Il y a cent ans aujourd’hui s’ouvrait à Tours le congrès qui allait voir la scission de la « Section française de l’internationale ouvrière » et la naissance de la « Section française de l’internationale communiste », qui deviendra plus tard et après bien des aventures le Parti communiste français, organisation politique qui, alors qu’elle n’est jamais arrivée au deuxième tour d’une élection présidentielle ou réussi à placer l’un des siens dans une fonction régalienne de l’Etat, aura marqué le débat politique, intellectuel et institutionnel du pays pendant presque un demi-siècle.
Je ne dirai pas que le PCF est centenaire. L’admettre, ce serait reconnaître au PCF tel qu’il existe aujourd’hui une continuité, une filiation par rapport à ce qui s’est passé à Tours il y a cent ans. Mais quelle est aujourd’hui la réalité de cette filiation ? Le PCF de Pierre Laurent et de Fabien Roussel, celui qui est issu de la « mutation » lancée par Robert Hue et du « parti d’un nouveau type » proclamé en 2000 au congrès de Martigues a-t-il quelque chose à voir avec celui qui surgit en 1920 d’un débat qui s’est cristallisé autour des « 21 conditions » posées par Lénine pour faire partie de l’Internationale communiste ?
On peut très sérieusement en douter. Il y a bien entendu parmi les 21 conditions certaines qui sont devenues obsolètes de par l’évolution même du monde. Reprocher au PCF d’avoir rénoncé à l’application de la 10ème condition qui prescrit « l’opposition totale à l’internationale syndicale d’Amsterdam » n’aurait pas grand sens, alors que cette « internationale » a depuis longtemps disparu non seulement de la scène syndicale mais aussi des mémoires. De même, la dissolution de l’Internationale communiste en 1943 rend sans objet les articles concernant les rapports du parti avec l’internationale. Par contre, on ne peut ignorer que le PCF a rejeté explicitement en 1994, sous l’impulsion de Robert Hue, la 12ème condition, celle qui concerne l’organisation du Parti sous une forme connue comme “centralisme démocratique” et la discipline de parti, la 9ème condition, qui concerne les rapports de subordination au Parti des syndicats ouvriers, ou la 11ème condition, qui impose la discipline de vote dans le groupe parlementaire. Et ce qui est vrai sur le plan de l’organisation est vrai aussi sur le plan idéologique. Depuis la « mutation », le marxisme n’est plus le cadre théorique du PCF. Voici la seule mention de Marx ou du marxisme dans les statuts de 2013, toujours en vigueur : « Les motivations de l’adhésion au Parti communiste français sont diverses. Elles sont enracinées dans les valeurs, les apports et la créativité des combats révolutionnaires et internationalistes – nourris par les découvertes théoriques, les anticipations de Marx – pour se libérer du capitalisme, le dépasser, dans l’histoire de toutes les luttes émancipatrices, féministes, humanistes, antiracistes, écologistes, pacifistes, anticolonialistes et anti-impérialistes, pour la laïcité, contre toutes les discriminations et exclusions, contre le sort fait à la jeunesse, etc. ». On notera combien la formule est habile pour faire apparaître la référence à Marx tout en la vidant de son sens.
A partir de là, on peut se demander ce qui reste dans le PCF d’aujourd’hui de l’héritage du congrès de Tours, et même de celui des années 1930 à 1980. Personne ne dit du Parti socialiste qu’il est « centenaire », et pourtant, il pourrait revendiquer lui aussi sa naissance au congrès de Tours. Seulement, il y eu la rupture de 1972 et du congrès d’Epinay qui a changé profondément ses orientations et son fonctionnement. Et bien, le PCF a eu son 28ème Congrès et sa « mutation ». Et qu’on le veuille ou pas, cette « mutation » est une rupture. La SFIO est morte à Epinay en 1972, le PCF est mort à Saint Ouen en 1994. Ce qui existe aujourd’hui, c’est quelque chose qui a le nom du PCF, qui hante les mêmes lieux que le PCF, mais qui n’est pas la continuité du PCF.
Reconnaître le PCF comme centenaire, c’est lui reconnaître une continuité institutionnelle, politique, idéologique. Or, cette continuité n’a rien d’évident, et ce sont les communistes d’aujourd’hui eux-mêmes qui le disent, lorsqu’ils vouent aux gémonies – ou à l’oubli – non seulement des pans entiers de leur histoire, mais aussi le cadre idéologique, les formes d’organisation et de fonctionnement héritées du congrès de Tours. Des éléments qui ne sont pas contingents, mais qui font l’identité du PCF. Enlevez au PCF le centralisme démocratique, la discipline de parti, la politique des cadres, le relais syndical, le matérialisme dialectique, et vous vous retrouvez au parti socialiste.
Les commentateurs ne s’y trompent d’ailleurs pas. Tous ceux qui parlent de cet anniversaire écrivent au passé. De Zemmour à Marianne, on se souvient du PCF du Front Populaire, celui de la Résistance, de la Libération, du gaullo-communisme ou du Parti de Georges Marchais. Qu’on le regrette ou qu’on le diabolise (1), le PCF, c’est ça. Ce qui se passe après 1994, cela n’intéresse plus personne. Où sont les historiens de la « mutation », où sont les analystes du « parti d’un nouveau type » ? En fait, on célèbre le centenaire du PCF mais on ne s’intéresse qu’aux 75 premières années de sa vie. Depuis qu’il est à l’EHPAD, il ne fait plus rien de son temps, à part regarder les vieilles photos et de se souvenir de ses gloires passées.
C’est pourquoi je fêterai ce centenaire à ma façon, en évoquant le PCF que j’ai connu, celui qui m’a formé.
Un PCF qui fournissait à ses militants un solide cadre idéologique, associant ce qu’il y a de mieux dans la tradition cartésienne et illuministe française au matérialisme marxiste. Qui refusait la démagogie en donnant à « ceux qui savent » une juste place et en leur fixant pour tâche d’éclairer « ceux qui ne savent pas ». Dans les écoles du Parti – depuis la modeste école de section qui durait un week-end jusqu’aux écoles centrales, qui duraient trois mois en internat – on pouvait écouter des philosophes comme Lefebvre ou Sève, des physiciens comme Frédéric Joliot ou Hélène Langevin, des historiens comme Michel Vovelle. Et on apprenait l’humilité devant le savoir tout autant que la philosophie ou l’histoire.
Un PCF qui refusait la fatalité sous toutes ses formes, qui avait confiance dans le progrès, dans la science, dans la capacité humaine à résoudre les problèmes, et qui rejetait tous les discours défaitistes ou obscurantistes. Un PCF qui savait “partir de ce que les gens ont dans la tête” mais qui savait aller au delà, rattachant les petits problèmes du quotidien à une transcendance qui savait “marier le drapeau rouge et le drapeau tricolore”.
Un PCF qui poussait ses militants à travailler, à étudier, à cultiver les plus hautes vertus. Combien de fois ai-je entendu répéter que « le communiste doit être le meilleur étudiant, le meilleur travailleur, le meilleur camarade ». Un PCF qui se posait en éducateur, et qui prétendait ouvrir à ses militants et ses sympathisant l’accès au savoir et à la culture. Je me souviens des expositions « Picasso » ou « Matisse » ou de la « cité du Livre » à la Fête de l’Humanité, au « Requiem » de Mozart joué par un orchestre et un chœur symphonique sur la grande scène de la Fête sous les étoiles. Et les militants et sympathisants qui spontanément ne seraient jamais allé eux mêmes à un événement culturel lisaient, écoutaient et regardaient parce que l’autorité du Parti était derrière.
Un PCF qui était une contre-société. Et ce n’était pas seulement un choix : dans ces années-là s’investir dans le PCF c’était pour beaucoup faire une croix sur une carrière professionnelle et prendre des risques. On oublie maintenant que pendant toute la « guerre froide », les communistes étaient interdits d’occuper certaines fonctions ou de passer certains concours (2). C’était aussi l’assurance de se faire mal voir par son employeur, par les autorités, par ses voisins ou ses collègues, dans un contexte ou les actes violents n’étaient pas rares, et souvent tolérés par les autorités. En réaction, le PCF offrait à ses adhérents et ses sympathisants une contre-société fraternelle et solidaire, dont peut-être la meilleure illustration se trouve dans le film de Jean-Jacques Zilbermann (« tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes »). Un PCF qui était un lieu de socialisation fraternelle et à qui je dois en grande partie d’avoir appris la sociabilité à la française.
Un PCF qui était un lieu de brassage social, où j’ai connu des militants et des sympathisants tout simplement exceptionnels de dévouement et d’humanité. Où l’on avait l’opportunité de faire des « porte-à-porte » qui permettaient de voir les conditions de vie et d’entendre les angoisses, les désirs, les craintes et les revendications de gens de toute condition – j’ai personnellement fait des « porte à porte » pendant des années dans une cité de banlieue, et je n’ai jamais oublié ce que j’y ai vu.
Un PCF où élus et dirigeants étaient contrôlés et invités à rendre des comptes régulièrement aux militants, où l’ambition personnelle était mal vue et celui qui mettait la main dans la caisse risquait de très sérieux ennuis.
C’est à cela que je rendrai hommage lorsque je déboucherai le champagne du centième anniversaire. Quant au PCF d’aujourd’hui… il n’y a pas grande chose à fêter.
Descartes
PS : je mets en annexe un texte que j’avais écrit avant de quitter le PCF, lorsque j’essayais encore de sauver ce qui pouvait – ou du moins je le croyais – l’être. Même s’il s’agit d’un texte de 2008, l’analyse n’a à mon avis pas pris une ride…
(1) Il y aurait besoin d’un autre article pour parler de ceux qui aujourd’hui versent des larmes de crocodile sur le PCF qu’ils ont contribué à démolir. Les articles publiés dans Marianne par Guy Konopnicki et Jack Dion sont des modèles du genre. Konopnicki participa très activement à la campagne de sape organisée par les « refondateurs » et autres « rénovateurs » contre la direction du PCF dans les années 1970, Jack Dion fut l’un des thuriféraires les plus assidus de Robert Hue…
(2) Ainsi par exemple une circulaire de 1949 interdisait la promotion d’un communiste à un poste de responsabilité au CEA. Pour les concours, voir l’exemple emblématique de l’affaire Barel : « Déjà la présence communiste s’est raréfiée à l’ENA. C’est la conséquence de la guerre froide, de la lutte anticommuniste que mènent vigoureusement les gouvernements successifs et du changement de l’air du temps. Les élèves communistes, extrêmement peu nombreux, se cachent. En 1953, quatre candidats (trois communistes et un nationaliste algérien) sont empêchés de se présenter au concours « étudiants ».» (« La « première » école nationale d’administration », Jean-François Kesler, Dans Revue française d’administration publique 2003/4 (no108), pages 543 à 550). Même si la décision d’interdiction est annulée par le Conseil d’Etat l’année suivante (c’est le célèbre « arrêt Barel ») les candidats en question ne pourront plus se représenter.
ANNEXE : Il est temps de regarder la réalité en face (contribution à la préparation du 34ème congrès du PCF, 2008)
Un nouveau congrès arrive. Et rien ne change. Toujours les mêmes textes remplis d’optimisme. Toujours les mêmes jugements à l’emporte-pièce sur le style « le monde a besoin de communisme » ou « les gens veulent ceci ou ne veulent plus cela ». Et bien entendu, les « c’est inacceptable » appliqués à toute une série de maux, depuis les profits des grandes entreprises jusqu’aux jugements sur la virginité.
Et toujours le même appel à faire un « bilan critique » du passé, associé à une incapacité criante de le faire. Le texte consacré au « Bilan » (texte 1) était ainsi une suite de paragraphes commençant par une affirmation, en général une évidence, suivie d’une suite de questions. Ainsi on peut lire « nos efforts de renouvellement de la stratégie du Parti pour autant qu’ils aient été multiples ne nous ont pas permis de retrouver dans la vie politique française la place et l’influence (…) », ce qui ne surprendra personne, et derrière des questions genre « est-ce parce qu’on n’a pas fait ceci ? » ou « avons nous suffisamment fait cela ? », qui n’apportent aucun élément de compréhension. Ce n’est pas cela un bilan. Et la Base Commune ne fait pas mieux.
Alors, puisque notre direction se montre incapable de dresser un bilan digne de ce nom, c’est aux communistes eux mêmes d’essayer de le faire. Avec certainement moins d’éléments et moins de moyens que nos dirigeants bien-aimés, mais faut bien que quelqu’un s’y colle. Je vous propose donc de faire un véritable bilan de l’état du PCF aujourd’hui.
Le PCF et son influence
Avant d’aborder les questions de fonctionnement interne du PCF et les questions stratégiques, il importe de savoir ou nous en sommes, et quels sont les leviers à notre disposition. Et pour cela, il faut s’intéresser à la place qu’occupe le PCF dans la France d’aujourd’hui.
Force est de constater que le PCF n’a aujourd’hui aucun poids sur le cours des affaires au plan national. Je mets au défi quiconque de me montrer un seul exemple de situation ou le PCF ait pesé dans la conception ou dans la réalisation d’une politique publique à l’échelon national. Oui, le PCF a appelé à voter « non » au référendum sur le TCE. Mais l’électorat du PCF aurait voté « non » de toute façon, quelque fut la position du Parti. Oui, le PCF a participé aux mobilisations contre le CPE, mais là encore il n’a fait que suivre ses troupes, et le résultat aurait été le même si le PCF n’avait pas participé. Cette faiblesse est tellement admise qu’en 2007 la direction du PCF n’a même pas cherché à négocier les termes de son appui à Ségolène Royal : MGB l’a annoncé le soir du premier tour sans même prendre la peine de réunir les instances du PCF ou de poser des conditions. On a du mal à croire aujourd’hui qu’il y a vingt ans on ouvrait un journal télévisé de 20h en présentant un « communiste dissident » témoignant visage masqué sous le pseudonyme de « Jean Fabien » sur les débats en cours dans la direction du Parti. Dans les années ’80 cela avait un sens, parce qu’une décision du Bureau Politique du PCF pouvait changer beaucoup de choses. Aujourd’hui, cela ne pourrait plus arriver tout simplement parce que les débats de la direction du Parti n’ont aucun effet sur le réel.
En fait, les positions du PCF n’ont politiquement plus aucune importance parce que le PCF n’a plus aucun levier pour peser sur les évolutions en cours. Au cours des vingt dernières années, il a perdu les deux éléments qui ont fait sa force depuis les années trente jusqu’aux années 1980, à savoir, le relais syndical et la discipline de son électorat et de son appareil militant.
La perte du relais syndical a été acquise dans le sillage du 28ème congrès, lorsque la direction du PCF s’est recentré sur la problématique électorale et médiatique et a fait passer au deuxième plan les questions syndicales. Le ralliement du PCF au dogme de « l’indépendance syndicale » n’a été que la traduction concrète d’un mouvement qui a vu le PCF abandonner sa base ouvrière traditionnelle pour se lancer à la conquête des classes moyennes. L’échec de cette stratégie était prévisible : en privant la classe ouvrière d’une représentation politique, elle a abouti en fait à une politisation de l’organisation syndicale. Aujourd’hui, c’est le syndicat qui négocie avec le gouvernement des dispositions législatives sur la durée du travail, la fiscalité ou l’organisation de la protection sociale qui sont éminemment politiques. Et cette politisation du syndicat se traduit nécessairement par une dépolitisation du Parti, dont l’influence dans les rapports de force qui touchent le domaine économique et social est devenue totalement négligeable. Le dogme de « l’indépendance syndicale » a privé le combat syndical de son relais politique et le combat politique de son « muscle » syndical.
Le deuxième levier qui faisait la puissance du PCF était l’encadrement par un appareil militant solide d’un électorat discipliné. Je sais que dans le climat gauchiste qui règne au Parti cette remarque risque de déplaire, mais il faut bien comprendre que dans une négociation politique, ce que peut obtenir la direction d’une organisation dépend rigoureusement d’un rapport de forces. Et que ce rapport de forces est lié à la capacité qu’à le négociateur à mobiliser les ressources de son organisation. Un Parti dont les électeurs suivent rigoureusement les consignes peut négocier des contreparties à son soutien, parce que la décision de refuser le soutien aurait un effet dans les isoloirs. Alors qu’un Parti dont les électeurs n’en font qu’à leur tête (ou pire, un Parti qui suit ses électeurs) n’a rien à négocier, parce que sa position n’a aucune influence dans le résultat du vote.
Sur le plan local, on pourrait croire que l’influence du PCF reste forte, notamment du fait du réseau d’élus locaux toujours relativement nombreux. Mais en fait, il n’en est rien. Les « élus communistes » sont élus d’abord, et communistes ensuite. Le PCF n’a en fait que peu de prise sur eux, parce qu’ils sont élus essentiellement sur leur propre nom, et seulement accessoirement grâce à l’appui du Parti. En fait, ce sont souvent les élus qui contrôlent les structures locales du PCF, parce que ce sont eux qui détiennent l’accès aux médias, la distribution des prébendes et les cordons de la bourse.
Il est donc illusoire de croire que les élus sont des relais d’influence du PCF, diffusant ses idées et contribuant à créer un rapport de force local en sa faveur. Chaque élu est une île, et la meilleure démonstration est le manque absolu d’action concertée lorsqu’un élu est attaqué électoralement : lors des dernières municipales, le PS a pu ainsi se maintenir au deuxième tour contre des élus communistes sans que le PCF ne songe même pas un instant à prendre des mesures de rétorsion. Et ce n’est pas la faute de la direction : combien d’élus communistes auraient accepté de rompre leurs alliances locales pour obéir à une consigne nationale ? Chacun fait sa cuisine électorale chez lui, comme si le Parti n’existait pas au niveau national.
Sur le plan des idées, le PCF à longtemps exercé une « l’hégémonie idéologique » (au sens gramscien du terme) sur l’ensemble de la gauche. On se définissait pour lui ou contre lui, mais jamais sans lui. On pouvait être orthodoxe ou hétérodoxe, mais pas indifférent. Et c’est pourquoi les prises de position du PCF étaient discutées et faisaient l’objet d’exégèses favorables ou défavorables, partisanes ou indépendantes, mais n’étaient jamais tenues pour quantité négligeable. Le vocabulaire est de ce point de vue révélateur : il y avait les communistes, et il y avait « la gauche non-communiste ».
L’influence intellectuelle du PCF s’étendait au reste de la gauche par le biais de son appareil de formation, qui a formé non seulement des cadres communistes, mais aussi les cadres qui officiaient dans beaucoup d’autres organisations de gauche. La gauche parlait un langage commun dont la source de référence était au PCF. Beaucoup d’organisations ont d’ailleurs copié la construction et les techniques de formation des écoles du Parti. En complément au système de formation, il y avait des structures de recherche (l’Institut Maurice Thorez, l’Institut de Recherches Marxistes) et un ensemble éditorial permettant de diffuser les travaux.
Rien de ceci ne subsiste. Non seulement l’appareil de formation a été rasé, mais on a rejeté ce qui fait le fondement de toute formation, à savoir la hiérarchie qui existe entre « ceux qui savent » et « ceux qui ne savent pas », en postulant que dans les débats du Parti toutes les paroles se valent (et en fait, que la parole de « ceux qui sont dans l’action » vaut plus que toutes les autres…). Et corrélativement, le PCF a cessé de produire des idées pour suivre les idées des autres (souvent en s’excusant de ne pas les avoir suivi plus tôt…). Quel nouveau concept a produit le Parti dans les dix dernières années ? Même dans le domaine sociétal, que le Parti a embrassé avec l’enthousiasme des nouveaux convertis, on ne fait que reprendre le vocabulaire et les raisonnements des autres. Prenons un exemple : qu’est ce qui différencie fondamentalement le féminisme du PCF de celui du MLF ou des féministes radicales made in USA ? A-t-on fait un travail sérieux sur le terme “patriarcat” qu’on trouve aujourd’hui dans les textes de congrès à tort et à travers, ou s’est-ont contenté de reprendre le mot chez d’autres sans vraiment y réflechir ? Où est la nouveauté, l’apport original de la réflexion communiste ? Le PCF n’exerce plus de magistère intellectuel parce qu’il se contente de reprendre chez les autres les idées qui lui paraissent « populaires », sans se donner les moyens d’une création autonome.
En examinant donc les leviers d’influence du PCF on est obligé de conclure que si tel ou tel élu communiste conserve quelque influence personnelle le Parti, en tant qu’organisation, a perdu pratiquement toute capacité d’influencer la vie politique. L’action communiste est devenue aujourd’hui essentiellement testimoniale, c’est à dire, une manière pour les militants de témoigner de leur révolte, mais sans que cela ait d’effet tangible sur la réalité. La “marche sur l’Elysée” du 27 septembre dernier est une bonne illustration de ce fonctionnement.
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Où en sommes nous aujourd’hui de notre organisation ? Paradoxalement, on ne trouve réponse à cette question dans aucun des documents préparatoires au congrès. Et pourtant, le tableau est suffisamment sérieux pour qu’il mérite qu’on s’en occupe :
– Il est impossible de savoir exactement quel est le potentiel militant actuel du PCF. Le nombre de cartes n’est pas significatif, puisque depuis l’introduction de la carte « permanente », on peut continuer à compter comme adhérent une personne aussi longtemps qu’elle n’a pas fait le geste formel de renvoyer sa carte. Le nombre de mois de cotisation perçus serait plus significatif, mais il n’existe à ma connaissance pas de chiffres fiables publiées sur le sujet. Mais si l’on se fie à l’activité visible des communistes, on peut se poser des questions, tant sur le nombre de militants que sur leur motivation.
– L’appareil de formation du PCF est en ruines. Les écoles fédérales sont devenues rares, et les écoles de section encore plus. Je n’ai par ailleurs connaissance d’aucune action de formation politique nationale consistante.
– Le PCF ne dispose pratiquement plus d’organes d’expression publique et d’édition qui lui soient propres. Avec la disparition de Messidor/Editions Sociales et la « privatisation » de l’Humanité, le PCF ne peut s’exprimer que grâce à la bonne volonté d’autres qui, comme on peut le voir dans l’Huma, se réservent le droit de privilégier telle ou telle « tendance ».
– Les organisations de proximité sont en déshérence, notamment dans les entreprises. Les cellules ont été supprimées. Les sections ne vivent souvent qu’en période électorale, et n’ont pas de véritable activité de masse en dehors de ces échéances. Même dans une grande entreprise publique comme EDF, les communistes sont totalement absents des débats à l’intérieur de l’entreprise.
– Les instances formelles de décision collective (assemblées de section, comités départementaux, comité national) sont devenues des usines à parlottes, ou l’on refait le monde en dehors de toute considération réaliste sur les moyens de traduire les décisions en actions. Des rapports souvent indigents (celui d’O. Dartigolles analysant les résultats électoraux en est la parfaite illustration) suivis d’une suite d’interventions n’ayant aucun rapport les unes avec les autres est l’ordinaire.
– Des directions (exécutifs de section, de fédération, exécutif national) qui ne dirigent rien, conscientes souvent des faibles marges de manœuvre dont elles disposent entre une base militante découragée, des « tendances » qui s’affrontent pour gagner des territoires et des « notables » tout-puissants qui mènent leur barque comme ils l’entendent.
– Et finalement, une tendance permanente à falsifier la réalité pour la peindre couleur de rose. Ainsi, on nous raconte qu’il y avait 500.000 personnes à la fête de l’Huma quand les pointages aux rendez-vous de la vignette montrent une vente de l’ordre de 100.000 unités seulement. Y-aura-t-il 400.000 resquilleurs ? Que fait la sécurité ?
Bilan sévère, me direz-vous ? Peut-être. Mais il faut un jour devenir adulte et regarder la réalité en face. Pendant que nous discutons (depuis vingt ans !) sur le sens du mot communisme, que nous débattons s’il faut commencer par les fins ou finir par les commencements, le navire coule. Comment pourrions-nous demain être crédibles pour gouverner le pays, quand nous ne sommes pas capables de nous gouverner nous-mêmes ?
L’éternel débat sur « le communisme » : commencer par le commencement…
Plus une organisation perd la capacité d’agir sur le présent, et plus elle s’acharne à fabriquer des utopies futuristes. Le PCF n’échappe pas à cette règle : il n’y a qu’à voir la floraison de débats sur « ce que c’est le communisme », sur « ce que c’est d’être communiste aujourd’hui » et autres questions du même acabit. Peut-être le meilleur exemple de cette tendance est le livre de Lucien Sève, livre où il soutient (schématiquement) que tous les malheurs du PCF ont pour origine sa polarisation sur la construction du socialisme vécu comme étape intermédiaire vers le communisme, au lieu d’avoir consacré ses efforts à passer au communisme directement.
Ces débats ont aujourd’hui un côté largement surréaliste : dans l’état où se trouve le Parti, est-il vraiment prioritaire de se poser les questions de savoir si Lénine a trahi Marx, s’il faut « dépasser » le capitalisme plutôt que de « l’abolir » et si la transition du capitalisme au communisme directement est possible ? Est-ce que quelqu’un croit vraiment que si les français se détournent du PCF c’est parce qu’ils ne sont pas satisfaits de ses réponses à ces questions ?
Bien sûr que non. Si les français se détournent du Parti, c’est parce qu’il s’est montré incapable de proposer une alternative CREDIBLE ici et maintenant. Et par « crédible », il faut entendre une alternative qui soit globale, qui tienne compte des contraintes de la réalité et qui soit accompagnée par une stratégie réaliste pour y parvenir. On a trop longtemps sacrifié à des slogans stupides du type « battre la droite », comme si la défaite de la droite était souhaitable quelque en soient le prix ou les conditions. On a toujours tort de se définir par rapport à l’adversaire. Notre but, ce n’est pas de faire reculer ses idées et ses projets, mais de faire avancer les nôtres. Encore faut-il en avoir, des idées et des projets. Et c’est là que le bât blesse : si l’on a fait de « battre la droite » l’alpha et l’oméga de notre projet politique, c’est précisément parce qu’on n’a plus de véritable projet. Oh, bien sûr, on a quelques slogans vagues du style « sécurité emploi formation » ou « des papiers pour tous », mais rien qui puisse constituer un projet crédible qui donne envie aux français de nous suivre. Alors on se contente de diaboliser l’adversaire… avec les résultats désastreux qu’on peut constater tous les jours : on ne peut lire un document du PCF sans retrouver Sarkozy à toutes les sauces. Mais pour changer les choses, il ne suffit pas de convaincre que Sarkozy est méchant. Il faut apporter la preuve que nous saurions faire mieux que lui si nous étions à sa place. Et cela, nous en sommes, pour le moment, incapables.
C’est à la définition d’une telle alternative que le PCF devrait consacrer les maigres forces qui lui restent, au lieu de dépenser du temps et de l’argent dans des débats sans rapport avec les problèmes du jour. Quand on est sur le Titanic, il faut savoir ou se trouvent les priorités. Et la priorité, aujourd’hui, n’est pas à la construction immédiate du communisme, mais à l’enracinement du PCF dans la réalité de notre temps, qui est celle d’un capitalisme qui n’est pas près de céder la place.
Pour généraliser le propos, il faut dire que le débat byzantin sur le sexe des anges (ou plutôt sur le « sexe du communisme », dans le cas présent) n’est pas le seul distracteur qui pollue le travail politique dans le PCF. La même chose peut être dite des éternels débats sur les « erreurs », « retards » et « crimes » associés à l’histoire du PCF. Au risque de paraître iconoclaste, je pense qu’il faut laisser les déviations idéologiques de Lénine ou de Staline, les procès de Moscou, l’affaire Barbé-Célor, l’exclusion de Marty, de Tillon ou de Juquin aux historiens. En termes de politique, pour reprendre les termes de Brassens, « tout le monde s’en fiche à l’unanimité », à l’exception peut-être de quelques anciens rancuniers qui veulent encore régler quelques comptes. L’expérience de la période Hue a montré, s’il en était besoin, qu’en politique on ne gagne rien à se frapper la poitrine en permanence. Mais le temps et l’énergie dépensés à présenter des excuses à dieu et à tous ses saints est du temps et de l’énergie perdus pour d’autres tâches bien plus prioritaires.
Un autre distracteur est constitué par les questions sociétales exploitées par les différents « lobbies » enkystés dans l’appareil du PCF. La condition des LGBT dans notre société est certainement une question très intéressante. Mais est-elle une question POLITIQUE, qui doit être prioritaire dans l’activité d’un parti communiste ? Je n’en suis pas convaincu. Et la même chose peut être dite à propos du « féminisme radical » (ou « féminisme de genre », pour reprendre l’expression anglo-saxonne, puisqu’après tout ces idées viennent d’outre Atlantique…) : Est-ce que le temps dépensé à mettre les textes de congrès sous une forme « neutre » (vous savez, le –e-s ajouté à la fin de chaque mot, sans compter les « ils ou elles »…) n’aurait pu être employé à des choses plus utiles ? Est-ce que les considérations fumeuses sur le « patriarcat » ou les « rapports sociaux de genre » aident en quoi que ce soit à formuler une alternative crédible ? J’en doute très sérieusement.
Il faut commencer non pas par les fins, mais par le commencement. Et au commencement, outre le verbe, il y a la capacité à analyser la réalité et à élaborer des stratégies et des tactiques permettant, ici et maintenant, de la changer. Si le peuple ne reconnaît pas aux communistes cette capacité, alors les meilleures intentions et les propositions les plus alléchantes ne serviront à rien.
Les mutations de la classe ouvrière
La reconquête d’un espace politique passe donc nécessairement par la construction d’un rapport de force, qui permette au Parti en tant qu’organisation de peser tant dans ses rapports avec ses partenaires comme avec ses adversaires. Et pour un Parti communiste, cela est inséparable de ses rapports à la classe ouvrière.
A la Libération, le PCF est sans conteste le parti ouvrier par excellence. Non seulement les ouvriers représentent une partie importante de son électorat et de ses effectifs militants, mais surtout il assume une position incontestée de représentant politique de la classe ouvrière. Ce rôle lui est reconnu tant par ses partenaires que par ses adversaires : en 1968, par exemple, le gouvernement a cherché à s’assurer de la position du PCF considérant que c’était un élément décisif dans la négociation avec la CGT et avec les ouvriers en grève.
Les années 60 et 70 marquent une évolution importante de la classe ouvrière. Les systèmes de redistribution mis en place à la Libération et le développement économique des « trente glorieuses » ont beaucoup augmenté le niveau de vie de la population, toutes couches confondues. L’ouvrier de 1848, qui n’avait « rien à perdre, que ses chaînes » est remplacé par un ouvrier dont les conditions de vie se sont améliorées, qui a accès à un certain nombre de biens « supérieurs » (voiture…) et à un niveau d’éducation et de qualification de plus en plus haut. Des progrès auxquels la classe ouvrière n’entend pas y renoncer au nom d’une « révolution » chaque fois plus théorique. Le discours de guerre civile, qui marque la gauche radicale jusqu’aux années 1940 est alors rejeté par la masse ouvrière, qui demande à ses dirigeants une vision politique qui intègre les conquêtes des trente glorieuses. Le PCF répondra à cette demande avec le « socialisme aux couleurs de la France », un discours qui essaye une synthèse de la tradition politique des Lumières (colbertiste, jacobine et démocratique) avec les principes du socialisme marxiste. C’est grâce à cette synthèse que le PCF conservera la confiance et l’adhésion d’une fraction importante de la classe ouvrière et restera un « poids lourd » dans les débats politiques nationaux jusqu’au début des années 1990.
Cette vision le conduira au contraire à une rupture avec des larges secteurs intellectuels et avec la jeunesse des classes moyennes, qui rêve toujours (on le verra en 1968) d’une « révolution » conçue en termes de guerre civile. Paradoxalement, le PCF perdra le contact avec ces secteurs non pas parce qu’il n’aura pas été suffisamment moderne, mais parce qu’il l’était trop: le PCF en était aux années 50, alors que ces secteurs voulaient renouer avec le romantisme révolutionnaire des années 30.
Pendant toute la période Marchais, le PCF n’a jamais perdu de vue le fait que sa capacité à influencer les politiques au niveau national étaient intimement liées à ses liens avec la classe ouvrière. Ces liens de confiance lui permettaient d’une part de disposer d’un électorat discipliné, précieux à l’heure de négocier avec ses partenaires à gauche, et d’une capacité de mobilisation, notamment à travers ses relais syndicaux, permettant de créer un rapport de force avec les gouvernements en place. Cette position lui a aussi attiré l’accusation d’ouvriérisme, et la rancune des intellectuels qui lui ont reproché de ne pas tenir compte suffisamment d’eux.
Avec le départ de Marchais et le 28ème congrès, tout cela change radicalement : le PCF se recentre alors spectaculairement sur les classes moyennes, ce qui se traduit par la mise au deuxième plan des questions sociales et économiques devant les débats « sociétaux ». Il suffit de relire les textes pour constater que les questions éminemment politiques du salaire, de l’emploi et de la protection sociale des salariés passent derrière des questions telles que le féminisme, l’homosexualité, l’antiracisme. Une vague « lutte contre toutes les dominations » remplace la lutte contre l’exploitation du travail par le capital.
Ce processus ne doit rien au hasard : L’enrichissement relatif de la classe ouvrière et son accès à un meilleur niveau d’éducation implique un plus haut niveau d’exigence politique. On ne peut plus se contenter pour mobiliser la classe ouvrière d’arguments du style « au secours, la droite revient ». Le débat actuel sur les retraites illustre parfaitement ce problème : Il ne fait aucun doute que les reformes proposées par le gouvernement vont contre l’intérêt de l’ensemble du monde ouvrier. Et pourtant, devant l’argument rationnel de la droite (allongement de la durée de vie, renversement de la proportion cotisants/retraités), la gauche en général et le PCF en particulier n’ont opposé que les pétitions de principe et des propositions vagues sans le moindre chiffrage. Conséquence : la mobilisation ouvrière sur la question est insignifiante. Il serait d’ailleurs difficile au PCF d’expliquer que d’autres solutions existent alors qu’il a participé à des gouvernements qui ont mis en œuvre des solutions du même type que la droite. La relative passivité de la classe ouvrière sur cette question montre qu’on ne peut plus mobiliser la classe ouvrière sur un pur discours de peur. Si l’on veut représenter le monde ouvrier, il faut trouver autre chose.
Face à cette difficulté, la direction du PCF à choisi de laisser de côté la classe ouvrière et à faire jouer le rôle que celle-ci jouait naguère à d’autres groupes sociologiques. D’un côté, les « minorités agissantes » : LGBT, féministes, « minorités visibles », etc.. De l’autre côté, toute la galaxie des « sans » : sans-papiers, SDF, etc.. La raison de ce choix est que ces groupes sont faciles à mobiliser : les « minorités agissantes », parce qu’elles sont constituées par l’activisme, les « sans » parce que, comme les ouvriers de 1848, ils n’ont rien à perdre.
Mais surtout, ces groupes partagent un élément essentiel dans la communication politique d’aujourd’hui : ils peuvent facilement être présentés dans le rôle de la « victime », ce qui dans le victimisme ambiant est loin d’être un détail négligeable. Il permet de jouer sur le sentiment de culpabilité diffus qui est la caractéristique des classes moyennes, en leur ouvrant les portes du militantisme compassionnel comme voie de rédemption. La classe ouvrière retirait sa légitimité politique de sa propre exploitation, les classes moyennes la trouvent dans la souffrance de l’autre, de la “victime”.
Cependant, mettre ces groupes à la place de la classe ouvrière condamne le PCF à l’impuissance politique. Les SDF peuvent occuper les berges du canal Saint Martin (conduits d’ailleurs par un « dirigeant » qui les quittera pour satisfaire aux exigences de sa carrière, comme quoi on peut être militant et savoir ou se trouvent les vraies priorités…), les LGBT peuvent défiler dans Paris. Dans la société du spectacle, ces coups médiatiques peuvent servir à faire voter quelques millions d’euros pour des abris de nuit ou des modifications du droit des successions. Mais lorsqu’on touche aux fondamentaux en matière économique et sociale, ces groupes n’ont aucun poids. Les « minorités agissantes » parce qu’elles ne sont pas constitués en tant que groupe par des intérêts économiques collectifs, et les « sans » parce qu’ils jouent un rôle marginal dans les rapports de production. Il ne faut jamais oublier que la division qui sépare le capital du travail est LA division fondamentale, celle qui en dernière instance organise toutes les autres. Les problèmes de la femme ouvrière ressemblent plus à ceux de l’homme ouvrier qu’à ceux de la femme bourgeoise, n’en déplaise aux féministes.
Quel rôle pour le PCF demain ?
Le PCF est à la croisée des chemins. En fait, cette phrase « bateau » n’est pas vraiment juste : la croisée des chemins a été déjà dépassée depuis pas mal de temps, lorsqu’on a fait les choix du 28ème et du 30ème congrès. Il est difficile de savoir si ces choix sont aujourd’hui irréversibles, ou si le PCF peut encore revenir sur ses pas. Pour certains, le PCF est déjà un astre mort, dont la lumière nous arrive toujours, mais qui n’en émet plus. D’autres persistent à voir un espoir de renaissance. En tout cas, voilà à mon sens les options :
– Le PCF peut aussi continuer sur la voie qu’il poursuit depuis 1994 et qui lui a si bien réussi, en devenant un parti centré sur la question électorale, et ou la caste des élus et des « notables » fait et défait en fonction de ses intérêts particuliers. C’est le chemin poursuivi en son temps par le Parti Radical, et qui l’a conduit à devenir une quantité négligeable dans le champ des idées politiques. Ce serait la solution préférée d’une bonne partie des apparatchiks en place.
– Le PCF peut aussi choisir la voie « gauchiste », en renonçant aux alliances tactiques avec le PS et en se retirant dans le superbe isolement de la « gauche de la gauche » avec LO, la LCR et divers « alternatifs ». Et devenir comme eux (ou avec eux) une organisation de témoignage, permettant aux enfants des classes moyennes de se sentir « révolutionnaires » en collant le poster du « Che » dans leur chambre à coucher. En choisissant cette orientation, le PCF abandonnerait toute volonté de peser sur les rapports de production, se contentant du magistère des idées. Cette orientation semble compter avec l’appui d’une bonne partie des militants du PCF, et notamment des plus jeunes, nourris dans la vision « sociétale » de la politique.
– Le PCF peut redevenir une organisation ayant une influence sur la réalité. Cela suppose de donner la priorité aux questions économiques et sociales par devant les questions « sociétales ». Cela implique aussi de formuler un projet de société en tenant compte de l’état économique et de l’état d’esprit réel du monde du travail, et de construire une stratégie et une tactique politique crédibles pour y arriver. Ce qui revient en fait à fonder notre politique sur une analyse de la réalité, et non pas sur des considérations plus ou moins fumeuses sur ce dont « le peuple à besoin » et qui aboutit à plaquer sur « le peuple » les revendications des cadres du PCF, c’est à dire, celles des classes moyennes.
Parce que je pense que la politique n’a pas de sens si elle n’agit pas sur la réalité, j’exclus par avance les deux premières orientations : l’une entraine l’abandon de tout espoir d’action collective en tant que Parti, l’autre rappelle le mot de Valéry selon lequel pour éviter de se salir les mains le seul moyen est de ne pas en avoir. Concentrons-nous donc sur la troisième orientation, la seule qui à mon avis justifierait qu’il y ait un Parti communiste.
Tout d’abord, il est clair que pour retrouver un poids sur le réel, il faut s’appliquer à reconquérir au nom du Parti (et non pas au nom de telle ou telle personne) les différents leviers de pouvoir perdus ou confisqués par les « notables », et notamment le levier syndical. Le mythe de l’indépendance politique de l’activité syndicale doit être clairement abandonné : le syndicat a besoin d’un prolongement politique, et le parti politique qui défend le monde du travail a besoin d’un prolongement syndical.
Ensuite, il faut clairement institutionnaliser le Parti. Il faut se doter de véritables statuts, rédigés non pas en fonction de la communication externe mais du fonctionnement interne. Les statuts doivent instituer des directions capables de diriger, et des mécanismes de contrôle capables de contrôler. Ils doivent préciser clairement les droits et les devoirs des adhérents comme des dirigeants et des élus, et prévoir les contrôles et les sanctions pour ceux qui ne s’y conformeraient pas. L’anarchie savamment instillée depuis le 28ème congrès a permis la dérive actuelle vers une féodalité de « notables ». Cela doit cesser si le PCF doit survivre comme organisation politique.
