Verdun : commémorer sans mémoire

C’est souvent dans les choses en apparence secondaires qu’une société se révèle. La semaine dernière, nous avions eu un exemple éloquent avec l’affaire Baupin, qui a vu un législateur de la République défenestré sur la base de simples accusations de concierge. Cette semaine c’est encore pire, avec l’affaire de la commémoration du centenaire de la bataille de Verdun.

D’abord, il faut rappeler quelques éléments concernant la bataille de Verdun. Le premier, qui échappe souvent aux commentateurs, est que Verdun est en France. Oui, je sais, cela paraît bête quand on le dit comme ça, mais c’est un point essentiel si l’on veut contrer cette vulgate que nos offrent nos élites en présentant la chose comme une bataille absurde où jeunes allemands et jeunes français se sont massacrés mutuellement dans des lieux indéterminés et pour des raisons qui aujourd’hui nous échappent. Or, cette symétrie est fausse. En 1914, c’est l’Allemagne qui déclare la guerre à la France, et cela malgré les mesures prises par le gouvernement français pour faire baisser la tension, comme celle de retirer les troupes placées aux frontières dix kilomètres à l’intérieur du territoire pour « donner sa chance à la paix », mesures qu’on paiera très cher quelques semaines plus tard. Ce sont les troupes allemandes qui ont traversé les frontières belge, luxembourgeoise et française (comme elles l’avaient fait en 1870 et comme elles le feront en 1940) et non l’inverse. Ce sont les populations françaises qui verront leurs maisons et leurs villages bombardés, et non les populations allemandes. Il n’y a donc pas de symétrie entre les combattants français et les combattants allemands. Les français se sont battus pour défendre leur territoire, les allemands pour le conquérir. Les armées françaises protégeaient leurs populations civiles, les troupes allemandes se plaçaient dans une logique de conquête, celle du plan Schlieffen.

Le deuxième point à rappeler, c’est que Verdun fut une tragédie. Des hommes s’y sont battus pendant des semaines sous un déluge de feu dans des conditions qu’il nous est aujourd’hui presque impossible d’imaginer. Entre 160.000 et 250.000 jeunes français y perdront la vie, plus de 220.000 y seront blessés. C’est un sacrifice immense pour le pays, et contrairement à ce qu’on veut faire croire aujourd’hui, un sacrifice consenti. Il faut signaler que s’il y eut des mutineries sur différents champs de bataille de la première guerre mondiale, il n’y en eut pas à Verdun, et cela malgré les conditions indescriptibles du combat. Verdun reste, au moins jusqu’aux années 1960 le symbole du courage et de l’abnégation d’une armée de citoyens montée au front « faire son devoir ». Des valeurs devenues fort ringardes depuis, et cela explique au moins en partie le ridicule de la situation d’aujourd’hui.

1916-2016, cela fait un centenaire. Et qui dit centenaire, dit commémoration. Mais dans le monde postmoderne dans lequel nous vivons, « commémoration » rime plus avec « amnésie » qu’avec « mémoire ». Il s’agit d’oublier les faits et de les réécrire pour qu’ils correspondent à la vulgate politique de l’époque. Et pour cela, il suffit de changer la perspective : ainsi, par exemple, le poilu discipliné qui est allé mourir pour son pays n’est plus un héros, mais l’exemple de cet esprit moutonnier que l’époque exècre. Le héros, c’est l’individu « libre », l’acteur des mutineries dont on réclame aujourd’hui la réhabilitation. Où alors, le soldat des régiments d’Afrique, qui émarge au quota diversitaire.

Mais le plus grand tour de passe-passe est celui dans lequel on transforme tout le monde en « victime ». Soldats français et soldats allemands, même combat ! Tous victimes d’un sort funeste tombé on ne sait d’où. Vous trouvez que j’exagère ? Et bien, dans ce cas, expliquez-moi ce que vient faire Angela Merkel dans cette célébration ? J’avais en son temps critiqué la venue du président allemand aux commémorations du massacre d’Oradour sur Glane, et mon opinion n’a pas changé. La commémoration de Verdun aujourd’hui comme celle d’Oradour hier est un deuil pour un membre de la famille assassiné. Et à un deuil de famille les familiers du meurtrier ne sont pas les bienvenus si ce n’est pour implorer le pardon. Si le but est de satisfaire à notre « devoir de mémoire » envers les français morts pour la France à Verdun, alors les autorités allemandes, héritières politiques de ceux qui les ont fait tuer, n’y ont pas leur place sauf si c’est pour présenter des excuses. Or, ce n’est pas le cas. Si Angela Merkel est invitée, c’est pour « célébrer la réconciliation ». En d’autres termes, on n’est pas là pour se souvenir, mais pour oublier. On n’y va pas pour dire aux générations vivantes de se souvenir du sacrifice des soldats de Verdun, mais pour les encourager au contraire à l’oublier sous prétexte qu’un tel sacrifice ne sera plus jamais nécessaire et que son souvenir constituerait un obstacle à l’amitié avec notre ennemi d’hier.

C’est cela qui permet de comprendre comment les personnes chargés d’organiser la soi disante « commémoration » en arrivent à en faire une célébration festive, au point de prévoir en point d’orgue un grand concert donné par le rappeur Black M, ancien membre du groupe « Sexion d’assaut ». Après tout, si on est à Verdun pour célébrer la réconciliation, quel mal y aurait-il à faire la fête en dansant dans ces champs de croix blanches, qui n’ont plus aucune signification ?

Il serait injuste de reprocher à tel ou tel élu, à tel ou tel fonctionnaire d’avoir imaginé qu’on pourrait commémorer le centenaire de Verdun avec un concert de rap – et qui plus est, donné par un rappeur auteur de plusieurs textes insultant notre pays. Ce ne sont pas les hommes qui sont en cause, mais une logique perverse, celle qui consiste à nous couper de notre mémoire. Dans Fahrenheit 451, la femme du personnage principal justifie le fait qu’on détruise les livres parce que les livres « rendent malheureux » alors qu’elle reste collée à la télévision qui, elle, ne donne que du bonheur. Ici, on fait un peu pareil. La bataille de Verdun ? Trop tragique, trop triste, pas assez « amusant ». On va oublier tous ces morts, toutes ces souffrances. On va les remplacer par Merkel et Hollande se donnant la main sous les accords de l’hymne européen, puis un petit concert de rap à 150.000 €.

Mais ne reste-t-il pas dans notre pays des gens qui ont encore un sens tragique de l’histoire pour protester ? Oui, il en existe. Et c’est là qu’une situation ridicule devient grotesque. Oui, des voix se sont élevées pour protester : des voix qui sont pratiquement toutes celles de politiciens qui vont de la droite à l’extrême droite, ce que « Le Monde », le journal des élites, appelle la « fachosphère ». La gauche n’a rien à dire, pas plus que les instances gouvernementales. Et ce silence pose problème: il montre à quel point la gauche a perdu toute conscience historique, au point de laisser à la droite le monopole de celle-ci.

Ce n’est que lorsque la mairie de Verdun, devant le déluge de protestations des politiques mais aussi de simples citoyens, annule le concert que la gauche se réveille brusquement, de Jack Lang à Cambadélis, pour dénoncer la « dictature idéologique de l’extrême droite », « l’atteinte à la liberté de création » et autres poncifs du même style. Quant à Black M, il joue la partition habituelle de la « victime », rappelant que « (son) grand-père Alpha Mamoudou Diallo, d'origine guinéenne, a combattu lors de la guerre 39-45 au sein des Tirailleurs Sénégalais – ces mêmes Tirailleurs Sénégalais qui étaient également présents lors de la Bataille de Verdun », comme si les mérites de son grand-père devaient permettre à son petit fils de dire n’importe quoi. Qu’aurait pensé grand-papa s’il avait su que son petit-fiston traite le pays pour lequel il s’est battu de « conne de France » ou de « pays kouffar » ? Je n’ose l’imaginer.

Tout cela laisse un goût amer. La question ici n’est pas celle du choix de style musical : faire chanter Johnny Halliday ou Annie Cordy à Verdun à la place de Black M n’aurait pas été mieux. L’art, c’est aussi la capacité de capturer l’esprit de l’occasion. Si on commémore une tragédie, il faut une musique tragique. Une cantate funèbre de Bach, le Requiem de Mozart – ou celui de Britten si on veut être à tout prix moderne – auraient été parfaitement à leur place. Piaf et Montand aussi ont chanté des chansons sur la guerre à vous couper le souffle par leur sens tragique. Le Rap est peut-être de l’art – ce dont personnellement je doute, mais c’est une autre affaire – mais n’en déplaise à Jack Lang il n’a pas encore produit de grand œuvre tragique. Et comment Black M pourrait en produire une, lui qui répond aux critiques : « Je les invite à venir me voir, qu’ils aiment ou pas ma musique, on va s’amuser » ? S’amuser en commémorant Verdun ? Imaginez-vous Brel ou Brassens disant pareille bêtise ? Non, bien sur que non. Parce que, tout antimilitaristes qu’ils aient pu être ils étaient, eux, des chanteurs « populaires » et des hommes cultivés.

Mais justement, nos politiques ne veulent pas de tragique ou du cultivé. Ils veulent du léger, du bonheur, du « djeune », des paillettes, de « l’entertainment ». C’est cela qui conduit à servir Black M sur un plateau au Front National. Parce qu’il ne faut pas se tromper, c’est pour le FN un cadeau de roi, une opportunité de montrer que l’establishment culturel est complètement coupé des réalités. Surtout que la « gauche culturelle » va se sentir obligée de défendre l’indéfendable au prétexte de combattre l’extrême droite. Cela a d’ailleurs commencé : pour le secrétaire d’Etat aux anciens combattants l’annulation du concert de Black M est « un premier pas vers le fascisme » (1), rien que ça. Pour la ministre de la culture le fait de « un ordre moral nauséabond ». Alors que l’intéressé, qui n’arrête de tenir des propos bien plus « nauséabonds » dans ses chansons déclare « Enfant de la République et fier de l'être", (… je) souhaite (…) faire barrière à ces propos haineux ». Interdit de rigoler.

Le plus amusant est que si la gauche officielle est unanime à condamner, il n’y a personne pour assumer la décision qui a mis le feu aux poudres. Car qui a décidé d’inviter Black M pour clôturer les festivités ? La mairie de Verdun (PS) affirme que ce n’est pas elle. Même chose à la mission pour la commémoration du centenaire. Le secrétaire d’Etat aux anciens combattants dédouane le gouvernement et l’Elysée. Tout le monde se cache derrière une « décision collective ». Courageux mais pas téméraires…

Descartes

(1) Jean-Marc Todeschini déclare par ailleurs « colère de voir qu’un déferlement de haine, d’injures et de menaces force un élu à annuler le concert d’un artiste dans un pays où la liberté d’expression et de création sont des valeurs et des droits fondamentaux ». On se souvient comment le gouvernement avait traité la « liberté d’expression et de création » dans l’affaire Dieudonné. Curieusement, Black M avait lui aussi eu des propos antisémites (dans la chanson « dans ma rue » : « les youpins s’éclatent et font des magasins ») et homophobes (dans la chanson « on t’a humilié » : « je crois qu’il est grand temps que les pédés périssent/Coupe-leur le pénis, laisse-les morts, retrouvés sur le périphérique. »). Quant à notre beau pays, le voir qualifié de « conne de France » ou de « pays kouffar », terme particulièrement méprisant et utilisé par la propagande islamiste. Les raisons pour lesquelles la « gauche culturelle » est tolérante avec certains et dure avec d’autres relèvent du mystère.

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145 réponses à Verdun : commémorer sans mémoire

  1. Carnot dit :

    Excellent article ! A ce propos avec quelques amis nous tenons un site destiné à la “défense et à l’illustration du modèle républicain” et nous avions rédigé un article au sujet de Verdun il y a quelques mois qui rejoint largement votre analyse du contexte :

    https://cerclerepublique.org/2016/03/13/verdun-gloire-de-la-republique/

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [nous avions rédigé un article au sujet de Verdun il y a quelques mois qui rejoint largement votre analyse du contexte]

      En effet. Et loin de réclamer une quelconque originalité, je suis ravi de voir que mon analyse est partagée !

  2. Gérard Couvert dit :

    Ravel à fait une partie de la guerre (volontaire bien que de santé fragile) à quelques dizaines de kilomètres de Verdun, voilà qui aurait pu être un choix à la hauteur du centenaire.
    Sinon vos textes sont toujours marqués par deux tares qu’évitent adroitement les élites zélotes d’aujourd’hui : l’intelligence de l’expression et l’honnêteté intellectuelle ; vous n’arriverez à rien !

    • Descartes dit :

      @ Gerard Couvert

      [Ravel à fait une partie de la guerre (volontaire bien que de santé fragile) à quelques dizaines de kilomètres de Verdun, voilà qui aurait pu être un choix à la hauteur du centenaire.]

      Oui… on aurait par exemple pu donner le « concerto pour la main gauche », écrit par Ravel pour le pianiste autrichien Paul Wittgenstein qui avait perdu le bras droit lors de la première guerre mondiale. Une pièce particulièrement tragique. Mais pour suggérer un tel choix, il aurait fallu que ceux qui organisent les festivités aient un minimum de culture…

      [Sinon vos textes sont toujours marqués par deux tares qu’évitent adroitement les élites zélotes d’aujourd’hui : l’intelligence de l’expression et l’honnêteté intellectuelle ; vous n’arriverez à rien !]

      En effet, ma carrière est sérieusement compromise. Jamais je ne serai président de la République…

    • Gérard Couvert dit :

      “ture” on cherche, pour le début du mot il semble que ce soient plus dans leurs cordes.

      La France perd beaucoup à ne pas vous avoir comme président ! et je suis sérieux, je pense que nous serions quelques uns, probablement beaucoup, à trouver le fait jubilatoire.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [“ture” on cherche, pour le début du mot il semble que ce soient plus dans leurs cordes.]

      J’ai pas compris cette remarque. Je me demande si votre commentaire n’a pas subi une coupe intempestive à l’envoi…

      [La France perd beaucoup à ne pas vous avoir comme président ! et je suis sérieux, je pense que nous serions quelques uns, probablement beaucoup, à trouver le fait jubilatoire.]

      Pas moi ! Je ne crois pas avoir en moi ce qu’il faudrait pour faire un président de la République, en tout cas un président tel que je l’imagine… mais ma modestie naturelle ne va pas jusqu’à penser que je ferais moins bien que Hollande !

  3. luc dit :

    [Les raisons pour lesquelles la « gauche culturelle » est tolérante avec certains et dure avec d’autres relèvent du mystère].
    Je partage ces interrogations.
    Une des explications possibles est la perte du sens de la citoyenneté chez les soixantehuitards doublée d’un narcissisme ‘révolutionnaire’ qui empêche de critiquer les noirs,les arabes ou les musulmans.Pourquoi?là est le vrai mystère.
    Une autre hypothèse est la relative ignorance de nos politiques pour qui le mot Koufirs est sans conséquences alors que des centaines de milliers de gens ont été tués pour’ça’ au cours ed l’Histoire.Etre un mécréant au pays des fous de Dieu,est une totale impossibilité d’où la mort programmée pour les Koufirs.
    Plus concrètement et prosaïquement,la perspective de financements par des pétro-islamo-dollars est alléchante pour les nombreux adeptes des micro-partis.
    Mais c’est peut être de la parano malgrè tout ce que nous révèle l’actualité,jour aprés jour et ce qu’elle nous cache aussi….
    Comme le fait que les Emburkanés touchent quelques centaines d’euros pour se couvrir et que les combattants de DAECH sont des mercenaires à la solde consistante…….

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Une des explications possibles est la perte du sens de la citoyenneté chez les soixantehuitards doublée d’un narcissisme ‘révolutionnaire’ qui empêche de critiquer les noirs, les arabes ou les musulmans. Pourquoi? là est le vrai mystère.]

      Pas si mystérieux que cela. Je pense que la gauche est aliénée au FN. Il suffit que le FN dise qu’il fait jour a midi pour que la gauche se sente obligée de dire le contraire. On le voit quotidiennement avec les contorsions que la « gauche radicale » accomplit pour éviter de parler frontalement de sortie de l’euro, alors que tout dans son analyse la conduit inévitablement vers cette conclusion. Seulement voilà, dire qu’il faut sortir de l’euro reviendrait à dire comme le FN, alors il faut fabriquer des « plans B » et autres bêtises pour donner l’illusion de la différence. Souvenez-vous aussi des contorsions sur le « non de gauche » au référendum de 2005.

      Dieudonné est homophobe et antisémite, mais il plaît au FN. On peut donc le crucifier sans crainte bien qu’il soit noir. Black M, lui, est attaqué par l’extrême droite, il faut donc le défendre. C’est aussi simple que cela. La réalité, c’est que c’est le FN qui choisit les cibles de la gauche.

  4. Trublion dit :

    Bonjour,
    c’est drôle que cet article tombe juste au moment où nous parlions de l’annulation du concert de Black M avec ma femme.
    Je lui disais que j’étais content qu’on annule ce concert car il s’agit d’une commémoration, pas d’une kermesse. Quit à inviter Black M, pourquoi ne pas faire venir aussi David Guetta ?

    Le problème actuel (enfin l’un des problèmes) de la gauche c’est que sa grille de lecture du monde, de l’Histoire et des rapports sociaux a été pervertie par l’idéologie victimaire. D’un côté il y a des victimes historiques à qui tous les égards sont dus, à qui on pardonnera tous les écarts de conduite et de l’autre il y a les méchants éternels racistes xénophobes haineux intolérants.

    La gauche ne se rend pas compte que son attitude alimente le double jeu de personnes comme Black M qui sont contents de s’enrichir grâce notamment à des enfants blancs achetant leur musique mais qui gardent un ressentiment profond lié à la colonisation. Sauf qu’à un moment donné il faut savoir être conséquent : Black M a le droit de ne pas aimer la France, et dans ce cas il serait judicieux d’aller vivre ailleurs.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Je lui disais que j’étais content qu’on annule ce concert car il s’agit d’une commémoration, pas d’une kermesse. Quitte à inviter Black M, pourquoi ne pas faire venir aussi David Guetta ?]

      Pourquoi pas, en effet ? Je persiste dans mon analyse : le but est de casser le lien avec l’histoire. C’est dire que cette histoire ne nous concerne pas – ou plus. C’est pourquoi on invite Angela Merkel, et qu’on termine par un concert donné par une « idole des jeunes » et dont on peut prédire que les chansons n’auraient eu le moindre rapport avec l’événement. Le message est absolument transparent : Verdun c’était un mauvais rêve, il n’y a plus rien à craindre, vous pouvez faire la fête tranquilles, nous veillons sur vous.

      [Le problème actuel (enfin l’un des problèmes) de la gauche c’est que sa grille de lecture du monde, de l’Histoire et des rapports sociaux a été pervertie par l’idéologie victimaire. D’un côté il y a des victimes historiques à qui tous les égards sont dus, à qui on pardonnera tous les écarts de conduite et de l’autre il y a les méchants éternels racistes xénophobes haineux intolérants.]

      Aussi. Mais je ne crois pas que ce soit ce phénomène-là que l’affaire de Verdun illustre. Dieudonné est aussi noir que Black M, et pourtant la gauche a communié dans la détestation du personnage. Dans l’affaire de Verdun, on voit un double mécanisme. Le premier, celui de l’amnésie, j’en ai parlé plus haut. Et une fois l’affaire enclenchée et le scandale éclaté, c’est l’effet miroir qui joue : dès lors que Black M est attaqué par l’extrême droite, il est digne d’être défendu. Peu importe qu’il soit homophobe, antisémite, ou qu’il conchie la France dans ses chansons.

      Cette affaire révèle deux dynamiques différentes, toute les deux destructrices. D’une part, il s’est trouvé un collectif de bienpensants – car peu importe qui a pris la décision, le moins qu’on puisse dire est que les autres ne l’ont pas violemment contestée – pour imaginer qu’il était approprié de transformer la commémoration de Verdun en fête de la musique. D’autre part, on découvre que la gauche se caricature elle-même en permettant à l’extrême droite de lui choisir ses amis.

      Et le pire, dans cette affaire, est que l’intelligence politique est du côte du FN. Je doute qu’une majorité de français – et encore moins de français des couches populaires – soit emballé par l’idée d’un concert de rap dans un cimetière. On peut appeler ça « conservatisme », moi je l’appelle « décence ». En jouant de l’effet miroir, le FN met en évidence le décalage entre une gauche dont Jack Lang se trouve être le paradigme, et une extrême droite portant la vision du « peuple ». Franchement, je souffre de voir la gauche tomber dans un piège aussi stupide.

      [La gauche ne se rend pas compte que son attitude alimente le double jeu de personnes comme Black M qui sont contents de s’enrichir grâce notamment à des enfants blancs achetant leur musique mais qui gardent un ressentiment profond lié à la colonisation.]

      Franchement, je ne pense pas que Black M soit aussi politique. Black M – et les gens qui l’entourent – sont d’excellents commerçants. L’épisode homophobe de Sexion d’Assaut est de ce point très révélateur. Le rap utilise la violence verbale pour attirer son public, mais il faut savoir doser. La violence contre les « keufs », ça passe. La violence contre les homos, ça passe moins. Alors, on s’adapte : quand il a vu que sa formule risquait de lui aliéner son public et surtout la manne publique, tout à coup Black M participe à des actions en faveur des homosexuels et le fait savoir…

      [Sauf qu’à un moment donné il faut savoir être conséquent : Black M a le droit de ne pas aimer la France, et dans ce cas il serait judicieux d’aller vivre ailleurs.]

      La question de savoir si Black M aime ou n’aime pas la France est une question mal posée. Black M ne connaît pas la France et n’a pas envie de la connaître. Si chanter « conne de France » rapporte de l’argent, on chante. Et si demain cela rapportait de chanter « Maréchal nous voilà », il le chanterait aussi. Vous ne me croyez pas ? Lisez le communiqué que Black M a publié. Lui qui conchie le « pays kouffar » et la « conne de France » tout à coup pleure à chaudes larmes sur le patriotisme de son grand-père et se proclame « enfant de la République et fier de l’être ». C’est fou ce que la perte d’un concert à 150.000€ peut faire changer d’avis un homme…

  5. CVT dit :

    @Descartes,
    [Oui, des voix se sont élevées pour protester : des voix qui sont pratiquement toutes celles de politiciens qui vont de la droite à l’extrême droite, ce que « Le Monde », le journal des élites, appelle la « fachosphère »]

    Et bien, dans ce cas, je veux bien être traité de fasciste, surtout venant de gens qui agissent comme tel!! Après tout, si le PS affirme défendre la République, c’est que les mots n’ont plus aucun sens. Alors, va pour facho!

    Dans cette “Mission du Centenaire”, la décence ordinaire (cette “common decency” chère à Orwell) aura été foulée aux pieds, tant par les communicants de l’Elysée (pour la petite histoire, l’organisation de ce “raout” est l’oeuvre de Joseph Zimet, ancien conseiller de DSK et mieux connu à la ville comme le mari d’une certaine Rama Yade…), que par le minus qui était censé chanter à l’occasion de cette hommage aux Poilus “pour s’amuser”!
    Vous avez raison, pour les petits détails qui en disent long: après le pavois du drapeaux tricolore pour commémorer le deuil des victimes des massacres du 13 Novembre dernier, nos “élites” (guillemets de rigueur) commettent une nouvelle faute de goût: non, un cimetière n’est pas le lieu où organiser une “teuf” ou une “rave party”!

    Sinon, la débandade des socialistes dans cette affaire prouve deux choses:
    – que les médias ne disent pas la vérité sur le nombre des gens qui contestent le bien-fondé des choix faits pour l’organisation de cette cérémonie, car je suis quasi-certain qu’un sondage montrerait que l’écrasante majorité des Français sont en désaccord, voire choqués par l’idée même d’un concert en de telle circonstance! L’incongruité de la chose n’a bien entendu strictement AUCUN rapport avec la couleur de peau de « Black M », pour ne pas le nommer! En gros, en matière de propagande, j’ai l’impression de vivre en 2016 ce que les habitants des ex-pays de l’Est subissaient dans les années 80, à la différence près que si en France, la presse est censée être libre, la censure des opinions divergentes n’est pas vraiment le fait de l’Etat, mais de personnes privées!
    – que contrairement à ce qu’il s’est passé pour le « mariage pour tous », où les seules protestations officielles et autorisées venaient là encore soi-disant de l’extrême-droite, la gauche n’a pas insister pour aller au bout de sa logique absurde, et a préférer battre en retraite. C’est bien la preuve qu’elle était ISOLEE dans sa démarche, et totalement déconnectée des Français, qu’elle diffame en traitant ses contradicteurs de « fascistes ».

    Ce qui me fait peur, dans cette affaire, c’est que je ne sais pas où sont pas les ex-UMP: sont-ils de mèche avec le PS? Ce serait grave, car nous sommes gouvernés par des représentants qui au mieux haïssent la France, au pire la méprise. Plus embêtant: est-ce qu’au fond, les Français sont s’en soucient encore?

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Dans cette “Mission du Centenaire”, la décence ordinaire (cette “common decency” chère à Orwell) aura été foulée aux pieds, tant par les communicants de l’Elysée (pour la petite histoire, l’organisation de ce “raout” est l’oeuvre de Joseph Zimet, ancien conseiller de DSK et mieux connu à la ville comme le mari d’une certaine Rama Yade…), que par le minus qui était censé chanter à l’occasion de cette hommage aux Poilus “pour s’amuser”!]

      Tout a fait. Et c’est révélateur de la « bulle » dans laquelle ces gens vivent. Que plusieurs dizaines de personnes aient organisé cette affaire sans que quelqu’un se soit dit à un moment « mais qu’est ce que nous sommes en train de faire ? » laisse songeur. Le plus drôle, c’est que personne aujourd’hui n’assume la décision, ravalée au rang de « décision collective » (traduction : personne n’est responsable).

      [Vous avez raison, pour les petits détails qui en disent long: après le pavois du drapeaux tricolore pour commémorer le deuil des victimes des massacres du 13 Novembre dernier, nos “élites” (guillemets de rigueur) commettent une nouvelle faute de goût: non, un cimetière n’est pas le lieu où organiser une “teuf” ou une “rave party”!]

      Je ne classerai pas les deux choses dans la même catégorie. L’encouragement à mettre le drapeau aux fenêtres était une tentative de l’Elysée de récupérer un sentiment populaire qui avait été puissant lors de l’attentat – plus « politique » – du 7 janvier contre Charlie Hebdo. Je ne trouve pas que l’initiative fut « de mauvais goût ». Par contre, cette affaire de Verdun rentre dans la logique d’effacer l’histoire. On n’ose pas – encore – raser pour de bon les cimetières de la première guerre mondiale, alors on les rase symboliquement, en y faisant la fête.

      [les médias ne disent pas la vérité sur le nombre des gens qui contestent le bien-fondé des choix faits pour l’organisation de cette cérémonie, car je suis quasi-certain qu’un sondage montrerait que l’écrasante majorité des Français sont en désaccord, voire choqués par l’idée même d’un concert en de telle circonstance!]

      Je le pense aussi, mais je ne crois pas que des sondages aient été faits à ce propos. Peut-être il y en aura d’ici quelques jours.

      [L’incongruité de la chose n’a bien entendu strictement AUCUN rapport avec la couleur de peau de « Black M », pour ne pas le nommer!]

      Aucun, je pense. Dieudonné était lui aussi de la même couleur, et cela n’a pas empêché de le crucifier. Paradoxalement, comme je l’ai dit par ailleurs, c’est le FN qui finalement choisit quels sont les noirs « kosher » pour la gauche et lesquels ne le sont pas. Black M a eu des expressions homophobes et antisémites, ce qui en bonne logique aurait du lui valoir la réprobation de Jack Lang et consorts. Mais voilà, il est attaqué par le FN, donc tout est pardonné. Comme disait Lénine ironiquement, « l’ennemi ne se trompe jamais d’ennemi ».

      [que contrairement à ce qu’il s’est passé pour le « mariage pour tous », où les seules protestations officielles et autorisées venaient là encore soi-disant de l’extrême-droite, la gauche n’a pas insister pour aller au bout de sa logique absurde, et a préférer battre en retraite. C’est bien la preuve qu’elle était ISOLEE dans sa démarche, et totalement déconnectée des Français, qu’elle diffame en traitant ses contradicteurs de « fascistes ».]

      C’est un point intéressant, et je pense que vous avez raison : si dans cette affaire les organisateurs ont battu en retraite sans qu’on trouve d’ailleurs personne pour assumer la décision originale, c’est qu’ils ont bien compris qu’ils avaient la population contre eux. S’ils avaient pensé que la majorité les soutenait avec enthousiasme, ils auraient persisté. Le plus drôle, c’est que les ténors de la gauche officielle comme de la gauche radicale ont, eux, regretté l’annulation. Doit-on voir aussi une scission entre une gauche « de terrain », plus sensible au grondement du peuple, et une gauche « parisienne » complètement déconnectée ?

      [Ce qui me fait peur, dans cette affaire, c’est que je ne sais pas où sont pas les ex-UMP: sont-ils de mèche avec le PS?]

      Je ne pense pas. Ils sont surtout de mèche avec eux-mêmes. En dehors de quelques personnalités qui ont des idées bien arrêtées sur la question et la langue bien pendue, ils ont piteusement attendu de voir de quel côté le vent allait souffler…

  6. PablitoWaal dit :

    Très beau texte. J’allais écrire quelque chose du genre, avec plusieurs arguments en commun, mais sans ce style.
    Je note cependant : “comme une bataille absurde ou [où] jeunes allemands et jeunes français” ; “Il serait injuste de reprocher à tel ou tel élu, à tel ou tel fonctionnaire d’avoir imaginer [imaginé]” ; et “Quant à notre beau pais” me semble être un hispanisme…

  7. François dit :

    Ces politiques en plus, n’assument pas leurs actes : soit la venue de Black M était parfaitement indécente et alors il faut admettre que l’on s’est parfaitement trompé dans le choix du chanteur, ou bien il s’agit effectivement des menaces venant de l’extrême droite basées sur des raisons abjectes et alors annuler le concert est une preuve de lâcheté. Il est désolant de voir nos politiques abandonner toute décence commune.

    Concernant la présence d’officiel Allemands à la cérémonie, cela ne me gène pas en soi. Les Allemands ont également payé un lourd tribus dans cette bataille, et les soldats Allemands tombés ont aussi le droit à être honoré. Concernant la réconciliation, tout dépend comment elle est présentée : s’agit-il d’un pardon ou bien d’une amnistie ? Je suis d’accord pour dire que les évènements se déroulent dans le second cas à savoir d’une falsification de l’histoire.

    Autrement c’est avec tristesse que je vient d’apprendre la fin de l’émission Ce Soir Ou Jamais. Décidément, le service public de l’audiovisuel mérite de moins en moins son nom. Il est loin le temps ou il diffusait des émissions comme C’est Pas Sorcier. De nos jours, pour reprendre la pensée de Mme Ernotte, il faut que chaque “minorité” soit représentée à la télévision et tant pis si le téléspectateur reste inculte.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Ces politiques en plus, n’assument pas leurs actes : soit la venue de Black M était parfaitement indécente et alors il faut admettre que l’on s’est parfaitement trompé dans le choix du chanteur, ou bien il s’agit effectivement des menaces venant de l’extrême droite basées sur des raisons abjectes et alors annuler le concert est une preuve de lâcheté. Il est désolant de voir nos politiques abandonner toute décence commune.]

      Je pense que les élus locaux, qui sont proches de leurs électeurs, ont compris très vite que l’opinion majoritaire était révoltée à l’idée d’un tel concert. C’est cela qui les a fait changer d’avis, et non les « menaces de l’extrême droite ». Bien sur, il a fallu habiller la chose – et notamment inventer un « risque d’atteinte à l’ordre public » pour trouver un argument juridiquement valable pour permettre l’annulation du concert sans que personne perde la face.

      [Concernant la présence d’officiel Allemands à la cérémonie, cela ne me gène pas en soi. Les Allemands ont également payé un lourd tribut dans cette bataille, et les soldats Allemands tombés ont aussi le droit à être honoré.]

      Je ne dis pas le contraire. Je trouverais parfaitement normal d’organiser une cérémonie en Allemagne, avec la présence d’Angela Merkel. Je ne suis pas choqué par le fait que chacun commémore ses morts. Ce que je trouve indécent, c’est de faire semblant de croire que ces morts sont en quelque sorte victimes d’un même sort funeste venu d’ailleurs. Comme je le rappelle dans mon papier, ce sont les allemands qui ont traversé la frontière française, et non l’inverse. Et cela doit être rappelé.

      [Concernant la réconciliation, tout dépend comment elle est présentée : s’agit-il d’un pardon ou bien d’une amnistie ? Je suis d’accord pour dire que les évènements se déroulent dans le second cas à savoir d’une falsification de l’histoire.]

      Dans les deux cas, c’est absurde. L’histoire ne fonctionne pas comme ça, à coup de « pardons ». D’ailleurs, nous n’avons pas plus le pouvoir de pardonner Verdun aux Allemands que nous l’avons de pardonner Azincourt aux Anglais ou Alésia aux Romains. Ceux qui ont souffert dans les tranchées avaient peut-être le pouvoir de pardonner à ceux qui leur avaient infligé ces souffrances. Mais qui nous autorise nous, qui n’avons pas connu ces souffrances, à « pardonner » en leur nom ?

      Plus que d’amnistie, il faut parler d’amnésie. Ces « pardons » sont en fait un prétexte pour dire « bon, maintenant qu’on a pardonné, on peut oublier cette sale histoire ». Et l’idée de clôturer la chose par un concert n’ayant aucun rapport avec l’évènement qu’on commémore montre à quel point l’oubli est l’objectif.

      [Autrement c’est avec tristesse que je vient d’apprendre la fin de l’émission Ce Soir Ou Jamais.]

      Moi aussi. Même si elle m’énervait quelquefois, c’était l’une des dernières émissions qui s’intéressait à la culture et aux idées sans trop sacrifier à « l’entertainment ». Mais qui s’intéresse encore à la culture ? Et surtout, qui pense encore que la télévision peut être un outil d’éducation ?

      [De nos jours, pour reprendre la pensée de Mme Ernotte, il faut que chaque “minorité” soit représentée à la télévision et tant pis si le téléspectateur reste inculte.]

      Parce que, comme le dit Finkielkraut, la société a changé. La France du XXème siècle voyait dans la culture et l’éducation le moyen de sortir les gens de leur petite coquille et de les ouvrir à l’universel. Les gens n’étaient pas invités à se contenter de ce qu’ils étaient, mais au contraire à progresser, à s’améliorer, à se cultiver – et la polysémie de ce mot est en elle-même révélatrice. Ce projet n’est plus : aujourd’hui, le but est que les gens restent ce qu’ils sont. Le rêve du progrès et de la promotion sociale a été remplacé par celui de la crispation autour de « racines » inventées qui enferment les gens dans ce qu’ils sont. La télévision est là pour transmettre ce message. Et c’est pourquoi elle doit nous montrer des gens qui nous ressemblent, et non des gens meilleurs que nous…

    • Ruben dit :

      [“ou Alésia aux Romains.”]
      Vous vouliez sûrement dire que nous n’avons pas le pouvoir de pardonner le sac de Rome par les Gaulois ?

    • Descartes dit :

      @ Ruben

      [Vous vouliez sûrement dire que nous n’avons pas le pouvoir de pardonner le sac de Rome par les Gaulois ?]

      Ah… j’avais oublié ce cher Brennus. Admettez que ce serait cocasse, Hollande bras dessus bras dessous avec Renzi, le discours de Hollande demandant pardon aux citoyens romains pour les excès de Brennus, Renzi nous pardonnant… un grand moment européen, quoi…

    • Ruben dit :

      [“
      Ah… j’avais oublié ce cher Brennus. Admettez que ce serait cocasse, Hollande bras dessus bras dessous avec Renzi, le discours de Hollande demandant pardon aux citoyens romains pour les excès de Brennus, Renzi nous pardonnant… un grand moment européen, quoi…”]
      Je me suis mal exprimé, je voulais surtout dire que je me considérais plus comme descendant des romains que des gaulois, mais je veux bien mettre un peu de ma poche pour voir le spectacle que vous nous décrivez…

  8. @Descartes
    “C’est souvent dans les choses en apparence secondaires qu’une société se révèle.”

    “L’anodin est le révélateur de l’essentiel”, comme dit Clouscard.

    “Pour le FN un cadeau de roi.”

    Cela fait bien longtemps que le PS fait grossir le monstre…mais il ne pourra pas garder la main indéfiniment…
    “Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en mai 1968. […] De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est bouclé.” (Clouscard, Néo-fascisme et idéologie du désir, 1973).

    “Les raisons pour lesquelles la « gauche culturelle » est tolérante avec certains et dure avec d’autres relèvent du mystère.”

    C’est pourtant simple: Dieudonné était parfaitement acceptable lorsqu’il était apolitique, mais plus une fois devenu un pourfendeur populaire des élites “sionistes” aux côtés du fasciste A. Soral… Aujourd’hui Black M incarne l’avant-garde de l’exotisme “fun”, demain il sera peut-être vilipendé par un M. Valls comme tenant des propos incompatibles avec la laïcité républicaine… Arx tarpeia Capitoli proxima.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [“Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en mai 1968. […] De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est bouclé.” (Clouscard, Néo-fascisme et idéologie du désir, 1973).]

      Je crois que nous communions dans la lecture de Clouscard…

      [C’est pourtant simple: Dieudonné était parfaitement acceptable lorsqu’il était apolitique, mais plus une fois devenu un pourfendeur populaire des élites “sionistes” aux côtés du fasciste A. Soral… Aujourd’hui Black M incarne l’avant-garde de l’exotisme “fun”, demain il sera peut-être vilipendé par un M. Valls comme tenant des propos incompatibles avec la laïcité républicaine… Arx tarpeia Capitoli proxima.]

      Malheureusement, je pense que le processus est bien plus pervers. En fait, c’est l’extrême droite qui fait le choix, et la gauche se contente de suivre par effet miroir. Si le FN avait applaudi le concert de Black M en déclarant « enfin un homme qui dit la vérité sur les juifs et les homos », la gauche serait sortie instantanément pour exiger qu’il soit défénestré dans les formes. Mais les dirigeants du FN, qui ne sont pas cons, ont compris que le sentiment populaire allait dans l’autre sens et ont donc pris position contre Black M. Dès lors, notre soi-disant gauche n’avait plus le choix : il fallait être pour.

  9. Struthio dit :

    Un excellent billet auquel tout esprit raisonnablement indépendant et instruit ne peut s’abstenir de souscrire.

    Toutes ces ridicules gesticulations sont toutefois consubstantielles d’une création relativement récente, inscrite dans le processus de normalisation des esprits, le “devoir de mémoire”.

    Le premier problème de ce nouveau “devoir”, c’est qui est difficilement conciliable avec une nouvelle nécessité, qui est la réconciliation inconditionnelle des pays qui se sont lancés dans l’aventure européenne, et la constitution d’une “mémoire commune”. Et c’est très certainement sur cet aspect que la bât blesse.

    Le second problème et que ce “devoir de mémoire” s’accompagne invévitablement d’une obligation de célébration.
    Autrefois (c’est à dire il y a quelques années, avant que la dictature des média ne formate les esprits), la mémoire était entretenue avec discrétion et dignité : chaque commune de France avait érigé une petit monument sur lequel était inscrits les noms de “ses enfants morts pour la Patrie”. Les parents et descendants des victimes y trouvaient leur compte, la mémoire de leurs chers disparus était gravé dans la pierre par la “Patrie reconnaissante”.

    Le problème est qu’il est désormais convenu que le “devoir de mémoire” ne peut plus se contenter de ces petits édicules, mais doit se manisfester par des célébrations massives, sous peine de douter de sa sincérité.
    Or, s’il est possible de se souvenir ensemble (com-mérorer) avec les anciens adversaires et ennemis qui ne le sont plus, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de le fêter ensemble (con-célébrer).
    Et c’est pourtant l’exercice que l’on s’impose !

