Le propre des crises est de mettre dramatiquement en évidence les faiblesses d’un système, d’un régime, d’une organisation. De la même manière qu’une charpente vermoulue semble tenir bon jusqu’à ce qu’un coup de vent provoque sa chute, la crise du coronavirus est en train de révéler toute une série de faiblesses de notre économie qui en temps normal restaient pudiquement cachées, et d’autant plus cachées que tout le monde – du monde qui lit Le Monde, s’entend – avait décidé de ne pas les voir. C’est fou combien les hommes sont capables d’ignorer un éléphant au milieu de leur salle à manger quand ils ont décidé que la cécité sert leurs intérêts.
Cette cécité sélective n’est pas le résultat du hasard. Voir l’éléphant en question remettrait en cause les choix que nos classes dominantes ont fait et poursuivi systématiquement depuis quarante ans. Aujourd’hui nous sommes arrivés au bout du chemin : notre industrie était en mauvaise posture avant la crise, de larges pans risquent de ne pas survivre au coronavirus, et avec eux partiront dans l’oubli un énorme capital de savoir-faire, sans compter les centaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Et pendant ce temps, nos parlementaires se déchirent sur la question de « la PMA pour tous » et bientôt la GPA pour les mêmes… ce qui nous ramène à l’éléphant dans notre salle à manger.
Pour comprendre comment on est arrivé là, il faut remonter au début de l’histoire, c’est-à-dire, aux années 1970, quand les classes intermédiaires – c’est-à-dire, le groupe social dont les intérêts sont les plus éloignés de la question industrielle – sont devenues idéologiquement dominantes et que le modèle libéral-libertaire a commencé à s’établir pour devenir pensée unique au tournant des années 1980-90.
L’idée implicite de cette pensée unique est le rejet de la régulation administrative et institutionnelle, laissant au marché « libre et non faussé » le rôle de régulateur universel de l’économie et de la société. Bien entendu, ce n’était pas partout formulé ni assumé intellectuellement en ces termes. Les libéraux assumés ne sont pas finalement si nombreux que ça chez nous, et si l’on excepte la parenthèse 1986-88, ils n’ont jamais été véritablement au pouvoir. Nous avons plutôt vu à l’œuvre des libéraux honteux, ceux qui ont attaqué l’Etat et les institutions, qui ont promu la décentralisation et la construction européenne ont comme monsieur Jourdain fait du libéralisme sans le savoir, et ouvert la porte au règne exclusif du marché. Souvenez-vous de ceux qui ont fait voter « oui » à la ratification du traité de Maastricht en le qualifiant de « compromis de gauche »… En pratique, l’affaiblissement de l’Etat et des institutions qui lui sont rattachées ne pouvait qu’aboutir à un vide, un vide que le marché s’est empressé de combler.
Ainsi, on a mis bas toutes les barrières à la libre concurrence, en nous expliquait qu’ainsi on aurait une économie dynamique proposant aux consommateurs les produits de qualité et les prix les plus bas, compétitive à l’échelle internationale. L’ennui, c’est qu’on a oublié que l’homme n’est pas seulement consommateur : il est aussi producteur et citoyen, deux aspects qu’on a très vite sacrifiés. Oui, le consommateur trouve tout au meilleur prix, mais le travailleur ne gagne plus assez pour pouvoir se le payer, quand il n’est pas au chômage. Quant au citoyen, il voit les décisions fondamentales lui échapper devant la dictature des marchés et des conseils d’administration.
La concurrence « libre et non faussée », n’en déplaise à ses thuriféraires, profite toujours au facteur de production le plus mobile et le plus rare, tout simplement parce qu’en étant mobile il peut aller s’investir là où le profit est maximal et imposer ses conditions. Et dans le capitalisme développé, le facteur le plus mobile et le plus rare est de très loin le capital – qu’il soit matériel ou immatériel, d’ailleurs. Le système de la concurrence sans frontières laisse donc l’alternatives suivante : ou bien on baisse le niveau de vie des travailleurs non mobiles et les contraintes réglementaires pour sauvegarder la sacro-sainte « compétitivité » – sans quoi le capital ira s’investir ailleurs, là où les salaires sont plus faibles et les réglementations moins exigeantes – soit on conserve le niveau de vie et la réglementation au prix d’une lente attrition de l’appareil productif faute d’investissement et d’un endettement croissant. C’est dans cette logique que l’économie française – et celle de nos voisins européens – fonctionne, même si certains pays peuvent se permettre, grâce au contrôle de la politique monétaire, de sauvegarder leur compétitivité internationale en exportant le chômage chez les autres.
L’illusion qu’on pouvait rester compétitifs grâce à notre avance technologique a vécu : les Japonais, les Chinois, les Coréens, les Vietnamiens – sans compter les Américains, les Canadiens ou les Allemands – ont aujourd’hui accès aux mêmes technologies que nous. Et si nous avons un petit avantage grâce à la qualité de nos infrastructures et de notre système éducatif, le manque d’exigence et d’investissement réduit cet avantage jour après jour, sans parler d’une réglementation environnementale chaque jour plus délirante (1). Le poids écrasant pris par le tourisme dans les économies européennes n’est pas un hasard : c’est le seul et unique secteur dans lequel l’Europe garde un « avantage compétitif » non délocalisable, puisque lié à son passé et à son territoire. Enfin, pour le moment : si les Chinois viennent voir Chambord ou la tour de Pise, c’est parce que la culture européenne reste intellectuellement dominante. Rien n’assure que dans vingt ou trente ans ce sera encore le cas, que les élites chinoises ne préféreront aller voir « La guerre des Etoiles » à Disneyworld plutôt que la Joconde au Louvre.
C’est pourquoi l’augmentation massive des dettes et la lente dégradation du niveau de vie des couches populaires ne devrait surprendre personne. C’est la conséquence directe d’un choix politique et économique qui confie les manettes de l’économie aux marchés. Notre main d’œuvre la moins qualifiée est ainsi engagée dans une compétition qu’elle ne peut gagner qu’en sacrifiant son niveau de vie. Et comme il est politiquement impensable d’imposer un tel sacrifice d’un seul coup, on s’endette pour « lisser » cette décroissance, pour la rendre politiquement acceptable. A l’autre bout du spectre, le capital peut aller rechercher la main d’œuvre ailleurs, là où c’est le plus rentable, et empocher de succulents bénéfices. Il ne restera bientôt chez nous que ce qui ne peut être – ou qu’il n’est pas intéressant de délocaliser : les services à haute valeur ajoutée pour la deuxième catégorie, les services à la personne pour la première. Et c’est l’industrie qui trinquera le plus.
La crise du Covid-19 a révélé au grand public une réalité sur laquelle tous ceux qui s’intéressent à la politique industrielle tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps, dans l’indifférence générale de nos chers intellectuels et de la classe politico-médiatique, trop occupés avec des sujets aussi fondamentaux que la mémoire de l’esclavage ou le mariage pour tous. Cette réalité est la suivante : une bonne partie de notre tissu industriel a disparu, et avec lui des savoir-faire stratégiques, qu’il a fallu des générations pour construire. Et pour rester compétitifs, ce qui en reste a du comprimer jusqu’à l’absurde ses investissements, délocaliser une partie de ses chaînes de valeur et réduire dramatiquement ses marges de sécurité. Nos industries vivent dans un équilibre précaire ou le moindre choc externe, la moindre pichenette les met en très grande difficulté. Même ses géants industriels – ou supposés tels – comme Airbus, Alstom ou Renault se révèlent incapables de tenir plus de quelques mois sans procéder à des licenciements massifs, et encore, malgré une aide massive de l’Etat. Et je ne vous parle même pas de la longue liste d’entreprises industrielles qui, au bord de l’effondrement, sont des proies faciles pour des fonds d’investissement ou des entreprises étrangères qui empocheront les aides publiques, siphonneront brevets, connaissances, compétences et contrats puis fermeront la boutique – l’exemple Alstom ou de Whirlpool est là pour rappeler cette triste réalité.
Dans ce système ou notre industrie opère presque sans réserves de précaution, l’Etat est devenu l’assureur en dernier ressort du système économique. C’est lui qui, en cas de crise, fait le pompier en faisant pleuvoir les milliards. Cela fait un sort au discours libéral qui nous explique que la rémunération du capital est justifiée par les risques que le capitaliste est censé prendre. Ou sont les “risques” pris par le capital quand l’Etat déverse des milliards en cas d’accident, et sans poser la moindre condition sur les dividendes versés aux actionnaires ?
Et si au moins l’Etat utilisait l’opportunité pour soutenir des secteurs stratégiques dans le cadre d’une véritable politique industrielle… Mais en France, l’industrie n’intéresse personne, en dehors de quelques ingénieurs nostalgiques et quelques gaullistes indécrottables. A gauche, même les partis traditionnellement « productivistes » ont viré leur cuti au fur et à mesure que les classes intermédiaires y sont devenues majoritaires. C’est curieusement l’une des très rares sujets sur lesquels il y a un consensus général, qui va de l’extrême droite à l’extrême gauche. On peut voir à la télévision tous les jours des reportages lacrymogènes sur la disparition de « l’agriculture paysanne », de tel ou tel « vieux métier ». Le rachat d’un vignoble par des affreux estrangers provoque des commentaires. Mais la fermeture d’un site industriel, fut-il de pointe, ne fait la « une » des journaux ou des programmes politiques que parce que cela fait disparaître des emplois. La disparition de l’activité elle-même, des machines, des connaissances, du collectif de travail et du savoir-faire qui va avec ne semble inquiéter grand monde. La plupart de nos politiques aurait du mal à dire cinq mots sur l’état de l’industrie de la machine-outil ou celle de l’équipement électronique. C’est pourquoi il y a un risque non négligeable que l’industrie – en tant qu’activité, et non en tant que pourvoyeuse d’emplois – soit la grande oubliée des différents « plans de relance » et aides diverses. Qu’on refile à n’importe quel « repreneur » promettant mondes et merveilles nos joyaux industriels au prétexte de sauver des emplois.
Cela fait trente ans qu’on n’a plus de politique industrielle, que l’industrie n’est abordée que dans le cadre de la politique de l’emploi. On en arrive à cette vision ridicule qui envisage l’activité économique non pas comme productrice de biens, mais comme productrice d’emplois. Et par voie de conséquence, le caractère stratégique d’une industrie se mesure au nombre d’emplois menacés. Pour la gauche militante, la reprise des Thés Eléphant, activité dont le moins qu’on puisse dire est que le caractère stratégique n’est pas avéré mais qui pourvoit des emplois dans une zone sinistrée, suscite autant sinon plus d’intérêt que le sort d’Alstom ou des Fonderies du Poitou. Notre classe politique, nos intellectuels, nos syndicats – toutes orientations confondues – ne voient semble-t-il aucun inconvénient à la disparition de l’industrie à condition que des emplois de substitution soient trouvés. Or, l’histoire des sociétés humaines est celle de l’augmentation de la productivité du travail. Voir l’activité économique comme devant produire d’abord des emplois conduit à s’opposer à tout ce qui peut augmenter la productivité, et donc de proposer un retour en arrière ou tout au moins la préservation d’un statu quo intenable.
En laissant la régulation de l’économie au seul mécanisme de marché, on feint d’ignorer le caractère socialement structurant des activités économiques. Car si pour celui qui doit gagner sa croûte un emploi vaut bien un autre, ce n’est pas le cas au niveau social. Là où le secteur des services n’offre en général que des emplois faiblement qualifiés et intellectuellement peu exigeants, l’industrie crée une exigence toujours plus grande de main d’œuvre hautement qualifiée. C’est pourquoi l’industrie a un effet d’entraînement sur tous les plans : intellectuel, social, politique, stratégique. L’activité industrielle structure un territoire, elle ouvre des débouchés à l’enseignement scientifique et à la recherche. Ce n’est pas par hasard si laboratoires et universités fleurissent là où l’industrie prospère, et qu’on constate la dévitalisation des terroirs lorsque l’activité industrielle disparaît.
A quoi sert de donner une formation scientifique ou technique de haut niveau à des jeunes qui ne trouveront pas d’emploi mettant en jeu ces connaissances ? A quoi bon financer des laboratoires capables d’inventer des merveilles s’il n’existe pas derrière les savoir-faire industriels pour les mettre en production ? Je n’ai rien contre l’artisanat, les services, le tertiaire. Mais je doute fort que ce soit le pays qui aura les meilleurs plombiers, les meilleurs comptables ou les meilleurs avocats qui demain dominera intellectuellement ou économiquement le monde. Au-delà des bavardages de quelques théoriciens de la société « post-industrielle », les réalités parlent : les puissances montantes d’aujourd’hui sont celles et seulement celles dont l’activité industrielle est en expansion. On peut être riche grâce à l’agriculture, les matières premières ou les services financiers. Mais ce n’est pas cela qui fait la prééminence stratégique, politique ou culturelle d’une nation.
Nous vivons dans l’illusion d’être un pays développé qui peut tout faire. Mais il faut regarder la réalité en face : nous avons perdu nombre de savoir-faire et de compétences industriels, faute d’en avoir l’usage chez nous. Nous pouvons toujours être fiers de notre programme nucléaire construit dans les années 1970 à 1990. Mais saurions-nous le refaire aujourd’hui dans les mêmes conditions ? Les déboires de l’EPR à Flamanville montrent que la réponse est probablement négative. Saurions-nous aujourd’hui développer un avion en rupture technologique comme le Concorde ? De construire un train original comme l’était le TGV ? Et on pourrait rallonger la liste des exemples. Aujourd’hui, il faut dix ans pour un chantier qu’il y a trente ans prenait quelques années, et encore, on n’arrive à les mener que parce qu’on va chercher des savoir-faire ailleurs. Peu de gens le savent, mais la fermeture des frontières lors du Covid-19 a provoqué une pluie de demandes de dérogation des industriels. Pour amener de la main d’œuvre bon marché de Bulgarie ou de Pologne, certes, mais aussi et surtout pour pouvoir faire venir des experts techniques de haut niveau de Suède, d’Allemagne, de Corée, des Etats-Unis et même de Chine. Parce que, il faut bien se le dire, nous ne pouvons aujourd’hui faire fonctionner certaines infrastructures, certaines installations industrielles par nos propres moyens. Pas parce que nous sommes devenus idiots, mais parce que dans un contexte de désindustrialisation nos jeunes les plus brillants s’orientent vers les carrières tertiaires, et certainement pas vers des activités qui, dans le contexte actuel, n’ont aucun avenir.
Après 1945, la France a développé de façon autonome une industrie nucléaire. Trois ans après la Libération, diverge la première pile nucléaire française. Si on a pu aller aussi vite, c’est parce que meme si les compétences nucléaires étaient à développer, celles de chaudronnerie, de forge, de soudure, de mécanique, de métallurgie préexistaient parce qu’elles étaient utilisées tous les jours dans les mines et les usines. Pourquoi croyez-vous que les deux EPR chinois, dont la construction a commencé après celui de Flamanville, sont déjà connectés au réseau et produisent à pleine puissance, alors que le nôtre traine lamentablement ? Aujourd’hui, pour forger la cuve de l’EPR on va en Corée, pour faire des soudures convenables on fait venir des experts étrangers. Normal : dans un pays qui a de moins en moins d’usines et qui n’en construire presque pas, que fera un jeune qui choisira la profession de soudeur qualité nucléaire entre deux EPR ?
Quelquefois, on se tire une balle dans le pied dans l’indifférence générale, quand ce n’est pas sous les applaudissements. Prenez par exemple la loi du 30 décembre 2017 « mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures ». Une loi qui met fin – après un délai rendu nécessaire pour ne pas remettre en cause des situations acquises qui auraient abouti à une inconstitutionnalité – à l’exploration gazière et pétrolière et à l’exploitation des ressources ainsi découvertes. C’est ainsi qu’on met fin à une activité commencée dans les années 1950 et qui s’est déroulée paisiblement et sans problèmes depuis. Une activité qui économiquement avait une importance très limitée – aujourd’hui la production nationale représente moins de 2% de la consommation – mais qui permettait de faire vivre la recherche et de maintenir les compétences dans les domaines de la géologie, des forages profonds, de la sismologie… en plus, l’obligation faite aux explorateurs de déposer leurs données auprès de l’Etat permettait une meilleure connaissance de notre sous-sol. Demain, où iront faire leur pratique les futurs géologues ? Où iront les inventeurs de nouvelles techniques faire des essais ? A l’étranger. Et ils y resteront.
Le mécanisme de marché peut – et encore, à condition de pouvoir établir une concurrence « pure et parfaite » ce qui est très rarement le cas – conduire à un optimum économique, à l’usage optimum des facteurs de production. Mais la question ici n’est pas celle de l’optimum économique, mais d’un optimum social. Le marché ne pourrait réguler cet aspect que si l’on réussissait à « internaliser » des externalités sociales comme la qualité des formations ou les intérêts stratégiques de la nation (2). Or, cela paraît particulièrement difficile : Lorsque vous achetez une chemisette made in China, comment estimer le coût du surcroît de chômage que vous aurez à supporter à travers vos prélèvements obligatoires du fait de cet achat ? Lorsqu’un industriel achète une machine-outil étrangère, comment estimer l’effet qu’un tel achat aura par effet d’entraînement sur la recherche ou l’industrie française, sur le contexte social d’une région ?
On ne peut donc pas laisser la régulation au marché. Maintenir une activité industrielle de pointe, recréer des savoir-faire implique une politique volontariste et globale sur le long terme. Une politique fondée sur des priorités industrielles, et non sur le nombre d’emplois crées. Une politique qui soit cohérente dans toutes ses facettes : on ne peut promettre la fermeture de raffineries et centrales nucléaires et inviter les jeunes de s’investir pour devenir chaudronnier ou soudeur nucléaire. On ne peut liquider la production de turbines ou de TGV et pousser des jeunes vers des études sérieuses dans l’électromécanique ou la métallurgie. Aussi longtemps qu’on laissera la décision industrielle au marché – ou à la politicaillerie à courte vue – on continuera d’aller dans le mur. Et le mur est si proche…
La logique de concurrence ouverte entre pays qui n’ont ni les mêmes normes sociales, ni les mêmes normes environnementales ne peut, en l’absence d’une prise en compte des externalités négatives, qu’aboutir à la désindustrialisation de ceux qui auront les normes les plus développées, la protection sociale la plus développée. Et que ces externalités ne peuvent être prises en compte que par une taxe sur les importations. Il ne s’agit pas dans mon esprit d’entrer dans une logique purement protectionniste, c’est-à-dire, de préférer une production inefficace en France plutôt qu’une production efficace ailleurs. Mais si nous voulons avoir des productions efficaces en France, il faut à minima qu’elles puissent concurrencer loyalement les importations sur leur marché domestique – à défaut de le faire sur les autres. Or, c’est exactement le contraire qui se produit aujourd’hui : non seulement les importations alimentent le chômage chez nous, mais le coût de ce chômage retombe… sur les fabrications produites chez nous ! Pas étonnant dans ces conditions que nos productions soient de moins en moins « compétitives »…
Pour améliorer les choses, j’aurais trois propositions. La première, c’est de transférer les coûts de la protection sociale sur la TVA plutôt que sur des prélèvements calculés sur les salaires. Ainsi, les produits étrangers – qui sont soumis à la TVA – supporteraient une partie des coûts sociaux induits. La seconde, qui va beaucoup plus loin, est le retour à la doctrine de la Charte de La Havane qui prônait une balance commerciale équilibrée pour chaque pays comme objectif international. Et pour cela utiliser l’instrument fiscal mais aussi monétaire – ce qui suppose le retour à une monnaie nationale et aux taxes aux frontières. Mais surtout, il nous faut une véritable politique industrielle, avec un vrai ministère de l’industrie pour la porter et de véritables instruments – y compris de taxation aux frontières. L’illusion d’une régulation par le marché nous a fait beaucoup de mal, et risque de transformer la France en ce « musée d’antiquailles » dont parlait Marc Bloch… si ce n’est déjà fait.
Descartes
(1) A ce titre, une anecdote amusante. Lors de la passation au ministère de la « transition écologique » (le terme « solidaire » a été perdu lors du dernier remaniement), la ministre sortante faisait un résumé de son action « dans le temps long » en ces termes : « abandon d’Europacity, arrêt de Fessenheim, fermeture des centrales à charbon, interdiction des plastics à usage unique »… partout des abandons, des arrêts, des fermetures, des interdictions… et du côté positif, quoi ? Le vélo…
(2) Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les notions « d’externalité » et de « internalisation », voici une petite explication : Un des problèmes qui se posent dans une régulation de marché est que lorsque l’acheteur fait le choix d’acheter un produit, le prix qu’il supporte ne reflète pas le coût REEL de son choix. Prenons un exemple : imaginons que j’ai le choix entre un producteur A de viande de porc qui retraite ses effluents, et un producteur B qui les rejette directement dans la rivière, tout le reste étant égal par ailleurs. La côte de porc de A m’est vendue 5€ (4 € de cout de production plus 1€ de retraitement) alors que celle de B ne coûte que 4 € puisque le retraitement n’est pas assumé par le producteur. Supposons maintenant que le coût pour la collectivité de la dépollution de la rivière où les effluents sont rejetés par B coûte 2€. Il ne faut pas sortir de Polytechnique pour voir que du point de vue global les côtes de porc de A sont les moins chères. Mais vu par le consommateur qui achète sur le marché, ce sont celles de B qui sont les plus « compétitives », car au moment d’acheter le client n’a pas idée qu’il lui faudra payer la dépollution – avec ses impôts. Il choisira donc la côte de porc de B… et supportera un coût plus important que s’il avait fait le choix contraire.
Pour résoudre ce problème, les économistes libéraux proposent de prendre le coût de la pollution (qui est une « externalité » négative, puisque son coût ne rentre pas dans les coûts de production) et « l’internaliser » – c’est-à-dire, de le faire rentrer dans le coût par exemple par le biais d’une taxe. Dans notre exemple, cette taxe porterait le coût de la côte de porc de B à 6€, un euro plus chère que celle de A, et poussera le consommateur à faire le « bon » choix. Dans ces conditions, le bon choix « de marché » coïncidera avec bon choix social… Le problème de cette méthode, c’est qu’il n’est pas toujours simple d’estimer le coût de l’ensemble des externalités introduites par un processus de production.
Bonjour, et merci pour votre nouvelle publication, à laquelle on souscrirait d’autant plus volontiers que vous n’en profiteriez pas pour expliquer une fois de plus que tous nos malheurs viennent d’un manque de souveraineté nationale et de la “loi des marchés”.
Le problème aussi anthropologique que socio-politique pourrait bien être que “la loi du marché” soit celle que tout acheteur croit lui-même maîtriser et pouvoir mettre au service de son bon vouloir d’acheteur-consommateur, oubliant qu’il lèse, ce faisant, le producteur qu’il est aussi.
Quant aux frontières et aux taxes rétablissant les équilibres, même si on ne peut plus en nier la nécessité, on sait combien vite cela a entraîné et entraînera fraude, passeurs, contrebandiers, trafics, mafias, etc., aussi longtemps que ne se serait pas développé chez le citoyen (instruit et éduqué en ce sens) la conscience même de la nocivité collective de comportements individuels (qui, d’un point de vue individuel et court-termiste, pourraient passer pour très “raisonnables” ou “juteux”).
Votre note (2) de bas de page illustre très bien l’imposture que subit celui qui croit acheter moins cher, juste parce qu’on ne lui fait pas, au moment de l’achat, payer le coût réel de ce qu’il achète : pollution dont il faut payer le traitement, conséquences sanitaires (mal bouffe) ou sociale (chômage), entretien des structures nécessaires au transport (de produits venant de loin), accidents de la circulation dus à ces transports, énergétique et climatique (transports à énergie fossile), etc.
Mais à partir du moment où le citoyen consommateur oublie qu’il est le plus souvent aussi le citoyen producteur et veut toujours acheter moins cher le fruit de la production d’un travailleur, il ne devra pas s’étonner pas que son salaire de producteur sera lui aussi toujours plus bas, voire que son emploi carrément disparaisse.
Ce n’est pas que le capitalisme mondialisé qui est en cause, c’est surtout l’aveuglement consumériste de citoyens toujours en quête du meilleur prix du moment (oubliant que souvent le meilleur prix ne l’est que le jour de l’achat et pas à moyen ou très court terme d’un produit merdique), aveuglement largement encouragé par l’emprise débilitante d’un publicité expliquant que le bonheur d’être réside dans l’avoir et jouant à fond sur les pulsions prédatrices mimétiques ou grégaires des humains (animaux prédateurs parmi d’autres).
C’est pourquoi il est à craindre qu’on ne se débarrassera pas plus vite du capitalisme et des iniques “lois du marché” (dont les ressorts sont les pulsions même de l’être humain) que de l’humanité elle-même…
@ Claustaire
[Bonjour, et merci pour votre nouvelle publication, à laquelle on souscrirait d’autant plus volontiers que vous n’en profiteriez pas pour expliquer une fois de plus que tous nos malheurs viennent d’un manque de souveraineté nationale et de la “loi des marchés”.]
Tous nos malheurs, peut-être pas. Mais je suis convaincu qu’un certain nombre de nos malheurs viennent du fait que la « souveraineté des marchés » a remplacé celle du peuple. Et étant convaincu, vous pouvez difficilement me reprocher de vouloir partager ma conviction. Oui, la concurrence « libre et non faussée » nous conduit dans le mur, et la seule force qui pourrait lui mettre des limites, c’est l’Etat-nation. Pourquoi croyez-vous qu’on retrouve dans le même camp les adversaires de l’Etat national et les partisans du marché « libre et non faussé » ?
[Quant aux frontières et aux taxes rétablissant les équilibres, même si on ne peut plus en nier la nécessité, on sait combien vite cela a entraîné et entraînera fraude, passeurs, contrebandiers, trafics, mafias, etc., aussi longtemps que ne se serait pas développé chez le citoyen (instruit et éduqué en ce sens) la conscience même de la nocivité collective de comportements individuels (qui, d’un point de vue individuel et court-termiste, pourraient passer pour très “raisonnables” ou “juteux”).]
Je suis moins optimiste que vous. Quand bien même on arriverait à développer chez le citoyen une conscience de la nocivité de certains comportements, il en restera toujours une minorité plus ou moins importante pour vouloir jouer les « passagers clandestins ». Le vol est interdit depuis la nuit des temps, tout le monde est convaincu de leur caractère « nocif » pour la collectivité, et pourtant vous trouverez voleurs en nombre en allant à n’importe quelle audience correctionnelle. Ce n’est pas parce qu’il y a de la fraude fiscale que l’impôt est moins nécessaire.
[Votre note (2) de bas de page illustre très bien l’imposture que subit celui qui croit acheter moins cher, juste parce qu’on ne lui fait pas, au moment de l’achat, payer le coût réel de ce qu’il achète : pollution dont il faut payer le traitement, conséquences sanitaires (mal bouffe) ou sociale (chômage), entretien des structures nécessaires au transport (de produits venant de loin), accidents de la circulation dus à ces transports, énergétique et climatique (transports à énergie fossile), etc.]
Sauf qu’il faut passer d’un « citoyen consommateur » abstrait au « citoyen consommateur » concret. Ceux qui consomment et ceux qui payent les coûts cachés de cette consommation ne sont pas forcément les mêmes. Quand le professeur consomme massivement des produits importés, ce n’est pas lui qui sera mis au chômage en conséquence, puisque son poste est difficilement délocalisable. Si la concurrence était véritablement universelle, si le professeur, le cadre supérieur, l’avocat, le médecin, le fonctionnaire étaient mis en concurrence globale au même niveau et dans les mêmes conditions que l’ouvrier ou l’employé, les politiques publiques seraient probablement très différentes…
[Ce n’est pas que le capitalisme mondialisé qui est en cause, c’est surtout l’aveuglement consumériste de citoyens toujours en quête du meilleur prix du moment (oubliant que souvent le meilleur prix ne l’est que le jour de l’achat et pas à moyen ou très court terme d’un produit merdique),]
Pas du tout. Je pense que vous reproduisez le raisonnement erroné des « altermondialistes ». Non, les produits importés ne sont pas « merdiques ». Trouvez-vous que les portables d’une grande marque coréenne sont moins bons que ce que nous pourrions produire ? Franchement, je vois mal pourquoi ils le seraient : ils ont accès aux mêmes machines, aux mêmes technologies, à une main d’œuvre de qualité… pourquoi fabriqueraient-ils des mauvais produits ?
[C’est pourquoi il est à craindre qu’on ne se débarrassera pas plus vite du capitalisme et des iniques “lois du marché” (dont les ressorts sont les pulsions même de l’être humain) que de l’humanité elle-même…]
Mais moi, je ne veux pas me « débarrasser » des « lois du marché ». Je lai dit souvent sur ce blog : il y a des domaines où le marché « libre et non faussé » est un bon régulateur, aboutissant à l’allocation optimale des facteurs de production. Pourquoi s’en priver alors ? Pourquoi chercher à imposer une régulation administrative là où elle serait plus coûteuse et moins efficace ?
Sur cette question, il faut rejeter les intégrismes. Ni le « tout marché », ni le « tout administratif ». Il y a des domaines ou le marché « libre et non faussé » est un bon mécanisme de régulation. Il y a des domaines ou le marché doit être encadré et « faussé », sans quoi il dérive vers des situations aberrantes. Et il y a enfin des domaines où le marché est tout simplement inopérant, et qu’il faut réguler directement – voir prendre en main par la puissance publique. Ce que je reproche le plus à la logique néolibérale est l’idée que le marché peut résoudre TOUS les problèmes, s’écartant ainsi de la logique du libéralisme classique.
Pour ce qui concerne le capitalisme… dites-vous bien que sur une histoire humaine vieille de 6000 ans, le capitalisme ne s’est développé que sur les deux ou trois derniers siècles. Si les ressorts du capitalisme sont “les pulsions de l’être humain”, admettez qu’elles ont mis quelque temps à se manifester!
[ la concurrence « libre et non faussée » nous conduit dans le mur, et la seule force qui pourrait lui mettre des limites, c’est l’Etat-nation. ]
Sur bien des points, les règlements commerciaux, taxes à l’importation, accords internationaux etc. de l’UE pourraient parfaitement jouer le même rôle de limites, frontières et protection, non ?
[ Ceux qui consomment et ceux qui payent les coûts cachés de cette consommation ne sont pas forcément les mêmes. Quand le professeur consomme massivement des produits importés, ce n’est pas lui qui sera mis au chômage en conséquence, puisque son poste est difficilement délocalisable. ]
Lorsqu’un Etat n’a plus d’industrie et qu’il ne peut tourner (notamment en payant ceux qui font fonctionner ses services, enseignement, santé, sécurité, transports, énergie, eau, etc.) qu’en augmentant année après année son endettement dû à un commerce extérieur structurellement déficitaire, on constate vite que ces “fonctionnaires” prennent eux aussi très vite dans la figure les conséquences de cette désindustrialisation – appauvrissement national et sont rapidement de moins en moins bien payés, leur statut dégradé, et leurs moyens de fonctionner réduits.
[ Non, les produits importés ne sont pas « merdiques ». ]
Bien sûr que tous ne le sont pas ! Mais le plus souvent leur “jetable” voire leur “gaspillable” abondance, due au faible prix de production et d’achat (qui permet de les remplacer plutôt que de les réparer) explique néanmoins que ces objets conçus pour être plus éphémères que leurs ancêtres (destinés à durer et à être réparés) sont souvent fragiles ou “merdiques” (leur obsolescence plus ou moins programmée participant de ce “merdique”). Ce n’est pas pour rien que n’importe quel électro-ménager tant soit peu technique sera meilleur (et évidemment plus cher à l’achat) fabriqué en Allemagne qu’en Chine. Ce n’est pas pour rien que nous sommes de plus en plus nombreux à vérifier que tel vêtement n’est pas coupé, cousu n’importe comment en Chine, Thaïlande, Bangladesh, et demain Sahel (?),au point d’être immettable ou de ne pas résister à un lavage. Et que nous préférons acheter de l’honnête et du durable local ou proche quitte à y mettre un prix qui finalement se révélera moins cher à l’usage que l’imposture promotionnelle vendue sous le même nom.
[ dites-vous bien que sur une histoire humaine vieille de 6000 ans, le capitalisme ne s’est développé que sur les deux ou trois derniers siècles. ]
Dès qu’un marchand d’esclaves a pu spéculer, il y a 5000 ans, sur le prix de revente de ses esclaves ou un fermier sur celui de son “cheptel” (qui a d’ailleurs donné le mot “capital”), selon les opportunités du moment, du marché ou de la faim de son acheteur, le capitalisme n’était-il pas inventé ? Est-ce par hasard que le prêt à intérêt (notamment à usure) est dénoncé depuis l’Ancien Testament ? Et tel exalté juif un peu anarcho-libertaire ne montra-t-il pas, il y a 2000 ans, qu’il fallait jeter les marchands du Temple (où ils se montraient sans doute un peu trop obscènement néolibéraux) à coups de fouet ?
[ Ce que je reproche le plus à la logique néolibérale est l’idée que le marché peut résoudre TOUS les problèmes, s’écartant ainsi de la logique du libéralisme classique.]
Depuis Jospin au moins (qui recourut publiquement à la formule), nous devrions tous savoir faire la différence entre “économie de marché”(appréciable) et “société de marché”(à rejeter). Cela fait des années que j’essaie d’obtenir de mes amis antilibéraux qu’ils acceptent au moins de se dire libéraux afin de mieux pouvoir expliquer en quoi ils seront légitimes à dénoncer le néolibéralisme. Serions-nous, cher Descartes, au moins d’accord pour dénoncer l’imposture des postures ou du discours “antilibéral” de qui fait l’impasse sur la notion même de libéralisme classique ? Et auriez-vous un lien vers telle page de votre blog ou vous auriez défendu le “libéralisme classique” ?
En tout cas, d’ores et déjà, merci pour ces échanges.
@ Claustaire
[« la concurrence « libre et non faussée » nous conduit dans le mur, et la seule force qui pourrait lui mettre des limites, c’est l’Etat-nation. » Sur bien des points, les règlements commerciaux, taxes à l’importation, accords internationaux etc. de l’UE pourraient parfaitement jouer le même rôle de limites, frontières et protection, non ?]
Non. D’abord, parce que l’application des règlements commerciaux, des taxes à l’importation et des accords internationaux ne peut se faire que grâce aux institutions de l’Etat-nation, seul détenteur jusqu’à nouvel ordre de la violence légitime. Mais surtout, parce que l’UE est construite sur le fondement même de la concurrence libre et non faussée. C’est sa raison d’être. Imaginer que l’UE pourrait lui mettre des limites, c’est un peu comme imaginer que l’école professe l’ignorance, ou la faculté de médecine le recours à la radiesthésie. Remarquez…
Plus fondamentalement, l’UE est d’abord un ensemble de pays qui sont en concurrence les uns avec les autres. En l’absence d’une « solidarité inconditionnelle » entre européens (comme il existe une « solidarité inconditionnelle » entre les Français, entre les Allemands, entre les Italiens, etc.) comment faire confiance à l’UE pour régler cette concurrence d’une façon « juste » ? Une nation a la légitimité pour régler la concurrence entre régions parce que le principe de solidarité implique un transfert de richesse. Imaginons qu’il faille décider où l’on installe une usine : si la région A a l’usine, la région B peut compter sur un transfert, et vice-versa. Et du coup, les deux régions acceptent que l’Etat central décide dans quelle région l’usine sera installée. Mais imaginez la même chose au niveau de l’Europe… quelle confiance avez-vous dans les institutions européennes pour rétablir la « justice » au moyen de transferts ? L’exemple grec montre les limites de cette « justice ».
[Lorsqu’un Etat n’a plus d’industrie et qu’il ne peut tourner (notamment en payant ceux qui font fonctionner ses services, enseignement, santé, sécurité, transports, énergie, eau, etc.) qu’en augmentant année après année son endettement dû à un commerce extérieur structurellement déficitaire, on constate vite que ces “fonctionnaires” prennent eux aussi très vite dans la figure les conséquences de cette désindustrialisation – appauvrissement national et sont rapidement de moins en moins bien payés, leur statut dégradé, et leurs moyens de fonctionner réduits.]
« Très vite » ? La désindustrialisation de la France a commencé il y a presque un demi-siècle. Deux générations ont donc fort bien vécu avant que l’appauvrissement se fasse sentir vraiment – si tant est qu’il se fasse sentir aujourd’hui. Vous savez, comme disait Keynes, « à long terme on est tous morts ». Les gens raisonnent rarement sur le long terme, et c’est souvent pour se dire « après nous, le déluge ». Vous croyez vraiment qu’un type comme Cohn-Bendit a jamais réfléchi aux effets à long terme de ses choix ?
[« dites-vous bien que sur une histoire humaine vieille de 6000 ans, le capitalisme ne s’est développé que sur les deux ou trois derniers siècles. » Dès qu’un marchand d’esclaves a pu spéculer, il y a 5000 ans, sur le prix de revente de ses esclaves ou un fermier sur celui de son “cheptel” (qui a d’ailleurs donné le mot “capital”), selon les opportunités du moment, du marché ou de la faim de son acheteur, le capitalisme n’était-il pas inventé ?]
Non. Le négoce, le commerce, la spéculation étaient inventées, mais le CAPITALISME, non. Vous faites une erreur fort courante, qui est de croire que le capitalisme est caractérisé par les échanges, alors que le capitalisme est seulement un MODE DE PRODUCTION. En d’autres termes, ce qui caractérise le capitalisme ce n’est pas la manière dont les biens sont échangés, mais la manière dont les biens sont PRODUITS. Quand un homme a acheté des machines et puis acheté sur un marché la force de travail d’autres hommes pour les faire fonctionner, là le capitalisme est né. Et ce fonctionnement est très, très récent. Il y eut d’abord un mode de production « antique » ou l’on n’achetait pas la force de travail, mais l’homme lui-même. Il y eut un mode de production féodal, ou l’homme était de par son statut soumis à des corvées sans rémunération. Ce qui caractérise le capitalisme, ce n’est pas la spéculation, ce n’est pas le commerce – ils existent depuis la nuit des temps – mais le fait que la force de travail devient elle-même une marchandise.
[Est-ce par hasard que le prêt à intérêt (notamment à usure) est dénoncé depuis l’Ancien Testament ? Et tel exalté juif un peu anarcho-libertaire ne montra-t-il pas, il y a 2000 ans, qu’il fallait jeter les marchands du Temple (où ils se montraient sans doute un peu trop obscènement néolibéraux) à coups de fouet ?]
Je ne sais pas, mais cela n’a aucun rapport avec le capitalisme. Vous noterez que l’ancien testament ne fait nulle part référence à un « employé » qui vendrait sa force de travail pour un salaire, et que le décalogue dit « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes ». Nulle mention n’est faite à l’employé salarié. De même, l’exalté juif en question n’a pas, lui non plus, abordé la question de l’exploitation du salarié. Pourquoi, à votre avis ? Tout simplement, parce que l’idée même de vente de la force de travail n’existait pas.
[Depuis Jospin au moins (qui recourut publiquement à la formule), nous devrions tous savoir faire la différence entre “économie de marché”(appréciable) et “société de marché”(à rejeter).]
Sauf que, depuis Marx au moins, nous savons que c’est l’économie qui détermine en dernière instance le fonctionnement de la société, et non l’inverse. L’idée qu’on pourrait avoir un système de rapports dans l’économie et un système de rapports complètement différent dans la vie sociale est une illusion idéaliste.
[Cela fait des années que j’essaie d’obtenir de mes amis antilibéraux qu’ils acceptent au moins de se dire libéraux afin de mieux pouvoir expliquer en quoi ils seront légitimes à dénoncer le néolibéralisme. Serions-nous, cher Descartes, au moins d’accord pour dénoncer l’imposture des postures ou du discours “antilibéral” de qui fait l’impasse sur la notion même de libéralisme classique ?]
Bien entendu. Je pense que la gauche « antilibérale » pâtit d’une terrible inculture historique. Elle n’arrive pas à comprendre que l’histoire humaine est un progrès cumulatif, et qu’une idéologie, un mode de production qui peut sembler réactionnaire ou oppressif aujourd’hui a pu être, au moment où il a été créé, un énorme progrès pour l’humanité.
Vous trouvez ainsi des pseudo-marxistes qui n’ont pas lu Marx ou ne l’ont pas compris. Parce que Marx explique – dans la première partie du « Manifeste » – combien le capitalisme a représenté un progrès par rapport aux structures de production qui l’ont précédé. Mais on dirait que pour ces gens admettre que le capitalisme a pu être à un moment un progrès affaiblirait la dénonciation de son caractère néfaste aujourd’hui. Et du coup, ils campent sur une position morale : le capitalisme est mauvais par essence, et comme toute essence, ce caractère est intemporel. Et on voit ce raisonnement partout : peu importe que le mal nommé « Code noir » ait constitué à l’époque une tentative de mettre des limites à la toute-puissance des maîtres d’esclaves, et de donner aux esclaves quelques droits, maigres certes mais droits tout de même, en d’autres termes, un progrès dans la condition des esclaves. Colbert – son inspirateur mais non son auteur – est quand même trainé dans la boue.
Pour le libéralisme, c’est un peu la même chose. Des gens qui chantent des louanges à l’esprit des Lumières et à la Révolution française oublient convenablement que ces deux processus sont d’abord guidés par les idées libérales, et sont horrifiés lorsque vous leur expliquez, faits et textes à l’appui, qu’on ne peut être à la fois partisan des Lumières et « antilibéral ».
Le libéralisme classique, avec son idée d’un homme libre et responsable en tant qu’individu, libéré des déterminismes communautaires ou biologiques, constitue un énorme progrès. Quelques soient ses faiblesses – et notamment son idéalisme – le progrès consiste à construire SUR lui, et non CONTRE lui. C’est d’ailleurs ce que fait Marx, qui construit sa théorie économique sur les bases posées par des économistes libéraux comme Smith ou Ricardo. On ne progressera pas en renouant, par « antilibéralisme », avec les idées holistes du moyen-âge.
[Et auriez-vous un lien vers telle page de votre blog ou vous auriez défendu le “libéralisme classique” ?]
Cela dépend de ce que vous appelez « défendre le libéralisme classique ». Entendons-nous bien : je défends la valeur historique du libéralisme classique. J’estime que certaines idées issues de ce courant de pensée – l’être humain conçu comme un universel, l’individu libre et responsable, l’Etat de droit – sont utiles pour penser aujourd’hui. Mais je prends aussi une certaine distance avec d’autres aspects du libéralisme classique, en particulier son idéalisme, son refus de voir les déterminismes économiques. Je ne suis donc pas un « libéral » pas plus qu’un « antilibéral ».
Plus que “défendre le libéralisme classique”, j’ai tendance à critiquer le discours schématique des “antilibéraux” qui tendent à jeter l’enfant avec l’eau du bain. La théorie libérale est une théorie féconde, qu’il faut comprendre avant de critiquer.
“Sauf que, depuis Marx au moins, nous savons que c’est l’économie qui détermine en dernière instance le fonctionnement de la société, et non l’inverse”
Vous etes sur ?
Parce qu on peut tres bien avoir une economie capitaliste avec une societe fonctionnant de facon tres differente.
Exemple actuel:
chine : economie capitaliste, societe fonctionnant sous une dictature se pretendant communiste
USA : economie capitaliste, societe ultra individualiste liberale (au sens europeen du terme)
Japon: economie capitaliste, societe mettant l accent sur le groupe (j ai pas de mot exact pour le decrire peut etre communautariste en opposition a l individualisme US)
Meme dans seul pays vous allez avoir une societe qui ne va pas fonctionner pareil (bon certes les nuances sont faibles). Pensez a la corse et l alsace par exemple
@ cdg
[“Sauf que, depuis Marx au moins, nous savons que c’est l’économie qui détermine en dernière instance le fonctionnement de la société, et non l’inverse” Vous êtes sur ?]
Totalement sûr.
[Parce qu’on peut très bien avoir une économie capitaliste avec une société fonctionnant de façon très différente.]
Tout à fait. Et c’est pourquoi on écrit « détermine EN DERNIERE INSTANCE » et non pas « détermine » tout court. Il y a bien détermination, mais ce n’est pas une détermination « mécanique » de chaque détail, qui ferait que toute société, dès lors qu’elle repose sur un mode de production capitaliste, fonctionnerait de la même façon. Il s’agit d’une détermination dialectique : une société reposant sur le mode de production capitaliste peut fonctionner de plusieurs manières, mais pas de n’importe quelle manière. Il y a des comportements sociaux qui sont incompatibles avec le capitalisme, et qui disparaissent donc plus ou moins rapidement dès lors que le mode de production capitaliste s’installe. Bien sûr, certaines structures venues des âges antérieurs peuvent survivre longtemps, mais elles sont dysfonctionnelles.
Par exemple, vous trouverez peu de sociétés capitalistes ou les fonctions de commandement soient héréditaires. Ce mode de transmission, qui a été le mode « naturel » et presque unique pendant un millénaire, disparaît plus ou moins rapidement dès que le capitalisme s’installe. Alors même que la propriété – et donc le capital – continue à se transmettre par héritage, cela devient de plus en plus rare non seulement dans le domaine politique, mais aussi dans les grandes entreprises Cela peut subsister à titre symbolique (la reine d’Angleterre) ou même survivre en pratique dysfonctionnelle (surtout lorsque le capitalisme a été imposé par l’extérieur, comme dans les pays Africains). Mais aucune société capitaliste ne se développe vraiment sur une base héréditaire : que ce soit la chine « dictatoriale », les USA « individualistes », le Japon « holiste »…
Comment cette « détermination » s’opère : par une logique de « sélection naturelle » par la concurrence. Les structures qui conservent des fonctionnements peu adaptés aux besoins du capitalisme périclitent, et seules survivent. Pour reprendre l’exemple précédent, une entreprise qui recruterait ses dirigeants par hérédité plutôt que par compétences peut avoir de la chance une, deux, trois fois. Mais il arrivera un jour où l’héritier sera un imbécile, et l’entreprise se cassera la gueule.
Vous me demanderez en quoi c’est différent des sociétés féodales. La réponse tient à l’état de droit. Dans la logique féodale, l’hérédité permettait – et encore – d’éviter les guerres de succession. Il était finalement moins coûteux d’avoir un gouvernant tirant sa légitimité de son sang – même si c’était un imbécile – que de risquer la guerre civile qu’une sélection par compétence risquait d’entraîner. Le capitalisme apporte avec loi l’état de droit : les dirigeants d’une société peuvent lutter pour la succession, mais les dégâts qu’ils peuvent faire sont bien plus limités…
@ Descartes
Que signifie “cunutesque” utilisé dans un commentaire de votre article “Toujours moins ! ”
Je n’ai pas pu poster cette question dans l’article en question car il n’y a pas de bouton “Répondre”, désolé.
@ BJ
[Que signifie “cunutesque” utilisé dans un commentaire de votre article “Toujours moins !”]
“Cunutesque” c’est de l’argot des classes préparatoires scientifiques. Cela veut dire “qui demande beaucoup de calculs compliqués” et par extension, on le dit de quelque chose de très long et compliqué. On me dit que ça vient d’un vieux mot d’argot “cunut” qui veut dire “calcul”.
Le pouvoir aux ingénieurs ! Vive la technocratie !
@ François
[Le pouvoir aux ingénieurs ! Vive la technocratie !]
Vous noterez que la “technocratie” n’est pas le pouvoir aux ingénieurs, mais le pouvoir aux techniciens. Un avocat, un médecin, un professeur sont autant des “techniciens” de leur domaine qu’un ingénieur. Mais pour revenir à ces derniers, je ne pense pas avoir soutenu qu’il fallait donner “le pouvoir aux ingénieurs”. Je note quand même qu’alors que la société est de plus en plus traversée par des enjeux complexes, leur pouvoir – et le pouvoir de ceux qui ont une formation scientifique en général – ne cesse de reculer.
[Vous noterez que la “technocratie” n’est pas le pouvoir aux ingénieurs, mais le pouvoir aux techniciens. Un avocat, un médecin, un professeur sont autant des “techniciens” de leur domaine qu’un ingénieur.]
C’est vrai, mais si l’on estime que la production doit être au cœur du fonctionnement d’une société, mécaniquement l’ingénieur aura une place prépondérante au sein de la société.
[Mais pour revenir à ces derniers, je ne pense pas avoir soutenu qu’il fallait donner “le pouvoir aux ingénieurs”.]
Ça, c’est effectivement moi qui pense qu’il faudrait le faire. Je note que le dernier président de la république française à avoir eu une vision industrielle, se mettant même devant une centrale nucléaire pour son affiche électorale, était un polytechnicien, Valéry Giscard d’Estaing.
[Je note quand même qu’alors que la société est de plus en plus traversée par des enjeux complexes, leur pouvoir – et le pouvoir de ceux qui ont une formation scientifique en général – ne cesse de reculer.]
D’où l’intérêt de la technocratie (à dominante scientifique), qui en plus garantit que c’est la compétence et le mérite qui gouvernent, et non le fric et les paillettes.
@ François
[C’est vrai, mais si l’on estime que la production doit être au cœur du fonctionnement d’une société, mécaniquement l’ingénieur aura une place prépondérante au sein de la société.]
Je ne sais pas. Au moyen-âge le pain représentait l’essentiel de la nourriture, et pourtant les boulangers n’ont pas pris le pouvoir. Etre « central » dans le fonctionnement de la société ne vous donne pas nécessairement une « place prépondérante ».
Cela étant dit, en quoi est-ce gênant que les ingénieurs – et d’une façon plus générale, ceux qui ont une formation scientifique de haut niveau – aient une « place prépondérante » ? Franchement, je préfère de loin une Assemblée nationale dominée par les ingénieurs et les médecins plutôt qu’une contrôlée par les avocats et les communicants…
[« Mais pour revenir à ces derniers, je ne pense pas avoir soutenu qu’il fallait donner “le pouvoir aux ingénieurs”. » Ça, c’est effectivement moi qui pense qu’il faudrait le faire. Je note que le dernier président de la république française à avoir eu une vision industrielle, se mettant même devant une centrale nucléaire pour son affiche électorale, était un polytechnicien, Valéry Giscard d’Estaing.]
Vrai. C’est lui aussi qui, grâce à sa formation scientifique, a senti que quelque chose n’allait pas dans le projet des « avions renifleurs » et a mandaté un scientifique pour auditer l’affaire qui a découvert le pot aux roses. Mais notez qu’en 1974 le candidat Mitterrand avait écrit sur ses affiches « la France moderne », avec derrière sa tête un pylône électrique. A l’époque, la modernité faisant vendre. O tempora, o mores…
[D’où l’intérêt de la technocratie (à dominante scientifique), qui en plus garantit que c’est la compétence et le mérite qui gouvernent, et non le fric et les paillettes.]
Je suis réticent à l’idée de « technocratie », au sens où les techniciens auraient accès au pouvoir du fait de leur simple condition de techniciens. Je suis trop attaché à la souveraineté populaire pour accepter une telle idée. Je suis plutôt favorable à une logique de séparation des sphères entre le technique et le politique. Il appartient au politique de décider ce qu’on fait, et aux techniciens de trouver les moyens pour le faire. Ce qui suppose un dialogue construit entre le technique et le politique.
@Descartes
“Le secteur des services n’offre en général que des emplois faiblement qualifiés et intellectuellement peu exigeants, l’industrie crée une exigence toujours plus grande de main d’œuvre hautement qualifiée.”
J’ai probablement un imaginaire daté et imprégné de représentations du 19ème siècle, mais là comme ça, j’ai dû mal à penser qu’un emploi industriel soit plus épanouissant qu’un emploi dans le tertiaire.
Même si c’était le cas, je ne crois pas que ça légitimerait l’intervention de l’Etat. Subventionner de l’emploi industriel pour lui-même ou renflouer les entreprises incapables de faire face à la concurrence (ce qui n’est pas du libéralisme, même honteux, mais du clientélisme) entraîne aussi des coûts pour la collectivité.
Quant au protectionnisme, surenchérir sur le prix des marchandises étrangères va nuire à tous les consommateurs -classes populaires comprises. Sans compter que l’instauration de mesures protectionnistes pour entrainer des mesures de rétorsions et fermer des marchés étrangers, ce qui peut alimenter le chômage (comme on le voit aux USA: https://www.emmanuelcombe.fr/etats-unis-le-protectionnisme-a-bien-detruit-des-emplois-lopinion/ ).
@ Johnathan R. Razorback
[J’ai probablement un imaginaire daté et imprégné de représentations du 19ème siècle, mais là comme ça, j’ai dû mal à penser qu’un emploi industriel soit plus épanouissant qu’un emploi dans le tertiaire.]
Effectivement, vous avez un imaginaire largement daté. Au XIXème siècle, l’emploi industriel était largement abrutissant pour l’esprit et usant pour le corps. Mais l’industrie est le domaine où l’effort d’automatisation a été le plus intense. Et pour cette raison les opérations simples et mécaniques ont été automatisées et de plus en plus accomplies par des machines. Quant à l’effort physique, il a été réduit là aussi par la mécanisation. Par ailleurs, le fait de devoir travailler avec des machines complexes et coûteuses a rendu indispensable de remonter le niveau de formation.
A cela se rajoute un élément plus immatériel : c’est dans l’industrie que les rapports de production apparaissent à nu, et poussent ceux qui y sont engagés à une réflexion sur le monde qui les entoure. Ce n’est pas par hasard que les institutions politiques du mouvement ouvrier sont nés chez les travailleurs de l’industrie, et non dans les services.
[Même si c’était le cas, je ne crois pas que ça légitimerait l’intervention de l’Etat. Subventionner de l’emploi industriel pour lui-même ou renflouer les entreprises incapables de faire face à la concurrence (ce qui n’est pas du libéralisme, même honteux, mais du clientélisme) entraîne aussi des coûts pour la collectivité.]
Bien entendu. La question est de savoir ce qui revient plus cher à la collectivité : renflouer les « entreprises incapables de faire face à la concurrence » ou payer les coûts sociaux et stratégiques de leur disparition. Lorsqu’il s’agit d’une concurrence intra-nationale, on peut supposer que la faillite d’une entreprise inefficace laissera le marché à une entreprise plus efficace, qui reprendra les travailleurs laissés sur le carreau. Mais dans le cas de la concurrence internationale, les emplois iront ailleurs, et vous aurez toujours les travailleurs devenus chômeurs sur les bras. A moins que vous ne proposiez de les gazer ?
[Quant au protectionnisme, surenchérir sur le prix des marchandises étrangères va nuire à tous les consommateurs -classes populaires comprises.]
Certainement. Là encore, il s’agit de faire un calcul coût/avantages. Comme vous pouvez le constater, mon raisonnement n’a rien d’idéologique. J’attire votre attention quand même sur le fait que, comme le signalait Keynes, les excédents commerciaux des uns sont forcément les déficits des autres, et qu’un système international ne peut donc être équilibré que si chaque pays équilibre son commerce international. Je vois mal comment cet équilibre pourrait être atteint sans des mesures protectionnistes.
[Sans compter que l’instauration de mesures protectionnistes pour entrainer des mesures de rétorsions et fermer des marchés étrangers, ce qui peut alimenter le chômage (comme on le voit aux USA: (…)]
Toutes ces études empiriques présentent le même problème : on ne peut maintenir les conditions économiques inchangées à l’exception du paramètre qu’on veut mesurer. L’étude présente aussi un problème de fond : les effets négatifs du protectionnisme sont immédiats, alors que les effets positifs sont étalés dans le temps : il ne faut qu’un trait de plume pour fermer une usine qui n’a plus de débouchés et licencier ses employés, il faut plusieurs années pour en construire une destinée à remplacer les importations.
Examinons la question du point de vue théorique : imaginons un protectionnisme total qui viserait l’autarcie. Dans ce cas, le pays perdrait tous les emplois travaillant pour l’exportation, et récupérerait tous les emplois nécessaires à produire ce qu’il importe. En d’autres termes, un pays qui exporte massivement des produits à forte valeur ajoutée et faible contenu de main d’œuvre et importe au contraire des produits « labour-intensive » devrait gagner des emplois. N’est ce pas là le cas des USA ?
