, comment imaginez vous qu’un jeune ingénieur ou médecin à qui on propose moins de la moitié puisse réagir?
Si c’est cela que vous nommez égalité républicaine, alors permettez moi de ne pas y souscrire.
Vu de mes yeux de plouc de la haute Ardèche, j’ai nettement l’impression que l’ apartheid dont il a été question dernièrement se situe plutôt entre le peuple et un microcosme, terme employé par un autre premier ministre, avec une très grosse représentation à Paris – excusez moi Descartes, vous n’êtes pas nommément visé, qui est formé par cette oligarchie composite à spectre large bande à visage de démocratie dont je parlais plus haut.
Cela ne veut en rien dire qu’elle n’est formée que d’incapables et d’incompétents, mais dans ses rangs se sont incrustés des éléments indéboulonnables,élus ou fonctionnaires ou assimilés, dont l’utilité pour la nation est tout à fait discutable, qui freine l’action de leurs pairs, qui jouent la mouche du coche, qui passent la majeure partie de leur temps à intriguer, entraver, détourner ce qui est produit positivement. Qui aura le courage d’y mettre bon ordre?
Notre problème est que nous ne nous sommes pas donné les moyens de réguler ces dérives, naturelles dans toute organisation complexe, qui métastasent sans un traitement énergique, et nous en payons aujourd’hui le prix par une forme d ‘ankylose doublée de délitement.
Ce qui me sidère, c’est cette croyance qu’un parti nouveau va régler les problèmes, et surtout parce qu’on ne la pas encore "essayé" – OMO lave plus blanc, c’est évident, alors que la solution doit venir de l’intérieur. C’est à la fonction publique de se réformer, c’est à l’ensemble des élus de se recomposer, mais autant demander à un chapon de se muer en coq de combat.
@Descartes,
Bonjour,
[Mais qu’est ce qui vous fait penser que l’ensemble des citoyens a envie de passer le temps et de consacrer l’effort nécessaire pour comprendre les tenants et les aboutissants de son vote ? Et s’ils ne sont pas prêts à faire cet effort, comment comptez-vous les y obliger ?]
Il n’est pas nécessaire que l’ensemble, c’est-à-dire la grande majorité, fasse un effort. Il suffit généralement d’une minorité convaincue – de quoi me direz-vous? – pour que les débats s’engagent sur les orientations essentielles de notre société.
C’est à ceux qui prétendent gouverner qu’il appartient d’organiser une vaste campagne d’information, d’analyse, d’explication en éliminant autant que faire se peut les approches dogmatiques. C’est à eux de démontrer que l’avenir du pays passe avant leur avenir personnel. C’est à eux de trouver la méthode adéquate qui entraînera l’adhésion d’une minorité influente.
Vous sachant dubitatif sur les possibilités d’une telle démarche, je ne vois pas sur quel point vous pouvez fonder votre optimisme restauré. L’effet Charlie est déjà tombé dans les bas-fonds de la politique.
Il me semble que, collectivement, nous devons passer de la phase de répétitions incantatoires, récriminatoires ou discréditrices à une démarche conduisant à dessiner les contours d’une société post capitalisme spéculatif à outrance.
Un blog comme le vôtre, Descartes, n’a-t-il pas vocation à amorcer un tel type de démarche ?
Si aucune initiative dans ce sens n’émerge, en quoi ceux qui se contentent de perpétuer une situation délétère alors qu’ils prétendent conquérir le suffrage de leurs concitoyens, méritent le moins du monde d’obtenir ces suffrages qui ne sont plus que des « bons pour rente de situation ».
A l’échelle de l’individu lambda, voter blanc – maintenant que c’est possible – c’est en quelque sorte frapper du poing sur la table pour contraindre nos représentants actuels ou futurs à beaucoup plus de courage, et ne pas se laisser embarquer dans une acceptation très partielle de ce qui nous est proposé et qui probablement ne sera pas respecté une fois l’élection passée. La crédulité et la duplicité ont des limites à ne pas dépasser, et voter pour l’un ou pour l’autre n’est jamais qu’un blanc-seing pour perpétuer le marasme actuel.
@ Marcailloux
[Quelques paragraphes plus haut, vous regrettez – à juste titre – la dilution de l’autorité de l’Etat en matière de nomination. Elle allait de pair, à l’époque, avec son autorité en matière de limogeage en cas d’incompétence. Ce qui n’est plus tout a fait le cas.]
De limogeage en cas d’incompétence… et de démission aussi. Parce qu’un ministre qui nommait un « mauvais » chef de la police sautait souvent si le chef en question faisait des bêtises. Il n’est pas inutile de rappeler la jurisprudence Crichel Down, qui date des années 1950. Dans cette affaire britannique, un haut-fonctionnaire avait commis une acte gravement fautif, acte dont son ministre – c’était prouvé – n’avait pas connaissance. Le Parlement a exigé quand même la démission du ministre, en argumentant que permettre aux ministres de se cacher derrière leur ignorance était éminemment dangereux, puisque dans ce cas les ministres feraient tous les efforts pour ne pas être au courant des affaires dangereuses, de manière à pouvoir plaider l’ignorance.
Cette jurisprudence était, avec certaines nuances, appliquée chez nous aussi. Un ministre dont les hauts fonctionnaires faisaient des bêtises assumait la responsabilité et démissionnait. Ce n’est plus, et de loin, le cas.
[D’autre part, je trouve méprisant de rémunérer le personnel politique (j’entend par là autant la fonction publique que les élus) avec des artifices qui sont finalement une "consommation forcée", car qui vous dit que nombre de fonctionnaires où d’élus éprouvent le besoin ou du plaisir à rentrer dans ce jeu de rôles dans lequel ils sont les suzerains d’une pléiade de vassaux endimanchés.]
Pourquoi « des artifices » ? Le fait que les gens enlèvent leur chapeau sur votre passage dans un geste de respect est une rémunération symbolique, pas un « artifice ». Il y a dans notre pays beaucoup de fonctions qui sont bénévoles. Pourquoi à votre avis les gens continuent à les remplir, qu’ils se payent des travaux emmerdants ou dangereux alors qu’ils pourraient être commodément chez eux à regarder la télé, ou même avoir un emploi rémunéré ? Parce qu’ils sont payés « symboliquement » par les gestes de leurs concitoyens. Je ne suis pas persuadé que la transformation de ces fonctions en fonctions rémunérées soit de nature à améliorer la tenue de ces fonctions.
[Que l’on réduise le nombre de fonctionnaires en réformant les procédures,]
Vous aurez du mal… les gros bataillons de fonctionnaires sont dans l’éducation nationale !
[J’entends, à l’encan, que des jardiniers du Sénat sont rémunérés à plus de 6000 € par mois, et ce n’est qu’un exemple, comment imaginez vous qu’un jeune ingénieur ou médecin à qui on propose moins de la moitié puisse réagir?]
S’ils préfèrent être jardiniers au Sénat, le concours leur est ouvert. Comme je ne vois pas beaucoup de jeunes ingénieurs ou médecins se précipiter pour passer les concours de jardinier du Sénat, j’en déduis qu’ils peuvent avoir mieux en tant qu’ingénieurs ou médecins. Par ailleurs, j’aimerais savoir d’où vous tirez que les jardiniers du Sénat gagnent de telles sommes. Je crains que, comme beaucoup de rumeurs sur les soi-disant « privilèges » des fonctionnaires, il soit légèrement faux.
[Si c’est cela que vous nommez égalité républicaine, alors permettez moi de ne pas y souscrire.]
Pourquoi pas ? Où est-il écrit que « l’égalité républicaine » implique que le médecin soit mieux payé que le jardinier du Sénat ? Dans la mesure ou le personnel du Sénat est recruté par concours ouvert à tous, je ne vois pas en quoi « l’égalité » souffrirait, même si les jardiniers du Sénat étaient payés 30.000 € par mois.
[Ce qui me sidère, c’est cette croyance qu’un parti nouveau va régler les problèmes, et surtout parce qu’on ne la pas encore "essayé" – OMO lave plus blanc, c’est évident, alors que la solution doit venir de l’intérieur.]
Je ne crois pas que cette croyance soit très répandue. Le vote FN est de plus en plus un vote d’adhésion, mais pas encore un vote de confiance. Je discute souvent avec des électeurs FN, je n’ai pas encore trouvé beaucoup qui envisagent sérieusement un gouvernement MLP.
@ Marcailloux
[Il n’est pas nécessaire que l’ensemble, c’est-à-dire la grande majorité, fasse un effort. Il suffit généralement d’une minorité convaincue – de quoi me direz-vous? – pour que les débats s’engagent sur les orientations essentielles de notre société.]
J’ai du mal comprendre. Je croyais que votre objectif était « que l’ensemble des citoyens puisse faire un choix en connaissance des tenants et aboutissant de leur vote ». Vous souhaitiez donc bien « l’ensemble des citoyens » fasse l’effort, et non une « minorité convaincue ». Mais s’il s’agit de mobiliser une « minorité convaincue », quelle différence avec le système des partis politiques ?
[Vous sachant dubitatif sur les possibilités d’une telle démarche, je ne vois pas sur quel point vous pouvez fonder votre optimisme restauré. L’effet Charlie est déjà tombé dans les bas-fonds de la politique.]
Mon « optimisme restauré » ne repose pas, comme vous semblez le croire, dans une vision de démocratie directe ou participative. Je suis un fervent partisan de la démocratie délégataire, parce que je crois – et je l’ai défendu plusieurs fois ici – que l’élu n’est pas une simple courroie de transmission de la volonté populaire, mais qu’il a un rôle indispensable de médiation, de maïeutique dans le processus qui permet de dégager l’intérêt général des intérêts particuliers.
Mon optimisme est alimenté par la conviction qu’en dernière instance le système politique répond à la volonté du peuple souverain. Et que les possibles sont donc étroitement liés à ce que le peuple a dans la tête. Savoir que, malgré les idéologies dissolvantes distillées patiemment par les « classes moyennes » pendant trente ans, la vision de l’Etat « jacobin » comme dernier rempart en cas de difficulté et celle de la Nation comme le siège naturel de la fraternité entre les citoyens restent aussi puissants ne peut que m’encourager. Cela montre que d’autres politiques sont « possibles » – au sens qu’elles pourraient trouver le soutien nécessaire dans notre peuple – même s’il reste un très long chemin pour les faire adopter par nos soi-disant élites.
[Il me semble que, collectivement, nous devons passer de la phase de répétitions incantatoires, récriminatoires ou discréditrices à une démarche conduisant à dessiner les contours d’une société post capitalisme spéculatif à outrance.]
Tout à fait. Mais il s’agit avant tout de chercher a définir une perspective réalisable. Parce qu’inventer des mondes imaginaires ou les biens tombent du ciel sans qu’il soit besoin de travailler pour les avoir, on sait faire.
[Un blog comme le vôtre, Descartes, n’a-t-il pas vocation à amorcer un tel type de démarche ?]
Certainement. Mais je ne surestime pas mes propres capacités ou mon poids politique…
[A l’échelle de l’individu lambda, voter blanc – maintenant que c’est possible – c’est en quelque sorte frapper du poing sur la table pour contraindre nos représentants actuels ou futurs à beaucoup plus de courage]
Ne vous faites pas d’illusion. On sait très bien que l’abstention – massive pour certains scrutins – est une manifestation de mécontentement, un « coup de poing sur la table ». Et je n’ai pas l’impression que cela traumatise beaucoup nos élus. Avez-vous déjà entendu un député européen refuser de voter une directive au prétexte que « quand on est élu avec plus de 50% d’abstention, on n’a pas la légitimité pour prendre une telle décision » ?
@Descartes,
Bonjour,
[ J’ai du mal comprendre. Je croyais que votre objectif était « que l’ensemble des citoyens puisse faire un choix en connaissance des tenants et aboutissant de leur vote ». Vous souhaitiez donc bien « l’ensemble des citoyens » fasse l’effort, et non une « minorité convaincue ». Mais s’il s’agit de mobiliser une « minorité convaincue », quelle différence avec le système des partis politiques ?]
Pour que l’ensemble – majoritaire s’entend – puisse faire un choix éclairé, il me semble qu’une minorité – 5%,. . . . 10% des électeurs – doit, par la qualité de sa conscience politique, influer sur les consciences de leur environnement. Il ne s’agit pas de faire du prosélytisme ni de la propagande pour tel ou tel candidat, mais de poser clairement les problèmes, avec leurs tenants et aboutissants. Les partis sont généralement trop dogmatiques et beaucoup de citoyens s’en méfient, et se réfugient dans l’abstention. D’où cet indéterminisme dont s’empare chaque parti pour en tirer quelque avantage en interprétant le non vote d’une part importante des citoyens.
Au sujet du vote blanc que je défends généralement.
[ Ne vous faites pas d’illusion. On sait très bien que l’abstention – massive pour certains scrutins – est une manifestation de mécontentement, un « coup de poing sur la table ».]
Vous persistez dans la transformation du vote blanc en abstention. Je veux bien croire que c’est involontaire bien que ce ne soit pas la première fois.
Se lever tôt le dimanche matin, découper une feuille blanche au format précis de 105 mm x 148,5mm, prendre sa voiture et aller faire la queue dans un bureau de vote est à vos yeux, identique au « j’en ai rien à foutre de ces pourris » en restant bien au chaud à la maison.
Voter blanc, c’est participer au débat et dire clairement, sans aucune ambiguïté : je ne suis d’accord sur l’essentiel avec aucun d’entre vous et vous devrez faire sans mon consentement, mais je respecterai la décision démocratique car j’exerce mon droit en votant et je ne vous laisse pas l’initiative de l’interprétation à votre avantage.
S’abstenir, c’est renoncer à faire connaitre son opinion sinon que l’on en a que faire de qui sera élu pour proposer et appliquer quoi que ce soit et de toute façon je ne crois pas à la capacité des élus démocratiquement à changer nos conditions de vie ou notre organisation.
Ne croyez-vous pas qu’il y a une légère différence entre ces deux positions ?
Voter blanc, c’est exiger (généralement le contraire de ce que vous dénoncez par ailleurs)
S’abstenir, c’est renoncer à peser dans les choix et laisser la place au populisme ou/et aux extrémistes.
@ Marcailloux
[Pour que l’ensemble – majoritaire s’entend – puisse faire un choix éclairé, il me semble qu’une minorité – 5%,. . . . 10% des électeurs – doit, par la qualité de sa conscience politique, influer sur les consciences de leur environnement. Il ne s’agit pas de faire du prosélytisme ni de la propagande pour tel ou tel candidat, mais de poser clairement les problèmes, avec leurs tenants et aboutissants.]
Votre idée rappelle celle du Tribunat sous le Consulat. Rappelons que sous ce régime, le pouvoir législative était exercé par un système hybride comprenant deux assemblées : le Tribunat, dont les membres discutaient les projets de loi mais ne les votaient pas, et le Corps Législatif, qui lui votait les lois mais qui ne les discutait pas. Voici ce qu’écrivait Chaptal : « On a beaucoup plaisanté sur un Corps législatif muet ; mais j’ai toujours regardé comme une grande idée celle d’avoir érigé le Corps législatif en un tribunal devant lequel les conseillers d’État et les tribuns discutaient contradictoirement de la loi. On fermait la discussion du moment que l’opinion était faite, et on allait aux voix. Ce mode excluait les passions et l’influence des partis. Tout était raison et confiance. La tribune n’était point une arène ouverte aux factions, à l’orgueil, à l’amour-propre. Le Corps législatif ne pouvait ni diviser la France en partis ni fomenter des factions ».
Vous favoriseriez donc l’existence d’une petite minorité de « tribuns » dont la fonction serait de débattre et d’éclairer leurs concitoyens, avant que ceux-ci finalement votent. Pourquoi pas, l’idée me paraît séduisante…
[Ne vous faites pas d’illusion. On sait très bien que l’abstention – massive pour certains scrutins – est une manifestation de mécontentement, un « coup de poing sur la table ».][Vous persistez dans la transformation du vote blanc en abstention. Je veux bien croire que c’est involontaire bien que ce ne soit pas la première fois.]
Vous interprétez mal mes propos. Je n’avais pas l’intention de rouvrir la question de savoir si le vote blanc est ou non assimilable à l’abstention. Mon point était que si les politiques peuvent ignorer sans honte le « coup de poing » que les électeurs envoient par leur abstention massive, je ne vois pas en quoi le vote blanc serait traité différemment.
[Se lever tôt le dimanche matin, découper une feuille blanche au format précis de 105 mm x 148,5mm, prendre sa voiture et aller faire la queue dans un bureau de vote est à vos yeux, identique au « j’en ai rien à foutre de ces pourris » en restant bien au chaud à la maison.]
Puisque vous voulez rouvrir le débat, j’avoue que je ne vois pas trop la différence. Au-delà du fait qu’il n’est pas nécessaire de se « lever tôt » le dimanche matin pour voter blanc, je ne saisis pas très bien en quoi le fait de se déplacer pour dire « j’en ai rien à foutre de ces pourris » enverrai un message très différent que de le faire en restant bien au chaud à la maison. Dans les deux cas, le problème est le même : on ne sait pas si l’électeur a voulu dire « tous les candidats se valent » ou « aucun candidat ne m’intéresse ».
[Ne croyez-vous pas qu’il y a une légère différence entre ces deux positions ?]
Oui, mais très légère. Et plus qu’une différence dans le message, c’est une différence dans le positionnement de l’électeur. Celui qui met le bulletin blanc dans l’urne a encore l’espoir que cela puisse changer quelque chose, celui qui s’abstient, non.
[Voter blanc, c’est exiger (généralement le contraire de ce que vous dénoncez par ailleurs)]
Non. « Exiger » n’a de sens que si l’on a un moyen de rétorsion. Le vote blanc « n’exige » rien de plus, il manifeste un mécontentement.
@ Descartes
Bonjour,
[Vous favoriseriez donc l’existence d’une petite minorité de « tribuns » dont la fonction serait de débattre et d’éclairer leurs concitoyens, avant que ceux-ci finalement votent. Pourquoi pas, l’idée me paraît séduisante…]
Bon exemple entre l’intuition et la connaissance. Et vous m’encouragez à approfondir dans cette direction. Ce qui nous manque, en France, c’est la capacité de débattre sans dogmatisme excessif – l’objectivité étant pratiquement impossible à atteindre – et les quelques "sages" que le pays peut consulter sont généralement déjà étiquetés, et de toute façon trop peu nombreux à être reconnus.
@ Marcailloux
[Ce qui nous manque, en France, c’est la capacité de débattre sans dogmatisme excessif – l’objectivité étant pratiquement impossible à atteindre – et les quelques "sages" que le pays peut consulter sont généralement déjà étiquetés, et de toute façon trop peu nombreux à être reconnus.]
Chercher la neutralité – ce qui n’est pas tout à fait la même chose que l’objectivité – me paraît en effet une quête inutile et absurde. La démocratie consiste dans la confrontation rationnelle de points de vue engagés, et non dans une neutralité introuvable. Encore faut-il que cette confrontation soit rationnelle, et je dois dire que de ce point de vue la situation n’est pas brillante.
Bonjour,
Cela ne veut bien entendu pas dire que j’ai raison, mais j’ai compris la réponse de Mélenchon à la question sur l’alliance avec l’ANE à l’inverse complète de vous. Selon moi, il a dit: on n’allait quand même pas refaire des élections pour 2 voix. Ce qui reste une réponse politicienne puisqu’ils pouvait tout aussi bien s’allier avec Potami mais est très différent de votre interprétation.
@ odp
[(…) j’ai compris la réponse de Mélenchon à la question sur l’alliance avec l’ANE à l’inverse complète de vous. Selon moi, il a dit: on n’allait quand même pas refaire des élections pour 2 voix.]
Je pense que vous avez rajouté mentalement à la réponse de Mélenchon un point d’interrogation. Mais ce point d’interrogation n’est pas dans le texte publié. Mélenchon dit dans son texte du 1er février : « Que devait faire Tsipras ? Retourner aux urnes ». C’est donc une affirmation, et non une question rhétorique destinée à conclure que Tsipras n’avait d’autre possibilité que de gouverner dans une alliance.
On peut se poser la question de l’oubli. Est-ce que l’omission du point d’interrogation est volontaire, ou est-elle accidentelle ? Je pense que la réponse suivante de Mélenchon permet de répondre par la première option. A la question « Pourriez-vous imaginer, vous, de faire alliance avec Nicolas Dupont-Aignan ? » Mélenchon répond par une négative absolue : « idée politicienne ! ». En d’autres termes, pour Mélenchon, qui se considère le « Tsipras français », une telle alliance est inimaginable. Même s’il lui manquait deux vois pour gouverner. On voit mal donc le même Mélenchon approuver l’alliance de Tsipras avec ANEL.
Vous avez tout à fait raison: j’ai ajouté mentalement le point d’interrogation parce qu’il me paraissait impensable que Mélenchon dise à la fois Je suis Tsipras et Tsipras est un factieux qui fait des alliances contre nature. Fort de vos remarques, je fait quelques vérifications et il me semble que mon interprétation est la bonne puisque sur son blog JLM raille les puristes qui ont alors surgi pour s’indigner de l’alliance avec la droite nationaliste.
Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas stupide en assimilant, en Grèce, Nouvelle Démocratie à l’extrême droite ou en refusant de voir que, s’il est légitime pour Siriza de s’allier avec l’ANEL, il devrait alors être tout aussi légitime pour le Front de Gauche de s’allier avec Debout La France ou même, la situation politique française étant ce qu’elle est, avec le FN.
Vos lecteurs savent que c’est une question que vous avez soulevé il y plus de 18 mois.
Sinon, une question qui n’a rien à voir: j’entendais sur France Culture des entretiens pas inintéressant avec Charles Fiterman. Que pensez-vous de lui?
@ odp
[Vous avez tout à fait raison: j’ai ajouté mentalement le point d’interrogation parce qu’il me paraissait impensable que Mélenchon dise à la fois Je suis Tsipras et Tsipras est un factieux qui fait des alliances contre nature. Fort de vos remarques, je fait quelques vérifications et il me semble que mon interprétation est la bonne puisque sur son blog JLM raille les puristes qui ont alors surgi pour s’indigner de l’alliance avec la droite nationaliste.]
Mais dans ce cas, comment expliquez-vous sa réponse lorsqu’on lui demande s’il serait prêt à une alliance avec Dupont-Aignan ? Il faut un minimum de cohérence : on ne peut pas d’un côté « raille les puristes qui ont surgi pour s’indigner de l’alliance de Tsipras avec la droite nationaliste », et d’un autre exclure pour soi même toute alliance de ce type. Bon, vous me direz que parmi les grandes qualités de Mélenchon ne figure pas la cohérence, mais il y a des limites.
[Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas stupide en assimilant, en Grèce, Nouvelle Démocratie à l’extrême droite ou en refusant de voir que, s’il est légitime pour Siriza de s’allier avec l’ANEL, il devrait alors être tout aussi légitime pour le Front de Gauche de s’allier avec Debout La France ou même, la situation politique française étant ce qu’elle est, avec le FN.]
Exactement mon point.
[Sinon, une question qui n’a rien à voir: j’entendais sur France Culture des entretiens pas inintéressant avec Charles Fiterman. Que pensez-vous de lui?]
C’est quelqu’un que je n’apprécie pas. J’ai du mal à lui pardonner d’avoir fait le jeu de Mitterrand – et de s’être fait manipuler par lui – en cherchant à monter un « complot » pour renverser Marchais lorsqu’il était ministre de Mitterrand (Attali fait référence à cet épisode dans « Verbatim »). Son action à la tête de « Réfondations » a été néfaste et à préparé la voie au père UbHue. Par certains côtes, je peux comprendre la tragédie du personnage, conscient de la pente fatale dans laquelle le PCF était engagé, séduit par un Mitterrand qui l’encourageait à agir, et en même temps incapable de concevoir une évolution du PCF autre que celle qui l’a transformé en groupuscule gauchiste. Mais la manière comme il a géré ce conflit ne fut ni intelligente, ni clairvoyante.
Quant aux entretiens dont vous parlez, je ne les ai pas entendu. Mais je suis prêt à parier qu’il présente son action à l’époque sous le jour le plus favorable… je ne l’ai jamais faire la moindre autocritique.
[Quant aux entretiens dont vous parlez, je ne les ai pas entendu. Mais je suis prêt à parier qu’il présente son action à l’époque sous le jour le plus favorable… je ne l’ai jamais faire la moindre autocritique.]
C’est un vieil homme un peu désabusé qui, depuis 1984, est allé d’échecs en échecs. Je ne lui jetterai pas la pierre d’autant plus que je lui dois de pouvoir rejoindre ma Haute-Loire d’élection en moins de 4 heures depuis Paris… Quant à l’absence d’autocritique, je suis surpris de trouver ce reproche sous votre clavier puisqu’il s’agit d’une attitude très caractéristique du PCF tel que vous l’avez aimé et dont vous vous êtes d’ailleurs fait le héraut à de multiples reprises sur ce blog.
Ce qui m’amène d’ailleurs à une digression: connaissez-vous l’opération Jubilee? Et l’opération Sledgehammer?
Jubilee est le nom de la désastreuse tentative de débarquement limité qui eut lieu à Dieppe en août 1942 et que Churchill accorda aux américains en dédommagement de l’abandon de Sledgehammer; opération de bien plus grande envergure (qui préfigurait en fait Overlord) et que les américains souhaitaient absolument mener dès 1942 pour soulager des russes alors en grande difficulté contre les allemands tandis que les anglais estimaient, à juste titre, comme le montra Jubilee, que les forces alliées étaient loin d’être prêtes pour affronter une ordalie de cet ordre. De ce refus britannique, qui mit les relations anglo-américaines au bord de la rupture, naquit Torch, puis Husky, et enfin Overlord.
Or donc me direz-vous? Quel est le rapport?
Celui-ci: cet épisode, qui m’est revenu en mémoire à l’occasion d’une lecture récente, illustre que votre thèse sur le machiavélisme des américains refusant, durant la seconde guerre mondiale, de réellement soutenir les russes avant qu’ils fussent sûrs qu’ils gagneraient contre les allemands est contre-factuelle et relève de la propagande la plus patente.
Or, s’il est difficile de ne pas être séduit par votre culture générale, votre capacité de synthèse et la qualité formelle de vos billets, il est également difficile, en tout cas pour moi, de ne pas être agacé par les liberté que vous prenez parfois avec la réalité.
D’une certaine façon, j’aurai même tendance à penser, que votre immense culture politique et historique, parce qu’elle est très supérieure à celle de la quasi-totalité de vos lecteurs, devrait vous imposer une attention particulière à la vérité; à moins bien sûr que vous ne considériez que celle-ci soit trop complexe pour les grands enfants qui constituent votre lectorat et qu’un voile pudique doive donc y être apposé.
@ odp
[C’est un vieil homme un peu désabusé qui, depuis 1984, est allé d’échecs en échecs. Je ne lui jetterai pas la pierre d’autant plus que je lui dois de pouvoir rejoindre ma Haute-Loire d’élection en moins de 4 heures depuis Paris…]
D’abord, si vous pouvez réjoindre la Haute-Loire en moins de quatre heures, ce n’est certainement pas à Charles Fiterman que vous le devez. Les études pour le TGV ont été lancés par la SNCF en 1966, le projet est adopté en 1971 et la construction de la première ligne décidée en 1974, sous Pompidou. La construction de la ligne Paris-Lyon et la fabrication des premières rames a été exécutée sous la présidence de Giscard. Fiterman s’est contenté de l’inaugurer en septembre 1981, cinq mois après l’arrivée de la gauche au pouvoir. Votre commentaire explique pourquoi nos élus sont si adeptes du découpage de rubans. Curieusement, dans les plaques apposés sur nos bâtiment publics figurent très souvent les noms des gens qui étaient présents à l’inauguration, très rarement les noms de ceux qui ont décidé la construction et l’ont réalisée… pour les jeunes générations, le TGV restera lié à Fiterman et Mitterrand, qui n’ont pour ainsi dire rien fait pour en permettre la construction. Si vous voulez remercier Fiterman pour quelque chose, remerciez-le pour le remboursement de 50% de la carte orange par l’employeur, ou la suppression des wagons de 1ère classe dans le métro parisien, toutes choses faites sur son initiative. Mais ne le remerciez pas pour le TGV, il n’y est pour rien…
Quant à lui jeter la pierre… je suis – mais c’est normal – moins indulgent que vous. J’ai du mal à lui pardonner le rôle néfaste qu’il a joué dans les années 1980 et début des années 1990. Et le fait qu’il ait été puni – mais l’a-t-il été vraiment ? Après tout, il a bien eu ses 30 pièces d’argent… – par ses « échecs » successifs n’est qu’une maigre consolation.
[Quant à l’absence d’autocritique, je suis surpris de trouver ce reproche sous votre clavier puisqu’il s’agit d’une attitude très caractéristique du PCF tel que vous l’avez aimé et dont vous vous êtes d’ailleurs fait le héraut à de multiples reprises sur ce blog.]
J’imagine que vous avez voulu écrire « je ne suis pas surpris ». Mais si le mot « autocritique » est caractéristique du PCF « historique », le concept n’est pas véritablement de son invention. Il rejoint l’idée de « retour d’expérience », de retour critique sur ce qu’on a soi même fait non pour chercher des coupables mais pour s’améliorer. Et oui, je continue à penser que c’est une activité nécessaire. J’ai le plus grand mépris pour ces « gourous » qui ont changé d’avis trente fois et qui font semblant d’avoir eu toujours raison.
[Ce qui m’amène d’ailleurs à une digression: connaissez-vous l’opération Jubilee? Et l’opération Sledgehammer? ]
Je connais l’opération Jubilée. Je ne connais pas « l’opération » Sledgehammer pour la simple raison qu’elle n’a jamais existé. Elle est restée au niveau d’un plan d’état major, et n’a jamais reçu le moindre commencement d’exécution. Elle fut, cela étant dit, politiquement très utile pour convaincre Molotov que les alliés occidentaux cherchaient à ouvrir un « deuxième front » alors que dans la pratique ils n’avaient aucune intention de le faire. De ce point de vue, le terme « opération » est peut-être correct. Opération politique, et non militaire, s’entend.
[Jubilee est le nom de la désastreuse tentative de débarquement limité qui eut lieu à Dieppe en août 1942 et que Churchill accorda aux américains en dédommagement de l’abandon de Sledgehammer; opération de bien plus grande envergure (qui préfigurait en fait Overlord) et que les américains souhaitaient absolument mener dès 1942 pour soulager des russes alors en grande difficulté contre les allemands tandis que les anglais estimaient, à juste titre, comme le montra Jubilee, que les forces alliées étaient loin d’être prêtes pour affronter une ordalie de cet ordre. De ce refus britannique, qui mit les relations anglo-américaines au bord de la rupture, naquit Torch, puis Husky, et enfin Overlord.]
Vous avez une lecture assez étrange de l’histoire. Si les américains avaient souhaité « absolument » ouvrir dès 1942 un deuxième front, ils auraient mis les moyens. Or, dans la conception américaine de Sledgehammer, c’était surtout les anglais qui étaient censés fournir les troupes… difficilement un bon exemple d’une volonté « absolue » d’intervenir. Je note par ailleurs qu’en 1942 les troupes soviétiques affrontaient quotidiennement « l’ordalie », et que personne n’avait pris la peine de leur demander si elles étaient « prêtes » ou non. Les alliés occidentaux ont décidé qu’il était préférable de voir les russes supporter « l’ordalie » plutôt que d’y soumettre leurs propres troupes.
Que Churchill ou Roosevelt ont décidé qu’il était plus opportun d’attendre que leurs troupes soient « prêtes » et puissent intervenir avec un minimum de pertes, c’est normal. Après tout, l’un et l’autre avaient été élus par leurs peuples respectifs pour sauvegarder leurs intérêts. Mais le choix fait par les alliés occidentaux revenait à sacrifier des soldats soviétiques pour protéger la vie de leurs propres soldats. Pourquoi est-ce si difficile à admettre ? Je vais vous proposer une hypothèse : parce que admettre que Churchill et Roosevelt n’ont fait que de la Realpolitik menace l’un des dogmes fondamentaux de la politique occidentale de l’après guerre, à savoir, que les alliés occidentaux ont fait une guerre « étique » défendant la liberté et la justice non seulement contre « l’empire du mal » hitlérien, mais contre un allié roué et cynique. Or, ni la Grande Bretagne ni les Etats-Unis n’ont échappé, eux aussi, au cynisme. Ils ont soutenu l’URSS un peu, parce que leur intérêt n’était pas de voir les soviétiques s’effondrer trop tôt et laisser les mains libres à l’Allemagne à l’ouest. Mais leur soutien ne visait pas à aider les soviétiques à gagner la guerre, il visait à ce que l’Allemagne et l’URSS s’affaiblissent mutuellement le plus longtemps possible. Et c’est pourquoi ce « deuxième front » impossible à monter en 1942 est devenu tout à fait possible en 1944, lorsque les chars soviétiques s’approchent de la frontière polonaise…
[Celui-ci: cet épisode, qui m’est revenu en mémoire à l’occasion d’une lecture récente, illustre que votre thèse sur le machiavélisme des américains refusant, durant la seconde guerre mondiale, de réellement soutenir les russes avant qu’ils fussent sûrs qu’ils gagneraient contre les allemands est contre-factuelle et relève de la propagande la plus patente.]