Il faut aussi se lancer dans un programme ambitieux de formation des militants. L’appareil de formation de militants et de cadres est aujourd’hui en ruines. Dans un parti d’analphabètes politiques (et il faut bien se rendre à l’évidence, le PCF en est là) le « libre débat », la « libre élaboration » et la démocratie interne sont des formules creuses. La démocratie et la liberté commencent lorsque les militants peuvent faire des choix {{informés}}. Et ce n’est pas par hasard si l’ignorance a toujours été le meilleur allié des groupes qui entendent confisquer le pouvoir à leur profit.
Et finalement, il faut se poser la question des rapports avec les autres organisations politiques et notamment avec le PS. Là encore, il ne faut pas hésiter à mettre en cause les dogmes : il faut arrêter de prétendre qu’une alliance nécessite un accord sur des idées. Une alliance est une question de tactique. Une alliance est un simple contrat, par lequel les partenaires s’obligent à faire ou ne pas faire certaines choses . Point à la ligne. On n’a pas besoin de s’aimer, de s’embrasser sur la bouche ou de prétendre qu’on est les meilleurs amis du monde. Tout juste qu’à un instant donné et pour un temps limité on a une convergence d’intérêts. De mon point de vue, une bonne alliance est celle qui permet au PCF de faire avancer ses projets avec un coût acceptable. Si l’alliance électorale avec le PS remplit ces conditions, alors il n’y a pas de raison de ne pas y consentir. Mais il n’y a aucune raison d’exclure d’autres alliances, y compris à droite: on s’est bien alliés à De Gaulle du temps de la France Libre. C’est une convergence d’intérêts du même type qui a permis le rejet du traité constitutionnel européen en 2007. Et il n’y a aucune raison d’en avoir honte : on peut être en désaccord sur beaucoup de choses avec certains courants de la droite, et partager avec eux certains points de convergence. Pourquoi ne pas s’unir alors avec eux pour faire avancer ces points-là ? En quoi serait-il « honteux » de voter avec la droite telle ou telle loi des lors qu’elle nous paraît positive ?
Le PCF ne doit pas continuer à se laisser enfermer dans la logique de guerre civile des gauchistes. Les accords tactiques, les rapports avec les autres doivent être régis non pas par des principes sacrés, mais par une saine analyse de nos propres intérêts et du rapport de forces. A l’heure de conclure un accord avec n’importe quelle autre organisation (et le PS n’est qu’un cas particulier), il faut mettre dans la balance ce qu’on y gagne et ce qu’on y perd. Si l’addition nous convient, alors il n’y a pas de raison de s’en priver. Et si elle ne nous convient pas, il n’y a pas de raison de faire des sacrifices. Et ces choix doivent être expliqués à nos adhérents et à nos électeurs sans fausse honte et sans faux semblant. Si on explique à notre électorat qu’on appelle à voter pour le candidat socialiste en échange de tel ou tel engagement, notre électorat le comprendra parfaitement. Lui raconter qu’on vote pour le PS parce qu’on est d’accord sur presque tout ou parce qu’il faut « battre la droite » à tout prix, c’est prendre nos électeurs pour des imbéciles. Et c’est comme ça qu’on se retrouve à 1,9%.
Et maintenant, le couplet pessimiste
Je ne me fais guère d’illusion sur la possibilité que les propositions que je fais plus haut soient retenues, ou même que les diagnostics que je fais soient entendus. Et cela pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, parce que des forces considérables poussent le PCF vers une vision « notabiliaire » de la politique. Aujourd’hui, ce sont les élus qui pour l’essentiel tiennent les cordons de la bourse, que ce soit parce que le reversement des indemnités représente une partie importante du budget, ou par les possibilités qu’ils ont à distribuer la manne municipale, régionale ou départementale. Beaucoup de permanents sont déjà des élus, et ceux qui ne le sont pas ne voient souvent pas d’autre voie de salut. Or, la capacité du PCF a peser dans l’échiquier politique nécessite une unité dans le discours et dans l’action des élus qui est impensable sans une certaine discipline. Et il sera très difficile d’imposer une telle discipline à des élus devenus tout-puissants et à des permanents terrifiés par la perspective de perdre leur gagne-pain.
Ensuite, parce que la composition sociologique du PCF n’est pas favorable. La quasi-disparition des militants ouvriers et des organisations dans l’entreprise et le poids des classes moyennes (notamment parmi les jeunes adhérents, en grande majorité étudiants) est un terreau fertile pour le gauchisme et pour les lobbies « sociétaux ». Après avoir flatté pendant des années la toute-puissance des militants en les persuadant que toutes les paroles se valent, il sera difficile de persuader les militants que la parole de « ceux qui savent » a une valeur et qu’il faut se former avant d’assumer des responsabilités. Après avoir flatté pendant quinze ans l’hédonisme, il faudra longtemps pour persuader les militants que militer peut-être un plaisir, mais que c’est avant tout et surtout une discipline exigeante, qui amène souvent à faire des tâches désagréables, ingrates et ennuyeuses. Le militantisme ne peut pas être, contrairement à ce que les directions “mutantes” ont soutenu, une fête permanente.
Enfin, parce que comme je le disais en introduction, le PCF est maintenant trop affaibli pour espérer une récupération. Même si l’on décide une véritable politique de formation, ou trouvera-t-on les formateurs ? Même si l’on décidait de réfléchir à un véritable projet, où trouver les dirigeants et des participants capables de conduire une telle réflexion ? A supposer même que les directions prennent conscience des problèmes (et il y a de quoi être pessimiste là-dessus…), auraient-elles la force et la compétence pour les affronter ?
Mais surtout, je pense que ces avertissements ne risquent pas d’être entendus parce que le PCF est aujourd’hui incapable de se remettre en question. Parce que ses militants refusent de regarder la réalité en face. Parce que la réaction devant un bilan sérieux de la situation sera toujours du style « faux pas exagérer », « c’est faux de dire qu’on a pas un programme », « les résultats ne sont pas si mauvais que ça », « on détecte un frémissement », « on a fait XXX adhésions de plus que l’année dernière », etc. On l’a fait après la claque de 2003, on l’a refait après la claque de 2007. De « congrès inédite » en « congrès inédite », on s’est refusés à examiner les problèmes, préférant se réfugier toujours dans l’optimisme béat. On vend 100.000 vignettes, et on se retrouve à 500.000 à la Fête de l’Huma.
Voici pour les difficultés. Sont-elles insurmontables ? L’avenir le dira.
Bonsoir Descartes,
C’est curieux que vous ne parliez pas du PRCF (Pôle de Renaissance Communiste en France)…
Je n’ai jamais été communiste. Mon père étant gaulliste, c’est probablement une des raisons qui ne m’ont pas amené à aller y voir de plus près. Mais au-delà d’un parcours personnel plutôt de droite et qui est bien fini depuis la fin des années 1980 — croyez-le bien — je mesure chaque jour combien nous payons tous le prix de la disparition du vrai parti de la classe ouvrière en France.
Il me semble que le PRCF — même s’il est riquiqui — représente vraiment la filiation directe de feu le PCF, avec notamment, mais pas uniquement, la triple sortie (UE, Euro et OTAN) dans son programme.
Quel est est votre avis là-dessus ?
Bien à vous.
Thierry Saladin
et https://www.initiative-communiste.fr
@ Thierry Saladin
[C’est curieux que vous ne parliez pas du PRCF (Pôle de Renaissance Communiste en France)…]
J’aurais pu parler de beaucoup de groupes, fractions et sectes… Je connais bien les camarades du PRCF, avec qui j’avais beaucoup échangé dans les années 1990 dans le combat commun de la « résistance intérieure » contre la « mutation ». Ma divergence avec eux tient surtout à la question de l’avenir. Si je partage avec eux l’idée que cela ne sert à rien de renier son histoire, et qu’il faut accepter un héritage avec ses ombres et ses lumières, je ne suis pas convaincu que le salut du mouvement ouvrier se trouve dans un retour en arrière. A mon sens, construire une organisation communiste aujourd’hui implique d’abord d’analyser les rapports de production tels qu’ils sont aujourd’hui. Or, ce qui limite à mon sens l’horizon du PRCF est la tentation de considérer l’analyse que Marx fait du capitalisme comme une sorte d’universel intouchable, et non comme une analyse liée à son époque.
Il y a effectivement une rupture avec la mutation, mais dire que le PCF est mort à St-Ouen, c’est oublier que ce congrès est un moment qui concrétise une évolution plus ancienne, et qu’au fonds, c’est la stratégie du programme commun, dont Marchais avait averti des risques dans un rapport au comité central resté secret quelques années, qui a confirmé ces risques au point de permettre au parti socialiste de Mitterand de prendre le leadership jusqu’à imposer ses priorités, ses renoncements… La mutation n’est possible que parceque le PCF se retrouve affaibli par sa propre stratégie, et que la crise mondiale qui s’accélère exige au contraire une capacité de comprendre le monde pour le transformer que le PCF de Marchais avait déja perdu.
On pourrait dire de la même manière que le socialisme soviétique n’est pas mort en 1991 lors de la dissolution de l’URSS.
Et dans les deux cas, il faut dire que le processus de délitement qui avait commencé bien avant, s’est poursuivi mais de manière contradictoire en créant aussi des résistances, des réactions à cette mort qui devient apparente, et que dans les deux cas, des éléments de renaissance se font jour.
En URSS dans ce que le socialisme a laissé et qui fait que le nationalisme de droite de Poutine doit recomposer avec son histoire et un peuple qui rejette plus fortement le capitalisme et s’interroge sur ce socialisme qui a été détruit.
Dans le PCF, avec des militants, des sections et des réseaux qui existent et tentent de “faire vivre et renforcer le PCF” jusqu’à contribuer à créer les conditions d’une défaite de la direction du PCF lors du 38eme congrès, 20 ans après la mutation, et d’un début de reconstruction, ambiguë et hésitante, mais qui se voit dans le style et des déclarations fortes de Fabien Roussel, que ce soit sur la nation, ou même dans une référence au socialisme à la française qui est un pied de nez à la mutation…
D’ailleurs, plus le PCF est “mort”, et plus l’anticommunisme s’exprime avec force… Dans ma ville gérée par un maire communiste depuis 1935, les opposants du PS hollandiste à l’extrême-droite se retrouvaient en 2014 autour d’un même slogan “80 ans, ça suffit”… Pour eux, le PCF est bien toujours là !
On peut être d’accord sur le fait qu’il est en réanimation, et qu’il n’est pas dit qu’il en sortira, mais non, il n’est pas encore à la morgue…
@ pam
[Il y a effectivement une rupture avec la mutation, mais dire que le PCF est mort à St-Ouen, c’est oublier que ce congrès est un moment qui concrétise une évolution plus ancienne,]
La mort d’un individu, c’est un moment qui « concrétise une évolution plus ancienne » – certains diront qu’elle commence » avec notre naissance. Même chose pour un parti politique. Je n’ai jamais prétendu que la « mutation » ait surgi de nulle part : elle est bien le résultat d’une évolution commencée à la fin des années 1960, et qui dépasse largement le périmètre du PCF et même celui de la France. La meilleure preuve en est que TOUS les partis communistes, QUELQUE AIENT ETE LEURS CHOIX STRATEGIQUES, ont subi un sort comparable. Où est le puissant Parti communiste italien, lui qui a choisi une stratégie « eurocommuniste » et rompu les liens avec Moscou bien avant et bien plus profondément que le PCF ? Où est le Parti communiste espagnol ?
Qu’on ne pouvait éviter la défaite, je suis le premier à le reconnaître. Mais on aurait pu au moins sauver l’honneur, et avec lui conserver une organisation qui, malgré son affaiblissement, aurait préservé les instruments idéologiques et organisationnels lui permettant de reprendre le poil de la bête lorsque le rapport de forces le permettrait. Au lieu de quoi, le PCF a foncé dans le mur le pied au plancher. Il a embrassé avec délectation l’idéologie dominante et abandonné les couches populaires en rase campagne, au point que ces dernières n’ont aujourd’hui d’autre ressource que de se tourner vers le RN pour exercer une pression sur le système.
[et qu’au fonds, c’est la stratégie du programme commun, dont Marchais avait averti des risques dans un rapport au comité central resté secret quelques années, qui a confirmé ces risques au point de permettre au parti socialiste de Mitterand de prendre le leadership jusqu’à imposer ses priorités, ses renoncements… La mutation n’est possible que parce que le PCF se retrouve affaibli par sa propre stratégie, et que la crise mondiale qui s’accélère exige au contraire une capacité de comprendre le monde pour le transformer que le PCF de Marchais avait déjà perdu.]
J’avoue que je ne comprends pas ce raisonnement. Si le PCF avait, avant d’être affaibli par sa propre stratégie, la capacité de comprendre le monde pour le transformer, comment expliquez-vous qu’il ait choisi une stratégie aussi suicidaire ? Et cela d’autant plus que son secrétaire général – qui, nous dit-on aujourd’hui, avait grâce au centralisme démocratique tous les pouvoirs pour imposer sa volonté au Parti – était conscient du problème et avait attiré l’attention dans un rapport au comité central ?
Non, le problème n’est pas dans les erreurs de tel ou tel dirigeant. Le problème se trouve dans les changements de la sociologie de la société française, et de celle du PCF lui-même. La force du PCF reposait sur une alliance entre les « classes intermédiaires » et les couches populaires. Cette alliance s’est lézardée à la fin des années 1960, à la fin des « trente glorieuses ». A ce moment-là les “classes intermédiaires” comprennent que leur intérêt dans la nouvelle situation est de constituer un « bloc dominant » avec la bourgeoisie, et d’abandonner les couches populaires à leur sort. Le PCF a subi ce mouvement : dans les années 1970 et 1980, il reste envers et contre tous du côté des couches populaires, ce qui vaut à sa direction toutes sortes de pressions, des accusations « d’ouvriérisme » et de négliger les « intellectuels » venues de l’intérieur même du parti. Ce ne sont pas les cellules d’entreprise, les militants ouvriers qui mènent la révolte, ce sont les militants des “classes intermédiaires”, enseignants, professionnels, cadres de la fonction publique (lire à ce propos le livre de Julien Mischi “le communisme désarmé”). Avec le départ de G. Marchais et son remplacement par R. Hue, les « classes intermédiaires » prennent le pouvoir à l’intérieur même du PCF à travers des élus et des “barons”. Les cellules d’entreprise disparaissent, le centralisme démocratique qui permettait de discipliner les élus, les « barons » locaux et les permanents est aboli.
Il est faux de dire que le PCF a perdu « la capacité de comprendre le monde pour le transformer ». Les élus et les permanents qui contrôlent le PCF ont parfaitement compris le monde. Seulement, ils n’ont plus aucune envie de le transformer. Pourquoi le feraient-ils, alors qu’ils appartiennent au groupe social qui en profite le mieux de l’état des choses ?
[On pourrait dire de la même manière que le socialisme soviétique n’est pas mort en 1991 lors de la dissolution de l’URSS.]
Bien entendu. Je trouve assez primaire d’ailleurs d’imaginer que le socialisme soviétique est mort en 1991, alors que son principal dirigeant avait déjà annoncé l’abandon de ce qui faisait son identité dès le milieu des années 1980.
[Dans le PCF, avec des militants, des sections et des réseaux qui existent et tentent de “faire vivre et renforcer le PCF” jusqu’à contribuer à créer les conditions d’une défaite de la direction du PCF lors du 38eme congrès, 20 ans après la mutation, et d’un début de reconstruction, ambiguë et hésitante, mais qui se voit dans le style et des déclarations fortes de Fabien Roussel, que ce soit sur la nation, ou même dans une référence au socialisme à la française qui est un pied de nez à la mutation…]
Je souhaite beaucoup de chance à Fabien Roussel. Mais je ne peux que constater que, pour ne donner qu’un seul exemple, trois élus PCF ont signé l’appel à « manifester contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019, et qu’à ma connaissance non seulement aucun d’entre eux n’a été sanctionné mais l’affaire n’a même pas été débattue dans la direction du Parti. Ce cas, et bien d’autres, démontre que 20 ans après la mutation ce sont toujours les « notables » qui font la loi au PCF. Fabien Roussel fait entendre une petite musique qui n’est pas désagréable. Mais il est tout seul: les vieux “barons”, les Laurent, les Buffet, les Dartigolles, les Coppola sont toujours là. Ce sont eux qui détiennent le vrai pouvoir. La “défaite de la direction” au 38ème congrès n’a pas entrainé une véritable rupture. On n’a pas révisé les statuts, on n’a pas engagé une “contre-mutation” comme en 1994. On n’a pas touché à l’organisation, aux instances de décision, à la formation. Or, c’est là que la chose se joue, dans la logique INSTITUTIONNELLE du PCF. Ce n’est pas parce qu’on assied quelqu’un de bien au fauteuil de secrétaire national que cela change l’équation.
J’ai le plus grand respect – et je dois même dire la plus grande admiration – pour les camarades communistes qui, 20 ans après la mutation, ont toujours la ténacité et la patience de continuer le combat contre ses dérives. Mais je pense qu’ils dépensent inutilement leur énergie dans un combat perdu d’avance. Pour moi, les dégâts de la « mutation » sont aujourd’hui pratiquement irréparables.
[D’ailleurs, plus le PCF est “mort”, et plus l’anticommunisme s’exprime avec force… Dans ma ville gérée par un maire communiste depuis 1935, les opposants du PS hollandiste à l’extrême-droite se retrouvaient en 2014 autour d’un même slogan “80 ans, ça suffit”… Pour eux, le PCF est bien toujours là !]
Vous savez, le fait qu’il y ait des gens qui prient Dieu n’implique nullement qu’il existe. Plus que l’anticommunisme, « 80 ans ça suffit » est le slogan de ceux qui veulent prendre la place.
[On peut être d’accord sur le fait qu’il est en réanimation, et qu’il n’est pas dit qu’il en sortira, mais non, il n’est pas encore à la morgue…]
Vous savez, cela fait vingt ans qu’on échange sur ces sujets, vous et moi. Je ne crois pas me tromper en disant que dans les années 1990 n’étiez pas, corrigez-moi si je me trompe, un adversaire déclaré de la « mutation », sinon plutôt le contraire. Vous m’encouragiez à participer au processus qui devait aboutir à des « lendemains qui chantent » pour le PCF… auriez-vous changé d’avis ? Si c’est le cas, un retour critique ne vous ferait pas de mal. Parce que sans vouloir vous offenser, une partie du désastre au PCF vient de légitimisme irrationnel qui fait que les militants du PCF se répètent que “cette fois-ci c’est la bonne” jusqu’à y croire. Et croyez-moi, j’en ai connu, des militants qui successivement m’ont expliqué en 1977 que la stratégie de Marchais était la bonne, en 1994 que la mutation allait dans le bon sens, en 2000 que le congrès de Martigues et le “parti d’un type nouveau” était l’avenir, et qui racontent en 2020 qu’avec Roussel on va sortir du coma. Et qui ne se demandent jamais pourquoi leurs espoirs antérieurs ont été déçus. A un moment donné, il faut un minimum de lucidité.
Bonsoir Descartes,
À moins qu’il n’ait la maladie Alzheimer et qu’il ne se souvienne de pas grand’chose en voyant ces vieilles photos…
Quelle a été la réception de votre contribution au congrès ?
@ Ian Brossage
[Quelle a été la réception de votre contribution au congrès ?]
Aucune réaction. Elle n’a même pas été publiée. J’ai su plus tard, par des voies indirectes, qu’elle avait beaucoup énervé un certain nombre de membres de ma direction fédérale.
Bonjour , concernant Georges Marchais (son expression sur” le bilan globalement positif des pays socialistes ”ce n’était pas trop la réalité )et quand on a vu la réalité derrière le rideau ce n’était pas le paradis comme on nous le présentait y compris au sein de le CGT
@ BERNARD DELIENNE
[Bonjour , concernant Georges Marchais (son expression sur ”le bilan globalement positif des pays socialistes” ce n’était pas trop la réalité ) et quand on a vu la réalité derrière le rideau ce n’était pas le paradis comme on nous le présentait y compris au sein de le CGT]
Un bilan est une opération abstraite : elle consiste à comparer ce qui s’est fait de positif et ce qui s’est fait de négatif. L’idée même de « bilan globalement positif » implique la reconnaissance du fait que même si le positif dépasse le négatif, ce dernier est bien présent et n’est nullement négligeable. Ce qui montre qu’à l’époque ou cette déclaration était faite ni le PCF ni la CGT ne prétendaient montrer les pays socialistes comme un « paradis ».
Mais la question intéressante dans votre remarque est : pourquoi des dirigeants ont présenté les pays socialistes comme le « paradis », et surtout, pourquoi des générations de militants, de sympathisants, d’électeurs y ont cru ? Pourtant, on n’ignorait rien de ce qui se passait là-bas : dès les années 1930, on savait pratiquement tout. Des intellectuels, des journalistes, des hommes politiques ont visité l’URSS et ont fait des récits concordants. Les « procès de Moscou » ont été largement médiatisés et critiqués par la presse. Si les communistes – militants et électeurs confondus – n’y ont pas cru, c’est parce qu’ils ne voulaient pas y croire. Et c’est logique : la croyance a une valeur performative. Le fait de croire que Staline était un saint ou était un monstre ne changeait rien à la situation en URSS, mais changeait beaucoup de choses en France, parce que la croyance en un paradis possible a un effet mobilisateur qu’on ne peut négliger. Pour reprendre la formule de François George à propos de ses parents (staliniens) : « ils croyaient en quelque chose de grand, et cette croyance les grandissait ».
La croyance dans un « paradis soviétique » a donné pendant des générations aux militants ouvriers la force de lutter, et ce sont ces luttes qui ont rendu possible la protection sociale, les services publics, l’Etat providence dont on a bénéficié pendant un demi-siècle et dont on bénéficie en partie aujourd’hui. Alors, rétrospectivement, pensez-vous que le monde serait aujourd’hui meilleur si ces gens n’avaient pas cru, si les dirigeants n’avaient pas alimenté cette croyance ? Cette question n’est qu’un cas particulier d’une question plus vaste, celle des « fictions nécessaires » sur lesquelles repose toute construction sociale. Et donc sur la nature même de la croyance. Parce que soyons rationnels : quand on relit les discours de l’époque, on s’aperçoit très vite que les gens qui parlaient ne pouvaient pas VRAIMENT CROIRE ce qu’ils disaient, pas plus que le prêtre qui répète « ceci est mon sang » ne croit que la burette qu’ils tiennent entre leurs mains est effectivement remplie d’hémoglobine. La croyance connaît plusieurs niveaux : il y a des choses auxquelles on « croit » parce qu’on les tient pour vraies (comme la gravitation), et autres qu’on « croit » parce cette croyance nous est utile, soit qu’elle nous console, soit qu’elle nous mobilise, mais sans nécessairement tenir « vraiment pour vraies ».
Maintenant, ni au PCF ni à la CGT on ne croit plus au « paradis socialiste ». Maintenant, les militants voient la vérité telle qu’elle est. Pensez-vous que ce soit un progrès ? Que cela aide les gens à lutter, à créer ? Que cela les rend plus humains, plus solidaires ? Je vous laisse répondre…
non, s’il y avait de l’idéalisme dans le paradis socialiste, il y avait beaucoup plus que ca, il y avait un réflexe de classe, considérant que l’ennemi de notre bourgeoisise devait être notre amie, réflexe que la diabolisation du socialisme soviétique à détruit…
Or, on peut effectivement aujourd’hui faire un bilan en demandant aux russes et aux autres ce qu’ils ont perdu dans la restauration du capitalisme… Tant que les communistes continueront de se flageller dans ce que Losurdo appelle justement l’autophobie communiste, ils ne pourront jamais comprendre ce qu’était le socialisme soviétique et… pourquoi il a échoué, pourquoi il a été battu… question que les chinois étudient avec beaucoup d’attention..
Qui sait par exemple que l’agriculture soviétique jusque dans les années 60 était basé sur la biodiversité des sols très à la mode chez nos écologistes aujourd’hui ?
Qui sait que l’espérance de vie, malgré le choc des guerres, a progressé jusque dans les années 60, rejoignant presque celle de l’occident, avant de stagner jusqu’au constat de Todd d’une baisse qui lui révélait l’impasse historique… ?
Oui, l’expression “bilan globalement positif” n’était pas si mauvaise, même si la formule chinoise de 30% d’erreur chez Mao est peut-être meilleure…
@ pam
[non, s’il y avait de l’idéalisme dans le paradis socialiste, il y avait beaucoup plus que ca, il y avait un réflexe de classe, considérant que l’ennemi de notre bourgeoisise devait être notre amie, réflexe que la diabolisation du socialisme soviétique à détruit…]
Aussi. Il est vrai que le réflexe de rejet du rejet est fort, et qu’il profite aujourd’hui largement au RN. Les gens se disent que quelque chose que les bourgeois détestent n’est pas forcément mauvaise…
[Or, on peut effectivement aujourd’hui faire un bilan en demandant aux russes et aux autres ce qu’ils ont perdu dans la restauration du capitalisme… Tant que les communistes continueront de se flageller dans ce que Losurdo appelle justement l’autophobie communiste, ils ne pourront jamais comprendre ce qu’était le socialisme soviétique et… pourquoi il a échoué, pourquoi il a été battu…]
Tout à fait d’accord. Mais je ne suis pas sûr que la compréhension de ce qu’était le socialisme soviétique soit une priorité pour les « barons » et les notables qui dominent le PCF depuis le règne du père UbHue. L’autophobie communiste – je trouve le terme particulièrement approprié – fut un moyen pour l’équipe Hue pour marquer la rupture entre le PCF marchaisien qui faisait peur aux bourgeois et aux classes intermédiaires et le « parti d’un nouveau type » qui ne faisait plus peur à personne et pouvait donc espérer conquérir les voix du « bloc dominant ».
@Descartes
Qu’est-ce qui vous fait penser que les électeurs du RN se positionnent par rapport à une entité qu’eux-mêmes qualifieraient de « bourgeois » ? (plutôt que, par exemple, « élites parisiennes », « immigrationnistes », « mondialistes »…)
Vous ne seriez pas en train d’attribuer aux électeurs du RN des conceptions politiques qui ne sont nullement les leurs ?
Je note que le RN lui-même a pris soin d’abandonner une proposition que les bourgeois détestent entre toutes (la sortie de l’euro et de l’UE), et que sa popularité ne semble pas en avoir été affectée outre mesure (mais il est vrai qu’il n’y a pas eu d’élection nationale depuis).
@ Ian Brossage
[Qu’est-ce qui vous fait penser que les électeurs du RN se positionnent par rapport à une entité qu’eux-mêmes qualifieraient de « bourgeois » ?]
Rien, et c’est pourquoi je n’ai rien écrit de tel. Le qualificatif “bourgeois” est le mien, pas le leur. Les électeurs du RN utiliseraient probablement d’autres mots pour désigner la chose…
[Je note que le RN lui-même a pris soin d’abandonner une proposition que les bourgeois détestent entre toutes (la sortie de l’euro et de l’UE), et que sa popularité ne semble pas en avoir été affectée outre mesure (mais il est vrai qu’il n’y a pas eu d’élection nationale depuis).]
Nous en discuterons après les présidentielles. Mais en attendant, je pense que vous serez d’accord pour admettre que depuis l’abandon des positions “républicaines” et la mise à la porte de l’équipe Philippot, il y a une dynamique qui s’est cassée…
(plutôt que, par exemple, « élites parisiennes », « immigrationnistes », « mondialistes »…)
@Descartes
Mais vous supputez qu’ils désignent, avec leurs mots à eux, la même chose. Pensez-vous vraiment que le groupe social (ou les groupes sociaux) qu’ils honnissent imite les contours des détenteurs des moyens de production, ou se définisse par sa position dans les rapports de production ? Je n’ai pas l’intuition que ce soit le cas.
Le RN – même sous Philippot – n’a jamais tenu le moindre discours anti-patrons. Leur discours économique plutôt un discours poujadiste classique, avec d’un côté les gentils petits patrons-producteurs-de-richesse et de l’autre les méchants grands capitalistes (certes, on ne dit plus « finance apatride », de nos jours c’est plutôt le capitalisme « mondialiste »). Il est probable que les sympathisants et électeurs RN partagent peu ou prou cette conception.
(vous noterez que ce poujadisme a percolé à « gauche », où certains ont maintenant aussi l’obsession du « petit », du « local », voire des « racines »)
Déjà, je suis bien en peine de savoir si une dynamique s’est réellement cassée (j’avais tendance à le penser juste après la présidentielle, mais je me dis maintenant que j’ai peut-être pris mes désirs pour la réalité). Ensuite, même si cassure il y a eu, je suis incapable de dire si c’est dû à l’abandon de ce qui fut nommé « ligne Philippot » ou simplement à la médiocre prestation de MLP à la présidentielle, qui a souligné qu’elle n’avait pas les capacités d’une femme d’État.
Par ailleurs, quand je vois les succès actuels de l’« équipe Philippot » sous ses nouvelles couleurs (pas seulement en matière électorale, mais simplement en matière de doctrine : Philippot en est désormais à débiter un discours racoleur et pseudo-scientifique de bas étage sur la Covid-19), je conclus que j’ai, comme d’autres, certainement surestimé le sens du sérieux et la capacité d’analyse de Philippot, tant vantée par certains à l’époque où il était au FN. Qu’il fût meilleur que la plupart des cadres du FN, c’est possible. Mais manifestement, le point de référence devait être bien bas…
(il est vrai que son attelage de circonstance avec Sophie Montel et Franck de la Personne laissait déjà planer quelques doutes)
@ Ian Brossage
[Mais vous supputez qu’ils désignent, avec leurs mots à eux, la même chose.]
Tout à fait. Je vous accorde que le terme « bourgeoisie » était peut-être trop restrictif, et qu’il faudrait plutôt le remplacer par « bloc dominant ».
[Le RN – même sous Philippot – n’a jamais tenu le moindre discours anti-patrons.]
Pas explicitement, parce que la culture politique de la droite et l’extrême droite n’utilise pas ce vocabulaire. Mais lorsqu’on lit le programme du FN de 2017 et la documentation associée, l’opposition aux détenteurs du capital – qu’il ne faut pas confondre avec les « patrons », terme qui désigne le gérant de l’entreprise, et pas nécessairement son propriétaire – apparaît assez clairement. Quand on appelle à une intervention plus forte de l’Etat dans l’économie, lorsqu’on attend de lui qu’il s’oppose aux délocalisations par exemple, cela revient dénoncer le comportement de la bourgeoisie, à considérer qu’il faut lui imposer un comportement au nom de l’intérêt général.
La « lettre aux fonctionnaires » de 2017 tout comme le projet économique du FN est en nette rupture avec la vision économique traditionnelle de la droite et l’extrême droite française et se rapproche bien plus de l’interventionnisme gaullien. Le discours « anti-patrons » est implicite, mais il est bien présent.
[Leur discours économique plutôt un discours poujadiste classique, avec d’un côté les gentils petits patrons-producteurs-de-richesse et de l’autre les méchants grands capitalistes (certes, on ne dit plus « finance apatride », de nos jours c’est plutôt le capitalisme « mondialiste »). Il est probable que les sympathisants et électeurs RN partagent peu ou prou cette conception.]
Sauf que dans la vision poujadiste l’Etat est par essence l’ennemi des « gentils » et l’allié des « méchants ». Le discours du FN de 2017 se distingue très nettement de cette logique. Mais vous noterez tout de même que le « patron-producteur-de-richesse » est souvent un gérant, le capital étant détenu soit par la banque prêteuse, soit par un actionnaire extérieur. Ce n’est pas un « capitaliste » au sens propre du terme, contrairement au « grand capital ». De ce point de vue, la distinction entre le « petit » et le « gros » patron est jusqu’à un certain point une distinction entre le bourgeois qui possède le capital et le cadre gestionnaire.
[(vous noterez que ce poujadisme a percolé à « gauche », où certains ont maintenant aussi l’obsession du « petit », du « local », voire des « racines »)]
Plus que du « poujadisme », ce courant reprend le débat entre la « petite » et la « grande » France. C’est le retour du débat récurrent qui oppose le village à la grande ville, l’industrie à l’artisanat, la communauté à la nation, bref, la solidarité personnelle à la solidarité impersonnelle.
[Ensuite, même si cassure il y a eu, je suis incapable de dire si c’est dû à l’abandon de ce qui fut nommé « ligne Philippot » ou simplement à la médiocre prestation de MLP à la présidentielle, qui a souligné qu’elle n’avait pas les capacités d’une femme d’État.]
Franchement, ceux qui prétendent qu’on a découvert cela au débat entre les deux tours sont des hypocrites. Les limitations personnelles de Marine Le Pen étaient évidentes depuis bien longtemps. Sa prestation pendant la campagne présidentielle n’avait rien de particulièrement étonnant. Mais aussi longtemps qu’elle était portée par une dynamique idéologique puissante, cela ne gênait pas particulièrement son camp. Les problèmes sont apparus lorsqu’entre les deux tours les « traditionnalistes » au FN ont réussi à imposer un virage à 180° sur les questions économiques et notamment sur l’Euro. A partir de là, privée de la béquille que constituait un projet attractif et cohérent, MLP s’est cassée la gueule.
Depuis, le RN vivote. Au niveau local, le fossé entre le « FN du nord » et le « FN du sud » n’apparaît guère parce que les élections locales se jouent, comme leur nom l’indique, localement. Au niveau national, le RN est absent ou presque, et MLP se réfugie dans un silence prudent. Mais lorsque la campagne présidentielle commencera, elle va devoir s’exprimer et donc choisir une ligne.
[Par ailleurs, quand je vois les succès actuels de l’« équipe Philippot » sous ses nouvelles couleurs (pas seulement en matière électorale, mais simplement en matière de doctrine : Philippot en est désormais à débiter un discours racoleur et pseudo-scientifique de bas étage sur la Covid-19), je conclus que j’ai, comme d’autres, certainement surestimé le sens du sérieux et la capacité d’analyse de Philippot, tant vantée par certains à l’époque où il était au FN.]
Personnellement, je ne le crois pas. Mon analyse est différente : je suis convaincu que les qualités qui font une bonne éminence grise ne sont pas du tout celles qui font un homme d’Etat. Il y a des gens qui sont intellectuellement brillants, capables d’analyser une situation et de proposer une solution aux problèmes les plus complexes, mais qui sont incapables de fermeté lorsqu’il s’agit d’aller contre le courant. Comme un homme qui se noie, Philippot se saisit de tout ce qui flotte. Et ce qui flotte aujourd’hui dans l’opinion, ce sont les courants « complotistes ». Vous noterez d’ailleurs qu’il n’est pas le seul sur le radeau : d’Estrosi à Mélenchon, les pseudo-scientifiques sont aujourd’hui légion.
@Descartes
> Mais lorsqu’on lit le programme du FN de 2017 et la documentation associée, l’opposition aux détenteurs du capital – qu’il ne faut pas confondre avec les « patrons », terme qui désigne le gérant de l’entreprise, et pas nécessairement son propriétaire – apparaît assez clairement.
Certes, mais il me semble que les « petits » patrons sont assez souvent à la fois gérants et propriétaires (y a-t-il des chiffres à ce sujet ?). Par ailleurs, même un gérant d’entreprise est le plus souvent assez éloigné des intérêts du commun des travailleurs, d’une part parce qu’il est directement nommé et révoqué par les détenteurs de capitaux, d’autre part parce que bien souvent il est lui-même détenteur de parts de capital, et pas forcément qu’un peu.
> Plus que du « poujadisme », ce courant reprend le débat entre la « petite » et la « grande » France. C’est le retour du débat récurrent qui oppose le village à la grande ville, l’industrie à l’artisanat, la communauté à la nation, bref, la solidarité personnelle à la solidarité impersonnelle.
Mais dans l’approche marxiste qui est la vôtre, le poujadisme n’est-il pas un ressort central de ce « débat récurrent » ? À savoir l’opposition entre un ancien état et un nouvel état des forces productives, qui induisent des hiérarchies sociales et des rapports de domination différents ?
> Comme un homme qui se noie, Philippot se saisit de tout ce qui flotte. Et ce qui flotte aujourd’hui dans l’opinion, ce sont les courants « complotistes ». Vous noterez d’ailleurs qu’il n’est pas le seul sur le radeau : d’Estrosi à Mélenchon, les pseudo-scientifiques sont aujourd’hui légion.
Oui. Mais on n’attendait pas forcément beaucoup mieux d’Estrosi et Mélenchon, qui ont certainement des qualités, mais qui n’étaient pas (il me semble) réputés pour leur sérieux et leur pondération. De ce point de vue, Philippot a déçu sur ce qui paraissait un point fort chez lui.
@ Ian Brossage
[Certes, mais il me semble que les « petits » patrons sont assez souvent à la fois gérants et propriétaires (y a-t-il des chiffres à ce sujet ?).]
J’imagine qu’il doit en avoir. Mais souvent, ils ne sont « propriétaires » qu’en nom, et leurs dettes à la banque couvrent une bonne partie de la valeur de leur « propriété ». Je pense que le modèle marxiste, comme tout modèle théorique, ne s’applique pas mécaniquement à une réalité infiniment complexe. Le petit commerçant endetté, nominalement propriétaire de son commerce mais en pratique reversant toute la plusvalue qu’il peut extraire de ses salariés à la banque, est-il toujours un « bourgeois » ? Le paysan propriétaire de sa ferme mais dont les dettes dépassent la valeur de celle-ci est-il toujours un « bourgeois » ? La question n’a rien d’évident.
[Par ailleurs, même un gérant d’entreprise est le plus souvent assez éloigné des intérêts du commun des travailleurs, d’une part parce qu’il est directement nommé et révoqué par les détenteurs de capitaux, d’autre part parce que bien souvent il est lui-même détenteur de parts de capital, et pas forcément qu’un peu.]
Dans une grande entreprise, le gérant a souvent des compétences rares qui lui permettent de négocier des salaires importants, qui couvrent largement la valeur qu’il produit. Il fait donc partie des classes intermédiaires, et parmi elles de la section qui a le plus intérêt à l’alliance avec la bourgeoisie. Mais il n’est pas un bourgeois pour autant. Mais dans une petite ou très petite entreprise, c’est déjà beaucoup moins évident. Un plombier peut avoir un ou deux salariés, il continue à fournir une grande partie du travail manuel et la plusvalue qu’il peut tirer de ses employés va en grande partie rembourser la dette à la banque.
[Mais dans l’approche marxiste qui est la vôtre, le poujadisme n’est-il pas un ressort central de ce « débat récurrent » ? À savoir l’opposition entre un ancien état et un nouvel état des forces productives, qui induisent des hiérarchies sociales et des rapports de domination différents ?]
Je pense que vous inversez les termes. Le poujadisme n’est un symptôme, une expression particulière à un moment donné de ce débat récurrent qui traverse l’histoire des mutations du capitalisme. Le poujadisme est toujours un mouvement « réactionnaire ». Mais la « réaction » n’a pas les mêmes effets politiques lorsque le capitalisme est dans une phase de plus grande redistribution (comme c’était le cas dans les années 1960) que lorsqu’il est dans une phase de plus grande concentration, comme c’est le cas aujourd’hui. Dans le premier cas, le poujadisme tend à se mettre du côté de la bourgeoisie, dans le second plutôt du côté du prolétariat.
[Oui. Mais on n’attendait pas forcément beaucoup mieux d’Estrosi et Mélenchon, qui ont certainement des qualités, mais qui n’étaient pas (il me semble) réputés pour leur sérieux et leur pondération. De ce point de vue, Philippot a déçu sur ce qui paraissait un point fort chez lui.]
Nous sommes d’accord.
@Descartes
> Le petit commerçant endetté, nominalement propriétaire de son commerce mais en pratique reversant toute la plusvalue qu’il peut extraire de ses salariés à la banque, est-il toujours un « bourgeois » ?
Le taux d’intérêt payé à la banque étant fixé d’avance, le petit commerçant endetté ne perd pas la possibilité d’extraire de la plus value pour son propre compte en pressurant un peu plus ses salariés (ou à mesure que les intérêts dus à la banque s’amenuisent, le prêt étant progressivement remboursé). Être endetté tout en possédant des moyens de production, ce n’est de ce point de vue pas la même chose que de ne rien avoir.