[Et pour cette raison les opérations simples et mécaniques ont été automatisées et de plus en plus accomplies par des machines. Quant à l’effort physique, il a été réduit là aussi par la mécanisation. ]
Oui et non, c’est pas vrai partout. Personnellement j’ai travaillé trois été en usine, j’en ai vu (et faits) des tâches abrutissantes à la chaîne. L’industrie agroalimentaire dans toute sa splendeur. Un métier très difficile que j’ai vu (et eu la chance de ne pas faire, mais on le laisse pas aux intérim étudiant) : enlever les os de la viande avec un couteau qui fait passer une lame de rasoir pour un objet contondant. Et ça débite a une vitesse folle et comme dans les abattoirs (feu abattoirs par chez moi, GAD… ) ça arrive que des doigts partent…
@ Yoann
[Oui et non, c’est pas vrai partout. Personnellement j’ai travaillé trois été en usine, j’en ai vu (et faits) des tâches abrutissantes à la chaîne. L’industrie agroalimentaire dans toute sa splendeur.]
Bien entendu, si les tâches « abrutissantes » tendent à disparaître lorsqu’elles sont mécanisables, elles n’ont pas entièrement disparu, loin de là. Il est clair que l’effet d’entraînement des « usines à poulets » et autres du même genre est minime, et je ne pleure pas particulièrement la délocalisation de ce type de fabrication. Je faisais plutôt référence aux industries fortement capitalistiques, et qui de ce fait même investissent massivement dans la recherche et l’amélioration de leurs processus de production.
Bonjour,
Merci.
Vous marquez : “Ainsi, les produits étrangers – qui paient la TVA” : les produits ne paient rien du tout. Ce sont les consommateurs qui paient les produits, et donc la taxe. Effectivement, la TVA s’applique à tous les produits, qu’ils proviennent de l’étranger ou du territoire national.
Mais rappeler ce fait (seul le consommateur paie la TVA), permettrait de rappeler que tout le monde ne consomme pas autant de son revenu, se sont les plus pauvres qui sont les plus assujettis à cette taxe “indolore”. C’est pourquoi il faut considérer la TVA comme un impôt injuste. Des politiques de “TVA sociale”, visant à basculer la responsabilité du financement de notre protection sociale des entreprises (via les cotisations) vers le consommateur ont déjà été mis en œuvre, sous Sarkozy et Hollande.
@ Gautier Weinmann
[Vous marquez : “Ainsi, les produits étrangers – qui paient la TVA” : les produits ne paient rien du tout. Ce sont les consommateurs qui paient les produits, et donc la taxe.]
Vous avez parfaitement raison. J’ai amendé mon texte en conséquence.
[Mais rappeler ce fait (seul le consommateur paie la TVA), permettrait de rappeler que tout le monde ne consomme pas autant de son revenu, ce sont les plus pauvres qui sont les plus assujettis à cette taxe “indolore”.]
Oui et non. S’il est vrai que les plus pauvres consomment IMMEDIATEMENT une partie plus importante de leur revenu que les riches, il ne faut pas oublier que TOUT revenu est destiné in fine à être transformé en biens, autrement dit, à être consommé. Un revenu monétaire qui ne sera JAMAIS transformé en bien est en termes économiques inexistant (Keynes a une très belle analogie avec le fait de l’enterrer en forêt et oublier où il se trouve…).
Pour le dire autrement : la partie du revenu des riches qui échappe à la TVA, c’est de l’argent virtuel, qui reste pour toujours dans la sphère financière et ne reviendra jamais dans la sphère réelle.
[C’est pourquoi il faut considérer la TVA comme un impôt injuste.]
Pouvez-vous m’expliquer quels sont les critères qui rendent un impôt « juste » ?
[Des politiques de “TVA sociale”, visant à basculer la responsabilité du financement de notre protection sociale des entreprises (via les cotisations) vers le consommateur ont déjà été mis en œuvre, sous Sarkozy et Hollande.]
Vous savez, je n’ai pas peur des étiquettes. La référence aux « diables » est donc inopérante en ce qui me concerne. Quelque chose n’est pas automatiquement mauvaise parce qu’elle a été mise en œuvre sous Sarkozy et Hollande. J’ajoute que ni l’un ni l’autre n’ont été très loin dans la mise en œuvre d’une « TVA sociale ».
Ce qu’il faut comprendre, c’est que in fine TOUTE taxe est en dernière instance payée par le consommateur. Prenez par exemple l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Comme la rentabilité du capital est dictée par des standards internationaux – car le capital est mobile, et si les entreprises françaises n’offrent pas une rentabilité équivalente les capitaux iront s’investir ailleurs – les entreprises n’ont pas le choix de réduire l’impôt des dividendes distribués. Elles doivent donc reporter l’impôt soit sur les salaires (et donc sur la consommation des salariés), soit sur le prix des produits (prix payé par les consommateurs), soit sur les investissements (qui feront des coûts de production plus élevés à l’avenir, payés par les consommateurs). C’est pourquoi parler de « part patronale » dans les cotisations est une fiction, satisfaisante en termes symboliques, mais neutre en termes économiques.
Le vrai choix, c’est de faire peser la protection sociale uniformément sur l’ensemble de l’activité économique, ou seulement sur les activités qui font intervenir de la main d’œuvre. Il est clair que la deuxième solution pénalise l’embauche puisque le remplacement de l’homme par la machine vous fait gagner les cotisations, et pénalise les produits français puisque les entreprises produisant à l’étranger n’y sont pas soumises. On pourrait imaginer une taxe sur le capital productif – la fameuse « taxe sur les robots » – mais une telle taxe découragerait l’investissement… sauf si l’investisseur pouvait la transférer sur le coût des produits, et donc la faire payer par le consommateur. La TVA sociale me paraît donc une bien meilleure solution, en ce qu’elle touche aussi les produits importés !
Bonjour,
Mais où est passé votre optimisme méthodologique? Au fur et à mesure que je lisais votre texte, un peu déprimant quand même, je me demandais si vous n’alliez pas terminer en nous disant que vous quittiez la France pour aller vivre dans un pays où l’industrie est davantage valorisée…
Le problème que vous soulevez n’est pas nouveau. Il n’y a guère d’appétence pour l’industrie en France, qui est un pays de paysans, de rentiers et d’intellectuels, pas un pays d’ingénieurs et d’innovateurs. Il n’y a que l’Etat qui puisse faire quelque chose, mais s’il ne donne pas une impulsion décisive, rien ne se fait. C’est comme ça depuis Colbert…
Personnellement, je suis partagé sur l’industrie. D’un côté, une industrie forte est nécessaire à la grandeur du pays. De l’autre, j’ai toujours peur que le développement industriel amène à nouveau à ouvrir les vannes de l’immigration.
@ nationaliste-ethniciste
[Mais où est passé votre optimisme méthodologique?]
Parti en vacances…
[Au fur et à mesure que je lisais votre texte, un peu déprimant quand même, je me demandais si vous n’alliez pas terminer en nous disant que vous quittiez la France pour aller vivre dans un pays où l’industrie est davantage valorisée…]
Autant je n’ai guère de difficulté à pratiquer l’optimisme méthodologique lorsqu’il s’applique à moi-même ou à des personnes abstraites, autant j’ai du mal lorsqu’il s’applique à la situation des gens que je pratique. Ce ton de ce papier trouve largement sa racine dans mes activités de formation. J’ai beau être optimiste sur le long terme, il m’est difficile d’échapper à l’idée que les jeunes que je forme se trouvent être une « génération sacrifiée ». Non pas du point de vue économique – leur niveau de vie, les biens et services auxquels ils ont accès sont bien plus nombreux que ceux auxquels j’avais accès à leur âge – mais du point de vue culturel et symbolique. Et maintenant que je suis plus près de la harpe que de la guitare, je me sens un peu coupable de ne pas pouvoir leur assurer les opportunités de construire, de s’engager que j’ai reçu de mes ainés.
[Le problème que vous soulevez n’est pas nouveau. Il n’y a guère d’appétence pour l’industrie en France, qui est un pays de paysans, de rentiers et d’intellectuels, pas un pays d’ingénieurs et d’innovateurs. Il n’y a que l’Etat qui puisse faire quelque chose, mais s’il ne donne pas une impulsion décisive, rien ne se fait. C’est comme ça depuis Colbert…]
Exact. Je ne dirais pas qu’on ne soit pas un pays « d’ingénieurs et d’innovateurs », au contraire. Ce qui nous manque, c’est des véritables capitalistes industriels. Le capitalisme français est, comme vous le dites, un capitalisme de rentiers, intéressé d’abord par la terre et la pierre et ayant une aversion absolue au risque. C’est pourquoi nos ingénieurs et nos innovateurs sont sous-financés, sauf lorsque l’Etat s’en mêle. Ce n’est pas par hasard qu’on a nationalisé le crédit en 1945, seul pays développé à l’avoir fait. L’expérience de l’entre-deux guerres a bien montré qu’en France le contrôle du crédit était absolument indispensable pour canaliser le capital vers l’industrie.
[Personnellement, je suis partagé sur l’industrie. D’un côté, une industrie forte est nécessaire à la grandeur du pays. De l’autre, j’ai toujours peur que le développement industriel amène à nouveau à ouvrir les vannes de l’immigration.]
Ce n’est pas le développement industriel qui amène à ouvrir les vannes de l’immigration. C’est la volonté du patronat d’augmenter l’offre de travail pour pousser les salaires à la baisse… De toute façon, l’époque des industries faisant appel à une main d’œuvre massive est derrière nous.
Les vannes de l’immigration s’ouvrent aussi quand nos concitoyens ne veulent plus faire certains travaux, par exemple les travaux dans l’agriculture, la cueillette de certains fruits et légumes, les vendanges, etc, les cueillettes qui doivent être faites de préférence par la main humaine. Il faut bien que quelqu’un le fasse, quand il n’y a pas de machines pour le faire. Quand j’étais adolescente, j’allais ramasser des haricots. Et j’avais des amis qui allaient faire les vendanges.
Dans votre réponse à “Nationaliste-ethniciste” vous écrivez : “Non pas du point de vue économique – leur niveau de vie, les biens et services auxquels ils ont accès sont bien plus nombreux que ceux auxquels j’avais accès à leur âge – mais du point de vue culturel et symbolique. ” N’est-ce pas à nous, les “vieux”, de transmettre aux jeunes nos richesses culturelles et symboliques (comme nos parents nous les ont transmises), au lieu de nous incliner comme nous le faisons devant la “culture jeune” ? Nous n’avons pas à craindre de les ennuyer. Les jeunes ont besoin de ce que nous avons à leur transmettre. Si nous nous taisons et ne partageons pas ce que nos parents nous ont transmis, tout tourne à vide.
Merci pour ce blog, et ses très bons articles.
@ Anne le Mouillour
[Les vannes de l’immigration s’ouvrent aussi quand nos concitoyens ne veulent plus faire certains travaux, par exemple les travaux dans l’agriculture, la cueillette de certains fruits et légumes, les vendanges, etc,]
Et curieusement, les travaux que nos concitoyens ne veulent pas faire sont ceux qui se déroulent dans des conditions à la limite de l’esclavage et avec des salaires misérables. Ça doit être une coïncidence…
Soyons sérieux : le travail, c’est un marché. Offrez un prix suffisamment élevé, et vous trouverez un vendeur. Et il est normal que les gens demandent des salaires plus élevés pour faire des travaux pénibles. L’afflux de main d’œuvre étrangère permet, en amenant des gens qui n’ont pas vraiment le choix, de pousser les rémunérations artificiellement à la baisse. C’est pourquoi je vous invite à vous méfier des pleurnicheries des patrons qui « ne trouvent pas de personnel ». Ils n’ont qu’à faire jouer le marché : augmentez les salaires, et vous trouverez sans problème.
[Quand j’étais adolescente, j’allais ramasser des haricots. Et j’avais des amis qui allaient faire les vendanges.]
Je vous invite à comparer ce qu’on payait à l’époque pour ces travaux et ce qu’on paye aujourd’hui (en comparant l’évolution à celle du SMIC, par exemple). Vous risquez d’avoir des surprises.
[Dans votre réponse à “Nationaliste-ethniciste” vous écrivez : “Non pas du point de vue économique – leur niveau de vie, les biens et services auxquels ils ont accès sont bien plus nombreux que ceux auxquels j’avais accès à leur âge – mais du point de vue culturel et symbolique. ” N’est-ce pas à nous, les “vieux”, de transmettre aux jeunes nos richesses culturelles et symboliques (comme nos parents nous les ont transmises), au lieu de nous incliner comme nous le faisons devant la “culture jeune” ?]
Tout à fait. C’est ce que j’essaye de faire chaque jour. Avec des succès très variables, je vous prie de le croire…
[Merci pour ce blog, et ses très bons articles.]
A mon tour, merci de vos encouragements et de votre participation.
[”
Je vous invite à comparer ce qu’on payait à l’époque pour ces travaux et ce qu’on paye aujourd’hui (en comparant l’évolution à celle du SMIC, par exemple). Vous risquez d’avoir des surprises.”]
Je veux bien les chiffres de source sûre (j’ai fait une recherche vite fait et si c’est confirmé il semble y avoir de gros facteurs d’écart en effet) mais aussi l’évolution du pouvoir d’achat d’un smic comparé au pouvoir d’achat moyen, si vous en disposez.
@ Ruben
[”Je vous invite à comparer ce qu’on payait à l’époque pour ces travaux et ce qu’on paye aujourd’hui (en comparant l’évolution à celle du SMIC, par exemple). Vous risquez d’avoir des surprises.” Je veux bien les chiffres de source sûre (j’ai fait une recherche vite fait et si c’est confirmé il semble y avoir de gros facteurs d’écart en effet) mais aussi l’évolution du pouvoir d’achat d’un smic comparé au pouvoir d’achat moyen, si vous en disposez.]
Pour ce qui concerne le rapport du SMIC au salaire médian, vous le trouverez à la page 21 du rapport suivant : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/284b121f-b187-4280-b327-05f18064c3fa/files/78de3929-6d66-4200-bb51-cf55e02c5817
Vous noterez que depuis 1980 le SMIC tend à « rattraper » la médiane (il est passé de 45% du salaire médian à 61% en 2012, ce qui montre un « aplatissement » de la pyramide salariale. Alors que le SMIC suit grosso modo l’inflation, le salaire médian lui prend du retard.
Quant à la paye des saisonniers, vous noterez que la fiche de la DARES, par ailleurs extrêmement documentée sur l’origine et la distribution des saisonniers évite soigneusement le sujet. Le terme « rémunération » ou « salaire » ne figure pas dans la fiche. Sur les divers sites on peut trouver la réglementation (le salaire de base est le SMIC) mais nulle part je n’ai trouvé le détail des salaires effectivement payés. On peut supposer que l’écart est faible, et que le SMIC reste très majoritaire pour les travailleurs déclarés. Pas étonnant dans ces conditions qu’on ait du mal à trouver des bras…
Bonjour
pas grand chose à voir avec cet article (quoique… peut être un peu d’optimisme ne fait pas de mal après sa lecture !), mais je voulais mentionner un site que j’ai découvert il y a peu et dont j’ai lu plusieurs articles que j’ai trouvés bien faits : https://charlistan.net/ D’après ce que j’ai compris le principal auteur est assez jeune, c’est un peu idiot mais ça m’a rendu optimiste de le savoir. Il se réfère beaucoup à Michel Clouscard entre autres.
Les auteurs et sympathisants du site (mouvement ?) semblent avoir une grosse activité politique/potache/provoc sur twitter, mais ils ont le mérite d’avoir regroupé des choses sur ce site… J’écris ‘mais’ car twitter à mon sens regorge de bonnes choses, qui seraient bien plus à leur place ailleurs, sur de ‘vrais’ sites/blogs, sans la pollution et la dilution de ce réseau social.
@ tmn
[pas grand-chose à voir avec cet article (quoique… peut être un peu d’optimisme ne fait pas de mal après sa lecture !), mais je voulais mentionner un site que j’ai découvert il y a peu et dont j’ai lu plusieurs articles que j’ai trouvés bien faits : https://charlistan.net/ D’après ce que j’ai compris le principal auteur est assez jeune, c’est un peu idiot mais ça m’a rendu optimiste de le savoir. Il se réfère beaucoup à Michel Clouscard entre autres.]
C’est un site bizarre mais très plaisant, en effet. Ecrit avec beaucoup d’humour – rien que ça, c’est très politiquement incorrect de nos jours – il n’hésite pas à piétiner quelques vaches sacrées. Et il a de très bonnes références… Le côté « twitteresque » est un peu fatigant, mais sans doute suis-je un dinosaure…
[J’écris ‘mais’ car twitter à mon sens regorge de bonnes choses, qui seraient bien plus à leur place ailleurs, sur de ‘vrais’ sites/blogs, sans la pollution et la dilution de ce réseau social.]
Pas d’accord. Difficile d’exprimer quelque chose de construit en 126 caractères (ou 250, je ne sais plus)…
[Pas d’accord. Difficile d’exprimer quelque chose de construit en 126 caractères (ou 250, je ne sais plus)…]
Du fait de cette limitation on voit de plus en plus sur twitter des “threads”, à savoir un enchaînement de plusieurs tweets pour développer un sujet. La forme reste souvent pénible mais bon… Et un site (thread reader appp) existe pour transformer ces suites de tweets en une page un peu plus lisible (voir un exemple : https://threadreaderapp.com/thread/1290745326471610368.html ) ! Mais apparemment tout le monde n’arrive pas à la conclusion logique et évidente de tout ça, à savoir qu’un blog ou un truc équivalent est mieux adapté… Les auteurs de ce site font exception. Ceci dit leur activité sur twitter semble (à première vue, je n’ai pas non plus beaucoup fouillé) considérable par rapport au contenu du site, même si ça semble partir un peu dans tous les sens.
Mais même si twitter est pénible, il constitue un média d’importance pour la politique aujourd’hui. On pourrait faire un constat analogue pour les vidéos, qui sont devenus un instrument incontournable, et pourtant à mes yeux bien moins “efficaces” qu’un texte.
Mais j’ai plusieurs fois lu sur votre site qu’on ne faisait de politique qu’à partir de la réalité… Donc il faut faire avec, et c’est pour cela que ce groupe twitter me semblait intéressant, et le fait qu’il renvoient vers un site une bonne chose.
@ tmn
[Mais même si twitter est pénible, il constitue un média d’importance pour la politique aujourd’hui. On pourrait faire un constat analogue pour les vidéos, qui sont devenus un instrument incontournable, et pourtant à mes yeux bien moins “efficaces” qu’un texte.]
Je vous avoue que je m’interroge sur l’effet réel de Twitter ou de Facebook. Il y a une sorte de consensus dans la classe politico-universitaro-médiatique qui veut que la politique du XXIème siècle se fait sur les réseaux sociaux. Mais je n’ai lu là-dessus aucune étude sérieuse et documentée qui arriverait à une telle conclusion. Si quelque lecteur en connaît une, je serais curieux de la connaître.
Mon observation personnelle est que l’intervention des politiques sur Twitter ou Facebook joue un rôle paradoxal. Au mieux, elles sont prévisibles et ne sont écoutées que par les convaincus, au pire elles conduisent son auteur à se ridiculiser. Sans compter que, comme scripta manent, on peut les ressortir plus tard pour mettre en évidence des volte-face. On voit mal une intervention sur Twitter qui pourrait persuader un citoyen à changer son soutien ou son vote, sauf par un effet négatif. C’est pourquoi j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi les hommes politiques s’escriment à intervenir sur un média alors que les chances de gain son petites et les chances de perte énormes. Comme disait mongénéral, « on parle toujours trop ». Franchement, qu’est-ce que cela apporte à un Jadot de célébrer par Twitter interposé une intervention de Greta Thunberg ou la fermeture de Fessenheim ? Absolument rien : c’est une réaction tellement prévisible – par ses partisans, par ses adversaires et même par les indifférents – qu’elle n’a aucun effet. Et pourtant, le 90% des messages émis par les politiciens sont de cette nature. Par contre, le risque existe toujours de dire une bêtise, de se tromper sur les dates, de faire un contresens…
Quant aux interventions des anonymes… c’est un bruit de fond. Tout le monde sait qu’on peut trouver mille imbéciles prêts à tirer sur n’importe quoi, sur n’importe qui. Et qu’il n’est pas difficile de trouver mille autres imbéciles pour l’applaudir. Alors, quel intérêt ? Les réactions, hostiles ou favorables, ne reflètent que la réaction d’un tout petit microcosme, et d’un microcosme de gens qui ne sont pas particulièrement intelligents, subtiles ou cultivés – car s’ils l’étaient, ils auraient mieux à faire que de se battre à coups de photos « comiques » et de petites phrases.
[Mais j’ai plusieurs fois lu sur votre site qu’on ne faisait de politique qu’à partir de la réalité… Donc il faut faire avec, et c’est pour cela que ce groupe twitter me semblait intéressant, et le fait qu’il renvoient vers un site une bonne chose.]
Oui, on ne fait de la politique qu’à partir de la réalité. Reste à savoir quelle est la réalité. Qu’est « en réalité » Twitter ? Combien de gens prennent ce qu’ils lisent – ou qu’ils écrivent – au sérieux, et combien le considèrent au contraire comme un spectacle, un amusement ou un défouloir ? En toute franchise, je n’ai pas une réponse sérieuse, argumentée à cette question. Tout au plus une perception personnelle.
@Descartes
[Oui, on ne fait de la politique qu’à partir de la réalité. Reste à savoir quelle est la réalité. Qu’est « en réalité » Twitter ? Combien de gens prennent ce qu’ils lisent – ou qu’ils écrivent – au sérieux, et combien le considèrent au contraire comme un spectacle, un amusement ou un défouloir ? En toute franchise, je n’ai pas une réponse sérieuse, argumentée à cette question. Tout au plus une perception personnelle.]
Sur l’influence de ces réseaux, je n’ai jamais vu non plus d’étude. Je pense aussi qu’on exagère souvent leur influence réelle, sur l’élection de Trump par exemple, avec la fameuse entreprise qui avait fait un ciblage ultra précis via les réseaux sociaux (et a donc grand intérêt à dire que ça a marché). Mais il ne faut pas non plus la sous-estimer.
L’intervention des politiques n’apporte presque rien, je vous rejoins sur ce point. Par contre entre les politiques (et les célébrités) et les anonymes je pense qu’il y a une chose intéressante : ce sont les personnes qui acquièrent sur ces réseaux une audience parce que leur propos intéressent des gens (pour une raison ou une autre : humour, spécialiste d’un sujet, bonimenteur…). Ces personnes peuvent avoir des millers ou des dizaines de millliers d’abonnés et ont au minimum cette influence là, tout comme avec votre blog on peut dire que vous avez une influence sur vos lecteurs. Pour moi ils constituent un 2ème microcosme “à côté” du microcosme des journalistes/éditorialistes, et surtout les deux sont mélangés, car les journalistes sont sur Twitter.
Par exemple depuis le début de l’épidémie de sars-cov2, pas mal de soignants ont donné leur avis, vu leur nombre d’abonnés augmenter, échangé avec leurs homologues (et avec des quidams). Ce n’est qu’un ressenti de ma part mais je suis sûr que cela a une influence, ne serait-ce que par la mise en contact de ces gens entre eux. La pétition de soignants en faveur du port du masque dans les espaces clos (qui est devenue une mesure) début juillet n’aurait peut-être pas vu le jour sans cette mise en relation (encore une fois ça reste à prouver).
Sur la forme twitter n’est vraiment pas idéal, mais j’ai l’imression quand même que vous sous-estimez la qualité des contenus qu’on peut y trouver. Voilà (je sais que le sujet vous intéresse) à titre d’exemple un compte intéressant qui parle de nucléaire et qui a de nombreux abonnés : https://twitter.com/TristanKamin . Ou encore un thread sur le nuage de Tchernobyl et démontant le prétendu “mensonge” du professeur Pellerin : https://threadreaderapp.com/thread/1285595837725376514.html .
@ tmn
[Sur l’influence de ces réseaux, je n’ai jamais vu non plus d’étude.]
Etonnant, non ? Il est vrai que la mesure de l’influence réelle de cet écosystème est particulièrement difficile, puisqu’il n’est pas aisé de trouver un groupe de contrôle. Mais surtout, il faut comprendre que le mythe de « l’influence des réseaux sociaux » est profitable à beaucoup de gens. D’une part, il renforce l’idée que le peuple est fondamentalement « influençable », et qu’on peut changer ses opinions et ses votes avec une bonne stratégie de communication. Une idée qui a permis à deux générations de communicants de très bien gagner leur vie en persuadant le politique que l’essentiel n’était pas la réalité mais la manière dont elle est présentée. D’autre part, l’idée que les réseaux sociaux ont de l’influence, qu’ils peuvent changer les choses (et même faire des révolutions !) permet de donner aux gens l’illusion d’un pouvoir en dehors des institutions démocratiques, et donc de masquer l’affaiblissement de celles-ci.
[L’intervention des politiques n’apporte presque rien, je vous rejoins sur ce point. Par contre entre les politiques (et les célébrités) et les anonymes je pense qu’il y a une chose intéressante : ce sont les personnes qui acquièrent sur ces réseaux une audience parce que leur propos intéresse des gens (pour une raison ou une autre : humour, spécialiste d’un sujet, bonimenteur…). Ces personnes peuvent avoir des millers ou des dizaines de millliers d’abonnés et ont au minimum cette influence là,]
Mais quelle « influence », exactement ? L’influence, c’est la capacité de faire faire par des gens des choses qu’ils n’auraient pas fait par eux-mêmes. Si je suggère au soleil de se lever à l’Est, et que le soleil suit mon conseil, est-ce que cela témoigne de ma grande « influence » ? Certainement pas : pour tester mon « influence », il faudrait que je suggère au soleil de se lever à l’Ouest. Et là, si le soleil suivant mon conseil, je pourrais dire « j’ai de l’influence ».
Qu’untel aie cent mille « followers » alors qu’il appelle à voter Le Pen ne témoigne d’aucune « influence » particulière. On trouvera aisément cent mille personnes qui votent Le Pen dans ce pays. Mais si demain la même personne appelait à voter Macron, que se passerait-il, à votre avis ? Si cet untel a vraiment de l’influence, une partie importante de ses « followiers » changeront leur vote. Mais pensez-vous que ce soit vraisemblable ? Non, le plus probable est que ses « followers » cesseront de le suivre, et continueront à voter Le Pen, et qu’ils seront remplacés par des nouveaux « followers » partisans de Macron. Alors, où est leur « influence » ?
Les réseaux sociaux sont des marchés : les gens y vont à la recherche d’un produit, et ceux qui « cotent » le plus sont ceux dont le produit plait. Mais il ne faudrait pas croire que parce que votre camembert plait vous pourriez persuader vos clients d’acheter du roquefort.
[tout comme avec votre blog on peut dire que vous avez une influence sur vos lecteurs.]
Je ne le crois pas. Les discussions que j’héberge ici peuvent faire changer les lecteurs de position – tout comme elles font changer les miennes. Les arguments exposés ici peuvent convaincre certains lecteurs. Mais je n’imagine pas qu’un lecteur de ce blog ira adopter telle ou telle idée juste parce que c’est moi qui le dit, ou alors à la marge. Ce blog souffre d’ailleurs beaucoup du même problème que l’ensemble des réseaux sociaux : la plupart des lecteurs sont grosso-modo d’accord avec ce que j’expose, et il n’y a que très peu de commentateurs pour porter la contradiction. Et le ciel sait pourtant qu’ils sont traités avec le plus grand respect !
[Par exemple depuis le début de l’épidémie de sars-cov2, pas mal de soignants ont donné leur avis, vu leur nombre d’abonnés augmenter, échangé avec leurs homologues (et avec des quidams). Ce n’est qu’un ressenti de ma part mais je suis sûr que cela a une influence, ne serait-ce que par la mise en contact de ces gens entre eux. La pétition de soignants en faveur du port du masque dans les espaces clos (qui est devenue une mesure) début juillet n’aurait peut-être pas vu le jour sans cette mise en relation (encore une fois ça reste à prouver).]
Je suis sceptique. J’ai fait signer assez de pétitions dans ma jeunesse pour savoir que cela n’a pas besoin des réseaux sociaux. Quant à « l’influence » des discussions entre soignants… j’avoue que je n’ai rien trouvé de bien novateur là-dedans. Des gens qui se mettent ensemble pour se plaindre collectivement de leurs malheurs…
[Sur la forme twitter n’est vraiment pas idéal, mais j’ai l’imression quand même que vous sous-estimez la qualité des contenus qu’on peut y trouver. Voilà (je sais que le sujet vous intéresse) à titre d’exemple un compte intéressant qui parle de nucléaire et qui a de nombreux abonnés : (…)]
Mais avez-vous lu les commentaires ? Ce que l’auteur (qui en fait écrit un article de blog en le découpant au format Tweeter…) écrit ne choque aucun des commentateurs. En d’autres termes, il ne dit que ce que ces lecteurs savent déjà. Quel effet cela a sur la réalité ? Aucun : aucun écologiste ne changera son vote parce que la nébuleuse écologique invente ses citation (vous savez, « la fin justifie les moyens »). C’est un bel effort pour rétablir les faits – et à ce titre cela est utile – mais en termes « d’influence », le résultat est maigre pour ne pas dire inexistant.
Même chose pour le texte sur Pellerin et le « nuage de Tchernobyl ». L’affaire a été mille fois expliquée, la justice même a donné plusieurs fois raison à Pellerin. Cela n’empêche pas Rivasi et compagnie de continuer à répéter le mensonge. Et au mensonge d’être pris pour de l’argent comptant par une partie de la population, parce que ces gens VEULENT y croire. Et que si ce n’est pas vrai, ce n’est pas grave, ce n’est pas la vérité, mais le résultat qui compte. Comme disait Mark Twain « History is strewn thick with evidence that a truth is not hard to kill, but a lie, well told, is immortal. ». (« L’histoire est pleine de preuves que la vérité est facile a tuer, mais un mensonge, bien raconté, est immortel »).
@ Descartes,
Bonjour,
[Ce blog souffre d’ailleurs beaucoup du même problème que l’ensemble des réseaux sociaux : la plupart des lecteurs sont grosso-modo d’accord avec ce que j’expose, et il n’y a que très peu de commentateurs pour porter la contradiction. Et le ciel sait pourtant qu’ils sont traités avec le plus grand respect !]
Pour une raison simple : la recherche du plaisir, l’hédonisme, inscrit dans notre patrimoine génétique, et, conjointement, la fuite de la douleur, l’ataraxie chère aux épicuriens.
Voilà pourquoi « la plupart des lecteurs sont grosso-modo d’accord avec ce que j’expose » car il est rassérénant de lire ce dont on est à peu près convaincu que de se coltiner un texte qui va vous déranger mentalement et ébranler votre confort intellectuel.
Et si « il n’y a que très peu de commentateurs pour porter la contradiction » c’est qu’ils s’exposent à prendre des coups de trique 😉, ce qui ne correspond en rien à l’ataraxie naturelle de l’humain. Et en plus, il faut bosser pour argumenter !
Je porte témoignage de la réalité « qu’ils sont traités avec le plus grand respect ». Cependant, si, selon l’adage « passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est un plaisir de fin gourmet », voir afficher son ignorance, ou simplement sa faiblesse rhétorique, au regard de centaines de lecteurs, peut constituer une atteinte cuisante à son amour propre, fût-ce pratiqué avec délicatesse. Les candidats sont donc rares !
En élargissant mon commentaire sur ce remarquable billet, et à partir de mes remarques précédentes, j’ai la conviction que le déclin de l’industrie de pointe en France est conjoint à un développement de l’oisiveté et de l’engouement pour les loisirs.
Ce n’est pas, en soi, un tort, sauf si l’on désire le beurre et l’argent du beurre.
Le même hédonisme et la même ataraxie prévalent dans nos comportements.
Le rapport compétence à acquérir, à mettre en œuvre, et surtout à maintenir sur ce qu’elle rapporte, en argent et en reconnaissance, est, dans une concurrence mondialisée, trop défavorable pour que les métiers d’ingénieur, de technicien de haut niveau, d’enseignant, de chercheur, intéressent.
Un bon pizzaiolo est souvent mieux traité qu’un excellent ingénieur. Un remarquable professeur compte moins qu’un vendeur de godasses.
Nous avons, par cette situation, une image des composantes de la société que nous avons construite, politiques y compris, mais choisis et élus par nous, électeurs.
Ce n’est pas de « classes intermédiaires » que nous souffrons mais de « classes d’intermédiaires ».
Entre ceux qui produisent de la richesse (durable notamment) et la masse des destructeurs de biens (de moins en moins indispensables) s’est instaurée une myriade d’acteurs qui ne produisent que du vent ou des services plus ou moins efficients.
Il s’est crée des tas de job où l’investissement intellectuel et/ou financier est modéré et qui rémunèrent cependant très correctement leurs détenteurs.
Et si dans une proportion adéquate leur utilité est réelle, tout ce qui dépasse la stricte nécessité consomme de la richesse non attribuée à l’investissement dans des biens eux-mêmes créateurs de richesses (M.O., infrastructure, recherche, enseignement, soins, etc. . . Ajoutez à cela un assistanat sans contrepartie dans le domaine de l’emploi particulièrement . . . . . .
Vous comparez les décroissances relatives de nos voisins et la nôtre. Je ne pense pas que l’Italie, la Suisse, l’Angleterre, entre autres, aient des gouvernements plus interventionnistes. Le mal est donc bien un mal français, il me semble.
En tout cas, merci et félicitations pour la qualité de l’exposé et des débats qui le suivent.
@ Marcailloux
[Pour une raison simple : la recherche du plaisir, l’hédonisme, inscrit dans notre patrimoine génétique, et, conjointement, la fuite de la douleur, l’ataraxie chère aux épicuriens.
Voilà pourquoi « la plupart des lecteurs sont grosso-modo d’accord avec ce que j’expose » car il est rassérénant de lire ce dont on est à peu près convaincu que de se coltiner un texte qui va vous déranger mentalement et ébranler votre confort intellectuel.]
Mais que faites-vous du plaisir de l’échange, de la joute, de la dialectique ? Et du plaisir, lorsqu’on recherche à se documenter pour répondre à son contradicteur, de découvrir des personnages, des idées, des ouvrages, des domaines qu’on ne connaissait pas ? Pour moi, échanger avec un contradicteur est un plaisir bien plus grand qu’avec celui qui est d’accord avec moi.
J’irais même plus loin : lorsque je suis devant quelqu’un de droite, je prendrai des positions plus « gauchistes », alors que lorsque je discute avec un gauchiste j’insisterais plutôt sur mon côté « conservateur ». Rien que pour « tester » un raisonnement, pour le plaisir de soutenir un débat.
[Et si « il n’y a que très peu de commentateurs pour porter la contradiction » c’est qu’ils s’exposent à prendre des coups de trique 😉, ce qui ne correspond en rien à l’ataraxie naturelle de l’humain. Et en plus, il faut bosser pour argumenter !]
Oh… je ne pense pas avoir donné ici beaucoup de « coups de trique » aux commentateurs qui se prêtent au jeu de l’argument et du contre-argument…
[Je porte témoignage de la réalité « qu’ils sont traités avec le plus grand respect ». Cependant, si, selon l’adage « passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est un plaisir de fin gourmet », voir afficher son ignorance, ou simplement sa faiblesse rhétorique, au regard de centaines de lecteurs, peut constituer une atteinte cuisante à son amour propre, fût-ce pratiqué avec délicatesse. Les candidats sont donc rares !]
C’est comme au Judo, il faut perdre d’abord beaucoup de combats avant de commencer à en gagner… c’est là la racine même de tout apprentissage.
[En élargissant mon commentaire sur ce remarquable billet, et à partir de mes remarques précédentes, j’ai la conviction que le déclin de l’industrie de pointe en France est conjoint à un développement de l’oisiveté et de l’engouement pour les loisirs.]
Il y a aussi de ça. Moins que le « développement de l’oisiveté » – car on continue à travailler beaucoup en France comparé à d’autres pays – je parlerais plutôt d’une survalorisation consumériste du loisir. De plus en plus on entend un discours qui assimile le travail à la souffrance, et qui professe que l’individu n’est libre et ne peut se réaliser en tant que tel que dans le loisir. Une vision qui ne fait que reprendre la malédiction judéo-chrétienne « tu gagneras le pain à la sueur de ton front ».
Or, le travail industriel est le « travail maudit » par excellence : le milieu industriel est un milieu fortement hiérarchisé, discipliné, contraint, dangereux. Il nécessite un investissement important en termes d’expérience et de formation non seulement pour pouvoir réaliser les tâches, mais aussi pour le faire en toute sécurité. Ce n’est pas par hasard si les publicités pour les barres chocolatées qui suggèrent de prendre un moment de loisir dans le contexte du travail le font toujours dans le contexte d’un bureau, et non d’une usine.
[Ce n’est pas, en soi, un tort, sauf si l’on désire le beurre et l’argent du beurre. Le même hédonisme et la même ataraxie prévalent dans nos comportements. Le rapport compétence à acquérir, à mettre en œuvre, et surtout à maintenir sur ce qu’elle rapporte, en argent et en reconnaissance, est, dans une concurrence mondialisée, trop défavorable pour que les métiers d’ingénieur, de technicien de haut niveau, d’enseignant, de chercheur, intéressent.]
Sauf que l’ataraxie est loin de prévaloir. On voit se multiplier des loisirs qui impliquent, eux aussi, la maîtrise de compétences longues à acquérir et qui impliquent une certaine souffrance à mettre en œuvre. De l’escalade à la navigation à voile, de la boxe au vélo, on valorise cette même souffrance, cette discipline, cet apprentissage qu’on dévalorise dès qu’il est lié au monde du travail. Je crois que j’avais cité ici l’exemple : à une époque, ma fenêtre donnait sur un « skate-park » improvisé ou les adolescents s’entrainaient à faire de l’acrobatie avec leur planche à roulettes. Je voyais toujours les mêmes adolescents essayer une, cinq dix, cent, mille fois la même figure – et prendre pas mal de bleus et de coquards dans le processus – jusqu’à la dominer. Et je me disais : pourquoi notre société n’arrive pas à valoriser le jeune qui fait un, dix, cent, mille exercices de mathématiques ou de physique pour dominer un domaine donné, celui qui démonte et remonte un, dix, cent, mille fois un moteur de mobylette ou de voiture jusqu’à en connaître les moindres détails ? Pourquoi la culture populaire est remplie de marques comme Nike qui nous font la publicité de ceux qui « just do it » en dansant sur rythme de rap, et pas des marques comme Facom qui nous parlent de ceux qui utilisent leurs produits pour faire quelque chose d’utile ?
Alors, on peut parler d’hédonisme. Mais il faut aussi se souvenir que le plaisir passe aussi par la conformité à un modèle qui est socialement construit. Si fabriquer une voiture passe par une corvée alors qu’escalader l’Himalaya ou traverser l’Atlantique à la nage est un plaisir, c’est parce que la société les institue ainsi, et non parce qu’il y ait une détermination naturelle. Il n’y a aucune raison pour que dominer une planche à roulettes provoque un plus grand plaisir que de dominer un raisonnement mathématique ou un tour à métaux.
[Un bon pizzaiolo est souvent mieux traité qu’un excellent ingénieur. Un remarquable professeur compte moins qu’un vendeur de godasses.]
Tout de même, n’exagérons rien. Lorsque vous regardez les salaires, vous vous dites qu’il faut être vraiment un excellent vendeur de godasses pour gagner plus qu’un « remarquable professeur », et qu’il faut vraiment être un pizzaiolo hors normes pour gagner autant qu’un « excellent ingénieur ». Et je ne parle même pas du prestige social… Même si le capitalisme tend à réduire tous les rapports au paiement au comptant, et donc à hiérarchiser les métiers en fonction de la loi de l’offre et de la demande, on est encore très loin d’une société hiérarchisée strictement selon ces critères.
[Ce n’est pas de « classes intermédiaires » que nous souffrons mais de « classes d’intermédiaires ».
Entre ceux qui produisent de la richesse (durable notamment) et la masse des destructeurs de biens (de moins en moins indispensables) s’est instaurée une myriade d’acteurs qui ne produisent que du vent ou des services plus ou moins efficients.]
Cela a toujours existé… pensez aux temples et aux églises. Qu’est ce qu’ils vendaient, sinon du vent ?
Les « classes intermédiaires » sont souvent des « classes d’intermédiaires », puisque dans une société capitaliste la production nécessite massivement du capital matériel, et que les classes intermédiaires n’ont qu’un capital immatériel.
[Il s’est crée des tas de job où l’investissement intellectuel et/ou financier est modéré et qui rémunèrent cependant très correctement leurs détenteurs.]
La question est « pourquoi ». Pourquoi les gens acceptent de payer « très correctement » des jobs que n’importe qui pourrait faire, puisqu’ils demandent « un investissement intellectuel et/ou financier modéré »… si vous n’avez pas de réponse à cette question, c’est probablement parce que vos hypothèses de base sont fausses ou incomplètes. En fait, ces jobs demandent un « capital immatériel » important, fait de connaissances et des réseaux.
[Vous comparez les décroissances relatives de nos voisins et la nôtre. Je ne pense pas que l’Italie, la Suisse, l’Angleterre, entre autres, aient des gouvernements plus interventionnistes. Le mal est donc bien un mal français, il me semble.]
Oui et non. Le gouvernement allemand, par exemple, est nettement plus « interventionniste ». Dès que son industrie est menacée, il fait pression sur Bruxelles et obtient souvent satisfaction, et quand ce n’est pas le cas il s’assied sur les règles européennes et bien entendu personne à la Commission n’ose le lui rappeler. Quand vous regardez l’organigramme des services de la Commission, vous serez surpris du nombre d’Allemands qui se trouvent dans des postes de grand pouvoir dans les directions économiques et industrielles. J’irai même plus loin : les Allemands présents à Bruxelles n’oublient jamais qu’ils sont d’abord Allemands, et Européens ensuite. Les Français qu’on envoie à la Commission sont souvent des croyants qui font un point d’honneur à maltraiter leur pays d’origine pour montrer que ce sont des « vrais européens ».
La Suisse est « interventionniste » sur un autre plan : ayant le contrôle de ses frontières et de sa politique monétaire, elle soutient systématiquement les industries qu’elle juge « stratégiques », y compris par une politique de « achetez Suisse ». Les produits suisses sont bien marqués en tant que tels et différentié des autres, et les consommateurs y sont sensibles. En France, essayez d’acheter de l’huile d’olive « made in France », et vous verrez le problème…
Le cas de la Grande Bretagne est très différent parce que les classes intermédiaires britanniques ont fait de la désindustrialisation une politique assumée. Mais là encore, l’instrument monétaire permet de protéger la compétitivité des activités industrielles.
[En tout cas, merci et félicitations pour la qualité de l’exposé et des débats qui le suivent.]
A mon tour, merci d’y participer !
@Descartes
[Je ne le crois pas. Les discussions que j’héberge ici peuvent faire changer les lecteurs de position – tout comme elles font changer les miennes. Les arguments exposés ici peuvent convaincre certains lecteurs. Mais je n’imagine pas qu’un lecteur de ce blog ira adopter telle ou telle idée juste parce que c’est moi qui le dit, ou alors à la marge. Ce blog souffre d’ailleurs beaucoup du même problème que l’ensemble des réseaux sociaux : la plupart des lecteurs sont grosso-modo d’accord avec ce que j’expose, et il n’y a que très peu de commentateurs pour porter la contradiction]
Hé bien je ne suis pas trop d’accord 😉
Déjà entre “changer de position” et “adopter telle ou telle idée”, il y a juste une différence de degré non ? Si les réseaux sociaux ou un blog peuvent faire l’un, ils peuvent faire l’autre. Et puis si un blog ne peut pas faire changer d’avis, alors en quoi un article de journal, un reportage radio ou un livre le pourraient ? Car là aussi une personne ira lire ou écouter ce qu’elle souhaite entendre. Si on pousse le raisonnement jusqu’à l’absurde, alors rien ne peut faire changer d’avis une personne…
A défaut d’étude je n’ai que mon cas personnel et celui des gens que je cotoie. Mais dans les conversations au travail, entre amis, on parle bien AUSSI d’articles de blog ou de messages sur les réseaux sociaux, on se les échange, c’est une matière comme une autre. Par exemple j’ai été influencé par votre blog sur le nucléaire, un sujet que je connaissais mal certes, mais sur lequel j’avais “par défaut” certains a priori, qui ont changés en lisant votre blog, pas JUSTE votre blog, mais il m’a influencé. Et même sans si on ne s’en rend pas compte, toute lecture “infuse”, on en garde toujours quelquechose, qu’on soit d’accord ou pas.
Pour revenir à ce que je voulais dire au départ de cet échange, ce n’était pas seulement “twitter a une certaine influence” mais : il n’y a pas QUE du contenu pourri sur twitter, malgré une forme pas super adaptée. Et je persiste à penser que vous sous estimez sans doute un peu les deux. Et que je trouvais réjouissant qu’on y trouve ces comptes “pro Frexit / marxistes”. Mais bon ceci étant dit… je préfère de loin votre blog (fond et forme) à n’importe quel compte twitter !
@ tmn
[Hé bien je ne suis pas trop d’accord 😉]
Je ne peux que vous en remercier ;-))
[Et puis si un blog ne peut pas faire changer d’avis, alors en quoi un article de journal, un reportage radio ou un livre le pourraient ? Car là aussi une personne ira lire ou écouter ce qu’elle souhaite entendre. Si on pousse le raisonnement jusqu’à l’absurde, alors rien ne peut faire changer d’avis une personne…]
Je ne dis pas que ce soit le cas pour toutes les personnes. Il y a bien une minorité qui pratique encore le doute systématique, et qui s’intéresse aux arguments des gens qui ne sont pas de son côté. Mais pour une grande majorité de la population, oui, il est impossible de les faire changer d’opinion. Attention, je ne dis pas que ce soit le cas universellement. Mais je pense que nous vivons depuis quelques années un moment particulier, marqué par une fragmentation du monde intellectuel en petites « sectes » dont les membres ne sont intéressés que par les blogs, les journaux ou le livres qui disent ce qu’ils ont envie d’entendre. C’est peut-être pour cela qu’aujourd’hui il est difficile de trouver des livres marquants publiés ces derniers temps…
Pour aller plus loin, je dirais que la seule chose qui peut faire changer d’avis la majorité des gens, c’est la réalité. En d’autres termes, ce n’est pas la lecture d’un livre ou d’un blog, ce n’est pas un film où un journal qui leur fera changer d’avis, mais le fait que leurs convictions se fracassent contre la réalité. Combien de fédéralistes eurolâtres ont douté voyant le traitement réservé à la Grèce après la crise financière ? Combien de cadres ultralibéraux ont changé de vision le jour où ils se sont fait virer de leur boîte comme des malpropres dans le cadre d’une « restructuration pour augmenter la valeur pour l’actionnaire » ?
[Pour revenir à ce que je voulais dire au départ de cet échange, ce n’était pas seulement “twitter a une certaine influence” mais : il n’y a pas QUE du contenu pourri sur twitter, malgré une forme pas super adaptée. Et je persiste à penser que vous sous estimez sans doute un peu les deux. Et que je trouvais réjouissant qu’on y trouve ces comptes “pro Frexit / marxistes”. Mais bon ceci étant dit… je préfère de loin votre blog (fond et forme) à n’importe quel compte twitter !]
J’ai hésité à ouvrir un compte Tweeter ou Facebook associé à ce blog… mais franchement, ce que j’ai vu circuler sur ces milieux m’a en grande partie découragé. Mais peut-être serait un moyen d’amener ici plus de contradicteurs ? Je vais y réflechir…
@Descartes
[J’ai hésité à ouvrir un compte Tweeter ou Facebook associé à ce blog… mais franchement, ce que j’ai vu circuler sur ces milieux m’a en grande partie découragé. Mais peut-être serait un moyen d’amener ici plus de contradicteurs ? Je vais y réflechir…]
Je comprends. Sur twitter (je connais moins facebook) ce n’est pas un problème de trouver des contradicteurs (de qualité variable…). Par contre la vraie difficulté serait de les amener vers un blog externe je pense.
@Descartes
[Oui, on ne fait de la politique qu’à partir de la réalité. Reste à savoir quelle est la réalité. Qu’est « en réalité » Twitter ? Combien de gens prennent ce qu’ils lisent – ou qu’ils écrivent – au sérieux, et combien le considèrent au contraire comme un spectacle, un amusement ou un défouloir ? En toute franchise, je n’ai pas une réponse sérieuse, argumentée à cette question. Tout au plus une perception personnelle.]
Je pense que la réalité est entre les deux. Twitter est effectivement un microcosme (ou plutôt une assemblage de microcosmes disjoints qui s’affrontent occasionnellement ou se recoupent sur la micro-polémique du jour), mais ses effets débordent tout de même sur le monde réel.
Par exemple, je lis beaucoup d’ingénieurs dans le nucléaire qui vulgarisent la technologie sur Twitter, décortiquent les rapports du GIEC, montrent les failles des scénarios 100% renouvelables, etc.
De fil en aiguille, ces lectures m’ont permis de convaincre plusieurs amis écologistes de devenir pro-nucléaires, allant jusqu’à militer dans ce sens dans leurs organisations.
Pas de quoi révolutionner le monde, mais l’impact doit avoir un ordre de grandeur à mi-chemin entre le café de commerce et la presse standard.
La quasi disparition des conversations de bistrot fait même que ces réseaux sont la quasi unique source de politisation de beaucoup de jeunes, du moins à mon expérience. (Par ailleurs, c’est par Twitter que j’ai découvert le livre de F. Perucci sur Alstom, déjà évoqué ici. Sa médiatisation était un phénomène limité aux réseaux sociaux, mais il a plus ou moins fait le tour de ma famille après coup)
En revanche, pour les poids lourds politiques, c’est effectivement un jeu où l’on ne peut que perdre. Bayou et Jadot ont été beaucoup moqués pour leur nullité mathématique (le premier à 102 km² le… périmètre de Paris, le second ne voyant pas la compatibilité entre “dans un rayon de 17 km” et “sur une surface de 900km²”), alors qu’ils n’ont pas gagné grand chose, à part d’être “liké” par le reste de la direction d’EELV. Sans parler des comptes de ministres, bien trop formels pour un tel réseau et qui sont, au mieux, une source récurrente de blagues, au pire, un attracteur à insultes.
[Quant aux interventions des anonymes… c’est un bruit de fond. Tout le monde sait qu’on peut trouver mille imbéciles prêts à tirer sur n’importe quoi, sur n’importe qui. Et qu’il n’est pas difficile de trouver mille autres imbéciles pour l’applaudir. Alors, quel intérêt ? Les réactions, hostiles ou favorables, ne reflètent que la réaction d’un tout petit microcosme, et d’un microcosme de gens qui ne sont pas particulièrement intelligents, subtiles ou cultivés – car s’ils l’étaient, ils auraient mieux à faire que de se battre à coups de photos « comiques » et de petites phrases.]
Comme dit plus haut, l’intérêt pour les anonymes n’est pas tant dans la joute, qui selon l’humeur est soit amusante soit toxique, mais plutôt dans l’interaction avec des concitoyens souvent semi-anonymes. Lorsqu’un “petit” journaliste croise un agriculteur qui partage des photos de la modernisation de son exploitation, l’issue est très souvent positive et peut aboutir à un article dans la “vraie” presse.
Mais bien sûr, en parallèle, il y a pleins de bulles complètement délirantes qui vivent leur vie sans impact sur le monde réel, si ce n’est d’isoler ses membres. J’ai eu la surprise de découvrir, entre autres, un club de sorcières qui essayent de trouver un remède pour calmer la Lune depuis qu’une sorcière débutante l’a maudite il y a deux semaines (???), ou encore une féministe qui s’est amusée à féminiser absolument tout (Type “moie, je veux vivre dans une monde entièrement féminisée. Rejoignez-noues !”)
C’est évidemment plus désespérant…
@ Un Belge
[La quasi disparition des conversations de bistrot fait même que ces réseaux sont la quasi unique source de politisation de beaucoup de jeunes, du moins à mon expérience. (Par ailleurs, c’est par Twitter que j’ai découvert le livre de F. Perucci sur Alstom, déjà évoqué ici. Sa médiatisation était un phénomène limité aux réseaux sociaux, mais il a plus ou moins fait le tour de ma famille après coup)]
Je ne dis pas que les réseaux sociaux n’aient pas un effet. Mais cet effet est du même ordre que celui du bistrot (qui, ne l’oublions pas, fut une institution politique d’une certaine importance au tournant du XXème siècle). Imaginer que les réseaux sociaux font surgir un « intellectuel collectif » ou « une nouvelle forme de démocratie », c’est à mon sens très exagéré. On voit d’ailleurs ce que ça donne dans l’organisation politique française qui s’est construite exclusivement sur cette base…
Cher ami et camarade, d’accord avec vous à 100% sur ce sujet. J’allais dire… évidemment !
À propos de l’essor industriel qui a suivi immédiatement la Libération, il ne vous a pas échappé, car cela va sans dire, que les travailleurs y ont été directement associés “idéologiquement” par un effort productiviste assumé par la classe ouvrière et ses organisations…
Oui, oui, à cette époque-là, la classe ouvrière avait des organisations politiques et syndicales qui avaient à cœur de défendre ses intérêts ; intérêts qui étaient aussi ceux de la Nation.
De plus, cette politique avait pour socle une puissante base industrielle publique, et une volonté politique sur le long terme appuyée sur une planification résolue. Je me souviens, étant gamin, avoir entendu aux infos détailler les objectifs du 6e Plan…
C’est pourquoi à vos trois propositions (ou peut-être en annexe de la troisième), j’ajouterais un retour à la planification.
Bravo pour ce texte magnifique de synthèse et de clairvoyance !
@ Gugus69
[À propos de l’essor industriel qui a suivi immédiatement la Libération, il ne vous a pas échappé, car cela va sans dire, que les travailleurs y ont été directement associés “idéologiquement” par un effort productiviste assumé par la classe ouvrière et ses organisations… Oui, oui, à cette époque-là, la classe ouvrière avait des organisations politiques et syndicales qui avaient à cœur de défendre ses intérêts ; intérêts qui étaient aussi ceux de la Nation.]
Tout à fait. Le mot d’ordre de l’époque était « il faut gagner la bataille de la production ». Malgré leurs différences, gaullistes et communistes partageaient la volonté de défendre l’indépendance de la France et d’empêcher le pays de devenir un protectorat américain. Et le PCF a bien compris que le redressement de l’appareil productif était indispensable pour atteindre ce but.
[De plus, cette politique avait pour socle une puissante base industrielle publique,]
En fait, la « base publique » n’était pas si « puissante » que ça. Si l’on laisse de côté les monopoles historiques (tabacs et allumettes) et les chemins de fer nationalisés en 1936 et qui étaient dans un triste état, il n’y avait en 1945 pas grande chose en termes de « secteur public », pas même la Banque de France…
C’est la Libération qui, tirant les leçons de l’action du capital privé pendant l’entre-deux guerres (mais aussi pendant la guerre), a constitué un « secteur public » qui deviendra puissant seulement dans les années 1950.
[(…) et une volonté politique sur le long terme appuyée sur une planification résolue. Je me souviens, étant gamin, avoir entendu aux infos détailler les objectifs du 6e Plan… C’est pourquoi à vos trois propositions (ou peut-être en annexe de la troisième), j’ajouterais un retour à la planification.]
Cela allait pour moi sans dire. Dès lors qu’on propose d’avoir une véritable politique industrielle, il est clair qu’il faut derrière une planification de long terme. Mais il est vrai qu’un plan limité à l’industrie serait bien pauvre. L’avantage de la planification introduite à la Libération était d’associer la politique industrielle à l’ensemble de la politique économique, et notamment à celle des infrastructures et de l’aménagement du territoire. Une vision globale qui manque cruellement aujourd’hui.
Maintenant que les Khmers verts s’imaginent détenir la légitimité démocratique, à la suite de quelques victoires de hasard dans quelques métropoles boboïsées, il n’y a pas d’apparence que les choses s’arrangent de sitôt! Pour ces gens-là, travailler pour le secteur industriel semble confiner au crime contre l’humanité. Il sera bientôt mieux en cour de se dire proxénète ou narcotrafiquant. A moins, bien sûr, de fabriquer des vistemboires durables, des biglotrons écoresponsables ou des bédiglas solidaires. Et encore…
@ maleyss
[Maintenant que les Khmers verts s’imaginent détenir la légitimité démocratique, à la suite de quelques victoires de hasard dans quelques métropoles boboïsées, il n’y a pas d’apparence que les choses s’arrangent de sitôt!]