    Pourtant les choses semblent simples.
    Soit le devoir de mémoire s’impose à nous, en tant que Nation, et dans ce cas la célébration doit exclure les ennemis d’hier. Ce qui ne les empêche aucunement de célébrer, sous une forme probablement différente, le même événement.
    Soit la nécessité de célébrer tout et n’importe quoi, sans fin, avec nos alliés d’aujourd’hui, est essentielle à la cohésion de l’Europe, et dans ce cas, le devoir de mémoire devient un devoir d’oubli.
    Mais la tenue d’une cérémonie festive autour du souvenir d’un des pire affrontements que l’Europe (et le monde) ait connu au cours de l’Histoire contemporaine ne répond à aucune de ces deux objectifs.

    • Descartes dit :

      @ Struthio

      [Toutes ces ridicules gesticulations sont toutefois consubstantielles d’une création relativement récente, inscrite dans le processus de normalisation des esprits, le “devoir de mémoire”.]

      Vous savez, quand on médiatise une espèce animale, c’est souvent parce qu’elle se trouve au bord de l’extinction. Avec le « devoir de mémoire », c’est pareil.

      [Le premier problème de ce nouveau “devoir”, c’est qui est difficilement conciliable avec une nouvelle nécessité, qui est la réconciliation inconditionnelle des pays qui se sont lancés dans l’aventure européenne, et la constitution d’une “mémoire commune”. Et c’est très certainement sur cet aspect que la bât blesse.]

      Le problème n’est pas celui de la « réconciliation inconditionnelle ». Les rapports entre les nations ne sont pas ceux des individus. On s’affronte ou l’on se réconcilie en fonction des intérêts géopolitiques. Mais dans le cadre européen, on cherche beaucoup plus qu’une simple « réconciliation ». On cherche un rapport fusionnel qui implique, comme vous le dites, une « mémoire commune ». Une telle vision ne peut être qu’une fabrication, qui implique d’effacer l’histoire réelle et de lui substituer un récit inventé de toutes pièces. Ainsi, Verdun n’est plus l’affrontement des intérêts allemands et français, mais un combat ou français et allemands étaient côté à côté « contre la guerre ». Comme si la guerre était une sorte de fléau naturel qui a affecté à égalité les soldats des deux camps.

      La construction d’une nation implique l’invention d’un « roman national ». C’est ce qu’a fait la France à la fin du XIXème siècle, ou l’Etat d’Israel après 1946. Mais dans les deux cas on a fabriqué des récits qui a défaut d’être vrais sont vraisemblables. On a dissimulé certains événements, on a mis en avant d’autres, mais on a grosso modo respecté une logique historique. Le problème du « roman européen » est que sa rédaction est tellement contrainte par le fait de ne pas faire de peine à personne que le résultat n’a aucune valeur explicative. On prétend remplacer la mémoire historique par une sorte de récit bisounours ou tout le monde est copain avec tout le monde, et du coup on ne comprend plus pourquoi il y a un siècle plus de 300.000 hommes ont perdu la vie devant Verdun. Peut-être parce qu’ils écoutaient du Wagner plutôt que du Black M ?

      [Le second problème et que ce “devoir de mémoire” s’accompagne inévitablement d’une obligation de célébration.]

      Je ne partage pas votre analyse. Les commémorations du passé étaient certes dignes, mais pas forcément aussi discrètes que vous ne le pensez. La cérémonie du 11 novembre à l’arc de Triomphe à Paris était bien plus « massive » dans les années 1920 qu’elle ne l’est aujourd’hui. Et c’était aussi vrai dans les villes et les villages, où l’on mobilisait l’ensemble des habitants, la fanfare municipale, la garnison – quand il y en avait une – et même les cloches des églises.

      L’expression « devoir de mémoire » a été inventée comme souvent pour dire exactement le contraire de ce qu’elle prétend. Elle nous est servie pour qualifier une politique qui vise au contraire à l’oubli, ou plutôt à la réécriture de l’histoire pour en faire un récit conforme aux objectifs du jour. On convoque les morts pour leur faire dire le contraire de ce qu’ils ont dit quand ils étaient vivants. Ceux qui sont partis « faire leur devoir » deviennent des « victimes », alors que les vrais « héros » sont les mutins, ceux qui ont refusé de le faire.

      [Soit le devoir de mémoire s’impose à nous, en tant que Nation, et dans ce cas la célébration doit exclure les ennemis d’hier. Ce qui ne les empêche aucunement de célébrer, sous une forme probablement différente, le même événement.]

      Sur cette question, la réponse est à géométrie variable. Ainsi, Merkel peut honorer la mémoire des soldats allemands tombés en France en 1914-18, mais on imagine mal Merkel rendant hommage en France aux soldats allemands de 1939-45… pourquoi la fameuse « réconciliation » franco-allemande devrait bénéficier aux uns et pas aux autres ? Pas très cohérent, tout ça…

  10. patriote dit :

    Vous avez aimé Black M, vous allez adorer la dernière du ministère de la défense (à noter que l’article jouxtant cette plaisanterie n’est rien de plus qu’un hommage aux trois derniers soldats morts au Mali…) :

    http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/chante-ta-marseillaise-et-gagne-ta-camera-sportive

    • Descartes dit :

      @patriote

      [Vous avez aimé Black M, vous allez adorer la dernière du ministère de la défense]

      Extraordinaire! Un bel exemple qui montre combien la culture historique a disparu des milieux politico-médiatiques. L’égolatrie sur fond de Marseillaise, et tout ça avec la bénédiction du ministère de la Défense… L’ordre des prix laisse, lui aussi, songeur…

  11. Armel Le Panse dit :

    Bravo Descartes pour cette analyse qui relève du bon sens, de l’honnêteté intellectuelle et d’un certain courage politique.
    L’esprit de sérieux a vraiment quitté notre époque, ne montent sur scène que de cyniques amuseurs qui ne croient même pas à la soupe rigolarde qu’ils servent. Et ce sont eux, en effet, qui permettent aux extrémistes de tout poil de progresser et aux républicains (dont je suis) de douter, de désespérer plutôt, car ces derniers mohicans n’ont de sympathie ni pour la droite dure ni pour cette gauche gauchie qui sort la grosse Bertha de l’idéologie (sans y croire) chaque fois qu’elle se sent menacée par une opinion contraire. Les socialistes devraient sérieusement se pencher sur qu’il est advenu de la liberté de pensée et d’expression.
    C’est la perte ou la mort de cette liberté qu’on devrait commémorer sur les ruines ô combien durables de Verdun !
    Je n’ai pas de parent connu qui aurait des faits de guerre inscrits dans mon patrimoine génétique et culturel mais je me sens infiniment plus respectueux des tragédies de l’Histoire que tous ces imbéciles sans cœur ni raison.

    • Descartes dit :

      @ Armel Le Panse

      [Je n’ai pas de parent connu qui aurait des faits de guerre inscrits dans mon patrimoine génétique et culturel mais je me sens infiniment plus respectueux des tragédies de l’Histoire que tous ces imbéciles sans cœur ni raison.]

      Moi non plus. Mais la grandeur de la conception française de la nation est précisément qu’on peut devenir citoyen en adoptant ce passé comme si c’était le notre. A ce propos, je trouve assez curieux le communiqué de Black M dans lequel il fait référence à son grand-père combattant de 1939-45. Black M revendique ici une qualité supérieure, un droit à la parole signalé au nom des exploits de guerre de son ancêtre. Ce qui revient à dire qu’il existerait deux catégories de Français : ceux dont les ancêtres se sont battus pour la France, et les autres. Et qui n’auraient pas la même légitimité à s’exprimer…

      Il est paradoxal que Black M défende implicitement une conception de la citoyenneté fondée sur « le sang et les morts », que l’on retrouve en France plutôt dans le discours de l’extrême droite maurassienne que dans celui de la gauche qui s’est précipité à sa défense. Décidément, nous vivons une période de grande confusion…

  12. rodolphe dit :

    C’est exactement ce que je pensais. Votre exemple Fahrenheit 451 me parait juste, pour ma part j’aurais aussi choisi Cormac McCarthy et son livre “la route” que je résumerais ainsi. Un cataclysme inconnu a dévasté le monde. L’humanité a presque disparu, les quelques survivants se terrent tels des bêtes ou, ayant apparemment régressé, agissent aussi comme des bêtes. Dans ce décor de fin du monde, un père et son fils, errent vers le sud, poussant un chariot de supermarché avec quelques produits et des sacs à dos. Ce qu’on voit c’est surtout un père qui réapprend à son fils le sens du sacré dans des gestes élémentaires. Ce que l’humanité d’avant avait perdu et qui pour l’écrivain est la vraie cause de cette tragédie. Sinon, je sais pas si on peut faire le rapprochement mais l’anneau de Jeanne D’arc récupéré par le Puy du Fou me parait du même renoncement. Il aurait autrement plus judicieux que l’Etat Français se l’appropria au moins pour le symbole ? Mais il n’eut rien, pas même un mot à ma connaissance. Le grand silence habituel. On a vraiment l’impression que tout ce qui rappel la France, tragique ou pas, qui fait son ciment historique en partant de très loin, n’a plus le droit de citer sinon en réécrivant son histoire selon un modèle qui arrange les idéologies présentes. Ces tentatives permanentes de manipuler l’histoire voire de la nier devient vraiment inquiétant. Même si ça a toujours existé, j’ai l’impression qu’on passe à la vitesse supérieure en terme d’amnésie comme vous dite.

    • Descartes dit :

      @ rodolphe

      [Sinon, je sais pas si on peut faire le rapprochement mais l’anneau de Jeanne D’arc récupéré par le Puy du Fou me parait du même renoncement. Il aurait autrement plus judicieux que l’Etat Français se l’appropria au moins pour le symbole ?]

      Non, d’abord parce que c’est probablement un faux, et ensuite parce que c’est un fétiche, et non pas un symbole. Il ne faut pas confondre ces deux catégories. Le drapeau, la marseillaise sont des symboles. Ils ont un sens. Le crâne de Henri IV, l’anneau de Jeanne ou la brosse à dents de De Gaulle ne sont pas des symboles, mais des fétiches, des objets qu’on peut collectionner parce qu’ils nous rappellent un personnage historique, mais rien de plus.

      Je ne partage pas votre « rapprochement », qui me semble un peu biscornu. L’Etat n’a pas a se porter acquéreur de tout objet ayant appartenu à un personnage historique. Si on procédait ainsi, on aurait des entrepôts entiers remplis d’objets d’une grande banalité. Quel intérêt d’avoir dans une vitrine un cure-dents ayant appartenu à Robespierre ?

      [On a vraiment l’impression que tout ce qui rappel la France, tragique ou pas, qui fait son ciment historique en partant de très loin, n’a plus le droit de cité sinon en réécrivant son histoire selon un modèle qui arrange les idéologies présentes.]

      Il y a en général dans notre civilisation une perte du sens du tragique. Peut-être parce que comme disent les américains, il ne faut pas parler de la mort. Or, sans tragédie il n’y a pas de histoire. C’est pourquoi l’histoire est progressivement remplacée par des récits édifiants que chacun arrange en fonction de ses intérêts.

  13. Pierre Feuille Ciseaux dit :

    Comme vous le dites si bien l’absurdité de la situation est liée à l’abandon de l’Histoire par la gauche ,à son abandon des “grands récits” toujours porteurs de tragique et de solennité,mais je pense que cette affaire révèle qu’elle a aussi bazardé l’histoire des petits récits (avec ses petites luttes,communautés,projets de société…).
    Je m’explique.

    A l’inverse d’un moment comme les élections ,ou ils peuvent lepeniser sans trop de risques ,puisque les sujets sont aussi vastes que complexes (économie,impôts,sécurité ,immigration,éducation) ,les griefs cette fois-ci étaient parfaitement clairs et explicites,des reproductions de ses textes ont circulé…sur la toile .
    Antisémitisme , fondamentalisme clérical , homophobie , tout ce que combat la gauche dans son ensemble depuis + de 200 ans étaient incarnées par notre rappeur.
    La stupéfaction de cette gauche ,à la fois moderne et postmoderne , qui n’a pas pour habitude d’être fascisée (hormis l’anticléricale depuis que la lutte contre l’islamophobie a fait son nid) va laisser des traces.

    La gauche postmoderne s’est attaquée aux fondamentaux de la gauche postmoderne.
    Le gouvernement et leurs passeurs de plat journalistes ne pouvaient pas mieux faire pour créer un “populisme” des centre-villes ,qui pour l’instant était contenu à certaines catégories sociales comme les couples homos mariés ,qui votent à + de 60% pour les FN/LR.
    L'”hédonisme sécuritaire” de Gaël Brustier à tout pour assurer sa croissance,vu le contexte et la débilité de la gauche “des élites”.

    Fallait lire le désarroi sur les réseaux sociaux ,beaucoup de gens de gauche n’ont pas compris les prises de position des éditorialistes et des ministres “mais regardez les textes bon sang!!”.
    Il y a un sentiment de trahison qui est en train de se développer,le même que chez les ouvriers ,les employés,les fonctionnaires,et dernièrement les laïcs.
    Et de stupéfaction encore une fois ,tant les communiqués semblaient à coté de la plaque.La seule à voir pris conscience du dilemme était Taubira avec son message alambiqué sur Facebook…qui laissera des traces également,car elle n’est pas n’importe qui pour la gauche urbaine, beaucoup vont se demander comment la rapporteuse de la loi sur le mariage homo peut défendre un homophobe ?

  14. Bannette dit :

    Je crois qu’on aurait pissé sur les tombes des poilus, ça n’aurait pas été moins irrespectueux que d’organiser un concert de rap avec cet individu médiocre qu’est Black M.
    Le plus effarant, c’est la réécriture de l’histoire, notamment de la 1ère guerre mondiale, qui est parfois évoquée comme le clash entre 2 nationalismes jusqu’au boutistes comparables, d’où le discours « le nationalisme c’est le mal, c’est l’origine des 2 guerres mondiales, effaçons-les », et par voie de conséquence vive l’UE ! C’est celui auquel j’ai eu droit au lycée. Comment peut-on oser comparer le patriotisme des poilus au nationalisme allemand, qui accouchera du nazisme après ?
    Ces soldats se sont battus (pour la plupart volontairement) pour une idée plus grande qu’eux, car la nation française était profondément inscrite en eux. C’est d’ailleurs cette réaffirmation de la France éternelle qui a permis de la ressusciter face encore une fois au même occupant et même agresseur allemand, c’est la volonté de dilution dans un nouvel ordre européen qui nous a valu la honte à la fin des années 1930. Ce qui est remarquable c’est que dans d’autres cas bien évidents d’agresseur/agressé (type USA/Vietnam), là par contre, aucun problème pour saluer le courage et l’héroïsme des vietnamiens, personne ne parlera de nationalisme mortifère en ce qui les concerne. Je crois qu’il n’y a que dans le cas russe (et soviétique par extension comme à Stalingrand) où la résistance patriotique est auréolée de suspicion.

    Que le décompte des morts français de la 1ère guerre mondiale ait été pharaonique, c’est une chose, mais cette réécriture comme d’un événement absurde et sans raison est toute aussi pernicieuse et dangereuse que le raisonnement Patriotisme/Nationalisme = Le Mal absolu. En effet, dans la 2ème partie du 20ème siècle, il y a eu beaucoup d’œuvres artistiques (dont certaines de grande qualité) qui ont beaucoup insisté sur le caractère absurde de cette guerre, bref en ont fait un événement irrationnel.
    Je pense par exemple au film Les Sentiers de la Gloire de Kubrick, qui fut interdit pendant 20 ans en France, parce qu’il montrait un chef d’état-major envoyer au casse pipe une troupe très réfractaire dans les tranchées de Verdun, et les fusillés pour l’exemple. Or il s’inspirait de faits réels, mais encore une fois, on en peut faire d’un exemple anecdotique (qu’on peut rencontrer dans toutes les armées du monde) une généralité. De toute façon, c’est un des films les moins personnels de Kubrick (le coup de la chanteuse, allemande qui de plus est, qui émeut les soldats, ça détonne complètement quand on connaît le reste de la filmo du bonhomme qui était un cynique).
    Je me souviens au lycée d’un prof évoquant des affiches de l’époque pour inciter les français au combat, et qui disait que les slogans étaient comparables à la propagande simpliste dans les dictatures, donc c’était de la propagande, et que donc les français n’étaient pas volontaires pour cette boucherie. Les héroïques poilus doivent se retourner dans leurs tombes…
    A chaque fois que je suis tombée sur les réclames pour rouge à lèvre ou savon des années 1930, je les trouve kitschs et naïves parce que nous avons du recul et que le marketing est plus subtil de nos jours. Comment un prof d’histoire peut soutenir que ces affiches sont de la propagande pour un nationalisme franchouillard qui aurait sa part de responsabilités dans les 2 guerres mondiales ?
    De toute façon le nationalisme français est de nature très différente de l’allemand pour la simple raison que notre conception de la nationalité est différente.

    On a cité Jack Lang, à mon sens le pire ministre de la culture qu’on ait eu. Très typique de la pensée post-moderne et de la bienpensance à gauche, où il est interdit de hiérarchiser les expressions culturelles (les croûtes de Koons valent une sculpture de Rodin) et le refus de la transmission d’un patrimoine culturel national au nom de la diversité et de la tolérance.
    Les élus locaux qui ont eu l’idée saugrenue d’organiser un concert de rap avec ce sale type qu’est Black M me rappellent certains que j’ai connus et qui promouvaient ce type d’expressions « culturelles » avec les deniers publics. Lors d’une réunion de section, comme on avait un adjoint à la culture avec le bras long, on discutait de ce qu’on pourrait inciter et j’avais suggéré la production d’une représentation de Sainte Jeanne des Abattoirs de Bertolt Brecht. On m’a regardée comme si j’étais une affreuse snob (alors qu’il s’agit d’une pièce « de gauche »), que ça n’intéresserait pas les jeunes, qu’il fallait parler leur langage blablabla.

    Pourtant j’étais moi même une jeune, pas issue d’un milieu culturel élaboré, et c’est un prof au lycée qui nous a fait nous intéresser à cette pièce de Brecht. Il nous a fait étudier en parallèle le fameux texte de Marx se finissant sur « la religion comme opium du peuple », et finit sur la laïcité. Bref il est parti de Jeanne d’Arc, personnage français, mise en scène par un auteur allemand dans un contexte moderne américain, on continue sur un autre auteur étranger, et on finit par l’exception française laïque. Un des meilleurs profs que j’ai eus, qui en plus de savoir éveiller notre curiosité culturelle n’oubliait pas que sa mission c’est aussi la « fabrique de français ». Si moi j’ai pu être intéressée, pourquoi préjuger que d’autres jeunes ne le pourraient pas ?
    D’ailleurs en parlant de l’œuvre de Brecht, même si on la considère comme « de gauche », le poète nous épargne tout manichéisme primaire, et sa pièce reste très actuelle. Comparons sa Sainte Jeanne des Abattoirs avec les productions culturelles de l’économiste star de gauche qu’est Lordon, qui s’improvise aussi de temps en temps auteur dramatique ou scénariste, ya pas photo… Pourtant lui, combien de militants de la gauche radicale engagés portent ses œuvres au nues.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Le plus effarant, c’est la réécriture de l’histoire, notamment de la 1ère guerre mondiale, qui est parfois évoquée comme le clash entre 2 nationalismes jusqu’au boutistes comparables,]

      Tout à fait. Il n’aura échappé à personne que à l’ère des nationalismes, les troupes allemandes ont franchi trois fois la frontière française en premier (1870, 1915, 1940). Les troupes françaises n’ont jamais franchi la frontière allemande en premier. Il faut croire que le nationalisme français a été bien moins agressif que le nationalisme allemand. Bien sur, cela s’explique pour des raisons historiques et géopolitiques, mais il me semble stupide d’ignorer les faits.

      [Ces soldats se sont battus (pour la plupart volontairement) pour une idée plus grande qu’eux, car la nation française était profondément inscrite en eux.]

      Tout à fait. Le paradoxe des prétendues « commémorations » est que sous couvert de montrer le respect pour les morts on trahit leurs pensées et leurs actes, en les embarquant dans une idéologie « européenne » qui n’était certainement pas la leur. Les phénomènes de fraternisation, aussi émouvants qu’ils puissent être, ont été rares. Et surtout, ils sont mal interprétés : ils sont l’illustration du tragique de la guerre, plutôt que son rejet.

      [En effet, dans la 2ème partie du 20ème siècle, il y a eu beaucoup d’œuvres artistiques (dont certaines de grande qualité) qui ont beaucoup insisté sur le caractère absurde de cette guerre, bref en ont fait un événement irrationnel.]

      Je crois qu’on fait une confusion entre le caractère « tragique » et le caractère « absurde ». Le tragique n’est jamais absurde : il montre l’homme jouet de forces qui le dépassent et sur lesquelles il n’a pas de contrôle. Mais ces forces ont leur logique. Dans « Les sentiers de la gloire », Kubrick montre l’absurdité dans la conduite de la guerre, la petitesse des êtres que la situation dépasse. Mais il ne dit nulle part que la guerre est « absurde ». Terrible oui, tragique certainement, mais absurde, non. Un film comme « King and Country » (désolé, je ne connais pas le nom sous lequel il a été projeté en France) de Joseph Losey est de ce point de vue encore plus parlant.

      [Je me souviens au lycée d’un prof évoquant des affiches de l’époque pour inciter les français au combat, et qui disait que les slogans étaient comparables à la propagande simpliste dans les dictatures, donc c’était de la propagande, et que donc les français n’étaient pas volontaires pour cette boucherie. Les héroïques poilus doivent se retourner dans leurs tombes…]

      Le plus drôle dans la situation que vous décrivez, c’est que le premier lieu de diffusion de la propagande nationaliste et revanchiste entre 1880 et 1914 fut… l’école. Le discours sur les « provinces perdues », sur la nécessaire vigilance envers l’Allemagne, sur l’amour de la patrie, sur l’armée des citoyens, c’est l’école qui l’a diffusé. Curieux que votre professeur se soit contenté d’invoquer les « affiches », non ?

      La propagande a son efficacité, c’est certain. Mais pour des raisons que je comprends mal nos enseignants ont tendance à surestimer cette efficacité, un peu comme si la propagande était une forme d’hypnose, capable de faire croire n’importe quoi à n’importe qui. Or, la propagande ne fonctionne que si le récepteur a envie de croire en elle. C’est cette envie que les grands propagandistes savent exploiter. Les poilus qui sont allés au front en 1914-18 croyaient profondément que c’était leur devoir, et que ce devoir était une nécessité collective. S’ils avaient cru le contraire, aucune affiche n’aurait réussi à leur faire changer d’avis.

      [De toute façon le nationalisme français est de nature très différente de l’allemand pour la simple raison que notre conception de la nationalité est différente.]

      Tout à fait. Et c’est pourquoi toutes les tentatives de « fermer le chapitre » comme si la France et l’Allemagne étaient devenues identiques est un leurre.

      [Si moi j’ai pu être intéressée, pourquoi préjuger que d’autres jeunes ne le pourraient pas ?]

      Vous oubliez que la jeunesse est devenue un stéréotype. Sans demander son avis à personne – et surtout pas aux jeunes – une industrie a décidé ce que les jeunes sont censés aimer, et qui par une étrange coïncidence correspond aux produits qui sont les plus rentables pour cette industrie. Ainsi, le « jeune » est censé aimer une musique idiote – mais économique à produire – portée par des idoles qui s’autodétruisent au bout de quelques mois pour laisser leur place à d’autres – ce qui permet de vendre plus de disques. Le « jeune » est censé être passionné par des émissions de télé-réalité – qui sont très bon marché à produire – où des gens idiots cherchent à se faire connaître et qui se vendent ensuite comme produits dérivés.

      Les élus locaux, tout comme pas mal de décideurs publics et, horresco referens, beaucoup de professeurs sont malheureusement sensibles à ces stéréotypes. A celui qui vous dit que tel ou tel auteur classique « n’intéressera pas les jeunes », j’ai toujours envie de demander « vous avez essayé ? Et si vous n’avez pas essayé, comment le savez vous ? ». Jean-Paul Brighelli parle très bien de ce sujet, lui qui a fait l’essai de donner à ses élèves de ZEP des textes difficiles de la poésie de la renaissance…

  15. odp dit :

    Bonjour Descartes,

    Merci pour cet article dont je salue la modération et l’équilibre. Tout comme vous, cette affaire me laisse un goût amer, très amer même, car, dans l’histoire, ce n’est pas le FN “Philippot” qui a gagné mais bien celui du père et de son cortège de fous furieux. Le niveau de racisme pur et dur qui s’est déployé à cette occasion donne franchement la nausée; ce qui ne fait d’ailleurs que renforcer la responsabilité de l’édile PS local (par ailleurs prof d’histoire…) responsable de cette pantalonnade. Dans le genre faute politique, je n’ai pas le souvenir de quelque chose d’aussi stratosphérique; mais il est vrai que ma mémoire me joue peut-être des tours…

    Cependant, à votre instar, j’accorderai quelques circonstances atténuantes à ce pauvre Monsieur Hazard (fils d’ouvrier notez-le).

    Comme vous le soulignez, l’époque et son idéologie jouent à plein; cependant il n’y a là, selon moi, rien que de très naturel: de tous temps, les hommes ont regardé leur passé avec le prisme et les enjeux de leur époque. Par ailleurs, notre époque est en effet à la réconciliation (Poutine à Katyn, Obama à Iroshima, Merkel à Verdun, Gauck à Oradour, Brandt à Varsovie, Adenauer dans le Neguev…)? Et alors? Quel est le problème ? Préférez-vous réellement l’ambiance des manifestations Orangistes dans les quartiers catholiques de Belfast ou le martyrologe des phalangistes libanais? J’en doute.

    De la même manière, vous condamnez, par un joli raccourci, la commémoration-oubli; mais c’est également un grand classique, que l’on retrouve régulièrement au cours de l’Histoire: dans certaines circonstances, le passé en effet doit être aboli pour laisser place au présent et plus encore au futur. Sans remonter jusqu’à Moïse qui dut mourir pour qu’Israël advienne, je ne peux manquer de citer les premiers articles de l’Edit de Nantes, grand moment de réconciliation nationale s’il en fut:

    “Nous, HENRY par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre déclarons et ordonnons que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre (…) durant les troubles et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu’ils soient, d’en renouveler la mémoire, s’attaquer, ressentir, injurier, ni provoquer l’un l’autre par reproche de ce qui s’est passé, pour quelque cause et prétexte que ce soit, en disputer, contester, quereller ni s’outrager ou s’offenser de fait ou de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenants d’être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public”.

    Etes-vous sûr de préférer le Chant du Soldat de Déroulède (“J’en sais qui croient que la haine s’apaise. Mais non ! L’oubli n’entre pas dans nos cœurs. Trop de sol manque à la terre française. L’honneur, le sang : on a tout à reprendre”)? Là aussi j’en doute. Et puis, l’oubli, c’est ce qui nous permet à nous, français, ne nous promener dans les rues de Madrid ou de Séville sans nous faire lyncher par ceux qui voudraient nous faire payer l’occupation et la répression napoléonienne.

    L’amnésie est certes une signe de décadence ; l’hypermnésie de démence.

    ***

    Ceci dit, qu’on le condamne en bloc (comme vous) ou pas (comme moi), il ne me semble pas que le syncrétisme de l’époque soit le vrai responsable de ce désastre mémoriel ; après tout, malgré l’époque, nul concert de rap “festif” prévu aux cérémonies du cinquantenaire de l’Appel du 18 juin, ni à celles du débarquement, pas plus qu’à celles du centenaire de la bataille de la Marne.

    C’est que Verdun est un “objet commémorationnel” ambigu : ce n’est ni les Thermopyles, ni Massada, ni Stalingrad. Que faudrait-il donc célébrer ? Une victoire ? Ce n’en fut pas une. Une défaite ? Non plus. Un tournant dans la guerre ? Pas plus. Verdun, c’est l’absurdité dans toute sa splendeur : absurdité du commandement allemand qui décide d’attaquer le dispositif français là où il est le plus fort, absurdité du commandement français qui, par son incurie (mais que faisaient donc les polytechniciens que vous aimez tant ?), n’a rien d’autre à opposer aux obus que les poitrines des soldats et absurdité de ces combats qui virent le même village changer 13 fois de mains en une journée au prix de milliers de morts et sans aucun bénéfice pour l’un ou l’autre des belligérants.

    Ecoutez Georges Pompidou, alors 1er Ministre du général de Gaulle, lors d’un discours à Verdun pour le cinquantenaire du déclenchement du premier conflit mondial: “Il est normal que ce soit à Verdun plus qu’ailleurs que les hommes, et en particulier ceux qui portent quelques responsabilité dans la conduite des Nations dénoncent l’absurdité de la guerre”. Je vous le demande mon cher Descartes: comment commémorer l’absurdité?

    Mais il y a plus grave, ou en tout cas plus délicat; car si Verdun fut, d’une certaine façon, le pinacle de l’Histoire de France (c’est en tout cas mon opinion), c’en fut également le tombeau. Certes Falkenhayn ne réussit pas “à saigner à blanc” la France dès 1916 mais c’est tout comme; car, derrière Verdun, ce qui se profile c’est Le feu, Les Croix de Bois, Ceux de 14 ou La peur; puis, les 30 000 monuments aux morts, le pacifisme intégral, la ligne Maginot, la drôle de guerre et enfin l’effondrement de 40. Commémorer Verdun, c’est en quelque sorte commémorer “l’impardonnable défaite” et l’on comprend que quelques-uns s’en sentent mal à l’aise.

    Alors, un concert de rap pour oublier tout ça…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Cependant, à votre instar, j’accorderai quelques circonstances atténuantes à ce pauvre Monsieur Hazard (fils d’ouvrier notez-le).]

      Je le note… et je suis prêt même sans ça à lui accorder les circonstances atténuantes. Il est difficile pour un homme seul de garder la tête froide contre le courant, surtout quand le ton est donné par les services de communication de l’Elysée. Comme disait un maréchal de Napoléon, « en temps troublés, la difficulté n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître »…

      [Comme vous le soulignez, l’époque et son idéologie jouent à plein; cependant il n’y a là, selon moi, rien que de très naturel: de tous temps, les hommes ont regardé leur passé avec le prisme et les enjeux de leur époque.]

      Ce « de tout temps » mérite quand même une nuance. D’abord, parce que pendant très longtemps l’Histoire a été l’apanage d’une classe sociale plutôt réduite, le reste de la population devant se contenter de légendes et de traditions. L’Histoire – ou le roman historique – ne sert comme instrument de propagande que depuis le XIXème siècle.

      Par ailleurs, il y a un changement considérable en France ces trente dernières années, qui fait qu’il est hasardeux d’établir un parallèle avec des époques passées. Hier, l’utilisation idéologique de l’Histoire se faisait au moyen d’une réécriture qui visait à produire un « roman historique » qui soutienne une idéologie. Aujourd’hui, le procédé n’est pas du tout le même : le but n’est pas d’établir un lien avec un passé, fut-il mitifié, mais d’effacer ce passé. On n’invente pas un Verdun imaginaire, avec un chanteur qui chante la fraternisation des soldats français et allemands. On décrète que Verdun c’est fini, que ce évènement n’a plus rien à nous dire. Et on choisit un chanteur qui ne parle même pas de l’évènement.

      Il y a une grande différence entre falsifier l’Histoire et l’annuler. La falsification de l’histoire a des fins politiques contient implicitement l’hypothèse que l’Histoire a quelque chose à nous apprendre. L’amnésie à laquelle nous sommes appelés aujourd’hui contient l’hypothèse que le passé n’a plus rien à nous apprendre, qu’il n’a plus d’intérêt. Peut-être doit on voir dans cette affaire l’incapacité des élites françaises à produire une histoire « falsifiée » dans le sens europhile qui soit vraisemblable ? Car il faut voir que ce phénomène est purement français. Merkel n’invite pas Hollande lorsqu’il s’agit de célébrer la mémoire des soldats allemands morts défendant le bunker du Führer…

      [Par ailleurs, notre époque est en effet à la réconciliation (Poutine à Katyn, Obama à Iroshima, Merkel à Verdun, Gauck à Oradour, Brandt à Varsovie, Adenauer dans le Neguev…)? Et alors? Quel est le problème ?]

      Le problème, c’est que cette « réconciliation » a un prix, à savoir, l’oubli. Et que les peuples qui oublient leur histoire sont condamnés à la revivre. Vous savez, le refoulé finit toujours par sortir, tôt ou tard, et souvent sous une forme exacerbée. Vous savez bien que je n’ai rien d’un va-t-en guerre. J’aspire à une France vivant en paix et en bonne entente avec tous les pays du monde. Mais cette entente doit être construite sur la connaissance d’une histoire tragique et assumée, et non sur une méconnaissance réciproque. Il faut savoir ce qu’on veut : ou bien l’Histoire n’est qu’un obstacle à l’amitié entre les peuples, et alors il faut fermer les facultés d’histoire, détruire les archives et les bibliothèques ; ou bien l’étude de l’Histoire nous permet d’agir de manière plus rationnelle et plus humaine, et alors il n’y a pas de justification pour l’amnésie.

      [Préférez-vous réellement l’ambiance des manifestations Orangistes dans les quartiers catholiques de Belfast ou le martyrologe des phalangistes libanais? J’en doute.]

      Non, mais je ne crois pas que ce soit la seule alternative à la logique de l’amnésie. Perpétuer la connaissance des conflits n’implique pas de perpétuer les conflits eux-mêmes. Au contraire : beaucoup de conflits deviennent difficiles à résoudre parce qu’on a oublié ou qu’on ne veut pas voir leurs origines. Je ne propose pas qu’on refasse la bataille de Verdun. Mais qu’on se souvienne qu’elle a eu lieu. Ce sont deux choses très différentes.

      [De la même manière, vous condamnez, par un joli raccourci, la commémoration-oubli; mais c’est également un grand classique, que l’on retrouve régulièrement au cours de l’Histoire: dans certaines circonstances, le passé en effet doit être aboli pour laisser place au présent et plus encore au futur. Sans remonter jusqu’à Moïse qui dut mourir pour qu’Israël advienne,]

      Mauvais exemple : si Moïse dut mourir pour qu’Israël advienne, Yahve a pris la précaution de faire écrire son histoire. L’homme est mort, mais son récit survit jusqu’à aujourd’hui. Je pense que votre exemple démontre exactement le contraire de ce que vous cherchez à prouver. Dans cette affaire, le passé n’a nullement été « aboli pour laisser place au présent ». Au contraire. Moïse n’entre pas à la terre promise, mais ses Lois continuent à régir le peuple juif jusqu’à nos jours.

      [je ne peux manquer de citer les premiers articles de l’Edit de Nantes, grand moment de réconciliation nationale s’il en fut: “Nous, HENRY par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre déclarons et ordonnons que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre (…) durant les troubles et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu’ils soient, d’en renouveler la mémoire, s’attaquer, ressentir, injurier, ni provoquer l’un l’autre par reproche de ce qui s’est passé, pour quelque cause et prétexte que ce soit, en disputer, contester, quereller ni s’outrager ou s’offenser de fait ou de parole, mais se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenants d’être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public”.]

      Texte magnifique, sans doute. Probablement celui qui expose le plus clairement le sens de ce que nous appelons aujourd’hui une amnistie – dont vous remarquerez que la racine grecque est la même que celle d’amnésie. Seulement, le bon roi Henri s’est trompé en croyant qu’un édit pouvait effacer la mémoire. Pire : cette logique d’oubli volontaire a empêché la mémoire de se transformer en Histoire, et donc qu’on se partage les cordes et les pendus pour vivre ensemble dans une histoire assumée de part et d’autre. Et lorsque le refoulé est revenu, il est revenu avec une particulière violence, comme vous le savez. Le bon roi Henri n’est pas le premier à avoir jeté le manteau de l’oubli sur certaines choses. De Gaulle, en 1945, a cherché un peu à faire la même chose, et pendant des années il était interdit de réexaminer le régime de Vichy. Le « passé qui ne passe pas » s’est salement vengé, et reste une épine dans la gorge de notre système institutionnel.

      Contre ceux qui prétendent qu’il ne faut pas parler des choses qui fâchent, je défends une conception de l’Histoire qui au contraire est un facteur d’unité. Seule l’Histoire – l’Histoire scientifique, s’entend, construite sur la lecture critique des preuves, des documents, des témoignages – peut construire un récit que nous pouvons assumer, parce qu’il est ce qu’il est et qu’aucun de nous n’a le pouvoir de le changer. La mémoire, forcement subjective, conduit nécessairement à l’affrontement des mémoires, et comme aucune mémoire n’est supérieure à une autre, cet affrontement est éternel. L’oubli n’est pas une solution, parce que l’oubli nous laisse sans références. Reste l’Histoire.

      [Etes-vous sûr de préférer le Chant du Soldat de Déroulède (“J’en sais qui croient que la haine s’apaise. Mais non ! L’oubli n’entre pas dans nos cœurs. Trop de sol manque à la terre française. L’honneur, le sang : on a tout à reprendre”)? Là aussi j’en doute.]

      Bien sur que non. Mais vous voulez à tout prix me faire choisir entre la mémoire et l’oubli, alors que je vous propose une troisième option : l’Histoire.

      [Et puis, l’oubli, c’est ce qui nous permet à nous, français, ne nous promener dans les rues de Madrid ou de Séville sans nous faire lyncher par ceux qui voudraient nous faire payer l’occupation et la répression napoléonienne.]

      Non, je ne crois pas. On peut assumer une histoire sans l’oublier, et sans en vouloir à ses acteurs – ou à leurs successeurs – justement parce que l’Histoire est, par essence, tragique. Nous sommes les jouets d’un destin qui nous dépasse, comment pourrait-on nous en vouloir individuellement ?

      [Ceci dit, qu’on le condamne en bloc (comme vous) ou pas (comme moi), il ne me semble pas que le syncrétisme de l’époque soit le vrai responsable de ce désastre mémoriel ; après tout, malgré l’époque, nul concert de rap “festif” prévu aux cérémonies du cinquantenaire de l’Appel du 18 juin, ni à celles du débarquement, pas plus qu’à celles du centenaire de la bataille de la Marne.]

      Pour les évènements de la deuxième guerre mondiale, la mémoire est encore trop présente pour pouvoir prêcher l’oubli. Et puis l’idéologie morale dominante aujourd’hui s’est construite sur la mémoire des massacres de 1939-45 et de la Shoah. Dans ce domaine, c’est plutôt le combat pour s’approprier la mémoire que pour l’effacer. Quant au centenaire de la bataille de la Marne, je ne donnerais pas mon bras à couper…

      [C’est que Verdun est un “objet commémorationnel” ambigu : ce n’est ni les Thermopyles, ni Massada, ni Stalingrad. Que faudrait-il donc célébrer ? Une victoire ? Ce n’en fut pas une. Une défaite ? Non plus. Un tournant dans la guerre ? Pas plus.]

      Je ne suis pas d’accord. Les allemands avaient un objectif stratégique, cet objectif n’a pas été atteint. C’est donc une défaite pour eux, et une victoire pour nous. Une victoire amère – comme l’a été Stalingrad, ou les pertes soviétiques furent effroyables – mais une victoire tout de même. Ce qui rend cette victoire ambigüe, c’est que ses résultats ne se sont pas fait voir tout de suite. Stalingrad est le tournant de la guerre, et arrive au moment ou les troupes soviétiques ont enfin les moyens de repartir à l’offensive. Verdun, d’une certaine manière, arrive trop tôt. Mais j’ajouterais qu’il ne s’agit pas de « célébrer » Verdun, mais de le « commémorer ». Et ce n’est pas la même chose.