@ Ian Brossage
[« Le petit commerçant endetté, nominalement propriétaire de son commerce mais en pratique reversant toute la plusvalue qu’il peut extraire de ses salariés à la banque, est-il toujours un « bourgeois » ? » Le taux d’intérêt payé à la banque étant fixé d’avance, le petit commerçant endetté ne perd pas la possibilité d’extraire de la plus-value pour son propre compte en pressurant un peu plus ses salariés]
Sauf que ce n’est pas toujours possible : s’il paye au SMIC, il ne peut réduire les salaires. Et il ne peut prolonger le temps de travail au-delà des limites légales. Si l’on pouvait en toute circonstance « extraire de la plus-value » sans limite, aucun petit commerce ne mettrait la clé sous la porte…
[(ou à mesure que les intérêts dus à la banque s’amenuisent, le prêt étant progressivement remboursé). Être endetté tout en possédant des moyens de production, ce n’est de ce point de vue pas la même chose que de ne rien avoir.]
Cela dépend de la nature de la dette. Si l’activité fournit un bénéfice suffisant pour la rembourser, alors il s’agit d’une constitution de capital. Le propriétaire de l’entreprise ne touche peut-être pas la plus-value aujourd’hui, mais celle-ci s’accumule dans l’amortissement du prêt, et à la fin du processus, une fois la dette payée, le propriétaire de l’entreprise aura en pleine propriété les machines et autres moyens achetés à crédit. Mais si l’activité ne suffit pas à rembourser la dette ?
@Descartes
[Je pense que le modèle marxiste, comme tout modèle théorique, ne s’applique pas mécaniquement à une réalité infiniment complexe.]
De mémoire Marx parle de tous cela. Il y a la notion de petite bourgeoisie, et Marx analyse la “graduation” dans la séparation du travail et du capital (et entrevoie le capitalisme financier à venir) Je crois que son argument est qu’un propriétaire (même s’il est aussi travailleur) aura ses intérêts aligné avec celui des grands propriétaires.
Il y a une raison si le suffrage universel partout en Europe arrive après des réformes agraires qui transforment les paysans en petit propriétaire ou gestionnaire.
Au passage l’analyse actuel du coût du capital par le PCF dit en substance la même chose il me semble (le capital est un coût énorme pour les entreprises, PME notamment, et c’est un levier d’action négligé par les patrons – justement car le crédit n’étant pas publique il n’y a aucun levier dessus, tandis que demander “moins de charges” reste une option.
Corrigez moi si je me trompe. J’ai jamais été grand lecteur de Marx, je suis tombé dans l’économie par l’école de la Régulation.
@ Yoann
[De mémoire Marx parle de tous cela. Il y a la notion de petite bourgeoisie, et Marx analyse la “graduation” dans la séparation du travail et du capital (et entrevoie le capitalisme financier à venir) Je crois que son argument est qu’un propriétaire (même s’il est aussi travailleur) aura ses intérêts alignés avec celui des grands propriétaires.]
Justement, cela paraît un peu schématique. Ainsi par exemple dans la paysannerie on peut difficilement dire que les petits paysans propriétaires de leur terre se soient alignés avec les « grands propriétaires ». Je n’ai pas dit que Marx ignore les nuances, mais plutôt que quelque soient les nuances qu’on apporte à une théorie, celle-ci reste une simplification de la réalité.
[Il y a une raison si le suffrage universel partout en Europe arrive après des réformes agraires qui transforment les paysans en petit propriétaire ou gestionnaire.]
Mais est-ce vraiment le cas ? Dans un pays comme la Grande Bretagne, il n’y a jamais eu de réforme agraire et les grands domaines sont restés entiers. Cela n’a pas empêché le suffrage universel d’être instauré en 1918. Même si l’on s’en tient au suffrage universel masculin, il est relativement récent et pas vraiment corrélé avec la réforme agraire. On peut même dire que le suffrage universel est arrivé avec la révolution industrielle, c’est-à-dire, une fois que la question agraire avait commencé à perdre de l’importance.
[Au passage l’analyse actuel du coût du capital par le PCF dit en substance la même chose il me semble (le capital est un coût énorme pour les entreprises, PME notamment, et c’est un levier d’action négligé par les patrons – justement car le crédit n’étant pas publique il n’y a aucun levier dessus, tandis que demander “moins de charges” reste une option.]
La communication – on n’ose pas parler de « analyse » – sur le thème du « coût du capital » est pour moi au contraire une illustration de la faiblesse théorique du PCF. L’entreprise n’est pas une entité autonome. Elle est créée par le capitaliste avec pour seul but d’obtenir une rémunération la plus importante possible pour le capital investi. En d’autres termes, le « coût du capital » est la raison d’être de l’entreprise. Dans un monde ou le coût du capital serait nul, le capitaliste n’aurait aucune raison d’investir, et l’entreprise n’existerait pas.
Le discours du PCF est sur cette question un discours de pure propagande : il s’agit de comparer la part de la valeur qui va vers le capital et celle qui va vers le travail, pour montrer que le « cout du capital » est aussi pénalisant pour la compétitivité de l’entreprise que le « coût du travail ». Mais la symétrie entre les deux est une fausse symétrie : la rémunération du capital est la raison d’être de l’entreprise.
@Descartes
Théoriquement. Les petites entreprises du commerce, de la restauration, du bâtiment, les exploitations agricoles ne sont pas forcément les endroits où on a le plus grand respect du droit du travail… Mais, certes, il y a des limites, liées notamment à la nécessité de reproduire la force de travail.
In fine, le petit commerce doit tout de même vendre pour survivre, quelle que soit la plus-value théorique extraite de ses salariés. Et d’ailleurs, les entreprises ont collectivement intérêt à ne pas extraire trop de plus-value, si elles veulent conserver une clientèle solvable.
Dans ce cas-là, l’entreprise devra à un moment ou un autre mettre la clé sous la porte, car je doute que la banque accepte de faire rouler indéfiniment la dette, surtout pour une activité vouée à rester « petite ». Mais j’avoue que je ne vois pas bien le rapport avec la discussion de savoir si les petits patrons ont plutôt partie liée avec le capital ou avec le travail. Un petit patron étranglé par les dettes peut bien en vouloir aux banques, à la finance, éventuellement au grand capitalisme « apatride » ou « cosmopolite » (ou bien « mondialiste », dans la variante contemporaine) – mais aussi en général aux « charges », aux taxes, à l’« assistanat », aux « parasites » et au poids budgétaire de la fonction publique -, ce n’est pas pour autant qu’il va se ranger du côté des travailleurs.
@ Ian Brossage
[In fine, le petit commerce doit tout de même vendre pour survivre, quelle que soit la plus-value théorique extraite de ses salariés.]
Mais pourquoi doit-il « survivre » ? S’il n’extrait pas de plus-value, quel est l’intérêt du commerçant à investir son capital dans son commerce ?
[« Mais si l’activité ne suffit pas à rembourser la dette ? » Dans ce cas-là, l’entreprise devra à un moment ou un autre mettre la clé sous la porte, car je doute que la banque accepte de faire rouler indéfiniment la dette, surtout pour une activité vouée à rester « petite ».]
Et pourquoi pas ? Tant que l’activité suffit à payer les intérêts, l’affaire est rentable. Et c’est d’ailleurs ce qui se passe dans beaucoup de domaines de l’économie. Et dans cette situation, on peut analyser la banque comme la véritable « propriétaire » du capital, les intérêts étant sa rémunération.
[Mais j’avoue que je ne vois pas bien le rapport avec la discussion de savoir si les petits patrons ont plutôt partie liée avec le capital ou avec le travail. Un petit patron étranglé par les dettes peut bien en vouloir aux banques, à la finance, éventuellement au grand capitalisme « apatride » ou « cosmopolite » (ou bien « mondialiste », dans la variante contemporaine) – mais aussi en général aux « charges », aux taxes, à l’« assistanat », aux « parasites » et au poids budgétaire de la fonction publique -, ce n’est pas pour autant qu’il va se ranger du côté des travailleurs.]
Non, mais sa situation est ambiguë. Ainsi par exemple les petits paysans endettés, dans certains cas ont des réflexes qui ressemblent plus à ceux du prolétaire qu’à celui des capitalistes.
plus humains et plus solidaire non , mais les gens pensent que tout ça c’était utopie et était en réalité des dictatures , je me rappel l instant ou les anciens militants avec qui j ai fait mes classes étaient effondrés quand les réalités sont apparus !!
@ bernard
[plus humains et plus solidaire non , mais les gens pensent que tout ça c’était utopie et était en réalité des dictatures , je me rappelle l’instant ou les anciens militants avec qui j’ai fait mes classes étaient effondrés quand les réalités sont apparus !!]
J’ai connu cela aussi. Mais je ne sais aussi que lorsqu’on regarde ce de quoi ces militants sont le plus fiers, c’est en général de ce qu’ils ont fait quand ils pensaient que c’était une utopie. L’auraient-ils fait s’ils avaient su dès le départ que c’en était pas ? Je vous laisse répondre…
je vous invite à écouter la courte vidéo d’une jeune militante communiste de Vaulx-en-Velin préparée pour la visio-conférence sur les quartiers populaires du 11/12
https://levenissian.fr/Temoignages-de-militants-des-banlieues-lyonnaises
Elle s’appelle Suela, est arrivée sans-papier d’albanie, avec des années de galère…
elle se rappelle le socialisme albanais et en dit “c’était une dictature, mais coté social, on ne pouvait pas faire mieux”
je pense que plus le temps passe, plus la diabolisation sera derrière nous et plus la violence du capitalisme conduit à ouvrir les yeux sur toutes les expériences alternatives… y compris celles diabolisées dans le discours dominant…
Quand aux militants “effondrés”, ce n’est pas le cas de tous, donc ca peut se gérer… J’ai le souvenir précis d’un retour de porte à porte après le choc de Timisoara… On était parti inquiet du risque de se faire jeter, mais au retour, le bilan était que nos liens avec nos voisins restaient solides et presque indépendants de la pression anticommuniste du moment..
C’est le défaitisme et au fonds le renoncement à notre engagement révolutionnaire qui a conduit globalement le parti a céder devant la guerre idéologique des “100 millions de morts”
MERCI . C’est REMARQUABLE !
Cher Descartes ,vous signez là un texte très intéressant;il conforte mon sentiment que le brio avec lequel vous animez ce blog , contribue à mon bonheur de vivre.
Comment ne pas être contrariant sans édulcorer mes remarques ?
En aucune façon je ne me servirai de la citation de Marx qui réagissant aux sempiternelles positions dogmatiques de certains disaient;’si c’est ça le Marxisme,je ne suis pas Marxiste’.
Les nombreuses lacunes historiques ,nécessairement présentes dans votre texte,n’autorisent personne à oublier que vivre avec son temps est le baba de la politique d’un parti communiste qui se présente devant les électeurs à chaque élection.Les contraintes de se confronter aux électeurs est différente de celles d’écrire dans la tour d’ivoire d’un site internet de longs pensums dogmatiques comme au PRCF.
A Thierry Saladin,je demande quelles sont ces réponses vis à vis des critiques émises par la minorité en 1920 au congrès de Tour,dont voici un texte incontournable: https://www.parti-socialiste.fr/leon_blum_discours_tours
Qu’en pensez vous Mr Thierry SALADIN ?
Voici pour moi le principal élèment positif que je retiens du texte de René :’Depuis la « mutation », le marxisme n’est plus le cadre théorique du PCF. Voici la seule mention de Marx ou du marxisme dans les statuts de 2013, toujours en vigueur : « Les motivations de l’adhésion au Parti communiste français sont diverses’.
Négligez vous ? cher Descartes, et si Oui pour quelles raisons ,les apports d’un penseur politique comme Proudhon,qui peut aussi motiver comme d’autres l’engagement politique au PCF ?
@ luc
[Comment ne pas être contrariant sans édulcorer mes remarques ?]
Je vous en prie, je vous en prie… mon texte est là pour être contredit !
[En aucune façon je ne me servirai de la citation de Marx qui réagissant aux sempiternelles positions dogmatiques de certains disaient ; ’si c’est ça le Marxisme, je ne suis pas Marxiste’.]
Les gens qui réagissaient comme cela n’étaient pas moins « dogmatiques » que celles contre lesquelles elles réagissaient. Parce que dans la formule, il y a implicitement l’affirmation que « ce n’est pas ça le marxisme », et que celui qui parle détient, lui, le « vrai » marxisme et mérite le « vrai » titre de marxiste. L’utilisation même de cette phrase est une référence au dogme. Si l’on veut échapper au « dogmatisme », alors il faut se concentrer sur les propositions pour ce qu’elles valent, et s’abstenir d’utiliser l’étiquette « marxiste », fut-ce pour la refuser.
[Les nombreuses lacunes historiques, nécessairement présentes dans votre texte, n’autorisent personne à oublier que vivre avec son temps est le baba de la politique d’un parti communiste qui se présente devant les électeurs à chaque élection. Les contraintes de se confronter aux électeurs est différente de celles d’écrire dans la tour d’ivoire d’un site internet de longs pensums dogmatiques comme au PRCF.]
Oui et non. Se confronter aux citoyens – et pas seulement en leur qualité d’électeurs – est l’essence de la politique. Mais il faut veiller à éviter la dérive qui consiste à donner à l’électeur ce qu’il veut – ou plutôt, ce qu’on pense qu’il devrait vouloir. Moi, si je fais de la politique, c’est pour construire un monde tel que moi – et mes camarades, dans un fonctionnement collectif – le souhaitons. Si l’électeur n’en veut pas, tant pis pour lui. Je ne vais pas m’aliéner au point de vouloir une Europe fédérale ou une société de consommation débridée au prétexte que c’est ce que les gens veulent.
Au PCF, on avait une formule canonique qui illustrait bien cette contradiction : « Il faut partir de ce que les gens ont dans la tête ». Autrement dit, oui, le dialogue doit être construit en tenant compte des problèmes et des questions que les gens se posent. Mais « partir » ne veut pas dire « rester ». A partir de ce que les gens ont dans la tête, il faut aller plus loin, vers une interprétation globale du monde. Et pour cela, les « longs pensums » sont aussi utiles.
[Voici pour moi le principal élément positif que je retiens du texte de René :’Depuis la « mutation », le marxisme n’est plus le cadre théorique du PCF. Voici la seule mention de Marx ou du marxisme dans les statuts de 2013, toujours en vigueur : « Les motivations de l’adhésion au Parti communiste français sont diverses’. Négligez-vous ? cher Descartes, et si Oui pour quelles raisons, les apports d’un penseur politique comme Proudhon, qui peut aussi motiver comme d’autres l’engagement politique au PCF ?]
Si Proudhon – mais on ne voit pas dans ce contexte pourquoi lui plutôt que les autres « penseurs politiques » du mouvement ouvrier – peut vous motiver à militer au PCF, c’est qu’il y a un grave problème au PCF. Pour pouvoir élaborer quelque chose, un parti politique a besoin d’un langage commun à ses membres, un cadre de référence qui rende l’échange possible. Un parti où un militant et « motivé » par les idées de Proudhon, un autre par celles de Babeuf, un troisième par celles de Trotsky, un quatrième par celles de Kropotkine, un cinquième par celles de Marx, un sixième par celles de Che Guevara aura un sérieux problème pour entamer un débat interne d’où puisse sortir une construction politique.
Faire du marxisme l’ossature idéologique d’un parti politique n’est pas une question de dogmatisme, mais une question de cohérence idéologique. Ceux dont le militantisme est motivé par les idées de Proudhon, Kropotkine, Trotsky ou Guevara n’ont qu’a constituer un parti proudhoniste, un parti kropotkiniste, un parti trotksyste ou un part guévariste, et dans le cadre de leur vision théorique fabriquer leurs projet et les proposer aux électeurs.
sur bien des points je suis d’accord avec Descartes, il n’y a pas de filiation entre le PCF né à Tours, celui dont j’ai été membre du Comité central et celui qui est là aujourd’hui. Résultat, je n’ai même pas écrit sur mon blog d’article célébrant le congrès de Tours.
En revanche, comme j’ai une certaine expérience internationaliste je sais à quel point le communisme est encore présent. je trouve que toutes les interventions restent trop paroissiales, je ne dis pas nationale. La plupart des questions auxquelles nous sommes confrontées exigent des coopérations mondiales, même si pour agir il faut privilégier l’outil national, sur les deux plans nous n’avons plus de pouvoir donc plus de réflexion concrète.
Il me semble donc que ce qui frappe le PCF et les partis européens brisés par l’eurocommunisme (il y a aussi le Mexicain qui était euro communiste, le seul qui survit un peu est le Japonais) concerne justement le continent européen et sa dérive derrière les USA, la France n’a pas que le pCF en déclin, c’est la totale… Paradoxalement, si l’on prend ce point de vue, la situation du PCF est proprement miraculeuse par rapport à l’ensemble de la classe politique, pour faire court je dirais qu’il est effacé mais moins déconsidéré que les autres… la nullité de ses directions successives a été telle que dans la mémoire populaire effectivement il n’existe plus on e nous reproche que Melechon…
Donc si l’on considère la période historique que nous sommes en train de vivre, ses enjeux , le trait est forcé par l’épidémie, nous sommes bel et bien dans une recomposition à l’échelle planétaire dans laquelle (comme l’avait prévu Marx), l’atlantique est en train de devenir aussi secondaire que la mer méditerranée et où le déplacement vers le pacifique, les nouveaux rapports sud-sud, le multilatéralisme ont déplacé les enjeux dans lesquels la Chine est leader… Il est inexact de ne pas voir que partout le mécontentement populaire monte souvent les communistes sont là comme en Inde… En Amérique latine et même en Afrique où le Soudan a declenché le mouvement…
Le fond de ma pensée est que soit la France sera capable de rentrer dans cette transition, soit cela sera la barbarie comme disait rosa luxembourg… C’est mal parti… et le pCF avec… Mais peut-être s’il y a un lieu où peut surgir cette conscience c’est là… je ne vois rien d’autre même si le diagnostic de descartes me parait juste, je le répète sur l’état réel du P CF… C’est proprement invivable, et pourtant cela aiderait incontestablement non pas les seuls communistes mais la France elle-même si l’on pouvait rassembler alors ma position est que le pessimisme est luxe que l’on ne peut pas se permettre, il faut sauver ce qui peut l’être et qui nous permettra de faire face ensemble.
@ Danielle Bleitrach
[sur bien des points je suis d’accord avec Descartes, il n’y a pas de filiation entre le PCF né à Tours, celui dont j’ai été membre du Comité central et celui qui est là aujourd’hui. Résultat, je n’ai même pas écrit sur mon blog d’article célébrant le congrès de Tours.]
Pour moi, il est important de célébrer le congrès de Tours justement parce qu’il ouvre une période importante pour le mouvement ouvrier français. Et cela reste vrai quand bien même on doive constater que la porte ouverte en 1920 s’est refermée quelque part en 1994. Le fait que l’expérience qu’on pourrait qualifier de « léniniste » soit finie ne retire rien à son importance historique.
[En revanche, comme j’ai une certaine expérience internationaliste je sais à quel point le communisme est encore présent. Je trouve que toutes les interventions restent trop paroissiales, je ne dis pas nationale. La plupart des questions auxquelles nous sommes confrontées exigent des coopérations mondiales, même si pour agir il faut privilégier l’outil national, sur les deux plans nous n’avons plus de pouvoir donc plus de réflexion concrète.]
La coopération mondiale, oui, certainement. Mais qui sont les acteurs de cette « coopération internationale » ? Les individus ou les organisations ? C’est là que le niveau national devient indispensable, puisque les organisations ne peuvent avoir qu’une base nationale.
[Il me semble donc que ce qui frappe le PCF et les partis européens brisés par l’eurocommunisme (il y a aussi le Mexicain qui était euro communiste, le seul qui survit un peu est le Japonais) concerne justement le continent européen et sa dérive derrière les USA,]
Je ne suis pas convaincu. Les Partis communistes latinoaméricains ont eux aussi subi une déroute politique mais aussi idéologique. Justement, c’est lorsqu’on constate que des partis communistes qui ont choisi des stratégies très différentes voire opposés ont tous subi trente ans de reculs et de défaites qu’on est amené à conclure qu’il faut chercher la cause plus dans les changements dans les modes de production et d’échange que dans la stratégie d’untel ou untel.
[Paradoxalement, si l’on prend ce point de vue, la situation du PCF est proprement miraculeuse par rapport à l’ensemble de la classe politique, pour faire court je dirais qu’il est effacé mais moins déconsidéré que les autres…]
En quoi est-il moins « déconsidéré » que le NPA, EELV, LFI ou LO ? Bien sûr, le Parti socialiste s’est totalement déconsidéré, mais ce fut après plusieurs expériences d’exercice du pouvoir. Ceux qui n’ont pas exercé le pouvoir sont à peu-près aussi « discrédités » les uns que les autres.
[Donc si l’on considère la période historique que nous sommes en train de vivre, ses enjeux , le trait est forcé par l’épidémie, nous sommes bel et bien dans une recomposition à l’échelle planétaire dans laquelle (comme l’avait prévu Marx), l’atlantique est en train de devenir aussi secondaire que la mer méditerranée et où le déplacement vers le pacifique, les nouveaux rapports sud-sud, le multilatéralisme ont déplacé les enjeux dans lesquels la Chine est leader…]
Sans vouloir vous offenser, si Marx avait « prévu » (à la fin du XIXème siècle !) le « déplacement vers le pacifique, les nouveaux rapports sud-sud, le multilatéralisme et le leadership chinois », plus que comme historien et philosophe il faudrait lui rendre hommage comme oracle… Soyons sérieux : avec les connaissances de son époque, si Marx avait « prévu » tout ça – ce que, en toute franchise, me laisse sceptique – ce ne peut être que par hasard.
Cela étant dit, je vous invite à la plus grande méfiance. Des prédictions de ce genre, on en entend depuis des lustres. Souvenez-vous qu’à la fin du XXème siècle on nous expliquait que le Japon allait dominer le monde. Aujourd’hui on nous prédit la domination de la Chine. Il ne reste pas moins que le dollar est toujours la monnaie de réserve, et qu’aucune autre ne semble devoir le détrôner, que l’économie chinoise ralentit sérieusement sa croissance…
[Il est inexact de ne pas voir que partout le mécontentement populaire monte souvent les communistes sont là comme en Inde… En Amérique latine et même en Afrique où le Soudan a declenché le mouvement…]
Pardon, mais quel est le « mouvement » déclenché par le Soudan ? Et où sont les « communistes » qui déclenchent les mouvements en Amérique latine ? Quant à l’Inde, les communistes sont présents dans les gouvernements régionaux dans quelques états indiens. Mais nationalement, leur poids est négligeable. Encore une fois, je vous encourage à la méfiance : depuis que je suis adolescent, j’entends des dirigeants communistes expliquer que « le mécontentement populaire monte » et que le grand soir est pour demain, ou tout au plus pour après-demain. J’en arrive aujourd’hui aux portes de la vieillesse, et j’entends toujours le même discours. Où voyez-vous le « mécontentement populaire » monter ? Et surtout, où voyez-vous ce mécontentement se tourner du côté des communistes ?
On ne changera pas le monde en se racontant des histoires, fussent-elles de belles histoires. Il faut regarder le monde tel qu’il est : aujourd’hui, on assiste pratiquement partout à un recul massif des expressions politiques du mécontentement, et surtout de la capacité de transformer ce mécontentement en autre chose qu’une guerre de tous contre tous.
[Le fond de ma pensée est que soit la France sera capable de rentrer dans cette transition, soit cela sera la barbarie comme disait rosa luxembourg…]
Je rejette sans hésiter l’argumentation dichotomique : en présentant l’option entre deux solutions dont l’une est clairement inacceptable, on crée l’impression qu’il n’y a finalement qu’un choix possible. Personnellement, je pense que dans toute situation il y a un grand nombre de choix possibles, chacun avec ses avantages et ses inconvénients…
[Mais peut-être s’il y a un lieu où peut surgir cette conscience c’est là…]
Vous comme moi avons passé de très longues années au PCF, et c’est pourquoi on aurait envie que « cette conscience » surgisse là où nous avons tant investi. Mais ayant pris un peu de distance et trainé mes guêtres ailleurs, je ne suis plus persuadé que tout progrès passe nécessairement par le PCF. Pourquoi la naissance d’une nouvelle organisation capable de poursuivre la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme là où le PCF l’a abandonné serait-elle impossible ? En quoi, après vingt ans de « mutation » et dominé par des élus et des permanents terrifiés à l’idée de perdre leurs places le PCF serait mieux outillé pour « faire surgir cette prise de conscience » qu’un autre ?
[C’est proprement invivable, et pourtant cela aiderait incontestablement non pas les seuls communistes mais la France elle-même si l’on pouvait rassembler alors ma position est que le pessimisme est luxe que l’on ne peut pas se permettre, il faut sauver ce qui peut l’être et qui nous permettra de faire face ensemble.]
Le pessimisme est peut-être un luxe qu’on ne peut pas se permettre, mais la lucidité est une nécessité qu’il faut absolument s’offrir.
@descartes
non, je ne sais pas à quoi tu fais référence en supposant que je n’étais pas un adversaire de la mutation… ? Bien sûr, il est plus facile après coup de dire clairement les choses, mais je trouve que le texte que nous avons proposé à ce 34eme congrès était clair et assez proche de ta contribution que je découvre… Je te cite un extrait de ce texte alternatif
Ce texte avait obtenu 24% des voix ce qui n’était pas rien… Et à l’époque si on s’est parlé, je t’est nécessairement proposé de rejoindre non pas la mutation, mais ce texte alternatif dont j’étais un des corédacteurs…
Enfin, quand les anticommunistes dénoncent “80 ans de communisme”, ils ne se trompent pas et ne parlent pas d’un dieu, mais bien d’une réalité politique qui n’est pas morte…
Après, on peut être d’accord sur l’analyse historique des causes sociologiques, il faudrait sans doute évoquer d’autres aspects, et notamment les transformations du travail par le capital et ses conséquences sur l’unité de la classe ouvrière, en se rappelant ce que Lénine disait dans l’impérialisme sur les couches sociales ouvrières corrompues par le capital, notamment sur l’utilisation de l’immigration, de la jeunesse, de la surexploitation des intérimaires et précaires pour casser l’unité de classe en isolant les ouvriers qualifiés (cercles de qualité…)
Reste que nous sommes bien d’accord, les directions ont eu leur part de responsabilité, la plus grande étant à Robert Hue et consors, même si de fait, Marchais aurait pu, sur la base de la campagne de 1981 être plus “stal” dans la gestion de notre participation au gouvernement, de la gestion des élus (qui vont de fait prendre le parti avec Robert Hue, ancien président de l’ANECR..), de la priorité au parti…
Et tu noircis la tableau, car si le PCI et le PCE, les tenants de l’eurocommunisme, ont sombré, le PCP et le KKE ont tenu !
Mais après, une fois qu’on a fait de l’histoire, on fait quoi aujourd’hui, dans cette situation incroyable d’une histoire en pleine action… plus besoin d’un parti communiste ? Danielle Beitrach, qui est un peu dans ta situation, avec un blog très utile, des contributions personnelles fortes, même si vous n’avez ni la même histoire, ni la même orientation, a le mérite de toujours montrer à quel point la question du parti est décisive.
pam
@ pam
[non, je ne sais pas à quoi tu fais référence en supposant que je n’étais pas un adversaire de la mutation… ?]
Comme disait mon grand-père, qui fut un temps rédacteur d’un journal, il faut deux choses pour être un bon journaliste : la mémoire pour affirmer, l’archive pour prouver. Avant de te répondre, j’ai regardé les archives de « pcfdébat » que j’ai conservé… et j’ai retrouvé des messages de 1998 ou tu m’encourageais à prendre le train de la « mutation », qui aboutirait à la construction d’un parti « plus proche des gens ». Remarquez, tout le monde peut se tromper. Mais si l’on veut éviter de faire la même erreur à chaque fois, un retour critique s’impose.
[Bien sûr, il est plus facile après coup de dire clairement les choses, mais je trouve que le texte que nous avons proposé à ce 34eme congrès était clair et assez proche de ta contribution que je découvre…]
Peut-être. Mais la contribution que tu découvres est une variation de celles que j’ai proposé à chaque congrès depuis le 30ème. Je serais ravi d’apprendre qu’en 2008 nous ayons partagé l’analyse de la situation. Mais en 2008, c’était déjà trop tard. Et je peux te dire qu’entre 1994 et 2000, ceux qui comme moi se sont opposés à la « mutation » étaient bien seuls dans le Parti.
[Ce texte avait obtenu 24% des voix ce qui n’était pas rien… Et à l’époque si on s’est parlé, je t’est nécessairement proposé de rejoindre non pas la mutation, mais ce texte alternatif dont j’étais un des corédacteurs…]
En 2008, les jeux étaient déjà faits. C’est au 30ème congrès que le dernier combat s’est déroulé, que la « mutation » est devenue irréversible. Après l’heure, ce n’est plus l’heure.
[Reste que nous sommes bien d’accord, les directions ont eu leur part de responsabilité, la plus grande étant à Robert Hue et consorts, même si de fait, Marchais aurait pu, sur la base de la campagne de 1981 être plus “stal” dans la gestion de notre participation au gouvernement, de la gestion des élus (qui vont de fait prendre le parti avec Robert Hue, ancien président de l’ANECR..), de la priorité au parti…]
La tentation de rejeter toute la faute sur les dirigeants est souvent irrésistible… mais il faut y résister. Marchais n’a pas été plus « stal » tout simplement parce que la base et surtout les dirigeants intermédiaires – « barons » locaux et permanents – ne l’auraient pas suivi. Je ne connais pas votre âge, mais je me souviens combien la direction marchaisienne a été mise en échec permanent à partir de la fin des années 1970 par toute sorte de contestataires à l’intérieur du Parti qui n’hésitaient pas à monter des conjurations – souvent avec l’aide de la presse « bourgeoise » – dès que la direction du PCF faisait preuve de fermeté. Souvenez-vous de Juquin, de Fiszbin, de Fiterman, de Hermier… Si Marchais avait été pus « stal », il aurait provoqué la scission du Parti. Quant à Robert Hue, je me souviens encore très clairement des débats du 28ème congrès. Ce n’est pas Hue qui a forcé les communistes à abandonner le centralisme démocratique. Ce sont les communistes qui ont voté cet abandon, et encore, à une très large majorité. Robert Hue a une grande responsabilité, mais ceux qui ont voté les statuts de 1994 en ont une aussi. Tiens, si je peux me permet une question indiscrète, qu’est-ce que vous aviez voté à l’époque ?
[Et tu noircis la tableau, car si le PCI et le PCE, les tenants de l’eurocommunisme, ont sombré, le PCP et le KKE ont tenu !]
Ont « tenu » quoi ? Le KKE est resté sur une ligne idéologique ferme, mais ne fait plus que 5% des voix. Le PCP est, lui, à 6% et encore grâce à une coalition avec les Verts.
[Mais après, une fois qu’on a fait de l’histoire, on fait quoi aujourd’hui, dans cette situation incroyable d’une histoire en pleine action… plus besoin d’un parti communiste ?]
D’un parti communiste, certainement. De CE parti communiste, je suis plus dubitatif.
Au fond, la question ici tourne autour du fait de savoir si le PCF tel qu’il est aujourd’hui peut renouer avec son histoire et redevenir un parti de masse et de classe permettant une expression politique des intérêts des couches populaires, ou si au contraire le pouvoir des « classes intermédiaires » dans l’appareil du Parti et son emprise sur l’idéologie rendent impossible toute avancée dans ce sens. Je respecte vos motivations et celles de Danielle Bleitrach, et le travail que vous faites. Mais la lucidité m’oblige à dire combien à mon avis votre effort est inutile. Mieux vaudrait à mon sens faire la part du feu et utiliser votre enthousiasme à imaginer une organisation nouvelle.
[Avant de te répondre, j’ai regardé les archives de « pcfdébat » que j’ai conservé… et j’ai retrouvé des messages de 1998 ou tu m’encourageais à prendre le train de la « mutation », qui aboutirait à la construction d’un parti « plus proche des gens ». Remarquez, tout le monde peut se tromper. Mais si l’on veut éviter de faire la même erreur à chaque fois, un retour critique s’impose.]
donc tu es mieux organisé que moi, j’ai commencé réellement à garder des archives qu’après 2002 et donc je ne retrouve pas, mais je te fais confiance.. J’ai donc du dire une connerie en 1998… cela dit, j’ai voté contre la mutation ensuite…
Mais ca ne m’étonne pas, car je suis assez représentatif d’une génération née en politique avec la campagne de Marchais et la JC, sur une base ambiguëe car fortement révolutionnaire, assumant l’héritage communiste (je me rappelle avoir chanté la version du piolet de mexico de la jeune garde…), et pourtant pleine de contradictions dans la compréhension de cette histoire qui est toujours celle des luttes de classe…
Ainsi, je me rappelle avoir eu de longues discussions sur le marché et le plan avec de vieux militants ouvriers refusant toute ouverture au marché comme critère essentiel d’une position communiste… Et ce qui est amusant, c’est que je pense que j’avais tort, car finalement ma position était idéaliste, supposant en quelque sorte qu’une bonne régulation et des “droits nouveaux” des travailleurs suffirait à résoudre le problème, position actuelle encore des économistes, alors qu’aujourd’hui, je pense que Delaunay nous aide à penser la différence entre le marché capitaliste et le marché socialiste, avec le rôle nécessaire de la “dictature du peuple”.
Et pour tout te dire, j’ai le souvenir d’avoir adhéré au parti en 1976, pensant après le 22eme congrès que j’avais, comme futur intellectuel, ma place dans le parti des ouvriers puisqu’il avait abandonné la dictature du prolétariat… idéalisme encore bien sûr… et je ne comprenais rien à l’époque aux débats qui faisaient fureur pour ou contre Althusser dans l’UEC… Heureusement que mon activité militante se faisait dans une section ouvriere (Vénissieux) et une bataille de cellule donc de terrain dans une ville communiste. Je suis revenu du 150eme anniversaire du manifeste à Paris en me disant que plus personne ne savait pourquoi on était communiste. Et c’est après 2002 et le choc de Le Pen que je me suis mis à lire Lénine (que faire), puis à fonder le collectif utopies avant de m’engager plus dans la vie du parti.
Bref, donc on ne nait pas communiste, on le devient, difficilement et longuement, et ce processus jamais terminé demande un parti capable de faire vivre cet “intellectuel collectif” qui est nécessaire à sa propre liberté de penser.
Pas étonnant donc que comme beaucoup, je me suis fait avoir parfois par une idée qui se présentait comme communiste et n’était en fait que son renoncement. Par exemple, je n’étais pas très choqué par le principe d’une liste mixte avec la moitié de non communiste pour la liste bouge l’europe, ce qui me choquait par contre, c’était sa con version proeuropéenne !
Et c’est pourquoi je partage ton avis sur le PRCF, un mouvement avec des militants sincères et engagés, mais qui pour moi s’enferme dans son combat avec le PCF en consacrant son énergie à justifier des décisions passées, et non pas à aider à comprendre le monde tel qu’il est pour le transformer.
En conclusion, je reste convaincu qu’après les échecs des premières oppositions à la mutation qui s’annoncait dans les années 90, ou même dès la participation gouvernementale de 81-84, après l’éclatement des diverses “coordinations” et l’échec aussi des diverses tentatives de construction d’un nouveau parti, il y a bien quelque chose qui résiste dans le PCF, plein de contradictions comme nous tous, mais qui permet de maintenir ouverte l’hypothèse d’une reconstruction… Et là aussi, on a le droit de changer d’avis. J’étais convaincu que le 38eme congrès serait un échec pour nous et que ce serait le dernier du parti avec sa dilution dans un “mouvement”, finalement, je pense que ce n’est pas fini… Tout dépendra de la capacité des communistes à aller au bout de la candidature en 2022, et peu importe le résultat, si on mobilise plusieurs milliers de militants dans une belle bataille, si des centaines de jeunes y prennent leur place, on aura jeté les bases d’un nouveau PCF… Evidemment, plus on regagnera de voix chez les abstentionnistes du monde du travail, plus ce sera facile !
@ pam
[donc tu es mieux organisé que moi, j’ai commencé réellement à garder des archives qu’après 2002 et donc je ne retrouve pas, mais je te fais confiance.. J’ai donc du dire une connerie en 1998… cela dit, j’ai voté contre la mutation ensuite…]
Oui, mais « ensuite », c’est trop tard. Désolé si cela sonne à vos oreilles comme un reproche, mais j’en veux beaucoup aux camarades qui en 1994 ont voté comme des moutons la « mutation ». Le vote est un acte grave. On ne peut pas dire ensuite « désolé, je n’avais pas bien réfléchi ». Et je ne parle même pas de ces éternels militants « dans la ligne » qui faisaient la leçon à tout le monde, « centralistes » sous Marchais et « mutationnistes » sous Hue. Pourtant, je suis d’habitude quelqu’un de bienveillant et pas rancunier. Mais quand je me rappelle de cette époque, je sens encore la colère monter en moi. Comment les communistes ont-ils pu être aussi c**s ?
Pas étonnant donc que comme beaucoup, je me suis fait avoir parfois par une idée qui se présentait comme communiste et n’était en fait que son renoncement. Par exemple, je n’étais pas très choqué par le principe d’une liste mixte avec la moitié de non communiste pour la liste bouge l’europe, ce qui me choquait par contre, c’était sa con version proeuropéenne !]
Moi, ce qui me choquait surtout est l’idée que le fait de prendre une moitié de non-communistes était un progrès en soi, quelque chose dont il fallait être fier. Qu’on mette dans une liste communiste des personnes qui sans être communistes contribuent à défendre les intérêts des couches populaires, personne dans le Parti ne l’a jamais contesté, et c’était d’ailleurs une pratique courante bien avant la « mutation ». Ce qui change avec « bouge l’Europe ! » c’est justement que le fait d’être « non-communiste » devient presque un badge d’honneur. Et je passe surtout sur la manière dont les « non-communistes » en question ont été recrutés. Je te conseille – et à nos lecteurs par la même occasion – la lecture d’un article fort révélateur de l’esprit de l’époque : « L’histoire sécrète de la liste Hue-Fraysse » (https://www.humanite.fr/node/203230). Et note bien qu’il ne s’agit pas d’un article critique publié dans un journal bourgeois : c’est un article publié dans l’Humanité, certainement avec l’accord de la direction du PCF de l’époque…
Encore une fois, je me pose la question : comment à la lecture d’un tel article les communistes ne se sont pas révoltés ? Comment n’ont-ils pas dit « non, ce n’est plus possible » ? Remarque, les communistes à l’époque avaient voté avec leurs pieds, et la liste en question avait fait un four.
[En conclusion, je reste convaincu qu’après les échecs des premières oppositions à la mutation qui s’annonçait dans les années 90, ou même dès la participation gouvernementale de 81-84, après l’éclatement des diverses “coordinations” et l’échec aussi des diverses tentatives de construction d’un nouveau parti, il y a bien quelque chose qui résiste dans le PCF, plein de contradictions comme nous tous, mais qui permet de maintenir ouverte l’hypothèse d’une reconstruction…]
Moi, j’ai perdu la foi, camarade. Je ne crois plus à la fatalité des lendemains qui chantent. Ce que je vois surtout « résister » au PCF, c’est la masse des élus, « notables » et permanents qui en vivent, et pour qui la disparition du PCF implique d’aller pointer à Pôle Emploi.
[Et là aussi, on a le droit de changer d’avis. J’étais convaincu que le 38eme congrès serait un échec pour nous et que ce serait le dernier du parti avec sa dilution dans un “mouvement”, finalement, je pense que ce n’est pas fini… Tout dépendra de la capacité des communistes à aller au bout de la candidature en 2022, et peu importe le résultat, si on mobilise plusieurs milliers de militants dans une belle bataille, si des centaines de jeunes y prennent leur place, on aura jeté les bases d’un nouveau PCF… Evidemment, plus on regagnera de voix chez les abstentionnistes du monde du travail, plus ce sera facile !]