La seule chose « contre-factuelle » c’est votre affirmation. Je n’ai jamais dit que les américains aient « refusé de réellement soutenir les russes ». J’ai dit exactement le contraire. Les occidentaux ont soutenus les soviétiques – avec du matériel, car jamais un soldat américain ne fut envoyé verser son sang aux côtés de l’Armée Rouge – aussi longtemps qu’ils ont été convaincus qu’ils allaient perdre, parce que c’était dans leur intérêt de prolonger la résistance russe pour affaiblir autant que faire se peut l’Allemagne. C’est au moment où ils commencent à gagner que les américains deviennent moins enclins à aider une puissance en qui ils voient un adversaire de l’après-guerre. Si les américains sont intervenus en Normandie, ce n’est pas pour « aider » les soviétiques, c’est pour leur faire contrepoids.
[Or, s’il est difficile de ne pas être séduit par votre culture générale, votre capacité de synthèse et la qualité formelle de vos billets, il est également difficile, en tout cas pour moi, de ne pas être agacé par les libertés que vous prenez parfois avec la réalité.]
In cauda venenum… Personnellement, j’aurais tendance à penser que c’est vous qui prenez quelques libertés avec la réalité. Par exemple en parlant de « opération » pour quelque chose qui n’a jamais dépassé le niveau de la planche à dessin. Le fait est que les anglais ont jugé avant Stalingrad que la défense de leur empire passait avant l’aide aux soviétiques aux prises avec le rouleau compresseur allemand. Le fait est que les américains ont continué à faire du commerce et à garder des relations diplomatiques avec l’Allemagne nazi jusqu’à ce que cette dernière leur déclare la guerre, et que l’aide aux soviétiques comme aux britanniques a été fournie non pas gratuitement, mais à titre de « prêt-bail ». Et que malgré ces nombreuses preuves de cynisme, on veut nous faire croire encore aujourd’hui que les alliés occidentaux étaient des Bisounours épris de vérité et de justice et prêts à toutes les générosités.
J’ai envie de vous poser une question : pensez-vous que les choix faits par Churchill et par Roosevelt lors de la seconde guerre mondiale étaient essentiellement guidés a) par les intérêts de leur pays cyniquement considérés ou b) par le désir de faire le bien et le respect des principes sacrés ? Avant de répondre, pensez à Mers-el-Kebir.
[D’une certaine façon, j’aurai même tendance à penser, que votre immense culture politique et historique, parce qu’elle est très supérieure à celle de la quasi-totalité de vos lecteurs, devrait vous imposer une attention particulière à la vérité; à moins bien sûr que vous ne considériez que celle-ci soit trop complexe pour les grands enfants qui constituent votre lectorat et qu’un voile pudique doive donc y être apposé.]
Je laisse mes lecteurs juges de cette dernière remarque, à laquelle je ne m’abaisserai pas à répondre.
Bonjour Descartes,
Je lisais une des réponses que vous avez faite à l’un de vos lecteurs, et je me suis rendu compte que j’ai du mal à cerner votre vision politique générale. Je me permets donc une question hors sujet.
Est-ce que selon vous des systèmes qui tiendraient mieux la route que le capitalisme pourraient exister ? Avez-vous des exemples précis de systèmes qui vous paraissent mieux et qui pourraient effectivement fonctionner ?
Par exemple, que pensez-vous de ce dit Rifkin dans son dernier livre ?
Autre exemple, pensez-vous qu’une organisation sans classe sociale, état ni monnaie puisse émerger quelque part dans le monde dans les décennies ou siècles à venir et que cela pourrait fonctionner ?
Si vous avez écrit quelques articles sur ce sujet, pouvez-vous mes les indiquer s’il vous plaît ?
@ Jean-François
[Est-ce que selon vous des systèmes qui tiendraient mieux la route que le capitalisme pourraient exister ? Avez-vous des exemples précis de systèmes qui vous paraissent mieux et qui pourraient effectivement fonctionner ?]
Un « système » – ou pour être plus précis dans le vocabulaire, un « mode de production » – ne peut « fonctionner » que dans un certain contexte productif. Si les romains avaient un mode de production fondé sur l’esclavage et le moyen-âge européen a vu se développer le mode de production féodal, ce n’est pas parce qu’ils n’avaient pas encore découvert le capitalisme. C’est parce que dans l’état de développement des forces productives et du savoir technologique, c’étaient les modes de production les plus efficaces. D’ailleurs, vous trouverez encore des pays ou ces modes de production sont toujours dominants et ou le capitalisme n’arrive pas, malgré la mondialisation, à s’implanter tout simplement parce que le mode de production entretien un rapport dialectique avec l’état des forces productives.
La question de savoir si d’autres modes de production « tiendraient mieux la route » que le capitalisme est donc une question mal posée. La question est plutôt de savoir si demain, alors que de nouvelles technologies et de nouvelles aspirations sociales auront surgi , le capitalisme sera toujours le mode de production le plus performant, ou si d’autres solutions seront mieux adaptées. Si vous regardez l’histoire même du capitalisme, vous verrez d’ailleurs que le capitalisme d’aujourd’hui n’a qu’un rapport assez lointain avec celui de la Révolution industrielle. Le capitalisme lui-même à changé pour prendre en compte les changements des forces productives.
[Par exemple, que pensez-vous de ce dit Rifkin dans son dernier livre ?]
Que c’est du pur charlatanisme. Comme tous les livres de Rifkin, d’ailleurs.
[Autre exemple, pensez-vous qu’une organisation sans classe sociale, état ni monnaie puisse émerger quelque part dans le monde dans les décennies ou siècles à venir et que cela pourrait fonctionner ?]
Je ne sais pas. Je ne suis pas trop adepte des prédictions. J’ai toujours pensé que le communisme tel que le définit Marx, sans état, sans classes, sans monnaie, est un point idéal, vers lequel on peut tendre, mais pas la description d’une société réelle, qui existera véritablement un jour. Aujourd’hui, je pense que l’évolution se fera vers des formes de capitalisme où le capital sera de plus en plus socialisé, pour aboutir un jour à un changement qualitatif vers un mode de production différent, sans propriété privée des moyens de production.
[Si vous avez écrit quelques articles sur ce sujet, pouvez-vous mes les indiquer s’il vous plaît ?]
Je n’ai pas trop abordé le sujet parce que je ne vois pas trop l’utilité de ce type de prospective. Lorsqu’il s’agit du mode de production, tous ceux qui ont essayé de prédire se sont foutus le doigt dans l’oeil. Le changement du mode de production est quelque chose qu’on constate à postériori, mais il est très difficile de le prédire
Oui,Mélenchon est enfermé dans ‘la gauche’.
Comme la dénomination auto-limitatrice de ‘parti de gauche’,le souligne.
La ‘gôche’ est dévalorisée. Points d’orgue : le rejet de toute démarche unitaire autre qu’électoraliste avec EELV,le PCF,et autres gropuscules…Il y a aggravation de la logique isolationniste d’une formation sans orientation pour le PG sauf celle du culte de la personnalité de Mélenchon dont le destin est de retourner au PS.
Car au niveau théorique les élèments suivants manquent chez Mélenchon:
Tout se passe comme si la plus grande partie des immigrés, de fraîche ou de longue date et leurs descendants ne se sentaient pas forcément « français » mais avaient, le plus souvent implicitement, des références assez précises 8 à une
conception spécifique de la nation française. Une conception qui repose originairement (chez Sieyès et dans les premières constitutions de la république par exemple, puis chez Renan) sur la théorie dite subjective de la nation, à savoir celle qui se fonde sur la volonté, l’adhésion et la mémoire collective par opposition à la théorie allemande de la nation (Fichte et Herder) dite objective (sang et sol + langue). Dans ses meilleurs moments historiques cette théorie subjective a permis que se développent un cosmopolitisme et même un internationalisme théorique (qui comme son nom littéral l’indique n’a jamais dépassé l’horizon national, mais seulement l’horizon nationaliste) suivi d’effets concrets aussi bien au sein de la Révolution française que de la Commune auxquels beaucoup « d’étrangers »
participèrent y compris à des postes de responsabilité, puis ensuite dans les mesures prises en faveur du droit d’asile. À part cela, il ne faut pas oublier les mauvais moments historiques (colonialisme et impérialisme français qu’on peut
considérer comme des effets pervers de la théorie originelle de la nation, de la même façon que le nazisme constituera un effet pervers de la théorie objective) ..
Par exemple la laïcité n’est pas vraiment une référence concrète puisque son principe est mis à mal tous les jours et se trouve de moins en moins respecté. C’est d’ailleurs pour cela que ce qui reste de l’État-nation, à travers les institutions traditionnelles de la république,essaie de combler le manque par un surcroît de lois. Mais son concept fonctionne encore
comme sédiment de l’histoire générale des individus de ce pays, dans lequel les individus des différentes strates d’immigration successives sont venues s’inscrire. Ces références au « pays des droits de l’homme » nous font peut-être mal parce que nous les entendons avec les oreilles de ceux qui critiquent ce qui est devenu une des idéologies principales del’Occident capitaliste, mais pour beaucoup, c’est encore une recherche de filiation avec le passé révolutionnaire quand le fil rouge des luttes de classes a été rompu. Cette recherche de filiation se retrouve de la place Tian’anmen, à la place Tahir en passant par Taksim et plus récemment encore Hong-Kong.La difficulté réside dans le fait
qu’aujourd’hui, la société du capital a produit un tel niveau d’individualisation et de particularisation des individus que les tensions vers la communauté sont plus réactives qu’actives ». Même dans son aspect actuel le plus vivace, la référence à la communauté en général – et c’est bien de cela dont il s’agit plus que de communauté nationale depuis le
mercredi 7 janvier – semble s’être autonomisée pour simplement figurer le « collectif » à l’intérieur de cette société du capital qui se pose en communauté désincarnée. En note nous
indiquions que ce phénomène était déjà perceptible dans le sens du ‘Tous ensemble de 1995’.
@ bovard
[La ‘gôche’ est dévalorisée.]
C’est surtout qu’elle n’existe plus. Hier, la « gauche » c’était une tribu gauloise dont les membres se tapaient dessus mais qui étaient tout de même unis par une certaine vision du monde et des rapports sociaux qui les réunissait. Quand on parlait de « exploitation capitaliste », de « socialisation des moyens de production », cela avait un sens qu’on soit militant PS, PCF ou d’extrême gauche. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ce qu’on appelle par tradition « la gauche » ne partage tout au plus que quelques vagues « valeurs », dont beaucoup sont en fait partagé par certains gens de droite.
[À part cela, il ne faut pas oublier les mauvais moments historiques (colonialisme et impérialisme français qu’on peut considérer comme des effets pervers de la théorie originelle de la nation, de la même façon que le nazisme constituera un effet pervers de la théorie objective).]
Je ne partage pas cette classification des moments historiques en « bons » ou « mauvais ». Je pense qu’on fait toujours une erreur lorsqu’on veut classifier l’histoire en termes moraux. Un moment historique n’est ni « bon », ni « mauvais ». Il est, voilà tout. Le colonialisme n’est pas un effet pervers de la théorie « subjective » de la nation. Sinon, comment expliquer que les puissances qui ont traditionnellement une vision « objective » l’Allemagne, la Grande Bretagne – aient développé elles aussi des empires coloniaux ?
Le colonialisme n’a rien à voir avec les théories de la nation. Le colonialisme est une étape du capitalisme. Marx l’a très bien décrit dans le « manifeste » quand il explique comment le capitalisme brise les entraves antiques ou féodales à l’expansion des forces productives.
[Par exemple la laïcité n’est pas vraiment une référence concrète puisque son principe est mis à mal tous les jours et se trouve de moins en moins respecté.]
Je ne vois pas ce qui vous permet de dire ça. Le principe de laïcité est globalement très bien respecté : on ne voit pas de croix dans les tribunaux, pas plus qu’on ne voit les policiers ou les instituteurs porter des symboles religieux en classe. Notre Etat est très largement indifférent aux religions et aux croyances. Pourquoi faire du catastrophisme ?
[Ces références au « pays des droits de l’homme » nous font peut-être mal parce que nous les entendons avec les oreilles de ceux qui critiquent ce qui est devenu une des idéologies principales de l’Occident capitaliste, mais pour beaucoup, c’est encore une recherche de filiation avec le passé révolutionnaire quand le fil rouge des luttes de classes a été rompu. Cette recherche de filiation se retrouve de la place Tian’anmen, à la place Tahir en passant par Taksim et plus récemment encore Hong-Kong.]
Je n’en suis pas persuadé. On s’attendrit toujours au spectacle des « rebelles », mais lorsque ces rebelles parviennent à prendre le pouvoir, on s’étonne ensuite qu’ils soient aussi dictatoriaux – voire plus – que les tyrans qu’ils ont déplacé. Quand il s’est agi de Ben Ali ou Moubarak, je ne suis pas persuadé que les rebelles qui les ont renversé aient été des partisans du principe qui veut que « nul ne puisse être condamné sinon en vertu d’une loi antérieure aux faits et légalement appliquée »… et qui pourtant est un principe fondamental des « droits de l’homme ». Ce n’est pas parce qu’on a un tyran pour adversaire qu’on est forcément un défenseur des « droits de l’homme »…
Mélenchon a éludé ‘l’apartheid’ de Valls.Or,laisser entendre que les banlieues en France seraient assimilables à ce qu’a été l’apartheid en Afrique du Sud3ou bien encore à certaines banlieues américaines actuelles c’est faire comme si la République n’y existait plus du tout ; c’est parler comme ces journaux étasuniens qui décrivent des villes françaises en partie soumises aux salafistes !
C’est aussi renvoyer les quartiers où les musulmans sont nombreux à une sortede « milieu » duquel on ne pourrait sortir qu’à force de combines, de trafics,d’appartenance à des gangs voire … par des kalachnikovs. Au lieu de chercher à cerner la complexité de la difficile reproduction des rapports sociaux dans certaines zones, Valls ne fait que tourner le bâton dans l’autre sens : ah ! on
ignorait le degré de gravité de la situation et les politiques de la ville se sont avérées inadéquates, mais on va voir ce qu’on va voir maintenant que la politique est remise au poste de commandement ! Cette posture à la Mao au petit pied renvoie au néant tout le travail qui se fait dans les banlieues de la part des services publics, des enseignants, des soignants, des municipalités, mais aussi les initiatives des individus, des groupes des associations qui agissent dans les domaines économique, social, culturel, sportif, etc. De façon périphérique c’est aussi très contre-productif pour l’unité nationale prétendument recherchée.C’est-à-dire une politique volontariste et raciale fondée par un théoricien afrikaner avec non seulement une séparation absolue des races, mais aussi une surexploitation éhontée de la main-d’œuvre noire. Or, si on trouve encore en France des travailleurs sans-papiers
d’immigration récente, les générations précédentes devenues de nationalité française pour un grand nombre, connaissent un très fort taux de chômage ou peinent à entrer sur le marché du travail sans pour cela constituer une armée industrielle de réserve qui viendrait
peser sur le niveau de salaires. Elles sont seulement davantage victimes d’une inessentialisation de la force de travail qui touche l’ensemble des travailleurs .Puisque cela accroît, de fait, la stigmatisation de populations dont on apprend qu’elles vivraient dans un autre monde.Or, il reste que la République existe toujours dans les banlieues, mais que les réalités et la puissance de l’Argent, des réseaux, ceux de l’État comme ceux des forces économiques sociales ou religieuses y engendrent instabilité, tensions, conflits et
violences. À l’ancienne fixité des institutions républicaines, lesquelles assuraient une certaine sécurité, y compris pour la main-d’œuvre immigrée jugée nécessaire et dont l’arrivée se faisait par grandes vagues successives, se sont substitués des
flux incessants et réversibles de marchandises, de capitaux et d’individus. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que certains de ces flux orientent des individus vers la Syrie … ou qu’ils reviennent par le Yémen. Libre circulation de la finance, des marchandises et des hommes, cela est certes la devise du libéralisme,mais elle ne s’était jamais autant matérialisée que dans la société capitalisée
aujourd’hui.Une pratique de la mémoire révolutionnaire ?Dans cette « respiration collective », assez diffuse et fragmentée qui a pu
surprendre par sa promptitude, sa spontanéité et son ampleur, ne pourrait-on y déceler une mémoire, une réactivation de certains moments de la Révolution française, notamment ceux qui célébraient l’union de la nation ? Une aspiration à une communauté d’êtres humains égaux et libres rassemblés par leur seulevolonté commune instituante.C’est l’idéal des révolutionnaires français les plus radicaux d’une nation sansÉtat. Une nation où ce sont les institutions qui organisent la vie de la société.
C’est le moment instituant de la révolution, celui qui a été théorisé parC.Castoriadis avec sa notion « d’institution imaginaire de la société ».Saint-Just concevait ce mouvement instituant de la nation sans la domination d’un État comme suit : « Il y a trop de lois, trop peu d’institutions civiles. Je crois que plus il y a d’institutions, plus le peuple est libre. Il faut peu de lois, là où il y en a tant, le peuple est esclave ». Chez Babeuf et les babouvistes, l’instituant révolutionnaire c’est l’égalité de tous devant la propriété et d’abord devant la propriété foncière. Dans notre époque, cetteconception d’une communauté humaine instituante et universelle a été réactivée par des courants issus de l’opéraïsme. C’est le cas, par exemple, chez Negri qui cherche à fonder la« multitude ». Mais cette notion reste chez lui d’abord intersubjective, transversaliste, en rhizome ; elle se détache mal des particularismes et des réseaux. La «multitude » negrienne peine à s’objectiver. Lorsqu’elle le fait, elle vise davantage les assemblées constituantes que
les mouvements instituants (cf. T.Negri, Le pouvoir constituant : essai sur les alternatives
de la modernité. PUF. 1997).
Dont il a fait le titre de son livre paru au Seuil en 1975. En 1969, René Lourau a interprété
l’insurrection de Mai 68 comme un puissant moment instituant opposé aux forces de
l’institué et combattant son institutionnalisation. Cf. R.Lourau, L’instituant contre l’institué,
Anthropos, 1969.Tous ces apports théoriques manquent à Mélenchon et à son parti de ‘gauche’,dénomination hautement contreproductive aujourd’hui…
@ bovard
[Mélenchon a éludé ‘l’apartheid’ de Valls. Or, laisser entendre que les banlieues en France seraient assimilables à ce qu’a été l’apartheid en Afrique du Sud ou bien encore à certaines banlieues américaines actuelles c’est faire comme si la République n’y existait plus du tout ; c’est parler comme ces journaux étasuniens qui décrivent des villes françaises en partie soumises aux salafistes !]
J’avoue que le commentaire de Valls a provoqué chez moi deux réactions contradictoires. D’un côté, j’ai eu le même réflexe que vous : non, nous n’en sommes pas – encore ? – à faire face à une situation équivalente à celle de Soweto ou de Watts. Pas même à a situation que connaissent les anglais avec le « Londonistan » ou d’autres pays européens qui ont choisi le modèle « multiculturel » venu des USA et qui maintenant se mordent les doigts. Mais d’un autre côté, j’ai apprécié chez Valls l’absence de complaisance et d’autosatisfaction. Les mots étaient peut-être excessifs, mais ils ont eu l’avantage de marquer l’urgence. Car le retrait de l’Etat et les politiques complaisantes pour acheter la paix sociale, qu’elles viennent des bonnes âmes de la « politique de la ville », de l’éducation nationale ou des élus locaux, sont en train de créer des situations qui demain vont produire cet « apartheid » que vous rejetez aujourd’hui.
[Au lieu de chercher à cerner la complexité de la difficile reproduction des rapports sociaux dans certaines zones, Valls ne fait que tourner le bâton dans l’autre sens : ah ! on ignorait le degré de gravité de la situation et les politiques de la ville se sont avérées inadéquates, mais on va voir ce qu’on va voir maintenant que la politique est remise au poste de commandement !]
Je ne suis pas aussi sévère que vous. L’une des grandes tares de la gauche française est la complaisance. Du « tout ça n’est pas si grave » au « il suffit de mettre quelques animateurs de quartier/enseignants/policiers de plus pour que tout s’arrange », le discours « de gauche » a consisté fondamentalement à reprendre la logique libérale du « laissez faire, laissez passer ». Secouer cette complaisance, dire qu’il y a un véritable problème et que les « solutions » proposées depuis trente ans par les bienpensants ne sont que des emplâtres sur les jambes en bois, c’est déjà un progrès.
[Cette posture à la Mao au petit pied renvoie au néant tout le travail qui se fait dans les banlieues de la part des services publics, des enseignants, des soignants, des municipalités, mais aussi les initiatives des individus, des groupes des associations qui agissent dans les domaines économique, social, culturel, sportif, etc.]
C’est très triste pour eux, mais à un certain moment il faut appeler un chat un chat, au risque de désespérer Billancourt. Il ne s’agit pas de dire que tout ce travail ne sert à rien – et Valls n’a pas dit ça – mais d’être conscient qu’en l’absence d’une action institutionnelle résolue, d’une politique voulue par la société et conduite par l’Etat sans concessions, leur action est comparable à celle de vouloir vider un lac avec une cuillère à soupe. Il faut d’ailleurs que ces acteurs – et je pense surtout aux enseignants, mais c’est aussi vrai pour les autres – prennent conscience qu’il faut résister aux tentations gauchistes de jouer contre les institutions. Sans une institution puissante pour le défendre, l’enseignant, le soignant ne sont (presque) rien.
[Or, si on trouve encore en France des travailleurs sans-papiers d’immigration récente, les générations précédentes devenues de nationalité française pour un grand nombre, connaissent un très fort taux de chômage ou peinent à entrer sur le marché du travail sans pour cela constituer une armée industrielle de réserve qui viendrait peser sur le niveau de salaires.]
Il faut arrêter de croire que les immigrés ou les français issus de l’immigration sont les premières victimes du chômage. Allez en Picardie, en Lorraine, dans le Pas de Calais, et vous trouverez des cités « gauloises » qui de ce point de vue n’ont rien à envier aux cités de banlieue aux populations issues de l’immigration. On a eu, ces dernières années, tendance à oublier cette France des gros bourgs et des petites villes, victimes de la désindustrialisation et de la crise. Ces populations sont bien moins intégrées au système économique que les banlieues des grandes villes, ou le chômage statistique résulte en partie du travail au noir et des trafics.
[Dans cette « respiration collective », assez diffuse et fragmentée qui a pu surprendre par sa promptitude, sa spontanéité et son ampleur, ne pourrait-on y déceler une mémoire, une réactivation de certains moments de la Révolution française, notamment ceux qui célébraient l’union de la nation ? Une aspiration à une communauté d’êtres humains égaux et libres rassemblés par leur seule volonté commune instituante. C’est l’idéal des révolutionnaires français les plus radicaux d’une nation sans État. Une nation où ce sont les institutions qui organisent la vie de la société.]
Oui, il y a certainement sinon une « réactivation » d’une certaine vision de la collectivité nationale héritée de la Révolution, au moins une nostalgie de cette conception. Mon impression est que notre société – c’est-à-dire nos classes moyennes, parce que ce sont elles qui ont le monopole sur les idées – regrettent de ne plus être celle ou l’élan national permettait de grandes choses, mais n’est pas encore prête à payer le prix d’une reconstruction nationale. Cela viendra peut-être comme conséquence de cette prise de conscience, mais il est un peu trop tôt pour le dire.
Par contre, je ne partage pas votre diagnostic en ce qui concerne une « nation sans Etat ». Au contraire : le plus remarquable dans cette « respiration collective », c’est que pour une fois ce sont les institutions les plus régaliennes de l’Etat – la police, les services de renseignement – qui se sont trouvés plébiscités. La manifestation monstre du 11 janvier n’a pas été celle de la nation sans l’Etat, c’était celle de la nation en symbiose avec l’Etat. Vous remarquerez d’ailleurs que toutes les tentatives d’enclencher le mécanisme habituel de la recherche de coupables – qui aboutit toujours à mettre en cause l’action de l’Etat, quelle coïncidence… – a très vite échoué. Et d’ailleurs nos « libéraux-libertaires » impénitents ne se sont pas trompés : il faut lire les écrits de Cohn-Bendit pour constater combien cette manifestation est l’anti-68.
[C’est le moment instituant de la révolution, celui qui a été théorisé par C.Castoriadis avec sa notion « d’institution imaginaire de la société ».Saint-Just concevait ce mouvement instituant de la nation sans la domination d’un État comme suit : « Il y a trop de lois, trop peu d’institutions civiles. Je crois que plus il y a d’institutions, plus le peuple est libre. Il faut peu de lois, là où il y en a tant, le peuple est esclave ».]
Il ne faut pas oublier que pour Saint-Just comme pour beaucoup de révolutionnaires, l’Etat évoquait d’abord l’Etat absolutiste construit par Richelieu et perfectionné par Louis XIV. Pas étonnant dans ces conditions qu’ils aient conçu une vision « idéale » fondée sur des « institutions civiles » construites en dehors et contre l’Etat. Je ne suis pas persuadé qu’on puisse aujourd’hui citer ces discours sans tenir compte du fait que la nature de l’Etat s’est profondément modifiée depuis cette époque.
{Dans notre époque, cette conception d’une communauté humaine instituante et universelle a été réactivée par des courants issus de l’opéraïsme. C’est le cas, par exemple, chez Negri qui cherche à fonder la« multitude ». Mais cette notion reste chez lui d’abord intersubjective, transversaliste, en rhizome ; elle se détache mal des particularismes et des réseaux. La «multitude » negrienne peine à s’objectiver. Lorsqu’elle le fait, elle vise davantage les assemblées constituantes que les mouvements instituants (cf. T.Negri, Le pouvoir constituant : essai sur les alternatives de la modernité. PUF. 1997).
Personnellement, je me méfie de ces tentatives de penser une société dans – voir contre – l’Etat qui partent moins d’une véritable analyse des rapports sociaux que de la volonté d’arriver à une conclusion pré-établie, à savoir, que la « multitude » peut se gouverner sans passer par des institutions. Cette pensée anti-institutionnelle – qui est celle qui sert les intérêts des « classes moyennes » – a fait beaucoup de mal, et très peu de bien. En son nom, on a détruit les institutions qui permettaient d’organiser la transmission du savoir et la vie démocratique, et on n’a rien construit.
Après ce 11/01/2015 Historique,écoutez cette pièce radiophonique ‘Discours à la nation d’Ascanio Celestini’
france Inter,diffusé le 8.01.2015 – 21:00
http://www.franceculture.fr/emission-fictions-theatre-et-cie-discours-a-la-nation-2015-01-18
Enregistré les 13 et 14 Janvier 2015 au Théâtre du Rond Point à Paris, texte et mise en scène Ascanio Celestini
Conception et interprétation David Murgia
Composition et interprétation musicale Carmelo Prestigiacomo
Adaptation française Patrick Bebi Réalisation Juliette Heymann « Vous comprenez quelle guerre est en train de se dérouler ?Ce sont les économistes qui nous l’ont expliquée.Pour faire un pain il faut des mois, alors qu’en peu d’heures de travail la chaîne de montage désenfourne des dizaines de révolvers.Donc bientôt le prix du pain va grimper en flèche et ils vont offrir les revolvers du marché.Personne n’aura d’argent pour le pain et tous s’armeront gratuitement pour prendre d’assaut les fours.Avec cette tension, il est difficile de former un gouvernement.Certains aspirants-tyrans lèvent la tête de temps à autre, ils cherchent le consentement.Mais lever la tête est dangereux.Là nous sommes en train d’écouter et, à la fin du discours, de quelque part, il y a toujours quelqu’un qui tire et le dictateur aspirant meurt dans une mare de sang.Bien sûr que c’est un problème, pas vrai ?Mais la guerre est une condition à laquelle tu t’habitues.Il suffit que tu gardes la tête basse. »Si Celestini évoque une nouvelle fois la relation entre la classe dominante et la classe dominée, il renverse ici son point de vue : cette fois, ce sont les puissants qui parlent.Dans des harangues enflammées ou des discours d’un cynisme suffoquant, au milieu d’un tas de caissettes de bois, David Murgia donne vie avec férocité et un plaisir visible à ces politiciens ou chefs d’entreprise dont le discours, débarrassé de son vernis de respectabilité, se pare d’un grotesque aussi comique qu’effrayant. La docilité du peuple, la démission des syndicats, le marché globalisé, tout cela est salué par des personnages hilares et dénués du moindre remords.
Ascanio Celestini Né à Rome en 1972, cet auteur et acteur italien étudie la littérature et l’anthropologie avant de se tourner vers le théâtre et de l’aborder par une voie parallèle. Il est en effet fasciné par la tradition, la transmission et l’oralité, et appartient à la seconde génération du théâtre-récit, appelé aussi théâtre de narration.Témoignages et rencontres avec des gens ordinaires sont à la source de son inspiration et de son écriture. Toujours étroitement liées à son Italie natale et à son environnement familial, les thématiques qui traversent son œuvre sont néanmoins variées.
Au théâtre, il se fait connaître en 2003 avec Fabbrica. Racconto teatrale in forma di lettera, pièce traduite en français en 2008 (Fabbrica), puis Radio Clandestina. Memoria delle Fosse ardeatine en 2005, traduite en France en 2009 (Radio clandestine – Mémoire des fosses ardéatines), et créée à la radio en 2010 dans une réalisation de Michel Sidoroff. L’adaptation théâtrale de Discorsi alla nazione (traduit en France en 2014 par Discours à la nation) lui a valu le Prix de la critique en Belgique.Deux de ses romans sont traduits en France : La pecora nera. Elogio funebre del manicomio elettrico, (2006, titre français : La Brebis galeuse, 2010) et Lotta di Classe (2009, La Lutte des classes, publié en 2013 aux Editions Noir sur Blanc).
Comment donner du goût à la politique avec un logiciel auto-limitant comme celui proposé par Mélenchon ou Autain ?
Ce discours de la gauche radicale est à l’image de la’gôche’ en général,réducteur et limité à la ’gôche bcbg’ durablement décridibilisée.
A l’instar de l’interview de Krivine dans la dépêche,p34 aujourd’hui,où le journaliste est trés complaisant.
En particulier quand,Krivine dit que ‘Syriza n’est pas transposable en France’.
Evidemment!
Mais Krivine ne dit pas pourquoi ,puisqu’il dirige comme Autain,cette gauche si radicale qu’elle s’est auto-limitée,dans sa remise en cause de l’ordre européiste établi.Ainsi comme Autain ou Mélenchon,Krivine ne demande pas la sortie de l’euro.
Le journaliste,oublie de dire aux lecteurs de son journal,que c’est parce que Syriza a fait alliance avec un parti de Droite,l’ANE,Souvereiniste ,qu’il gouverne aujourd’hui.
Comme le fit le PCF dans le CNR de 1947..C’est grâce à l’alliance entre autre mais principalement,avec le courant Gaulliste que la France acquis sa dimension sociale et collectiviste.
En France,Mélenchon,Krivine ou Autain sont incapables de telles alliances pour sortir de l’euro alors que ,Syriza,l’a fait.Pourquoi le cacher ?
C’est écoeurant ,ce tapis rouge aux gauchistes et à la désinformation,mais révélateur de l’enfumage actuel….
S’appeler ’Ensemble’ et refuser les alliances avec les souverainistes pro-sortie de l’euro, est une impasse totale.
Comme le but politique de Mélenchon est de faire sans cesse des leçons de morale gauchiste,cela ne le gène pas…Mais surtout,ne le croyez pas car ,il ment.
Heureusement qu’Ambroise Croizat,ministre PCF allié à de Gaulle en 1947,n’a pas raisonné comme Mélenchon.
Sinon nous n’aurions : ni Sécurité sociale,ni allocations chômages,ni allocations familiales,ni l’état providence français actuel….
Quand Autain Mélenchon,et comprendront t ils, que faire de la politique comporte des exigences intellectuelles et comportementales,pour entraîner l’adhésion ?
La démagogie manipulatrice écoeure plus qu’elle n’attire..
Syriza gouverne parce qu’il est arrivé en tête aux élections et était le seul parti en position de rassembler une majorité parlementaire. Ensuite, pour constituer cette majorité, il n’y avait (apparemment) pas d’autre moyen qu’une alliance avec cette droite nationaliste et anti-austéritaire. M’étonnerait beaucoup que Syriza n’eût pas préféré gouverner sans cet allié un peu encombrant tout-de-même.
La solution passe forcément par une alliance miracle entre anti-austéritaires de tous bords et ne découlera pas automatiquement d’une improbable majorité absolue du PG.
le KKE (parti communiste grec) n’a jamais fait alliance avec Syriza, ni jamais appelé à voter pour lui, alors que souvent Syriza s’est désisté pour le cas KKE lorsqu’il était en position plus favorable. Pour l’élection au Parlement, même refus du KKE. C’est le programme de Syriza qui va être appliqué et pas un autre,grâce à son alliance tactique avec l’ANE.