      [Verdun, c’est l’absurdité dans toute sa splendeur : absurdité du commandement allemand qui décide d’attaquer le dispositif français là où il est le plus fort, absurdité du commandement français qui, par son incurie (mais que faisaient donc les polytechniciens que vous aimez tant ?), n’a rien d’autre à opposer aux obus que les poitrines des soldats et absurdité de ces combats qui virent le même village changer 13 fois de mains en une journée au prix de milliers de morts et sans aucun bénéfice pour l’un ou l’autre des belligérants.]

      Vous pourriez faire les mêmes remarques à propos de Stalingrad. Et l’incurie des Polytechniciens (que je n’aime pas particulièrement) a été beaucoup exagérée, dans cette vieille tradition gauloise qui fait qu’à entendre chaque français on est toujours entouré d’incapables. Les batailles où tout se déroule conformément aux plans et les livraisons de matériel arrivent toujours à temps, ça n’existe que dans les films hollywoodiens. Dans la réalité, toutes les batailles sont un merdier, pour reprendre la formule de Patton. Pensez-vous que si on avait laissé le village en question aux allemands la première fois qu’ils l’ont conquis, et qu’on avait fait de même pour chaque position, l’issue de la bataille aurait été la même ?

      [Ecoutez Georges Pompidou, alors 1er Ministre du général de Gaulle, lors d’un discours à Verdun pour le cinquantenaire du déclenchement du premier conflit mondial: “Il est normal que ce soit à Verdun plus qu’ailleurs que les hommes, et en particulier ceux qui portent quelques responsabilité dans la conduite des Nations dénoncent l’absurdité de la guerre”. Je vous le demande mon cher Descartes: comment commémorer l’absurdité?]

      Pompidou, agrégé de lettres classiques, savait très bien que le concept de « absurde » n’est pas aussi limité que l’usage quotidien du mot le laisse penser. L’absurde, en philosophie, consacre la différence entre la perception que nous avons du monde et ce que nous en attendons. Presque tout le tragique est « absurde », et la guerre étant par essence tragique est, au plus haut point, « absurde ». Mais elle n’est pas pour autant irrationnelle. Dans la pratique, la guerre est aussi vieille que l’espèce humaine. Et si les hommes s’adonnent à cette activité dangereuse, dure, salissante et moralement indéfendable depuis tellement longtemps, il doit y avoir une bonne raison.

      A Verdun, il ne s’agit pas de « commémorer l’absurdité ». La commémoration de Verdun n’est pas une « fête de la guerre ». On ne commémore pas « la guerre » en général, ni même la guerre de 1914-18 en particulier. On commémore le sacrifice de centaines de milliers de paysans, d’ouvriers, de citoyens de toutes classes et de toutes origines qui ont fait le sacrifice suprême pour que leur pays vive. C’est de ce geste que je voudrais perpétuer la mémoire et l’offrir en exemple aux jeunes générations. Vous comprenez bien pourquoi dans une société dominée par l’égocentrisme cette mémoire n’est pas populaire…

      [Commémorer Verdun, c’est en quelque sorte commémorer “l’impardonnable défaite” et l’on comprend que quelques-uns s’en sentent mal à l’aise.]

      Encore une fois, une histoire ne s’achète pas au détail. On ne commémore pas tel ou tel fait parce que ça nous fait plaisir. On le commémore parce qu’il mérite qu’on s’en souvienne, y compris pour la raison que vous détaillez.

      [Alors, un concert de rap pour oublier tout ça…]

      Beurk !

    • Françoise dit :

      A propos de falsifier l’Histoire, vous voilà à nouveau victime de votre roman national:

      Alesia n’était pas terre de France, tout simplement puisque la France n’existait pas, ni même terre de Vercingétorix puisqu’elle se situerait en Gaule belgique. Vercingétorix, victorieux à Gergovie, poursuivait César et non l’inverse.

      Azincourt est en Ponthieu, terre donnée aux Anglais au traité de Brétigny en 1360 bien qu’ils l’avaient déjà en fief vassalique depuis des années. Le connétable de Charles VI a donc attaqué Henry V sur ses terres en 1415 et non l’inverse.

      Pour Verdun, il n’y a ni pardon, ni oubli, juste un temps de mémoire pour ne pas recommencer.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [A propos de falsifier l’Histoire, vous voilà à nouveau victime de votre roman national: Alesia n’était pas terre de France,]

      Je n’ai jamais dit le contraire. Je vous mets au défi de m’indiquer où j’aurais prétendu pareille chose. Vous voyez ? Si vous ne lisiez pas de travers et vous étiez moins agressive, vous vous éviteriez ce genre de dérapage.

      Le reste, à l’avenant.

    • Françoise dit :

      Vous dites qu’on ne peut pardonner à ceux qui nous ont envahi les premiers, en laissant entendre que nous sommes les victimes de toutes ces guerres.

      En 1870, c’est la France qui avait exigé un papier du Kaiser et a fait un grave faux-pas diplomatique, prétexte pour une guerre déclarée par Napoléon III qui tractait secrètement depuis longtemps avec les Länder catholiques du Sud contre ceux du Nord.

      En 1914, c’est l’esprit revanchard des Français, vexés par 1870 avec le Kaiser à la galerie des Glaces et la perte de l’Alsace “Lorraine” (750 ans dans le Saint Empire, 170 ans dans la France), qui lance la mobilisation générale en premier, pas les Allemands occupés avec les Russes.

      En 1939, c’est la France qui déclare la guerre, ne voulant pas trahir les Polonais comme elle avait trahi les Tchèques à Münich.

      je le redis, ni pardon, ni oubli, et surtout ni victimisation, juste “plus jamais ça” (que ce soit par un concert ou, mieux encore, par une destruction de l’enseignement d’un roman national falsifié)

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Vous dites qu’on ne peut pardonner à ceux qui nous ont envahi les premiers, en laissant entendre que nous sommes les victimes de toutes ces guerres.]

      Non, je n’ai jamais dit pareille chose. De grâce, apprenez à lire !
      J’ai dit exactement le contraire : qu’on leur pardonne ou pas, cela ne change rien. Ils n’ont pas leur place dans une cérémonie de deuil nationale. De la même façon que je n’inviterai pas le cambrioleur qui a tué ma fille à ses obsèques, que je lui pardonne ou pas.

      [En 1870, c’est la France qui avait exigé un papier du Kaiser et a fait un grave faux-pas diplomatique, prétexte pour une guerre déclarée par Napoléon III qui tractait secrètement depuis longtemps avec les Länder catholiques du Sud contre ceux du Nord.]

      Non. En 1870 Bismarck, qui avait besoin d’une bonne guerre pour unifier l’ensemble germanique autour du Roi de Prusse, a falsifié une dépêche pour faire croire à un incident diplomatique qui n’avait pas eu lieu, et ainsi mettre le gouvernement français en porte-à-faux par rapport à son opinion publique pour lui faire déclarer la guerre à l’Allemagne. C’est la fameuse « dépêche d’Ems ».

      [En 1914, c’est l’esprit revanchard des Français, vexés par 1870 avec le Kaiser à la galerie des Glaces et la perte de l’Alsace “Lorraine” (750 ans dans le Saint Empire, 170 ans dans la France), qui lance la mobilisation générale en premier, pas les Allemands occupés avec les Russes.]

      C’est tout de même l’Allemagne qui déclare la guerre à la France et qui envahit son territoire.

      [En 1939, c’est la France qui déclare la guerre, ne voulant pas trahir les Polonais comme elle avait trahi les Tchèques à Münich.]

      Mais les troupes françaises ne traversent pas la frontière allemande. Là encore, ce sont les allemands qui attaqueront.

      [je le redis, ni pardon, ni oubli, et surtout ni victimisation, juste “plus jamais ça” (que ce soit par un concert ou, mieux encore, par une destruction de l’enseignement d’un roman national falsifié)]

      Souvenez-vous ce qui s’est passé la dernière fois qu’on a crié « plus jamais ça ».

    • Françoise dit :

      “pour faire croire à un incident diplomatique qui n’avait pas eu lieu”?
      vous falsifiez l’Histoire voulez encore faire passer les Français pour les victimes…
      les torts sont largement partagés.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [vous falsifiez l’Histoire voulez encore faire passer les Français pour les victimes…]

      Si je comprends bien, vous niez l’existence de la “dépêche d’Ems” ?
      Franchement, je ne peux que vous conseiller d’ouvrir de temps en temps un livre d’histoire, ça vous évitera de parler à tort et à travers.

      [les torts sont largement partagés.]

      C’est drôle, les torts sont toujours partagés, mais c’est toujours le territoire français qui s’est trouvé occupé par les troupes allemandes, jamais l’inverse. Étonnant, non ?

    • Françoise dit :

      “c’est toujours le territoire français qui s’est trouvé occupé par les troupes allemandes, jamais l’inverse. Étonnant, non ?”
      oui, ouvrons donc un livre d’Histoire et voyons où étaient les troupes de Napoléon Bonaparte en 1800… toute la rive gauche du Rhin était annexée!

      Quand je dis “En 1870, c’est la France qui avait exigé un papier du Kaiser et a fait un grave faux-pas diplomatique” je ne nie pas l’existence de la dépêche d’Ems, en revanche quand vous dites que “Bismarck … a falsifié une dépêche pour faire croire à un incident diplomatique qui n’avait pas eu lieu” vous niez que la France ait fait un faux pas diplomatique qui a bel et bien eu lieu quand l’ambassadeur de France a exigé du kaiser d’avoir une garantie écrite alors que l’abandon des prétentions au trône d’Espagne était acquis.
      Bismarck n’a rien inventé quand il a retransmis l’info de l’éviction de l’ambassadeur peu diplomate car le kaiser l’avait vraiment renvoyé dans ses cages, blessant l’honneur de la France et provoquant la guerre.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [oui, ouvrons donc un livre d’Histoire et voyons où étaient les troupes de Napoléon Bonaparte en 1800… toute la rive gauche du Rhin était annexée!]

      Dans ce cas, il regardez quelques pages avant dans votre livre, et vous retrouverez les troupes prussiennes à Valmy en 1792, essayant de marcher sur Paris. Vous savez, si vous commencez à jouer à « c’est qui qui a commencé », vous risquez d’avoir des surprises… il faudrait vous souvenir que les campagnes napoléoniennes furent autant offensives que défensives, dans un contexte où la France avait contre elle depuis la Révolution l’ensemble des couronnes d’Europe.

      [Quand je dis “En 1870, c’est la France qui avait exigé un papier du Kaiser et a fait un grave faux-pas diplomatique” je ne nie pas l’existence de la dépêche d’Ems, en revanche quand vous dites que “Bismarck … a falsifié une dépêche pour faire croire à un incident diplomatique qui n’avait pas eu lieu” vous niez que la France ait fait un faux pas diplomatique qui a bel et bien eu lieu quand l’ambassadeur de France a exigé du kaiser d’avoir une garantie écrite alors que l’abandon des prétentions au trône d’Espagne était acquis.]

      Je ne « nie » rien du tout. On peut discuter si le fait d’avoir exiger du Kaiser l’engagement de ne pas soutenir une candidature au trône espagnol était ou non un « faux pas ». Mais à supposer même que c’en soit un, ce faux pas n’a eu aucune conséquence : le Kaiser a répondu en refusant poliment de prendre un tel engagement, et la chose aurait pu s’arrêter là. C’est Bismarck qui fait rédiger la dépêche rendant compte de cet entretien comme s’il s’était terminé par un rejet insultant de la demande française, ce qui n’était pas le cas, pour manipuler l’opinion publique française et faire pression sur le gouvernement français pour déclarer la guerre.

      [Bismarck n’a rien inventé quand il a retransmis l’info de l’éviction de l’ambassadeur peu diplomate car le kaiser l’avait vraiment renvoyé dans ses cages, blessant l’honneur de la France et provoquant la guerre.]

      Bien sur que si. Le Kaiser n’avait « renvoyé dans ses cages » personne. Il avait au contraire reçu fort poliment l’envoyé français et refusé toujours très poliment de prendre l’engagement. La dramatisation fut une invention de Bismarck, qui avait besoin d’une guerre pour réduire à néant les réticences des Etats allemands de se mettre sous la protection de la Prusse.

    • Carnot dit :

      @ Descartes et Françoise

      [ il faudrait vous souvenir que les campagnes napoléoniennes furent autant offensives que défensives, dans un contexte où la France avait contre elle depuis la Révolution l’ensemble des couronnes d’Europe.]

      Absolument, c’est toujours frappant de constater à quel point on a une image des campagnes napoléoniennes qui au fond semblent marquées par la propagande du congrès de Vienne avec un “ogre corse” voué à la guerre pour étancher une soif inextinguible de conquête et sans la défaite duquel le continent ne connaîtrait jamais le repos. La réalité historique est très différente. Il ne s’agit pas bien sûr de nier l’impérialisme de la France révolutionnaire puis impériale – la liberté ne va pas s’apporter au monde toute seule que voulez-vous – mais en réalité cet impérialisme est d’abord enclenché par la nécessaire défense contre les monarchies coalisées qui veulent étouffer la Révolution. Et ensuite, selon le mécanisme bien connu de l’engrenage de la peur de perdre ce qu’on a conquis déjà bien décrit par Thucydide, la France prend de plus en plus de gages pour s’assurer un glacis, gages qui entraînent une escalade qui demande de nouveaux gages etc.

      Ensuite la République et notamment le Directoire sont bien plus impérialiste au fond que l’Empire. Avec les Républiques soeurs et poussé par une domination militaire et politique sans précédente, c’est le Directoire qui se lance dans le redécoupage de toute la carte de l’Europe à l’avantage de la France, redécoupage qui transforme la lutte avec l’Autriche en lutte à mort, inquiète la Russie et rend l’Angleterre plus déterminée que jamais à la guerre. Bonaparte arrive au pouvoir pour garantir les conquêtes de la Révolution. C’est en tentant d’accomplir son mandat qu’il commettra une très grave erreur en adoptant l’idée du blocus continental, plan séduisant mais beaucoup trop risqué parce qu’il oblige à s’assurer par tous les moyens de son étanchéité, le cas échéant en envoyant des troupes jusqu’en Russie…

      Et puis désormais il a été bien mis en évidence notamment par Thierry Lentz que le grand projet de Bonaparte à l’origine n’était pas du tout de se tailler un empire en Europe mais bien de refaire de la France une grande puissance maritime. Sous le Consulat la priorité de Bonaparte c’est la paix avec l’Angleterre, qui doit lui permettre de reconstituer à la France son domaine maritime et colonial et de développer son économie. Les moyens importants qu’il consacre à la finalement désastreuse opération de reconquête de Saint-Domingue le montre. C’est seulement après et contraint et forcé qu’ayant compris que l’Angleterre n’accepterait pas durablement la paix sans abandons inacceptables du côté français le Premier consul change ses plans et abandonne son rêve colonial, ce qui est notamment marqué par la vente de la Louisiane en 1804. Après cela et plus encore après Trafalgar il cherche toujours la paix (une paix assurant la prédominance française en Europe évidemment) mais est convaincu que si la paix se trouve à Londres le chemin qu’il doit emprunter pour aller la chercher est désormais nécessairement sur le continent.

      En fait une analyse objective de la période conduit à mon avis à conduire que si la France est évidemment une puissance impérialiste entre 1792 et 1814, ce n’est pas vraiment une puissance agressive et elle est tout compte fait moins un fauteur de guerre que le Royaume-Uni qui a juré la perte de la France étendue jusqu’à la Rive gauche du Rhin. D’ailleurs la France du Consulat et de l’Empire n’a déclaré qu’une guerre, au Portugal, toutes les autres ont été déclenchées par ses ennemis.

    • Françoise dit :

      votre jeu de “c’est qui qui a commencé” pourrait aussi remonter à la guerre de succession d’Autriche, puis à la guerre de Trente Ans…
      Je prends note que vous acceptiez de discuter si la France avait fait un faux-pas diplomatique, merci!
      Imaginez le Kaiser se faire aborder par un Français exigeant de ne jamais proposer de candidature au trône d’Espagne, il le remballe (véridique et indiscutable, poliment (diplomatiquement) ou pas); et que Bismarck en ait profité pour agacer les Français est “de bonne guerre”, pardon pour le mauvais jeu de mots mais il lui tardait de rabattre le caquet de Français prétentieux.
      Depuis, la diplomatie louvoie toujours pour laisser une porte de sortie honorable pour ne pas répéter le fiasco diplomatique d’Ems
      PS: j’ai cherché une déclaration de guerre de l’Allemagne à la France en 1914 antérieure à la mobilisation générale des Français déclarée le 1er août: mais non! l’ambassadeur d’Allemagne cherchait la neutralité de la France qui a répondu par la guerre, et non l’inverse.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [votre jeu de “c’est qui qui a commencé” pourrait aussi remonter à la guerre de succession d’Autriche, puis à la guerre de Trente Ans… ]

      Je vous rappelle que c’est vous qui proposez de jouer à ce jeu idiot, pas moi…

      [Je prends note que vous acceptiez de discuter si la France avait fait un faux-pas diplomatique, merci!]

      Je n’ai jamais refusé de discuter quoi que ce soit. On peut discuter de l’existence des fantômes, de dieu, ou de votre « faux pas diplomatique », si vous avez envie.

      [Imaginez le Kaiser se faire aborder par un Français exigeant de ne jamais proposer de candidature au trône d’Espagne,]

      Je n’ai rien à « imaginer ». Il existe des témoignages des personnes présentes à cette entrevue.

      [il le remballe (véridique et indiscutable, poliment (diplomatiquement) ou pas);]

      Cela n’a rien de « véridique et indiscutable ». Le Kaiser n’a « remballé » personne, il s’est contenté de réaffirmer son engagement précédent de ne pas proposer un candidat, sans prendre l’engagement demandé par le diplomate français pour l’avenir. L’entrevue s’est terminée cordialement.

      [et que Bismarck en ait profité pour agacer les Français est “de bonne guerre”,]

      Certainement. Provoquer une guerre pour atteindre un objectif politique est considéré comme parfaitement valable. Il n’empêche que c’est donc bien Bismarck qui a cherché à provoquer la guerre, et pas les français. CQFD.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Il ne s’agit pas bien sûr de nier l’impérialisme de la France révolutionnaire puis impériale – la liberté ne va pas s’apporter au monde toute seule que voulez-vous – mais en réalité cet impérialisme est d’abord enclenché par la nécessaire défense contre les monarchies coalisées qui veulent étouffer la Révolution. Et ensuite, selon le mécanisme bien connu de l’engrenage de la peur de perdre ce qu’on a conquis déjà bien décrit par Thucydide, la France prend de plus en plus de gages pour s’assurer un glacis, gages qui entraînent une escalade qui demande de nouveaux gages etc.]

      Exactement. Il faut aussi noter que la Révolution invente un nouveau type de « impérialisme », celui qui prétend propager une forme politique nouvelle. Avant elle, les Princes qui se faisaient la guerre n’avaient aucune prétention d’étendre une forme politique. D’ailleurs, la plupart d’entre eux étaient tout à fait contents de laisser à leurs différents états leurs lois et leurs coutumes.

      [D’ailleurs la France du Consulat et de l’Empire n’a déclaré qu’une guerre, au Portugal, toutes les autres ont été déclenchées par ses ennemis.]

      Exactement. Une constante de notre histoire…

    • Françoise dit :

      @Carnot
      Longue vie à notre Empereur, le pacifiste, qui reprend le flambeau d’apporter la Liberté au monde opprimé par les rois! ;))
      @pseudo D
      1792: la France déclare la guerre à l’Autriche et non l’inverse

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [1792: la France déclare la guerre à l’Autriche et non l’inverse]

      Oui. C’est la conséquence de la déclaration de Pillnitz, dans laquelle le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche appellent les autres monarchies européennes à les rejoindre pour partir en guerre contre la France révolutionnaire. Devant cette agression unilatérale, la France exige de l’Autriche qu’elle rompe son alliance guerrière avec la Prusse. Devant son refus, la France déclare la guerre à l’Autriche et attaque les Pays-bas.

      Bien sur, me direz-vous. La France aurait pu attendre patiemment que la première coalition se forme, qu’elle ait le temps de s’armer avant d’attaquer…

  16. morel dit :

    Il y a quelque chose qui m’échappe dans cette histoire. Chacun a pu lire ou entendre les réactions virulentes relatives à l’annulation du concert de Black M dont la dernière en date : « L’air empeste. Saturé des effluves de peurs indicibles et de défiances sinon de haines inavouables, il porte en lui l’insupportable… » in :
    http://www.liberation.fr/debats/2016/05/16/la-meute-contre-black-m-ah-les-braves-gens_1452944
    de l’ineffable Sopo .
    Quelque chose m’échappe, car celui ou celle (en ces temps de parité pointilleuse, il faut savoir surveiller ses écrits) qui a pressenti ce rappeur pour Verdun si l’on en croit ces réactions émanant même du sommet de l’état, ne peut-être qu’un-e héraut-e ?/héro-ine du combat contre le racisme, le fascisme, le colonialisme, un-e martyr-e de la noble cause dont le nom mériterait d’être porté à la (re)connaissance de tous les hommes de bien mais, modestie ? tout le monde se refile la patate chaude…
    Descartes, vous avez raison, on est loin de la méritocratie.

    « Moi, Alpha Diallo, enfant de la République et fier de l’être, souhaite, par ce communiqué, faire barrière à ces propos haineux. »

    Monsieur Diallo et si vous commenciez à « faire barrière » sans aucune ambiguïté aux « propos haineux » que vous avez-vous-même tenus ? Un bel effort pour être Républicain.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Il y a quelque chose qui m’échappe dans cette histoire. Chacun a pu lire ou entendre les réactions virulentes relatives à l’annulation du concert de Black M dont la dernière en date : « L’air empeste. Saturé des effluves de peurs indicibles et de défiances sinon de haines inavouables, il porte en lui l’insupportable… » in : de l’ineffable Sopo.]

      Ineffable n’est pas tout à fait le mot qui me viendrait à l’esprit. Encore un apparatchik du MJS, qui fut attaché parlementaire de Julien Dray et qui attends certainement un succulent fromage… peut-être la circonscription de son mentor ? En tout cas, l’article de Sopo est assez révélateur. Il évacue d’un revers de manche « celles et ceux qui critiquèrent le choix d’un concert de rap en parallèle de la commémoration de la bataille de Verdun », critique « qu’il ne partage pas mais qu’il peut entendre ». Et ayant évacué ce sujet – qui est quand même le point fondamental – il ne lui reste qu’à se lâcher avec le traditionnel discours de la gauche bienpensante contre le FN.

      [Quelque chose m’échappe, car celui ou celle (en ces temps de parité pointilleuse, il faut savoir surveiller ses écrits) qui a pressenti ce rappeur pour Verdun si l’on en croit ces réactions émanant même du sommet de l’état, ne peut-être qu’un-e héraut-e ?/héro-ine du combat contre le racisme, le fascisme, le colonialisme, un-e martyr-e de la noble cause dont le nom mériterait d’être porté à la (re)connaissance de tous les hommes de bien mais, modestie ? tout le monde se refile la patate chaude…]

      En effet, c’est l’un des points les plus drôles de la situation : chez les dirigeants socialistes, tout le monde soutien le choix… mais personne n’est prêt à l’assumer. Personne ne sort dire « j’ai choisi Black M et voici pourquoi ». Je pense qu’en fait tout le monde est maintenant d’accord que c’était un choix idiot. Mais il faut avoir vécu la situation pour comprendre la dynamique de ces réunions entre gens soi disant « de culture » ou tout le monde partage les mêmes préjugés. Quelqu’un aura proposé « et si on faisait un concert de rap » ? Et personne n’aura osé dire « non » de peur de passer pour un réac ringard. Peut-être même que chacun a fait de la surenchère, pour avoir l’air « moderne ». Ne négligez jamais les effets de cour…

      [Monsieur Diallo et si vous commenciez à « faire barrière » sans aucune ambiguïté aux « propos haineux » que vous avez-vous-même tenus ? Un bel effort pour être Républicain.]

      Je crois que monsieur Diallo n’a rien compris au film. De sa déclaration promettant à son public « qu’on va s’amuser » à Verdun à sa tentative de se cacher derrière les faits d’armes de son grand-père – ce qui ne fait que ressusciter le discours d’extrême droite selon lequel seuls ceux dont la famille a versé son sang pour la patrie sont de « véritables » français – il a eu tout faux. Il est d’ailleurs drôle d’imaginer un rappeur, style de musique construit autour de l’expression de la haine, prétendre « faire barrière » à la haine des autres. Peut-être que désormais Black M ne chantera sous forme de rap que l’amour, la tendresse, la fraternité ? On aimerait bien voir ça…

    • BJ dit :

      @ Descartes

      [ Il y a fort peu d’États laïcs en Europe et dans le monde ]

      Je me suis souvent posé la question, et je n’ai pas réussi à trouver d’autres pays laïcs.
      En avez vous à proposer ?

    • Descartes dit :

      @BJ

      [Je me suis souvent posé la question, et je n’ai pas réussi à trouver d’autres pays laïcs. En avez vous à proposer ?]

      La laïcité intégrale à la française est en fait très rare. En dehors des pays du “socialisme réel”, devenus pour la plupart des exemples historiques, il y a la Turquie – du moins celle d’avant Erdogan – le Japon et l’Uruguay. A côté, il y a beaucoup pays ou l’Etat est sécularisé mais qui pratiquent un certain “théisme cérémonial” et où les cultes sont subventionnés.

    • Carnot dit :

      De mémoire il me semblait que le Portugal était également un Etat totalement laïc sur le modèle français mais je me trompe peut-être.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [De mémoire il me semblait que le Portugal était également un Etat totalement laïc sur le modèle français]

      Nominalement, oui. Mais dans la mesure où le Concordat reste en vigueur, en pratique l’Etat continue à subventionner le culte.

    • Françoise dit :

      le premier Etat laïque du monde sont les USA, depuis 1791.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [le premier Etat laïque du monde sont les USA, depuis 1791.]

      Séculier, oui. Laïque, non. La constitution de 1787 est muette sur le sujet de la religion, sauf pour préciser qu’une profession de foi religieuse ne peut être exigée pour occuper les fonctions ou charges publiques. Elle ne garantit même pas la liberté de culte. Le premier amendement, ratifié le 15 décembre 1791, interdit toute mesure qui porterait atteinte à la liberté de culte ou qui établirait un culte officiel. Mais il n’établit pas la neutralité religieuse de l’Etat, qui peut parfaitement financer les cultes – à condition de respecter l’égalité entre eux – ou organiser des cérémonies religieuses publiques – à condition qu’elles soient œcuméniques. La meilleure preuve en est la devise américaine “in God we trust”, qu’on peut lire sur chaque billet. Une telle formule serait impensable dans un état laïque…

    • Françoise dit :

      Pourriez-vous apporter la preuve que l’Etat fédéral finance les cultes?
      Ca veut dire quoi pour vous “œcuménique”? Je doute que vous utilisiez ce mot à bon escient, soyez plus précis, à défaut d’être rigoureux.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Pourriez-vous apporter la preuve que l’Etat fédéral finance les cultes?]

      Bien entendu. Mais avant, je souhaiterais vous faire remarquer que je n’ai jamais dit que l’Etat fédéral finance les cultes. J’ai seulement dit qu’aucun texte ne lui interdit de le faire, à condition de les financer tous à égalité. La Constitution à l’origine est muette sur ce point, et le premier amendement interdit seulement à l’Etat d’établir une religion.

      Maintenant, voilà l’exemple que vous demandiez: aux Etats-Unis, les églises bénéficient d’exemptions fiscales, ce qui équivaut à une subvention. Par ailleurs, dans certains états, les municipalités construisent et entretiennent des bâtiments consacrés au culte.

      [Ca veut dire quoi pour vous “œcuménique” ? Je doute que vous utilisiez ce mot à bon escient,]

      Et bien, vous doutez à mauvais escient, comme d’habitude… Je m’en tiens à la deuxième définition du Larousse: “qui a un caractère universel”. Ainsi, une cérémonie religieuse ou chacun peut prier le dieu de son choix est dite “œcuménique” puisqu’elle prétend à l’universalité. Aux Etats-Unis, beaucoup de cérémonies publiques commencent par une prière “œcuménique”. La séance au Congrès est un excellent exemple.

      [soyez plus précis, à défaut d’être rigoureux.]

      Et vous, soyez plus polie et moins agressive, a défaut d’être intelligente.

    • Françoise dit :

      Veuillez excusez mon intelligence réduite, mais si je suis votre raisonnement sur la prétendue subvention des cultes aux USA, dire comme vous que la “laïcité intégrale à la française” est “rare” est donc un mensonge et une imposture puisque les cultes bénéficient aussi d’exemptions fiscales (taxes foncières, dons, legs).
      Quant à la définition de l’œcuménisme, vous pouvez toujours essayer de vous rattraper aux branches, vous n’en êtes que plus pathétique car l’universalité dépasse largement les frontières américaines et votre deuxième sens ne peut donc s’appliquer aux cérémonies au Congrès qui ne sont que des manifestations civiques américano-américaines.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Veuillez excusez mon intelligence réduite,]

      Vous n’avez aucune raison de vous excuser de quelque chose qui ne dépend pas de vous. Donc, à moins que vous réduisiez votre intelligence exprès, ces excuses n’ont pas de sens…

      [mais si je suis votre raisonnement sur la prétendue subvention des cultes aux USA, dire comme vous que la “laïcité intégrale à la française” est “rare” est donc un mensonge et une imposture puisque les cultes bénéficient aussi d’exemptions fiscales (taxes foncières, dons, legs).]

      Je ne sais pas d’où vous sortez que les cultes en France bénéficient d’une « exemption fiscale ». C’est tout à fait faux. Les « cultes » n’ont pas de statut juridique en France. Les fidèles peuvent se regrouper dans des associations – caritatives, culturelles, etc. – et ces associations sont soumises exactement aux mêmes règles que les autres associations. Celles qui organisent le culte lui-même sont en pratique soumises à des règles plus restrictives que les autres.

      Aux Etats-Unis, une organisation religieuse est dispensée de certaines taxes simplement parce qu’elle organise le culte. Une organisation de libre-penseurs n’a pas cette possibilité. En France, ce n’est pas le cas : pour recevoir dons et legs, il suffit à une association d’être reconnue d’utilité publique. Et ce statut n’est pas réservé aux organisations religieuses.

      [Quant à la définition de l’œcuménisme, vous pouvez toujours essayer de vous rattraper aux branches,]

      Je préfère me rattraper au Larousse, d’où j’ai tiré ma définition. Un jour il vous faudra vous résigner : vous n’êtes pas la seule propriétaire de la vérité. Si au lieu d’agresser les gens vous les écoutiez, vous éviteriez d’être ridicule…

      [vous n’en êtes que plus pathétique car l’universalité dépasse largement les frontières américaines et votre deuxième sens ne peut donc s’appliquer aux cérémonies au Congrès qui ne sont que des manifestations civiques américano-américaines.]

      Décidément vous êtes fâchée avec le dictionnaire. L’universalité n’implique pas sortir d’une frontière quelconque. En matière de mécanique, une « pince universelle » est une pince qui sert à tous les usages. En matière religieuse, « universel » implique inclure toutes les croyances.

    • Françoise dit :

      Les cultes ont un statut juridique depuis 1905 pour associations cultuelles (1924 pour les associations diocésaines) et bénéficient des dons et legs défiscalisés; c’est complètement différent des associations culturelles ou caritatives qui peuvent avoir une étiquette religieuse car là on parle bien des cultes eux-mêmes, en tant que tels.
      L’œcuménisme veut rassembler les chrétiens séparés; vous pouvez l’étendre par analogie et à vos propres risques à toutes les religions mais cela n’a pas de sens pour les croyants et c’est mission impossible. Les Américains ont tenté d’établir une religion civique commune mais ne prétendent pas à l’universalité.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Les cultes ont un statut juridique depuis 1905 pour associations cultuelles (1924 pour les associations diocésaines)]

      Non. Les « cultes » n’ont aucun statut juridique. Ce ne sont même pas des personnes. On ne peut pas faire un procès à un « culte ». La loi de 1905 portant séparation des églises et de l’Etat est très précise sur ce point : « l’Etat ne RECONNAIT (…) aucun culte ». Comment un culte pourrait avoir un « statut juridique » sans être reconnu par l’Etat.

      Les associations cultuelles sont des associations régies par la loi de 1901, dont les libertés sont d’ailleurs restreintes dans un certain nombre de domaines. Leurs avantages fiscaux concernant dons et legs sont invoqués aux articles 200 et 238 du CGI qui concerne l’ensemble des associations d’utilité publique, et n’importe quelle association ayant le même statut a les mêmes possibilités.

      [L’œcuménisme veut rassembler les chrétiens séparés; vous pouvez l’étendre par analogie (…)]

      Ce n’est pas moi qui l’étend, c’est le Larousse. Va falloir l’accepter : vous n’avez pas toujours raison.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [point final]

      Puisque vous décidez vous même de mettre un “point final”, je ne vois pas l’intérêt de vous répondre.

    • Françoise dit :

      A publier seulement si vous le souhaitez

      Je reviens sur ce “point final” puisque vous l’avez détourné dans votre conversation avec Souvarine;
      vous remarquerez que je n’ai pas, comme vous le déformez, écrit “c’est comme je dis” avant.
      Je vous ai juste mis un lien vers la preuve officielle de mon argument, qui vous a d’ailleurs cloué le bec et ouvert les yeux sur votre laïcité chérie.
      J’espère que vous serez moins péremptoire à l’avenir.

  17. luc dit :

    Autre affront à la méoire des Koufars morts à Verdun,le pape.
    Dans une récente interview,il affirme qu’en France la laïcité est exagérée à cause des conséquences de la révolution!
    Black M et pape François même combat,contre ces mécréants de français,’Koufars’ juste bon à faire disparaitre!
    La pape François ,mais non français,affirme qu’il n’a pas peur……….. de l’Islam ,comme BlackM!
    Logique!
    Il ne doit pas y avoir beaucoup de DAECHISTES au vatican et aprés tout Black M et pape François ne sont pas des ‘Koufars’,Yeahhhh!
    Ils ne craignent rien,ni Al Quaïda,ni al Nosra,ni les salafistes ,fondamentalistes ou autres illuminés!
    Bientôt un duo de rap,Black M et Pape F !

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Autre affront à la mémoire des Koufars morts à Verdun, le pape. Dans une récente interview,il affirme qu’en France la laïcité est exagérée à cause des conséquences de la révolution!]

      Je ne vois pas ce qui vous surprend. Les églises sont toutes les mêmes, et c’est normal. Quand on proclame une vérité révélée, on a du mal à admettre que toute la vie, sphère publique et sphère privée confondues, ne tournent pas autour de cette vérité. L’admettre reviendrait à accepter que la vérité qu’on proclame, toute révélée qu’elle fut, est relative et que d’autres « vérités » ont le même statut ontologique. Dur a admettre… Remarquez, certaines sectes d’extrême gauche agissent pareil !

      La laïcité qui, je le répète, ne consiste pas à tolérer toutes les religions mais à veiller que la sphère publique soit indifférente aux religions, est aujourd’hui aussi révolutionnaire qu’elle l’était au XVIIIème siècle. Là encore, la France reste l’exception, et non la règle. Il y a fort peu d’Etats laïcs en Europe et dans le monde…

  18. cdg dit :

    Le fait qu il n y a pas eut de mutinerie a Verdun s explique t il pas par le fait que ce soit en 1916 et que les mutineries ont surtout eut lien en 1917 (le détonateur etant les assauts inutiles du chemin des dames ou le general Nivelle s entete malgre l echec de son plan initial) ?

    Vous avez bien resume le probleme initial: on est en plein jack-langisme : on fait un concert pour feter la mort de centaines de milliers de personnes ! qu ele concert soit d anny cordy (encore vivante ?) ou un rappeur ne change rien.

    Sur le plan militaire, je pense que vous etes un peu de parti prix. Si verdun est en France, c est que l armee francaise en encaissee une serie de defaites en 1914 (heureusement pas comme en 40). Comme en 70, nous etions pas pret, non seulement au niveau du materiel mais surtout au niveau de la doctrine.
    Le plan XVII (l equivalent de Schliffen pour la france) a ete un echec des le debut car preconiser “l offensive a outrance” ne correspondait plus a l etat de la technologie (un soldat se deplacait encore a pied comme a l epoque de napoleon, il ne tirait avec son fusil guere plus de balles qu a l epoque. par contre l artillerie et les mitrailleuses font qu une position defensive est bien plus efficace que sous napoleon)

    L idee d inviter Merkel est a mon avis justement d arriver a depasser le fait de considerer le voisin comme une menace toujours pret a nous envahir. Et il faut quand meme reconnaitre que ce point ets une reussite. Dans les annees 70 (quand j etais enfant), il y avait encore une bonne partie de la population qui pensait qu un conflit avec l allemagne etait possible. aujourd hui c est aussi probable qu un conflit avec “l ennemi heriditaire” (les anglais 😉 )

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Le fait qu il n y a pas eut de mutinerie a Verdun s explique t il pas par le fait que ce soit en 1916 et que les mutineries ont surtout eut lien en 1917 (le détonateur etant les assauts inutiles du chemin des dames ou le general Nivelle s entete malgre l echec de son plan initial) ?]

      C’était justement mon point. A Verdun les conditions étaient aussi dures, sinon plus, qu’au Chemin des Dames. Et pourtant il n’y eut pas de mutinerie. Ce qui tendrait à faire penser que le soldat français savait parfaitement pour quoi il combattait, et que lorsqu’il se mutinait ce n’était pas parce qu’il refusait de faire son devoir, mais parce qu’on lui demandait un sacrifice qu’il percevait comme inutile.

      [Vous avez bien resume le probleme initial: on est en plein jack-langisme : on fait un concert pour feter la mort de centaines de milliers de personnes ! que le concert soit d’Anny Cordy (encore vivante ?) ou un rappeur ne change rien.]

      Annie Cordy est toujours vivante – elle a 87 ans. Et effectivement, c’était mon point. L’art, c’est aussi l’adaptation au contexte. On aurait clôturé la commémoration avec le Requiem de Britten, et personne n’aura trouvé à redire. Mais il paraît que cela n’intéresserait pas les « djeunes »… ou du moins c’est ce dont sont convaincus les « managers culturels » qui n’ont jamais essayé. Je vais vous dire l’un de mes meilleurs souvenirs de la fête de l’Huma : c’était le Requiem de Mozart joué par l’orchestre et cœurs de Radio France. Vous savez, le concert classique à la grande scène qui fermait la fête le soir du dimanche, avant le feu d’artifice. Imaginez-vous : devant la grande scène, ce grand espace, couché sur l’herbe avec ma copine, la voûte étoilée au dessus de nous… et j’avais 18 ans…

      [Sur le plan militaire, je pense que vous etes un peu de parti prix. Si verdun est en France, c est que l’armee francaise en encaissee une serie de defaites en 1914 (heureusement pas comme en 40).]

      Si Verdun est en France, c’est surtout parce que comme en 1940 et 1870, c’est surtout parce que ce sont les armées allemandes qui envahissent la France, et non l’inverse.

      [L’idée d inviter Merkel est a mon avis justement d’arriver a dépasser le fait de considérer le voisin comme une menace toujours prêt a nous envahir.]

      Mais… faut-il cesser de considérer le voisin comme une menace ? Certes, il n’a plus les moyens de nous envahir. Mais je ne suis pas persuadé que ses sentiments envers nous soient plus chaleureux qu’ils ne l’étaient en 1914. La seule différence est qu’aujourd’hui la guerre est économique, et non militaire.

      [Et il faut quand même reconnaître que ce point est une réussite. Dans les annees 70 (quand j’etais enfant), il y avait encore une bonne partie de la population qui pensait qu un conflit avec l’Allemagne était possible.]