Certainement. Mais qu’est-ce qu’on peut offrir aujourd’hui à ces « abstentionnistes du monde du travail » ? Admettons que Fabien Roussel – encore une fois, j’ai beaucoup de considération pour lui en tant que personne – ait vraiment envie de renverser le discours du PCF, de relever les drapeaux qu’il a laissé tomber depuis trente ans. Imaginez-vous les cadres intermédiaires, enkystés depuis le règne du père UbHue et attachés à leurs positions comme la moule à son rocher relayer un tel discours ?
J’ai oublié un point… tu as raison sur les limites du 38eme congrès qui a changé d’orientation de manière insuffisamment claire, et de secrétaire national dans un compromis d’une forme de double direction,mais ce n’est déjà pas si mal.. l’alternative aurait été la dilution rapide dans un “mouvement”…
Donc, tout l’enjeu est bien de faire un ou plusieurs pas de plus au 39eme congrès dans la reconstruction…
@ pam
[Donc, tout l’enjeu est bien de faire un ou plusieurs pas de plus au 39eme congrès dans la reconstruction…]
Avec un peu de chance, au 154ème congrès qu’on célèbrera dans une confortable cabine téléphonique (ca risque d’être dur à trouver, en 2355) on arrivera peut-être à rétablir le centralisme démocratique.
@Thierry Salladin ; @DescartesUne idée de Blum me semble intéressante comme critique politique fondamentale ,non ?
‘Je ne sais pas quels moyens les élus emploient aujourd’hui pour exercer leur tyrannie, mais du moins vous les connaissez, vous pouvez vous en prendre à eux. Et demain ? Vous vous en prendrez à qui ? À des anonymes, à des inconnus, à des masques. (Protestations sur certains bancs, applaudissements sur d’autres) L’unité dans le Parti – on vous l’a dit hier en des termes que je voudrais que vous n’oubliiez pas – étant jusqu’à ce jour une unité synthétique, une unité harmonique, c’était une sorte de résultante de toutes les forces, et toutes les tendances intervenaient pour fixer et déterminer l’axe commun de l’action. Vous, ce n’est plus l’unité en ce sens que vous recherchez, c’est l’uniformité, l’homogénéïté absolues. Vous ne voulez dans votre Parti que des hommes disposés, non seulement à agir ensemble, mais encore prenant l’engagement de penser ensemble : votre doctrine est fixée une fois pour toutes ! Ne varietur !’
@ luc
[Une idée de Blum me semble intéressante comme critique politique fondamentale ,non ? ‘Je ne sais pas quels moyens les élus emploient aujourd’hui pour exercer leur tyrannie, mais du moins vous les connaissez, vous pouvez vous en prendre à eux. Et demain ? Vous vous en prendrez à qui ? À des anonymes, à des inconnus, à des masques. (Protestations sur certains bancs, applaudissements sur d’autres) L’unité dans le Parti – on vous l’a dit hier en des termes que je voudrais que vous n’oubliiez pas – étant jusqu’à ce jour une unité synthétique, une unité harmonique, c’était une sorte de résultante de toutes les forces, et toutes les tendances intervenaient pour fixer et déterminer l’axe commun de l’action. Vous, ce n’est plus l’unité en ce sens que vous recherchez, c’est l’uniformité, l’homogénéïté absolues. Vous ne voulez dans votre Parti que des hommes disposés, non seulement à agir ensemble, mais encore prenant l’engagement de penser ensemble : votre doctrine est fixée une fois pour toutes ! Ne varietur !’]
La critique de Blum est excessive : le « centralisme démocratique » oblige tous les adhérents à appliquer les décisions une fois qu’elles sont prises. Il n’interdit nullement la libre discussion AVANT que la décision soit tranchée. Mais la question posée par Blum a été tranchée par l’Histoire. La SFIO, avec ses tendances qui intervenaient pour « fixer l’axe commun d’action » s’est révélée dépassée à chaque fois qu’une crise nationale rendait impossible les compromis entre tendances. Ce fut le cas à la fin des années 1930, quand il fallut arbitrer entre bellicistes et pacifistes pour fixer une politique en relation avec l’Allemagne nazi, ce fut encore le cas dans les années 1950 quand il fallut arbitrer entre partisans et adversaires des guerres coloniales. Ce fut encore le cas quand, après la fin du mandat de François Mitterrand, le PS a perdu son seul dirigeant incontesté et que les « tendances » se sont engagées dans une guerre permanente.
La logique d’organisation du PCF, en mettant des limites fortes au pouvoir des « notables », a permis au contraire une activité politique cohérente sans pour autant mettre sous l’éteignoir les débats politiques internes et externes. Quand on compare l’activité intellectuelle dans l’orbite communiste avec celle de la SFIO, franchement, il n’y a pas photo…
Bonjour Descartes,
Merci beaucoup pour ce texte très intéressant sur l’histoire du PCF. Grâce à vous, je decouvre cette facette de notre histoire française. Je comprends aussi que le PCF, avec son relai syndical, a permis au monde du travail de rester toujours présent dans les débats politiques. Est-ce bien cela ?
Ce texte me fait également penser au thème de la désindustrialisation de la France (que vous nous avez fait partager lors d’un précédent billet). Cette association vous semble-t-elle appropriée ? Pensez-vous que – si le PCF avait réussi à rester influent en France -nous aurions pu mieux préserver nos usines et services publics ?
@ Trouve un Chemin
[Merci beaucoup pour ce texte très intéressant sur l’histoire du PCF. Grâce à vous, je decouvre cette facette de notre histoire française. Je comprends aussi que le PCF, avec son relai syndical, a permis au monde du travail de rester toujours présent dans les débats politiques. Est-ce bien cela ?]
Exactement. On a tendance à penser lorsqu’un parti politique n’est jamais accédé au pouvoir régalien qu’il a échoué comme organisation, que le travail de ces militants a été inutile. A mon avis, c’est faux. Il y a des organisations qui sans jamais accéder au gouvernement ont marqué la vie intellectuelle, sociale, politique de leur temps. Le PCF n’a jamais accédé aux postes régaliens, mais il a eu une influence très importante sur les décisions que ceux qui ont occupé ces postes ont pu ou pas prendre. C’est évident dans le domaine social et économique, mais c’est aussi vrai dans le domaine stratégique. Mongénéral aurait-il pu aussi facilement pratiquer une politique d’équilibre entre les deux grandes puissances si le système politique français n’avait pas compté un parti anti-américain puissant qui permettait à De Gaulle de jouer sur l’effet balancier ?
[Ce texte me fait également penser au thème de la désindustrialisation de la France (que vous nous avez fait partager lors d’un précédent billet). Cette association vous semble-t-elle appropriée ? Pensez-vous que – si le PCF avait réussi à rester influent en France -nous aurions pu mieux préserver nos usines et services publics ?]
Oui, sans aucun doute.
Bonjour, je suis saisie par l’absence totale dans votre contribution comme dans celle de vos correspondants de toute référence à l’UE.
Ne peut on dire que tant que le PCF a tenu bon dans son opposition à la construction européenne, il ne s’est pas à proprement parler effondré. La corbeille du marié en 97 exigeait le sacrifice du combat engagé contre la monnaie unique, et celui du surgénérateur Phénix. Ce sacrifice totalement opportuniste, (dicté par le corset réglementaire de la commission européenne?) nous entrave et à fait perdre toute crédibilité à un discours de rupture.
D’ailleurs, MGB le soir du 29 mai 2005, n’avait pas de mots assez forts pour engager Chirac à renégocier le traité a7 lieu d’appeler à le bouter hors de l’Elysee. Ou comment ne pas savoir quoi faire d’une victoire.
@ Caubin Françoise
[Bonjour, je suis saisie par l’absence totale dans votre contribution comme dans celle de vos correspondants de toute référence à l’UE. Ne peut-on dire que tant que le PCF a tenu bon dans son opposition à la construction européenne, il ne s’est pas à proprement parler effondré.]
Du point de vue des dates, c’est discutable. Le PCF s’est effondré à partir de 1994, alors que son changement de taquet sur la question européenne date plutôt des années 2000. Mais il y a à mon sens un lien évident entre la prise de pouvoir par les « classes intermédiaires » au PCF et le changement de position vis-à-vis de l’Europe.
Le PCF ne s’est pas effondré en 1994, puisque Hue fait un score honorable de 9% aux présidentielles de 1995 : il n’avait pas encore eu le temps de mettre en place la mutation qui date du 29ème congrès en 1996, et bénéficiait de l’aura de la nouveauté ainsi que de la politique précédente. Le PCF s’effondre en 2002 après une participation au gouvernement Jospin qui a plus privatisé que les gouvernements de droite : il fut un temps où l’on appelait cela de la collaboration de classe…
Concernant l’Union européenne, je pense que son acceptation date d’avant ; en tous cas, elle était en germe. J’ai notamment gardé un numéro spécial de l’Humanité/Avancées scientifiques et techniques édité pour la bataille contre le traité de Maastricht et intitulé “Vive la Nation” ; certains textes sont admirables (j’en ai publié deux sur le site Lepcf.fr, à savoir https://lepcf.fr/Vive-la-Nation et https://lepcf.fr/Vive-la-Nation-2), mais d’autres sont pitoyables et auraient pu interroger déjà sur les divergences au sein du PCF.
J’ai aussi une anecdote. A cette époque (années 80-90), j’étais secrétaire de la section du 5ème adt de Lyon. Je me souviens que, avant de passer la main, Marchais a fait prendre au PCF la décision d’organiser une manif à Dunkerque contre l’euro ! On commence à contacter les camarades pour s’y rendre. Mais entre temps, Hue a pris la tête du parti… La manif se transforme en “manif pour l’emploi”, ce qui était une manière de botter en touche et d’annoncer la suite. Inutile de dire que j’ai stoppé notre mobilisation et que je ne m’y suis pas rendu…
Je tiens à rajouter que certains analystes (je crois que c’est J.Mischi) ont écrit que la participation du PCF au gouvernement Jospin avait été acceptée par le PS à condition qu’il change sa position vis-à-vis de l’Union européenne. On connait la suite.
@ Pascal Brula
[Le PCF ne s’est pas effondré en 1994, puisque Hue fait un score honorable de 9% aux présidentielles de 1995 : il n’avait pas encore eu le temps de mettre en place la mutation qui date du 29ème congrès en 1996, et bénéficiait de l’aura de la nouveauté ainsi que de la politique précédente. Le PCF s’effondre en 2002 après une participation au gouvernement Jospin qui a plus privatisé que les gouvernements de droite : il fut un temps où l’on appelait cela de la collaboration de classe…]
Pour moi, le plus important est moins le potentiel électoral que le potentiel militant. Et le potentiel militant s’est effondré bien avant 2002. Ainsi, par exemple, je me suis amusé à comptabiliser la vente de la vignette de la fête de l’Humanité, qui me semble un indicateur intéressant de l’activité militante, d’autant plus que pour des raisons financières il n’est pas facile à falsifier. Or, que constante-t-on ? Entre 1973 et 1993 la vente oscille autour de 600.000 vignettes (a plus ou moins 20.000 vignettes près), mais en 1995, il n’y aura plus que 308.000, en 1998 plus que 210.000, en 2000 on est tombé à 120.000. En d’autres termes, la vente de la vignette a été divisée par cinq dans les six ans qui ont suivi le 28ème congrès, et la dégringolade commence l’année qui suit le 28ème congrès…
La « mutation » a provoqué sur le court terme une bienveillance médiatique pour le PCF et donc un regain électoral, et c’est pourquoi elle a été soutenue avec enthousiasme par les élus et les notables – et par beaucoup de militants. Mais elle a provoqué presque immédiatement un effondrement du potentiel militant, qui très vite a effacé les gains électoraux et entraîné le PCF dans une spirale du déclin. En 2002 le candidat du PCF ne fait plus que 3,5% à la présidentielle, et cinq ans plus tard moins de 2%. Que l’expérience de la « gauche plurielle » n’ait pas beaucoup aidé, c’est un fait. Mais il n’y a pas que ça.
[Concernant l’Union européenne, je pense que son acceptation date d’avant ; en tous cas, elle était en germe. J’ai notamment gardé un numéro spécial de l’Humanité/Avancées scientifiques et techniques édité pour la bataille contre le traité de Maastricht et intitulé “Vive la Nation” ; certains textes sont admirables (…), mais d’autres sont pitoyables et auraient pu interroger déjà sur les divergences au sein du PCF.]
Bien entendu. La tentation « européiste » était présente chez ceux qui au PCF dénonçaient « l’ouvriérisme » de la direction marchaisienne et rêvaient d’attirer un électorat des « classes intermédiaires ». Mais cette dérive est occultée. Si je me souviens comme toi comment l’arrivée de Robert Hue a mis un point d’arrêt au combat contre l’Euro, par exemple, ce n’est pas pour autant que le Parti est devenu alors officiellement européiste. Cette transformation viendra bien plus tard, après 2005.
[Je tiens à rajouter que certains analystes (je crois que c’est J. Mischi) ont écrit que la participation du PCF au gouvernement Jospin avait été acceptée par le PS à condition qu’il change sa position vis-à-vis de l’Union européenne. On connait la suite.]
Effectivement, le PS avait posé comme condition aux communistes pour constituer la gauche plurielle qu’ils mettent en sourdine la campagne contre l’UE. Mais ils ne sont pas allés jusqu’à demander un « changement de position ». Cela est venu bien après, grâce à l’activisme de dirigeants comme F. Wurtz.
Merci camarade.
Pour ma part je n’ai pas eu envie d’être constructif.Simplement de rappeler qu’avoir un vrai PCF fut un avantage pour la France. Et qu’en avoir été reste finalement une fierté.
https://www.vududroit.com/2020/12/centenaire-du-congres-de-tours-le-communisme-passion-du-xxe-siecle/
@ Regis de Castelnau
[Pour ma part je n’ai pas eu envie d’être constructif.Simplement de rappeler qu’avoir un vrai PCF fut un avantage pour la France. Et qu’en avoir été reste finalement une fierté.]
Souvent j’ai critiqué vos articles, mais cette fois-ci je n’ai rien à ajouter ni à retrancher. Votre article est superbe, tout comme le livre de Mischi qui est l’un des rares à travailler aujourd’hui sérieusement sur l’histoire et la sociologie du PCF.
La question de l’utilité au plan national de ce parti est posée. Des militants estiment que candidater à la présidentielle est le moyen de remonter la pente.
Or, par deux fois déjà ce parti a voté Jean-Luc Mélenchon. Vu l’affaiblissement continu du parti et sa perte d’originalité, l’absence de différences majeures avec La France insoumise, on peut douter qu’un candidat PCF fasse autre chose qu’une démonstration de faiblesse. Ses militants sont face à un choix interne difficile et tendu.
@ Gautier Weinmann
[La question de l’utilité au plan national de ce parti est posée.]
Pourquoi « de ce parti » seulement ? La même question se pose pour l’ensemble des partis. Quelle est « l’utilité » de LFI ou du NPA ? Ni LFI ni le NPA n’ont fait une contribution évidente à la pensée politique, à notre législation, aux changements dans les rapports sociaux.
[Des militants estiment que candidater à la présidentielle est le moyen de remonter la pente.]
Je partage leur avis. L’élection présidentielle est institutionnellement l’élection la plus importante, et donc la plus suivie par nos concitoyens. C’est une opportunité unique pour amener sur la place publique les débats sur toutes les questions qui concernent la cité. Ne pas avoir de candidat, c’est se condamner à ne pas participer à ce débat, c’est renoncer à porter ses propositions et à les confronter avec celles des autres. Et c’est aussi renoncer à mettre en selle un porte-parole de niveau national.
Ce n’est pas seulement une question de communication. Quand on n’a pas l’opportunité de porter ses idées dans une confrontation, on finit par se demander si c’est la peine d’en avoir. Si l’on veut que le PCF recommence à penser, il faut qu’il se replace dans le débat public, qu’il s’adresse à un autre public que celui des convaincus.
[Or, par deux fois déjà ce parti a voté Jean-Luc Mélenchon.]
Errare humanum est, perseverare diabolicum.
[Vu l’affaiblissement continu du parti et sa perte d’originalité, l’absence de différences majeures avec La France insoumise, on peut douter qu’un candidat PCF fasse autre chose qu’une démonstration de faiblesse.]
Je ne suis pas persuadé que les « différences » entre LFI et le PCF ne soient pas « majeures ». Pour ne prendre que quelques exemples, LFI et le PCF sont sur des positions diamétralement opposées sur la fermeture de Fessenheim, sur l’EPR de Flamanville ou sur le renouvellement du parc nucléaire. Et lorsqu’il s’agit de manifester contre l’islamophobie et les « lois scélérates » interdisant le voile à l’école, j’ai l’impression qu’il y a aussi de sérieuses différences.
Le résultat d’une candidature communiste aboutirait-il à une « démonstration de faiblesse » ? Certainement. Et alors ? La faiblesse en question est connue et assumée. Les 1,9% de MGB avaient fait beaucoup de mal parce qu’ils illustraient la chute continue du PCF alors qu’on avait fait croire aux militants que grâce à la « mutation » les victoires étaient à portée de main. Mais apprendre aujourd’hui que le PCF fait 1% (ou moins) à une présidentielle n’étonnera personne, pas même les militants du PCF.
Et puis, il n’y a pas de honte à être faible. Il y a des organisations politiques en France qui font autour de 1% depuis des années, et personne ne se suicide le soir du vote. Pouvoir compter ses forces réelles est d’ailleurs le meilleur moyen de savoir ou l’on en est et d’avoir une vision réaliste de ses propres forces. Ce serait aussi un bon moyen d’obliger élus, « barons » et notables à se dévoiler, a dire finalement de quel côté ils se situent. Personnellement, j’ai envie de savoir si mon maire communiste donnera sa signature et son vote au candidat désigné démocratiquement par son parti, ou bien à un candidat extérieur choisi souverainement par lui. Parce que dans la deuxième hypothèse, il pourra courir pour avoir ma voix aux prochaines élections.
[Ses militants sont face à un choix interne difficile et tendu.]
Je ne vois pas très bien que quel “choix” vous parlez. Si ma mémoire ne me trompe pas, le dernier congrès du PCF a clairement affirmé le choix d’une candidature communiste à l’élection présidentielle: “Le Parti doit travailler à créer les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022”. Il n’y a donc rien à “décider”, en dehors du choix du candidat en question. A moins qu’on suppose que la direction voudrait revenir par la petite porte sur une décision de congrès ?
Le problème, je le crains, est plus économique que politique. Une campagne présidentielle coûte cher, très cher. Le PCF est-il en conditions de la financer, sachant que les chances de voir les dépenses remboursées est faible ? D’un autre côté, le financement des partis est calculé aussi à travers le nombre de voix collectées lors de l’élection présidentielle… Je crains que malheureusement le choix soit guidé plus par les contraintes financières – et notamment par les besoins financiers des législatives qui suivront – que par des considérations politiques.
“Le Parti doit travailler à créer les conditions d’une candidature communiste à l’élection présidentielle de 2022”
Oui, bon… s’il s’agit de voter “communiste” pour promouvoir l’écriture inclusive, “l’Europe sociale” et la défense des LGBTQ cyclistes en Centre-ville, pas sûr que je prenne le bulletin qui va avec !
Un candidat communiste ? Pour défendre quelles idées ?!!!
@ Gugus69
[Oui, bon… s’il s’agit de voter “communiste” pour promouvoir l’écriture inclusive, “l’Europe sociale” et la défense des LGBTQ cyclistes en Centre-ville, pas sûr que je prenne le bulletin qui va avec !]
Je ne vous dis pas que cela me fera très plaisir de voter pour un tel programme… mais faute de mieux, je voterai communiste sans illusion pour une raison simple: cela fera plaisir a beaucoup de mes anciens camarades, des gens que j’aime et que je respecte.
Rassurez vous les finances sont au pinacle. De nombreuses dépenses ont été annulées suite au confinement et pour le 💯 ième anniversaire chaque cotisant à été invité à doubler la cotisation.
@ Luc
[Rassurez vous les finances sont au pinacle.]
Vous me rassurez…
Les organisations qui font 1% sans “honte” sont des micro-organisations tribunitiennes ou sectaires. Un parti de moines soldats comme LO peut se permettre de faire 1. Mais pour un parti comme le PCF qui prétend jouer la carte du rassemblement populaire et avoir des élus à tous les échelons, faire une telle contre-performance entraîne des réactions en chaîne, une disparition de la base militante (beaucoup moins idéologisée), un éloignement encore plus grand des élus du parti…
Alors certes le dernier congrès avait acté un principe de candidature à toutes les élections. S’agissant de la présidentielle les termes étaient loin d’être clairs… et l’ambiguïté persiste avec les propos de Fabien Roussel. Créer les conditions… C’est-à-dire ?
Surtout depuis ce congrès qui visait à faire une catharsis de l’échec de 2017… il s’est tout de même passé un évènement qui a douché l’enthousiasme : l’élection européenne. Pas de remboursement, aucun élu… “PCF is back” ? C’est tout de même difficile à faire croire. Reboire le bouillon sur toute la séquence de 2022 ?
Face à l’obstacle, le soutien à Mélenchon est d’ores et déjà la solution la plus convenable pour de nombreux militants PCF.
@ Gautier Weinmann
[Les organisations qui font 1% sans “honte” sont des micro-organisations tribunitiennes ou sectaires.]
Pas nécessairement. Pendant des longues années les écologistes ont fait des scores minimes, tout comme le FN. Avant de devenir grands, certains partis ont commencé petits…
[Un parti de moines soldats comme LO peut se permettre de faire 1. Mais pour un parti comme le PCF qui prétend jouer la carte du rassemblement populaire et avoir des élus à tous les échelons, faire une telle contre-performance entraîne des réactions en chaîne, une disparition de la base militante (beaucoup moins idéologisée), un éloignement encore plus grand des élus du parti…]
Quand c’est inespéré, c’est possible. Mais quand c’est prévisible et prévu, quand on part en campagne en sachant que 1% ce serait un bon résultat, je ne crois pas que ce soit le cas. En 2007 le résultat de Buffet a provoqué un choc parce que les communistes avaient encore l’illusion que le PCF jouait encore dans la cour des grands, illusion alimentée par le discours d’une direction qui continuait à expliquer que la « mutation » permettrait au PCF de récupérer sa puissance d’antan. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les communistes savent très bien où ils en sont, ils ne s’attendent pas à un résultat mirobolant.
[Alors certes le dernier congrès avait acté un principe de candidature à toutes les élections. S’agissant de la présidentielle les termes étaient loin d’être clairs… et l’ambiguïté persiste avec les propos de Fabien Roussel. Créer les conditions… C’est-à-dire ?]
C’est-à-dire présenter un candidat et chercher à créer un rassemblement autour de lui. Il va falloir des trésors de dialectique pour me démontrer que « créer les conditions d’une candidature communiste » consiste à appeler à voter inconditionnellement pour Mélenchon.
[Surtout depuis ce congrès qui visait à faire une catharsis de l’échec de 2017…]
La technique qui consiste à interpréter la volonté des citoyens pour faire dire aux votes le contraire de ce qu’ils disent m’a toujours parue détestable. Quelque soient les raisons qui ont poussé les délégués au 38ème congrès à voter comme ils l’ont fait, le vote reste le vote et doit être respecté.
[Face à l’obstacle, le soutien à Mélenchon est d’ores et déjà la solution la plus convenable pour de nombreux militants PCF.]
Je n’en doute pas. Après tout, ce sont ces « nombreux militants » qui ont voté Mitterrand en 1981 et revoté pour lui en 1988, qui se sont engagés avec enthousiasme en faveur de la « mutation », ont soutenu Jospin-le-privatiseur en 1997 et élu Hollande en 2012. Vous savez, ce n’est pas parce que « de nombreux militants PCF » jugent qu’une solution est « la plus convenable » qu’elle l’est.
C’est d’ailleurs tout à fait conforme à mon analyse : si les militants du PCF avaient encore quelque chose à faire de la classe ouvrière, présenter un candidat a un sens. Mais s’il s’agit de défendre les intérêts des classes intermédiaires, aucune raison de ne pas voter Mélenchon dès le premier tour. Ou de se fondre, pourquoi pas, dans LFI. Parce que si le PCF n’a plus la possibilité de présenter un candidat à l’élection-reine ou de faire campagne sur son propre programme, à quoi sert-il de conserver une organisation séparée ?
Il faut être cohérent : si le PCF ne fait plus de campagne au niveau national – ou s’il fait campagne sur le programme écrit par quelqu’un d’autre et sur lequel il n’a pas voix au chapitre, ce qui revient au même – alors il ne sert plus à rien en tant que parti national. Et dans ces conditions, autant le dissoudre tout de suite et passer à autre chose.
Tout ce que je veux dire c’est que le débat sur un candidat PCF à la prochaine présidentielle est loin d’être tranché en dépit du précédent congrès.
https://www.lepoint.fr/politique/les-communistes-s-enhardissent-vers-une-candidature-a-la-presidentielle-26-12-2020-2407132_20.php
@ Gautier Weinmann
[Tout ce que je veux dire c’est que le débat sur un candidat PCF à la prochaine présidentielle est loin d’être tranché en dépit du précédent congrès.]
Ca, c’est une évidence. Le débat ne peut être tranché, parce qu’il y a une fraction du PCF, celle qui regroupe élus et “notables”, qui n’accepteront aucune décision qui ne leur convienne pas, quelque soit l’instance qui la prendra. Même si le Congrès avait écrit “il faut un candidat communiste, toute autre solution est à exclure”, ils contesteraient la décision. Et je suis prêt à parier que si la conférence nationale puis le vote des adhérents se prononce en mai pour une candidature communiste, ils iront apporter quand même leur soutien “à titre individuel” au Gourou – en échange du renouvellement de leur investiture aux législatives, of course. Les Buffet, les Poux, les Faucillon…
Je trouve d’ailleurs l’argumentation de Roussel parfaitement rationnelle. Dans la mesure où l’on sait d’avance que la victoire d’une coalition progressiste est impossible, cela n’a aucun sens de sacrifier la candidature communiste sur l’autel de l’unité. Quel est l’intérêt de soutenir le candidat Mélenchon alors qu’on sait que pendant la campagne on n’entendra que Mélenchon faire du Mélenchon pour défendre le programme de Mélenchon et qu’il se plantera au premier tour ? La stratégie la plus intelligente, c’est donc de profiter de l’élection-reine de la politique française pour porter devant les électeurs le programme communiste. Si Mélenchon acceptait de laisser une place aux autres, de négocier un programme ou chacun trouve ses petits, ça pourrait encore se discuter. Mais on sait par expérience que Mélenchon n’accepte de partager la vedette avec personne. Autant cultiver son jardin, petit mais à soi, plutôt que de répandre le fumier dans le jardin de Mélenchon pour que d’autres emportent les fruits.
@Descartes
[Et je suis prêt à parier que si la conférence nationale puis le vote des adhérents se prononce en mai pour une candidature communiste, ils iront apporter quand même leur soutien “à titre individuel” au Gourou ]
https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-ces-communistes-qui-ont-choisi-jean-luc-melenchon-24-12-2020-8415888.php
Pourquoi attendre 2022 ? Les membres de la liste du printemps ont déjà fait savoir ou ils sont, et des élus également.
Même la ligne du congrès est remise en cause
@ Yoann
[Pourquoi attendre 2022 ? Les membres de la liste du printemps ont déjà fait savoir ou ils sont, et des élus également. Même la ligne du congrès est remise en cause.]
Cela vous étonne ? Cela étant dit, il y a des différences entre les « destructeurs ». Il faut reconnaître à MGB sa ténacité – dans l’erreur certes, mais ténacité quand même. Depuis 2008, elle pousse toujours vers la même direction : la dilution du PCF dans un mouvement regroupant la « gauche radicale » autour de Mélenchon. Il y a chez elle un raisonnement qui va bien plus loin que ses simples intérêts électoraux. C’est beaucoup moins évident chez Elsa Faucillon, par exemple…
La remise en cause des lignes de congrès – ou de toute autre décision collective – est devenu une constante au PCF. L’abolition du « centralisme démocratique » en 1994 a permis la constitution de « fractions » autour d’élus et « notables » locaux, avec leurs publications, leur trésorerie et leurs systèmes d’alliances. Ces « fractions » ne se sentent depuis bien longtemps tenus par une quelconque discipline de parti – et même par la plus élémentaire fraternité. Hermier et Braouezec ont été de ce point de vue des pionniers.
Je le partage comme contribution :
PRESIDENTIELLE, CONSTRUIRE L’UNION A GAUCHE : RÉFORMISME OU LUTTE DE CLASSES ?
Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a organisé une consultation pour être désigné, par des citoyens, candidat à la future élection présidentielle de 2022. Il n’y a pas eu la possibilité pour des membres de la FI de se présenter candidat à la candidature. Il n’y a pas eu la possibilité pour les citoyens sollicités pour investir le candidat FI d’avoir le choix entre plusieurs candidats dans un mouvement qui se réclame pourtant de la diversité des points de vue en son sein ou d’un débat préalable sur le fond d’une telle candidature. Remarquons par conséquent qu’en matière de démocratie la FI n’a pas progressé avec Jean-Luc Mélenchon qui fort de son résultat de 2017 utilise une méthode discutable d’auto-désignation plébiscitée par plus de 150.000 citoyens.
En ignorant ses partenaires pour un large rassemblement des forces de gauche, de progrès et ecologistes, il les mets en porte-à-faux tentant de profiter de son ex-légitimité d’ancien candidat de 2017 aux 7 millions de voix dont il se réclame. Mais il a commis une faute politique car cette volonté hégémonique sur la gauche en nie son pluralisme et ne favorise pas le débat pour l’union.
Certes on pourrait penser que la manœuvre est habile. Elle l’est par certains côtés puisqu’il fait appel directement au peuple pour le soutenir et au passage court-circuite les éventuels prétendants de son mouvement à la candidature comme François Ruffin ou Clémentine Autain. Elle l’est beaucoup moins à l’égard des autres forces politiques de gauche et de leurs électeurs qui s’agacent de voir que Jean-Luc Melenchon emploie des méthodes que d’aucuns ne jugent pas démocratiques puisqu’elles ignorent la spécificité de leurs organisations et le débat sur la diversité nécessaire au rassemblement.
Le but de Jean-Luc Melenchon est bien d’être l’unique candidat de rassemblement de la gauche pour accéder au 2eme tour de l’élection présidentielle qu’il pense pouvoir emporter haut la main quelque soit le candidat ou la candidate qui sera en face de lui, d’être élu président de la république et d’agir théoriquement selon le programme de la LFI complété depuis 2017 des travaux des parlementaires de son groupe.
Ce but peut-être l’aurait-il atteint autrement en négociant avec ses partenaires sur le programme et sur la candidature ce qui aurait permis un débat pluraliste, un échange sur le fond de la politique à entreprendre au sein du peuple, d’autant qu’avec la grave crise sanitaire c’est la crise économique et politique qui s’appronfondit très gravement et que le monde d’après nécessite d’ores et déjà des combats qui exigent la rupture avec le monde d’avant, c’est à dire celui du capitalisme. Mais en faisant ainsi il aurait été contraint d’être fortement interpellé sur le contenu même de ce que propose la FI dans son programme qui est désormais bien dépassé face à la situation nouvelle créée par la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales.
Cette exigence de rupture devient plus forte que jamais et malheureusement Jean-Luc Melenchon passe à côté en privilégiant ses ambitions personnelles.
Jean-Luc Mélenchon avait pourtant annoncé cet été une « profonde convergence avec le programme développé par le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel ». Le leader de la France insoumise a très bien compris qu’il n’est pas en mesure de créer la dynamique à gauche à lui tout seul et il sait que la FI n’a pas suffisamment de relais populaires sur le terrain du fait même qu’il a très peu d’elus locaux et un réseau militant relativement faible. Il a compris aussi que F. Roussel est en train d’adopter une stratégie qui pourrait mobiliser fortement les militants du PCF car Roussel contrairement à ses prédécesseurs, Hue, Buffet ou Laurent semble ne pas se placer sur une ligne purement réformiste et électoraliste. Roussel peut mener voire gagner une bataille de fond au sein du PCF : celle d’avoir une ligne de lutte de classes qui mobilise les militants sur le terrain et gagne des points dans la classe ouvrière et les milieux populaires en particulier dans la jeunesse. Tout dépendra à la fois de ses capacités et de sa volonté de s’appuyer sur le réseau des communistes révolutionnaires et de les remobiliser en apportant des preuves de cette volonté mais aussi de sa volonté d’avancer sur un programme communiste qui réponde mieux aux exigences de la situation, c’est à dire un programme au contenu de classe plus affirmé qui poserait en grand comme fil conducteur l’appropriation sociale des moyens de production et de nouveaux rapports de production, conditions de base pour commencer à rompre avec le capitalisme et le dépasser.
Au sein des forces de gauche ce qui peut se jouer est donc de revenir sur le fond de la question politique : comment battre durablement le neo-liberalisme sans commencer une rupture avec la domination capitaliste ? Or sur ce fond le programme de la France insoumise est loin de mesures immédiates qui permettraient d’engager cette rupture.
Est-ce que pour autant le PCF, lui, présenterait un programme plus avancé dans cette rupture avec le capitalisme alors qu’il est accusé de s’être compromis trop souvent avec le PS qui a développé le « social-libéralisme » euphémisme pour parler du neo-liberalisme de gauche ?
Oui et non. Non parce que pour l’instant les textes élaborés par le PCF restent encore insuffisants quant à la question de la socialisation des grands moyens de production notamment sur une définition plus précise de celle-ci. Oui parce que le courant au sein du PCF qui se prononce pour une telle rupture s’est renforcé et qu’il pourrait gagner encore en influence dans le parti et dans la population à l’occasion du prochain congrès.
Si les récents discours de Fabien Roussel sont étudiés attentivement, on y voit qu’il revient sur les fondamentaux du communisme. L’idee de mettre le programme du PCF en débat dans le peuple et dans les luttes est fondamentale car elle sort le PCF d’une pratique « huiste » purement électoraliste de soutien à des candidats y compris sans que lui même ne présente le sien.
L’orientation que semble adopter F. Roussel est très intéressante puisqu’elle vise à ce que les citoyens se saisissent du fond politique.
Si le PCF entreprend ce que propose son secrétaire national en terme de pratique militante au plus proche des citoyens, il est probable que le PCF commencera à faire la différence dans le débat avec la FI. Car la qualité et l’efficacité de l’union des forces populaires dépend de ce débat au sein du peuple et non entre les états-majors de partis.
Par exemple, sa proposition de zéro chômage pour les jeunes est une idée qui peut être très populaire si elle est expliquée sur son financement et le sens qu’elle donne à une perspective d’une autre société en s’inscrivant dans un parcours de securité emploi-formation. Mais il ne peut y avoir de formule magique incantatoire avec l’idée de « Securite-emploi-formation », il faut que celle-ci soit très concrètement comprise et devienne un objectif de lutte des gens en lien avec une présence des militants communistes sur le terrain dans les entreprises.
Quand Jean-Luc Mélenchon parle de profonde convergence avec le programme communiste et qu’il écrit à Fabien Roussel pour envisager une alliance c’est qu’il sait très bien que le programme communiste peut avoir un écho important dans le peuple et en stratège expérimenté qu’il est, il essaie de flatter pour éviter le débat de fond qui n’existe pratiquement pas au sein de la LFI et encore trop peu au sein du PCF et donc à ce jour quasiment presque pas dans le peuple.
Si les militants de gauche se disent « ah c’est super PC et LFI se rabibochent » et s’en tiennent là, ce sera une illusion électoraliste de plus. C’est sans compter sur la détermination des communistes marxistes à ne pas disparaître comme organisation qui offre un outil révolutionnaire parce que le marxisme c’est la théorie en action et la pratique en théorisation. C’est pourquoi ils auront certainement très à cœur de ne pas laisser cette illusion que les élections suffiraient pour commencer à transformer la société en revenant sur le débat de fond à gauche qui ne peut se faire qu’avec les salariés et les citoyens dont la conscience des enjeux et l’implication dans les luttes sont indispensables.
Les illusions sur l’écologie politique par exemple : Jadot vient de se prononcer pour un capitalisme vert, cela a le mérite de la clarté. Comme chacun sait le capitalisme vert c’est comme si Le Pen annonçait qu’elle devient communiste, pure tartufferie démagogique puisque c’est le mode de production capitaliste qui provoque la destruction humaine et environnementale de la planète. Sans débat sur le mode de production capitaliste justement, il ne peut y avoir de perspective politique sérieuse pour les luttes des travailleurs. Ce débat est une priorité.
Or la FI pour le moment fuit ce débat. Il y a une divergence fondamentale entre le programme de la FI et celui du PCF et elle porte sur la question économique, le type de société à construire : ce n’est pas une différence de paille mais de poutre ! Car sans modifier profondément le mode de production, sans rupture avec le capitalisme, l’eco-socialisme ou le socialisme démocratique ne sera qu’un vœu pieux !
En effet le programme de la FI, ne propose pas une rupture avec le capitalisme et n’a pratiquement aucune mesure de transformation du mode de production et de la propriété des entreprises. Si son arsenal politico-institutionnel présente des mesures pour une 6eme république, la partie économique relève d’un réformisme keynésien qui n’est pas du tout à la hauteur des possibilités de réponses au capitalisme au moment même où la financiarisation des économies provoque la crise du capitalisme occidental et que la Chine est devient la 1ere puissance productive mondiale avec un système inédit qu’elle nomme « socialisme de marché ». D’un côté un programme économique réformiste du passé et de l’autre la possibilité pour les communistes de prendre en compte un programme qui ouvrirait une perspective révolutionnaire pour construire le socialisme en France. Il faut donc débattre sur le fond et pas seulement déclarer qu’il y a des convergences. Il faut par conséquent argumenter, ni flatter, ni s’invectiver. Et c’est le rapport de force dans le peuple qui dira à chaque formation politique ce qu’elle aura à faire pour les élections.
Plus que jamais il est nécessaire de ne pas placer l’exigence de transformation au niveau des alliances entre partis mais à l’aune des capacités du peuple et en particulier du salariat à s’organiser en classe consciente de ses objectifs et de sa stratégie politique.
Pour réussir la révolution, les alliances entre partis doivent être les conséquences de l’organisation du prolétariat et non leurs causes qui, l’histoire le montre, ne seraient que pure et dangereuse illusion électorale et casseraient toute stratégie de construction d’une société socialiste par les gens.
L’alliance entre partis ne génère pas a priori de mouvement populaire conscient parce qu’elle est jusqu’ici fondée sur des enjeux électoraux uniquement. Par contre le mouvement populaire dans sa dynamique autonome construit des réponses en dialectique avec les partis, définit quelles unions politiques et reconnaît les siens, cela est plus exigeant mais c’est la garantie que demain le socialisme sera une création populaire et non etatico-administrative car les citoyens auront lutté pour « leur socialisme » ( Souvenons nous de l’échec de la gauche : on en a eu l’exemple avec Mitterrand en 81 et les années suivantes qui ont été l’ouverture au neo-liberalisme et la défaite politique du mouvement populaire, mais aussi de celui de Tsipras en Grèce ).
Autrement dit je reprendrai un aphorisme bien plus vieux que ceux de Marx, Engels et Lénine : « Ne mettons pas la charrue avant les bœufs » C’est le peuple qui est le moteur du mouvement pour avancer sinon on recule. Et les élections ne changeront rien si le peuple n’est pas mobilisé et organisé sur des objectifs clairement définis dans la lutte contre le capital et sur des droits politiques et économiques à arracher sans attendre les élections.
Les circonstances du COVID, du terrorisme, ont poussé le pouvoir à prendre des mesures liberticides qui heurtent fortement les citoyens dans la foulée de la répression contre les Gilets jaunes et des luttes sociales de fin 2019 et début 2020. Le capitalisme dévoile sa vraie nature en étant incapable de répondre notamment aux immenses besoins de santé, d’emplois, d’éducation, de securité. En développant une pénurie grandissante pour des millions de gens.
Cette situation est propice à l’avancée des idées révolutionnaires car les gens ont soif de comprendre comment s’en sortir.
Nous verrons comment, lors de la préparation du Congrès du PCF, les idées les plus avancées pour ce combat l’emporteront ou pas.