Vous ne croyez pas si bien dire. Un ami installé à Grenoble à la fin des années 1970 me disait qu’à l’époque on ne parlait à Grenoble que de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et accélérateurs de particules au CEA, du développement des recherches et de la fabrication de sémiconducteurs et de matériel électrique. On parlait même de la « silicon valley » française… aujourd’hui, on ne parle que de tramway et d’espaces verts.
[Maintenant que les Khmers verts s’imaginent détenir la légitimité démocratique, à la suite de quelques victoires de hasard dans quelques métropoles boboïsées]
Euh… ils ont été élus, non ? leur légitimité démocratique est bien réelle et pas due au hasard, il me semble…
@ BJ
[Euh… ils ont été élus, non ? leur légitimité démocratique est bien réelle et pas due au hasard, il me semble…]
Ils ont été élus, certes. Mais élus pour quoi faire ? Pour gérer des municipalités. Là où il y a abus, c’est lorsqu’on suppose que parce qu’on a été élu pour gérer la voirie municipale, les bâtiments scolaires ou la piscine, on est légitime à parler au nom du peuple sur le nucléaire, l’Europe ou la politique industrielle. Eric Piolle peut invoquer une légitimité démocratique pour parler du tramway de Grenoble. Mais lorsqu’il parle de sujets nationaux, il n’a d’autre “légitimité” que celle de son opinion.
[Maintenant que les Khmers verts s’imaginent détenir la légitimité démocratique, à la suite de quelques victoires de hasard dans quelques métropoles boboïsées].
1- quels sont vos critères de “légitimité démocratique” ?
2- Je suppose que l’appellation “Khmers verts” ne fait pas allusion à la civilisation Khmer mais à l’épisode historique des Khmers rouges dont l’idéologie meurtrière a causé la mort de 20% de la population cambodgienne entre 1975 et 1979.
Je ne connais pas les élus que vous assimilez à des génocidaires en puissance, mais ne trouvez-vous pas votre expression excessive ?
Pour éviter la foudre, je précise que je n’ai que peu de sympathie pour EELV …
@ Bruno
[2- Je suppose que l’appellation “Khmers verts” ne fait pas allusion à la civilisation Khmer mais à l’épisode historique des Khmers rouges dont l’idéologie meurtrière a causé la mort de 20% de la population cambodgienne entre 1975 et 1979. Je ne connais pas les élus que vous assimilez à des génocidaires en puissance, mais ne trouvez-vous pas votre expression excessive ?]
Maleyss vous répondra peut-être, mais en ce qui me concerne je trouve l’expression parfaitement justifiée. Je pourrais vous rappeler qu’on trouve des écologistes pour affirmer que le monde est trop peuplé, et qu’il faudrait réduire le nombre d’habitants sur terre. Même s’ils ne décrivent guère les moyens qu’ils proposent pour atteindre cet objectif, on pourrait s’interroger sur les mesures qu’ils pourraient prendre s’ils devaient arriver au pouvoir… Mais bon, ce n’est pas là l’essentiel. « Khmer rouge » ne fait pas tant référence au génocide qu’à un type de sectarisme qui n’accepte la moindre contradiction, et à la conviction absolue que l’on détient la vérité, et que ceux qui ne l’acceptent pas doivent être éliminés ou « rééduqués », et cela quel qu’en soient les coûts.
Personne n’insinue que les écologistes français pourraient demain commettre un génocide REEL. Par contre, je serai plus réservé quant à leur disposition à commettre un génocide SYMBOLIQUE. Le dogmatisme pour ce qui concerne la « sortie du nucléaire », conçue comme un objectif à atteindre à n’importe quel coût (y compris celui d’accentuer le réchauffement climatique en remplaçant l’électricité nucléaire par le gaz ou le charbon) me semble un bon exemple.
Cher Descartes,Cher Descartes,
Vous etes particulierement en forme avec cette article d’une pertinence remarquable. Merci pour cette belle analyse.
Bonjour la Cie : autre chose encore, en rapport avec le sujet de ce post :
A l’occasion de la mort de Bernard Stiegler (suicide assumé pour échapper à l’évolution insupportable d’une douloureuse maladie, semble-t-il), un journal suisse a remis en ligne ce récent entretien avec ce socio-techno-philosophe. Peut-être pourra-t-il mériter votre lecture :
https://www.letemps.ch/opinions/bernard-stiegler-toute-technologie-porteuse-pire-autant-meilleur
@ Claustaire
[A l’occasion de la mort de Bernard Stiegler (suicide assumé pour échapper à l’évolution insupportable d’une douloureuse maladie, semble-t-il), un journal suisse a remis en ligne ce récent entretien avec ce socio-techno-philosophe. Peut-être pourra-t-il mériter votre lecture : (…)]
L’entretien est très intéressant… mais je trouve Stiegler franchement idéaliste, notamment dans sa vision européenne. Comment peut-il imaginer qu’une structure qui a été créée pour défendre les intérêts qu’il dénonce et dominée par eux pourrait par on ne sait quelle magie aller contre ces mêmes intérêts ? Les piliers mêmes de la construction européenne – la libre circulation, la concurrence libre et non faussée – sont destinés à encourager la « disruption ». Comment peut-il croire que la solution se trouve là ?
Par ailleurs, comme beaucoup de philosophes qui s’intéressent au numérique, Stiegler trouve « nouveaux » des phénomènes qui sont en fait inhérents au capitalisme dès ses débuts. Le fait que l’expansion du capitalisme repose sur une demande de masse solvable, et que la course au profit tend à détruire cette solvabilité en poussant les salaires vers le bas est une contradiction déjà soulignée par Marx dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Certains patrons l’ont réalisé eux-mêmes, et sont allés à contre-courant : ce fut par exemple le cas de Ford qui a bien compris qu’il fallait des bons salaires pour que les employés puissent acheter des voitures. Après 1945, la peur du communisme a aidé les keynésiens à convaincre un patronat réticent qu’il fallait partager les fruits de la production si on voulait que la croissance soit au rendez-vous. La fin de la période de rattrapage, l’automatisation et la chute des « socialismes réels » a réduit à néant le pouvoir de négociation de la classe ouvrière, et du coup le capital a repris la mise. Pour maintenir la demande, il n’existe donc plus qu’un moyen, l’endettement. Et on a assisté au retour des crises cycliques qui avaient disparu pendant les « trente glorieuses ». Ce n’est donc pas la « disruption » numérique qui produit le phénomène, c’est la structure même du capitalisme.
@ Descartes
Merci pour votre texte et vos réponses.
Je vous trouve clair, parfois même lumineux. Qui pour porter votre analyse dans le champ politique actuel ?
Il me semble que nous sommes à une croisée de chemins (démographie, réchauffement climatique, limitation des ressources) et que nos élites n’ont ni la volonté, ni les capacités de faire les choix adéquats.
@ Bruno
[Qui pour porter votre analyse dans le champ politique actuel ?]
Personne, je le crains. Je suis trop “marxiste” pour ceux de droite, trop “réac” pour ceux de gauche. Avant le départ de Philippot, on pouvait penser que le FN s’ouvrait à des pensées hétérodoxes, ce n’est plus guère le cas. Alors qu’on parlait de la mort des religions, les groupes politiques abordent de plus en plus les débats en termes théologiques: écartez-vous du dogme et vous serez immédiatement marqué comme hérétique. Dans ces conditions, difficile de porter une pensée complexe qui, par essence, est forcément nuancée et peu utile pour diaboliser untel ou untel. Je fais mienne la citation de Jean Renoir dans “La règle du jeu”: “Tu comprends, sur cette Terre, il y a quelque chose d’effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons”. Si les militants acceptaient ce simple principe, le débat redeviendrait possible.
@ Descartes
[Je fais mienne la citation de Jean Renoir dans “La règle du jeu”: “Tu comprends, sur cette Terre, il y a quelque chose d’effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons”. Si les militants acceptaient ce simple principe, le débat redeviendrait possible.]
Ne croyez-vous pas que l’une des raisons pour lesquelles les militants ont du mal avec ce simple principe, tient à la manière dont s’organise le militantisme ? En simplifiant sans doute grossièrement, j’ai l’impression qu’autrefois, un militant ne pouvait militer que *quelque part*, ce qui voulait dire qu’il n’avait pas d’autre choix que de coltiner les gens qui s’y trouvaient. Convaincre à l’usine, au bistrot, au marché, ceux qui s’y trouvent, obligeait le militant à se confronter à la contradiction, et à faire ses preuves.
Or, mais ma situation fausse peut-être ma perspective, les rares militants que je rencontre, je les croise soit dans la rue — à me tendre leur tract comme d’aucuns leur publicité —, soit sur internet. Je ne m’étendrai pas sur l’entre-soi dans lequel on s’enferme facilement sur internet, c’est une banalité. Mais ailleurs ?
D’accord, on a fermé les usines, mais pas les bistrots ni les marchés. Pourtant, je n’y croise plus que des militants peu enclins à la discussion. Soit je les écoute poliment, et j’évite certains sujets pour ne pas me faire rembarrer, soit je me fais rembarrer. Sans verser dans le mélo, c’est justement au bistrot, après avoir quitté la ville pour la campagne, que j’ai pu avoir le plus de discussions politiques franches. Cela dit, je n’y trouve justement pas de militants…
Qu’est-ce qui a pu changer ?
@ Louis
[Ne croyez-vous pas que l’une des raisons pour lesquelles les militants ont du mal avec ce simple principe, tient à la manière dont s’organise le militantisme ? En simplifiant sans doute grossièrement, j’ai l’impression qu’autrefois, un militant ne pouvait militer que *quelque part*, ce qui voulait dire qu’il n’avait pas d’autre choix que de coltiner les gens qui s’y trouvaient. Convaincre à l’usine, au bistrot, au marché, ceux qui s’y trouvent, obligeait le militant à se confronter à la contradiction, et à faire ses preuves.]
Je ne sais pas si c’est la seule explication, mais c’est une explication séduisante. Hier, le militant était d’abord un animateur, un recruteur en dehors de son organisation. Son mandat était de porter la bonne parole auprès des incroyants et de les encourager à adopter ses idées. Et pour convaincre, il faut comprendre comment l’autre fonctionne. Je ne sais pas si c’était la même chose ailleurs, mais dans les formations que le PCF dispensait à ses militants il y avait de l’histoire et de la philosophie – et pas seulement la philosophie marxiste. Pour comprendre Marx, il fallait lire les gens contre qui Marx avait écrit…
Par ailleurs, les partis étaient autrefois beaucoup moins homogènes socialement, et donc idéologiquement. Même dans un parti comme le PCF qui se voulait monolithique à l’extérieur, les ouvriers côtoyaient des enseignants et des intellectuels, et la confrontation de sensibilités conduisait à des débats idéologiques internes animés Au PS les différences s’affichaient publiquement à travers les « courants ». Aujourd’hui, les partis sont beaucoup plus homogènes socialement et donc idéologiquement et les militants ont beaucoup moins de possibilités de se confronter à des gens venant d’autres milieux ou ayant des idées différentes. En fait, les gens se regrupent beaucoup plus par affinités, et du coup comme l’a si bien écrit Charlotte Girard à propos de LFI, « il n’y a pas moyen de ne pas être d’accord ».
[Or, mais ma situation fausse peut-être ma perspective, les rares militants que je rencontre, je les croise soit dans la rue — à me tendre leur tract comme d’aucuns leur publicité —, soit sur internet. Je ne m’étendrai pas sur l’entre-soi dans lequel on s’enferme facilement sur internet, c’est une banalité. Mais ailleurs ?]
Ce n’est pas vraiment une banalité. J’ai me suis beaucoup intéressé aux modes de débat sur internet – n’hésitant pas à jouer les provocateurs sur certains blogs pour voir les réactions. Plus que l’entre-soi, ce qui caractérise ces débats c’est le manque de curiosité pour ce qui est différent. La fonction de ces forums est religieuse, au sens étymologique du terme : les gens viennent essentiellement pour communier, c’est-à-dire, pour pratiquer une sorte de rituel qui les rassure, avec des gens qui pensent comme eux et dont ils n’ont pas à attendre une surprise. C’est pourquoi toute voix dissonante est accueillie non avec curiosité (« voyons ce que cet hurluberlu a dans la tête ») mais avec rage : il faut de toute urgence faire taire celui qui rompt l’unité du rituel. Je me souviens avoir fait l’objet d’une chasse aux sorcières par une dame qui me reprochait « de menacer la pureté de nos convictions »…
[D’accord, on a fermé les usines, mais pas les bistrots ni les marchés. Pourtant, je n’y croise plus que des militants peu enclins à la discussion.]
Peu enclins à la discussion, oui, parce que peu préparés à l’exercice. Ils n’ont pas des convictions – c’est-à-dire des croyances fermement soutenues par un raisonnement – mais des opinions qui n’ont d’autre fondement qu’une émotion. Et en matière d’opinions, la discussion ne peut aller plus loin qu’un « c’est votre opinion, ce n’est pas la mienne », voire un « vous êtes un… » (rajouter le mot manquant : fasciste, réactionnaire, communiste, imbécile, etc.) qui met fin à la discussion. Un militant à l’ancienne pouvait argumenter des heures, parce qu’il était formé à l’exercice par des « écoles de parti », et qu’il avait une substance tirée de la lecture régulière d’une publication et des livres recommandés. Vous me direz que les raisonnements étaient souvent stéréotypés ? Oui, c’est vrai, on ne transforme pas un ouvrier en philosophe aussi facilement. Mais même si c’était une pensée autonome schématique, elle n’était pas moins autonome pour autant.
Et puis, et je parle là par expérience, la joute politique restait un plaisir. Je me souviens d’heures passées au bistrot à discuter politique. On s’y préparait. C’était même un instrument de séduction : le meilleur débatteur avait à ses pieds les plus belles filles de la cellule ou de la section…
Pour correction :
“Trois ans après la Libération, diverge [émerge ?] la première pile nucléaire française. Si on a peu[t] aller aussi vite”
“sans [prendre en] compte le fait que l’obligation faite aux explorateurs”
Merci.
@ NG
[“Trois ans après la Libération, diverge [émerge ?] la première pile nucléaire française.]
J’ai porté les autres corrections sur le texte, mais sur celle-ci c’est vous qui faites erreur. Un réacteur nucléaire “diverge” lorsque la réaction en chaîne s’amorce et que pour un neutron émis vous retrouvez, par collision avec les autres noyaux, une production de neutrons supérieur à un. Le flux neutronique tend alors à augmenter avec le temps. La première divergence d’un réacteur est considérée comme un jalon essentiel de sa mise en service.
C est un peu court de mettre la désindustrialisation sur le dos du liberalisme ou de l UE.
Le % du PIB pour l industrie est de 17 % en france mais l italie est a 21, la RFA a 26 ou l autriche a 25. Je prends ici des pays qui ont la même monnaie et qui partent d une base similaire. L espagne qui part d un niveau bien plus bas que nous est a 20 %. (source https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NV.IND.TOTL.ZS?view=map)
Je pense que comme les anglais (qui sont aussi a 17 % du PIB) les élites françaises ont sacrifiés délibérément leur industrie. Les anglais se sont concentré sur la finance. Les francais eux revaient d une entreprise sans usine ou eux seraient les cerveaux et les chinois les bras qu on meprise et a qui on laisse les miettes. Un peu comme un parisien qui meprise le bouseux provincial
Je suis assez sceptique sur la proposition de l auteur d augmenter la TVA. Deja la TVA est deja tres eleve en France. Si vous l’augmentez sensiblement, vous allez générer des fraudes encore plus massives (pensez a la gabelle ou plus près de nous au trafic de cigarettes avec l espagne). Il serait plus logique de faire comme les suisses et creer un impot sur le capital (pas un ISF ideologique comme en france, mais un impot a taux faible et base large que quasiment tout le monde a part les plus pauvre paieraient (en suisse un propriétaire de son logement paie un impot car on rajoute un loyer fictif a ses revenus par ex)).
Évidemment impensable dans un pays de rentier qui est le notre.
Mais surtout il faudrait remettre a plat le systeme social et diminuer les depenses et donc les prelevements. Il est aberrant que les retraités francais aient un niveau de vie superieur aux actifs qui les financent (le paiement des pensions c est le premier poste de depense), ou qu on vous offre des vacances (appellées cures si c est la secu qui paie mais j ai vu que dans certains cas vous pouvez aussi vous les faire payer par les allocations familiales (le plus fort c etait qu a la TV la brave dame trouvait que c etait pas normal qu on lui paie pas 100 % des vacances …))
Le problème du protectionnisme et de l etat qui dirige c est que ca necessite :
– des dirigeants visionnaires capable d aller contre leur interet electoral a court terme (vous en voyez un en France aujourd hui?)
– des dirigeants & haut fonctionnaires capable de comprendre les problematiques (vu le recrutement actuel ou il n y a quasiment aucun scientifique ou ingenieur pas gagné)
Sinon on risque d avoir juste la preservation d une rente de situation et le blocage des concurrents. Par ex, on aurait en france un minitel 2.0 car France Telecom aurait reussit a bloquer internet qui lui mangeait la laine sur le dos
PS: sur un plan plus terre a terre, l industrie en France est aussi planté par le peu de perspective et les salaires. C est liés aux points précédents car si si vous avez peu d industrie vous avez aussi peu de poste a pourvoir. Et le gros des postes sont pourvus via des SSII (je parle pas là que de l informatique, PSA ou renault sont des gros clients de marchand de viande tel que Alten). Donc au final nos meilleurs esprits vont soit faire autre chose (combien d X dans la finance ?) soit s expatrier (comme votre serviteur qui a fuit le RSA)
@ cdg
[C’est un peu court de mettre la désindustrialisation sur le dos du libéralisme ou de l’UE.
Le % du PIB pour l’industrie est de 17 % en France mais l’Italie est à 21, la RFA a 26 ou l’Autriche a 25. Je prends ici des pays qui ont la même monnaie et qui partent d’une base similaire. L’Espagne qui part d’un niveau bien plus bas que nous est à 20 %. (…)]
Je vois mal le raisonnement derrière vos chiffres. Si vous regardez ce que représente l’industrie dans le PIB de chaque pays, vous aurez nécessairement des différences liées à l’histoire et à la géographie de chaque pays. Pour savoir si la désindustrialisation est liée à l’UE ou non, il faut regarder l’évolution des chiffres dans le temps. Ainsi, entre 1992 (traité de Maastricht) et 2019 l’Allemagne est passée de 32% à 26%, l’Italie de 26% à 21%, l’Autriche de 29% à 25%, l’Espagne de 30% à 20%… et la France de 24% à 17%. Un bel mouvement général à la baisse qui semble toucher tous les pays européens « qui partent d’une base similaire » (contrairement à ce que vous pensez, l’Espagne partait de plus haut, parce qu’elle a bénéficié après son adhésion d’un flux de délocalisations industrielles…).
Pour l’ensemble monde, on est passé de 30% à 27% alors que pour l’UE on passe de 28% à 22%. La désindustrialisation européenne est donc deux fois plus rapide que la moyenne du monde. Et vous me dites qu’il n’y a pas un « effet UE » ? Et il ne vous aura pas échappé que l’UE est la région du monde la plus « libéralisée » en termes économiques. Mais c’est probablement une coïncidence.
Cela étant dit, ce tableau ne reflète que la perte en valeur, mais ne dit rien sur la qualité de l’industrie perdue. Or, ce n’est pas la même chose pour le développement d’un pays de fermer des usines fabriquant des sacs à main ou des parfums que de perdre l’industrie de la machine-outil ou des microprocesseurs. Et c’était surtout ce dernière point qui me préoccupait.
[Je suis assez sceptique sur la proposition de l’auteur d’augmenter la TVA. Déjà la TVA est déjà très élevée en France. Si vous l’augmentez sensiblement, vous allez générer des fraudes encore plus massives (pensez à la gabelle ou plus près de nous au trafic de cigarettes avec l’Espagne).]
Même si – là encore grâce à l’UE – on trouve des petits malins qui exploitent des mécanismes du genre « carrousel », la fraude à la TVA est très loin d’être « massive ». C’est d’ailleurs l’un des impôts les plus difficiles à frauder « massivement ».
[Il serait plus logique de faire comme les suisses et créer un impôt sur le capital (pas un ISF idéologique comme en France, mais un impôt a taux faible et base large que quasiment tout le monde à part les plus pauvre paieraient (en suisse un propriétaire de son logement paie un impôt car on rajoute un loyer fictif a ses revenus par ex)).]
Je ne sais pas comment font les Suisses, mais votre solution me semble poser de gros problèmes pratiques. Qui estime votre « capital » ? C’est facile lorsque c’est de l’argent ou un titre fiduciaire. Mais s’il s’agit de parts d’une société non cotée ? D’un meuble précieux ? D’un bijou ? D’un bien immobilier ? D’une œuvre d’art ? D’une voiture ? Comment contrôler alors que le nombre de contribuables est, comme vous le signalez, très important ?
Si je propose la TVA, c’est parce que c’est un impôt dont le montant n’est pas répercuté sur les coûts de production, et qui donc ne renchérit pas les produits français vis-à-vis des produits importés. Votre impôt sur le capital pourrait marcher à condition d’exclure les biens productifs, et cela introduit des possibilités de fraude illimitées.
[Mais surtout il faudrait remettre à plat le système social et diminuer les dépenses et donc les prélèvements.]
Ça, c’est un choix politique. Si les gens préfèrent avoir un peu moins d’argent en poche et être mieux soignés, c’est leur droit. C’est aux citoyens de décider. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse pas faire des économies sans nécessairement porter atteinte à la qualité des soins en augmentant l’efficacité de certains processus ou en éliminant certains remboursement absurdes (je pense notamment à l’homéopathie ou aux cures thermales, qui sont des subventions déguisées à certains secteurs économiques).
[Il est aberrant que les retraités français aient un niveau de vie supérieur aux actifs qui les financent (le paiement des pensions c’est le premier poste de dépense),]
Je vous ai déjà une fois montré que ce n’est PAS le premier « poste de dépense ». Ne m’obligez pas à recommencer. Sur le fond maintenant : je ne vois rien d’aberrant à ce que les retraités aient un niveau de vie supérieur aux actifs. Là encore, c’est un choix politique : si les gens préfèrent une jeunesse plus frugale pour avoir une vieillesse plus aisée, c’est leur droit. Qui sommes-nous pour leur dire qu’ils ont tort ? Ce qui serait injuste, c’est que les jeunes qui ont accepté d’être frugaux avec l’espoir d’une belle retraite découvrent, au moment de partir, qu’on leur a menti et que le contrat qu’ils croyaient détenir a été piétiné. Ce que nos gouvernants font assez systématiquement depuis quelques années…
[Le problème du protectionnisme et de l’Etat qui dirige c’est que ça nécessite :
– des dirigeants visionnaires capable d’aller contre leur intérêt électoral à court terme (vous en voyez un en France aujourd’hui?)]
C’est une dialectique. C’est Adlai Stevenson je crois qui disait, paraphrasant une célèbre formule, que « le pouvoir corrompt, l’impuissance corrompt absolument ». Lorsque vous avez des institutions puissantes, les « dirigeants visionnaires » cherchent à les intégrer. Lorsque vous réduisez les institutions à l’impuissance, ceux qui pourraient être des « dirigeants visionnaires » vont voir ailleurs (dans le secteur financier, par exemple). Franchement, un jeune étudiant en école d’ingénieur viendrait me voir pour me demander conseil, je ne sais si je lui conseillerais de s’engager dans une carrière publique. A quoi bon entrer dans une institution où il n’y a plus de projets, où le travail consiste à fermer ceci, à interdire cela, à couper dans les effectifs…
Un « Etat qui dirige » génère ses « dirigeants visionnaires » par sélection naturelle. Quand la France avait sa propre monnaie, le ministre des finances qui faisait une connerie provoquait une panique bancaire suivie d’une dévaluation et était rapidement viré. Aujourd’hui, comme ils sont totalement impuissants et que les décisions importantes se prennent ailleurs, les conneries du ministre sont sans conséquence et les incompétents peuvent durer des années…
[– des dirigeants & haut fonctionnaires capable de comprendre les problématiques (vu le recrutement actuel ou il n’y a quasiment aucun scientifique ou ingénieur pas gagné)]
Mais là encore, la fonction crée l’organe. Je suis persuadé que des scientifiques ou des ingénieurs s’engageraient plus dans la politique ou la haute fonction publique s’il y avait des choses à faire. Mais personne n’a envie de monter dans un bateau à qui on a enlevé le gouvernail et dans la coque duquel on a percé des trous. J’admire l’inconscience – ou, si l’on veut être optimiste, l’engagement – des jeunes qui intègrent aujourd’hui le service public. Si rien ne change, dans trente ans ils pourront constater qu’ils ont passé leur vie à boucher des trous – des trous faits par d’autres – et qu’ils gagnent trente pour cent moins que ceux de leurs condisciples qui ont choisi le privé. Sans compter avec le privilège d’être trainés dans la boue dans les médias – y compris les journaux de référence – qualifiés de « profiteurs », de « privilégiés » et de « parasites ».
[Sinon on risque d’avoir juste la préservation d’une rente de situation et le blocage des concurrents. Par ex, on aurait en France un minitel 2.0 car France Telecom aurait réussi à bloquer internet qui lui mangeait la laine sur le dos.]
Le politique est là pour éviter ça. Dans la France protectionniste des années 1970, le CEA a cherché à imposer pour le programme nucléaire notre filière « nationale » (graphite-gaz) alors qu’EDF était séduit par la filière à eau pressurisée, qui lui semblait largement plus efficiente et plus sûre, mais qui avait le défaut d’être développée par les Américains. Les deux points de vue se sont confrontés dans des commissions d’experts, qui ont fait leurs recommandations, et la filière américaine a été choisie. Cette histoire montre deux choses : d’une part, que même dans un contexte protectionniste et dans un domaine où la fierté nationale comptait, le système technique a pu dégager les bonnes recommandations et le politique faire le bon choix. La seconde est que pour que cela marche, il faut impérativement que l’Etat ait plusieurs fers au feu, c’est-à-dire, plusieurs centres d’expertise différents pouvant chacun se faire l’avocat des alternatives. France Telecom n’aurait probablement pas réussi à bloquer Internet parce que d’autres centres d’expertise seraient intervenus pour le défendre, et on aurait probablement trouvé un compromis innovant.
[PS: sur un plan plus terre à terre, l’industrie en France est aussi plantée par le peu de perspective et les salaires. C’est liés aux points précédents car si vous avez peu d’industrie vous avez aussi peu de postes à pourvoir. Et le gros des postes sont pourvus via des SSII (je ne parle pas là que de l’ informatique, PSA ou Renault sont des gros clients de marchand de viande tel que Alten). Donc au final nos meilleurs esprits vont soit faire autre chose (combien d X dans la finance ?) soit s’expatrier (comme votre serviteur qui a fui le RSA)]
Effectivement. Vous illustrez ici mon point sur l’effet d’entraînement de l’emploi industriel sur l’ensemble du système de formation. Et avec l’externalisation, la sous-traitance massive, l’intérim, les détachements et autres techniques destinées à améliorer le bilan des entreprises, l’emploi industriel a perdu tant en rémunération qu’en qualité. Beaucoup d’ingénieurs sont devenu moins des managers techniques que des gestionnaires de sous-traitants. Et cela a un effet sur l’attractivité du métier.
[Pour savoir si la désindustrialisation est liée à l’UE ou non, il faut regarder l’évolution des chiffres dans le temps. Ainsi, entre 1992 (traité de Maastricht) et 2019 l’Allemagne est passée de 32% à 26%, l’Italie de 26% à 21%, l’Autriche de 29% à 25%, l’Espagne de 30% à 20%… et la France de 24% à 17%. Un bel mouvement général à la baisse qui semble toucher tous les pays européens « qui partent d’une base similaire » (contrairement à ce que vous pensez, l’Espagne partait de plus haut, parce qu’elle a bénéficié après son adhésion d’un flux de délocalisations industrielles…). ]
Le mouvement touche aussi les USA ou d autres pays non UE. C est surtout lié au boom de la chine. Au debut des annees 90 la chine était un pays mineur econoimiquement parlant et aujourd hui c est devenu « l usine du monde ». Ce qui a forcement des consequences sur l industrie francaise, allemande ou americaine …
[Cela étant dit, ce tableau ne reflète que la perte en valeur, mais ne dit rien sur la qualité de l’industrie perdue. Or, ce n’est pas la même chose pour le développement d’un pays de fermer des usines fabriquant des sacs à main ou des parfums que de perdre l’industrie de la machine-outil ou des microprocesseurs. Et c’était surtout ce dernière point qui me préoccupait.]
Vous confondez ici le faire et le savoir faire. Fabriquer des microprocesseur dans une usine ne signifie pas forcement posseder le savoir faire. Regardez ce qui arrive a Huawei : il ne peuvent plus vendre des telephones haut de gamme car ils ne disposent plus des processeurs necessaire (https://www.latribune.fr/technos-medias/a-cause-des-sanctions-americaines-huawei-suspend-la-production-de-certaines-puces-854560.html)
En France a un moment on avait l illusion de conserver la R&D en delocalisant la fabrication ce qui a été un echec. Mais il ne faut pas croire qu on s en sortira en faisant revenir des usines qui ne feront que executer des ordres venus d ailleurs
[Même si – là encore grâce à l’UE – on trouve des petits malins qui exploitent des mécanismes du genre « carrousel », la fraude à la TVA est très loin d’être « massive ». C’est d’ailleurs l’un des impôts les plus difficiles à frauder « massivement ».]
La TVA est un impots tres facile a percevoir pour l etat car c est pas lui qui le percoit (c est le vendeur qui joue le role du percepteur). Par contre je suis pas sur que ce soit un impot si difficile a frauder. Déjà le vendeur n a aucun interet a vous faire payer la TVA vu qu il na aucun % sur les recettes. Avec une TVA a 25 % ou plus, ca va etre tres tentant de proposer le deal : pas de facture et un rabais. Regardez les produits fortement taxé comme les cigarettes : un marché noir se met en place basé par des importations sous le manteau (ca va de la personne qui va a andorre et ramene quelques cartouches a des systemes mafieux)
[Je ne sais pas comment font les Suisses, mais votre solution me semble poser de gros problèmes pratiques. Qui estime votre « capital » ? C’est facile lorsque c’est de l’argent ou un titre fiduciaire. Mais s’il s’agit de parts d’une société non cotée ? D’un meuble précieux ? D’un bijou ? D’un bien immobilier ? D’une œuvre d’art ? D’une voiture ? Comment contrôler alors que le nombre de contribuables est, comme vous le signalez, très important ?]
Avec l ISF l etat francais y arrivait pour l immobilier et les societe non coté. Le nombre de personnes avec des tableaux de maitre ou des meubles precieux ne sont pas si nombreux. Evidement on peut discuter de la pertinence de l evaluation et des fraudes (qui vous empeche de ne pas declarer le picasso qui est dans votre salon ? mais gare lors d un divorce ou d une succession si non declaré).
[si les gens préfèrent une jeunesse plus frugale pour avoir une vieillesse plus aisée, c’est leur droit. Qui sommes-nous pour leur dire qu’ils ont tort ? ]
Le probleme c est que personne n a voté pour ca. C ets le poids electoral des boomers qui a imposé cet etat de fait. Avez-vous deja vu un mouvement social reclamant des points de retraites ou equivalent en plus pour les travailleurs ? au contraire en general la demande est d une augmentation du salaire NET. Ce qui se comprend assez bien. Allez expliquer a quelqu un qu il aura quelque chose mais dans … 40 ans
[Un « Etat qui dirige » génère ses « dirigeants visionnaires » par sélection naturelle. Quand la France avait sa propre monnaie, le ministre des finances qui faisait une connerie provoquait une panique bancaire suivie d’une dévaluation et était rapidement viré.]
Pas si simple. Si vous faites un choix qui est nefaste mais ce voit a long terme. Suite a la crise de 1929, le ministre des finance de l epoque a choisi la deflation, ce qui est maintenant reconnu comme une erreur.
Dans un autre domaine, nos « visionnaires » nous ont engagé dans des guerres en indochine et algerie (mention speciale a Guy Mollet qui a fait le contraire de ce qu il affirmait avant d arriver au pouvoir).
Donc je pense pas qu avoir un etat independant ou fort genere forcement des visionnaires. J irai meme jusqu a dire qu en general un visionnaire a peu de chance d arriver au pouvoir car les mediocres qui carressent l electeur dans le sens du poil vont lui griller la politesse. Si De Gaulle est arrive au pouvoir il a fallut un effondrement militaire (1940) et une menace de putch (1958). En tant normal, on aura plus des mediocres comme Gaudin/Chirac qui font pas trop de vagues et laisse le bateau couler doucement mais qui caressent leur clientele electorale
[France Telecom n’aurait probablement pas réussi à bloquer Internet parce que d’autres centres d’expertise seraient intervenus pour le défendre, et on aurait probablement trouvé un compromis innovant.]
Pas sur qu internet aurait trouve des defenseurs au sein de l etat. Déjà un reseau non hierarchisé est vu comme une horreur par nombre de nos dirigeants (meme aujourd hui. Pensez a toutes les tentatives faites pour censurer les gens).
Ensuite pas mal de gens a l epoque pensait que ca n avait strictement aucun avenir (par ex Bonnel le patron d infogramme, Bill Gates (MS)). L etat francais aurait été plus visionnaire ? Rien n est moins sur. Donc on aurait probablement eut un compromis batard pour ne pas tuer la vache a lait FT
@ CDG
[Le mouvement touche aussi les USA ou d’autres pays non UE. C’est surtout lié au boom de la Chine. Au début des années 90 la chine était un pays mineur économiquement parlant et aujourd’hui c’est devenu « l’usine du monde ». Ce qui a forcément des conséquences sur l’industrie française, allemande ou américaine …]
Oui. Sauf que si la Chine est devenue « l’usine du monde », ce n’est pas par décision du Très Haut ou par décret du Destin, mais parce que la France, l’Allemagne et les USA ont pratiqué des politiques qui ont favorisé le transfert des activités industrielles vers les pays à faibles coûts de main d’œuvre et aux réglementations accommodantes. Vous avez raison de dire que ce n’est pas une politique spécifiquement européenne. Ce qui spécifiquement européen, c’est qu’il existe un carcan appelé UE qui empêche les pays européens d’appliquer une politique différente, quand même le souhaiteraient-ils. Et que ce carcan a empêché, contrairement à ce qui se passe aux USA, de protéger les industries stratégiques de la délocalisation.
[Vous confondez ici le faire et le savoir-faire. Fabriquer des microprocesseurs dans une usine ne signifie pas forcément posséder le savoir-faire.]
Non, pas forcément. Mais avoir les moyens de fabriquer des microprocesseurs dans une usine est une incitation importante à se doter du « savoir-faire » en question. Et à l’inverse, le fait de ne pas savoir fabriquer dissuade fortement de se doter des compétences. Connaissez-vous beaucoup de pays qui aient développé le « savoir-faire » sans avoir le « faire » en même temps ?
[Regardez ce qui arrive à Huawei : il ne peuvent plus vendre des téléphones haut de gamme car ils ne disposent plus des processeurs nécessaires (…)]
Ce n’est pas ce que dit l’article. L’article que « Huawei n’a pas les capacités de fabriquer en interne les puces utilisées pour ses smartphones haut de gamme », et que ces puces qui lui étaient fournies par des fabricants taiwanais ne lui seront plus livrées à cause des sanctions américaines. Ce n’est donc pas un problème de « savoir-faire » mais aussi de « faire ».
[En France a un moment on avait l’illusion de conserver la R&D en délocalisant la fabrication ce qui a été un échec. Mais il ne faut pas croire qu’on s’en sortira en faisant revenir des usines qui ne feront qu’exécuter des ordres venus d’ailleurs.]
Ce serait déjà mieux que pas d’usines du tout. Et si on a des usines capables d’exécuter des ordres venus d’ailleurs, cela donnera certainement envie à nos ingénieurs d’arriver à donner des ordres de chez nous et à développer les compétences nécessaires pour le faire.
[La TVA est un impôt très facile à percevoir pour l’état car ce n’est pas lui qui le perçoit (c’est le vendeur qui joue le rôle du percepteur). Par contre je ne suis pas sûr que ce soit un impôt si difficile a frauder. Déjà le vendeur n’a aucun interet a vous faire payer la TVA vu qu’il n’a aucun % sur les recettes.]
Sauf que le vendeur est tenu de payer la TVA au fisc. S’il ne le fait pas payer au client, il y est de sa poche ! La TVA est difficile à frauder précisément pour cette raison : le vendeur ne peut se dispenser de la payer que s’il démontre qu’il a passé la TVA à un client pouvant la récupérer. Il a donc intérêt à enregistrer ce passage.
[Avec une TVA à 25 % ou plus, ça va être très tentant de proposer le deal : pas de facture et un rabais.]
Sauf que le commerçant qui ferait ça serait obligé de payer lui-même la TVA (puisqu’il ne pourra pas récupérer la TVA sur les produits qu’il a acheté). Ce n’est pas très rentable…
[Regardez les produits fortement taxés comme les cigarettes : un marché noir se met en place basé par des importations sous le manteau (ca va de la personne qui va a andorre et ramene quelques cartouches a des systemes mafieux)]
Mais ça ne marche pas pour la TVA, justement… parce que celui qui achète les cigarettes en Andorre doit payer la TVA, et ne peut la récupérer qu’en facturant la TVA à ses clients…
[Avec l’ISF l’état français y arrivait pour l’immobilier et les société non cotées.]
Pas vraiment. On reposait sur les déclarations plus ou moins exactes des assujettis pour l’immobilier, et les sociétés non-cotées étaient en grande partie exclues au titre de « l’instrument de travail ». L’ISF était un impôt très largement fraudé, et encore, il s’agissait d’un impôt avec une toute petite assiette. S’il avait fallu contrôler sur le terrain les déclarations de plusieurs dizaines de millions de déclarants…
[« Si les gens préfèrent une jeunesse plus frugale pour avoir une vieillesse plus aisée, c’est leur droit. Qui sommes-nous pour leur dire qu’ils ont tort ? » Le problème c’est que personne n’a voté pour ça. C’est le poids électoral des boomers qui a imposé cet état de fait.]
Je crois me souvenir que de temps en temps on vote pour des députés et des présidents de la République qui ont pris position sur ces questions. Par ailleurs, comment les boomers ont pu exercer leur « poids électoral » si on n’a jamais voté pour ça ?
[Avez-vous déjà vu un mouvement social réclamant des points de retraites ou équivalent en plus pour les travailleurs ? au contraire en général la demande est d’une augmentation du salaire NET. Ce qui se comprend assez bien. Allez expliquer a quelqu’un qu’il aura quelque chose mais dans … 40 ans]
Vous vous trompez. On a eu droit il n’y a pas si longtemps à des manifestations massives et des grèves portant sur les conditions de retraite. Je crois avoir commenté ici même une manifestation d’étudiants lors de la réforme des retraites avec des slogans du genre « défendre les retraites de notre génération »…
[Pas si simple. Si vous faites un choix qui est néfaste mais ce voit à long terme. Suite à la crise de 1929, le ministre des finances de l’époque a choisi la déflation, ce qui est maintenant reconnu comme une erreur.]
Certes. Mais éviter les erreurs qui produisent des effets à court terme, c’est déjà une très bonne formation pour un ministre. Et cette formation aide à l’heure de faire surgir des « visionnaires »…
[Dans un autre domaine, nos « visionnaires » nous ont engagé dans des guerres en Indochine et Algérie (mention spéciale a Guy Mollet qui a fait le contraire de ce qu il affirmait avant d’arriver au pouvoir).]
Vous confondez « visionnaire » et « courageux ». Mollet était assez visionnaire, et était parfaitement conscient qu’il allait dans le mur. Ce qu’on peut lui reprocher c’est de ne pas avoir eu le courage d’affronter les intérêts qui étaient derrière les guerres coloniales.
[Donc je ne pense pas qu’avoir un état indépendant ou fort génère forcement des visionnaires.]
Je n’ai pas été aussi loin. Avoir un Etat indépendant ne génère pas forcément des visionnaires… mais avoir un état dépendant ne les génère certainement pas. Quel « visionnaire » s’engagera dans des fonctions où il ne peut rien faire, où il n’a d’autre alternative que de regarder les catastrophes se produire sans pouvoir prendre les mesures qui pourraient les prévenir ?
C’est en ce sens que « l’impuissance corrompt absolument ». Un artisan avec des bons outils ne fera pas forcément du bon travail, mais celui de l’artisan à qui on n’offre que des mauvais outils sera forcément du mauvais. Pire : un atelier qui n’a que des mauvais outils n’attirera pas – et ne formera pas – de bons artisans.
[« France Telecom n’aurait probablement pas réussi à bloquer Internet parce que d’autres centres d’expertise seraient intervenus pour le défendre, et on aurait probablement trouvé un compromis innovant. » Pas sûr qu’internet aurait trouvé des défenseurs au sein de l’Etat. Déjà un réseau non hiérarchisé est vu comme une horreur par nombre de nos dirigeants (même aujourd’hui. Pensez à toutes les tentatives faites pour censurer les gens).]
Je ne vois pas très bien le rapport. La structure « non hiérarchisée » d’Internet n’empêche nullement la censure et le contrôle (regardez ce que font des pays comme la Chine). Et j’aimerais bien que vous me donniez quelques exemples de « nos dirigeants » qui verraient avec « horreur » un réseau non-hiérarchisé…
[Ensuite pas mal de gens a l’époque pensait que ça n’avait strictement aucun avenir (par ex Bonnel le patron d’Infogrammes, Bill Gates (MS)). L’Etat français aurait été plus visionnaire ? Rien n’est moins sûr.]
Si : le contraire. Vous n’avez aucun moyen de savoir si l’Etat français aurait été plus ou moins visionnaire. Il y a des domaines où il a été bien plus visionnaire que le grands patrons du privé comme Bonnel ou Gates, et d’autres où il a été plus conservateurs. Vous n’avez aucun moyen de savoir à quelle conclusion l’Etat serait arrivé si on avait suivi pour l’Internet la même procédure que pour le nucléaire, par exemple.
[Oui. Sauf que si la Chine est devenue « l’usine du monde », ce n’est pas par décision du Très Haut ou par décret du Destin, mais parce que la France, l’Allemagne et les USA ont pratiqué des politiques qui ont favorisé le transfert des activités industrielles vers les pays à faibles coûts de main d’œuvre et aux réglementations accommodantes.]
On pourrait se demander s il était possible que ca se passe autrement. Une politique protectionniste aurait elle pu marcher ? Vous pensez que oui, personnellement je pense que ca aurait été un echec. Soit l attrait de la chine aurait été trop fort pour les dirigeants soit le produit « made in France » aurait été trop cher et se serait fait eliminer. Mais comme aucun pays n a mene une politique protectionniste dans le monde, on peut pas conclure avec certitude (meme si on peut se dire que si personne l a fait, c est probablemnt car c était pas une bonne idée)
[Et que ce carcan a empêché, contrairement à ce qui se passe aux USA, de protéger les industries stratégiques de la délocalisation.]
Je suis pas sur que les USA ont été plus protectionniste que nous. Le deficit commercial des USA vis-à-vis de la chine est pire chez eux. Les japonais puis les chinois ont eradiques une grande partie de l industrie US
[ Mais avoir les moyens de fabriquer des microprocesseurs dans une usine est une incitation importante à se doter du « savoir-faire » en question. Et à l’inverse, le fait de ne pas savoir fabriquer dissuade fortement de se doter des compétences. Connaissez-vous beaucoup de pays qui aient développé le « savoir-faire » sans avoir le « faire » en même temps ?]
C est l erreur commise en France quand on a pense pouvoir garder la R&D sans les usines de production. Par contre si « faire » est une condition nécessaire, elle n est pas suffisante. Et c est pas simple de passer de faire au savoir faire, surtout si on se contente pas de recopier la techno. Par exemple il faut les cerveaux (surtout un problème dans les pays pauvres qui ne peuvent former assez de gens) et que ces cerveaux choisissent l ingénierie (pas gagné si par ex c est bien plus rentable d aller dans la finance ou simplement de faire dentiste)
[Ce n’est pas ce que dit l’article. L’article que « Huawei n’a pas les capacités de fabriquer en interne les puces utilisées pour ses smartphones haut de gamme », et que ces puces qui lui étaient fournies par des fabricants taiwanais ne lui seront plus livrées à cause des sanctions américaines. Ce n’est donc pas un problème de « savoir-faire » mais aussi de « faire ».]
Si les chinois etaient capable de concevoir ces puces, une autre entreprise chinoise aurait livre Huawei (depuis le temps qu ils parlent de sanction, ils auraient eut le temps de construire l usine). La ils n ont non seulement pas d usine, mais aussi pas le savoir
[Sauf que le commerçant qui ferait ça serait obligé de payer lui-même la TVA (puisqu’il ne pourra pas récupérer la TVA sur les produits qu’il a acheté). Ce n’est pas très rentable…]
Je suppose que vous ne frequentez pas beaucoup de commercants ou d artisans 😉
Je vais vous expliquer une fraude de base : Vous achetez 100 objets. Sur la facture vous en avez 75 (comme ca en cas de contrôle de votre stock vous etes couvert, vous avez une facture à montrer. Vous payez evidement les 25 autres en cash). Quand vous vendez en cash, vous vendez un de ces objets « au noir ». L ideal c est evidement de le vendre avec la TVA (que vous pourrez mettre alors dans votre poche) mais comme il vous faut du cash pour ne pas etre tracé, vous pouvez lui proposer un rabais si reglement en liquide pour inciter au paiement cash.
Toute la difficulte est evidement de trouver un fournisseur qui va minorer ce qu il vous vend. Mais c est possible car il y a aussi interet (ne serait ce que pour minorer ses benefices). Ou si vous avez une activite où le gros de la facture est de la main d œuvre (pensez par ex au plombier).
[Mais ça ne marche pas pour la TVA, justement… parce que celui qui achète les cigarettes en Andorre doit payer la TVA, et ne peut la récupérer qu’en facturant la TVA à ses clients…]
Si vous vendez a l etranger, vous vendez HT. Donc vous ne percevez pas la TVA de l acheteur et vous n avez donc rien a payer au fisc
Donc le vendeur a andorre ou ailleurs vous vendra HT et vous vous aurez juste a « oublier » la TVA si votre acheteur paie cash
Et de toute facon meme si vous devez payer une taxe, imaginez que vous avez une TVA de 8 % comme en suisse et qu elle est chez vous de 25 %. Meme si vous faites une croix sur les 8 % suisse, vous faites 17 % de marge … pas mal non ?
[Je crois me souvenir que de temps en temps on vote pour des députés et des présidents de la République qui ont pris position sur ces questions. ]
C est le probleme general des elections. Vous allez voter pour un president car c est celui qui colle le plus a ce que vous pensez. Ca veut pas dire que vous etes d accord avec tout voire vous pouvez etre en desaccord sur certains points. Exemple classique, le mariage homosexuel de Hollande qui fut une de ses premiere lois. C était dans son programme mais il n a jamais mit ca en avant et peut on dire qu une majorite de francais on vote pour Hollande pour ca ? evidement non.
Idem pour Macron et la taxe carbone et le 80 km/h qui ont genere les gilets jaunes. Macron candidat n avait pas parle de la limitation de vitesse et je doute qu il y avait dans son programme une augmentation massive des taxes sur le carburant (pas verifie mais je suis sur que les autres candidats l aurait sorti)
[Par ailleurs, comment les boomers ont pu exercer leur « poids électoral » si on n’a jamais voté pour ça ?]
C est comme les chasseurs. Leur poids electoral fait qu on va faire passer des lois ou reglements qui les arrangent. Car tout homme politique sais tres bien que les opposants a la chasse ne lui feront pas perdre l election (car ils ne se mobiliseront pas contre lui pour ca) alors qu une position anti chasse risque de lui couter cher a moisn d etre elu a paris ou dans une grande ville
[Je ne vois pas très bien le rapport. La structure « non hiérarchisée » d’Internet n’empêche nullement la censure et le contrôle (regardez ce que font des pays comme la Chine). ]
Disons que ca rend les choses tres complique et couteuses. C est beaucoup plus simple avec quelque chose de centralise ou il suffit de couper a la source. Comparez l energie et le cout pour censurer la TV, les journaux ou l internet …
[Et j’aimerais bien que vous me donniez quelques exemples de « nos dirigeants » qui verraient avec « horreur » un réseau non-hiérarchisé… ]
Seguela, le publicitaire de Mitterrand (Mitterrand comme Chirac n avait aucun interet pour la technique et n avaient probablement pas d idee dessus mais je doute qu il aurait aimé l idee qu il ne puisse empecher que sa double vie soit revelee (il avait reussi a bloquer un passage TV d Edern Hallier): https://www.jeanmarcmorandini.com/article-31883-jacques-seguela-internet-est-une-saloperie-regardez.html
Sarkozy et son internet « civilisé » (https://www.nouvelobs.com/societe/20110120.OBS6624/nicolas-sarkozy-colonialiste-d-internet.html)
Tout frais : notre premier ministre et ministre de la justice sur les réseaux sociaux (https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/anonymat-sur-les-reseaux-sociaux-les-contre-verites-de-jean-castex-et-eric-dupont-moretti-853244.html)
@ cdg
[On pourrait se demander s’il était possible que ça se passe autrement. Une politique protectionniste aurait-elle pu marcher ? Vous pensez que oui, personnellement je pense que ça aurait été un échec.]
D’abord, mettons-nous bien d’accord sur ce que signifie le terme « protectionniste ». Je pense que nous sommes d’accord sur le fait qu’un protectionnisme intégral « à l’albanaise », visant à assurer l’autarcie du pays dans tous les domaines est économiquement désastreuse, autant pour le niveau de vie que pour la capacité du pays à intégrer des innovations venues d’ailleurs. Mais ce n’est pas cela que je propose. J’ai écrit sur ce blog il y a bien des années un article sur ce que j’appelais le « protectionnisme intelligent ». Celui-ci vise deux objectifs : le premier, c’est l’équilibre (et non l’excédent, notez-le bien) de la balance des échanges extérieurs, en poursuivant le raisonnement de Keynes lors de la Charte de La Havane : dans la mesure où les excédents des uns sont nécessairement les déficits des autres, le seul système durable est celui où la balance de chaque pays est équilibrée, et c’est vers cet équilibre qu’il faut tendre. Le second objectif, est de préserver les moyens de production et les savoir-faire dans des secteurs stratégiques, soit au titre de la préservation de la souveraineté nationale et de notre influence dans le monde, soit au titre de la préservation du patrimoine scientifique et technique, soit par l’effet d’entraînement qu’ils ont sur la société.
Pour atteindre ces buts, on peut utiliser plusieurs moyens : certains utilisent l’instrument monétaire (laissant flotter leur monnaie pour qu’elle atteigne la « parité vraie », qui équilibre le commerce, par exemple). D’autres l’instrument réglementaire, en réservant certains marchés aux produits locaux ou en édictant des normes qui aboutissent à cet effet. Il y a aussi l’arme des taxes sélectives à l’importation. Ou bien le report des cotisations sociales sur la TVA, qui corrige la distorsion de concurrence due aux bas salaires et conditions sociales dégradées dans le pays de production.
Mais dès lors que les objectifs que j’ai définis plus haut sont préservés, je n’ai pas de problèmes avec le libre-échange. Je ne vois pas d’intérêt à promouvoir la fabrication chez nous de gadgets en plastic ou de chemisettes bon marché aux frais du contribuable.
[Soit l’attrait de la chine aurait été trop fort pour les dirigeants soit le produit « made in France » aurait été trop cher et se serait fait éliminer. Mais comme aucun pays n’a mené une politique protectionniste dans le monde, on peut pas conclure avec certitude (même si on peut se dire que si personne l’a fait, c’est probablement car c’était pas une bonne idée)]
Mais d’où tirez-vous l’idée que « aucun pays n’a mené une politique protectionniste » ? Vous faites là une erreur. D’abord, il faut arrêter de croire que l’état du monde aujourd’hui est celui de toujours. Si vous prenez la période 1945-1970, celle des « trente glorieuses », vous verrez que le protectionnisme était la règle et le libre-échange l’exception. Pour ce qui concerne le secteur public – dont le poids dans l’économie était à l’époque énorme – la règle était d’acheter local : les armées, les administrations, les entreprises publiques se fournissaient massivement en France. Imaginez-vous l’armée française équipée en fusils « made in Germany » en 1950 ? Les postes équipées de voitures japonaises ? Et pourtant, on peut difficilement parler d’un « échec » alors que la France a vécu une période de croissance sans égal dans son histoire…
Ensuite, de très nombreux pays continuent aujourd’hui à faire du protectionnisme plus ou moins intelligent. Pensez à la « buy american act » de 1933 et toujours en vigueur, qui oblige les acheteurs publics – ou ceux financés par des subventions publiques – à acheter de préférence des produits américains. Pensez aux pays comme la Chine, qui manipulent la parité de leur monnaie pour maintenir la compétitivité de leurs produits sur leur marché intérieur. Pensez aussi à ceux qui exploitent à fond les barrières culturelles pour encourager leurs consommateurs à consommer local, comme la Reinheitsgebot (« loi de pureté ») allemande qui met une barrière à la vente des bières importées.
Enfin, le fait que personne ne fasse quelque chose (ou qu’on soit le seul à le faire) n’implique nullement que ce soit une mauvaise idée, et le fait que tout le monde le fasse n’implique pas qu’elle soit bonne. « mangez de la merde, 400 milliards de mouches ne peuvent pas se tromper ».
[« Et que ce carcan a empêché, contrairement à ce qui se passe aux USA, de protéger les industries stratégiques de la délocalisation ». Je suis pas sur que les USA ont été plus protectionniste que nous.]
Je vous renvoie à la « Buy American Act », 1933, toujours en vigueur).
[Le déficit commercial des USA vis-à-vis de la chine est pire chez eux. Les japonais puis les chinois ont éradiqué une grande partie de l’industrie US]
Le fait que le dollar soit la monnaie de réserve – autrement, dit, que les USA puissent acheter à l’étranger sans limite dans leur propre monnaie – explique en partie ce déficit. Mais vous remarquerez que, contrairement aux européens, les Américains ont laissé filer les industries tout en conservant chez eux les industries stratégiques. Je ne sais pas que les forces armées américaines soient équipées de chars, de fusils ou d’avions fabriqués à l’étranger. Le siège d’Apple est toujours à Cupertino, en Californie, celui de Microsoft à Rendmond, dans le Washington. Pourquoi, à votre avis ?
[C’est l’erreur commise en France quand on a pensé pouvoir garder la R&D sans les usines de production.]
Nous sommes d’accord. Garder le « faire » est donc une condition nécessaire, sinon suffisante, pour garder et développer le « savoir-faire ».
[Par contre si « faire » est une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante. Et c est pas simple de passer de faire au savoir-faire, surtout si on se contente pas de recopier la techno. Par exemple il faut les cerveaux (surtout un problème dans les pays pauvres qui ne peuvent former assez de gens) et que ces cerveaux choisissent l’ingénierie (pas gagné si par ex c est bien plus rentable d’aller dans la finance ou simplement de faire dentiste)]
Je n’ai jamais dit que ce fut une condition « suffisante ». Mais elle est « nécessaire », et c’est déjà un point fondamental. Par ailleurs, même si ce n’est pas une condition « suffisante », c’est un encouragement très fort dès lors qu’il y a une véritable politique volontariste de développement. Si vous avez le « faire » et une politique de développement du « savoir-faire », cela crée une demande de cerveaux, qui permet d’attirer des étudiants vers l’ingénierie – et pourquoi pas des cerveaux étrangers. C’est d’ailleurs ce qu’a fait la Chine, qui passe sous nos yeux du pays du « faire » à un pays qui cumule « faire » et « savoir-faire ».
[« Ce n’est pas ce que dit l’article. L’article que « Huawei n’a pas les capacités de fabriquer en interne les puces utilisées pour ses smartphones haut de gamme », et que ces puces qui lui étaient fournies par des fabricants taiwanais ne lui seront plus livrées à cause des sanctions américaines. Ce n’est donc pas un problème de « savoir-faire » mais aussi de « faire ». » Si les chinois étaient capables de concevoir ces puces, une autre entreprise chinoise aurait livre Huawei (depuis le temps qu’ils parlent de sanction, ils auraient eu le temps de construire l’usine).]