      Je ne me souviens pas que dans les années 70 cette éventualité ait été considérée comme possible par beaucoup de français. Je vous rappelle qu’à l’époque nous avions l’arme atomique, et eux pas. Je pense que c’est avec l’explosion de la première bombe atomique française que l’opinion cesse de craindre véritablement une guerre franco-allemande. Et ce n’est pas une coïncidence si le traité de l’Elysée date de ces mêmes années…

      [Aujourd’hui c est aussi probable qu un conflit avec “l ennemi heriditaire” (les anglais 😉 )]

      Comme disait Cromwell, priez dieu et gardez votre poudre sèche.

  19. Bruno dit :

    Merci encore pour cet excellent papier Descartes.

    Face à cette polémique, typiquement française, je dois bien reconnaître que ma première réaction fut la honte. Honte d’observer à quel point nous marchons aujourd’hui sur la tête et crachons sur nos aïeux. Honte d’entendre que le Président de la République encourage la tenue d’un concert festif à Verdun. Honte de voir que la majorité de nos représentants, des médias et autres commentateurs soutiennent ou à défaut laissent faire ce qui constitue pour moi une avanie, un outrage envers nos héros.

    Il y a véritablement quelque chose de pourrie dans cette société du spectacle. Cette injonction à festoyer pour tout et n’importe quoi est complétement absurde, abjecte même, en l’occurrence. Les actions en faveur des mutinés de 1917, la mise en avant systématique du rôle des soldats des colonies, la « victimisation » de nos soldats, la symétrie imposée entre nous et les envahisseurs, ça faisait déjà beaucoup ! Là franchement c’est le summum !

    « Devoir de mémoire » disent-ils ? Mon c** ! On mélange tout. On voudrait faire oublier notre Histoire qu’on ne ferait pas autrement. L’inauguration d’un monument aux morts par F. Hollande (une sorte d’anneau) le 11 novembre 2014, regroupant des soldats Français et Allemands, m’avait déjà scandalisé. Il s’agissait soi-disant « d’établir une mémoire partagée des souffrances communes dans une visée Européenne ». Mon arrière-grand père, engagé volontaire, qui n’était ni un veau ni une « victime » serait certainement atterré de voir son nom au côté de celui de son agresseur. Cette réécriture de l’histoire est digne de certains pays totalitaires !

    Pourquoi donc autant de mépris pour notre Histoire ? Qu’est-ce que nos ancêtres ont donc fait pour mériter un tel traitement ? Notre société est telle devenue tellement obnubilé par le temps présent qu’elle se permet d’oublier son passé et de le travestir ? Gare aux amnésiques… On ne bâtit rien sur du sable.

    Je déplore de voir que seul le FN, quelques personnalités de droite et des OVNIS de gauche (Chevènement) ont critiqué ce concert. Je ne sais pas ce qu’en pensent les Français. Beaucoup doivent s’en foutre complètement, mais parmi ceux qui s’intéressent à autre chose qu’à eux-mêmes, j’espère qu’ils sont aussi scandalisés.

    Enfin, ce qui m’a également énervé dans cette histoire, c’est le procès en racisme qu’on a (encore) fait à ceux qui ont critiqué la venue de « l’artiste ». Monsieur étant « noir », aller à l’encontre de son concert implique nécessairement d’être raciste d’après nos maitres censeurs. Je n’ai pas les mots pour commenter l’indécence et l’outrance verbale des ministres.

    Parfois, je me demande véritablement dans quel pays je vis. On me somme d’oublier ce que je suis, d’où je viens, de me repentir de je ne sais quoi, de travaille bien sagement et de consommer. J’ai le droit d’exprimer des opinions, mais dans un cadre bien limité, autrement, je suis « nauséabond ». Certes Descartes, je ne suis pas dans la tranchée ; il n’empêche j’ai l’impression qu’il est de plus en plus difficile d’émettre une opinion divergente. Je n’aime pas l’expression de « pensée unique » mais cette « commémoration » en est à mon sens assez symptomatique. En effet, si je suis contre le concert, ne fais-je pas partie de la « fachosphère » de L’Immonde ?

    Prenant le métro l’autre jour, j’ai encore eu le privilège d’observer la campagne du gouvernement contre les discriminations à l’embauche. Vous savez, les affiches où les français racistes recalent systématiquement une personne de « couleur » au profit d’un caucasien. Dois-je comprendre que je suis un gros raciste ? Faut-il essentialiser à ce point les gens et les diviser ? Condamner certains à être des victimes et d’autres des coupables ? Je ne nie pas qu’il y ait des injustices.

    .Cependant parfois, à force d’entendre mes ministres, de voir toutes cette propagande payée avec mes impôts et de passer sous un drapeau européen, qui n’est pas le mien, et qu’on a installé partout, j’ai l’impression de vivre dans une « Corée du nord soft ».

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [« Devoir de mémoire » disent-ils ? Mon c** ! On mélange tout. On voudrait faire oublier notre Histoire qu’on ne ferait pas autrement.]

      C’est exactement ce qu’on essaye de faire, pour les raisons que j’ai expliquées dans mon papier. S’il y a quelque chose que le néolibéralisme déteste par-dessus tout, c’est les communautés politiques, seuls obstacles au règne sans partage du marché. Or, une communauté politique se construit d’abord autour d’une histoire. Oublier l’histoire, c’est détruire le ciment qui lie une communauté politique.

      [L’inauguration d’un monument aux morts par F. Hollande (une sorte d’anneau) le 11 novembre 2014, regroupant des soldats Français et Allemands, m’avait déjà scandalisé. Il s’agissait soi-disant « d’établir une mémoire partagée des souffrances communes dans une visée Européenne ».]

      Le prochain chapitre sera un monument aux morts de la guerre de 1939-45 ou SS et résistants seront ensemble. Après tout, ce qui peut être fait pour une guerre peut l’être pour l’autre, non ? La formule que vous citez est d’ailleurs très révélatrice : « il s’agit d’ETABLIR UNE MEMOIRE PARTAGEE ». Mais comment peut-on « établir une mémoire » ? Une mémoire, c’est le souvenir d’une expérience transmise. « Etablir une mémoire » implique en fait la fabriquer.

      [Pourquoi donc autant de mépris pour notre Histoire ?]

      Parce que l’histoire, comme toute connaissance, fait peur dans une société ou l’on vend du temps de cerveau disponible. Un ignorant est toujours bien plus facile à manipuler qu’un homme cultivé. Et l’Histoire est doublement dangereuse parce que c’est la science qui nous dit d’où nous venons. Pour pouvoir vendre le discours eurolâtre, il faut un peuple amnésique.

      [Je déplore de voir que seul le FN, quelques personnalités de droite et des OVNIS de gauche (Chevènement) ont critiqué ce concert. Je ne sais pas ce qu’en pensent les Français. Beaucoup doivent s’en foutre complètement, mais parmi ceux qui s’intéressent à autre chose qu’à eux-mêmes, j’espère qu’ils sont aussi scandalisés.]

      J’ai une très grande confiance dans notre peuple. Je pense que ceux qui ont eu vent de l’affaire sont scandalisés. Personnellement, je n’ai pas encore trouvé un seul collègue qui soutienne l’initiative de faire chanter Black M à Verdun.

      [Parfois, je me demande véritablement dans quel pays je vis. On me somme d’oublier ce que je suis, d’où je viens, de me repentir de je ne sais quoi, de travaille bien sagement et de consommer. J’ai le droit d’exprimer des opinions, mais dans un cadre bien limité, autrement, je suis « nauséabond ». Certes Descartes, je ne suis pas dans la tranchée ; il n’empêche j’ai l’impression qu’il est de plus en plus difficile d’émettre une opinion divergente. Je n’aime pas l’expression de « pensée unique » mais cette « commémoration » en est à mon sens assez symptomatique. En effet, si je suis contre le concert, ne fais-je pas partie de la « fachosphère » de L’Immonde ?]

      Oui, vous et moi en faisons partie. Et franchement, plus le temps passe, plus j’en fais une marque d’honneur. Et nous sommes bien dans une tranchée qu’il nous faut tenir, avec un maigre espoir de voir le jour de la victoire…

      [Prenant le métro l’autre jour, j’ai encore eu le privilège d’observer la campagne du gouvernement contre les discriminations à l’embauche. Vous savez, les affiches où les français racistes recalent systématiquement une personne de « couleur » au profit d’un caucasien.]

      D’ailleurs, à crever de rire. Le même gouvernement qui soutient qu’il faut recruter aux postes de responsabilité plus de femmes et de représentants des minorités visibles – quelque soient leurs capacités – au nom de la « diversité » publie en même temps une campagne dont le slogan est « les compétences d’abord »…

    • odp dit :

      @ Bruno

      [« Devoir de mémoire » disent-ils ? Mon c** ! On mélange tout. On voudrait faire oublier notre Histoire qu’on ne ferait pas autrement. L’inauguration d’un monument aux morts par F. Hollande (une sorte d’anneau) le 11 novembre 2014, regroupant des soldats Français et Allemands, m’avait déjà scandalisé. Il s’agissait soi-disant « d’établir une mémoire partagée des souffrances communes dans une visée Européenne ». Mon arrière-grand père, engagé volontaire, qui n’était ni un veau ni une « victime » serait certainement atterré de voir son nom au côté de celui de son agresseur. Cette réécriture de l’histoire est digne de certains pays totalitaires ! ]

      Je me permets de porter à votre connaissance certains faits qui non seulement enrichiront votre culture historique, apparemment fort lacunaire, mais vous permettront peut-être une meilleure intelligence de l’événement, de ses répercussions et partant de sa commémoration.

      1936: Serment de la Paix prononcé à Douaumont par 20 000 anciens combattants français, allemands, anglais, belges et russes lors d’une cérémonie organisée par l’Union Fédérale des Anciens Combattants (UF) qui comprenait alors près de 900 000 membres. Ce serment, prononcé par chacun des soldats dans sa langue était le suivant: « Parce que ceux qui reposent ici et ailleurs ne sont entrés dans la paix des morts que pour fonder la paix des vivants ; et parce qu’il serait sacrilège d’admettre désormais ce que les morts ont détesté, la Paix que nous devons à leur sacrifice, nous jurons de la sauvegarder et de la vouloir ! » Et des milliers de voix de répondre : « Je le jure ». Auparavant, René Cassin, invalide de guerre alors Secrétaire Général de l’UF avait prononcé ce discours : « Un million de combattants ont laissé à Verdun leur vie et leurs cadavres ! Nul n’y peut songer sans frémir. Si donc une rencontre symbolique doit remettre en présence les acteurs de l’effroyable drame et les incliner à ne plus vouloir cela, c’est sur le lieu même de leur sanglant et impitoyable affrontement qu’elle doit se dérouler, sur ce sol qui appartient d’abord aux morts et que survivants et vivants ne peuvent fouler qu’avec respect. Le rassemblement de Verdun est sans exemple. Devant les morts de Verdun, images de tous les morts, que chacun s’efface, se taise et médite. La voix qui monte des cimetières du front n’invite pas les hommes à tuer encore des hommes. Et la lanterne solitaire et haute de Douaumont, versant chaque nuit sa lumière sur les tombes et sur les terres meurtries gardant leurs cadavres, exhorte les hommes, ceux d’aujourd’hui et ceux à venir, à la sagesse et à la paix. Rassemblés devant les morts, devant ceux-là qui dans la bataille furent à nos côtés des vivants, tous, à quelque patrie que nous appartenions, nous dirons d’un mot bref et simple que nous voulons la paix et que nous ne voulons que la paix. Et le lendemain matin, dans la pleine lumière du jour, nous ferons ensemble le serment de nous dresser contre la guerre, serment collectif et anonyme, mais qui engagera chaque conscience. Nous nous devons à nous-mêmes, nous, les hommes de la guerre de tous pays, de faire cela. »

      1964: Discours de Pompidou, alors 1er Ministre du Général de Gaulle, devant l’Hôtel de Ville de Verdun, lors de la commémoration du cinquantenaire du déclenchement du 1er conflit mondial : « Il est normal que ce soit à Verdun plus qu’ailleurs que les hommes, et en particulier ceux qui portent quelques responsabilités dans la conduite des Nations dénoncent l’absurdité de la guerre et se jurent à eux-mêmes à travailler sans relâche à établir ou à rétablir la Paix. Le gouvernement français pour sa part a cherché la France à donner l’exemple : grâce au Général de Gaulle, la France est aujourd’hui, pour la 1ère fois depuis un quart de siècle, en paix partout dans le monde. Grâce aux Général de Gaulle aussi et au Chancelier Adenauer, nous avons scellé la réconciliation de la France et de l’Allemagne ».

      1966: Discours du Général de Gaulle de Gaulle lors du cinquantenaire de la bataille : « Un demi-siècle a passé depuis que se déroula la grande bataille de Verdun. Combien, pourtant, demeure profond le mouvement des âmes que soulève son souvenir ! Cela est vrai des anciens combattants et, d’abord, de ceux d’entre eux qui sont venus attester aujourd’hui leur fierté et leur fidélité. Cela est vrai, aussi, d’innombrables Français et Françaises qui savent que, pour notre pays, tout dépendit de ce qui fut alors joué et gagné ici. Cela est vrai, enfin, de tant et tant d’hommes et de femmes qui, partout dans le monde, s’émeuvent encore à la pensée du drame dont l’Histoire a été marquée sur le terrain que voilà. De part et d’autre de la Meuse, dans un secteur étroit de 24 kilomètres, entre le 21 février 1916 et le 7 septembre 1917, les armées de deux grands peuples guerriers tentèrent de se broyer mutuellement sur place. Lutte si dure, qu’au total, plus de deux millions d’hommes y prirent part, plus de 700 000 y tombèrent, plus de 200 000 y moururent, plus de 50 millions d’obus y furent tirés. Lutte si sombre que, pour prendre ou perdre tour à tour quelques lambeaux d’un terrain pulvérisé, des dépenses inouïes de valeur et de sacrifice furent prodiguées de part et d’autre, sans que la lumière du triomphe ait lui sur aucun des deux camps (…). La leçon qu’enseigne Verdun s’adresse aux deux peuples dont les armées y furent si chèrement et si courageusement aux prises. Sans oublier que leurs vertus militaires atteignirent ici les sommets, Français et Allemands peuvent conclure des événements de la bataille, comme de ceux qui l’avaient précédée et de ceux qui l’ont suivie, qu’en fin de compte les fruits de leurs combats ne sont rien que des douleurs. Dans une Europe qui doit se réunir tout entière après d’affreux déchirements, se réorganiser en foyer capital de la civilisation, redevenir le guide principal d’un monde tourné vers le progrès, ces deux grands pays voisins, faits pour se compléter l’un l’autre, voient maintenant s’ouvrir devant eux la carrière de l’action commune, fermée depuis qu’à Verdun même, il y a 1 123 ans, se divisa l’Empire de Charlemagne. Cette coopération directe et privilégiée, la France l’a voulue, non sans mérite mais délibérément, quand, en 1963, elle concluait avec l’Allemagne un traité plein de promesses. Elle y est prête encore aujourd’hui. »

      1966 : Verdun s’autoproclame « Capitale de la Paix ».

      ***

      Et oui… Le coupable n’est pas l’époque… A peine l’armistice était-elle signée que Verdun échappait à sa logique d’affrontement pour devenir, porté principalement par les combattants eux-mêmes, un symbole pacifiste, de réconciliation et de réunion des anciens belligérants.

      La confrontation entre les mots de ces hommes, qui, eux, ont fait Verdun ou dont les parents avaient fait Verdun et vos propos est cruelle. Je vous laisse méditer dessus. Et n’hésitez pas également à ouvrir, de temps en temps, un livre d’histoire ; ça ne peut pas faire de mal comme dirait l’autre.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Et oui… Le coupable n’est pas l’époque… A peine l’armistice était-elle signée que Verdun échappait à sa logique d’affrontement pour devenir, porté principalement par les combattants eux-mêmes, un symbole pacifiste, de réconciliation et de réunion des anciens belligérants.]

      Mais l’histoire postérieure montre les limites des « symboles pacifistes, de réconciliation et de réunion des anciens bélligérants ». Peut-être que si les anciens combattants de 1936 avaient moins pris leurs désirs pour des réalités et passé plus de temps à enseigner cet excellent principe contenu dans la formule « si vis pacem, para bellum », bien des malheurs auraient été évités quelques années plus tard. Peut-être que si De Gaulle et Pompidou avaient été moins idéalistes, on ne serait pas maintenant empêtrés dans une Europe dominée par l’Allemagne. Vous savez, même les plus grands ont fait des erreurs.

      [La confrontation entre les mots de ces hommes, qui, eux, ont fait Verdun ou dont les parents avaient fait Verdun et vos propos est cruelle.]

      Oui, mais pour qui ? Le fait d’avoir fait Verdun – ou de l’avoir fait par parent interposé – n’est pas une garantie de clairvoyance. Et si l’on doit écouter avec respect ceux qui ont vécu cet horreur, ce respect ne doit pas conduire à prendre ce discours pour argent comptant. L’autorité prêtée aux anciens combattants de 1914-18 dans les années trente a eu un effet néfaste, en développant un pacifisme bêlant qui a empêché de préparer le pays à l’inévitable confrontation avec l’Allemagne nazie.

    • Carnot dit :

      [Peut-être que si De Gaulle et Pompidou avaient été moins idéalistes, on ne serait pas maintenant empêtrés dans une Europe dominée par l’Allemagne. Vous savez, même les plus grands ont fait des erreurs]

      Pour de Gaulle vous avez raison mais je ne crois pas que ce soit le cas pour. Solidement pragmatique sur le plan international et se méfiant des Américains, sans aucun goût pour un quelconque “projet européen”, Pompidou se défiait tout particulièrement de l’Allemagne pour laquelle il n’avait même pas l’affinité culturelle d’un de Gaulle. J’ai toujours lu que si Pompidou avait tenu à favoriser l’entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun c’était précisément pour faire contrepoids à l’Allemagne et saborder définitivement le “projet européen”, il est fort dommage que ce plan n’ait pas fonctionné… D’ailleurs en y réfléchissant on peut noter que si les “couples” de Gaulle-Adenauer et Giscard-Schmidt sont sans cesse mis en évidence je n’ai jamais vu nulle part la mention d’une proximité entre Pompidou et Brandt.

    • @ odp,

      Votre récit de la cérémonie de 1936 à Verdun est émouvante… Surtout quand on sait que 1936, c’est l’année de la remilitarisation de la Rhénanie, une décision qui ne semble pas avoir scandalisé l’immense majorité des Allemands. Les Allemands présents à l’événement que vous citez ne représentaient qu’eux-mêmes, et nullement le peuple ou le gouvernement allemand. Vous avez omis de mentionner ce fait, je me permets donc de le porter à votre connaissance.

      Comme quoi, effectivement, ouvrir un livre d’histoire, ça ne peut pas faire de mal…

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [D’ailleurs en y réfléchissant on peut noter que si les “couples” de Gaulle-Adenauer et Giscard-Schmidt sont sans cesse mis en évidence je n’ai jamais vu nulle part la mention d’une proximité entre Pompidou et Brandt.]

      Je n’y avais jamais réfléchi, et je trouve votre remarque très intéressante. Effectivement, j’avais tendance à voir dans la politique européenne de la France une continuité qui n’est pas évidente entre Pompidou et De Gaulle. Je vais y réflechir…

    • odp dit :

      @ Descartes

      Ce n’est pas pour asséner des d’arguments d’autorité que j’ai exhumé le Serment de la Paix de 1936 ainsi que les discours de Cassin, Pompidou ou de Gaulle mais pour montrer deux choses:

      1- que Verdun est devenu un symbole du pacifisme et de la réconciliation franco-allemande dès les années 30,
      2- que ce combat fut d’abord porté par les anciens combattants eux-mêmes puis par des hommes dont la stature morale, patriotique et politique est incontestable.

      Aussi, Bruno peut bien entendu toujours penser que le Président de la République a eu tort d’inviter la Chancelière; il ne pourra néanmoins plus ignorer que, ce faisant, Hollande a mis ses pas dans les traces de l’Union Française des Anciens Combattants, du Front Populaire, de Pompidou et de de Gaulle.

      Incidemment, ledit Bruno prendra-t-il peut-être garde, à l’avenir, avant de faire parler les morts: nul ne peut savoir ce que pensent ceux qui sont tombés au combat; mais ce qui est sûr c’est que ceux qui y ont survécu ont, dans leur majorité, opté pour le pacifisme et la réconciliation. Aussi peut-être fameux arrière-grand père est-il “atterré de voir son nom au côté de celui de son agresseur”; peut-être l’est-il plutôt par les positions affichées par sa descendance?

      Quant à la cruauté, chacun la verra où il veut: soit dans la confrontation entre la hauteur de vue de ceux qui participèrent aux combat et l’étroitesse de vue de ceux qui, 100 ans plus tard, les commentent, soit dans l’ironie qui veut que celui qui s’indigne qu’on trahisse ainsi l’histoire fasse en réalité montre de sa totale ignorance en la matière.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Ce n’est pas pour asséner des d’arguments d’autorité que j’ai exhumé le Serment de la Paix de 1936 ainsi que les discours de Cassin, Pompidou ou de Gaulle mais pour montrer deux choses:]

      Dans ce cas, vous auriez mieux fait d’expliquer tout de suite ce que vous vouliez démontrer, au lieu de donner vos exemples en les complétant d’une phrase méprisante invitant les autres à lire l’histoire.

      [1- que Verdun est devenu un symbole du pacifisme et de la réconciliation franco-allemande dès les années 30,]

      Mais vous noterez que la « réconciliation » en question était purement imaginaire, et que le « pacifisme » en question était lui aussi très unilatéral. Encore une fois, ce n’est pas parce que les anciens combattants français et allemands ont voulu croire – possiblement en toute honnêteté – à une « réconciliation » que celle-ci devient ipso facto possible. Or c’était là précisément mon point : toute la rhétorique de la « réconciliation » repose sur une utopie.

      [2- que ce combat fut d’abord porté par les anciens combattants eux-mêmes puis par des hommes dont la stature morale, patriotique et politique est incontestable.]

      Ce n’est pas leur honnêteté ou leur stature morale qui est en cause. C’est leur clairvoyance.

      [Aussi, Bruno peut bien entendu toujours penser que le Président de la République a eu tort d’inviter la Chancelière; il ne pourra néanmoins plus ignorer que, ce faisant, Hollande a mis ses pas dans les traces de l’Union Française des Anciens Combattants, du Front Populaire, de Pompidou et de de Gaulle.]

      Pas tout à fait. A ma connaissance, aucune autorité allemande n’a assisté au « serment » de 1936. Et ni Pompidou ni De Gaulle à ma connaissance n’ont invité les autorités allemandes à assister aux commémorations des batailles de la première et deuxième guerre mondiale.

      [Incidemment, ledit Bruno prendra-t-il peut-être garde, à l’avenir, avant de faire parler les morts: nul ne peut savoir ce que pensent ceux qui sont tombés au combat; mais ce qui est sûr c’est que ceux qui y ont survécu ont, dans leur majorité, opté pour le pacifisme et la réconciliation.]

      En France, vous voulez dire. Parce qu’en Allemagne c’est une autre histoire. Si ma mémoire ne me trompe pas, le régime nazi a été soutenu massivement par les anciens combattants allemands. Si les Français étaient priés de « pardonner » aux allemands leur aventure militaire malgré le million et demi de morts et la dévastation d’une partie de leur pays au nom de la « réconciliation », personne ne demandait aux Allemands de « pardonner » le « diktat de Versailles »…

    • odp dit :

      @ Nationaliste-ethniciste

      [@ odp

      Votre récit de la cérémonie de 1936 à Verdun est émouvante… Surtout quand on sait que 1936, c’est l’année de la remilitarisation de la Rhénanie, une décision qui ne semble pas avoir scandalisé l’immense majorité des Allemands. Les Allemands présents à l’événement que vous citez ne représentaient qu’eux-mêmes, et nullement le peuple ou le gouvernement allemand. Vous avez omis de mentionner ce fait, je me permets donc de le porter à votre connaissance. Comme quoi, effectivement, ouvrir un livre d’histoire, ça ne peut pas faire de mal…]

      Mon cher NJ, je suis ravi de vous voir intervenir dans cette conversation étant entendu que vous êtes un peu la caution historique des commentateurs de ce blog (je me place modestement en deuxième ou troisième position…). Par ailleurs, si ma mémoire est bonne, vous aviez indiqué précédemment qu’on ne saurait être un vrai français si l’on avait pas eu l’un de ses aïeuls qui combattant à Verdun (sympa pour Descartes dont, si j’ai bien compris, la famille n’avait pas encore rejoint notre beau pays à cette époque…). Vous étiez donc l’homme de la situation. Malheureusement, conter toute attente, vous tombez un peu à plat.

      En effet, je n’ai jamais suggéré que les anciens combattants allemands présent en 1936 lors des cérémonies du Serment de la Paix représentaient autre chose qu’eux-mêmes. Ni l’inverse d’ailleurs. Je n’ai tout simplement pas traité le sujet qui ne me semblait pas apporter quoique ce soit au débat – et sur lequel je n’avais aucune lumière. Comme je l’ai indiqué dans un commentaire qui était en phase de modération quand vous m’avez interpellé, ce que j’ai souhaité démontrer, c’est:

      1- que depuis la fin des années 20, Verdun est devenu, pour les français, le symbole de l’absurdité de la guerre; et partant du pacifisme et de la réconciliation entre les peuples;
      2- que ce mouvement fut porté d’abord par les associations d’anciens combattants puis par des hommes au patriotisme et aux états de service aussi incontestables que René Cassin, Georges Pompidou et Charles de Gaulle.

      De ce fait, je démontais complètement les arguments de Bruno qui, condamnant la présence de la Chancelière Merkel aux commémorations du centenaire ainsi que l’édification récente d’un mémorial international dans le Pas-de-Calais, cherchait à démontrer le scandale contemporain et l’insulte faite aux combattants… Il en fut pour ses frais mais au moins a-t-il, dans cette affaire, appris quelque chose.

      Cela dit, puisque vous avez souhaité aborder le sujet du rôle des autorités allemandes lors du serment de la paix, j’ai fouillé dans la partie de ma bibliothèque où sont rangés les livres “à lire”. Le résultat de ces recherches est que je ne peut faire autre chose que vous engager à vérifier vos sources voire à approfondir vos connaissances.

      En effet, contrairement à ce que vous dites, les anciens combattants allemands présents lors du Serment de la Paix avaient reçu la bénédiction de l’Allemagne Hitlérienne; ils ont même défilé à Verdun avec le drapeau à croix gammée! Comment imaginer d’ailleurs que sous un régime aussi autoritaire que le régime nazi, des anciens combattants, dont certains étaient encore militaires, puissent avoir participé à ce genre d’événement sans le feu vert des autorités. Ainsi, selon Prost et Krumeich dans leur Verdun 1916 paru l’année dernière aux éditions Tallandier, “Esquissée à la fin des années 20, l’idée de commémoration commune pris forme sous le régime nazi. L’initiative vint d’ancien combattants membres du Parti. Les ministères concernés, d’abord sceptiques, comprirent que ce genre de rapprochement permettrait de légitimer le régime aux yeux français. Aussi Goebbels et Hess acceptèrent-ils volontiers la proposition française d’une rencontre à Verdun d’anciens combattants non seulement français et allemands mais de toutes les nations ayant participé à la Grande Guerre”.

      CQFD.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [ce que j’ai souhaité démontrer, c’est: 1- que depuis la fin des années 20, Verdun est devenu, pour les français, le symbole de l’absurdité de la guerre; et partant du pacifisme et de la réconciliation entre les peuples;]

      Mais pourquoi avez-vous besoin de « démontrer » quelque chose que personne ne vous conteste ? Mon seul commentaire, est que ce « symbole » n’avait en fait aucune véritable réalité. C’était le symbole d’une illusion (ah, ce Renoir, quel cinéaste…). La « réconciliation » que Verdun était censée symboliser n’a jamais été qu’une fiction, et ce « pacifisme » naïf n’a servi qu’à désarmer la France face à l’Allemagne nazi. Votre exemple tendrait a amener de l’eau au moulin de ceux qui comme moi soutiennent qu’il faut prier dieu et garder la poudre sèche, pour reprendre la formule de Cromwell.

      [2- que ce mouvement fut porté d’abord par les associations d’anciens combattants puis par des hommes au patriotisme et aux états de service aussi incontestables que René Cassin, Georges Pompidou et Charles de Gaulle.]

      Là, nous ne sommes pas d’accord. Georges Pompidou et Charles de Gaulle étaient des hommes politiques, des hommes d’Etat. Pas des hommes de vérité. Les discours politiques ne sont pas délivrés sous serment, et « ne sait gouverner qui ne sait dissimuler », comme disait Machiavel. La « réconciliation » mise en scène par De Gaulle avec la complicité d’Adenauer était-elle sincère ? Ou simplement l’expression d’une nécessité politique ? Nous ne le saurons probablement jamais.

      [De ce fait, je démontais complètement les arguments de Bruno qui, condamnant la présence de la Chancelière Merkel aux commémorations du centenaire ainsi que l’édification récente d’un mémorial international dans le Pas-de-Calais, cherchait à démontrer le scandale contemporain et l’insulte faite aux combattants…]

      Vous n’avez rien « démonté » du tout. A supposer même que De Gaulle et Pompidou aient été sincères, leur statut d’hommes d’Etat ne les rend pas pour autant infaillibles. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre à ma connaissance n’ont jamais invité de dirigeant allemand aux cérémonies du souvenir des deux guerres mondiales. Pourquoi, à votre avis ?

      Je trouve d’ailleurs curieux que nos dirigeants, si prompts à inviter de dirigeants allemands à nos deuils de famille, ne s’étonnent jamais de ne pas recevoir d’invitation en retour. Tiens, Hollande et Merkel se donnant la main dans un cimetière de la Wehrmacht, ou mieux encore, d’une division SS, avouez que ça aurait de la gueule, non ?

      [En effet, contrairement à ce que vous dites, les anciens combattants allemands présents lors du Serment de la Paix avaient reçu la bénédiction de l’Allemagne Hitlérienne; ils ont même défilé à Verdun avec le drapeau à croix gammée!]

      Normal. Le but du régime nazi à l’époque était de se présenter en faiseur de paix et de promouvoir les mouvements pacifistes en France, de façon a endormir la vigilance de « l’ennemi héréditaire » dans la perspective du réarmement. Cela marchera d’ailleurs superbement, et on trouvera pas mal d’anciens combattants « pacifistes » parmi les cadres de la « révolution nationale » pétainiste, persuadés que le chancelier disait vrai lorsqu’il se présentait en victime d’une « agression française ».

      [Comment imaginer d’ailleurs que sous un régime aussi autoritaire que le régime nazi, des anciens combattants, dont certains étaient encore militaires, puissent avoir participé à ce genre d’événement sans le feu vert des autorités. Ainsi, selon Prost et Krumeich dans leur Verdun 1916 paru l’année dernière aux éditions Tallandier, “Esquissée à la fin des années 20, l’idée de commémoration commune pris forme sous le régime nazi. L’initiative vint d’ancien combattants membres du Parti. Les ministères concernés, d’abord sceptiques, comprirent que ce genre de rapprochement permettrait de légitimer le régime aux yeux français. Aussi Goebbels et Hess acceptèrent-ils volontiers la proposition française d’une rencontre à Verdun d’anciens combattants non seulement français et allemands mais de toutes les nations ayant participé à la Grande Guerre”.]

      Mais tout à fait… Tiens, Merkel aussi « accepte volontiers la proposition française d’une rencontre à Verdun »… quelle conclusion faut-il tirer ?

    • @ odp,

      “Mon cher NJ, je suis ravi de vous voir intervenir dans cette conversation étant entendu que vous êtes un peu la caution historique des commentateurs de ce blog (je me place modestement en deuxième ou troisième position…)”
      Mais… Tout le plaisir est pour moi, mon cher odp! Quant à faire de moi une “caution historique”, souffrez que je décline un tel honneur: le XX° siècle n’est pas ma tasse de thé, et j’évite de l’enseigner quand je le peux (et vous conviendrez que c’est préférable étant donné mes lacunes que vous avez soulignées avec raison). Sur la Seconde Guerre Mondiale, vous-mêmes ou Descartes êtes sans doute mieux informés que moi. Je vous remercie d’ailleurs des éléments que vous avez portés à notre connaissance, bien qu’ils provoquent la polémique.

      “Par ailleurs, si ma mémoire est bonne, vous aviez indiqué précédemment qu’on ne saurait être un vrai français si l’on avait pas eu l’un de ses aïeuls qui combattant à Verdun (sympa pour Descartes dont, si j’ai bien compris, la famille n’avait pas encore rejoint notre beau pays à cette époque…)”
      Votre mémoire défaille, je le crains. J’ai dit que le fait d’avoir un membre de sa famille qui ait combattu à Verdun créait un rapport charnel avec l’histoire de la France au XX° siècle. Et oui, je suis fier quand je lis les états de service et les récompenses de mon arrière-grand-père, qui en était. Voudriez-vous que j’ai honte? Oui, ça me fait quelque chose de me dire que mes ancêtres ont pris part à cette tragédie. Je me sens d’autant plus le devoir de préserver la civilisation qu’ils m’ont léguée et pour laquelle ils ne furent point avares de leur sang. Je ne mets en doute ni le patriotisme, ni la “francité” de notre hôte. Je dis qu’il est préférable qu’une majorité de Français (c’est le cas aujourd’hui) descendent de ceux qui ont vécu ces grandes épreuves, et je crois que, si dans un siècle, la France était majoritairement peuplée de descendants de colonisés, le regard porté sur les soldats tombés à Verdun (qui étaient à une écrasante majorité des blancs catholiques, désolé de le dire) serait certainement très atténué. Contrairement peut-être à Descartes, je ne crois pas qu’une modification du contenu n’ait aucun impact sur le contenant: autrement dit la France (qui change bien sûr avec le temps, mais en conservant plus qu’on ne le croit un socle de valeurs, de principes, d’habitudes) ne sera plus la France si les “descendants d’immigrés”, tout particulièrement ceux des anciennes colonies, devenaient majoritaires. Parce que, même si son grand-père n’a pas fait Verdun, il est bon que l’immigré se dise que la norme, c’est que tout Français a un grand-père qui a fait Verdun, je pense que ça le poussera à considérer ces morts comme des “ancêtres fictifs”, pourrait-on dire. C’est mon point de vue. La mémoire familiale, cultivée à bon escient, peut renforcer la cohésion de la nation. Malheureusement, la transmission, même au sein des familles, s’affaiblit.

      “Verdun est devenu, pour les français, le symbole de l’absurdité de la guerre; et partant du pacifisme et de la réconciliation entre les peuples;”
      Vous allez un peu vite en besogne: pour certains anciens combattants français, nuance. Je me permets d’ailleurs de vous demander si la totalité des associations d’anciens combattants français était représentée. Je ne sais pas, mais j’ai des doutes. Les anciens combattants ne forment pas un tout monolithique, et il y a des degrés dans le pacifisme.

      “De ce fait, je démontais complètement les arguments de Bruno qui, condamnant la présence de la Chancelière Merkel”
      Mais les dignitaires nazis se sont-ils déplacés en 1936?

      “les anciens combattants allemands présents lors du Serment de la Paix avaient reçu la bénédiction de l’Allemagne Hitlérienne”
      Pas au point de se faire accompagner du chancelier, apparemment…

      “ils ont même défilé à Verdun avec le drapeau à croix gammée!”
      Alors là, je n’ai plus rien à dire… étant paralysé par le rire. La croix gammée à un défilé pacifiste, voilà un gage de l’honnêteté et de la sincérité des Allemands présents à cette mascarade. En fait, après votre premier message, je pensais que les anciens combattants allemands présents à Verdun en 36 étaient de sincères pacifistes venus sans encouragement du Reich. Vous m’expliquez à présent que ces braves gens ont participé, peut-être sciemment, à une manoeuvre hypocrite des nazis.

      A présent, laissez-moi vous poser une question: vous admettrez je pense que les Allemands ne sont pas des buses, et par conséquent, est-ce que lesdits anciens combattants ont protesté et manifesté contre la remilitarisation de la Rhénanie? Si oui, ils étaient d’authentiques pacifistes. Sinon, leur présence à Verdun relève de l’hypocrisie et de la propagande, et par conséquent vous serez d’accord je pense pour admettre que cette “communion pacifiste” était parfaitement factice. Pour que la cérémonie de 36 ait eu le sens que vous lui donnez, encore eut-il fallu que vos anciens combattants allemands y fussent venus sans arrière-pensée.

      Du coup, je vous avoue que je ne vois plus très bien ce que vous vouliez démontrer avec cet événement de 1936… A moins qu’il ne s’agisse de montrer la perfidie teutonne…

      Maintenant, pour en revenir à Verdun de manière générale, et à l’absurdité présumée du sacrifice de tant d’hommes, je voudrais citer les propos de Jean-Pierre Chevènement, propos tenus au moment où il présentait son livre sur le déclenchement de la Grande Guerre (et où il s’élevait contre l’idée que les nations européennes se sont jetées dans la guerre sans raison, par pure folie). Chevènement disait en substance que le sacrifice des soldats français à Verdun n’avait pas été inutile, non seulement dans l’immédiat, mais pour la suite. Il faisait remarquer, assez justement je pense, que les morts de Verdun ont pesé dans la balance en 1944-1945, lorsqu’il s’est agi de décider du sort de la France. Vous vous rappelez, je pense, le sort que les Américains nous réservaient. Eh bien Chevènement estimait que les sacrifices consentis par la France en 14-18 (c’était tout frais encore en 1945) ont peut-être bien aidé de Gaulle à obtenir une place à la table des vainqueurs, notamment parce qu’un homme comme Churchill se souvenait du courage et, osons le mot, de l’héroïsme des Poilus. Le souvenir des Français morts à Verdun (et ailleurs) a sans doute aidé notre pays à éviter de devenir un protectorat américain… Ce n’est pas la seule explication, évidemment, mais cet argument mérite d’être versé au dossier.

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Votre mémoire défaille, je le crains. J’ai dit que le fait d’avoir un membre de sa famille qui ait combattu à Verdun créait un rapport charnel avec l’histoire de la France au XX° siècle(…) Je dis qu’il est préférable qu’une majorité de Français (c’est le cas aujourd’hui) descendent de ceux qui ont vécu ces grandes épreuves, et je crois que, si dans un siècle, la France était majoritairement peuplée de descendants de colonisés, le regard porté sur les soldats tombés à Verdun (qui étaient à une écrasante majorité des blancs catholiques, désolé de le dire) serait certainement très atténué.]

      C’est effectivement, l’un de nos grands points de désaccord, qui vient probablement du fait qu’il est difficile de se mettre dans la peau de l’autre. Vous ne pouvez pas « vivre » mon expérience d’immigré, et je ne peux pas « vivre » votre expérience d’avoir des ancêtres à Verdun. Et lorsqu’on discute de questions « tripales », chacun de nous est obligé d’analyser une expérience qu’il n’a aucun moyen de vivre.

      Je note cependant qu’en apprenant la manière dont la cérémonie de Verdun s’organisait, j’ai éprouvé une colère et une indignation en tout point comparable, si ce n’est plus forte, que celle qu’on éprouvé beaucoup de gens que je connais et qui pourtant son descendants des combattants de Verdun. Ce qui me confirme dans l’idée qu’un immigré assimilé – c’est-à-dire, un immigré qui a incorporé l’histoire de France comme si c’était la sienne, n’est pas si différent d’un français « de souche », et que la question n’est pas tant de savoir si la France est peuplée de descendants des soldats de Verdun ou d’autres origines, mais la manière dont les français incorporent l’histoire de leur pays.