Vous avez raison,Mélenchon est trés loin de valoir Tsipras.
jugez en:Parmi les mesures préconisées dans le plan de Thessalonique annoncé le Dimanche 8 Février, le gouvernement a annoncé une série d’initiatives pour remédier à l’«urgence sociale» que vit la Grèce. Le plan exigerait un investissement de 2 milliards d’euros, une somme que l’exécutif a l’intention de lever par une lutte plus efficace contre la fraude fiscale et par de nouveaux impôts sur les hauts revenus.
1. Plan de lutte contre la pauvreté
"Nous allons donner de la nourriture, de la lumière, des abris et de l’assainissement à des dizaines de milliers de familles qui ont faim et vivent dans l’obscurité", a déclaré Alexis Tsipras au Parlement grec. Le plan de Syriza prévoit de fournir une aide alimentaire et l’électricité gratuite à 300 000 foyers.
2. Une nouvelle interdiction des expulsions
Les Expulsions des maisons d’une valeur inférieure à € 200 000 ont déjà été interdites en 2008. Le moratoire a été reconduit d’année en année jusqu’à Décembre dernier quand l’interdiction n’a pas été renouvelée par le gouvernement précédent. En présentant son programme au parlement, Alexis Tsipras a annoncé un nouveau moratoire.
3. Hausse du salaire minimum
La hausse du salaire minimum, qui était déjà prévue dans le programme électoral et a été confirmée dans le discours inaugural pour améliorer les conditions de vie de la population grecque. Par étapes, "pour laisser le temps aux partenaires sociaux", le salaire minimum passera de 586 euros courants à € 751. Il dépassera largement le salaire minimum espagnol de € 648. Tsipras a également avancé une réforme du marché du travail pour les moins de 25 ans avec des «droits égaux» et affirmé que l’économie n’est pas basée sur les bas salaires et les travailleurs sans droits.
4. Réforme des administrations
Le gouvernement grec a annoncé un plan visant à réduire les dépenses publiques. La première étape se fera au cours des six prochains mois. Le gouvernement a réduit de 30% son personnel au siège du gouvernement et de 40% les escortes Premier ministre. Il vendra un des trois avions à la disposition de l’exécutif et le droit à une voiture officielle du personnel des différents ministères sera examinée. L’objectif est de réduire de moitié la flotte de 7500 voitures dont le coût est de € 700 000.
5. Réintégration des licenciés du gouvernement précédent
Dans la même session parlementaire Tsipras a annoncé que les fonctionnaires licenciés irrégulièrement pour répondre aux exigences de la troïka vont être réintégrés. Cela pourrait affecter 3500 personnes. Parmi eux, 595 employés du nettoyage ministère des Finances qui manifestent fermement depuis un an contre leur licenciement.
6. Réouverture de la télévision publique
Fermée en 2013 par le gouvernement de Antonis Samaras , la réouverture du canal servira à "réparer le crime contre le peuple grec et la démocratie" selon les mots du Premier ministre. Le 7 Novembre de cette année, la police a expulsé les travailleurs qui ont résisté à la fermeture de la télévision publique grecque. Syriza avait proposé à cette occasion une motion de censure contre le gouvernement.
7. Arrêter les privatisations
Tsipras a annoncé qu’il ne privatisera pas les réseaux et les infrastructures du pays "notre patrimoine nationale, et notre richesse naturelle" Le Premier ministre n’a pas caché son intérêt pour attirer les investissements étrangers et tous les investissements qui créent des emplois, à condition qu’ils favorisent «l’intérêt public». "Vendre des actifs nationaux pour payer une dette insoutenable est un crime», a-t-il dit. En plus d’annoncer la révocation de la vente du port du Pirée aux Chinois, le gouvernement a annoncé qu’il allait bloquer la vente d’une partie de PPC, une société détenue à 51% du gouvernement qui contrôle l’essentiel du marché de l’électricité en Grèce.
8. Santé universelle et gratuite
Une autre annonce de Tsipras a été la restauration des soins de santé universels et gratuits dans un pays où un tiers de la population n’a pas accès à ce service public, car la couverture est perdue après plus d’un an au chômage ou en cas d’incapacité à payer les cotisations. Cette absence de couverture avait conduit à la création de pharmacies et de cliniques sociales autogérées comme de nombreuses structures apparues pendant la crise . Le ministre Andreas Xanthos a supprimé les cinq euros que les Grecs doivent payer chaque fois qu’ils vont à l’hôpital et l’euro qu’ils doivent payer pour chaque ordonnance.
9. Nationalité grecque pour les enfants d’immigrés
Les enfants nés et élevés en Grèce auront droit à la citoyenneté grecque, une mesure que ne partage pas son partenaire au gouvernement, le Parti de droite xenóphobe nationaliste des Grecs indépendants (ANEL).
10. Hausse des pensions
Une autre mesure pour faire face à la «crise humanitaire» est la reprise de la prime pour les pensions de moins de 700 euros, éliminée par le gouvernement de Antonis Samaras. Une mesure qui sera complétée à partir de la fin de 2015 par la hausse des pensions les plus basses. Pour financer cette augmentation des dépenses, le Premier ministre a annoncé la création d’un fonds de pension financé par les recettes de l’exploitation des ressources naturelles.
11. La lutte contre l’évasion fiscale
Parmi les initiatives prioritaires pour couvrir les augmentations des dépenses sociales, qui ont été réduites de 60% depuis le début des plans d’austérité, Tsipras mentionne la lutte contre l’évasion fiscale et une réforme fiscale pour faire payer les riches. Le barême des impôts sera modifié de telle sorte que ceux qui gagnent moins de € 12 000 par an n’auront rien à payer (les impôts sont prélevés à la source pour les salariés, contrairement à ce que beaucoup d’Européens croient "Les Grecs ne payent pas leurs impôts", les salariés SI, ils n’ont pas le choix !), tandis que les contrôles seront beaucoup plus fermes pour les hauts revenus. De même, Syriza a annoncé l’élimination de la taxe sur la résidence principale, une mesure qui sera accompagnée de la création d’une nouvelle taxe sur les grandes propriétés.
Pour info;Manifestation de Soutien au peuple grec Dimanche 15 février 2015 à 15h à République.
Pour compléter le message de Blep, le KKE (parti communiste grec) n’a jamais fait alliance avec Syriza, ni jamais appelé à voter pour lui, alors que souvent Syriza s’est désisté pour le cas KKE lorsqu’il était en position plus favorable. Pour l’élection au Parlement, même refus du KKE. C’est le programme de Syriza qui va être appliqué et pas un autre (voir sur le site http://www.okeanews.fr/20150208-mal…)
Fulgence Le 11 février à 11:27
Répondre
’Ensuite, pour constituer cette majorité, il n’y avait (apparemment) pas d’autre moyen qu’une alliance avec cette droite nationaliste et anti-austéritaire.’..
BLep me donne raison.
En france la gauche radicale refuse ’d’aller aux affaires’.
Elle ne se donne pas les moyens d’avoir des élus.
Avant le PCF avait des élus,maintenant ,à force de suivre les ’délires-délires’ gauchistes,il n’a plus d’élus,alors qu’avant le Fdg,il en avait plus de 8000 !
Autain,comme Mélenchon,Krivine propose la ’masturbation intellectuelle’,comme débouché politique ,c’est bcp plus faible que Syriza ou Podemos.
En effet,si Syriza,a été capable de s’allier avec un parti de droite et d’avoir 36% des voix ,c’est qu’ils ont su s’ouvrir aux autres,pour être ensemble,alors qu’Autain,comme Mélenchon,Krivine ne se préoccupent que de faire vivre les délires gauchistes sans relation avec le réel,l’Etat,les institunions,les collectivités:Presque Zéro élus en France après les prochaines départementales-régionales,en route vers un FN pérenne à 30%,une gauche radicale au maximum à 3ù% comme nous l’avons vu dans le Doubs.
Seul l’UMPS/FN profite des discours auto-destructeurs irréels de Autain, Mélenchon,Krivine,Laurent..
@ bovard
Avant de commencer : je vous demande de ne pas envoyer cinq fois le même message. Je n’ai jamais refusé la publication d’un message sans expliquer à son auteur les raisons. Si le votre n’apparait pas tout de suite, c’est parce que je n’ai pas toujours le temps de m’occuper de mon blog…
[Le journaliste oublie de dire aux lecteurs de son journal que c’est parce que Syriza a fait alliance avec un parti de Droite, l’ANE Souverainiste, qu’il gouverne aujourd’hui.
Comme le fit le PCF dans le CNR de 1947..C’est grâce à l’alliance entre autre mais principalement, avec le courant Gaulliste que la France acquis sa dimension sociale et collectiviste.]
Il faut dire que, pour reprendre un dicton anglais, « la politique fait d’étranges compagnons de lit ». Ceux de mes lecteurs – rares, je le sais – qui suivent le débat sur la loi de transition énergétique au Parlement ont du hier avoir un choc en entendant le sénateur Gérard Longuet – oui, oui, le même Longuet qui eut dans sa jeunesse des accointances avec l’extrême droite universitaire pour ensuite devenir libéral madéliniste – célébrer avec un rare lyrisme l’héritage du « pacte gaullo-communiste » en matière de politique énergétique alors même que les sénateurs communistes acceptaient, apparemment sans états d’âme, que cet héritage soit sacrifié à d’obscures tractations électorales.
L’effondrement des la polarisation idéologique qui structure notre politique depuis le début du XXème siècle nous laisse complètement désorientés. Avant, on choisissait son camp et tout le reste découlait de ce choix. Aujourd’hui, on peut être ministre « de gauche » et déclarer qu’il faut que les jeunes français aient l’ambition de devenir milliardaires, on peut être un ancien madéliniste et toujours de droite et défendre l’héritage du CNR. On le voit bien, la division « droite/gauche » ne veut plus rien dire. Ceux qui s’obstinent à essayer de nous faire croire qu’elle a encore un sens le font pour de mauvaises raisons : soit parce que cette polarisation artificielle est essentielle pour protéger leurs « rentes » politiques, soit parce que cela les dispense d’une remise en cause idéologique. Car que devient un « front de gauche » s’il n’y a plus de « gauche » ? Comment obtenir le désistement pour « barrer la route à la droite » s’il n’y a plus de « droite » ?
[Heureusement qu’Ambroise Croizat, ministre PCF allié à de Gaulle en 1947,n’a pas raisonné comme Mélenchon. Sinon nous n’aurions : ni Sécurité sociale, ni allocations chômages, ni allocations familiales, ni l’état providence français actuel….]
Oui. Mais Ambroise Croizat ne « raisonnait pas » – contrairement à Mélenchon – tout seul. Il était membre d’une organisation, qui réfléchissait collectivement dans un cadre idéologique et dont les décisions découlaient de l’application au réel de ce cadre d’analyse. Ce n’est pas Ambroise Croizat, mais la direction du PCF – et au-delà, en consultation avec le PCUS – qui a décidé que la participation à un gouvernement dirigé par le « bourgeois De Gaulle » se justifiait dans le contexte particulier de l’après-guerre. Le grand défaut de la politique moderne est que les hommes politiques sont seuls…
[Syriza gouverne parce qu’il est arrivé en tête aux élections et était le seul parti en position de rassembler une majorité parlementaire. Ensuite, pour constituer cette majorité, il n’y avait (apparemment) pas d’autre moyen qu’une alliance avec cette droite nationaliste et anti-austéritaire.]
C’est plus sérieux que ça. Syriza avait plusieurs options pour constituer une majorité, mais chaque option impliquait faire des concessions sur certains points par rapport au programme de Syriza. S’allier avec l’ANEL impliquait faire des concessions sur les éléments comme la place de l’église dans la sphère publique, la politique d’immigration ou les questions « sociétales ». S’allier avec « La Rivière » impliquait faire des concessions dans la politique économique pour éviter la confrontation avec la BCE et la Commission européenne. Syriza a estimé que la priorité aujourd’hui était la question économique, et non la question religieuse ou la question migratoire. Et il a choisi ses alliances à partir de cette décision. C’est ça, faire de la politique… « rendre possible ce qui est nécessaire », selon la formule de Richelieu.
[C’est le programme de Syriza qui va être appliqué et pas un autre, grâce à son alliance tactique avec l’ANE.]
Ce serait très stupide de la part de Syriza de faire ainsi. Pour qu’une alliance soit solide et dure, il faut que les deux partis y aient intérêt. Ce qui suppose que Syriza accepte, sur certains domaines au moins, de faire la politique que souhaite l’ANEL. Mais cette alliance permet à Tsipras de faire la politique qu’il souhaitait dans les domaines qu’il considère prioritaires, alors qu’une stricte application de « l’autonomie conquérante » aurait probablement conduit à de nouvelles élections qu’il n’aurait pas gagné.
[Vous avez raison,Mélenchon est trés loin de valoir Tsipras. Jugez en:Parmi les mesures préconisées dans le plan de Thessalonique annoncé le Dimanche 8 Février, le gouvernement a annoncé une série d’initiatives pour remédier à l’«urgence sociale» que vit la Grèce.]
Je ne suis pas persuadé que le plan de Thessalonique montre une grande différence entre Tsipras et Mélenchon. Je ne vois pas dans ce plan une seule mesure proposé par l’un qui aurait été reniée par l’autre. Ce programme me laisse d’ailleurs songeur… je n’y vois que des mesures de redistribution, redistribution certes nécessaire, mais qui ne fait que changer la répartition d’un gâteau qui a beaucoup rapetissé. Les seules mesures qui visent à relancer l’économie et donc à augmenter la taille du gâteau s’apparentent à une relance par le pouvoir d’achat, dont on sait qu’elle ne marche pas en économie ouverte.
@bovard @descartes
[je n’y vois que des mesures de redistribution, redistribution certes nécessaire, mais qui ne fait que changer la répartition d’un gâteau qui a beaucoup rapetissé]
Ne trouvez vous pas, bovard, que ce programme ressemble beaucoup à une lettre au père Noël ?
@ bovard
[Ne trouvez vous pas, bovard, que ce programme ressemble beaucoup à une lettre au père Noël ?]
Même si la question s’adresse à bovard, je prends le risque d’y répondre. Bien sur, de nos jours tout programme politique a l’air d’une lettre au père Noël. C’est malheureusement inévitable, car c’est la manière dont la communication politique fonctionne qui fait ça. Imaginez que vous êtes un homme politique, et que vous cherchez à séduire vos électeurs – ce qui, en démocratie, n’a rien en soi de condamnable. Si vous vous adressez à eux avec un message construit, qui irait des données du réel en passant par leur interprétation jusqu’à une « vision », vous avez tout faux. Car le filtre médiatique ne vous accorde que quelques secondes, une phrase, deux tout au plus. La réalité, c’est que ceux qui aujourd’hui prennent la peine de lire un document qui dépasse quelques pages sont rares en dehors de certains cercles très restreints, ceux des universitaires ou des hauts fonctionnaires, par exemple. Pas les politiques, en tout cas : on a pu remarquer lors des dernières élections que certains candidats n’avaient même pas pris la peine de lire jusqu’au bout les documents de leur propre parti… et je ne vous parle pas des militants, qui même dans les partis les plus traditionnellement attachés à la culture de l’écrit (PS, PCF) reprochent en permanence aux textes issus de leurs instances d’être « trop longs ». Les émissions de télévision ou l’invité peut tenir un discours qui dépasse la minute sans être interrompu se comptent sur les doigts d’un nez, et cela devient aussi de plus en plus rare à la radio. Pour se plier à cette contrainte, le message politique – et les « programmes » en particulier – doivent donc être construits de manière à pouvoir être découpé en tranches autoportantes de dix secondes. Genre « augmenter le SMIC à tant » ou « embaucher tant d’enseignants ». Il n’y a pas la place pour justifier ou expliquer le pourquoi et le comment de ces mesures.
C’est pourquoi je n’attache pas beaucoup d’importance aux « programmes ». Les électeurs non plus, d’ailleurs, puisque de plus en plus ils partent de l’hypothèse que ces « programmes » resteront des vœux pieux, et attendent avec gourmandise le moment où leurs élus renieront telle ou telle promesse. Le « programme » est devenu une sorte d’exercice imposé, que l’électeur exige du candidat un peu comme la jeune fille exigeait de son séducteur qu’il lui promette de lui décrocher la lune. Plus important que les « programmes » restent les actes.
@Descartes
[On le voit bien, la division « droite/gauche » ne veut plus rien dire. Ceux qui s’obstinent à essayer de nous faire croire qu’elle a encore un sens le font pour de mauvaises raisons]
Oui, et je vous propose une autre division, que je développe ci-dessous.
Je voudrais revenir sur votre affirmation :
[Il faut arrêter de croire que les immigrés ou les français issus de l’immigration sont les premières victimes du chômage. Allez en Picardie, en Lorraine, dans le Pas de Calais, et vous trouverez des cités « gauloises » qui de ce point de vue n’ont rien à envier aux cités de banlieue aux populations issues de l’immigration.]
Vous avez parfaitement raison de rappeler que des pans entiers du pays, très peu peuplés de français issus de l’immigration nord Africaine et de l’Afrique subsaharienne, ne sont pas mieux lotis économiquement et socialement que les banlieues ghettos des grandes villes.
Vous parlez de la Picardie, de la Lorraine, du Pas de Calais et vous pourriez ajouter les milliers de petites communes au fond des vallées de Savoie, de l’Isère, du Jura …. Et finalement d’un peu partout, là ou la dernière usine a fermé, la dernière papeterie, la dernière usine d’injection de jouets, la dernière usine de confection … la désindustrialisation a touché sévèrement les habitants de ces territoires.
Mais pourquoi faudrait-il opposer ces deux catégories d’exclus ? Opposer les banlieues d’une part à la France profonde marginalisée par la désindustrialisation d’autre part ?
Vous semblez montrer du doigt les habitants des
[ .. banlieues des grandes villes, ou le chômage statistique résulte en partie du travail au noir et des trafics.]. Mais, observez cette France des zones désindustrialisées, qui se prend de plein fouet la monté du chômage.
Vous y constaterez que, en parallèle à un chômage de masse qui continue de croître, on voit, là aussi, se développer massivement le travail au noir, qui est quasiment rentré dans les meurs.
Des adultes, jeunes et moins jeunes, en pleine force de l’âge, s’installent dans le chômage de longue durée, puis dans la fin de droits, le RSA et les divers aides locales.
Alors, chacun se défend comme il peut. Beaucoup travaillent au noir, de façon à ne pas perdre les aides et allocations dues aux sans revenus. Certains exercent des activités d’auto entrepreneurs dont ils ne déclarent qu’une partie pour rester dans les chiffres de facturation compatibles avec ce statut.
Comme dans les banlieues, c’est le règne de la débrouille qui s’installe.
Certes on ne parle pas encore de trafic de drogue, parce qu’il n’y a pas de marché proche. Encore que, on a récemment vu apparaître dans nos campagnes les plantations de cannabis sous mini-serres, sans oublier les achats massifs de cigarettes détaxées en Suisse ou en Espagne, qui concernent aussi bien les banlieues que les campagnes.
Au lieu de les opposer, je trouve, au contraire, de grandes ressemblances entre leur déclassement social :
Ils sont les exclus de la parenthèse enchantée des trente glorieuses et des 20 suivantes, sont également les exclus des retombées positives de la mondialisation et les principaux touchés par les conséquences négatives de cette même mondialisation.
Vous me disiez précédemment :
[En d’autres termes, tout le monde est coupable. Donc personne. Suivant !]
Pas du tout, je ne prétends pas que [tout le monde] soit [coupable], je dis qu’une majorité de Français, 50 à 60% de la population, ainsi que leurs élus, acceptent de voir lentement les autres s’enfoncer.
Vous qualifiez mon discours de [gna gna gna victimiste…] et pourtant, regardez bien ce que ces deux catégories d’exclus ont en commun :
Pas de contrat de travail en CDI, pas de RTT, pas de mutuelle d’entreprise, pas de treizième mois, pas de comité d’entreprise protecteur, pas de tickets restaurants défiscalisés, pas de bons de vacances défiscalisés, pas de future retraite garantie faute de cotisations régulières. Et aussi (et surtout), des écoles primaires et des collèges aux résultats très en dessous de la moyenne du pays, où les décrocheurs sont surreprésentées.
Les autres, nous, la classe moyenne au sens large, celle qui est associée à la fois aux retombées économiques positives de la mondialisation et aux avantages acquis pendant la parenthèse enchantée des 30 glorieuses et des 20 suivantes, ceux là, nous en sommes, préférons fermer les yeux.
Et nous avons imaginé différentes façons de justifier notre indifférence et notre laisser-faire égoïste :
Le traditionnel :
« Oui … et bien … nous, on y peut rien, c’est bien triste, c’est la vie ! »
En passant par le cynique :
« Ils l’ont bien cherché, ils ont qu’à se mettre au boulot »
Sans oublier mon préféré, tellement commode, summum d’hypocrisie dans la bouche des salariés bien protégés par le système :
« Tout ça c’est la faute au capitalisme, à la bourgeoisie et aux patrons ! Si on se décidait enfin à renverser le capitalisme tout ça s’arrangerait et nous serions tous heureux ! »
@ v2s
[Oui, et je vous propose une autre division, que je développe ci-dessous.]
S’il s’agit encore une fois de votre vision inclus/exclus, je vais m’énerver…
[(…) Et finalement d’un peu partout, là ou la dernière usine a fermé, la dernière papeterie, la dernière usine d’injection de jouets, la dernière usine de confection … la désindustrialisation a touché sévèrement les habitants de ces territoires. Mais pourquoi faudrait-il opposer ces deux catégories d’exclus ? Opposer les banlieues d’une part à la France profonde marginalisée par la désindustrialisation d’autre part ?]
Mais d’où sortez-vous que « j’oppose » ces deux catégories ? Au contraire… par exemple quand je parle de blocage de l’ascenseur social par les « classes moyennes », m’avez-vous une seule fois vu faire la différence entre « gaulois » et « français issus de l’immigration » ? Jamais. Pas une seule fois. Mais sans « opposer » ces deux catégories, je souligne simplement la différence de leur situation. Différences qui ne sont pas seulement objectives, mais aussi subjectives : Je constate par exemple qu’alors qu’on m’explique que la radicalisation des populations issues de l’immigration est le résultat de la pauvreté et des « discriminations », les « gaulois » qui souffrent des mêmes maux ne se tournent pas vers le intégrisme catholique, pas plus qu’ils ne vont prendre des otages dans les supermarchés Halal. Ce qui alimente mon scepticisme envers les explications un peu simplistes qui prétendent mettre la radicalisation de certains musulmans sur le dos de la méchante société française qui les traite si mal.
Par ailleurs, je récuse totalement le terme « exclus » que vous utilisez ici un peu vite. « Exclus » de quoi, exactement ?
[Vous semblez montrer du doigt les habitants des « …banlieues des grandes villes, ou le chômage statistique résulte en partie du travail au noir et des trafics ». Mais, observez cette France des zones désindustrialisées, qui se prend de plein fouet la monté du chômage.
Vous y constaterez que, en parallèle à un chômage de masse qui continue de croître, on voit, là aussi, se développer massivement le travail au noir, qui est quasiment rentré dans les mœurs.]
Vous avez convenablement oublié les « trafics »… et là encore, je ne peux que constater que les phénomènes comme ceux qu’on observe dans les cités marseillaises – trafic de drogue massif, règlements de comptes à la Kalachnikov – sont beaucoup plus rares à Hénin-Beaumont, à Valenciennes, ou dans les vallées reculées de Savoie ou du Jura dont vous parliez vous-même. Oui, il y a une différence de rapport à la loi entre les populations issues de l’immigration maghrébine ou africaine et celles issue de l’immigration asiatique, européenne ou des « gaulois ». Je ne vois pas pourquoi il faudrait se voiler la face.
[Des adultes, jeunes et moins jeunes, en pleine force de l’âge, s’installent dans le chômage de longue durée, puis dans la fin de droits, le RSA et les divers aides locales.]
Oui. Mais il y a façons et des façons de « s’installer ». Et la situation du chômeur du Valenciennois ou des vallées du Jura, prêt à accepter n’importe quel emploi et qui ne trouve tout simplement personne qui accepterait de le prendre, et le chômeur de la banlieue d’une grande ville qui n’accepte pas un travail qu’il juge inintéressant, trop éloigné ou pas assez payé pour être plus intéressant que tel ou tel trafic. Les chômeurs, pas plus que les pauvres, ne constituent pas un tout homogène, et s’il y a des gens condamnés au chômage, il y a aussi un « chômage d’opportunité » pour reprendre un langage économique.
[Vous qualifiez mon discours de [gna gna gna victimiste…] et pourtant, regardez bien ce que ces deux catégories d’exclus ont en commun : Pas de contrat de travail en CDI, pas de RTT, pas de mutuelle d’entreprise, pas de treizième mois, pas de comité d’entreprise protecteur, pas de tickets restaurants défiscalisés, pas de bons de vacances défiscalisés, pas de future retraite garantie faute de cotisations régulières.]
Ils ont beaucoup d’autres choses en commun : ils ne mangent pas de caviar, ils ne vont pas en vacances dans les palaces, ils n’ont pas de patrimoine immobilier, pas de « stock options », pas de collection d’œuvres d’art, ils n’ont pas de bibliothèques fournies et ne vont pas à l’Opéra, leurs enfants ne vont pas aux bons lycées et aux meilleurs universités… Mais pourquoi ne jamais faire référence à ces éléments « communs », eux aussi ? Pour une raison simple : si je souligne le « CDI, la RTT ou la mutuelle », j’oppose les chômeurs ou précaires aux autres travailleurs modestes. Si je souligne le patrimoine immobilier, le caviar ou les vacances dans les palaces, je les oppose aux bourgeois. Et si je parle des meilleurs lycées, de l’Opéra, ou du patrimoine immobilier, je les oppose aux « classes moyennes ». Le choix des exemples n’est pas innocent…
Vous voulez à tout prix plaquer sur la réalité cette vision – si chère à la bourgeoisie – d’une société ou le conflit de classe aurait été remplacé par l’affrontement entre les « insiders » et les « outsiders ». C’est une logique merveilleuse, puisqu’elle permet de mettre à la place du méchant non pas l’exploiteur, mais le travailleur « protégé », bénéficiant d’un contrat stable, d’une protection sociale, etc. Ce travailleur est accusé de « accepter de voir les autres s’enfoncer » sans rien faire, et sommé de sacrifier son statut, ses conquêtes sociales, sa retraite, tous ses soi-disant « privilèges » sous peine d’être coupable des maux qui affectent leurs concitoyens. Comme c’est commode, n’est ce pas ?
[Les autres, nous, la classe moyenne au sens large, celle qui est associée à la fois aux retombées économiques positives de la mondialisation et aux avantages acquis pendant la parenthèse enchantée des 30 glorieuses et des 20 suivantes, ceux là, nous en sommes, préférons fermer les yeux.]
Mais ceux-là, j’ai le regret de vous le dire, ne représentent pas « 50 à 60% » de la population. Tout au plus 20 à 30%…
[Sans oublier mon préféré, tellement commode, summum d’hypocrisie dans la bouche des salariés bien protégés par le système : « Tout ça c’est la faute au capitalisme, à la bourgeoisie et aux patrons ! Si on se décidait enfin à renverser le capitalisme tout ça s’arrangerait et nous serions tous heureux ! »]
Tout est dit : pour améliorer le sort des plus pauvres, il ne faut surtout pas prendre de l’argent à la bourgeoisie. L’ennemi, c’est le « salarié bien protégé ». Comme c’est simple… je pense que vous devriez postuler au service de communication du MEDEF. Ils cherchent désespérément des gens comme vous.
@v2s et @Descartes
Vos remarques sont pertinentes.Syriza me semble trés intéressant car pour la première fois depuis 1979-1983,un gouvernement a reçu un mandat pour mener,une politique différente de l’européisme à monnaie forte.
Pour des blogueurs comme nous,avec un UMPS/FN sur la sellette et une gauche radicale en voie de disparition ,c’est comme une finale…de 1OOm aux JO sauf que ça va durer 10ans.
C’est beaucoup plus passionnant qu’une ‘liste de père Noël’.
C’est plus,proche,j’espère,du CNR/1947 numéro2 en 2015 ,pinacle civilisationnel,que du film, ‘le père Noël est une ordure’,défaite du prolétériat incarnée par notre chère Zézette…
Non,v2s,Syriza ne présente pas une liste de père Noël…
[ … je pense que vous devriez postuler au service de communication du MEDEF. Ils cherchent désespérément des gens comme vous.]
Et voila, ça devait arriver, me voilà démasqué ! Je suis effectivement un agent du MEDEF ! Vous venez de faire tomber mon masque. Je vis grassement des émoluments que me versent les patrons pour colporter la bonne nouvelle et tenter d’éviter aux derniers communistes de sombrer dans le FN.
[Mais il y a façons et ..façons de « s’installer ». Et la situation du chômeur du Valenciennois ou des vallées du Jura, prêt à accepter n’importe quel emploi et qui ne trouve tout simplement personne qui accepterait de le prendre, et le chômeur de la banlieue d’une grande ville qui n’accepte pas un travail qu’il juge inintéressant, trop éloigné ou pas assez payé pour être plus intéressant que tel ou tel trafic. Les chômeurs, pas plus que les pauvres, ne constituent pas un tout homogène, et s’il y a des gens condamnés au chômage, il y a aussi un « chômage d’opportunité » pour reprendre un langage économique.]
Vous exigez des intervenants une certaine rigueur, en particulier vous nous demandez des références, des chiffres pour étayer une affirmation, et vous avez bien raison.
À mon tour, est-ce que je peux vous demander d’étayer l’affirmation selon laquelle le [chômeur de la banlieue d’une grande ville qui n’accepte pas un travail qu’il juge inintéressant, trop éloigné ou pas assez payé pour être plus intéressant que tel ou tel trafic] pratiquerait le [chômage d’opportunité] alors que le très vertueux [chômeur du Valenciennois ou des vallées du Jura, (serait lui) prêt à accepter n’importe quel emploi].
Parce que, si vous avez des données, des sources, c’est parfait.
Si par contre c’est une affirmation gratuite, subjective, alors ne me demandez pas :
[Mais d’où sortez-vous que « j’oppose » ces deux catégories ?]
Parce que ce que vous faites là c’est précisément mettre ces deux catégories en opposition.
Ou alors, une fois de plus je vous aurais mal compris et vous êtes d’accord avec moi pour dire qu’aucun élément ne permet d’affirmer que le [chômage d’opportunité] serait plus ou moins fréquent dans telle ou telle partie du territoire, dans telles banlieues ou dans telles campagnes.
Le plus croustillant dans cet échange, c’est que, par une acrobatie dialectique, vous retournez l’argument en affirmant que [j’oppose les chômeurs ou précaires aux autres travailleurs modestes].
Bien au contraire, contrairement à vous, je mets les chômeurs et les vrais travailleurs modestes (CDD, précaires …) où qu’ils résident, en campagne ou en banlieue, du même coté de la séparation où les relègue la vraie classe moyenne, celle qui va des cadres, professions libérales, profs, agents de la fonction publique, jusqu’aux employés protégés, tous ceux qui s’arc-boutent sur leurs avantages, acquis pendant la parenthèse enchantée.
@ v2s
[ … je pense que vous devriez postuler au service de communication du MEDEF. Ils cherchent désespérément des gens comme vous.][Et voila, ça devait arriver, me voilà démasqué ! Je suis effectivement un agent du MEDEF ! Vous venez de faire tomber mon masque. Je vis grassement des émoluments que me versent les patrons (…).]
Mais… ce n’est pas ce que j’ai dit. Si je pensais que vous êtes un agent stipendié par le MEDEF, je ne vous recommanderais pas d’aller postuler pour en emploi chez eux, puisque vous l’auriez déjà… Si je vous le recommande, c’est parce que je pense justement que vous colportez ces idées gratuitement, et que je trouve que c’est dommage, alors que vous pourriez sans changer une once à votre discours, vous faire quelques sous…
Redevenons sérieux. Mon intention n’était nullement de vous accuser d’être un agent du MEDEF, mais de souligner la ressemblance de votre discours avec le leur. Or, si le MEDEF tient ce genre de discours, vous vous doutez, c’est parce qu’il sert leurs intérêts.
[À mon tour, est-ce que je peux vous demander d’étayer l’affirmation selon laquelle le « chômeur de la banlieue d’une grande ville qui n’accepte pas un travail qu’il juge inintéressant, trop éloigné ou pas assez payé pour être plus intéressant que tel ou tel trafic » pratiquerait le « chômage d’opportunité » alors que le très vertueux « chômeur du Valenciennois ou des vallées du Jura, (serait lui) prêt à accepter n’importe quel emploi ».]
Bien entendu. D’abord, le « chômeur de banlieue qui n’accepte pas un travail qu’il juge inintéressant, trop éloigné ou pas assez payé » pratique un « chômage d’opportunité » résulte de la définition même du « chômage d’opportunité » puisque celui-ci est précisément défini ainsi. Ensuite, pour ce qui concerne la différence entre les deux, elle résulte de la simple logique. Lorsqu’on habite dans une vallée des Vosges ou du Jura et que la seule source d’emploi de la vallée ferme, il n’y a tout simplement plus de boulot. Même lorsqu’on est prêt à changer de métier, à travailler pour un salaire minimum, ces emplois n’existent tout simplement pas. Le « chômage d’opportunité » est tout simplement impossible.