Jean-Paul LEGRAND
ancien responsable fédéral du PCF de l’Oise
ancien collaborateur du Comité central du PCF (1991-1994)
élu de Creil pendant 3 mandats
désormais retraité de l’éducation nationale dans le Tarn
#Mélenchon #Roussel #PCF #LFI #gauche #communisme #presidentielle
Nous évoquons souvent les errements Euro communistes des partis d’europe de l’ouest. Je mentionne le maintien très honorable d’une influence enviable du Parti communiste portugais dont on assimile trop souvent la fermeté stratégique et organisationnelle à du « stalinisme », c’est pourtant bien la boussole de l’interet des classes travailleuses d’une part, le centralisme démocratique d’autre part qui lui épargnent la disqualification.
@ Caubin françoise
[Je mentionne le maintien très honorable d’une influence enviable du Parti communiste portugais (…)]
“Influence enviable” ? N’exagérons rien. Du point de vue électoral, le PCP allié aux écologistes et à un troisième parti a fait au total 6,3% aux législatives de 2019. Pas très loin des 3% que font les communistes français tous seuls… Mais il est exact que le PCP a réussi à conserver une ligne ouvriériste et une organisation centralisée. Peut-être parce que le Portugal est un pays ou les classes intermédiaires sont particulièrement peu puissantes ?
Merci pour cet article.
Le plus intéressant, pour moi qui n’ai pas connu le PCF d’antan (trop jeune, et de toute manière, je doute que j’aurais été les voir à 20 ans même s’ils n’avaient pas évolué), est la description de ce que vous faites de ce parti, tel qu’il fonctionnait.
J’avais entendu parler, notamment sur votre blog, de ces “formations”, mais je ne doutais pas qu’il s’agissait de quelque chose de si structuré que cela transparait à travers votre texte. Cela attise ma curiosité !
Serait il possible d’avoir plus de détails / d’informations sur le fonctionnement du PCF d’antan ?
– quelles étaient les formations ? A qui s’adressaient elles ? Où étaient elles organisées, à quelle fréquence ?
– quel était le contenu de ces formations ? Des cours “classiques” ? De quoi ? Y avait il du “travail à la maison” (par exemple des lectures recommandées, etc.) ? Y avait il une formation spécifique de rhétorique ? Si oui, comment se faisait elle ? Y avait il des compléments de formation générale (lecture, écriture, bases de sciences, etc. pour ceux qui n’avaient pas le niveau scolaire ?
– Même si ça n’est plus tout à fait la question de la formation, un adhérent qui avait un profil de compétence bien particulier (économiste, ingénieur, juriste, etc.) était il orienté vers des groupes thématiques, au lieu de sa section de quartier ? Si oui, comment fonctionnaient ces derniers ?
– Enfin, même si on quitte le PCF, savez vous s’il y avait, à l’époque, des formations dispensées dans les autres partis politiques ? Ou le PCF en avait il le monopole ?
– last, but not least : Auriez vous des conseils un peu précis (au delà de “lisez, lisez, et lisez encore”) à nos plus jeunes concitoyens, qui ne disposent plus de tels outils, puisqu’aucun parti, à ma connaissance, n’organise de formation digne de ce nom…
@ Vincent
[Serait-il possible d’avoir plus de détails / d’informations sur le fonctionnement du PCF d’antan ?
– quelles étaient les formations ? A qui s’adressaient elles ? Où étaient-elles organisées, à quelle fréquence ? – quel était le contenu de ces formations ? Des cours “classiques” ? De quoi ?]
A ce propos, je ne peux que vous parler que de ce que j’ai connu, c’est-à-dire, le PCF des années 1970. A l’époque, le Parti était organisé en plusieurs échelons : la « cellule » (de 3 à 25 personnes) était l’élément de base. Les cellules d’une même entreprise ou d’un même ressort géographique étaient regroupées en « sections » (de 50 à 300+ adhérents), les « sections » d’un département formaient une « fédération », et les « fédérations » répondaient aux instances nationales (comité central, bureau politique, secrétariat).
Le dispositif de formation était calqué sur ce modèle. Chaque cellule était censée avoir un « responsable formation » (ce fut ma première responsabilité au Parti…) qui organisait la distribution de la documentation (livres, brochures) et les formations de cellule ou l’on invitait un conférencier pour donner un cours sur un sujet donné. Les fédérations avaient des listes de conférenciers (en général des enseignants, mais il y avait aussi des vieux militants bien connus pour avoir travaillé un sujet particulier) qui étaient volontaires pour participer à ces conférences. Quelquefois, on se mettait à plusieurs cellules pour faire venir un conférencier particulièrement intéressant : je me souviens d’avoir entendu Marcel Paul sur l’histoire d’EDF, Michel Vovelle sur la Révolution française, Lucien Sève sur la philosophie marxiste… Chaque conférence était suivie d’un débat avec la salle.
Au niveau des sections, on organisait entre deux et quatre fois par an des « écoles de section » qui duraient un week-end complet (un week-end prolongé si on arrivait à trouver un « pont »…). Chaque « école » comprenait plusieurs conférences. En général on consacrait à peu près deux tiers du temps aux sujets de culture générale (histoire, philosophie, droit, économie) et un tiers aux sujets d’actualité (la désindustrialisation, la construction européenne, la décentralisation…).
Au niveau des fédérations, on organisait des « écoles fédérales » sur le même modèle que les écoles de section mais qui pouvaient durer entre trois jours et une semaine. La différence est que si les conférences de cellule ou les écoles de section étaient ouvertes à tous les adhérents, les écoles fédérales n’offraient qu’un nombre de places limitées, les cellules et sections devant « recommander » des candidats qui étaient ou non retenus par le responsable fédéral aux cadres. C’était le premier échelon de formation pour les militants destinés à prendre des responsabilités électives ou dirigeantes.
Au niveau de la direction nationale, il y avait une école centrale située à Draveil dans l’Essonne. Il y avait là la « petite école » qui durait un mois, et la « grande école » qui durait trois mois en internat. Elles n’étaient ouvertes qu’aux cadres sélectionnés par les fédérations et étaient destinées à ceux qui prenaient des responsabilités fédérales ou nationales. Dans ces écoles il y avait une partie consacrée à la culture politique (histoire, géographie, philosophie, économie, sciences) mais aussi une partie importante consacrée aux question d’organisation et de stratégie.
A côté de ce système formalisé il y avait à chaque niveau des responsables chargés de faire circuler le matériel imprimé. Les brochures d’actualité, bien entendu, mais aussi des livres. La plupart des sections avaient une petite bibliothèque, et la pression pour lire était constante…
[Y avait il du “travail à la maison” (par exemple des lectures recommandées, etc.) ?]
Oui. Les lectures recommandés venaient du « responsable formation », qui vendait aussi certains livres et publications (avec un certain nombre de revues de qualité : « économie et politique », « la pensée »…). Le « travail à la maison » prenait la forme du « rapport ». Chaque réunion de cellule était ouverte par un « rapport » sur les questions d’actualité préparé et lu par les adhérents à tour de rôle. Il fallait donc torcher un texte, et il était impensable de ne pas y inclure des citations ou des références aux classiques (Marx, Lénine) mais aussi à des publications plus actuelles. La rédaction du « rapport » était vraiment un exercice précieux et un encouragement à lire, et je connais des militants ouvriers qui suaient du sang pour préparer un « beau » rapport – ou se faisaient aider par des camarades plus expérimentés. Cette pratique existait dans toutes les instances, de la cellule au Comité central, en passant par les comités et les bureaux de section ou de fédération.
[Y avait il une formation spécifique de rhétorique ? Si oui, comment se faisait elle ?]
Pas formalisée. Il y avait une pratique de la dialectique, parce que les débats à tous les niveaux étaient animés, mais il n’y avait pas de préparation formalisée à la rhétorique.
[Y avait il des compléments de formation générale (lecture, écriture, bases de sciences, etc. pour ceux qui n’avaient pas le niveau scolaire ?]
Quand je suis arrivé au Parti, l’instruction obligatoire avait déjà fait largement son effet et les camarades qui avaient besoin d’un enseignement de la lecture et l’écriture étaient pratiquement inexistants. Par contre, certaines sections ou les immigrants étaient particulièrement nombreux organisaient des formations en lecture, écriture et calcul de niveau primaire pour les remettre à niveau.
[– Même si ça n’est plus tout à fait la question de la formation, un adhérent qui avait un profil de compétence bien particulier (économiste, ingénieur, juriste, etc.) était il orienté vers des groupes thématiques, au lieu de sa section de quartier ? Si oui, comment fonctionnaient ces derniers ?]
Il n’y avait pas d’orientation préférentielle. Tout communiste était censé être rattaché à une cellule, si possible sur son lieu de travail, autrement dans son quartier. Et c’était vrai normalement de tous les militants, y compris ceux qui avaient des responsabilités nationales. C’est dans sa cellule que le communiste votait, élisait ses représentants au congrès, payait sa cotisation… et se faisait éventuellement exclure.
Les militants qui avaient des compétences particulières avaient la possibilité, outre le fait de militer dans leur cellule, de participer sur une base volontaire à un certain nombre de groupes de réflexion ou « commissions » qui existaient au niveau fédéral et au niveau central (et dont la plus réputée était la « commission économie » du comité central). Ils pouvaient aussi participer aux travaux de certains « instituts » (institut de recherches marxistes, institut Maurice Thorez) ou participer à la vie d’associations d’éducation populaire.
Il faut aussi noter ce qu’on appelle la « politique des cadres ». A chaque niveau, un « responsable des cadres » était censé repérer les militants ayant des qualités et compétences particulières et d’organiser leur formation et leur promotion aux responsabilités dirigeantes. C’est ainsi que le PCF avait un vivier de compétences qui lui a permis par exemple, lorsque des communistes ont été appelés au gouvernement ou à des fonctions de direction, de s’entourer de conseillers et d’experts de bon niveau.
[– Enfin, même si on quitte le PCF, savez vous s’il y avait, à l’époque, des formations dispensées dans les autres partis politiques ? Ou le PCF en avait il le monopole ?]
J’ai toujours entendu louer la qualité de l’appareil de formation du PCF comme sortant de l’ordinaire. Mais les autres partis « ouvriers » avaient eux aussi des systèmes de formation. Il ne faut pas oublier que leur objectif était au départ de permettre la promotion de dirigeants ouvriers, dans un contexte ou les ouvriers recevaient une formation scolaire tout à fait minimale. Mais ne toute honnêteté, j’aurais du mal à parler du système de formation chez les socialistes ou les trotskystes. Pour ce qui concerne la droite, à ma connaissance ils n’ont jamais eu de véritable système de formation.
[– last, but not least : Auriez vous des conseils un peu précis (au delà de “lisez, lisez, et lisez encore”) à nos plus jeunes concitoyens, qui ne disposent plus de tels outils, puisqu’aucun parti, à ma connaissance, n’organise de formation digne de ce nom…]
Il n’y a pas de secrets. Il faut lire, lire, lire. Ce qui a été écrit par les gens qui pensent comme vous, mais aussi par les autres. Il faut lire les classiques, qu’on a tendance à négliger parce qu’on s’imagine qu’ils sont « dépassés ». Or, on ne comprend rien à l’économie moderne si l’on n’a pas lu Ricardo. Il faut lire l’histoire, et notamment l’histoire institutionnelle, parce que l’histoire est le fondement de toute construction politique. Et il faut débattre – et cultiver le plaisir de débattre – parce qu’il est impossible de penser tout seul…
Mais si j’ai appris quelque chose au PCF, c’est que devant toute situation la première question à se poser, avant de condamner, c’est « pourquoi les choses sont-elles comme elles sont ? ». Parce que si le monde est difficile à changer, c’est parce que souvent il a une excellente raison d’être comme il est !
Pour être tout à fait complet, on peut ajouter les visites régulières des représentants des maisons d’édition du parti, qui venaient soit dans les réunions, soit au domicile des militants. Ils proposaient des ouvrages théoriques, mais aussi des collections encyclopédiques et thématiques. “La Commune”, “La Résistance”… Toutes ces séries reliées et richement illustrées des Éditions Sociales se retrouvaient chez de nombreux adhérents.
J’ai encore chez moi de petits opuscules supports de cours politiques aujourd’hui particulièrement intéressants à consulter…
@ Gugus69
[J’ai encore chez moi de petits opuscules supports de cours politiques aujourd’hui particulièrement intéressants à consulter…]
Gardez-les précieusement, bientôt ce seront des pièces de musée…
@Descartes
Si je comprends bien, le fait d’être au parti communiste représentait une charge de “travail” importante, en terme d’emploi du temps, mais davantage du fait de la multiplication des réunions de cellules, conférences, textes à étudier, et autres activités intellectuelles, qu’en raison des manifestations et porte à porte, qui n’étaient au final qu’une petite partie de l’investissement en temps du militantisme ?
Si c’est cela, est ce que le PCF, pour prendre une comparaison qui vous déplaira sans doute, n’était pas une franc-maçonnerie ouvrière ? C’est à dire une activité qui prend beaucoup de temps, indépendamment du travail, mais essentiellement intellectuellement… Et où il peut à l’occasion y avoir des réunions sur le thème du travail, d’ailleurs…
Est ce que le PCF ne s’adressait pas finalement à une sorte d’aristocratie ouvrière, où seuls les plus instruits et les plus travailleurs avaient leur place ?
C’est en tout cas très intéressant d’apprendre tout ceci, dont l’école ne m’avait jamais instruit…
PS : je comprends mieux pourquoi, dans les archives de mon comité d’entreprises, il y avait autant de livres de Séguy, d’histoire de la CGT, etc. Sans doute des restes d’une ancienne cellule…
@ Vincent
[Si je comprends bien, le fait d’être au parti communiste représentait une charge de “travail” importante, en terme d’emploi du temps, mais davantage du fait de la multiplication des réunions de cellules, conférences, textes à étudier, et autres activités intellectuelles, qu’en raison des manifestations et porte à porte, qui n’étaient au final qu’une petite partie de l’investissement en temps du militantisme ?]
Ça dépend. Il y avait des militants qui s’investissaient énormément dans les activités intellectuelles et devenaient de véritables experts tout en étant autodidactes. Il y avait un ouvrier communiste dans ma cellule qui avait chez lui les travaux complets de Joliot-Curie et qui avait voulu venir à ma soutenance de thèse en physique… et avait tout compris ! Mais beaucoup de militants s’investissaient plutôt dans des activités plus sociales : distributions de tracts, édition du journal de section, porte à porte…
Mais je vous confirme un point : le militantisme communiste n’était pas une simple activité sociale qu’on faisait de cinq à sept une fois par semaine. C’était un véritable engagement. Pour beaucoup de militants, c’était un sacerdoce, une véritable identité. Je vous recommande vraiment le film « tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes » de Jean-Jacques Zilbermann. Les personnages sont à peine, mais vraiment à peine exagérés. Et lorsque vous preniez des responsabilités… je ne vous raconte pas.
[Si c’est cela, est ce que le PCF, pour prendre une comparaison qui vous déplaira sans doute, n’était pas une franc-maçonnerie ouvrière ? C’est à dire une activité qui prend beaucoup de temps, indépendamment du travail, mais essentiellement intellectuellement… Et où il peut à l’occasion y avoir des réunions sur le thème du travail, d’ailleurs…]
Non. Les activités intellectuelles n’occupaient en fait qu’une partie du temps, importante mais pas dominante. Le reste était consacré à des choses très terre à terre : quand j’étais militant, c’était de faire le journal local – dans ma section, nous avions un hebdo ce qui supposait d’écrire un article par semaine, de le tirer à l’offset, d’emporter les paquets chez les secrétaires de cellule pour qu’ils le distribuent… c’était aussi la distribution de tracts et la vente de l’Huma sur le marché le samedi, deux porte-à-porte par semaine, aller visiter les usines en grève quand il y en avait une sur la circonscription, tenir la permanence un soir par semaine pour recevoir les gens qui avaient un problème… et puis bien sur les réunions (de cellule tous les quinze jours, de comité de section tous les lundis, du comité fédéral une fois par quinzaine, de bureau fédéral toutes les semaines).
Franchement, c’est ce que je trouvais fascinant dans le militantisme : d’un côté, c’était intellectuellement formateur, de l’autre on était en contact permanent avec des gens, militants mais aussi sympathisants et même adversaires. Sur le marché, je passais mon temps à discuter avec un ancien parachutiste – et probablement aussi membre de l’OAS. Nous n’étions jamais d’accord sauf pour casser du sucre sur le dos des social-traitres ! Tout le contraire d’une maçonnerie, ou les débats se font essentiellement en interne.
[Est-ce que le PCF ne s’adressait pas finalement à une sorte d’aristocratie ouvrière, où seuls les plus instruits et les plus travailleurs avaient leur place ?]
Au contraire. Si le PCF avait un appareil de formation aussi important, c’était parce que l’objectif n’était pas de s’adresser à une aristocratie ouvrière, mais de FORMER une aristocratie ouvrière, autrement dit, de permettre à chaque militant ouvrier d’accéder à un niveau de formation auquel il n’aurait jamais pu accéder en dehors du Parti. Et je peux vous assurer que cela marchait : un Krasucki, un Fiterman, un Croizat ou un Paul pouvaient dialoguer avec un ingénieur ou un juriste sans avoir l’air ridicule. Vous noterez d’ailleurs que les ministres communistes, malgré leurs origines ouvrières et une scolarité généralement très courte, n’ont eu aucun problème pour mobiliser les énarques et les polytechniciens de leurs ministères, ce qui fait un sort au mythe de « l’Etat profond ».
[PS : je comprends mieux pourquoi, dans les archives de mon comité d’entreprises, il y avait autant de livres de Séguy, d’histoire de la CGT, etc. Sans doute des restes d’une ancienne cellule…]
La CGT a été pendant très longtemps la « courroie de transmission » du PCF et a partagé avec lui beaucoup de pratiques et de traditions. J’ignore dans quelle entreprise vous travaillez, mais si le comité d’entreprise était important il y a des grandes chances qu’il y ait eu à un moment ou un autre une cellule et peut-être même une section d’entreprise.
Billet extrêmement instructif. Je ne suis pas surpris de lire ce que vous écrivez sur la formation des militants et le lien avec le syndicalisme. Bien que non communiste, l’école de formation du PCF des années 50-60 reste un modèle à mon avis. Quel dommage d’avoir perdu cela. Ainsi que la rigueur, l’organisation et la dialectique. Aujourd’hui, à gauche comme à droite, de la bouillie intellectuelle, du verbiage et de la contrition. La société narcissique de Christopher Lasch.
@ Philippe Simon
[Billet extrêmement instructif. Je ne suis pas surpris de lire ce que vous écrivez sur la formation des militants et le lien avec le syndicalisme. Bien que non communiste, l’école de formation du PCF des années 50-60 reste un modèle à mon avis. Quel dommage d’avoir perdu cela.]
En effet. Pour moi, cette disparition illustre une dérive générale de la société. Ce qui est progressivement après 1968, c’est l’idéologie illuministe qui faisait de la diffusion universelle de la culture et du savoir un objectif. Le post-modernisme impose au contraire l’idée d’une multiplicité de « cultures » et de « savoirs », réservés chacun à telle ou telle communauté, telle ou telle classe. La culture la plus raffinée, le savoir scientifique sont réservés à une élite, les « minorités » et les couches populaires sont priées de se contenter avec des « cultures » au rabais.
[Ainsi que la rigueur, l’organisation et la dialectique. Aujourd’hui, à gauche comme à droite, de la bouillie intellectuelle, du verbiage et de la contrition. La société narcissique de Christopher Lasch.]
Tout à fait d’accord. Mais la question est de savoir à qui profite le crime…
Si l’on en croit JC Michéa et JP Brighelli, stratégie délibérée des libéraux et du patronat pour abrutir et asservir les masses et avoir de la main d’œuvre docile car incapable de se prendre en main. Sauf que je ne crois pas à ça (même si ça existe chez une partie du patronat). Je connais de nombreux cadres, patrons, qui se désolent eux aussi de cette perte intellectuelle. Surtout à l’heure de la compétition économique mondiale, en particulier avec des asiatiques toujours plus performants.
Il y a cette frange très 19ème du patronat. Mais il y a aussi l’idéologie libérale-libertaire. Les distractions de la société de consommation et de loisirs. Le refus de l’autorité et de la hiérarchie. La bêtise infinie et incommensurable de la hiérarchie et des idéologues de l’EN. La dévalorisation du savoir et de la culture.
Pour l’instant ça profite aux héritiers (il n’y a jamais eu autant d’héritiers dans les grandes écoles que depuis que l’on a appliqué les thèses bourdieusiennes au système scolaire et universitaire…) mais bientôt ça fera le jeu des asiatiques uniquement.
@ Philippe Simon
[Si l’on en croit JC Michéa et JP Brighelli, stratégie délibérée des libéraux et du patronat pour abrutir et asservir les masses et avoir de la main d’œuvre docile car incapable de se prendre en main.]
L’explication est séduisante, même si je me refuse à une formulation qui semble faire référence à une sorte de « complot » des libéraux et du patronat. Je pense que le mécanisme est plus subtil : dès lors que le patronat peut délocaliser, il n’a tout simplement plus besoin d’une masse de main d’œuvre nationale particulièrement productive. Or, si la bourgeoisie a accepté de financer une éducation de bon niveau, c’est parce que cette éducation lui garantissait une main d’œuvre certes plus rebelle, mais aussi très productive.
C’est par ce mécanisme qu’apparait une triple scission : d’un côté, on continue à fournir une formation de très haut niveau à une élite, d’un autre, on assure une formation de qualité moyenne aux couches intermédiaires appelées à occuper les emplois non délocalisables. Et enfin, on laisse sombrer le niveau éducatif de la masse promise à Pôle emploi et à la livraison de pizzas. En d’autres termes, ce qui motive les politiques poursuivies par le « bloc dominant » n’est pas la volonté positive d’abrutir les couches populaires ou de les rendre plus docile, mais la volonté négative de ne pas consacrer des moyens à la formation d’une main d’œuvre dont on n’a plus besoin.
[Sauf que je ne crois pas à ça (même si ça existe chez une partie du patronat). Je connais de nombreux cadres, patrons, qui se désolent eux aussi de cette perte intellectuelle. Surtout à l’heure de la compétition économique mondiale, en particulier avec des asiatiques toujours plus performants.]
Franchement, je n’ai pas encore croisé de cadre ou de patron qui regrette la perte de culture historique, philosophique ou scientifique de ses employés prospectifs. Leur discours concerne plutôt la discipline de travail ou l’inadaptation des connaissances scolaires aux exigences de leur entreprise. Les plus intelligents se rendent compte à la rigueur du lien qu’il y a entre les deux : on acquiert une discipline de travail dans une école exigeante. Mais cela va rarement plus loin.
[Il y a cette frange très 19ème du patronat. Mais il y a aussi l’idéologie libérale-libertaire. Les distractions de la société de consommation et de loisirs. Le refus de l’autorité et de la hiérarchie. La bêtise infinie et incommensurable de la hiérarchie et des idéologues de l’EN. La dévalorisation du savoir et de la culture.]
Oui. Mais il faut se dire que tout cela ne tient pas au fait que nos dirigeants sont devenus subitement idiots. Une telle dégradation a nécessairement une FONCTION. Il y a quelqu’un qui en profite, et un mécanisme idéologique qui permet à ce quelqu’un de persuader la société que cette transformation est nécessaire/inévitable.
[Pour l’instant ça profite aux héritiers (il n’y a jamais eu autant d’héritiers dans les grandes écoles que depuis que l’on a appliqué les thèses bourdieusiennes au système scolaire et universitaire…) mais bientôt ça fera le jeu des asiatiques uniquement.]
Les classes intermédiaires n’ont pas un horizon temporel très long. Après moi, le déluge…
Je suis assez d’accord pour les délocalisations et la formation des élites ainsi que votre tripartition. Mais je pense encore une fois que c’est multifactorielle et pas simplement une volonté des grands patrons. Les cadres dont je parle, certes issus de la classe moyenne ou de milieux populaires (prolétariat pour vous faire plaisir) ont bénéficié de l’ascension grâce à l’école. Et savent ce qu’ils doivent à la Culture et aux connaissances disciplinaires.
Des ingénieurs ou des médecins passionnés d’histoire ou de latin-grec alors que c’est peu utile, en tout cas aujourd’hui, pour leur métier, il y en a encore beaucoup. Mais effectivement, ils ont souvent plus de cinquante ans. Aujourd’hui ce qui compte, même chez des gens très diplômés et sélectionnés, c’est l’usage à court terme, la rentabilité. Les ingénieurs ne se rêvent plus en scientifiques mais en techniciens très qualifiés et bien payés, les médecins en ingénieurs du corps humain et plus en soignants prenant en compte l’intégralité de la personne.
A ce sujet il est triste aussi de constater dans un secteur que je connais un peu, la psychiatrie, la perte de connaissances et de réflexion en moins de vingt ans. On est passé de généralistes qui faisaient de la philosophie pour soigner les âmes à des techniciens qui font disparaître les symptômes pour le moins cher possible.
Il me semble que dans tous les secteurs on est passé d’une vision systémique, d’une soif de compréhension, d’une lecture la plus exhaustive possible à la volonté de faire le plus simple, le plus rapide, le moins cher et le moins compliqué possible.
Et ça ne s’explique pas pour moi par une lecture seulement économique. On voit par là que je ne suis pas marxiste…Mais ce serait presque “rassurant” si c’était simplement ça. Je crains que ce soit plus profond que ça. Un mélange de bêtise, d’économisme, d’anti-intellectualisme, de toute puissance infantile.
@ Philippe Simon
[Mais je pense encore une fois que c’est multifactorielle et pas simplement une volonté des grands patrons. Les cadres dont je parle, certes issus de la classe moyenne ou de milieux populaires (prolétariat pour vous faire plaisir) ont bénéficié de l’ascension grâce à l’école. Et savent ce qu’ils doivent à la Culture et aux connaissances disciplinaires.]
Tout à fait. Et ils savent donc que donner accès aux couches populaires à une école de qualité, c’est fabriquer des concurrents à leurs propres enfants. Pour le dire autrement : ceux qui ont bénéficié de l’ascenseur social ont tout intérêt à en bloquer les portes une fois arrivés en haut.
Au risque de me répéter : dans une société à croissance faible, la promotion sociale des uns n’est possible que si on accepte le déclassement social des autres. L’ascenseur qui amène des gens à la montée doit aussi en amener à la descente. Autrement, tout le monde se retrouverait à un moment en haut, et il n’y aurait plus personne pour ramasser les poubelles. Si l’on veut une société dynamique, il faut que les classes intermédiaires acceptent le fait qu’on rebat les cartes à chaque génération, et que leurs enfants n’hériteront pas forcément le positionnement de leurs parents. Et cela est pratiquement impossible.
[Des ingénieurs ou des médecins passionnés d’histoire ou de latin-grec alors que c’est peu utile, en tout cas aujourd’hui, pour leur métier, il y en a encore beaucoup. Mais effectivement, ils ont souvent plus de cinquante ans. Aujourd’hui ce qui compte, même chez des gens très diplômés et sélectionnés, c’est l’usage à court terme, la rentabilité. Les ingénieurs ne se rêvent plus en scientifiques mais en techniciens très qualifiés et bien payés, les médecins en ingénieurs du corps humain et plus en soignants prenant en compte l’intégralité de la personne.]
Oui, mais on ne peut s’arrêter au constat : il faut chercher le pourquoi de ce changement. Et le pourquoi a été écrit noir sur blanc par Marx en 1848 dans le « Manifeste » : le capitalisme réduit tous les rapports humains a un seul, le « paiement au comptant ». Hier, le fait de pouvoir parler d’histoire, de reciter un poème ou une citation latine, de jouer un instrument de musique, de s’habiller avec goût vous donnait un « plus » social. Aujourd’hui, l’argent écrase tout : si vous avez de l’argent, vous pouvez vous dispenser de toute autre signe de reconnaissance sociale. Pensez à Bill Gates : qu’a-t-il de remarquable qui lui vaut la place qu’il occupe, outre sa fortune ?
[Et ça ne s’explique pas pour moi par une lecture seulement économique. On voit par là que je ne suis pas marxiste…Mais ce serait presque “rassurant” si c’était simplement ça. Je crains que ce soit plus profond que ça. Un mélange de bêtise, d’économisme, d’anti-intellectualisme, de toute puissance infantile.]
Mais comment l’expliquez-vous, alors ? Je veux bien qu’on passe par la bêtise, l’anti-intellectualisme ou la toute puissance infantile. Mais qu’est ce qui fait que nos contemporains sont plus bêtes, plus anti-intellectuels ou plus infantiles que les générations précédentes ?
@Philippe Simon
Bof. Si un ingénieur se rêve en scientifique, cela veut dire que c’est un scientifique raté, donc un ingénieur par défaut, et donc probablement quelqu’un qui ne prendra pas tellement son métier au sérieux. Il y a assez de complexité dans les métiers d’ingénieur pour ne pas rêver à une autre profession à laquelle on a échoué à accéder (précision : je suis ingénieur).
Quant aux soignants « prenant en compte l’intégralité de la personne », c’est un discours terriblement séduisant mais qui est bien souvent le cache-sexe des pseudo-médecines de tout poil (homéopathie, psychanalyse…). Ben oui : ces pseudo-médecines échouent à traiter des pathologies bien définies, alors elles se réfugient dans des prétentions invérifiables.
Bref, vous comprendrez que je suis en désaccord avec votre passéisme de principe. Et je suis assez navré que le conservatisme soit devenu si « tendance » dans certains cercles de gauche, comme l’est la transgression dans d’autres cercles de la dite gauche. Les uns ont leur Michéa, les autres leur Judith Butler.
Re-bof. Vous ne pouvez pas accuser les autres de « toute-puissance infantile » alors vous êtes nostalgique de praticiens holistes qui prétendent « soigner les âmes » (rien que ça !) en faisant de la « philosophie » et en « prenant en compte l’intégralité de la personne ». Pardon, mais c’est un peu l’hôpital (psychiatrique) qui se moque de la charité.
Quant à expliquer une situation par la bêtise des autres, c’est en général le signe qu’on n’a pas d’explication réelle à apporter.
@ Ian Brossage
[Bof. Si un ingénieur se rêve en scientifique, cela veut dire que c’est un scientifique raté, donc un ingénieur par défaut, et donc probablement quelqu’un qui ne prendra pas tellement son métier au sérieux.]
Je pense qu’il y a dans cette assertion une confusion entre « scientifique » et « chercheur ». Un ingénieur n’a pas à se rêver en chercheur : si c’est son rêve, il ferait mieux d’aller faire de la recherche. Mais un ingénieur est un scientifique au sens que sa légitimité vient de la méthode scientifique. A ce titre, il ne peut éviter une réflexion sur la méthode, sur la connaissance scientifique. Il y a une différence entre le technicien, aussi qualifié soit-il, et l’ingénieur.
[Bref, vous comprendrez que je suis en désaccord avec votre passéisme de principe. Et je suis assez navré que le conservatisme soit devenu si « tendance » dans certains cercles de gauche, comme l’est la transgression dans d’autres cercles de la dite gauche.]
Sans céder au « passéisme de principe », on peut tout de même voir une évolution du rapport que nos sociétés entretiennent à la connaissance. De plus en plus, on voit s’effacer l’idéal utopique d’un accès universel à la culture et aux savoirs les plus raffinés, et une parcellisation et une hiérarchisation dans cet accès : d’une part, les instruments de la connaissance – notamment ceux du langage – sont de plus en plus réservés à une élite ; d’autre part la spécialisation de plus en plus marquée réserve les instruments d’une compréhension globale à une section de plus en plus petite de cette élite.
Ian Brossage, où ai-je dis que les “autres” étaient bêtes ? ce n’est pas ce que j’ai écris. Ou alors je m’exprime très mal (ce qui est possible).
Pour préciser l’exemple de la psychiatrie, puisque j’y bosse. Avant on essayait de comprendre le patient, on le prenait dans sa globalité, pas que les symptômes, son histoire, sa famille, son boulot, etc. Et on essayait de comprendre sans juger pour soulager le patient.
Aujourd’hui on a plus le temps parce qu’on a plus d’argent. Donc on fait disparaître les symptômes et on renvoie les gens chez eux. Pas parce que le personnel est bête. Parce que l’on y est poussé et contraint par les ARS. Mais ça finit aussi par impacter la façon de former les personnels, formation plus courte, moins de réflexion globale, moins de modestie et d’humilité. On va vite, pour pas cher, avec du médoc et dehors. Donc on devient tous idiots en raison de cette évolution. Je n’ai évidemment pas dit que le QI moyen du personnel ou des autres, sauf moi, avait baissé.
@Descartes
[Je pense qu’il y a dans cette assertion une confusion entre « scientifique » et « chercheur ». Un ingénieur n’a pas à se rêver en chercheur : si c’est son rêve, il ferait mieux d’aller faire de la recherche.]
Comme vous connaissez bien le monde académique, je ne vous apprends rien concernant l’existence de la classe des Ingénieurs de Recherche. La plupart des IR sont titulaires d’un doctorat et le CNRS attribue chaque année un prix pour les meilleurs travaux de recherche effectués par ses membres.
@ Guy
[Comme vous connaissez bien le monde académique, je ne vous apprends rien concernant l’existence de la classe des Ingénieurs de Recherche. La plupart des IR sont titulaires d’un doctorat et le CNRS attribue chaque année un prix pour les meilleurs travaux de recherche effectués par ses membres.]
Les ingénieurs de recherche ne sont pas une “classe”, mais un corps de la fonction publique. Ils n’ont d’ingénieur que le nom: ils n’ont souvent pas de formation d’ingénieur, ils ne font pas un travail d’ingénieur.
@Philippe Simon
Quelle « thèses bourdieusiennes » a-t-on appliquées au système scolaire et universitaire ? Je doute a priori que Bourdieu ait proposé de laisser les enfants des classes populaires croupir dans le rap et la télé-poubelle (sachant lui-même qu’il doit à peu près tout au système scolaire), mais je veux bien qu’on éclaire ma chandelle…
Après, peut-être qu’il y a des thèses « bourdieusiennes » qui ne doivent rien à Bourdieu de même qu’il y a des variantes de marxisme autoproclamé qui ne semblent pas (à ce que j’en sais) avoir grand’chose en commun avec Marx…
@ Ian Brossage
[Quelle « thèses bourdieusiennes » a-t-on appliquées au système scolaire et universitaire ? Je doute a priori que Bourdieu ait proposé de laisser les enfants des classes populaires croupir dans le rap et la télé-poubelle (sachant lui-même qu’il doit à peu près tout au système scolaire), mais je veux bien qu’on éclaire ma chandelle…]
Dire qu’on a « appliqué les thèses bourdieusiennes au système scolaire et universitaire » est impropre. Bourdieu à ma connaissance n’a énoncé aucune « thèse » sur le fonctionnement de ces institutions. Mais on peut dire par contre que les réformes successives de l’éducation s’appuient sur les « thèses bourdieusiennes » en ce sens qu’elles ont utilisé comme justification la nécessité de casser les mécanismes qui permettent la « reproduction des élites » au sens bourdieusien du terme. Bourdieu avait en effet montré combien un certain type de références culturelles (la culture classique, pour aller vite) servaient aux élites à se reconnaître et à se coopter dans le système éducatif. On peut donc dire que des réformes qui prétendent rendre le système plus égalitaire en supprimant ce type de référence sont guidées par les « thèses bourdieusiennes ». Même si je doute que Bourdieu aurait souscrit à cette interprétation de ses « thèses ».
Diantre, je ne peux pas répondre à votre réponse, le lien “répondre” n’y étant pas. Mais je vais le faire ici puisqu’il s’agit d’une réponse indirecte à mon message.
Comment j’explique ce changement ? je ne l’explique pas avec certitude, je n’ai pas cette prétention. Mais j’ai déjà donné les pistes ou les phénomènes que j’observe. Bien sûr il y a l’influence colossale de Milton Friedman sur le capitalisme américain, donc anglo-saxon, donc mondial avec la financiarisation poussée à son paroxysme et l’accélération du libre-échangisme. Mais ça ne suffit pas, au moins dans notre pays, à tout expliquer selon moi. Il y a quelque chose de l’ordre du refus du travail, de la difficulté, de la volonté de creuser, d’approfondir.
Si l’on écoute les croyants ou Marcel Gauchet on dira que c’est la perte du sacré, la sécularisation totale de la société. Si l’on en croit certains psychanalystes, l’inversion complète du rapport à la loi, avec une système éducatif familial passé de la répression (et donc de la névrose comme pathologie principale) à l’inverse, le refus de la loi, des limites, du père (et donc l’explosion des cas borderline ou états-limites ; ce qui rejoint en partie l’analyse de Lasch). Si l’on en croit les petits patrons et cadres dont j’ai parlé précédemment, l’évolution d’un capitalisme familial vers un mix entre les traditions capitalistiques françaises et les règles anglo-saxonnes le tout poussé par Bruxelles. Si l’on en croit les militants républicains de l’École, une réforme pédagogique aberrante et purement idéologique qui aboutit à l’inverse de l’objectif.
Sans certitude, je pense à un peu de tout ça à la fois.
Pour reprendre la question scolaire que je connais mieux que les questions économiques, l’enfer est pavé de bonnes intentions. J’ai un exemple précis en tête qui m’horrifie. C’est la confusion entre massification et démocratisation du système. Jusqu’aux années 60 l’École était rigide, très sélective mais les règles étaient connues et l’ascendeur social fonctionnait, imparfaitement certes, mais produisait (soyons clair, mon milieu familial en est l’exemple prototypique) de l’élévation sociale. Au prix d’une obéissance aveugle (et pas d’une soumission, la différence est importante) et d’un travail acharné mais des fils de paysans ou d’ouvriers devenus médecins, ingénieurs, universitaires ou même (horreur, malheur !) patrons. Les réformes inspirées de Bourdieu (certes non écrites par lui mais totalement inspirées de ses idées et écrits) ont cassé ce modèle. Or, aujourd’hui, on a beaucoup de gamins de milieux populaires dans les grandes écoles ou ne serait-ce qu’une réussite à l’université. Et dans ce cas précis, ce n’est pas un mécanisme capitalistique qui est à l’œuvre, c’est même l’inverse. Ce sont des militants sincèrement communistes ou de gauche ou progressistes qui ont pensé, conçu et mis en œuvre ces réformes. Un cas précis que je connais bien est celui de l’apprentissage de la lecture avec le rôle de Foucambert.
L’utopie c’est bien, c’est joli, c’est romantique. Mais si c’est pour faire pire que ce qui marchait, très imparfaitement certes, je ne vois pas trop l’intérêt. Je m’arrête là, je suis intarissable sur le sujet. Un petit ouvrage très bien documenté sur la question de l’idéologie à l’œuvre au tout début de la réforme scolaire Réapprendre à lire de Garcia et Oller qui comporte une partie de 80 pages sur les errements idéologique dans la réforme des écoles normales.
@ Philippe Simon
[Diantre, je ne peux pas répondre à votre réponse, le lien “répondre” n’y étant pas. Mais je vais le faire ici puisqu’il s’agit d’une réponse indirecte à mon message.]
Il y a un maximum de « niveaux » de réponse dans WordPress. Quand ce niveau est atteint, le bouton disparait. Dans ce cas, il faut revenir au niveau de base et recommencer…
[Comment j’explique ce changement ? je ne l’explique pas avec certitude, je n’ai pas cette prétention. Mais j’ai déjà donné les pistes ou les phénomènes que j’observe. Bien sûr il y a l’influence colossale de Milton Friedman sur le capitalisme américain, donc anglo-saxon, donc mondial avec la financiarisation poussée à son paroxysme et l’accélération du libre-échangisme. Mais ça ne suffit pas, au moins dans notre pays, à tout expliquer selon moi. Il y a quelque chose de l’ordre du refus du travail, de la difficulté, de la volonté de creuser, d’approfondir.]
Oui, mais pourquoi ? A mon sens, parce qu’il y a une transformation économique, le passage d’une économie de l’investissement à une économie de la consommation. L’approche des générations qui ont vécu la guerre et sacrifié leur consommation à la reconstruction du pays ne peut être la même que celles des générations qui ont reçu de leurs parents un pays tout construit. Pour la génération de la reconstruction, la nécessité de travail, de sacrifice, de rigueur, de discipline était une évidence, elle embarquait la promesse d’un avenir meilleur. Pour la génération qui arrive à l’âge de raison dans un pays reconstruit, ces sacrifices apparaissent comme totalement disproportionnés et sans justification. D’autant plus que « l’avenir meilleur » s’estompait avec la montée du chômage de masse.
