Cette semaine a vu la publication du rapport commandé à RTE et sobrement intitulé « Futurs énergétiques 2050 ». Le rapport est maintenant disponible, et pour ceux qui rechigneraient à lire plusieurs centaines de pages, une synthèse fort bien faite peut être téléchargée (1). Dans ce qui suit, les références concernent cette synthèse.
Le rapport s’est attaché à étudier six scénarios pour la production d’électricité qui permettant d’atteindre la neutralité carbone. Ces scénarios vont d’un scénario dit « N03 » (50% nucléaire/50% renouvelables) à un scénario dit M0 dit « 100% renouvelable ». Il n’en faut plus pour qu’un certain nombre de nos leaders politiques en tirent des conclusions à tort et à travers. Jean-Luc Mélenchon, pour ne nommer que lui, va jusqu’à écrire que « le rapport RTE et Négawatt démontrent qu’atteindre le 100% renouvelables et la neutralité carbone en 2050 est tout à fait possible ».
Une telle conclusion est, bien entendu, absurde. Elle montre par ailleurs une grande méconnaissance de la manière dont les études sont conduites. En fait, les six scénarios sont choisis à priori, dès le démarrage des travaux. On aurait pu par exemple prendre un scénario 80% nucléaire, qui est certainement réalisable – puisqu’il est réalisé – mais que RTE n’a pas retenu puisque l’autorité politique reste fixée sur l’objectif de 50%, et que l’étude aurait pu aboutir à démontrer que le scénario 80% est finalement le plus économique… L’étude ne fait ensuite qu’établir à quelles conditions ces scénarios pourraient être réalisés.
Et quand on regarde le scénario 100% renouvelable, on se rend compte que ces conditions sont particulièrement contraignantes. Elles sont bien résumées dans le tableau qui se trouve à la page 17. A côté des colonnes listant les différentes sources de production (éolien, solaire, etc.) on trouve une mystérieuse colonne intitulée « bouquet de flexibilités en 2050 ». Cette colonne liste les moyens de production nécessaires au pilotage du réseau – notamment liés au caractère intermittent des renouvelables. Et si ces moyens sont fort limités pour les scénarios à 50% de nucléaire, pour les scénario « 100% renouvelable », elles sont particulièrement croquignolettes : « flexibilité de la demande (2) : 15 GW ; vehicule-to-grid (3) : 1,7 GW ; nouveau thermique décarbonné : 29 GW ; batteries : 28 GW ». Ces « flexibilités » sont détaillées page 37 du rapport.
Prévisible, n’est-ce pas ? Pour aboutir à « 100% renouvelable », il faut une puissance de soutien installée supérieure à la puissance de notre parc nucléaire existant, ce qui est logique puisqu’il faut pouvoir prendre en charge la totalité de la production au cas où le vent tomberait et que le ciel serait couvert. Et ce n’est pas tout : le « nouveau thermique décarbonné » (i.e. alimenté par la biomasse, le biogaz ou par des fossiles avec capture du CO2) dépend de technologies qui n’existent pas encore. Quant aux batteries, il faudrait un saut technologique majeur – dont rien ne dit qu’il soit possible – pour aboutir à de tels capacités à un prix raisonnable (4). Autrement dit, ce scénario n’est « tout à fait possible », pour reprendre la formule mélenchonienne, que si l’on suppose ces technologies disponibles.
Or, les auteurs du rapport n’y croient qu’à moitié. Ils l’écrivent dans un langage policé mais sans équivoque : « Ces quatre conditions sont les suivantes : (1) l’arrivée à maturité de solutions technologiques permettant de maintenir la stabilité du système électrique sans production conventionnelle, (2) le déploiement à grande échelle des flexibilités, (3) la maîtrise des enjeux de développement des réserves techniques, et (4) une mise à niveau des réseaux électriques nationaux. Les validations techniques à apporter pour atteindre cette cible demeurent importantes et nécessitent un effort de R&D conséquent ». (page 42). Pourquoi alors avoir inclus ce scénario ? Pour une raison très simple : si ce scénario figure dans le rapport, ce n’est pas parce que RTE y croit, mais parce que lors du lancement de l’étude le ministère chargé de l’énergie a lourdement insisté pour qu’un tel scénario figure parmi les « possibles »… Hors de question donc de l’exclure, ou de tirer la conclusion que le choisir pour référence pourrait mettre en danger l’avenir énergétique du pays. D’où le travail plus ou moins honnête fait par les experts : on met les contraintes sur la table, et à chacun de tirer ses conclusions…
Ce qui suppose, bien entendu, que le politique fasse une lecture sérieuse du rapport. On peut douter, en lisant les réactions de Mélenchon, de Jadot ou d’autres, que ce soit le cas. Mais ce n’est pas le plus déprimant. Le plus terrible dans ce rapport se trouve lorsque les auteurs écrivent que « les nouveaux réacteurs (de troisième génération), dont la construction serait décidée aujourd’hui, entreraient en service à compter de 2035 au mieux, au rythme d’une paire tous les quatre ans ». Autrement dit, on suppose qu’entre la décision de construction et la mise en service il se passera au minimum quinze ans. A titre de comparaison, il s’est écoulé sept ans entre la décision de construire Fessenheim et la mise en service du premier réacteur. Quant à la deuxième tranche du programme, elle a été décidée en 1974 et les premiers réacteurs démarrent en 1980, soit six ans plus tard. Entre 1980 et 1986, on mettra en service entre quatre et cinq réacteurs par an. En faisant la comparaison, on ne peut que pleurer sur notre recul industriel. Car s’il est incontestable que l’EPR est bien plus complexe que nos 900 ou 1300 MW, on doit aussi constater que nos moyens de calcul, nos technologies de chantier, etc. ont-elles aussi fait un saut quantique. Alors, pourquoi faut-il aujourd’hui trois lustres là où un seul suffisait hier ? Quant aux réacteurs à neutrons rapides… ils ne sont mentionnés que pour rappeler qu’on a arrêté toute recherche dans ce domaine !
Mais le rapport en question montre aussi une certaine prise de conscience. Ainsi, les auteurs écrivent que « Les projections économiques des « Futurs énergétiques 2050 » montrent qu’il est peu probable que les énergies renouvelables se financent directement par les revenus sur les marchés sans aucune forme de soutien public ou de contrat long terme de type Power Purchase Agreement (PPA). Ainsi,même si la production d’énergie solaire est très compétitive, sa rémunération attendue sur les marchés pourrait être plus faible qu’attendue en raison du phénomène de « cannibalisation » de la valeur (les prix de marché s’effondrent quand la production solaire est maximale). Il en va de même du nucléaire. Les nouveaux réacteurs sont des investissements extrêmement capitalistiques, et l’expérience de ces dernières années montre qu’ils ne pourront se développer sans soutien public fort, qu’il prenne la forme de contrats pour différence ou d’un investissement public direct. Leur pertinence économique est assurée sous réserve de bénéficier de conditions de financements cohérentes par rapport à celles des autres technologies bas-carbone » (souligné des auteurs).
On espère qu’à Bruxelles on jettera un œil sur ce rapport… mais en attendant, on est obligé de constater qu’on fait beaucoup de rapports, mais qu’on ne prend jamais la moindre décision. Le rapport de RTE évoque d’ailleurs les décisions qui devraient être prises lors de l’élaboration de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en 2023. Encore une année de perdue…
Descartes
(2) la « flexibilité de la demande » est la capacité du gestionnaire du réseau à « effacer » tel ou tel consommateur.
(3) le « véhicule-to-grid » est la capacité d’utiliser l’électricité stockée dans les batteries des voitures en cours de chargement pour supporter temporairement le réseau.
(4) pour donner une idée des ordres de grandeur, une batterie de voiture neuve peut fournir une puissance de l’ordre de 700 W pendant une heure. Pour fournir 26 GW, il faudrait donc quelque 40 millions de batteries de voiture… et si en plus il faut stocker l’énergie pendant la journée pour la rendre pendant toute la nuit… vous voyez le tableau.
Je comprends que l’on envisage des scénarios sans nucléaire, c’est la moindre des choses !
Cout de la centrale nucléaire de Flamanville : 19 milliards d’euros !!! Et la centrale ne fonctionne toujours pas
Avec 19 milliards d’euros, combien de logements aurait-on pu isoler pour s’épargner le chauffage électrique ?
https://actu.fr/normandie/flamanville_50184/nucleaire-le-cout-de-l-epr-de-flamanville-reevalue-a-19-milliards-par-la-cour-des-comptes_34854444.html
Les 170 000 tonnes de déchets radioactifs de Fukushima, les sols japonais contaminés au césium radioactif ne semblent pas concerner les derniers dinosaures nucléocrates français :
https://reporterre.net/Fukushima-nous-a-fait-entrer-dans-l-ere-du-capitalisme-apocalyptique
Si les nucléocrates ont totalement raté la construction de l’EPR, peut-on encore leur faire confiance quant à la sureté des centrales existantes ?
@ Cédric v
[Je comprends que l’on envisage des scénarios sans nucléaire, c’est la moindre des choses !]
Qu’on les étudie, c’est comme vous dites « la moindre des choses ». Qu’on formule les conclusions de manière à faire croire qu’un tel scénario est parfaitement réalisable alors que ce n’est pas le cas, c’est déjà plus discutable.
[Cout de la centrale nucléaire de Flamanville : 19 milliards d’euros !!! Et la centrale ne fonctionne toujours pas]
Curieusement, personne n’évoque le coût des deux EPR de Taishan, qui fonctionnent depuis plus d’un an et battent tous les records de disponibilité. Un accident industriel, cela arrive, et les problèmes de Flamanville illustrent plus l’état de déliquescence de notre appareil industriel que les mérites ou défauts de la filière nucléaire en tant que telle. Il est clair qu’au cours des années nous avons perdu la capacité de conduire de grands projets, que nous avons versé dans une logique de sous-traitance qui rend les contrôles de qualité de plus en plus aléatoires, que le harcèlement juridique et politique fait que les chefs de projet passent plus de temps avec les avocats qu’avec les ingénieurs. Tout cela est vrai, et nous devrions tirer les leçons qui s’imposent. Mais cela n’a rien à voir avec le nucléaire. Prenez les projets ferroviaires du « Grand Paris » : ils trainent misérablement, au point qu’on a d’ores et déjà renoncé à l’objectif de les voir en fonctionnement pour les jeux olympiques. Doit-on conclure qu’il faut renoncer aux transports en commun ?
[Avec 19 milliards d’euros, combien de logements aurait-on pu isoler pour s’épargner le chauffage électrique ?]
Je ne sais pas : avez-vous fait le calcul ? On peut essayer de faire un petit calcul de coin de table : si je crois les chiffres qui se baladent sur Internet, l’isolation thermique permet d’économiser à peu près 2 W/m2, et coûte en moyenne 100 €/m2. Pour économiser la puissance d’un EPR (1600 MW) il faudrait donc isoler 800 Mm2, ce qui a 100 €/m2 représente un coût de… 80 Md€. Comme vous le voyez, il y a de la marge.
Bien sûr, 19 milliards, c’est beaucoup. Mais il faut tenir compte aussi de l’énergie produite. Un EPR produit 1600 MW avec un taux de disponibilité supérieur à 80%, soit 11 TWh/an (un TWh c’est un milliard de kWh), soit quelque 700 TWh pour une vie utile de 60 ans. Faites la division, et cela vous donne un coût d’investissement par kWh de 2,7 centimes par kWh, ou 27 € par MWh. Bien entendu, ce calcul simple ne tient pas compte de l’actualisation (mais avec les taux d’intérêt proches de zéro, l’effet est relativement faible), et il faudrait ajouter à cette valeur les coûts d’exploitation, du combustible et des provisions pour le démantèlement, qui font grosso modo un quart du prix total pour le parc existant. Avec toutes ces réserves, on arrive à quelque 40 €/MWh, ce qui est encore très compétitif…
[Les 170 000 tonnes de déchets radioactifs de Fukushima, les sols japonais contaminés au césium radioactif ne semblent pas concerner les derniers dinosaures nucléocrates français :]
Pas plus que les tonnes de déchets contaminés et les sols de Bhopal ne semblent concerner les écologistes. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Encore une fois, les accidents industriels existent. La question est de savoir si le risque qu’on prend vaut les avantages qu’on en tire. On n’a pas renoncé à la chimie après Bhopal, on n’a pas renoncé à l’hydraulique après Malpasset, on n’a pas renoncé aux fertilisants après AZF. Au demeurant, et malgré toutes les tentatives écologistes de faire de Fukushima une apocalypse, les conséquences de l’accident sont finalement très réduites. Les mots se comptent avec les doigts de la main (car il ne faut pas mélanger les conséquences du tsunami et celles de l’accident nucléaire), les prédictions apocalyptiques (« la piscine N°4 ce sera pire que Tchernobyl ») ne se sont pas réalisées…
[Si les nucléocrates ont totalement raté la construction de l’EPR, peut-on encore leur faire confiance quant à la sureté des centrales existantes ?]