Il me reste donc à « étayer » l’affirmation comme quoi on pratique, dans les quartiers périphériques des grandes villes – et là, il y a du travail – on pratique le « chômage d’opportunité ». Pour cela, il suffit de se remettre aux chiffres publiés par Pôle emploi, et qui révèlent qu’un nombre important d’emplois non qualifiés ne trouvent tout simplement pas de preneur. C’est particulièrement vrai dans le bâtiment, dont les jeunes se détournent au prétexte qu’il s’agit de métiers « trop durs », comme vous le dira n’importe quel employeur du secteur. Je parle là par expérience personnelle.
Je n’ai pas – et je n’ai pas prétendu avoir – des chiffres sur l’étendue du phénomène. Et c’est pourquoi mon affirmation était restée qualitative.
[Parce que ce que vous faites là c’est précisément mettre ces deux catégories en opposition.]
Je « n’oppose » rien du tout. Je pointe des comportements différents. Dire que les gens du sud parlent fort et que ceux du nord sont taiseux serait-il « opposer ces deux catégories » ? L’opposition implique un antagonisme. J’opposerais ces deux catégories si je disais que pour améliorer la vie des uns il faudrait dégrader celle des autres. Ce que je n’ai jamais dit.
[Bien au contraire, contrairement à vous, je mets les chômeurs et les vrais travailleurs modestes (CDD, précaires …) où qu’ils résident, en campagne ou en banlieue, du même coté de la séparation où les relègue la vraie classe moyenne, celle qui va des cadres, professions libérales, profs, agents de la fonction publique, jusqu’aux employés protégés, tous ceux qui s’arc-boutent sur leurs avantages, acquis pendant la parenthèse enchantée.]
Vous continuez à répéter votre idée fixe. Mais cette idée ne tient pas la route. Si vous aviez raison, si l’obstacle au bonheur des « vrais travailleurs modestes » était le statut des « employés protégés arc-boutés sur leurs avantages », alors dans les pays ou ces « protections » sont faibles ou n’existent pas, les « vrais travailleurs modestes » devraient se porter nettement mieux. Or, que constatons nous ? Pouvez-vous me donner l’exemple d’un pays, un seul, ou l’affaiblissement des « statuts protégés » se soient traduits par une amélioration du niveau de vie des « vrais travailleurs modestes » ? Vous constaterez que c’est le contraire : en général, ce sont les conquêtes sociales des « travailleurs protégés » qui tirent vers le haut les autres.
« Travailleurs protégés » et « vrais travailleurs modestes » ont le même adversaire, la bourgeoisie. Qui a tout intérêt de réduire les rémunérations et d’augmenter la productivité des uns et des autres. Si les « travailleurs protégés » perdent leurs « privilèges », c’est leur employeur qui se portera mieux, mais cela n’apportera rien aux « vrais travailleurs modestes ». Vous voulez à tout prix opposer – et il s’agit là d’une véritable opposition, puisque vous accusez les « travailleurs protégés » de « reléguer » les autres – ces deux catégories de travailleurs, comme si leurs intérêts étaient antagoniques. Ils ne le sont pas. Mais cette présentation convient parfaitement aux bourgeois, qui du coup se trouvent exonérés de toute responsabilité…
Sur le [chômage d’opportunité] :
Le [chômage d’opportunité] existe dans les banlieues.
Il existe aussi dans la France profonde.
Dans nos montagnes ou les usines Pechiney et les papeteries ont fermé, les employeurs du bâtiment, qui marchent très bien dans les zones touristiques, ont les mêmes difficultés à pourvoir les emplois non qualifiés que les employeurs des régions parisiennes ou lyonnaises.
Dans les deux cas, je veux dire dans les banlieues comme en campagne, il faut bien admettre que le cas des emplois du bâtiment s’est résolu avec de mauvaises solutions, grâce aux vertus conjointes de l’immigration clandestine et des incohérences de la CEE.
Des entreprises de droit et de domiciliation bulgare, roumaine et polonaise effectue en sous-traitance les lots de tous les corps de métier, du gros œuvre aux finitions, elles emploient dans une quasi légalité leurs ressortissants (en respectant partiellement ou pas le droit français) plus, en toute illégalité, des sans papiers.
Il en va de même pour de nombreux métiers pénibles et non qualifiés de l’hôtellerie-restauration, de l’agriculture, des transports.
Chercher des solutions au chômage de masse ne passe pas par la diabolisation des habitants des banlieues, ni par l’opposition entre chômeurs de différentes origines.
Sur les Travailleurs protégés et les vrais travailleurs modestes :
Ce n’est pas la protection qui est perverse, c’est le mauvais usage qui en est fait qui plombe l’économie et par conséquent freine l’activité et l’emploi.
Prenons l’exemple des employés de la sécurité sociale.
Quand, à force de pression syndicale et disons le, à force de grèves à répétition pendant la période faste des 30 glorieuses et des 20 suivantes, les employés de la sécurité sociale obtiennent de ne plus travailler aujourd’hui que 32 heures par semaine, le coût du service qu’ils rendent à la collectivité est artificiellement très élevé.
Ce coût est répercuté via le budget de l’état sur tous les acteurs économiques, les particuliers imposables, mais aussi et surtout les artisans, commerçants, les entreprises en général.
Les surcoûts accumulés dans les services publics plombent l’activité.
C’est pourquoi il me semble que ces catégories de français, que j’ai appelé les enfants gâtés de la parenthèse enchantée, doivent être rangées dans les classes moyennes.
Consciemment ou pas, ils préféreront s’arc-bouter sur leurs acquis. sans jamais admettre qu’ils participent de la sclérose de l’activité économique. Et donc du chômage de masse.
@v2s
[Le « chômage d’opportunité » existe dans les banlieues. Il existe aussi dans la France profonde.]
Potentiellement, le chômage d’opportunité peut exister partout. Mon propos n’était pas tant de faire une différence géographique que de répondre à votre commentaire sur le fait qu’on « s’installe dans le chômage » en vous expliquant qu’il y a plusieurs manières de « s’installer », et qu’on a tort de traiter les chômeurs comme s’ils étaient tous identiques, alors qu’on peut reconnaître un certain nombre de « chômages » dont les motivations et les conséquences sont très différents.
J’ai des connaissances dont les enfants – à leur grand malheur, je dois le dire – s’installent dans un chômage d’opportunité : ils ont grâce à leurs parents un studio et ne payent donc pas de loyer, ils sont sans charge de famille, et décident que cela ne vaut pas la peine de travailler pour passer des allocations de fin de droits ou du RMI au SMIC. C’est là un comportement qui relève clairement du « chômage d’opportunité », et d’un comportement parasitaire.
Sans vouloir « stigmatiser » qui que ce soit, je pense que la manière dont on « s’installe » dans le chômage dépend fortement de la culture de chacun. Il y a des cultures où l’on préfère le chômage plutôt que d’accepter un travail en dessous de sa qualification ou pour un salaire très inférieur à celui du dernier poste occupé. Il y a d’autres ou l’on préfère travailler dans n’importe quoi et à n’importe quel prix que d’être chômeur. J’ai toujours été surpris par exemple par le fait qu’on ne trouve presque pas de juifs au chômage, et je sais que mon père, lorsqu’on il a eu une mauvaise passe, et allé faire des enquêtes dans la rue en vacation à la journée parce que c’était le seul boulot qu’il avait trouvé. Quand j’observe dans ma vie professionnelle certaines attitudes, je ne peux m’empêcher de me dire que si les jeunes maghrébins des banlieues des grandes villes ont des taux de chômage plus élevées que les jeunes « gaulois », c’est aussi à certains traits culturels qu’ils le doivent.
[Dans nos montagnes ou les usines Pechiney et les papeteries ont fermé, les employeurs du bâtiment, qui marchent très bien dans les zones touristiques, ont les mêmes difficultés à pourvoir les emplois non qualifiés que les employeurs des régions parisiennes ou lyonnaises.]
En regardant les rapports de Pole Emploi, j’avais l’impression que le pourcentage des offres d’emploi boudées par les demandeurs d’emploi est bien plus élevé dans les grandes agglomérations que dans les petites villes. Mais peut-être que je me trompe…
[Dans les deux cas, je veux dire dans les banlieues comme en campagne, il faut bien admettre que le cas des emplois du bâtiment s’est résolu avec de mauvaises solutions, grâce aux vertus conjointes de l’immigration clandestine et des incohérences de la CEE.]
Sans nier les « vertus conjointes de l’immigration clandestine et les incohérences de l’UE », je ne pense pas que cela suffise à expliquer le problème. Il y a des métiers ou l’on ne trouve tout simplement pas de bons candidats, même payés à prix d’or. Je pense aux soudeurs et chaudronniers, par exemple. Dans l’industrie nucléaire, ou le contrôle est tel qu’il est difficile d’avoir recours aux « sans-papiers », il y a une véritable crise du recrutement. Et lorsqu’on va faire de l’agitation dans les lycées techniques – je vous parle là d’une expérience personnelle – la réponse des étudiants est que le métier est « trop dur », « trop difficile », qu’il demande trop de discipline.
[Chercher des solutions au chômage de masse ne passe pas par la diabolisation des habitants des banlieues, ni par l’opposition entre chômeurs de différentes origines.]
Bien sûr que non. La solution du « chômage de masse » est, ultima ratio, une question de répartition des richesses. On a délocalisé le travail parce que cela permettait d’offrir aux « classe moyennes », dont les emplois sont en général non-délocalisables, des produits moins chers. La délocalisation est un transfert de richesse des couches populaires vers les « classes moyennes ». Mais à côté du chômage de masse, il y a des abus permis notamment par notre généreux système de protection sociale. Et si ces abus étaient tolérables en période faste, ils deviennent de moins en moins tolérables lorsqu’il faut se serrer la ceinture. Pour le dire clairement, le « chômage d’opportunité » est devenu intolérable. Plus on aura l’air de fermer les yeux sur ces abus, plus on alimentera la crainte de voir le système s’effondrer et le sentiment d’injustice, et plus on fera le jeu des extrémistes, qu’ils soient libéraux ou autres. Et ce n’est « diaboliser » personne que de le dire. C’est dans l’intérêt des chômeurs honnêtes que le système soit inattaquable.
[Ce n’est pas la protection qui est perverse, c’est le mauvais usage qui en est fait qui plombe l’économie et par conséquent freine l’activité et l’emploi. Prenons l’exemple des employés de la sécurité sociale. Quand, à force de pression syndicale et disons le, à force de grèves à répétition pendant la période faste des 30 glorieuses et des 20 suivantes, les employés de la sécurité sociale obtiennent de ne plus travailler aujourd’hui que 32 heures par semaine, le coût du service qu’ils rendent à la collectivité est artificiellement très élevé.]
Examinons votre point. D’abord, votre référence aux « grèves à répétition pendant la période faste des 30 glorieuses » vous permet de justifier votre théorie qui ferait de certains travailleurs des « profiteurs des trente glorieuses » mais est inexacte. Aucun mouvement social d’ampleur à ma connaissance pendant la période des « trente glorieuses » ne porte réellement sur la réduction du de la durée hebdomadaire de travail. En fait, pendant cette période faste, personne n’avait l’air gêné par le fait de travailler quarante heures par semaine, et c’est plutôt sur la durée des congés payés que les luttes se sont concentrées. Vous remarquerez d’ailleurs que malgré la puissance du PCF et des organisations ouvrières et leur influence à la Libération, le programme du CNR ne dit mot de cette question et on n’a pas touché en 1945 à la loi du 21 juin 1936 instituant les 40 heures hebdomadaires. Le sujet était si peu matière à revendication qu’on n’y a pas touché pendant les « trente glorieuses », et qu’il faut attendre l’ordonnance du 16 janvier 1982 pour que la durée hebdomadaire du travail soit modifiée. Et encore, elle passe de 40 à 39 heures, soit une variation de 2,5%. Les demandes de réduction du temps de travail sont plutôt une invention de la « deuxième gauche » et ne commencent à apparaître qu’après la fin des « trente glorieuses », portées d’une part par les théories de « partage de l’emploi » comme remède au chômage, mais aussi par la puissance des « classes moyennes » friandes de RTT.
Deuxième élément : avant de parler de « coût artificiellement élevé du service », il faudrait s’intéresser aux contreparties de la réduction du temps de travail. Par exemple, si la réduction
a 32 heures s’est faite à salaire horaire constant, alors le « coût du service » resterait le même, aux coûts d’organisation et d’optimisation près. Je serais très intéressé de savoir par exemple si le salaire horaire dans les caisses de sécurité sociale est plus ou moins élevé que la moyenne des salaires dans le secteur privé pour des fonctions équivalentes… après, nous pourrons parler de « coût du service ». En tout cas, je n’ai pas l’impression que les employés du privé se précipitent vers les caisses de sécurité sociale pour essayer d’y trouver un poste, ce qui semble suggérer que les salaires sont plutôt plus attractifs ailleurs. En tout cas, selon la Cour des Comptes, les coûts de gestion de la sécurité sociale sont inférieurs à ceux des mutuelles privées.
[Ce coût est répercuté via le budget de l’état sur tous les acteurs économiques, les particuliers imposables, mais aussi et surtout les artisans, commerçants, les entreprises en général.]
Imaginons un instant que les personnels de la sécurité sociale acceptaient demain de travailler 40 heures pour le même salaire. A votre avis, les économies ainsi réalisées iraient dans les poches de qui ? Des autres travailleurs ? Des actionnaires ? Je serai curieux de connaître votre avis. Pour le moment, l’expérience est que chaque fois que les cotisations ont été réduites, cela s’est répercuté sur les marges des entreprises, et non sur les salaires…
J’ajoute que vous semblez toujours très soucieux des « coûts » imposés par les avantages salariaux ou sociaux de telle ou telle catégorie de travailleurs, mais que vous ne semblez pas inquiet par les « coûts » qui dérivent de la rémunération du capital. Les travailleurs qui obtiennent de travailler 32 heures au lieu de 35 sont des « enfants gâtés », les actionnaires qui ont obtenu des augmentations de leurs dividendes bien plus importantes ces dernières années sont, eux, des bienfaiteurs de l’humanité. Pourtant, la ponction au bénéfice des propriétaires du capital se répercute elle aussi sur « les acteurs économiques, les particuliers imposables, les artisans, les commerçants… ».
[Les surcoûts accumulés dans les services publics plombent l’activité.]
« surcoûts » par rapport à quoi ? Quelle est la norme de coût par rapport à laquelle vous décidez qu’il y a un « surcoût » ? Celui qui travaille 32 heures – en supposant que les salaires soient les mêmes – impose un « surcoût » sur celui qui travaille 35 heures. Et celui qui travaille 35 heures impose, sous les mêmes conditions, un surcoût sur celui qui travaille 60 heures par semaine, n’a qu’un jour de repos et pas de congés payés. Et ainsi de suite.
[C’est pourquoi il me semble que ces catégories de français, que j’ai appelé les enfants gâtés de la parenthèse enchantée, doivent être rangées dans les classes moyennes.]
Comme disent les anglais, « there is safety in numbers ». Plus on mettra du monde sous l’appellation « classes moyennes » et moins les véritables classes moyennes seront menacées. Cela fait trente ans que les « classes moyennes » essayent, avec le discours que vous tenez ici, de convaincre une frange importante des couches populaires qu’elles partagent les mêmes intérêts. Ou plus cyniquement, de les convaincre qu’elles n’ont pas intérêt à remettre en cause le règne des « classes moyennes », sous peine de scier la branche où cette frange des couches populaires est elles même assise. Cela marche de moins en moins bien, comme témoigne le fait que de plus en plus fonctionnaires et agents des services publics se détachent politiquement des « classes moyennes » et commencent à voter – ou à ne pas voter – comme les couches populaires.
[Consciemment ou pas, ils préféreront s’arc-bouter sur leurs acquis. Sans jamais admettre qu’ils participent de la sclérose de l’activité économique. Et donc du chômage de masse.]
Depuis 1981, on a mis en pièces des statuts, on privatisé à tout va, on a supprimé des « régimes spéciaux », aboli toutes sortes de protections sociales et laborales. Si votre raisonnement était juste, si ces protections jouaient un rôle essentiel dans la montée du chômage de masse, alors on aurait dû voir une amélioration de la situation. Pensez-vous que ce soit le cas ?
[Depuis 1981, on a mis en pièces des statuts, on privatisé à tout va, on a supprimé des « régimes spéciaux », aboli toutes sortes de protections sociales et laborales … alors on aurait dû voir une amélioration de la situation. Pensez-vous que ce soit le cas ?]
Je crains que sur cette question des classes moyennes et des enfants gâtés de la parenthèse enchantée, nos points de vue soient trop éloignés pour que nous puissions espérer les rapprocher en quelques échanges.
Essayons.
Vous avancez, comme un argument de poids, le fait que les privatisations et les dérégulations du travail n’ont pas amélioré la situation. Mais il faut se méfier des trompe-l’œil.
Par exemple :
Lorsque les sociétés d’autoroute ont été privatisées, le statut des salariés est supposé avoir changé, mais croyez vous que les conditions de travail se soient effondrées, que les salaires aient baissé, que les horaires de travail aient augmenté, que les jours de vacances et de récupération aient diminué ?
Au contraire, les nouveaux actionnaires, trop heureux de concrétiser cette affaire, juteuse et fort discutable, ont lâché du leste aux salariés et ont acheté la paix sociale pour ne pas risquer de se retrouver sous les projecteurs, par le truchement d’un conflit social qui aurait réveillé les médias et l’opinion publique.
Au final, l’appartenance à la catégorie des gâtés de la parenthèse enchantée ne dépend pas du statut public, semi-public ou privé. Il est beaucoup plus l’aboutissement d’une histoire qui s’est faite lentement, quand les conditions économiques étaient très favorables.
Vous m’opposez également le fait que :
[Aucun mouvement social d’ampleur à ma connaissance pendant la période des « trente glorieuses » ne porte réellement sur la réduction du de la durée hebdomadaire de travail].
Vous aurez noté que, plutôt que de parler des 30 glorieuses, je parle de parenthèse enchantée et je parle des 30 glorieuses et des 20 suivantes.
Il faut donc préciser :
Effectivement, pendant les 30 glorieuses, il n’était même pas nécessaire de demander pour obtenir beaucoup.
L’activité était en surchauffe et, la pénurie de main d’œuvre tirait les salaires et les conditions de travail vers le haut. J’ai eu mon premier job en 1968, à la toute fin des trente glorieuses. Et bien, à cette époque, j’ai pu changer plusieurs fois d’employeurs dans la même année, sans jamais m’inscrire au chômage (ce qui aurait été d’ailleurs très tres mal vu à cette époque !). Et à chaque changement, je pouvais augmenter son salaire.
C’est de cette époque, bénie des Dieux, que date cette fameuse phrase qui a perduré jusqu’à aujourd’hui :
« Non mais, tu m’as pas bien regardé, je ne travaille pas pour le SMIC moi ! »
Phrase qui est aujourd’hui reprise, 40 ans plus tard, par les chômeurs d’opportunité.
Depuis les années 70, fin des trente glorieuses, jusqu’aux années 90, fin de la parenthèse enchantée, le pouvoir d’achat des travailleurs et leurs conditions de travail n’ont pas cessé de progresser, mais de façon très inégale.
D’autre part, le chômage était insignifiant en 1970, mais il a commencé à monter bien avant la fin de la période faste.
La surprotection des chômeurs, en France, fait partie de ce que j’appellerais la queue de la comète, une sorte de chant du cygne de la parenthèse enchantée.
Les 20 années qui ont suivi les 30 glorieuses ont vu cohabiter à la fois des revendications fortes de progression de pouvoir d’achat, d’amélioration de législation du travail et, en parallèle, une bonne période pour les entreprises et pour l’état français, qui avaient les uns et les autres, les moyens de satisfaire ces demandes.
La fin des trente glorieuses n’a pas été une chute, une dépression brutale. Les analystes nous l’expliquent aujourd’hui, mais à l’époque nous n’avons pas senti un rupture.
Les marges des entreprises ont continué d’être confortables, les caisses de l’état, et surtout les caisses des régimes sociaux étaient pleines.
Raymond Barre en 1976, prêchait dans le désert quand il mettait le pays en garde contre l’euphorie, qu’il recommandait la prudence, la modération. Il se faisait traiter ironiquement de Père la Rigueur.
Tout a commencé à sentir la catastrophe quand Bérégovoy eu l’idée lumineuse de recourir à l’emprunt, auprès des marchés financiers, pour faire les fins de mois.
Depuis nous nous enfonçons, lentement mais sûrement.
Aujourd’hui, nous empruntons même pour payer les retraites et les chômeurs, mais on nous dit que ça ne serait pas grave, puisque les intérêts financiers sont très bas, négatifs ou presque.
Pour revenir aux enfants gâtés de la parenthèse enchantée, vous me demandiez :
[ « surcoûts » par rapport à quoi ? Quelle est la norme de coût par rapport à laquelle vous décidez qu’il y a un « surcoût » ? Celui qui travaille 32 heures]
Évidemment la réponse à cette question n’existe pas, on peut tout aussi bien préconiser de ne travailler que 20 heures, ou même 10 ou 5 heures ! Pourquoi pas ?
Et même ne pas travailler du tout ! c’est d’ailleurs le raisonnement des chômeurs d’opportunité, dont vous dites :
[ il y a des abus permis notamment par notre généreux système de protection sociale]
Nous connaissons tous, autour de nous, des gens comme le jeune que vous évoquiez.
Un de mes bons copains, de 20 ans mon cadet, 46 ans à peine, électeur de Mélenchon, participe assidûment, comme le ferait un retraité, à toutes les sorties du club des cyclotouristes. Depuis bientôt 5 ans, il est chômeur en fin de droits, RSA, CMU restau du cœur, logé dans un petit « 2 pièces » à ses parents.
Quand je lui demande,
« Mais tu n’essaies pas de te remettre au boulot ? »
Il me répond :
« Oh tu sais, je sens bien que le système des retraites va s’effondrer, alors je préfère en profiter le plus possible tant que je suis jeune, on verra bien plus tard».
Je reste très perplexe devant votre intuition, votre conviction même, selon laquelle le chômage d’opportunité serait plus naturel, dans la culture des banlieues, qu’ailleurs sur le territoire.
Ça me semble simplement subjectif et pour tout dire inexact.
La culture du travail, dont vous parlez, elle s’est effectivement évaporée, un peu partout, pas que dans les banlieues.
Le mieux serait sans doute d’être un peu plus coercitif vis-à-vis des chômeurs (banlieues ou pas) qui n’acceptent pas les emplois disponibles.
Tout en s’efforçant de rendre plus efficace, pour les chômeurs, les 32 milliards annuels consacrés à la formation continue des adultes.
Tout en continuant l’amélioration et la réduction de la pénibilité des postes les moins qualifiés.
Pénibilité qui, reconnaissons le, n’a pas cessé de s’améliorer et s’améliore encore.
Mais comme on dit :
« Non mais, tu m’as pas bien regardé, je ne travaille pas pour le SMIC moi ! »
Vous voyez, nous sommes encore loin d’être d’accord sur tout, mais, qui sait, ça pourrait venir.
Parce que, en réalité, sans être communiste, je pense, comme vous je crois, qu’il faut largement limiter ou interdire l’héritage, que l’état doit largement intervenir dans la planification de la politique industrielle, qu’il doit nous désengager des emprunts contractés auprès des marchés, interdire les concentrations d’entreprises dans les mains de fonds d’investissement, taxer le capitalisme financier pour, au contraire, favoriser l’épargne au service de la vraie économie.
Le tout, en travaillant à une meilleure efficacité, un meilleur rendement, des services publics, qui coûtent trop chers à la collectivité et plombent les initiatives.
Il me semble qu’un homme ou un parti qui soutiendrait ce genre de programme, en se démarquant clairement des lobbies des banques et des financiers, recueillerait un large soutien électoral.
Ça aurait quand même une meilleure allure que le FN, non ?
@ v2s
[Vous avancez, comme un argument de poids, le fait que les privatisations et les dérégulations du travail n’ont pas amélioré la situation. Mais il faut se méfier des trompe-l’œil. Par exemple : Lorsque les sociétés d’autoroute ont été privatisées, le statut des salariés est supposé avoir changé, mais croyez vous que les conditions de travail se soient effondrées, que les salaires aient baissé, que les horaires de travail aient augmenté, que les jours de vacances et de récupération aient diminué ?]
Oui. Non seulement je le crois, mais je le sais. Et je vais vous donner d’autres exemples qui sont bien plus connus. Prenez par exemple France Télécom, devenu Orange. Il est de notoriété publique que dans cette entreprise les conditions de travail se sont massivement dégradées au nom de la rentabilité, au point de pousser au suicide un certain nombre de salariés. Et là encore, on n’a pas remarqué un effet sur la croissance de l’entreprise et encore moins sur le sort des personnels les moins protégés… Ou prenons le cas de Renault, devenu là aussi de notoriété publique lors du suicide d’un certain nombre de cadres du centre de recherches de Rocquencourt. Vous voulez d’autres exemples ? Depuis la privatisation, GDF – devenue GDF Suez – et EDF sortent régulièrement une partie de leur personnel du statut des industries électriques et gazières par le biais des filialisations à répétition. Vous en voulez d’autres ? J’ai des centaines à vous offrir. Dans pratiquement toutes les entreprises ex-nationalisées, la privatisation s’est traduite par une « remise au pas » des travailleurs, par la dénonciation des conventions collectives protectrices, la suppression des primes, la disparition de la garantie de l’emploi, etc. Sans aucun effet visible sur le sort de ce « précariat » (pour utiliser le mot mélenchonesque) qui selon vous serait maintenu dans son état par les « enfants gâtés » que sont les travailleurs « insiders». C’est le contraire qu’on observe : chaque fois qu’on dégrade les conditions de travail des « insiders », ce sont les employeurs qui bénéficient, pas les « outsiders ». Au contraire : on sait depuis longtemps que les conquêtes des « insiders » ont un effet d’entraînement sur le reste du corps social par effet de généralisation.
[Au contraire, les nouveaux actionnaires, trop heureux de concrétiser cette affaire, juteuse et fort discutable, ont lâché du leste aux salariés et ont acheté la paix sociale pour ne pas risquer de se retrouver sous les projecteurs, par le truchement d’un conflit social qui aurait réveillé les médias et l’opinion publique.]
Vous rêvez si vous croyez que les actionnaires sont prêts à renoncer à leurs profits pour acheter la « paix sociale ». Une fois encore, je vous renvoie à l’exemple de France Télécom.
[Vous aurez noté que, plutôt que de parler des 30 glorieuses, je parle de parenthèse enchantée et je parle des 30 glorieuses et des 20 suivantes.]
J’ai noté, et c’est précisément ce que je conteste. Vous amalgamez artificiellement deux périodes dont la dynamique est très différente comme s’il y avait une continuité entre les deux, notamment sur la question du temps de travail. Vous ne voyez donc pas qu’il y a entre les deux périodes une rupture : pendant les 30 glorieuses, l’accroissement du revenu est privilégié par rapport au temps de travail. Pour caricaturer, on est dans la logique « travailler plus pour gagner plus ». Pendant les « 30 piteuses » qui ont suivi, on est dans la logique inverse : la législation va dans le sens de travailler moins, quitte à gagner moins. Ainsi, alors qu’on n’avait pas touché à l’âge de la retraite ou à la durée du travail depuis 1945, en 1981 on réduit l’une et l’autre, puis à nouveau à la fin des années 1990 avec les 35 heures. Qu’est ce qui a changé entre les deux ? Le pouvoir des « classes moyennes », qui ont de l’argent et donc une préférence pour le loisir.
[(…) J’ai eu mon premier job en 1968, à la toute fin des trente glorieuses. (…) C’est de cette époque, bénie des Dieux, que date cette fameuse phrase qui a perduré jusqu’à aujourd’hui :
« Non mais, tu m’as pas bien regardé, je ne travaille pas pour le SMIC moi ! »]
J’aimerais bien que vous me donniez un exemple d’utilisation de cette « fameuse phrase ». Je ne me souviens pas de l’avoir lue ou entendue dans un document de l’époque. Je ne crois pas d’ailleurs qu’elle n’ait jamais été utilisée dans les couches populaires. Mais peut-être était-elle habituelle chez les fils des « classes moyennes » arrivées au pouvoir et qui, effectivement, ne travaillaient pas – ou plus – « pour le SMIC » ?
[Depuis les années 70, fin des trente glorieuses, jusqu’aux années 90, fin de la parenthèse enchantée, le pouvoir d’achat des travailleurs et leurs conditions de travail n’ont pas cessé de progresser, mais de façon très inégale.]
Vous trouvez ? Faudra poser la question aux travailleurs de France Télécom devenue Orange, pour voir si leurs « conditions de travail n’ont pas cessé de progresser ». Mais globalement vous avez raison, du moins si vous parlez en termes absolus. Depuis 1970, on a bon an mal an cru de 1% par an en moyenne, et cela fait quand même pas mal. Les fruits de cette croissance ont été distribués, comme vous le signalez, de manière fort inégale. La bourgeoisie et les « classes moyennes » ont eu la part du lion, les travailleurs – qu’ils soient « insiders » ou « outsiders » d’ailleurs – ont eu quelques miettes.
[La surprotection des chômeurs, en France, fait partie de ce que j’appellerais la queue de la comète, une sorte de chant du cygne de la parenthèse enchantée.]
« Surprotection » par rapport à quoi ? Si vous parlez de « sur » protection in abstracto, c’est que vous définissez un niveau de protection qui serait approprié, et par rapport auquel nos chômeurs seraient « sur » protégés. Comment définissez-vous ce niveau de protection ?
On peut discuter de l’organisation de l’indemnisation chômage. Personnellement, j’ai toujours pensé qu’indemniser le chômage conjoncturel a un sens, mais que dès lors que le chômage est devenu structurel le système qui consiste à payer les gens à ne rien faire est profondément vicié. Il faut à mon avis réfléchir à autre chose. Le problème est que dans le contexte d’économie ouverte, la seule alternative est de permettre l’apparition de travailleurs pauvres. En effet, en économie ouverte la norme salariale est fixée par le marché international du travail. Si le travailleur français est plus cher que le travailleur bangladeshi, la production se fera au Bangladesh. Et avec la libre prestation de services au niveau européen, même les emplois qu’on pensait non-délocalisables le deviennent, puisqu’on peut amener des travailleurs bulgares ou roumains et les payer aux conditions sociales du pays d’origine. En d’autres termes, s’il faut rendre le travailleur français compétitif, il faut réduire son salaire au niveau roumain. Pensez-vous qu’il faille chercher la solution dans ce genre de politiques ?
[La fin des trente glorieuses n’a pas été une chute, une dépression brutale. Les analystes nous l’expliquent aujourd’hui, mais à l’époque nous n’avons pas senti une rupture.]
Bien sur que si. La société a bien « senti » la rupture et a réagi en conséquence. Ce n’est pas par hasard si la fin des « trente glorieuses » coïncide avec 1968-70 et la destruction par les « classes moyennes » de l’ascenseur social. Que la fin des « trente glorieuses » n’ait pas été théorisée, c’est autre chose. Mais la société s’est bien aperçu en 1968-70 que quelque chose s’était brisée.
[Les marges des entreprises ont continué d’être confortables, les caisses de l’état, et surtout les caisses des régimes sociaux étaient pleines.]
Vous faites erreur. Les « trente glorieuses » correspondent à une période ou la marge des entreprises était relativement modérée. Cette marge diminue fortement pendant les années 1970 et atteint son minimum en 1981. Les caisses de l’Etat n’étaient pas « pleines », ni pendant les « trente glorieuses », ni pendant les années qui ont suivi.
[Raymond Barre en 1976, prêchait dans le désert quand il mettait le pays en garde contre l’euphorie, qu’il recommandait la prudence, la modération. Il se faisait traiter ironiquement de Père la Rigueur. Tout a commencé à sentir la catastrophe quand Bérégovoy eu l’idée lumineuse de recourir à l’emprunt, auprès des marchés financiers, pour faire les fins de mois.]
Raymond Barre aurait eu du mal à « prêcher contre l’euphorie » en 1976. L’euphorie était finie depuis bien longtemps. Depuis le « choc » pétrolier, pour être précis. Et ce n’est pas Beregovoy, mais bien Giscard qui eut l’idée de « recourir à l’emprunt auprès des marchés financiers pour faire les fins de mois » en votant la loi de 1973 qui porte son nom… J’ai l’impression que vous reconstituez un peu l’histoire de cette époque en plaquant dessus vos préjugés.