[Ce sont des militants sincèrement communistes ou de gauche ou progressistes qui ont pensé, conçu et mis en œuvre ces réformes. Un cas précis que je connais bien est celui de l’apprentissage de la lecture avec le rôle de Foucambert.]
Des militants « sincèrement de gauche » peut-être, mais dont les intérêts de classe – intermédiaire – n’étaient pas tout à fait ceux des couches populaires. Ce n’est pas la motivation de ces militants à titre individuel qui est en cause, mais l’idéologie d’une classe devenue idéologie dominante.
Je vous rejoins quant à la reconstruction du pays et le changement d’époque et de mentalité des générations suivantes.
Pour ce qui est de la trahison de classe je ne suis pas d’accord. Je ne parle pas bien sûr des stals ou des maoistes qui se sont engouffrés avec joie dans la deuxième gauche. Je pense à des erreurs commises par des militants communistes, au nom du prolétariat et de la lutte contre le patronat et la bourgeoisie et qui ont fait plus de mal aux gosses de prolétaires que ce que la bourgeoisie réac a pu faire. D’où l’exemple de Foucambert, membre du PCF, inspecteur de l’Éducation nationale et qui, pour aider les gosses de prolos a imposé une méthode de lecture qui les a définitivement fait sombrer. Encore aujourd’hui un tabou énorme dans l’EN. Mais, peut-être, éventuellement, faut-il envisager que si le communisme était une utopie qui pouvait avoir des résultats bénéfiques sur le plan économique et social pour le plus grand nombre, elle aurait dû s’y limiter ? que vouloir appliquer une grille de lecture marxiste à la science ou à la pédagogie n’a aucun sens et s’est même révélé un remède pire que le mal.
@ Philippe Simon
[Je pense à des erreurs commises par des militants communistes, au nom du prolétariat et de la lutte contre le patronat et la bourgeoisie et qui ont fait plus de mal aux gosses de prolétaires que ce que la bourgeoisie réac a pu faire. D’où l’exemple de Foucambert, membre du PCF, inspecteur de l’Éducation nationale et qui, pour aider les gosses de prolos a imposé une méthode de lecture qui les a définitivement fait sombrer.]
D’abord, Foucambert n’a rien « imposé ». On voit mal un homme, fut-il inspecteur général de l’éducation nationale, avoir le pouvoir à lui seul « d’imposer » une méthode à l’ensemble de l’éducation nationale. Que Foucambert se soit trompé dans ses analyses, qu’il ait mal interprété les résultats de ses études, c’est une chose. Mais si cette erreur est devenue loi, ce n’est pas le fait d’un homme tout seul. Cela suppose qu’il y ait un rapport de forces dans lequel la force dominante à un INTERET à ce que cette erreur se répande et devienne une politique officielle.
Vous noterez d’ailleurs que Foucambert n’a en fait rien inventé. La « méthode globale » a été développée dans les années 1930 par Decroly. Pourquoi à l’époque elle n’a guère impressionné le ministère, alors que Foucambert, qui proposait à peu près la même chose, a été plus suivi dans les années 1970 ? Peut-être parce que l’idéologie dominante avait changé : en 1930, la France avait besoin de cadres et donc de promotion sociale des plus compétents. En 1970, les « classes intermédiaires » ne voulaient pas de concurrents, et donc plus de méritocratie.
[Mais, peut-être, éventuellement, faut-il envisager que si le communisme était une utopie qui pouvait avoir des résultats bénéfiques sur le plan économique et social pour le plus grand nombre, elle aurait dû s’y limiter ? que vouloir appliquer une grille de lecture marxiste à la science ou à la pédagogie n’a aucun sens et s’est même révélé un remède pire que le mal.]
Je ne vois pas très bien en quoi les théories de Foucambert dérivent de « l’application d’une grille de lecture marxiste à la science ou à la pédagogie ». Mais je pense que votre reproche est vain, au sens que nous n’avons pas le choix. Il ne s’agit pas de choisir entre « appliquer une grille marxiste » ou non. Il s’agit de choisir entre « appliquer une grille marxiste » et « appliquer une grille libérale » (ou romantique, ou déiste, ou écologiste…). On ne peut « désidéologiser » le monde : toute science, toute pédagogie sont interprétées à travers un prisme idéologique. Même si chaque idéologie prétend être la seule « naturelle », toutes les autres étant « plaquées ».
La grille de lecture marxiste, celle du matérialisme dialectique, me paraît encore aujourd’hui celle qui permet les avancées les plus riches en matière de connaissance. Elle est d’ailleurs aujourd’hui largement adoptée dans les faits, même si pour des raisons évidentes on évite de prononcer son nom…
Bien sûr que Foucambert n’a rien inventé et s’est contenté de reprendre les thèses de Decroly (en les atténuant un peu). Sauf que c’est justement une lecture “communiste” des méthodes de lecture qui lui fait dire que la méthode syllabique est une méthode bourgeoise qui a pour objectif de faire échouer les enfants de prolétaires à l’entrée en sixième. Et donc, d’après lui, la méthode globale (en réalité semi-globale) est la bonne méthode pour les enfants de prolétaires. Or elle s’est justement avérée la plus nocive.
Quant au fait qu’il ait imposé, vous avez raison, il n’avait pas le pouvoir de le faire. Mais son discours, son argumentaire, a tellement séduit que c’est au nom de cette lutte pour les milieux populaires qu’il va devenir la voie officielle du ministère sur l’apprentissage de la lecture, le formateur des formateurs et autres inspecteurs et le tout puissant patron (sic) de l’AFL et sera donc le grand gourou de la lecture pendant trente ans.
Un bel exemple de sabordage des classes populaires au nom de leur intérêt par idéologie et bêtise. Il faudra encore m’expliquer ce qu’est une méthode d’apprentissage de la division marxiste en opposition à un apprentissage capitaliste. D’ailleurs, si j’en crois ce que les soviétiques faisaient en mathématiques et en physique, ils seraient considérés par une majorité de formateurs et responsables pédagogiques en France comme d’affreux réactionnaires et conservateurs pédagogiques. Ce serait drôle si ce n’était tragique.
Les méthodes ici considérées comme réactionnaires et anti-prolétariat sont en fait celles qui marchaient fort bien URSS et produisaient une élite remarquable. En France on a joué au pédagogue révolutionnaire et plus on le faisait, plus on enfonçait les classes populaires et faisait le jeu des gosses de riches.
Je ne comprends toujours pas pourquoi, à part peut-être Jena-Pierre Terrail, personne ne reconnaît ça.
@ Philippe Simon
[Sauf que c’est justement une lecture “communiste” des méthodes de lecture qui lui fait dire que la méthode syllabique est une méthode bourgeoise qui a pour objectif de faire échouer les enfants de prolétaires à l’entrée en sixième. Et donc, d’après lui, la méthode globale (en réalité semi-globale) est la bonne méthode pour les enfants de prolétaires. Or elle s’est justement avérée la plus nocive.]
Auriez-vous un texte de Foucambert où il expose cette théorie ? Franchement, je ne me souviens pas que dans les débats sur les méthodes d’enseignement de la lecture Foucambert ait opposé une méthode « prolétarienne » à une méthode « bourgeoise ».
[Mais son discours, son argumentaire, a tellement séduit que c’est au nom de cette lutte pour les milieux populaires qu’il va devenir la voie officielle du ministère sur l’apprentissage de la lecture, le formateur des formateurs et autres inspecteurs et le tout puissant patron (sic) de l’AFL et sera donc le grand gourou de la lecture pendant trente ans.]
Je suis désolé, mais l’idée qu’on puisse faire changer la politique du ministère de l’éducation nationale par la simple « séduction » me parait pour le moins osée… si cette théorie a « séduit », c’est parce qu’il y avait des forces qui trouvaient un intérêt dans sa mise en application.
[Un bel exemple de sabordage des classes populaires au nom de leur intérêt par idéologie et bêtise. Il faudra encore m’expliquer ce qu’est une méthode d’apprentissage de la division marxiste en opposition à un apprentissage capitaliste. D’ailleurs, si j’en crois ce que les soviétiques faisaient en mathématiques et en physique, ils seraient considérés par une majorité de formateurs et responsables pédagogiques en France comme d’affreux réactionnaires et conservateurs pédagogiques. Ce serait drôle si ce n’était tragique.]
Vous noterez quand même que le PCF a largement penché du côté « conservateur » face aux « progressistes » de l’éducation qui n’avaient que Ivan Illitch à la bouche. On lui a d’ailleurs beaucoup reproché, en 1968, si ma mémoire ne me trompe pas…
Je n’ai pas un texte précis en tête mais ce que j’ai de plus précis, de mémoire, c’est l’ouvrage que j’ai déjà cité de Garcia et Oller (qui leur a d’ailleurs valu des soucis avec le rectorat de Dijon).
Pour ce qui est de la séduction, et bien, pour le coup nous sommes donc en désaccord. il faut voir le succès des thèses socioconstructivistes ces vingt dernières années qui ont été imposées par la hiérarchie intermédiaire sans que le ministère n’y pane rien. Et c’est bien une forme de séduction et de méconnaissance des ressorts théoriques de l’apprentissage (Vygotsky et Piaget pour être précis) qui a permis cela. D’ailleurs, la lecture des nombreux blogs, forums ou comptes twitter d’enseignants fournit des milliers de témoignages à ce sujet. Ce n’était pas dans les textes réglementaires et pourtant ça s’est produit. Par idéologie et dogmatisme.
En ce qui concerne la position “officielle” du PCF sur ce questions, je vous crois bien volontiers. Dans ce cas cela signifie que les courants à l’œuvre sur ce sujet sont les gauchistes et les sociaux-démocrates. Mâtiné d’un soupçon de catéchisme nian nian.
Le reste que je lise qui soit très clair sur ces questions c’est JP Terrail qui est, je crois, membre du PCF. Ce n’est pas pour autant que le clan aux manettes ne le traite pas de réac. Alors qu’il est à lire absolument.
@ Philippe Simon
[Pour ce qui est de la séduction, et bien, pour le coup nous sommes donc en désaccord. il faut voir le succès des thèses socioconstructivistes ces vingt dernières années qui ont été imposées par la hiérarchie intermédiaire sans que le ministère n’y pane rien. Et c’est bien une forme de séduction et de méconnaissance des ressorts théoriques de l’apprentissage (Vygotsky et Piaget pour être précis) qui a permis cela.]
Non. Si les thèses socioconstructivistes ont « séduit » la hiérarchie intermédiaire et les enseignants eux-mêmes, ce n’est pas parce qu’elles ont été propagés par un « séducteur » capable de persuader les gens d’aller contre leurs intérêts. C’est au contraire, parce que les thèses socioconstructivistes vont parfaitement dans le sens des intérêts de la classe dont les enseignants sont issus.
[D’ailleurs, la lecture des nombreux blogs, forums ou comptes twitter d’enseignants fournit des milliers de témoignages à ce sujet. Ce n’était pas dans les textes réglementaires et pourtant ça s’est produit. Par idéologie et dogmatisme.]
Non. Par Intérêt. Une idéologie ne s’impose pas par hasard…
Et bien nous n’avons pas la même lecture. Je suis curieux de lire votre analyse de la situation. Car je connais beaucoup d’enseignants opposés au socioconstructivisme (en particulier ceux qui sont réellement soucieux des gamins qui n’ont que l’école) et qui se font laminer par la hiérarchie.
Je ne vois pas bien ce que qu’il y a à en tirer comme bénéfice pour les enseignants. Pour moi il s’agit d’un délire idéologique qui permet à un tout petit nombre de jouer aux moderns/progressistes par pure idéologie. Les inspecteurs et formateurs font appliquer parce que c’est la doxa.
La majorité des enseignants n’y croient pas ou qu’à moitié mais appliquent un minimum pour ne pas trop se faire emmerder par la hiérarchie, sans aucune illusion. Et ceux qui s’y opposent se font traiter de ringards ou de fachos.
@ Philippe Simon
[Et bien nous n’avons pas la même lecture. Je suis curieux de lire votre analyse de la situation. Car je connais beaucoup d’enseignants opposés au socioconstructivisme (en particulier ceux qui sont réellement soucieux des gamins qui n’ont que l’école) et qui se font laminer par la hiérarchie.]
Il y a certainement pas mal d’enseignants opposés au socioconstructivisme, et certains s’expriment fortement – je pense par exemple à Brighelli. Mais si l’on regarde l’expression des enseignants à travers de leurs organisations syndicales, des livres et des revues, et de leur l’action quotidienne, on est obligé de constater que le socioconstructivisme – au moins dans sa version faible – est très largement majoritaire. Combien d’enseignants iront dire devant leur classe que le genre est déterminé par la biologie, et nullement une construction sociale ?
Vous connaissez probablement mieux que moi l’Education nationale. Pensez-vous vraiment que la « hiérarchie » soit en mesure d’imposer une idéologie aux enseignants dont ceux-ci ne veulent pas, et cela sans même disposer de l’appui de leur ministre ?
[Je ne vois pas bien ce que qu’il y a à en tirer comme bénéfice pour les enseignants.]
En tant qu’individus ? Ou en tant que classe ?
A votre avis, pourquoi le socioconstructivisme s’est imposé dans le monde universitaire outre-Atlantique et commence à s’imposer aussi chez nous ? Parce que c’est une idéologie qui, en détruisant l’idée d’une réalité objective, justifie la toute-puissance individuelle. Si le genre est une « construction sociale » et non une réalité objective, alors je peux définir par ma seule volonté mon genre indépendamment de toute réalité. Si la vérité scientifique est une construction sociale, alors je peux la contester et choisir les « faits alternatifs » qui m’arrangent.
[La majorité des enseignants n’y croient pas ou qu’à moitié mais appliquent un minimum pour ne pas trop se faire emmerder par la hiérarchie, sans aucune illusion. Et ceux qui s’y opposent se font traiter de ringards ou de fachos.]
Une majorité n’y croit pas ? Posez la question à vos collègues : « pensez-vous que le genre soit a) une réalité objective déterminée par la biologie, ou b) c’est une construction sociale » et donc modifiable selon la volonté de chaque individu ? Si vous obtenez une majorité de réponses « b », je paye le champagne.
C’est à dire que les enseignants sont formés avec un discours plein de sophismes à une seule méthode, le socioconstructivisme. Celui-ci sur le plan pédagogique étant sensé être la seule pédagogie progressiste/de gauche/moderne. La rhétorique est assez simple, avant (synonyme ici de réactionnaire/conservateur/nazisme) on transmettait les connaissances. C’était le mal absolu, Hitler était partout. Maintenant les élèves découvrent les choses à partir des éléments qu’on leur a amené. Ce qui découle d’une conception erronée des travaux de Jean Piaget de Vygotsky (un psychologue soviétique, ce qui prouve que le socioconstructivisme c’est le bien).
Je ne vois pas le bénéfice pour les enseignants à titre individuel, sauf pour ceux qui obtiennent ainsi un poste de formateur ou d’inspecteur. Pour la masse des enseignants de base je ne vois pas le bénéfice, ni individuellement ni en tant que classe.
Par ailleurs, si votre lecture de ce qui se passe dans les facs américaines est la bonne (mais je ne suis pas sûr que nous mettons la même chose derrière le terme de socioconstructivisme) les enseignants en promouvant cette méthode, ou tout du moins en ne s’y opposant pas, sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis.
Je crains que ce ne soit plus simple. Une coterie a réussi avec cette théorie à récupérer des postes de formateurs qui ont été transformés en poste d’universitaires sans avoir besoin d’avoir un doctorat. Donc un poste au chaud, sans inspection, avec un salaire de maître de conférences. Pour les enseignants de terrain, en bons élèves dociles, ils font ce qu’on leur dit de faire tout simplement car ils sont formatés pour ça et les rares qui résistent voire s’opposent franchement se font sacquer par la hiérarchie.
J’y vois plutôt un mélange de posture morale qui permet de récupérer de bons postes pour une petite coterie, le tout sur les dos des élèves. Mais qui se fout des gosses de pauvres ? franchement ?
@ Philippe Simon
[C’est à dire que les enseignants sont formés avec un discours plein de sophismes à une seule méthode, le socioconstructivisme. Celui-ci sur le plan pédagogique étant sensé être la seule pédagogie progressiste/de gauche/moderne.]
Mais encore une fois, désolé de me répéter : pourquoi des gens qui sont supposés pensants, et qui appartiennent aux couches intellectuellement privilégiées de la société acceptent et embrassent cette idéologie ? Les étudiants et aux jeunes enseignants ont montré largement au cours de l’histoire leur capacité à se rebeller contre les idéologies qui ne leur convenaient pas. Pourquoi n’ont-ils pas réagi lorsque le socioconstructivisme s’est présenté comme la seule idéologie « progressiste/de gauche/moderne » ? Une telle passivité ne peut avoir à mon sens qu’une explication : cette idéologie a été adoptée sans contestation parce qu’elle est fonctionnelle aux intérêts de cette couche sociale.
[La rhétorique est assez simple, avant (synonyme ici de réactionnaire/conservateur/nazisme) on transmettait les connaissances. C’était le mal absolu, Hitler était partout. Maintenant les élèves découvrent les choses à partir des éléments qu’on leur a amené. Ce qui découle d’une conception erronée des travaux de Jean Piaget de Vygotsky (un psychologue soviétique, ce qui prouve que le socioconstructivisme c’est le bien).]
Franchement, je doute qu’une majorité de nos enseignants se souvienne de Vygotsky et même de Piaget. Non, le socioconstructivisme était fonctionnel en 1968 parce qu’il permettait aux enseignants de démolir les institutions honnies, et en particulier celles qui permettaient à l’ascenseur social de fonctionner. Ils n’ont commencé à avoir des doutes que lorsque les élèves ont commencé à utiliser leurs propres raisonnements pour contester leur propre autorité…
[Je ne vois pas le bénéfice pour les enseignants à titre individuel, sauf pour ceux qui obtiennent ainsi un poste de formateur ou d’inspecteur. Pour la masse des enseignants de base je ne vois pas le bénéfice, ni individuellement ni en tant que classe.]
En tant que classe, c’est très simple : l’ascenseur social, en promouvant les enfants des couches populaires, fabrique des concurrents aux enfants des classes intermédiaires. Dans une société en pleine croissance, cela ne posait pas de problèmes : la croissance fabriquait des nouvelles positions qui permettaient aux nouveaux entrants d’occuper de beaux postes sans déplacer les anciens. Mais lorsque la croissance stagne, le système déraille : pour que le fils de l’ouvrier puisse devenir polytechnicien, il faut que le fils du polytechnicien – ou de l’enseignant… – puisse devenir ouvrier. Et c’est là que les classes intermédiaires découvrent l’intérêt de casser l’ascenseur social.
Mais bien entendu, on ne peut socialement arrêter l’ascenseur en expliquant que chacun doit rester à sa place. Un discours aussi réactionnaire aurait toutes les chances de provoquer une révolte sociale. Il faut au contraire déguiser ce retour en arrière sous les oripeaux du progressisme. Ainsi, on ne refusera pas aux enfants des couches populaires l’école, pire, on leur donnera l’université, tout en s’assurant qu’ils n’y apprennent pas grande chose. Le tout au nom de la liberté.
[Par ailleurs, si votre lecture de ce qui se passe dans les facs américaines est la bonne (mais je ne suis pas sûr que nous mettons la même chose derrière le terme de socioconstructivisme) les enseignants en promouvant cette méthode, ou tout du moins en ne s’y opposant pas, sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis.]
Oui, au sens ou leur autorité en souffre. Mais pas leurs intérêts matériels.
[Je crains que ce ne soit plus simple. Une coterie a réussi avec cette théorie à récupérer des postes de formateurs qui ont été transformés en poste d’universitaires sans avoir besoin d’avoir un doctorat. Donc un poste au chaud, sans inspection, avec un salaire de maître de conférences. Pour les enseignants de terrain, en bons élèves dociles, ils font ce qu’on leur dit de faire tout simplement car ils sont formatés pour ça et les rares qui résistent voire s’opposent franchement se font sacquer par la hiérarchie.]
Encore une fois, votre explication a un point faible : vous n’expliquez pas par quel mécanisme les enseignants de terrain acceptent « docilement » un système aussi aberrant… pourquoi ne se rebellent-ils pas ?
Je ne vais pas me faire des amis…
Ils ne se rebellent pas car :
1) une part non négligeable ne comprend même pas ce qui se passe.
2 ) une autre part s’en fout, ils sont aussi individualistes que le reste de la population.
3 ) ils ont peur et sont soumis, recrutés et formés pour ça.
4 ) ils sont sensibles au discours qui leur dit qu’être de gauche c’est être socioconstructiviste, y être opposé c’est être de droite (si vous saviez le nombre de gens avec qui ça marche, sans preuve).
5 ) certains sont sans doute conscient mais sont favorables au darwinisme social.
Dans l’ensemble, le niveau global est vraiment pas fameux. N’est-ce-pas vous qui avez expliqué ce qu’était le rasoir d’Ockham ? bêtise et lâcheté. Voilà le plus probable.
@ Philippe Simon
[Ils ne se rebellent pas car :
1) une part non négligeable ne comprend même pas ce qui se passe.]
Mais comment expliquez-vous que les enseignants, qui après tout font partie de la partie la plus éduquée, la plus cultivée de la population « ne comprenne même pas ce qui se passe » ? Est-ce si compliqué à comprendre ? Ou n’est-ce pas plutôt qu’ils ont INTERET à ne pas comprendre ?
[4 ) ils sont sensibles au discours qui leur dit qu’être de gauche c’est être socioconstructiviste, y être opposé c’est être de droite (si vous saviez le nombre de gens avec qui ça marche, sans preuve).]
Mais là encore, POURQUOI sont ils si sensibles à ce discours ?
[Dans l’ensemble, le niveau global est vraiment pas fameux. N’est-ce-pas vous qui avez expliqué ce qu’était le rasoir d’Ockham ? bêtise et lâcheté. Voilà le plus probable.]
Non, justement. Pourquoi les enseignants seraient plus « bêtes » ou plus « lâches » que le commun des mortels ? Encore une fois, c’est la couche la plus savante, la plus cultivée, la plus formée de la population. Elle a des loisirs qui lui permettent de réfléchir. Comment expliquer que ce soit chez eux que le socioconstructivisme ait trouvé l’écho le plus favorable ?
Je vous ai donné les raisons qui nous amènent à cette situation selon moi. Il me semble que vous surestimez grandement le niveau des enseignants. A point que vous n’imaginez pas. Je vous assure que beaucoup ne comprennent pas. Et qu’une partie de ceux qui comprennent veulent surtout ne pas avoir d’emmerdes.
Les enseignants sont d’abord des fonctionnaires, ils fonctionnent avant de réfléchir. Quant à savoir pourquoi ça marche aussi bien c’est assez simple. En plus de ce que j’ai déjà décris, la conviction (l’argument d’autorité fonctionne bien avec les anciens bons élèves, dociles par nature) qu’appliquer ces méthodes inductives fait d’eux de bons militants de gauche qui, justement, œuvrent pour les plus modestes. D’où l’importance des travaux de Terrail que l’on ne peut pas accuser d’être de droite. Et pourtant il est peu connu et peu écouté.
C’est désespérant et les enseignants lucides, pas si nombreux, sont souvent très découragés. Je crains que les références que vous avez sur les enseignants ne soient malheureusement trop anciennes.
@ Philippe Simon
[Je vous ai donné les raisons qui nous amènent à cette situation selon moi. Il me semble que vous surestimez grandement le niveau des enseignants. A point que vous n’imaginez pas. Je vous assure que beaucoup ne comprennent pas. Et qu’une partie de ceux qui comprennent veulent surtout ne pas avoir d’emmerdes.]
Je pense surtout que vous sous-estimez la capacité des enseignants – et pas qu’eux – de ne pas comprendre ce qu’ils n’ont pas envie de comprendre. Quand on voit des enseignants se faire les avocats des « pédagogies nouvelles » mais éduquer leurs propres enfants « à l’ancienne », on se dit qu’ils ont au contraire parfaitement compris comment le système fonctionne et quels sont leurs ressorts.
[Les enseignants sont d’abord des fonctionnaires, ils fonctionnent avant de réfléchir.]
Je trouve que vous avez une drôle d’idée de ce qu’est un fonctionnaire.
[Quant à savoir pourquoi ça marche aussi bien c’est assez simple. En plus de ce que j’ai déjà décrit, la conviction (l’argument d’autorité fonctionne bien avec les anciens bons élèves, dociles par nature) qu’appliquer ces méthodes inductives fait d’eux de bons militants de gauche qui, justement, œuvrent pour les plus modestes.]
Mais curieusement, quand l’autorité leur demande quelque chose qu’ils n’ont pas envie de faire, tout à coup l’argument d’autorité semble fonctionner beaucoup moins bien. On dirait que tout à coup les enseignants, lorsqu’on touche leurs intérêts, se mettent brusquement à penser. Etonnant, ne trouvez-vous pas ?
Je vous ai donné ma vision des choses. J’admets parfaitement pouvoir me tromper. Mais disons que, comme j’observe ce petit jeu depuis un moment et que j’ai lu tout ce que j’ai trouvé à ce sujet, en plus d’essayer en vain moi-même de faire bouger les choses, je pense y comprendre quelque chose.
Je suis tout à fait preneur d’une analyse différente. Vous semblez penser que les enseignants sabotent consciemment et en parfaite connaissance des choses le système scolaire au bénéfice de leurs propres enfants. J’ai presque envie de dire que, aussi cynique que ça puisse être, ça vaudrait presque mieux que ce que j’observe. C’est peut-être le cas de certains. Je suis dubitatif sur le plus grand nombre.
Des militants « sincèrement de gauche » peut-être, mais dont les intérêts de classe – intermédiaire – n’étaient pas tout à fait ceux des couches populaires. Ce n’est pas la motivation de ces militants à titre individuel qui est en cause, mais l’idéologie d’une classe devenue idéologie dominante.
Là pour le coup je ne suis pas d’accord avec vous. Pour l’exemple que j’ai donné précédemment, celui de Foucambert, il s’agissait d’un militant PCF, inspecteur de l’EN, qui, au nom justement des thèses communistes et pour défendre les enfants de prolétaires a fait bien pire que ce qui existait avant lui. Ici ce n’est pas une question d’idéologie devenant dominante, un pur dogmatisme qui a abouti à bousiller des générations de gosses de prolétaires.
Si l’idéal communiste a pu avoir un effet positif pour les classes populaires sur le plan socio-économiques, il aurait peut-être fallu s’y cantonner. Parce que l’utopie communiste transposée en sciences ou en pédagogie c’est un remède pire que le mal. Et pour répondre d’avance à Ian Brossage, ce n’est pas une question de passéisme, de réaction ou je ne sais quoi. Juste l’observation fine de ce qui s’est passé. Et c’est d’ailleurs ici que je rejoins ce que vous écrivez Descartes sur l’aveuglement du PCF qui se ment plutôt que de regarder la réalité en face. C’est d’ailleurs un sujet quasi-tabou dans l’EN. Le fait d’essayer d’en débattre équivaut quasi-automatiquement à une réaction de rejet et à une accusation de droitard ou de fascisme.
Le PCF a même été le premier parti à présenter des femmes sur ses listes électorales en 1925, créant un véritable imbroglio juridique. De nombreuses suffragettes ont été au PCF, qui permis à la libération grâce à un amendement présenté par un de ses députés, d’obtenir le droit de vote, enfin !
Paradoxalement les lectrices n’ont pas voté pour le PCF mais très majoritairement pour d’autres partis souvent à droite.
En 1945 les églises et couvents étaient pleins de ‘grenouilles de bénitier’ très souvent mariées à des non pratiquants.
Les nones, les sœurs étaient encore nombreuses dans les organisations catholiques de masses.
La droite savait qu’elle pouvait compter sur leur suffrage souvent et pour longtemps instrumentalisé par une majeure partie du clergé français, certains expliqueront ainsi cet octroi par De Gaulle… (l’engagement féministe du PCF, est encore aujourd’hui incarné dans ma famille par 4 générations de femmes à fortes personnalités. La plus jeune militante PCF aura 22 ans en 2021).
N’y voyiez-vous pas une contradiction avec les thèses de Clouscard où les femmes sont présentées comme un frein au développement des luttes de par leur conservatisme et tropismes divers ?
De Gaulle que le PCF qualifia de Dictateur depuis le ‘Golpe’ de1958 jusqu’à sa mort en 1970 après l’avoir qualifié d’apprenti dictateur jusqu’en 1958.
De Gaulle pourtant fut, accepté il est vrai par Tous sauf Le PCF.
Le PCF, quasi seul, vota NON à son référendum d’intronisation en1958.
80% de l’électorat et des partis votèrent Oui.
N’y voyait vous pas un signe supplémentaire de Gallocommunisme, pour le PCF , distinct et opposé au tropisme Gaullien du PCUS ?
@ Luc
[Le PCF a même été le premier parti à présenter des femmes sur ses listes électorales en 1925, créant un véritable imbroglio juridique.]
Effectivement. Il faut rappeler que la loi interdisait à l’époque à une femme d’être ELUE, mais ne lui intedisait pas explicitement d’être CANDIDATE. Le PCF avait utilisé cette ambiguïté juridique pour présenter une dizaine de femmes dès 1925 en position éligible, qui avaient été dûment élues – dont une maire-adjoint de Bobigny. Leur élection avait été annulée par le préfet de la Seine, mais pendant l’appel au Conseil d’Etat elle a pu continuer à siéger jusqu’à ce que la haute juridiction confirme l’annulation. Il avait alors fallu envoyer la police pour l’empêcher de siéger…
[Paradoxalement les lectrices n’ont pas voté pour le PCF mais très majoritairement pour d’autres partis souvent à droite.]
Aucun « paradoxe » là-dedans. Si les républicains – y compris à gauche – s’étaient opposés au vote des femmes, c’est parce que « donner le vote aux femmes c’était donner le vote aux curés ». Si les femmes avaient eu le droit de vote en 1900, la loi de 1905 n’aurait jamais été votée. Cette histoire montre d’ailleurs combien il est difficile en histoire de raisonner hors de contexte. En 1945, le vote des femmes était un progrès, mais en 1900 il aurait été un recul.
[Les nones, les sœurs étaient encore nombreuses dans les organisations catholiques de masses.
La droite savait qu’elle pouvait compter sur leur suffrage souvent et pour longtemps instrumentalisé par une majeure partie du clergé français, certains expliqueront ainsi cet octroi par De Gaulle… (l’engagement féministe du PCF, est encore aujourd’hui incarné dans ma famille par 4 générations de femmes à fortes personnalités. La plus jeune militante PCF aura 22 ans en 2021).]
En 1945 l’église avait déjà perdu une grande partie de son pouvoir, en particulier parce qu’elle s’était imprudemment trop associée avec le pouvoir vichyssois. Je ne crois pas un instant que De Gaulle ait fait ce calcul, d’autant plus qu’il n’était pas particulièrement favorable au droit de vote des femmes.
[N’y voyiez-vous pas une contradiction avec les thèses de Clouscard où les femmes sont présentées comme un frein au développement des luttes de par leur conservatisme et tropismes divers ?]
Non, Clouscard a raison : historiquement, les femmes ont toujours été plus conservatrices que les hommes.
[De Gaulle que le PCF qualifia de Dictateur depuis le ‘Golpe’ de1958 jusqu’à sa mort en 1970 après l’avoir qualifié d’apprenti dictateur jusqu’en 1958. De Gaulle pourtant fut, accepté il est vrai par Tous sauf Le PCF. Le PCF, quasi seul, vota NON à son référendum d’intronisation en1958. 80% de l’électorat et des partis votèrent Oui.]
C’est inexact. L’essentiel de la gauche vota « non » en 1958. Ce fut le cas de l’UDSR, du PSA (aile gauche de la SFIO), de la gauche du Parti Radical (conduite par Mendes-France)…
[N’y voyait vous pas un signe supplémentaire de Gallocommunisme, pour le PCF , distinct et opposé au tropisme Gaullien du PCUS ?]
J’y vois surtout une grosse erreur d’analyse – d’ailleurs sanctionnée par l’électorat ouvrier, qui vota massivement « oui ». Le PCF a cédé en 1958 aux réflexes pavloviens de la gauche française, qui la portent vers le régime d’assemblée – fut-il impuissant – et contre un exécutif fort.
[….je sais aussi que lorsqu’on regarde ce de quoi ces militants sont le plus fiers, c’est en général de ce qu’ils ont fait quand ils pensaient que c’était une utopie. L’auraient-ils fait s’ils avaient su dès le départ que c’en était pas ?]
Bonne question, mais sans pertinence pour ceux qui, venus au monde plus tard, n’avaient de toute façon pas la possibilité de s’illusionner: J’avais 16 ans en 72. Pour moi comme l’immense majorité de ma génération, il était peut-être plus facile de croire au père noël qu’au petit père des peuples ou à Mao. Faudrait-il le regretter? Personnellement, j’ai aimé ce moment anti-utopique.
Parmi mes repoussoirs, aujourd’hui encore, il y a Badiou et sa “fidélité à l’événement”. (Sans comprendre, je l’admet, sa métaphysique.) On ne doit pas fidélité à l’événement Mao ou à l’événement Pol-Pot. Je ne crois pas le reniement forcément fautif.
@ Geo
[Bonne question, mais sans pertinence pour ceux qui, venus au monde plus tard, n’avaient de toute façon pas la possibilité de s’illusionner : J’avais 16 ans en 72.]
Je suis plus jeune que vous, et pourtant j’ai cru… et je dirais même mieux : il y a encore aujourd’hui des gens qui y croient. La croyance n’a rien à voir avec les faits, et beaucoup avec la volonté de croire. Et vous trouverez autour des vous des gens qui croient dans des choses bien plus invraisemblables que ne l’était le « paradis socialiste » en 1972. En ce sens, on ne peut que donner raison à Pascal.
[Faudrait-il le regretter ? Personnellement, j’ai aimé ce moment anti-utopique.]
Mais qu’est-ce que ce « moment anti-utopique » a construit ? Le « moment utopique » a permis à la classe ouvrière – et à la société toute entière – de construire des institutions, de lever des monuments, de changer pour le mieux la vie de millions de gens. Le « moment anti-utopique » n’a fait que détruire. Il n’a laissé derrière lui que des cendres.
[Parmi mes repoussoirs, aujourd’hui encore, il y a Badiou et sa “fidélité à l’événement”. (Sans comprendre, je l’admets, sa métaphysique.)]
Badiou, Badiou… n’est ce pas ce soixante-huitard que l’aveuglement anticommuniste et antisoviétique poussa à écrire en 1979 un article qui sous le titre « Kampuchea Vaincra ! » dénonçait violemment l’intervention vietnamienne qui mit fin au règne des Khmers Rouges au Cambodge et au génocide cambodgien (1) ? Il est vrai qu’il n’était pas seul… on était en plein néomaccarthysme, et que tout ce qui permettait de mettre au pilori les soviétiques et leurs alliés – et par élévation le PCF – était d’avance pardonné. Mais le temps passant, on comprend que Badiou se soit senti obligé de construire une théorie pour expliquer et justifier ses errements…
[On ne doit pas fidélité à l’événement Mao ou à l’événement Pol-Pot. Je ne crois pas le reniement forcément fautif.]
Il n’est fautif que lorsqu’il sert de paravent pour fuir ses responsabilités…
(1) https://www.lemonde.fr/archives/article/1979/01/17/kampuchea-vaincra_2786504_1819218.html
Bonjour cher “cavalier français”,
Bravo pour cette analyse lucide qui ne sombre pas dans la nostalgie mais qui peut nous permettre de mesurer l’étendue de la perte. J’ai particulièrement apprécié l’analyse que vous donnez des combats subalternes (sociétaux) qui en sont venus à annihiler la contradiction principale et à détruire la gauche. L’analyse de classe est elle aussi impeccable : la “conscience malheureuse” des nouvelles couches moyennes les a conduites à substituer le victimisme à la la lute des classes et ce en soutenant des “luttes” dont l’effectivité politique est nulle et ne coute pas un rond au capital. Cette substitution va même jusqu’à renier les apports capitaux du mouvement ouvrier français à l’émancipation des femmes (le breton qui vous écrit se souvient avec émotion et fierté de la figure de Joséphine Pencalet, première femme élue de France, lors des municipales de 1925 à Douarnenez) pour suivre les dérives genristes d’un women’s lib à la française). Je me pose la question suivante et vous remercie par avance si vous avez le temps d’y répondre : que pensez-vous des analyses de Michel Clouscard, qui rejoignent peu ou prou les votres, et puisque vous semblez avoir connu le PCF de l’intérieur, ses thèses étaient-elles discutées ou restait-il un illustre inconnu dans les rangs du parti.
Merci pour votre réponse et sachez que je me délecte à chaque fois de vos billets.
O Rolland
@ Olivier Rolland
[Je me pose la question suivante et vous remercie par avance si vous avez le temps d’y répondre : que pensez-vous des analyses de Michel Clouscard, qui rejoignent peu ou prou les vôtres, et puisque vous semblez avoir connu le PCF de l’intérieur, ses thèses étaient-elles discutées ou restait-il un illustre inconnu dans les rangs du parti.]
Je ne suis pas un expert dans l’œuvre de Clouscard, mais de ce que j’ai lu j’ai toujours trouvé ses analyses très intéressantes et très pertinentes, et si je suis souvent d’accord avec lui c’est probablement parce qu’il m’a influencé dans ma jeunesse, et je pense notamment à « Les métamorphoses de la lutte des classes ». C’est d’ailleurs à Clouscard qu’on doit le qualificatif « libéral-libertaire »…
J’ai été introduit à Clouscard par un camarade du PCF, et ses livres étaient disponibles dans le réseau communiste et régulièrement commentés dans les « écoles » du Parti. Une partie de son œuvre a été d’ailleurs éditée par les Editions Sociales, qui était la maison d’édition du Parti, ce qui aurait été impossible s’il n’avait pas été considéré « kocher ». Mais il était considéré de lecture « difficile » du fait des très nombreuses références philosophiques à Marx mais aussi à Hegel.
[Merci pour votre réponse et sachez que je me délecte à chaque fois de vos billets.]
Merci de l’encouragement !
Deux petites précisions :
– Je vois que vous avez déjà mentionné Clouscard.
– Joséphine Pencalet n’est peut-être pas l’exemple le plus probant. Voici ce que dit la fiche Wikipédia qui lui est consacrée : “Elle participe aux séances du conseil municipal pendant près de six mois. Mais en novembre 1925, le Conseil d’État invalide son élection au motif qu’elle est une femme. Cette décision ne suscite aucune réaction de la part du Parti communiste qui avait pourtant fortement médiatisé sa candidature et son élection. Joséphine Pencalet revient à sa vie d’ouvrière anonyme, avec ses proches, elle conserve « ses convictions politiques et sociales mais pleine d’amertume pour ce système qui finalement l’a utilisée »5. Jusqu’à sa mort en 1972, elle ne votera plus2.” Néanmoins, le PCF a fait plus pour les femmes que tous les MLF réunis (sans parler du féminisme bourgeois pour qui l’accomplissement ultime serait : dirigeants du CAC 40 : 20 hommes, 20 femmes). Je me souviens d’avoir entendu Mona Ozouf dire qu’il y avait plus de respect pour la parole des femmes dans la cellule du PCF dans laquelle elle militait qu’àla rédaction du nouvel obs.
Cordialement.
@ Olivier Rolland
[– Joséphine Pencalet n’est peut-être pas l’exemple le plus probant. Voici ce que dit la fiche Wikipédia qui lui est consacrée : “Elle participe aux séances du conseil municipal pendant près de six mois. Mais en novembre 1925, le Conseil d’État invalide son élection au motif qu’elle est une femme. Cette décision ne suscite aucune réaction de la part du Parti communiste qui avait pourtant fortement médiatisé sa candidature et son élection. Joséphine Pencalet revient à sa vie d’ouvrière anonyme, avec ses proches, elle conserve « ses convictions politiques et sociales mais pleine d’amertume pour ce système qui finalement l’a utilisée ». Jusqu’à sa mort en 1972, elle ne votera plus.”]