Si la réponse est « non », alors il faut les arrêter tout de suite, et on revient à la chandelle. C’est ce que vous proposez ?
@Descartes
Pourquoi dites-vous qu’ils traînent misérablement ? L’objectif de les voir en fonctionnement (en fait, seulement un ou deux tronçons de ligne) pour les JO était une pure lubie politicienne, difficile à tenir dès le départ.
@ Ian Brossage
[Pourquoi dites-vous qu’ils traînent misérablement ? L’objectif de les voir en fonctionnement (en fait, seulement un ou deux tronçons de ligne) pour les JO était une pure lubie politicienne, difficile à tenir dès le départ.]
Ni plus ni moins que les délais de construction de l’EPR de Flamanville. Ce sont les calendriers écrits dans les contrats, et j’ai du mal à imaginer les grandes entreprises comme Bouygues ou Eiffage accepter de signer des délais impossibles sur des pures “lubies politiques”.
@Descartes
Heu… Est-ce que vous avez entendu dire que les entreprises contractées sur le GPE aient à subir des pénalités de retard ? Signer des délais « impossibles » ou du moins difficiles à tenir n’est pas forcément un problème s’il y a une simple obligation de moyens. Et je doute que quand on creuse des tunnels de cette taille on s’engage financièrement sur la durée du creusement, vu tous les aléas possibles.
Je vous rappelle qu’on parle à l’heure actuelle d’un retard d’un an sur l’inauguration des premiers tronçons, retard en partie expliqué par les mesures consécutives à l’épidémie. Vu l’énormité du chantier et sa complexité, je trouve que pour l’instant il tient plutôt bien la route (beaucoup mieux que l’EPR de Flamanville).
@ Ian Brossage
[Heu… Est-ce que vous avez entendu dire que les entreprises contractées sur le GPE aient à subir des pénalités de retard ? Signer des délais « impossibles » ou du moins difficiles à tenir n’est pas forcément un problème s’il y a une simple obligation de moyens.]
Sauf dans la recherche, il est très rare que les contrats de travaux publics contiennent seulement des engagements de moyens. On trouve pratiquement toujours des calendriers et des pénalités pour non-respect de ces derniers. Bien entendu, celles-ci tombent dans le cas où le retard est du à des cas de force majeure, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, « imprévisibles, irrésistibles, extérieurs ». Un certain nombre d’aléas de creusement tombent dans cette catégorie.
[Je vous rappelle qu’on parle à l’heure actuelle d’un retard d’un an sur l’inauguration des premiers tronçons, retard en partie expliqué par les mesures consécutives à l’épidémie. Vu l’énormité du chantier et sa complexité, je trouve que pour l’instant il tient plutôt bien la route (beaucoup mieux que l’EPR de Flamanville).]
Pas tout à fait. Au départ, l’ensemble devait être livré pour les jeux olympiques. Ensuite, vu les retards à l’allumage, on s’est résigne à ne démarrer que quelques tronçons. Et maintenant on sait que même cet objectif limité ne sera pas atteint. Vous savez, trois ans avant l’inauguration « contractuelle », l’EPR tenait son calendrier… Ce n’est que quand le mur approche et que le contractant s’aperçoit que le retard est irrattrapable qu’il tire la sonnette d’alarme.
@Descartes
Voilà. Mais du coup, si aucune pénalité n’a été infligée, comment pouvez-vous prétendre que les travaux « traînent misérablement » en insinuant que ce serait la faute du tissu industriel français ?
Je ne m’en souviens pas du tout. De quel « départ » parlez-vous ? Les travaux préliminaires ont commencé vers 2018, je crois… Il était totalement irréaliste d’espérer la mise en service de 200 km de métro supplémentaires en 2024. Cela fait des années que le projet est phasé, ce qui relève du simple bon sens.
Peut-être, mais les industriels ne sont pas responsables de l’épidémie de Covid-19 ni des mesures qui ont été prises pour l’endiguer.
Et alors ? Vous êtes en train de dire que parce que l’EPR a accumulé les retards, n’importe quel projet va automatiquement accumuler des retards similaires ? Sans même apporter la moindre preuve, et alors qu’il s’agit de projets significativement différents avec des modalités d’évaluation très différentes ?
Soit vous avez des infos internes sur des retards qui n’auraient pas été communiqués publiquement mais seraient connus des intervenants, soit votre raisonnement n’a aucune base en réalité.
@ Ian Brossage
[« On trouve pratiquement toujours des calendriers et des pénalités pour non-respect de ces derniers. Bien entendu, celles-ci tombent dans le cas où le retard est du à des cas de force majeure, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, « imprévisibles, irrésistibles, extérieurs ». Un certain nombre d’aléas de creusement tombent dans cette catégorie. » Voilà. Mais du coup, si aucune pénalité n’a été infligée, comment pouvez-vous prétendre que les travaux « traînent misérablement » en insinuant que ce serait la faute du tissu industriel français ?]
Je ne sais pas si « aucune pénalité n’a été infligée », et vous non plus. Dans la meure où la date de livraison de l’ouvrage n’est pas atteinte, les pénalités n’ont probablement pas été exigées, mais rien ne vous dit qu’elles ne le seront pas. Quant au fait que les travaux traînent, les retards qui ont été annoncés n’ont pas été rattachés à un quelconque incident de creusement. Le planning avait déjà du retard AVANT que le creusement commence, dans la mise en place des installations en surface…
[Je ne m’en souviens pas du tout. De quel « départ » parlez-vous ? Les travaux préliminaires ont commencé vers 2018, je crois… Il était totalement irréaliste d’espérer la mise en service de 200 km de métro supplémentaires en 2024. Cela fait des années que le projet est phasé, ce qui relève du simple bon sens.]
Pardon. Le projet a été approuvé par le décret du 24 août 2011, « portant approbation du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris ». 13 ans pour construire 200 km de voies (dont une grande partie non enterrées) c’est déjà plus raisonnable. A titre de comparaison, la construction de la ligne 1 Porte Maillot-Porte de Vincennes a été décidée en avril 1896, la déclaration d’utilité publique signée en mars 1898, les travaux commencés en octobre 1898… et la ligne inaugurée en juillet 1900. Plus près de nous, les travaux de creusement de la ligne 14 commencent en 1993 et la ligne est inaugurée en 1998, soit cinq ans de travaux pour traverser Paris.
[« Et maintenant on sait que même cet objectif limité ne sera pas atteint. » Peut-être, mais les industriels ne sont pas responsables de l’épidémie de Covid-19 ni des mesures qui ont été prises pour l’endiguer.]
On voit mal l’effet de la pandémie sur le creusement d’un tunnel… faut arrêter la panique : si on laisse de côté les trois mois de confinement, l’industrie ne s’est jamais arrêtée, pas plus que les chantiers de travaux publics. Que cela puisse coûter quelques mois, c’est possible. Mais il ne faut pas trop pousser. Et puis, comme je vous l’ai dit, le planning n’a pas été respecté dès le départ du chantier.
[« Vous savez, trois ans avant l’inauguration « contractuelle », l’EPR tenait son calendrier… » Et alors ? Vous êtes en train de dire que parce que l’EPR a accumulé les retards, n’importe quel projet va automatiquement accumuler des retards similaires ?]
Non. Ce que je vous dis, c’est que les retards annoncés trois ans avant la date de complétion théorique de l’ouvrage sont rarement ceux qu’on retrouvera au final. Pour être plus précis, les maitres d’œuvre n’annoncent jamais les retards réels, parce qu’ils ont toujours l’espoir de pouvoir en rattraper une partie (et quelquefois ils arrivent). Il arrive donc aux dates de remise des ouvrages la même chose qu’à l’horizon : plus vous vous rapprochez, plus elles s’éloignent.
@Descartes
Par défaut, une chose dont l’existence n’est pas avérée n’existe pas…
Les travaux n’ont pas commencé en 2011, ils ont commencé en 2018. Vous ne pouvez pas attribuer aux industriels la responsabilité du processus décisionnel.
C’est suffisant pour rendre caduque une ouverture en 2024 déjà difficile à tenir.
Ce que vous avez dit avant tout, c’était que le projet « traînait misérablement ». Ce n’est pas en brandissant l’hypothèse non-prouvée de retards à venir que vous pouvez justifier cette affirmation sur l’état actuel du projet.
@ Ian Brossage
[« Je ne sais pas si « aucune pénalité n’a été infligée », et vous non plus. Dans la mesure où la date de livraison de l’ouvrage n’est pas atteinte, les pénalités n’ont probablement pas été exigées, mais rien ne vous dit qu’elles ne le seront pas. » Par défaut, une chose dont l’existence n’est pas avérée n’existe pas…]
Tout à fait. Mais quel rapport ? Mon commentaire se voulait une réponse à votre théorie « il n’y a pas de pénalités de retard, donc il n’y a pas de retard ». Les retards existent, ils ont été annoncés par les opérateurs et on peut donc considérer qu’ils sont avérés. Si les pénalités n’ont pas été exigées, c’est parce qu’elles ne sont pas encore exigibles.
[« Le projet a été approuvé par le décret du 24 août 2011, « portant approbation du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris ». 13 ans pour construire 200 km de voies (dont une grande partie non enterrées) c’est déjà plus raisonnable. » Les travaux n’ont pas commencé en 2011, ils ont commencé en 2018. Vous ne pouvez pas attribuer aux industriels la responsabilité du processus décisionnel.]
Là n’est pas la question. Si le projet a été lancé en 2011, cela laisse très largement le temps aux industriels pour faire les études et les sondages permettant de présenter des calendriers réalistes AVANT le début des travaux. Moi je veux bien qu’on compare les projets en prenant comme date de départ celle des travaux, ou bien celle de la prise de décision. Mais on ne peut pas mélanger.
[« Ce que je vous dis, c’est que les retards annoncés trois ans avant la date de complétion théorique de l’ouvrage sont rarement ceux qu’on retrouvera au final. » Ce que vous avez dit avant tout, c’était que le projet « traînait misérablement ». Ce n’est pas en brandissant l’hypothèse non-prouvée de retards à venir que vous pouvez justifier cette affirmation sur l’état actuel du projet.]
On verra dans trois ans. Mais je ne me fonde pas sur une « hypothèse », mais de ce que j’ai pu voir de la mise en place du chantier (et notamment des installations de surface) et de ce qui me remonte de l’avancée du chantier. Je ne vais bien entendu pas étaler ces détails sur mon blog.
Ah oui, encore une chose :
Où avez-vous vu qu’on parlait de voies « en grande partie non enterrées » ? C’est tout l’inverse : les portions non enterrées seront très minoritaires (un peu sur la ligne 18, un peu sur la ligne 17). La grande majorité du projet est en tunnel. La carte officielle (https://www.societedugrandparis.fr/gpe/carte#lignes) montre bien ces sections non enterrées…
Heu, soyons sérieux… Votre soi-disant « traversée de Paris » allait de la station Madeleine à la Bibliothèque François Mitterrand, soit moins de dix kilomètres de trajet. Par comparaison, la ligne 15 à elle seule fera 75 km (intégralement en tunnel).
@ Ian Brossage
[Où avez-vous vu qu’on parlait de voies « en grande partie non enterrées » ? C’est tout l’inverse : les portions non enterrées seront très minoritaires (un peu sur la ligne 18, un peu sur la ligne 17). La grande majorité du projet est en tunnel. La carte officielle (https://www.societedugrandparis.fr/gpe/carte#lignes) montre bien ces sections non enterrées…]
Je n’ai pas réussi à voir sur cette carte les sections enterrées et les autres. Mais on est d’accord. Je n’ai pas écrit qu’une partie majoritaire serait en non-enterré. J’ai dit qu’une partie loi d’être négligeable serait en tranchée ou en surface.
[« les travaux de creusement de la ligne 14 commencent en 1993 et la ligne est inaugurée en 1998, soit cinq ans de travaux pour traverser Paris. » Heu, soyons sérieux… Votre soi-disant « traversée de Paris » allait de la station Madeleine à la Bibliothèque François Mitterrand, soit moins de dix kilomètres de trajet. Par comparaison, la ligne 15 à elle seule fera 75 km (intégralement en tunnel).]
Certes. Mais si je crois la carte que vous me proposez, elle serai complètement réalisée en 2030… Par ailleurs, pour creuser 70 km on n’a pas besoin de sept fois plus de temps que pour creuser 10 km : on peut utiliser plusieurs tunneliers en même temps…
@Descartes
En zoomant, les sections à ciel ouvert sont doublées d’un liseré extérieur.
Mais qui vous dit que les industriels n’ont pas présenté des calendriers réalistes ? Simplement, à un moment, il faut bien remporter la commande, et pour cela satisfaire aux exigences du politique, même si elles sont à moitié irréalistes.
De quel mélange parlez-vous ?