[Pour revenir aux enfants gâtés de la parenthèse enchantée, vous me demandiez : [« surcoûts » par rapport à quoi ? Quelle est la norme de coût par rapport à laquelle vous décidez qu’il y a un « surcoût » ? Celui qui travaille 32 heures] Évidemment la réponse à cette question n’existe pas,]
Parler de « surcoût » implique qu’on soit capable de définir une norme à laquelle on se compare. Un « surcoût » est toujours défini par rapport à un étalon de coût. Si comme vous dites « la réponse à cette question n’existe pas », alors vous avez eu tort de parler de « surcoût ».
[Je reste très perplexe devant votre intuition, votre conviction même, selon laquelle le chômage d’opportunité serait plus naturel, dans la culture des banlieues, qu’ailleurs sur le territoire. Ça me semble simplement subjectif et pour tout dire inexact.]
C’est certainement « subjectif », puisque cela correspond à une observation personnelle, et qu’il n’existe pas vraiment de statistiques qui pourraient confirmer ou infirmer cette intuition. Mais il existe tout de même un faisceau de présomptions qui permettent de penser qu’il y a un élément culturel dans la réponse des gens devant le chômage. Certains sont prêts à déménager à des centaines voire des milliers de kilomètres pour trouver du travail, d’autres pas. Certains sont prêts à accepter de changer de métier et de recommencer à zéro dans l’échelle salariale, d’autres pas. Je ne crois pas que ce soit un hasard si les français « issus de l’immigration » ne sont pas égaux devant le chômage selon leur origine.
[La culture du travail, dont vous parlez, elle s’est effectivement évaporée, un peu partout, pas que dans les banlieues.]
Elle ne s’est pas « évaporé » à la même vitesse dans toutes les cultures. Il y a des endroits ou le fait de ne pas gagner sa vie par son travail est une honte, au point que les gens ne demandent pas toutes les allocations auxquelles ils ont droit. Et il y a d’autres ou l’on tire même une certaine fierté de vivre « aux frais de la princesse ».
[Le mieux serait sans doute d’être un peu plus coercitif vis-à-vis des chômeurs (banlieues ou pas) qui n’acceptent pas les emplois disponibles.]
Oui mais… si vous faites cela, alors vous poussez les salaires vers le bas. Pourquoi un patron offrirait-il plus que le minimum légal s’il est sur que quoi qu’il arrive l’emploi qu’il propose sera pourvu ? Une fois encore, vous avez le choix entre des chômeurs ou des travailleurs pauvres…
In fine, le problème est structurel. Si vous laissez la régulation des salaires au marché, dans une économie ouverte, vous avez le choix entre la misère ou le chômage indemnisé, tout simplement parce que nos travailleurs sont en concurrence avec les travailleurs bangladeshis et que la liberté de circulation ne vous permet pas de toucher à l’essentiel, c’est-à-dire, à la répartition du revenu entre capital et travail. Pour que les travailleurs puissent avoir un bon niveau de vie, il faut que le revenu aille au travail. Seulement, si vous exigez du capital un sacrifice supérieur à celui exigé au Bangladesh, le capital s’en va.
[Mais comme on dit : « Non mais, tu m’as pas bien regardé, je ne travaille pas pour le SMIC moi ! »]
Je ne sais pas qui c’est « on ». Pourriez-vous être plus précis ?
[Vous voyez, nous sommes encore loin d’être d’accord sur tout, mais, qui sait, ça pourrait venir. Parce que, en réalité, sans être communiste, je pense, comme vous je crois, qu’il faut largement limiter ou interdire l’héritage, que l’état doit largement intervenir dans la planification de la politique industrielle, qu’il doit nous désengager des emprunts contractés auprès des marchés, interdire les concentrations d’entreprises dans les mains de fonds d’investissement, taxer le capitalisme financier pour, au contraire, favoriser l’épargne au service de la vraie économie.]
En d’autres termes, vous pensez qu’il faut limiter sérieusement la liberté de circulation du capital. Parce que je vois mal comment vous pourrez « limiter l’héritage » ou « taxer le capitalisme financier » et « favoriser l’épargne au bénéfice de la vraie économie » avec les frontières ouvertes. J’a bien compris ?
[Il me semble qu’un homme ou un parti qui soutiendrait ce genre de programme, en se démarquant clairement des lobbies des banques et des financiers, recueillerait un large soutien électoral.]
Tant qu’on reste aux buts, possiblement. Mais votre programme est impossible tant que les frontières restent ouvertes à la libre circulation des marchandises et des capitaux, tout simplement parce qu’aussi longtemps que dure cette ouverture les salaires et la rémunération du capital sont déterminés par la concurrence internationale. La monnaie unique renforce cet effet. Alors, comme vouloir la fin c’est vouloir les moyens, l’homme ou le parti qui soutiendrait ce genre de programme devrait en toute logique proposer de rétablir les barrières douanières et le retour au franc. Pensez-vous que le « large soutien électoral » lui serait acquis ?
@ v2s
Le secteur de la concession et de l’exploitation d’autoroutes et d’ouvrages routiers emploie près de 20 000 salariés en France en 2006 signalés dans le texte de la nouvelle convention collective de ce secteur; 8 296 km réseau concédé
15 927 salariés en 2011 ; 8 847 km réseau concédé
In : http://www.autoroutes.fr/FCKeditor/UserFiles/File/ASFA_ChiffresCles2011-FR.pdf
Privatisation 2005/6 ; soit 20 % d’effectif en moins sur 5 ans.
L’Autorité de la concurrence qui s’est vue commander un rapport en 2014 par la commission des Finances de l’Assemblée nationale, note que la rentabilité nette de ces sociétés après impôts, en 2013, a atteint entre 20 et 24%, des chiffres qualifiés de « très élevés » et quasiment sans équivalent dans d’autres secteurs d’activité économique.
« La rentabilité exceptionnelle des SCA, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité, est assimilable à une rente », estime l’Autorité.
Rente qui profite à l’actionnaire.
http://www.telecoms-media-pouvoir.net/index.php/nos-analyses/le-secteur-des-telecommunications-a-detruit-28-300-emplois-en-10-ans/
En 2009, le secteur des télécommunications a détruit 28 300 emplois en 10 ans selon l’autorité de régulation des télécoms ; 52700 chez France Télécom selon ses propres bilans annuels. La déflation de personnel a continué depuis…
Les privatisations ont toutes mené à la chute des effectifs salariés et à la hausse du profit de l’actionnaire.
Vous écrivez : « Au contraire, les nouveaux actionnaires, trop heureux de concrétiser cette affaire, juteuse et fort discutable, ont lâché du lest aux salariés et ont acheté la paix sociale pour ne pas risquer de se retrouver sous les projecteurs, par le truchement d’un conflit social qui aurait réveillé les médias et l’opinion publique.»
Je vous ai fourni les chiffres quant aux effectifs, pourriez-vous en retour expliciter les vôtres relatifs au « lest » dont vous faites état ?
@Descartes, à propos des traits culturels de certaines populations (notamment des maghrébins) :
C’est un sujet polémique, mais je te rejoins sur l’idée que certaines cultures valorisent le travail productif plus que d’autres, ou que certaines du moins sont un terreau pour l’amélioration de la productivité plus que d’autres.
Es-tu un lecteur de Max Weber, l’auteur de L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme ?
J’avoue que mon souvenir de Weber est lointain, et qu’il raisonne surtout en sociologue de façon empirique, mais il avait lu et étudié Marx.
Dans la démocratie libérale, on a développé l’esprit du no taxation without representation. La plus grosse tare des pays d’islam est que ce sont pratiquement tous des états rentiers.
Un état rentier perçoit par définition des revenus importants d’origine extérieure, c’est un état allocataire par rapport à l’Etat producteur de richesses endogènes. Ce dernier prélève une partie du PIB généré par le travail et la production, et génère ainsi ses propres recettes. Mais le rapport est inversé dans le cas de l’état rentier, où c’est la rente qui détermine le PIB ; les citoyens ne participent pas à la création de richesses et l’état, qui ne taxe pas, ne concédera pas la représentation politique. L’Etat est ainsi plus fort que la société, d’où l’autoritarisme politique. L’éthique du travail disparaît vu qu’il n’y a pas de relation causale entre le travail et sa gratification.
Les pays d’islam sont soit des pétro-états, des pays à économie pétrolière mixte, ou des producteurs de biens primaires. Les pays à économie un peu plus diversifiée sont très rares (la Tunisie ?). Pour qu’un état rentier perdue, il faut qu’il soit très peu peuplé (ce qui est le cas des pays du Golfe) et que la rente reste toujours la même. Mais si cette rente est le pétrole, elle dépend également des fluctuations du marché international. De plus, les hydrocarbures et les biens primaires n’emploient pas beaucoup de main d’œuvre, du fait des techniques de modernisation de leur extraction, dans certains cas, les états importent massivement des travailleurs quasi-esclavagisés.
Certains ont comparé l’état rentier islamique moderne à l’état fiscaliste médiéval. Weber distinguait le féodalisme de bénéfices islamique (prébendier, basé sur les ponctions et les butins) du féodalisme de fiefs en Europe (basé sur la concession, la propriété seigneuriale et la fidélité).
Notons que la maladie de l’état rentier existe également en Amérique du Sud, qui a accouché d’une autre maladie : le caudillisme. Le caudillo est très souvent autoritaire, voire dictateur sanguinaire, et même quand il ne l’est pas (comme feu-Chavez), son pays n’échappe pas aux tares de l’état rentier.
@ Bannette
[C’est un sujet polémique, mais je te rejoins sur l’idée que certaines cultures valorisent le travail productif plus que d’autres, ou que certaines du moins sont un terreau pour l’amélioration de la productivité plus que d’autres. Es-tu un lecteur de Max Weber, l’auteur de L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme ?]
C’est drôle que vous le releviez, parce qu’en écrivant mon commentaire je pensais en fait aux travaux de Max Weber sur « l’esprit du capitalisme ». Effectivement, Weber complète Marx en faisant l’étude de la super-structure idéologique du capitalisme là où Marx s’était concentré sur la structure économique.
[La plus grosse tare des pays d’islam est que ce sont pratiquement tous des états rentiers.]
Je trouve cet éclairage intéressant. Effectivement, lorsqu’on réfléchit un peu, on voit que les pays qui exercent le rôle dirigeant dans les affaires arabes sont pratiquement tous des économies de rente. Dans une économie de production, le débat se centre autour de la légitimité de chacun pour réclamer une partie de la richesse produite. Dans une économie de rente, personne n’a de légitimité puisque personne ne produit. Le combat politique se réduit à se battre pour le partage d’un gâteau qui tombe du ciel.
[Certains ont comparé l’état rentier islamique moderne à l’état fiscaliste médiéval. Weber distinguait le féodalisme de bénéfices islamique (prébendier, basé sur les ponctions et les butins) du féodalisme de fiefs en Europe (basé sur la concession, la propriété seigneuriale et la fidélité). Notons que la maladie de l’état rentier existe également en Amérique du Sud, qui a accouché d’une autre maladie : le caudillisme. Le caudillo est très souvent autoritaire, voire dictateur sanguinaire, et même quand il ne l’est pas (comme feu-Chavez), son pays n’échappe pas aux tares de l’état rentier.]
Très bonne observation ! Je partage votre analyse…
En passant sur ce blog, et même si je ne partage pas toutes vos analyses,
je constate que votre article dit quelque chose, qu’il avance des arguments – assez clairs – et qu’il s’inscrit dans une vraie discussion.
C’est assez surprenant pour être signalé
Maintenant , je ne partage pas votre critique de l’Europe . Eurolâtre cela ne veut rien dire au fond, et vous ignorez deux points.
Vous ignorez d’abord que notre nation est aujourd’hui attaquée et menacée. Et que dans ce contexte le fait d’avoir réagi à partir de valeurs communes à l’Europe , avec le soutien spectaculaire des autres nations est un point extrêmement fort. Imaginez ce qu’aurait été le 7 Janvier si nous étions comme d’aucuns nous le demandent en train de quitter l’Euro … L’Europe telle qu’elle est – c’est à dire y compris avec ses technocrates-alibis-des grincheux – doit être un point d’appui dans ce combat
Deuxièmement , sur l’Euro vous êtes là encore unilatéral . On peut dire beaucoup de choses contre l’euro ( après tout c’est devenu LE sujet sur lequel celui qui n’a pas fait l’effort de comprendre se croira autorisé à dire n’importe quoi). Mais pas sur le plan comptable. D’un point de vue global et si l’on prend la zone dans son ensemble , l’Euro a fait gagné des milliards grâce à la baisse des taux, la hausse de la demande des pays endettés jouant en faveur de la croissance y compris pour l’allemagne. Imaginer sortir de l’Euro – surtout pour nous, c’est oublier cette "paille" …
Enfin, on ne peut pas comparer la politique de l’euro à la politique de Reagan. L’euro a toujours été restrictif pour la spéculation bancaire et c’est bien pour cela que la City a cherché à le faire tomber en s’appuyant sur les Grecs dans les années 2010/11 ( lesquels Grecs en ont profité pour faire du chantage en interne). Soros a même spéculé contre l’Euro en même temps qu’il proférait de sages conseils
Vous oubliez qu’il y a une constante depuis les années Reagan, c’est la proximité de fait entre les courants les plus spéculateurs de la finance et les courants les plus keynésiens dans les partis politiques. Les seconds crient pour la croissance c’est à dire pour la généralisation d’émission de crédits garantis par la Banque centrale et qui se transforment en opportunité intarissable pour les premiers
Mais chut ! il ne faut pas le dire. Cela déplairait aux milieux intellectuels français
@ claude roche
[En passant sur ce blog, et même si je ne partage pas toutes vos analyses, je constate que votre article dit quelque chose, qu’il avance des arguments – assez clairs – et qu’il s’inscrit dans une vraie discussion. C’est assez surprenant pour être signalé.]
Je vous remercie. Ce blog est une lourde charge, et elle est moins lourde quand le travail qu’on fait est reconnu…
[Eurolâtre cela ne veut rien dire au fond, et vous ignorez deux points.]
Bien sur que cela « veut dire quelque chose ». Le terme « eurolâtre » est formé à partir du mot « Europe » et du suffixe « -lâtre » qui désigne celui qui adore, celui qui rend culte. Le mot complet veut donc dire « celui qui adore, qui rend culte à l’Europe ». Il désigne les gens dont l’attachement à « l’idée européenne », à la « construction européenne » a un caractère acritique et quasi-religieux.
[Vous ignorez d’abord que notre nation est aujourd’hui attaquée et menacée.]
J’en suis au contraire tout à fait conscient. Mais je pense que nous ne voyons pas la menace au même endroit. Pourriez-vous préciser qui à votre avis « menace » aujourd’hui notre nation ?
[Et que dans ce contexte le fait d’avoir réagi à partir de valeurs communes à l’Europe , avec le soutien spectaculaire des autres nations est un point extrêmement fort.]
Quelles « valeurs communes à l’Europe » ? Je pense que vous vous racontez une histoire. La laïcité n’est pas une « valeur commune à l’Europe », pas plus que la liberté de blasphémer. Plusieurs pays européens ont encore inscrit dans leur droit – et certains dans leur pratique – un délit de blasphème. La majorité des pays européens a une religion d’Etat, et leurs gouvernements prêtent encore serment sur la bible. Le 11 janvier nous n’avons pas « réagi à partir de valeurs communes à l’Europe ». Nous avons réagi à partir de valeurs inscrites dans notre propre histoire.
[Imaginez ce qu’aurait été le 7 Janvier si nous étions comme d’aucuns nous le demandent en train de quitter l’Euro …]
Qu’est ce que cela aurait changé ? J’avoue que j’ai du mal à voir la différence. Le Danemark a reçu la solidarité de l’ensemble de la communauté internationale, et pourtant il ne fait pas partie de la zone Euro.
[L’Europe telle qu’elle est – c’est à dire y compris avec ses technocrates-alibis-des grincheux – doit être un point d’appui dans ce combat.]
L’Europe « doit » être plein de choses, et ces choses varient selon la personne avec laquelle vous discutez. Mais ne regardons pas ce que l’Europe « devrait » être, mais ce qu’elle est. En pratique, je ne vois pas en quoi l’Europe serait « un point d’appui dans ce combat » – ou dans n’importe quel autre. Pourriez-vous donner un exemple concret ou l’Europe ait servi de « point d’appui » ?
[D’un point de vue global et si l’on prend la zone dans son ensemble , l’Euro a fait gagner des milliards grâce à la baisse des taux, la hausse de la demande des pays endettés jouant en faveur de la croissance y compris pour l’Allemagne. Imaginer sortir de l’Euro – surtout pour nous, c’est oublier cette "paille"…]
Surtout pour l’Allemagne ! En effet, vous avez raison : l’Euro n’est pas une mauvaise affaire pour tout le monde, et l’endettement de l’ensemble des pays européens a permis de financer la réunification et la croissance de l’Allemagne. Seulement, cet argent emprunté, il va falloir le rendre. Vous oubliez aussi que les « milliards » que nous avons gagnés grâce à la baisse des taux, nous les avions payés au préalable pendant les dix ans de « franc fort » qui étaient un préalable nécessaire à la monnaie unique.
L’Euro a deux problèmes fondamentaux. Le premier, c’est que la parité fixe fait que les pays dont l’inflation sous-jacente est la plus importante voient leur compétitivité s’éroder, sans avoir le recours à la dévaluation pour compenser cet effet. J’ai décrit plusieurs fois en détail ce mécanisme, je ne rentre donc pas dans les détails sauf si vous le souhaitez. C’est ce mécanisme qui a provoqué la crise grecque, espagnole, portugaise, irlandaise et demain risque de provoquer une crise en Italie ou chez nous.
Le deuxième problème est que la zone euro ne constitue une zone monétaire optimale au sens de Mundell. Ce qui veut dire que quelque soit la politique monétaire pratiquée par la BCE, elle est trop restrictive pour les uns et trop laxiste pour les autres. C’est comme ça qu’on aboutit à une zone euro poussée à la déflation et à la croissance ridicule alors que le reste du monde a retrouvé la croissance. Il n’y a qu’à comparer la croissance de la zone euro avec la croissance des pays européens hors zone euro pour s’en convaincre.
[Enfin, on ne peut pas comparer la politique de l’euro à la politique de Reagan.]
Je ne me souviens pas d’avoir jamais dit pareille chose.
[L’euro a toujours été restrictif pour la spéculation bancaire et c’est bien pour cela que la City a cherché à le faire tomber en s’appuyant sur les Grecs dans les années 2010/11 ( lesquels Grecs en ont profité pour faire du chantage en interne). Soros a même spéculé contre l’Euro en même temps qu’il proférait de sages conseils]
Je ne comprends pas ce commentaire. En quoi l’euro aurait été « restrictif pour la spéculation bancaire » ? Les « bulles » financières ont été aussi importantes en zone euro qu’en dehors d’elle : pensez à l’effondrement bancaire en Irlande ou en Espagne.
[Vous oubliez qu’il y a une constante depuis les années Reagan, c’est la proximité de fait entre les courants les plus spéculateurs de la finance et les courants les plus keynésiens dans les partis politiques.]
Pourriez-vous donner quelques exemples ? J’ai l’impression que vous vous inventez des ennemis imaginaires. Je vois mal comment les keynésiens, qui sont généralement favorables au contrôle du crédit et à une intervention de l’Etat dans l’économie, pourraient être proches des « spéculateurs de la finance ».
[Les seconds crient pour la croissance c’est à dire pour la généralisation d’émission de crédits garantis par la Banque centrale et qui se transforment en opportunité intarissable pour les premiers]
J’aimerais que vous donniez quelques exemples. Je ne vois quels sont les keynésiens qui seraient « pour la généralisation d’émission de crédits garantis par la banque centrale ».D’abord, la banque centrale, par définition, émet de la monnaie et accorde des prêts, mais ça veut dire quoi « émettre des crédits » ? D’autre part, ce ne sont pas les keynésiens, mais les bons vieux orthodoxes comme Trichet ou Draghi qui ont décidé que la BCE prêterait massivement – et à taux très réduits – au système bancaire.
[Mais chut ! il ne faut pas le dire. Cela déplairait aux milieux intellectuels français]
Il ne faut pas le dire surtout parce que c’est faux.
Bonjour Descartes,
Je souhaitais vous interroger au sujet des fameuses "classes moyennes" au sujet desquelles vous vous exprimez fréquemment et qui sont dans les commentaires l’objet d’un débat.
Si j’ai bien compris votre analyse, la conquête des classes moyennes est un préalable indispensable, dans nos sociétés démocratiques et particulièrement en France, à la victoire politique.
Cela étant, pour ce faire, il convient d’aller dans le sens de leurs intérêts, ou plutôt, de ce qu’elles perçoivent comme étant leurs intérêts. Selon vous, et je partage votre analyse sur ce point, elles sont obnubilées par la situation présente, A. Finkielkraut parlant justement « d’ethnocentrisme du présent » en évoquant nos sociétés, et n’ont que peu d’intérêt pour le passé ou le futur.
Là est à mon sens le cœur du problème auquel nous sommes actuellement confrontés. De fait, de plus en plus précaires et sujettes, pour leurs franges les plus basses, à des turpitudes semblables à celles des classes populaires, les classes moyennes s’accrochent au système et tentent coûte que coûte de le défendre. Les gens de bien, aussi modestes soient-ils, demeurent les plus conservateurs, craignant, peut-être à raison, que la fin de l’euro et du cadre libre-échangiste européen, n’entrainent la perte ou la dévaluation de leurs avoirs.
En ça, pour les grands bourgeois tirant les ficelles et redistribuant quelques prébendes aux classes moyennes, l’euro a été une invention fantastique ; les classes moyennes leur sont désormais intrinsèquement liées, pour leur plus grand profit et à moindre frais.
Le cas grecque est certes intéressante, mais difficilement transposable à la France, notre situation économique restant à des années lumières de celle du pays des hellènes. Il faudrait des décennies de pourrissement et de destruction de notre économie pour que nous en arrivions à une situation comparable, situation qui inciterait les classes moyennes à un renversement des alliances et à une union de circonstance avec les classes populaires.
Dès lors, un tantinet pessimiste, je m’interroge et songe à une petite anecdote que je vais vous dépeindre en quelques mots.
Elu depuis mars dernier dans une ville moyenne de la banlieue cossue de l’ouest parisien, je participe depuis lors à bon nombre de manifestations publiques, parmi lesquelles, la sempiternelle galette des rois de début d’année. Cette petite réunion, davantage politique que municipale, avait un double objet : réunir les militants du parti de la circonscription (je précise que je ne suis pas encarté) et introniser « nos » candidats pour les futures élections cantonales. Je ne désirais pas particulièrement venir, mais j’étais curieux d’assister à cet événement, d’autant plus qu’un ancien ministre, responsable de la fédération départementale, nous honorait de sa présence.
Le jour venu, nous fûmes assez nombreux, pas loin d’une centaine, de toutes les villes environnantes. Bien sagement, nous écoutâmes l’ancienne ministre, future tête de liste du parti pour les régionales, qui nous formula un discours à la fois convenu, riche en poncifs et à l’argumentaire assez faible, du genre « il faut voter pour moi, au nom de l’alternance démocratique », « refuser les extrêmes et demeurer dans le cadre républicain », « faire de notre parti le parti des idées ». A moitié assommé par cette rhétorique lénifiante et vaporeuse, j’ai pour ainsi dire complètement décroché au bout de dix minutes, manquant par la même la fin du discours, et, chose plus embêtante, arrivant en retard dans la véritable ruée sur les galettes des rois. Je suis reparti le ventre et la tête bien vides.
Ce n’est toutefois pas là que réside l’essentiel, ou plutôt, ce qui m’a frappé. En effet, c’est la composition de notre assemblée, intégralement constituée de personnes âgées de plus de 60 ans. J’insiste sur ce point, 99% des gens présents étaient des retraités ou des gens bien installés, appartenant pour la quasi-totalité d’entre eux à la classe moyenne, notamment supérieure.
On parle souvent de fractures au sein du corps social français, certains ministres, au verbe assez lacunaire, évoque même l’idée d’un apartheid géographique et ethnique dans notre pays. Toutefois c’est une autre rupture, manifeste lors de cette rencontre, qui m’apparait aujourd’hui évidente : une rupture de nature générationnelle.
Tous, endormis ou attentifs, ont longuement applaudi le verbiage de l’ancienne ministre. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle défend avant tout leurs intérêts, qui ne sont manifestement pas les mêmes que ceux des plus jeunes citoyens. De fait, en quoi la faible inflation défendue par la BCE et le statuquo libéral sont-ils favorables à ceux qui ne détiennent aucun levier ?
Ainsi, je me demande comment sera-t-il possible de convaincre ces classes moyennes, égoïstes, tenantes de la petite France et obsédées par leur survie à court terme, qu’il est dans l’intérêt du plus grand nombre, à long terme du leur, de changer profondément la donne ? Faudra-t-il en arriver à une situation « Grecque », que leur propre progéniture soit touchée par la conjoncture économique pour qu’ils se réveillent ?
Les français dans leur plus grand nombre, c’est aujourd’hui évident, n’aspirent plus à la grandeur et se contentent de vivre tant que possible dans le présent, priant pour que leur situation ne se détériore pas davantage. Cet esprit, petit bourgeois et mesquin, a désormais complètement envahi notre classe politique, parasitant l’idée même d’une possible alternative.
Comment dépasser cette époque qui m’apparaît terriblement indépassable ?
Pour en revenir à ma petite histoire, réveillé trop tard, « assommé » par mes aînés, personne ne m’a attendu, je n’ai été bon qu’à ranger la salle une fois les « militants » partis. Ils avaient peur de ne pas avoir assez de dessert ; je n’ai rien eu à manger.
@ Bruno
[Je souhaitais vous interroger au sujet des fameuses "classes moyennes" au sujet desquelles vous vous exprimez fréquemment et qui sont dans les commentaires l’objet d’un débat.]
Allez-y, c’est un sujet qui me semble fondamental, et c’est pourquoi je reviens souvent sur ce blog. Mais avant de commencer, je rappelle que j’utilise une définition des « classes moyennes » qui n’est pas tout à fait celle utilisé par les sociologues (et c’est pourquoi je mets l’expression entre guillemets). Mon idée est de revenir à une définition fondée sur la place dans le système de production, et permettant donc d’utiliser les instruments d’analyse marxiste. Pour cela, je pars de l’idée que puisqu’il y a un groupe – le prolétariat – qui produit de la valeur pour son travail mais qui est rémunérée au dessous de la valeur qu’elle produit, et un autre groupe – la bourgeoisie – qui détient le capital et qui peut de ce fait encaisser la différence, il doit y avoir au milieu un groupe qui produit de la valeur par son travail mais détient un capital matériel et immatériel suffisant pour pouvoir récupérer l’intégralité de la valeur produite. C’est ce groupe-là que j’appelle « classes moyennes ».
[Si j’ai bien compris votre analyse, la conquête des classes moyennes est un préalable indispensable, dans nos sociétés démocratiques et particulièrement en France, à la victoire politique.]
Pas tout à fait. Dans nos sociétés démocratiques, un parti ne peut emporter la victoire que s’il jouit d’une base électorale qui soit sociologiquement suffisamment large. Les « classes moyennes », telles que je les ai défini, ne représentent à mon avis que 20% à 30% de la population. Il est donc en théorie possible de gagner sans elles. La difficulté, c’est que les classes moyennes contrôlent la fabrique des idées et les moyens de les diffuser. Or, pour gagner il faut aussi pouvoir conquérir l’hégémonie idéologique, chère à Gramsci…
[Cela étant, pour ce faire, il convient d’aller dans le sens de leurs intérêts, ou plutôt, de ce qu’elles perçoivent comme étant leurs intérêts. Selon vous, et je partage votre analyse sur ce point, elles sont obnubilées par la situation présente, A. Finkielkraut parlant justement « d’ethnocentrisme du présent » en évoquant nos sociétés, et n’ont que peu d’intérêt pour le passé ou le futur.]
Tout à fait. L’aristocratie et la bourgeoisie, dont le capital était transmis sans difficulté entre les générations, pense dans le long terme. Le capital des « classes moyennes » est en grande partie immatériel, et a besoin d’être reconstitué à chaque génération. D’où une polarisation plus grande sur le présent.
[les classes moyennes s’accrochent au système et tentent coûte que coûte de le défendre. Les gens de bien, aussi modestes soient-ils, demeurent les plus conservateurs, craignant, peut-être à raison, que la fin de l’euro et du cadre libre-échangiste européen, n’entraînent la perte ou la dévaluation de leurs avoirs.]
Justement, c’est là que les « classes moyennes » sont différentes aux « gens de bien ». Les « classes moyennes » craignent moins la dévaluation de leurs avoirs que la baisse de leur niveau de vie. Là encore, je pense qu’il y a un élément important qui curieusement rapproche la bourgeoisie du prolétariat : leur patrimoine – grand ou petit – est essentiellement matériel. Pour les « classes moyennes », c’est au contraire l’immatériel qui domine. Alors que la bourgeoisie et le prolétariat peuvent craindre la « dévaluation de leurs avoirs », les classes moyennes y sont beaucoup moins sensibles. Si elles défendent l’Euro et le libre-échange, ce n’est pas par peur de perdre leur patrimoine, mais par peur de perdre en niveau de vie. En effet, l’Euro et le libre-échange permettent aux « classes moyennes » de consommer des produits fabriqués là où c’est moins cher, en conservant un fort pouvoir d’achat puisque leurs emplois sont généralement non-délocalisables…
[En ça, pour les grands bourgeois tirant les ficelles et redistribuant quelques prébendes aux classes moyennes, l’euro a été une invention fantastique ; les classes moyennes leur sont désormais intrinsèquement liées, pour leur plus grand profit et à moindre frais.]
Tout à fait. Nous sommes gouvernés par l’alliance de la bourgeoisie et des « classes moyennes ». Et c’est la constante des politiques suivies ces trente dernières années que d’avoir sacrifié l’intérêt des couches populaires à cette alliance.
[Il faudrait des décennies de pourrissement et de destruction de notre économie pour que nous en arrivions à une situation comparable, situation qui inciterait les classes moyennes à un renversement des alliances et à une union de circonstance avec les classes populaires.]
Oui. On est bien partis pour ça, mais ce n’est pas pour demain…
[Ce n’est toutefois pas là que réside l’essentiel, ou plutôt, ce qui m’a frappé. En effet, c’est la composition de notre assemblée, intégralement constituée de personnes âgées de plus de 60 ans. J’insiste sur ce point, 99% des gens présents étaient des retraités ou des gens bien installés, appartenant pour la quasi-totalité d’entre eux à la classe moyenne, notamment supérieure.]
C’est partout pareil. Mais je ne crois pas qu’il faille voir une « rupture générationnelle ». C’est plutôt une question de temps libre. Pour les retraités, ce genre de grand messe ça fait toujours une sortie, et l’opportunité de revoir les copains. Les jeunes et les adultes ont d’autres choses plus intéressantes à faire avec leur temps que de participer à ce genre de cérémonie convenue.
[Tous, endormis ou attentifs, ont longuement applaudi le verbiage de l’ancienne ministre. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle défend avant tout leurs intérêts, qui ne sont manifestement pas les mêmes que ceux des plus jeunes citoyens.]
Je pense que vous sur-interprétez. Ce genre de meetings sont avant tout comparables à une messe. Tout le monde connaît le rituel et applaudit ou hue au bon moment. La fonction de ce genre de rencontres est d’abord sociale, pas politique.
[Ainsi, je me demande comment sera-t-il possible de convaincre ces classes moyennes, égoïstes, tenantes de la petite France et obsédées par leur survie à court terme, qu’il est dans l’intérêt du plus grand nombre, à long terme du leur, de changer profondément la donne ?]
Vous ne pouvez pas. C’est aussi simple que ça. Aucune classe sociale – au niveau individuel, c’est différent – ne se coupe jamais un bras au nom de « l’intérêt du plus grand nombre ». Si vous voulez les avoir avec vous, il faut construire un projet politique dans lequel elles se retrouvent. Or, dans la situation présente, il semble pratiquement impossible de trouver un projet qui serve en même temps les intérêts des « classes moyennes » et ceux des couches populaires, tant leurs intérêts sont contradictoires. Il faudrait que la situation se dégrade beaucoup pour que cela change.
[Faudra-t-il en arriver à une situation « Grecque », que leur propre progéniture soit touchée par la conjoncture économique pour qu’ils se réveillent ?]
L’expérience semble montrer que oui.
[Les français dans leur plus grand nombre, c’est aujourd’hui évident, n’aspirent plus à la grandeur et se contentent de vivre tant que possible dans le présent, priant pour que leur situation ne se détériore pas davantage. Cet esprit, petit bourgeois et mesquin, a désormais complètement envahi notre classe politique, parasitant l’idée même d’une possible alternative.]
Oui. Mais comme le signale Alain-Gérard Slama, cela s’est déjà produit. La France connaît régulièrement un mouvement de balancier entre ce que Slama appelle « notre surmoi républicain » qui vise la grandeur et cette mesquinerie de repli sur le « petit » que vous signalez.
[Pour en revenir à ma petite histoire, réveillé trop tard, « assommé » par mes aînés, personne ne m’a attendu, je n’ai été bon qu’à ranger la salle une fois les « militants » partis. Ils avaient peur de ne pas avoir assez de dessert ; je n’ai rien eu à manger.]