Votre raisonnement est circulaire : vous faites comme hypothèse que la Chine a le faire mais pas le savoir-faire, et vous arrivez à cette conclusion. Mais on peut aussi imaginer que si la Chine ne peut remplacer les fabricants taiwanais, ce n’est pas parce qu’il lui manque le « savoir-faire », mais le « faire », bref, qu’il n’a pas l’usine qui pourrait lui fournir ces puces même si elle sait les concevoir. Même s’ils ont eu le temps de « construire l’usine », je ne sais pas si c’est rentable de construire une telle usine aujourd’hui, dans un marché saturé, juste dans le cas où des sanctions seront prises. En tout, cas, l’histoire apportera très vite la réponse : on verra combien de temps Huawei mettra à se passer des composants contrôlés par les Américains…
[« Sauf que le commerçant qui ferait ça serait obligé de payer lui-même la TVA (puisqu’il ne pourra pas récupérer la TVA sur les produits qu’il a acheté). Ce n’est pas très rentable… » Je suppose que vous ne fréquentez pas beaucoup de commerçants ou d’artisans]
Peut-être pas, mais je fréquente beaucoup les tribunaux et les services de Bercy. En fait, votre plombier ou votre carreleur peuvent frauder à la TVA pour la simple raison que dans la prestation qu’ils vous offrent la main d’œuvre représente une part dominante de la valeur ajoutée. La TVA qu’ils ne récupèrent pas sur les fournitures est largement compensée par le gain sur la valeur ajoutée de leur propre travail. Mais le montant de cette fraude est relativement limité lorsqu’on prend les grandes masses de l’activité économique.
[Je vais vous expliquer une fraude de base : Vous achetez 100 objets. Sur la facture vous en avez 75 (comme ça en cas de contrôle de votre stock vous êtes couvert, vous avez une facture à montrer.]
Sauf que la personne qui vous vend doit expliquer dans sa comptabilité pourquoi son stock a diminué de 100 alors qu’il n’a vendu que 75. Ce qui introduit pour lui un petit problème à l’heure de fermer son bilan. Qui plus est, lorsqu’il voudra refaire son stock, il devra racheter 100… mais n’aura comme entrée que la vente de 75. Comment couvrira-t-il la différence ?
[Toute la difficulté est évidement de trouver un fournisseur qui va minorer ce qu’il vous vend.]
Ce qui est tout de même assez difficile, étant donné que le fournisseur ne gagne pas grande chose dans l’affaire, et prend un risque pénal très important (non seulement complicité de fraude, mais aussi abus de bien sociaux, abus de confiance, vol, faux en écriture privée…).
[Mais c’est possible car il y a aussi intérêt (ne serait-ce que pour minorer ses bénéfices). Ou si vous avez une activité où le gros de la facture est de la main d’œuvre (pensez par ex au plombier).]
Exact. C’est très difficilement détectable là où le gros de la facture est constitué par la main d’œuvre non salariée – car lorsque la main d’œuvre est salariée, il faut minorer les heures sur les fiches de paye, ce qui ne va pas dans l’intérêt du salarié. En fait, la fraude à la TVA n’est massive que dans les « petits métiers ». Mais dès lors que le bien nécessite la mobilisation de capital et de travail salarié, cela devient très difficile.
[« Mais ça ne marche pas pour la TVA, justement… parce que celui qui achète les cigarettes en Andorre doit payer la TVA, et ne peut la récupérer qu’en facturant la TVA à ses clients… » Si vous vendez à l’étranger, vous vendez HT. Donc vous ne percevez pas la TVA de l’acheteur et vous n’avez donc rien à payer au fisc. Donc le vendeur à Andorre ou ailleurs vous vendra HT et vous vous aurez juste à « oublier » la TVA si votre acheteur paie cash.
Non. Le vendeur à Andorre doit vous facturer la TVA. Vous pouvez récupérer cette TVA à la frontière en faisant une déclaration à la douane… mais si vous le faites, vous aurez du mal à « oublier » de déclarer la TVA en rentrant sur le territoire français. Contrairement à ce que vous semblez croire, ceux qui achètent en Andorre des cigarettes et les rentrent en France ne cherchent pas à frauder la TVA, mais plutôt la taxe sur le tabac. C’est pourquoi la fraude se fait à la frontière Andorrane et non avec l’Espagne ou la Grande Bretagne, qui ont des taxes sur le tabac supérieures aux nôtres !
[Et de toute façon, même si vous devez payer une taxe, imaginez que vous avez une TVA de 8 % comme en suisse et qu’elle est chez vous de 25 %. Même si vous faites une croix sur les 8 % suisse, vous faites 17 % de marge … pas mal non ?]
Sauf que cela ne marche que si vous êtes un particulier. Un professionnel est tenu de payer le TVA au taux du pays de consommation finale du bien. Ce que vous citez, c’est le mécanisme même du « carroussel de TVA » devenu beaucoup plus facile grâce à la « libre circulation » que nous amène l’UE…
[« Je crois me souvenir que de temps en temps on vote pour des députés et des présidents de la République qui ont pris position sur ces questions. » C’est le problème général des élections.]
C’est surtout un problème général avec la réalité : elle impose une certaine cohérence. Si le candidat A me propose de baisser les impôts et les emprunts, et le candidat B me propose de doubler la dépense publique, un système qui me permettrait de choisir la politique fiscale de A et en même temps la politique de dépenses de B serait profondément pervers. Oui, les programmes politiques ont une cohérence, et pour cette raison s’achètent en block et pièce par pièce.
[Exemple classique, le mariage homosexuel de Hollande qui fut une de ses premières lois. C’était dans son programme mais il n’a jamais mis ça en avant et peut-on dire qu’une majorité de français on vote pour Hollande pour ça ? évidemment non.]
Non. Mais peut-on dire que « les français n’ont jamais voté pour ça » ? Non plus. Un candidat présente aux français un paquet complet. Si pour vous la question du mariage homosexuel est prioritaire et que vous êtes contre, alors vous ne votez pas pour un candidat qui le propose dans son paquet. Si Hollande a gagné, on peut en déduire qu’une majorité de Français se divise entre ceux qui y sont favorables et ceux qui, tout en étant opposés, n’en font pas une priorité.
[« Je ne vois pas très bien le rapport. La structure « non hiérarchisée » d’Internet n’empêche nullement la censure et le contrôle (regardez ce que font des pays comme la Chine). » Disons que ça rend les choses très compliquée et couteuse.]
Je ne comprends pas très bien où est la complexité ou la difficulté. Un pays est connecté au réseau mondial à travers d’un certain nombre de points d’entrée qu’on peut parfaitement filtrer et contrôler. Comme tout contrôle, il n’est pas parfait mais il est assez efficace. Et on voit mal en quoi la « structure non hiérarchique » crée une difficulté supplémentaire.
[C’est beaucoup plus simple avec quelque chose de centralise ou il suffit de couper à la source. Comparez l’énergie et le cout pour censurer la TV, les journaux ou l’internet …]
L’énergie est un contre-exemple à votre théorie. En effet, le caractère centralisé du réseau électrique permet de couper l’électricité à l’ensemble des usagers. Mais ne vous permet pas de distinguer entre usagers, de couper certains et pas d’autres. Or, la censure ne sert à rien si elle n’est pas ciblée. Vous noterez d’ailleurs qu’en coupant l’électricité, vous coupez internet.
Pour ce qui concerne la TV ou les journaux, vous voyez bien que même les gouvernements dictatoriaux les plus durs n’ont pu empêcher la circulation de journaux clandestins ou leurs citoyens d’écouter les émissions radio et tv venues de l’étranger.
[« Et j’aimerais bien que vous me donniez quelques exemples de « nos dirigeants » qui verraient avec « horreur » un réseau non-hiérarchisé… » Seguela, le publicitaire de Mitterrand (Mitterrand comme Chirac n’avait aucun intérêt pour la technique et n’avaient probablement pas d’idée dessus mais je doute qu’il aurait aimé l’idée qu’il ne puisse empêcher que sa double vie soit révélée (il avait réussi a bloquer un passage TV d Edern Hallier):]
Ce n’est pas un argument sérieux. D’abord, Séguéla n’est pas et n’a jamais été un de « nos dirigeants ». Vous n’avez donc aucun exemple d’un dirigeant politique qui ait exprime une quelconque « horreur » vis-à-vis d’un réseau non hiérarchisé. J’ajoute que ce n’est pas la nature « hiérarchisée » du réseau de presse qui a empêché la diffusion des turpitudes mitterrandiennes, mais la discrétion – ou la pusillanimité, c’est selon – de nos journalistes. Si l’Humanité avait décidé de publier l’information, Mitterrand n’aurait pas pu faire grande chose.
Il ne faut pas confondre la structure du réseau et les rapports de force politiques. Le fait qu’Internet ne soit pas structurellement hiérarchisé n’empêche pas à Google d’exercer un quasi-monopole, ou à un gouvernement d’exercer des pressions sur Google ou d’empêcher sa consultation sur son territoire.
[Sarkozy et son internet « civilisé » (…)]
Encore une fois, cela n’a aucun rapport avec la STRUCTURE d’Internet. Quand on parle de « structure non hiérarchique », cela veut dire simplement que chaque machine connectée au réseau est logiquement équivalente aux autres, et que si l’on enlève une ou plusieurs machines le réseau peut continuer à fonctionner. Mais si un contenu donné est stocké sur une seule machine et cette machine disparaît, il est clair que le contenu en question disparaît avec elle. On peut donc contrôler les contenus disponibles sur internet en contrôlant les machines sur lesquelles ces contenus sont stockés, sans pour autant que le réseau soit moins « non-hiérarchique ».
C’est pourquoi je trouve bizarre votre idée selon laquelle nos « dirigeants » auraient « horreur » d’un réseau non hiérarchique parce que cela le rendrait plus difficile à contrôler. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une confusion sur les mots : la circulation des paquets est « non hiérarchique », mais les contenus restent hiérarchisés : il y a des serveurs qui contiennent des données, et des clients qui les consultent.
[Tout frais : notre premier ministre et ministre de la justice sur les réseaux sociaux]
Quel rapport avec la structure « non hiérarchique » d’Internet ? Vous pouvez parfaitement avoir l’anonymat dans une structure hiérarchique. Pensez au service postal… service hiérarchisé s’il en est, et qui n’a jamais empêché les lettres anonymes.
J’ai l’impression qu’il y a une grande confusion dans votre esprit entre la STRUCTURE de l’Internet et les outils qu’il supporte.
@decartes
[J’ai écrit sur ce blog il y a bien des années un article sur ce que j’appelais le « protectionnisme intelligent ». ]
Je l lai lu
[Celui-ci vise deux objectifs : le premier, c’est l’équilibre (et non l’excédent, notez-le bien) de la balance des échanges extérieurs, en poursuivant le raisonnement de Keynes lors de la Charte de La Havane : dans la mesure où les excédents des uns sont nécessairement les déficits des autres, le seul système durable est celui où la balance de chaque pays est équilibrée, et c’est vers cet équilibre qu’il faut tendre.]
Plus facile a dire qu a faire.
Par ex supposez qu on trouve du pétrole en France (ou de l or ou n importe quoi qui puisse etre extrait). Tout d un coup notre balance va devenir excédentaire et la façon la plus facile de la réduire sera de devenir une Arabie saoudite : ne plus rien produire d’autre et gaspiller la manne (bon on va pas forcement subventionner une religion mais acheter de l’armement (générateur de pot de vin), avoir une fonction publique pléthorique et inefficace ca je le vois bien). On pourrait évidement décider de ne pas vendre ce pétrole mais allez expliquer à vos électeurs qu ils vont devoir travailler ou lieu de se prélasser…
[Le second objectif, est de préserver les moyens de production et les savoir-faire dans des secteurs stratégiques]
Outre la difficulte de savoir ce qui est strategique, si c est mis en œuvre ca va entrainer une hausse des prix. Supposez par ex que chaque pays decide de produire ses voitures. Comme il faudra plus de bureaux d etudes, plus d usines (car chaque usine ne fournira que le pays), ca va forcement couter nettement plus cher. Et donc une production encore plus reduite car moins de gens pourront en acheter une et les couts de developpements vont etre reparti sur moins d elements.
Je sais que c est pas votre tasse de thé, mais vous pensez pas que ricardo avait a la base raison avec sa theorie des avantages compétitifs ?
[Ou bien le report des cotisations sociales sur la TVA, qui corrige la distorsion de concurrence due aux bas salaires et conditions sociales dégradées dans le pays de production. ]
La TVA sociale ne peut compenser l ecart entre un bengali (quelque centaines €/mois) et un smicard francais (il y a tres peu de cotisation sociale sur un salaire au smic).
Si on prend un ingenieur, le salaire n est pas la cause du retard francais. Un ingenieur US coute plus cher qu un francais (Dans l IT, c est au moins le double entre la France et les USA).
[Mais d’où tirez-vous l’idée que « aucun pays n’a mené une politique protectionniste » ? Vous faites là une erreur. D’abord, il faut arrêter de croire que l’état du monde aujourd’hui est celui de toujours. Si vous prenez la période 1945-1970, celle des « trente glorieuses », vous verrez que le protectionnisme était la règle et le libre-échange l’exception.]
Je parlais d une periode recente, pas d il y a 50 ans. En 1960-70 il était tout de facon quasi impossible de delocaliser comme de nos jours tout simplement car les infrastructures/outils n existaient pas :
– Transport par container embryonnaire (les containers qu on connait datent de 61 mais pour avoir des bateaux geants et des ports equipes comme maintenant il a fallu attendre)
– Communication rudimentaires (telephoner a l etranger était cher et compliqué, envoyer des plans (instantané avec internet mais prennait des semaines par la poste (une lettre du Texas vers la France prenait un mois si je me souvient bien dans les annees 80))
– Pas d informatique capable de gerer le juste a temps (et donc capable d augmenter la cadence en chine en fonction des commandes en France)
[Imaginez-vous l’armée française équipée en fusils « made in Germany » en 1950 ? ]
C est un choix. Doit on developper un fusil made in France ou consacrer nos ressources a produire quelque chose de plus pointu (drone, char ou sous marin).
En 1950 on avait pas de fusil allemand mais on utilisait des avions allemands (https://fr.wikipedia.org/wiki/Junkers_Ju_52) et massivement du materiel US (regardez ce qui était utilisé en indochine)
[Pensez aussi à ceux qui exploitent à fond les barrières culturelles pour encourager leurs consommateurs à consommer local, comme la Reinheitsgebot (« loi de pureté ») allemande qui met une barrière à la vente des bières importées.]
On a ici juste une barriere culturelle. Rien n interdit a un brasseur allemand de ne pas s y conformer ou d importer des bieres qui ne s y confoment pas. Mais ca serait un suicide commercial sur le marché allemand. Comme si vous essayez de vendre en France du vin allemand (ils ont des vins blancs qui soutiennent la comparaison avec la France)
[Mais vous remarquerez que, contrairement aux européens, les Américains ont laissé filer les industries tout en conservant chez eux les industries stratégiques. Je ne sais pas que les forces armées américaines soient équipées de chars, de fusils ou d’avions fabriqués à l’étranger.]
C est quand meme lié au budget de l armement US qui n a rien a voir avec celui de la France. Les USA peuvent se permettre de fabriquer leurs chars, leurs fusils, leurs avions (meme hors de prix). Nous non. Mais meme la ils ont des problemes car de plus en plus d electronique est fait a l etranger.
[ Le siège d’Apple est toujours à Cupertino, en Californie, celui de Microsoft à Rendmond, dans le Washington. Pourquoi, à votre avis ?]
Pfizer pensait fusionner avec une compagnie irlandaise afin de mettre son siege social en Irlande et payer moins d impot comme quoi ca existe aussi chez eux (https://arstechnica.com/science/2015/11/with-160-billion-merger-pfizer-moves-to-ireland-and-dodges-taxes/)
Ce qui est important c est pas tant le siege social que la localisation des usines et de la R&D si on se base sur l industrialisation du pays (pour les impots c est une autre chanson).
Dans le cas d apple ou de MS, c est aussi lié au fait que ces compagnies technologiques ont besoin de beaucoup d ingenieurs et de peu de bras. Il est bien plus facile d attirer un ingenieur aux USA qu au Bengladesh. En plus je suppose que Apple estime qu etre dans la silicon valley lui permet d etre au cœur de l innovation.
Dans le cas d apple ou MS vous remarquerez quand meme que c est des societes sans usines. Tous les produits apple sont fabriques en chine. Dans le cas de MS, la plupart des produits sont du logiciel donc pas besoin d usine (mais je suppose que leurs produits materiels sont aussi fait en chine)
[Votre raisonnement est circulaire : vous faites comme hypothèse que la Chine a le faire mais pas le savoir-faire, et vous arrivez à cette conclusion. Mais on peut aussi imaginer que si la Chine ne peut remplacer les fabricants taiwanais, ce n’est pas parce qu’il lui manque le « savoir-faire », mais le « faire », bref, qu’il n’a pas l’usine qui pourrait lui fournir ces puces même si elle sait les concevoir. Même s’ils ont eu le temps de « construire l’usine », je ne sais pas si c’est rentable de construire une telle usine aujourd’hui, dans un marché saturé, juste dans le cas où des sanctions seront prises]
Vu la strategie chinoise, ils auraient construit l usine juste pour etre independant des USA, meme si la rentabilite n était pas assuree
[En tout, cas, l’histoire apportera très vite la réponse : on verra combien de temps Huawei mettra à se passer des composants contrôlés par les Américains…]
En effet soit les chinois (et pas que Huawei) reussissent a briser la domination US (pas seulement sur le materiel mais aussi sur le logiciel) soit Huawei est mort (a moins d un revirement du prochain president US)
[Sauf que la personne qui vous vend doit expliquer dans sa comptabilité pourquoi son stock a diminué de 100 alors qu’il n’a vendu que 75. ]
Et non car tout est fait au black. Il a officiellement produit que 75. Supposons que je vende des tour effeils a des touristes (c est un ex qui s y prete car payé en liquide). J achete 100 tours mais officiellement j en a 75. Je peux donc en vendre 75 en encaissant pour moi la TVA et en plus ne pas declarer le benefice 😊
Quand je vais voir mon fournisseur, je lui achete 100 mais officiellement 75. Lui-même va commander du metal pour faire 100 mais il faut que le controleur des impots soit un expert pour savoir qu avec cette quantite de metal vous pouvez faire 25 % de produit en plus (et la personne pourra toujours dire qu une partie n etaient pas conforme et parti au rebut). Si votre fournisseur était un importateur c est encore mieux. Il commande en chine 100 tours Eiffel mais demande que la facture soit de 75. Quel douanier va compter le nombre de tour Eiffel dans un container ?
[Non. Le vendeur à Andorre doit vous facturer la TVA. Vous pouvez récupérer cette TVA à la frontière en faisant une déclaration à la douane… mais si vous le faites, vous aurez du mal à « oublier » de déclarer la TVA en rentrant sur le territoire français.]
Je suis pas un expert, mais si vous vendez/achetez hors de l UE vous vendez/achetez HT. (https://debitoor.fr/blog/modele-de-facture-sans-tva-pour-un-client-a-l-etranger. C est ici dans le sens France-> etranger mais ca marche dans l autre sens aussi et je ne vais pas chercher un papier chinois pour prouver qu il n y a pas de TVA danbs le sens chine->france).
Donc si j ai achete hors taxe en chine, j ai interet a « oublier » la declaration de la TVA. ET plus le taux de TVA est elevé, plus j ai interet a faire cet « oubli »
[ Contrairement à ce que vous semblez croire, ceux qui achètent en Andorre des cigarettes et les rentrent en France ne cherchent pas à frauder la TVA, mais plutôt la taxe sur le tabac. ]
Exact, c est mon point initial. A partir d un certain niveau de taxe, vous allez generer de la fraude car ca devient tres interessant. Donc avec une TVA a 20 % on pourra pas aller tellement plus haut sans generer une fraude massive. Que ca soit une fraude a la TVA, aux taxes sur l alcool ou le tabac ca ne change rien
[Non. Mais peut-on dire que « les français n’ont jamais voté pour ça » ? Non plus. Un candidat présente aux français un paquet complet. Si pour vous la question du mariage homosexuel est prioritaire et que vous êtes contre, alors vous ne votez pas pour un candidat qui le propose dans son paquet. Si Hollande a gagné, on peut en déduire qu’une majorité de Français se divise entre ceux qui y sont favorables et ceux qui, tout en étant opposés, n’en font pas une priorité.]
A part que ca reste une question quand meme secondaire qui fait que personne ne va pas votre pour le candidat a cause de ca. J avais ecoute une fois une interview de Seguela qui expliquait comment ca c est passé avec Mitterrand. Ils avaient un probleme de credibilité (a l epoque Mitterrand était vu comme un has been de la IV republique et dont le comportement était fluctuant). Pour contrer ca, l idee était de proposer l abolition de la peine de mort. Pourquoi ?
Parce que ca permettait de dire : « voyez j ai des convictions : je propose une mesure auquel la majorite de la population est opposé. Je le sais et je le fais quand meme. ». Par contre ils etaient pas fou. Parmi leur electorat potentiel, peu n aurait pas voté Mitterrand a cause de ca. Donc la perte était voisine de 0
Si on en revient a la derniere presidentielle, supposez que vous etes liberal et anti chasse. Allez vous votez macron (pro chasse) ? probablement car vous considerez que c est plus important. Et meme dans le cas contraire vous ne pouvez pas voter EELV (qui doivent etre les seul anti chasse) car ils n ont pas de candidat au presidentielle et dont le programme est anti liberal. Et pourtant on ne peut pas dire que la majorite de la population est pour la chasse (intuitivement je dirai meme le contraire) et qu imposer une politique pro chasse en disant j ai été elu est une negation de la democratie. C est la ou le système suisse est bien meilleur : si l executif tente de passer en force, il se prend un referendum (ca c ets passe par ex quand ils ont tente d acheter des grippen)
[Je ne comprends pas très bien où est la complexité ou la difficulté. Un pays est connecté au réseau mondial à travers d’un certain nombre de points d’entrée qu’on peut parfaitement filtrer et contrôler.]
Déjà ca depend du nombre de points de contact. La chine a concu son reseau pour etre facilement censurable (et donc peu de points). Pas la France. Avoir que quelques points est d aillerus pas forcement une bonne idee. Ca rend votre infrastructure plus fragile en cas de panne ou de sabotage (voire d attaque etrangere/terroriste).
Apres il faut avoir du materiel capable d aspirer, de stocker et de decoder (depuis les revelation de snowden c est quasiment tout crypté).
Pour votre gouverne la derniere fois que je suis allé en chine (2019) le firewall n a pas pu bloquer mon VPN qui était quand meme assez basique (open vpn sur le port https). Donc meme avec leurs moyens, ils etaient a l epoque pas capable (ou n avaient pas la volonté) de faire de l analyse de paquet (et voir que ce qui était en theorie de l https était en fait un vpn)
[Et on voit mal en quoi la « structure non hiérarchique » crée une difficulté supplémentaire.]
Supposons que je veuille censurer votre blog. C est complique et meme si j arrive a vous faire interdire sur un serveur francais (pas simple il y a plein d hebergeurs), vous pouvez vous faire heberger a l etranger assez facilement et le transfert des donnees prend au pire quelques dizaines de minutes.
Maintenant imaginez qu internet existe pas, nous sommes en 1990. Vous censurer est bien plus simple. Pour la TV, c est essentiellement 3 chaines (TF1 et A2-FR3), canal + ne faisant que du foot et des films et M6 des telefilms.
Donc 2 appels telephoniques suffisent (surtout que Bouygues depend de la commande publique). Pour les journaux c est plus compliqué mais les journaux a grand tirage sont pas si nombreux et eux aussi dependent de l etat (via l aide a la distribution) ou appartiennent a des gens qui vivent de la commande publique (come le figaro).
En 10-15 coups de fils vous etes un paria
[Vous noterez d’ailleurs qu’en coupant l’électricité, vous coupez internet. ]
Oui mais vous faites de tels degats que vous ne pouvez pas vous le permettre. Si censurer votre site impose de couper l electricite a paris, je vais pas le faire 😉
[Pour ce qui concerne la TV ou les journaux, vous voyez bien que même les gouvernements dictatoriaux les plus durs n’ont pu empêcher la circulation de journaux clandestins ou leurs citoyens d’écouter les émissions radio et tv venues de l’étranger.]
Les journaux clandestins existaient mais touchaient combien de personnes ?
Pour les emissions de radio (TV c est plus complique, une antenne satellite se voit) il faut que la radio ait un support politique d un pays. Radio free Europe par ex était soutenue par les USA. Une petite radio FM avec des moyens du bord ne peut pas emettre bien loin
[ J’ajoute que ce n’est pas la nature « hiérarchisée » du réseau de presse qui a empêché la diffusion des turpitudes mitterrandiennes, mais la discrétion – ou la pusillanimité, c’est selon – de nos journalistes]
Admettons qu un journaliste decide de publier l info. Il lui aurait fallu l accord du redacteur en chef et probablement du proprietaire du journal vu le risque. Donc en tenant moins de 10 personnes vous empechez des centaines de journalistes de reveler l affaire. Aujourd hui c est impossible. Voyez Grivaux
[Encore une fois, cela n’a aucun rapport avec la STRUCTURE d’Internet. Quand on parle de « structure non hiérarchique », cela veut dire simplement que chaque machine connectée au réseau est logiquement équivalente aux autres, et que si l’on enlève une ou plusieurs machines le réseau peut continuer à fonctionner. Mais si un contenu donné est stocké sur une seule machine et cette machine disparaît, il est clair que le contenu en question disparaît avec elle. On peut donc contrôler les contenus disponibles sur internet en contrôlant les machines sur lesquelles ces contenus sont stockés, sans pour autant que le réseau soit moins « non-hiérarchique ».
C’est pourquoi je trouve bizarre votre idée selon laquelle nos « dirigeants » auraient « horreur » d’un réseau non hiérarchique parce que cela le rendrait plus difficile à contrôler. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une confusion sur les mots : la circulation des paquets est « non hiérarchique », mais les contenus restent hiérarchisés : il y a des serveurs qui contiennent des données, et des clients qui les consultent.]
En theorie vous avez en effet un serveur qui a l info et le supprimer permet de supprimer l info. Par contre c est quasi impossible en pratique.
– Il est tres facile de copier des donnees (copier le capital de K Marx a l autre bout du monde me prend moins d une minute)
– Vous ne pouvez pas savoir combien de copie ont été faite et donc impossible de savoir si l information a été vraiment supprimee (je la supprime de votre serveur mais si elle a été copie ?)
– Supprimer une info risque au contraire de la mettre encore plus en valeur (https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Streisand)
– Bloquer un service peut etre plus couteux que de le laisser. Les russes ont essaye de bloquer Telegram et ont finalement abandonné
– Les donnees sont souvent redondantes pour des raison de securite. Si vous etes hebergé sur AWS (amazon) par ex vos donnees sont dupliquees de telle facon que si un serveur s arrete le service lui continue. Donc meme si vous voulez supprimer vos donnees, vous ne savez pas si amazon va vraiment le faire ☹
Regardez les efforts deployés par l industrie du disque ou du cinema. Ils essaient depuis des dizaines d annees d empecher les internautes d acceder a des donnees (ici musique ou film mais peu importe c est juste des donnees). Ca n a jamais marché et pourtant des moyens importants y sont employés
[ Pensez au service postal… service hiérarchisé s’il en est, et qui n’a jamais empêché les lettres anonymes.]
Certes mais si je peux envoyer une lettre anonyme a quelqu un d identifié je ne peux envoyer une lettre anonyme a d autres anonymes. Vous ne connaissez pas mon nom pas plus que moi le votre. Donc il est difficile de vous reduire au silence et de m empecher de vous lire.
[J’ai l’impression qu’il y a une grande confusion dans votre esprit entre la STRUCTURE de l’Internet et les outils qu’il supporte.]
A part que la structure d internet a permis ces outils. Un système centralisé de type minitel aurait produit des outils tres differents (certains comme le P2P n aurait par definition jamais existé. Les mails (SMTP) ou la messagerie instantanee XMPP sont aussi possible que via un reseau decentralisé. D autres comme la recherche sur internet (google) aurait été tres different (si vous avez un site central ou tout est stocké l hebergeur aurait un enorme avantage concurrentiel (ou pourrait tout simplement interdire/facture l acces a sa base de données)).
@ cdg
[Plus facile à dire qu’a faire. Par ex supposez qu on trouve du pétrole en France (ou de l’or ou n’importe quoi qui puisse être extrait). Tout d’un coup notre balance va devenir excédentaire et la façon la plus facile de la réduire sera de devenir une Arabie saoudite : ne plus rien produire d’autre et gaspiller la manne (bon on ne va pas forcement subventionner une religion mais acheter de l’armement (générateur de pot de vin), avoir une fonction publique pléthorique et inefficace ca je le vois bien). On pourrait évidement décider de ne pas vendre ce pétrole mais allez expliquer à vos électeurs qu ils vont devoir travailler ou lieu de se prélasser…]
D’abord, vous noterez qu’une économie extractive comme celles que vous mentionnez ne sont qu’une situation temporaire, et non un état « stable » au sens physique du terme. Tout gisement est promis à l’épuisement, tôt ou tard. Mais la difficulté que vous citez est réelle, et on voit les difficultés qu’ont les économies « de rente » à éviter le gaspillage de la rente. Mais cela n’a aucun rapport avec la question posée par Keynes lors des débats qui ont abouti à la Charte de La Havane. Le raisonnement de Keynes est purement logique : si l’on suppose que les transactions internationales se font dans une monnaie de référence (or, dollar, ce que vous voulez), comme il s’agit d’un système fermé il est impossible que tout le monde se retrouve en excédent : les excédents des uns doivent se traduire par des déficits chez les autres. Et comme un déficit se traduit par une sortie nette de monnaie, il arrivera un moment où les pays déficitaires n’auront plus de monnaie pour acheter aux pays excédentaires, et le système s’arrêtera. A moins que les pays excédentaires donnent gracieusement de la monnaie aux déficitaires pour leur permettre de continuer à acheter. Ce raisonnement reste vrai que le déséquilibre vienne de ce que vous produisez avec du travail humain, ou d’une « rente » extractive.
[« Le second objectif, est de préserver les moyens de production et les savoir-faire dans des secteurs stratégiques » Outre la difficulté de savoir ce qui est stratégique, si c est mis en œuvre ça va entrainer une hausse des prix.]
Sur le premier point, la difficulté est réelle mais inhérente à toute décision humaine. Les dirigeants des entreprises privées sont couramment appelés à décider si tel ou tel produit, telle ou telle activité sont « stratégiques » pour leur entreprise. Souvent, ils vont les bons choix, quelquefois ils se trompent et leur entreprise – et la société toute entière – paye les conséquences. En quoi le dilemme du décideur public serait-il différent ?
Sur le second point, la conclusion est moins qu’évidente. Oui, d’un côté il y aura une pression à la hausse du fait qu’on produira en France, ou les salaires et les coûts sont plus élevés, et que les coûts fixes seront à amortir sur un marché plus petit. Mais de l’autre côté, cela permet de remettre des chômeurs français au travail, et donc d’éviter les coûts du chômage. Les allocations bien sûr, mais aussi tous les autres coûts induits : sécurité, santé… Sans mentionner l’effet d’entraînement sur d’autres secteurs (recherche, enseignement…). Une fois pris en compte ces éléments, il n’est pas évident que les prix doivent monter.
Par contre, il est clair qu’un tel système redistribue la richesse. Parce que les coûts de production sont payés par le consommateur, alors que les coûts liés au chômage sont payés par le citoyen. Il est clair que le consommateur devra payer plus, et le citoyen paiera moins.
[Je sais que c’est pas votre tasse de thé, mais vous pensez pas que ricardo avait a la base raison avec sa théorie des avantages compétitifs ?]
Pourquoi dites-vous que « ce n’est pas ma tasse de thé » ? Au contraire, j’ai – comme Marx bien avant moi – une très grande admiration pour Ricardo, et je pense – j’ai écrit il y a quelques années un papier dans ce même blog pour le dire – que la théorie des avantages comparatifs (et non « compétitifs ») est tout à fait valable aujourd’hui. Mais il ne faut pas faire dire à Ricardo ce qu’il ne dit pas. La théorie de Ricardo suppose des marchés internationaux « purs et parfaits », ce qui n’est absolument pas le cas dans la réalité, puisque ces marchés – notamment pour les biens considérés comme « stratégiques » – sont influencés en permanence par la politique de puissance des états. Par ailleurs, la théorie de Ricardo ne prend pas en compte ce qu’on fait des facteurs de production inutilisés. Or, sauf à pouvoir gazer les chômeurs, on est obligé de continuer à les payer – et la société doit supporter les coûts liés au chômage.
C’est pourquoi, comme beaucoup de théories économiques d’ailleurs, la théorie ricardienne des échanges internationaux est impeccable du point de vue conceptuel, mais n’est pas applicable telle quelle au monde réel sans prendre quelques précautions. Oui, dans un monde idéal où le libre-échange se ferait sur un marché pur et parfait et où les facteurs de production inutilisés n’auraient aucun coût, tout le monde gagnerait avec le libre-échange. Mais le monde réel ne fonctionne pas comme ça.
[« Ou bien le report des cotisations sociales sur la TVA, qui corrige la distorsion de concurrence due aux bas salaires et conditions sociales dégradées dans le pays de production. » La TVA sociale ne peut compenser l ecart entre un bengali (quelque centaines €/mois) et un smicard francais (il y a tres peu de cotisation sociale sur un salaire au smic).]
En économie, il ne faut pas céder aux illusions. Même si facialement les cotisations sur les bas salaires ont été abaissées, cet abaissement doit être compensé. Pour équilibrer les régimes, il y a alors deux solutions : réduire les prestations (ce qui suppose que le travailleur doit payer plus de sa poche, ce qui rétablit le prélèvement par une voie détournée) ou bien augmenter les cotisations des autres catégories (qui sont payées par l’employeur). On renchérit donc le coût du travail des cadres pour alléger celui des smicards, mais globalement cela ne change que la distribution, et non le montant du prélèvement sur le travail.
Mais vous avez raison de dire que la TVA sociale ne sera pas suffisante pour rétablir l’égalité devant la concurrence, et je n’ai jamais prétendu le contraire. Mais c’est un début…
[Si on prend un ingénieur, le salaire n’est pas la cause du retard français. Un ingénieur US coute plus cher qu’un français (Dans l’IT, c’est au moins le double entre la France et les USA).]
Il faut faire attention à ce type de comparaison, parce que le salaire et le niveau de vie qu’on peut en tirer varie beaucoup selon les pays. Le coût de la santé ou celui de l’éducation varient très largement selon les pays. Votre ingénieur américain gagne peut-être plus que l’ingénieur français, mais une fois qu’il a provisionné pour les soins de la famille, pour les périodes de chômage et l’éducation de ses enfants, qu’est ce qui lui reste ?
Je ne crois pas par ailleurs avoir dit que c’était « le salaire des ingénieurs » qui était la cause du « retard français ».
[« Imaginez-vous l’armée française équipée en fusils « made in Germany » en 1950 ? » C’est un choix. Doit-on développer un fusil made in France ou consacrer nos ressources à produire quelque chose de plus pointu (drone, char ou sous-marin).]
Le mythe, c’est de croire qu’on pourrait faire les uns sans les autres. Curieusement, les pays qui construisent des chars, des drones et des sous-marins sont aussi ceux qui développent des fusils. Parce que la métallurgie, la mécanique fine, l’optique, les outils de conception de CAO, les bancs d’essais que vous développez pour produire un fusil est la même que vous utilisez pour produire des drones ou des chars. Mais si vous vous contentez des drones ou des chars, vous n’aurez jamais la masse critique qui justifiera ces développements.
Votre raisonnement aurait quelque mérite si nous nous trouvions en situation de plein emploi, si nos ateliers tournaient à plein. Dans ce cas, on pourrait se demander quelle serait la meilleure utilisation de nos ressources. Mais ce n’est pas le cas : nous payons des fusils conçus et fabriqués en Allemagne alors que des métallurgistes français sont au chômage et des ateliers chez nous sont arrêtés. Je ne trouve pas que ce soit une utilisation très rationnelle des ressources.
[En 1950 on avait pas de fusil allemand mais on utilisait des avions allemands (https://fr.wikipedia.org/wiki/Junkers_Ju_52) et massivement du materiel US (regardez ce qui était utilisé en indochine)]
Parce qu’on n’avait pas le choix. Mais ce n’était certainement pas un choix politique, et la France a fait tout ce qu’elle a pu pour s’affranchir de ce genre d’importation.
[« Pensez aussi à ceux qui exploitent à fond les barrières culturelles pour encourager leurs consommateurs à consommer local, comme la Reinheitsgebot (« loi de pureté ») allemande qui met une barrière à la vente des bières importées. » On a ici juste une barrière culturelle. Rien n’interdit à un brasseur allemand de ne pas s’y conformer ou d’importer des bières qui ne s’y conforment pas.]
Tout à fait. Mais le gouvernement a obligé les brasseurs qui feraient cela à indiquer que leur bière ne se conforme pas au Reinheitsgebot sur l’emballage. Ce que le gouvernement français, en « bon européen », s’interdit de faire. Essayez d’acheter une huile d’olive « origine France », et vous comprendrez votre malheur.
[« Mais vous remarquerez que, contrairement aux européens, les Américains ont laissé filer les industries tout en conservant chez eux les industries stratégiques. Je ne sais pas que les forces armées américaines soient équipées de chars, de fusils ou d’avions fabriqués à l’étranger. » C’est quand même lié au budget de l’armement US qui n’a rien à voir avec celui de la France.]
Je ne vois pas le rapport. Quelque soit la taille du budget militaire, un pays a le choix de s’approvisionner là ou c’est le moins cher, ou bien de produire plus cher chez lui. C’est un choix politique, et pas une question de taille.
[Les USA peuvent se permettre de fabriquer leurs chars, leurs fusils, leurs avions (meme hors de prix). Nous non.]
C’est vrai : nous, on préfère payer des chômeurs. Même « hors de prix ».
[« Le siège d’Apple est toujours à Cupertino, en Californie, celui de Microsoft à Rendmond, dans le Washington. Pourquoi, à votre avis ? » Pfizer pensait fusionner avec une compagnie irlandaise afin de mettre son siege social en Irlande et payer moins d’impôt comme quoi ça existe aussi chez eux]
Oui… mais pourquoi l’opération ne s’est finalement pas faite ? Parce que le Trésor américain est intervenu avec des nouvelles réglementations fiscales punitives. Et Pfizer, sagement, à renoncé à l’opération et gardé son siège social à New York. Etonnant, non ? J’essaie de me souvenir d’un cas où le gouvernement français ait fait de même…
[Ce qui est important c’est pas tant le siège social que la localisation des usines et de la R&D si on se base sur l’industrialisation du pays (pour les impôts c’est une autre chanson).]
Non, c’est la même chanson. Parce que ce sont ces impôts qui permettent ensuite de protéger ses industries, de financer des laboratoires de recherche et des universités. Quand le fait de garder les usines chez vous ne vous rapporte rien, on finit par s’en désintéresser.
[Dans le cas d’Apple ou de MS, c’est aussi lié au fait que ces compagnies technologiques ont besoin de beaucoup d’ingénieurs et de peu de bras. Il est bien plus facile d’attirer un ingénieur aux USA qu’au Bengladesh. En plus je suppose que Apple estime qu’être dans la silicon valley lui permet d’être au cœur de l’innovation.]
Je vois mal en quoi il serait plus facile d’attirer des ingénieurs à Redmond qu’à Grenoble, Paris, Londres ou Rome, par exemple. Et pourtant, Microsoft reste à Redmond. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des laboratoires à Paris, à Londres… mais aussi à Bombay. Seulement voilà, les activités « critiques » sont toujours à Redmond, et cela permet au gouvernement américain de garder un œil sur elles et de les protéger d’un éventuel prédateur. Et même chose pour Apple,
[Dans le cas d’Apple ou MS vous remarquerez quand même que c’est des sociétés sans usines. Tous les produits Apple sont fabriqués en Chine. Dans le cas de MS, la plupart des produits sont du logiciel donc pas besoin d’usine (mais je suppose que leurs produits materiels sont aussi fait en chine)]
Ce n’est pas tout à fait vrai : certains produits Apple sont assemblés par des sous-traitants aux Etats-Unis (https://www.usinenouvelle.com/article/le-nouveau-mac-pro-d-apple-sera-assemble-aux-etats-unis-et-non-en-chine.N888294). C’est aussi le cas pour Intel – le cas de Microsoft est différent, parce que ses produits sont essentiellement immatériels. Même si beaucoup de produits haute technologie des sociétés américaines sont assemblés en Chine, elles ont une politique de conserver des moyens de production et d’assemblage locales pour faire face à toute éventualité, ou pour assembler les produits jugés « stratégiques ».
[« Sauf que la personne qui vous vend doit expliquer dans sa comptabilité pourquoi son stock a diminué de 100 alors qu’il n’a vendu que 75. » Et non car tout est fait au black. Il a officiellement produit que 75. Supposons que je vende des tour effeils a des touristes (c’est un ex qui s’y prête car payé en liquide). J’achète 100 tours mais officiellement j’en ai 75. Je peux donc en vendre 75 en encaissant pour moi la TVA et en plus ne pas déclarer le bénéfice. Quand je vais voir mon fournisseur, je lui achète 100 mais officiellement 75. Lui-même va commander du métal pour faire 100 mais il faut que le contrôleur des impôts soit un expert pour savoir qu’avec cette quantité de métal vous pouvez faire 25 % de produit en plus]
Pas besoin. Lorsque votre fournisseur commande le métal, il doit payer la TVA, et il paiera la TVA sur du métal pour fabriquer 100. Mais lorsqu’il vous facturera, il récupérera de la TVA pour 75 seulement. Pour le reste, il y sera de sa poche. Quel est son intérêt à faire cela ?
Pour que votre système marche, il faudrait une chaîne de production complète « au noir », depuis la mine jusqu’au consommateur final. Et sauf dans certains domaines – les stupéfiants, par exemple – c’est relativement difficile. Par ailleurs, comme vous l’avez-vous-même noté, cela ne peut marcher que dans les domaines ou le consommateur final paye en liquide. Cela limite le montant de la fraude, puisque comme vous le savez les paiements en liquide sont interdits au-delà de 1000 euros.
[Si votre fournisseur était un importateur c est encore mieux. Il commande en chine 100 tours Eiffel mais demande que la facture soit de 75. Quel douanier va compter le nombre de tour Eiffel dans un container ?]
Pas besoin de les compter, les peser suffit. Sans compter le risque pour le fournisseur, qui ne gagne pas grande chose dans l’affaire mais commet un délit grave.
[« Non. Le vendeur à Andorre doit vous facturer la TVA. Vous pouvez récupérer cette TVA à la frontière en faisant une déclaration à la douane… mais si vous le faites, vous aurez du mal à « oublier » de déclarer la TVA en rentrant sur le territoire français. » Je suis pas un expert, mais si vous vendez/achetez hors de l’UE vous vendez/achetez HT.]
Soyons précis : si vous achetez sur le territoire français un bien destiné à l’exportation, vous payez la TVA et vous vous la faites rembourser lorsque le bien quitte le territoire. Il ne suffit pas d’aller dans un magasin et de dire au vendeur « j’ai l’intention de l’exporter » pour qu’on vous déduise la TVA sur le champ. Pour favoriser le tourisme, certains grands magasins ont des bureaux de dédouanement directement dans le magasin, et pour les petits achats.
[Donc si j’ai achété hors taxe en chine, j’ai intérêt a « oublier » la déclaration de la TVA. ET plus le taux de TVA est élevé, plus j’ai intérêt à faire cet « oubli »]
Je crois que lorsque vous allez dédouaner votre bien à son entrée en France, les douaniers ont la mauvaise habitude de rappeler aux « oublieux » leurs obligations. Pour éviter la déclaration, il faut non seulement acheter hors taxe à l’étranger, mais entrer le bien en fraude en France. Pas facile…
[« Contrairement à ce que vous semblez croire, ceux qui achètent en Andorre des cigarettes et les rentrent en France ne cherchent pas à frauder la TVA, mais plutôt la taxe sur le tabac. » Exact, c’est mon point initial. A partir d’un certain niveau de taxe, vous allez générer de la fraude car ça devient très intéressant.]
C’est une évidence. Mais le point ici est que la TVA est beaucoup plus difficile à frauder que la taxe sur le tabac.
[Que ca soit une fraude a la TVA, aux taxes sur l alcool ou le tabac ca ne change rien]
Bien sur que si. Pour les taxes sur le tabac ou l’alcool, le vendeur a tout intérêt à favoriser la fraude. Pour la TVA, parce que la taxe est payée et récupérée à chaque échelon, le vendeur a tout intérêt au contraire à empêcher la fraude. C’est cela qui a fait le succès de la TVA – une invention française – de par le monde : c’est l’une des taxes les plus difficiles à frauder.
[« Non. Mais peut-on dire que « les français n’ont jamais voté pour ça » ? Non plus. Un candidat présente aux français un paquet complet. Si pour vous la question du mariage homosexuel est prioritaire et que vous êtes contre, alors vous ne votez pas pour un candidat qui le propose dans son paquet. Si Hollande a gagné, on peut en déduire qu’une majorité de Français se divise entre ceux qui y sont favorables et ceux qui, tout en étant opposés, n’en font pas une priorité. » A part que ça reste une question quand même secondaire]
Pour vous, peut-être. Mais il y a des gens pour qui ca peut changer le vote.
[Si on en revient à la dernière présidentielle, supposez que vous êtes libéral et anti chasse. Allez-vous votez macron (pro chasse) ? probablement car vous considérez que c’est plus important.]
Oui. Et on ne pourra dire que la politique « pro chasse » n’a jamais été votée par les électeurs. Si j’achète une voiture parce que j’aime son design, son moteur, sa tenue de route, mais que je n’aime pas la forme du capot, je peux difficilement dire « je n’ai pas acheté ce capot ».
[Et même dans le cas contraire vous ne pouvez pas voter EELV (qui doivent être les seul anti chasse) car ils n’ont pas de candidat au présidentielle et dont le programme est anti-liberal.]
Depuis quand les écolos sont « anti-libéraux » ? N’est ce pas leur icone suprême qui s’est proclamée « libéral-libertaire » ?
[Et pourtant on ne peut pas dire que la majorité de la population est pour la chasse (intuitivement je dirai même le contraire) et qu’imposer une politique pro chasse en disant j’ai été élu est une négation de la démocratie.]
L’exemple est très mal choisi, parce que même si la majorité de la population « n’est pas pour la chasse », la majorité de la population est pour qu’on arrête d’emmerder les français en leur interdisant en permanence leurs petits plaisirs. Même si on faisait un référendum sur la chasse, il serait difficile d’interpréter exactement le vote de ceux qui voteraient « oui ».
[C’est là ou le système suisse est bien meilleur : si l exécutif tente de passer en force, il se prend un referendum]
Admirable en effet. Par exemple, on pourrait ainsi approuver une hausse des dépenses publiques, mais annuler par référendum la hausse des impôts correspondante !
Le problème que vous posez est vieux comme la démocratie : quand on vote, doit-on voter un programme comme un tout cohérent ? Ou peut-on le voter par appartements ? Si l’on adopte la première vision, il y a le risque qu’en votant des mesures avec lesquelles vous êtes d’accord et qui sont pour vous prioritaires, vous prêtiez votre voix à des mesures que vous jugez secondaires mais que vous n’approuvez pas. Mais si l’on adopte la deuxième solution, il y a le risque de voir rejeter des morceaux du programme qui sont essentiels à son équilibre. Non seulement cela pose un problème d’exécution, mais aussi de responsabilité : peut-on reprocher à un gouvernement l’échec d’un programme alors que des morceaux essentiels à sa mise en œuvre ont été retirés ?
Construire un système institutionnel, c’est naviguer entre ces deux écueils. La IVème République allait plutôt dans votre sens, permettant une remise en cause permanente du programme de gouvernement par le parlement, avec des majorités différentes en fonction des sujets. La Vème a au contraire privilégié la cohérence et la responsabilité, en donnant à l’exécutif les moyens de faire approuver sa politique « en bloc » lorsqu’il l’estimait nécessaire. Personnellement, je suis plus proche de la vision des artisans de la Vème : je veux un gouvernement qui ait les moyens de penser et agir globalement, et qui soit responsable.
[« Je ne comprends pas très bien où est la complexité ou la difficulté. Un pays est connecté au réseau mondial à travers d’un certain nombre de points d’entrée qu’on peut parfaitement filtrer et contrôler. » Déjà ça dépend du nombre de points de contact. La Chine a conçu son réseau pour etre facilement censurable (et donc peu de points). Pas la France.]
Donc, le fait que l’Internet soit structurellement non-hiérarchisé n’est pas un obstacle pour pouvoir le contrôler, dès lors qu’on prend ce paramètre en compte à la conception. Aucune raison donc pour que les dirigeants français des années 1970 aient « eu horreur » de l’Internet. CQFD.
[« Et on voit mal en quoi la « structure non hiérarchique » crée une difficulté supplémentaire. » Supposons que je veuille censurer votre blog. C’est compliqué et même si j’arrive a vous faire interdire sur un serveur français (pas simple il y a plein d’hébergeurs), vous pouvez vous faire héberger a l’étranger assez facilement et le transfert des données prend au pire quelques dizaines de minutes.]
Je ne vois aucune difficulté. Il suffit de faire pointer l’adresse de mon blog (le domaine descartes-blog.fr) vers un site bidon. Et un coup de téléphone à Google vous assure que votre site reste confidentiel. Vous pouvez même le faire pointer vers un site qui imite parfaitement le mien et où vous auriez censuré les contenus gênants. Pas très difficile, franchement. Beaucoup plus simple que de censurer un journal clandestin.
[Maintenant imaginez qu’internet n’existe pas, nous sommes en 1990. Vous censurer est bien plus simple. Pour la TV, c est essentiellement 3 chaines (TF1 et A2-FR3), canal + ne faisant que du foot et des films et M6 des telefilms.]
Peut-être, mais cela n’a aucun rapport avec le fait qu’Internet soit un réseau non-hiérarchisé. Imaginons qu’au lieu d’Internet on disposait d’un réseau hiérarchisé, comme était le cas du Minitel. Quelle serait la différence ? Si on me refuse d’avoir un site sur un serveur (centralisé) français, je peux toujours me faire héberger sur un serveur (centralisé) étranger. Je vous le répète, votre théorie selon laquelle ce serait la structure non hiérarchisée d’Internet qui « aurait fait horreur » aux dirigeants français n’a aucune base, ni logique, ni factuelle.
[Pour les émissions de radio (TV c’est plus compliqué, une antenne satellite se voit) il faut que la radio ait un support politique d’un pays. Radio free Europe par ex était soutenue par les USA. Une petite radio FM avec des moyens du bord ne peut pas émettre bien loin]
Les ondes courtes permettent de capter partout. Et l’antenne ne se voit pas. Et cela ne coûte pas beaucoup plus cher qu’un centre serveur… Désolé de décevoir votre passion moderniste, mais en termes de médias « clandestins », l’Internet n’a pas apporté grande chose de nouveau.
[Admettons qu’un journaliste décide de publier l’info. Il lui aurait fallu l’accord du rédacteur en chef et probablement du propriétaire du journal vu le risque. Donc en tenant moins de 10 personnes vous empêchez des centaines de journalistes de révéler l’affaire.]
Il y a un peu plus de 10 personnes en France qui contrôlent la presse écrite en France, sans compter avec le fait que ces personnes sont violemment opposées entre elles, et que leur intérêt économique les pousse à trouver le « scoop ». Et sans compter sur l’existence de journaux, de radios, de télévisions étrangers…
[Aujourd’hui c’est impossible. Voyez Grivaux]
J’ignorais que Griveaux était président de la République…
Aujourd’hui, il serait impossible d’occulter ce scandale même si Internet n’existait pas. Tout simplement parce que la demande du lecteur a changé. En 1981, publier l’histoire sur la fille clandestine de Mitterrand aurait apporté au média qui l’aurait fait une condamnation unanime pour atteinte à la vie privée. Ce ne serait pas le cas aujourd’hui.
[En theorie vous avez en effet un serveur qui a l info et le supprimer permet de supprimer l info. Par contre c est quasi impossible en pratique. (…)]
Tous les arguments que vous proposez sont valables pour un réseau hiérarchisé. Encore une fois, vous attribuez les possibilités offertes par l’existence du réseau à la structure particulière d’Internet. Mais ce n’est pas le cas : un réseau hiérarchisé offre les mêmes possibilités.
[Certes mais si je peux envoyer une lettre anonyme a quelqu un d identifié je ne peux envoyer une lettre anonyme a d’autres anonymes.]
Bien sur que si. Je peux écrire une lettre anonyme, la reproduire, la mettre sous enveloppe blanche et la faire distribuer à tous les habitants de ma commune. C’est exactement la même logique que celle d’un message anonyme sur internet.
[A part que la structure d internet a permis ces outils. Un système centralisé de type minitel aurait produit des outils tres differents (certains comme le P2P n aurait par definition jamais existé. Les mails (SMTP) ou la messagerie instantanee XMPP sont aussi possible que via un reseau decentralisé.]
On peut parfaitement concevoir une messagerie instantanée, le courrier électronique et même le P2P dans un réseau ou les machines dialoguent sur un mode « maître/esclave ». De telles messageries avaient d’ailleurs été montées sur Minitel.
[D autres comme la recherche sur internet (google) aurait été tres different (si vous avez un site central ou tout est stocké l hebergeur aurait un enorme avantage concurrentiel (ou pourrait tout simplement interdire/facture l acces a sa base de données)).]
Encore une fois, la structure non-hiérarchique est une caractéristique du protocole de communication, et non du fonctionnement du réseau. Qu’un système de machines dialogue sur le mode maitre/esclave ou sur un mode « non-hiérarchisé » ne change en rien ce qu’on peut faire avec le réseau.
[Il faut faire attention à ce type de comparaison, parce que le salaire et le niveau de vie qu’on peut en tirer varie beaucoup selon les pays. Le coût de la santé ou celui de l’éducation varient très largement selon les pays. Votre ingénieur américain gagne peut-être plus que l’ingénieur français, mais une fois qu’il a provisionné pour les soins de la famille, pour les périodes de chômage et l’éducation de ses enfants, qu’est ce qui lui reste ?]
CA dépend évidement de l endroit aux USA, du nombre d enfants et de votre état de santé. Ou tout simplement du fait d avoir que 15 j de vacances. Mais je pense que ça reste intéressant. En tout cas ça l est pour les jeunes français qui vont s installer aux USA.
[Le mythe, c’est de croire qu’on pourrait faire les uns sans les autres. Curieusement, les pays qui construisent des chars, des drones et des sous-marins sont aussi ceux qui développent des fusils.]
a part les USA et la Russie, je crois pas qu il y ait un seul pays qui développent et fabrique tous leurs armements. Les israéliens par ex fabriquent des drones ou des chars mais pas des fusils
[Parce que la métallurgie, la mécanique fine, l’optique, les outils de conception de CAO, les bancs d’essais que vous développez pour produire un fusil est la même que vous utilisez pour produire des drones ou des chars.]
oui et non. Pour construire un drone vous avez besoin surtout d informatique. Totalement secondaire pour un fusil. Vos bancs d essai de drone n ont rien a voir a celui d un fusil. Et la métallurgie est probablement secondaire pour un drone (je suppose qu ils sont quasiment tout en composite). Donc vous aurez au final pas beaucoup d économie d échelle ou de partie commune
[Mais ce n’est pas le cas : nous payons des fusils conçus et fabriqués en Allemagne alors que des métallurgistes français sont au chômage et des ateliers chez nous sont arrêtés. Je ne trouve pas que ce soit une utilisation très rationnelle des ressources.]
A mon avis c est pas si simple. En échange d un achat de fusils allemands il y a une compensation. https://www.lesechos.fr/2018/06/un-programme-ambitieux-de-defense-franco-allemand-974247
Est ce que la France est vraiment perdante au final ?