Et c’est d’ailleurs ce que l’on fait. Mais même en utilisant plusieurs tunneliers en même temps, la massification crée des tensions sur différents marchés et peut poser des difficultés d’accès aux compétences. On ne peut donc pas réduire à volonté les délais simplement en alignant plus de tunneliers. Il faut d’ailleurs noter qu’il y a quelques autres projets en Île-de-France qui s’ajoutent au GPE proprement dit : RER E, extension sud de la ligne 14.
@ Ian Brossage
[Mais qui vous dit que les industriels n’ont pas présenté des calendriers réalistes ? Simplement, à un moment, il faut bien remporter la commande, et pour cela satisfaire aux exigences du politique, même si elles sont à moitié irréalistes.]
Faut savoir. Vous commencez par remettre en cause l’idée que les industriels auraient présenté des calendriers irréalistes, et vous me dites ensuite qu’il est logique qu’ils l’aient fait.
Je ne suis pas sûr que les industriels aient eu conscience d’avoir présenté des calendriers irréalistes. Je vous assure que dix fois dans ma carrière j’ai vu présenter des plannings impossibles par des gens qui étaient absolument convaincus qu’ils étaient parfaitement réalisables. Il y a là aussi un problème de compétences : on met souvent à la planification des jeunes qui n’ont guère la pratique des grands chantiers – normal, cela fait un bail qu’il n’y en a pas beaucoup – et qui souvent ne se rendent pas compte de la complexité de la réalité sur le terrain.
Au-delà du cas particulier du GPE, j’ai envie de vous demander : est-ce que vous contestez l’idée qu’il y a une perte de compétences techniques en France – notamment du fait que les grands chantiers et les activités industrielles sur lesquels la génération montante pouvait se faire les dents se sont beaucoup raréfiés – et que cette perte de compétence se ressent dans les délais et la qualité d’exécution des ouvrages ?
Pour ceux qui sont en contact avec les industries lourdes – dans mon cas, les infrastructures énergétiques – je peux vous assurer que c’est une vérité d’évidence, confortée par l’expérience quotidienne. Beaucoup de travaux se font au rabais simplement parce qu’il est impossible de trouver des gens de qualité pour les faire même en y mettant le prix.
@Descartes
Vous m’avez mal lu. Je dis que les industriels n’ont certainement pas, de leur propre chef, promis une mise en service au bout de 6 ans de travaux pour l’ensemble du projet, tellement c’était irréaliste. L’idée d’une mise en service juste pour les JO est une commande politique. Maintenant, que contiennent les contrats signés à ce sujet, je n’en sais rien.
Non, parce que je suis incapable d’évaluer cette affirmation.
@ Ian Brossage
[« Faut savoir. Vous commencez par remettre en cause l’idée que les industriels auraient présenté des calendriers irréalistes, et vous me dites ensuite qu’il est logique qu’ils l’aient fait. » Vous m’avez mal lu.]
Quand on est poli, on dit « je me suis mal fait comprendre »…
[Je dis que les industriels n’ont certainement pas, de leur propre chef, promis une mise en service au bout de 6 ans de travaux pour l’ensemble du projet, tellement c’était irréaliste. L’idée d’une mise en service juste pour les JO est une commande politique. Maintenant, que contiennent les contrats signés à ce sujet, je n’en sais rien.]
Vous savez tout de même qu’ils contenaient une promesse de démarrage pour les Jeux Olympiques. Je n’imagine pas que le politique aurait clamé urbi et orbi que ce serait le cas si les contrats disaient noir sur blanc le contraire.
@Descartes
Tiens, vous jouez les dragons de vertu maintenant ?
Vous savez, prétendre corriger les autres sur leur politesse, au milieu d’une discussion argumentée, est en soi assez malpoli. Je ne continue pas la discussion dans ces conditions.
@ Ian Brossage
[“Quand on est poli, on dit « je me suis mal fait comprendre »…” Tiens, vous jouez les dragons de vertu maintenant ?]
Non, une simple remarque humoristique devant des réponses de votre part que je trouve de plus en plus agressives.
[Vous savez, prétendre corriger les autres sur leur politesse, au milieu d’une discussion argumentée, est en soi assez malpoli. Je ne continue pas la discussion dans ces conditions.]
A votre aise. Chacun est maître de ses silences, et esclave de ses paroles…
@Ian Brossage
Malheureusement, les politiciens qui ont imposé au départ une ouverture de l’essentiel des lignes du Grand Paris pour les J.O. y croyaient dur comme fer.
Je peux vous assurer de l’authenticité, dans les grandes lignes, de ce que je vais vous raconter, sur un des tronçons qui passe à l’Est de Paris :
Lors des études de faisabilité (ou avant-projet sommaire), un “planning des travaux prévisionnels” avait été fait par l’ingénierie en charge de cette mission. Et ce planning prévisionnel, qui datait donc de bien avant le lancement des appels d’offres de travaux, finissait quelques mois après les J.O.
Plutôt que de se dire que, si dès cette étape du projet, l’ingéniérie disait que ça n’était pas possible, ils ont imposé à celle ci de trouver des moyens d’accélérer le chantier.
Le moyen qui a été trouvé a été de raccourcir la longueur des stations, en calculant que, avec les moyens modernes de signalisation, il était possible d’augmenter la cadence des trains pour pouvoir, malgré le raccourcissement des rames, toujours faire circuler le nombre de personnes prévues dans les objectifs du projet.
Autrement dit, dans le simple but de gagner 3 ou 4 mois théoriques, on a pris la décision de construire une ligne de métro dont on sait qu’elle sera à saturation dès son ouverture, et qu’il n’y aura aucune possibilité d’augmenter le trafic, que ce soit en allongeant les rames, ou en augmentant la fréquence des trains…
Et comme on pouvait s’y attendre, il y a eu des retards par la suite, si bien que personne n’imagine comme réaliste une ouverture pour les JO. Mais on aura bien la réduction de longueur des stations…
Pour mémoire, quand la ligne 14 avait été construite, ils avaient prévu des quais plus longs que les rames réellement mises en circulation, ils avaient prévu des fréquences réduites par rapport à ce qu’on a aujourd’hui, et ils avaient volontairement surdimensionné la capacité par rapport au besoin. Et le moins qu’on puisse dire est que, vu l’évolution qu’il y a eu depuis 20 ans, en termes de besoins, on est bien content qu’ils aient prévu ça dans les années 1990.
Mais voilà. Ici, nous allons avoir une infrastructure flambant neuve qui n’aura aucune possibilité d’évolution…
Tout ça pour vous dire que, non, les politiciens qui annonçaient qu’ils voulaient le métro pour les JO, y croyaient vraiment !
@ Vincent
[Malheureusement, les politiciens qui ont imposé au départ une ouverture de l’essentiel des lignes du Grand Paris pour les J.O. y croyaient dur comme fer. Je peux vous assurer de l’authenticité, dans les grandes lignes, de ce que je vais vous raconter, sur un des tronçons qui passe à l’Est de Paris :
Lors des études de faisabilité (ou avant-projet sommaire), un “planning des travaux prévisionnels” avait été fait par l’ingénierie en charge de cette mission. Et ce planning prévisionnel, qui datait donc de bien avant le lancement des appels d’offres de travaux, finissait quelques mois après les J.O.
Plutôt que de se dire que, si dès cette étape du projet, l’ingénierie disait que ça n’était pas possible, ils ont imposé à celle-ci de trouver des moyens d’accélérer le chantier.]
Jusque-là, rien que de plus normal. C’est le politique qui fixe les objectifs, ce sont les ingénieurs et autres experts qui doivent trouver les moyens de le réaliser. Quand mongénéral a dit qu’il voulait sa bombe pour 1960 (et non pour 1961, 62 ou 63) beaucoup on dit que c’était infaisable. Quand le programme nucléaire a été accéléré après le choc pétrolier, beaucoup ont crié casse-cou. Le politique aurait du écouter les techniciens et rabattre sur ses exigences ? Ou n’est ce plutôt aux techniciens de sortir de leur zone de confort pour trouver des solutions pour tenir l’exigence ?
J’aurais tendance à dire un peu des deux. Le politique doit savoir distinguer dans le refus ce qui relève de la paresse intellectuelle et ce qui relève d’une véritable impossibilité. Le technicien, de son côté, doit être capable de s’engager sur l’objectif même lorsque celui-ci lui paraît trop ambitieux.
[Et comme on pouvait s’y attendre, il y a eu des retards par la suite, si bien que personne n’imagine comme réaliste une ouverture pour les JO. Mais on aura bien la réduction de longueur des stations…]
Je ne vois pas pourquoi « il fallait s’y attendre ». Quant à la réduction de la longueur, c’est un choix politique. J’ai l’impression que vous préféreriez une technocratie plutôt qu’une démocratie… est-ce que je fais erreur ?
[Mais voilà. Ici, nous allons avoir une infrastructure flambant neuve qui n’aura aucune possibilité d’évolution…]
Meuh non… on creusera ensuite s’il le faut pour rallonger les stations. Ce sera plus long et plus cher que faire bien dès le départ, mais ce n’est pas impossible. Mais là encore, la question de peser les différentes contraintes (intérêt politique à avoir un réseau fonctionnel pour les JO versus intérêt d’avoir une infrastructure évolutive) est une question à décider par les élus du peuple, et non par les techniciens.
[on creusera ensuite s’il le faut pour rallonger les stations. Ce sera plus long et plus cher que faire bien dès le départ, mais ce n’est pas impossible.]
Mais ça nécessitera une ou deux années de coupure de circulation. Autrement dit quasiment infaisable en pratique…
@ Vincent
[Mais ça nécessitera une ou deux années de coupure de circulation. Autrement dit quasiment infaisable en pratique…]
Pas nécessairement. Ce type de travaux ont déjà été effectués sur certaines lignes existantes. Ainsi, en 1972 on décide de passer les trains de la ligne 1 de cinq à six voitures, et de rallonger les quais en conséquence. C’est pourquoi certaines stations de la ligne 1 ont des “cryptes” en bout de quai, c’est à dire des sections qui ont été creusées à posteriori et qui sont soutenues par des colonnes. Ces travaux n’ont pas nécessité l’arrêt de la ligne.
@Vincent
De quelle ligne parlez-vous ? Pour info, les quais de la ligne 15 feront 105 m de long, ce qui est plus que les lignes historiques (sauf la ligne 14), et le matériel sera à grand gabarit (au contraire des lignes historiques, y compris la ligne 14).
Les 19 milliards de l’EPR de Flamanville ne sont pas grand chose par rapport au 120 Milliards engagés pour les ENR électriques en France avec un effet négatif sur nos émissions de gaz à effet de serre. La base officielle ADEME donne des chiffres clairs et connus mais rarement cités… Un KWh nucléaire émet 6g de carbone, un KWh éolien 15g et un KWh photovoltaïque émet 55g, valeur réduite dans les dernières études à 43g… Sans compter que, comme le montre ce rapport RTE, il faut compléter ces ENR par du “thermique décarboné”, or en fait, pour l’instant, il s’agit de thermique tout court, du gaz… Le plus grand lobby antinucléaire est évidemment le lobby gazier.
Bref, ces 120 Milliards engagés sont perdus pour le climat alors qu’ils auraient permis de développer massivement les transports en commun (passagers et frêt) et notamment sortir nos agglomérations de la domination de la voiture… Ce qui aurait eu un effet très bénéfique sur nos émissions…
L’idéologie verte dominante cache derrière la frénésie antinucléaire un renoncement dramatique pour le climat.
Je reste optimiste, ami et camarade !
Après tout, avant d’être élu président, François Hollande annonçait son intention de faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% à l’horizon 2025.
2025… c’est demain. Les rêves anti-nucléaires se sont écrasés sur le mur des réalités. Et ils auront fermé Fessenheim presque pour sauver la face ! Par dogmatisme pur. Car il n’y avait aucune raison objective de sacrifier cet outil industriel (qu’on pourrait d’ailleurs peut-être redémarrer).
Ce rapport, finalement, nous amène à 2050 en disant, sans le dire, que le nucléaire restera le pilier de la production électrique française. Parce qu’au fond, il n’y a pas d’alternative crédible. Et parce que les Chinois, les Russes, les Américains ne nous attendrons pas. Le savoir-faire que nous perdons malheureusement depuis 30 ans… ils nous le vendront à prix d’or.
Alors autant se battre aujourd’hui pour retrouver notre dynamisme industriel.
Et ça passe par le combat politique résolu contre les Jadot, Mélenchon, Pompili, Rivasi, etc.
De ce point de vue, votre blog est un atout sérieux. On pourra aussi avec intérêt visiter les sites internet de “Sauvons le Climat” ou de la SFEN.
@ Gugus69
[Je reste optimiste, ami et camarade ! Après tout, avant d’être élu président, François Hollande annonçait son intention de faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% à l’horizon 2025.]