      [Chevènement disait en substance que le sacrifice des soldats français à Verdun n’avait pas été inutile, non seulement dans l’immédiat, mais pour la suite. Il faisait remarquer, assez justement je pense, que les morts de Verdun ont pesé dans la balance en 1944-1945, lorsqu’il s’est agi de décider du sort de la France. Vous vous rappelez, je pense, le sort que les Américains nous réservaient. Eh bien Chevènement estimait que les sacrifices consentis par la France en 14-18 (c’était tout frais encore en 1945) ont peut-être bien aidé de Gaulle à obtenir une place à la table des vainqueurs, notamment parce qu’un homme comme Churchill se souvenait du courage et, osons le mot, de l’héroïsme des Poilus. Le souvenir des Français morts à Verdun (et ailleurs) a sans doute aidé notre pays à éviter de devenir un protectorat américain… Ce n’est pas la seule explication, évidemment, mais cet argument mérite d’être versé au dossier.]

      Tout à fait. J’avais trouvé cette analyse de Chevènement particulièrement intéressante. Et effectivement, j’ai trouvé pas mal de témoignages qui montrent combien les dirigeants anglais – et particulièrement Churchill, mais pas seulement – avaient été impressionnés par la ténacité et l’héroïsme des « poilus », et combien cela a influencé la vision qu’ils avaient de la France et de son peuple, vision que De Gaule. La bataille pour la libération et l’indépendance de la France en 1945 s’est aussi un peu gagnée à Verdun.

    • @ Descartes,

      “Ce qui me confirme dans l’idée qu’un immigré assimilé – c’est-à-dire, un immigré qui a incorporé l’histoire de France comme si c’était la sienne, n’est pas si différent d’un français « de souche »”
      Sans doute, mais d’une part l’assimilation a pris du plomb dans l’aile, et d’autre part, elle sera certainement plus difficile à mesure que la proportion de Français “de souche” baissera. Il faut bien sûr prendre les projections démographiques pour ce qu’elles sont, à savoir un scénario plausible compte tenu des phénomènes actuellement observables, et non une évolution certaine, mais il paraît probable que la proportion de Français de vieille souche va diminuer dans la population totale du pays, population qu’on nous annonce de plus en plus “pluriethnique”, “multiculturelle”, “métissée”. On ne peut non plus exclure que de larges pans de la population “de souche” adoptent la culture de l’Autre.

      L’autre jour, j’étais à une formation sur les nouveaux programmes d’histoire-géographie, dans le cadre de la “Réforme du collège”. La préhistoire fait son retour dans le programme de 6ème. Personnellement, je trouve cette question des origines de l’humanité passionnante. Las! L’IA-IPR a résumé d’une formule lapidaire l’objectif du chapitre sur la diffusion d’Homo Sapiens: “les élèves doivent retenir que nous sommes tous Africains, et que nous sommes tous des migrants et des métis”. Et je vous rapporte là les mots tels qu’ils ont été prononcés devant un parterre de professeurs d’histoire-géographie, je ne traduis pas. Et de rappeler qu’une étude scientifique récente a montré que l’homme blanc n’est qu’un noir qui s’est décoloré il y a à peine 7 ou 8 000 ans…

      Et des scientifiques osent même la comparaison entre les premiers Homo Sapiens arrivant en Europe et les migrants actuels, comme si les situations pouvaient se comparer!

      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/28/l-homme-de-cro-magnon-n-etait-pas-blanc_4838707_3232.html

      L’histoire a toujours fait l’objet d’une récupération politique, je ne pense pas qu’il puisse en être autrement. Mais gardons tout de même le sens de la mesure: les petites bandes d’Homo Sapiens arrivées au compte-goutte sur un continent européen quasiment désert, peuplé seulement de quelques groupes épars de Néandertaliens, n’ont rien à voir avec les centaines de milliers de migrants qui se pressent aux frontières de l’Europe pour venir profiter des opportunités qu’offrent des états stables, des sociétés riches et (relativement) paisibles. Il y aurait du ménage à faire dans les universités françaises…

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Sans doute, mais d’une part l’assimilation a pris du plomb dans l’aile, et d’autre part, elle sera certainement plus difficile à mesure que la proportion de Français “de souche” baissera.]

      Je suis d’accord sur le premier point, pas forcément sur le second. Je fais confiance aux français « assimilés » – et je parle d’expérience – pour aider à l’assimilation des nouveaux arrivants au même titre qu’un français « de souche ». Par contre, il est vrai qu’à défaut de remettre l’assimilation en marche, le temps jouera contre nous.

      [L’autre jour, j’étais à une formation sur les nouveaux programmes d’histoire-géographie, dans le cadre de la “Réforme du collège”. La préhistoire fait son retour dans le programme de 6ème. Personnellement, je trouve cette question des origines de l’humanité passionnante. Las! L’IA-IPR a résumé d’une formule lapidaire l’objectif du chapitre sur la diffusion d’Homo Sapiens: “les élèves doivent retenir que nous sommes tous Africains, et que nous sommes tous des migrants et des métis”. Et je vous rapporte là les mots tels qu’ils ont été prononcés devant un parterre de professeurs d’histoire-géographie, je ne traduis pas. Et de rappeler qu’une étude scientifique récente a montré que l’homme blanc n’est qu’un noir qui s’est décoloré il y a à peine 7 ou 8 000 ans…]

      Et quelle a été la réaction de l’auditoire ? Je ne parle pas de la réaction publique – politiquement correct oblige – mais celle entre collègues après le départ de l’inspecteur… ?
      Malheureusement, l’éducation nationale a été captée par les idéologues et du coup trahi sa fonction essentielle : fournir des connaissances. Dans votre exemple, on voit comment l’enseignement est instrumentalisé pour transmettre une idéologie. Une idéologie qui, sous couvert de « tolérance » et de « diversité », explique en fait que chacun doit rester ce qu’il est et en être fier. Un principe qui détruit toute éducation, puisque l’éducation se fonde précisément sur une insatisfaction avec ce qu’on est et le désir de devenir autre…

      [Et des scientifiques osent même la comparaison entre les premiers Homo Sapiens arrivant en Europe et les migrants actuels, comme si les situations pouvaient se comparer!]

      On est revenus à l’époque où les sciences étaient mises au service de l’idéologie. Ceux la même qui conchient le « roman national » au prétexte qu’il falsifie l’histoire ont transformé l’histoire en un « roman diversitaire »…

    • Françoise dit :

      @pseudo D
      Merci pour votre avis éclairé (ou conchié?) mais en l’occurence, les recherches sur les gènes des homo sapiens appartiennent aux sciences dites dures et non à la recherche historique (ou sciences molles…); votre rajout sur la “falsification” de la (pré)histoire n’a pas lieu d’être dans ce débat.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      Oh oui, maîtresse ! Vous êtes la vérité et la lumière ! Seuls des méchants pourraient insinuer que vous pouvez avoir tort…

    • @ Françoise,

      “les recherches sur les gènes des homo sapiens appartiennent aux sciences dites dures et non à la recherche historique (ou sciences molles…)”
      Tout à fait, et c’est pourquoi il faudrait être rigoureux: les “blancs” ne sont pas des “Africains”, ils sont issus de populations d’Homo Sapiens qui ont quitté le berceau africain il y a au moins 40 000 ans, nuance. 40 000 ans, ce n’est pas rien. Par ailleurs, il est faux de dire que ces premiers Homo Sapiens étaient des “Africains”, tout simplement parce que les chercheurs ont établi que certes, nos ancêtres d’il y a 10 000 ans avaient encore la peau pigmentée (pigmentée, et non point noire, vous le noterez), mais rien ne permet d’affirmer qu’ils avaient des traits “africains”. Le “noir moderne” est lui aussi le produit d’une évolution plurimillénaire, et rien ne permet d’affirmer qu’il ressemble plus que nous aux Homo Sapiens archaïques… Par ailleurs, les ancêtres des Européens modernes peuvent fort bien être apparus plus à l’est, et je ne serais guère étonné qu’on découvre dans quelques années que “l’homme blanc” est un peu plus ancien que ce qu’affirme les dernières recherches.

      De plus, l’Homo Sapiens d’Europe, de type “caucasien” si vous voulez, aurait des gènes néandertaliens (dont certains, qui sait, pourraient peut-être expliquer la dépigmentation?) qui sont absents chez les populations africaines. Il fut un temps pas si lointain où la science classait consciencieusement les hommes en “races” diverses et parfois fantaisistes, en tout cas présumées “pures”. Aujourd’hui que l’unité de l’espèce humaine est solidement établie, on pèche en sens inverse, on veut absolument voir du métissage en tout temps et en tout lieu, on refuse l’idée qu’Homo Sapiens a pris des formes différentes selon les lieux, au cours des millénaires, et que le temps est bien loin où les premières bandes d’Homo Sapiens s’aventuraient hors d’Afrique.

      Enfin, faut-il le rappeler, la génétique ne suffit pas à définir un homme ou un groupe humain. Animal culturel, l’homme possède une identité qui est avant tout une construction intellectuelle. Les peuples n’aiment pas l’idée qu’ils sont sortis du néant ou qu’ils sont identiques les uns aux autres. Chacun se construit ses mythes, son récit, pour affirmer sa singularité. Je déteste ce discours qui consiste à dire que “nous sommes tous pareils”. Non, nous ne sommes pas tous pareils, nous n’avons pas la même couleur, nous ne parlons pas la même langue, nous n’avons pas la même religion, ni la même alimentation ou la même mode vestimentaire, et c’est très bien ainsi. Quant à savoir s’il est souhaitable que toutes les cultures cohabitent dans un même pays, c’est une autre question.

      @ Descartes,

      “Et quelle a été la réaction de l’auditoire ?”
      Une gêne chez certains, mais pas tous. Certains collègues sont bien conscients de faire de la “propagande”. L’IA-IPR a d’ailleurs été honnête: il nous a affirmé d’emblée que ces programmes étaient éminemment “politiques”, en lien étroit avec l’actualité récente, notamment lorsqu’il a signalé qu’une seule date apparaissait dans le texte du programme d’histoire de 5ème: 1258, la chute du califat abbasside sous les assauts mongols… ce fameux califat que Daesh voudrait ressusciter (encore que je trouve insultant pour les Abbassides de les comparer aux djihadistes de notre temps).

      Mais, vous savez, l’émotion fut bien plus forte lorsque l’IA-IPR précisa qu’il faudrait désormais traiter le commerce triangulaire du XVIII° siècle sous un aspect plus économique, sans partir des conditions de vie des esclaves, afin de ne pas trop alimenter la concurrence mémorielle qui consiste à se demander qui a le plus souffert au cours de l’histoire: le Juif? Le Noir? L’Amérindien? (A part ça, nous sommes tous Africains…). Et au moins un collègue a bondi et protesté lorsque l’inspecteur a fait remarquer qu’il n’y avait pas de “racisme” au sens strict au XVIII° siècle, et que le racisme comme théorie scientifique ne datait que de la seconde moitié du XIX° siècle. Parce que le “préjugé de couleur” n’est pas du racisme, si l’on veut être rigoureux. Mais s’attaquer à l’idée que le racisme gouverne depuis (presque) toujours la destinée des hommes, c’est s’en prendre aux vaches sacrées de la bienpensance. Beaucoup de collègues ignorent que des centaines de milliers d’Européens “blancs” ont aussi connu l’esclavage en Méditerranée entre le XVI° et le XVIII° siècle. Bien sûr, on est à une autre échelle que la traite négrière, mais cela remet en cause tout de même l’idée que “blanc = esclavagiste” et “noir = esclave”, d’autant que nombre de peuples africains se sont enrichis grâce à la traite. Si les Européens sont allés acheter des esclaves en Afrique, c’est qu’il y avait de l’offre, ne l’oublions pas…

      Croyez-moi Descartes, moi qui suis dans la maison, je vous le dis: il n’y a pas grand-chose à attendre du corps enseignant, du moins à moyen terme. Des décennies de discours victimiste, diversitaire, antiraciste, multiculturaliste, ont profondément imprégné la corporation dont nombre de membres se croient encore obligés, par exemple, de mener une croisade contre le FN dans le cadre de l’Education civ…, pardon, de l’Enseignement Moral et Civique, ce qui, faut-il le rappeler, est contraire au devoir de neutralité. Avec, de surcroît, les résultats que l’on connaît, observables à chaque élection.

      Le corps enseignant est comme une sorte d’Eglise attachée contre vents et marées à ses dogmes “de gauche”, soi-disant “humanistes” et “progressistes”. Mais bien peu de ces membres sont disposés à faire un retour critique sur le discours que l’institution diffuse depuis tant d’années. Même ceux qui se rendent compte que les programmes relèvent de plus en plus de la propagande (j’en connais) ne sont pas prêts demain à diffuser un discours “assimilationniste” sur la nation et la patrie. Vous avez vu comme moi la pitoyable pantalonnade de Verdun: ce sont des enseignants qui ont engagé leurs élèves dans ce projet. Avec de tels serviteurs, croyez-vous que la France ait besoin d’ennemis?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Une gêne chez certains, mais pas tous. Certains collègues sont bien conscients de faire de la “propagande”. L’IA-IPR a d’ailleurs été honnête: il nous a affirmé d’emblée que ces programmes étaient éminemment “politiques”, en lien étroit avec l’actualité récente,]

      En d’autres temps, on aurait parlé de « bourrage de crâne ». Mais comme cela se fait au nom de la « tolérance », personne n’ose utiliser une expression aussi brutale.

      [Croyez-moi Descartes, moi qui suis dans la maison, je vous le dis: il n’y a pas grand-chose à attendre du corps enseignant, du moins à moyen terme.]

      Je n’ai jamais beaucoup attendu du « corps enseignant ». Si j’ai eu et j’ai des attentes, c’est à l’école – en tant qu’institution – qu’elle s’adresse. Car ce sont les institutions qui modèlent leurs agents, bien plus que l’inverse. Quand l’école en tant qu’institution était conçue comme le fer de lance dans la lutte contre l’obscurantisme et la formation d’une nation de citoyens, elle s’est donné le corps enseignant adapté à cette tâche. Aujourd’hui, l’école est d’abord conçue comme une garderie destinée à éviter que les jeunes fassent des conneries et qu’ils s’entretuent. Il n’y a chez nos dirigeants politiques le moindre projet éducatif, et d’ailleurs l’éducation n’est plus du tout un sujet dans les programmes – en dehors du sempiternel débat sur les moyens.

      [Le corps enseignant est comme une sorte d’Eglise attachée contre vents et marées à ses dogmes “de gauche”, soi-disant “humanistes” et “progressistes”. Mais bien peu de ces membres sont disposés à faire un retour critique sur le discours que l’institution diffuse depuis tant d’années.]

      Normal. Depuis la fin des années 1960, les enseignants se sont rendus complices de la destruction de leur institution. Comment pourraient-ils maintenant revenir sur cette erreur sans se remettre en cause eux-mêmes ? Ajoutez que le discours actuel de l’Education nationale est celui qui correspond à leurs intérêts de classe…moyenne !

      [Vous avez vu comme moi la pitoyable pantalonnade de Verdun: ce sont des enseignants qui ont engagé leurs élèves dans ce projet. Avec de tels serviteurs, croyez-vous que la France ait besoin d’ennemis?]

      Plus que les gens, ce sont les institutions qui sont en cause… quand le maître est mauvais, le serviteur est rarement bon.

    • odp dit :

      @ NJ

      Désolé je n’avais pas vu votre réponse; d’où mon très long silence. Sinon, je le répète, vous êtes la caution historique des commentateurs de ce blog (je mets Descartes à part) même pour le 20ème siècle c’est donc toujours un plaisir pour moi que de vous y voir intervenir.

      Ceci dit, sur quelques point de détail:

      1. Les deux grandes associations d’anciens combattants françaises étaient favorables au rapprochement franco-allemand et partant présentes au Serment de la Paix de 1936. L’UF (gauche) par pacifisme et l’UNC (droite) par antibolchevisme. Leurs dirigeants (Pichot pour l’UF et Goy pour l’UNC) furent d’ailleurs Secrétaires Généraux du Comité France-Allemagne créé à l’initiative d’Otto Abetz. Fou non? Quelle époque!

      2. Quant au défilé avec le drapeau nazi lors de ce fameux Serment de la Paix, cela fait évidemment tourner la tête. Pas tant sur le machiavélisme des nazis (on le savait déjà) que sur la crédulité des français. Cette volonté furieuse d’y croire, c’est très impressionnant. Pour eux clairement, il est inenvisageable que les peuples qui se sont affrontés au cours de la première guerre mondiale puissent vouloir “remettre ça”. Difficile de leur en vouloir. C’est l’opposition Jünger-Genevoix. Nul n’est besoin de préciser que je ne connaissais rien de tout ça avant d’engager la discussion; j’avais juste quelques intuitions (qui se sont avérées justes) et que j’ai cherché à étayer mais ce que j’ai découvert à dépasser et de loin mes attentes! Comme quoi, le passé nous surprendra toujours: parfois si proche et parfois si lointain… Ravages du présentisme.

      3. Sur Verdun inutile: que le comportement de la France durant la guerre de 14 ait joué un grand rôle dans le prestige qu’avait notre pays avant 40 chez les anglo-saxons est indéniable. La défaite de 40 l’a réduit à néant chez les américains et les russes mais pas chez Churchill, plus romantique, plus profondément francophile et plus au fait des réalités géopolitiques européennes. On lui doit clairement notre siège au Conseil de Sécurité et à la table des vainqueurs. Cela aurait-il été très différent sans Verdun? J’en doute. La bataille des frontières, la bataille de la Marne, les Dardanelles, le chemin des Dames et l’offensive Foch de 1918 auraient probablement suffi.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Leurs dirigeants (Pichot pour l’UF et Goy pour l’UNC) furent d’ailleurs Secrétaires Généraux du Comité France-Allemagne créé à l’initiative d’Otto Abetz. Fou non? Quelle époque!]

      En effet. Lorsqu’on regarde l’histoire – et c’est particulièrement vrai pour l’histoire des années 1930 et 1940 qui, comme vous le savez, est l’une de mes passions – il faut toujours avoir en tête que, contrairement à nous, les acteurs ne connaissaient pas la suite de l’histoire. La difficulté, pour comprendre les ressorts de l’action des uns et des autres, est d’essayer d’imaginer quelle pouvait être leur vision de l’avenir. Car les clairvoyants, comme toujours, étaient une toute petite minorité – et certains n’ont vu juste que par hasard.

      [2. Quant au défilé avec le drapeau nazi lors de ce fameux Serment de la Paix, cela fait évidemment tourner la tête. Pas tant sur le machiavélisme des nazis (on le savait déjà) que sur la crédulité des français. Cette volonté furieuse d’y croire, c’est très impressionnant. Pour eux clairement, il est inenvisageable que les peuples qui se sont affrontés au cours de la première guerre mondiale puissent vouloir “remettre ça”. Difficile de leur en vouloir.]

      La question est moins de « leur en vouloir » – vous savez que je tends à être bienveillant envers le passé, ce qui d’ailleurs m’a valu plusieurs accusations d’être trop gentil avec Vichy, par exemple – mais d’en tirer les leçons. Cette « volonté furieuse d’y croire » dans l’impossibilité d’un affrontement n’est pas morte. Elle se manifeste toujours, et les discours de la commémoration du centenaire de Verdun sont de ce point de vue lumineux. Or, cette « volonté de croire » a eu des effets néfastes : elle a permis de marginaliser ceux qui dénonçaient des risques bien réels et désarmé la France à l’heure d’y faire face. Angela Merkel n’est pas Hitler, et il n’y a pas un véritable risque de voir les chars allemands traverser le Rhin. Mais l’Allemagne reste une puissance, avec des intérêts de puissance. Simplement, elle les fait valoir par d’autres moyens. Et on ferait bien de s’en souvenir.

      [3. Sur Verdun inutile: que le comportement de la France durant la guerre de 14 ait joué un grand rôle dans le prestige qu’avait notre pays avant 40 chez les anglo-saxons est indéniable. La défaite de 40 l’a réduit à néant chez les américains et les russes mais pas chez Churchill, plus romantique, plus profondément francophile et plus au fait des réalités géopolitiques européennes. On lui doit clairement notre siège au Conseil de Sécurité et à la table des vainqueurs. Cela aurait-il été très différent sans Verdun? J’en doute. La bataille des frontières, la bataille de la Marne, les Dardanelles, le chemin des Dames et l’offensive Foch de 1918 auraient probablement suffi.]

      Oui, mais il faut faire un raisonnement par récurrence : Est-ce que cela aurait été très différent sans la bataille des frontières ? Probablement pas. Sans les Dardanelles ? Sans le chemin des Dames ? Non plus. Le fait qu’on puisse enlever une brique sans que l’édifice ne tombe n’implique pas que cette brique soit « inutile ».

  20. RP dit :

    Bonjour Descartes,

    Je ne suis pas d’accord avec vous en ce qui concerne la présence de représentants allemands, mais je comprends vos arguments. J’admets néanmoins qu’il me faudrait me poser pour développer ma pensée et y réfléchir.

    Pour ce qui concerne Black M, j’ai appris sa venue pour un concert mercredi soir. Heureusement que je ne buvais pas de tasse de thé, car je pense que je l’aurais directement recraché (et que mon ordinateur en aurait pâti). Certes, on avait déjà eu Johnny pour le 7 (ou 11) janvier. Ça trahissait déjà l’époque. J’ai d’autres anecdotes locales (et impliquant le PS ; et pour le coup, je pense que la droite a davantage la tête sur les épaules sur ces sujets, avec néanmoins un gros doute pour Juppé et ses lieutenants) en tête, qui sont toutes aussi révélateurs de cette confusion entre festivité, animation et commémoration.
    Bref, tout indiquait alors que nous étions face à une sinistre blague et j’ai vraiment eu du mal à m’imaginer qu’il n’y ait pas eu quelqu’un pour dire à un moment ou à un autre “Euh, vous êtes sûrs de votre coup ?”. Et ce n’est même pas un problème d’artiste (bien que le choix soit douteux, même en admettant le reste), mais de contexte. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’après coup, tout le monde se refile le bébé comme vous le notez. Avec des résistants comme cela, les “fascistes” sont tranquilles !

    Enfin, jusque-là, on était dans la médiocrité routinière. On finit par s’y habituer. Mais je crois qu’un cap a été franchi ensuite lorsque les accusations de fascisme sont sorties un peu de nulle part. J’ai grand-peine à croire que ceux qui invoquent les heures sombres aient une connaissance des années 30 qui aillent au-delà de la date à laquelle Hitler arrive au pouvoir et de quelques bricoles sur le Front Populaire. Je n’ai, je crois, jamais entendu un homme politique se livrer à une analyse fine de cette période pour servir son propos. Car pourtant, il y en aurait des choses à dire et à y apprendre… Mais cela nécessiterait d’aller au-delà des slogans, et de comprendre l’époque dans toutes ses nuances.
    D’ailleurs, l’après second tour de la présidentielle autrichienne risque de mettre en avant d’autres phares de la pensée politique contemporaine (sans préjuger du résultat ou de ses conséquences d’ailleurs) qui s’échaufferont pour notre propre campagne présidentielle.

    Enfin, dans le même goût vis-à-vis de la jeunesse, on a aussi les nouveaux manuels scolaires pour le collège. C’est un peu différent, mais l’idée qu’on n’intéresse que des collégiens et des lycéens en leur parlant de choses “proches” d’eux y est importante.

    • Descartes dit :

      @ RP

      [Je ne suis pas d’accord avec vous en ce qui concerne la présence de représentants allemands, mais je comprends vos arguments. J’admets néanmoins qu’il me faudrait me poser pour développer ma pensée et y réfléchir.]

      N’hésitez pas à revenir sur le sujet, vos arguments m’intéressent.

      [Certes, on avait déjà eu Johnny pour le 7 (ou 11) janvier. Ça trahissait déjà l’époque.]

      C’est un peu différent. Le 7 novembre, c’est d’une certaine façon l’humour, la joie qui avaient été attaqués. Faire la fête dans un tel contexte peut aussi être un acte de résistance. Et puis Johnny est peut être idiot, mais il a fait l’effort de choisir des chansons qui ne détonnaient pas trop avec l’occasion, car Johnny a aussi un répertoire dramatique. Personnellement, je n’aurais pas choisi ce chanteur, mais le choix ne me paraît pas tout à fait scandaleux.

      [J’ai d’autres anecdotes locales (et impliquant le PS ; et pour le coup, je pense que la droite a davantage la tête sur les épaules sur ces sujets, avec néanmoins un gros doute pour Juppé et ses lieutenants) en tête, qui sont toutes aussi révélateurs de cette confusion entre festivité, animation et commémoration.]

      La droite n’est certainement pas indemne, notamment la droite « moderne », vous savez, celle qui joue « eye of the tiger » dans les meetings. Mais il y a dans la droite un courant conservateur, et cela modère un peu la surenchère vers la « branchitude ». Dans la gauche, c’était le PCF qui représentait ce conservatisme, qui est celui des couches populaires. Aujourd’hui, ce courant ne pèse plus grande chose.

      [Bref, tout indiquait alors que nous étions face à une sinistre blague et j’ai vraiment eu du mal à m’imaginer qu’il n’y ait pas eu quelqu’un pour dire à un moment ou à un autre “Euh, vous êtes sûrs de votre coup ?”.]

      Vous négligez l’effet de pression des pairs. Celui qui dirait ça prendrait le risque d’être regardé par ses pairs comme un ringard désespérément « out ». Dans ce genre de situation, on observe plutôt un effet de surenchère : si l’un propose un concert, celui d’à côté voudra être encore plus branché et proposera un concert de rap pour attirer les jeunes, ce à quoi son voisin dira qu’il faut un rappeur noir pour représenter la diversité, et ainsi de suite. La logique d’assemblée fait toujours l’affaire des plus radicaux.

      [Et ce n’est même pas un problème d’artiste (bien que le choix soit douteux, même en admettant le reste), mais de contexte. Il est d’ailleurs amusant de constater qu’après coup, tout le monde se refile le bébé comme vous le notez.]

      C’est le plus drôle de l’affaire. Tout le monde proclame que c’était une bonne idée, mais que ce n’était pas la sienne.

      [J’ai grand-peine à croire que ceux qui invoquent les heures sombres aient une connaissance des années 30 qui aillent au-delà de la date à laquelle Hitler arrive au pouvoir et de quelques bricoles sur le Front Populaire. Je n’ai, je crois, jamais entendu un homme politique se livrer à une analyse fine de cette période pour servir son propos. Car pourtant, il y en aurait des choses à dire et à y apprendre… Mais cela nécessiterait d’aller au-delà des slogans, et de comprendre l’époque dans toutes ses nuances.]

      Tout à fait. La France qui va de la crise de 1929 jusqu’à la Libération est, pour la classe politique, un tabou. Il est vrai que c’est une période très complexe, et qui se prête mal aux jugements manichéens.

      [Enfin, dans le même goût vis-à-vis de la jeunesse, on a aussi les nouveaux manuels scolaires pour le collège. C’est un peu différent, mais l’idée qu’on n’intéresse que des collégiens et des lycéens en leur parlant de choses “proches” d’eux y est importante.]

      Alors que dans le projet républicain c’est exactement le contraire. L’école est là justement pour sortir les gens de ce qui leur est « proche » et les ouvrir à ce qui leur est étranger. J’avoue que je désespère en voyant les nouveaux programmes d’Histoire. De toutes les matières, c’est probablement la plus facile à enseigner pour peu qu’on ait un peu de talent de conteur. Il y a tant de personnages de notre histoire avec lesquels un jeune peut s’identifier, tellement de situations qui sont captivantes par leur caractère tragique… j’ai eu au lycée un professeur d’Histoire qui dans son jeune âge avait été acteur, et qui était capable de rendre vivant le personnage de Napoléon III, qui pourtant n’est pas dans notre galerie nationale le plus facile à vendre !

    • bip dit :

      @ Descartes

      [La France qui va de la crise de 1929 jusqu’à la Libération est, pour la classe politique, un tabou. Il est vrai que c’est une période très complexe, et qui se prête mal aux jugements manichéens.]

      Surtout que les adeptes des jugements manichéens auraient à assumer une filiation un peu embarrassante.

      Parce que même en contextualisant tout ce qu’on veut, une politique déflationniste et un engagement européen qui revient à se soumettre à l’Allemagne, ça rapproche beaucoup de Laval. (on pourrait même continuer la liste : pacifisme, carriérisme…)

      Et Laval, y a pas grand chose pour l’excuser et défendre ses choix… Donc autant l’oublier !

      Bien qu’ils aiment quand même rappeler Pétain ! Mais c’est vrai que c’est utile pour calomnier ou tuer un débat…
      Pourtant Pétain est plus facile à “défendre” : Verdun, l’âge, la théorie du glaive et du bouclier (qui pour fausse n’en reste pas moins une version qui peut convaincre et donner une image acceptable).

      Ajoutons que la filiation basée sur le parcours durant la guerre de De Gaulle est plus facile à assumer que celle de Mitterrand (et pour cause !).

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Surtout que les adeptes des jugements manichéens auraient à assumer une filiation un peu embarrassante.]

      Il y a ça aussi…

      [Parce que même en contextualisant tout ce qu’on veut, une politique déflationniste et un engagement européen qui revient à se soumettre à l’Allemagne, ça rapproche beaucoup de Laval. (on pourrait même continuer la liste : pacifisme, carriérisme…)]

      Tout à fait. La difficulté est de contextualiser en se souvenant que si nous connaissons la fin de l’histoire, les acteurs, eux, ne la connaissaient pas.

      [Pourtant Pétain est plus facile à “défendre” : Verdun, l’âge, la théorie du glaive et du bouclier (qui pour fausse n’en reste pas moins une version qui peut convaincre et donner une image acceptable).]

      Personnellement, je pense que le grand problème est la question de la perspective. Pour ceux qui ont signé l’armistice, la fin de l’histoire avec la victoire de 1945 n’était pas connue. La défaite britannique – comme celle de l’URSS – paraissait probable, et ils n’étaient pas nombreux à avoir compris – c’est l’un des grands mérites de De Gaulle – qu’il s’agissait d’un conflit mondial entre des forces qui dépassaient et de loin le terrain européen. Des actes qui aujourd’hui paraissent aberrants ne l’étaient pas dans la logique d’une victoire de l’Allemagne…

  21. Mondran dit :

    Bonjour Descartes,
    La présence des responsables allemands n’est pas incongrue pour cette commémoration. En effet présence ne signifie pas égalité de positions ou de responsabilités. Vous l’indiquez clairement dans votre texte. C’est cela qui est dangereux. La lente dissolution par l’amalgame des positions d’agressés et d’agresseurs. Malheureusement, les commémorations actuelles tendent à cela, en faisant table rase du passé pour un éternel présent. Cela conduit à projeter incidemment les positions actuelles sur celles du passé. L’exemple de la non invitation des russes à la commémoration du 6 juin, il y a deux ans( il me semble du moins) témoigne de cette tendance pernicieuse permanente. Tendance qui conduit, selon des sondages, la majeure partie de la population à accréditer les américains de la part principale dans la victoire contre le Nazisme, négligeant de ce fait, l’incroyable sacrifice des soldat et de la population russes. Nous sommes là dans la récriture permanente d l’histoire chère à Orwell …
    Au delà de l’épiphénomène de cette commémoration, je pense que nous vivons un moment historique de transformation majeure et plus exactement dans la phase de plus ou moins lente dissolution des cadres de gouvernance mis en place par l’oligarchie. Economiquement rien de ce qui est tenté ne permet de réduire l’impact de la si mal nommée crise (ce n’est pas une crise, compte tenu de son état assez permanent). Socialement, la rébellion du peuple contre les “élites” se traduit par des mouvements très divers de plus en plus audibles (de Bernie Sanders à Marine Le Pen). Les manifestations, plus en plus rugueuses, témoignent peut-être de cette éruption qui vient pour paraphraser le petit timonier.
    Quoi qu’il en soit nous vivons une époque moderne, pour paraphraser (encore) un ancien chroniqueur matutinal du temps ou France Inter était une radio audible.
    Préparons nous il est déjà trop tard !

    • Descartes dit :

      @ Mondran

      [La présence des responsables allemands n’est pas incongrue pour cette commémoration.]

      Si ma fille avait été tuée par un voleur, je n’apprécierais pas sa présence ou celle de sa famille aux obsèques. Même si je pouvais lui pardonner. C’est une question de décence autant que de politique : à un deuil de famille, on n’accueille pas ceux qui ont causé la mort. Et par ailleurs, je me mets aussi à la place des allemands : vous vous imaginez aller à la commémoration des morts de la division SS « Das Reich » ?

      [En effet présence ne signifie pas égalité de positions ou de responsabilités. Vous l’indiquez clairement dans votre texte. C’est cela qui est dangereux.]

      La présence des responsables allemands affirme au contraire la symétrie des positions et des responsabilités. A moins que Merkel s’agenouille pour demander pardon, comme le fit Willi Brandt à Auschwitz. Et je doute que ce soit le cas.

      [Nous sommes là dans la récriture permanente d l’histoire chère à Orwell …]

      Tout à fait. Orwell était un visionnaire : « qui contrôle le présent contrôle le passé, qui contrôle le passé contrôle l’avenir »…

      [Au delà de l’épiphénomène de cette commémoration, je pense que nous vivons un moment historique de transformation majeure et plus exactement dans la phase de plus ou moins lente dissolution des cadres de gouvernance mis en place par l’oligarchie.]

      Quelle « oligarchie » ? C’est quoi « l’oligarchie » ? On a toujours intérêt à utiliser un vocabulaire précis pour réfléchir. Je sais ce qu’est un prolétaire, un bourgeois. Je ne sais pas ce qu’est « l’oligarchie ». Par ailleurs, je ne comprends pas très bien de quels « cadres de gouvernance » vous parlez.

  22. @Descartes
    “Il n’aura échappé à personne que à l’ère des nationalismes, les troupes allemandes ont franchi trois fois la frontière française en premier (1870, 1915, 1940). Les troupes françaises n’ont jamais franchi la frontière allemande en premier. Il faut croire que le nationalisme français a été bien moins agressif que le nationalisme allemand.”

    Je vous ai déjà entendu avancer cette idée, mais je ne la partage pas. D’abord, il faut rappeler qu’en 1870, c’est le Second Empire qui déclare la guerre, et non l’inverse. Ensuite, pour ce qui concerne le franchissement des frontières, je vois plutôt cela comme une divergence stratégique qu’idéologique. En 1914, les Allemands espèrent faire capituler la France rapidement pour pouvoir se reporter ensuite contre le “rouleau compresseur” russe (selon la formule consacrée), lequel se mobilise plus lentement. En outre, tous les empires coloniaux du début du XXème siècle avaient préparés cette guerre en faisant du réarmement pendant des années… Le Tsar, en particulier, avait voulu une guerre pour se débarrasser des troubles sociaux croissants… L’ “Allemagne et l’Autriche seules responsables” du conflit, comme l’énonce le Traité de Versailles, est une réécriture de l’Histoire, laquelle est écrite par les vainqueurs.

    Pour ce qui de 1939, le nationalisme devient unilatéral. Toute une France n’avait aucune envie de se battre contre Hitler, “notre rempart face au communisme” (on se souvient que l’Action Française, belliciste en 1914, était devenue merveilleusement pacifiste dans les années 30…). D’où la stratégie immobiliste, la “drôle de guerre”, pendant que la Pologne se faisait démembrée…

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Je vous ai déjà entendu avancer cette idée, mais je ne la partage pas. D’abord, il faut rappeler qu’en 1870, c’est le Second Empire qui déclare la guerre, et non l’inverse.]

      Oui, mais si la France a déclaré la guerre, c’était moins parce que son gouvernement voulait la faire que parce qu’il a été manipulé : c’est l’affaire de la dépêche d’Ems. Par ailleurs, dès la déclaration de guerre ce sont les armées prussiennes qui traversent la frontière française, et non l’inverse. Ce qui donne une bonne idée de la différence des motivations et des « agressivités ». Von Moltke avait d’ailleurs préparé le plan de l’offensive dès 1866, alors que du côté français il n’y a rien.

      [L’ “Allemagne et l’Autriche seules responsables” du conflit, comme l’énonce le Traité de Versailles, est une réécriture de l’Histoire, laquelle est écrite par les vainqueurs.]

      Je ne fais que constater les faits : en 1870, en 1914 et en 1940 ce sont les armées allemandes qui traversent la frontière française, et non l’inverse. On peut y ajouter que la France a historiquement investi bien plus dans la fortification des frontières que l’Allemagne. Cela donne une idée des conceptions des uns et des autres. La France républicaine a toujours eu une vision d’abord défensive du conflit militaire, comme le montre la formule de « défense nationale ».

    • Carnot dit :

      Je partage l’avis de Descartes sur les lourdes responsabilités Allemandes. De 1865 à 1945 – et tout particulièrement dans les deux phases 1890-1918 et 1930-1945 – l’impérialisme Allemand a représenté une menace directe et unilatérale pour la France qui semble isolée et menacée. Même pendant les périodes les plus “revanchardes” de la IIIe République la revanche était invoquée théoriquement pour être prêt si la défense de la patrie l’exigeait mais ni réellement souhaitée ni provoquée.

      De même on chercherait en vain dans les archives de l’armée françaises les plans d’une guerre d’agression préventive contre l’Allemagne alors que ce genre de chose, dont l’avatar le plus connu est le plan Schlieffen, est une constante du Grand état-major prussien puis Allemand jusqu’en 1940.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [De même on chercherait en vain dans les archives de l’armée françaises les plans d’une guerre d’agression préventive contre l’Allemagne alors que ce genre de chose, dont l’avatar le plus connu est le plan Schlieffen, est une constante du Grand état-major prussien puis Allemand jusqu’en 1940.]

      Tout à fait. La planification militaire française en Europe après les guerres napoléoniennes est essentiellement défensive. La dynamique expansionniste de la France était dirigée vers l’outre-mer, dans l’espace colonial, et elle considère ses frontières européennes comme établies. La Prusse devenue l’Allemagne reste obsédée par une expansion territoriale en Europe même, le bien connu « lebensraum »…

    • morel dit :

      Si vous le permettez, j’ai un avis personnel sur ces questions. Le bellicisme de la Prusse montante est indéniable et, malheureusement, c’est elle qui a unifié toute l’Allemagne mettant sous sa botte des territoires qui n’ont rien de prussien. De l’autre côté, Napoléon le petit non avare d’aventures guerrières qui l’ont conduit jusqu’au Mexique.
      En résultante, les populations d’Alsace-Lorraine mises de force dans la besace prussienne (rappelons que le 1er vote aboutit à des députés uniquement favorables à la France).
      Pour 14-18, beaucoup ne savent pas que 30 000 alsaciens défiant les lois de l’empire allemand ont combattu dans l’armée française ; 300 000 autres sous uniforme allemand mais aussi difficile absence de choix avec leur famille dans le pays ? Passé les premiers mois de guerre, ils ont été envoyés souvent sur le front de l’Est (suspects d’être trop proches des Français). Soyons nets, avec la signature du traité de Brest-Litovsk, ils ont été rapatriés sur le front de l’ouest mais en 1918 le militarisme prussien entamait sa chute.
      Pas simple, à plus forte raison lorsqu’une partie de la famille s’est séparée entre les deux camps. Quels monuments aux morts ? La question a été résolue pratiquement : « 14-18 à nos morts » avec un monument le plus souvent à connotation religieuse que guerrière. Une façon de détacher l’attachement « charnel » lui aussi légitime de la délicate question de nationalité. Ne pas en déduire autre chose.
      Tout cela pour dire (mais peut-être suis-je ringard) que les commémorations doivent rester nationales pourquoi aussi l’hommage à nos aïeuls devrait s’accompagner de la haine des aïeuls d’autrui ? Ne peut-on pas remettre à jour le sacrifice de nos anciens pour que vive notre pays (hors la botte prussienne, hitlérienne) avec son incroyable laïcité, la conception Républicaine, enfant des mues, combats et Révolution ?
      Que la guerre 14-18 ait eu un caractère impérialiste réel (l’Allemagne voulait faire son trou dans un monde fermé à l’expansion dont les conquêtes coloniales – les maigres possessions allemandes seront partagées entre les vainqueurs) n’implique nullement l’imbécilité de nos concitoyens de 14-18.
      Je le pense au risque de me tromper.