Sinon il faut quand même pas oublier que le principal c est que nos soldats soient dote des meilleurs armes qu on puisse leur donner, pas de faire travailler des gens. Vaut il mieux avoir un fusil allemand et un drone français plutot qu un fusil français tellement cher que le gros de l armée a encore l ancien modèle (souvenir perso : lors de mon service militaire en 1990 on nous présente le fusil de l armée française le famas. Par contre on vous dit que ça coûte trop cher et qu on va vous donner des MAT 49 (le 49 signifie conception de 1949 …)
[Je ne vois pas le rapport. Quelque soit la taille du budget militaire, un pays a le choix de s’approvisionner là ou c’est le moins cher, ou bien de produire plus cher chez lui. C’est un choix politique, et pas une question de taille.]
si vous produisez plus cher chez vous, vous devez donc acheter moins d exemplaire. Ou alors augmenter les budgets et donc soit augmenter les impôts, soit baisser les dépenses ailleurs (ou faire du déficit certes). Vous me direz que ça coûte pas si cher que ça si vous employez des chômeurs car vous paierez moins d allocation chômage. C est partiellement vrai car il faudra quand même payer les gens plus que ce qu ils touchent au chômage sinon ils vont préférer rester chez eux
Après il y a un problème de compétence. Une partie des gens qui fabriquaient des fusils en France ont pu se reconvertir. Vous avez donc un dilemme. Soit embaucher des gens qui auraient pu trouver du travail ailleurs et donc affaiblir le tissus productif français , soit embaucher que des chômeurs et vous risquez fort de vous retrouver avec disons la partie la moins performante du fabriquant (pas a 100 % exact, une personne peut avoir du mal a retrouver du travail parce qu il est piégé avec un crédit immobilier (maison invendable et encore 15 ans de crédit a rembourser) ou pour des raison familiales)
[Je vois mal en quoi il serait plus facile d’attirer des ingénieurs à Redmond qu’à Grenoble, Paris, Londres ou Rome, par exemple.]
Les allemands avaient fait un programme de green Card pour attirer des cerveaux du monde entier. Ça été un échec. Les USA attirent pour plusieurs raisons :
– american dream. Je sais que c est pas réaliste mais ça joue. Dire que vous allez en Californie ça fait plus rêver que d aller dans le Dauphiné
– la langue. Quasiment tous les ingénieurs parlent anglais. Venir en France ou en RFA signifie devoir apprendre une autre langue (non seulement soi mais aussi sa famille)
– les salaires. Comme je l ai déjà écrit, un ingénieur aux USA gagne nettement plus qu en France (en RFA c est mieux paye qu en France mais reste inférieur aux USA). Un ingénieur a paris va devoir engloutir 40 % de son salaire en loyer (ce qui incite déjà les ingé français a aller voir ailleurs).
Si vous vous adressez a des gens jeunes et souvent sans famille a charge, les coûts de santé et d éducation supérieure (rare point positif français) sont secondaire.
– les perspectives. L actuel PDG de Microsoft est indien. Microsoft ou Google ont fait la fortune d une partie de leur personnel via des stock options.
– si vous avez un conjoint, le marche du travail français est … compliqué. Votre femme a de forte chance de devoir rester chômeuse (c était déjà un problème dans une société ou je travaillais a Valence. Faire venir des ingés français de paris posait souvent le problème du travail du conjoint. On arrivait quand même a recruter des gens car on payait quasiment autant qu a paris, que le climat était plus agréable, que la personne n était plus oblige de vivre dans un clapier et de faire 2 h de RER. Et souvent qu il y avait le projet d avoir des enfants (et donc justifiait que l épouse reste a la maison)
[Lorsque votre fournisseur commande le métal, il doit payer la TVA, et il paiera la TVA sur du métal pour fabriquer 100. Mais lorsqu’il vous facturera, il récupérera de la TVA pour 75 seulement.]
pas vraiment. Il paie la TVA sur tout ce qu il vend et déduit tout ce qu il a vendu officiellement. Si le coût du métal est faible par rapport au coût du produit fini (ce qui est en général le cas a moins de travailler de l or) il reste plus intéressant de ne pas recupererr la TVA et de faire du black
[les paiements en liquide sont interdits au-delà de 1000 euros.]
ça c est théorique. Un rabais de 20 % si vous payez en liquide peut inciter a passer outre 😉
[[Si votre fournisseur était un importateur c est encore mieux. Il commande en chine 100 tours Eiffel mais demande que la facture soit de 75. Quel douanier va compter le nombre de tour Eiffel dans un container ?]
Pas besoin de les compter, les peser suffit.]
Vu le nombre de container, je me demande combien de containers sont contrôlés. Et en plus c est pas si simple, supposez que votre container contienne pas uniquement des tours eiffels mais aussi des radiateurs en fonte. En plus il faut prendre en compte les emballages, les éventuelles protections (dessiccateur par ex) . Juste pour info, ça doit être possible : https://www.leparisien.fr/faits-divers/vingt-tonnes-de-tours-eiffel-miniatures-saisies-19-09-2018-7894449.php
[Depuis quand les écolos sont « anti-libéraux » ? N’est ce pas leur icone suprême qui s’est proclamée « libéral-libertaire » ?]
Cohn Bendit est ultra minoritaire chez EELV, il est d ailleurs un dirigeant chez les verts allemand
j ai rapidement regardé le site de EELV (https://www.eelv.fr/wp-content/blogs.dir/1234/files/2020/06/Bien-Vivre-Intro-et-partie-01.pdf#) On y retrouve la novlangue inclusive mais rien de libéral au contraire. Plein de nouvelles dépenses, (mais rien sur leur financement 😉 , augmentation du rôle de l état (que ça soit vis l augmentation des prestations sociales ou de nouveaux rôles (ex «assurer des emplois de qualité, notamment pour les femmes»))
[[C’est là ou le système suisse est bien meilleur : si l exécutif tente de passer en force, il se prend un referendum]
Admirable en effet. Par exemple, on pourrait ainsi approuver une hausse des dépenses publiques, mais annuler par référendum la hausse des impôts correspondante !]
ça marche pas comme ça en Suisse. Personnellement je pense pas que le français soit plus con qu un suisse et donc je ne vois pas pourquoi l électeur français ne verra pas la question dans sa globalité.
Les suisses ont un referendum demain (le 27) a propos du lien avec l Europe. Ils votent sur la proposition UDC de limitation de l immigration venant l UE. Mais ils savent très bien qu un oui ferait exploser les accords avec l UE (appelés bilatérale qui régissent aussi le commerce ou l éducation). Donc l électeur sait très bien qu il ne peut avoir le beurre et l argent du beurre
[Je ne vois aucune difficulté. Il suffit de faire pointer l’adresse de mon blog (le domaine descartes-blog.fr) vers un site bidon.]
Sur une site en .fr c est assez facile pour le gouvernement francais (encore plus simple votre site est chez ovh a paris, saisir le serveur). Deja plus complique si votre site etait .it ou .com ou .org. Il vous faudrait la complicite de pays etranger. Au mieux le gouvernement pourrait demander aux fournisseurs d acces de rediriger sur une autre adresse. Mais c est loin d etre la panacee (certains risquent de refuser, certains n utilisent pas le DNS de leur fournisseur d acces et de toute facon la parade est super simple (ajouter une ligne «188.165.53.185 descartes-blog.fr» dans un fichier)
Si vous pensez arriver a eliminer un site comme ca, vous revez. Regardez pirate-bay. Les zayant-droits ont essayer et le site se contentait d enregistrer un autre domaine et apres quelques heures etait de nouveau operationnel et utilisé …
[Et un coup de téléphone à Google vous assure que votre site reste confidentiel.]
Vous croyez que le president de la republique francaise peut faire plier google ?
Je dirais que c est plutôt le contraire, nos dirigeant vont mendier le fait que Google paie des impôts ou implante un centre de recherche, voire simplement que le PDG de google se fasse prendre en photo avec notre president
En plus le page rank de google depend surtout de liens sur votre blog. Autrement dit si votre blog necessite une action sur google c est qu il est déjà tres populaire et qu il est probablement trop tard)
[ Beaucoup plus simple que de censurer un journal clandestin.]
a voir. Vous savez que par ex les photocopieuses/imprimantes maintenant mettent leur numero de serie (https://www.zdnet.fr/actualites/comment-les-imprimantes-couleur-marquent-les-documents-d-un-identifiant-invisible-39288238.htm)
Votre journal clandestin risque d etre vite eliminé
[Bien sur que si. Je peux écrire une lettre anonyme, la reproduire, la mettre sous enveloppe blanche et la faire distribuer à tous les habitants de ma commune. C’est exactement la même logique que celle d’un message anonyme sur internet.]
a part que vous pouvez mettre une enveloppe dans toutes les boites aux lettres d un village, peut etre d une petite ville. Déjà a Paris vous allez avoir du mal entre la taille de la ville (500 000 boites aux lettres a raison d une seconde par boite = 138 h soit 5 j non stop) et les digicode. Avec internet vous pouvez en une seconde toucher le monde entier pour un cout bien plus modique (500 000 lettres ca va vous couter quand meme plus de 5000 €)
Regardez le mouvement des gilets jaunes. Vous croyez qu un routier inconnu (drouet) ou Jacline Mouraud avaient la moindre chance de lancer un mouvement significatif sans internet ? Quelle radio ou TV leur aurait accordé une seule seconde d antenne avant le declenchement du mouvement.
[On peut parfaitement concevoir une messagerie instantanée, le courrier électronique et même le P2P dans un réseau ou les machines dialoguent sur un mode « maître/esclave ». De telles messageries avaient d’ailleurs été montées sur Minitel.]
dans ce cas vous allez faire exploser vos serveurs et vos canaux de communication car tout doit transiter par eux. Dans le cas du minitel il n y avait de toute façon aucun P2P car le minitel ne pouvait rien stocker et donc rien échanger avec un pair.
@ cdg
[Ca dépend évidemment de l’endroit aux USA, du nombre d’enfants et de votre état de santé. Ou tout simplement du fait d’avoir que 15 j de vacances. Mais je pense que ça reste intéressant. En tout cas ça l’est pour les jeunes français qui vont s’installer aux USA.]
Compte tenu du bourrage de crâne médiatique, ça ne doit pas être si attractif que ça si l’on regarde combien de jeunes Français font leur vie de l’autre côté de l’Atlantique. Que l’on ait envie de faire une expérience d’expatriation c’est assez logique finalement, mais en général ces expériences sont de courte durée et aboutissent à un retour. Ce qui me fait nuancer le côté « doublement du salaire ».
[Le mythe, c’est de croire qu’on pourrait faire les uns sans les autres. Curieusement, les pays qui construisent des chars, des drones et des sous-marins sont aussi ceux qui développent des fusils.]
a part les USA et la Russie, je crois pas qu’il y ait un seul pays qui développent et fabrique tous leurs armements. Les israéliens par ex fabriquent des drones ou des chars mais pas des fusils]
Israel ne produit pas de fusils ? Pour ne donner qu’un exemple, vous avez l’IMI Tavor (connu aussi comme le Tar-21), produit depuis 2003 et destiné à remplacer les fusils américains M-16 utilisés par l’armée israélienne. On pourrait aussi parler du fusil ARAD, produit pour les services d’opérations spéciales… La question n’est pas tant de produire TOUS ses armements que de contrôler leur technologie et d’avoir les savoir-faire nécessaire pour les produire si la situation le demandait.
[oui et non. Pour construire un drone vous avez besoin surtout d’informatique. Totalement secondaire pour un fusil.]
Pour construire un drone militaire vous avez besoin d’une métallurgie capable de produire des alliages à la fois mécaniquement résistants et légers. Vous avez besoin de capacités d’usinage fin. Vous avez besoin de pouvoir fabriquer des optiques de précision. Toutes choses fort utiles pour construire un fusil performant, non ? Vous savez, le fait que les avions soient bourrés d’informatique n’implique nullement que l’informatique suffise à faire voler les choses…
[Vos bancs d’essai de drone n’ont rien à voir à celui d’un fusil.]
Pensez aux optiques…
[Et la métallurgie est probablement secondaire pour un drone (je suppose qu ils sont quasiment tout en composite).]
Dans la construction du corps et des ailes, possiblement. Dans la construction des moteurs et des mécanismes, j’en doute.
[A mon avis c est pas si simple. En échange d un achat de fusils allemands il y a une compensation. (…) Est ce que la France est vraiment perdante au final ?]
Oui. Parce que, comme d’habitude, la partie allemande commencera à vendre des chars « dès 2021 » alors que la partie aéronautique, qui est celle qui nous reviendra, on ne voit pas de produit sur le marché avant la Saint Glinglin, et encore, à condition que tout le monde soit d’accord. Par ailleurs, connaissant la sensibilité de nos politiques aux questions industrielles, on peut prévoir que cette coopération industrielle se terminera comme le pâté de bœuf et d’alouette : on y met un bœuf allemand et une alouette française dans chaque pâté.
[Sinon il ne faut quand même pas oublier que le principal c’est que nos soldats soient dotés des meilleurs armes qu’on puisse leur donner, pas de faire travailler des gens.]
Ah bon ? Croyez-vous vraiment que si l’on achète des fusils allemands et non chinois, russes ou américains c’est parce qu’ils sont les meilleurs du marché ? Vraiment ? La main sur le cœur, pensez-vous vraiment que si les fusils chinois s’étaient révélés les meilleurs au banc d’essai on aurait fourni nos armées en fusils chinois ?
[Vaut-il mieux avoir un fusil allemand et un drone français plutôt qu’un fusil français tellement cher que le gros de l’armée a encore l’ancien modèle]
La question à se poser serait plutôt pourquoi le fusil allemand est moins cher. Ne serait-ce pas parce que les allemands ont gardé un écosystème industriel avec des savoir-faire et des structures de production que nous avons laissé s’éteindre en France ? Et n’est ce pas justifié de payer un peu plus cher nos fusils pour essayer de le reconstituer ?
[« Je ne vois pas le rapport. Quelque soit la taille du budget militaire, un pays a le choix de s’approvisionner là ou c’est le moins cher, ou bien de produire plus cher chez lui. C’est un choix politique, et pas une question de taille. » si vous produisez plus cher chez vous, vous devez donc acheter moins d’exemplaire. Ou alors augmenter les budgets et donc soit augmenter les impôts, soit baisser les dépenses ailleurs (ou faire du déficit certes).]
Tout à fait. Mais là encore, on ne voit pas très bien ce que la « taille » vient faire.
[Vous me direz que ça coûte pas si cher que ça si vous employez des chômeurs car vous paierez moins d’allocation chômage. C’est partiellement vrai car il faudra quand même payer les gens plus que ce qu ils touchent au chômage sinon ils vont préférer rester chez eux.]
Oui, mais je n’économise pas que les allocations chômage. J’économise aussi sur les coûts économiques et sociaux du chômage : moins de dépenses de santé, de maintien de l’ordre… il est loin d’être évident que d’un point de vue global faire produire moins cher ailleurs au prix du chômage chez soi soit une bonne affaire.
[Après il y a un problème de compétence. Une partie des gens qui fabriquaient des fusils en France ont pu se reconvertir. Vous avez donc un dilemme. Soit embaucher des gens qui auraient pu trouver du travail ailleurs et donc affaiblir le tissus productif français , soit embaucher que des chômeurs et vous risquez fort de vous retrouver avec disons la partie la moins performante du fabriquant]
Ce raisonnement est trop schématique. Lorsqu’un chômage de masse s’installe, il y a un effet de gâchis de compétences. Vous retrouvez des ingénieurs qui occupent des postes de technicien, des techniciens qui prennent des postes d’ouvriers qualifiés, des ouvriers qualifiés qui lavent des carreaux. Si vous développez l’industrie, vous « tirez » tout le monde vers le haut : les meilleurs techniciens prennent des postes d’ingénieur, les meilleurs ouvriers les postes de technicien, les meilleurs laveurs de carreaux les postes d’ouvrier… et les chômeurs lavent les carreaux. Vous gagnez de la productivité, vous n’en perdez pas.
[« Je vois mal en quoi il serait plus facile d’attirer des ingénieurs à Redmond qu’à Grenoble, Paris, Londres ou Rome, par exemple. » Les allemands avaient fait un programme de green Card pour attirer des cerveaux du monde entier. Ça été un échec.]
J’ai dit Grenoble, Paris, Londres ou Rome. Je ne crois pas avoir mentionné l’Allemagne. Effectivement, l’Allemagne ne fait pas rêver, entre autres choses, parce qu’il faut vivre avec des Allemands. C’est un obstacle indépassable, et c’est quelqu’un à qui on a offert un pont d’or pour aller travailler en Allemagne qui vous le dis…
[Les USA attirent pour plusieurs raisons : (…)]
Mais « attirent-ils » tant que ça ? Si vous voulez le fond de ma pensée, je suis toujours surpris du faible nombre de Français qui vont vivre aux Etats-Unis, compte tenu du bourrage de crâne permanent auquel on assiste, des efforts que font les Américains pour les attirer, et de tous les éléments d’attractivité que vous avez cités ci-dessus. Si je regarde mes camarades d’études, il y en a quelques dizaines qui ont passé quelques semaines aux Etats-Unis, une petite dizaine qui a passé quelques années. Aucun ne s’y est installé.
[« Lorsque votre fournisseur commande le métal, il doit payer la TVA, et il paiera la TVA sur du métal pour fabriquer 100. Mais lorsqu’il vous facturera, il récupérera de la TVA pour 75 seulement. » pas vraiment. Il paie la TVA sur tout ce qu il vend et déduit tout ce qu il a vendu officiellement. Si le coût du métal est faible par rapport au coût du produit fini (ce qui est en général le cas a moins de travailler de l or) il reste plus intéressant de ne pas récupérer la TVA et de faire du black]
C’est bien ce que je vous disais. La fraude que vous décrivez ne marche que dans les activités ou le coût de main d’œuvre représente l’essentiel du coût du produit. Ce qui n’est pas le cas dans votre exemple (les tour eiffel en question sont probablement fabriquées par une machine automatique qui les fabrique en nombre et le coût de main d’œuvre est négligéable).
[« les paiements en liquide sont interdits au-delà de 1000 euros. » ça c’est théorique. Un rabais de 20 % si vous payez en liquide peut inciter à passer outre]
Encore une fois, ça représente une fraude marginale, qu’on trouve surtout dans l’artisanat. Il n’est pas aussi évident que vous le croyez que de se procurer du liquide en très grande quantité, et le contrôle anti-blanchiment est assez efficace. Et même là, la problématique assurantielle agit comme un sérieux dissuasif.
[Vu le nombre de container, je me demande combien de containers sont contrôlés.]
Pour le poids, la réponse est simple : tous.
[Et en plus c est pas si simple, supposez que votre container contienne pas uniquement des tours eiffels mais aussi des radiateurs en fonte.]
Dans le « manifeste », sont indiqués le contenu du container et le poids total catégorie par catégorie. Vous pouvez bien entendu truhander des petites quantités, mais à la longue, ça se voit. Et il y a plus de contrôle que vous ne le croyez.
[En plus il faut prendre en compte les emballages, les éventuelles protections (dessiccateur par ex) . Juste pour info, ça doit être possible : https://www.leparisien.fr/faits-divers/vingt-tonnes-de-tours-eiffel-miniatures-saisies-19-09-2018-7894449.php%5D
Votre exemple tendrait à prouver que ce n’est pas si simple : après tout, vos tours eiffel ont bien été saisies…
[ça marche pas comme ça en Suisse.]
Je ne faisait pas tellement référence à la Suisse, mais plutôt à votre idée qu’on puisse détacher un élément de la politique d’un gouvernement et le soumettre à référendum pour empêcher le gouvernement de « passer en force ». Le système suisse marche dans un pays dont la population est très conservatrice, et où l’Etat (central) n’a d’autre rôle qu’arbitrer les conflits entre les cantons. Par ailleurs, je ne suis pas convaincu que le système suisse aboutisse à des décisions plus intelligentes, plus sages que le système français, ou que les suisses aient plus confiance dans leur gouvernement central que les Français. J’aurais même tendance à penser le contraire : les suisses délèguent bien moins de pouvoirs à leur gouvernement fédéral que les Français à leur gouvernement national…
[Personnellement je ne pense pas que le français soit plus con qu’un suisse et donc je ne vois pas pourquoi l’électeur français ne verra pas la question dans sa globalité.]
Qu’est ce qui vous dit que l’électeur suisse voit les questions dans leur globalité ?
[Les suisses ont un referendum demain (le 27) à propos du lien avec l’Europe. Ils votent sur la proposition UDC de limitation de l’immigration venant l’UE. Mais ils savent très bien qu’un oui ferait exploser les accords avec l’UE (appelés bilatérale qui régissent aussi le commerce ou l’éducation). Donc l’électeur sait très bien qu’il ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre]
Pardon, mais… qu’est ce qui vous permet de dire que les électeurs suisses « savent très bien » qu’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre ? Je n’ai pas suivi la campagne, mais je suis sûr que certains partis suisses prétendent que le « oui » ne changera rien aux rapports commerciaux avec l’Union, qu’un accord sera trouvé.
[Sur une site en .fr c est assez facile pour le gouvernement francais (encore plus simple votre site est chez ovh a paris, saisir le serveur). Deja plus complique si votre site etait .it ou .com ou .org. Il vous faudrait la complicite de pays etranger. Au mieux le gouvernement pourrait demander aux fournisseurs d acces de rediriger sur une autre adresse. Mais c est loin d etre la panacee (certains risquent de refuser, certains n utilisent pas le DNS de leur fournisseur d acces et de toute facon la parade est super simple (ajouter une ligne «188.165.53.185 descartes-blog.fr» dans un fichier)]
Encore une fois, si les « fournisseurs d’accès peuvent refuser », c’est qu’on est dans un état de droit, et dans un état de droit le gouvernement n’aura pas non plus de me réduire au silence si je distribue des tracts ou si je publie dans la presse. Ce que j’essaie de vous montrer, c’est qu’il n’est pas plus compliqué pour un gouvernement de réduire au silence un site internet qu’une publication ordinaire.
[Si vous pensez arriver a éliminer un site comme ça, vous rêvez. Regardez pirate-bay. Les zayant-droits ont essayer et le site se contentait d’enregistrer un autre domaine et après quelques heures était de nouveau opérationnel et utilisé …]
Tout à fait. Mais avec une diffusion confidentielle dans un tout petit milieu.
[« Et un coup de téléphone à Google vous assure que votre site reste confidentiel. » Vous croyez que le président de la république française peut faire plier google ?]
Oui, tout à fait. Il suffit d’offrir de l’argent. Accessoirement, vous croyez que le président de la République française peut faire plier l’Humanité, Le Monde ou Le Parisien, BFM TV ou LFI ?
[« Beaucoup plus simple que de censurer un journal clandestin. » à voir. Vous savez que par ex les photocopieuses/imprimantes maintenant mettent leur numéro de série. Votre journal clandestin risque d’être vite éliminé]
Pas vraiment. D’abord, ça ne marche que pour les imprimantes couleur. Ensuite, il n’y a aucun moyen de savoir ou se trouve une imprimante ayant un numéro de série donné (quand vous achetez une imprimante, rien ne vous oblige à décliner votre identité). Les marques auxquelles vous faites référence permettent de prouver qu’un document donné a été imprimé par une imprimante donnée, mais ne vous permet pas de retrouver l’imprimante en question.
[Avec internet vous pouvez en une seconde toucher le monde entier pour un cout bien plus modique (500 000 lettres ca va vous couter quand meme plus de 5000 €)]
Tout à fait. Mais cette possibilité est ouverte à quelques milliards d’êtres humains. Comment dans ces conditions avoir un espoir que ce soit votre message qui soit lu ? En fait, la censure sur internet ne passe pas par le fait de censurer vos écrits, mais de le noyer au milieu de milliards et milliards d’autres écrits. Dans ces conditions, c’est celui qui maîtrise l’outil de recherche qui peut vous censurer quand il veut.
[Regardez le mouvement des gilets jaunes. Vous croyez qu un routier inconnu (drouet) ou Jacline Mouraud avaient la moindre chance de lancer un mouvement significatif sans internet ?]
Je crois savoir qu’il y eut quelques jacqueries bien avant Drouet ou Mouraud. Et l’Encyclopédie a provoqué une révolution bien plus puissante que n’importe quel texte publié sur Internet à l’heure ou j’écris… J’ai l’impression que vous surestimez considérablement la puissance de l’informatique…
[« On peut parfaitement concevoir une messagerie instantanée, le courrier électronique et même le P2P dans un réseau ou les machines dialoguent sur un mode « maître/esclave ». De telles messageries avaient d’ailleurs été montées sur Minitel. » dans ce cas vous allez faire exploser vos serveurs et vos canaux de communication car tout doit transiter par eux.]
Pas nécessairement. Pour un terminal simple comme Minitel, toute l’intelligence était dans le serveur et tout devait passer par lui. Mais avec des terminaux intelligents, il serait parfaitement possible d’avoir des réseaux hiérarchisés dans leur structure avec des performances équivalentes. J’ai l’impression que vous confondez la structure du réseau avec les fonctions des machines qui y sont connectés. Vous pouvez avoir des « dumb terminal » style minitel même sur un réseau de type Internet…
[et du côté positif, quoi ? Le vélo…]
Positif ? Non, même pas.
On a de bons (très bons) artisans qui font des cadres (acier ou carbone, bois et bambou si tu as beaucoup d’argent). Très bien, très jolie, très soigné. Hors de prix. Et les composants (freins, transmissions, pneu… ) sont fait à l’étranger. Les pneus Michelins peuvent être fabriqué en France, mais vu que qualité, autant dire qu’on ne produit surtout des déchets…
On a une usine dans le 44 (Manufacture Française du Cycle) qui fait des vélos de supermarché. Mais fini l’époque des vélos en acier indestructibles Gitane qui était quasi données – et dont beaucoup circule encore 30 ans après leur construction. Ici on parle de vélos “poubelles” : prix d’entrée assez bas, durée de vie très basses, c’est juste bon pour les gens qui sortent leur vélo en vacances et les enfants qui le sorte 6x l’été…
Look fait une partie non négligeable de sa production en Tunisie, Origine est comme la majorité des constructeurs de vélo Français à Taiwan. D’ailleurs le marché vélo est très concentré, Giant fabrique des cadres de vélos qui seront concurrent des leurs. Le “made in France” c’est l’assemblage du vélo en France par des intérimaires sous payés). Et sur le marché des transmissions… Shimano ou SRAM ? (les autres sont à la ramasse, sauf Rohloff pour les boites de vitesses).
Le vélo c’est une industrie internationalisé, très concentré, un peu comme toute l’industrie en faite. Cela représente un avantage : on peut se faire dépanner un vélo au milieu des Andes ou du Kirghizistan (ce que des normes de compatibilité permettrait – d’ailleurs on voit de plus en plus d’innovation “propriétaire” maintenant, on pourrait parler de “Appelisation”).
Donc non, pour le vélo on ne serait pas en faire un fabriqué en France qui soit potable, accessible, avec de l’innovation Française et rien n’est fait pour. De toute façon seule la Chine a eu une politique industriel en faveur du vélo, et seul les Pays Bas on eu une politique autour de l’infrastructure et des aides financières. Quand on forcera Décathlon a faire ses vélos en France, quand les vélos Intermarché seront potable…
@ Yoann Kerbrat
[Donc non, pour le vélo on ne serait pas en faire un fabriqué en France qui soit potable, accessible, avec de l’innovation Française et rien n’est fait pour.]
Effectivement: l’Etat dépense beaucoup d’argent pour encourager l’usage du vélo (primes, introduction des indemnités kilométriques) mais à l’autre bout rien n’est fait pour que cette dépense bénéficie aux fabricants – et donc aux travailleurs – français. Et d’ailleurs on voit mal comment, dans le cadre de l’UE, on pourrait faire…
[ l’Etat dépense beaucoup d’argent pour encourager l’usage du vélo ]
Du vélo électrique. Ce que je trouve absolument scandaleux, on a pas forcément nécessité d’un tel vélo. C’est une subvention aux fabriquant de batteries et aux moteurs de vélo Allemands (marché concentré lui aussi… ).
A la limite la prime de réparation bénéficie au Bouclard, qui passent cependant beaucoup de temps à expliquer que pour 50€ on ne peut pas faire grand chose du vieux vélo rouillé dégoté dans le grenier (perso je roule sur 60€ de pneu, ça donne une idée).
Je vous rassure ,mon commentaire , n’est pas présentement, tapé sur un smrtphone,mais sur un ordinateur Avec mon smartphone j’avais envoyé des textes avec de multiples fautes,veuillez chers lecteurs et rédacteurs du Blog , m’en excuser.
C’est le tournant du dernier tiers du 20ième siècle qui a vu l’industrie traditionnelle française disparaitre.
Tous les élèments de l’article et des commentaires ici présents sont pertinents sur ce sujet.
Mais l’avenir ?
Réflechissons sur ce qui a éloigné les citoyens de l’attachement àl’industrie nationale pour essayer d’ inverser cette néfaste tendance.
Ne pas mettre en avant le côté local,moins polluant,d’une réindustrialisation écologique ne serait il pas maladroit ?
Une réindustrialisation sur la base des moteurs à Hydrogène,des énergies renouvelables,de l’énergie nucléaire,ne serait elle pas un exemple d’activités décarbonée non toxiques pour la planète ?
Sur ces bases ,de promotion d’ une réindustrialisation écologique de qualité , cartésienne ,progressiste , la consitution d’un axe politique écologique est elle possible ?
S’il est accompagné de principes républicains solides,se démarquant de la possible légalisation du Burkini dans les piscines sous l’autorité d’Eric Piole (EELV) à Grenoble,n’est ce pas pour les progressistes l’espoir le plus prometteur ?
@ luc
[Réfléchissons sur ce qui a éloigné les citoyens de l’attachement à l’industrie nationale pour essayer d’inverser cette néfaste tendance. Ne pas mettre en avant le côté local, moins polluant, d’une réindustrialisation écologique ne serait-il pas maladroit ?]
L’industrie n’est pas plus polluante en France qu’elle ne l’est en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Dans certaines régions de ces pays, l’industrie a changé les paysages et structuré l’habitat bien plus profondément que chez nous. Et pourtant, les Allemands et les Britanniques n’ont pas du tout la même vision de l’industrie que les Français. Une différence qui d’ailleurs touche toutes les classes sociales : du côté des pauvres, il faut noter combien l’exode rural français est tardif, et combien il a été nécessaire d’importer de la main d’œuvre pour alimenter les industries naissantes ; du côté des riches là où l’Allemagne et la Grande Bretagne a pu compter sur une bourgeoisie intéressée par l’industrie, notre bourgeoisie est restée fondamentalement rentière, préférant de loin l’investissement dans l’or, la pierre, la terre, perçus comme des investissements « sûrs ». Et cela ne date pas d’hier : le Colbertisme apparaît au XVIIème siècle comme réponse au manque d’appétence du capital privé pour l’investissement dans ce qu’on appelait « les manufactures ».
Ce n’est donc pas dans le caractère polluant de l’industrie qu’il faut rechercher l’origine de la désaffection des Français pour l’industrie, mais dans un contexte historique bien plus complexe.
[Une réindustrialisation sur la base des moteurs à Hydrogène, des énergies renouvelables, de l’énergie nucléaire, ne serait-elle pas un exemple d’activités décarbonée non toxiques pour la planète ?]
Possible. Mais ne vous faites pas d’illusions, une telle industrialisation sera rejetée par les écologistes. L’opposition entre idéologie « industrielle » et l’idéologie écologiste est une opposition qui va bien plus loin que le simple côté pratique des choses. L’idéologie « industrielle » est d’abord un humanisme : elle repose sur l’idée que l’homme peut légitimement modifier son environnement pour ses propres besoins et plaisirs. L’industrie nait du besoin de s’éloigner de la nature. L’idéologie écologiste est d’abord un anti-humanisme : elle repose sur l’idée que l’homme n’est qu’une espèce vivante parmi d’autres, et qu’elle n’a donc pas le droit de modifier les équilibres naturels. L’écologisme appelle à se rapprocher de la nature.
C’est pourquoi, pour l’écologiste, TOUTE industrie est détestable. L’éolienne écologiquement acceptable est celle fabriquée artisanalement que vous installez dans votre jardin. Dès lors que cela prend une échelle industrielle (énormes éoliennes fabriquées industriellement et montées en nombre les unes à côté des autres) cela devient inacceptable au nom de la défense des paysages, de la tranquillité des habitants et que sais-je d’autre. La voiture à hydrogène ne dispensera pas de construire des routes et des autoroutes, que les écologistes abhorrent. L’idéal écologique, c’est le vélo – qui restreint les déplacement à quelques kilomètres au mieux.
[Sur ces bases de promotion d’une réindustrialisation écologique de qualité, cartésienne, progressiste, la constitution d’un axe politique écologique est-elle possible ?]
A mon avis non, pour la raison que j’ai exposée plus haut. Pour n’importe quel écologiste, « industrialisation écologique » est un oxymore. L’idéologie écologiste rejette l’idée même d’industrie – en d’autres termes, la concentration de capital et de travail pour permettre de produire avec la plus grande efficacité. Et vous le voyez bien : même les industries dont l’apport à l’environnement est incontestable, comme le nucléaire et même l’éolien, se retrouvent contestées. Qu’il faille penser une industrie moins polluante, moins consommatrice de matières premières non renouvelables, plus ouverte au recyclage et à la réparabilité/réutilisation de ses produits, je suis tout à fait pour. Mais ne vous imaginez pas que cette réflexion vous permettra d’attirer les écologistes.
[Une réindustrialisation sur la base des moteurs à Hydrogène, des énergies renouvelables, de l’énergie nucléaire, ne serait-elle pas un exemple d’activités décarbonée non toxiques pour la planète ?]
Questions :
– Pourquoi le moteur à hydrogène ne se développe-t-il pas ? A cause du méchant lobby pétrolier ou parce qu’il n’y a pas hydrogène sur Terre et qu’il faut commencer par le fabriquer ?
– Pourquoi les énergies renouvelables ne se développent-t-elles pas ? A cause du lobby nucléaire (ou charbonnier, au choix) ou parce qu’elles sont intermittentes et diffuses ?
On peut tout imaginer. Mais ensuite il faut se demander si c’est possible…
@ BJ
[Questions :
– Pourquoi le moteur à hydrogène ne se développe-t-il pas ? A cause du méchant lobby pétrolier ou parce qu’il n’y a pas hydrogène sur Terre et qu’il faut commencer par le fabriquer ?]
Il y a plusieurs raisons. Il y a des barrières technologiques : les piles à combustible sont pour le moment peu efficaces, et un moteur thermique brûlant de l’hydrogène n’est pas aussi facile que cela à concevoir, d’autant plus que l’hydrogène est un gaz explosif en mélange avec l’air, ce qui suppose développer une technologie sûre pour le stocker et le manipuler.
Mais au-delà des barrières technologiques, il y a ce bon vieux premier principe de la thermodynamique qui nous dit qu’on ne peut pas créer de l’énergie ex-nihilo. Donc, pour stocker de l’énergie sous forme d’hydrogène il faut prendre de l’énergie ailleurs. On peut par exemple produire de l’hydrogène par séparation de la molécule d’eau par électrolyse, mais il faut alors de l’électricité, ou bien par catalyse à haute température, mais il faut générer cette haute température, ce qui suppose dans les deux cas soit brûler – horreur, malheur – des ressources fossiles, soit… utiliser – horreur, malheur – un réacteur nucléaire, ce qui pour les écologistes est pire.
On arrivera peut-être à trouver ou a fabriquer par génie génétique – horreur, malheur – des microorganismes ou des algues qui produiront de l’hydrogène à partir de la lumière du soleil, mais pour le moment ces tentatives n’ont rien donné. On peut aussi fabriquer de l’hydrogène en « craquant » – horreur, malheur – les molécules d’hydrocarbures, mais le processus produit des gaz à effet de serre ? Et puis, ce n’est guère renouvelable, tout ça…
[– Pourquoi les énergies renouvelables ne se développent-t-elles pas ? A cause du lobby nucléaire (ou charbonnier, au choix) ou parce qu’elles sont intermittentes et diffuses ?]
Les énergies renouvelables se développent. Ainsi, par exemple, la biomasse est de loin la première ressource renouvelable utilisée. Le problème est qu’on confond souvent « énergie » et « électricité ». La biomasse se prête bien au chauffage – et elle est utilisée à cet effet depuis des siècles. Mais elle est peu adaptée à la production d’électricité. Quant à l’électricité éolienne et solaire, elle présente des inconvénients d’être intermittente et aléatoire, outre les nuisances environnementales qui sont très loin d’être négligeables et leur coût, qui là encore sont importants malgré les cocoricos périodiques du lobby.
[On peut tout imaginer. Mais ensuite il faut se demander si c’est possible…]
Il faut toujours se méfier lorsque les choix industriels sont guidés par l’idéologie…
@ Descartes
Merci d’avoir développé. Moi je n’ai plus envie.
J’en ai marre d’argumenter contre des gens qui expliquent qu’il y a des solutions “écologiques” au problème de l’énergie, et que si elles ne sont pas mises en œuvre, c’est à cause de tel ou tel “lobby” ou du “Grand Complot”.
Alors que, très souvent, ils savent bien qu’il n’y a pas d’hydrogène sur Terre et qu’il faudrait le fabriquer avec une autre énergie, que les éoliennes ne tournent que quand il y a du vent et que les panneaux solaires sont inopérants la nuit.
Je sais plus ou j’ai lu qu’« il est difficile de croire ce que l’on sait »…
@ BJ
[J’en ai marre d’argumenter contre des gens qui expliquent qu’il y a des solutions “écologiques” au problème de l’énergie, et que si elles ne sont pas mises en œuvre, c’est à cause de tel ou tel “lobby” ou du “Grand Complot”.]
Par certains côtés, c’est un hommage du vice à la vertu. Parce que ce type d’arguments sont utilisés lorsqu’on est conscient qu’on défend des positions qui sont difficiles à soutenir rationnellement. D’autant plus que comme beaucoup de “grands complots”, on en comprend pas bien l’intérêt. Si les énergies renouvelables étaient aussi rentables qu’on le dit, les capitaux privés devraient faire l’a queue pour s’investir là dedans… quel intérêt à investir dans des technologies sans avenir, voire de monter des “complots” pour les maintenir sous perfusion ?
@Descartes et BJ
Je me permets d’ajouter que, pour mettre dans un réservoir suffisamment d’hydrogène pour parcourir une distance, disons, raisonnable, il faut soit le comprimer, soit le liquéfier. Ce qui demande de l’énergie.
@ xc
[Je me permets d’ajouter que, pour mettre dans un réservoir suffisamment d’hydrogène pour parcourir une distance, disons, raisonnable, il faut soit le comprimer, soit le liquéfier. Ce qui demande de l’énergie.]
Aussi. Il faut de l’énergie nécessaire pour produire l’hydrogène libre lui-même, et il faut le comprimer à des pressions très importantes (de l’ordre de 700 bars) pour obtenir une densité énergétique intéressante. Le liquéfier nécessite de le réfroidir à des températures très basses, et donc de le conserver dans une enveloppe cryogénique…
@Descartes
[Aujourd’hui, les partis sont beaucoup plus homogènes socialement et donc idéologiquement et les militants ont beaucoup moins de possibilités de se confronter à des gens venant d’autres milieux ou ayant des idées différentes.]
Soit, mais quelle en serait la cause ? J’ai du mal à comprendre pourquoi aujourd’hui, plus qu’hier, les partis sont “plus homogènes socialement”. Que les classes intermédiaires aient abandonné la cause du peuple en quittant le P.C.F., et en le travestissant, je l’admets. Mais enfin, il ne devait pas y avoir que le seul P.C.F. a comporter des gens provenant de différentes classes sociales, non ? Si tel est le cas, comment comprendre ce basculement général ?
[Ce n’est pas vraiment une banalité.]
Pardon, pardon. Parfois, ce qui passe pour banal aux uns ne passe pas pour tel aux autres. C’est une discussion que j’ai dû avoir cent fois en-dehors d’ici, ce qui m’a fait supposer qu’elle avait eu lieu mille fois ailleurs. Je vous rejoins sur le manque de curiosité, dont vous tirez les conséquences : l’orthodoxie. Néanmoins, j’insiste sur l’entre-soi, du coup.
En repartant de l’idée que les militants militaient autrefois “quelque part”, je dirais qu’aujourd’hui, en tout cas dans les grandes villes, on se croise plus qu’on ne se retrouve. Au village, je retrouve toujours les mêmes têtes partout — au sport, au bistrot, au marché, aux fêtes, etc. —, ce qui n’était pas le cas en ville, quand j’y habitais. Je croisais mes voisins de quartier, bien sûr, mais il n’y avait pas à proprement de vie de quartier. Quand j’étais gosse, c’était la section du P.C. qui animait principalement le quartier. Maintenant… Bref.
Internet permet de se retrouver en ligne, entre amis, ou entre proches. On y développe les mêmes rituels, les mêmes habitudes, les mêmes coutumes qui rendent la vie plus agréable. Or cette connivence nécessaire au repos de l’âme peut être troublée par le premier venu. En dehors d’internet, c’est un problème qui se règle facilement. J’ai vécu brièvement aux Grésilles, à Dijon, et lorsque j’ai mis les pieds dans le restaurant arabe, il ne m’a pas fallu dix secondes pour comprendre que je n’étais pas chez moi, que je gênais les habitués, et que je n’étais pas le bienvenu.
Mais sur internet, où le poids d’un mauvais regard ne pèse rien ? Comment s’assurer qu’on conservera la tranquillité qu’on vient chercher sur internet à défaut de la trouver ailleurs ? Je pense qu’une bonne part de l’agressivité provient autant d’un manque de curiosité, que d’un besoin d’avoir la paix. Faute d’avoir des endroits où se retrouver régulièrement, en chair et en os, on se retrouve sur internet ; et l’on glapit d’autant plus fort sur les étrangers, que les portes d’entrée (et de sortie) sont faciles à pousser… C’est un peu confus, mais j’imagine que vous voyez ce que je veux dire.
[Et puis, et je parle là par expérience, la joute politique restait un plaisir. Je me souviens d’heures passées au bistrot à discuter politique. On s’y préparait. C’était même un instrument de séduction : le meilleur débatteur avait à ses pieds les plus belles filles de la cellule ou de la section…]
Ah, les mêmes histoires courent dans ma famille ! Mais pourquoi ce plaisir de la joute a-t-il disparu, ou s’est-il amoindri ? Je ne suis jamais convaincu par l’idée que nos aînés auraient été plus intelligents (ou plus bêtes) que nous, et je me doute bien que vous non plus. Mais alors, pourquoi ?
@ Louis
[« Aujourd’hui, les partis sont beaucoup plus homogènes socialement et donc idéologiquement et les militants ont beaucoup moins de possibilités de se confronter à des gens venant d’autres milieux ou ayant des idées différentes. » Soit, mais quelle en serait la cause ?]
La cause, je pense, est le retrait massif des couches populaires du champ politique. L’inversion du rapport de forces entre le capital et le travail à la fin des « trente glorieuses » provoque deux mouvements majeurs : d’une part, la constitution du bloc dominant avec les classes moyennes qui jusque alors se plaçaient plutôt du côté des couches populaires dont elles étaient issues, et de l’autre une suite de défaites politiques majeures pour les couches populaires, dont le tournant de 1983 est la plus éclatante. Les couches populaires, sans alliés et sans perspective de gagner des combats, ont abandonné massivement le champ des luttes politiques et syndicales.
[J’ai du mal à comprendre pourquoi aujourd’hui, plus qu’hier, les partis sont “plus homogènes socialement”. Que les classes intermédiaires aient abandonné la cause du peuple en quittant le P.C.F., et en le travestissant, je l’admets.]
C’est exactement le contraire : les classes intermédiaires n’ont pas « abandonné » le PCF, elles en ont pris le contrôle. Alors que dans les années 1970 elles étaient minoritaires dans le corps militant et dans les structures de direction, elles y sont aujourd’hui majoritaires dans les militants, et ont le monopole des postes de direction. Mischi, dans son livre « le communisme désarmé », analyse très bien le phénomène (même si son interprétation est moins « matérialiste » que la mienne).
[Mais enfin, il ne devait pas y avoir que le seul P.C.F. a comporter des gens provenant de différentes classes sociales, non ? Si tel est le cas, comment comprendre ce basculement général ?]
Non, les socialiste ou les gaullistes étaient aussi des partis de masse, ayant une diversité sociale importante. Mais le phénomène de retrait que j’ai décrit plus haut les a tous affectés : lisez leurs documents, et vous verrez qu’on n’y parle en fait que des sujets qui intéressent les classes intermédiaires. Pour ne donner qu’un exemple : quand on parle de chômage, en général ça dérive rapidement sur le chômage des diplômés, sur le mode « même un diplôme ne vous protège plus du chômage »…
[En repartant de l’idée que les militants militaient autrefois “quelque part”, je dirais qu’aujourd’hui, en tout cas dans les grandes villes, on se croise plus qu’on ne se retrouve. Au village, je retrouve toujours les mêmes têtes partout — au sport, au bistrot, au marché, aux fêtes, etc. —, ce qui n’était pas le cas en ville, quand j’y habitais. Je croisais mes voisins de quartier, bien sûr, mais il n’y avait pas à proprement de vie de quartier. Quand j’étais gosse, c’était la section du P.C. qui animait principalement le quartier. Maintenant… Bref.]
Je ne suis pas persuadé qu’il s’agisse d’une question de lieu géographique. Je pense que c’est surtout une question d’approche. Si les militants étaient non seulement des animateurs de la vie politique et syndicale mais aussi des activités sportives, festives, d’entraide, bref, de la vie des quartiers, c’était d’abord parce que la conception dominante faisait des gens des acteurs et non des consommateurs. L’idéologie « libérale-libertaire » et les transformations économiques qu’elle annonçait ont abouti à un individu-île qui aborde la vie sociale plus en client qu’en acteur. Les gens exigent des choses des politiques ou des syndicalistes, mais aussi de leur club de sport, de leur dispensaire, de l’organisateur d’une fête. Il leur vient de moins en moins à l’idée qu’ils pourraient participer à la fourniture de ces services. On entend de plus en plus, au sujet de la politique, le discours « on ne nous offre pas le choix ». Mais qui est cet « on » qui devrait nous « offrir » un choix suffisant, comme au supermarché ?
Bien sûr, le système ancien perdure dans les villages plus que dans les villes parce que l’offre de loisirs et de services est moindre, et toujours dépendante du travail de bénévoles. Mais la professionnalisation – et avec elle le côté « consommateur » – envahit tout le spectre. Pensez à la « Fête de l’Humanité ». C’était d’abord une fête organisée par des militants : la distribution d’électricité et d’eau, le tracé des allées, la construction des stands, l’accueil et la sécurité, le ramassage des déchets, la remise en état du parc étaient faites par des militants. Aujourd’hui, ce sont des entreprises sous-traitantes qui prennent en main ces différents aspects. Quant à la vente des entrées… elle passe aujourd’hui par la FNAC, dont le sigle, on l’oublie trop souvent, veut dire « fédération nationale des achats des cadres ».
[Internet permet de se retrouver en ligne, entre amis, ou entre proches. On y développe les mêmes rituels, les mêmes habitudes, les mêmes coutumes qui rendent la vie plus agréable. Or cette connivence nécessaire au repos de l’âme peut être troublée par le premier venu. En dehors d’internet, c’est un problème qui se règle facilement. J’ai vécu brièvement aux Grésilles, à Dijon, et lorsque j’ai mis les pieds dans le restaurant arabe, il ne m’a pas fallu dix secondes pour comprendre que je n’étais pas chez moi, que je gênais les habitués, et que je n’étais pas le bienvenu.]
Je vous assure que sur Internet, on vous fait savoir très rapidement lorsque vous n’êtes pas le bienvenu. Sur ce point, la différence me paraît minime. Ce qui est très différent, c’est que contrairement au bistrot qui réunissait des gens qui souvent travaillaient au même endroit, allaient au même hôpital, envoyaient leurs enfants à la même école, faisaient du sport au même club et faisaient la fête au même moment, les discussions sur Internet regroupent des gens qui n’ont rien en commun sauf leurs échanges. Il n’y a donc aucun relais entre le débat et l’action.
Votre exemple oublie un aspect essentiel : lorsque vous entrez dans un bistrot, vous dérangez par votre présence physique. Lorsque vous parlez, on est obligé de vous entendre – à défaut de vous écouter. Dans un forum internet, il suffit de ne pas vous lire pour que vous disparaissiez. En d’autres termes, vous ne gênez que dans la mesure où on veut bien être gêné.
[Je pense qu’une bonne part de l’agressivité provient autant d’un manque de curiosité, que d’un besoin d’avoir la paix.]
Mais d’où vient ce besoin de « avoir la paix », alors qu’on vit dans une société ou l’on cherche en permanence des « divertissements » pour oublier qu’on s’ennui comme des rats morts ? Pourquoi l’autre nous dérangerait alors qu’il suffit de ne pas le lire pour qu’il disparaisse ? Je vous avoue que je trouve toujours intéressant ce paradoxe : écrivez un article louant Le Pen dans un forum de gauche, et vous trouverez immédiatement un flux d’insultes. Or, la plupart des gens qui vous insultent savent parfaitement qu’il y a en France des gens – fort nombreux – qui votent Le Pen, et que leurs insultes n’y changeront rien. Alors, à quoi vous insulter peut bien servir ? « Don’t feed the troll » semble être le précepte à la fois le plus sage et le moins suivi d’effet.
Si, comme vous le pensez, il s’agissait « d’avoir la paix », la solution la plus rationnelle serait d’ignorer les importuns (voire, comme font certains, de créer des espaces de discussion fermés ou l’on accède seulement par cooptation). Non, l’agressivité dont vous parlez est volontaire, recherchée. C’est une agressivité de meute : elle permet aux membres du groupe de communier en s’attaquant à un ennemi commun. Et si l’ennemi n’existe pas, il faut l’inventer, d’où ce qu’on appelle « le culte des petites différences », qui consiste à monter en neige des petits désaccords pour en faire des conflits.
Le seul antidote contre cette agressivité serait la curiosité : même si c’est un troll, si ce troll vous intéresse, alors vous chercherez à le faire parler pour comprendre ce qu’il a dans le ventre, quelle est sa motivation, quelles sont ses références. Comme disait mon père, qu’il repose en paix, la curiosité peut transformer le plomb en or.
[Ah, les mêmes histoires courent dans ma famille ! Mais pourquoi ce plaisir de la joute a-t-il disparu, ou s’est-il amoindri ? Je ne suis jamais convaincu par l’idée que nos aînés auraient été plus intelligents (ou plus bêtes) que nous, et je me doute bien que vous non plus. Mais alors, pourquoi ?}
Vaste et très intéressante question… Je pense qu’elle tient à une question plus générale : pourquoi on arrivait autrefois à associer la notion de « plaisir » à celles de travail, d’effort, de discipline, et cela devient plus difficile aujourd’hui ?
Je pense qu’il y a eu un changement fondamental dans l’éducation que les gens reçoivent, que ce soit à travers la famille, l’école, ou l’ensemble des messages transmis par la société. Hier, l’éducation transmettait un message émancipateur : à travers de l’effort, du travail, de la discipline on arrivait à se dépasser, à devenir l’auteur et l’acteur de notre vie. On pouvait donc associer le plaisir au travail, à l’effort, à la discipline, parce que ‘il y avait une anticipation des résultats, un peu comme l’étudiant du piano qui fait des gammes s’imagine pouvoir demain jouer « Le clavier bien tempéré » – ou « Rapsody in blue » selon les goûts. Autrement dit, le plaisir n’est pas associé à l’activité présente, mais à l’anticipation de ce que l’activité présente permettra dans l’avenir.
Aujourd’hui, le message dominant tend au contraire à faire de nous non pas des auteurs et acteurs de notre avenir, mais plutôt des consommateurs et des victimes. On nous explique que nous avons une influence sur notre avenir à travers non pas de nos efforts, de notre travail, mais de nos choix. Faire « le bon choix » est bien plus important que le mérite ou l’effort. Et à la fois, on nous explique que nous sommes des victimes, que des forces sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle déterminent finalement notre avenir, qu’on le veuille ou non. Parcousup est peut-être le meilleur résumé de ces deux tendances.
Cette idéologique décourage l’investissement. Nous sommes donc conduits vers des plaisirs beaucoup plus superficiels et surtout immédiats : celui d’avoir ou d’exhiber plutôt que celui de faire ou de construire. Or, le plaisir de la joute c’est un plaisir de constructeur : il faut pas mal de travail et d’exercices pour construire un style, pour apprendre à séduire une audience. Il faut du temps pour se bâtir une culture. Il faut prendre le temps d’observer ceux qui savent, et prendre le risque de perdre des combats avant d’en gagner.
@ Descartes et Louis,
Bonjour,
[Ah, les mêmes histoires courent dans ma famille ! Mais pourquoi ce plaisir de la joute a-t-il disparu, ou s’est-il amoindri ? Je ne suis jamais convaincu par l’idée que nos aînés auraient été plus intelligents (ou plus bêtes) que nous, et je me doute bien que vous non plus. Mais alors, pourquoi ?]
[Vaste et très intéressante question… Je pense qu’elle tient à une question plus générale : pourquoi on arrivait autrefois à associer la notion de « plaisir » à celles de travail, d’effort, de discipline, et cela devient plus difficile aujourd’hui ? – – – – – – – – – – – – Il faut prendre le temps d’observer ceux qui savent, et prendre le risque de perdre des combats avant d’en gagner.]
J’adhère à l’essentiel de cette argumentation, j’y apporterai cependant quelques hypothèses supplémentaires.
Tout d’abord, la complexité. Depuis quelques décennies, les interactions économiques, culturelles, sociales, donc politiques se sont amplifiées considérablement et la multiplication des sollicitations médiatiques à, pour beaucoup, entrainé une perte des repères, favorisant par là une forme de populisme en politique, de consumérisme en économie, d’individualisme culturel et social.
Alors que la majorité de la population ne se posait pas trop de questions et disposait de réponses assez précises, maintenant, l’avalanche de questions qui se posent ne semble plus présenter son équivalent en matière de réponses possibles.
Pour la plupart d’entre nous, la complexité qui nous assaille évolue plus vite que notre capacité à nous y adapter, individuellement et collectivement.
Ensuite, la motivation. Il n’y a pas si longtemps, pour obtenir la satisfaction d’un besoin, voire d’un désir, il était plus que maintenant nécessaire de produire un effort, de prendre des initiatives, d’accepter de courir un risque. L’accès aux biens, matériels comme immatériels, dans notre pays particulièrement, s’est considérablement facilité, ce qui n’a pas, et de loin, favorisé le goût du travail, de l’effort, du risque. Pourquoi accepter les contraintes d’un travail quand on peut obtenir une bonne part de ses effets habituels (le salaire) par le produit de l’assistanat ?
Tertio, la décadence. Probablement en partie liée aux deux précédentes hypothèses. Mille et un indices la révèlent et ce n’est pas du misérabilisme que de la déplorer. On la constate dans tous les domaines, que ce soit économiques (dette croissante, désindustrialisation, chômage, . . . ), politiques (partis faibles, populisme, . . .) sociaux ( violences urbaines, manifestations récurrentes, contestation des autorités et institutions, . . . ), culturelles ( télé poubelle, musique zim boum-boum, respect de la langue, . . . ).
Je ne mets pas ça sur le dos de telle ou telle catégorie de la population car, sans que le libre arbitre de chacun ne soit garanti, le degré de liberté dans nos choix de citoyen nous échoit tout de même individuellement et il nous appartient d’apprécier plus Brassens ou ses homologues actuels que la musique des raves parties, de s’abstenir de trépigner d’excitation devant les jeux débiles de la télé (qui a remplacé les promoteurs de « la tête et les jambes, le gros lot, . . . ?). Ce qui se passe collectivement dans le pays est la conséquence des actes individuels, les politiques, les autorités diverses ne font que suivre et seraient désavoués s’ils contrariaient les tendances populaires. On ne peut reprocher aux individus de chercher désespérément à se maintenir, à minima, voire progresser dans leur état actuel.
Ce que je trouve dramatique pour les générations récentes et futures, c’est que tout est à leur disposition pour s’affranchir d’un devenir en décadence et que rien n’y fait, la décadence s’impose. Est-ce le fruit de l’évolution normale des sociétés ?