Un conseil de vieux militant : dans ces affaires, il faut toujours garder les yeux sur ce qui est vraiment important. C’est-à-dire, le buffet.
[Là encore, je pense qu’il y a un élément important qui curieusement rapproche la bourgeoisie du prolétariat : leur patrimoine – grand ou petit – est essentiellement matériel. Pour les « classes moyennes », c’est au contraire l’immatériel qui domine. Alors que la bourgeoisie et le prolétariat peuvent craindre la « dévaluation de leurs avoirs », les classes moyennes y sont beaucoup moins sensibles]
C’est certainement évident, mais j’ai toutefois un petit doute, pourriez-vous s’il vous plaît m’expliquer la différence entre le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel? En quoi celui du prolétariat est-il matériel et celui des classes moyennes immatériel? Merci
@ bruno
[C’est certainement évident, mais j’ai toutefois un petit doute, pourriez-vous s’il vous plaît m’expliquer la différence entre le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel?]
Le capital matériel est constitué des biens patrimoniaux, échangeables sur le marché, et susceptibles de produire un revenu. Ce sont les bâtiments, les terrains, les machines, les matières premières, mais aussi les logements, les brevets, les titres financiers…
Le capital immatériel est constitué des éléments susceptibles de produire un revenu mais qui ne sont pas séparables de la personne qui les possède. Ainsi, les connaissances (a ne pas confondre avec les diplômes, qui ne sont qu’un mode de certification), les savoir-faire, les savoir-être, mais aussi les réseaux familiaux ou le carnet d’adresses.
La richesse de la bourgeoisie est bâtie sur le capital matériel. Le prolétariat vit de la vente de sa force de travail, et son patrimoine – qui ne constitue pas un capital – se réduit en général à des éléments matériels tels que la voiture ou le logement. Mais la richesse des classes moyennes est bâtie essentiellement sur la fructification de son « capital immatériel ». Qu’est ce qui fait qu’un médecin ou un avocat sont payés plus qu’un infirmier ou une secrétaire ? Ce sont leurs connaissances, leurs savoir… et leurs réseaux !
Merci Descartes!
Pour en revenir à nos "classes moyennes", je lisais récemment un article du Monde Diplomatique (journal non exempts de défauts, mais recelant parfois de bons papiers) dans lequel (http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/MISCHI/51938) étaient évoqués les changement importants intervenus au sein du PCF depuis les années 90 et sa "refondation", en premier lieu desquels, l’adaptation de son discours aux classes moyennes.
Le parti, désormais peuplé, tant à la base, qu’au sommet, de personnes issues de cette catégorie sociale, a perdu toute assise populaire.
Vous qui semblez bien connaître le PCF, pourriez-vous m’expliquer pourquoi et comment il est devenu une sorte d’annexe du PS, un tantinet plus libertaire? Pourquoi le discours sur la lutte des classes, toujours d’actualité mais éludé, a-t-il été oublié? Comment ce parti, prédominant pendant des décennies a-t-il pu s’effondrer au point de renier toute pensée propre et préférer le sans-papier à l’ouvrier? (Je schématise grossièrement)
Je devine une partie des réponses mais souhaiterais avoir l’avis d’une personne au fait des choses.
Enfin, face à l’invasion de la politique par les classes moyennes, n’y aurait-il pas une place à prendre, pour un grand parti, dirigé et plébiscité par les classes populaires?Une telle option est-elle seulement réaliste? Quel pourrait dès lors être son discours? (En son bon temps, accusait-on le PCF d’être "populiste"?)
PS : j’aimerais aussi avoir votre avis sur le papier du Diplo.
Merci d’avance pour vos réponses à mes trop nombreuses et disparates questions. Ça cogite en ce moment…
@ Bruno
[Pour en revenir à nos "classes moyennes", je lisais récemment un article du Monde Diplomatique (journal non exempts de défauts, mais recelant parfois de bons papiers)]
Alors, ils sont bien « recelés »… franchement, je ne supporte pas le Monde Diplo, avec son côté soixante-huitard, manichéen, bienpensant et pleurnichard. Et surtout, avec sa mauvaise mémoire… j’y reviendrai plus bas.
[Vous qui semblez bien connaître le PCF, pourriez-vous m’expliquer pourquoi et comment il est devenu une sorte d’annexe du PS, un tantinet plus libertaire? Pourquoi le discours sur la lutte des classes, toujours d’actualité mais éludé, a-t-il été oublié? Comment ce parti, prédominant pendant des décennies a-t-il pu s’effondrer au point de renier toute pensée propre et préférer le sans-papier à l’ouvrier? (Je schématise grossièrement)]
Vous me demandez une réponse qui nécessiterait un livre… schématiquement, les partis communistes les plus puissants d’Europe occidentale – que ce soit en Espagne, en Italie ou en France – se sont « dissous » à partir de la fin des années 1970 dans un processus assez parallèle. Il est difficile donc d’attribuer cette « dissolution » à des choix stratégiques désastreux de tel ou tel dirigeant, ou des causes endogènes. Ces trois partis communistes ont d’ailleurs fait des choix diamétralement opposés… et tous ont donné des résultats désastreux. Il faut donc chercher les explications dans une transformation des sociétés dans lesquelles ces partis se sont développés, et qui ont rendu ces organisations obsolètes.
La plus évidente de ces transformations a été l’individualisation des sociétés occidentales, rendu possible d’abord par un enrichissement général, par l’élévation du niveau d’éducation et par le développement des technologies de l’image et du son. Les formes de solidarité et de sociabilité anciennes, si présentes dans le mouvement communiste, sont devenues tout à coup obsolètes. La deuxième transformation, et peut-être la plus importante, a été la dévalorisation du travail, devenu surabondant avec l’augmentation de la productivité et le développement du libre-échange. La dévalorisation du travail a permis la dévalorisation de la couche sociale qui retire du travail sa légitimité sociale.
[Enfin, face à l’invasion de la politique par les classes moyennes, n’y aurait-il pas une place à prendre, pour un grand parti, dirigé et plébiscité par les classes populaires ? Une telle option est-elle seulement réaliste ?]
Posez la question à Florian Philippot. Je pense qu’il a une idée là-dessus… Oui, bien sur, il y a une place à prendre… et elle a été prise, aujourd’hui, par le FN.
[Quel pourrait dès lors être son discours ? (En son bon temps, accusait-on le PCF d’être "populiste"?)]
Bien sûr, même si le terme était plutôt « ouvriériste », mais au fond le reproche était le même. Un parti qui s’adresse aux classes populaires ne peut avoir un « discours » qui ignore les problèmes quotidiens de ces classes. Ceux-ci sont d’abord économiques : chômage, conditions de travail, salaires, retraites. Mais aussi ceux qui font à la vie quotidienne : école, cadre de vie, sécurité. Mais pour emporter l’adhésion, pour aspirer à représenter les couches populaires, il faut pouvoir intégrer les questions du quotidien dans une vision du monde, dans une « cosmogonie » qui leur donne un sens. Cela suppose de les mettre en relation avec les grandes valeurs de notre histoire : la solidarité, la souveraineté, la liberté, l’égalité, la fraternité, la nation…
Le PCF n’a pas réussi cette synthèse du premier coup. Dans les années 1920, c’était encore un groupuscule. C’est à la fin des années 1930 et surtout dans les combats de la Résistence que le PCF réussit la « synthèse du drapeau rouge et du drapeau tricolore »…
[PS : j’aimerais aussi avoir votre avis sur le papier du Diplo.]
Comme rappel factuel, il n’est pas mal. Il présente aussi un certain nombre de mécanismes à l’œuvre, en particulier celui qui a conduit à la mainmise des élus sur le Parti. Mais il reste dans la logique d’une déchéance qui serait le résultat de choix politiques de ses dirigeants, alors qu’on peut remarquer que l’ensemble des partis communistes occidentaux a suivi la même pente descendante malgré des choix tactiques et stratégiques très différents.
[Vous me demandez une réponse qui nécessiterait un livre….]
Si vous avez une référence, je suis preneur!
[Oui, bien sur, il y a une place à prendre… et elle a été prise, aujourd’hui, par le FN.]
Je comprends bien la logique. Cependant, quand le FN exprime ses idées, à mon sens bénéfiques pour une bonne partie des classes populaires, il est immédiatement ostracisé, car : "non-républicain". Pensez-vous que derrière cette étiquetage il y a un fond de cynisme de la part de ce que j’appelle le "Front des Copains", qui se fout pas mal des classes populaires, ou ça ne va même pas chercher aussi loin? J’ai l’impression que lesdits copains préfèrent la moral à la politique, c’est plus simple. On tente de faire culpabiliser les "petites gens" pour garder la place en somme.
@ Bruno
[Vous me demandez une réponse qui nécessiterait un livre….][Si vous avez une référence, je suis preneur!]
J’aimerais bien… mais malheureusement ce livre reste à écrire. Il faudrait qu’un historien sérieux prenne l’affaire en main et fasse un travail d’historien. Pour le moment, il n’y a que des ouvrages écrits par les témoins « engagés » qui, c’est logique, racontent les événements en sélectionnant leurs souvenirs de manière à aboutir à une conclusion qui les arrange.
[Je comprends bien la logique. Cependant, quand le FN exprime ses idées, à mon sens bénéfiques pour une bonne partie des classes populaires, il est immédiatement ostracisé, car : "non-républicain".]
Le PCF aussi l’a été de son temps. On a oublié ce qu’a pu être le « maccarthisme français » pendant la guerre froide, l’anticommunisme virulent des « libéraux-libertaires » de la fin des années 1960 à la fin des années 1970, puis le « second maccarthisme » des années Mitterrand-Reagan-Thatcher. On a oublié ce qu’étaient les provocations anticommunistes des années 1980 : pour ne donner qu’un exemple, Christine Ockrent recevant comme invité vedette du 20 heures de TF1 le mystérieux « fabien », soi-disant membre du Bureau politique du PCF – on sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’un journaliste – témoignant à visage caché et voix déformée des prétendus conflits violents entre ses membres. Mais il y a deux affaires qui sont particulièrement intéressantes : celle dite du « bulldozer de Vitry », et la campagne du maire communiste de Montigny-les-Cormeilles pour chasser une famille qui faisait du trafic de drogue d’une cité. Ces affaires ont donné lieu à des campagnes médiatiques qui frappent par leur ressemblance avec certains reproches qui sont formulés aujourd’hui contre le Front National. C’est cette ressemblance qui me conduit à me demander si ces accusations de « non-républicanisme » ne cachent pas en fait une opposition de classe que de « valeurs »…
[Pensez-vous que derrière cette étiquetage il y a un fond de cynisme de la part de ce que j’appelle le "Front des Copains", qui se fout pas mal des classes populaires, ou ça ne va même pas chercher aussi loin?]
Je préfère éviter les procès d’intention. Certains sont cyniques certainement, d’autres sont probablement véritablement convaincus de ce qu’ils disent. Il ne faut pas sous-estimer la capacité d’une classe sociale a générer une idéologie qui permet de déguiser la poursuite d’intérêts particuliers non seulement vis-à-vis du reste de la société, mais vis-à-vis des individus concernés eux-mêmes…
[J’ai l’impression que lesdits copains préfèrent la moral à la politique, c’est plus simple. On tente de faire culpabiliser les "petites gens" pour garder la place en somme.]
Même si ce n’est pas l’intention, c’est bien le résultat auquel on aboutit. A Vitry, on a crucifié le maire – communiste – qui refusait qu’on installe sur sa commune, déjà très pauvre, un foyer de pauvreté supplémentaire sous la forme d’un foyer pour travailleurs immigrés. Bien évidement, personne n’est allé reprocher au maire de Neuilly la même chose, tout simplement parce qu’il n’a pas eu besoin de refuser. Personne ne lui a proposé, vu le prix des terrains. Mais in fine, ce sont les pauvres qui ont « mauvaise conscience » de refuser, alors que les riches peuvent avec une parfaite bonne conscience s’imaginer qu’ils n’ont rien réfusé.
@ Descartes,
Bonsoir,
[Posez la question à Florian Philippot. Je pense qu’il a une idée là-dessus… Oui, bien sur, il y a une place à prendre… et elle a été prise, aujourd’hui, par le FN.]
Et à vous je pose la question: pensez-vous qu’une masse importante ( près de 30 % du corps électoral peut-être) aussi hétéroclite que les électeurs du FN peut demeurer très longtemps dans une organisation frisant la secte familiale – pas une tête qui dépasse! – sans exiger une réponse viable à ses attentes et un minimum de démocratie interne? l’éclatement prévisible se recomposerait comment et derrière qui, à votre avis ?
@ Marcailloux
[Et à vous je pose la question: pensez-vous qu’une masse importante ( près de 30 % du corps électoral peut-être) aussi hétéroclite que les électeurs du FN peut demeurer très longtemps dans une organisation frisant la secte familiale – pas une tête qui dépasse! – sans exiger une réponse viable à ses attentes et un minimum de démocratie interne?]
D’abord, il faut dire que la « démocratie interne », dans un parti, ne concerne pas le « corps électoral » mais les militants. Ce sont eux qui, dans un parti doté d’institutions démocratiques, élisent leurs dirigeants et approuvent ou non les programmes. Il ne faut donc pas confondre le rapport qu’entretien un militant avec son parti que celui qu’entretien l’électeur.
Personnellement, je ne crois pas que la question de la démocratie se pose dans un parti dans les mêmes termes qu’elle se pose dans un Etat. La raison est que l’appartenance à un parti est facultative, alors que l’appartenance à un Etat est obligatoire. Si je ne suis pas content avec la manière dont le parti auquel j’appartiens est dirigé, je rends ma carte et c’est fini. Je ne suis plus soumis à ses règles, je ne suis plus tenu à payer mes cotisations. Et je ne suis pas obligé a adhérer à un autre parti. Par contre, je ne peux quitter mon Etat qu’en me soumettant à un autre, et tant que je reste je ne peux m’affranchir de ses lois ou refuser de payer mes impôts.
Il s’ensuit que même dans les partis ou les règles de la démocratie formelle ne sont pas respectées, les militants – et aussi les électeurs – ont un pouvoir certain sur leurs dirigeants, puisqu’ils peuvent toujours voter avec les pieds. Un dirigeant de parti ne peut rester sourd aux revendications de ses militants et de ses électeurs, puisqu’il a besoin d’eux. Un parti politique est donc toujours « démocratique ».
Par ailleurs, je ne suis pas du tout persuadé que dans le FN aujourd’hui « pas une tête ne dépasse ». Au contraire, on voit à l’intérieur du FN une lutte de factions permanente qui voit s’affronter un frontisme « sudiste » et un frontisme « nordiste », un frontisme « tradi » contre un frontisme « moderniste »… et cela n’est pas nouveau. L’extrême droite française n’a rien à envier à son pendant gauchiste en termes de fragmentation en fractions factieuses… Par ailleurs, le FN est plus une organisation dynastique qu’une « secte familiale ». En fait, avec l’effacement du patriarche fondateur du royaume, les héritiers putatifs ont une fonction plus symbolique que réelle. Ce n’est pas le cas pour Marine Le Pen, qui a montré être une « bête politique » avec des convictions propres, mais dans le cas de Marion Maréchal-Le Pen, c’est clairementle cas : elle n’est que l’emblème autour duquel se regroupent les « tradis »…
[l’éclatement prévisible se recomposerait comment et derrière qui, à votre avis ?]
Je ne sais pas. Je ne connais pas suffisamment le FN pour savoir ou sont les lignes de fracture. Et je ne suis pas si sur que « l’éclatement » soit aussi « prévisible » que vous le pensez. Regardez le PS : qu’est ce qui réunit les « sociaux libéraux » genre Delors ou Valls et la « vraie gauche » genre Filoche, Montebourg ou Hamon ? Qu’est ce qu’il y a de commun entre le droitier Le Foll et le gauchiste Dray ? Et pourtant, ces gens-là restent ensemble, parce qu’ils savent qu’ils ont chacun personnellement plus à gagner à rester dans le char qu’à redescendre. Pour le FN, c’est la même chose : plus le Front aura des élus et du pouvoir, et moins ses dirigeants auront intérêt à faire cavalier seul.
@ Descartes
Bonjour,
[ pensez-vous qu’une masse importante ( près de 30 % du corps électoral peut-être) aussi hétéroclite que les électeurs du FN peut demeurer très longtemps dans une organisation frisant la secte familiale ]
Je n’aurai pas du, pour respecter mon idée, utiliser ” dans une organisation ” mais ” fidèle à une organisation “.
Ce que mon propos insinuait en filigrane, c’est qu’à l’instar de ce qui se passe en Italie, en Grèce, au Portugal, au Royaume Uni, en Belgique où les dirigeants de ces pays ont été élus ou désignés à 38, 39, 40 ans ou quelques années de plus, le besoin d’un renouveau tant en matière de politique que de personnel politique est en train de se faire sentir de manière impérieuse.Les partis traditionnels sont en train de se dissoudre et des recompositions sont probablement dans les cartons des “quadras”. Le FN ne pouvant durablement se maintenir au niveau où il est avec un programme manquant cruellement de cohérence – en tout cas à mes yeux – réceptacle de tous les mécontentements, F. Philipot ne m’étonnerait pas s’il pariait sur la scission du FN en un courant traditionaliste derrière les inconditionnels de ce parti et un courant progressiste associé aux dissidents-frondeurs de l’UMP et aux nationalistes de tous poils, en se présentant comme le recours gaullien dans l’esprit du temps qui favorise la jeunesse des dirigeants suprêmes face à l’expérience hésitante et erratique des dirigeants actuels. Il n’a que 33 ans et en 2022 il aura 41ans. Plus tard, c’est trop tard, il sera un “vieux” au train où vont les choses.
Plus tôt, c’est à dire en 2017, il lui faut se positionner en n°1 s’il veut – et je suis sûr que ça le démange – se donner des chances élyséennes. Et n°1 de quoi, à votre avis? Surement pas du FN tel qu’il est.
@ Descartes
[La plus évidente de ces transformations (ayant mené au déclin des PC) a été l’individualisation des sociétés occidentales, rendu possible d’abord par un enrichissement général, par l’élévation du niveau d’éducation et par le développement des technologies de l’image et du son.]
Vous pouvez nous en dire un peu plus sur le lien entre “individualisation” et “développement des technologies de l’image et du son” ?
Pour les deux autres causes alléguées (“enrichissement général” et “élévation du niveau d’éducation”), je vois à peu près le rapport – encore que, pour l’élévation du niveau d’éducation, ceci sous-entend qu’un PC ne pourrait prospérer que parmi un peuple peu éduqué : merci de nous dire, là aussi, ce que vous en pensez.
@ Marcailloux
[Ce que mon propos insinuait en filigrane, c’est qu’à l’instar de ce qui se passe en Italie, en Grèce, au Portugal, au Royaume Uni, en Belgique où les dirigeants de ces pays ont été élus ou désignés à 38, 39, 40 ans ou quelques années de plus, le besoin d’un renouveau tant en matière de politique que de personnel politique est en train de se faire sentir de manière impérieuse.]
Comme disait ce cher Racine, « aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années ». Si un « besoin de renouveau » s’en fait sentir, c’est un renouveau des politiques plutôt qu’un renouveau du « personnel politique ». Je crains que « l’élection de dirigeants de 38, 39 ou 40 ans » ne soit qu’une nouvelle illustration de la formule utilisée par Lampedusa : « changer tout pour que rien ne change ». On répond à l’exigence d’un changement de politique par un changement du personnel politique censé faire illusion. Pensez-vous que le remplacement du sexagénaire Moscovici par le quadragénaire Macron ait répondu au « besoin impérieux » de renouveau ?
Il ne faudrait pas se laisser obnubiler par le jeunisme ambiant. Le conformisme est de tout âge. J’irais même plus loin : avec l’âge vient un certain détachement qui permet d’emprunter des voies nouvelles. Les « jeunes » politiciens de 1940 étaient pour une large part pétainistes, pour les raisons qu’a si bien expliqué Mitterrand dans son entretien avec Elkabbach : « j’étais jeune, j’étais ambitieux, et c’est là que se trouvait le pouvoir ». De Gaulle, en 1940, avait 50 ans. Churchill en avait 64. Staline en avait 61. Cela ne les a pas empêché, chacun à sa manière, de faire face avec succès à une situation totalement inédite. Des jeunes hommes de « 38, 39, 40 ans » auraient ils fait mieux ? J’en doute. En tout cas, aucun n’a surgi.
[Les partis traditionnels sont en train de se dissoudre et des recompositions sont probablement dans les cartons des “quadras”.]
Encore une fois, c’est quelque chose dont on nous bassine depuis 1968. Et la prédiction ne s’est jamais réalisée. Les diverses groupes de « quadras » en qui nos élites médiatico-politiques on déposé successivement leurs espoirs se sont piteusement plantés. Où sont les Michel Noir, les François Léotard, les Harlem Désir, les Julien Dray ?
La « dissolution des partis traditionnels » – qui n’ont rien de « traditionnels », j’y reviendrai – est une constante de la politique française. Pensez à la déliquescence de la SFIO de la fin des années 1950 au début des années 1970. Pensez à l’atomisation de la droite, avec un parti « gaulliste » qui sombre dans ses querelles internes pour renaître périodiquement, et une nébuleuse de partis centristes qui essayent à chaque élection d’avoir la peau de mongénéral. En fait, il n’y a guère en France de « partis traditionnels ». Les deux grands partis de gouvernement n’ont finalement que quarante ans pour l’un, moins de vingt ans pour l’autre. Si on laisse de côté le PCF, aucun des partis politiques qui siégeaient à l’assemblée constituante de 1946 n’existe aujourd’hui. Quand on pense que les partis démocrate et républicain aux Etats-Unis sont fondés sous leur forme moderne respectivement en 1828 et 1854, que les partis libéral, travailliste et conservateur anglais datent respectivement de 1830, 1900 et 1834 respectivement, que les partis social-démocrate, libéral-démocrate et chrétien-démocrate allemands datent de 1875, 1945 et 1948, on voit tout de suite la différence…
[Le FN ne pouvant durablement se maintenir au niveau où il est avec un programme manquant cruellement de cohérence – en tout cas à mes yeux – réceptacle de tous les mécontentements, F. Philipot ne m’étonnerait pas s’il pariait sur la scission du FN en un courant traditionaliste derrière les inconditionnels de ce parti et un courant progressiste associé aux dissidents-frondeurs de l’UMP et aux nationalistes de tous poils (…)]
Je ne puis lire dans les pensées de Philippot, mais s’il parie sur une scission, pourquoi fait-il alors tout son possible pour l’éviter ? Il y a deux manières de gérer une organisation. Il y a la manière « groupusculaire », dans laquelle on cherche l’homogénéité idéologique – certains diront la « pureté » – du parti quitte à faire partir ceux qui seraient en désaccord par le biais d’épurations ou de scissions successives. Et il y au contraire ceux qui cherchent à constituer une organisation de masse, ce qui implique nécessairement de faire coexister à l’intérieur et de la manière la plus pacifique possible des gens qui peuvent être en désaccord plus ou moins profond sur tel ou tel point mais qui acceptent pourtant de tirer dans la même direction. La logique « groupusculaire » fabrique des partis de témoignage, capables de porter intellectuellement une idée mais incapables d’accéder et d’exercer le pouvoir, puisque l’accès et l’exercice du pouvoir impliquent la constitution d’une base politique suffisamment large, et qu’on ne connaît pas d’exemple historique d’une base large et homogène.
La ligne de Philippot a toujours été de préserver le fragile équilibre entre les factions et les fractions du FN. S’il n’hésite pas à faire entendre sa petite musique « chévenementienne » souvent à cent quatre vingt degrés de la rhétorique traditionnelle du FN, il évite soigneusement tout ce qui pourrait provoquer un « clash » avec les « tradis » et fait même de temps en temps des concessions de langage qui semblent destinées à garder tout le monde à bord. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne cherche pas l’affrontement. J’en déduis qu’il a choisi d’éviter la politique « groupusculaire » si prisée par la « gauche radicale ».
[(…) en se présentant comme le recours gaullien dans l’esprit du temps qui favorise la jeunesse des dirigeants suprêmes face à l’expérience hésitante et erratique des dirigeants actuels.]
Il ne faut pas confondre l’esprit de la caste médiatique et l’esprit du temps. Les journalistes ont beau se pâmer sur les dirigeants de 40 ans, les français ne semblent pas dans leur ensemble être sur cette ligne. Qui est le politicien le plus populaire aujourd’hui ? Alain Juppé, avec ses 70 ans. La ministre la plus populaire du gouvernement ? Les français hésitent entre Ségolène Royal, 61 ans et Christiane Taubira, 62.
[Il n’a que 33 ans et en 2022 il aura 41ans. Plus tard, c’est trop tard, il sera un “vieux” au train où vont les choses. Plus tôt, c’est à dire en 2017, il lui faut se positionner en n°1 s’il veut – et je suis sûr que ça le démange – se donner des chances élyséennes. Et n°1 de quoi, à votre avis? Surement pas du FN tel qu’il est.]
Je ne crois pas que Philippot songe à être « N°1 ». Je pense qu’il est trop intelligent pour cela.
@ Anne Iversaire
[Vous pouvez nous en dire un peu plus sur le lien entre “individualisation” et “développement des technologies de l’image et du son” ?]
Le développement des technologies de l’image et du son a un effet important sur le mode de relation entre les gens. Pour le dire en des termes très crus, les « nouveaux médias » ont tué l’art de la conversation. La pratique qui consistait à s’asseoir autour d’une table pour discuter se trouve chaque fois plus marginalisée par rapport aux heures que nous passons devant un écran à nous divertir. Prenez le train, et vous verrez le phénomène en direct : il y a quelques années, on entendait des gens discuter. Aujourd’hui, chacun sort son ordinateur ou sa console de jeux, et le silence règne.
Cette mutation a tué en grande partie le débat politique. Parce que le débat implique que l’échange soit encadré de certaines formes d’attention et de respect qui ne se développent qu’à travers le face-à-face. Vous me direz que les nouveaux moyens de communication permettent un échange plus facile. C’est vrai, mais cet échange, parce qu’il se fait anonymement, ne construit pas ces formes. On s’injurie beaucoup sur la toile, mais en fait on échange très peu. Et cela se sent dans les réunions politiques : les générations « modernes » ne savent pas échanger. Elles n’ont ni l’attention, ni les instruments rhétoriques.
[(…) encore que, pour l’élévation du niveau d’éducation, ceci sous-entend qu’un PC ne pourrait prospérer que parmi un peuple peu éduqué]
Ce n’est pas tout à fait cela. A une époque où la population ouvrière avait un très faible niveau d’éducation – soit du fait de l’entrée précoce dans la vie active, soit du fait de l’immigration – le PCF assumait une fonction d’éducateur. C’est par son intermédiaire – et à travers des structures qu’il contrôlait – qu’on accédait à l’histoire, à la poésie, aux sciences… et même pour certains à la langue française. Il est clair que le PCF ne peut plus jouer ce rôle dans un contexte où les enfants toutes classes confondues reçoivent un enseignement jusqu’à seize ans.
Il est donc excessif de dire que « un PC ne pourrait prospérer que parmi un peuple peu éduqué ». Mais il est par contre exact que le PCF, tel qu’il s’est construit dans les années 1940, ne peut prospérer dès lors que la classe ouvrière devient plus riche et plus éduquée. Le PCF l’a d’ailleurs bien compris, même s’il n’a pas trouvé un modèle alternatif qui fonctionne. D’ailleurs, était-ce possible ? Je ne sais pas.
claude roche
Vous ne comprenez pas ce que je dis sur la spéculation… Je m’en doutais ! . Le nombre de gens qui hurlent contre la spéculation tout en lui servant la soupe est un grand prodige par Toutatis ! Dont vous , je me permets de vous le faire remarquer ..
Explication Quittez votre prétention macroéconomique : ces discours sont des leurres qui ont marché il y a 100 ans mais plus actuellement . Dans la situation actuelle le vrai déficit en Europe est le déficit d’entreprises, d’entrepreneurs et de demande d’investissement. Le reste c’est de la littérature . Ce déficit est criant chez nous, moins fort dans les pays libéraux ( c’est ce que l’Espagne essaie de dénouer d’ailleurs)
Partant de là toute politique monétaire dite non néolibérale – en gros celle que les démagogues appellent de leur vœu – a pour effet quasi unique de maximiser les opportunités des banques, lesquelles banques empruntent à des taux quasi négatifs à la BCE pour placer ailleurs : cela s’appelle en partie du carry trade. C’est la raison pour laquelle les actions montent en Europe aujourd’hui ( merci la gauche d’ailleurs car j’avais justement besoin d ‘argent ! ) Draghi a donné cette opportunité qui permettra un très léger sentiment de croissance ( cela s’appelle l’effet Pigou) .. à quoi il faut adjoindre la montée du tirage de la presse de gauche qui pourfendra l’enrichissement sans création d’emplois qu’elle aura elle-même encouragée.
Mais avec un très faible regain d’investissement dans les pays qui ne s’en sont pas donné les moyens : nous ou la Grece.
De façon plus générale, c’est cette question financière qui explique les tensions récurrentes entre Wall Street , la City et l’Allemagne ( que vous semblez ignorer ) , laquelle Allemagne a toujours privilégié son investissement industriel contre l’investissement financier. C’est aussi la raison pour laquelle la City s’est opposée à l’Euro et a tenté de le faire tomber en 2011 ( avec le soutien de tous les anti eurolâtres ). Et si vous êtes fonctionnaire et reconnaissant vous devriez tous les mois d’Automne vous écrier : “Merci M Sarkozy d’avoir réussi à avoir fait plier les hedge fonds ( fonctionnaire vous n’êtes pas sans savoir que vos salaires d’automne sont désormais payés grâce à lui). Mais la reconnaissance en politique c’est assez rare..
Mais tout cela les français l’ignorent et vous visiblement aussi. Je vous conseille à ce propos de suivre un peu “the economist” . Et à chaque fois que la City tousse, vous le remarquerez, la gauche française lui emboite le pas .. par bêtise, certes, mais c’est comme cela
Maintenant vous ne m’avez pas répondu au bilan comptable de l’Euro. Ce que vous en dites est totalement impressionniste. Vous oubliez que l’Euro c’est environ – 5% en moins pour les taux d’intérêt dans les pays du Sud, et donc un gain considérable qui se chiffre en centaines de milliards d’Euro. Cela s’analyse comme un transfert massif de l’épargne du Nord vers les pays du SUD – à côté duquel les gains en part de marché de l’Allemagne sont à la fois faibles et surtout aléatoires. Les opinions pays du Sud ont reçu le message 5 / 5 : ce sont elles les plus chaudes partisanes pour rester dans l’Euro, car elles ont lié la montée de leur niveau de vie à l’euro ( le chômage c’est pour les autres quand on est “protégé”). Ne confondez donc pas la position revendicatrice ( salauds d’allemands payez à notre place !) et la position politique ( je vais sortir de l’Euro.) Mais ce point là je crois que vous l’avez pointé : Tsipas ne sortira pas de l’Euro son peuple ne lui pardonnerait pas.
Le seul risque pour l’euro c’est celui qui fait trembler nos ministres et hauts fonctionnaires – mais bien sûr sans qu’on vous le dise. . C’est que l’Allemagne se retire de l’Euro. C’est ce risque qui explique l’attitude de Hollande dès le début de son élection. Mais on n’en parlera pas, parce que cela n’est payant ni auprès des électeurs ni auprès des intellectuels ( dame ! les profs d’économie sont aux 3/4 des anti-euro ) . On préfèrera vous parler de trahison et autres balivernes
Dommage que vous aussi rentriez dans le panneau
PS : je connaissais vaguement le terme “eurolâtres” , mais si votre définition est la bonne vous risquez de chercher loin les eurolâtres. L’Europe est le cas typique de la construction rationnelle, bâtie sur cette idée elle aussi de raison que laissées à elles-mêmes les Nations d’Europe se battraient entre elles ( cela semble un peu votre souhait). IL n’y a pas d’eurolâtres, car l’Europe n’a ni cherché, ni cultivé le moindre sentiment affectif . C’est d’ailleurs ce qu’on peut lui reprocher
. C’est ce qu’a fait M Draghi
C’est d’ailleurs ce qu’on reproche aux Keynésiens: à force de raisonner en macro économistes , ils oublient les comportements microéconomiques : ainsi l’Euro a plus servi les pays du Sud que du Nord – beaucoup on, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils y sont viscéralement attachés
C’est bien ce que je vous reproche, comme à beaucoup de keynésiens.