Je vous invite à la plus grande prudence concernant Wikipédia… beaucoup de fiches concernant les personnalités du mouvement ouvrier sont écrites par des rédacteurs gauchistes qui profitent à chaque fois pour charger le PCF. Si vous consultez la fiche du « Maitron » (1), qui fait autorité en tant que dictionnaire biographique des personnalités du mouvement ouvrier, on n’y trouve aucune trace de son « amertume ». Celle-ci n’apparaît que dans un documentaire réalisé par une journaliste locale qui n’indique pas la source de ses informations, mais dont l’intention de présenter la pauvre Joséphine Pencalet comme une victime des méchants mâles est assez évidente.
(1) https://maitron.fr/?article125445&id_mot=96
Don’t act, le Maitron est évidemment plus fiable que wikipédia.
Merci pour votre réponse.
Dans les archives du PCF ,’totalement disponibles aux chercheurs )se trouvent des documents (bio;familles de militants; 1ers yndicalistes).Certains remontent aux années 1850,d’obédiences Proudhoniste ou pas.La Matrice d’orignine étant les mouvements pré communistes de Libourne ,où la pensée de Buonoretti s’est exprimée.Rappelons que Buonoretti était ami de Baboeuf et a participé de la conjuration des égaux décimé dans le sang en 1797. https://fr.wikipedia.org/wiki/Gracchus_Babeuf
Votre titre,en est justifié car ça fait 223 ans,c’est plus qu’un centenaire!
De plus du 1er PCF issu de Tour,il ne reste aucun dirigeant Proudhonien ou indépendant en 1930 lorsque la IIIième , Internationale décide la ‘Bolchévisation’ autour de Thorez.Ce 2 ième PCF suit une ligne ‘Classe contre classe’,jusqu’à le terrible échec duPC Allemand le champion communiste face aux Nazis en 1033.En 1934 jusqu’en 1939 nait la nouvelle ligne du front Populaire,c’est un 3ième PCF qui est précipité dans la clandestinité jusqu’en mai 44/début45.Mi 1945,un 4ième PCF triomphe comme 1er Parti de France jusqu’en 1949.Puis nait la 1ère Guerre froide,surgit ,où un 5ième PCF survit à plus de 20% jusqu’en 1958.
Après la naissance du régime présidentiel de la Vième République présidentialiste,malgrè les apparences c’est un nouveau PCF,le 6ième dont les pratiques sont obligées de s’adapter à cette Vième si extraordinaire.
Puis vint 1994 la mutation de HUe et cette objet actuel le 7ième PCF dont l’éventuelle candidature de Roussel préfigure un 8ième PCF possible mais non certain qui se rapprocherait de ce que représente le Parti Communiste Portuguais.
Ces différentes facettes illustrent aussi ,la justesse de votre titre ‘Le Non-Centenaire du PCF’,nplus précisemment votre PCF est celui qui a + ou – existé entre 1930 et 1994’est ce pas ?
@ Luc
[La Matrice d’origine étant les mouvements pré communistes de Libourne, où la pensée de Buonarroti s’est exprimée. Rappelons que Buonarroti était ami de Babeuf et a participé de la conjuration des égaux décimé dans le sang en 1797.]
D’autres veulent trouver les origines du communisme chez les premiers chrétiens, ce qui nous ramène 2000 ans en arrière. Franchement, je trouve cette recherche parfaitement inutile. On peut raisonnablement penser que l’utopie des « égaux » existe depuis que la division du travail a fait apparaître les premières sociétés hiérarchisées, et donc le rêve d’un retour à un monde sans hiérarchies. Mais peut-on appeler cela « communisme » ?
[Ces différentes facettes illustrent aussi ,la justesse de votre titre « Le Non-Centenaire du PCF », plus précisément votre PCF est celui qui a + ou – existé entre 1930 et 1994 n’est-ce pas ?]
Pour tout vous dire, j’avais envisagé de structurer mon article autour des « cinq PCF » qui se sont succédés depuis 1920. Mais les quatre premiers, qui vont de 1920 à 1994 ont entre eux une continuité, une filiation qui permet d’établir une continuité malgré les changements de ligne et d’organisation, parce que la base sociale est restée la même. C’est en 1994 qu’il y a une véritable rupture.
@Descartes
[Si les républicains – y compris à gauche – s’étaient opposés au vote des femmes, c’est parce que « donner le vote aux femmes c’était donner le vote aux curés ». Si les femmes avaient eu le droit de vote en 1900, la loi de 1905 n’aurait jamais été votée. Cette histoire montre d’ailleurs combien il est difficile en histoire de raisonner hors de contexte. En 1945, le vote des femmes était un progrès, mais en 1900 il aurait été un recul.]
Un recul de la laïcité sans doute, mais une avancée du droit des femmes, soit de la moitié de la population tout de même. (On ne parle plus tout à fait de la même façon aux gens dès qu’ils votent.)
Le droit de vote des femmes polonaises, demeurées très catholiques à l’époque (après la première guerre mondiale) n’était pas pour autant un recul.
Je suis évidement d’accord sur la difficulté de raisonner hors contexte, mais même des lectures rétrospectives abusives peuvent être intéressantes. Ne pourrait on pas dire par exemple que la France de 1900 n’était pas réellement pour la laïcité, puisque les femmes étaient massivement du côté du curé ? Et que la loi de 1905 est une avancée pour le moins ambigüe puisqu’elle se fait contre le sens démocratique, notre sens démocratique, que nous considérons meilleur que celui de l’époque? Si nous croyons à une amélioration, la pente à juger le passé n’est pas si facile à éviter parce qu’il y a peut-être un usage légitime de ce type de jugement. (Pas simple à contrôler, certes.)
@ Geo
[Un recul de la laïcité sans doute, mais une avancée du droit des femmes, soit de la moitié de la population tout de même.]
Je pense que la laïcité a amélioré bien plus la situation des femmes que le droit de vote. En fait, on ne remarque pas un grand changement dans la législation et même dans le discours politique du fait du vote des femmes. Je pense qu’on applique au vote une grille de lecture qui est celle de la société individualiste d’aujourd’hui, alors que le vote a été longtemps un acte collectif : on votait comme sa famille, comme sa classe. C’est pourquoi le vote des femmes – contrairement au suffrage universel – n’a pas beaucoup changé la politique.
[(On ne parle plus tout à fait de la même façon aux gens dès qu’ils votent.)]
Je me le demande… après tout, les jeunes de 18 ans ont reçu le droit de vote après 1974. Ou voyez-vous un changement dans la façon dont on leur parle ?
[Je suis évidemment d’accord sur la difficulté de raisonner hors contexte, mais même des lectures rétrospectives abusives peuvent être intéressantes. Ne pourrait-on pas dire par exemple que la France de 1900 n’était pas réellement pour la laïcité, puisque les femmes étaient massivement du côté du curé ?]
C’est discutable. Le curé ne gouvernait pas les cœurs par l’adhésion, mais par la peur. On menaçait de l’enfer ceux qui voteraient les « partis sans dieu ». Le fait que les femmes auraient voté suivant l’injonction du curé n’implique nullement qu’elles ne fussent pas favorables intellectuellement à la laïcité.
[Et que la loi de 1905 est une avancée pour le moins ambigüe puisqu’elle se fait contre le sens démocratique, notre sens démocratique, que nous considérons meilleur que celui de l’époque ?]
Pardon, mais vous faites ici une confusion entre « bon » et « démocratique ». La démocratie est fondée sur l’idée que le peuple est le souverain et doit donc prendre les décisions. Mais elle n’est pas censée garantir que ces décisions soient les bonnes. On peut discuter la LEGITIMITE de la loi de 1905 (comme on peut discuter la légitimité de beaucoup de mesures imposées par des minorités agissantes en dehors de toute procédure démocratique). Mais la question de la légitimité et la question de savoir si elle constitue une avancée sont deux choses différentes. Une mesure peut parfaitement constituer un progrès et être prise contre l’avis de la majorité.
quelques considérations :
Le moins qu’on puisse en dire c’est que l’ensemble de ces 21 conditions formaient un ensemble cohérent dans la logique de la pensée du rédacteur, Lénine.
Aussi, je ne crois pas qu’on puisse se contenter d’affirmer que « l’internationale syndicale d’Amsterdam » ayant disparue la condition est caduque, L’impératif formulé par Lénine, c’est l’impératif de former des syndicats se soumettant aux directives de la seule direction communiste et « démasquant » les autres.
« De même, la dissolution de l’Internationale communiste en 1943 rend sans objet les articles concernant les rapports du parti avec l’internationale »
On peut sérieusement douter de l’effectivité de cette annonce, la création en 1947 du Kominform et plus, l’alignement réel des PC sur celui de l’URSS jusqu’à une époque tardive permet d’en douter,
Sur le fond, si l’on étudie sérieusement les choses, la centralisation léniniste s’effectuait jusqu’au niveau mondial : l’internationale communiste .
Il faut dire que la mise en avant de la célèbre formule de Marx « Les prolétaires n’ont pas de patrie » ( Marx est bien plus nuancé mais,,) a laissé des traces profondes et s’il existe des nuances parfois importantes, tout se passe comme si primait la peur « d’édulcorer » la lutte des classes par des considérations nationales. Ce d’autant que la nouvelle internationale entend se démarquer des « social-chauvins » coupables d’avoir opté pour leur « bourgeoisie nationale » contre « l’internationalisme prolétarien ».
@ morel
[Le moins qu’on puisse en dire c’est que l’ensemble de ces 21 conditions formaient un ensemble cohérent dans la logique de la pensée du rédacteur, Lénine.]
On ignore en fait qui est le rédacteur des 21 conditions. Elles feront l’objet de débats acharnés lors de leur discussion au 2ème congrès de l’internationale communiste en juillet 1920, et il n’est pas évident que le texte finalement voté soit exactement celui que Lénine aurait proposé.
[Aussi, je ne crois pas qu’on puisse se contenter d’affirmer que « l’internationale syndicale d’Amsterdam » ayant disparue la condition est caduque, l’impératif formulé par Lénine, c’est l’impératif de former des syndicats se soumettant aux directives de la seule direction communiste et « démasquant » les autres.]
C’est une interprétation qui contredit la 9ème condition, qui (dans le résumé de Lazitch) prescrit de former « Des cellules communistes devant noyauter les syndicats afin qu’ils soient soumis au parti ». Il ne s’agit donc pas de « constituer des syndicats se soumettant aux directives de la seule direction communiste » mais de prendre le contrôle des syndicats existants. La 10ème condition, celle qui parle du rejet de « l’internationale syndicale d’Amsterdam » ne parle d’ailleurs pas des rapports avec les syndicats qui adhèrent à cette internationale, mais à l’internationale elle-même. Il s’agit d’une mesure de circonstance qu’on peut comprendre dans le contexte de l’époque, mais qui n’a aucun sens aujourd’hui. La vision du syndicat comme « courroie de transmission du parti » est contenue dans la 9ème condition, qui est, elle, toujours actuelle.
[« De même, la dissolution de l’Internationale communiste en 1943 rend sans objet les articles concernant les rapports du parti avec l’internationale » On peut sérieusement douter de l’effectivité de cette annonce, la création en 1947 du Kominform et plus, l’alignement réel des PC sur celui de l’URSS jusqu’à une époque tardive permet d’en douter.]
Le Kominform, comme son nom l’indique, n’avait aucune autorité (au sens des 21 conditions) sur les partis membres et n’était qu’un lieu d’échanges d’informations et de coordination. Il disparait d’ailleurs en 1956. Quant à « l’alignement » des partis communistes sur Moscou, c’est largement un mythe. Partageant une base idéologique commune, il n’est pas étonnant que les partis communistes aboutissent sur beaucoup de questions à des analyses similaires, sans besoin d’un quelconque « alignement ». Et lorsque des désaccords se faisaient jour, l’obéissance à l’autorité de Moscou était moins évidente qu’on ne le dit. Ainsi, par exemple, Moscou était dès le départ hostile à la participation des communistes au gouvernement de la France à la Libération. Le PCF n’en a eu cure, et si les ministres communistes sont partis, ce n’est pas de leur fait.
[Sur le fond, si l’on étudie sérieusement les choses, la centralisation léniniste s’effectuait jusqu’au niveau mondial : l’internationale communiste.]
Oui. Mais cette conception d’une Internationale qui était « l’état major de la révolution internationale » n’a pas résisté à l’épreuve des faits. La réalité nationale s’est révélée bien plus forte que Lénine – mais aussi les internationalistes qui l’ont précédé – ne l’avaient cru. La victoire de Staline sur les « internationalistes » (Trotsky, Zinoviev, Kamenev) et la disparition de l’Internationale illustre parfaitement cette question.
[Il faut dire que la mise en avant de la célèbre formule de Marx « Les prolétaires n’ont pas de patrie » (Marx est bien plus nuancé mais) a laissé des traces profondes et s’il existe des nuances parfois importantes, tout se passe comme si primait la peur « d’édulcorer » la lutte des classes par des considérations nationales.]
En fait, pas tant que ça. Dès la fin des années 1930, la nation refait son entrée dans le discours communiste, que ce soit sous la forme stalinienne du « socialisme dans un seul pays », ou sous la forme thorézienne du « mariage entre le drapeau rouge et le drapeau tricolore ». Il y a dans Lénine un idéalisme internationaliste qui n’est pas très éloigné de celui des partis ouvriers d’avant-guerre… celui-là même qu’on a vu se fracasser sur les réalités lors de la première guerre mondiale. Par certains côtés, Lénine semble vouloir revivre – sous une forme caporalisée – l’internationalisme de la première internationale. De ce point de vue, Staline est bien plus réaliste, plus pragmatique et plus moderne. Mieux que tous ses camarades il a compris combien cet internationalisme à l’ancienne était désuet.
« C’est une interprétation qui contredit la 9ème condition, qui (dans le résumé de Lazitch) prescrit de former « Des cellules communistes devant noyauter les syndicats afin qu’ils soient soumis au parti ». Il ne s’agit donc pas de « constituer des syndicats se soumettant aux directives de la seule direction communiste » mais de prendre le contrôle des syndicats existants. »
Les conditions en question vont à l’encontre des traditions syndicalistes de nombre de pays ; logique, quel syndicaliste authentique peut accepter que les décisions soient le fait de politiques pas même nécessairement adhérents ? Aussi, l’IC a les 2 fers au feu : en France où ça ne passe pas, elle crée la CGTU.
« La 10ème condition, celle qui parle du rejet de « l’internationale syndicale d’Amsterdam » ne parle d’ailleurs pas des rapports avec les syndicats qui adhèrent à cette internationale, »
Il apparaît pour le moins curieux d’agonir l’IS Amsterdam (et chacun sait que le langage de l’époque est rude) et de développer des relations d’amitié avec ses syndicats adhérents. Mais là aussi, il faudrait dépasser les fameuses théories sur les « traîtres » qui empêchent toute réflexion.
Concernant l’auto-détermination par ses adhérents des PC, vous ne trouverez guère d’historiens sérieux pour l’affirmer après 1943, kominform etc.. Ce qui serait étonnant avec des directions sélectionnées sous Staline qui ont pratiqué « l’épuration » périodique (Marty, Tillon, Mauvais, Lecoeur..).
Très curieux aussi le cheminement similaire des PCF et PCI au sortir de la guerre pratiquant aussi le même virage en 1947.
Difficile de parler de prise en compte des nations sous un tel régime. Ceci n’est toléré que lorsque cela ne contredit pas la politique de l’URSS, le traité germano-soviétique a pour conséquence de lancer les hordes fascistes sur la France, le PCF durant le pacte axant sa politique sur la guerre qui ne concernait que « les impérialistes », là aussi, le tournant vient de la proclamation de la « grande guerre patriotique » en URSS.
Toujours sur « l’internationaliste », la théorie léniniste de « l’aristocratie ouvrière » « explique » un peu trop le ralliement des masses à la guerre.
@ morel
[Les conditions en question vont à l’encontre des traditions syndicalistes de nombre de pays ; logique, quel syndicaliste authentique peut accepter que les décisions soient le fait de politiques pas même nécessairement adhérents ?]
Ce n’est pas ce que proposent la 9ème condition, puisqu’elle parle de cellules communistes A L’INTERIEUR des syndicats. Les décisions sont prises donc par des politiques certes, mais qui sont membres du syndicat. D’ailleurs, lorsque vous regardez les dirigeants communistes, vous verrez que le « noyautage » du Parti par d’anciens syndicalistes est au moins aussi important que le processus inverse…
Par ailleurs, il faut arrêter de se raconter des histoires. Le syndicat « indépendant » est en grande partie une invention de la guerre froide, quand on a voulu détourner les ouvriers des syndicats liés aux partis de gauche. En Grande Bretagne, les syndicats sont traditionnellement liés au Parti Travailliste au point qu’ils ont un certain nombre de voix lors des débats internes de celui-ci. Même chose en Allemagne.
[Il apparaît pour le moins curieux d’agonir l’IS Amsterdam (et chacun sait que le langage de l’époque est rude) et de développer des relations d’amitié avec ses syndicats adhérents.]
Pourquoi ? On ne séduit pas les mouches avec du vinaigre…
[Concernant l’auto-détermination par ses adhérents des PC, vous ne trouverez guère d’historiens sérieux pour l’affirmer après 1943, kominform etc..]
Bien sur que si. Même un historien comme Robrieux, qui pourtant n’est pas vraiment un grand défenseur du PCF, explique comment le PCF s’est singularisé par rapport au PCUS. Et combien les rapports étaient complexes, loin de la vision simplificatrice d’un simple rapport d’obéissance.
[Très curieux aussi le cheminement similaire des PCF et PCI au sortir de la guerre pratiquant aussi le même virage en 1947.]
Quel « virage » ? Le PCI n’a jamais participé au gouvernement Italien, contrairement au PCF. Le durcissement de 1947 tient moins à une quelconque obéissance à Moscou qu’à la réalité du durcissement de la politique américaine.
[Difficile de parler de prise en compte des nations sous un tel régime. Ceci n’est toléré que lorsque cela ne contredit pas la politique de l’URSS, le traité germano-soviétique a pour conséquence de lancer les hordes fascistes sur la France, le PCF durant le pacte axant sa politique sur la guerre qui ne concernait que « les impérialistes », là aussi, le tournant vient de la proclamation de la « grande guerre patriotique » en URSS.]
Et pourtant, nous savons que le PCF a commencé à organiser la résistance bien avant l’attaque à l’URSS. Encore une fois, le réel est bien plus complexe que la légende noire ne le fait.
[Toujours sur « l’internationaliste », la théorie léniniste de « l’aristocratie ouvrière » « explique » un peu trop le ralliement des masses à la guerre.]
Je n’ai pas compris cette remarque.
Rapidement :
“9. Tout Parti désireux d’appartenir à l’Internationale communiste doit poursuivre une action communiste persévérante et systématique dans les syndicats, les conseils d’entreprises, les coopératives et autres organisations de masse. Il faut, au sein de ces organisations, constituer des noyaux communistes qui, par un travail opiniâtre et constant, doivent les gagner à la cause du communisme. Ces noyaux devront révéler à chaque pas, au cours d’une action quotidienne, la trahison des social-patriotes et les hésitations du « centre ». Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés au Parti tout entier.”
in :
Les 21 conditions d’admission à l’Internationale communiste ~ Fondation Gabriel Péri (gabrielperi.fr)
Donc pas aux seuls syndicalistes.
Je vous remercie pour vos voeux.
Que cela ne m’empêche nullement de vous souhaiter mes meilleurs vœux pour l’année qui vient
Bien à vous.
@ morel
[Que cela ne m’empêche nullement de vous souhaiter mes meilleurs vœux pour l’année qui vient]
Un désaccord ne devrait pas nous empêcher de nous respecter. Mes voeux les plus cordiaux pour vous et tous les votres.
« Le syndicat « indépendant » est en grande partie une invention de la guerre froide, quand on a voulu détourner les ouvriers des syndicats liés aux partis de gauche. En Grande Bretagne, les syndicats sont traditionnellement liés au Parti Travailliste au point qu’ils ont un certain nombre de voix lors des débats internes de celui-ci. Même chose en Allemagne. »
Chacun sait l’apport original du prolétariat français au mouvement ouvrier. Il se trouve que la CGT en 1906 s’est dotée de la Charte d’Amiens, nouvelle rédaction de l’article 2 des statuts constitutifs de l’organisation (830 voix pour, contre 8, 1 blanc) qui consacre d’indépendance syndicale :
« Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l’entière liberté, pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors; »
C’est en réaction à l’unification récente (1905) et donc à la montée en puissance de la SFIO et pour conserver son indépendance (la liaison organique parti-syndicat de tradition est plutôt de l’Europe du Nord sous l’impulsion des sociaux-démocrates) que les syndicalistes de la CGT ont adopté la Charte.
Les guesdistes, à l’instar des bolchéviks par la suite, accordent une place subalterne à l’action syndicale à laquelle ils refusent toute possibilité d’autonomie et sont partisans de la subordination du syndicat au parti.
@ morel
[Chacun sait l’apport original du prolétariat français au mouvement ouvrier. Il se trouve que la CGT en 1906 s’est dotée de la Charte d’Amiens, nouvelle rédaction de l’article 2 des statuts constitutifs de l’organisation (830 voix pour, contre 8, 1 blanc) qui consacre d’indépendance syndicale : (…). C’est en réaction à l’unification récente (1905) et donc à la montée en puissance de la SFIO et pour conserver son indépendance (la liaison organique parti-syndicat de tradition est plutôt de l’Europe du Nord sous l’impulsion des sociaux-démocrates) que les syndicalistes de la CGT ont adopté la Charte.]
Exacte. En d’autres termes, on introduit dans la Charte d’Amiens une pétition de principe qui, dans le rapport de forces de l’époque, n’a aucune chance d’être observée en réalité. D’ailleurs la formulation même montre qu’on n’y croyait pas trop : est il crédible qu’un syndicaliste qui s’engage pour des idées politiques en dehors de son organisation syndicale pourrait établir une barrière étanche qui l’empêcherait de défendre ces mêmes idées dans son organisation syndicale ?
D’ailleurs, dans la suite de l’histoire aucune organisation syndicale n’a été vraiment « indépendante » du politique. Le syndicalisme chrétien est resté lié à l’église, la CGT d’abord aux socialistes puis aux communistes. Même FO, créée en théorie pour défendre l’indépendance syndicale, a fait de l’anticommunisme une idéologie officielle.
[Les guesdistes, à l’instar des bolchéviks par la suite, accordent une place subalterne à l’action syndicale à laquelle ils refusent toute possibilité d’autonomie et sont partisans de la subordination du syndicat au parti.]
L’avenir leur a donné raison…
« est il crédible qu’un syndicaliste qui s’engage pour des idées politiques en dehors de son organisation syndicale pourrait établir une barrière étanche qui l’empêcherait de défendre ces mêmes idées dans son organisation syndicale ? »
Il s’agit de rester dans l’esprit du syndicalisme, organisme de défense des intérêts matériels et moraux de classe et de faire primer cette lutte sur toutes les autres considérations partisanes.
Une charte contient des principes qui sont concrètement mis en œuvre à d’autres niveaux. Par exemple, l’incompatibilité entre mandats syndicaux et fonctions politiques : à la CGT-FO comme dans l’ancienne CGT, il n’aurait pas été possible d’être membre d’un comité central de parti et secrétaire général comme cela a été longtemps le cas dans l’actuelle CGT.
C’est aussi un discours et une pratique qui reste axé sur la raison d’être du syndicat : pas plus de manifestation contre « l’islamophobie » que de diffusion d’idéologie sous couvert « d’études syndicales » ; exemple non limitatif :
Pour une analyse de l’islamophobie, approche historique des relations entre la France et l’Islam – Institut CGT d’histoire sociale
« Même FO, créée en théorie pour défendre l’indépendance syndicale, a fait de l’anticommunisme une idéologie officielle. »
Toute scission comporte son lot de rejet violent qui n’est jamais à sens unique. Comme disait un de mes camarades à l’un de ses voisins membre du PCF : « Pour vous, un coup on est de droite, un coup noyautés par les trotskos, faudrait savoir ! ».
« L’avenir leur a donné raison… »
Je ne suis pas sûr que l’on puisse donner acte à ce constat aujourd’hui.
Vous connaissez bien la citation attribué à Bossuet « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. ».
Si nous voulons donner un avenir au socialisme, il est indispensable de regarder sans tabou le passé au lieu de décerner des fins de non recevoir (« l’anticommunisme » comme d’autres « l’islamophobie » pour couper court à toute remise en cause.
Et, à ce sujet, il me semble intéressant de s’interroger sur tout ce qui a pu frayer le chemin au stalinisme lui, véritable anticommunisme qui est loin de se limiter au « culte de la personnalité ».
C’est ma démarche.
@ morel
[Il s’agit de rester dans l’esprit du syndicalisme, organisme de défense des intérêts matériels et moraux de classe et de faire primer cette lutte sur toutes les autres considérations partisanes.]
Et alors ? En quoi le fait de « défendre des intérêts matériels et moraux de classe » autoriserait l’appartenance par exemple à un parti de droite ou de centre, mais serait incompatible avec l’appartenance au Front National ? Si vous vous en tenez à la Charte d’Amiens, le fait d’exclure du syndicat une personne parce qu’elle est militante ou candidat d’une organisation politique QUELLE QU’ELLE SOIT est inconcevable. Une telle exclusion implique que le syndicat établisse un jugement entre les organisations politiques « kosher » et celles qui ne le seraient pas, en autres termes, qu’elle fasse un jugement POLITIQUE.
[Une charte contient des principes qui sont concrètement mis en œuvre à d’autres niveaux. Par exemple, l’incompatibilité entre mandats syndicaux et fonctions politiques : à la CGT-FO comme dans l’ancienne CGT, il n’aurait pas été possible d’être membre d’un comité central de parti et secrétaire général comme cela a été longtemps le cas dans l’actuelle CGT.]
Ne nous voilons pas la face. A la CGT-FO le secrétaire général avait beau ne siéger dans les organes dirigeants d’aucune organisation politique, ce n’est pas pour autant qu’il n’y prenait pas ses ordres. Dans le cas de la CGT-FO, l’organisation politique s’est d’ailleurs longtemps située à l’étranger, aux Etats-Unis pour être précis. Au fonds, je préfère de loin que l’organisation syndicale assume publiquement ses liens avec les organisations politiques plutôt que de les cacher sous l’apparence du « dirigeant qui n’a aucune carte de parti politique »…
[C’est aussi un discours et une pratique qui reste axé sur la raison d’être du syndicat : pas plus de manifestation contre « l’islamophobie » que de diffusion d’idéologie sous couvert « d’études syndicales » ;]
Comment qualifieriez vous le « livre blanc sur l’infiltration communiste dans l’appareil de l’Etat » publié par FO au début du premier septennat de François Mitterrand ? Pas de « diffusion de l’idéologie » là-dedans ? Je me souviens encore lors de ma première entrée sur un site du CEA – en 1984 – avoir reçu d’un militant FO à la porte de l’entreprise un tract dénonçant la nomination d’un adhérent au PCF à un poste de direction, concluant « la circulaire de 1949 ne serait donc plus appliquée ? ». C’est alors que j’ai appris que la « circulaire de 1949 » était un texte interdisant de nommer un communiste à une quelconque fonction de responsabilité, texte qui n’avait toujours pas été abrogé dans les années 1980. A votre avis, un syndicat qui exige l’application d’une interdiction professionnelle sur critère POLITIQUE fait elle de la « diffusion d’idéologie » ?
[« Même FO, créée en théorie pour défendre l’indépendance syndicale, a fait de l’anticommunisme une idéologie officielle. » Toute scission comporte son lot de rejet violent qui n’est jamais à sens unique. Comme disait un de mes camarades à l’un de ses voisins membre du PCF : « Pour vous, un coup on est de droite, un coup noyauté par les trotskos, faudrait savoir ! ».]
Mais… l’un n’empêche pas l’autre. Le point cardinal de FO, c’est l’anticommunisme. Et du coup, toutes les chapelles étaient accueillies à bras ouverts, pourvu qu’elles haïssent le PCF. Car l’anticommunisme est une passion qui réunit la droite et les trotskos, les maoïstes et les libertaires. C’est pourquoi des dirigeants issus des rapports obscurs avec l’AFL-CIO (autant dire de la CIA) et ceux venus du trotskysme ou du maoïsme ont fait lit commun, quitte à faire une scène de ménage de temps en temps. C’est d’ailleurs l’affaiblissement du PCF et de la CGT qui a provoqué une crise à FO et la radicalisation qui s’en est suivie. Tout à coup, les patrons ont perdu la peur de la CGT, et étaient donc beaucoup moins portés à lui faire des concessions à FO pour lui permettre de passer devant le syndicat communiste honni. Et puis la CFDT, avec sa tendance à négocier le poids des chaines, est devenue un interlocuteur bien plus intéressant.
Il n’empêche qu’à partir du moment où il fait un jugement politique, une organisation syndicale n’est plus « indépendante » au sens de la Charte d’Amiens. Le fait que ce jugement soit positif – les dirigeants doivent appartenir à tel parti – ou négatif – les dirigeants ne doivent PAS appartenir à tel parti – n’y change rien…
[« L’avenir leur a donné raison… » Je ne suis pas sûr que l’on puisse donner acte à ce constat aujourd’hui.]
Je pense au contraire que ce constat est évident. Regardons parmi les conquêtes sociales lesquelles ont été le fait d’une activité syndicale « apolitique », et lesquelles ont pu être obtenues du fait que le syndicat avait un relais politique puissant. L’anarcho-syndicalisme avait un sens à la fin du XIXème siècle, à l’époque où la politique sociale était essentiellement le résultat du pur rapport de force dans les usines. Mais la transformation de l’Etat-gendarme en Etat-providence a changé la perspective : la politique sociale cesse d’être une pure question syndicale pour rentrer dans le domaine de la loi et la politique.
[Vous connaissez bien la citation attribuée à Bossuet « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. ». Si nous voulons donner un avenir au socialisme, il est indispensable de regarder sans tabou le passé au lieu de décerner des fins de non-recevoir (« l’anticommunisme » comme d’autres « l’islamophobie » pour couper court à toute remise en cause).]
Là, je ne vous comprends pas. Si vous soutenez l’idée qu’il faut « regarder sans tabou le passé », quoi de mieux que de commencer par votre propre organisation et de « regarder sans tabou » comment la scission de FO a été préparée et exécutée en plein maccarthysme grâce à l’aide technique et financière de l’AFL-CIO, le bras armé « syndical » à l’époque ? N’est-il pas besoin de « regarder sans tabou » comment une organisation pouvait exiger d’un employeur l’application de mesures de discrimination politique – d’ailleurs illégales ?
Parler « d’anticommunisme » ici n’est nullement une « fin de non-recevoir », mais au contraire un encouragement à « regarder sans tabou » ce que fut notre histoire syndicale. Que le rapport au communisme – que ce soit pour y adhérer comme la CGT ou pour le rejeter comme FO – structure les rapports syndicaux depuis les années 1930 est une évidence. Et vous noterez qu’alors que moi je ne cherche nullement à nier les rapports de subordination entre le PCF et la CGT (je les revendique même…), dès qu’on commence à parler des choix politiques inverses de votre organisation, vous me parlez de « fin de non-recevoir »… alors qui est celui qui refuse de « regarder sans tabou » le passé ?
[Et, à ce sujet, il me semble intéressant de s’interroger sur tout ce qui a pu frayer le chemin au stalinisme lui, véritable anticommunisme qui est loin de se limiter au « culte de la personnalité ».
C’est ma démarche.]
Vous pourriez au même titre vous interroger sur tout ce qui a pu frayer le chemin, au nom de l’anticommunisme, aux régimes autoritaires de toute nature qui ont fleuri à partir de 1917 et dont certains survivent encore aujourd’hui…
@Descartes
C’est quand même étranger d’affirmer que les trotskystes seraient anticommunistes, non ? On peut certainement leur trouver des tas de défauts, mais je doute qu’on puisse sérieusement accuser les militants LO de n’être pas réellement communistes.
Finalement, @morel a raison de pointer qu’il y a une homologie entre les accusations d’anticommunisme et celles d’islamophobie. « islamophobie » prétend que ceux qui critiquent l’islamisme radical seraient motivés par un rejet général de l’islam ; et « anticommunisme » prétend que ceux qui critiquent le PCF (et/ou le « stalinisme ») seraient motivés par un rejet général du communisme.
@ Ian Brossage
[« Car l’anticommunisme est une passion qui réunit la droite et les trotskos, les maoïstes et les libertaires. » C’est quand même étranger d’affirmer que les trotskystes seraient anticommunistes, non ?]
Je m’étais déjà expliqué là-dessus. Au-delà des subtilités théoriques, le mot « communiste » a un sens consacré par l’usage. Quand vous entendez dire que telle ville a un « maire communiste », vous comprenez que son maire est membre du PCF. Quand vous dites qu’à la sortie du métro on vous a distribué un tract « communiste », tout le monde comprend qu’il s’agit d’un tract du PCF. Quand on vous dit que Joliot-Curie a été viré en 1948 du CEA parce qu’il était communiste, vous comprenez que ce qui était en cause n’était pas son idéologie mais ses lieux avec le PCF. Et de même, quand on vous dit que Mitterrand était « anticommuniste » ou que dans les années 1980 « Libération » et « Le nouvel observateur » ont participé à une campagne « anticommuniste », personne n’imagine que leur cible était l’OCI ou la LCR. D’autant plus que pas mal de militants de ces deux organisations sont justement passés au PS pour participer à la campagne en question…
Que cela plaise ou pas, les termes « communisme » et « anticommunisme » est chez nous intimement lié au PCF.
[On peut certainement leur trouver des tas de défauts, mais je doute qu’on puisse sérieusement accuser les militants LO de n’être pas réellement communistes.]
Je pense qu’on le peut, mais c’est une autre discussion.
[Finalement, @morel a raison de pointer qu’il y a une homologie entre les accusations d’anticommunisme et celles d’islamophobie. « islamophobie » prétend que ceux qui critiquent l’islamisme radical seraient motivés par un rejet général de l’islam ; et « anticommunisme » prétend que ceux qui critiquent le PCF (et/ou le « stalinisme ») seraient motivés par un rejet général du communisme.]
Il y a tout de même une différence fondamentale. L’anticommunisme est une REALITE, et l’islamophobie est une FICTION. Entre 1930 et aujourd’hui, les communistes ont été persécutés de partout dans le monde et pour la seule raison de leur idéologie. Dans beaucoup de pays leurs organisations ont été interdites, leurs militants emprisonnés, torturés, assassinés. Même dans des pays démocratiques comme le nôtre, les communistes ont été déchus de leurs mandats électifs, soumis à la peine de mort et quelquefois jetés en prison et exécutés, barrés de certains concours, interdits de travail dans certaines entreprises et institutions (j’ai cité les exemples, je ne répète pas pour ne pas alourdir mais je les tiens à votre disposition).
J’aimerais bien que vous m’indiquiez une situation où les musulmans, du seul fait de leur religion, aient fait l’objet d’une façon aussi extensive et pendant une période aussi longue du même type de persécution. Connaissez-vous une industrie ou les musulmans sont interdits – comme ce fut le cas à Hollywood pendant le maccarthysme ? Connaissez-vous un concours de la fonction publique qui soit fermé aux musulmans ?
L’homologie entre islamophobie et anticommunisme est a peu près aussi valide que celle qu’on prétend faire entre islamophobie et antisémitisme. Quand six millions de musulmans auront été gazés du seul fait de leur origine, on pourra parler de « homologie ». En attendant, on ne peut que constater qu’il y a une différence fondamentale entre une discrimination réelle et une discrimination inventée pour les besoins de la cause.
« Et alors ? En quoi le fait de « défendre des intérêts matériels et moraux de classe » autoriserait l’appartenance par exemple à un parti de droite ou de centre, mais serait incompatible avec l’appartenance au Front National ? «
C’est vous qui l’affirmez. C’est chez vos amis qu’on pratique ainsi. Pas à la CGT-FO.
Prenons par ex le cas d’un chauffeur routier du 63 dont l’appartenance était notoire (il a été candidat à des législatives). Il faut attendre qu’il se serve de sa qualité de « syndicaliste » dans un journal national vantant son programme politique favori pour que sa section décide de lui retirer sa carte d’adhérent.
« A la CGT-FO le secrétaire général avait beau ne siéger dans les organes dirigeants d’aucune organisation politique, ce n’est pas pour autant qu’il n’y prenait pas ses ordres. »
Une affirmation même péremptoire ne démontre rien.
« Mais… l’un n’empêche pas l’autre. Le point cardinal de FO, c’est l’anticommunisme. »
C’est comme « l’islamophobie », il ne faut pas trop en abuser.
« et ceux venus du trotskysme ou du maoïsme ont fait lit commun «
Des trotkistes nous n’avons connu que les variétés LO et Lambertistes mais jamais un seul maoïste qui partageaient avec vos amis la même aversion à notre égard.
Le stalinisme a été un effroyable coup dans le dos du mouvement ouvrier qui le paie encore aujourd’hui.
@ morel
[« Et alors ? En quoi le fait de « défendre des intérêts matériels et moraux de classe » autoriserait l’appartenance par exemple à un parti de droite ou de centre, mais serait incompatible avec l’appartenance au Front National ? » C’est vous qui l’affirmez. C’est chez vos amis qu’on pratique ainsi. Pas à la CGT-FO.]
Vous avez raison. A la CGT-FO, on se fait virer lorsqu’on appartient au PCF…
Encore une fois, vous me reprochez quelque chose que j’assume parfaitement. Je vous ai dit ma conviction que le syndicat « indépendant » de tout courant politique est pour moi une fiction. A partir de là, je trouve parfaitement normal qu’un syndicat exclue de son sein ceux qui se positionnent en opposition complète avec le cadre idéologique – c’est-à-dire politique – choisi par ce syndicat. Il est ainsi parfaitement normal qu’un syndicat qui s’est construit sur la conception de classe héritée du marxisme juge incompatible la présence de personnes qui adhèrent aux doctrines du Front National. Et de la même manière, je trouve parfaitement normal qu’un syndicat comme FO, qui s’est construit avec l’anticommunisme comme raison d’être, exige la discrimination contre les communistes dans l’entreprise.
Ce que je ne trouve pas « normal », par contre, est qu’un syndicat prenne des positions politiques tout en se prétendant « indépendant » de toute influence politique.
[Prenons par ex le cas d’un chauffeur routier du 63 dont l’appartenance était notoire (il a été candidat à des législatives). Il faut attendre qu’il se serve de sa qualité de « syndicaliste » dans un journal national vantant son programme politique favori pour que sa section décide de lui retirer sa carte d’adhérent.]
Si au lieu d’avoir vanté le programme du Front National il avait vanté, en utilisant sa qualité de syndicaliste, le programme du PS ou celui de LFI, se serait-il vu retirer sa carte ? Si la réponse est « oui », je n’ai rien à dire. Mais vous savez très bien que la réponse est « non », et que par conséquent le syndicat a fait là un jugement de nature POLITIQUE, en décidant que tel parti était « kosher », que tel autre ne l’était pas.
[« A la CGT-FO le secrétaire général avait beau ne siéger dans les organes dirigeants d’aucune organisation politique, ce n’est pas pour autant qu’il n’y prenait pas ses ordres. » Une affirmation même péremptoire ne démontre rien.]
Il n’y a rien à affirmer, c’est une évidence : ce n’est pas parce qu’on n’a pas sa carte à un parti qu’on n’y prend pas ses ordres. Vous noterez que je ne vise personne en particulier, et que je n’affirme pas que c’était le cas. Tout ce que je dis, c’est que tout le bruit autour du fait de « siéger dans les organes dirigeants » n’est que de la poudre aux yeux. Ce n’est pas parce que formellement vous ne siégez pas dans l’organe directeur d’un parti que vous ne participez pas à des réunions ou vous pouvez recevoir des instructions.
[« Mais… l’un n’empêche pas l’autre. Le point cardinal de FO, c’est l’anticommunisme. » C’est comme « l’islamophobie », il ne faut pas trop en abuser.]
J’ai répondu à cette objection dans un autre message. L’islamophobie, c’est une fiction qui n’a tué personne, l’anticommunisme est une réalité qui a fait des milliers de morts.