    • odp dit :

      @ Descartes, Carnot

      En 1914, à moins de considérer la Belgique comme partie intégrante du territoire français et “d’oublier” que l’Alsace et la Lorraine (du nord) sont allemandes, la première des deux armées à se porter en masse en territoire ennemi est la nôtre, lorsque les généraux Bonneau puis Pau prennent Mulhouse tandis que Dubail et Castelnau prenaient Sarrebourg et Morhange. (http://rosalielebel75.franceserv.com/bataille-des-frontieres.html).

      De même, en 1870, la première bataille de la guerre est celle de Sarrebruck, qui voit les français occuper pendant quelques jours la ville. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Sarrebruck_(1870).

      Rebelote en 1939, où, pendant que les allemands sont occupés à étriller les polonais, les français pénètrent en Sarre, et tiennent le pays pendant un petit mois. https://fr.wikipedia.org/wiki/Offensive_de_la_Sarre. C’est d’ailleurs le moins que nous ayons pu faire étant donné que nous avions conclu un accord défensif avec la Pologne. Heureusement pour nous, les Russes n’avaient pas été aussi cyniques en août 1914…

      SI les incursions de 1870 et 1939 correspondaient en réalité à des opérations de reconnaissance, ce n’est pas le cas de celles 1914, où conformément aux conclusions du CSDN du 21 février 1912, aux discussions de Joffre avec l’Etat-Major russe, puis au Plan XVII (https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_XVII), les français souhaitaient mettre en oeuvre un plan d’opérations très offensifs, en parfaite adéquation d’ailleurs avec les théories militaires de l’époque. Il fallait rejoindre les russes à Berlin!

      De même, les buts de guerre des dirigeants français n’étaient nullement “défensifs”: ils cherchaient non seulement récupérer l’Alsace-Lorraine (pour une raison étrange ils ne considéraient pas ça comme une conquête) mais également la Sarre (“indispensable à l’économie française” selon le Comité des Forges). Ils cherchaient surtout à “briser l’Empire allemand” (Poincaré) et le démembrant par une série de régions neutralisées depuis le Bade Wurtemberg jusqu’au Palatinat et aux pays de la rive gauche du Rhin et éventuellement en ressuscitant le Hanovre (Paléologue).

      D’une manière générale, prendre les hommes de la IIIème République triomphantes pour de gentils schtroumpfs lâchement agressés alors qu’ils s’amusaient tranquillement dans leurs maisons-champignons est leur faire injure. C’étaient des hommes d’Etats à la tête d’un des pays les plus puissants du monde et animés par la volonté farouche de reprendre les provinces perdues. Ils n’étaient ni naïfs ni stupides et savaient que si la France voulait non seulement récupérer l’Alsace et la Lorraine mais également les conserver il leur fallait détruire l’Empire Allemand qui, avec avec 60 millions d’hommes et un potentiel industriel 2 fois supérieur à celui de la France s’avérerait un vaincu bien trop dangereux.

      ***

      L’époque est suffisamment ignare pour que vous ne rajoutiez pas au confusionnisme ambiant en mettant sur le même 3 conflits (1870, 1914 et 1939) qui n’ont rien à voir bien qu’ils mettent aux prises les même adversaires. Elevez le débat svp, ne l’enfoncez pas: il n’en a pas besoin.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Si vous le permettez, j’ai un avis personnel sur ces questions.]

      Je n’ai pas à vous le « permettre »… vous avez une opinion, elle est la bienvenue !

      [Le bellicisme de la Prusse montante est indéniable et, malheureusement, c’est elle qui a unifié toute l’Allemagne mettant sous sa botte des territoires qui n’ont rien de prussien.]

      Oui, il ne faut pas oublier que le but premier de la guerre de 1870 était pour Bismarck de mettre les autres états allemands à la botte de la Prusse. Les circonstances qui entourent la naissance d’une « nation allemande » expliquent pour beaucoup l’histoire postérieure. Les forces centrifuges de la construction allemande rendent l’existence d’un « ennemi héréditaire » une nécessité pour empêcher la construction de se défaire.

      [Tout cela pour dire (mais peut-être suis-je ringard) que les commémorations doivent rester nationales pourquoi aussi l’hommage à nos aïeuls devrait s’accompagner de la haine des aïeuls d’autrui ? Ne peut-on pas remettre à jour le sacrifice de nos anciens pour que vive notre pays (hors la botte prussienne, hitlérienne) avec son incroyable laïcité, la conception Républicaine, enfant des mues, combats et Révolution ?]

      Je ne crois pas une seule fois m’être fait l’apôtre d’une quelconque « haine ». Je n’ai jamais pensé que la haine soit en rien un sentiment positif ni même excusable. Mais je pense qu’il faut être réaliste. Avec l’Allemagne, nous n’avons pas une « mémoire partagée », nous avons des mémoires opposées. C’est pourquoi chacun doit commémorer chez lui, et les vaches seront bien gardées. Nous ne pouvons pas décemment envoyer un ministre rendre hommage aux SS morts sur le front de l’Est – auxquels l’Allemagne rend toujours hommage. Pourquoi imaginer qu’un ministre allemand pourrait rendre sincèrement hommage aux « poilus » français ?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [En 1914, à moins de considérer la Belgique comme partie intégrante du territoire français (…)]

      Je n’ai jamais dit ça. Mais vous avez raison : aux effets du militarisme allemand sur le territoire français, on pourrait ajouter ceux sur les autres voisins de l’Allemagne. Qui eux aussi ont été plusieurs fois envahis sans la moindre provocation. Cela apporte encore de l’eau à mon moulin…

      [et “d’oublier” que l’Alsace et la Lorraine (du nord) sont allemandes, la première des deux armées à se porter en masse en territoire ennemi est la nôtre,]

      A ma connaissance, la France n’a jamais reconnu l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne.

      [De même, en 1870, la première bataille de la guerre est celle de Sarrebruck, qui voit les français occuper pendant quelques jours la ville.]

      Au-delà des communiqués triomphalistes de l’époque, la « bataille de Sarrebruck » est aujourd’hui considéré par les historiens militaires comme une « reconnaissance offensive » et non comme une véritable attaque. L’article que vous citez le signale d’ailleurs.

      [De même, les buts de guerre des dirigeants français n’étaient nullement “défensifs”: ils cherchaient non seulement récupérer l’Alsace-Lorraine (pour une raison étrange ils ne considéraient pas ça comme une conquête)]

      Pas « pour des raisons bizarres ». Parce que la France n’avait jamais reconnu l’annexion de ces territoires comme légitime. L’Allemagne n’agit d’ailleurs pas autrement : elle parle de « réunification », et non de « annexion de la RDA ».

      [mais également la Sarre (“indispensable à l’économie française” selon le Comité des Forges). Ils cherchaient surtout à “briser l’Empire allemand” (Poincaré) et le démembrant par une série de régions neutralisées depuis le Bade Wurtemberg jusqu’au Palatinat et aux pays de la rive gauche du Rhin et éventuellement en ressuscitant le Hanovre (Paléologue).]

      Possible. Mais au-delà des délires du comité des forges ou de Poincaré, en pratique la politique de la France était essentiellement défensive. Il n’y avait à ma connaissance aucun plan de l’Etat major pour réaliser ces buts de guerre, contrairement à ce que préparait l’Etat major allemand. Où est le Plan Schlieffent, ou est le Plan Moltke français ?

      [D’une manière générale, prendre les hommes de la IIIème République triomphantes pour de gentils schtroumpfs lâchement agressés alors qu’ils s’amusaient tranquillement dans leurs maisons-champignons est leur faire injure. C’étaient des hommes d’Etats à la tête d’un des pays les plus puissants du monde et animés par la volonté farouche de reprendre les provinces perdues.]

      Mais pas plus. Ils savaient d’ailleurs que les appelés français, toujours prêts à « défendre la patrie », auraient renâclé fortement à une guerre de conquête en terre étrangère.
      [Ils n’étaient ni naïfs ni stupides et savaient que si la France voulait non seulement récupérer l’Alsace et la Lorraine mais également les conserver il leur fallait détruire l’Empire Allemand qui, avec avec 60 millions d’hommes et un potentiel industriel 2 fois supérieur à celui de la France s’avérerait un vaincu bien trop dangereux.]

      Mais alors, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Pourquoi l’avance des alliés s’est arrêté dès qu’ils ont foulé le sol allemand ?

      [L’époque est suffisamment ignare pour que vous ne rajoutiez pas au confusionnisme ambiant en mettant sur le même 3 conflits (1870, 1914 et 1939) qui n’ont rien à voir bien qu’ils mettent aux prises les même adversaires. Elevez le débat svp, ne l’enfoncez pas: il n’en a pas besoin.]

      Personnellement, je pense que ces trois conflits sont dans la parfaite continuité l’un de l’autre, et obéissent à une problématique allemande qui est celle d’un pays morcelé qui a du mal à se donner une nation. Si vous voulez contre argumenter ce point, vous êtes le bienvenu. Mais de grâce, évitez ce genre d’arguments sentimentaux…

    • odp dit :

      [A ma connaissance, la France n’a jamais reconnu l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne.]

      Je ne sais pas où vous êtes aller chercher cela. La France est signataire du Traité de Francfort du 10 mai 1871 qui prévoit l’annexion de l’Alsace et la Moselle. Le texte avait été préalablement ratifié par l’Assemblée Nationale le 1er mars 1871 par 546 voix contre 107 et 23 abstentions.

      [Possible. Mais au-delà des délires du comité des forges ou de Poincaré, en pratique la politique de la France était essentiellement défensive. Il n’y avait à ma connaissance aucun plan de l’Etat major pour réaliser ces buts de guerre, contrairement à ce que préparait l’Etat major allemand. Où est le Plan Schlieffent, ou est le Plan Moltke français ?]

      Le plan Moltke français, je l’ai déjà indiqué mais cela a apparemment échappé à votre attention, c’est la Plan XVII élaboré par Joffre, exaltant l’offensive à outrance et qui vise à pénétrer au delà du Rhin et de la Moselle (en territoire allemand donc) pour culbuter l’ennemi et rejoindre les russes à Berlin. Pour la petite histoire, le Plan XVII, c’est la 17ème version d’un plan élaboré en 1875 pour reprendre l’Alsace et la Moselle, bien avant le Plan Schliefen donc…

      Vous trouverez à cette adresse (http://www.bucentaure.net/2014/07/le-plan-xvii.html) une description détaillée et très inspirée du Plan XVII dont j’extrais certains paragraphes saillants:

      “Si l’histoire a retenu le nom d’Alfred von Schlieffen, celui, entre autres, grâce à qui l’Allemagne a presque gagné la guerre, c’est qu’elle rend hommage au stratège ayant théorisé ce plan de campagne audacieux, consistant à forcer le territoire d’un état neutre pour mieux fondre sur les plaines ennemies, au risque de s’attirer la réprobation générale. Les Français, eux, n’ont pas désigné leur stratégie de campagne autrement que par un numéro, nécessairement froid et désincarné. Pourtant, si le plan XVII n’a pas de nom, ce n’est ni par ascèse ni par esthétisme Art déco et ce n’est pas encore par honte, c’est plutôt par une sorte d’évidence qui s’impose à tous (…). Des plans, à vrai dire, il n’y en a qu’un seul : le Plan, l’unique, celui auquel on pense toujours sans jamais en parler, le plan de la guerre contre le Reich. Le plan XVII, c’est la dix-septième version du plan conçu initialement en 1875 pour reprendre l’Alsace et la Moselle.

      Pour comprendre l’esprit du plan XVII, il suffit d’évoquer une expression passée depuis à la postérité et qui en résume à elle-seule toute la substance : « l’offensive à outrance ». Que prévoit-on ? Rien, sinon l’attaque. L’attaque, encore l’attaque, toujours l’attaque. Et si le programme ne suffit pas, on ré-attaquera ! Jusqu’à ce que l’ennemi exsangue abandonne la partie, à défaut de demander grâce ou d’être anéanti. Ce plan se fonde sur deux principes assez simples à comprendre : le premier, c’est que l’offensive constitue la meilleure des défenses ; la seconde, c’est que le chemin le plus court vers un objectif est encore la ligne droite. En résumé, pour nous défendre contre toute agression allemande, culbutons-les et sans zig-zaguer : on a tracé une flèche, en ligne droite, depuis la frontière jusqu’à Berlin.

      Le plan XVII est (…) immédiatement au commencement du conflit. Ignorant délibérément — et à vrai dire superbement — les mouvements des troupes allemandes qui s’engagent en Belgique, l’armée française s’en tient à sa volonté initiale de travailler le Prussien au corps, à la frontière et sans attendre. Une phrase lapidaire résume à elle-seule la directive adressée aux armées : « L’intention du général commandant en chef est de se porter toutes forces réunies à l’attaque des armées allemandes. »

      Dès le 7 août, les Français attaquent par Belfort et le 8, ils entrent dans Mulhouse sans combattre ; mais dès le 9, c’est la contre-attaque allemande. Pendant plus de deux semaines, le spectacle magnifique des divisions françaises s’élançant à l’assaut des positions allemandes, drapeaux en tête, capotes bleues et pantalons rouge garance impeccables, se répète. Inlassablement, les assauts brisés voient d’innombrables fantassins fauchés qui ne se relèvent pas. En seize jours, on dénombre plus de 200 000 soldats perdus côté français. Le chiffre est vertigineux, comparable à Verdun. Triste symbole, la date du 22 août 1914 détrône celle du 18 juin 1815 (Waterloo) comme jour le plus meurtrier de l’histoire de France. Le 24 août, saignée, hagarde et voyant fondre sur elle trois armées allemandes passées par la Belgique, la Vème armée du général Lanrezac, qui tient le flanc gauche du dispositif français, bat en retraite pour éviter l’anéantissement. La route de Paris est ouverte. Le plan XVII a échoué, place à l’esprit gaulois.”

      [Mais pas plus. Ils savaient d’ailleurs que les appelés français, toujours prêts à « défendre la patrie », auraient renâclé fortement à une guerre de conquête en terre étrangère.]

      Ah oui? Et pourquoi criaient-ils tous “à Berlin, à Berlin”?

      [Mais alors, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Pourquoi l’avance des alliés s’est arrêté dès qu’ils ont foulé le sol allemand ?]

      Parfois je me demande si vous êtes sérieux. L’avance des alliés s’est arrêté dès qu’ils ont foulé le sol allemand parce que s’est produit, le 11 novembre 1918, un petit événement qu’on appelle communément l’armistice et qui mit un terme aux opérations militaires. Si au cours des négociations de paix, les français ne purent satisfaire leurs ambitions sur la rive gauche du Rhin et le démembrement de l’Allemagne c’est à cause des Américains, véritables arbitres du conflit, et qui souhaitaient une paix “juste”, respectueuse de la volonté des peuples et sécurisée par la SDN. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. Foch reprochera d’ailleurs jusqu’à sa mort à Clemenceau d’avoir cédé sur ce sujet. La seule chose que les français purent obtenir c’est la tenue d’un référendum d’autodétermination en Sarre et l’occupation temporaire de la Rhénanie. Pour tout ce qui est des buts de guerre français, avant, pendant et après les hostilités, je vous conseille de lire “La grande illusion” de Georges-Henri Soutou.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [« A ma connaissance, la France n’a jamais reconnu l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne ». Je ne sais pas où vous êtes aller chercher cela. La France est signataire du Traité de Francfort du 10 mai 1871 qui prévoit l’annexion de l’Alsace et la Moselle.]

      Un traité voté sous la menace des armes ne constitue pas une « reconnaissance ». Le droit international est très précis à ce sujet. Autrement, l’Allemagne pourrait exiger de la France qu’elle continue à exécuter les obligations prévues dans l’armistice de 1940, qui après tout a été signé par le gouvernement légalement élu de la République française…

      [Le plan Moltke français, je l’ai déjà indiqué mais cela a apparemment échappé à votre attention, c’est la Plan XVII élaboré par Joffre, exaltant l’offensive à outrance et qui vise à pénétrer au delà du Rhin et de la Moselle (en territoire allemand donc) pour culbuter l’ennemi et rejoindre les russes à Berlin.]

      Encore une fois, l’Alsace et la Moselle n’étaient pas « territoire allemand ». C’était du territoire français pris par la force des armes. Je vous fais remarquer que le plan XVII présente plusieurs différences intéressantes par rapport aux plans allemands. La première, c’est qu’il refuse explicitement la possibilité de violer la neutralité belge ou luxembourgeoise. La deuxième, c’est que son objectif fondamental est la récupération des « provinces perdues », et rien de plus. Je n’ai pas réussi à trouver un document qui parle de « rejoindre les russes à Berlin ».

      [Vous trouverez à cette adresse (http://www.bucentaure.net/2014/07/le-plan-xvii.html) une description détaillée et très inspirée du Plan XVII dont j’extrais certains paragraphes saillants:]

      Tout à fait inspiré. En particulier lorsqu’il indique que l’objectif du Plan XVII, comme des dix-sept qui l’ont précédé depuis 1875, avait pour objectif de « reprendre l’Alsace et la Moselle ».

      [« Mais pas plus. Ils savaient d’ailleurs que les appelés français, toujours prêts à « défendre la patrie », auraient renâclé fortement à une guerre de conquête en terre étrangère ». Ah oui? Et pourquoi criaient-ils tous “à Berlin, à Berlin”?]

      Vous ne devriez pas croire tout ce que les gens crient dans un moment d’excitation… En 1968, ils criaient tous « révolution, révolution », et ils ont fini qui ministre, qui sénateur, qui directeur de Libération…

      [« Mais alors, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Pourquoi l’avance des alliés s’est arrêtée dès qu’ils ont foulé le sol allemand ? ». Parfois je me demande si vous êtes sérieux.]

      J’avoue que quelquefois je me pose la même question à votre égard…

      [L’avance des alliés s’est arrêté dès qu’ils ont foulé le sol allemand parce que s’est produit, le 11 novembre 1918, un petit événement qu’on appelle communément l’armistice et qui mit un terme aux opérations militaires.]

      L’armistice a été demandé par les allemands. Rien n’obligeait les français à l’accepter. L’armistice n’est pas un « évènement » extérieur.

      [Si au cours des négociations de paix, les français ne purent satisfaire leurs ambitions sur la rive gauche du Rhin et le démembrement de l’Allemagne c’est à cause des Américains, véritables arbitres du conflit, et qui souhaitaient une paix “juste”, respectueuse de la volonté des peuples et sécurisée par la SDN. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. Foch reprochera d’ailleurs jusqu’à sa mort à Clemenceau d’avoir cédé sur ce sujet.]

      Et il avait bien raison… mais cela n’a aucun rapport avec la question de l’armistice. Si les français ont cédé aux pressions américaines, c’est aussi parce que Foch savait parfaitement qu’il aurait beaucoup de mal, après quatre ans d’énormes sacrifices, de conduire les soldats français pour se battre en terre étrangère.

  23. François dit :

    Autrement il est curieux de constater la quasi absence de réactions après l’annulation du concert de Eagle of Death Metal. Le plus amusant est de voir Claude Askolovitch justifier la censure de EODM alors qu’il s’indignait de celle de Black M. Ceci dit, je n’ai aucune sympathie pour le groupe EODM ainsi que les propos tenus par leur chef. La question que je me pose, s’il est parfaitement légitime d’annuler le concert de Black M, cela l’est-il aussi pour le groupe EODM à un festival français, qui plus est financé par des fonds publics et parapublics ?

    Je voulais revenir sur le é-nième épisode contre les produits phytosanitaires : à savoir la lutte de certaines ONG contre le glyphosate et les néonicotinoïdes. D’après ce que j’ai compris un des gros avantages du glyphosate, c’est qu’il a une demie-vie relativement faible dans l’environnement et de plus, l’étude du CIRC a été sérieusement mise en doute. Ce produit est une victime idéale, car lancé par la “méchante” multinationale Monsanto, bien que cela fait des années que le brevet est tombé dans le domaine public. Concernant les néonicotinoïdes, et leur mise en cause dans le déclin des abeille, d’après l’AFSSA, ce sont surtout des maladies touchant les abeilles qui en est responsable. Il devient de plus en plus urgent de sanctionner ces destructeurs de confiance. Ces ONG me font penser au chapitre de l’autodafé dans Candide.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Autrement il est curieux de constater la quasi absence de réactions après l’annulation du concert de Eagle of Death Metal. Le plus amusant est de voir Claude Askolovitch justifier la censure de EODM alors qu’il s’indignait de celle de Black M.]

      Que voulez-vous, quand on est membre d’une minorité visible, les Askolovitch de ce monde vous accordent l’indulgence plénière… Black M peut être homophobe, antisémite et cracher sur la France, tout lui sera pardonné.

      [Ceci dit, je n’ai aucune sympathie pour le groupe EODM ainsi que les propos tenus par leur chef.]

      Moi non plus. Mais cette logique de deux poids, deux mesures m’est détestable. Dans le genre, vous pouvez aussi regarder l’affaire Benattia. Voici une femme qui plusieurs fois a blessé son compagnon, la dernière en lui plantant un couteau. Elle écope d’une peine minime. Où sont les associations de lutte contre la violence domestique, celles qui exigent l’exécution des maris violents ?

      [Il devient de plus en plus urgent de sanctionner ces destructeurs de confiance. Ces ONG me font penser au chapitre de l’autodafé dans Candide.]

      En effet : « Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l’université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler. »

  24. CVT dit :

    @Descartes,
    concernant ODP et Françoise, nous sommes en face du syndrome de la “femme battue”: si les Allemands nous ont envahi trois fois depuis 1870, et bien c’est de NOTRE faute! La haine de soi d’une bonne partie de nos compatriotes fait peine à voir, et est très démoralisante; elle explique en partie notre “suicide politique” de notre pays, à savoir cette volonté perverse d’être aliénés qui aux Allemands, qui aux Américains et qui à Bruxelles. Elle explique également notre crise morale et même sociale, puisqu’elle empêche toute vision d’avenir: dès lors, quel peuple qui peut survivre, voire prospérer, en ne s’aimant pas?

    Sinon, j’avais un hors-sujet (quoique…) concernant les auteurs présumés de l’attaque d’une voiture de police qui s’est déroulée en plein coeur de Paris, en marge des manifestations de « Nuit debout ». Il semblerait donc que des « anti-fas » s’en soient pris à deux policiers, une femme et un homme, en ayant tenté d’extraire la première du véhicule, et assenant le policier de coups de poings et de coups de pieds, pour finir par incendier leur véhicule…

    Deux choses m’ont frappé dans le récit des faits: la première, c’est que le policier était…Martiniquais, et l’autre était une femme; on voit l’ironie de la chose, parce que cela n’a pas empêché ces anarchistes de s’attaquer à gens représentant deux catégories supposées « opprimées » que sont les Noirs et les femmes… Mais évidemment, ils s’en sont pris à l’uniforme, et donc à des représentants de l’Etat honni.
    L’autre aspect interessant de l’affaire vient des auteurs de cette attaque (agression passible de la prison à vie…): l’un des auteurs présumés, arrêté peu de temps après, est l’arrière-petit-fils de Georges Bernanos, et également camarade de lutte de Clément Méric, mort il y a trois ans suite à une rixe avec des skin-heads.

    Et là, cela fait « tilt » dans mon esprit, j’ai l’impression que cela explique pas mal de choses sur l’inertie du gouvernement face à la mise à sac des centres-villes par des « casseurs », qui pour moi ne sont que de la racaille: nous sommes bien dans un mauvais remake de mai 68! Jadis, au grand désarroi de Mongénéral, le premier ministre Pompidou s’interdit de réprimer « la chienlit » pour ne pas à avoir à tirer sur des jeunes gens issus de la « classe moyenne » montante! Pour justifier son inaction, Pompidou avait dit qu’on ne tire pas sur les futurs dirigeants du pays! Et bien, rebelote: les « anti-fa » sont au gouvernement ce que les adeptes de « Dany le Rouge » furent à Pompidou et De Gaulle…
    Les « anti-fa » sont, avant tout, de bon petits enfants des classes moyennes et supérieures, comme l’atteste le pédigrée de Méric et de Bernanos. Ces « libertarés », bobos dégénérés ou en voie de domestication, organisent le désordre, et rendent indirectement service au gouvernement, qui les instrumentalisent et les manipulent cyniquement: surtout quand on pense au sort réservé aux opposants du « Mariage pour tous », pour prendre un mouvement qui avait une revendication sociale, où les policiers avaient eu quartier libre pour faire leur travail de rétablissement de l’ordre…

    Concernant le sens du terme « anti-fa », son idéologie, je vais faire un raccourci audacieux, mais tant pis: si on songe à la réaction unanime de la gauche criant au fascisme contre ceux qui contestaient la présence du sieur « Black M » pour la commémoration de Verdun, celle-ci jette une lumière crue sur la nature de leur idéologie : anti-fa = anti-français et anti-prolos, et oui, nous sommes bien sur le chemin d’une guerre de classes!
    Guerre de classe qui se passe entre vos chères « classes moyennes », dont ces anarchistes ne sont que l’un des bras armés (l’autre étant la racaille de banlieue, dont le flot grossit continuellement par la faute d’une immigration incontrôlée…), et les « Français », terme recouvrant tous les citoyens français (voire les étrangers intégrés…) qui ne sont pas d’accord avec la politique anti-travailleurs et anti-nationale menée au sommet de l’Etat par l’UMPS (particulièrement bien symbolisée par l’affaire de la commémoration de Verdun…), et qui, faute d’une représentation politique adéquate, s’abstiennent ou votent…FN, donc « fasciste ». En quelque sorte, nos « anti-fa » ne sont que la version soft des milices de Italie fasciste de jadis, ou encore une version actualisée des Ligues qui sévissaient en France dans les années 30: sauf qu’en 2016, ce n’est pas d’extrême-droite anti-républicaine qu’on parle bien d’extrême-gauche, elle aussi anti-républicaine!
    Anti-français et anti-républicains car « sans-frontiéristes », ils s’en prennent à des policiers, qui comme par hasard, sont issues des couches populaires, et comme tels, sont également au service d’une nation honnie…

    Plus terrifiant, les « anti-fa » me rappellent, par bien des points, les militants d’Action Directe: même extraction petit-bourgeoise/« classe moyenne », même logorrhée gauchiste, mais en pratiquement, un solide mépris du peuple, des prolos en particulier, et des Français en général! Simplement, là où ces derniers n’étaient qu’un groupuscule isolé, d’attardés par rapport à leurs anciens camarades trotsko-maoïstes, qui avaient fini par s’embourgeoiser et devenir partie intégrante « du système », ils ont été au bout d’une logique folle, devenant de vrais assassins et punis comme tels. En revanche, l’impunité dont bénéficient les « anti-fas », qui auraient dû être dissous depuis au moins 3 ans, est bien plus inquiétante pour la suite, et augure du désordre qui risque de régner au sommet de l’Etat d’ici les élections de l’an prochain…

    Au passage, Valls est le seul à tenter de sauver les meubles, dans cette affaire, car il est quasiment le seul au gouvernement à vouloir mettre fin à la chienlit chère à De Gaulle. Malheureusement, il semble isolé, et la majorité des ministres du gouvernement, du PS et des élites médiatiques sont à l’image de Hollande et Cazeneuve (mais virez-le, celui-là!), qui se contentent de déplorer les violences, tout en liant les policiers les mains dans le dos (cf la scandaleuse compagne anti-flics….).

    Voilà, ce sont des réflexions en vrac sur la « guerre de classes » subreptice que mèneraient, d’après moi, les représentants des « classes moyennes » contre leurs propres compatriotes…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [concernant ODP et Françoise, nous sommes en face du syndrome de la “femme battue”: si les Allemands nous ont envahi trois fois depuis 1870, et bien c’est de NOTRE faute!]

      Je trouve votre parallèle très amusant. Mais je pense que l’erreur consiste à chercher des « fautes » là où il n’y a que des intérêts opposés. Mon point n’est pas que l’Allemagne est « méchante » ou qu’elle aurait commis une « faute ». Mon point est de dire que l’Allemagne est dangereuse, parce que c’est un pays dont l’histoire fait que l’Etat n’a pu se constituer que « contre » les autres. L’Allemagne veut dominer non seulement par intérêt – mais en cela elle n’est guère différente de la France ou de l’Angleterre – mais parce qu’elle a besoin de cette domination pour se constituer mentalement comme nation. C’est cette conclusion-là que je tire des trois agressions allemandes en un siècle.

      Et le comportement de l’Allemagne aujourd’hui confirme cette hypothèse. Bien sur, il n’y a pas de risque aujourd’hui que les armées allemandes franchissent le Rhin. La domination n’est plus militaire, elle est politique et économique. Le traitement de l’affaire grecque le montre très bien : pour les dirigeants allemands, il ne suffisait pas d’imposer une politique à la Grèce, il fallait l’humilier pour montrer par contraste la supériorité allemande.

      [Deux choses m’ont frappé dans le récit des faits: la première, c’est que le policier était…Martiniquais, et l’autre était une femme; on voit l’ironie de la chose, parce que cela n’a pas empêché ces anarchistes de s’attaquer à gens représentant deux catégories supposées « opprimées » que sont les Noirs et les femmes… Mais évidemment, ils s’en sont pris à l’uniforme, et donc à des représentants de l’Etat honni.]

      J’y ai pensé moi aussi. Que se serait-il passé si au lieu de garder son calme le policier – noir – avait sorti son arme et tué l’un de ses agresseurs – blancs ? Avouez que cela aurait créé une situation intellectuellement amusante…

      [Et là, cela fait « tilt » dans mon esprit, j’ai l’impression que cela explique pas mal de choses sur l’inertie du gouvernement face à la mise à sac des centres-villes par des « casseurs », qui pour moi ne sont que de la racaille: nous sommes bien dans un mauvais remake de mai 68!]

      Bien entendu. Si les « casseurs » étaient des fils d’ouvriers, on réprimerait sans états d’âme. Mais les classes moyennes ne supporteraient pas que les CRS amochent l’un de leurs enfants. On l’a bien vu avec l’affaire Malik Oussekine.

      [Les « anti-fa » sont, avant tout, de bon petits enfants des classes moyennes et supérieures, comme l’atteste le pédigrée de Méric et de Bernanos. ]

      Bien entendu. Dans quelques années, une fois jeunesse passée, ils seront tous notaires. Ou directeurs de Libération.

      [Plus terrifiant, les « anti-fa » me rappellent, par bien des points, les militants d’Action Directe: même extraction petit-bourgeoise/« classe moyenne », même logorrhée gauchiste, mais en pratiquement, un solide mépris du peuple, des prolos en particulier, et des Français en général!]

      Oui et non. Pour que l’analogie fonctionne, il faudrait aux « anti-fa » cette veine messianique qui était celle des militants d’Action Directe. Or, et c’est là une transformation à mon sens fondamentale, les « anti-fa » témoignent d’une extrême gauche qui n’a plus du tout de projet messianique. Action Directe aspirait à changer le monde, c’est-à-dire, à créer une nouvelle société non seulement pour eux mais aussi pour les autres. Que ce projet ait été fou n’empêche pas qu’il existait. Le projet des « anti-fa » est essentiellement un projet négatif. Ils trouvent leur raison d’être dans l’autre, c’est-à-dire, le « fa ». Et vous trouverez cette mutation de l’extrême gauche un peu partout. La LCR était « révolutionnaire », et cette révolution se définissait à partir d’un projet de société. Le NPA se qualifie de « anticapitaliste », ce qui implique qu’il n’existe que par rapport au capitalisme.

    • Françoise dit :

      @CVT
      Vous ne m’avez pas bien lue, je reproche au pseudo D de faire jouer aux Français le rôle de la victime qui aurait dû subir les assauts allemands sans n’avoir rien demandé. Les faits historiques montrent que “les torts sont largement partagés”, il n’est donc pas question d’une victimisation qui arrange notre roman national; j’aime la France au-delà de ses gloires et ses défauts, et dénonce la vision biaisée et raccourcie du pseudo D, touché par le syndrome de la vierge effarouchée.

    • CVT dit :

      @Françoise,
      je vous ai bien lu, et je pense surtout que vous m’avez mal compris: si je suis votre logique, et je vais continuer à filer ma métaphore conjugale, quand une femme se fait agresser sexuellement ou violer, les torts sont partagés entre la victime et son agresseur? Rien n’excuse un tel acte, et vous le savez!
      Et bien, c’est pareil pour une invasion, qui est un viol manifeste de souveraineté: Désolé, mais dire que les torts ne sont largement partagés est une énormité, car comme chacun sait, la souveraineté EST ABSOLUE!
      Rien n’excuse donc, ni ne justifie TROIS INVASIONS de notre sol par l’Allemagne! J’en dirais autant du comportement de la France lorsqu’elle pratiquait jadis une politique coloniale… D’ailleurs, j’imagine que si mes ancêtres africains ont été envahis, c’est qu’ils avaient tort, n’est-ce pas?

      Et par ailleurs, depuis que je vous lis, je n’ai JAMAIS trouvé trace de votre “amour” pour la France: vos discours suintent systématiquement la repentance, et c’est bien ce que j’entendais dénoncer en parlant du complexe de la femme battue: elle cherche systématiquement une faute hypothétique pour justifier, quand ce n’est pas pour excuser, les actions de son bourreau. Je ne vois que ce type de discours à longueur de commentaire, chez vous…
      Comme disait Cocteau, “il n’existe pas d’amour, il n’existe que des preuves d’amour”: quelles sont vos preuves?

    • Françoise dit :

      @CVT
      merci de citer mes propos suintant une éventuelle repentance et on en reparle après;

      trois invasions de notre sol? après que la France ait déclaré la guerre la première, les attaques de l’Allemagne ne peuvent être des “invasions” mais des opérations stratégiques victorieuses, malheureusement pour nous.
      oui, les torts sont partagés entre la France et l’Allemagne dans le déclenchement de ces guerres, il ne faut pas jouer aux bisounours;

      quant à nos guerres coloniales, c’est un tout autre sujet et là je suis d’accord avec vous pour dire que la France a envahi l’Amérique du Nord, la Polynésie, et l’Afrique mais elle n’est pas la seule dans la concurrence européenne à se constituer un empire.
      Votre remarque sur les colonies est intéressante car elles sont liées à la défaite française de 1870: en 1885, Bismarck est celui qui a le plus de poids diplomatique, il organise la conférence de Berlin qui partage l’Afrique entre les pays européens (sauf Liberia aux US) pour que chacun ait sa “part de marché”, pardonnez-moi l’expression (oops! un propos suintant la repentance?)

    • CVT dit :

      @Françoise,
      c’est la dernière fois que je vous réponds, car je ne supporte pas la mauvaise foi, particulièrement celle venant de gens qui veulent toujours avoir le dernier mot: pratiquement tout, dans votre réponse, est hors-sujet!
      Je dois donc constater que vous n’avez répondu ni à mes questions, ni à AUCUNE des mes objections sur vos positions; et surtout, je remarque que vous invalidez mes arguments comme cela vous chante, et que vous construisez un discours “ad hoc”: c’est typique de ce qu’on appelle généralement sur internet du “troll” (désolé, mais il n’y a pas de mot français pour ça…).
      Tout d’abord, la question de la colonisation des pays africains par les Français est EXACTEMENT la même que l’invasion par l’Allemagne de notre pays: c’est celle du respect de la souveraineté, issue du principe de l’intangibilité des frontières, et ce faisant, et du droit des peuples à lutter contre l’envahisseur! Vous balayez d’un revers de main cette question, alors qu’elle est FONDAMENTALE! D’un point de vue du droit international, rien ne justifie l’ingérence, même pas une déclaration de guerre: à vous écoutez, nous aurions dû collaborer dès…1914 (je peux aussi dérouler des arguments de mauvaise foi, moi aussi…).
      Sans compter que votre argument ne répond pas à l’objection soulevée par l’hôte de ce blog: pourquoi donc l’Allemagne a envahi la Belgique, pays neutre qui n’avait RIEN demandé, pour attaquer la France, et ce en 14 et en 40? La stratégie ne primant pas le droit, c’est donc bien une preuve que les Allemands ont bien AGRESSE la France, au moins durant les deux premières guerres mondiales…
      Mon point de vue porte sur l’agression, et non sur les causes, qui relèvent souvent de la défense d’intérêts souvent impérialistes, et parfois, nationaux (quel gros mot!)…

    • odp dit :

      @ CVT (puis Descartes et Carnot)

      Je tombe au hasard de mes lectures sur une conversation au cours de laquelle vous gratifiez Françoise et moi (coucou Françoise, compagne d’infortune) de sarcasmes tout aussi désobligeants que déplacés (ah, la métaphore de la femme battue, quelle finesse) – sans qu’ils soient d’ailleurs pertinents.

      Je m’étais donc préparé à vous faire une de ces réponses gratinées dont j’ai le goût mais, mon Directeur de Conscience m’ayant récemment déconseillé la colère, j’ai finalement décidé de faire preuve d’une retenue inédite et de laisser cet échange, tant que faire se peut, dans les limites de la courtoisie. Puisque l’on parle de courtoisie, sachez d’ailleurs que les bonnes manières préconisent généralement, quand on souhaite interpeller quelqu’un, de s’adresser directement à lui plutôt qu’au détour d’une conversation avec un autre. Franchement, ce n’est pas très élégant. Vous avez beau jeu de fustiger la chienlit ; en cette matière vous ne valez guère mieux.

      Passant maintenant de la forme au fond de votre commentaire, je me permet de vous faire remarquer que, contrairement à ce que vous avez indiqué, je n’ai pas abordé la question de « responsabilité » dans le déclenchement des 3 conflits franco-allemands. Ce sujet est complexe, ardu, technique ; il exige une délicatesse et un sens de la nuance qu’il n’est pas toujours facile d’imposer sur ce sujet où les vociférations l’emportent fréquemment sur l’analyse (1).

      De fait, le cœur de mon échange avec Descartes et Carnot (mais Carnot s’est fait discret, probablement sonné par ma démonstration) était plus original (et par conséquent, toutes choses égales par ailleurs, plus intéressant). Il portait sur le comportement de l’armée française de 1870 à 1940 que Descartes avait imaginé exclusivement attentiste et incapable de porter le fer chez l’ennemi. Je cite Descartes: « Je ne fais que constater les faits : en 1870, en 1914 et en 1940, ce sont les armées allemandes qui traversent la frontière française et pas l’inverse ». Et Carnot de rebondir : « Je partage l’avis de Descartes: on chercherait en vain dans les archives de l’armée française les plans d’une guerre d’agression contre l’Allemagne ».

      J’ai démontré que tout ceci n’avait aucun fondement, que a) techniquement, c’était à chaque fois (i.e. 1870, 1914 et 1940) l’armée française qui avait « traversé la frontière » et que b) s’il était vrai que la doctrine militaire tricolore était essentiellement défensive en 1870 et 1940 (pour quels résultats !), ce n’était bien évidemment pas le cas en 1914 où « l’offensive à outrance » régnait en maître et où les armées françaises s’étaient fermement portées de l’autre côté de la frontière pour y mener de véritables offensives et non de simples opérations de reconnaissance comme lors des deux autres conflits. Histoire d’enfoncer le clou et de faire œuvre civilisatrice, j’ai exhumé le Plan XVII concocté par Joffre en 1913 et où tout est écrit noir sur blanc.

      Ce qui est le plus fascinant c’est qu’il suffit de considérer les données stratégiques de l’époque pour se rendre à l’évidence! Quel était le cauchemar allemand? La guerre sur deux fronts ; quel était l’atout maître de la France? L’alliance russe et donc la guerre sur deux fronts. Or, quelle était la condition sine qua non pour que cet atout puisse être décisif: que sur les deux fronts les alliés rencontrent l’ennemi avec le maximum de rapidité et d’intensité pour « fixer » le maximum de divisions et éviter que l’ennemi ne batte chacun des alliés à tour de rôle. C’est enfantin. Qu’il faille à répéter ceci à des esprits aussi chevronnés que ceux de Descartes et, dans une moindre mesure, Carnot laisse pantois et en dit long sur la puissance de l’auto-intoxication.