Moi, au contraire, je suis très pessimiste. Non parce que je crains les décisions de nos dirigeants, qui se fracasseront effectivement sur le mur des réalités. Mais parce que je crains leur indécision : si l’on ne prend pas des mesures rapidement, le parc nucléaire s’éteindra doucement et nous n’aurons pas les capacités, même s’il y avait la volonté politique, de le remplacer.
[Car il n’y avait aucune raison objective de sacrifier cet outil industriel (qu’on pourrait d’ailleurs peut-être redémarrer).]
Non, on ne pourrait pas. Parce qu’anticipant la fermeture, EDF n’a pas fait une maintenance qui permettrait à l’installation de continuer à fonctionner vingt ans. Si vous vouliez la redémarrer, il faudrait faire des travaux considérables de remise en état.
[Ce rapport, finalement, nous amène à 2050 en disant, sans le dire, que le nucléaire restera le pilier de la production électrique française. Parce qu’au fond, il n’y a pas d’alternative crédible. Et parce que les Chinois, les Russes, les Américains ne nous attendrons pas. Le savoir-faire que nous perdons malheureusement depuis 30 ans… ils nous le vendront à prix d’or.]
Bien sûr qu’il y une alternative. Le charbon, vous savez, ce n’est pas cher…
Et alors ?
Même s’il y en avait pour 2 ans de travaux et que ça coûtait 3 milliards, ça en vaudrait la peine, non ?
@ Vincent
[Et alors ? Même s’il y en avait pour 2 ans de travaux et que ça coûtait 3 milliards, ça en vaudrait la peine, non ?]
Rien que pour avoir les autorisations il faudrait plus de deux ans, et cela sans compter tous les contentieux, y compris appel et cassation.
Comme vous l’expliquez dans une autre réponse, avec un peu de volonté politique, on devrait pouvoir passer au travers…
et quand bien même, s’il fallait attendre 4 ou 5 ans, pour disposer pour au moins 20 ans de plus de 2 réacteurs nucléaire, c’est toujours beaucoup moins cher et beaucoup plus rapide que la construction d’une capacité similaire à partir de réacteurs neufs…
@ Vincent
[Comme vous l’expliquez dans une autre réponse, avec un peu de volonté politique, on devrait pouvoir passer au travers…
et quand bien même, s’il fallait attendre 4 ou 5 ans, pour disposer pour au moins 20 ans de plus de 2 réacteurs nucléaire, c’est toujours beaucoup moins cher et beaucoup plus rapide que la construction d’une capacité similaire à partir de réacteurs neufs…]
Je suis convaincu que si on avait le genre de volonté politique requise pour redémarrer Fessenheim, on pourrait en quatre ou cinq ans disposer de réacteurs neufs, et ce serait une bien meilleure affaire de consacrer les efforts techniques et humains à reconstruire un parc plutôt qu’à repêcher une installation qu’on a laissé tomber dans l’obsolescence.
Non, on ne pourrait pas. Parce qu’anticipant la fermeture, EDF n’a pas fait une maintenance qui permettrait à l’installation de continuer à fonctionner vingt ans. Si vous vouliez la redémarrer, il faudrait faire des travaux considérables de remise en état.
Je suis d’accord ! qu’on fasse les travaux ! Rien que pour emmerder “Sortir du nucléaire” ! Je donne 100 balles pour que Fessenheim redémarre… Ce sera plus rentable de toute façon que les avions renifleurs…
Bien sûr qu’il y une alternative. Le charbon, vous savez, ce n’est pas cher…
Je vous rappelle que le rapport commandé présuppose la perspective d’une énergie décarbonée compatible avec les objectifs annoncés de la COP…
Donc non : il n’y a pas d’alternative. Le charbon “pas cher” n’est pas “zéro carbone”…
@ Gugus69
[Je vous rappelle que le rapport commandé présuppose la perspective d’une énergie décarbonée compatible avec les objectifs annoncés de la COP… Donc non : il n’y a pas d’alternative. Le charbon “pas cher” n’est pas “zéro carbone”…]
Bien sur que si. Il suffit d’écrire dans votre rapport qu’en 2050 vous aurez à votre disposition les technologies de capture du CO2. Si on peut examiner un scénario 100% renouvelable grâce à des batteries qui n’existent pas encore ou une filière hydrogène à bâtir, pourquoi ne peut on parier sur le charbon et la capture de CO2 ?
Je pense que vous ne maitrisez pas encore tout à fait l’art d’écrire des rapports…
Je pense que vous ne maitrisez pas encore tout à fait l’art d’écrire des rapports…
C’est vrai, vous avez raison.
Pourtant, j’ai écrit autrefois des rapports de réunion de cellule dont les conclusions éclairantes montraient à l’évidence que le socialisme était pour bientôt…
Oui notre savoir faire nucléaire s’est perdu avec les ingénieurs nucléaires qui sont partis en retraite sans avoir transmis leur savoir. Puisque nous avons cessé de construire une nouvelle centrale de temps en temps…J’habite la Touraine, en Val de Loire, pays des jardins, des châteaux et des …centrales nucléaires. Dans ma commune, je connais 3 anciens ingénieurs (âgés comme moi : 75-85 ans) qui ont participé à la construction de Chinon1 et Chinon2. Ceux sont eux qui me l’ont dit.
Autre savoir faire qui s’est perdu : la soudure à l’argon. Les soudeurs spécialisés sont aussi partis en retraite. Après avoir souder minutieusement, car il faut qu’il y ait 0 fuite, pendant des années non seulement les cuves des réacteurs, mais aussi les cuves des raffineries ! Or, des raffineries, la France n’en fabrique plus depuis plus de 30 ans. Donc, le métier s’est perdu. Allez trouver un soudeur à l’argon valable aujourd’hui !!! Cherchez chez Pôle Emploi. Voyez ce qu’ils vont vous répondre.
Le gouvernement polonais a compris tout cela. C’est la raison pour laquelle il a commandé chez les américains. CQFD.
@ Stash KostKa
[Oui notre savoir-faire nucléaire s’est perdu avec les ingénieurs nucléaires qui sont partis en retraite sans avoir transmis leur savoir. Puisque nous avons cessé de construire une nouvelle centrale de temps en temps…]
Oui, et il n’y a pas que les centrales. On a vu en même temps l’ensemble de notre appareil industriel s’étioler. Pas de nouveaux chantiers, et une maintenance confiée de plus en plus à des sous-traitants pratiquant le prix le plus bas à grand renforts de « détachés » des pays de l’Est. Les vieux sont partis à la retraite, et les jeunes ne sont pas venus vers l’industrie, puisque c’était – leur disait-on – un secteur sans avenir dans notre beau pays. C’est pourquoi le transfert de connaissances ne s’est pas fait.
[Le gouvernement polonais a compris tout cela. C’est la raison pour laquelle il a commandé chez les américains. CQFD.]
Sauf que, chez les Américains, ce n’est pas beaucoup mieux…
Doit-on comprendre alors que le choix polonais serait un choix “politique” ? Si oui, alors ils ne sont pas mieux vernis que nous !!!
@Descartes
Il est réalisé aujourd’hui parce que la France avait une industrie en ordre de bataille à l’époque de la construction des réacteurs, ce qui semble être moins le cas aujourd’hui, n’est-ce pas ? Et si j’ai bien compris, le scénario « N03 » est déjà considéré comme ambitieux au regard de l’état actuel de l’industrie française et de la filière nucléaire.
Non seulement, mais il faudrait qu’elles restent connectées au réseau pendant tout le temps nécessaire. Cela suppose un certain civisme de la part des usagers de voitures électriques, à moins qu’on décide de les rémunérer pour ce service.
Vous n’exagérez pas un peu avec ce « saut quantique » ? Si on veut faire abstraction du contexte règlementaire et industriel français, on peut constater que l’EPR de Taishan a mis 9 ans entre le début de sa construction et sa mise en service.
@ Ian Brossage
[Il est réalisé aujourd’hui parce que la France avait une industrie en ordre de bataille à l’époque de la construction des réacteurs, ce qui semble être moins le cas aujourd’hui, n’est-ce pas ? Et si j’ai bien compris, le scénario « N03 » est déjà considéré comme ambitieux au regard de l’état actuel de l’industrie française et de la filière nucléaire.]
Tout à fait. Mais s’il y avait la volonté politique, on pourrait certainement mettre en place une industrie en ordre de bataille, non ? On n’est pas plus idiots que nos illustres ancêtres, n’est-ce pas ? Laissez-moi rêver…
Je lisais il n’y a pas si longtemps dans un journal du soir un reportage sur un commissariat de police à Lens. Dans le reportage, un policier blanchi sous le harnois se désolait de l’époque de « la vraie police, quand on bossait sans compter les heures mais sans cette obsession des chefs pour les chiffres ». Et vous retrouvez cette même nostalgie dans les services hospitaliers, à EDF, bref, dans tous les services publics. Une nostalgie pour ce temps ou le travail avait un sens, et que ce sens primait la mesquinerie individualiste du « comptage des heures ». De toutes les pertes, de tous les délitements sociaux, c’est celui-là qui me fait le plus mal.
[« Car s’il est incontestable que l’EPR est bien plus complexe que nos 900 ou 1300 MW, on doit aussi constater que nos moyens de calcul, nos technologies de chantier, etc. ont-elles aussi fait un saut quantique ». Vous n’exagérez pas un peu avec ce « saut quantique » ? Si on veut faire abstraction du contexte règlementaire et industriel français, on peut constater que l’EPR de Taishan a mis 9 ans entre le début de sa construction et sa mise en service.]
Pas du tout. Il y a bien un « saut quantique » dans la puissance des instruments de calcul et de prévision. Pour vous donner un exemple : lorsque j’ai débuté comme ingénieur dans une grande installation très complexe, il y avait un service qui maintenait une maquette de l’installation parfaite dans les moindres détails. Elle servait à vérifier que lorsque l’installation d’un nouveau module était proposée, celui-ci pouvait être acheminé sur son lieu d’installation sans collision avec d’autres objets, que les instruments de levage pour le manipuler étaient présents et accessibles, etc. Vous n’imaginez pas ce que cela prenait comme travail de maquetter tout ça et de faire un essai de colisage. Aujourd’hui, tout cela est fait par un logiciel qui non seulement conserve une image parfaite de l’installation, mais vous trouve la route optimale pour amener votre objet à sa place définitive. Avant, un essai prenait des jours, aujourd’hui il prend quelques minutes.
Même chose pour les cuves de réacteur. Avant, on calculait suivant des règles empiriques et on prenait des marges absolument monstrueuses. Aujourd’hui, avec les éléments finis qui tournent sur n’importe quelle station de travail, on peut affiner le calcul et prendre les bonnes marges.
Après, vous savez ce que je pense de l’EPR : la volonté de faire un réacteur « européen » a conduit à reprendre les doctrines de sûreté françaises et à leur additionner les doctrines allemandes. Du coup, on a fabriqué un objet excessivement complexe, avec l’espoir de pouvoir le construire en Allemagne aussi bien qu’en France. Aujourd’hui, EDF travaille d’arrache-pied pour produire une version « francisée » et donc simplifiée de l’objet, qu’on puisse construire dans des délais raisonnables. Et il faudrait aussi “simplifier” l’ASN, mais ça, c’est une autre histoire…
@Descartes
La question est de remettre en place cette industrie dans un délail compatible avec le renouvellement du parc actuel, c’est-à-dire avec un début de construction dans les quelques années qui viennent.
Oui, mais il n’empêche que l’EPR de Taishan a bien mis 9 ans à être construit… Au-delà de la question des calculs et des simulations, il y a aussi la production matérielle.
Il y a aussi l’augmentation des exigences de sûreté (notamment post-Fukushima), non ?
@ Ian Brossage
[« Tout à fait. Mais s’il y avait la volonté politique, on pourrait certainement mettre en place une industrie en ordre de bataille, non ? On n’est pas plus idiots que nos illustres ancêtres, n’est-ce pas ? Laissez-moi rêver… » La question est de remettre en place cette industrie dans un délai compatible avec le renouvellement du parc actuel, c’est-à-dire avec un début de construction dans les quelques années qui viennent.]
J’aime à croire que « impossible n’est pas français ». Tout est une question de volonté et de moyens. En 1945, avec un pays à moitié détruit, il a fallu trois mois de réflexion pour créer le CEA, et un an plus tard l’organisme fait diverger la première pile nucléaire française. En un an on a fait en sorte de disposer d’uranium raffiné, d’eau lourde, de concevoir et de construire cette pile atomique.
[« Pas du tout. Il y a bien un « saut quantique » dans la puissance des instruments de calcul et de prévision ». Oui, mais il n’empêche que l’EPR de Taishan a bien mis 9 ans à être construit… Au-delà de la question des calculs et des simulations, il y a aussi la production matérielle.]