Enfin, je voudrais revenir sur votre réponse concernant la dégradation des industries en Europe. Je ne citai pas, volontairement l’Allemagne dont nous savons les actions de l’État fédéral. C’est à l’Italie que je pensais et ce qui m’interroge, c’est la corrélation (ou non) entre un État faible et une industrie sinon forte en tout cas qui se maintient par ses initiatives individuelles. D’autre part, ce pays n’a cessé de produire de très brillantes individualités à la suite de l’effondrement de son empire à la sortie de l’antiquité, et ce, jusqu’à nos jours. Est-ce le lot des sociétés avancées qui doivent accepter de ne pas éternellement tenir le haut du pavé ?
@ Marcailloux
[Tout d’abord, la complexité. Depuis quelques décennies, les interactions économiques, culturelles, sociales, donc politiques se sont amplifiées considérablement et la multiplication des sollicitations médiatiques à, pour beaucoup, entrainé une perte des repères, favorisant par là une forme de populisme en politique, de consumérisme en économie, d’individualisme culturel et social.]
Je pense que vous mélangez ici beaucoup trop de choses. Prenons d’abord la « complexité ». Cet argument me laisse toujours un peu songeur. Le monde dans lequel nous vivons est-il plus « complexe » que celui dans lequel vivaient nos ancêtres ? Je suis très loin d’être persuadé. Certes, nos ancêtres les gaulois n’avaient pas de smartphones. Mais d’un autre côté ils vivaient dans un monde imaginaire fait d’interactions complexes avec toutes sortes de puissances magiques. Notre vision du monde est certes plus « réaliste », mais est-elle plus « complexe » ? Je n’en suis pas persuadé ». Or, pour ce qui concerne notre échange, ce n’est pas la complexité objective qui est importante, mais la complexité subjective, c’est-à-dire, la vision que chacun de nous en a.
Ensuite, il y a la question des sollicitations. Là encore, je serais plus nuancé. La mode n’est pas une création contemporaine, elle nous vient de la Renaissance. Nos ancêtres, du moins ceux qui appartenaient à la bourgeoisie ou l’aristocratie, étaient déjà soumis à des « sollicitations médiatiques » et à une injonction de se conformer à la mode du jour. Ce qui a changé, c’est que ce qui était le privilège des couches moyennes et hautes de la société s’est très largement démocratisé, que la sollicitation est une expérience partagée par toutes les couches de la société.
Je pense qu’il faut chercher l’explication ailleurs. Ce qui caractérise notre société, c’est l’incapacité de s’inscrire dans un temps long, que ce soit au niveau individuel ou collectif. On le voit au niveau individuel avec la crise de la filiation – qu’on malmène allègrement au gré de lois qui prétendent contenter telle ou telle minorité agissante. On le voit au niveau collectif dans la fièvre destructrice qui touche l’ensemble de nos institutions. La transmission, qui assure notre lien avec le passé, est devenue le privilège de certaines classes sociales. C’est cette coupure qui nous pousse vers le populisme en politique, vers l’individualisme culturel et social.
[Alors que la majorité de la population ne se posait pas trop de questions et disposait de réponses assez précises, maintenant, l’avalanche de questions qui se posent ne semble plus présenter son équivalent en matière de réponses possibles.]
Je pense que vous vous faites beaucoup d’illusions en pensant que les gens se posent tant de questions. J’aurais tendance d’ailleurs à faire le raisonnement inverse : le problème est que notre génération a trop de réponses et pas assez de questions, et non l’inverse.
[Pour la plupart d’entre nous, la complexité qui nous assaille évolue plus vite que notre capacité à nous y adapter, individuellement et collectivement.]
Attendez, où voyez-vous cette « complexité qui nous assaille » ? Sans vouloir vous offenser, je pense que vous vous fabriquez une réalité à mesure pour l’adapter à votre conclusion. Non, le monde d’aujourd’hui n’est pas – compte tenu de nos connaissances pour l’affronter – plus « complexe » que celui d’hier. Et aujourd’hui comme hier, l’immense majorité des gens n’a aucune envie de chercher à le comprendre.
[Ensuite, la motivation. Il n’y a pas si longtemps, pour obtenir la satisfaction d’un besoin, voire d’un désir, il était plus que maintenant nécessaire de produire un effort, de prendre des initiatives, d’accepter de courir un risque.]
Cela dépend de votre classe sociale. Je doute qu’en 1900 les enfants des « 200 familles » aient eu beaucoup de difficultés à voir leurs besoins et leurs désirs comblés. Et à l’inverse, je vois mal comment un jeune né dans un foyer ouvrier à Charleville-Mézières ou à Longwy pourrait voir ses désirs satisfaits sans efforts, sans prendre des initiatives, sans prise de risque…
Nous partons certes de plus haut : on peut considérer que dans notre société, en dehors d’une frange marginale, les besoins vitaux sont satisfaits. Mais de lors que l’on cherche à sortir du strict minimum, cela devient difficile pour beaucoup de nos concitoyens. Et je dirais même bien plus difficile que cela n’était pour les générations précédentes. Moins que la perspective de l’effort, ce qui démoralise nos contemporains est la conviction – justifiée ou non par les faits, c’est une autre histoire – que l’effort ne vous assure plus rien. Pour moi, c’est surtout cela qui a changé.
[L’accès aux biens, matériels comme immatériels, dans notre pays particulièrement, s’est considérablement facilité, ce qui n’a pas, et de loin, favorisé le goût du travail, de l’effort, du risque. Pourquoi accepter les contraintes d’un travail quand on peut obtenir une bonne part de ses effets habituels (le salaire) par le produit de l’assistanat ?]
Je pense que vous avez une vision fort idéaliste du monde dans lequel nous vivons. Essayez de faire vivre une famille avec un SMIC… ou même avec un salaire médian.
[Tertio, la décadence. Probablement en partie liée aux deux précédentes hypothèses. Mille et un indices la révèlent et ce n’est pas du misérabilisme que de la déplorer. On la constate dans tous les domaines, que ce soit économiques (dette croissante, désindustrialisation, chômage, . . . ), politiques (partis faibles, populisme, . . .) sociaux ( violences urbaines, manifestations récurrentes, contestation des autorités et institutions, . . . ), culturelles ( télé poubelle, musique zim boum-boum, respect de la langue, . . . ).]
Le terme « décadence » est à mon sens délicat à manier, parce qu’il mélange des considérations de fait (influence, puissance) et des considérations morales. Prenons un exemple : vous me parlez de « télé poubelle », mais si l’on regarde bien ce que vous appelez ainsi a été inventé par les Américains dans les années 1950-60. Pensez-vous que l’Amérique était en « décadence » à l’époque ? Même chose pour les « violences urbaines »…
La question n’est pas tant celle d’une « décadence » que du retour à une vision oligarchique de la société. On est passé d’un modèle qui voulait rendre accessible à toutes les classes sociales la « grande culture », mais aussi le « logement moderne », les « emplois de qualité » à un modèle où le bloc dominant réserve jalousement ces privilèges à ses enfants. Du monopole de la radiodiffusion qui maintenait un certain standard de qualité on est passé à une grande diversité qui permet à certaines couches sociales de regarder de l’Opéra, et à d’autres regarder Hanouna.
Allez dans les beaux quartiers, et vous verrez comment les bourgeois et les classes intermédiaires continuent à offrir à leurs enfants des beaux livres, comment elles régulent sévèrement l’accès à la télévision, comment ils font prendre à leurs enfants des leçons de piano et les amènent au musée où à l’Opéra, et comment ils les reprennent dès qu’ils parlent un mauvais français. « Décadence » oui, mais pas pour tout le monde.
[Je ne mets pas ça sur le dos de telle ou telle catégorie de la population]
Vous avez tort. Ce que vous appelez « décadence » arrange très bien les intérêts de certaines catégories dominantes de la population. Et ce n’est pas une coïncidence.
[le degré de liberté dans nos choix de citoyen nous échoit tout de même individuellement et il nous appartient d’apprécier plus Brassens ou ses homologues actuels que la musique des raves parties,]
Sauf que pour apprécier, il faut comprendre, et c’est là que la transmission entre en jeu. Pour apprécier Brassens, il faut d’abord comprendre sa langue. Souvenez-vous : « Dites moy ou, n’en quel pays/Est Flora la belle Romaine,/Archipiades, né Thaïs/Qui fut sa cousine germaine, ». Si les parents, l’école, les médias ne vous disent pas qui est Flora, Archipiades ou Thaïs, si l’on ne vous dit pas qui est François Villon, qu’est ce que vous pouvez comprendre à la chanson ?
Non, la culture n’est pas un « choix individuel », c’est un choix d’abord et avant tout social. C’est ce que la société décide – ou non – de transmettre. Vous mettez sur les épaules des individus une charge bien trop lourde…
[Ce qui se passe collectivement dans le pays est la conséquence des actes individuels,]
Oui, mais ces choix « individuels » ne sont pas indépendants de ce que la société a collectivement transmis aux individus qui les font. L’individu est libre de choisir entre plusieurs possibles, mais c’est la société qui délimite ce qui est « possible ».
[Ce que je trouve dramatique pour les générations récentes et futures, c’est que tout est à leur disposition pour s’affranchir d’un devenir en décadence et que rien n’y fait, la décadence s’impose. Est-ce le fruit de l’évolution normale des sociétés ?]
A risque de me répéter, je pense que vous ignorez le moteur de l’histoire, à savoir, la lutte des classes. Ce que vous appelez « décadence » s’impose tout bêtement parce que c’est l’intérêt des couches sociales qui occupent une position dominante. Pour vous, le fait qu’on préfère la zique boum boum à Brassens est une tragédie, pour eux, c’est une très bonne affaire. Parce que si les couches populaires commencent à écouter Brassens, il y a un risque qu’elles commencent à penser, et donc qu’elles réalisent qu’ils sont en train de se faire avoir. Mieux vaut donc pour les couches dominantes de garder Brassens pour eux, et de donner aux autres une musique abrutissante et qui en plus rapporte pas mal en produits dérivés. « Panem et circenses », ça vous dit rien ?
[C’est à l’Italie que je pensais et ce qui m’interroge, c’est la corrélation (ou non) entre un État faible et une industrie sinon forte en tout cas qui se maintient par ses initiatives individuelles.]
« Etat faible » ? Vous oubliez il me semble que l’Etat ITALIEN est une construction artificielle de la fin du XIXème siècle, mais que l’histoire de ce que nous appelons aujourd’hui l’Italie est marquée par un certain nombre d’Etats très forts : ceux des cités-Etats. Pensez à la République de Venise ou à celle de Florence, aux Etats Pontificaux… l’histoire de l’Italie est au contraire celle de petits Etats ou la puissance souveraine et la puissance économique marchaient main dans la main.
[D’autre part, ce pays n’a cessé de produire de très brillantes individualités à la suite de l’effondrement de son empire à la sortie de l’antiquité, et ce, jusqu’à nos jours.]
Vous noterez que la quasi-totalité de ces « brillantes individualités » ont été fonctionnaires ou travaillé sur commande publique…
[Est-ce le lot des sociétés avancées qui doivent accepter de ne pas éternellement tenir le haut du pavé ?]
J’avoue que j’ai du mal à comprendre cette question. L’empire romain est peut-être tombé, mais la « romanité » a tenu et tient encore le « haut du pavé ». Le droit romain reste le fondement du droit moderne dans l’ensemble des pays « dominants ». Il s’impose même chez les puissances émergentes… et on me dit que dans les universités chinoises on lit plus Platon ou Aristote que Confucius…
@ Descartes
Bonjour,
[Je pense que vous mélangez ici beaucoup trop de choses.]
En matière de complexité, cela me paraît être la moindre des logiques !
[Prenons d’abord la « complexité ». Cet argument me laisse toujours un peu songeur.]
Il s’agit d’une notion et non d’un argument. Une notion représente, du moins dans une acception philosophique, une construction, une représentation de l’esprit, une idée générale et abstraite en tant qu’elle implique les caractères essentiels de l’objet (déf. du cnrtl).
Cette notion définit « ce qui comporte des éléments divers qu’il est difficile de démêler » (Larousse). Le « mélange » que vous relevez est donc bien dans l’esprit de la compléxité.
Il est naturel que ce terme, utilisé dans de nombreux domaines, fasse l’objet de controverses.
[Le monde dans lequel nous vivons est-il plus « complexe » que celui dans lequel vivaient nos ancêtres ? Je suis très loin d’être persuadé.]
Eh bien je vais tenter de renverser vos persuasions.
– Le cosmos, à l’origine, n’est formé que d’une substance simple doté d’une énergie infinie. Il a bien changé depuis, voir le tableau de Mendeleïev.
– Suivant la théorie de l’évolution, le premier être vivant était une bactérie monocellulaire, les. Je ne pense pas que vous même, ni moi-même, ayons une tête de procaryote !
– Nos sociétés élémentaires, les groupe ou tribus d’hominidés d’il y a 1 million d’années, s’ils se posaient la question du pourquoi des choses, j’imagine qu’ils étaient en peine d’y apporter beaucoup de réponses, leur seul sujet de préoccupation était de survivre et de se reproduire. Le blog de Descartes n’était pas là pour troubler leurs convictions.
– La gouvernance des peuples, depuis 4 ou 5 mille ans a évolué de l’autocratie à la démocratie, passant par la décision d’un individu au consentement d’une majorité de la population. Décider seul, et souvent avec le soutien de la force est plus simple que de faire s’accorder une tribu de Gaulois. Alors, au XXI ème siècle . . . . .
– Argument actuel : la Covid19. Il n’y a que quelques décennies, ce type de pandémie était traitée presque par le mépris (se remémorer la grippe de Hong Kong de 1969/70 qui a entrainé une surmortalité d’environ 40000 personnes, passées en pertes et profits dans l’indifférence générale), alors que notre premier ministre actuel, comme son prédécesseur est embarrassé comme une poule d’un couteau par les décisions qu’il a à prendre sans pouvoir sereinement y arriver. Rien n’est simple, tout se complique confirmait P. Dac, il me semble.
– Même le second principe de la thermodynamique va dans le sens de la complexification des états (R. Clausius). Là, j’en conviens, l’argument s’éloigne par trop des considérations humaines.
La complexité, en sciences sociales, comme dans d’autres domaines, est d’abord une affaire de perception, celle des systèmes dans lesquels nous sommes intégrés. Le progrès, en ce qu’il est porteur de la connaissance de plus en plus approfondie du réel, ne fait que dévoiler la complexité de l’univers comme de la matière la plus élémentaire. Le monde va donc d’une moindre complexité à une complexité supérieure, qui croît en permanence.
Pour une limace, le monde n’est probablement pas très complexe. Pour un Awàs d’Amazonie, nettement plus, bien sûr. Mais pour de nombreux occidentaux bombardés d’informations disparates, les choses ne vont surement pas dans le sens de la simplicité, sauf à écouter les bonimenteurs (en un seul ou en deux mots) qui sont toujours prêt à vous affirmer : « pas de problème, ce qui est bien, c’est ceci, . . ou cela »
D’ailleurs, vous le dites fort bien : « Or, pour ce qui concerne notre échange, ce n’est pas la complexité objective qui est importante, mais la complexité subjective, c’est-à-dire, la vision que chacun de nous en a. »
[Je pense que vous vous faites beaucoup d’illusions en pensant que les gens se posent tant de questions. J’aurais tendance d’ailleurs à faire le raisonnement inverse : le problème est que notre génération a trop de réponses et pas assez de questions, et non l’inverse.]
Si « les gens ne se posent pas tant de questions » – ça dépend desquels – il n’empêche que ces questions se posent d’elles-mêmes et s’imposent sinon au conscient, tout au moins au subconscient, ce qui ne manque pas, à mon humble avis, n’étant pas spécialiste de la chose, d’entretenir un sentiment d’incertitude inconfortable pour les uns, d’inquiétude pénible pour d’autres et d’angoisse insupportable pour quelques-uns. Rares sont les véritables stoïciens qui acceptent de vivre sereinement sans réponses aux questions qu’ils se posent.
[[Je ne mets pas ça sur le dos de telle ou telle catégorie de la population]
[Vous avez tort. Ce que vous appelez « décadence » arrange très bien les intérêts de certaines catégories dominantes de la population. Et ce n’est pas une coïncidence.]]
J’ai tort ? est-ce avoir tort que d’exprimer une opinion ? Que cette « décadence » arrange ou n’arrange pas tel ou tel n’implique en rien celui qui n’émet pas un jugement.
Si je suis bénéficiaire d’une anomalie, d’une iniquité sociale sans en être l’auteur, en quoi dois-je encourir la condamnation générale ?
Et les catégories dominantes sont partiellement désignées par qui ?
Vous voyez bien – du moins je l’espère – que les relations socioéconomiques ne vont pas en se simplifiant depuis l’époque où le serf recevait juste de quoi survivre en contrepartie de son travail de bagnard.
[Sauf que pour apprécier, il faut comprendre, et c’est là que la transmission entre en jeu. Pour apprécier Brassens, il faut d’abord comprendre sa langue. Souvenez-vous : « Dites moy ou, n’en quel pays/Est Flora la belle Romaine,/Archipiades, né Thaïs/Qui fut sa cousine germaine, ». Si les parents, l’école, les médias ne vous disent pas qui est Flora, Archipiades ou Thaïs, si l’on ne vous dit pas qui est François Villon, qu’est ce que vous pouvez comprendre à la chanson ?]
Pour apprécier, il faut d’abord aimer. Aimer peut-être aveuglément, aimer la mélodie, la chaleur de la voix, le personnage. Ensuite viendra la motivation pour comprendre et rechercher, sans forcément l’incitation d’autrui, ce que les mots signifient.
Mais je suis un irréductible individualiste car dans les petites villes industrielles et ouvrières des années 60, en dehors du patronage de la paroisse, il n’était possible de compter que sur soi-même et la culture se construisait de bric et de broc, sans structuration.
Je vais vous donner un exemple personnel : depuis 3 ou 4 ans je me suis entiché de la philosophie de Spinoza. Sujet ardu sur lequel j’éprouve beaucoup de difficultés à comprendre malgré des centaines d’heures de travail. Cette occupation amateur m’est permise parce qu’entre autres j’ai pu répertorier plus de 100 vidéos de 10 minutes à 2 heures, traitant par les meilleurs spécialistes français, de la question. Mon père, comme celui de tous les enfants de ma condition, l’immense majorité dans ma ville et dans bien d’autres, n’avaient pas à faire le choix de s’adonner ou non à cette discipline et les causes qui déterminaient leur action étaient plus restreintes qu’aujourd’hui. Ce que je nomme les sollicitations, ailleurs dans mon précédent commentaire, sont cette explosion de possibilités qui ne s’offraient pas même à l’imagination, il y a 60 ans. C’était sans doute plus simple, et l’Église, le PC, les bonnes œuvres se chargeaient des âmes ou des esprits disponibles avec des réponses avant même que de poser des questions.
[L’individu est libre de choisir entre plusieurs possibles, mais c’est la société qui délimite ce qui est « possible ».]
Certes, mais après avoir dit ça, que sait-on de ce qui est ou n’est pas possible, entre ce qui est illégal, illicite, illégitime, immoral, inaccessible ?
Certains vous diront : « Tout est possible à qui le veut vraiment » et dans une certaine mesure, ils n’auront pas tort et vous le démontreront avec des exemples célèbres, connus ou discrets. Pensez-vous qu’il y a 3 siècles un roturier pouvait devenir roi de France comme aujourd’hui, un citoyen lambda peut devenir président de la République.
La société qui, actuellement le permet a dû édicter des règles de fonctionnement hyper complexes qui n’existaient pas il y a 3 siècles. Et plus les règles sont complexes, plus il y a de possibilités de les contourner pour un individu qui s’en donne les moyens.
[J’avoue que j’ai du mal à comprendre cette question. L’empire romain est peut-être tombé, mais la « romanité » a tenu et tient encore le « haut du pavé ». Le droit romain reste le fondement du droit moderne dans l’ensemble des pays « dominants ». Il s’impose même chez les puissances émergentes… et on me dit que dans les universités chinoises on lit plus Platon ou Aristote que Confucius…]
Sans vouloir vous offenser, Platon, Aristote ont vécu en Grèce, bien avant la domination romaine et ne doivent sans doute pas grand-chose à la philosophie des Romains. Le contraire est attesté par tous les spécialistes historiens de la philosophie.
Concernant le « haut du pavé », même s’il y a de bons et beaux restes, ce sont des restes. La domination de l’empire romain n’est plus à l’ordre du jour ni prévisible dans son advenance. Comme celle de la France d’ailleurs. Et après tout, un homme Chinois ou Indiens ou encore Nigérian n’est, à priori ni plus ni moins intelligent qu’un Européen et son pays peut tout aussi bien entretenir une espérance d’hégémonie que des pays beaucoup moins peuplés.
@ Marcailloux
[« Je pense que vous mélangez ici beaucoup trop de choses. » En matière de complexité, cela me paraît être la moindre des logiques !]
Pas vraiment. La complexité vient de la combinaison, c’est-à-dire des interactions croisées entre les choses. Les mélanger ne suffit pas. Ce n’est pas parce qu’on mélange tous les couleurs et qu’on les étale au hasard sur la toile qu’on obtient un Rembrandt ou un Da Vinci…
[« Prenons d’abord la « complexité ». Cet argument me laisse toujours un peu songeur. » Il s’agit d’une notion et non d’un argument.]
Une notion, quand elle est dégainée pour expliquer le monde devient un argument.
[« Le monde dans lequel nous vivons est-il plus « complexe » que celui dans lequel vivaient nos ancêtres ? Je suis très loin d’être persuadé. » Eh bien je vais tenter de renverser vos persuasions.
– Le cosmos, à l’origine, n’est formé que d’une substance simple doté d’une énergie infinie. Il a bien changé depuis, voir le tableau de Mendeleïev.]
J’ignorais que nos ancêtres vivaient à l’origine du cosmos. Votre lignée doit être plus ancienne que la mienne. Franchement, sortir le big bang comme exemple pour illustrer le fait que le monde dans lequel vivaient nos ancêtres était plus « simple » que le nôtre, il faut vraiment le faire…
[– Suivant la théorie de l’évolution, le premier être vivant était une bactérie monocellulaire, les. Je ne pense pas que vous même, ni moi-même, ayons une tête de procaryote !]
Je vous repose la question : quand j’ai écrit « le monde ou vivaient nos ancêtres », c’est à la bactérie unicellulaire qui est notre ancêtre commun que cela vous fait penser ?
[– Nos sociétés élémentaires, les groupe ou tribus d’hominidés d’il y a 1 million d’années, s’ils se posaient la question du pourquoi des choses, j’imagine qu’ils étaient en peine d’y apporter beaucoup de réponses, leur seul sujet de préoccupation était de survivre et de se reproduire. Le blog de Descartes n’était pas là pour troubler leurs convictions.]
L’hypothèse communément admise est que les hominidés existants il y a un million d’années n’avaient pas encore de langage. Il est donc très difficile d’imaginer qu’ils puissent se poser des questions, et encore moins des questions abstraites. Mais là encore, j’ai du mal à croire que lorsque j’ai parlé « du monde où ont vécu nos ancêtres » vous ayez pu imaginer que je faisais référence à l’homo erectus.
[– La gouvernance des peuples, depuis 4 ou 5 mille ans a évolué de l’autocratie à la démocratie, passant par la décision d’un individu au consentement d’une majorité de la population. Décider seul, et souvent avec le soutien de la force est plus simple que de faire s’accorder une tribu de Gaulois. Alors, au XXI ème siècle . . . . .]
Bon, on se rapproche, on se rapproche… mais on n’a toujours aucun argument démontrant que le monde dans lequel nous vivons est plus « complexe » que celui d’il y a quatre ou cinq mille ans. L’autocratie n’est pas forcément plus « simple » que la démocratie – pensez juste à la complexité des rituels destinés à assurer la légitimité du Pharaon en tant que dieu vivant… franchement, à côté l’élection semble infiniment plus simple. Et pas besoin de construire une pyramide…
[– Argument actuel : la Covid19. Il n’y a que quelques décennies, ce type de pandémie était traitée presque par le mépris (se remémorer la grippe de Hong Kong de 1969/70 qui a entrainé une surmortalité d’environ 40000 personnes, passées en pertes et profits dans l’indifférence générale), alors que notre premier ministre actuel, comme son prédécesseur est embarrassé comme une poule d’un couteau par les décisions qu’il a à prendre sans pouvoir sereinement y arriver. Rien n’est simple, tout se complique confirmait P. Dac, il me semble.]
Je ne vois pas en quoi c’est « plus compliqué ». Tout au plus que les priorités ont changé. Il y a des siècles on construisait des cathédrales dont la décoration était infiniment plus complexe que n’importe quel bâtiment construit aujourd’hui. Est-ce que cela veut dire que les choses sont devenues plus simples ? Non, tout simplement que nous mettons nos priorités ailleurs. En 1969/70 les générations qui gouvernaient avaient le souvenir de la deuxième guerre mondiale, avec ses millions de morts. Leur perception d’une grippe qui pouvait tuer 40.000 personnes n’était pas tout à fait la même que celle de nos générations, qui n’ont pas connu de pareilles hécatombes. Et les priorités, du coup, son différentes. Mais cela n’a rien à voir avec la « complexité ».
[– Même le second principe de la thermodynamique va dans le sens de la complexification des états (R. Clausius). Là, j’en conviens, l’argument s’éloigne par trop des considérations humaines.]
On retrouve là votre vision particulière de la « complexité » comme liée exclusivement à la variété. Plus haut, vous voyiez dans le passage d’une substance simple à plusieurs un signe de « complexité ». ici, vous la voyez dans l’augmentation du nombre d’états observables… cependant, si vous suivez cette voie vous verrez que le mouvement est ambigu. Ainsi, par exemple, les grecs avaient des dizaines voire des centaines de dieux. Aujourd’hui, la grande majorité des européens n’a au choix qu’un dieu voire aucun. Diriez-vous que cela représente une « simplification » ?
[La complexité, en sciences sociales, comme dans d’autres domaines, est d’abord une affaire de perception, celle des systèmes dans lesquels nous sommes intégrés.]
Très bien. Mais en quoi la perception « magique » qui prévaut jusqu’à la fin du moyen-âge est-elle plus « simple » que la perception « scientifique » qui s’est imposée aujourd’hui ? Le monde peuplé d’un dieu qui est trois tout en étant un et qui transforme le pain en chair et le vin en sang (tout en leur conservant leur saveur et consistance), de saints qui font des miracles et des créatures magiques aux pouvoirs étranges est-il moins « complexe » que notre monde d’internet et de smartphones ?
[Le progrès, en ce qu’il est porteur de la connaissance de plus en plus approfondie du réel, ne fait que dévoiler la complexité de l’univers comme de la matière la plus élémentaire. Le monde va donc d’une moindre complexité à une complexité supérieure, qui croît en permanence.]
Non, justement, parce que l’homme n’a pas attendu le progrès pour apporter des réponses à ses questions. Le progrès dévoile une complexité, celle des lois de la nature telles que la science peut les construire, mais cette complexité se substitue à une autre, celle des explications théologiques ou magiques. Les mystères de la transsubstantiation ont fait courir au moins autant d’encre que ceux de la théorie de la relativité.
[Pour une limace, le monde n’est probablement pas très complexe.]
Je ne sais pas, mon expérience dans le domaine est très limitée… Cette conversation commence à ressembler à la visite de Arthur Dent à Magratea…
[Pour un Awàs d’Amazonie, nettement plus, bien sûr.]
Probablement infiniment plus complexe que pour nous, puisqu’il doit donner une explication religieuse ou magique à une infinité de phénomènes naturels qu’il observe – les mêmes que nous, d’ailleurs – et qu’il n’a pas les éléments de systématiser. La science ne complique pas le monde, au contraire, elle le simplifie. Pensez-y : pour votre Awas, chaque animal a un esprit, qu’il faut contenter – sans quoi il vient la nuit vous faire des choses horribles – avec un rituel particulier. N’est-ce pas là une « complexité » dont nous nous sommes affranchis ?
[« Je pense que vous vous faites beaucoup d’illusions en pensant que les gens se posent tant de questions. J’aurais tendance d’ailleurs à faire le raisonnement inverse : le problème est que notre génération a trop de réponses et pas assez de questions, et non l’inverse. » Si « les gens ne se posent pas tant de questions » – ça dépend desquels – il n’empêche que ces questions se posent d’elles-mêmes et s’imposent sinon au conscient, tout au moins au subconscient, ce qui ne manque pas, à mon humble avis, n’étant pas spécialiste de la chose, d’entretenir un sentiment d’incertitude inconfortable pour les uns, d’inquiétude pénible pour d’autres et d’angoisse insupportable pour quelques-uns.]
Je ne suis pas sûr de comprendre à quoi vous faites référence. Pouvez-vous donner un exemple de ces questions « qui se posent d’elles-mêmes » ?
[Rares sont les véritables stoïciens qui acceptent de vivre sereinement sans réponses aux questions qu’ils se posent.]
Heureusement, sans quoi aucune question ne recevrait des réponses. Mais lorsque les gens se posent une question, ils trouvent toujours une réponse… quitte à l’inventer.
[« « Je ne mets pas ça sur le dos de telle ou telle catégorie de la population » » « [Vous avez tort. Ce que vous appelez « décadence » arrange très bien les intérêts de certaines catégories dominantes de la population. Et ce n’est pas une coïncidence. » J’ai tort ? est-ce avoir tort que d’exprimer une opinion ?]
Non. Vous n’avez pas tort D’EXPRIMER l’opinion, vous avez tort de l’avoir. Le tort ne réside pas dans l’expression, mais dans l’opinion elle-même…
[Si je suis bénéficiaire d’une anomalie, d’une iniquité sociale sans en être l’auteur, en quoi dois-je encourir la condamnation générale ?]
En rien. Par contre, si vous êtes bénéficiaire d’une anomalie, et qu’étant conscient de son existence vous ne faites rien pour la corriger, on peut sérieusement se poser des questions sur vos motivations.
[Et les catégories dominantes sont partiellement désignées par qui ?]
Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. Qui désigne le gagnant d’une bataille ? Et bien, c’est celui qui après le combat reste maître du champ de bataille, et il n’a besoin de personne pour le « désigner ». Et de la même manière, personne n’a « désigné » le bloc formé pour la bourgeoisie et les classes moyennes pour être « dominant ». C’est le rapport de forces qui le fait.
[Vous voyez bien – du moins je l’espère – que les relations socioéconomiques ne vont pas en se simplifiant depuis l’époque où le serf recevait juste de quoi survivre en contrepartie de son travail de bagnard.]
Non, je ne vois pas bien. Et j’ajoute que le gambit « vous voyez bien que j’ai raison » est indigne de vous.
[Pour apprécier, il faut d’abord aimer. Aimer peut-être aveuglément, aimer la mélodie, la chaleur de la voix, le personnage. Ensuite viendra la motivation pour comprendre et rechercher, sans forcément l’incitation d’autrui, ce que les mots signifient.]
Je vois que vous adhérez à la vision de Malraux : l’œuvre d’art ne se perçoit qu’à travers la sensibilité. D’où le conflit avec le ministère de l’éducation, dont les professeurs, en essayant d’expliquer l’œuvre, détruisaient la pure émotion esthétique. Personnellement, je n’ai jamais partagé cette vision. Est-ce que vous pourriez « apprécier » Brassens comme vous le faites s’il chantait en russe ou en mandarin ?
[Mais je suis un irréductible individualiste car dans les petites villes industrielles et ouvrières des années 60, en dehors du patronage de la paroisse, il n’était possible de compter que sur soi-même et la culture se construisait de bric et de broc, sans structuration.]
Il y avait quand même vos parents et l’école, non ?
[Je vais vous donner un exemple personnel : depuis 3 ou 4 ans je me suis entiché de la philosophie de Spinoza.]
Oui, j’ai cru remarquer… 😉
[Sujet ardu sur lequel j’éprouve beaucoup de difficultés à comprendre malgré des centaines d’heures de travail. Cette occupation amateur m’est permise parce qu’entre autres j’ai pu répertorier plus de 100 vidéos de 10 minutes à 2 heures, traitant par les meilleurs spécialistes français, de la question.]
Mais quel langage parlent ces « spécialistes » ? Où l’avez-vous appris, pour pouvoir comprendre leurs leçons ? Vous n’avez peut-être pas eu la chance de pouvoir suivre l’enseignement supérieur, mais vous avez bénéficié d’une école et sans doute de parents qui vous ont donné des bases solides que ce soit en langue ou en discipline de travail.
[Certes, mais après avoir dit ça, que sait-on de ce qui est ou n’est pas possible, entre ce qui est illégal, illicite, illégitime, immoral, inaccessible ?]
La plus puissante des barrières est celle de l’impensable. C’est-à-dire des choix que vous ne pouvez pas faire tout simplement parce qu’ils vous paraissent inconcevables.
[La société qui, actuellement le permet a dû édicter des règles de fonctionnement hyper complexes qui n’existaient pas il y a 3 siècles. Et plus les règles sont complexes, plus il y a de possibilités de les contourner pour un individu qui s’en donne les moyens.]
Encore une fois, les règle de promotion sociale sont complexes, mais pas plus complexes de celles d’il y a trois siècles. Rien que la question des préséances (qui devait céder le passage à qui, qui pouvait s’asseoir devant qui, et dans quel type de chaise) occupent des tomes. La complexité des règles de hiérarchie entre les nobles – mais aussi entre les artisans et les bourgeois – était infiniment plus grande que celle qui préside à nos rapports aujourd’hui.
Allez, je vais être iconoclaste : la tendance de nos sociétés actuelles n’est pas à la COMPLEXIFICATION, mais à la SIMPLIFICATION. Là où hier l’ancien régime distinguait des dizaines, voire des centaines de niveaux hiérarchiques, chacun avec des droits et des obligations différentes, la Révolution a instauré un statut unique. A l’infinité de coutumes, règles et « droits locaux » on a substitué un droit largement uniforme. Des dizaines et dizaines de rituels qui ponctuaient la vie des gens il ne reste que quelques-uns – et encore, ils ne sont plus obligatoires. Même le langage tend à se simplifier, à s’appauvrir.
[Sans vouloir vous offenser, Platon, Aristote ont vécu en Grèce, bien avant la domination romaine et ne doivent sans doute pas grand-chose à la philosophie des Romains. Le contraire est attesté par tous les spécialistes historiens de la philosophie.]
Certes. Mais si nous lisons Platon et Aristote, c’est en grande partie parce que la romanité s’y est intéressée. Les romains n’étaient pas seulement des créateurs, ils avaient une extraordinaire capacité de reprendre la pensée des autres.
[Concernant le « haut du pavé », même s’il y a de bons et beaux restes, ce sont des restes.]
Nous sommes tous voués au trépas. Nous ne survivons que par nos œuvres. Si vous voulez qualifier ces œuvres des « restes », pourquoi pas. Mais alors, il faut étendre le raisonnement aux autres : notre lien avec la romanité n’est ni plus ni moins fort que celui du chinois d’aujourd’hui avec l’âge d’or de l’Empire du Milieu.
[La domination de l’empire romain n’est plus à l’ordre du jour ni prévisible dans son advenance.]
Ni plus ni moins que celle de l’Empire du Milieu…
[Et après tout, un homme Chinois ou Indiens ou encore Nigérian n’est, à priori ni plus ni moins intelligent qu’un Européen et son pays peut tout aussi bien entretenir une espérance d’hégémonie que des pays beaucoup moins peuplés.]
Mais dans ce cas, comment expliquer que ni le Nigéria, ni l’Inde, ni la Chine n’aient produit un Aristote, un Hérodote ou un Archimède ? Pourquoi la philosophie est née en Grèce, et nulle part ailleurs, alors qu’il y avait des royaumes bien plus puissants et plus riches ? Il faut conclure que ce n’est pas seulement une question d’intelligence individuelle, mais aussi d’intelligence sociale. Pour une raison qui demeure en partie mystérieuse, certains aristocrates d’un petit peuple du Péloponnèse ont commencé à se poser des questions que personne d’autre ne s’était posé avant eux.
—pensez juste à la complexité des rituels destinés à assurer la légitimité du Pharaon en tant que dieu vivant… franchement, à côté l’élection semble infiniment plus simple. Et pas besoin de construire une pyramide…—
Si ! Au Louvre…
@ Gugus69
[“pensez juste à la complexité des rituels destinés à assurer la légitimité du Pharaon en tant que dieu vivant… franchement, à côté l’élection semble infiniment plus simple. Et pas besoin de construire une pyramide…” Si ! Au Louvre…]
Au moins notre Pharaon n’a pas poussé le bouchon jusqu’à se faire enterrer dedans avec tout son mobilier… si ce n’est pas de la simplicité, je me demande ce que c’est.
@ Descartes
Bonjour,
[Je ne suis pas sûr de comprendre à quoi vous faites référence. Pouvez-vous donner un exemple de ces questions « qui se posent d’elles-mêmes » ?]
Un exemple actuel pour illustrer mon propos : la Covis19. Si la même pandémie était advenue il y a 30 ou 40 ans, les autorités – le cas échéant – auraient simplement recommandé des mesures barrières élémentaires et auraient fait avec les moyens du bord pour répondre aux cas difficiles en hôpital. Et l’actualité en cours aurait effacée rapidement cette question, sans ou avec peu de confinement et donc sans les problèmes économiques que cela engendre actuellement.
Notre société contemporaine est telle que le même problème sanitaire crée des tas d’interrogations affichées et exprimées sur tous les médias, fait l’objet de controverses parmi les scientifiques, de pas de clerc chez les autorités, de mouvements browniens dans la population, de questionnements éthiques sur la répartition des soins, etc. . . autant de questions dont on se passait il y a quelques années.
Pour échapper au virus, dans les têtes c’est devenu bien plus complexe !
Les agitations sociétales auxquelles vous faites souvent référence se présentent sous le même aspect. Alors qu’avant, ces questions, si elles se posaient, n’engendraient pas l’hystérie collective et les débats sans fin de maintenant. C’était plus simple à suivre.
[[Vous voyez bien – du moins je l’espère – que les relations socioéconomiques ne vont pas en se simplifiant depuis l’époque où le serf recevait juste de quoi survivre en contrepartie de son travail de bagnard.]
[Non, je ne vois pas bien. Et j’ajoute que le gambit « vous voyez bien que j’ai raison » est indigne de vous.]]
Je ne saisis pas très bien votre acception du mot « gambit » ni la sévérité d’une indignité à espérer, après une bonne liste d’arguments, faire bouger les lignes de force de votre conviction d’un monde qui se simplifierait au fil des siècles. A votre avis, cette simplification, poussée dans un avenir lointain, c’est à dire dans un ou deux millénaires, aboutira à quoi pour les sociétés futures ?
Une hypothèse me paraît défendable, si tel était le cas, celle de sociétés où une très petite minorité vit confortablement sur des ilots de prospérité alors que le reste de la planète peuplée d’êtres décervelés, maintenus en vie juste assez afin de pourvoire à tous les besoins de la caste.
[Je vois que vous adhérez à la vision de Malraux : l’œuvre d’art ne se perçoit qu’à travers la sensibilité.]
J’ignorais ! en tout cas je ne la renie pas entièrement.
Mais je réfute tout de même le “ne – – – qu’ ”
Entre l’art pariétal et l’art contemporain l’évolution de la complexité me paraît évidente et justement, vous indiquez qu’il est nécessaire de bénéficier d’un décodage pour y accéder, notamment pour l’art moderne, si je vous comprends bien.
Cependant, la question que je me pose et vous pose est le risque de détournement de l’intention du créateur de l’œuvre dont l’interprétation devra passer par un intermédiaire.
Ce type de réaction me fait craindre, justement, cette « décervélisation » dont je parlais précédemment sous la férule d’une autorité qui nous dicte l’orientation de nos sentiments naturels.
Dans le réel, je préfère avoir une réaction personnelle avant que l’on me dicte quoi et comment voir, penser, ressentir. C’est sans doute pourquoi je n’ai jamais adhéré à un syndicat ou un parti.
Maintenant, je ne rejette pas l’éclairage que peuvent m’apporter des experts sur des œuvres, à la condition qu’ils ouvrent ma perception, non qu’ils la détournent.
Vous écrivez dans une précédente réponse : « Or, pour ce qui concerne notre échange, ce n’est pas la complexité objective qui est importante, mais la complexité subjective, c’est-à-dire, la vision que chacun de nous en a. »
Je suis tout à fait d’accord sur cette nuance et si je m’en réfère à ce que j’entends autour de moi, comme sur les médias, la dégradation ressentie dans les activités humaines telles que les conditions de travail, l’accès à l’emploi, la bureaucratisation généralisée, les relations sociales, le délitement des idéologies, etc . . ., bien des choses que vous dénoncez par ailleurs, ne me semble pas aller dans le sens d’une simplification, dans la plupart des domaines vécus par les citoyens. Face à la complexité croissante, des outils de plus en plus perfectionnés sont à leur disposition, mais ça ne rend pas les choses plus simples.
Quand mes parents ont acheté une télé, ils appuyaient sur le bouton et la boite donnait immédiatement (ou presque) des images et des sons, sur la chaine unique.
Allez voir un vendeur spécialisé chez Darty ou ailleurs et posez-lui quelques questions assez ordinaires sur l’utilisation fonctionnelle d’un poste avec toutes ses possibilités, des modes de réception, des programmes accessibles et/ou conditionnés. Vous mesurerez rapidement la différence de complexité des deux situations dans son incapacité à répondre clairement sur pas mal de questions posées.
Et je ne m’étends pas sur la « cacaphonie » – ce mot néologique me paraît plus judicieux que tout autre – à laquelle on assiste sur la plupart des sujets.
@ Marcailloux
[« Je ne suis pas sûr de comprendre à quoi vous faites référence. Pouvez-vous donner un exemple de ces questions « qui se posent d’elles-mêmes » ? » Un exemple actuel pour illustrer mon propos : la Covis19. Si la même pandémie était advenue il y a 30 ou 40 ans, les autorités – le cas échéant – auraient simplement recommandé des mesures barrières élémentaires et auraient fait avec les moyens du bord pour répondre aux cas difficiles en hôpital. Et l’actualité en cours aurait effacée rapidement cette question, sans ou avec peu de confinement et donc sans les problèmes économiques que cela engendre actuellement.]
Possiblement. Mais ce n’est pas parce que la société est aujourd’hui plus frileuse quant aux réponses apportées qu’elle se pose plus de questions. Je persiste : le problème n’est pas qu’on se pose plus de questions, mais qu’on s’en pose moins. Pour reprendre votre exemple, il y a trente ou quarante ans les gens auraient par eux-mêmes réfléchi aux moyens de maintenir l’activité économique et sociale, au lieu d’attendre collés à la télévision que les autorités leur disent quoi faire. Il y a trente ou quarante ans, les gens investissaient leur énergie à résoudre les problèmes, au lieu de l’employer à se plaindre et se victimiser parce que quelqu’un d’autre ne les résout pas pour eux.
Je vais vous donner un exemple que je crois avoir déjà cité. En Juin 1944, alors que le débarquement était en cours, les épreuves du baccalauréat ont été organisées en Normandie. Les fonctionnaires chargés de la question étaient priés de trouver des solutions permettant aux épreuves de se dérouler, et la plupart y ont réussi et les examens ont bien eu lieu, avec les obus et les bombes en bruit de fonds. Aujourd’hui, on voit les syndicats enseignants proposer qu’on reporte la rentrée scolaire…
Au risque de me répéter : la première question que les gens se posaient il y a trente ou quarante ans devant un problème est « comment je fais pour le résoudre, ou du moins pour le contourner ». Et cela entrainait toute une série de questions derrière. Aujourd’hui, la réaction spontanée est plutôt de chercher quelqu’un à blâmer – ou d’ouvrir le parapluie, selon les situations.
[Notre société contemporaine est telle que le même problème sanitaire crée des tas d’interrogations affichées et exprimées sur tous les médias, fait l’objet de controverses parmi les scientifiques, de pas de clerc chez les autorités, de mouvements browniens dans la population, de questionnements éthiques sur la répartition des soins, etc. . . autant de questions dont on se passait il y a quelques années.]
Pardon, mais… il ne faut pas confondre le microcosme médiatique et l’ensemble de la population. Que le microcosme médiatique cherche à créer l’angoisse, c’est logique : ça fait vendre du papier et donc du « temps de cerveau disponible ». Et poser des questions – de préférence des questions qui n’ont pas de réponse – est la meilleure façon de créer cette angoisse. Mais de là à penser que les gens dans leur masse se posent ces questions… franchement, je ne le crois pas. Pensez par exemple au débat sur la chloroquine, débat totalement artificiel.
[Pour échapper au virus, dans les têtes c’est devenu bien plus complexe !]
Vraiment ? Il y a quelques siècles, on aurait discuté interminablement pour savoir quel péché la communauté avait pu commettre pour être ainsi puni. On aurait débattu s’il fallait brûler telle ou telle sorcière pour faire cesser la calamité. On se serait demandé quel saint était susceptible de donner la meilleure protection, et si la construction d’une églilse ou d’une chapelle était la meilleure arme pour combattre la maladie. Et on aurait engagé des rituels compliqués, organisé des processions, fait des pèlerinages ou des exorcismes. Franchement, je trouve qu’à côté de ces questions, les nôtres sont bien plus simples, non ?
[Les agitations sociétales auxquelles vous faites souvent référence se présentent sous le même aspect. Alors qu’avant, ces questions, si elles se posaient, n’engendraient pas l’hystérie collective et les débats sans fin de maintenant. C’était plus simple à suivre.]
L’hystérie n’est pas une source de complexité, tout au plus de complications, ce qui n’est pas la même chose.
[Je ne saisis pas très bien votre acception du mot « gambit » ni la sévérité d’une indignité à espérer, après une bonne liste d’arguments, faire bouger les lignes de force de votre conviction d’un monde qui se simplifierait au fil des siècles.]
La répétition d’une affirmation ne constitue pas un argument. Je vous demande de donner des exemples CONCRETS illustrant cette « complexité croissante », et je n’obtiens aucune réponse claire.
[A votre avis, cette simplification, poussée dans un avenir lointain, c’est à dire dans un ou deux millénaires, aboutira à quoi pour les sociétés futures ?]
Elle « n’aboutira » pas. Depuis le début de l’histoire, l’humanité passe par des phases successives de simplification et de complexification. Prenez par exemple la question linguistique : il y a eu toute une phase où les élites ont été « romanisées » et ont utilisé le latin comme langue véhiculaire. Plus tard, la naissance des états-nations a conduit à la diversification linguistique, chaque élite « nationale » parlant sa langue. Et maintenant, on revient à une langue véhiculaire unique, le « globish ». Même chose avec le spectre religieux : on est passés d’une successivement par des phases de complexification, avec la multiplication des sectes et des dieux, et des périodes d’uniformisation et de simplification.
Ma vision personnelle est que nous sommes à une époque d’uniformisation, et donc de simplification. Cela ne durera probablement pas indéfiniment, mais on y est encore pendant quelques années.
[Une hypothèse me paraît défendable, si tel était le cas, celle de sociétés où une très petite minorité vit confortablement sur des ilots de prospérité alors que le reste de la planète peuplée d’êtres décervelés, maintenus en vie juste assez afin de pourvoir à tous les besoins de la caste.]
Ce que vous décrivez là, c’est l’histoire de l’humanité. Qu’était l’Europe de l’antiquité ou du moyen-âge sinon « une petite minorité vivant confortablement sur des ilots de prospérité alors que le reste de la planète était peuplé d’être décervelés etc… » ? Nous avons oublié cette histoire parce que depuis la fin du XVIIIème siècle nous vivons dans l’ombre du projet universaliste des Lumières qui postulait la possibilité de donner les mêmes droits à tous les hommes, de généraliser le savoir et l’éducation et de donner une vie digne non seulement à une minorité, mas à tous les êtres humains. Bref, l’idée que la Raison et la prospérité pouvaient être partagées. Ce projet né avec les Lumières et poursuivi par les penseurs du mouvement ouvrier correspondait à un moment particulier du capitalisme. Le capitalisme ayant changé, il apparaît pour beaucoup obsolète.
[« Je vois que vous adhérez à la vision de Malraux : l’œuvre d’art ne se perçoit qu’à travers la sensibilité. » J’ignorais ! en tout cas je ne la renie pas entièrement.]
C’est une querelle un peu oubliée… comme est oublié le fait que le ministère de la Culture est d’abord le témoignage de la rebellion du monde de la culture contre celui de l’Instruction publique. Malraux proclamait sa détestation des « professeurs » qui ne peuvent que « tuer l’élan artistique ». Son idée est que l’œuvre d’art se défend par elle-même, sans qu’il soit utile de la replacer dans un contexte, bref, qu’il fallait chasser la pensée rationnelle du champ culturel (j’exagère à peine). Personnellement, je n’ai jamais été convaincu par le raison, et je regrette qu’en France on ait séparé la « culture » (au sens du ministère du même nom) des autres savoirs.
[Mais je réfute tout de même le “ne – – – qu’ ”]
Pas compris la question.
[Entre l’art pariétal et l’art contemporain l’évolution de la complexité me paraît évidente et justement, vous indiquez qu’il est nécessaire de bénéficier d’un décodage pour y accéder, notamment pour l’art moderne, si je vous comprends bien.]
Entre l’art pariétal et les « bleus » de Klein, par exemple, diriez qu’il y a une « évidente » évolution de la complexité ? Cela se discute. Mais entre Rembrandt ou Da Vinci et Klein, il y me semble avoir une évidente simplification dans les techniques, vous ne trouvez pas ? Ce qui tend à justifier ma « théorie de l’accordéon », selon laquelle a des époques de complexification succèdent des périodes de simplification, et vice-versa.
[Cependant, la question que je me pose et vous pose est le risque de détournement de l’intention du créateur de l’œuvre dont l’interprétation devra passer par un intermédiaire.]
Pourquoi « par un intermédiaire » ? L’art est un langage, et comme tout langage il exige un apprentissage. Une fois que vous connaissez le langage, vous pouvez « interpréter » à votre convenance et sans intermédiaire. Et éventuellement confronter la votre aux autres interprétations historiques. Je vais vous raconter une anecdote personnelle : il y a quelques années j’ai accompagné un groupe d’étudiants d’une école fort prestigieuse dans un déplacement à Bruxelles. Comme on avait l’après-midi libre, une partie des étudiants a profité pour visiter les collections du musée royal des beaux-arts. En parcourant la collection de peinture italienne, ou l’on trouve de nombreux tableaux de saints, un étudiant s’est étonné de voir un personnage avec un grill à la main. Un détail incongru pour quiconque ne sait pas qu’à l’époque il était d’usage de représenter les saints avec à la main l’instrument de leur martyre ou un autre attribut qui rappelle celui-ci (le grill pour Saint Laurent, la tête coupée pour Saint Denis, la roue pour Sainte Catherine, les flèches pour Saint Sébastien). Cela permettait aux fidèles, souvent illettrés mais connaissant la vie des saints de les identifier au premier coup d’œil.
Peut-être que l’émotion esthétique n’a pas besoin de connaître ce détail. Mais une fois que j’eut expliqué cette habitude de représentation et son origine les étudiants ont trouvé un nouvel intérêt à l’observation des peintures, et une nouvelle lecture de celles-ci. La représentation n’est pas plus que le langage quelque chose de naturel et universel. Ils reposent tous deux sur des conventions, dont certaines sont tellement incorporées à notre culture qu’elles paraissent naturelles… mais elles ne le sont pas ! C’est pourquoi nous ne pouvons pas « interpréter » l’art pariétal, pas plus que nous ne pouvons lire un texte dont nous ne connaissons pas la langue.
[Ce type de réaction me fait craindre, justement, cette « décervélisation » dont je parlais précédemment sous la férule d’une autorité qui nous dicte l’orientation de nos sentiments naturels.
Dans le réel, je préfère avoir une réaction personnelle avant que l’on me dicte quoi et comment voir, penser, ressentir. C’est sans doute pourquoi je n’ai jamais adhéré à un syndicat ou un parti.]
Sans ironie, je trouve très intéressant nos différences sur ce point, et qui tiennent probablement à une expérience très différente dans notre formation. Pour vous, l’autorité qui impose « quoi et comment voir » est un danger. Pour moi, c’est exactement le contraire : il FAUT une autorité qui vous dise « quoi et comment voir ». Parce que ce faisant, l’autorité se verra obligée de structurer une théorie de ce qu’il faut ou qu’il ne faut pas voir. Et ce faisant, elle vous donnera non seulement le langage qui vous permet de lire « ce qu’il faut voir » mais aussi de vous rebeller contre le canon et d’aller vers des choses nouvelles. Ce n’est pas par hasard si les plus grands innovateurs ont été d’abord formés par l’enseignement le plus classique et conservateur. Parce que pour mettre le nez sur le côté de la figure comme le fait Picasso, il faut d’abord savoir comment le mettre au bon endroit. Et les plus enragés des soixante-huitards sont les enfants du lycée des années 1950, du grec et du latin.
Comme disait Lacan, « là où tout est permis, rien n’est subversif ». Le risque n’est pas une autorité qui vous dit « quoi et comment regarder » : on peut toujours se rebeller contre elle. Le vrai risque, c’est qu’il n’y ait plus d’autorité, et que du coup « tout se vaut ». Et dans ce cas, point de rébellion possible, parce qu’il est impossible de se rebeller là où tout est permis.
[Je suis tout à fait d’accord sur cette nuance et si je m’en réfère à ce que j’entends autour de moi, comme sur les médias, la dégradation ressentie dans les activités humaines telles que les conditions de travail, l’accès à l’emploi, la bureaucratisation généralisée, les relations sociales, le délitement des idéologies, etc . . ., bien des choses que vous dénoncez par ailleurs, ne me semble pas aller dans le sens d’une simplification,]
Encore une fois, j’aurais pensé que le passage d’une multitude d’idéologies concurrentes à une « pensée unique » est une simplification majeure. Pourquoi à votre avis cette « simplification » ne serait pas perçue comme telle subjectivement ?
Plus nous avançons dans cette discussion, et plus je me demande si vous ne mélangez plusieurs concepts sous la bannière de la « complexité ». Ce n’est pas parce que la vie devient plus angoissante, plus difficile, plus aléatoire qu’elle devient pour autant plus « complexe ». Pour ne donner qu’un exemple, la logique « victimiste » qui triomphe aujourd’hui est d’abord une logique de simplification. L’individu qui se perçoit comme acteur a une infinité de variables à prendre en compte pour pouvoir agir sur le réel. Postuler l’impuissance à agir – qui est l’hypothèse sous-jacente de la logique victimiste – vous dispense de cette complexité.
[Quand mes parents ont acheté une télé, ils appuyaient sur le bouton et la boite donnait immédiatement (ou presque) des images et des sons, sur la chaine unique.]
Vous aviez de la chance. Quand mes parents ont acheté une télé, on appuyait sur le bouton et puis l’image était exécrable, il fallait orienter l’antenne (et donc comprendre quelle était la « bonne » façon de la placer selon les heures de la journée). Il fallait aussi trouver les fréquences des différentes chaînes, parce qu’il n’y avait pas de programmation ou de scan automatique. Aujourd’hui, avec la TNT tout cela est devenu superflu… quelle simplification, n’est-ce pas ?
[Allez voir un vendeur spécialisé chez Darty ou ailleurs et posez-lui quelques questions assez ordinaires sur l’utilisation fonctionnelle d’un poste avec toutes ses possibilités, des modes de réception, des programmes accessibles et/ou conditionnés. Vous mesurerez rapidement la différence de complexité des deux situations dans son incapacité à répondre clairement sur pas mal de questions posées.]
Mais croyez-vous que les gens se posent – et posent – toutes ces questions ? Bien sur que non – autrement, les vendeurs seraient capables de répondre. Parce que pour la plupart des usages « normaux », la machine se débrouille toute seule. Vous lancez le « scan » automatique des chaînes, et la machine s’occupe du reste. La sensibilité de l’appareil rend les réglages d’antenne inutiles. D’ailleurs vous noterez que beaucoup de matériels et de logiciels sont vendus sans manuel, tant leur usage est « intuitif ».
Dire que les objets qui nous entourent sont de plus en plus complexes est, je suis d’accord, une banalité. Mais si l’on passe au plan subjectif, c’est-à-dire la perception que les gens en ont, cette complexité n’apparaît nullement. Il est beaucoup plus « simple » d’utiliser un ordinateur ou un logiciel aujourd’hui que cela ne l’était il y a trente ans, quand le « plug and play » et l’interface intuitive n’existaient pas.
@ Descartes
Bonjour,
[[Mais je réfute tout de même le “ne – – – qu’ ”]
[Pas compris la question.]]