      Je m’apprêtais également, quand vous m’avez interrompu, à faire un développement sur le 2nd Empire pour démontrer qu’au-delà de l’amour de Bazaine pour la guerre à l’abri des remparts (ah la belle forteresse de Metz…), la diplomatie de Napoléon III avait été très agressive (Guerre de Crimée, Campagne d’Italie, expéditions de Cochinchine, de Chine et du Mexique) au point que celui-ci était considéré par le Concert Européen comme le « perturbateur du continent » et un belliciste atavique. Ceci explique d’ailleurs qu’au moment de l’affaire du Luxembourg, la France se retrouva sans allié et que la Grande Bretagne, notamment, pourtant alliée de la guerre de Crimée et de l’expédition de Pékin, ne bougea pas le petit doigt. A la différence de 1914, la puissance alors considérée comme révisionniste et déstabilisatrice était la France et non l’Allemagne ; elle méritait donc, selon Gladstone, une petite correction en guise d’avertissement. Un nouveau clou dans le cercueil du mythe de la France « défensive » (3).

      Cela dit, puisque vous avez voulu traiter des responsabilités dans l’invasion de notre territoire, je crains qu’il ne faille commencer par vous remettre les yeux en face des trous : si les Allemands nous ont envahis 3 fois depuis 1970 c’est ENTIEREMENT de notre faute. Si nous n’avions pas essuyé 3 défaites militaires de rang en autant de guerre nous n’en serions pas là. A ce que je sache, c’était bien des français et pas des martiens ou des javanais qui étaient à Wissembourg, Frœschwiller et Sedan en 1870, à Charleroi, Rossignol et Longwy en 1914 ou à Sedan, Dinant et Dunkerque en 1940. Et l’on ne peut pas dire que nous n’avions pas été prévenu. En matière de responsabilité dans la défaite, les choses sont donc claires: elle nous incombe intégralement ; mais je reconnais bien là le réflexe de gauchiste pleurnichard qui veut que si nous sommes malheureux c’est parce qu’il y a trop de gens méchants… Culture de l’impotence et de l’irresponsabilité !

      De la même manière, Descartes et Carnot semblent paralysés à l’idée que la France, a fortiori républicaine, puisse avoir eu des idées de conquête: ça voudrait dire qu’on est méchant ! Horresco Referens. On butte là sur leur inconscient gauchiste et la vulgate marxiste sur l’impérialisme. Mais qu’une nation ait des intérêts et cherche à les étendre quand elle en a les moyens me paraît normal et il s’avère qu’au moins jusqu’au premier conflit mondial la guerre était considéré comme un moyen légitime de règlement des conflits (on connait la formule de Clausewitz « la guerre c’est la continuation de la politique par d’autres moyens »). La France s’est construite en Europe en partie sur des guerres de conquêtes (notamment celles de Louis XIV grâce auxquelles, tiens tiens, nous avons arraché l’Alsace et la Lorraine à l’Empire mais également celles de Napoléon III contre l’Autriche qui nous ont valu la Savoie et les Alpes Maritimes en retour) et s’est très bien ainsi ; elle s’est également étendu Outre-Mer quand elle était puissante et c’est également très bien également. Il y a, pour tout dire, dans ce culte du « défensif » quelque chose de profondément pétainiste qui est déjà comme une défaite.

      PS : comme vous l’avez noté j’ai traité vos paroles grotesque sur la haine par le mépris ; je me contenterai de dire que la France soit une mère suffisamment ingrate pour qu’elle exige de ses enfants une ablation du jugement et le culte de l’ignorance.

      (1) En clair, j’ai eu la flemme de me lancer dans une guerre de tranchée sur ce sujet, mais si vous souhaitez que je vous fasse un bref exposé de l’action du trio belliciste Delcassé/Poincaré/Paléologue c’est avec grand plaisir.
      (2) J’adore l’idée développée par Descartes qui veut que c’est parce que l’on construit des fortifications que l’on a pas d’esprit de conquête. Le plus grand bâtisseur de fortification de toute l’Histoire de France est Vauban, sous le règne de Louis XIV, lui-même l’un des monarques les plus offensifs de notre histoire… De la même manière, les fortifications de Séré de Rivière construites à partir de 1874 le long des frontières françaises étaient vues par l’Etat-Major non seulement comme un moyen de défense mais également comme un point d’appui pour l’offensive.
      (3) Que les anglais aient fait en la matière une énorme erreur de jugement qu’il payèrent par la suite fort cher est une autre affaire.

    • Françoise dit :

      “troll” si vous voulez, bien que ce soit une insulte ad hominem de votre part;
      “hors sujet” sûrement pas, alors que vous y allez allègrement en comparant les guerres entre la France et l’Allemagne et les guerres coloniales.
      Je maintiens que vous ne m’avez pas bien lue.

      Quand vous parlez d’invasion de notre sol, vous entendez non “respect de la souveraineté, issue du principe de l’intangibilité des frontières, et ce faisant, et du droit des peuples à lutter contre l’envahisseur”.
      Il faut que vous admettiez que deux Etats ont voulu la guerre, deux Etats ont fait la guerre, et un seul Etat a perdu la guerre. L’intangibilité des frontières est un argument faible dans les négociations d’un traité de paix, vous êtes bien naïf…

      Quant à votre “argumentation” de dire que si les Allemands ont envahi la Belgique, c’est la preuve qu’ils ont agressé la France, elle est incompréhensible. Personne ici ne conteste que la Belgique et le Luxembourg, éternels paillassons de l’Histoire, ont été envahis au mépris du droit mais cela n’explique rien sur la violation de notre sol.
      En revanche, votre accusation d’ingérence de l’Allemagne nécessite des précisions sur les dates car si vous avez raison en 1940, c’est faux auparavant.

    • Descartes dit :

      @odp

      [Je cite Descartes: « Je ne fais que constater les faits : en 1870, en 1914 et en 1940, ce sont les armées allemandes qui traversent la frontière française et pas l’inverse ». Et Carnot de rebondir : « Je partage l’avis de Descartes: on chercherait en vain dans les archives de l’armée française les plans d’une guerre d’agression contre l’Allemagne ». J’ai démontré que tout ceci n’avait aucun fondement,]

      Vous n’avez rien démontré de tel. Tout au plus, vous êtes-vous contenté de l’affirmer – et de le répéter plusieurs fois – sans prendre en compte aucun des arguments qu’on vous a opposé. En dehors des opérations de reconnaissance, c’est bien les armées allemandes qui ont traversé dans ces trois opportunités la frontière française. Vous m’avez opposé les opérations en Alsace-Moselle en 1914, mais comme je vous l’ai signalé, il ne s’agit pas d’une frontière reconnue.

      [ce n’était bien évidemment pas le cas en 1914 où « l’offensive à outrance » régnait en maître et où les armées françaises s’étaient fermement portées de l’autre côté de la frontière pour y mener de véritables offensives et non de simples opérations de reconnaissance comme lors des deux autres conflits.]

      J’attends toujours un exemple de « véritable offensive » en dehors des territoires d’Alsace-Moselle qui, pour la France, n’étaient pas « de l’autre côté de la frontière ».

      [Histoire d’enfoncer le clou et de faire œuvre civilisatrice, j’ai exhumé le Plan XVII concocté par Joffre en 1913 et où tout est écrit noir sur blanc.]

      Sauf que, là encore, ce qui est écrit « en noir et blanc » ne correspond pas vraiment à ce que vous dites. Le plan XVII est avant tout un plan de récupération des « provinces perdues », et non un plan de conquête et d’occupation de l’Allemagne.

      [Ce qui est le plus fascinant c’est qu’il suffit de considérer les données stratégiques de l’époque pour se rendre à l’évidence! Quel était le cauchemar allemand? La guerre sur deux fronts ; quel était l’atout maître de la France? L’alliance russe et donc la guerre sur deux fronts]

      Vous semblez oublier que les Etats ne se rendent pas « à l’évidence » aussi facilement, et qu’ils choisissent souvent en dépit de la raison. Si je suis votre raisonnement, les gouvernements français des années 1930 auraient dû faire tout ce qui était dans leur pouvoir pour conclure une alliance défensive avec l’URSS, puisque c’est là qu’était « l’atout maître de la France ». L’ont-ils fait ? Non. Ils ont préféré au contraire vider de son contenu le traité de 1935 en éternisant les négociations pour la mise en place du protocole militaire, préférant une illusoire « alliance italienne ». Comme quoi, ce n’est pas parce que la stratégie du « maximum de rapidité et d’intensité » est la stratégie logique qu’on peut déduire qu’elle était celle adoptée par l’armée française…

      [Je m’apprêtais également, quand vous m’avez interrompu, à faire un développement sur le 2nd Empire pour démontrer qu’au-delà de l’amour de Bazaine pour la guerre à l’abri des remparts (ah la belle forteresse de Metz…), la diplomatie de Napoléon III avait été très agressive (Guerre de Crimée, Campagne d’Italie, expéditions de Cochinchine, de Chine et du Mexique) au point que celui-ci était considéré par le Concert Européen comme le « perturbateur du continent » et un belliciste atavique.]

      Il ne vous aura pas échappé qu’aucun des exemples que vous proposez ne concerne nos voisins allemands. Or c’est de cela qu’il s’agit. Que la diplomatie du second empire fut agressive dans le domaine colonial est un fait historique difficile de contester. Mais il semble bien plus difficile de montrer une quelconque agressivité sur les frontières européennes de la France.

      [De la même manière, Descartes et Carnot semblent paralysés à l’idée que la France, a fortiori républicaine, puisse avoir eu des idées de conquête: ça voudrait dire qu’on est méchant ! Horresco Referens.]

      Je ne me souviens pas d’avoir dit pareille chose. Pourriez-vous rappeler le texte auquel vous faites référence ? A défaut, je me vois obligé de vous prier de ne pas mettre sous ma plume des mots que je n’ai pas écrit, des idées que je n’ai pas pensé. Au contraire, je suis le premier à admettre la politique conquérante de la République dans le domaine colonial, par exemple. Pourquoi cela me poserait un problème de l’admettre en Europe, si telle était la vérité historique ?

      [Mais qu’une nation ait des intérêts et cherche à les étendre quand elle en a les moyens me paraît normal et il s’avère qu’au moins jusqu’au premier conflit mondial la guerre était considéré comme un moyen légitime de règlement des conflits (on connait la formule de Clausewitz « la guerre c’est la continuation de la politique par d’autres moyens »).]

      Sauf que la République avait moins de moyens de « s’étendre » en Europe qu’une dictature ou une monarchie. En effet, une République ne peut se passer de l’accord des citoyens pour aller à la guerre. Or, dans un pays paysan comme la France, si les citoyens sont assez facilement prêts à donner leur vie pour défendre leur territoire, on a beaucoup de mal à les persuader de mourir pour conquérir une terre étrangère. C’est là, à mon sens, que se situe la principale différence. La France républicaine n’a jamais réussi à mener une conquête avec une armée de conscription. L’Allemagne du Kaiser ou de Hitler, si.

      [(2) J’adore l’idée développée par Descartes qui veut que c’est parce que l’on construit des fortifications que l’on a pas d’esprit de conquête. Le plus grand bâtisseur de fortification de toute l’Histoire de France est Vauban, sous le règne de Louis XIV, lui-même l’un des monarques les plus offensifs de notre histoire…]

      D’abord, je n’ai jamais dit que « c’est parce que l’on construit des fortifications qu’on n’a pas l’esprit de conquête ». Mon point serait plus proche de la causalité inverse. Plus on se place dans une logique de tenir son territoire plutôt que de conquérir de nouveaux, et plus on a tendance à investir massivement dans des fortifications. Ensuite, il ne vous aura pas échappé je pense qu’on ne fait plus la guerre au XIXème et XXème siècles comme on le faisait au XVIIème, et que la fonction des forteresses a considérablement changé depuis…

      [De la même manière, les fortifications de Séré de Rivière construites à partir de 1874 le long des frontières françaises étaient vues par l’Etat-Major non seulement comme un moyen de défense mais également comme un point d’appui pour l’offensive.]

      Mais un tel « point d’appui » est vite inutile si l’offensive se passe bien, non ? A quoi bon dépenser d’énormes sommes d’argent à construire des fortifications qui ne servent plus à rien, dès qu’on a pénétré de quelques kilomètres le territoire ennemi ? Mieux vaut investir dans l’artillerie, qu’on peut déplacer au fur et à mesure…

    • Carnot dit :

      @ odp (et Descartes)

      [mais Carnot s’est fait discret, probablement sonné par ma démonstration)]

      Oh je tiens à vous rassurer, je vais très bien et je précise même que ce que vous appelez une « démonstration » a été bien loin de m’impressionner. Vous avancez péremptoirement des énormités sans tenir compte des contre-arguments qu’on vous oppose.

      Sur le fond de la question, aux arguments avancés par Descartes et auxquels je souscris j’ajouterai que personne ne mène une guerre, même défensive, en s’interdisant a priori d’opérer en territoire ennemi. Si le sort des armes en avait décidé autrement il est probable qu’en 1914 ou en 1940 la France aurait avancé ses troupes en Allemagne. Mais est-ce pour autant légitime de faire un parallèle entre les conceptions françaises et allemandes de la guerre ? Pas du tout, et je partage totalement l’avis de Descartes : le fait que la France soit démocratique après 1870 est absolument décisif pour comprendre sa relation à la guerre. Là où le Kaiser peut avec son Etat-major décider de tenter un coup de poker majeur presque seul, jamais les représentants du peuple français ne lanceraient leur armée de citoyens dans une politique impérialiste en Europe sans être désavoués par leurs électeurs. C’est une des principales raisons pour laquelle la France n’est pas une puissance agressive en Europe, elle n’a pas d’ambitions territoriales concernant ses voisins et cherche surtout à éviter qu’on lui marche sur les pieds – et donc à se protéger de l’Allemagne.

      [De la même manière, Descartes et Carnot semblent paralysés à l’idée que la France, a fortiori républicaine, puisse avoir eu des idées de conquête: ça voudrait dire qu’on est méchant ! Horresco Referens. On butte là sur leur inconscient gauchiste et la vulgate marxiste sur l’impérialisme. Mais qu’une nation ait des intérêts et cherche à les étendre quand elle en a les moyens me paraît normal]

      Alors là j’avoue que vous m’avez bien fait rire, c’est bien la première fois qu’on me reproche d’avoir un « inconscient gauchiste ». Sachez que non seulement l’impérialisme colonial de la France républicaine ne m’échappe pas mais que, de plus, je souscris totalement à cette politique que j’aurais énergiquement soutenue à l’époque. La République française porte un message de liberté au monde, elle doit être forte pour ce faire et être à la hauteur des ambitions universelles qu’elle professe.

      Mais cela ne change rien au fait que jamais les ambitions territoriales de la France n’ont concerné l’Europe après 1815 (l’annexion de la Savoie et de Nice était plus la cerise sur le gâteau que le véritable but de la guerre aux côtés du Piémont). On le constate par exemple au moment de la « crise de la Rive Gauche du Rhin » pendant la Monarchie de Juillet, où la France joue l’apaisement alors que si elle devait avoir une revendication territoriale en Europe ce serait bien celle-là.

      La volonté de puissance de l’Allemagne est d’une nature différente car elle a en effet à voir avec son problème d’identité qui lui demande un ennemi extérieur pour assurer son unité, et avec le complexe obsidional qui est souvent le propre des puissances maritimes. En ce sens Mahan et McKinder ont obsédé durablement l’Allemagne, donnant naissance à l’idée de « l’espace vital » à l’Est qui préexiste largement au nazisme, il suffit pour s’en convaincre d’examiner les clauses « ukrainiennes » de Brest-Litovsk…

      En ce qui me concerne je fais très nettement la différence entre les impérialismes « raisonnables » de la France et du Royaume-Uni, c’est-à-dire qui proportionnent les risques pris et les moyens employés aux buts recherchés et qui sont conscient des dangers de l’escalade et de la surenchère (cf. Fachoda) et celui de l’Allemagne, du Japon après 1930 (et dans une moindre mesure de la Russie tsariste) qui ont tendance à se doubler de militarisme et de paranoïa ce qui peut s’avérer particulièrement dangereux et meurtrier.

      PS : Je viens de tomber sur ça en lisant un article, une thèse qui a l’air assez intéressante ça meriterait de trouver le livre : “Germany had to go to war in 1914 because the Russian army was undergoing major military modernization and expansion that would’ve made Russia the strongest power on the continent in 1917. They had to get Russia to mobilize first in order to keep Britain out of combat till it was too late to save France. Berlin skillfully manipulated the other capitals to start a world war that no one but the Germans wanted. See Copeland, Dale C. The Origins of Major War. Ithaca: Cornell UP, 2000. Print.”

    • odp dit :

      @ Carnot (puis Descartes)

      Merci de cette réponse. J’avais un peu “appuyé” mon envoi pour vous faire sortir du bois. Je ne le regrette pas puisque cela nous a valu des clarifications tout à fait intéressantes et auxquelles, pour l’essentiel, je souscris.

      Cela dit, quelques précisions:

      [Vous avancez péremptoirement des énormités sans tenir compte des contre-arguments qu’on vous oppose]

      De quelles énormités parlez-vous donc? Si j’ai bien compris, tout le monde est d’accord pour accepter le fait que les français ont mené de vigoureuses offensives de l’autre côté de la frontière de 1914 (il faut bien chercher les allemands là où ils sont) et que si ces offensives avaient été couronnées de succès elles se seraient également poursuivies de l’autre côté de la frontière de 1870. L’idée qu’après avoir défaits les allemands en Alsace et en Lorraine, les soldats français se seraient arrêtés nets comme effrayés par la “vraie” frontière et l’acte affreusement impérialiste qu’ils étaient à deux doigts de commettre est une idée si saugrenue que le simple fait de l’exposer la fait comme se dissoudre. Comme je l’ai indiqué, je n’ai pas cherché à aborder le sujet fort complexe des responsabilités mais ai simplement souhaiter mettre une halte à la furie simplificatrice.

      [Mais est-ce pour autant légitime de faire un parallèle entre les conceptions françaises et allemandes de la guerre ? Pas du tout, et je partage totalement l’avis de Descartes : le fait que la France soit démocratique après 1870 est absolument décisif pour comprendre sa relation à la guerre. Là où le Kaiser peut avec son Etat-major décider de tenter un coup de poker majeur presque seul, jamais les représentants du peuple français ne lanceraient leur armée de citoyens dans une politique impérialiste en Europe sans être désavoués par leurs électeurs. C’est une des principales raisons pour laquelle la France n’est pas une puissance agressive en Europe, elle n’a pas d’ambitions territoriales concernant ses voisins et cherche surtout à éviter qu’on lui marche sur les pieds – et donc à se protéger de l’Allemagne].

      Je ne crois pas avoir mis sur le même plan les conceptions françaises et allemandes de la guerre au début du 20ème siècle et je suis en effet tout à fait capable de faire la différence entre la guerre ou la préparation de la guerre en démocratie et dans des régimes autoritaires et militaristes (cf. Munich). Cependant, il me semble que vous allez fort vite en besogne en assimilant démocratie et “pacifisme”. L’histoire abonde d’exemples, dont certains sont très récents, où des démocraties tout ce qu’il y a de plus démocratiques se sont engagées dans des guerres d’agression – et point n’est besoin de traverser l’Atlantique pour cela (cf. crise de Suez). C’est que l’opinion est manipulable et qu’il existe des ressorts bellicistes même en démocratie*. Cependant, un point dans votre propos mérite éclaircissement: vous dites que la France n’a pas, en 1914, de revendications territoriales. Mais que faites-vous donc de l’Alsace-Lorraine?

      *Notez que je ne sombre pas du tout dans le relativisme absolu et considère qu’en la matière et pour les raisons que vous avez décrites, le bilan des démocraties est incomparablement supérieur à celui des régimes autoritaires de droite comme de gauche.

      [Mais cela ne change rien au fait que jamais les ambitions territoriales de la France n’ont concerné l’Europe après 1815 (l’annexion de la Savoie et de Nice était plus la cerise sur le gâteau que le véritable but de la guerre aux côtés du Piémont). On le constate par exemple au moment de la « crise de la Rive Gauche du Rhin » pendant la Monarchie de Juillet, où la France joue l’apaisement alors que si elle devait avoir une revendication territoriale en Europe ce serait bien celle-là].

      Tout d’abord, je ne vois pas vraiment à quel titre la France devrait avoir la rive gauche du Rhin comme revendication territoriale légitime. Voilà des contrées où l’on ne parle pas français, qui ont depuis toujours été des terres d’Empire et qui, au cours des 1000 précédentes années, n’ont connu que 20 ans “d’administration française”. Pas facile à plaider si vous voulez mon avis. Par ailleurs, en ce qui concerne la “crise de la rive gauche du Rhin”, je crains de ne pas pouvoir vous suivre dans votre interprétation. Il me semble en effet que la France n’a pas du tout “joué l’apaisement” mais à au contraire créé de toute pièce cette affaire qui faillit déboucher sur une crise Européenne majeure et que seule l’intervention in extremis de Louis-Philippe, conscient du rapport de force militaire, permit d’éviter. Thiers, pris de vapeurs napoléoniennes, en fut pour ses frais. Vous noterez d’ailleurs, belle entorse à votre règle du républicain pacifiste par nature, qu’en cette affaire les Républicains et assimilés (Quinet, Hugo, Louis Blanc, Thiers) sont dans le camp belliciste tandis que le roi choisit d’éviter la guerre.

      [La volonté de puissance de l’Allemagne est d’une nature différente car elle a en effet à voir avec son problème d’identité qui lui demande un ennemi extérieur pour assurer son unité, et avec le complexe obsidional qui est souvent le propre des puissances maritimes. En ce sens Mahan et McKinder ont obsédé durablement l’Allemagne, donnant naissance à l’idée de « l’espace vital » à l’Est qui préexiste largement au nazisme, il suffit pour s’en convaincre d’examiner les clauses « ukrainiennes » de Brest-Litovsk…]

      J’avoue ne pas bien comprendre cette histoire de problème d’identité de l’Allemagne et du rôle que cette affaire aurait pu avoir dans son agressivité du 19ème et 20ème siècle. Que l’unité politique de l’Allemagne ait été tardive, c’est un fait mais ce n’est pas le seul pays Européen dans cette situation (cf. Italie). Par ailleurs, le Japon, sur certains plans siamois asiatique de l’Allemagne, est au contraire de très vieille tradition étatique et ne souffre pas de problème d’identité. Par exemple, il n’existe pas à ma connaissance de séparatisme allemand alors qu’il en existe en Espagne, au Royaume-Uni, en Belgique, en Italie et bien évidemment en France. Donc problème d’identité pour l’Allemagne, j’ai du mal. Pour la France, pourquoi pas (cf. les deux France), mais pour l’Allemagne… Par ailleurs notez le complexe obsidional est en général associé aux puissances continentales et non maritimes: quand on a des bateaux on est libre (cf. Thémistocle); les pieds dans la glaise beaucoup moins: ça rend parano.

      [En ce qui me concerne je fais très nettement la différence entre les impérialismes « raisonnables » de la France et du Royaume-Uni, c’est-à-dire qui proportionnent les risques pris et les moyens employés aux buts recherchés et qui sont conscient des dangers de l’escalade et de la surenchère (cf. Fachoda) et celui de l’Allemagne, du Japon après 1930 (et dans une moindre mesure de la Russie tsariste) qui ont tendance à se doubler de militarisme et de paranoïa ce qui peut s’avérer particulièrement dangereux et meurtrier.]

      100% d’accord avec vous.

      [PS : Je viens de tomber sur ça en lisant un article, une thèse qui a l’air assez intéressante ça meriterait de trouver le livre : “Germany had to go to war in 1914 because the Russian army was undergoing major military modernization and expansion that would’ve made Russia the strongest power on the continent in 1917. They had to get Russia to mobilize first in order to keep Britain out of combat till it was too late to save France. Berlin skillfully manipulated the other capitals to start a world war that no one but the Germans wanted. See Copeland, Dale C. The Origins of Major War. Ithaca: Cornell UP, 2000. Print.”]

      C’est la thèse de David Fromkin dans “le dernier été de l’Europe”. Elle est un peu extrême mais crédible. Néanmoins, elle concerne plus l’Etat profond (i.e. quelques têtes brulées au sein de l’Etat-Major) que l’Allemagne en tant que telle. Par ailleurs, peut trouver son pendant côté français avec l’action du trio Delcassé, Paléologue et Poincaré et même côté anglais avec le rôle trouble des bellicistes autour de Grey. Pour ma part, il me semble qu’aucun des chefs d’Etat n’a vraiment voulu une guerre Européenne – les expressions de somnambules (C. Clark) ou de funambules (G-H. Soutou) sonnent assez justes – et surtout qu’aucun n’a sérieusement envisagé ce à quoi pourrait ressembler la guerre. Aussi, cette recherche effrénée des “responsabilités” et des “culpabilités” est bien entendu intéressante mais malgré tout assez vaine. Comme l’indique J-Y Le Naour dans une recension de l’ouvrage de C. Clark: “Il est peu de sujets sur lequel on ait plus écrit que sur les origines de la Première Guerre mondiale. Près de 25 000 articles et ouvrages sont centrés sur cette question sans toutefois jamais satisfaire le lecteur”.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [J’avais un peu “appuyé” mon envoi pour vous faire sortir du bois.]

      Avec nous ça va, on vous connais. Mais des lecteurs nouveaux venus pourraient penser que vous êtes, comment dire… inutilement agressif…

      [J’avoue ne pas bien comprendre cette histoire de problème d’identité de l’Allemagne et du rôle que cette affaire aurait pu avoir dans son agressivité du 19ème et 20ème siècle. Que l’unité politique de l’Allemagne ait été tardive, c’est un fait mais ce n’est pas le seul pays Européen dans cette situation (cf. Italie).]

      La problématique allemande est très particulière en termes d’identité. La question « qu’est ce que c’est d’être allemand » est une question qui a torturé des générations de penseurs, depuis le siècle des Lumières et jusqu’à aujourd’hui. Il y a, vaguement, un espace germanique. Mais cet espace a vécu l’essentiel de son histoire politiquement atomisé et profondément divisé dans ses alliances, dans ses traditions juridiques, dans sa religion. L’unité allemande n’est pas une unité désirée, mais imposée par la Prusse par un coup de peur. Et le manque d’unité est si évident que le roi de Prusse ne prend pas le titre de roi d’Allemagne (ce qui impliquerait une vision unitaire) mais d’Empereur allemand. Ce n’est pas du tout le cas de l’Italie, cimentée par la tradition romaine et par son continuateur, l’Eglise. Les élites italiennes partagent une langue, un droit, une religion. Ce n’est pas le cas des élites allemandes.

      Ce n’est pas par hasard si la doctrine allemande de la Nation se construit autour « du sang et des morts ». Une définition à la Renan où à la Michelet (« le souvenir des grandes choses faites ensemble et le désir d’en accomplir de nouvelles ») n’aurait jamais pu soutenir l’unité allemande. Parce que les allemands n’ont guère beaucoup de choses « faites ensemble » (ils ont guerroyé entre eux pour l’essentiel de leur histoire) et fort peu de désir d’accomplir des choses en commun, puisque l’allemand est d’abord citoyen de son Länd, et seulement ensuite du Bund.

      [Par ailleurs, le Japon, sur certains plans siamois asiatique de l’Allemagne, est au contraire de très vieille tradition étatique et ne souffre pas de problème d’identité.]

      Pourquoi dites-vous que c’est « le siamois asiatique de l’Allemagne » ? Je ne vois pas beaucoup de points communs entre la politique extérieure Japonaise et celle de l’Allemagne… en particulier, les japonais n’ont jamais eu le moindre projet de colonisation.

      [Par exemple, il n’existe pas à ma connaissance de séparatisme allemand alors qu’il en existe en Espagne, au Royaume-Uni, en Belgique, en Italie et bien évidemment en France. Donc problème d’identité pour l’Allemagne, j’ai du mal.]

      Le « séparatisme » n’a pas de sens en Allemagne, puisqu’ils sont déjà séparés par un système fédéral qui finalement ne laisse que peu de pouvoir à la fédération. Pourquoi s’échiner à quitter une fédération qui vous demande finalement très peu de chose ? Les allemands ont d’une certaine manière fini par tirer les conclusions de leur histoire : puisqu’ils ont une identité nationale faible, ils ont choisi d’avoir un état national faible. L’identité est en fait reportée au niveau des Länder.

      [Pour la France, pourquoi pas (cf. les deux France), mais pour l’Allemagne… Par ailleurs notez le complexe obsidional est en général associé aux puissances continentales et non maritimes: quand on a des bateaux on est libre (cf. Thémistocle); les pieds dans la glaise beaucoup moins: ça rend parano.]

      Il est vrai que le fait d’avoir des frontières naturelles bien établies, ça rassure.

      [Pour ma part, il me semble qu’aucun des chefs d’Etat n’a vraiment voulu une guerre Européenne – les expressions de somnambules (C. Clark) ou de funambules (G-H. Soutou) sonnent assez justes – et surtout qu’aucun n’a sérieusement envisagé ce à quoi pourrait ressembler la guerre.]

      Je ne partage pas votre première hypothèse, et je pense en fait que vous êtes tributaire de l’illusion rétrospective. En d’autres termes, vous pensez que personne n’a voulu cette guerre parce que personne ne pouvait vouloir payer un tel coût économique et humain pour des buts de guerre finalement assez limités. Mais les acteurs du temps ne pouvaient pas savoir dans quelle guerre ils se lançaient. Tous les plans d’Etat-Major, que ce soit côté allemand ou côté français, tablaient sur une guerre de mouvement courte, façon 1870. Il y a du vrai dans la formule qui veut qu’on prépare toujours la guerre précédente, et jamais la suivante. En 1914, on est allé la fleur au fusil parce qu’on s’attendait à une guerre façon 1870. En 1938 on n’a pas traversé le Rhin de peur de se retrouver embourbés dans une guerre façon 1914.

      [Aussi, cette recherche effrénée des “responsabilités” et des “culpabilités” est bien entendu intéressante mais malgré tout assez vaine.]

      Je partage. D’une manière générale, je préfère éviter de mélanger les faits historiques et les jugements moraux.

    • odp dit :

      @ Descartes

      [Pourquoi dites-vous que c’est « le siamois asiatique de l’Allemagne » ? Je ne vois pas beaucoup de points communs entre la politique extérieure Japonaise et celle de l’Allemagne… en particulier, les japonais n’ont jamais eu le moindre projet de colonisation.]

      Ce que j’adore dans ces échanges, c’est que cela me permet de préciser ce que je connais vaguement ou d’apprendre des choses totalement nouvelles. Le Japon est un cas d’école: je n’y connais rien si ce n’est ce que j’ai appris au Lycée (c’est dire) ou ce que j’ai lu dans l’ouvrage passionnant de Ian Kershaw (Choix fatidiques) qui montre, entre autres, que les japonais furent, d’une certaine façon, acculés à la guerre par les américains et les anglais. Si vous n’avez pas lu ce livre, je vous le conseille, il est fascinant.

      Pour revenir sur ce qui nous occupe, j’ai parlé du Japon parce que j’ai rebondi sur un commentaire de Carnot qui mettait sur le même plan l’impérialisme allemand et japonais, très agressif, fortement militarisé et teinté de darwinisme social (dominer ou être dominer) pour l’opposer à l’impérialisme britannique ou français, plus “soft” et à vocation “civilisatrice”. De fait, les similitudes entre l’Allemagne et le Japon entre 1850 et 1945 sont frappantes: voilà deux “Empires” qui sont entrés “casqués” dans la modernité, ont bénéficié d’une expansion économique, industrielle et démographique faramineuse et au sien desquels l’individu n’est rien et l’Etat tout. C’est un lieu commun, depuis 1945, de comparer les deux.

      Mais puisque vous m’interrogiez sur le Japon et la colonisation, je suis allé à la bibliothèque et ai trouvé le livre suivant: “Japon colonial, 1880-1930” sous la direction de Pierre-François Souyri, ancien Directeur de l’Inalco et la Maison franco-japonaise. On peut difficilement imaginer mieux pour traiter ce sujet. Pour aller plus vite je citerai l’introduction de ce petit livre:

      “Si le Japon a connu une histoire coloniale avant la modernité proprement dite avec la lente expansion des populations japonaises vers le nord et la colonisation des espaces occupées par des tribus aïnoues, le véritable point de départ de l’expansion japonaise moderne se fait au lendemain de la restauration Meiji de 1868, en plusieurs étapes.

      La première correspond à celle de la définition des frontières “modernes” du jeune Etat-nation en construction. Face aux Russes au nord et aux Chinois au sud, l’Etat japonais procède par annexion de territoires sur lesquels sa souveraineté ne s’étendait jusque là que de manière partielle ou théorique. Ainsi, au nord, l’ancienne île d’Ezo est annexée pour former Hokkaido tandis qu’au sud, le royaume des Ryukyus est assimilé à un fief seigneurial japonais avant d’être dissous pour devenir le département d’Okinawa. Submergée par le nombre, vaincue, la société aïnoue s’effondre et les populations survivantes sont contraintes de s’assimiler tandis que dans le cas des Ryukyus, bien des habitants croient trouver une solution dans l’émigration vers Hawaï et les Amériques.

      Puis, commence une seconde période au cours de laquelle le Japon annexe de nouveaux territoires dans le cadre cette fois de conflits militaires entre grandes puissances. Un premier conflit contre la Chine impériale aboutit à la cession par la Chine de sa souveraineté sur Taiwan. Puis, à la suite du conflit avec la Russie tsariste, je Japon récupère en 1905 la partie sud de Sakhaline et instaure un protectorat en Corée avant d’annexer la Pénisule en 1910. Enfin, à partir de 1931, l’armée japonaise occupe l’ensemble de la Mandchourie pour en faire une colonie et même une colonie de peuplement qui finira par compter plus d’un million de Japonais”.

      Voilà pour le Japon et la colonisation.

    • Descartes dit :

      @ Descartes

      [De fait, les similitudes entre l’Allemagne et le Japon entre 1850 et 1945 sont frappantes: voilà deux “Empires” qui sont entrés “casqués” dans la modernité, ont bénéficié d’une expansion économique, industrielle et démographique faramineuse et au sien desquels l’individu n’est rien et l’Etat tout. C’est un lieu commun, depuis 1945, de comparer les deux.]

      Oui, mais à mon avis ce « lieu commun » mérite d’être revisité. D’abord, il faut préciser ce qu’on entend par « colonisation ». Je pense qu’on confond dans voter commentaire l’expansion territoriale et la colonisation. Or, il s’agit à mon avis deux choses différentes. Lorsque l’Allemagne cherche à annexer l’Alsace-Lorraine ou les Sudètes, le processus mental et politique qui est derrière n’est pas le même que lorsqu’on cherche à coloniser la Namibie ou le Cameroun. En particulier, lorsque les troupes allemandes entrent en Alsace, le but est de faire des Alsaciens des allemands comme les autres. Je doute que ce raisonnement ait été appliqué aux Namibiens et aux Camerounais.

      Le Japon, comme le décrit Souyri, a eu des phases expansionnistes, d’abord sur des territoires où il exerçait une souveraineté partielle, et ensuite sur des territoires disputés avec ses voisins. Mais à chaque fois le but était de « japoniser » ces territoires, et non de construire un empire colonial à l’européenne. Ce n’est qu’avec l’occupation de la Manchourie dans les années 1930 qu’on peut parler de colonisation « moderne ». De ce point de vue, difficile de faire la comparaison avec l’Allemagne.

      Je pense que si on fait le parallèle, c’est surtout parce que l’Allemagne et le Japon ont un point commun : le rôle politique central joué par l’élite nobiliaire-militaire dans un contexte d’Etat central très faible. Bien sur, ce fait entraîne des conséquences idéologiques, que ce soit en termes de valeurs ou de conception de la société. Mais je ne sais pas si on peut aller beaucoup plus loin dans le parallèle.

    • Carnot dit :

      @ odp

      ]De quelles énormités parlez-vous donc?]

      Le terme était très excessif et je vous prie de m’en excuser, j’étais agacé par le ton de votre précédent commentaire.

      [Cependant, un point dans votre propos mérite éclaircissement: vous dites que la France n’a pas, en 1914, de revendications territoriales. Mais que faites-vous donc de l’Alsace-Lorraine? ]

      Bien sûr que la France revendique l’Alsace-Moselle qui a été annexée par l’Allemagne après la guerre de 1970, cependant ça n’est pas contradictoire avec ce que je disais : la France ne cherche plus à s’étendre en Europe après 1815 sauf à la marge (Nice, vues sur le Luxembourg sous le Second Empire) et surtout ce n’est certainement plus par là que passe son projet de puissance nationale à l’époque. Par conséquent la France a une politique défensive sur le continent mais qui ne va pas jusqu’à accepter de bonne grâce de voir un morceau du territoire amputé. Cependant vous noterez que même concernant les « provinces perdues » la France n’a jamais réellement considéré l’idée de déclencher directement une guerre pour les récupérer, certes le rapport de forces n’était pas en sa faveur mais elle n’a pas fait de son renversement une priorité, au contraire cel l’a renforcée dans son ambition coloniale et mondiale.

      [Par ailleurs notez le complexe obsidional est en général associé aux puissances continentales et non maritimes: quand on a des bateaux on est libre (cf. Thémistocle); les pieds dans la glaise beaucoup moins: ça rend parano.]

      C’est évidemment une coquille de ma part, je voulais bien sûr parler du complexe obsidional des puissances continentales.

      [C’est la thèse de David Fromkin dans “le dernier été de l’Europe”. Elle est un peu extrême mais crédible. Néanmoins, elle concerne plus l’Etat profond (i.e. quelques têtes brulées au sein de l’Etat-Major) que l’Allemagne en tant que telle. ]

      Je crois que vous faites erreur, comme le souligne Descartes le fait que Guillaume II et son entourage ait fait sciemment le pari de la guerre ne suppose nullement qu’ils acceptent une guerre totale, longue et mondiale. Selon eux (et tout les états-majors à l’époque) ce sera une guerre courte.

      [Par ailleurs, peut trouver son pendant côté français avec l’action du trio Delcassé, Paléologue et Poincaré et même côté anglais avec le rôle trouble des bellicistes autour de Grey.]

      Pourriez-vous développer un peu ? Je retiens surtout que la France a été particulièrement conciliante à l’été 14 dans le but de sauver la paix, elle a même consenti à retirer ses troupes de la bande de 10 km derrière la frontière allemande ce qui me semble un geste considérable de bonne volonté alors que la guerre peut éclater d’un jour à l’autre… Concernant le « jeu trouble des bellicistes anglais » il me semble que l’explication est nettement plus simple : le Royaume-Uni a hésité jusqu’au dernier moment à entrer dans la guerre en se demandant où était son intérêt national. Cette hésitation, et notamment le manque de clarté sur la question belge a d’ailleurs encouragé les Allemands mais on ne peut pas dire qu’ils aient été particulièrement bellicistes.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Je crois que vous faites erreur, comme le souligne Descartes le fait que Guillaume II et son entourage ait fait sciemment le pari de la guerre ne suppose nullement qu’ils acceptent une guerre totale, longue et mondiale. Selon eux (et tout les états-majors à l’époque) ce sera une guerre courte.]

      Il est d’ailleurs intéressant de relever combien ce fantasme de la « guerre courte » a conduit aux plus grossières erreurs stratégiques. On a déjà parlé de 1914, mais on peut citer aussi l’attaque contre l’URSS en 1941 – Hitler était persuadé que son armée hivernerait en pays conquis. Sans compter avec la guerre du Vietnam ou, plus près de nous, l’intervention en Irak.

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      [Il est d’ailleurs intéressant de relever combien ce fantasme de la « guerre courte » a conduit aux plus grossières erreurs stratégiques.]