Certes. Mais le « saut quantique » existe aussi sur les chantiers. Ce n’est pas la même chose d’ordonnancer un chantier sur plan ou sur maquette, et de le faire avec un logiciel de colisage. Ce n’est pas la même chose de suivre la qualité du béton avec le cône d’Abrams que de le faire avec des sondes qui vous donnent les caractéristiques exactes en quelques secondes. Ce n’est pas la même chose de vérifier les positions avec un théodolite automatique qu’avec des instruments manuels.
[Il y a aussi l’augmentation des exigences de sûreté (notamment post-Fukushima), non ?]
Oui, mais pas forcément dans le sens de la complexité. Ainsi, par exemple, une des leçons tirées de l’accident de Fukushima est l’abandon de la doctrine de « l’installation forteresse », capable de faire face par elle-même à n’importe quel événement, au profit d’une vision dynamique ou des moyens existent en dehors des installations – et sont donc protégées des agressions extérieures – qui peuvent être rapidement transportés et raccordés pour prêter secours à une installation en danger. Au lieu de mettre une pompe de refroidissement supplémentaire sur site – qui pourrait être endommagée en cas de tsunami ou de tremblement de terre – vous avez une pompe dans un entrepôt central, un hélicoptère pour la transporter, et vous prévoyez un piquage pour sur l’installation pour pouvoir la connecter. Ce n’est pas beaucoup plus cher, et cela ne complique pas l’installation, au contraire !
Et je dois dire que je suis très fier de ce changement de doctrine… parce que c’est un peu mon invention!
[Ce n’est pas la même chose de suivre la qualité du béton avec le cône d’Abrams que de le faire avec des sondes qui vous donnent les caractéristiques exactes en quelques secondes.]
Je ne sais pas d’où vous tenez cet exemple, mais je pense qu’il est mal choisi. Avez vous une référence là dessus ? A ma connaissance le cône d’Abrams est toujours la référence pour le contrôle de la consistance des bétons conventionnels.
@ Vincent
[Je ne sais pas d’où vous tenez cet exemple, mais je pense qu’il est mal choisi. Avez vous une référence là dessus ? A ma connaissance le cône d’Abrams est toujours la référence pour le contrôle de la consistance des bétons conventionnels.]
Conventionnels, certainement. Pas la peine d’investir dans des équipements coûteux quand on construit un pavillon. Mais pour les bétons spéciaux (centrales nucléaires, grands ouvrages d’art) on utilise des techniques de diagnostic plus sophistiquées.
Quand je parlais de “bétons conventionnels”, c’était par opposition au “béton compacté au rouleau”, et les bétons des centrales nucléaires sont donc également visés.
A ma connaissance, pour vérifier la consistance du béton avant mise en œuvre pour les bétons conventionnels, on a pas trouvé mieux que l’essai d’affaissement au cône d’Abrams (bétons vibrés), ou l’essai d’étalement au cône d’Abrams (bétons autoplaçants).
Quand vous parlez de diagnostic, mais on parle de diagnostic quand il y a un ouvrage existant qui présente des pathologies, ou dont on veut expertiser le comportement.
Et dans ce domaine, il est vrai qu’il y a eu des progrès importants, sur les essais sur bétons durcis.
@ Vincent
[Quand je parlais de “bétons conventionnels”, c’était par opposition au “béton compacté au rouleau”, et les bétons des centrales nucléaires sont donc également visés.]
Dans ce cas, je dois vous détromper: si le cône d’Abrams est encore utilisé, il est complété par d’autres instruments de “diagnostic” (utilisé ici comme synonyme de “équipement de mesure”, un abus de langage courant dans le nucléaire.)
@Descartes
Certes… et, pour contrebalancer votre exemple, quand 20 ans plus tard on a fini par décider de construire un parc électronucléaire, on a abandonné la filière technologique qu’on avait passé beaucoup de temps à tenter de mettre au point (les réacteurs UNGG) pour acheter à la place une licence américaine.
En d’autres termes, je trouve que votre argument est tout de même un peu trop proche de la position mélenchonienne (« on a des ingénieurs de qualité, il suffit de les mettre à bosser et on parviendra au résultat fixé par le politique »).
@ Ian Brossage
[Certes… et, pour contrebalancer votre exemple, quand 20 ans plus tard on a fini par décider de construire un parc électronucléaire, on a abandonné la filière technologique qu’on avait passé beaucoup de temps à tenter de mettre au point (les réacteurs UNGG) pour acheter à la place une licence américaine.]
Oui. Mais je ne vois pas en quoi cet exemple « contrebalancerait » le mien. La filière UNGG se justifiait d’abord parce qu’elle permettait de fabriquer rapidement du plutonium de qualité militaire, ce qui était indispensable pour la poursuite de la politique de dissuasion. S’ils ont été abandonnés – et vous noterez qu’ils l’ont été pratiquement partout – ce n’est pas parce que nos ingénieurs n’ont pas réussi à les faire fonctionner proprement, mais parce que les limitations inhérentes à la filière les rendaient moins économiques – et surtout moins sûrs – que les réacteurs à eau pressurisée. Après, le choix d’acheter la licence américaine et la « franciser » plutôt que de réinventer la roue s’est montré particulièrement intelligent, dusse notre fierté nationale en souffrir…
[En d’autres termes, je trouve que votre argument est tout de même un peu trop proche de la position mélenchonienne (« on a des ingénieurs de qualité, il suffit de les mettre à bosser et on parviendra au résultat fixé par le politique »).]
J’ai trop de fois entendu l’argument « c’est impossible » pour couvrir l’absence de volonté de faire pour me méfier des choses qu’on dit « impossibles ». De ce point de vue, je rejoins la position de l’Empereur : même si on sait bien qu’il y a des choses véritablement « impossibles », c’est un argument qu’il ne faut pas accepter à priori. Et ce n’est pas tout à fait ce que dit Mélenchon. Car si méluche pensait qu’il suffit de mettre les ingénieurs à travailler pour aboutir au résultat fixé par le politique, il ne serait pas nécessaire de sortir du nucléaire : il suffirait de leur fixer comme objectif de rendre le nucléaire sûr, et le tour est joué. Non, Mélenchon ne dit pas que la volonté permet de tout faire, mais qu’avec de la volonté on peut faire ce qu’il voudrait faire. Ce n’est pas la même chose.
J’ai les mêmes échos sur l’ASN :les procédures y auraient remplacé l’expertise.
Mais auriez-vous des solutions à proposer pour remédier à ces dérives ?
@ Vincent
[J’ai les mêmes échos sur l’ASN :les procédures y auraient remplacé l’expertise. Mais auriez-vous des solutions à proposer pour remédier à ces dérives ?]
Oui: en finir avec “l’indépendance”. Oui, je sais, c’est radical. Mais le problème de l’indépendance, c’est qu’elle empêche la circulation des compétences. Dans l’état actuel des choses, comment l’ASN pourrait recruter des anciens exploitants d’installations nucléaires ? On crierait au conflit d’intérêt. L’ASN recrute donc des “ingénieurs de bureau”, qui ont certainement une grande compétence théorique, mais qui n’ont jamais été sur le terrain, ne se sont jamais coltinés aux réalités industrielles.
Par ailleurs, l’indépendance implique que l’ASN joue naturellement le rôle de “monsieur plus”. Chaque fois qu’elle durcit la réglementation, l’ASN se protège mais transfère le coût de cette protection aux exploitants. L’ASN a donc tout intérêt à demander ceinture ET bretelles ET doubler la ceinture ET doubler les bretelles ET… Car si elle ne les demande pas, on pourrait lui reprocher, alors que si elle les demande cela ne lui coûte rien. Le système tel qu’il fonctionne n’a aucune corde de rappel: il y a un acteur qui a intérêt à demander toujours plus, des exploitants qui pour des raisons politiques et médiatiques ne peuvent résister à ces demandes – vous imaginez EDF trainant l’autorité “indépendante” devant le juge administratif ? – et un gouvernement qui n’est que spectateur. Un tel système ne peut aboutir qu’à la strangulation de la filière par des exigences toujours plus fortes.
Autrefois, quand l’ASN était une direction du ministère de l’Industrie (la DSIN puis la DGSNR) le ministre tranchait entre les promoteurs de l’énergie nucléaire et l’autorité de sûreté, en fonction du risque qu’il jugeait “acceptable” – jugement qui relève par essence du politique. Aujourd’hui, le politique s’est lavé les mains, et il n’y a plus aucun ressort de rappel.
” le ministre tranchait entre les promoteurs de l’énergie nucléaire et l’autorité de sûreté, en fonction du risque qu’il jugeait “acceptable””
A l epoque un ministre ne craignait pas de se retrouver trainé en justice.
Apres il y a l electoralisme (le nucleaire ca fait pas gagner de voix mais en perdre) et le fait que quasiment aucn de no sministres n a une formation scientifique
autrement dit, un ministre actuel aurait aussi choisit ceinture et bretelle (sauf corruption, mais dans ce cas le constructeur aurait carrement interet a faire de la merde puisqu il est sur que ca va passer)
@ cdg
[« le ministre tranchait entre les promoteurs de l’énergie nucléaire et l’autorité de sûreté, en fonction du risque qu’il jugeait “acceptable” » A l’époque un ministre ne craignait pas de se retrouver trainé en justice.]
Vous voulez dire qu’il n’y avait pas de possibilité de le traduire devant le juge, ou bien que c’était des caractères d’une trempe à ne pas craindre le l’être ?
[Après il y a l’électoralisme (le nucléaire ça ne fait pas gagner de voix mais en perdre) et le fait que quasiment aucun de nos ministres n’a une formation scientifique]
Je ne suis pas si persuadé que ça que le nucléaire fasse perdre plus de voix qu’il n’en fait gagner. Je pense surtout que le monde politique aujourd’hui évite les responsabilités comme la peste. Nos politiques ne veulent en fait pas le pouvoir, ils veulent les attributs du pouvoir. Ils sont parfaitement contents de laisser les décisions importantes – et donc dangereuses – à quelqu’un d’autre. S’ils ont consenti aussi facilement à transférer leurs pouvoirs à Bruxelles, aux autorités administratives indépendantes, aux collectivités locales, c’est en grande partie pour cette raison. Arbitrer entre la direction générale chargée de la sûreté nucléaire et la direction générale chargée de l’énergie, c’est nécessairement prendre un risque. Mieux vaut laisser cela à une « autorité administrative indépendante »…
Quant à la formation scientifique, vous avez tout à fait raison : les ministres ayant une culture scientifique se font rares, et lorsqu’on en trouve ils sont rarement à la tête de ministères ou cette technicité est un plus. Sur les onze ministres qui se sont succédés à la tête du ministère en charge de l’énergie depuis 2007, deux seulement (Elisabeth Borne et Natalie Kosciuzko-Morizet) avaient une formation scientifique.
[Avant, on calculait suivant des règles empiriques et on prenait des marges absolument monstrueuses. Aujourd’hui, avec les éléments finis qui tournent sur n’importe quelle station de travail, on peut affiner le calcul et prendre les bonnes marges.]
Mais d’un autre côté, au fur et à mesure que la capacité de calcul augmente, on demande toujours plus de cas de charges, toujours plus de situation limites à étudier. Si bien que quand on discute avec des anciens, qui avaient participés aux premières générations de réacteurs, et qui voient comment on travaille sur les nouvelles, ça n’est plus le même métier : il y avait peu de modèles hyper simples, avec un nombre de cas de charges limités. Et aujourd’hui, il y a des exigences considérablement plus importantes.
A croire que la croissance des exigences de justification suit la croissance des capacités de calcul.
J’ai les mêmes informations…
@ Vincent
[Et aujourd’hui, il y a des exigences considérablement plus importantes. A croire que la croissance des exigences de justification suit la croissance des capacités de calcul.]
Vous avez raison au niveau du travail de conception: les nouveaux moyens de calcul n’ont pas allégé le travail, tout simplement parce que l’efficacité des moyens a été compensée par l’accroissement des exigences. Mais du point de la fabrication, le gain est considérable. On peut se permettre d’ajuster les parois de votre cuve au plus juste, et donc d’éviter des surmarges inutiles…
Comme je crois comprendre que vous travaillez dans la sûreté nucléaire cela m’intéresserait d’avoir votre point de vue sur les systèmes de sûreté passifs. Savez-vous pourquoi nous n’avons pas choisi de développer davantage ces technologies pour l’EPR, par rapport aux américains ? Sachant que par ailleurs, comme vous dites, nous avons “doublé la ceinture ET doublé les bretelles”. Rétrospectivement, et avec notamment le retour d’expérience de Fukushima, pensez-vous que ça a été une erreur ? Globalement cela donne t’il un avantage significatif aux AP1000 en termes de sûreté ?
Et pour ce qui concerne les futurs réacteurs, savez-vous s’il est envisagé que les systèmes de sûreté passive qu’on développe actuellement soient inclus dans les EPR2 ? (j’entends notamment parler de Safety Condenser (SACO) et Containment Wall Condenser). Je crois comprendre qu’on pourrait passer aux EPR2 d’ici quelques années, alors qu’il semble que ces technologies-là ne seront pas mûres avant au moins une dizaine d’années. Ou ce serait pour de potentiels EPR3 ?