Il n’y a pas de question, c’est une simple affirmation à partir de l’assertion « – – – la vision de Malraux :l’œuvre d’art NE se perçoit QU’à travers la sensibilité »
C’est l’exclusive de Malraux dans le « ne se perçoit qu’à travers – – » qui me dérange.
Pour conclure dans notre discussion sur la complexité, je reconnais que vos arguments ont ébranlés ma perception de cette notion, basée essentiellement sur le choix partial de ce que vous notez plus haut entre la complexité réelle et la complexité perçue.
C’est une récente rapide lecture d’un article sur Berkeley et son « Esse est percipi », qui m’a sans doute orienté vers ce choix et j’ai fait l’impasse sur la littérature des experts es complexité 😏 .
Merci encore pour tous ces développements.
@ Descartes,
“Aujourd’hui, on voit les syndicats enseignants proposer qu’on reporte la rentrée scolaire…”
Je nuancerais: certains syndicats enseignants, dont le syndicat majoritaire FSU. Le SNALC par exemple n’a pas à ma connaissance réclamé un report de la rentrée puisque le président de ce syndicat a déclaré: “le report de la rentrée d’une semaine serait un très mauvais signal envoyé aux élèves et aux familles” (propos du 19/08 réitérés le 20/08). Merci de ne pas mettre tout le monde dans le même sac:
https://www.snalc06-ecoles.info/
En tant qu’enseignant, je trouve ridicule et maladroit une telle proposition de report. Ridicule parce que si l’épidémie repart – ce qui semble être le cas – le problème sera le même le 15 septembre ou le 1er octobre. On ne va pas repousser la rentrée à janvier! Très maladroit parce qu’une fois de plus ces syndicats donnent l’image d’enseignants frileux, pusillanimes et paresseux. Or cette image n’est pas tout à fait juste: il y a aussi parmi les enseignants des gens dévoués et travailleurs. Je dirais même qu’il faut un certain courage pour enseigner dans certains établissements…
@ nationaliste-ethniciste
[“Aujourd’hui, on voit les syndicats enseignants proposer qu’on reporte la rentrée scolaire…”
Je nuancerais: certains syndicats enseignants, dont le syndicat majoritaire FSU. Le SNALC par exemple n’a pas à ma connaissance réclamé un report de la rentrée puisque le président de ce syndicat a déclaré: “le report de la rentrée d’une semaine serait un très mauvais signal envoyé aux élèves et aux familles” (propos du 19/08 réitérés le 20/08). Merci de ne pas mettre tout le monde dans le même sac:]
Vous avez tout à fait raison de rappeler que même si les syndicats enseignants sont majoritairement réticents à la réouverture des classes, ce n’est pas le cas de tous. Il ne reste pas moins qu’une majorité d’enseignants se laissent représenter par des syndicats qui, eux, montrent une coupable frilosité dans cette affaire.
[Très maladroit parce qu’une fois de plus ces syndicats donnent l’image d’enseignants frileux, pusillanimes et paresseux.]
Surtout, et c’est beaucoup plus grave, ils présentent l’école comme un service secondaire, dont on peut finalement se passer pendant une longue période sans que le pays en souffre. Même du point de vue purement syndical, c’est se tirer une balle dans le pied : les enseignants ont tout intérêt à ce que leur travail passe pour essentiel. Parce que si on peut se passer d’école pendant six mois sans problème, alors pas la peine de payer les enseignants à l’année.
[Or cette image n’est pas tout à fait juste: il y a aussi parmi les enseignants des gens dévoués et travailleurs. Je dirais même qu’il faut un certain courage pour enseigner dans certains établissements…]
Certainement, mais pas plus que pour être médecin, policier, pompier ou postier dans ces mêmes quartiers. Comme disait l’autre, il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens. Le métier d’enseignant est, je l’ai toujours dit, un métier très noble, peut être le plus noble de tous puisqu’il forme ceux qui rentreront dans la carrière quand leurs aînés ne seront plus. Mais à grande noblesse, grande responsabilité. Et au-delà de l’engagement personnel de certains enseignants, on ne peut dire que l’ambiance générale à l’Education Nationale soit au dévouement, au travail, au courage. Dites vous bien que si les syndicats majoritaires prennent une position pusillanime et frileuse, c’est probablement parce que leur base est majoritairement sur cette position.
@ Descartes,
“Certainement, mais pas plus que pour être médecin, policier, pompier ou postier dans ces mêmes quartiers.”
En effet, mais je ne crois pas avoir dit que les enseignants étaient plus courageux que les autres. J’ai seulement fait observer qu’ils ne l’étaient pas forcément moins. Par ailleurs, un certain nombre de salariés du privé qui nous critiquent en permanence ont des emplois moins exposés, et n’auraient pas forcément le courage de faire le travail de certains professeurs. Maintenant, je ne dis pas que les enseignants sont des héros.
Les fonctionnaires en général sont souvent critiqués, y compris sur ce blog par certains commentateurs. Tous les fonctionnaires ne sont pas exemplaires, c’est un fait, et c’est valable pour l’Education Nationale. Mais il n’est pas inutile de rappeler que la glandouille, la paresse, la lâcheté existent aussi dans le privé. C’était mon point.
“Et au-delà de l’engagement personnel de certains enseignants, on ne peut dire que l’ambiance générale à l’Education Nationale soit au dévouement, au travail, au courage.”
L’honnêteté m’oblige à vous donner raison, et croyez bien que je le déplore. Les enseignants ont certes leur part de responsabilité (notamment le rejet du principe hiérarchique par certains collègues, souvent syndiqués), mais il faut quand même remarquer que la lâcheté se rencontre à tous les étages: au rectorat, à l’inspection, au niveau des chefs d’établissements… A partir de ce constat, difficile d’exiger des professeurs qu’ils fassent preuve d’héroïsme.
“Dites vous bien que si les syndicats majoritaires prennent une position pusillanime et frileuse, c’est probablement parce que leur base est majoritairement sur cette position.”
J’ignore comment ça se passe dans les autres administrations et dans les entreprises privées, mais en ce qui concerne l’Education Nationale, je peux dire que dans tous les établissements où j’ai travaillé, seule une minorité des professeurs était syndiquée. C’est parmi cette minorité qu’on trouve les plus radicaux, les plus virulents, les plus revendicatifs, les “grandes gueules” mais aussi les gens qui connaissent le mieux la “machine” et qui savent faire entendre leur voix, et le cas échéant obtenir gain de cause pour eux ou pour un collègue. Et malheureusement, le discours de ces gens est souvent ultra-défensif: faut rien imposer aux profs, faut prendre des mesures parfois délirantes pour assurer la sécurité du personnel, faut accepter aucun compromis avec la direction. Beaucoup de professeurs ont un rapport ambivalent avec ces syndiqués: d’un côté, leur militantisme bruyant agace, et d’un autre côté, le jour où vous avez besoin de soutien, vous êtes bien contents de les trouver…
@ nationaliste-ethniciste
[En effet, mais je ne crois pas avoir dit que les enseignants étaient plus courageux que les autres. J’ai seulement fait observer qu’ils ne l’étaient pas forcément moins. Par ailleurs, un certain nombre de salariés du privé qui nous critiquent en permanence ont des emplois moins exposés, et n’auraient pas forcément le courage de faire le travail de certains professeurs. Maintenant, je ne dis pas que les enseignants sont des héros.]
Il y a à mon sens une différence fondamentale entre l’agent public et l’agent privé, qui ne se limite pas à la question de qui vous paye. Le privé est régi par un principe commercial : le client choisit à qui achète, mais le vendeur peut choisir à qui il vend. Si un client fait du grabuge dans un bar, le propriétaire peut lui interdire l’entrée. Le service public est régi par le principe d’universalité : il est tenu non seulement de prêter le service à tous ceux qui se présentent, mais il est en plus tenu de les traiter sur un pied d’égalité. Un supermarché peut se retirer d’un quartier qu’il estime trop dangereux, un livreur privé d’accepter une livraison dans un tel quartier. La police, l’éducation nationale ou la poste ne peuvent se permettre ce luxe.
La protection particulière dont bénéficient les fonctionnaires – et dont on exagère beaucoup la portée – est la conséquence logique des contraintes exceptionnelles auxquelles il est soumis.
[Les fonctionnaires en général sont souvent critiqués, y compris sur ce blog par certains commentateurs. Tous les fonctionnaires ne sont pas exemplaires, c’est un fait, et c’est valable pour l’Education Nationale. Mais il n’est pas inutile de rappeler que la glandouille, la paresse, la lâcheté existent aussi dans le privé. C’était mon point.]
Je le partage tout à fait. On tend à voir le secteur privé comme l’incarnation de l’efficacité au prétexte que n’ayant pas la sécurité de l’emploi, les agents privés seraient encouragés à mieux travailler – et que ceux qui ne le feraient pas seraient rapidement éliminés. C’est une vision très idéalisée du privé : quiconque aura eu le plaisir – si l’on peut dire – de dialoguer avec le service client d’un fournisseur de services internet sait de quoi je parle.
[“Et au-delà de l’engagement personnel de certains enseignants, on ne peut dire que l’ambiance générale à l’Education Nationale soit au dévouement, au travail, au courage.” L’honnêteté m’oblige à vous donner raison, et croyez bien que je le déplore. Les enseignants ont certes leur part de responsabilité (notamment le rejet du principe hiérarchique par certains collègues, souvent syndiqués), mais il faut quand même remarquer que la lâcheté se rencontre à tous les étages: au rectorat, à l’inspection, au niveau des chefs d’établissements… A partir de ce constat, difficile d’exiger des professeurs qu’ils fassent preuve d’héroïsme.]
Je n’exige rien, je constate. Comme vous le savez, je suis plus intéressé par les mécanismes collectifs que par les défaillances individuelles. La question qui m’intéresse est de savoir pourquoi l’Education Nationale, qui fut en sont temps une avant-garde combattante de la République est devenue – à tous les étages, comme vous le signalez – une administration frileuse. Ce qui nous ramène à la vision que notre société propage de la fonction publique en général et de la fonction enseignante en particulier. Au-delà des individualités, le corps enseignant a incorporé une certaine vision « anarchisante » de l’enseignant, qui en fait une sorte de « Robin-Hood » censé protéger ses élèves contre le « système ». Ce qui introduit une certaine contradiction dans la mesure où il est lui-même agent de ce système et payé par lui.
C’est d’ailleurs une posture de plus en plus courante dans beaucoup de métiers : des gens payés par une institution et qui se proclament « rebelles » contre celle-ci. Sans jamais expliquer pourquoi une institution devrait continuer à rémunérer les gens qui veulent sa destruction. La perpétuation de cette contradiction montre qu’elle n’est qu’apparente : ces présumés « rebelles » sont d’abord des conformistes. Ils font ce que le « système » attend d’eux.
[J’ignore comment ça se passe dans les autres administrations et dans les entreprises privées, mais en ce qui concerne l’Education Nationale, je peux dire que dans tous les établissements où j’ai travaillé, seule une minorité des professeurs était syndiquée.]
C’est aussi le cas dans les autres administrations et dans les entreprises privées. Et ce n’est pas nouveau : même à la meilleure époque, les syndicats n’ont jamais dépassé en France quelques millions d’adhérents, pour quelques dizaines de millions de salariés. Cela tient à la conception française de la négociation collective, marquée par la logique égalitaire. Il est impensable en France de réserver les bénéfices de la négociation collective aux seuls syndiqués, comme c’est le cas dans beaucoup de pays européens. Certaines corporations – je pense par exemple aux ouvriers du Livre – ont conservé quelque temps ce type de structure, et du coup une très forte syndicalisation. Mais la logique du « closed shop » ne s’est jamais généralisée en France.
Cela étant dit, le fait que les syndiqués soient une minorité n’implique pas qu’ils ne soient pas représentatifs. Une minorité agissante peut être soutenue par une majorité plus rétive au risque, ou tout simplement paresseuse. Dans le cas des enseignants, ce soutient fut pendant très longtemps assez fort, avec des enseignants qui suivaient assez fortement les directives syndicales. Je ne saurais dire si c’est toujours le cas aujourd’hui.
[Et malheureusement, le discours de ces gens est souvent ultra-défensif: faut rien imposer aux profs, faut prendre des mesures parfois délirantes pour assurer la sécurité du personnel, faut accepter aucun compromis avec la direction.]
C’est cela que je critique. On peut comprendre que les syndicats prennent une position ultra-défensive, compte tenu des coups permanents contre les statuts portés ces trente dernières années. Mais défendre la profession, c’est aussi défendre l’institution qui l’héberge. Pour parler de ce que je connais bien, dans une entreprise comme EDF les syndicats défendront pied à pied les « avantages acquis », mais défendront tout aussi ardemment l’image de leur entreprise. Ce qui me gêne dans la position des syndicats enseignants, c’est qu’ils n’hésitent pas à porter des coups à leur propre institution.
[Beaucoup de professeurs ont un rapport ambivalent avec ces syndiqués: d’un côté, leur militantisme bruyant agace, et d’un autre côté, le jour où vous avez besoin de soutien, vous êtes bien contents de les trouver…]
C’est ce type de rapport qui a fait la fortune de la mafia au cours de l’histoire…
@ n-e
[Les fonctionnaires en général sont souvent critiqués, y compris sur ce blog par certains commentateurs. Tous les fonctionnaires ne sont pas exemplaires, c’est un fait, et c’est valable pour l’Education Nationale. Mais il n’est pas inutile de rappeler que la glandouille, la paresse, la lâcheté existent aussi dans le privé. ]
J’espère que vous ne me mettez pas dans le lot… Non, je pense en effet que les fonctionnaires servent de bouc-émissaire facile dans un certain discours démagogique droitier, que je trouve assez insupportable. Après, et je pense que c’est ce que Descartes a voulu vous dire d’une certaine façon, je pars du principe que le fonctionnaire doit être tenu à un plus haut niveau de sens du devoir que le salarié du privé. Qu’une caissière de supermarché ne se sente pas de remords de protester contre une reprise du travail, je comprends bien plus cette attitude que chez un enseignant… En d’autres termes, je pense que la caissière n’a pas à faire preuve de courage, mais l’enseignant oui, un minimum.
@ BolchoKek
[Après, et je pense que c’est ce que Descartes a voulu vous dire d’une certaine façon, je pars du principe que le fonctionnaire doit être tenu à un plus haut niveau de sens du devoir que le salarié du privé.]
Exactement. On a parlé de la fonction publique comme une « noblesse d’Etat ». Et bien, noblesse oblige. Les agents publics bénéficient d’un certain nombre de protections et d’avantages payés par nos concitoyens. En contrepartie, nos concitoyens ont le droit d’exiger des agents publics un sens du devoir a proportion. Si la sécurité de l’emploi et la carrière à l’ancienneté n’ont aucune contrepartie, nos concitoyens finiront par les rejeter. Et ils auront raison.
@ Bolchokek,
“J’espère que vous ne me mettez pas dans le lot…”
Non, je faisais référence à un échange récent entre Descartes et un autre commentateur qui se montrait très critique envers les fonctionnaires.
Beaucoup de commentateurs défendent aussi la fonction publique.
@ Descartes,
“En contrepartie, nos concitoyens ont le droit d’exiger des agents publics un sens du devoir a proportion.”
Je suis tout à fait d’accord. Je me permettrais cependant deux remarques:
1) Concernant le confinement, et le fait que les enseignants sont aujourd’hui accusés par certains d’avoir eu “trois mois de vacances supplémentaires”, il n’est pas inutile de rappeler que nous avons seulement obéi aux ordres. Autrement dit, je n’ai pas décidé de travailler en distanciel, j’ai suivi les directives du ministère. Et lorsque le confinement a été levé, dans mon établissement en tout cas, tous les professeurs qui n’avaient pas de raison valable sont revenus travailler.
2) Il y a pour moi une contrepartie au “sens du devoir”: c’est un peu de reconnaissance de la société. Moi, je ne suis qu’un homme, et quand j’essaie de faire mon travail le mieux possible, quand je m’efforce d’être loyal et honnête vis-à-vis de ma hiérarchie comme de la population, j’aimerais autre chose, parfois, que les insultes et les quolibets. C’est bien d’exiger le meilleur des enseignants, des policiers, des soignants, des préfets, etc. Mais lorsque les gens font correctement leur travail, il faut aussi savoir dire “merci”. Et ça, les gens ont du mal aujourd’hui.
@ nationaliste-ethniciste
[1) Concernant le confinement, et le fait que les enseignants sont aujourd’hui accusés par certains d’avoir eu “trois mois de vacances supplémentaires”, il n’est pas inutile de rappeler que nous avons seulement obéi aux ordres. Autrement dit, je n’ai pas décidé de travailler en distanciel, j’ai suivi les directives du ministère. Et lorsque le confinement a été levé, dans mon établissement en tout cas, tous les professeurs qui n’avaient pas de raison valable sont revenus travailler.]
Je pense que ceux qui accusent les enseignants d’avoir pris « trois mois de vacances supplémentaires » pensent surtout aux enseignants qui n’ont pas obéi aux ordres, qui n’ont pas organisé un suivi de leurs élèves à distance, qui n’ont pas envoyé des contenus et des exercices et qui ne les ont pas corrigés. Si je crois une étude de l’Education Nationale, il y a autour de 10% des enseignants qui se sont comportés ainsi. L’Education Nationale ferait bien de sanctionner les fautifs, et les syndicats feraient bien de soutenir les sanctions. Il y va de la crédibilité de la profession : un corps qui n’est pas capable de faire sa propre police trouvera toujours des censeurs extérieurs.
[2) Il y a pour moi une contrepartie au “sens du devoir”: c’est un peu de reconnaissance de la société. Moi, je ne suis qu’un homme, et quand j’essaie de faire mon travail le mieux possible, quand je m’efforce d’être loyal et honnête vis-à-vis de ma hiérarchie comme de la population, j’aimerais autre chose, parfois, que les insultes et les quolibets.]
Je comprends, et je suis comme vous. Mais c’est là aussi la grandeur du métier de fonctionnaire que d’accepter l’incompréhension et l’ingratitude d’une partie de l’opinion. Vous savez, cela fait trente ans que je fournis de l’électricité à la France, tout en étant traité d’empoisonneur et d’assassin deux fois par semaine sur Arte. Je me console en me disant que comme Colbert ou Richelieu, j’aurai peut-être droit à un petit hommage deux siècles après ma mort…
[C’est bien d’exiger le meilleur des enseignants, des policiers, des soignants, des préfets, etc. Mais lorsque les gens font correctement leur travail, il faut aussi savoir dire “merci”. Et ça, les gens ont du mal aujourd’hui.]
Oui, et c’est logique. Dire « merci » revient à reconnaître qu’on doit. Or, l’idée qu’on pourrait devoir ce que l’on est à nos maîtres, à nos parents, aux institutions est en profonde contradiction avec l’idéologie dominante qui veut que chacun de nous se soit fait tout seul, non pas grâce à la société mais contre elle. L’école ? Un des « mécanismes répressifs de l’Etat » qui détruit la créativité et l’intelligence de l’enfant et le formate pour la société techno-industrielle (voir Ivan Illich, dont on a republié les œuvres récemment). Les soignants ? Des serviteurs de l’industrie pharmaceutique et qui nous cachent la vérité sur la chloroquine (voir l’étude bientôt publié sur les réseaux complotistes). Et ne parlons même pas des policiers… Comment dans ces conditions pourrait-on dire « merci » à nos professeurs, nos médecins, nos policiers, nos préfets ?
Balzac écrivait que « L’ingratitude vient peut-être de l’impossibilité où l’on est de s’acquitter ». Dans notre cas, plus que l’impossibilité, c’est la volonté de ne pas s’acquitter. C’est que, voyez-vous, il est difficile de dire « merci » d’un côté, et de tenir de l’autre le discours sur les fonctionnaires fainéants et privilégiés dont il importe de réduire le coût.
Je suis globalement d’accord avec votre article. J’ajouterais que l’erreur majeure faite – je dirais à partir des années 80 – est cette croyance absurde qu’une économie de services allait remplacer l’industrie. Car l’essentiel des services à valeur ajoutée importante (conseil, ingénierie, design, propriété intellectuelle, R&D externalisée, informatique, marketing, services export, logistique, de nombreux services juridiques…) sont des services à l’industrie. Sans industrie, il ne reste comme services à valeur ajoutée que les services financiers (et encore ceux qui ne dépendent pas de l’industrie), les services aux services financiers et à la distribution (juridiques, informatiques) et les services aux services publics (informatique ? je connais mal l’administration), soit au final pas grand monde. Tout le reste concerne des emplois peu qualifiés, peu payés – services à la personne, tourisme…
Bref – une économie de services puissante et rémunératrice ne peut reposer à long terme, que sur une industrie puissante. Nombreux sont les commentateurs qui ont en tête le Royaume-uni comme supposé contre exemple…mais le Royaume-uni s’est moins désindustrialisé que la France ! (en % de l’industrie dans le PIB)
@ Gauss
[Je suis globalement d’accord avec votre article. J’ajouterais que l’erreur majeure faite – je dirais à partir des années 80 – est cette croyance absurde qu’une économie de services allait remplacer l’industrie.]
Quelle « erreur » ? Il n’y a pas d’erreur, seulement une confrontation d’intérêts. Le remplacement de l’industrie par les services pénalise certaines couches sociales, mais fait l’affaire des autres. Pour la bourgeoisie – qui, on le sait bien, n’a pas de patrie – ce fut l’occasion d’augmenter massivement les profits en réduisant les dépenses salariales et liées à la réglementation. Pour les couches intermédiaires, qui travaillent essentiellement dans les services ou dans des emplois difficilement délocalisables, c’était l’opportunité d’acheter les biens à des prix nettement inférieurs. Ce n’est donc pas par « erreur » mais par intérêt que le bloc dominant a embrassé les politiques qui ont abouti à la désindustrialisation.
[Car l’essentiel des services à valeur ajoutée importante (conseil, ingénierie, design, propriété intellectuelle, R&D externalisée, informatique, marketing, services export, logistique, de nombreux services juridiques…) sont des services à l’industrie.]
Certes, mais ils peuvent être rendus à distance… Vous pouvez fabriquer vos smartphones en Chine, mais pour faire le marketing destiné à les vendre en France, mieux vaut être sur place.
[Quelle « erreur » ? Il n’y a pas d’erreur, seulement une confrontation d’intérêts]
Cette théorie fut probablement présentée ainsi à dessein par certains groupes d’intérêt – cela ne veut pas dire qu’elle fut vraie. Tout dépend du sens que l’on donne au mot ‘erreur’. Pour ceux qui ont écouté ce discours…c’est en tous cas une erreur de l’avoir cru
[Certes, mais ils peuvent être rendus à distance… Vous pouvez fabriquer vos smartphones en Chine, mais pour faire le marketing destiné à les vendre en France, mieux vaut être sur place.]
Car vous prenez l’exemple précis d’un service lié au marché de destination et réduisez le marketing à son aspect aval (or une partie importante des services marketing à l’industrie concernent l’amont, ils sont liés à la spécification de produits – cela se fait toujours en proximité avec la R&D qui elle même est souvent proche des sites de production dans une organisation optimale). La majeure partie des services à l’industrie que j’ai cités sont très liés aux lieux de production et de R&D (ingénierie, propriété industrielle, etc). J’ai fait toute ma carrière dans l’industrie, sur plusieurs activités couvrant plusieurs pays. Lors de mes différents postes, 90 % des achats de service pour mes activités se sont faits dans les pays où étaient basés les centres de production principaux (parce que de fait la R&D était basée là aussi, et donc le marketing, et les spécialistes en propriété industrielle, et les informaticiens…) tout ce beau monde utilisait bien évidemment des prestataires de service locaux. Dans l’industrie, les services liés aux marchés de destination, ne sont honnêtement qu’une part mineure en général. Un peu d’études de marché locales, de la pub / com, de la logistique. Ce ne sont pas non plus ceux qui demandent le plus d’expertise ni ceux qui rémunèrent le plus.
@ Gauss
[Cette théorie fut probablement présentée ainsi à dessein par certains groupes d’intérêt – cela ne veut pas dire qu’elle fut vraie. Tout dépend du sens que l’on donne au mot ‘erreur’. Pour ceux qui ont écouté ce discours…c’est en tous cas une erreur de l’avoir cru.]
Un discours qui n’est pas vrai n’est pas forcément une « erreur », cela peut être aussi un « mensonge ». Mais dans le cas présent, je me demande si c’est le cas. Après tout, du côté patronal la théorie de « l’entreprise sans usines » et « l’économie de la ocnnaissance » fut exposée noir sur blanc dans les meilleures publications, et enseignée dans nos écoles de commerce et dans nos universités. Et du côté de la « gauche bienpensante », les théories du « monde post-industriel » avec un retour à l’artisanat ont aussi été défendues ouvertement. Il est donc difficile de dire que la désindustrialisation est arrivée en cachette, conséquence non-désirée et non-prévue des politiques engagées. Je pense au contraire que pour le bloc dominant, cela a été un objectif plus ou moins assumé depuis de longues années.
[Car vous prenez l’exemple précis d’un service lié au marché de destination et réduisez le marketing à son aspect aval (or une partie importante des services marketing à l’industrie concernent l’amont, ils sont liés à la spécification de produits – cela se fait toujours en proximité avec la R&D qui elle-même est souvent proche des sites de production dans une organisation optimale).]
Je ne suis pas un grand connaisseur du domaine, je ne peux que parler par observation. De ce que je comprends, on a intérêt à « spécifier le produit » en tenant compte des demandes du marché de destination, ce qui suppose d’avoir une connaissance relativement profonde des habitudes, des préférences et des rejets des consommateurs, ce qui demande tout de même une certaine proximité culturelle avec eux. Par ailleurs, les sites de R&D sont de moins en moins proches des sites de production, notamment parce que les entreprises multinationales évitent de construire des ensembles qui pourraient être autonomes et donc susceptibles d’une prise de contrôle par les états.
[Dans l’industrie, les services liés aux marchés de destination, ne sont honnêtement qu’une part mineure en général. Un peu d’études de marché locales, de la pub / com, de la logistique. Ce ne sont pas non plus ceux qui demandent le plus d’expertise ni ceux qui rémunèrent le plus.]
Certes non… mais ils suffisent à assurer l’emploi des classes intermédiaires !
[ La première, c’est de transférer les coûts de la protection sociale sur la TVA plutôt que sur des prélèvements calculés sur les salaires. Ainsi, les produits étrangers – qui sont soumis à la TVA – supporteraient une partie des coûts sociaux induits.]
Vu les coûts de la protection sociale pas sûr que la TVA suffise à combler les trous avec un apport de 125 milliards. Par ailleurs vous risquez de combler la consommation du pays.
@ Glarrious
[Vu les coûts de la protection sociale pas sûr que la TVA suffise à combler les trous avec un apport de 125 milliards. Par ailleurs vous risquez de combler la consommation du pays.]
Du point de vue de la consommation, la manœuvre est neutre puisqu’il s’agit d’un simple déplacement : ce que vous préleviez sur les salaires – et qui était répercuté sur le prix des biens – sera prélevé directement sur ces derniers. Si le marché fonctionne correctement, les prix hors taxe devraient baisser et cette baisse compensée par la taxe… du moins pour les produits français. Pour les produits étrangers, le prix TTC augmentera puisqu’il n’y a pas de réduction des cotisations pour compenser… et c’est là tout l’intérêt de la mesure !
D’autre part, il ne s’agit pas de reporter TOUTE la protection sociale sur la TVA. Il est normal par exemple que la retraite soit prélevée sur le salaire – il s’agit d’un salaire différé. Les accidents du travail eu aussi doivent être assurés par des prélèvements sur les salaires puisqu’ils sont bien liés à l’activité de l’entreprise.
Une info avant de commencer ma contribution proprement dite :c’est hors sujet , mais ça peut intéresser des lecteurs du blog Descartes : Pour la 1ère fois,un film de la RDA datant de 1959 est diffusé ce lundi 17/08 à 20h55 sur Arte.Il traide de la période , avant puis après 1945,c.a.d du recyclage des anciens nazis part essentielle de la population.Après cette date,il pourra être vu sur Arte tv ou Replay.
J’espère que les esprits curieux nombreux sur ce blog,seront intéressés par cette info.
Voici maintenant mon texte sur l’Industrie:
Tout d’abord avez vous une appréciation sur la politique industrielle suivie par la RDA et ce qu’il en advint
après le chute de Berlin?
Puis ces questions soulevées par votre article ,éveillent chez vos lecteurs
d’autres interrogations qui ne m’étonnent pas , au vu de votre utilisation fréquente de cette fameuse
méthode que votre copain René a élaborée.
Concernant le projet EPR d’edf en Angleterre.Les chinois y sont partie
prenante pour 33% du financement.Ils n’ont aucun intérêts à ce que les pénalités s’accumulent pour des
sommes astronomiques.C’est l’article dans le dernier Courrier Internatinal qui l’affirme.
http://lirelactu.fr/source/courrier-international/33382263-7c1a-4bc3-b8d7-979fa35619be
Ma question est la suivante :
Les savoir faire acquis par les chinois qui font trés bien fonctionner leur EPR après l’avoir construit dans les
règles , ne pourraient ils pas être employés pour résoudres les pbs du projet EPR d’edf en Angleterre ?
Qu’en est il ausi , pardonnez moi mais ça me vient à l’instant,alors temps que j’y suis ,de l’EPR en Finlande
et des aides éventuelles queles cols bleus finlandais pourraient apporter aux français ayant perdu leur
savoir?
@ luc
[Une info avant de commencer ma contribution proprement dite : c’est hors sujet , mais ça peut intéresser des lecteurs du blog Descartes : Pour la 1ère fois, un film de la RDA datant de 1959 est diffusé ce lundi 17/08 à 20h55 sur Arte. Il traite de la période, avant puis après 1945, c.a.d du recyclage des anciens nazis part essentielle de la population. Après cette date, il pourra être vu sur Arte tv ou Replay.]
Je l’ai vu. C’est un film intéressant – même s’il est un peu naïf… mais je pense que c’est à tort que ARTE le présente comme un film « de la RDA ». Si je crois les informations disponibles sur la toile, c’est un film réalisé en RFA. L’action se déroule d’ailleurs dans la partie occidentale de l’Allemagne (dans une ville non identifiée mais proche d’Hambourg).
[Tout d’abord avez-vous une appréciation sur la politique industrielle suivie par la RDA et ce qu’il en advint après le chute de Berlin?]
Oui. Du point de vue industriel, la RDA est une réussite incontestable du régime de planification socialiste. Il faut d’abord se souvenir que la RDA partait de très loin : avant la guerre, c’est la région d’Allemagne la moins industrialisée, celle ou les traditions paysannes féodales (les « junkers ») se sont perpétuées le plus longtemps. A cela s’ajoutent les immenses destructions de guerre, qu’aucun « plan Marshall » ne vint combler – pire, les soviétiques ont récupéré une partie des équipements industriels pour reconstruire leur propre économie. L’effort, la discipline dont les Allemands de l’Est ont fait preuve pour reconstruire leur pays est exemplaire, et il est triste qu’aujourd’hui ce chapitre de leur histoire soit occulté – ou pire, diabolisé – pour des raisons de basse politique. Une partie du ressentiment des allemands de l’Est envers l’Allemagne unifiée vient aussi de cette volonté d’effacer leur passé.
[Les savoir-faire acquis par les chinois qui font très bien fonctionner leur EPR après l’avoir construit dans les règles, ne pourraient-ils pas être employés pour résoudre les pbs du projet EPR d’EDF en Angleterre ?]
Je vois mal EDF importer massivement des soudeurs ou des travailleurs du BTP chinois en Grande-Bretagne. La difficulté avec les savoir-faire en question, c’est qu’ils sont diffus. Il ne s’agit pas d’importer des méthodes ou quelques dizaines de grands spécialistes. J’ose espérer qu’EDF utilisera le retour d’expérience de la construction chinoise, et c’est déjà quelque chose. Mais le problème des « savoir-faire » industriels demeure.
[Qu’en est-il aussi, pardonnez-moi mais ça me vient à l’instant, alors temps que j’y suis, de l’EPR en Finlande et des aides éventuelles que les cols bleus finlandais pourraient apporter aux français ayant perdu leur savoir?]
La Finlande a fort peu de « savoir-faire » dans le domaine de l’industrie lourde. Je ne sais pas si les savoirs faire de l’industrie papetière, qui est l’une des spécialités des finlandais, sont projetables pour la construction d’une installation nucléaire.
Un article bien triste. Notamment parce que sur le constat, vous avez raison. Un point sur lequel vous n’insistez pas assez : le France ne crée presque plus de nouvelles usines. Or c’est en forgeant que l’on devient forgeron, et l’industrie est soumise à un phénomène d’hystérésis. Il est relativement facile de maintenir un savoir faire industriel, mais extrêmement complexe de la batir ou de le rabâtir si on l’a laissé s’effondrer.
Un point de divergence : je pense que la ligne de fracture n’est pas entre industrie et non industrie, puisque la production de biens commercialisables à forte valeur ajoutée inclus d’autres secteurs : agroalimentaire, secteur minier, informatique, … . Je vais même digresser le sujet de l’article en rajoutant l’export de services à forte valeur ajoutée à des clients étrangers solvables (santé, éducation, finance, tourisme, culture, …). La fabrication d’objet manufacturés (secteur secondaire) inclut par contre l’artisanat, secteur estimable mais à mon avis moins stratégique et moins sensible aux gains de productivités que l’ingéniérie moderne peut apporter.
Pour commenter sur vos solutions, je les trouve intéressantes mais insuffisantes.
La nécessité de reporter financement de la protection sociale sur la TVA est une évidence absolue, et le manque de patriotismeiotisme de nos gouvernants à ce sujet est tragique. Les charges sociales à la française sont une subvention aux importations. Mais bon, quand on a un gouvernement élu par des fonctionnaires et des gens qui vivent de transferts sociaux … Dans le prolongement de cette idée, j’aimerais aussi comprendre pourquoi les géants du numérique US paient si peu de taxes sur leurs activités en France. Etablir des droits de douanes, génériques ou plus spécifiques (je préférerais qu’ils restent génériques, le risque de corruption serait trop fort sur le long terme) serait aussi une piste. Pourquoi pas protéger certains secteurs, mais l’exemple d’un cinéma français très subventionné et qui enchaine des films chiants sans publics doit inciter à la prudence. L’équilibre des balances commerciales est un sujet plus complexe, mais il me paraît nécessaire de contrer le mercantilisme chinois et allemand, et notamment leur imposer des conditions d’ouverture de leurs marchés. Les travaux de Bretton Woods sur l’équilibre des balances commerciales étaient liées à un monde régi par l’étalon or, ce qui n’est plus le cas depuis une cinquantaine d’années. On est dans (la fin de) l’ère du pétro-dollar, et le déséquilibre commercial actuel est TRES favorable aux consommateurs occidentaux. On a choisi de favoriser les consommateurs contre les producteurs, vous en montrez les inconvénients.
Mais je pense que sur les causes, il y a un phénomène complexe liée à la structure de nos sociétés. La productivité de l’agriculture moderne et de l’industrie sont telles que ces secteurs productifs emploient désormais très peu de monde, parce qu’un technicien ou un agriculteur moderne produisent environ 1000 fois plus qu’un manufacturier ou un payson du XVIIIe. C’est dans ces secteurs que l’augmentation faramineuse de productivité a changé notre niveau de vie en 250 ans. Les autres gens/électeurs/consommateurs vivent soit des services à la personne , de l’administration, de bureaucraties diverses, des transferts sociaux … et bénéficient quand même du niveau de vie occidental moderne, sans forcément participer à sa création … ni comprendre l’origine de cette richesse. Et si l’on regarde les instances dirigeants françaises, combien d’anciens ouvriers, d’ingénieurs ou industriels dans la haute administration, l’appareil judiciaire ou médiatique ?
Et ca donne l’écologie, le principe de précaution, … votés par des retraités et des fonctionnaires qui ne veulent pas de vilains nicotinoïde dans leur betteraves mais seront quand même payés à la fin du mois si l’usine sucrière d’à coté ferme. Se rajoute à ça les méfaits de l’euro, de l’ingéniériérie financière, du commerce avec la Chine et de la dette qui permettent de maintenir (temporairement) un niveau de vie hérité sans lien avec la production industrielle locale, et nous marchons au désastre. On ne court pas, mais on y marche, une loi environnementale après l’autre.
C’est le défi que nous pose de l’industrialisation de la Chine : ce pays a contruit ou capté la plus grande partie de l’industrie mondiale en créant des biens de consommation pour les occidentaux payés en monnaie papier. Lorsque la bulle dollar éclatera, les chinois perdront beaucoup d’argent et plureront un peu, mais ils auront la première industrie du monde. Et les Français découvriront éberlués qu’ils devront désormais payer en yuan (ou en or) et travailler 60 heures pour se payer 3 heures de production industrielle, ceci dit je suppose qu’ils se consoleront en disant que consommer de la viande c’est mal, ce qui tombe bien car elle ne sera plus à portée de leur bourse. Les US ont pris la mesure du problème, et tentent (plus ou moins bien) de contre-attaquer (en gardant un prééminence dans la tech, les matières première, et les services financiers). L’Europe, par contre, reste le continent des consommateurs sous la dictature de classes intermédiaires qui ne travaillent pas dans l’industrie et refusent de voir le problème.
Je préconiserai d’acter partiellement la désindustrialisation de la France, en baissant le niveau de vie des secteurs non-indusriels et en utilisant agressivement les EUR disponibles (tant qu’ils valent quelque chose et sont émis par la France) pour acheter des entreprises de pays émergents (et notamment chinoises), de l’or et de l’immobilier/des terres en Chine (et dans d’autres pays fiers de leurs industrie et confiants dans leur avenir).
@ Jordi
[Un point de divergence : je pense que la ligne de fracture n’est pas entre industrie et non industrie, puisque la production de biens commercialisables à forte valeur ajoutée inclus d’autres secteurs : agroalimentaire, secteur minier, informatique, … . Je vais même digresser le sujet de l’article en rajoutant l’export de services à forte valeur ajoutée à des clients étrangers solvables (santé, éducation, finance, tourisme, culture, …).]
Vous avez raison, la division entre production matérielle et production immatérielle n’est pas forcément la bonne. Il faudrait plutôt distinguer les secteurs ou les apports de la science et de la technologie permettent des gains importants de productivité des autres. Certains « services » impliquent d’importants investissements, des efforts de recherche scientifique et technologique considérables et ont donc un effet d’entraînement sur la société, sur l’éducation, sur la recherche, tout à fait équivalents à ceux de l’industrie traditionnelle.
[La nécessité de reporter financement de la protection sociale sur la TVA est une évidence absolue, et le manque de patriotisme de nos gouvernants à ce sujet est tragique.]
Je préfère parler de « dirigeants » plutôt que « gouvernants ». Car le patriotisme est nettement moins courant chez les dirigeants du secteur privé que chez ceux du secteur public…
[Mais bon, quand on a un gouvernement élu par des fonctionnaires et des gens qui vivent de transferts sociaux …]
Si vous regardez bien, les « gens qui vivent de transferts sociaux » sont aussi ceux qui votent le moins. Parler de « gouvernement élu par des gens qui vivent des transferts sociaux » me semble donc contraire aux faits. Quant aux fonctionnaires, je sais que la tendance est à les charger de tous les péchés, mais si l’on compte les trois fonctions publiques cela fait 3,8 millions de salariés, soit autour de 15% du total. Même en supposant qu’ils votent un peu plus que la moyenne (ce qui semble être le cas, sans qu’on puisse l’affirmer) cela ne suffit pas pour qu’ils puissent « élire le gouvernement ». Il me semble d’ailleurs osé d’imaginer que Sarkozy ait été « élu par les fonctionnaires »…
Non, si quelqu’un « élit nos gouvernements », c’est d’abord les classes intermédiaires et la bourgeoisie. Non seulement ils représentent une masse bien plus importante, mais ce sont eux qui dominent complètement le champ des idées et les médias.
[Dans le prolongement de cette idée, j’aimerais aussi comprendre pourquoi les géants du numérique US paient si peu de taxes sur leurs activités en France.]
Vous avez entendu parler de la « libre circulation », j’imagine. Dans notre beau système européen, les entreprises peuvent se débrouiller pour payer leurs impôts dans le pays européen de leur choix. Et il y a toujours, concurrence fiscale oblige, un pays pour offrir des conditions plus alléchantes en devenant un paradis fiscal.
[Pourquoi pas protéger certains secteurs, mais l’exemple d’un cinéma français très subventionné et qui enchaine des films chiants sans publics doit inciter à la prudence.]
Le cinéma – et d’une façon générale, les activités culturelles – ne sont pas des industries comme les autres. Le critère pour subventionner de telles activités n’est pas un critère économique, mais un critère social, patrimonial, culturel. On ne peut pas parler dans ce domaine de protectionnisme stricto sensu.
[Les travaux de Bretton Woods sur l’équilibre des balances commerciales étaient liés à un monde régi par l’étalon or, ce qui n’est plus le cas depuis une cinquantaine d’années.]
Mais les réflexions qui ont présidé à la rédaction de la Charte de La Havane restent à mon avis lourdes d’enseignements, même dans un monde où l’étalon-dollar a remplacé l’étalon-or.
[On est dans (la fin de) l’ère du pétro-dollar, et le déséquilibre commercial actuel est TRES favorable aux consommateurs occidentaux. On a choisi de favoriser les consommateurs contre les producteurs, vous en montrez les inconvénients.]
Tout à fait. Et c’est bien là le problème.
[La productivité de l’agriculture moderne et de l’industrie sont telles que ces secteurs productifs emploient désormais très peu de monde, parce qu’un technicien ou un agriculteur moderne produisent environ 1000 fois plus qu’un manufacturier ou un payson du XVIIIe. C’est dans ces secteurs que l’augmentation faramineuse de productivité a changé notre niveau de vie en 250 ans.]
Tout à fait. Mais si un paysan aujourd’hui produit 1000 fois qu’un paysan du XVIIIème, cela veut dire qu’il peut vivre 1000 fois mieux en travaillant autant… ou vivre comme au XVIIIème en travaillant mille fois moins. Entre ces deux extrêmes, la question est où l’on place le curseur. Si pour offrir à nos concitoyens un niveau de vie donné et jugé socialement acceptable avec un total d’heures travaillées de X, alors fixons la durée annuelle du travail à X divisé par le nombre de personnes en âge de travailler. Et celui qui veut un meilleur niveau de vie, et bien il travaille plus et gagne plus.
Le problème, c’est que le capitalisme ne fonctionne pas comme ça. Le capital cherche à s’approprier une part toujours croissante de la richesse produite, et cela suppose de faire travailler le plus possible une part réduite – la plus productive – de la population. C’est ce mécanisme qui empêche d’atteindre le plein emploi.
[Les autres gens/électeurs/consommateurs vivent soit des services à la personne, de l’administration, de bureaucraties diverses, des transferts sociaux … et bénéficient quand même du niveau de vie occidental moderne, sans forcément participer à sa création …]
Je note que vous ne comptez pas ceux qui vivent du revenu du capital dans la liste de ceux qui bénéficient du niveau de vie occidental sans participer à sa création. Un oubli, sans doute ?
[Et ça donne l’écologie, le principe de précaution, … votés par des retraités et des fonctionnaires qui ne veulent pas de vilains nicotinoïde dans leur betterave mais seront quand même payés à la fin du mois si l’usine sucrière d’à côté ferme.]
J’avoue que je ne comprends pas votre obsession sur les fonctionnaires. D’abord, contrairement à ce que vous croyez, les fonctionnaires ont eux aussi un intérêt à ce que l’usine ne ferme pas, au moins autant que les acteurs privés. Lorsqu’une usine ferme, le bistrot, la superette ou l’atelier automobile perdent des clients, mais les services publics perdent des usagers. Et si le bistrot ou la superette ferment, l’école ou le bureau de poste ne sont pas loin derrière. Lorsque vous regardez qui sont ceux qui participent dans les luttes locales pour sauver des usines, vous trouverez souvent les fonctionnaires en première ligne.
[Je préconiserai d’acter partiellement la désindustrialisation de la France, en baissant le niveau de vie des secteurs non-indusriels et en utilisant agressivement les EUR disponibles (tant qu’ils valent quelque chose et sont émis par la France) pour acheter des entreprises de pays émergents (et notamment chinoises), de l’or et de l’immobilier/des terres en Chine (et dans d’autres pays fiers de leurs industrie et confiants dans leur avenir).]
En d’autres termes, d’embrasser la perspective de devenir un pays de rentiers ?
Votre réponse témoigne de votre érudition et de votre courtoisie, malgré certains désaccords profonds. Je vais répondre, en changeant parfois l’ordre (sans j’espère en modifier le sens). Je mets entre crochets les éléments de mon premier message nécessaires à la continuité du propos, et derrière des >> les vôtres
[La productivité de l’agriculture moderne et de l’industrie sont telles que ces secteurs productifs emploient désormais très peu de monde, parce qu’un technicien ou un agriculteur moderne produisent environ 1000 fois plus qu’un manufacturier ou un paysan du XVIIIe. C’est dans ces secteurs que l’augmentation faramineuse de productivité a changé notre niveau de vie en 250 ans.]
>> Tout à fait. Mais si un paysan aujourd’hui produit 1000 fois qu’un paysan du XVIIIème, cela veut dire qu’il peut vivre 1000 fois mieux en travaillant autant… ou vivre comme au XVIIIème en travaillant mille fois moins.
Le facteur 1000 est assez spécifique à l’industrie céréalière. Mais si on reste sur une base 100, la réflexion devient intéressante. Vous noterez toutefois que le travailleur qui produit 100 ne conserve pas 100, notamment parce qu’il doit rémunérer les fournisseurs, le capital, les taxes et les coûts réglementaires.
Il manque une autre option : il peut permettre à 2 autres personnes de travailler dans l’agriculture pour avoir une alimentation plus variée (et de manger de la viande) sans travailler 70 heures par semaines. On a donc 3 agriculteurs. Du coup , On en retrouve 17 dans l’industrie (ou les services industriels “technologisés”) et il en reste 80 qui se répartissent soit dans le tertiaire “non scalable” privé, dans le service public ou hors du monde du travail (retraités, étudiants, chômeurs, …).
Ce faisant, on a 100 consommateurs et 20 travailleurs à haute productivité (et 0.15 bourgeois capitalistes rentiers, pour vous faire plaisir). Une des conséquences, c’est qu’au moment de voter, on a plus de chances de voir élu Jadot que Georges Marchais.
>> J’avoue que je ne comprends pas votre obsession sur les fonctionnaires. D’abord, contrairement à ce que vous croyez, les fonctionnaires ont eux aussi un intérêt à ce que l’usine ne ferme pas, au moins autant que les acteurs privés. Lorsqu’une usine ferme, le bistrot, la superette ou l’atelier automobile perdent des clients, mais les services publics perdent des usagers. Et si le bistrot ou la superette ferment, l’école ou le bureau de poste ne sont pas loin derrière. Lorsque vous regardez qui sont ceux qui participent dans les luttes locales pour sauver des usines, vous trouverez souvent les fonctionnaires en première ligne.
Avec des origines lorraines, je ne connais que trop bien cette situation. Lorsque l’usine ferme, les ouvriers sont au chômage, les services marchands s’appauvrissent et les fonctionnaires compatissent (et oui, ils ont des amis et une famille) mais gardent pour eux seuls la sécurité de l’emploi. Ca ne les empêche pas d’être le plus souvent solidaires, mais ils n’ont pas le même profil de risque ni la même exposition.
Lorsqu’on réfléchit à la compétitivité, et par exemple à de coûteuses normes environnementales, les intérêts de classe des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Sur un sujet comparable, vous remarquerez que historiquement les électeurs retraités ont toujours approuvés les réformes des retraites qui ne les concernaient pas directement, pendant que les habitants des métropoles votent Macron et approuvent les 80 kmh .
Je crois que sur le sujet de la place de l’industrie, le conflit de groupes est moins entre travail et capital qu’entre société de production et société de consommation.
[La nécessité de reporter financement de la protection sociale sur la TVA est une évidence absolue, et le manque de patriotisme de nos gouvernants à ce sujet est tragique.]
>> Je préfère parler de « dirigeants » plutôt que « gouvernants ». Car le patriotisme est nettement moins courant chez les dirigeants du secteur privé que chez ceux du secteur public…
Les dirigeants publics sont mandatés par les citoyens pour défendre les intérêts de la Nation, contrairement au PDG de Vivendi. Mais je ne crois pas que les impôts soient votés par l’assemblé générale des actionnaires, ni que le MEDEF et l’UIMM ne fassent un lobbying acharné pour continuer à faire financer la Sécurité Sociale par des charges sur les salaires.
[Dans le prolongement de cette idée, j’aimerais aussi comprendre pourquoi les géants du numérique US paient si peu de taxes sur leurs activités en France.]
>> Vous avez entendu parler de la « libre circulation », j’imagine. Dans notre beau système européen, les entreprises peuvent se débrouiller pour payer leurs impôts dans le pays européen de leur choix. Et il y a toujours, concurrence fiscale oblige, un pays pour offrir des conditions plus alléchantes en devenant un paradis fiscal.
Les GAFA représentent 20% du SP500 et ne payent quasiment aucune taxe en proportion de leur poids dans l’économie, c’est une cible fiscale bien juteuse. Ils fournissent (tout comme les banques) des services à distance au sein de groupes mondialisés, mais je peux vous certifier que les activités bancaires sont extrêmement régulées et taxées. L’Etat régule et taxe les fréquence téléphoniques des opérateurs en France, pourquoi ne taxerait-il pas les acteurs du numérique ?
[Pourquoi pas protéger certains secteurs, mais l’exemple d’un cinéma français très subventionné et qui enchaine des films chiants sans publics doit inciter à la prudence.]
>> Le cinéma – et d’une façon générale, les activités culturelles – ne sont pas des industries comme les autres. Le critère pour subventionner de telles activités n’est pas un critère économique, mais un critère social, patrimonial, culturel. On ne peut pas parler dans ce domaine de protectionnisme stricto sensu.
Un marché fermé,c’est une mesure protectionniste. Je ne critiquais pas le protectionnisme par principe, ni l’exception culturelle, mais le fait que le cinéma français vampirise de l’argent public pour produire de la merde qui qui enrichit un petit milieu mais n’intéresse que peu les usagers, en tout cas au regard des ressources englouties.
[Les travaux de Bretton Woods sur l’équilibre des balances commerciales étaient liés à un monde régi par l’étalon or, ce qui n’est plus le cas depuis une cinquantaine d’années. On est dans (la fin de) l’ère du pétro-dollar, et le déséquilibre commercial actuel est TRES favorable aux consommateurs occidentaux. On a choisi de favoriser les consommateurs contre les producteurs, vous en montrez les inconvénients.]
>> Mais les réflexions qui ont présidé à la rédaction de la Charte de La Havane restent à mon avis lourdes d’enseignements, même dans un monde où l’étalon-dollar a remplacé l’étalon-or.
Entre l’étalon dollar et l’étalon or, il y a une différence fondamentale : en étalon or il faut équilibrer la balance des paiements. En étalon dollar, l’ingénierie financière (dette + création monétaire) permet aux pays qui peuvent imprimer des monnaies fortes (USA et Europe) et ne souhaitant pas équilibrer leurs balances commerciales de maintenir un déficit perpétuel, ce qui obère leur compétitivité industrielle
[Je préconiserai d’acter partiellement la désindustrialisation de la France, en baissant le niveau de vie des secteurs non-indusriels et en utilisant agressivement les EUR disponibles (tant qu’ils valent quelque chose et sont émis par la France) pour acheter des entreprises de pays émergents (et notamment chinoises), de l’or et de l’immobilier/des terres en Chine (et dans d’autres pays fiers de leurs industrie et confiants dans leur avenir).]
>> En d’autres termes, d’embrasser la perspective de devenir un pays de rentiers ?
Je préconise plutôt d’utiliser l’ingénierie financière (dette et création monétaire) pour investir les précieux EUR à l’étranger dans du capital (qui pourra financer le niveau de vie futur) plutôt que tout claquer dans la consommation immédiate. Quant à utiliser le terme rentier plutôt que capitaliste, je ne suis pas communiste.
@ Jordi
[Le facteur 1000 est assez spécifique à l’industrie céréalière. Mais si on reste sur une base 100, la réflexion devient intéressante. Vous noterez toutefois que le travailleur qui produit 100 ne conserve pas 100, notamment parce qu’il doit rémunérer les fournisseurs, le capital, les taxes et les coûts réglementaires.]
Oui, mais cela est vrai que sa productivité soit 1 ou 100. Même s’il paye aujourd’hui cent fois plus les fournisseurs, le capital, les coûts réglementaires qu’hier, ce qui lui restera sera quand même cent fois plus qu’il n’en avait auparavant. Mais la question qui m’intéresse n’est pas celle-la, mais celle de l’arbitrage : à chaque augmentation de la productivité, on peut décider de consommer plus… ou de travailler moins. Ou une combinaison des deux.
[Ce faisant, on a 100 consommateurs et 20 travailleurs à haute productivité (et 0.15 bourgeois capitalistes rentiers, pour vous faire plaisir).]
Je n’ai pas compris votre raisonnement. Comment aboutissez-vous à cette conclusion ?
[Avec des origines lorraines, je ne connais que trop bien cette situation. Lorsque l’usine ferme, les ouvriers sont au chômage, les services marchands s’appauvrissent et les fonctionnaires compatissent (et oui, ils ont des amis et une famille) mais gardent pour eux seuls la sécurité de l’emploi. Ca ne les empêche pas d’être le plus souvent solidaires, mais ils n’ont pas le même profil de risque ni la même exposition.]
Vous faites erreur en pensant que les fonctionnaires territoriaux ont la sécurité de l’emploi en toute circonstance : lorsqu’une collectivité supprime des emplois, les fonctionnaires correspondants sont payés pendant une certaine période (deux ans, je crois) pour retrouver un emploi dans une autre collectivité. S’ils n’y arrivent pas, ils sont licenciés. Quant aux fonctionnaires de l’Etat, si leur emploi est supprimé l’Etat est tenu de leur offrir les trois premiers postes qui se libèrent à leur niveau. Si le fonctionnaire n’accepte pas, même si cela implique de quitter la région, il est licencié.
[Je crois que sur le sujet de la place de l’industrie, le conflit de groupes est moins entre travail et capital qu’entre société de production et société de consommation.]
Oui et non. Dans le cas de la délocalisation, il est clair que cela s’inscrit dans la volonté du capital de récupérer de la valeur sur le travail. Pour ce qui concerne les normes environnementales, vous avez raison, c’est plutôt un conflit entre les intérêts du consommateur et du producteur. On note d’ailleurs que sur les normes environnementales, les travailleurs et les patrons sont généralement du même côté.
[« Je préfère parler de « dirigeants » plutôt que « gouvernants ». Car le patriotisme est nettement moins courant chez les dirigeants du secteur privé que chez ceux du secteur public… » Les dirigeants publics sont mandatés par les citoyens pour défendre les intérêts de la Nation, contrairement au PDG de Vivendi.]
Certes. Et c’est pourquoi chez un dirigeant du privé le manque de patriotisme est un défaut moral, alors que chez un décideur public il s’agit d’un manquement à ses devoirs. Mais il n’empêche que dans la désindustrialisation de la France, le manque de patriotisme des uns n’est pas moins néfaste que celui des autres…
[Mais je ne crois pas que les impôts soient votés par l’assemblé générale des actionnaires,]
Par certains côtés, c’est le cas. Quand les actionnaires décident de déplacer le siège de l’entreprise de Paris à Dublin pour diviser leurs impôts par deux, d’une certaine manière ils « votent les impôts ».
[ni que le MEDEF et l’UIMM ne fassent un lobbying acharné pour continuer à faire financer la Sécurité Sociale par des charges sur les salaires.]
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ni le MEDEF ni l’UIMM n’ont été très enthousiastes pour faire financer la Sécurité sociale par l’impôt. En fait, la logique de l’UIMM et du MEDEF est de financer la protection sociale le moins possible, quelque soit la source de financement…
[Dans le prolongement de cette idée, j’aimerais aussi comprendre pourquoi les géants du numérique US paient si peu de taxes sur leurs activités en France.]