      C’est vrai mais depuis les dernières déconvenues expéditionnaires occidentales – et surtout américaines – en Irak et en Afghanistan j’ai l’impression que désormais la tendance est un peu inverse, à tout faire pour éviter de s’engager au sol. Cela évite certes les désastres et les bourbiers éventuels mais ne permet pas non plus de porter des coups décisifs à l’ennemi.

    • odp dit :

      @ Carnot, Descartes

      [Pourriez-vous développer un peu ?]

      Je vais développer, tout en précisant que je ne suis ni historien ni même un érudit ; je ne prétends donc pas tout savoir et peux même me tromper. Il se trouve simplement que la guerre de 14-18 étant l’une de mes périodes favorites au sein de l’histoire de France et que quand on aime on ne compte pas, j’ai fini, à force, par lire un nombre conséquent de bouquins sur le sujet.

      En l’occurrence, je tire mes “connaissances” ou plutôt le souvenir de mes connaissances des 4 livres suivants: Le dernier été de l’Europe (David Fromkin), Somnambules (Christopher Clarke), La grande illusion (Georges-Henri Soutou) et 1914 (Jean-Yves Le Naour).

      A noter que chacun de ces historiens défend une thèse différente; ce qui montre à quel point les choses sont complexes et sujettes à interprétation diverses et variées.

      La thèse du machiavélisme allemand qui aurait consisté à “chauffer” l’Autriche (le fameux chèque en blanc) pour tester la Russie et créer l’occasion de mener d’une guerre préventive mais, formellement, défensive contre celle-ci afin de laisser l’Angleterre (et voire la France) hors du jeu est, comme je l’ai dit, plus ou moins celle de David Fromkin. Les élites militaires allemandes étaient en effet obsédés par la menace russe et souhaitaient l’affronter avant que le potentiel de l’armée russe ne dépasse, grâce à l’or français notamment, celui de l’armée allemande. Il y avait dont une sorte de course contre la montre pour s’assurer l’occasion d’une guerre en position favorable avant qu’il ne soit trop tard. Néanmoins, si cette volonté d’en découdre était réelle au sein de l’Etat-Major, elle était loin d’être partagée par tous et notamment pas par Bethmann-Holweg ni par Guillaume II qui à plusieurs reprises pendant le mois de juillet chercha à juguler la crise.

      +++

      Pour ce qui est des zones d’ombres côté français, elles se concentrent sur le trio Poincaré, Paléologue et Delcassé. Voilà 3 hommes, tous “faucons”, qui se connaissent et qui dirigèrent les centres névralgiques (à Paris ou à St-Pétersbourg) de la diplomatie française pendant les 15 ans qui précédèrent la guerre. Je cite G-H Soutou: “Poincaré et Delcassé se connaissent très bien et se voient très souvent. Poincaré et Paléologue sont d’anciens camarades de lycée et se tutoient. Palélogue a été le principal collaborateur de Delcassé au Quai d’Orsay, de 1898 à 1905. En 1913, Poincaré envoie Delcassé comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg. Son successeur sera Paléologue. On peut dire que l’alliance franco-russe est leur affaire et que, de 1913 à 1915, lorsque Delcassé quitte le Quai d’Orsay, où il est revenu en 1914, toutes les relations franco-russes passent par ces trois hommes… c’était une nouvelle orientation diplomatique, plus dure et plus ambitieuse que la précédente, et qui engageait un groupe étroit et assez fermé sans que la majorité du personnel politique en eût clairement conscience.”

      Ainsi, Poincaré, parlant des russes: “c’est avec ces gens-là que nous pourrons aller sur le Rhin”. Abel Ferry, Vosgien, fervent patriote et mort au front en 1918 a dressé, dans ses carnets secrets, un portrait saisissant de Delcassé après qu’il lui a rendu visite le 30 Juillet 1914 (i.e. entre l’ultimatum à la Serbie et les déclarations de guerre): “Je vis longuement Delcassé. Voici que je le vis soudain grandir, s’égaler à Bismarck. Il parlait, il évoquait tout son passé. Il me semblait que je voyais la petite araignée dans les fils de laquelle l’Allemagne venait de se jeter. Dans un raccourci impressionnant, il retraça toute son œuvre et exposa ses moyens d’actions: l’armée française fortement organisée et tout un système d’alliances. L’Allemagne ne pouvait plus vivre dans le monde qu’il lui avait fait, trop étroit pour sa croissance”. Enfin, Paléologue est le plus excentrique et tête brûlé des trois et qui croit fermement aux rôle des Grands Hommes (parmi lesquels il se classe évidemment) et des Choix Fatidiques dans l’Histoire. “Romancier plus que diplomate”, la tête pleine “d’horizons, de nuées et d’orage menaçants”, “excitable”, “mythomane”, “enclin à propager rumeurs alarmistes et nouvelles à sensation”, c’est également le plus proche des événements puisqu’il est ambassadeur à St-Pétersbourg en juillet 1914. Pour la plupart des diplomates du Quai d’Orsay, il ne doit bien évidemment son ascension qu’à son amitié avec Poincaré et Delcassé. Il jouera un rôle très controversé au moment de la mobilisation russe et fut accusé d’avoir retardé à dessein le télégramme l’annonçant à Paris afin de s’assurer que le coup soit parti et que le gouvernement français ne puisse plus être en position d’intervenir.

      Toute la question est en effet de savoir si ces trois hommes n’auraient pas poussé la Russie à la guerre afin de régler son compte à l’Allemagne. Et de fait, c’est bien la Russie qui la première recourut à l’irrémédiable en décrétant la mobilisation. Bien sûr, il ne s’agit que de conjectures et de supputations puisque rien dans les archives ne permet de le dire mais le fait que celles-ci aient été soigneusement caviardées dans le Livre jaune sur les causes de la guerre sorti en 14 n’est pas forcément rassurant sur leur intégrité (http://www.persee.fr/doc/mat_0769-3206_2000_num_58_1_404247). Notez bien que nul ne connaît le rôle exact de Delcassé, Paléologue et Poincaré et que je serais quand même enclin à penser, comme la plupart des historiens, qu’ils n’ont pas poussé la Russie à intervenir. Mais ceci souligne simplement qu’il existe aussi des thèses “machiavélistes” pas forcément fantaisistes côté français. Dans ce cas, de toutes façons, cela n’engagerait pas “la France” puisqu’elle aurait été victime de manœuvres secrètes d’une poignée d’homme politiques et de fonctionnaires.

      Dans ce contexte, le fait que les troupes françaises aient stationné à 10 km de la frontière ne change rien: le souvenir de 1870 était trop cuisant où la France était apparue aux yeux de l’Europe comme fauteuse de guerre et par conséquent sans allié. Il fallait absolument que cela ne se reproduise pas: tout comme Bismarck voulait absolument que ce soit la France qui déclare la guerre en 1870 pour fédérer l’Allemagne; en 1914, la France, qui savait que l’Allemagne chercherait à passer en Belgique, voulait à tout prix qu’il n’y ait aucun doute sur “l’agresseur” afin de préserver l’alliance anglaise.

      +++

      Enfin, côté anglais, ce qui est frappant à la lecture de l’ouvrage de Christopher Clarke c’est à quel point Edward Grey, Ministre des Affaires Etrangères avait “privatisé” la politique anglaise, n’informant ni le 1er ministre ni le parlement de l’ampleur des engagements de son pays envers la triple Entente et mettant littéralement tout le pays devant le fait accompli.

      http://www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_2000_num_39_1_1803
      https://www.aphg.fr/l-enseignant/universite/pedagogie/Controverse-sur-les-causes-de-la
      https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2014-1-page-216.htm

    • Descartes dit :

      @ odp

      [A noter que chacun de ces historiens défend une thèse différente; ce qui montre à quel point les choses sont complexes et sujettes à interprétation diverses et variées.]

      Tout à fait. Outre le risque d’anachronisme, et celui d’oublier que les personnages de l’époque, à différence de nous, ne connaissaient pas le résultat de leurs actions et n’avaient pas toujours les moyens de l’anticiper, on parle de débats dont les conclusions ont encore aujourd’hui une charge symbolique et politique considérable. Les rapports franco-allemands ont été vendus à partir d’une certaine fiction. Imaginez-vous si les conclusions des travaux historiques venaient à la contredire…

      [Toute la question est en effet de savoir si ces trois hommes n’auraient pas poussé la Russie à la guerre afin de régler son compte à l’Allemagne.]

      Je vois que vous aussi, comme Paléologue, vous croyez au rôle des « Grands Hommes »… il est très probable que ces trois hommes aient fait de leur mieux pour pousser al Russie à faire la guerre. Mais trois hommes ne changent pas l’histoire à eux seuls. Ils peuvent canaliser les forces qui existent, mais encore faut-il avoir quelque chose à canaliser. Pourquoi la Russie aurait-elle fait la guerre à l’Allemagne ? Historiquement, la stratégie de la Russie n’a pas été d’augmenter son territoire, mais plutôt de s’entourer d’un « glacis » pour se protéger des agressions et de maintenir ouvertes ses routes commerciales. Ce n’est donc pas du côté de la Russie qu’il faut chercher une politique expansionniste.

      On revient toujours à la même question : c’est la Prusse, puissance continentale « coincée » par ses voisins, qui se trouve dans la situation de rechercher son expansion territoriale en Europe. La France et l’Angleterre, une fois leurs frontières métropolitaines stabilisées, avaient l’option coloniale. La Russie avait un territoire qui dépassait largement ses capacités d’organisation et de mise en valeur. La Prusse, tout comme l’Autriche, n’avaient aucune de ces options. Il n’est donc pas surprenant que les doctrines du type « espace vital » soient venues de ce côté-là, avec les politiques d’expansion agressive qui vont avec. Qu’ensuite des hommes politiques, des ministres ou des empereurs aient utilisé ces forces avec plus ou moins de bonheur c’est un autre problème. Mais ces forces existaient… et existent toujours !

    • odp dit :

      @ Descartes

      [Pourquoi la Russie aurait-elle fait la guerre à l’Allemagne ? Historiquement, la stratégie de la Russie n’a pas été d’augmenter son territoire, mais plutôt de s’entourer d’un « glacis » pour se protéger des agressions et de maintenir ouvertes ses routes commerciales. Ce n’est donc pas du côté de la Russie qu’il faut chercher une politique expansionniste.]

      Je reconnais là l’argumentaire, pas toujours infondé, des sympathisants communistes pour démontrer que le pays où “le pain sera bientôt gratuit” et où les “fraises et les cerises poussent vers le nord” était également une puissance fondamentalement conservatrice et partant “pacifiste”.

      Outre que ledit argumentaire souffre déjà de quelques failles pour l’URSS (cf. Budapest, Cuba, Prague, Kaboul et Varsovie), il est, me semble-t-il, tout à fait hors de propos pour la Russie tsariste, quintessence de puissance expansionniste.

      Sur la période qui nous occupe (1850-1914), la pression russe au Sud-Ouest (Empire Ottoman), au Sud (Asie Centrale) et à l’Est (Mandchourie) fut telle que la Russie eut à mener deux guerres majeures (Guerre de Crimée et Guerre Russo-Japonaise) et prit le contrôle du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, du Turkménistan et de la Mandchourie. Comme politique non-expansionniste on fait mieux.

      Par ailleurs, pour l’affaire qui nous occupe, les premiers à avoir internationalisé la crise furent les russes, qui décidèrent la mobilisation générale contre l’Autriche et son allié l’Allemagne pour la défense d’un pays avec lequel ils n’avaient même pas de traité de défense (la Serbie). D’une certaine façon, on peut dire que les français ont fait la guerre pour la défense des intérêts russes dans les Balkans – ce qui aurait fait se dresser les cheveux sur la tête des “pères de la République” mais fut en effet la direction qu’imprimèrent Delcassé et Poincaré à l’Alliance Franco-Russe, alors qu’a contrario la Russie n’avait pas bougé le petit doigt pour la France lors des crises de Tanger et d’Agadir.

      A noter, que selon certains auteurs, l’une des conséquences de long terme de cette malheureuse histoire (faire la guerre pour le maître du Kremlin), fut la prudence française en 1935 lors de la mise en oeuvre du traité d’amitié franco-soviétique d’assistance mutuelle de 1935.

      Pour rappel, texte des télégramme envoyé par Nicolas 1er Guillaumme II le 29 juillet:

      “Dans ce moment si grave, je fais appel à Ton aide. Une guerre ignoble a été déclarée à un pays faible. L’indignation en Russie, indignation que je partage entièrement, est énorme. Je prévois que bientôt je serai entraîné par la pression qui s’exerce sur moi et que je serais forcé de prendre des mesures extrêmes qui conduiront à la guerre. Pour tâcher d’éviter une calamité telle qu’une guerre européenne, je Te prie, au nom de notre vieille amitié, de faire ce que Tu peux pour empêcher tes alliés d’aller trop loin. Nicky”

      Il apparaît clairement que la Russie est prête à déclencher une guerre Européenne pour la Serbie et que la France l’a suivie – comme l’avait prémonitoirement envisagé Delcassé en 1913 dans une conversation avec Stephen Pichon, alors Ministre des Affaires Etrangères qui lui demandait de faire comprendre aux russes “que nous ne marcherions pas pour les chimères du panslavisme”:

      Delcassé: “Je vous garantit que l’Empereur Nicolas et ses ministres sont absolument pacifiques. Je considère néanmoins que, d’un jour à l’autre, ils peuvent être débordés par une grande houle de nationalisme slave et se voir obligés d’attaquer l’Autriche pour lui disputer la suprématie dans les Balkans. Et cela se produirait pas plus tard que demain si l’Autriche essayait de violenter la Serbie. Que ferions-nous alors? Ergoterions-nous sur le texte sacro-saint de l’Alliance pour démontrer à la Russie qu’elle ne doit pas compter sur nous? La laisserions-nous seule aux prises avec l’Autriche, sous la menace d’une intervention allemande? Hein, que ferions-nous? Je vais vous le dire, moi, ce que nous ferions: nous mobiliserions.”

      Paroles prémonitoires!

      A noter que si Berlin a pu penser utiliser l’Autriche pour déclencher une guerre préventive contre le Russie, il est clair que la Russie (et plus particulièrement son ambassadeur à Belgrade) a pensé utiliser la Serbie pour déclencher une guerre qui lui permettrait d’obtenir la suprématie dans les Balkans.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Je reconnais là l’argumentaire, pas toujours infondé, des sympathisants communistes pour démontrer que le pays où “le pain sera bientôt gratuit” et où les “fraises et les cerises poussent vers le nord” était également une puissance fondamentalement conservatrice et partant “pacifiste”.]

      Quelque soit la pertinence ou non des arguments utilisés par les « sympathisants communistes » – et vous admettez vous-même que ceux-ci étaient souvent fondés – la discussion ici porte sur des événements antérieurs à 1917. Evoquer ce point sur le mode de l’ironie est un moyen de dévaloriser l’argument présenté par amalgame, sans avoir à contre-argumenter. Ce n’est pas très correct, ce que vous faites là.

      [Outre que ledit argumentaire souffre déjà de quelques failles pour l’URSS (cf. Budapest, Cuba, Prague, Kaboul et Varsovie), il est, me semble-t-il, tout à fait hors de propos pour la Russie tsariste, quintessence de puissance expansionniste.]

      Les exemples que vous signalez confirment au contraire l’argument présenté : Budapest, Prague ou Varsovie constituent le « glacis » dont j’avais parlé plus haut. Mais dans l’affaire, Moscou n’a jamais cherché à intégrer la Pologne, la Tchecoslovaquie ou la Hongrie dans l’URSS. Elle s’est contentée d’installer ou de maintenir des gouvernements « amis » acceptant l’intégration dans son système de défense pour obtenir une « profondeur stratégique » suffisante. Elle n’a jamais fait des citoyens polonais, tchèques ou hongrois des citoyens soviétiques. Comparez avec la logique allemande : en 1870, elle annexe l’Alsace Lorraine, et fera de même en 1938 avec les Sudètes, en 1939 avec l’Autriche, et en 1940 avec les départements d’Alsace-Moselle.

      Kaboul rentre aussi dans cette catégorie : l’entrée des troupes soviétiques est une réponse au renversement d’un gouvernement « ami » – l’assassinat du président Taraki – à l’instigation des services américains. Il n’a jamais été dans les buts de guerre soviétiques d’étendre les frontières de l’URSS en annexant des morceaux du territoire afghan, mais d’éviter d’avoir un régime hostile à ses frontières. Là encore, la logique est celle de la construction d’un « glacis » de pays amis, et non d’extension territoriale.

      Vous faites par contre une erreur grossière en incluant Cuba dans la liste. A ma connaissance, Cuba n’a jamais été occupée ni même attaquée par les troupes soviétiques. C’est le gouvernement cubain – un gouvernement dont la prise de pouvoir a reçu plus de soutien de la part des américains que des soviétiques, d’ailleurs – qui après une fâcherie avec son voisin du nord a cherché l’alliance avec l’URSS. Aucune chance d’extension territoriale dans cette direction.

      Conclusion : la politique constante de l’URSS vis-à-vis de ses voisins n’a pas été guidé par un objectif d’extension territoriale, mais par la volonté de s’entourer d’un cordon de pays « amis » lui donnant un supplément de profondeur stratégique. Et si l’on admet que les logiques géopolitiques sont bien plus durables et constantes que les avatars politiques, on peut voir dans cette politique une continuité par rapport à la politique de la Russie prérévolutionnaire.

      [Sur la période qui nous occupe (1850-1914), la pression russe au Sud-Ouest (Empire Ottoman), au Sud (Asie Centrale) et à l’Est (Mandchourie) fut telle que la Russie eut à mener deux guerres majeures (Guerre de Crimée et Guerre Russo-Japonaise) et prit le contrôle du Kazakhstan, de l’Ouzbékistan, du Turkménistan et de la Mandchourie. Comme politique non-expansionniste on fait mieux.]

      Là encore, il faut regarder en détail : le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan n’ont jamais été intégrées à la Russie, elles n’ont jamais été des provinces russes. Ce sont des marches frontalières, intégrées à l’empire des tsars à l’issue de conflits de puissance à puissance avec la Grande Bretagne et la Chine. Encore une fois, ce sont des marches frontalières que la Russie veut dominer pour éviter l’installation d’un pouvoir hostile à ses frontières, et non un territoire qu’elle entend annexer à la mère patrie, comme ce fut le cas de l’Alsace Lorraine pour l’Allemagne, pour ne donner qu’un exemple.

      [D’une certaine façon, on peut dire que les français ont fait la guerre pour la défense des intérêts russes dans les Balkans]

      C’est une très grosse exagération. Je ne suis pas persuadé que les troupes françaises seraient rentrées en territoire allemand, si l’Allemagne n’avait pas déclaré la guerre à la France et ses troupes entré en territoire français. En 1940, on a eu la « drôle de guerre »… Mais bien entendu, ni vous ni moi n’en savons rien. C’est de la pure spéculation.

      [Pour rappel, texte des télégramme envoyé par Nicolas 1er Guillaumme II le 29 juillet: (…) Il apparaît clairement que la Russie est prête à déclencher une guerre Européenne pour la Serbie et que la France l’a suivie – comme l’avait prémonitoirement envisagé Delcassé en 1913 dans une conversation avec Stephen Pichon, alors Ministre des Affaires Etrangères qui lui demandait de faire comprendre aux russes “que nous ne marcherions pas pour les chimères du panslavisme”:]

      La seule chose qui « apparaisse clairement » est que Nicolas II prévoyait que la décision de l’Autriche-Hongrie de « punir » un pays avec lequel la Russie avait des liens très forts aurait sur son opinion publique des effets si puissants que le gouvernement russe ne pourrait faire autre chose que mobiliser ses troupes. Encore une fois, en 1914 on n’a pas « déclenché la guerre pour la Serbie », pas plus qu’il ne s’agissait de « mourir pour Dantzig » en 1939. Il ne faut pas confondre la cause et l’élément déclencheur.

      [Delcassé: (…) Paroles prémonitoires!]

      En effet. Parce que Delcassé savait bien qu’on ne pouvait pas permettre à l’Allemagne de battre la Russie. Elle se serait ensuite retournée contre nous, comme le prévoyait le plan Schlieffen.

  25. morel dit :

    Commémorer : latin commemorare, de memorare, rappeler. Rappeler par une cérémonie le souvenir d’une personne ou d’un événement.
    A ce titre, il ne s’agit pas de célébrer au sens festif (anniversaire, 14 juillet date symbolique du début de la fin de la monarchie d’où bal du 14 juillet). D’ailleurs quel crétin peut donner cette tonalité à un événement tragique ? Il ne s’est pas désigné ou plutôt ils se sont tous désignés en faisant bloc derrière le « nauséabond ».
    Soulignons la pertinence de votre oxymore : « commémorer sans mémoire ».
    Je m’interroge sur la démultiplication des célébrations dans notre société. Passons sur les proportions démesurées prises par certains anniversaires personnels en particulier celui des enfants ou des jeunes et ne croyez pas que je suis un pisse-vinaigre, passons sur le Xième « anniversaire » de tel ou tel grand magasin qui m’irrite beaucoup plus.
    Dans un domaine plus institutionnel, les centenaires de la mort ou naissance d’hommes célèbres parfois intéressants (année Hugo par ex), savez-vous que pour 2016-17 l’Unesco a retenu pour la France :
    – bicentenaire de la mort de Madame de Staël, romancière et essayiste (1766-1817) (avec l’appui de l’Allemagne et de la Suisse)
    – centenaire de la naissance de Jean Rouch, réalisateur et ethnologue (1917-2004) (avec l’appui du Mali et du Niger)
    – 350e anniversaire de la création de l’Académie française des sciences (1666).
    Cette démultiplication, signe sans doute d’une société plus riche m’interroge.
    Ce qui, par contre n’est pas nouveau, c’est la conception de ces célébrations à travers les idées des décisionnels de nos institutions et, à ce titre, on comprend à travers celle de Verdun que nous sommes à un triste moment de notre histoire.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Commémorer : latin commemorare, de memorare, rappeler. Rappeler par une cérémonie le souvenir d’une personne ou d’un événement. A ce titre, il ne s’agit pas de célébrer au sens festif (anniversaire, 14 juillet date symbolique du début de la fin de la monarchie d’où bal du 14 juillet).]

      Et bien, c’est assez révélateur de voir que beaucoup de nos journalistes et de nos hommes politiques confondent allègrement les mots « célébrer » et « commémorer ». Combien de fois j’ai entendu « on célèbre la mort d’untel »…

      [Je m’interroge sur la démultiplication des célébrations dans notre société.]

      Mais souvent ce sont des célébrations sans mémoire. Souvenez vous du bicentenaire de la Révolution, célébré par un défile orchestré par Jean-Paul Goude et qui n’avait aucun rapport avec l’événement qu’il prétendait célébrer… En fait, de plus en plus l’évènement qu’on est censé « célébrer » n’est qu’un prétexte pour faire la fête.

      [Dans un domaine plus institutionnel, les centenaires de la mort ou naissance d’hommes célèbres parfois intéressants (année Hugo par ex),]

      Je pense que c’est un bon prétexte pour faire connaître leur œuvre, par des expositions, des activités culturelles, etc. Encore faut-il le faire en respectant la personne qu’on est censé célébrer.

  26. CVT dit :

    @Descartes,
    C’est le jour J pour la fameuse commémoration. Et moi qui pensait avoir tout vu, avec ce “Black M”, je n’avais rien vu…
    Voici une vidéo de la “cérémonie”, digne de celle du 14 juillet 1989: https://www.youtube.com/watch?v=RU7pVnaxCM8

    Et comme un symbole, voici un cadeau Bonux:
    http://www.huffingtonpost.fr/2016/05/29/francois-hollande-verdun_n_10195024.html?utm_hp_ref=france

    Cet enfoiré (je n’ai pas d’autres mots plus poli en réserve) de François Hollande nous aura vraiment TOUT fait: j’ai honte…

  27. François dit :

    Malheureusement, le gouvernement a réussi à se rattraper en organisant une sorte de footing géant sur les tombes des poilus à Verdun lors des commémorations du centenaire de la bataille. Le concert de Black M n’était donc pas un écart dans les commémoration, mais était bien intégré dans un plan de “commémoration festive”. C’est à se demander si la France mérite encore le titre de civilisation. C’est à se demander pourquoi les poilus sont allés mourir à Verdun. S’ils avaient su dans quel état de décadence la France se trouve en 2016. Personnellement j’hésiterais à sacrifier ma vie pour défendre mon pays si je sait que les responsables de mon pays organisent le piétinement de ma tombe.

    Autrement si la venue de Mme Merkel peut s’avérer choquante, cette semaine, dans le domaine des commémoration, je crois que l’on peut faire difficilement plus indécent avec la venue de M Obama à Hiroshima. Voila le seul pays au monde à avoir utilisé l’arme atomique donner des leçons de morale au reste de la planète au lieu exact où elle a été utilisée, sans en plus s’en excuser. Qu’attend M Obama pour donner l’exemple en lançant le démantèlement unilatéral de son arsenal atomique

    • Descartes dit :

      @ François

      [Malheureusement, le gouvernement a réussi à se rattraper en organisant une sorte de footing géant sur les tombes des poilus à Verdun lors des commémorations du centenaire de la bataille.]

      Je ne sais pas ce qui est plus absurde : cette espèce de « footing » mettant en scène des jeunes en tenue de ville faisant un footing entre les tombes avant de faire semblant de se battre sans qu’on puisse identifier ni qui ils étaient censés représenter, ni pourquoi ils se battaient ; ou bien la description des journalistes parlant de « spectacle ». En tout cas, tout était fait pour accréditer la « vulgate » européenne : les gens se sont battus on ne sait pas pourquoi.

      [Le concert de Black M n’était donc pas un écart dans les commémorations, mais était bien intégré dans un plan de “commémoration festive”.]

      Bien entendu. C’est ce que j’ai décrit dans mon papier : le but n’est pas la mémoire, mais l’oubli. Le but n’est pas de garder vivante la mémoire de ceux qui se sont battus, de leurs motivations, de leur sacrifice. Le but est de dire « tout ça ne servait à rien, on peut oublier ». D’où ce refrain lancinant du « ces gens sont morts pour rien » ou « c’était une guerre absurde ».

      [C’est à se demander si la France mérite encore le titre de civilisation.]

      Ne confondez pas « la France » avec cette petite soi-disant élite qui prétend fixer les canons culturels. Je doute que beaucoup de français aient apprécié la forme qu’ont prises les commémorations de Verdun.

    • François dit :

      @Descartes,
      La majorité des Français rejette la façon dont la bataille de Verdun a été commémorée, on est d’accord sur ce ce point. Le problème, c’est que pour un observateur étranger, cela n’a peu d’importance. Il voit juste les représentants d’un pays élus par celui-ci autoriser le piétinement des tombes de leurs ancêtres. Il ne s’agit pas non plus d’un “accident”; la nouvelle majorité que les Français vont élire l’année prochaine pourrait très bien faire ce même genre de commémoration. Il est sidérant de voir comment en l’espace de 50 ans, la France est arrivée à un tel point de déchéance. Je compare avec la façon dont les Russes célèbrent dignement les héros de la Grande Guerre Patriotique notamment avec leur régiment des immortels.
      Quand on entend qu’aux États-Unis la polémique du moment consiste à savoir dans quelles toilettes les transsexuels doivent aller alors que la Russie a organisé au même moment un concert dans les ruines de Palmyre libérée, je me dis que la Civilisation se trouve d’abord à l’Est. Ce genre de comparaison peut amener à exécrer les démocraties libérales et adorer les régimes autoritaires.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Le problème, c’est que pour un observateur étranger, cela n’a peu d’importance. Il voit juste les représentants d’un pays élus par celui-ci autoriser le piétinement des tombes de leurs ancêtres. Il ne s’agit pas non plus d’un “accident”; la nouvelle majorité que les Français vont élire l’année prochaine pourrait très bien faire ce même genre de commémoration.]

      Bien entendu. Pour le capitalisme néolibéral, les nations sont un obstacle. Et pour lever cet obstacle, il faut casser ce qui donne sa cohésion aux nations, c’est-à-dire, la mémoire. De ce point de vue, il n’y a aucune différence entre la gauche « social-libérale », le centre et la droite néolibérale. Pour eux, la construction européenne frappe de caducité toute l’histoire antérieure. C’est un chapitre fermé qu’on peut oublier pour regarder vers l’avenir. La construction de la commémoration de Verdun suit exactement cette doctrine : des jeunes français et allemands que rien ne distingue courent à côté des tombes et miment ensuite un combat dont on ne connaît ni l’origine, ni la raison.

      [Quand on entend qu’aux États-Unis la polémique du moment consiste à savoir dans quelles toilettes les transsexuels doivent aller alors que la Russie a organisé au même moment un concert dans les ruines de Palmyre libérée, je me dis que la Civilisation se trouve d’abord à l’Est.]

      Je ne sais pas si elle se trouve à l’Est, mais je dois avouer que le coup du concert de Palmyre est un coup de maître. J’aurais aimé que la France soit capable de ce genre d’initiatives.

    • odp dit :

      @ François (puis Descartes)

      En ce qui concerne la présence d’Obama à Hiroshima, je suis très impressionné par la désinvolture avec laquelle vous maniez le double standard.

      J’avais cru comprendre que sur ce blog on estimait que la repentance c’était mal… Manifestement pas pour les USA. Et je ne parle même pas du fait, qu’en cette affaire, ce sont les USA qui ont été agressés ou encore que les Japonais se sont montrés coupables de tant de crimes de guerre (pour un nombre de morts estimé compris entre 15 et 20 millions de personnes) que les 250 000 morts d’Hiroshima et de Nagasaki apparaissent finalement comme bien peu de choses et les victimes collatérales d’une montée aux extrêmes engagées précédemment par les Japonais eux-mêmes… Un peu comme les victimes.

      J’avais cru comprendre qu’il était indécent et déshonorant, pour les français d’inviter Angela Merkel à Verdun et que cela reflétait l’avilissement que 40 années de construction européenne n’avaient pas manqué de produire chez nos compatriotes. Manifestement, ce n’est pas ce que pensent les Japonais (qui ne sont pourtant pas dans l’UE ni n’ont perdu le sens du tragique, de la nation ou de l’honneur) puisque ce sont eux (et plus particulièrement les rescapés des bombardements) qui ont souhaité la présence d’Obama. De manière étrange, à l’autre bout du monde, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Invariant anthropologique plutôt que médiocrité de l’époque ?

      J’avais cru comprendre, en lisant les justifications que Descartes donnaient pour les millions de morts de l’époque stalinienne, que la fin justifiait les moyens… Manifestement pas dans ce cas; même s’il parait évident que “l’efficacité” des frappes nucléaires US a été bien supérieure aux multiples et variés crimes de Staline.

      J’avais cru comprendre enfin que l’hôte de ces lieux favorisait l’analyse rationnelle plutôt que l’émotion; hors chacun sait qu’Hiroshima et Nagasaki furent, sur le plan strictement comptable, moins meurtriers que les bombardements alliés en Allemagne. Il faudrait donc aussi s’excuser pour cela ?

      Finalement j’avais tout compris de travers?

    • François dit :

      @Descartes

      En tous cas, les évènements que nous avons vécu ces derniers temps me fait penser à cet excellent texte de Régis Debray, “Êtes-vous démocrate ou républicain”, j’en cite ici une partie :

      “La mémoire est la vertu première des républiques, comme l’amnésie est la force des démocraties. Là où l’homme fait l’homme, chaque enfant en naissant est âgé de six mille ans. Quand on n’a que l’histoire pour soi, s’amputer du passé serait se mutiler soi-même. Quand c’est Dieu qui fait l’homme, il le refait intact à chaque naissance. Inutile de se remémorer ce qu’il y avait avant nous, chaque époque recommence l’aventure à zéro. Les plus grands honneurs seront rendus ici aux bibliothèques, là aux télévisions. Car, si les bibliothèques sont les cimetières préférés des grands morts, dont le culte définit la culture, la télévision tue le temps agréablement. Une république comme une bibliothèque est composée de plus de morts que de vivants, alors qu’en démocratie comme à la télé seuls les vivants ont le droit d’informer les vivants. Chaque système a ses inconvénients, on en discute.”

    • Descartes dit :

      @ odp

      [J’avais cru comprendre que sur ce blog on estimait que la repentance c’était mal…]

      Si c’est de moi que vous parlez, alors vous avez mal compris. En politique je ne raisonne jamais en termes moraux. La question à se poser est celle de savoir quels sont les intérêts que l’idéologie de la repentance sert.

      [J’avais cru comprendre qu’il était indécent et déshonorant, pour les français d’inviter Angela Merkel à Verdun et que cela reflétait l’avilissement que 40 années de construction européenne n’avaient pas manqué de produire chez nos compatriotes.]

      Et bien, si c’est toujours à moi que vous vous adressez, vous avez mal compris. Je vous mets au défi de m’indiquer où j’aurais parlé de « indécent » ou « déshonorant ». Là encore, la question est de savoir ce que cette invitation représente, et quels sont les intérêts que l’idéologie de la « reconciliation » (car il ne s’agit pas ici de la moindre « repentance ») sert.

      [Manifestement, ce n’est pas ce que pensent les Japonais (qui ne sont pourtant pas dans l’UE ni n’ont perdu le sens du tragique, de la nation ou de l’honneur) puisque ce sont eux (et plus particulièrement les rescapés des bombardements) qui ont souhaité la présence d’Obama.]

      J’attire votre attention sur un point qui vous a échappé : en invitant Obama, c’est l’agresseur qui invite l’agressé. Alors que dans le cas de la présence de Merkel à Verdun – ou de Wolff à Oradour sur Glane – c’est l’agressé qui invite l’agresseur. Ce qui est très différent. J’ai essayé de trouver un cas où un président français ait été invité en Allemagne sur le site d’une victoire française pour commémorer les morts. Je n’ai rien trouvé…

      [J’avais cru comprendre, en lisant les justifications que Descartes donnaient pour les millions de morts de l’époque stalinienne, que la fin justifiait les moyens…]

      C’est fou ce que vous « croyez comprendre ». Je dois expliquer très mal… Encore une fois, je n’examine pas l’histoire en termes moraux. La question de savoir si les frappes sur Hiroshima et Nagasaki étaient « justifiée » m’intéresse moins que de savoir quels étaient les vrais objectifs de ces frappes…

      [Manifestement pas dans ce cas; même s’il parait évident que “l’efficacité” des frappes nucléaires US a été bien supérieure aux multiples et variés crimes de Staline.]

      L’efficacité ne se mesure qu’à l’aune de l’objectif poursuivi. Il faudrait donc déjà savoir quel était cet objectif…

    • Descartes dit :

      @ François

      [me fait penser à cet excellent texte de Régis Debray, “Êtes-vous démocrate ou républicain”]

      Un très bon texte en effet !

    • odp dit :

      [Si c’est de moi que vous parlez, alors vous avez mal compris. En politique je ne raisonne jamais en termes moraux. La question à se poser est celle de savoir quels sont les intérêts que l’idéologie de la repentance sert].

      Quand je dis “c’est mal”, c’est une métaphore et ça ne change rien au problème du double standard. Pourquoi faudrait-il condamner la repentance pour la France et la souhaiter pour les USA?

      [J’attire votre attention sur un point qui vous a échappé : en invitant Obama, c’est l’agresseur qui invite l’agressé. Alors que dans le cas de la présence de Merkel à Verdun – ou de Wolff à Oradour sur Glane – c’est l’agressé qui invite l’agresseur. Ce qui est très différent. J’ai essayé de trouver un cas où un président français ait été invité en Allemagne sur le site d’une victoire française pour commémorer les morts. Je n’ai rien trouvé…]

      Parfois mes collègues me surnomment Gorgias mais là j’ai trouvé mon maître. Ce retournement de perspectives, c’est du grand art. Néanmoins, je me permet de vous faire remarquer que “François” (qui semble avoir égaré son ordinateur depuis…) condamnait la venue d’Obama à Hiroshima parce qu’il était l’agresseur et refusait de s’excuser.

      Que les USA aient été les premiers à être agressé par le Japon est un fait historique que j’ai d’ailleurs rappelé à François dans mon commentaire initial; de même que les nombreux crimes de guerre japonais qui peuvent également “expliquer” cette montée aux extrêmes.

      Si vous pensiez qu’Obama était tout à fait légitime à Hiroshima en tant qu’agressé, il fallait alors fait part de votre opinion à François qui j’en suis sûr l’aurait apprécié à sa juste valeur si j’en juge par la tonalité de son commentaire.

      [L’efficacité ne se mesure qu’à l’aune de l’objectif poursuivi. Il faudrait donc déjà savoir quel était cet objectif…]

      L’objectif était selon moi, double: obtenir une capitulation rapide du Japon et tenir en respect l’Armée Rouge dont la sombre silhouette commençait à s’étendre sur l’Europe. Deux objectifs tout à fait louables selon moi.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Pourquoi faudrait-il condamner la repentance pour la France et la souhaiter pour les USA?]

      Pour emmerder les américains ? 😉
      Maintenant sérieusement : l’accusation de double standard ne s’applique pas à moi. Je n’ai jamais souhaité la « repentance » des USA, et je trouve que Obama a été très digne sur cette question. Le repentir de Truman aurait été un geste de grandeur. Mais Truman est mort, et personne ne peut se repentir à sa place. Quant aux nations, le repentir ne fait pas partie de leurs compétences.

      [J’attire votre attention sur un point qui vous a échappé : en invitant Obama, c’est l’agresseur qui invite l’agressé. Alors que dans le cas de la présence de Merkel à Verdun – ou de Wolff à Oradour sur Glane – c’est l’agressé qui invite l’agresseur. Ce qui est très différent. J’ai essayé de trouver un cas où un président français ait été invité en Allemagne sur le site d’une victoire française pour commémorer les morts. Je n’ai rien trouvé…]

      [Parfois mes collègues me surnomment Gorgias mais là j’ai trouvé mon maître.]

      Je prends ça pour un compliment…

      [Si vous pensiez qu’Obama était tout à fait légitime à Hiroshima en tant qu’agressé, il fallait alors fait part de votre opinion à François qui j’en suis sûr l’aurait apprécié à sa juste valeur si j’en juge par la tonalité de son commentaire.]

      Comme disait Gorgias, « si j’ai vécu vieux, c’est parce que je n’ai jamais fait une chose en vue de plaire à quelqu’un ». Il me semble assez évident que dans la guerre entre les Etats-Unis et le Japon, c’est le Japon qui est l’agresseur. On peut toujours discuter si cela justifiait l’usage de la bombe atomique, mais l’agression me paraît incontestable.

      [« L’efficacité ne se mesure qu’à l’aune de l’objectif poursuivi. Il faudrait donc déjà savoir quel était cet objectif… » L’objectif était selon moi, double: obtenir une capitulation rapide du Japon et tenir en respect l’Armée Rouge dont la sombre silhouette commençait à s’étendre sur l’Europe. Deux objectifs tout à fait louables selon moi.]

      Peut-être, mais si l’on admet la réalité du deuxième objectif, alors le bombardement d’Hiroshima est un crime contre l’humanité.

    • OdP dit :

      @ Descartes

      Nous sommes d’accord sur l’essentiel. J’en suis ravi. Finalement la convergence c’est quand même plus sympa que la divergence!

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Nous sommes d’accord sur l’essentiel. J’en suis ravi.]

      Je ne suis pas sur que nous soyons même d’accord sur ce qui est l’essentiel… 😉 Mais j’interprète votre commentaire dans le sens que nous pouvons être en désaccord sur les conclusions tout en étant d’accord sur le besoin d’une méthode rigoureuse d’analyse. Et je m’en réjouis aussi.

    • odp dit :

      [Je ne suis pas sur que nous soyons même d’accord sur ce qui est l’essentiel… 😉 Mais j’interprète votre commentaire dans le sens que nous pouvons être en désaccord sur les conclusions tout en étant d’accord sur le besoin d’une méthode rigoureuse d’analyse. Et je m’en réjouis aussi.]

      C’est en effet ce que je voulais dire: au moins parlons-nous la même langue.

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