@ Timo
[Comme je crois comprendre que vous travaillez dans la sûreté nucléaire cela m’intéresserait d’avoir votre point de vue sur les systèmes de sûreté passifs. Savez-vous pourquoi nous n’avons pas choisi de développer davantage ces technologies pour l’EPR, par rapport aux américains ? Sachant que par ailleurs, comme vous dites, nous avons “doublé la ceinture ET doublé les bretelles”.]
C’est un peu réducteur : on a bien développé des systèmes de sûreté passif sur nos réacteurs. Ainsi, par exemple, on a installé sur nos réacteurs des recombineurs d’hydrogène passifs. Ces dispositifs sont constitués d’ailettes contenant un catalyseur qui favorise l’oxydation de l’hydrogène. Si l’hydrogène venait à être émis dans l’enceinte, le recombineur permet de le combiner avec l’oxygène de l’air pour former de l’eau et empêche la formation d’un mélange tonnant dont l’explosion a contribué à la dissémination radioactive à Fukushima. Et ce n’est pas le seul dispositif « passif » de sûreté. Ainsi, par exemple, on peut refroidir un réacteur à l’arrêt par thermosiphon, alors que toutes les pompes sont arrêtées.
Par contre, le dispositif proposé par les américains d’un réservoir d’eau placé en haut du bâtiment réacteur pour permettre une alimentation par gravité n’a pas été retenue parce qu’elle est très coûteuse en termes de protection contre les séismes.
[Rétrospectivement, et avec notamment le retour d’expérience de Fukushima, pensez-vous que ça a été une erreur ? Globalement cela donne t’il un avantage significatif aux AP1000 en termes de sûreté ?]
Non, je ne pense pas que cela donne à l’AP1000 un avantage significatif. Ce que vous gagnez d’un côté – alimentation par gravité – vous le perdez du côté tenue au séisme. Je pense que l’accident de Fukushima a surtout prouvé que la doctrine du « réacteur forteresse » était problématique, et qu’il faut complémenter les moyens de sûreté de la centrale avec des moyens extérieurs qu’on puisse transporter rapidement et brancher sur l’installation.
[Et pour ce qui concerne les futurs réacteurs, savez-vous s’il est envisagé que les systèmes de sûreté passive qu’on développe actuellement soient inclus dans les EPR2 ? (j’entends notamment parler de Safety Condenser (SACO) et Containment Wall Condenser).]
SACO n’est utile que sur des réacteurs à eau bouillante. Ce type de réacteur n’a jamais été construit en France, et il n’y a pas de projet de se tourner vers cette technologie, qui est beaucoup moins intéressante que l’eau pressurisée. Quant au « containment wall condenser », outre la question de sa tenue au séisme, il n’est pas démontré qu’elle soit efficace. Mais contrairement à ce que vous semblez penser, l’EPR incorpore pas mal d’éléments de sécurité passive.
Ne pensez vous pas que le réacteur chinois Hualong1 constitue une bonne synthèse entre l’EPR et l’AP1000 (EP100 dans sa version francisée).
https://www.ifnec.org/ifnec/upload/docs/application/pdf/2018-06/2.t_xin_safety_approach_and_safety_assessment_of_hualong_one_2018-06-08_11-13-28_805.pdf
On y retrouve la philosophie de reprise en main dynamique en cas d’accident grave (qui avait déjà été envisagé mais non retenu dans l’avant projet EPR).
Le système de réserve d’eau en partie haute de l’AP1000 est remplacé par un système de condenseur fonctionnant en circulation naturelle en partie haute de l’enceinte renforcé par un système de même nature sur la partie secondaire des générateurs de vapeur, schéma page 17) et possibilité de reprendre l’aspersion enceinte par des moyens de secours externes.
D’autre part il faut souligner que les systèmes de recombinaison de l’hydrogène par des catalyseurs (ou igniteurs pour les allemands) fait suite au retour d’expérience de l’accident de Three Mile Island et que ce système a été implanté sur toutes les centrales françaises et ailleurs dans le monde… sauf au Japon.
@ Candide
[Ne pensez vous pas que le réacteur chinois Hualong1 constitue une bonne synthèse entre l’EPR et l’AP1000 (EP100 dans sa version francisée).]
Je n’ai pas d’expertise particulière sur le projet Hualong, mais de ce que je sais c’est une sortie de chimère: on a repris à la base le design de l’EPR auquel on rajoute des éléments pris sur l’AP1000. Peut-être faut-il voir une logique commerciale pour produire un réacteur “vendable” autant aux partisans de l’un que de l’autre (un peu comme l’EPR est la synthèse du design Konvoi allemand et de la filière française…) ?
@DescartesMerci pour vos réponses. J’entendais “systèmes passifs” au sens (probablement un peu réducteur) des dispositifs permettant d’évacuer la puissance résiduelle du cœur sans intervention humaine dans le cas où toutes les alimentations électriques, et donc pompes, seraient indisponibles. Et j’avais cru comprendre qu’à ce niveau-là l’AP1000 avait un net avantage sur l’EPR.
Concernant le SACO je pense qu’on ne parle pas du même système, celui dont je parlais concerne bien les REP. Il est notamment étudié dans le cadre du projet H2020 PASTELS (avec essais à effets intégraux sur la boucle PKL), de même qu’un système CWC. Mais je ne sais pas s’ils envisagent de mettre la piscine surélevée sur le bâtiment réacteur.
https://www.pastels-h2020.eu/
Concernant le SACO : https://www.pastels-h2020.eu/media/articles/PASTELS_D3.1_Technical-Description-Design-Review-PKL-SACO_R1..0.pdf
@ Timo
[Merci pour vos réponses. J’entendais “systèmes passifs” au sens (probablement un peu réducteur) des dispositifs permettant d’évacuer la puissance résiduelle du cœur sans intervention humaine dans le cas où toutes les alimentations électriques, et donc pompes, seraient indisponibles.]
C’est effectivement très réducteur. Les systèmes « passifs » sont tous ceux qui n’ont pas besoin de source d’énergie extérieure pour opérer. Un recombineur d’hydrogène ou un système de refroidissement par thermosiphon font donc partie des systèmes passifs.
[Et j’avais cru comprendre qu’à ce niveau-là l’AP1000 avait un net avantage sur l’EPR.]
Oui, mais comme je l’ai dit, cet avantage a un coût important en termes de tenue au séisme. La solution de l’AP1000 consiste à placer un réservoir en haut du bâtiment réacteur, dont l’eau peut donc être injectée par effet gravitaire et donc sans pompe. Mais cela suppose de placer une très grande masse d’eau sur un point haut du bâtiment, ce qui suppose une tenue au séisme bien plus importante.
[Concernant le SACO je pense qu’on ne parle pas du même système, celui dont je parlais concerne bien les REP. Il est notamment étudié dans le cadre du projet H2020 PASTELS (avec essais à effets intégraux sur la boucle PKL), de même qu’un système CWC. Mais je ne sais pas s’ils envisagent de mettre la piscine surélevée sur le bâtiment réacteur.]
Effectivement, c’est autre chose. Mais là si j’ai bien compris il s’agit d’une recherche de principe, il n’y a aucun projet d’insérer l’objet dans un véritable réacteur PWR…
@Descartes, Timo
Merci à Timo d’avoir lancé le sujet de la sureté passive de l’AP1000, que je n’aurais pas lancé, trouvant le sujet un peu trop pointu. Mais puisqu’on y est…
Je suis moi aussi (sans être spécialiste) relativement séduit par l’AP1000, dont je me dis qu’il aurait “mérité d’être une solution française”…
En êtes vous certain ? La mise en place d’une masse d’eau à surface libre en partie supérieure d’un bâtiment peut avoir au contraire un effet très bénéfique du point de vue de la tenue au séisme, en ajoutant une compression verticale dans les voiles, alors que la masse d’eau peut avoir une fréquence propre très différente de la fréquence propre beaucoup plus basse que le bâtiment, et donc ne pas augmenter les moments sismiques dans les voiles.
La composante verticale du séisme, elle, peut effectivement être plus délicate à reprendre, mais bien souvent, celle ci est beaucoup plus faible que la composante horizontale.
En revanche, sans avoir participé de près ou de loin à des études sur l’AP1000, et donc sans être dans le secret des Dieux, je ne serais pas étonné que l’AP1000 ait plus de difficultés à justifier la tenue à l’impact avion.
Toujours est-il qu’une idée qui me trotte dans la tête depuis plusieurs années serait un AP1000 enterré, pour peu que l’on soit dans un contexte rocheux. Il s’agirait de le mettre au fond d’un puits circulaire de 30 à 50m de profondeur, permettant que le réservoir puisse être porté directement par le terrain naturel.
Les parois extérieures en béton seraient remplacés par les parois de l’excavation, et ainsi, la sureté vis à vis de l’impact avion serait automatiquement assurée, ainsi que la sureté vis à vis des missiles, roquettes, etc. Il serait beaucoup plus facile de venir re-remplir le réservoir en cas d’accident nucléaire, puisqu’il suffit de remplir une sorte de piscine à l’air libre là où le réservoir est enterré.
Et accessoirement, en termes paysager, ce serait plus facile à faire accepter. Par exemple, à Plogoff, si on avait pu ne pas massacrer la côte sauvage sur la mer, sans doute y aurait-il eu moins d’oppositions ?
Naturellement cela nécessiterait des galeries pour l’accès, pour les circuits hydrauliques, etc.
Mais on parle de surcoûts qui se chiffrent à quelques millions, ou quelques dizaines de millions, qui sont relativement ridicules en comparaison avec le coût d’un réacteur…
C’est ce qui me semble le mieux dans l’AP1000 : si je comprends bien, il suffit d’une simple alimentation à pression raisonnable (compatible avec des pompes d’engins de sapeurs pompiers) pour assurer le re-remplissage du réservoir qui permet le refroidissement du réacteur. Et on réussira toujours à faire venir un camion de pompier pour rapporter un peu d’eau…
@ Vincent
[Je suis moi aussi (sans être spécialiste) relativement séduit par l’AP1000, dont je me dis qu’il aurait “mérité d’être une solution française”…]
Je ne partage pas votre enthousiasme : les chars d’assaut, c’était une solution dynamique, la ligne Maginot, une sécurité passive…
[« Ce que vous gagnez d’un côté – alimentation par gravité – vous le perdez du côté tenue au séisme. » En êtes vous certain ?]
C’est en tout cas ce qu’on dit les autorités de sûreté américaine et chinoise.
[La mise en place d’une masse d’eau à surface libre en partie supérieure d’un bâtiment peut avoir au contraire un effet très bénéfique du point de vue de la tenue au séisme, en ajoutant une compression verticale dans les voiles, alors que la masse d’eau peut avoir une fréquence propre très différente de la fréquence propre beaucoup plus basse que le bâtiment, et donc ne pas augmenter les moments sismiques dans les voiles.]
Ou au contraire renforcer l’action du séisme en fonction des fréquences de celui-ci. Comme le spectre des séismes de référence est assez large, il est difficile de trouver une combinaison qui marche. Par ailleurs, la « masse d’eau » dans l’AP1000 n’est pas « à surface libre.
[Toujours est-il qu’une idée qui me trotte dans la tête depuis plusieurs années serait un AP1000 enterré, pour peu que l’on soit dans un contexte rocheux. Il s’agirait de le mettre au fond d’un puits circulaire de 30 à 50m de profondeur, permettant que le réservoir puisse être porté directement par le terrain naturel.]
En France, on a construit un REP dans une caverne : il s’agit de Chooz A. Mais un réacteur enterré présente d’autres inconvénients qui sont loin d’être négligeables : isolation par rapport aux nappes phréatiques, risque d’inondation…
[Et accessoirement, en termes paysager, ce serait plus facile à faire accepter. Par exemple, à Plogoff, si on avait pu ne pas massacrer la côte sauvage sur la mer, sans doute y aurait-il eu moins d’oppositions ?]
Je n’y crois pas un instant. Penly et Paluel, qui « massacrent la côte sauvage » au moins autant que le projet de Plogoff se sont construit sans la moindre opposition « paysagère ».