[« et ceux venus du trotskysme ou du maoïsme ont fait lit commun » Des trotkistes nous n’avons connu que les variétés LO et Lambertistes mais jamais un seul maoïste qui partageaient avec vos amis la même aversion à notre égard.]
J’ai eu l’honneur de travailler dans une institution ou la section FO était noyautée par des maoïstes. Il est vrai qu’ils étaient tellement sectaires que leur action syndicale se limitait à ouvrir des conflits avec leur fédération, mais bon…
[Le stalinisme a été un effroyable coup dans le dos du mouvement ouvrier qui le paie encore aujourd’hui.]
Staline ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Franchement, je trouve qu’on exagère beaucoup les effets du stalinisme, surtout hors de Russie. La révolution russe a certes déçu beaucoup de monde, mais c’est le propre de toutes les révolutions. C’est logique : quand les expectatives sont trop grandes, on ne peut que décevoir. Staline, c’est à la fois le Robespierre et le Napoléon de la Révolution russe, dans un pays dont l’histoire est bien plus violente et brutale que la nôtre. La grande différence entre les deux révolutions, c’est que la Révolution française est arrivée à point, quand le mode de production féodal était en crise terminale, et que la Révolution russe est arrivée trop tôt, alors que le capitalisme avait encore d’énormes ressources. C’est pourquoi l’histoire de la Révolution française a été écrite par la classe sociale que la Révolution a affranchie, tandis que l’histoire de la Révolution russe est aujourd’hui écrite par la classe que la Révolution cherchait à déplacer. Imaginez ce que serait la biographie de Robespierre si elle avait été écrite par les descendants de Marie-Antoinette…
Je ne vois pas en quoi « le mouvement ouvrier » paye aujourd’hui le stalinisme. Le « mouvement ouvrier » n’a d’ailleurs jamais été aussi puissant que lorsque Staline était au pouvoir, parce que la peur de l’URSS et le besoin d’écarter le mouvement ouvrier dans les pays occidentaux de cette tentation aidait à faire pencher la balance du côté du monde du travail. Et si le mouvement ouvrier est aujourd’hui affaibli, cela ne doit rien au « petit père des peuples » et tout à un changement dans le mode de production capitaliste qui lui permet de mettre en concurrence les travailleurs du monde entier, et donc de changer le rapport de forces entre le capital et le travail au détriment de ce dernier. Demandez à un jeune pourquoi il ne milite pas dans un syndicat ou un parti politique. Je doute fort qu’il vous parle de Staline.
@Descartes
Bien sûr, et « socialiste » a fini par désigner dans l’usage courant un parti qui n’a rien de socialiste depuis bien longtemps. Maintenant, les usages peuvent être discutés et remis en cause, surtout lorsqu’ils aboutissent à accuser des communistes d’être anti-communistes, non ?
(mais j’ai l’impression que chez vous, le plaisir de casser un peu de sucre sur le dos des trostkystes est difficile à résister…)
@ Ian Brossage
[Bien sûr, et « socialiste » a fini par désigner dans l’usage courant un parti qui n’a rien de socialiste depuis bien longtemps.]
Tout à fait. Et quand mon père disait que le meilleur socialiste était le socialiste mort, on savait bien qu’il ne parlait que d’un objet précis, et non de l’ensemble de ceux qui pourraient à un titre ou un autre revendiquer le titre de “socialiste”…
[Maintenant, les usages peuvent être discutés et remis en cause, surtout lorsqu’ils aboutissent à accuser des communistes d’être anti-communistes, non ? (mais j’ai l’impression que chez vous, le plaisir de casser un peu de sucre sur le dos des trostkystes est difficile à résister…)]
Si l’on veut discuter l’usage, alors il faudrait définir clairement ce que le mot “communiste” veut dire, pour ensuite décider à qui il pourrait s’appliquer. Je vous souhaite bon courage…
@Descartes,
L’année 2021 commence bien, cher camarade😊… Staline et Robespierre, pour bien démarrer😬!!!
[C’est pourquoi l’histoire de la Révolution française a été écrite par la classe sociale que la Révolution a affranchie, tandis que l’histoire de la Révolution russe est aujourd’hui écrite par la classe que la Révolution cherchait à déplacer. Imaginez ce que serait la biographie de Robespierre si elle avait été écrite par les descendants de Marie-Antoinette…]
J’imagine que vous avez déjà entendu parler de la “légende noire de Robespierre”😈?
Vous croyez sincèrement que les Emigrés auraient été plus sympathiques et compréhensifs que les Thermidoriens à l’endroit de celui qu’on surnommait “l’Incorruptible” et qu’ils ont trahi? C’en est à un tel point que l’ex-avocat d’Arras demeure à ce jour une figure honnie par la majorité des Français, ce que je trouve injuste depuis un certain temps déjà, et pour une raison très simple: sans lui, la France n’existerait plus!!! Il est le personnage tragique par excellence: le Comité de Salut Public et lui ont a fait leur devoir, et ce au prix de nombreux morts; l’ennui, c’est que les autres options à l’époque auraient été toutes autant sanglantes…
Quant à Staline, il est très difficile de passer outre le caractère autocratique et tyrannique de son régime, notamment ses purges, dont le zèle ont failli lui coûter la guerre contre l’Allemagne nazie. Elles ont littéralement décapité son état-major à la fin des années 30!!!
A tel point qu’il fut incapable de remettre au pas la Finlande en 1940, et qu’il fut fort dépourvu lorsque Hitler décida d’envahir son pays en juin 1941…
@ CVT
[J’imagine que vous avez déjà entendu parler de la “légende noire de Robespierre”😈?]
Bien entendu. Tout révolutionnaire, tout homme d’Etat digne de ce nom a une « légende noire ». Robespierre, Napoléon, Richelieu, Colbert… Difficile d’être grand sans susciter la controverse.
[Vous croyez sincèrement que les Emigrés auraient été plus sympathiques et compréhensifs que les Thermidoriens à l’endroit de celui qu’on surnommait “l’Incorruptible” et qu’ils ont trahi ?]
Non, je pense que les Emigrés auront dit bien pire. Les thermidoriens se trouvaient devant un dilemme on pouvait salir Robespierre, l’homme qui leur avait fait si peur, mais il ne fallait pas salir la Révolution qui était après tout la source de leur légitimité… et du coup, les thermidoriens ont cherché à faire oublier Robespierre plutôt qu’à le salir. Les émigrés n’avaient pas ce problème.
[C’en est à un tel point que l’ex-avocat d’Arras demeure à ce jour une figure honnie par la majorité des Français, ce que je trouve injuste depuis un certain temps déjà, et pour une raison très simple: sans lui, la France n’existerait plus!!! Il est le personnage tragique par excellence: le Comité de Salut Public et lui ont a fait leur devoir, et ce au prix de nombreux morts; l’ennui, c’est que les autres options à l’époque auraient été toutes autant sanglantes…]
Je ne suis pas persuadé que Robespierre soit une figure « honnie par la majorité des Français ». Si tel était le cas, la bourgeoisie ne se sentirait pas obligée de rappeler régulièrement combien le « tyran » était méchant.
[Quant à Staline, il est très difficile de passer outre le caractère autocratique et tyrannique de son régime, notamment ses purges, dont le zèle ont failli lui coûter la guerre contre l’Allemagne nazie. Elles ont littéralement décapité son état-major à la fin des années 30 !!!]
Le débat historique sur cette question n’est pas achevé. Certains historiens affirment au contraire que ce sont les purges dans l’armée qui ont permis la victoire, en permettant l’accès aux postes de responsabilité d’hommes jeunes dont la vision n’était pas obscurcie par l’expérience de al première guerre mondiale – comme ce fut le cas en France. On dit que les vieux militaires préparent toujours la dernière guerre, et jamais la prochaine… et l’armée française de 1940 donne une parfaite illustration.
Personne ne conteste le caractère brutal et tyrannique du gouvernement stalinien (le côté « autocratique » est, lui, beaucoup plus douteux). La question est : pouvait-on gouverner la Russie de 1930, a la sortie d’une guerre civile et avec une tradition politique d’une violence et une brutalité inouïe, autrement ?
[A tel point qu’il fut incapable de remettre au pas la Finlande en 1940,]
Là, vous réécrivez l’histoire. L’URSS a bien « remis au pas la Finlande » en 1940 : la Finlande a demandé l’armistice le 29 février 1940, et le traité de Moscou signé en mars de la même année permet à l’URSS d’annexer les territoires revendiqués, et dont le contrôle permettra deux ans plus tard de battre les Allemands au siège de Léningrad.
@Descartes
Que le communisme ne semble pas bien clairement défini, c’est ce qui m’a toujours frappé dans le discours de ceux qui se proclament « communistes ». Mais c’est leur problème et pas le mien, un peu comme le problème de définir à quoi ressemble le jugement dernier ne concerne guère que les chrétiens.
De même, ce n’est pas moi qui parle d’« anticommunisme » dans cette discussion. Ce n’est donc pas à moi qu’il faut souhaiter bon courage, mais à ceux qui utilisent le mot de communisme pour s’auto-définir ou qualifier des opposants, que ce soit vous, les adhérents PCF ou les adhérents LO.
@ Ian Brossage
[« Si l’on veut discuter l’usage, alors il faudrait définir clairement ce que le mot “communiste” veut dire, pour ensuite décider à qui il pourrait s’appliquer. Je vous souhaite bon courage… » Que le communisme ne semble pas bien clairement défini, c’est ce qui m’a toujours frappé dans le discours de ceux qui se proclament « communistes ».]
Cela vous étonne ? C’est pourtant le propre de toutes les grandes idéologies. Essayez de trouver une définition précise de ce qu’est être « chrétien ». Définir précisément, c’est exclure. Or, ces idéologies ne cherchent pas à exclure, elles cherchent à rassembler. C’est pourquoi les groupuscules ont souvent une définition beaucoup plus précise que les organisations de masse.
[De même, ce n’est pas moi qui parle d’« anticommunisme » dans cette discussion. Ce n’est donc pas à moi qu’il faut souhaiter bon courage, mais à ceux qui utilisent le mot de communisme pour s’auto-définir ou qualifier des opposants, que ce soit vous, les adhérents PCF ou les adhérents LO.]
Merci de me souhaiter bon courage, mais j’en ai pas besoin. Moi, j’ai une définition très simple, qui est celle qui correspond à l’usage consensuel : « communisme (en France) = relatif au PCF ». C’est un usage qui est compris spontanément par 99% de nos concitoyens.
@Ian Brossage
[mais à ceux qui utilisent le mot de communisme pour s’auto-définir ou qualifier des opposants, que ce soit vous, les adhérents PCF ou les adhérents LO.]
J’ai peut-être une heuristique pour aider à avoir les idées claires…
Pour ma part, je définis comme communiste une organisation ou une idéologie politique fondées sur les principes du marxisme-léninisme. Il y a plusieurs chapelles, comme dans tout courant d’idées, mais les trois plus grandes qui ont influencée le XXème siècle sont le stalinisme (qui selon moi, a préempté l’adjectif “communiste”), le maoïsme et le trotskisme, frère ennemi historique du stalinisme, et qui a toujours contesté à ce dernier le titre d’héritier direct du léninisme…
Comme vous le savez, contrairement à ses deux autres compères marxiste-léniniste, le trotskisme se distingue par l’exercice du pouvoir, ou plutôt par l’absence celui-ci: du fait de son caractère “mouvementiste” et activiste, aucun parti trotskiste n’a gouverné un pays dans le monde; ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas eu d’influence politique, bien au contraire: il faut se souvenir que les pires anti-communistes en occident (au sens “anti-staliniens” du terme) étaient très souvent issus des rangs du trotskisme, et il ne manque de haut-dignitaires politiques dans le monde ayant commencé leur carrière dans des partis ou des mouvements inspirés par l’idéologie du camarade Léon Bronstein.
En France, il faut savoir que des Jospin, Mélenchon, Dray, Plenel, Cambédélis, Dray, Ménard ou encore Cohn-Bendit ont été trotskistes (via l’une de ses boutiques LO, LCR ou Lambertiste), mais surtout ils se sont révélés être les pires contempteurs du PCF, bien plus que les politiciens de droite, comme l’hôte de ce blog pourra le confirmer (d’ailleurs, ce n’est pas vraiment un hasard si un grand nombre d’entre eux ont émargé au PS😈😬…)
@ CVT
[J’ai peut-être une heuristique pour aider à avoir les idées claires… Pour ma part, je définis comme communiste une organisation ou une idéologie politique fondées sur les principes du marxisme-léninisme.]
Là, vous vous engagez sur un terrain incroyablement glissant. D’abord, parce que votre définition dénie le caractère de « communiste » à tous ceux qui ont œuvré avant Lénine (comment peut-on être « marxiste-léniniste » au XVIIIème siècle ?). Mais surtout, parce que le « marxisme-léninisme » et ses « principes » ont été théorisés… par Staline. L’idée de « léninisme » apparaît en effet dans un livre publié par Staline en 1924, « principes du léninisme », qui deviendra un classique. Le « marxisme-léninisme » désignera alors l’idéologie officielle du courant stalinien, qui revendiquait la continuité avec Lénine – et la déniait à ses adversaires. Si vous assimilez « communisme » au courant « marxiste-léniniste », il ne vous reste alors que les staliniens et leur embranchement maoïste. D’ailleurs, depuis que le PCF a rejeté la dictature du prolétariat et le centralisme démocratique, peut-il être encore considéré comme « marxiste-léniniste » ?
[En France, il faut savoir que des Jospin, Mélenchon, Dray, Plenel, Cambédélis, Dray, Ménard ou encore Cohn-Bendit ont été trotskistes (via l’une de ses boutiques LO, LCR ou Lambertiste),]
C’est vrai pour Jospin, Mélenchon, Dray, Plenel et Cambadélis, mais pas pour Cohn-Bendit, qui vient lui du courant libertaire.
@Descartes,
[Là, vous vous engagez sur un terrain incroyablement glissant. D’abord, parce que votre définition dénie le caractère de « communiste » à tous ceux qui ont œuvré avant Lénine (comment peut-on être « marxiste-léniniste » au XVIIIème siècle ?)]
Glissons, glissons😈😬…
A vrai dire, je tenais à me restreindre au cadre du XXème siècle, car sinon il m’aurait fallu parler des diverses chapelles qui ont précédé Lénine: socialistes (marxistes ou non), libertaires, voire anarcho-communistes façon Bakounine. Franchement, reconnaissez que ça devient vite épuisant😬…
Tous ces courants d’idées visaient à des utopies de type communiste, me semble-t-il…
@ CVT
[Tous ces courants d’idées visaient à des utopies de type communiste, me semble-t-il…]
Si vous définissez comme « communistes » ceux qui adhèrent aux principes du marxisme-léninisme, vous ne pouvez certainement pas considérer comme « utopies de type communiste » celles des libertaires, des anarchistes, des proudhoniens, des socialistes « d’avant Lénine ». Qu’ont-ils de commun avec le « marxisme-léninisme » ?
“l’anticommunisme est une réalité qui a fait des milliers de morts.”
Oui, des millions en URSS.
“Demandez à un jeune pourquoi il ne milite pas dans un syndicat ou un parti politique. Je doute fort qu’il vous parle de Staline.”
Demandez lui ce qu’il pense aussi du communisme, les conséquences du stalinisme sont toujours présentes y compris avec les exemples chinois, indochinois et coréens..
@ morel
[Demandez lui ce qu’il pense aussi du communisme, les conséquences du stalinisme sont toujours présentes y compris avec les exemples chinois, indochinois et coréens…]
Les conséquences du stalinisme, ou les conséquences du battage médiatique intensif sur lui ? Demandez à un jeune s’il sait que les américains ont renversé Soekarno et mis au pouvoir Suharto au nom de “la défense du monde libre”. Un demi million de “communistes” furent exécutés ou mis dans des camps de concentration. Il vous regardera avec de gros yeux. Demandez-lui qui était Mossadegh ou Lumumba, qui a mis au pouvoir Thieu ou Somoza, et il vous regardera comme si vous veniez de Mars. Tandis que Staline… vous avez rendez-vous avec lui au moins une fois par semaine sur Arte.
Et ne vous faites pas d’illusions. Quand bien même Staline aurait été un doux agneau, la campagne serait exactement la même. Montrez moi un seul révolutionnaire dans l’histoire de l’humanité dont les adversaires n’aient pas construit une “légende noire”. Curieusement, ni Trotsky ni Mao, pourtant tout aussi meurtriers que Staline, ne suscitent un tel rejet…
@ morel
[“l’anticommunisme est une réalité qui a fait des milliers de morts.” Oui, des millions en URSS.]
Je ne suis pas intéressé par un échange qui se réduit à se jeter les assiettes à la figure. Je considère donc cet échange comme clos.
@Descartes,
Décidément, les trotskistes et vous, c’est l’amour vache😬😈…
[Quand bien même Staline aurait été un doux agneau, la campagne serait exactement la même. Montrez moi un seul révolutionnaire dans l’histoire de l’humanité dont les adversaires n’aient pas construit une “légende noire”. Curieusement, ni Trotsky ni Mao, pourtant tout aussi meurtriers que Staline, ne suscitent un tel rejet…]
Là, j’apprends quelque chose🧐: sorti de la guerre civile entre Russes Rouges et Blanc entre 1918 et 1921, j’avais toujours été persuadé que Trotsky avait eu les mains blanches, vu qu’il n’avait pas de mains😬!!! C’est le propre même du trotskisme de refuser de gouverner tout en faisant de l’idéologie, et je pensais qu’il en était de même en Russie.
Pour ma part, j’ai toujours été persuadé que si Trotsky avait succédé à Lénine en 24, il aurait été encore plus sanglant que son rival géorgien Joseph Djougachvili😱…
@ CVT
[Décidément, les trotskistes et vous, c’est l’amour vache😬😈…]
Amour ? Ou avez-vous vu de l’amour ?
[Là, j’apprends quelque chose🧐: sorti de la guerre civile entre Russes Rouges et Blanc entre 1918 et 1921, j’avais toujours été persuadé que Trotsky avait eu les mains blanches, vu qu’il n’avait pas de mains😬!!! C’est le propre même du trotskisme de refuser de gouverner tout en faisant de l’idéologie, et je pensais qu’il en était de même en Russie.]
Vous oubliez que Trotsky, avant d’être chassé, a exercé un pouvoir loin d’être négligeable dans l’URSS naissante. C’est lui qui pendant la guerre civile (1917-23) théorisera l’usage de la terreur dans son livre « terrorisme et communisme » (1920). Si l’on croit Boris Souvarine, « Trotski était persuadé que toute difficulté, toute résistance pouvaient être surmontées par ce seul mot : “fusiller !” ».
[Pour ma part, j’ai toujours été persuadé que si Trotsky avait succédé à Lénine en 24, il aurait été encore plus sanglant que son rival géorgien Joseph Djougachvili…]
Probablement, mais pendant un temps beaucoup plus court ! Parce qu’avec ses idées, l’URSS n’aurait certainement pas tenu dix ans.
Beaucoup de politiciens souhaitent se présenter,Christiane Taubira,en première dont voici un rappel non exhaustif d’une partie de so parcours.Selon les générations, Christiane Taubira n’évoque pas les mêmes souvenirs. Il y a ceux qui se rappellent de ses premiers pas à l’Assemblée nationale en 1993 lorsqu’elle a voté la confiance à l’ancien Premier ministre de l’époque, un certain Edouard Balladur. « Rien dans ce discours ne constituait un élément rédhibitoire à mon vote », s’est-elle justifiée depuis. Un an plus tard, elle faisait campagne aux côtés de Bernard Tapie pour les élections européennes, soutenue par le Parti radical de gauche (PRG).Il y a ceux qui, à gauche, l’ont détestée en 2002 lorsqu’elle a décidé de se présenter à l’élection présidentielle. Ceux-là même qui l’ont accusée d’avoir fragilisé la gauche avec ses 2,32% au premier tour, empêchant selon eux Lionel Jospin (16,18%) d’accéder au second tour et ayant rendu possible le face à face entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen – oubliant souvent que parmi les autres prétendants au Palais de l’Élysée, il y avait Jean-Pierre Chevènement (5,33%), Noël Mamère (5,25%), Robert Hue (3,91%), Arlette Laguiller (5,72%) ou encore Olivier Besancenot (4,25%).
Au vu de ces positions une candidature Taubira parait improbable sauf peut être en Guyanne comme tête de liste LREM.Pourrait elle alors se présenter à l’élection présidentielle constitutionnellement parlant?
Si Oui,ce pourrait donner des idées à Mélenchon qui en se présentant ainsi sur Paca préparerai la présidentielle. Roussel pourrait aussi faire avantageusement faire de même en haut de France , non ?
@ Luc
[Beaucoup de politiciens souhaitent se présenter, Christiane Taubira, en première dont voici un rappel non exhaustif d’une partie de son parcours.]
Taubira présente toutes les qualités pour être la candidate de la gauche « libérale-libertaire ». Ce serait une candidature « 100% sociétal », sans aucun projet social, économique ou institutionnel. Et comme Mélenchon, elle est une redoutable oratrice. Dans une gauche ou la facilité à brasser du vent est plus importante que les capacités d’organisateur ou de concepteur, il ne faut pas négliger ce point.
[Au vu de ces positions une candidature Taubira parait improbable sauf peut-être en Guyanne comme tête de liste LREM. Pourrait-elle alors se présenter à l’élection présidentielle constitutionnellement parlant ?]
Tout à fait. Tout citoyen de plus de dix huit ans jouissant de ses droits civiques peut en principe se présenter à condition de compter sur les 500 parrainages d’élus locaux. Et je pense que Taubira a quelques chances d’être la candidate d’une alliance PS-PRG à la présidentielle. Mais cela n’a aucun rapport avec une candidature régionale. Par contre, si elle entend être candidat à la présidentielle, elle aurait intérêt à se présenter aux régionales dans une région qui lui donne plus de « visibilité » : l’Ile de France, par exemple…
[Si oui, ce pourrait donner des idées à Mélenchon qui en se présentant ainsi sur Paca préparerait la présidentielle.]
Je ne sais pas quels sont les accords passés par Mélenchon avec les différents « clans » marseillais. Son absence remarquable dans la campagne municipale – alors que le fauteuil de maire de Marseille est un formidable tremplin politique – me laisse penser qu’il y a eu des négociations en coulisse, et qu’un certain nombre de « clans » socialistes lui ont fait savoir que la place était réservée à quelqu’un d’autre, et que sa candidature serait un casus belli. Je pense que c’est un peu pareil au Conseil régional. Par ailleurs, je ne pense pas que Mélenchon ait vraiment envie de se confronter à l’exercice réel du pouvoir. Parce qu’exercer le pouvoir, c’est nécessairement se salir les mains, et Mélenchon déteste ça. Gouverner Marseille ou la région PACA, ce n’est pas une sinécure…
[Roussel pourrait aussi faire avantageusement faire de même en haut de France, non ?]
Oui, s’il pense être le candidat à la présidentielle.
J’ai 62 ans et je me sens depuis toujours profondément de “gauche”. Mon grand-père était communiste, mon père était communiste mais je reste persuadé que ni l’un ni l’autre na savait réellement ce que cela voulait dire. On était communiste de père en fils et probablement que c’était plus par identification que par adhésion. Leur seule action communiste était le bulletin de vote.
Et moi ? Je le redis je me sens de gauche mais de quelle gauche ?
C’est pourquoi de lire votre texte me procure un bien être profond, ainsi que les commentaires qui suivent.
A l’approche des élections présidentielles je me sens orphelin . Certes mon grand-père et mon père sont décédés depuis longtemps mais ce n’est pas de cet orphelinat dont je parle . Je ne sais pas vers qui me tourner idéologiquement .
Par ces temps de pandémie on voit bien que le phare qui pourrait nous guider dans l’obscurité du néo libéralisme décadent et moribond n’a plus de lumière.
Aussi je suis d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il faut lire, lire, lire…..Mais combien d’ouvriers, d’employés, la classe silencieuse, peuvent le faire?
C’est là que l’éducation populaire fait défaut.
@ Khanard
[J’ai 62 ans et je me sens depuis toujours profondément de “gauche”. Mon grand-père était communiste, mon père était communiste mais je reste persuadé que ni l’un ni l’autre na savait réellement ce que cela voulait dire. On était communiste de père en fils et probablement que c’était plus par identification que par adhésion. Leur seule action communiste était le bulletin de vote.]
Lorsque vous dites que ni l’un ni l’autre « savaient réellement ce que cela voulait dire », vous partez du présupposé que cela « veut réellement dire quelque chose ». En d’autres termes, que le « communisme » est un concept univoque, ayant une signification unique.
Mais s’ils se sentaient « communistes », s’ils votaient communiste, c’est parce que le communisme « voulait dire » quelque chose pour eux. Peut-être pas la même chose que pour un philosophe communiste de Paris, pour un maire communiste de Martigues ou pour un mineur communiste du Nord. Pour les uns « communisme » voulait dire des élus et des militants qui s’occupaient des problèmes de l’ouvrier, qui cherchaient à rendre la vie moins dure et le patron moins tout-puissant. Pour d’autres, c’est un mouvement réel qui met fin à l’exploitation de l’homme par l’homme. Peut-on dire que l’un ou l’autre « ne sait pas réellement ce que communisme veut dire » ? Non : le communisme est tout ça à la fois.
[Et moi ? Je le redis je me sens de gauche mais de quelle gauche ?]
J’aimerais comprendre ce que vous entendez par « je me sens de gauche ». Cela veut dire quoi pour vous « se sentir de gauche » – ou même « être de gauche » – aujourd’hui ? Personnellement, je ne me sens pas – et je ne me suis jamais senti – « de gauche ». Il y a des choses qui font consensus des gens qui se disent « de gauche » et qui m’insupportent, et des choses qui ne sont pas moins sensées parce qu’elles sont dites par des gens qui se disent « de droite ». Il fut un temps ou la « gauche » s’identifiait au parti du travail, de la raison, du progrès ; et la droite à celui du capital, de l’obscurantisme religieux et de la réaction. En ce temps-là, cela avait un sens de se « sentir de gauche ». Mais aujourd’hui, si vous appliquez ce critère, vous allez vous retrouver avec Guaino ou le Pen « à gauche » de Mélenchon.
Pour moi, parler de « gauche » n’a plus aucun sens, si ce n’est un sens historique : la « gauche » ce sont les héritiers de ce qui faisait la gauche des années 1930, quand bien même ces héritiers auront dilapidé ou trahi leur héritage. Alors, cela ne sert plus à rien de se demander « à quelle gauche » on appartient. Regardons l’offre politique avec les yeux ouverts et sans préjugés.
[A l’approche des élections présidentielles je me sens orphelin. Certes mon grand-père et mon père sont décédés depuis longtemps mais ce n’est pas de cet orphelinat dont je parle. Je ne sais pas vers qui me tourner idéologiquement.]
Je partage votre désarroi. Idéologiquement, l’offre est indigente. Tous les partis, RN excepté, s’inscrivent plus ou moins dans le consensus « libéral-libertaire » de l’idéologie des « classes intermédiaires ». Au-delà des discours qui cherchent désespérément à se différentier, les valeurs convergent. Quant au RN, il exhibe depuis deux ans un pot-pourri idéologique qui mélange le populisme ouvriériste et le fascisme « soft ». Rien de bien alléchant.
[Aussi je suis d’accord avec vous lorsque vous dites qu’il faut lire, lire, lire… Mais combien d’ouvriers, d’employés, la classe silencieuse, peuvent le faire? C’est là que l’éducation populaire fait défaut.]
Oui. Je me dis que si l’on veut aujourd’hui faire œuvre utile, c’est dans l’éducation populaire qu’il faudrait s’investir… et c’est un peu ce que j’essaye de faire avec ce blog !
[J’aimerais comprendre ce que vous entendez par « je me sens de gauche ]
C’est bien là mon problème. Je ne m’identifie à aucun parti politique de gauche et encore moins de droite . Pourtant un possible parti me semble nécessaire.
Entre le moment ou j’ai posté mon commentaire sur ce blog et maintenant j’ai pu lire un article sur le site d’Acrimed au sujet de Gramsci . Si je peux me le permettre je vous conseille de le lire.
J’y vois un début de réponse à mon errance mais est-ce la bonne ?
Je réalise alors qu’il faudrait revenir à des fondamentaux évoqués par Jaurès , Gramsci , Albert Londres , Marx , Engels mais avec des penseurs du XXI ème Siècle.
@ Khanard
[Entre le moment ou j’ai posté mon commentaire sur ce blog et maintenant j’ai pu lire un article sur le site d’Acrimed au sujet de Gramsci . Si je peux me le permettre je vous conseille de le lire. J’y vois un début de réponse à mon errance mais est-ce la bonne ?]
Je ne suis pas sûr d’avoir lu le même. Est-ce l’entretien avec Yohann Drouet ?
Gramsci est à la mode aujourd’hui parce que c’est un des rares “pères du marxisme” qui ait fait un véritable travail sur les médias. C’est pourquoi on le met à toutes les sauces. Mais je ne vois pas très bien en quoi cela pourrait “répondre à votre errance”.
Oui il s’agit bien de cet article.
Cet article m’aide dans la mesure où je comprends que mes interrogations ont déjà été traitées (dans ce cas là par Yohann Drouet concernant les médias )?
Au delà de cet article c’est toute une radicalisation de mes jugements que j’essaie de maitriser. Et les médias dits mainstream (e n’aime pas ce mot) occupent une place importante dans cette radicalisation.
Mes réactions sont à vif quand je regarde les infos du service public (je bannis scrupuleusement les chaines d’info continues) ? Je vomis lorsque l’on nous abreuve de tant de publicités .
C’est pourquoi je m’oriente de plus en plus vers la lecture où une symbiose s’opère avec l’auteur.
Je vous remercie de me répondre et vous souhaite tout le meilleur pour cette année 2021.
Continuez votre travail sur ce blog car il m’est bénéfique.
@ Khanard
Bonjour,
[Et les médias dits mainstream (e n’aime pas ce mot) occupent une place importante dans cette radicalisation. Mes réactions sont à vif quand je regarde les infos du service public (je bannis scrupuleusement les chaines d’info continues) ? Je vomis lorsque l’on nous abreuve de tant de publicités . C’est pourquoi je m’oriente de plus en plus vers la lecture où une symbiose s’opère avec l’auteur.]
Vous, possiblement, comme moi, sommes retraités. Le temps devant la télé s’en ressent. Et, en fin d’après midi, l’avalanche d’infos, de débats souvent miteux, de combats de coqs narcissiques, de vipères lubriques, de chiens hargneux m’insupportent autant que vous.
Cependant, j’ai adopté depuis longtemps (étant votre ainé de plus de 15 ans 😉) une pratique salvatrice des méfaits de la publicité : je zappe sur des chaines type LCP, Arte, sur “coupure du son” ou j’en profite pour lire des ouvrages relatifs à ce que je constate sur les médias. Actuellement , c’est “L’archipel français” de Jérôme Fourquet et “Ci-gît l’amer ” de Cynthia Fleury. Ces documents me permettent avantageusement de mettre en relation ce que je constate à la télé et ce que des intellectuels en donnent comme explication.
Car, voyez vous, on apprend plus de ce qui nous irrite que de qui nous conforte et le spectacle télévisuel en est l’exemple, à la condition de faire l’effort d’analyse de cette matière, et de quelle manière elle se déverse sur la communauté nationale et participe largement à faire l’opinion qui s’exprimera ensuite dans les urnes.
Les gens qui lisent autre chose que des romans de gare ou autre babioles littéraires, ne sont pas nombreux et l’autoformation par ce biais est infime.
L’isolement – même avec des livres – ne me parait pas une bonne méthode pour accéder à la compréhension. L’observation du réel, bien qu’il nous heurte, y est plus propice.
Je saisi l’opportunité de ce commentaire dans le billet présent pour témoigner d’une position probablement partagée par un très grand nombre de Français.
Comme vous, mon père et mes grands parents, de condition modeste adhéraient plus ou moins à la CGT mais il était rarement question de politique dans les discussions auxquelles j’assistais.
Mon “éducation” autodidacte s’est résumée en un vague melting-pot d’anarchisme, de libéralisme, de moralisme, de communisme, sans consistance réelle.
J’étais, durablement baigné dans un débat interne et contradictoire entre l’équité, l’efficacité, la liberté. Le communisme me tentait comme d’ailleurs le désir de croire en Dieu mais une forme de pragmatisme lucide entravait ces inclinations éthiques. Et puis, il y avait cette lutte pour sortir de l’ornière sociale que ma condition originelle m’avait attribuée.
L’utopie conduisait, malgré ses aspects séduisant, à une impasse, pour la simple raison de la nature humaine avec ses turpitudes et ses grandeurs. Les exemples sur la planète confirmaient et confirment toujours, hélas, mes intuitions. Le scepticisme n’est pas une condition confortable !
La philosophie a été, pour moi, une bouée de secours depuis maintenant plus de 50 ans. Mais c’est une pratique individuelle auto-excitée.
C’est pourquoi, bien que j’adhère intellectuellement à l’essentiel des thèses souvent développées ici, je me suis cantonné aux questions qui visent le “pourquoi” individuel plutôt qu’au “quoi” collectif. C’est ainsi, par exemple que la notion d’ “archipel” me parle mieux que la notion de “classe”, même si je n’en réfute pas systématiquement le bien fondé.
J’ai le sentiment – pas le moins du monde complotiste – que l’idée de diviser pour régner est en oeuvre avec les technologies et organisations modernes et que si elles ne sont pas développées dans ce but, elles contribuent très largement à l’avenance de cet “archipelisation” des sociétés.
Je dois dire qu’à mon point de vue, cette année difficile se termine plutôt bien : enfin débarrassés de ces satanés anglais, qui faisaient systématiquement obstacle à notre beau projet européen ! Sans eux, en effet, nul doute que nous allons enfin le voir renaître ! Qu’il me soit permis, toutefois, de former des vœux pour que nous nous débarrassions également bientôt des italiens, des espagnols et des grecs qui, quant à eux, par leur absence de rigueur gestionnaire, mettent en péril l’Euro. Après quoi, je ne vous cache pas que je me débarrasserais bien volontiers, également, de tous les pays de l’ex-bloc soviétique, dont l’allégeance aux USA me semble de nature à entraver notre unité nécessaire en matière de défense. Enfin, dans un même élan enthousiaste, je me débarrasserais également des belges, des hollandais, des allemands et de tous les autres, décidément trop timides dans leur volonté de faire aboutir notre projet Européen que nous seuls, français, sommes véritablement capables de réaliser. Sur ce, bonne année, cher Descartes, ainsi qu’à tous vos lecteurs et commentateurs !
@ dsk
Je vois que vous ne perdez pas votre humour acide. Vous avez raison!
Bonne année, cher ami et camarade !
@ Gugus69
[Bonne année, cher ami et camarade!]
Pour vous aussi! Santé surtout, tout le reste s’achète…
@Khanard
[Par ces temps de pandémie on voit bien que le phare qui pourrait nous guider dans l’obscurité du néo libéralisme décadent et moribond n’a plus de lumière.]
Par ailleurs un commentateur dit que nos dirigeants ressemblent à des lapins pris dans les phares d’un énorme camion fonçant sur eux.
La désorientation en bas par l’obscurité serait donc dominée par la désorientation en haut par éblouissement et panique.
Bonne année à tous tout de même.
@ Geo
[Par ailleurs un commentateur dit que nos dirigeants ressemblent à des lapins pris dans les phares d’un énorme camion fonçant sur eux. La désorientation en bas par l’obscurité serait donc dominée par la désorientation en haut par éblouissement et panique.]
Je compte faire un papier sur le sujet, je ne vais donc pas trop déflorer le sujet… mais il faut bien comprendre qu’on a mis trente ans à organiser l’impuissance du politique. Depuis trente ans, on pilonne systématiquement les institutions, on exige partout une « transparence » qui ne sert à rien mais qui consomme des ressources en temps et en matière considérables. Depuis trente ans, on a morcelé les pouvoirs au point que tout le monde veut avoir voix au chapitre, mais sans en prendre la responsabilité. Et au moindre problème, on demande en permanence des enquêtes parlementaires ou judiciaires, on exige des coupables pendus en place publique.
Comment vous étonner dans ces conditions que chaque haut fonctionnaire hésite avant d’agir et ouvre grands les parapluies en permanence, que les experts refusent de se prononcer et évitent de trancher ? Comment s’étonner que les politiques soient tétanisés devant cette administration qui ne répond plus, ou qui répond très lentement ?
bonne année a vous :pour alimenter le débat et pour montrer l’état d ‘esprit qui habite le syndicalisme et de la goche actuel , figure maintenant dans le cursus de formation syndicale je cite ” Comment lutter syndicalement contre l ‘extrême droite “” ça interroge quand même qu’on en est arrivé la !!
@ bernard
[figure maintenant dans le cursus de formation syndicale je cite ” Comment lutter syndicalement contre l ‘extrême droite “” ça interroge quand même qu’on en est arrivé la !!]
Merci de vos vœux, et acceptez en retour les miens. Ces types de formation illustrent parfaitement ce que j’avais écrit dans la réponse à Morel: l’indépendance politique du syndicat telle qu’elle figure dans la Charte d’Amiens est une illusion. Les syndicats ne peuvent tout simplement pas s’affranchir du débat de la cité, accepter dans leurs rangs des militants qui partent d’un cadre de référence politique trop éloigné du cadre consensuel interne au syndicat.
Ceci est absolument vrai, lors q’un collègue de Mickaël Harpon (l’auteur de l’attentat au couteau de la préfecture de police) a une querelle avec lui au sujet de l’attentat contre Charlie Hebdo35, après que Harpon s’est réjoui à la suite de l’attentat en s’exclamant, ce collègue et un autre membre de la section en informent le major de la sous-direction de la sécurité intérieure (SDSI) chargé des signalements de radicalisation . Résultat : Il ne s’est rien passé.
Imagine t’on qu’un membre de la SDECE crier « vive le communisme » dans les années 50, sans être muté au fin fond de l’Ardèche manu militari au minimum.
@Ian Brossage
Anticommunisme et islamophobie sont des mots pièges.
En effet,ayant beaucoup mal utilisé les 2,voici où mes analyses m’ont mené.
Le préfixe Anti désigne des actes de violence(exple:Antisémitisme).
Toute violences non légales étant proscrites dans un état de droit,elles sont interdites donc à proscrire.
Par conséquent il faut plus parler de communismophobie concernant les idéologies qui n’apprécient
pas,c’est leurs droits ,le communisme que d’anticommunisme.
Anticommunisme est un mot trop souvent utilisé mal à propos.
Par contre Islamophobie est souvent trés bien employé.
Nous avons le droit d’être islamophobe puisqu’il s’agit d’idées.Nous utilisons ,légalement(ne ommes nous
pas dans une république libre,démocratique)notre liberté de penser et notre sensibilité,exactement comme
dans le cas de claustrophobie.
Evidemment et bienheusement l’Anti-islamisme est interdit puisque violent alors que seule la violence
légale est autorisée.
Il me semble qu’en utilisant ces règles,il est possible de s’exprimer plus clairement lors de ces débats sur ces
thèmes polémiques mais récurrents,non ?
Les échanges sont immédiatements apaisés lorsqu’on s’entendsur les termes n’est ce pas ?
@ Luc
[Le préfixe Anti désigne des actes de violence (exple:Antisémitisme).]
Ça commence mal. Le préfixe « anti » indique une opposition, mais pas nécessairement une opposition violente. Ainsi, par exemple, un antiseptique est un produit qui s’oppose à l’infection, antisocial est une personne qui rejette la société. Mais cette opposition n’a pas à être violente : une personne « antipathique » est celle qui ne suscite pas d’empathie.
[Par conséquent il faut plus parler de communismophobie concernant les idéologies qui n’apprécient
pas, c’est leurs droits, le communisme que d’anticommunisme.]
Phobos veut dire en grec « peur ». Les « communistophobes » seraient ceux qui ont peur du communisme, pas ceux qui le rejettent…
[Par contre Islamophobie est souvent très bien employé.]
Je ne suis pas d’accord. C’est un mot-valise qui sert surtout à diaboliser tous ceux qui s’opposent au radicalisme islamiste. Le mot juste serait « islamistophobe ».