La presse française à
@ claude roche
[Le nombre de gens qui hurlent contre la spéculation tout en lui servant la soupe est un grand prodige par Toutatis ! Dont vous, je me permets de vous le faire remarquer…]
Franchement, je ne vois pas très bien en quoi cette attaque ad hominem fait avancer le débat. « Je me permets de vous faire remarquer » que je n’ai jamais « hurlé » contre quoi que ce soit. Et que par ailleurs, je en vois pas en quoi j’aurais « servi la soupe » à la spéculation. C’est une accusation parfaitement gratuite, et qui n’apporte rien. Je vous prie de vous en abstenir à l’avenir. Et maintenant, venons au fait :
[Dans la situation actuelle le vrai déficit en Europe est le déficit d’entreprises, d’entrepreneurs et de demande d’investissement. Le reste c’est de la littérature. Ce déficit est criant chez nous, moins fort dans les pays libéraux (c’est ce que l’Espagne essaie de dénouer d’ailleurs)]
Admettons. Mais d’où vient ce « déficit d’entreprises et d’entrepreneurs » ? Si c’était seulement la France, on pourrait dire que c’est une question culturelle ou politique. Mais ce « déficit » affecte la grande majorité des pays de la zone Euro, malgré des choix culturels et politiques complètement différents. D’ailleurs, comment expliquer que des pays dont on vantait l’esprit d’entreprise avant 2008 – l’Irlande, l’Espagne, l’Italie – soient aujourd’hui au fond du trou ? Qu’est ce qui a fait que tous ces brillants entrepreneurs irlandais ou espagnols – particulièrement actifs dans le BTP – aient disparu ? Qu’attendent-ils pour « entreprendre » ?
Déclarer que la macroéconomie est « un leurre » ne constitue pas un argument. Le fait est que même si on se place dans votre logique, il est difficile d’expliquer la disparition des « entrepreneurs » sans chercher du côté de la macroéconomie.
[Partant de là toute politique monétaire dite non néolibérale – en gros celle que les démagogues appellent de leur vœu -]
Juste un commentaire : si vous voulez débattre d’une question économique, je suis votre homme. Si vous voulez échanger des insultes, non. Dans votre commentaire, jusqu’ici vous m’avez accusé de « servir la soupe à la spéculation », d’être un « démagogue »… alors décidez-vous.
[a pour effet quasi unique de maximiser les opportunités des banques, lesquelles banques empruntent à des taux quasi négatifs à la BCE pour placer ailleurs : cela s’appelle en partie du carry trade.]
Je suis tout à fait d’accord avec vous. J’aurais préféré infiniment que la BCE applique une politique « orthodoxe ». Comme ça, l’Euro se serait effondré depuis longtemps et on en serait débarrassé. Et avec lui, d’une bonne partie des politiques néo-libérales que la Commission pousse…
Vous pointez du doigt le grand paradoxe du néolibéralisme : appliqués strictement, ses grands principes conduisent à la catastrophe. Pour pouvoir faire des politiques néolibérales dans certains domaines, il faut piétiner les dogmes sacrés dans d’autres. On l’avait bien vu avec Reagan, qui d’un côté prônait l’Etat minimal et de l’autre a présidé à l’expansion massive de la dépense publique financé par le déficit, pour le plus grand profit du secteur privé.
[C’est la raison pour laquelle les actions montent en Europe aujourd’hui ( merci la gauche d’ailleurs car j’avais justement besoin d ‘argent ! ) Draghi a donné cette opportunité qui permettra un très léger sentiment de croissance ( cela s’appelle l’effet Pigou) .. à quoi il faut adjoindre la montée du tirage de la presse de gauche qui pourfendra l’enrichissement sans création d’emplois qu’elle aura elle-même encouragée.]
Je ne vois pas très bien ce que vous reprochez à la « gauche ». La politique que vous dénoncez est essentiellement le fait de la BCE, qui n’est pas dirigée par « la gauche » à ce que je sais. La grande majorité des pays de la zone Euro sont gouvernés par la droite. Mais sur le fond, ma position n’est pas très différente de la votre : j’ai toujours défendu une relance par l’investissement plutôt qu’une pseudo-relance par la distribution de pouvoir d’achat aux « classes moyennes ».
[Mais avec un très faible regain d’investissement dans les pays qui ne s’en sont pas donné les moyens : nous ou la Grece.]
Pardon, pardon… vous voulez dire que l’investissement, ce sont les « pays » qui le font et non les « entrepreneurs » ? Ou insinuez vous que ce sont nos « entrepreneurs » qui ne se sont pas donné les moyens d’investir ?
Encore une fois, vous semblez croire qu’il suffit d’ignorer les problèmes macroéconomiques pour que ceux-ci disparaissent. Le fait est que les « entrepreneurs » n’investissent que s’il y a une demande pour leurs produits, et qu’ils investissent là où leurs profits sont les plus élevés. Deux questions qui relèvent bien de la macro-économie. Comment imaginer qu’un investisseur irait construire une usine en Grèce alors qu’il n’y a pas de demande et qu’il est moins cher de la construire en Chine ?
[De façon plus générale, c’est cette question financière qui explique les tensions récurrentes entre Wall Street , la City et l’Allemagne ( que vous semblez ignorer ),]
Je ne vois pas très bien quelle est la « question financière » dont vous parlez. Dans ce qui précède, vous n’avez évoqué aucune « question financière ».
[laquelle Allemagne a toujours privilégié son investissement industriel contre l’investissement financier.]
Mais c’est qui, « l’Allemagne » ? Les « entrepreneurs » ? Le gouvernement ? Les banques ? C’est qui à votre avis qui a « privilégié l’investissement industriel » ? Encore une fois, lorsque vous allez chercher pourquoi l’Allemagne a privilégié l’investissement industriel, vous allez devoir chercher du côté de la macroéconomie…
[C’est aussi la raison pour laquelle la City s’est opposée à l’Euro et a tenté de le faire tomber en 2011 ( avec le soutien de tous les anti eurolâtres ).]
Pourriez-vous indiquer quand la City s’est « opposée à l’Euro », et qu’est ce qu’elle a fait exactement pour « le faire tomber en 2011 » ?
[Et si vous êtes fonctionnaire et reconnaissant vous devriez tous les mois d’Automne vous écrier : “Merci M Sarkozy d’avoir réussi à avoir fait plier les hedge fonds (fonctionnaire vous n’êtes pas sans savoir que vos salaires d’automne sont désormais payés grâce à lui).]
Grace à qui ? J’ai l’impression que vous nagez en pleine confusion. Il y a des pays européens qui ne sont pas dans l’Euro, et qui payent pourtant ponctuellement leurs fonctionnaires.
[Mais la reconnaissance en politique c’est assez rare…]
Ne prenez pas votre cas pour une généralité…
[Mais tout cela les français l’ignorent et vous visiblement aussi.]
Tous non. Heureusement nous avons parmi nous quelques êtres d’exception comme vous-même pour nous dire ce qu’il convient de penser…
[Je vous conseille à ce propos de suivre un peu “the economist”. Et à chaque fois que la City tousse, vous le remarquerez, la gauche française lui emboite le pas… par bêtise, certes, mais c’est comme cela]
Faudrait savoir : d’un côté vous me conseillez de « suivre » une publication qui est depuis de très longues années le porte-voix des intérêts de la City, de l’autre vous vomissez la gauche qui soi-disant « emboîte le pas chaque fois que la City tousse ».
Puisqu’on en est a donner des conseils, je vais vous en donner un en retour : au lieu de répéter des formules toutes faites et de vous laisser guider par vos préjugés politiques ou moraux, regardez les choses en face. Certains de ces préjugés vous conduisent d’ailleurs à des contradictions amusantes : ainsi, vous défendez l’Euro et vomissez « la gauche », en oubliant que l’Euro a été porté sur les fonts baptismaux… par la gauche. Auriez-vous oublié la génèse du traité de Maastricht ? En fait, vous oubliez ce qui vous arrange. Par exemple, que lors de la constitution de l’Euro la City et l’ensemble de la finance britannique ont fait un lobbying très lourd pour que la Grande Bretagne entre dans l’Euro, au point de fomenter le « coup » qui mit fin aux 11 années de gouvernement Thatcher, imaginant que ses successeurs conservateurs – ou mieux encore, travaillistes – seraient plus accommodants à l’heure de ratifier le traité. La City se voyait déjà devenir « la » place des marchés monétaires en euro, comme Wall Street est « la » place des marchés monétaires en dollar. Il est donc absurde d’imaginer que la City pourrait vouloir la fin de l’Euro. Pourquoi le voudrait-elle ?
[Maintenant vous ne m’avez pas répondu au bilan comptable de l’Euro. Ce que vous en dites est totalement impressionniste. Vous oubliez que l’Euro c’est environ – 5% en moins pour les taux d’intérêt dans les pays du Sud, et donc un gain considérable qui se chiffre en centaines de milliards d’Euro.]
Oui. Mais comme vous le savez, rien ne se crée, rien ne se perd. Nous savons aujourd’hui que ce « -5% » était un mirage, résultant d’une sous-estimation des risques présentés par les différents pays. Les prêteurs ont cru – ce qui montre la puissance d’autosuggestion des eurolâtres – que la solidarité européenne faisait qu’il était aussi sur de prêter à la Grèce qu’à l’Allemagne. Maintenant qu’ils ont compris que ce n’est pas le cas, les « centaines de milliards d’Euro » que ces pays ont économisées pendant la première décennie de l’Euro il faudra qu’ils les payent avec les intérêts. Autrement dit, si vous me dites que l’Euro a permis de créer une illusion de solvabilité, vous êtes dans le vrai. Mais je ne suis pas sur que l’illusionnisme soit la meilleure manière de faire de l’économie.
[Cela s’analyse comme un transfert massif de l’épargne du Nord vers les pays du SUD – à côté duquel les gains en part de marché de l’Allemagne sont à la fois faibles et surtout aléatoires.]
Pas du tout, dans la mesure où le « transfert massif d’épargne » a servi à générer dans les pays du SUD (pourquoi en majuscules ?) la demande qui a permis à l’industrie des pays du nord de s’enrichir, cette même demande que leurs propres consommateurs, rigueur salariale oblige, ne pouvaient pas fournir. En fait, tout cela s’analyse comme une vente à crédit : l’industrie allemande a vendu ses produits à crédit au reste de l’Europe. A la fin du jour, l’Allemagne a les usines, et nous nous avons les dettes…
[Les opinions pays du Sud ont reçu le message 5 / 5 : ce sont elles les plus chaudes partisanes pour rester dans l’Euro, car elles ont lié la montée de leur niveau de vie à l’euro ( le chômage c’est pour les autres quand on est “protégé”).]
Je doute que la population grecque voie une quelconque « montée de son niveau de vie » en ce moment. Je pense surtout que si les « opinions » – et surtout les faiseurs d’opinion – sont contre la sortie de l’euro c’est surtout par conservatisme. Il est très rare que « l’opinion » soit favorable à une rupture, tant l’effet « mieux faut le mauvais connu que le bon à connaître » est fort. L’opinion donne une prime à la continuité, et s’effraye de l’inconnu. Si vous ajoutez à cela le terrorisme intellectuel permanent des eurolâtres…
[Ne confondez donc pas la position revendicatrice ( salauds d’allemands payez à notre place !) et la position politique ( je vais sortir de l’Euro.)]
Mais… je n’ai jamais confondu. D’ailleurs, tout le monde veut les avantages de l’Euro sans avoir les inconvénients. Avoir profité de la « fête de l’Euro » et ensuite passer l’addition à quelqu’un d’autre est somme toute une attitude fort rationnelle. A mon avis, c’est cela qu’un homme d’Etat devrait expliquer à son peuple : qu’on ne peut pas tout avoir.
[Le seul risque pour l’euro c’est celui qui fait trembler nos ministres et hauts fonctionnaires – mais bien sûr sans qu’on vous le dise… c’est que l’Allemagne se retire de l’Euro. C’est ce risque qui explique l’attitude de Hollande dès le début de son élection. Mais on n’en parlera pas, parce que cela n’est payant ni auprès des électeurs ni auprès des intellectuels]
Vous vous trompez. On en parle, et très souvent même. Notamment parmi les critiques de l’Euro, qui voient un scénario possible de sortie.
[( dame ! les profs d’économie sont aux 3/4 des anti-euro ).]
Je pense que vous faites erreur. Les professeurs d’économie sont, dans les universités françaises, en grande majorité libéraux et eurolâtres. C’est aussi le cas dans les Grandes Ecoles. Tout comme les économistes qu’on entend parler dans les médias. Je vous mets au défi de donner cinq noms de professeurs d’économie de premier plan qui aient clairement pris une position contre l’Euro…
Encore une fois, je trouve chez vous une mentalité de forteresse assiégée. A vous croire, la majorité des politiques, des économistes, des décideurs sont contre l’Euro. C’est à se demander comment celui-ci a pu voir le jour, avec une telle unanimité contre lui. En fait, c’est le contraire : l’immense majorité de l’establishment était – et est toujours, même si c’est plus discrètement – pour l’intégration européenne et pour l’Euro.
[PS : je connaissais vaguement le terme “eurolâtres” , mais si votre définition est la bonne vous risquez de chercher loin les eurolâtres. L’Europe est le cas typique de la construction rationnelle, bâtie sur cette idée elle aussi de raison que laissées à elles-mêmes les Nations d’Europe se battraient entre elles (…)]
… et qu’il est donc impératif de concentre le pouvoir dans les mains d’une aristocratie cooptée qui, elle, sait ce qui est bon pour les peuples. Et bien entendu, il y a aussi l’idée tout à fait « rationnelle » que cette aristocratie est totalement désintéressée et n’aura à cœur que de défendre l’intérêt général, et jamais, horresco referens, ses intérêts particuliers. Vous avez tout compris
[(cela semble un peu votre souhait).]
Je vous mets au défi de citer une seule déclaration de ma part qui pourrait suggérer pareille conclusion. En attendant, vous me faites ici un procès d’intention injurieux. Je me demande si vous vous en rendez compte.
[Il n’y a pas d’eurolâtres, car l’Europe n’a ni cherché, ni cultivé le moindre sentiment affectif .]
Bien sur que si. Les partisans de la construction européenne ont sans cesse cherché à cultiver un « sentiment affectif ». Souvenez-vous des autocollants « Europe, my country », des films de propagande comme « l’Auberge Espagnole », des palinodies autour du drapeau et de l’hymne européen ou de la mention « Union européenne » dans les passeports et les discours enflammés sur la « citoyenneté européenne ». L’Europe a cherché pendant des années à créer un lien affectif avec les citoyens pour se substituer aux nations. Cela n’a pas marché, et il est vrai que le rejet – pleinement justifié – des institutions européennes par les peuples pousse aujourd’hui à une certaine discrétion. Mais l’intention y est. Par ailleurs, le suffixe « –âtre » n’indique aucun lien affectif, mais un lien de vénération.
Par ailleurs, notez que votre commentaire est arrivé incomplet.
Bonjour Descartes,
Je désirerais poursuivre un sujet précédemment évoqué pendant notre discussion : les classes moyennes et particulièrement leur poids dans la société française.
Il y a peu dans l’un de vos commentaires vous m’indiquiez que : ” Les « classes moyennes », telles que je les ai défini, ne représentent à mon avis que 20% à 30% de la population. Il est donc en théorie possible de gagner sans elles.”
Ainsi, j’aimerais comprendre comment et pourquoi l’alliance des bourgeois (qui doivent au mieux représenter 1% du corps électoral) et des classes moyennes l’emporte dans les urnes depuis maintenant des décennies. Les classes populaires, si elles ne détiennent presque aucun levier et relais, tant en politique que dans les médias, ne savent-elles pas où se trouvent leurs intérêts?
Ou bien alors, soumises à un bourrage de crâne (oui j’en reviens à cette idée qui biaise notre société démocratique…) ne suivent t-elles pas pour une partie d’entre-elles, sans contrainte physique évidemment, mais somme toute un fort conditionnement moral, la voie qui leur est indiquée?
Ces classes, vous l’avez dit également, ne se suffisent à elles-même, dans la mesure où elle ne sauraient sans l’aide des classes “pensantes”, concevoir un système de pensée. Qui pensent pour elles actuellement?
Alain-Gérard Slama affirme que communisme et fascisme sont nés de la haine de soi de la bourgeoisie. Se pourrait-il que ce renoncement des classes populaires, relatif et manifestement en recul, comme en témoigne la montée du FN, procède en quelque sorte du même phénomène? Il s’agirait ici d’une haine de soi des classes populaires, en grande partie due à leur atomisation, à la chute de la valeur travail et à un discours médiatique qui tend depuis un certain temps déjà à les dépeindre comme des beaufs, racistes, xénophobes, chômeurs et abrutis.
Par ailleurs, quand je discute politique avec mes amis, tous issus de la classe moyenne et diplômés, ils abordent le sujet à travers un prisme moral qui me paraît assez absurde. Les électeurs FN sont racistes, fachos, intolérants ou je ne sais quoi… Peut-être sont ils sincères oui, mais pour ma part j’observe le phénomène FN à travers un autre biais : social et politique. Je vois beaucoup de souffrance dans ce vote et la tentative pour ceux qui luttent, de sortir de l’ornière en défendant leurs intérêts et de protéger un cadre de vie, une culture qui leur apparait menacée. N’est-ce pas là leur droit le plus élémentaire?
Pour mes amis, quand bien même ces gens seraient dans la m**** ils devraient continuer à voter pour les partis “républicains” (j’y reviendrai). Étant du genre à casser l’ambiance dans ces dîners très 20ème arrondissement, j’aime à faire des saillies du genre “ici il n’y a pas de pauvre, personne n’a intérêt à voter FN” ou “si j’étais dans la merde, pourquoi ne le ferais-je pas? C’est une question de lutte des classes.”
Certes, ils me rétorquent que le FN est peuplé de gens racistes et antisémites, dont les propos sont dénoncés par les médias. Toutefois, Florian Philippot déclarait l’autre jour de façon pertinente que nombreux étaient les candidats du FN issus des classes populaires,que beaucoup ne maîtrisaient en rien les codes médiatiques, qu’ils ne pouvaient pas passer sur Canal+ et disaient parfois des bêtises, que eux, on ne les loupait jamais. En outre, ce n’est pas tant le FN qui importe je le crois, mais ce qu’il révèle, une question sociale prégnante et largement éludée par nos dirigeants : quel devenir pour les classes populaires?
Régis Debray expliquait assez bien dans un opuscule comment les libéraux, bourgeois et patrons, juges et parties, avaient réussi à faire de la question politique et économique des frontières, une question morale. Désormais, vouloir réinstaurer une frontière (et donc une passoire) reviendrait à édifier le Mur de Berlin. Mais qui donc défend ce sans-frontiérisme si ce n’est ceux qui s’enrichissent par l’absence de limites? Qui y perd? Là encore, la discussion, pourtant politique, est devenue morale, et donc impossible. Nombreux sont les sujets sur lesquels une prise de position “immorale” vous vaut une identification au FN et donc au mal absolu…
Enfin, je souhaitais avoir votre avis au sujet du terme “républicain” employé aujourd’hui à tort et à travers par les responsables politiques des partis (UMP, PS, UDI…). J’ai beaucoup de mal à entendre des repris de justice, comme le 1er secrétaire du PS, décerner les certificats de bons et mauvais “républicains. Y voyez-vous une simple tentative de faire de la morale pour justement échapper au politique et au débat ou bien autre chose de plus profond? Par ailleurs, si les mots nation, patrie et France semblent disparaitre du vocable de nos gouvernants, l’adjectif républicain est partout, dans l’ordre, les valeurs, etc… Comment l’expliquez-vous? Est-ce délibéré selon vous?
Merci pour vos réponses,
@ Bruno
[Il y a peu dans l’un de vos commentaires vous m’indiquiez que : ” Les « classes moyennes », telles que je les ai défini, ne représentent à mon avis que 20% à 30% de la population. Il est donc en théorie possible de gagner sans elles.” Ainsi, j’aimerais comprendre comment et pourquoi l’alliance des bourgeois (qui doivent au mieux représenter 1% du corps électoral) et des classes moyennes l’emporte dans les urnes depuis maintenant des décennies.]
Il ne faut pas oublier que le système démocratique ne fonctionne pas en circuit fermé. Pour qu’une politique soit mise en œuvre, il ne suffit pas d’avoir une majorité pour la voter. Encore faut-il que le rapport de forces aille dans ce sens. Le droit tire les conséquences d’un rapport de forces sous-jacent, mais ne le modifie pas. Le capital est fort parce qu’il peut aller s’investir là où la rentabilité est la plus grande. En d’autres termes, ce n’est pas parce que vous avez une majorité parlementaire que vous pouvez limiter les revenus du capital. Tout ce que vous obtiendrez, c’est que le capital aille ailleurs. Il vous faudrait une majorité qui soit prête non seulement à limiter les revenus du capital, mais aussi à imposer le contrôle des changes, donc dénoncer les traités européens. Et là, vous aurez du mal, tout simplement parce que les classes populaires ne sont pas convaincues que ce qu’on gagne compense ce qu’on perd…
L’alliance entre les classes moyennes et la bourgeoisie a beau être très minoritaire en voix, elle contrôle l’essentiel des leviers : le capital, la connaissance… et puis, les classes moyennes contrôlent la fabrique des idées. Il est difficile d’offrir une perspective aux classes populaires lorsqu’on n’a pas l’hégémonie idéologique…
[Les classes populaires, si elles ne détiennent presque aucun levier et relais, tant en politique que dans les médias, ne savent-elles pas où se trouvent leurs intérêts?]
Non, justement. Marx a analysé ce processus qu’il a appelé « l’aliénation ». Les couches populaires sont poussés à interpréter le monde qu’un cadre de pensée, celui défini par les couches dominantes. C’est pour cela qu’il était si important que les partis ouvriers proposent une idéologie alternative, ce qu’ils ont fait pendant presque un siècle. Et c’est pourquoi la bourgeoisie préfère acheter les classes moyennes, ce qui lui donne le contrôle sur la fabrique des idées. La conversion des partis dits « communistes » à l’idéologie des couches moyennes est donc une défaite majeure du mouvement ouvrier.
[Ces classes, vous l’avez dit également, ne se suffisent à elles-même, dans la mesure où elle ne sauraient sans l’aide des classes “pensantes”, concevoir un système de pensée. Qui pensent pour elles actuellement ?]
Personne, c’est bien le problème. C’est d’ailleurs pourquoi je ne crois pas que le FN puisse devenir demain un « parti ouvrier », même s’il peut devenir un « parti populaire ».
[Alain-Gérard Slama affirme que communisme et fascisme sont nés de la haine de soi de la bourgeoisie.]
Je ne me souviens pas de cette analyse. Je n’irai pas jusque là. Mais le communisme est né avec l’apparition d’une classe moyenne pensante que la bourgeoisie n’a pas voulu, dans un premier temps, acheter au juste prix. Si Marx avait eu une chaire bien payée à l’université et une colonne dans « le Figaro » de l’époque, il aurait peut-être été bien moins audacieux…
[Par ailleurs, quand je discute politique avec mes amis, tous issus de la classe moyenne et diplômés, ils abordent le sujet à travers un prisme moral qui me paraît assez absurde. Les électeurs FN sont racistes, fachos, intolérants ou je ne sais quoi…]
Oui. Mais ne vous étonnez pas : bien avant que l’électorat populaire se tourne vers le FN, les classes moyennes l’avaient déjà affublé de tous ces épithètes. Souvenez-vous du « beauf » de Cabu… C’est d’ailleurs drôle de voir comment le personnage du prolétaire, en qui les classes moyennes voyaient le sauveur en 1968 – bien entendu, à condition qu’il se laisse guider par elles – est devenu un repoussoir quelques années plus tard.
[Peut-être sont ils sincères oui, mais pour ma part j’observe le phénomène FN à travers un autre biais : social et politique. Je vois beaucoup de souffrance dans ce vote et la tentative pour ceux qui luttent, de sortir de l’ornière en défendant leurs intérêts et de protéger un cadre de vie, une culture qui leur apparaît menacée. N’est-ce pas là leur droit le plus élémentaire?]
Pour moi, oui. Mais la vulgate des classes moyennes répond « non ».
[Pour mes amis, quand bien même ces gens seraient dans la m**** ils devraient continuer à voter pour les partis “républicains” (j’y reviendrai). Étant du genre à casser l’ambiance dans ces dîners très 20ème arrondissement, j’aime à faire des saillies du genre “ici il n’y a pas de pauvre, personne n’a intérêt à voter FN” ou “si j’étais dans la merde, pourquoi ne le ferais-je pas? C’est une question de lutte des classes.”]
Et on vous réinvite ? Je suis supris… Pourtant votre question est excellente : pourquoi l’électorat populaire continuerait à voter pour des partis qui, à droite comme à gauche, ne se sont jamais souciés de lui à l’heure de prendre leurs décisions ?
[(…), mais ce qu’il révèle, une question sociale prégnante et largement éludée par nos dirigeants : quel devenir pour les classes populaires? Régis Debray expliquait assez bien dans un opuscule comment les libéraux, bourgeois et patrons, juges et parties, avaient réussi à faire de la question politique et économique des frontières, une question morale. Désormais, vouloir réinstaurer une frontière (et donc une passoire) reviendrait à édifier le Mur de Berlin. Mais qui donc défend ce sans-frontiérisme si ce n’est ceux qui s’enrichissent par l’absence de limites? Qui y perd? Là encore, la discussion, pourtant politique, est devenue morale, et donc impossible.]
Je trouve l’analyse de Debray très pertinente. La « moralisation » des questions politiques est devenu une stratégie pour éteindre le débat, tout comme l’amalgame avec le FN.
[Enfin, je souhaitais avoir votre avis au sujet du terme “républicain” employé aujourd’hui à tort et à travers par les responsables politiques des partis (UMP, PS, UDI…). J’ai beaucoup de mal à entendre des repris de justice, comme le 1er secrétaire du PS, décerner les certificats de bons et mauvais “républicains. Y voyez-vous une simple tentative de faire de la morale pour justement échapper au politique et au débat ou bien autre chose de plus profond?]
Je pense qu’il s’agit d’une récupération. Le mot « république » étant l’un des rares mots qui sont encore connotés positivement pour tous les français, on s’en réclame lorsqu’il s’agit de se poser du bon côte dans le combat du Bien contre le Mal. Là encore c’est assez ironique, quand on pense que lorsque Chevènement a levé l’étendard « républicain » il y a quelques années maintenant il s’en était pris plein la gueule sur le mode « tout ça c’est ringard ».
[Par ailleurs, si les mots nation, patrie et France semblent disparaître du vocable de nos gouvernants, l’adjectif républicain est partout, dans l’ordre, les valeurs, etc… Comment l’expliquez-vous? Est-ce délibéré selon vous?]
Oui et non. Comme je vous ai dit, on récupère à mon avis le mot « république », dans lequel chacun met d’ailleurs ce qui lui convient, sans rapport avec le véritable contenu du terme et sa place dans notre histoire politique. Par contre, les mots « nation » ou pire encore, « patrie », sont mal connotés, notamment parce qu’il est difficile de les faire rentrer dans la novlangue européenne. Il est drôle d’ailleurs d’entendre certains commentateurs qui vous disent « je suis pour la République et contre la Nation », alors que les deux concepts sont intimement liés.
[Et là, vous aurez du mal, tout simplement parce que les classes populaires ne sont pas convaincues que ce qu’on gagne compense ce qu’on perd…]
Comment les convaincre?
[La conversion des partis dits « communistes » à l’idéologie des couches moyennes est donc une défaite majeure du mouvement ouvrier.]
Pourriez-vous, en schématisant, me dire ce que vous entendez par l’idéologie des classes moyennes et en quoi celle-ci s’oppose aux classes populaires? Je pense détenir une partie des clés mais c’est encore un peu flou…
[C’est d’ailleurs pourquoi je ne crois pas que le FN puisse devenir demain un « parti ouvrier », même s’il peut devenir un « parti populaire ».]
Quelle est la différence, si ce n’est que le vote populaire englobe davantage de personnes (employés + ouvriers)? Est-ce selon vous une limite au développement du FN ou bien un moyen de ratisser plus large? La constitution d’un corpus idéologique “populaire”, à l’instar de l’ouvrier du PCF n’est-elle pas envisageable? Il y a bien des classes moyennes à la tête du FN.
[Et on vous réinvite ? Je suis surpris…]
Je suis passé par l’école de références des classes moyennes, celles de nos politiques, comme une partie de mes amis. Ainsi, je suis toléré lors des débats, mais quand j’exprime mes idées j’ai en retour droit à une sorte de sourire bienveillant, à la fois condescendant et compassionnel; pas banni ou ostracisé (tant que je ne franchis pas la ligne bleue Marine), simplement déconsidéré. C’est fatigant mais bon si je n’avais que des amis qui pensent comme je tournerai rapidement à la bêtise crasse.
Au moins avec ces gens je dois travailler sans cesse mon argumentaire; heureusement la politique on en parle de moins en moins. Pour eux, comme pour beaucoup, l’intérêt baisse passé les premières années étudiantes, cela devient quelque chose de désincarné qu’on pourrait réduire à de l’économie et du “bon sens”. La politique est supplantée par l’économie et une certaine (‘fausse) morale (la doxa) en somme.
Mes amis sont sincères et je crois que comme vous l’indiquiez plus-haut, ils ont littéralement intériorisé cette idéologie que je qualifie de “bien-pensante”, elle n’est pas une posture pour eux, bien qu’elle serve indubitablement leurs intérêts.
Au fait Descartes, pour reprendre la rhétorique du camp du Bien, considérez-vous le FN comme un parti “Républicain”? Que doit-on d’ailleurs entendre par là?
Enfin pour terminer sur la novlangue politico-médiatique des temps modernes je me dois de vous citer certains termes qui manquent de me faire vomir dès que je les entends (imaginez un peu mon quotidien) : dérapage (mon Dieu la route est étroite et d’autres délimitent son tracé), stigmatisation (dès qu’on parle d’une “minorité”) et “pacte républicain” (c’est quoi ça un truc avec du chocolat dedans? Personne ne sait mais en tout cas si tu n’es pas dedans….).
Vous qui avez bien vécu, s’exprimait-on déjà avec une telle novlangue dans les années 70-80? Chaque époque a-t-elle son verbiage pontifiant?
Merci pour vos réponses,
@ Bruno
[Pourriez-vous, en schématisant, me dire ce que vous entendez par l’idéologie des classes moyennes et en quoi celle-ci s’oppose aux classes populaires? Je pense détenir une partie des clés mais c’est encore un peu flou…]
Pour faire court, il s’agit de l’idéologie « libérale-libertaire » qui s’est imposée progressivement à partir de la fin des années 1960. Il s’agit d’une idéologie ultra-individualiste, hostile à toute forme d’institution, anti-rationnaliste, anti-scientifique, anti-républicaine, refusant l’idée même d’intérêt général. Cette idéologie a été le fer de lance du démontage de l’Etat protecteur et de ses institutions, qui avaient rendu possible l’amélioration des conditions de vie matérielles et immatérielles des couches populaires. L’exemple le plus flagrant est bien entendu l’école.
[C’est d’ailleurs pourquoi je ne crois pas que le FN puisse devenir demain un « parti ouvrier », même s’il peut devenir un « parti populaire ».]
Un « parti ouvrier » est un parti capable d’élaborer et de diffuser une idéologie fondée sur la condamnation de l’exploitation du travail humain et proposant des actions qui vont dans ce sens. Mais il n’a pas besoin d’être constitué d’ouvriers. A l’inverse, un « parti populaire » est un parti dont la base électorale se trouve dans les couches populaires. Si un « parti populaire » est d’une certaine manière obligé, pour ne pas perdre sa base électorale, à défendre les intérêts des couches populaires, il le fait d’une manière pragmatique, et pas nécessairement dans un cadre idéologique cohérent.
[Est-ce selon vous une limite au développement du FN ou bien un moyen de ratisser plus large?]
Sur le court terme, ce n’est pas nécessairement une limite au développement du FN ou un obstacle à son accession au pouvoir. Par contre, c’est un problème dès lors que le FN aurait à gouverner. Il est très difficile de gouverner avec un minimum de cohérence sans une « ancre » idéologique.
[La constitution d’un corpus idéologique “populaire”, à l’instar de l’ouvrier du PCF n’est-elle pas envisageable?]
Je ne sais pas. Historiquement, les partis politiques se sont formés généralement autour d’un noyau idéologique, quitte à ce que le noyau original évolue ensuite dialectiquement. Le PCF s’est construit d’abord autour de l’héritage marxiste-léniniste.
[Il y a bien des classes moyennes à la tête du FN.]
Très peu, finalement. Contrairement au PCF qui a été capable d’attirer des intellectuels de haute tenue et de les intégrer – sans toujours les annexer, souvenez-vous des « compagnons de route » – à la réflexion communiste, le FN n’a pas pour le moment réussi à faire la même chose. Il est vrai qu’à l’époque l’alliance de fer entre les « classes moyennes » et la bourgeoisie n’était pas encore complète. Aujourd’hui, l’intellectuel qui se risquerait à travailler avec le FN serait immédiatement mis à l’écart par ses collègues.
[Au moins avec ces gens je dois travailler sans cesse mon argumentaire;]
C’est tout l’intérêt de discuter avec des gens différents de soi. Encore faut-il pouvoir maintenir le dialogue sans que chacun se réfugie dans son château de certitudes…
[heureusement la politique on en parle de moins en moins. Pour eux, comme pour beaucoup, l’intérêt baisse passé les premières années étudiantes, cela devient quelque chose de désincarné qu’on pourrait réduire à de l’économie et du “bon sens”. La politique est supplantée par l’économie et une certaine (‘fausse) morale (la doxa) en somme.]