[« il faut complémenter les moyens de sûreté de la centrale avec des moyens extérieurs qu’on puisse transporter rapidement et brancher sur l’installation. » C’est ce qui me semble le mieux dans l’AP1000 : si je comprends bien, il suffit d’une simple alimentation à pression raisonnable (compatible avec des pompes d’engins de sapeurs pompiers) pour assurer le re-remplissage du réservoir qui permet le refroidissement du réacteur. Et on réussira toujours à faire venir un camion de pompier pour rapporter un peu d’eau…]
Il est beaucoup plus simple d’avoir quelques pompes en réserve, plutôt que d’équiper TOUS les réacteurs en piscines surelevées…
@Descartes
Je ne suis pas en désaccord avec votre refus d’une philosophie “Maginot”. Et l’idée que, en situation accidentelle, une structure nucléaire doit pouvoir être secourue de l’extérieur est tout à fait conforme à ma pensée. Et c’est justement une des choses que j’aime bien dans l’AP1000. Tel que le comprend sa sureté, le réacteur est capable de se stabiliser tout seul pendant une durée de l’ordre de la journée ou de 2 jours, et il suffit d’une intervention extérieure pour re-remplir les réservoirs afin de permettre le maintien en sécurité pour une durée plus longue. L’intervention de moyens de secours extérieurs est facilitée, et -si je comprends bien- n’importe quel fourgon pompe doit pouvoir participer à l’alimentation de secours, ce qui est une simplification très importante des secours.
L’autre raison qui fait que j’aime bien l’AP1000 est que ce concept de sureté permet de réduire drastiquement la quantité de tuyauterie. Et, à ce que j’ai compris, la tuyauterie est justement la partie qui “pêche” le plus actuellement en matière de construction de réacteurs nucléaires. Autrement dit, l’AP1000 serait beaucoup plus facile à construire compte tenu de nos capacités industrielles et d’installation.
Dans des bassins à surface libre, les fréquences propres sont de l’ordre de plusieurs secondes, soit bien plus que les fréquences sismiques usuelles (sauf dans des bassins sédimentaires très spécifiques, comme Mexico, dans lesquelles il peut y avoir une oscillation basse fréquence des couches sédimentaires).
Cf : https://fr.wikipedia.org/wiki/Seiche_(hydrodynamique)
Ceci dit, vous m’apprenez que l’eau dans l’AP1000 n’est pas à surface libre. Ce qui change totalement la donne d’un point de vue sismique, et je comprends dès lors que cette masse d’eau puisse poser un problème de tenue au séisme.
Le réacteur de Chooz A était beaucoup plus petit que les réacteurs envisagés. Et il s’agissait d’un projet réellement “souterrain”, et pas “enterré”. La différence est que, dans un cas, on y accède par des galeries, avec une caverne, et avec des méthodes de travaux souterrains. Dans l’autre, on fait un trou depuis la surface, que l’on rebouche partiellement à la fin (ou pas si le réacteur remonte jusqu’à la surface).
Cette dernière solution simplifie tout de même bien les accès en phase de chantier.
Je ne nie pas qu’il y a des inconvénients. Le principal étant pour moi les accès en phase chantier, qui sont plus complexes, les circuits hydrauliques qui doivent remonter à la surface, qui sont rallongés, et notamment les prises d’eau, qui seront sans doute le point le plus complexe à résoudre dans une telle solution.
Le risque d’inondation ne m’inquiète pas (si on choisit ce type de solution, c’est pour se mettre dans une zone qui est localisée sur un point haut). Le problème des nappes phréatiques, si vous songez au risque de pollution, est similaire à celui des centrales en surface.
Le problème est plutôt celui des sous-pressions d’eau qui peuvent s’exercer sur la structure. Mais ce problème n’est pas fondamentalement différent de ceux auxquels des infrastructures comme des stations de métro ou des usines hydroélectriques sont soumises. Rien d’insurmontable.
C’est vrai. Et vous auriez pu citer Flamanville également, qui ressemble bien davantage à Plogoff. Il y avait même, si ma mémoire est bonne, et si mes vieilles sources sont fiables, une curiosité locale avec quelque chose dans le genre d’un rocher qui fait de la musique dans certains conditions de mer… Qui a disparu lors des excavations de la centrale.
Mais la question que je me pose est la suivante :
Au delà de 6 ou 10 réacteurs que nous pourrions installer sur des sites de centrales existantes, si nous voulons remplacer le parc nucléaire existant par de nouveaux réacteurs, il ne sera pas possible d’éviter d’ouvrir de nouvelles centrales. Et vous imaginez, tout aussi bien que moi, qu’il n’est pas impossible que des oppositions se manifestent à ces projets de nouvelles centrales…
C’est là que les solutions comportant un maximum d’éléments enterrés auraient pour moi un avantage certain : rassurer les populations sur les risques éventuels, et limiter l’impact paysager. Et donc limiter les oppositions locales.
@ Vincent
[Le risque d’inondation ne m’inquiète pas (si on choisit ce type de solution, c’est pour se mettre dans une zone qui est localisée sur un point haut).]
Haut par rapport à quoi ? Si vous enterrez un bâtiment qui fait 60m de haut, la partie basse à de grandes chances de se trouver au niveau d’une nappe… n’oubliez pas quand même que votre centrale est construite généralement à côté de la mer ou d’un cours d’eau !
[Mais la question que je me pose est la suivante :
Au delà de 6 ou 10 réacteurs que nous pourrions installer sur des sites de centrales existantes, si nous voulons remplacer le parc nucléaire existant par de nouveaux réacteurs, il ne sera pas possible d’éviter d’ouvrir de nouvelles centrales. Et vous imaginez, tout aussi bien que moi, qu’il n’est pas impossible que des oppositions se manifestent à ces projets de nouvelles centrales…]
Les réserves foncières des centrales existantes sont plus importantes que vous ne le pensez. Et si l’on veut profiter du réseau existant, il y a intérêt à continuer à construire sur les mêmes sites.
[C’est là que les solutions comportant un maximum d’éléments enterrés auraient pour moi un avantage certain : rassurer les populations sur les risques éventuels, et limiter l’impact paysager. Et donc limiter les oppositions locales.]
Je ne suis pas convaincu. D’abord, parce que vous pouvez enterrer le bâtiment réacteur (qui est relativement peu visible) mais pas le réfrigérants…
Quelques critiques sur ce paragraphe :
1°) Les scénarios n’ont pas à proprement été définis à priori. Il y a eu 6 scénarios définis à priori (qui s’appelaient M1, M2, M3, N1, N2, N3), mais il y a eu des consultations, qui les ont amené à définir d’autres scénarios (M0 et N0), puis les 8 scénarios ont de nouveau été regroupés en 6 scénarios, à la suite des observations de la “société civile”. Mais ces 6 scénarios ne sont pas exactement ceux d’origine.
2°) Sur les 50% de nucléaire imposés par l’autorité. On pourra facilement vous rétorquer que ça n’est pas vrai (Fake news, etc.). C’est en effet RTE qui l’a écrit (dans le “Bilan de la consultation publique”) :
Néanmoins, et malgré cette phrase, je pense que vous avez parfaitement raison :
– Avant que les scénarios définitifs ne soient définis, il y avait un scénario N0, qui atteignait 50% de nucléaire grâce à un prolongement des réacteurs du parc existant plus important que dans les autres. Et un scénario N3, qui atteignait ces même 50% grâce à une construction à un rythme accéléré (EDF, la SFEN, et le GIFEN avait approuvé ce rythme accéléré). Il aurait suffi de reprendre les hypothèses de RTE de prolongation du parc (N0), et les hypothèses de RTE de cadence de construction (N3) pour aller bien au delà des 50%. Ils ont finalement décidé de fusionner les deux en un scénario mixte : N03, avec des objectifs légèrement réduits pour les deux moyens d’avoir davantage de nucléaire en 2050.
– Comme vous l’avez parfaitement exprimé, les scénarios avec une très forte part de renouvelable reposent sur des paris technologiques, dont on ne peut pas être certain qu’il sera possible de les gagner. Quitte à faire des “paris”, il aurait été possible de faire la pari de prolonger tout le parc nucléaire à 80ans, “juste pour voir”. Et avec cette hypothèse plus une relance de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, on est très largement au delà des 50%.
Bref, je suis d’accord avec vous : à l’évidence, ce plafond à 50%, qui a été atteint de différentes manières à différentes étapes de l’étude, mais jamais dépassé, est bel et bien un plafond politique. Même si RTE s’en défend, et explique bien qu’il s’agit d’un choix guidé par des considérations techniques.
C’est au final cela que je reproche à cette étude : outre le fait qu’ils utilisent un vocabulaire très “light” pour parler des impossibilités techniques pour les scénarios EnR, et très dur pour parler des impossibilités dans le nucléaire, le gros problème est qu’ils reprennent à leur compte, en tant que techniciens, des contraintes qui leur sont imposées. C’est une vraie malhonnêteté de la part des rédacteurs du rapport :
– si on leur avait demandé de n’étudier que des scénarios ne reposant pas sur des paris technologiques très incertains, ils n’auraient même pas du étudier les scénarios à très forte proportion d’EnR,
– si on leur dit que c’est purement exploratoire et qu’il faut tout regarder, ils n’auraient pas du se limiter sur la durée de vie du parc existant. D’autant qu’aux USA, il y a déjà des centrales comparables qui ont eu leur autorisation d’exploitation jusqu’à 80 ans (alors qu’aucun système dans le monde n’a jamais fait la démonstration de ce dont on aurait besoin pour stabiliser un réseau EnR).
@ Vincent
[1°) Les scénarios n’ont pas à proprement été définis à priori. Il y a eu 6 scénarios définis à priori (qui s’appelaient M1, M2, M3, N1, N2, N3), mais il y a eu des consultations, qui les ont amenés à définir d’autres scénarios (M0 et N0), puis les 8 scénarios ont de nouveau été regroupés en 6 scénarios, à la suite des observations de la “société civile”. Mais ces 6 scénarios ne sont pas exactement ceux d’origine.]
Ne coupons pas les cheveux en quatre. Il n’en reste pas moins que les scénarios ont été définis à priori, autrement dit, qu’ils ne sont pas le RESULTAT de l’étude, mais son HYPOTHESE. On ne peut donc pas déduire du fait qu’un scénario ait été étudié qu’il est « réalisable ». L’étude ne peut que conduire à définir les conditions qui rendraient réalisable chacun des scénarios. Ainsi, par exemple, on pourrait étudier un scénario « 100% fusion thermonucléaire » et conclure qu’il est parfaitement réalisable sous réserve qu’ITER arrive à son objectif, qu’on trouve solution à tous les problèmes technologiques qu’elle pose, et qu’il y ait suffisamment de moyens pour construire des réacteurs à fusion.
[2°) Sur les 50% de nucléaire imposés par l’autorité. On pourra facilement vous rétorquer que ça n’est pas vrai (Fake news, etc.). C’est en effet RTE qui l’a écrit (dans le “Bilan de la consultation publique”) : “La lecture de la « part de la production française » projetée en 2050 pour chaque filière de production a suscité de très nombreuses réactions. Celles-ci apparaissent très largement conditionnées par le débat politique institué par la loi de 2015, puis par sa révision de 2019, sur la part du nucléaire dans le mix. Ainsi, plusieurs répondants ont interprété le chiffre de 50% pour la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2050 comme une contrainte de nature politique. Or ce chiffre résultait bien d’une analyse technique : en intégrant les contraintes sur la durée de vie du parc existant, les rythmes maximaux de renouvellement du parc nucléaire par la construction de nouveaux réacteurs de troisième génération ainsi que l’effort d’électrification nécessaire pour atteindre la neutralité carbone, une part du nucléaire l’ordre de 50% de la production d’électricité en 2050 apparaît comme un maximum.”]
Ce paragraphe me rappelle la formule d’un politicien britannique : « ne croyez aucune nouvelle à moins qu’elle ait été démentie ». Le rapport déclare que « Le scénario M0, visant une sortie du nucléaire en 2050, représente un défi industriel majeur dans la mesure où les rythmes de développement des énergies renouvelables dépassent largement les performances cumulées de l’Allemagne sur les renouvelables terrestres et du Royaume-Uni sur l’éolien en mer au cours des dernières années ». Pourtant, cela ne l’a pas conduit à exclure le scénario. Par contre, les « rythmes maximaux » de construction de réacteurs semblent être une barrière infranchissable, et conduisent à abandonner tout scénario qui irait au-delà de 50%. Etonnant, non ?
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Le scénario « 80% nucléaire » n’a pas été exclu de l’étude parce qu’il est infaisable, mais parce que les conclusions de l’étude risquaient de ne pas être « politiquement correctes », autrement dit, de remettre en question la doctrine Hollande-Macron du « 50% nucléaire ». Avouez que c’est une belle coïncidence que « l’étude technique » de RTE ait conduit au même chiffre que Hollande sortait du chapeau en 2012…
[Bref, je suis d’accord avec vous : à l’évidence, ce plafond à 50%, qui a été atteint de différentes manières à différentes étapes de l’étude, mais jamais dépassé, est bel et bien un plafond politique. Même si RTE s’en défend, et explique bien qu’il s’agit d’un choix guidé par des considérations techniques.]