[Les GAFA représentent 20% du SP500 et ne payent quasiment aucune taxe en proportion de leur poids dans l’économie, c’est une cible fiscale bien juteuse. Ils fournissent (tout comme les banques) des services à distance au sein de groupes mondialisés, mais je peux vous certifier que les activités bancaires sont extrêmement régulées et taxées. L’Etat régule et taxe les fréquence téléphoniques des opérateurs en France, pourquoi ne taxerait-il pas les acteurs du numérique ?]
Personnellement, je ne vois pas d’inconvénient. Mais vous savez bien que quelque soient les apparences, une taxe est TOUJOURS payée in fine par le consommateur. Si vous taxez les GAFA, les GAFA passeront la taxe aux prix des services qu’ils vendent, et cette taxe se retrouvera dans le prix des produits. La question est : taxer les GAFA aboutit-il à une répartition du poids de la taxe plus juste que la taxation directe des produits ?
[Un marché fermé,c’est une mesure protectionniste. Je ne critiquais pas le protectionnisme par principe, ni l’exception culturelle, mais le fait que le cinéma français vampirise de l’argent public pour produire de la merde qui qui enrichit un petit milieu mais n’intéresse que peu les usagers, en tout cas au regard des ressources englouties.]
Pour vous dire le fond de ma pensée, j’ai toujours été contre l’idée que l’Etat doit subventionner la création. La politique culturelle devrait avoir pour but de permettre l’accès du plus grand nombre – et notamment de ceux qui y sont le plus éloignés – au patrimoine culturel de la nation et de l’humanité. Pas de financer une création qui par la force des choses est destinée à une minorité qui a parfaitement les moyens de payer pour elle.
[« Mais les réflexions qui ont présidé à la rédaction de la Charte de La Havane restent à mon avis lourdes d’enseignements, même dans un monde où l’étalon-dollar a remplacé l’étalon-or. » Entre l’étalon dollar et l’étalon or, il y a une différence fondamentale : en étalon or il faut équilibrer la balance des paiements. En étalon dollar, l’ingénierie financière (dette + création monétaire) permet aux pays qui peuvent imprimer des monnaies fortes (USA et Europe) et ne souhaitant pas équilibrer leurs balances commerciales de maintenir un déficit perpétuel, ce qui obère leur compétitivité industrielle.]
Absolument pas. En dehors des Etats-Unis, l’étalon-or ou l’étalon-dollar sont parfaitement équivalents. On peut parfaitement s’endetter en or comme on s’endette en dollars, et la création monétaire est impossible en or ou en dollars. Si vous avez une balance extérieure déficitaire, que vous payez en or ou en dollars un jour vous n’aurez plus de l’un ou de l’autre, et vous ne pouvez pas en fabriquer.
[Je préconise plutôt d’utiliser l’ingénierie financière (dette et création monétaire) pour investir les précieux EUR à l’étranger dans du capital (qui pourra financer le niveau de vie futur) plutôt que tout claquer dans la consommation immédiate. Quant à utiliser le terme rentier plutôt que capitaliste, je ne suis pas communiste.]
On n’a pas besoin d’être communiste pour faire la différence. Un modèle de rente repose sur la disponibilité des pays étrangers a payer un revenu pour ceux « précieux EUR à l’étranger » que vous vous proposez d’investir. Parce que contrairement au capitaliste, cet investissement ne vous donnera pas le pouvoir politique qui vous permet de garantir ce revenu. Le jour où les pays ou vous avez investi décideront que ce n’est pas la peine de continuer à vous servir votre rente, que ferez-vous ?
[Pour vous dire le fond de ma pensée, j’ai toujours été contre l’idée que l’Etat doit subventionner la création.]
Ahhh ! Je croyais être le seul à penser ça !
Merci pour votre intéressante réponse. Je me permets de re-répondre en retard, parce qu’en bon souverainiste de droite, libéral, je trouve que le sujet de la place de l’industrie est fondamental, bien plus que l’écume du Covid. Je garde mes lignes entre [], vos réponses entre ()
(Oui, mais cela est vrai que sa productivité soit 1 ou 100. Même s’il paye aujourd’hui cent fois plus les fournisseurs, le capital, les coûts réglementaires qu’hier, ce qui lui restera sera quand même cent fois plus qu’il n’en avait auparavant. Mais la question qui m’intéresse n’est pas celle-la, mais celle de l’arbitrage : à chaque augmentation de la productivité, on peut décider de consommer plus… ou de travailler moins. Ou une combinaison des deux.)
Il peut permettre aussi et surtout à un autre de ne pas travailler : retraités, étudiants, allocataire, conjoint au foyer, titulaire d’un des bullshit jobs cher à David Grabber .. mais aussi à ceux qui vivent de l’économie résidentielle (fonctionnaires régaliens, services à la personne sans productivité industrielle, …)
[Ce faisant, on a 100 consommateurs et 20 travailleurs à haute productivité (et 0.15 bourgeois capitalistes rentiers, pour vous faire plaisir).]
(Je n’ai pas compris votre raisonnement. Comment aboutissez-vous à cette conclusion ?)
Tout le monde consomme, et notamment tous les électeurs. Mais peu produisent, ou en tout cas peu produisent de façon industrielle. Au moment de voter, ça compte, beaucoup. Je ne crois pas au rapport entre employeur et salariés comme vecteur explicatif principal de notre société. L’opposition entre générations, entre salariés du privé et fonctionnaires ou entre producteurs et consommateurs, me paraissent plus structurantes.
(Vous faites erreur en pensant que les fonctionnaires territoriaux ont la sécurité de l’emploi en toute circonstance : lorsqu’une collectivité supprime des emplois, les fonctionnaires correspondants sont payés pendant une certaine période (deux ans, je crois) pour retrouver un emploi dans une autre collectivité.)
Restons sérieux : vous voulez vraiment comparer les stats de licenciement des ouvriers de l’industrie et des fonctionnaires territoriaux ?
[Je crois que sur le sujet de la place de l’industrie, le conflit de groupes est moins entre travail et capital qu’entre société de production et société de consommation.]
(Oui et non. Dans le cas de la délocalisation, il est clair que cela s’inscrit dans la volonté du capital de récupérer de la valeur sur le travail. )
Le capitaliste ne fixe pas les règles du jeu, ils s’y adapte. Si on remplaçait les charges sociales par des droits de douanes, on aurait des hausses de prix et un peu moins de choix au supermarché, mais plus de délocalisations. Il y a beaucoup plus d’intérêts communs entre l’entrepreneur et le travailleur que de conflits irréductibles. Le principal conflit resterait l’immigration, qui dénature le rapport de force en faveur des employeurs et au détriment des salariés. Mais puisque LFI et une grande majorité de la Gôche soutient l’immigration de masse, ils donnent envie au salarié (certes cadre bien employable) que je suis de voter pour Ernest Antoine Selliere bien plus que pour eux.
[Mais je ne crois pas que les impôts soient votés par l’assemblée générale des actionnaires,]
(Par certains côtés, c’est le cas. Quand les actionnaires décident de déplacer le siège de l’entreprise de Paris à Dublin pour diviser leurs impôts par deux, d’une certaine manière ils « votent les impôts ».)
Ils profitent surtout des gouvernements qui autorisent à vendre en France en “produisant” aux conditions Irlandaises. Ce n’est pas eux qui défendent ces règles, c’est la commission européenne. Défendre le bien commun n’est pas la mission de l’investisseur (ni celle de l’ouvrier), c’est celle de l’élu de la République (ou du ministre du Roy, du commissaire du peuple ou du caudillo).
[ni que le MEDEF et l’UIMM ne fassent un lobbying acharné pour continuer à faire financer la Sécurité Sociale par des charges sur les salaires.]
(Le moins qu’on puisse dire, c’est que ni le MEDEF ni l’UIMM n’ont été très enthousiastes pour faire financer la Sécurité sociale par l’impôt. En fait, la logique de l’UIMM et du MEDEF est de financer la protection sociale le moins possible, quelque soit la source de financement…)
Les capitalistes croient à un egoïsme rationnel. Ils ne fixent pas les règles du jeu, mais ils s’y ajustent. Aux politiques de faire des règles intelligentes qui libéreront les énergies capitalistes vers le bien commun. Il semble que la commission européenne ne soit pas, sur ce plan, un triomphe.
[« Mais les réflexions qui ont présidé à la rédaction de la Charte de La Havane restent à mon avis lourdes d’enseignements, même dans un monde où l’étalon-dollar a remplacé l’étalon-or. » Entre l’étalon dollar et l’étalon or, il y a une différence fondamentale : en étalon or il faut équilibrer la balance des paiements. En étalon dollar, l’ingénierie financière (dette + création monétaire) permet aux pays qui peuvent imprimer des monnaies fortes (USA et Europe) et ne souhaitant pas équilibrer leurs balances commerciales de maintenir un déficit perpétuel, ce qui obère leur compétitivité industrielle.]
(Absolument pas. En dehors des Etats-Unis, l’étalon-or ou l’étalon-dollar sont parfaitement équivalents. On peut parfaitement s’endetter en or comme on s’endette en dollars, et la création monétaire est impossible en or ou en dollars. Si vous avez une balance extérieure déficitaire, que vous payez en or ou en dollars un jour vous n’aurez plus de l’un ou de l’autre, et vous ne pouvez pas en fabriquer.)
Les devises fortes sont arrimables au dollar. En étalon dollar, les euros restent dollarisables tant que l’Europe ne fait pas tourner la planche à billets SIGNIFICATIVEMENT plus vite que la Fed. Le BCE peut donc, de facto, imprimer des ersatz de dollar.
[Je préconise plutôt d’utiliser l’ingénierie financière (dette et création monétaire) pour investir les précieux EUR à l’étranger dans du capital (qui pourra financer le niveau de vie futur) plutôt que tout claquer dans la consommation immédiate. Quant à utiliser le terme rentier plutôt que capitaliste, je ne suis pas communiste.]
(On n’a pas besoin d’être communiste pour faire la différence. Un modèle de rente repose sur la disponibilité des pays étrangers a payer un revenu pour ceux « précieux EUR à l’étranger » que vous vous proposez d’investir. Parce que contrairement au capitaliste, cet investissement ne vous donnera pas le pouvoir politique qui vous permet de garantir ce revenu. Le jour où les pays ou vous avez investi décideront que ce n’est pas la peine de continuer à vous servir votre rente, que ferez-vous ?)
Le sujet est passionnant, mériterait un article ou même plusieurs thèses. Exproprier les créditeurs a un coût significatif, ce qui rend cette mesure généralement peu souhaitable pour le débiteur. Y compris parce que lesdits créditeurs peuvent riposter (via des procès, la saisie des avoirs à l’étranger et pourquoi pas l’envoi d’une canonnière). Mais je reconnais dans votre propos une vision trotskyste de l’enrichissement : piller plutôt que produire.
Sur le fond, l’investissement en vue de générer un revenu futur à l’étranger est possible tant que le pays visé n’est pas complètement vendu à l’étranger, et que le coût de la banqueroute est inférieur à celui du respect des contrats. Le cas de Cuba dans les années 60 offre un contre-exemple frappant.
J’offrirai docn un bémol, il me paraît que certains secteurs par natures inélastiques sont peu aliénable, il y a historiquement peu de pays succesfull autorisant l’investissement immobilier locatif aux étrangers.
J’apprécie votre blog, votre intelligence, et la qualité des débats que vous hébergez. Je vais donc vous offrir un (petit) cadeau sans lien avec ce sujet. Une jeune youtubeuse qui manie avec Vivacité, Charme, et Intelligence, des convictions politiques très proches des votres. Je vous linke une vidéo, n’hésitez pas à regarder le reste de sa chaîne si le contenu vous plait : https://www.youtube.com/watch?v=BgCyO9WjINA
@ Jordi
[« Mais la question qui m’intéresse n’est pas celle-la, mais celle de l’arbitrage : à chaque augmentation de la productivité, on peut décider de consommer plus… ou de travailler moins. Ou une combinaison des deux. » Il peut permettre aussi et surtout à un autre de ne pas travailler : retraités, étudiants, allocataire, conjoint au foyer, titulaire d’un des bullshit jobs cher à David Grabber .. mais aussi à ceux qui vivent de l’économie résidentielle (fonctionnaires régaliens, services à la personne sans productivité industrielle, …)]
Vous noterez que j’ai écrit « on peut décider » et non, comme vous le faites « il peut se permettre ». Dans mon idée, il ne s’agit pas d’une décision individuelle, mais d’une décision sociale. Et bien entendu, si « on décide » de travailler moins, ce « moins » n’est pas nécessairement partagé de manière égalitaire. Ainsi, « on » peut « décider » que ce seront les femmes qui travailleront moins (en restant au foyer), ou bien les gens qui ont des métiers pénibles en leur permettant de partir à la retraite plus tôt ou en réduisant leurs heures sans réduction de salaire…
Un mot sur les « bullshit jobs » : personnellement, je ne trouve pas cette vision convaincante. Si un travail existe, c’est que quelqu’un est prêt à le payer. Et si quelqu’un est prêt à le payer, c’est qu’il remplit un besoin. Prenez le moine cistercien, qui passe son temps à prier pour le salut de tous les hommes. A quoi sert son boulot ? Si on se place dans une perspective matérialiste, il ne produit absolument rien. La prière n’a aucun effet. Et pourtant, pendant des siècles les gens ont déversé de l’argent sur les monastères, tranquilles dans la pensée que grâce à la prière des autres ils gagneraient le paradis. Au nom de quoi irais-je décréter qu’un travail qui satisfait ce besoin est un « bullshit job » ?
[Tout le monde consomme, et notamment tous les électeurs. Mais peu produisent, ou en tout cas peu produisent de façon industrielle. Au moment de voter, ça compte, beaucoup.]
Cela dépend ce que vous appelez « produire de façon industrielle ». Prenez un enseignant : difficile d’imaginer une machine plus « industrielle » que l’Education nationale, que vous pouvez parfaitement considérer comme une « chaîne » de production de citoyens. En quoi est-ce différent de la production d’une machine-outil ?
[Je ne crois pas au rapport entre employeur et salariés comme vecteur explicatif principal de notre société. L’opposition entre générations, entre salariés du privé et fonctionnaires ou entre producteurs et consommateurs, me paraissent plus structurantes.]
Vous voyez bien que non. Où voyez-vous un parti des jeunes opposé à un parti des vieux, un parti des salariés du privé et un parti de fonctionnaires briguant les mandats, un parti des producteurs affrontant un parti des consommateurs ? Lorsque vous regardez ce qui détermine les attitudes politiques, vous verrez que l’opposition de classe reste l’élément explicatif le plus puissant.
[Restons sérieux : vous voulez vraiment comparer les stats de licenciement des ouvriers de l’industrie et des fonctionnaires territoriaux ?]
Si vous voulez. Prenez Michelin, Dassault ou IBM. Je vous parie qu’elles tiennent largement la comparaison avec la fonction publique territoriale…
[Le capitaliste ne fixe pas les règles du jeu, ils s’y adapte.]
Vous rigolez, j’imagine. Quand le capitaliste fait pression sur un gouvernement en menaçant d’aller investir ailleurs si les impôts ne baissent pas, diriez-vous qu’il ne fait pas les règles ? Quand ils offrent à ceux qui font la loi des postes fort bien rémunérées (souvenez-vous d’une certaine Sylvie Goulard rémunérée 12.000€ par mois par la fondation Berggruent, ou d’un certain Barroso recruté par Goldman Sachs), diriez-vous qu’ils ne fixent pas les règles du jeu ? Allons, soyons sérieux. La politique est d’abord du rapport de forces, et c’est le capitaliste qui aujourd’hui domine largement celui-ci. Les règles s’adaptent donc aux intérêts des capitalistes, et non l’inverse.
[Si on remplaçait les charges sociales par des droits de douanes, on aurait des hausses de prix et un peu moins de choix au supermarché, mais plus de délocalisations.]
Pourriez-vous développer votre raisonnement ? Si on remplace les charges sociales par des droits de douane, on verrait augmenter le prix des produits IMPORTES, mais une baisse du prix des produits « made in France », puisque les industriels verraient réduits les coûts salariaux, et donc les coûts de fabrication. Globalement, le déplacement d’un impôt vers un autre n’a pas d’effet sur le pouvoir d’achat, puisqu’on continue à prélever la même quantité sur l’économie. Ce qui change, c’est la distribution du prélèvement : déplacer les charges sociales sur les droits de douane augmente le pouvoir d’achat de ceux qui consomment français, et réduit celui de ceux qui consomment importé. Je vous laisse trouver qui sont les uns et les autres…
[Il y a beaucoup plus d’intérêts communs entre l’entrepreneur et le travailleur que de conflits irréductibles. Le principal conflit resterait l’immigration, qui dénature le rapport de force en faveur des employeurs et au détriment des salariés.]
Non. Le principal conflit, celui qui structure tous les autres, c’est que le capitaliste a intérêt réduire la rémunération du salarié pour augmenter ses profits, et que le salarié au contraire a intérêt à réduire la rémunération du capital pour augmenter son salaire. Le conflit que vous citez n’est qu’une conséquence de ce conflit fondamental : si l’employeur ne cherchait pas à réduire les salaires, pourquoi embaucherait-il des immigrés ?
[Mais puisque LFI et une grande majorité de la Gôche soutient l’immigration de masse, ils donnent envie au salarié (certes cadre bien employable) que je suis de voter pour Ernest Antoine Selliere bien plus que pour eux.]
Pas vraiment. Les couches populaires n’ont pas intérêt à voter ni pour l’un ni pour l’autre, et c’est pourquoi ils s’abstiennent de plus en plus.
[Ils profitent surtout des gouvernements qui autorisent à vendre en France en “produisant” aux conditions Irlandaises. Ce n’est pas eux qui défendent ces règles, c’est la commission européenne.]
Vous croyez vraiment que les capitalistes n’ont pas pesé de tout leur poids pour que la commission européenne fasse les règles qui les avantagent ? Si Goldman Sachs offre une sinécure très bien rémunérée à Barroso après la fin de son mandat de président de la Commission, pensez-vous que ce soit pour ses mérites financiers ?
[Défendre le bien commun n’est pas la mission de l’investisseur (ni celle de l’ouvrier), c’est celle de l’élu de la République (ou du ministre du Roy, du commissaire du peuple ou du caudillo).]
Exact. Mais cela se fait dans un contexte de rapport de forces. Et vous n’ignorez pas que le capital peut avoir des arguments très convaincants…
[Les devises fortes sont arrimables au dollar. En étalon dollar, les euros restent dollarisables tant que l’Europe ne fait pas tourner la planche à billets SIGNIFICATIVEMENT plus vite que la Fed. Le BCE peut donc, de facto, imprimer des ersatz de dollar.]
Vous ne pouvez « arrimer » au dollar que si vous avez des dollars (autrement, si les gens demandent à échanger leurs devises pour du dollar, vous êtes mal). Exactement avec l’or : si vous arrimez une monnaie à l’or, vous avez besoin d’avoir des réserves d’or suffisantes pour garantir la convertibilité. Sauf pour les Etats-Unis qui peuvent émettre du dollar sans limite, il n’y a aucune différence.
[Le sujet est passionnant, mériterait un article ou même plusieurs thèses. Exproprier les créditeurs a un coût significatif, ce qui rend cette mesure généralement peu souhaitable pour le débiteur. Y compris parce que lesdits créditeurs peuvent riposter (via des procès, la saisie des avoirs à l’étranger et pourquoi pas l’envoi d’une canonnière). Mais je reconnais dans votre propos une vision trotskyste de l’enrichissement : piller plutôt que produire.]
Je ne vois pas où est le « trotskysme » là-dedans. Les pays qui n’ont jamais fait défaut sur une dette sont finalement assez rares. Des entreprises qui ne paient leurs créditeurs, cela se voit tous les jours. Diriez-vous que c’est « piller plutôt que produire » ?
[Sur le fond, l’investissement en vue de générer un revenu futur à l’étranger est possible tant que le pays visé n’est pas complètement vendu à l’étranger, et que le coût de la banqueroute est inférieur à celui du respect des contrats.]
Oui, mais plus vous investissez, et plus le défaut devient intéressant…
[J’apprécie votre blog, votre intelligence, et la qualité des débats que vous hébergez. Je vais donc vous offrir un (petit) cadeau sans lien avec ce sujet. Une jeune youtubeuse qui manie avec Vivacité, Charme, et Intelligence, des convictions politiques très proches des votres. Je vous linke une vidéo, n’hésitez pas à regarder le reste de sa chaîne si le contenu vous plait : (…)]
Merci, je regarderai quand j’aurais un moment (je dois dire que je n’aime pas trop regarder des vidéos).
[Mais les réflexions qui ont présidé à la rédaction de la Charte de La Havane restent à mon avis lourdes d’enseignements, même dans un monde où l’étalon-dollar a remplacé l’étalon-or.]
Surtout sachant que la valeur d’une monnaie est encore plus liée à la santé économique des utilisateurs.
[J’avoue que je ne comprends pas votre obsession sur les fonctionnaires. D’abord, contrairement à ce que vous croyez, les fonctionnaires ont eux aussi un intérêt à ce que l’usine ne ferme pas, au moins autant que les acteurs privés. Lorsqu’une usine ferme, le bistrot, la superette ou l’atelier automobile perdent des clients, mais les services publics perdent des usagers. Et si le bistrot ou la superette ferment, l’école ou le bureau de poste ne sont pas loin derrière. Lorsque vous regardez qui sont ceux qui participent dans les luttes locales pour sauver des usines, vous trouverez souvent les fonctionnaires en première ligne.]
Je pense qu’il voulait parler de secteurs plus éloignés des secteurs de la production, comme ceux dans lesquels bossent les commentateurs sous les articles du Monde qui parlent de sacrifier des secteurs tels que ceux pétroliers, sucriers, aviation, automobile et tourisme.
@ Jopari
[Surtout sachant que la valeur d’une monnaie est encore plus liée à la santé économique des utilisateurs.]
Cela dépend de ce que vous appelez “santé économique des utilisateurs”. La valeur d’une monnaie dépend de l’anticipation des acteurs économiques sur ce que vous pourrez acheter avec elle. Mais tient peu compte de la situation des “utilisateurs” de la monnaie en question. Les “trente glorieuses” ont vu une croissance forte et le plein emploi… avec une monnaie faible. Depuis les années 1990, nous avons une monnaie forte avec une croissance rachitique et un chômage massif…
Merci cher Descartes pour votre réponse attentionnée,cette marque de votre direction du blog est extraordinaire et vous confère une exemplarité en ce domaine,Bravo.
Cependant,il me faut préciser que concernant la Finlande je ne faisais pas allusion à son industrie papetière mais bien à son EPR qui a quelque problèmes aussi:Qu’en pensez suite à la lecture de ce lien ?
En ce qui concerne le film des ‘Roses pour le procureur ‘ c’est la RDA qui l’a tourné mais une RDA sans le mur qui fut construit en 1961,alors que le film est sorti en 1959.
Son style rappelle les comédies Hollywoodienne des années conquante.Il est léger pimpant mais contient une idéologie typique de ces pionniers allemands socialistes et communistes qui en zone d’occupation soviétique ont essayé de construire unesociété collectiviste industrielle sans influence capitaliste.
La ville de Chemitz fut rebaptisé Karl-Marx stadt et une Stalinstadt.En 1961, le regroupement des villes de Fürstenberg sur Oder, Staline Ville (Stalinstadt (de)), et Schönfließ formèrent Eisenhüttenstadt.
Autrement dit la ville de la sidérurgie,n’y voyez pas une différence avec les autres pays où à ma connaissance aucune ville ne porte le nom,de ville de la sidérurgie ?
@ luc
[Cependant, il me faut préciser que concernant la Finlande je ne faisais pas allusion à son industrie papetière mais bien à son EPR qui a quelque problèmes aussi:]
Votre question était si l’on ne pouvait pas utiliser les « savoir-faire » des travailleurs finlandais pour compléter l’EPR d’Olkiluoto. Mon point était que la Finlande n’a pas une très grande tradition industrielle, et sa main d’œuvre est entraînée plutôt dans l’industrie papetière que dans la construction des grandes infrastructures – ce qui n’est pas le cas par exemple de la Chine, ou deux EPR ont été construit dans des conditions bien meilleures.
Quant à la question des soupapes… il faudrait connaître bien l’affaire pour commenter, ce qui n’est pas mon cas. Les installations nucléaires font l’objet d’essais et de contrôles permanents, et il n’est pas rare de trouver des pièces « défaillantes » – cela ne veut pas dire qu’elles ne fonctionnent pas, mais qu’elles ne satisfont pas tout à fait la spécification. La logique de la « défense en profondeur » (plusieurs lignes de défense indépendantes pour faire face à un incident) permet de vivre avec et de prendre le temps de les corriger.
[La ville de Chemitz fut rebaptisé Karl-Marx stadt et une Stalinstadt. En 1961, le regroupement des villes de Fürstenberg sur Oder, Staline Ville (Stalinstadt (de)), et Schönfließ formèrent Eisenhüttenstadt. Autrement dit la ville de la sidérurgie,n’y voyez pas une différence avec les autres pays où à ma connaissance aucune ville ne porte le nom, de ville de la sidérurgie ?]
J’y vous surtout une question de tradition. La Grande Bretagne, qui a une tradition industrielle ancienne, n’a pas non plus de « ville de l’acier » ou de « ville du charbon ». En Europe orientale il y a une tradition de nommer ou renommer les villes le nom de personnalités ou des activités (pensez à St Petersburg, dont le nom est celui de son fondateur, Pierre Ier. En France métropolitaine, je ne connais qu’un seul exemple (Decazeville, nommée à partir de Decazes, son bâtisseur). Les autres « villes nouvelles » ont toujours reçu le nom de la commune où elles étaient installées, et aucun roi n’a encouru le ridicule de donner son nom à une ville.
La toponymie française est très traditionnaliste, dominée par la toponymie romaine ou médiévale. Nos villes et villages ont généralement soit le nom de la tribu qui habitait le coin en temps romains (Paris doit son nom aux Parisis, Bordeaux aux Bituriges, Tours aux Turonnes…), soit au saint patron choisi par la cité, soit à un accident naturel local. C’est le cas même pour les villes nouvelles, construites ex-nihilo : Cergy, Créteil…
—En France métropolitaine, je ne connais qu’un seul exemple (Decazeville, nommée à partir de Decazes, son bâtisseur). Les autres « villes nouvelles » ont toujours reçu le nom de la commune où elles étaient installées, et aucun roi n’a encouru le ridicule de donner son nom à une ville.—
Vous avez raison de préciser “en France métropolitaine”. Dans les colonies, il en allait autrement : Brazzaville, Port-Lyautey… Et Louis-Philippe n’a pas eu peur d’encourir le ridicule de donner son nom à Philippeville, lors de la conquête de l’Algérie.
@ Gugus69
[Vous avez raison de préciser “en France métropolitaine”. Dans les colonies, il en allait autrement : Brazzaville, Port-Lyautey… Et Louis-Philippe n’a pas eu peur d’encourir le ridicule de donner son nom à Philippeville, lors de la conquête de l’Algérie.]
Tout à fait. Il n’est pas inintéressant de se demander pourquoi, alors qu’en métropole on a respecté strictement la toponymie traditionnelle, on s’est permis de donner des noms de personnes aux villes de l’empire français…
[“En France métropolitaine, je ne connais qu’un seul exemple (Decazeville, nommée à partir de Decazes, son bâtisseur)”]
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Richelieu_(Indre-et-Loire)
Il fallait que ce fût lui.
Mais le nom existait déjà et vient de la terre, mon précédent commentaire est donc nul.
Cela m’apprendra à ne pas poster si tard et à lire plus attentivement. Mea culpa.
votre article fait réfléchir, et on a spontanément envie de partager ce point de vue.
Il reste pour moi un grand mystère, ce sont ces orientations gouvernementales successives (droite et gauche confondues, même si on peut distinguer dans le détail que la gauche a fait encore pire) qui ont conduit à ce renoncement à développer notre industrie, et même à restreindre nos efforts de recherche (malgré les déclarations contraires).
Toutefois, un point me paraît à discuter. Les activités informatiques au sens large, classées comme “service” me paraissent un facteur de production que l’on pourrait ranger sous le vocable “industrie” au sens large, un peu comme les machines outils. Aucune installation industrielle, aucune machine outil, aucun moyen de transport … ne peut fonctionner aujourd’hui sans une informatique solide.
On pourrait même dire que les Gafa font partie de l’industrie d’aujourd’hui.
En bref il me semble qu’il faudrait revoir ce qu’on appelle “industrie” aujourd’hui.
Si on accepte ce point de vue, notre déclin industriel est moindre qu’il n’y paraît, même si il reste sensible.
nb: je rejoins sensiblement le point de vue d’un commentaire précédent
@ marc.malesherbes
[Il reste pour moi un grand mystère, ce sont ces orientations gouvernementales successives (droite et gauche confondues, même si on peut distinguer dans le détail que la gauche a fait encore pire) qui ont conduit à ce renoncement à développer notre industrie, et même à restreindre nos efforts de recherche (malgré les déclarations contraires).]
Comme toujours, il faut chercher l’origine des politiques gouvernementales dans les rapports de force. A la fin des années 1960, la « croissance de rattrapage » s’arrête et met fin à la parenthèse enchantée des « trente glorieuses ». L’arrêt de la croissance traduit en fait le ralentissement de la hausse de la productivité dans les pays développements, dont l’appareil productif a incorporé l’ensemble des innovations modernisatrices ayant un poids important sur la productivité. Le capital, qui recherche toujours à accroître sa rentabilité, ne peut le faire qu’en déplaçant la production hors des frontières de façon à exploiter la main d’œuvre bon marché du tiers-monde tout en continuant à vendre sur les marchés solvables des pays développés. C’est le moteur de la « révolution néolibérale » qui commence dans les années 1970.
Ce processus fait que la politique économique des différents gouvernements qui se succèdent après la fin des années 1980 est dominée par la question de l’emploi. A droite, on s’imagine que le chômage est lié à la compétitivité et qu’on pourra le faire reculer grâce aux privatisations, à l’ouverture des marchés et à la « flexibilisation » de l’emploi. A gauche, on hésitera entre les recettes de la droite – tout est question d’habillage – et des idées bizarres comme le « partage du travail sans partage du revenu » et la multiplication de l’emploi public ou para-public. Mais à droite comme à gauche, on a oublie que l’appareil productif est là pour produire des biens aussi efficacement que possible, et non pas des emplois.
[Toutefois, un point me paraît à discuter. Les activités informatiques au sens large, classées comme “service” me paraissent un facteur de production que l’on pourrait ranger sous le vocable “industrie” au sens large, un peu comme les machines-outils. Aucune installation industrielle, aucune machine-outil, aucun moyen de transport … ne peut fonctionner aujourd’hui sans une informatique solide.]
Je ne suis pas persuadé qu’il faille changer le sens des mots. Il n’est pas inutile de réserver le mot « industrie » comme on le fait habituellement à la production de biens matériels, quitte à distinguer parmi les services une catégorie de « services industriels », regroupant les productions immatérielles indispensables au fonctionnement de l’industrie. Mais du point de vue de mon raisonnement, la véritable distinction se situe entre les secteurs faisant appel à des savoir-faire pointus, et où la recherche scientifique et technique permet des gains de productivité ou de qualité importants, et les autres. La première catégorie regroupe des activités qui ont un effet évident de structuration et d’entrainement de l’ensemble des activités sur un territoire, ce qui n’est pas le cas des secondes.
Et pendant ce temps là, la Méditerranée… Non, çà, c’est une autre chanson ! Crise économique entrainant crise des systèmes de santé et de retraite, j’ai été surpris, pour ne pas dire choqué par les mesures envisagées par le gouvernement pour pallier ces problèmes ! Augmenter l’âge de la retraite, c’est oublier que plus les “vieux” travailleront tard, moins les jeunes trouveront du travail… Une piste, non creusée par nos “élites” : recréer des activités artisanales ou industrielles en France avant que notre savoir faire ne soit totalement bradé comme AIRBUS, avion européen ! Compte tenu du nombre croissant d’illettrés, pourquoi ne pas recréer (ce n’est qu’un exemple) des fabriques de charentaises, bien françaises (qui aujourd’hui sont fabriquées presque totalement en Asie) ? Que vont devenir toutes ces personnes sans aucune formation : des chômeurs professionnels ? Quitte à ce que l’état aide ces entreprises à devenir compétitives ainsi que le font d’autres pays (USA, Chine, entre autres). Bof la chute de l’économie, ce n’est pas grave, les LGBT vont avoir leur PMA et GMA, tout va bien Madame le Marquise…
@ Jean Louis COUVERT
[Une piste, non creusée par nos “élites” : recréer des activités artisanales ou industrielles en France avant que notre savoir faire ne soit totalement bradé comme AIRBUS, avion européen ! Compte tenu du nombre croissant d’illettrés, pourquoi ne pas recréer (ce n’est qu’un exemple) des fabriques de charentaises, bien françaises (qui aujourd’hui sont fabriquées presque totalement en Asie) ?]
Parce que les « charentaises bien françaises » seront fabriquées par des travailleurs français payés au SMIC, alors que les charentaises asiatiques sont fabriquées par des travailleurs asiatiques payés au lance-pierres. Et cette différence se verra dans le prix du produit. Pour pouvoir recréer des fabriques de charentaises « bien françaises », il vous faut pouvoir persuader – ou obliger – les consommateurs à payer leurs charentaises trois ou quatre fois plus cher. Comment vous y prendriez-vous ?
Tant qu’à faire, je préfère rapatrier chez nous la fabrication de grands forgés, d’ordinateurs ou de scanners RMN plutôt que celle des charentaises. Quitte à enseigner à lire aux illettrés.
@Descartes
[Effectivement, l’Allemagne ne fait pas rêver, entre autres choses, parce qu’il faut vivre avec des Allemands. C’est un obstacle indépassable, et c’est quelqu’un à qui on a offert un pont d’or pour aller travailler en Allemagne qui vous le dis…]
Pourriez-vous développer ? Je suis sur le point de m’expatrier deux ans en Allemagne dans le cadre des mes études et j’aimerais beaucoup avoir votre point de vue, à des fins purement personnelles 🙂
@ Un Belge
[Pourriez-vous développer ? Je suis sur le point de m’expatrier deux ans en Allemagne dans le cadre des mes études et j’aimerais beaucoup avoir votre point de vue, à des fins purement personnelles]
Je ne voudrais surtout pas gâcher votre expérience… d’abord, n’oubliez pas que l’Allemagne comme entité est purement virtuelle. Il n’y a pas UNE Allemagne, il y a DES Allemagnes, et les différences dans l’esprit, dans le mode de vie, dans l’accueil que vous recevrez sont bien plus marquées entre Hambourg et Munich, entre Cologne et Leipzig que peuvent l’être entre Nice et Lille, entre Lyon et Rennes. Comme je ne sais pas dans quel coin de l’Allemagne vous comptez vous expatrier, il est difficile de répondre complètement à votre question.
Je m’excuse par avance si je suis un peu schématique, mais ce qui frappe d’abord en Allemagne, c’est à quel point les gens sont complexés, à quel point leur psyché est compliquée. Vous êtes dans une société qui paraît en apparence pacifiée, mais lorsque vous creusez un peu vous vous rendez compte que c’est la paix d’un volcan endormi. Des conflits terrifiants subsistent dans les profondeurs, et la paix apparente n’est assurée que grâce à une répression – et une auto-répression – sociale permanente. La sacralisation de la Loi – perçue non pas comme l’expression de la volonté générale, mais comme une entité surnaturelle – est le signe le plus apparent de cette situation. Je me souviens m’être étonné qu’en Allemagne on puisse trouver des gens qui attendent que le feu passe au vert pour traverser la rue alors qu’il est minuit passé et qu’il n’y a pas une seule voiture à l’horizon. La réponse qu’on me fit illustre parfaitement la chose: “si on se permet de violer la loi, alors on va vers le désordre”. Cette peur panique du désordre – et donc de la libération des conflits enfouis – devient très vite pesante.
On parle beaucoup de la passion de l’ordre chez les Allemands, alors qu’il faudrait plutôt parler de la peur du désordre. Cette peur rend les rapports sociaux très durs. Les hiérarchies sociales sont beaucoup plus marquées que chez nous, et les rapports entre les personnes beaucoup plus “durs”, marqués par une méfiance viscérale contre tout ce qui vient d’ailleurs.
Vous serez aussi confronté au nationalisme contrarié des Allemands. D’un côté, ils sont persuadés d’être la race élue pour expliquer aux autres comment ils devraient gérer leurs affaires, et ne s’en privent pas. Mais d’un autre, ils sont toujours surpris que leur message ne soit pas écouté, que personne n’ait vraiment envie de les imiter. C’est un peu ce qui structure leur rapport avec la France, ce pays de gaulois indisciplinés et désorganisés et qui pourtant rayonne bien plus que l’Allemagne. Vous serez aussi surpris par les ambiguïtés par rapport au régime nazi: alors que le discours officiel à usage public condamne le IIIème Reich, vous trouverez beaucoup d’Allemands qui sont nostalgiques du temps ou l’Allemagne dominait l’Europe et qui considèrent 1945 comme une défaite allemande. Vous ne trouverez pas – du moins en Allemagne de l’Ouest – beaucoup de monuments célébrant la victoire contre le nazisme, les pensions des militaires de la Wehrmacht mais aussi de la SS sont ponctuellement payées, alors que les résistants communistes qui ont espionné au profit des Alliés sont considérés comme des traîtres. Et l’antisémitisme est très loin d’avoir disparu.
Si vous y allez pour quelques années, vous aurez l’opportunité de les observer dans leur sauce…
@ Descartes,
“Vous serez aussi surpris par les ambiguïtés par rapport au régime nazi: alors que le discours officiel à usage public condamne le IIIème Reich, vous trouverez beaucoup d’Allemands qui sont nostalgiques du temps ou l’Allemagne dominait l’Europe et qui considèrent 1945 comme une défaite allemande.”
Un de mes professeurs d’allemand – lui-même Allemand – m’avait dit à peu près la même chose il y a une quinzaine d’années. En même temps, est-il vraiment honnête de refuser de voir que derrière Hitler et les nazis, il y avait bel et bien le peuple allemand? Les Allemands ont marché, et pas seulement par peur de la Gestapo. C’est sans doute désagréable à entendre pour certains Allemands, mais Hitler devait bien quelque part correspondre aux attentes de certains secteurs de la société allemande…
@ nationaliste-ethniciste
[En même temps, est-il vraiment honnête de refuser de voir que derrière Hitler et les nazis, il y avait bel et bien le peuple allemand ? Les Allemands ont marché, et pas seulement par peur de la Gestapo. C’est sans doute désagréable à entendre pour certains Allemands, mais Hitler devait bien quelque part correspondre aux attentes de certains secteurs de la société allemande…]
Tout à fait d’accord. Pour des raisons politiques – il fallait une Allemagne occidentale forte dans la perspective de la guerre froide – on a propagé le mythe d’un nazisme « hors sol », un peu comme si les nazis étaient des extraterrestres qui avaient pris le contrôle du pays, et que les Allemands plongés dans une sorte d’inconscience s’étaient réveillés en 1945, horrifiés par les crimes qu’ils avaient commis sous influence.
Cette théorie est, bien entendu, fausse. La preuve en est que de très nombreux auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont les actes étaient bien connus et incontestables, ont vécu paisiblement le reste de leur vie sans être inquiétés, et sans que leurs voisins s’en émeuvent. J’avais déjà donné sur ces colonnes l’exemple du général SS Heinz Lammerding, mort dans son lit malgré sa condamnation par contumace en France pour le massacre d’Oradour sur Glane. La décision de l’Allemagne de ne pas l’extrader ne semble pas avoir provoqué beaucoup d’émoi outre Rhin, pas plus que les clients de l’entreprise qu’il a fondé et dirigé après la guerre n’ont jugé nécessaire de le boycotter. Et à sa mort, les obsèques ont été l’opportunité d’un rassemblement de nombreux anciens SS. Ses concitoyens l’ont traité comme on traite un honnête soldat qui a fait son devoir pour son pays et qui est injustement persécuté par des étrangers. Des faits qui parlent bien plus fort que les discours condamnant le nazisme des dirigeants allemands.
On ne peut pas réduire l’histoire allemande au nazisme, mais on ne peut pas non plus nier que le nazisme a des racines intellectuelles, politiques et sociales qui plongent profondément dans l’histoire et dans la pensée allemande. Le nazisme est aussi allemand que les guerres de Vendée ou la répression de la Commune sont françaises.
@ Descartes,
“On ne peut pas réduire l’histoire allemande au nazisme, mais on ne peut pas non plus nier que le nazisme a des racines intellectuelles, politiques et sociales qui plongent profondément dans l’histoire et dans la pensée allemande.”
Je me posais une question: côté RDA, comment la question nazie était-elle abordée? Quel était le discours officiel des dirigeants est-allemands?
@ nationaliste-ethniciste
[Je me posais une question: côté RDA, comment la question nazie était-elle abordée? Quel était le discours officiel des dirigeants est-allemands?]
La question est très intéressante. La RDA, il faut le dire, partait avec un boulet beaucoup moins lourd: ses élites dirigeantes étaient recrutées parmi ceux qui se trouvaient dans les baraquements des camps plutôt que dans les miradors. Les dirigeants et militants communistes allemands avaient été persécutés, emprisonnés, et empêchés d’accéder à la moindre charge publique. Walter Ullbricht, premier chef d’Etat de la RDA, a du s’exiler après 1933 pour survivre, Otto Grotewohl, qui sera le premier président du conseil de la RDA aura fait de la prison entre 1938 et 1944 et participé à la Résistance allemande, son successeur Willi Stoph a été envoyé dans un camp pour les mêmes motifs. On ne pouvait donc que très difficilement leur reprocher une quelconque participation ou sympathie par rapport au régime antérieur. A l’inverse, les occidentaux voient un intérêt dans le contexte de la guerre froide à ce que les élites anticommunistes qui ont fait le lit du nazisme ou qui ont directement participé au IIIème Reich reprennent du service, quitte à éliminer les figures les moins présentables et les plus compromises, le cas limite étant Kiesinger, responsable de la propagande radiophonique allemande à l’étranger sous Ribbentrop et Goebbels, devenu chancelier d’Allemagne en 1966.
C’est pourquoi la RDA a pu se permettre une véritable dénazification, là ou la priorité en RFA fut de jeter le manteau de l’oubli sur le passé en créant une véritable schizophrénie: on maintien la mémoire des crimes, mais on oublie qui en sont les auteurs. Ainsi, les dirigeants allemands peuvent venir verser une larme à Oradour-sur-Glane, tout en refusant d’extrader ou de faire condamner sur leur sol ceux qui ont massacré ses habitants. D’abord, la RDA a marqué une rupture claire en refusant le paiement des pensions des fonctionnaires nazis, contrairement à la RFA qui paye jusqu’aujourd’hui ponctuellement les pensions des anciens officiers SS. Ceux qui se sont compromis avec les nazis ont été barrés de toute fonction publique, ont été regardés comme des parias, et ont du faire acte de contrition pour pouvoir réintégrer la société. Je me souviens encore d’avoir discuté avec un chauffeur de taxi à Berlin qui me racontait comment son père avait du faire un véritable travail sur lui-même pour accepter l’horreur de ce qu’il avait fait lorsqu’il était en URSS.
Cela étant dit, la RDA se plaçait dans cette contradiction inhérente à un communisme qui est à la fait historiciste et qui prétend “faire table rase” du passé. En pratique, la RDA tout comme la RFA ont reconstruit un “roman national” allemand qui à l’Est mettait plutôt l’accent sur les racines de l’anti-nazisme (l’Allemagne des Lumières, le matérialisme allemand) alors qu’à l’Ouest on est revenu aux éléments plus associés au nazisme (la naturphilosophie, le romantisme allemand). Ce n’est pas un hasard si l’écologie, si forte à l’ouest, est marginale à l’est.
@Descartes,
[Cela étant dit, la RDA se plaçait dans cette contradiction inhérente à un communisme qui est à la fait historiciste et qui prétend “faire table rase” du passé. En pratique, la RDA tout comme la RFA ont reconstruit un “roman national” allemand qui à l’Est mettait plutôt l’accent sur les racines de l’anti-nazisme (l’Allemagne des Lumières, le matérialisme allemand) alors qu’à l’Ouest on est revenu aux éléments plus associés au nazisme (la naturphilosophie, le romantisme allemand). Ce n’est pas un hasard si l’écologie, si forte à l’ouest, est marginale à l’est.]
Bizarrement, je divergerais avec vous sur deux points:
– la dénazification en RDA n’a pas vraiment fonctionné: après la chute du régime communiste, c’est chez “Ossis” que les partis d’extrême-droite en Allemagne ont le plus prospéré…
Pour ma part, j’aurais un diagnostic inverse du vôtre: à l’instar du marxisme-léninisme, l’autre doctrine officielle des dirigeants de l’époque, la dénazification n’a que marginalement atteint les masses. Je dirais même que cette doctrine a eu pour effet pervers de laver le sentiment de culpabilité des “Ossis” à l’égard du nazisme, un peu comme pour les Autrichiens qui pointent du doigt l’Anschluss pour se dédouaner des horreurs commises par le régime nazi…
– L’est de l’Allemagne est le berceau de la Prusse, qui a été le coeur nucléaire du nazisme, et qui a été historiquement l’ennemie juré des Lumières françaises et écossaises… A l’exception notable de l’ermite de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad), le philosophe Kant, grand défenseur des Lumières devant l’Eternel, tous les philosophes prussiens étaient anti-Lumières car anti-Français…
D’ailleurs, la francophobie enragée des Prussiens est probablement l’une des seules constantes de l’histoire des deux pays depuis plus de trois siècles: le dernier épisode en date est l’attitude de la Prussienne Angela Merkel, qui n’a jamais manqué de rabrouer ou de ridiculiser nos présidents successifs, et de miner sournoisement toutes les réussites françaises; maintenant, ce n’est pas vraiment de sa faute si nos élites veulent continuer à travailler pour le roi de Prusse…
@ CVT
[Bizarrement, je divergerais avec vous sur deux points:]
Pourquoi « bizarrement » ?
[– la dénazification en RDA n’a pas vraiment fonctionné: après la chute du régime communiste, c’est chez “Ossis” que les partis d’extrême-droite en Allemagne ont le plus prospéré…]
Je trouve votre raisonnement bizarre. Ce sont les jeunes qui vote ou militent dans les partis d’extrême-droite dans la partie orientale de l’Allemagne. Le rôle des anciens nazis qui auraient survécu à la chute de la RDA est inexistant. Tirer donc des succès de l’extrême droite en dans les länder de l’ancienne RDA la conclusion que la dénazification n’a pas fonctionné me paraît pour le moins osé.
Si l’extrême droite prospère dans la partie orientale de l’Allemagne, c’est pour la même raison qu’elle prospère dans les anciennes régions industrielles chez nous : parce que ces populations ont été abandonnés par les Etats qui répondent aux intérêts des classes intermédiaires concentrées dans les métropoles. Cela n’a rien à voir avec une « dénazification » qui n’aurait pas fonctionné.
[Je dirais même que cette doctrine a eu pour effet pervers de laver le sentiment de culpabilité des “Ossis” à l’égard du nazisme, un peu comme pour les Autrichiens qui pointent du doigt l’Anschluss pour se dédouaner des horreurs commises par le régime nazi…]
Cela ne me gêne pas, au contraire. Je ne pense pas que raisonner en termes de « culpabilité » soit juste, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest, d’ailleurs. La culpabilité est une question personnelle. Ceux qui ont participé aux massacres, aux persécutions, aux crimes sont « coupables ». Les autres, non. Et je pense que les « coupables » ont été punis bien plus sévèrement à l’Est qu’à l’Ouest. Pour les autres allemands, la question n’est pas la « culpabilité » mais la « responsabilité historique », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Je ne demande pas aux Allemands d’expier une quelconque « culpabilité », mais de se sentir responsables de leur histoire. Par exemple, en s’assurant que les « coupables » soient punis. Ce qui a été le cas à l’Est, et pas à l’Ouest.
[– L’est de l’Allemagne est le berceau de la Prusse, qui a été le coeur nucléaire du nazisme, et qui a été historiquement l’ennemie juré des Lumières françaises et écossaises…]
D’abord, le « cœur nucléaire du nazisme » n’a pas été la Prusse, mais la Bavière. Ensuite, on peut difficilement dire que la Prusse ait été « historiquement l’ennemi juré des Lumières françaises ». Et il est très exagéré de dire que la Prusse était anti-française. Pensez à Frédéric II, qui accueillit Voltaire et nomma son palais « Sans Souci »… La francophobie prussienne viendra plus tard, lorsque les campagnes napoléoniennes mettront en danger l’aristocratie prussienne, et lorsque les monarques prussiens auront besoin d’un ennemi commun pour convaincre les princes germaniques de se mettre sous leur protection.
@ Descartes
[Ensuite, on peut difficilement dire que la Prusse ait été « historiquement l’ennemi juré des Lumières françaises ». Et il est très exagéré de dire que la Prusse était anti-française. Pensez à Frédéric II, qui accueillit Voltaire et nomma son palais « Sans Souci »…]
Il faut ajouter que l’essor de Berlin comme capitale moderne et ville au rayonnement européen est beaucoup dû aux Huguenots qui y ont trouvé refuge, les Hohenzollern de Brandebourg-Prusse ayant été leurs coreligionnaires calvinistes, bien que régnant sur des États à prédominance luthérienne.
@Descartes
Merci pour le commentaire détaillé sur la psyché allemande, je vois qu’il a lancé pas mal de conversations intéressantes. Je me réjouis de faire mes propres observations.
(Pour la petite histoire, je vais sur Munich)
@ Un Belge
[Merci pour le commentaire détaillé sur la psyché allemande, je vois qu’il a lancé pas mal de conversations intéressantes. Je me réjouis de faire mes propres observations.]
N’hésitez pas à les commenter ici. Munich est un bon poste d’observation, c’est un peu un concentré de l’Allemagne riche, provinciale et réac, avec les crucifix dans les tribunaux et les écoles. Et bien entendu, à Dachau (qui est dans la banlieue de Munich) on n’a tué que les poux… et puis, si des gens ont été enfermés là, c’est qu’ils avaient fait quelque chose pour le mériter, autrement dieu ne l’aurait pas permis (sic).
@Un Belge
La question ne m’était pas adressée, mais je me permets de vous donner moi aussi mon impression au cas où cela vous intéresserait (j’ai été en couple 3 ans avec une Allemande et j’ai fait un an d’études près de Stuttgart à cette époque ; et j’ai plus tard obtenu un poste dans la Ruhr, où je suis resté un peu plus de deux ans).
Je confirme à peu près l’impression que vous a donnée Descartes, en particulier sur le respect des règles et de l’agacement devant le comportement français. Je me suis par exemple retrouvé face à un “Professor Doktor” qui m’expliquait, vraiment très agacé, que les Allemands travaillent dur pour gagner de l’argent, pendant que les Français se contentent de faire du vin, et que les Allemands sont assez stupides pour le leur acheter (et ce n’était pas une plaisanterie). J’ai aussi vu une personne âgée venir près de la scène d’une pièce de théâtre un peu bruyante pour hurler aux acteurs, le doigt devant la bouche : “Können Sie das ein bisschen leiser machen bitte?”.
Mais je ne sais pas si cela est vraiment lié à la peur du désordre, comme le dit Descartes. Mon impression est plutôt qu’ils sont habitués à ne pas être dérangés par les autres, et à accepter de faire beaucoup d’efforts en échange pour ne pas déranger eux-mêmes les autres ; et que ne pas faire la même chose revient à ne pas donner d’importance à cet effort. Je trouve que l’on retrouve un peu le même comportement en Suisse par exemple.
J’ai aussi remarqué un certain complexe lié à leur histoire. Le plus marquant était les réactions disproportionnées aux blagues de mauvais goûts faites par des étrangers sur le sujet, y compris chez les jeunes.
[ La première, c’est de transférer les coûts de la protection sociale sur la TVA plutôt que sur des prélèvements calculés sur les salaires. Ainsi, les produits étrangers – qui sont soumis à la TVA – supporteraient une partie des coûts sociaux induits]
Si j’ai bien compris vous voulez baisser le coût du travail en faisant augmenter le coût des produits importés par TVA mais qui vous dit que le patronat ne va pas augmenter ses marges de bénéfices en gardant les prix des produits à l’identiques que ceux d’avant le transfère des coûts. Par exemple dans le cas de la restauration ça n’a pas profité aux consommateurs.
https://www.ipp.eu/publication/n32-qui-a-beneficie-de-la-baisse-de-la-tva-dans-la-restauration-en-2009/
L’article date de 2009 mais je pense qu’elle reste d’actualité
[Et pour cela utiliser l’instrument fiscal mais aussi monétaire – ce qui suppose le retour à une monnaie nationale et aux taxes aux frontières.]
Concernant les taxes aux frontières, comment voulez-vous en mettre dans le cadre de l’OMC dont cette institution a poussé la France à faire baisser les tarifs douanières et à déréguler notre économie ? Ne craigniez-vous pas des répercussions que cela pourrait avoir vers nos marchés extérieurs ?
@ Glarrious
[Si j’ai bien compris vous voulez baisser le coût du travail en faisant augmenter le coût des produits importés par TVA mais qui vous dit que le patronat ne va pas augmenter ses marges de bénéfices en gardant les prix des produits à l’identiques que ceux d’avant le transfère des coûts. Par exemple dans le cas de la restauration ça n’a pas profité aux consommateurs.]
Si les marchés fonctionnent proprement – c’est-à-dire si la concurrence est proche d’une concurrence « pure et parfaite » – les prix tendent à se rapprocher du cout de production. En effet, il suffira qu’un vendeur coupe légèrement ses marges pour qu’il pique les clients des autres… et les autres seront donc obligés de suivre. Dans des marchés imparfaits, le report peut être très lent ou même ne pas arriver du tout. Dans ce cas, on peut prendre des mesures administratives.
Mais vous noterez que mon but n’est nullement d’améliorer la situation des consommateurs. Si les entreprises augmentent leurs bénéfices, cela me va très bien. Cela donnera des marges pour payer de meilleurs salaires ou pour investir plus. Le but de la manœuvre n’est pas de faire baisser les prix, mais de rendre les produits français plus compétitifs.
[« Et pour cela utiliser l’instrument fiscal mais aussi monétaire – ce qui suppose le retour à une monnaie nationale et aux taxes aux frontières. » Concernant les taxes aux frontières, comment voulez-vous en mettre dans le cadre de l’OMC dont cette institution a poussé la France à faire baisser les tarifs douaniers et à déréguler notre économie ? Ne craigniez-vous pas des répercussions que cela pourrait avoir vers nos marchés extérieurs ?]
Non. Pour un pays ayant un excédent commercial, la réduction des échanges est une catastrophe. Pour un pays en déficit, c’est plutôt une bonne affaire. Je vous renvoie à mon article sur le « protectionnisme intelligent ». Je m’inscris dans la logique de la Charte de La Havane : le système ou chaque pays est excédentaire est logiquement impossible. Il faut donc tendre à un régime ou chaque pays a une balance commerciale équilibrée.
[ Mais vous noterez que mon but n’est nullement d’améliorer la situation des consommateurs. Si les entreprises augmentent leurs bénéfices, cela me va très bien. Cela donnera des marges pour payer de meilleurs salaires ou pour investir plus.]
Ou cela permet de ni de payer de meilleurs salaires ou investir plus mais bien de augmenter les dividendes pour les actionnaires 😴 comme c’est le cas à notre époque.
Par ailleurs vous n’avez pas répondu à ma question concernant l’OMC.
@ Glarrious
[Ou cela permet de ni de payer de meilleurs salaires ou investir plus mais bien de augmenter les dividendes pour les actionnaires 😴 comme c’est le cas à notre époque.]
Mais que feront les actionnaires avec ces dividendes supplémentaires ? Soit ils les dépenseront en biens et services supplémentaires, et cela fera de la demande et donc de l’emploi. Dans les deux cas, le bénéfice est non négligeable pour l’ensemble de l’économie. Mais encore une fois, le but de la mesure n’est pas de changer la distribution du revenu à l’intérieur de l’espace national, mais de changer la distribution du revenu entre les acteurs nationaux et les acteurs étrangers.
Quant à l’OMC, même si elle pousse à la baisse des tarifs douaniers, elle laisse de très larges marges à des mesures protectionnistes. Les Etats-Unis, pourtant membres de l’OMC, pratiquent des politiques protectionnistes sans que l’OMC s’en émeuve outre mesure.