Tout à fait. Avec la mort du tragique, la politique s’est faite la malle pour être remplacée par la « gestion ».
[Au fait Descartes, pour reprendre la rhétorique du camp du Bien, considérez-vous le FN comme un parti “Républicain”? Que doit-on d’ailleurs entendre par là ?]
Je ne sais pas ce qu’on entend par là. J’ai encore le souvenir d’une époque ou le PCF n’était pas considéré comme un « parti républicain », au point que ses militants étaient exclus de certains postes ou fonctions publiques. Ainsi, une circulaire de 1949 interdisait de nommer un militant communiste à un poste d’autorité au sein du Commissariat à l’Energie Atomique. Le syndicat FO exigeait encore l’application stricte de cette circulaire… en 1981, en même temps qu’il publiait un « livre blanc sur l’infiltration communiste dans l’appareil de l’Etat ». En 1953, messieurs Barel, Bedjaoui, Guyader, Fortuné et Langois se voient refuser leur inscription au concours d’entrée à l’ENA du fait de leurs antécédents communistes. La décision sera cassée par le Conseil d’Etat, mais ce sera une victoire de principe et aucun des cinq ne pourra se présenter à l’examen.
L’utilisation du mot « républicain » dans ce contexte est pour moi très suspecte.
[Vous qui avez bien vécu, s’exprimait-on déjà avec une telle novlangue dans les années 70-
80? Chaque époque a-t-elle son verbiage pontifiant?]
Bien entendu. Dans les années 1970-80 le verbiage était plus tiré de l’existentialisme ou de la psychanalyse. On se demandait si telle ou telle chose était vraie « au niveau du vécu », on s’interrogeait sur ce qu’était un mode de vie « authentique »…
Bonjour,
Lorsque l’on partage l’ensemble (ou disons la majorité) des positions défendues par ce blog, quelle serait la « feuille de route » qui permettrait de faire avancer ces idées (nécessité d’enclencher une réflexion rationnelle sur l’UE, la libre circulation et la souveraineté en général, etc.) dans l’opinion et la discussion politique ?
Je pense ne pas être seul parmi les lecteurs à me poser la question.
Comme le moyen à privilégier reste le parti politique, et après une analyse de l’existant, deux stratégies me semblent sortir du lot :
1) Fournir ses efforts pour le parti qui porte avec le plus de poids ces idées. Aujourd’hui il semble bien que ce soit le FN. Travailler au sein de ce parti pour la branche incarnée par Philippot.
2) Aller voir du côté du PC et tenté, dans la limite de nos maigres moyens, de faire renouer le parti avec la classe prolétaire. L’idée serait de miser sur un hypothétique reste dans l’ADN de ce parti avec ce qui a fait sa popularité il y a des années.
Malheureusement j’ai peur que la première idée revienne à frapper automatiquement du sceau du Mal, pour une partie de la population, des réflexions qu’il faudrait au contraire essayer de ramener sous les projecteurs de la rationalité. La deuxième ressemble à une douce utopie, reste-t-il seulement quelque chose de Jacobin au PC ?
D’autres partis, je pense au MRC, correspondent. Mais ces partis ont une base électorale tellement marginale !!
Descartes, voyez-vous une solution à privilégier pour quelqu’un qui voudrait acquérir de l’expérience au sein d’un parti, tout en essayant de travailler au mieux pour ses (nos) idées ?
@ Maxime C
[Lorsque l’on partage l’ensemble (ou disons la majorité) des positions défendues par ce blog, quelle serait la « feuille de route » qui permettrait de faire avancer ces idées (nécessité d’enclencher une réflexion rationnelle sur l’UE, la libre circulation et la souveraineté en général, etc.) dans l’opinion et la discussion politique ?]
J’avoue que je n’ai pas de réponse à cette question. Si je l’avais, j’appellerais mes lecteurs à l’action dans une certaine direction. Malheureusement, je ne vois pas aujourd’hui de possibilités réelles d’action collective dans le domaine politique. Je ne dis pas qu’elles n’existent pas, mais je suis incapable de les voir, ou de dire laquelle est la bonne. A mon sens, pour les citoyens que nous sommes la seule « feuille de route » que je puisse proposer est de continuer à travailler les sujets, de chercher à enrichir sa propre pensée par le débat et la confrontation, et de rester attentifs aux mouvements de la société pour, le moment venu, pouvoir peser du « bon » côté. J’ai du mal à donner un conseil plus précis que celui-là.
[1) Fournir ses efforts pour le parti qui porte avec le plus de poids ces idées. Aujourd’hui il semble bien que ce soit le FN. Travailler au sein de ce parti pour la branche incarnée par Philippot.]
Non. Le problème est justement là. Le FN, en tant qu’idées, porte une vision syncrétique qui mélange des idées venues du jacobinisme français – que le PCF et le gaullisme ont incarné pendant un demi-siècle – avec d’autres venues des différentes sources de l’extrême droite. Cela donne un « cocktail » assez particulier, dont la dynamique est difficile à prévoir. Et c’est pourquoi il est assez difficile de « travailler au sein de ce parti » en étant sur qu’on travaille vraiment pour Philippot. Je continue à penser qu’il est de l’intérêt des progressistes – et accessoirement des couches populaires – que la « ligne Philippot » s’impose au FN. Mais l’affrontement entre les « anciens » et les « nouveaux » au FN n’est pas assez clair aujourd’hui pour pouvoir prendre parti. Le moment viendra peut-être ou Philippot et les siens auront besoin du soutien explicite des jacobins de gauche comme de droite, mais à mon avis le moment n’est pas encore venu.
[2) Aller voir du côté du PC et tenté, dans la limite de nos maigres moyens, de faire renouer le parti avec la classe prolétaire. L’idée serait de miser sur un hypothétique reste dans l’ADN de ce parti avec ce qui a fait sa popularité il y a des années.]
Certains ont essayé, mais c’est très dur. La sociologie du PCF rend très difficile tout retour vers les couches populaires.
[D’autres partis, je pense au MRC, correspondent. Mais ces partis ont une base électorale tellement marginale !!]
Oui. J’avoue que j’ai perdu le gout de la politique « groupusculaire ». C’est peut-être un effet de l’âge, qui fait qu’au fur et à mesure qu’on s’approche de la sortie on a de plus en plus envie de laisser une marque, fut-elle modeste, dans l’histoire plutôt que de rêver à des « grands soirs » qui n’arriveront que dans très longtemps si tant est qu’ils doivent arriver un jour.
[Descartes, voyez-vous une solution à privilégier pour quelqu’un qui voudrait acquérir de l’expérience au sein d’un parti, tout en essayant de travailler au mieux pour ses (nos) idées ?]
La ligne qui divise aujourd’hui la politique française, et qui traverse tous les partis est à mon avis la division « jacobins/girondins ». Et c’est pourquoi je pense que « nos » idées peuvent finalement être défendues dans presque n’importe quel parti. Mon conseil pour un jeune qui veut se former serait d’adhérer à un Parti. N’importe lequel. Vous trouverez des « jacobins » au PS et à l’UMP, au PC et au FN. Le choix du parti dépend donc plus des antécédents familiaux, du cadre dans lequel on a été formé, des références. Vous aurez moins de mal à vous intégrer, si vous venez d’une famille « de gauche », dans un parti du même label. Mais l’important est de s’investir tout en gardant une certaine distance intellectuelle. De répéter les slogans, s’il le faut, mais sans y croire. Et de chercher, dans les débats, dans les échanges, dans les luttes, de penser. Car on ne pense jamais seul. On pense toujours avec – ou contre – quelqu’un.
Vous l’aurez compris : dans le contexte mouvant qui est le notre, alors que personne n’a d’idées claires, la priorité pour moi va à la réflexion plutôt qu’à l’action. Nous sommes probablement proches d’une rupture, puisqu’on voit le modèle qui est le notre s’épuiser un peu plus chaque jour. C’est le moment de forger les instruments intellectuels qui demain nous serviront pour analyser les transformations et pour peser sur elles.
@ Descartes,
Bonjour,
[Je continue à penser qu’il est de l’intérêt des progressistes – et accessoirement des couches populaires]
La dichotomie que vous établissez dans les termes ci-dessus entre progressistes et « accessoirement » les couches populaires ne me parait pas très claire. Est-on non progressiste en appartenant aux couches populaires ?
[qu’au fur et à mesure qu’on s’approche de la sortie on a de plus en plus envie de laisser une marque, fut-elle modeste, dans l’histoire]
Il est, à mon humble avis, conseillé de prendre son parti d’un rapprochement inéluctable de la « sortie » dès sa naissance. Cela évite d’avoir à changer de stratégie sous la pression du temps qui passe et nous dépasse.
Néanmoins, la question qui peut se poser aux « amortis » est : que privilégier entre une empreinte profonde et durable sur peu d’individus qui diffusent à leur tour ce qu’ils ont reçu, ou une trace imperceptible et évanescente sur un plus grand nombre qui se dissout dans l’océan des options salvatrices mortes nées.
Je me réjouis de constater que nombre de jeunes commentateurs de ce blog sont demandeurs de conseils, ce qui présume d’une influence en profondeur. Un auditoire plus étendu implique une simplification outrancière des messages qui se mêlent à la masse des meutes avides de reconnaissance et d’apparence de pouvoir.
[ Nous sommes probablement proches d’une rupture, puisqu’on voit le modèle qui est le notre s’épuiser un peu plus chaque jour]
A cette assertion, je souhaite juxtaposer cet échange que nous avons eu ces jours derniers :
J’écrivais : [Les partis traditionnels sont en train de se dissoudre et des recompositions sont probablement dans les cartons des “quadras”.]
Votre réponse : [Encore une fois, c’est quelque chose dont on nous bassine depuis 1968. Et la prédiction ne s’est jamais réalisée. Les diverses groupes de « quadras » en qui nos élites médiatico-politiques on déposé successivement leurs espoirs se sont piteusement plantés].
Mon propos n’était pas très loin –dans mon esprit en tout cas – du votre, à la différence qu’appliquant le principe comme quoi la nature (encore elle !) a horreur du vide, je subodorais spontanément que la génération montante ne restait pas les mains dans les poches. Mais je sais que vous vivez une période pessimiste et je mets votre réponse sur ce compte.
Si la guerre de 39/45 n’avait pas eu lieu, de Gaulle, malgré son projet « vers l’armée de métier » serait probablement resté un illustre inconnu.
Bonsoir Descartes,
[La ligne qui divise aujourd’hui la politique française, et qui traverse tous les partis est à mon avis la division « jacobins/girondins ».]
Qu’entendez-vous par “jacobins/girondins” à l’heure actuelle? S’agit-il d’une opposition libéral/étatiste et européen/souverainiste?
Un parti qui comporterait les deux tendances en son sein n’est-il déjà pas trop “fourre-tout”? Je comprends bien l’écueil du parti “groupusculaire”, mais pour ne citer que l’UMP, un mouvement qui comporterait en son sein des libéraux, des centristes, des gaullistes, des souverainistes et des conservateurs, n’est-ce pas déjà un trop grand écart? Où est la cohérence de cette macédoine?
Enfin, je me permets d’ajouter à la suite de mon commentaire, qu’à l’occasion des trente ans de l’émission Répliques de M. Finkielkraut diffusée sur France Culture, un enregistrement des deux prochains sujets sera ouvert au public. L’entrée est gratuite, je pense que les places partiront assez vite. (http://www.maisondelaradio.fr/evenement/emission-en-public/lemission-repliques-fete-ses-30-ans/avec-deux-emissions-en-public-au) Je vous prie de bien m’excuser de faire de la publicité pour l’émission, mais à mon sens, elle contribue, tout comme votre blog, à la diffusion d’un information de qualité. Enfin, si ça vous embête, vous pouvez toujours censurer cette partie de mon commentaire!
Merci
@ Descartes
[“Et c’est pourquoi il est assez difficile de « travailler au sein de ce parti » en étant sur qu’on travaille vraiment pour Philippot. Je continue à penser qu’il est de l’intérêt des progressistes – et accessoirement des couches populaires – que la « ligne Philippot » s’impose au FN. Mais l’affrontement entre les « anciens » et les « nouveaux » au FN n’est pas assez clair aujourd’hui pour pouvoir prendre parti.”]
La « ligne Philippot » n’est autre que celle de Marine Le Pen. Voyez la réponse très claire qu’elle-même donne à cette question dans l’émission du 14 février de Zemmour et Naulleau (à partir de 16:00). Elle s’est donc d’ores et déjà imposée au FN.
@ Marcailloux
[Je continue à penser qu’il est de l’intérêt des progressistes – et accessoirement des couches populaires][La dichotomie que vous établissez dans les termes ci-dessus entre progressistes et « accessoirement » les couches populaires ne me parait pas très claire. Est-on non progressiste en appartenant aux couches populaires ?]
Je n’établis pas de dichotomie. Si j’ai utilisé l’adverbe « accesoirement », c’était parce que cette discussion portait principalement à mon avis sur des positions idéologiques, et non de classe. Les « progressistes », qui se caractérisent par leur adhésion à une idéologie, peuvent se trouver dans toutes les classes. Et à l’inverse, vous trouverez des réactionnaires dans les couches populaires.
[Il est, à mon humble avis, conseillé de prendre son parti d’un rapprochement inéluctable de la « sortie » dès sa naissance. Cela évite d’avoir à changer de stratégie sous la pression du temps qui passe et nous dépasse.]
Je ne le pense pas. Quelque soit la lucidité qu’on peut avoir, on ne réagit pas lorsqu’on a devant soi soixante ou soixante-dix années de vie et lorsqu’on en a trente. Moins il nous reste de temps, et plus on a envie de voir les résultats. En tout cas, c’est ce que je constate personnellement. Il y a trente ans, lorsqu’un projet prenait du retard, je me disais « ce n’est pas grave, il faut donner du temps au temps ». Aujourd’hui, cela m’énerve bien plus.
[Mon propos n’était pas très loin –dans mon esprit en tout cas – du votre, à la différence qu’appliquant le principe comme quoi la nature (encore elle !) a horreur du vide, je subodorais spontanément que la génération montante ne restait pas les mains dans les poches.]
Je ne suis pas sûr que ce soient les « générations montantes », ces fameux « quadra », qui peuvent conduire la « rupture ». Ils sont soit trop vieux, soit trop jeunes…
[Si la guerre de 39/45 n’avait pas eu lieu, de Gaulle, malgré son projet « vers l’armée de métier » serait probablement resté un illustre inconnu.]
Certainement. Et s’il était mort en 1957, l’histoire l’aurait probablement oublié. Sans ces circonstances « tragiques », il serait un illustre inconnu. Mais si les circonstances sont indispensables pour faire un grand homme, elles ne grandissent pas n’importe qui. Il faut avoir les idées, les compétences, le charisme et la stature pour saisir le moment. On ne fait pas de n’importe quel canasson un cheval de course…
@ Descartes et Maxime C.
Bonjour,
[ La ligne qui divise aujourd’hui la politique française, et qui traverse tous les partis est à mon avis la division « jacobins/girondins ». Et c’est pourquoi je pense que « nos » idées peuvent finalement être défendues dans presque n’importe quel parti.]
C’est une ligne parmi probablement bien d’autres, mais peut-on actuellement vraiment parler de « ligne »
Lorsqu’il y a désagrégation – ce terme désignant l’état des partis dans lesquels les courants antagonistes se multiplient – une nouvelle carte des positions politiques est nécessaire.
Actuellement, les partis politiques sont contraints au grand écart permanent pour tenter de concilier l’inconciliable dans leurs rangs, ce qui les amènent insensiblement à adopter un PPCM idéologique et programmatique proche de l’encéphalogramme plat.
Les électeurs s’en détournent et les rejettent, ce qui a pour effet de multiplier les tentatives désespérées de ces mêmes partis à trouver des formulations ayant les apparences de la nouveauté et ainsi décupler autant de courants ou d’écuries – ce mot employé habituellement pour les chevaux convient aussi pour des ânes – et renforcer ainsi la désagrégation. Ce n’est point de Tartuffe ( « On n’y respecte rien, chacun y parle haut, Et c’est tout justement la cour du roi Pétaut. » ) dont nous avons besoin, c’est d’un nouvel Héraclès chez Augias.
Il est peut être temps de se départir de cette notion de ligne, par trop simpliste pour enfin admettre que la réalité de ce que nous sommes amenés à vivre, du point de vue de nos opinions, est polymorphe et éphémère, les opinions et les convictions qui les sous-tendent sont soumises à des contradictions inintelligibles pour le commun des citoyens, et que seuls la forme et le vecteur des stimuli reçus ont réellement un impact sur nos opinions du moment ou sur tel ou tel sujet.
Combien d’entre nous sont capables ou se donnent la capacité de s’extraire de ce carcan déterministe ?
p.s. à Maxime: je vous encourage à poursuivre vos commentaires sur ce blog, vous y gagnerez – sinon en révélation – du moins en rigueur de réflexion. Vous semblez jeune, eh bien profitez de la chance de pouvoir échanger avec des ainés expérimentés, certains même érudits comme notre hote, qui accepte la contradiction, ce qui est rare, chance disais-je dont beaucoup de ces ainés n’ont pu bénéficier. C’est là, le miracle d’Internet.
@ Bruno
[Qu’entendez-vous par “jacobins/girondins” à l’heure actuelle ? S’agit-il d’une opposition libéral/étatiste et européen/souverainiste ?]
Je pense qu’il existe aujourd’hui en France une ligne de division politique qui est en fait bien plus consistante que la vieille ligne « droite/gauche ». D’un côté, vous trouvez des gens partisans d’un Etat fort et interventionniste, d’institutions solides, d’une société méritocratique, d’un système politique fondé sur la souveraineté nationale. De l’autre, vous trouvez des gens partisans d’un Etat faible, faisant confiance aux corps intermédiaires et à la « société civile » plutôt qu’aux institutions, rejettant l’idée même de mérite, et prêts à sacrifier la souveraineté nationale pour la confier soit au local, soit au supranational. Si on utilise les termes « girondins » et « jacobins », c’est parce qu’à un moment de notre histoire, la Révolution française, ces deux groupes ont incarné les deux pôles de cette division.
[Un parti qui comporterait les deux tendances en son sein n’est-il déjà pas trop “fourre-tout”? Je comprends bien l’écueil du parti “groupusculaire”, mais pour ne citer que l’UMP, un mouvement qui comporterait en son sein des libéraux, des centristes, des gaullistes, des souverainistes et des conservateurs, n’est-ce pas déjà un trop grand écart?]
Cela dépend comment les différences sont gérées. A certains moments, les « souverainistes » a l’intérieur de l’UMP ou du PS ont obtenu bien plus de résultats pratiques que s’ils avaient été dans un groupuscule homogène. Tout simplement parce qu’ils peuvent peser sur les équilibres « de l’intérieur », ce qui est généralement plus facile que de peser « de l’extérieur ».
[Où est la cohérence de cette macédoine?]
Quelle cohérence ? Pourquoi voulez-vous de la « cohérence » ? On peut être « cohérent » dans le plan des idées, mais lorsqu’on gouverne, on fait ce qu’on peut. On a tendance à idéaliser les grandes périodes de notre histoire. Prenons la Libération : a côté de mesures considérées comme « progressistes » – exemple, la sécurité sociale – on a pris d’autres qui étaient passablement « réactionnaires » – exemple, l’enterrement de la réforme Chataigneau en Algérie. Pour avoir les unes, il fallut céder sur les autres, et le résultat est assez « incohérent »…
[Enfin, je me permets d’ajouter à la suite de mon commentaire, qu’à l’occasion des trente ans de l’émission Répliques de M. Finkielkraut diffusée sur France Culture, un enregistrement des deux prochains sujets sera ouvert au public. L’entrée est gratuite, je pense que les places partiront assez vite. (http://www.maisondelaradio.fr/evenement/emission-en-public/lemission-repliques-fete-ses-30-ans/avec-deux-emissions-en-public-au) Je vous prie de bien m’excuser de faire de la publicité pour l’émission, mais à mon sens, elle contribue, tout comme votre blog, à la diffusion d’un information de qualité. Enfin, si ça vous embête, vous pouvez toujours censurer cette partie de mon commentaire !]
Pourquoi le ferais-je ? Ce n’est pas de la publicité commerciale ! Et je dois dire que je suis assez fan de cette émission, l’une des rares ou l’on n’hésite pas à inviter des gens d’opinions différentes qui peuvent débattre dans un climat chaleureux et respectueux. En ces temps d’intolérance, c’est tellement rare…
@ dsk
[La « ligne Philippot » n’est autre que celle de Marine Le Pen. Voyez la réponse très claire qu’elle-même donne à cette question dans l’émission du 14 février de Zemmour et Naulleau (à partir de 16:00). Elle s’est donc d’ores et déjà imposée au FN.]
Pour le moment, oui. Mais il y a une question qui n’est pas simple, c’est de savoir qu’est ce qui fait aujourd’hui la dynamique du Front National. Certains pointent le fait que les éléments programmatiques les plus caractéristiques du « nouveau » FN (la sortie de l’Euro, l’affrontement avec l’Europe, l’Etat fort, etc.) peinent à s’imposer dans l’opinion, alors que ceux qui caractérisaient « l’ancien » FN (le rejet de l’immigration, la méfiance envers l’Islam) motivent très largement l’électorat. Ils en tirent la conclusion que Marine Le Pen devra, si elle veut vraiment s’imposer à droite et peut-être accéder à l’Elysée, modifier sa « ligne » en collant de plus près à « l’ancien » FN.
Je ne partage pas tout à fait cette analyse. Il est vrai que, comme on nous le répète en permanence, l’électorat rejette majoritairement une sortie de l’Euro. Mais on sait bien que dans les sondages les électeurs tendent, sur les sujets plus « techniques », à répéter automatiquement ce que disent les médias. Et vu la campagne médiatique sur ce sujet, il faut vraiment avoir envie d’aller contre le courant pour se déclarer. C’est pourquoi on ne peut pas comparer les chiffres obtenus sur une question « tripale », genre « pensez vous qu’il y a trop d’étrangers en France », et ceux obtenus sur une question « tecchnique », genre « pensez-vous qu’il faut réformer les délais de prescription du délit d’abus de biens sociaux ».
Cela étant dit, aucune victoire n’est définitive en politique, et la « ligne Philippot », qui est aujourd’hui celle choisie par Marine Le Pen au niveau national, est loin de s’être imposée à tous les étages du FN. La coupure « nord-sud » demeure, et pour le moment Marine Le Pen ne semble pas avoir l’autorité suffisante pour faire taire les contestataires sans risque de provoquer une scission ou un affaiblissement de son parti. Raison pour laquelle, en bonne politicienne qui n’a plus envie de faire du “groupusculaire”, elle s’abstient. Je pense donc que cette ambiguïté survivra encore quelque temps, et du coup il est difficile pour un progressiste de soutenir Philippot sans pour autant soutenir Jean-Marie Le Pen.
@ marcailloux
[Lorsqu’il y a désagrégation – ce terme désignant l’état des partis dans lesquels les courants antagonistes se multiplient – une nouvelle carte des positions politiques est nécessaire. Actuellement, les partis politiques sont contraints au grand écart permanent pour tenter de concilier l’inconciliable dans leurs rangs, ce qui les amènent insensiblement à adopter un PPCM idéologique et programmatique proche de l’encéphalogramme plat.]
Je crois qu’il ne faut pas confondre deux phénomènes. D’un côté, il y a la question des différents courants de pensée dans un parti. Je pense que c’est quelque chose de sain, et que cela enrichit le débat, à condition bien entendu qu’il y ait des instances internes capables d’arbitrer les différences pour aboutir à une ligne cohérente qui soit soutenue par l’ensemble du parti. Ces instances doivent avoir suffisamment d’autorité pour aboutir à ce résultat, ce qui nous ramène à la problématique d’institutionnalisation des partis politiques, particulièrement faible à l’heure actuelle.
D’un autre côté, il y a le phénomène de la communication par « cibles », importé depuis le marketing d’entreprise dans la politique. Les partis cherchent à conquérir non pas un électorat sociologiquement homogène comme cela se faisait dans le temps – quitte ensuite à négocier avec d’autres partis des alliances pour aboutir à une majorité – mais à s’adresser à tous les électorats possibles et imaginables en même temps. D’où ce « PPCM idéologique » censé n’effrayer personne, accompagné de propositions ciblées – et incohérentes entre elles – destinées à des électorats spécifiques.
Je crois qu’au final je suis d’accord pour dire qu’il est actuellement trop tôt pour s’engager au FN dans l’espoir de travailler uniquement pour la ligne Marine Le Pen /Florian Philippot. Je pense que l’envie de voir cette composante prendre le dessus a biaisé ma vision de la situation. En fait, le vote interne qui a eu lieu en fin d’année dernière, et qui a vu arriver Philippot en 4ème position, m’avait déjà fait l’effet d’une claque !! En effet, comment ne pas interpréter cela autrement que comme une démonstration de force de la base traditionnelle. Du coup je vais plutôt tenter ma chance du coté du PC pour voir ce qu’il en est. J’espère y trouver des personnes partageant mes idées et aussi (et ça n’y manquera pas vu le type d’électorat dominant au sein du parti) des personnes avec des idées opposées. Car comme vous le dites, c’est avec la confrontation des idées que l’on peut construire les siennes.
@ marcailloux
Effectivement je suis encore jeune (23 ans), et je suis bien conscient de l’opportunité qu’offre ce genre de support. Typiquement, la définition des différentes classes sociales que donne Descartes, et que j’ai fait mienne, ne me serait peut être jamais venu à l’esprit. C’est une aubaine et un gain de temps formidable que de pouvoir démarrer avec ces outils théoriques ! Nous sommes en plein dans la transmission ;).
@ Maxime C.
[En fait, le vote interne qui a eu lieu en fin d’année dernière, et qui a vu arriver Philippot en 4ème position, m’avait déjà fait l’effet d’une claque !! En effet, comment ne pas interpréter cela autrement que comme une démonstration de force de la base traditionnelle.]
Je ne sais pas si c’est une « claque », mais en tout cas c’est un rappel du fait que le Front National « à l’ancienne » est loin d’être mort, et que si la « ligne Philippot » semble s’être imposée au sommet, il reste du boulot pour en faire l’idéologie « naturelle » à la base. Le FN a un problème réel en termes de formation de cadres : aussi longtemps qu’il n’aura pas un système centralisé de formation qui lui permettra d’avoir partout dans le territoire des cadres formés dans le même cadre idéologique, le FN restera une sorte de fédération de tribus et d’individus ou chacun se sent autorisé au nom du FN à dire ce qui lui passe par la tête, avec les inévitables « couacs » auxquels on assiste presque quotidiennement.
On a beaucoup raillé le « monolithisme » du PCF, mais on a mal compris son pourquoi. Un parti « populaire » en butte à l’hostilité permanente de l’establishment politico-médiatique qui exploite la moindre contradiction dans son discours ne peut se permettre les incohérences. Et pour prévenir les incohérences, il lui faut un « livre sacré » et une prêtrise formée dans un moule qui garantit qu’à la même question on obtiendra toujours la même réponse. De toute évidence, l’équipe autour de Philippot en est conscient, et c’est pourquoi on peut trouver au FN une production textuelle assez abondante et de bonne qualité, qui semble être l’amorce d’une « bible Philippot ». Reste que cette bible n’est pas encore unanimement acceptée, et qu’il lui manque le relais de prêtres formés à ses subtilités…
[Du coup je vais plutôt tenter ma chance du coté du PC pour voir ce qu’il en est. J’espère y trouver des personnes partageant mes idées et aussi (et ça n’y manquera pas vu le type d’électorat dominant au sein du parti) des personnes avec des idées opposées.]
Je vous y encourage. Mais gardez toujours une certaine distance critique par rapport à ce que vous écoutez, lisez les textes – ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier – et l’histoire du Parti, cela vous permettra de comprendre mieux le pourquoi de certains discours, certains tabous, certaines lignes de fracture. N’hésitez pas à faire parler les vieux militants de leur passé, vous apprendrez beaucoup de choses intéressantes.
Profitez aussi pour lire. Un militant doit avoir les bases en histoire, en économie, en philosophie. Ces bases rendent tout de suite les échanges et les discussions plus intéressantes. Ne comptez pas sur le Parti pour vous les fournir toutes cuites, d’une part parce que le système de formation du PCF est en ruines – ailleurs ce n’est guère mieux – et d’autre part parce qu’il ne vous apportera qu’un côté de l’argument. Soyez curieux, et méfiez-vous des vérités toutes faites servies comme des évidences…
@ Descartes
[Du coup je vais plutôt tenter ma chance du coté du PC pour voir ce qu’il en est. J’espère y trouver des personnes partageant mes idées et aussi (et ça n’y manquera pas vu le type d’électorat dominant au sein du parti) des personnes avec des idées opposées.] [Je vous y encourage.]
Attendez. Il existe actuellement un parti qui fait 30% dans les sondages, qui est en progression constante, qui est dirigé par des gens dont vous approuvez globalement la ligne, et vous encouragez cependant Maxime C à militer dans un parti qui n’est plus qu’un astre mort, aux mains des classes moyennes, et dirigé par des gens dont vous désapprouvez complètement la ligne ?
@ Maxime C
Si vous tenez à militer pour quelque chose qui s’apparente à la ligne Descartes/Philippot, vous n’avez rationnellement pas d’autre choix que de militer au FN. Vous contribuerez ainsi à faire pencher un peu plus la balance du bon côté, notamment par votre vote aux prochaines élections internes.
@ dsk
[Attendez. Il existe actuellement un parti qui fait 30% dans les sondages, qui est en progression constante, qui est dirigé par des gens dont vous approuvez globalement la ligne, et vous encouragez cependant Maxime C à militer dans un parti qui n’est plus qu’un astre mort, aux mains des classes moyennes, et dirigé par des gens dont vous désapprouvez complètement la ligne ?]
Oui. Parce que je vois ce militantisme comme un acte de formation. Maxime C. ne trouve pas un parti qui l’attire irrésistiblement et ou il a envie de s’engager. Il nous dit qu’aujourd’hui il veut se former comme militant avant de choisir le parti ou l’on veut vraiment s’engager. Je suis d’accord avec lui : mieux vaut expérimenter un peu avant de se marier. Or, expérimenter avec le FN c’est relativement dangereux : si vous décidez après d’aller ailleurs, vous risquez d’être marqué pour la vie et votre adhésion, même temporaire et « expérimentale », risque de vous fermer beaucoup de portes…
@ Maxime C
Vous savez, j’ai moi aussi vingt-trois ans et j’ai été militant actif du PCF pendant trois ans, des JC pendant un peu plus longtemps. Bien qu’étant, comme vous, en désaccord profond avec la ligne dominante, j’ai adhéré quand même, à la fois par sympathie pour ce que le vénérable Parti avait pu être, pour acquérir, comme le rappelle Descartes, une expérience du militantisme, enfin, comme vous, avec le vague espoir de pouvoir faire retrouver à cette honorable institution son auditoire populaire. Ce dernier espoir était profondément vain : il faut en avoir fait l’expérience pour comprendre.
Mais je ne regrette en rien l’aventure, et vous encourage à la tenter de votre côté. Le PCF, comme le rappelle Descartes, n’est plus du tout l’école du militantisme qu’il a pu être. Toutefois, c’est le parti qui vous donnera l’expérience la plus complète du militantisme de terrain. Le PCF a gardé, par rapport à tous (selon mon expérience) les autres partis, l’habitude d’occuper le terrain et de militer toute l’année, en dehors des périodes électorales. Je n’ai jamais vu l’UMP ou le PS coller des affiches, distribuer des tracts ou proposer des réunions publiques en dehors des périodes électorales. Si les militants communistes ont abandonné une grande partie de ce qui faisait leur héritage idéologique, ils n’ont pas abandonné leur extraordinaire volontarisme, leur contact avec les populations et leur sens de l’organisation. Adhérer au PCF se justifie presque uniquement par ce que cette expérience apporte.
Personnellement, j’ai quitté le militantisme actif (comme beaucoup, j’ai en fait cessé de venir) à cause de choix que j’avais trouvé désastreux tant dans le programme que dans les alliances au niveau local. J’avais fini par m’habituer au désaccord avec la plupart des camarades et la ligne nationale, mais le sentiment que malgré ce que l’on peut faire ou dire au niveau local, que l’on est entendu mais jamais écouté ont fini par me démotiver de consacrer de l’énergie, du temps ou de l’argent (les cotis à 1% du revenu restent toutefois très honnêtes) en pure perte… J’ai toujours de bons rapports avec ma section, je m’y rends parfois aux réunions, mais ça s’arrête là.
Comme Descartes, je vous encourage donc dans votre projet : le PCF est à mon avis le meilleur choix pour se former au militantisme. Mais n’ayez pas trop d’attente en termes de résultats vraiment politiques, si votre section a un projet local intéressant, investissez vous à fond, mais n’oubliez pas que la politique vue de l’intérieur est toujours bien plus difficile qu’on se l’imagine.
Bonne chance (peut-être bientôt) camarade !