Le simple fait que RTE s’en défende devrait mettre la puce à l’oreille. « Methinks de lady doth protest too much »…
[C’est au final cela que je reproche à cette étude : outre le fait qu’ils utilisent un vocabulaire très “light” pour parler des impossibilités techniques pour les scénarios EnR, et très dur pour parler des impossibilités dans le nucléaire, le gros problème est qu’ils reprennent à leur compte, en tant que techniciens, des contraintes qui leur sont imposées. C’est une vraie malhonnêteté de la part des rédacteurs du rapport :]
Tout à fait. Et cela pose problème, parce que cela montre que les « experts » ne jouent pas/plus leur rôle, qui est de dire au politique la vérité technique même lorsqu’elle est politiquement inconvenante. En acceptant de couvrir de leur autorité d’expert les injonctions politiques, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis.
Surtout qu’avec les mêmes critères, en 2012, on aurait abouti à beaucoup plus que 50%.
J’aimerais beaucoup pouvoir assister aux discussions internes sur la stratégie à adopter chez greenpeace ou dans le “réseau sortir du nucléaire”.
Car autant la critique des hypothèses du rapport RTE nous est facile. Autant eux ont un sacré problème…
@ Vincent
[J’aimerais beaucoup pouvoir assister aux discussions internes sur la stratégie à adopter chez greenpeace ou dans le “réseau sortir du nucléaire”. Car autant la critique des hypothèses du rapport RTE nous est facile. Autant eux ont un sacré problème…]
Seulement si vous supposez qu’ils s’adressent à un public rationnel. Mais ce n’est pas le cas: Greenpeace s’adresse à un public qui se donne bonne conscience en exigeant l’arrêt du nucléaire tout de suite, tout en sachant que grâce au nucléaire la lumière continuera à s’allumer et le lave-vaisselle à fonctionner. C’est la situation idéale: vous jouissez comme un pêcheur, tout en étant dans le champ des justes…
Regardez notre ami Mélenchon, celui qui affirmait en 2017 qu’on peut remplacer le nucléaire par la géothermie et aujourd’hui affirme qu’on peut le faire avec des hydroliennes. Est-ce qu’il a été jamais appelé à justifier ces affirmations devant ses électeurs ? Non, jamais. Ca passe comme une lettre à la poste parce que cet électorat VEUT croire. Et quand on veut croire, on croit n’importe quoi.
Article rapide mais passionnant.
[Ce qui suppose, bien entendu, que le politique fasse une lecture sérieuse du rapport. On peut douter, en lisant les réactions de Mélenchon, de Jadot ou d’autres, que ce soit le cas.]
Ce qui m’attriste est surtout la lecture macroniste et les éléments de langage associés.
On lit ainsi que ce rapport démolit complètement aussi bien les anti-nucléaires que les anti-éoliens. En gros, que le rapport RTE dit : “Une augmentation considérable des EnR, c’est juste indispensable et non négociable. Et une relance du programme nucléaire, ça aiderait considérablement et simplifierait énormément les choses”.
C’est effectivement à peu près ce que dit le rapport. Mais comme votre article (et mon commentaire précédent) l’expliquent, c’est indispensable, sous les hypothèses qui ont été fixées par l’autorité, c’est à dire :
– atteindre une neutralité carbone en 2050 (mais si on se donnait 10 ans de plus, est ce que ça serait catastrophique ? et ça changerait bien les choses…)
– avec maximum 50% de nucléaires. Comme je l’ai écrit précédemment, et même si RTE s’en défend, c’est bien pour moi un choix politique, comme vous l’écrivez.
Mais un responsable politique pourrait remettre en cause ces hypothèses. Ce pourrait remettre en cause les hypothèses sur le besoin d’EnR (j’ai fait le calcul : en prolongeant le parc nucléaire à 80ans, et en construisant du nouveau nucléaire comme dans les scénarios N2, N3, ou N03, pas besoin d’avoir davantage d’EnR que ce qu’on a aujourd’hui. Inutile de vous dire que ça peut en faire, des économies !)
@ Vincent
[Ce qui m’attriste est surtout la lecture macroniste et les éléments de langage associés. On lit ainsi que ce rapport démolit complètement aussi bien les anti-nucléaires que les anti-éoliens. En gros, que le rapport RTE dit : “Une augmentation considérable des EnR, c’est juste indispensable et non négociable. Et une relance du programme nucléaire, ça aiderait considérablement et simplifierait énormément les choses”.]
C’est une conclusion tautologique. Si on étudie des scénarios avec X% d’éolien, il est trivial de conclure que le développement de X% d’éolien est indispensable pour que le scénario fonctionne. Si vous aviez décidé d’étudier un scénario avec 100% de charbon, vous auriez conclu que le développement de l’éolien est parfaitement inutile. C’est en cela qu’il faut bien comprendre comment ces rapports sont produits : ils visent à étudier les conditions de succès d’un scénario choisi à priori, mais en aucune façon il permet de conclure que c’est le seul ou le meilleur scénario possible.
[Mais un responsable politique pourrait remettre en cause ces hypothèses.]
Difficilement, puisqu’elles ont le sceau de « l’expertise indépendante ». La seule façon de le faire est de commander un autre rapport aux « experts indépendants » en fixant d’autres scénarios… et c’est d’ailleurs ce qu’on fera si on veut changer de taquet. Si on mettait bout à bout tous les rapports qu’on a fait sur ce modèle depuis que je travaille sur ce sujet – et qui disent exactement le contraire les uns des autres – on pourrait caler toutes les armoires de la République.
Idéalement, si on voulait développer le photovoltaïque, il faudrait surtout stocker l’été pour déstocker l’hiver… Mais n’en jetons plus 😉
Si on veut comparer, plutôt que des batteries de voiture, je trouve qu’on se rend mieux compte avec le “méga projet” de batteries en Californie :
https://www.connaissancedesenergies.org/des-batteries-geantes-sous-le-soleil-de-californie-200901
Ce sera le record du Monde quand ça sera construit. Il s’agit de permettre de fournir 0,25 GW pendant 4h. Il en faudrait 300 comme celle là pour fournir les 26GW dont vous parlez pendant 12h.
A noter que, en Californie :
1°) Il y a beaucoup de soleil. Toute l’année. Donc l’énergie solaire est beaucoup plus rentable. Et les chauffe-eau solaires décentralisés peuvent super bien fonctionner
2°) Il fait chaud. Toute l’année. Donc on n’utilise la climatisation plus que le chauffage. Et on utilise la climatisation le jour (quand il y a du Soleil), et surtout les jours où il y a beaucoup de Soleil. En gros, on a une très bonne corrélation entre les besoins en chaud/froid et la production du photovoltaïque.
Au contraire, en France, les pics de consommation ne sont pas atteints en milieu de journée quand il y a plein de Soleil, mais de nuit lors des pics de froid hivernaux. Et le photovoltaïque est beaucoup moins efficace dans ces conditions…
@ Vincent
[Idéalement, si on voulait développer le photovoltaïque, il faudrait surtout stocker l’été pour déstocker l’hiver… Mais n’en jetons plus 😉]
Effectivement, ne demandons pas trop. Mais votre remarque est très juste : lorsqu’on parle de suppléer l’intermittence des renouvelables, il s’agit d’une intermittence qui implique des périodes longues sans production : dans des conditions anticycloniques, le vent peut marquer pendant plusieurs jours, et le soleil ne brille en hiver que moins de dix heures. La capacité de stockage nécessaire doit pouvoir soutenir le réseau pendant des heures, voir des jours. On voit mal comment faire.
Si on veut comparer, plutôt que des batteries de voiture, je trouve qu’on se rend mieux compte avec le “méga projet” de batteries en Californie :
https://www.connaissancedesenergies.org/des-batteries-geantes-sous-le-soleil-de-californie-200901
Ce sera le record du Monde quand ça sera construit. Il s’agit de permettre de fournir 0,25 GW pendant 4h. Il en faudrait 300 comme celle-là pour fournir les 26GW dont vous parlez pendant 12h.
[Au contraire, en France, les pics de consommation ne sont pas atteints en milieu de journée quand il y a plein de Soleil, mais de nuit lors des pics de froid hivernaux. Et le photovoltaïque est beaucoup moins efficace dans ces conditions…]
C’est pourquoi on peut imaginer des batteries pour « lisser » les pics de consommation en déplaçant la consommation de quelques heures. Mais il me semble absurde d’imaginer que le stockage par batterie puisse compenser l’intermittence. RTE arrive à la même conclusion : c’est avec du « thermique décarbonné » qu’il propose de piloter l’intermittence. Hélas, cela suppose là aussi le développement de technologies qui n’existent pas encore…
Décidément, cet article m’inspire… Désolé d’avoir ainsi saucissonné mes commentaires…
Vous êtes sans doute mieux au fait que moi de ces choses là, mais il me semble qu’entre la décision politique de lancer un projet, et son démarrage effectif, il y a des autorisations administratives, enquêtes publiques, etc. qui durent environ 3 ans avant que le démarrage des travaux ne puisse être une réalité.
Comme les décideurs d’aujourd’hui on fait comprendre qu’il n’y aurait pas de décision avant fin 2022, si j’ai bien compris, cela veut dire pas de début des travaux avant fin 2025… Au final, 2035, ça ne représente que 10 ans de travaux ?
Par ailleurs, j’avais lu dans certains paragraphes des rapport RTE que la mise en service des premiers réacteurs ne pourrait pas intervenir avant “2030-2035”, ce qui est tout de même une fourchette moins pessimiste que “2035”.
J’en profite pour un autre commentaire sur l’étude, et ce qu’on entend dessus. Je n’ai entendu personne dire : “60 à 80 milliards par an, tous les ans, ça ne va pas être possible”. Habituellement, on chipote pour quelques centaines de millions sur n’importe quoi, y compris pour des budgets qui resteraient totalement en France. On annule le projet Astrid pour une toute petite fraction de ce coût. Mais tout le monde a l’air de dire que : “bon, bas OK, il va falloir dépenser un peu plus de 60 milliards tous les ans”. Qui plus est pour, en très grande partie (les équipements des éoliennes et des panneaux PV) pour des importations, qui vont encore creuser notre balance commerciale !
Je suis effaré de voir que personne ne s’exclame qu’il y a un “léger” problème de faisabilité économique…
@ Vincent
[Vous êtes sans doute mieux au fait que moi de ces choses là, mais il me semble qu’entre la décision politique de lancer un projet, et son démarrage effectif, il y a des autorisations administratives, enquêtes publiques, etc. qui durent environ 3 ans avant que le démarrage des travaux ne puisse être une réalité.]
Oui. Mais on pourrait largement raccourcir ces 3 ans si on avait la volonté. C’est une question politique. On ne me racontera pas qu’il faut trois ans pour autoriser un réacteur dont deux exemplaires sont déjà en fonctionnement et donnent entière satisfaction. Bien entendu, si on fait tout à l’économie, qu’on se repose sur une ASN qui n’a pas les bonnes compétences et des organismes techniques en sous-effectifs, si celui qui tient le stylo a peur de son ombre et avant de signer demande rapport sur rapport, débat public sur débat public, qu’il consulte lobby sur lobby (tout ça ne sert strictement à rien, les contre seront toujours contre, les pour seront toujours pour, et le bon peuple s’en fout), et qu’en plus on doit attendre que trois juges se prononcent sur chaque acte de procédure, alors évidement, ça prend du temps…
[Comme les décideurs d’aujourd’hui on fait comprendre qu’il n’y aurait pas de décision avant fin 2022, si j’ai bien compris, cela veut dire pas de début des travaux avant fin 2025… Au final, 2035, ça ne représente que 10 ans de travaux ?]
En dix ans, on a construit autrefois plus de trente réacteurs…
[J’en profite pour un autre commentaire sur l’étude, et ce qu’on entend dessus. Je n’ai entendu personne dire : “60 à 80 milliards par an, tous les ans, ça ne va pas être possible”. Habituellement, on chipote pour quelques centaines de millions sur n’importe quoi, y compris pour des budgets qui resteraient totalement en France. On annule le projet Astrid pour une toute petite fraction de ce coût. Mais tout le monde a l’air de dire que : “bon, bas OK, il va falloir dépenser un peu plus de 60 milliards tous les ans”. Qui plus est pour, en très grande partie (les équipements des éoliennes et des panneaux PV) pour des importations, qui vont encore creuser notre balance commerciale !
Je suis effaré de voir que personne ne s’exclame qu’il y a un “léger” problème de faisabilité économique…]
S’il s’agit d’investissements « rentables » au niveau de tarif inchangé cela ne pose aucun problème : on emprunte et on rembourse. Il n’y a donc pas de « dépense » à financer avec nos impôts ou nos taxes… le problème est qu’il n’y a aucune garantie que ces investissements soient rentables. C’est déjà le cas pour les renouvelables, dont le financement se fait à travers d’une taxe qui surcharge les tarifs…
Effectivement cette irresponsabilité dans les prospectives énergétiques pour le pays doit être dénoncée.
Qu’en est il de la proposition datant de 2012 par Mélenchon d’organiser un référendum sur le nucléaire civil ?
La soutient il toujours pour 2022 ?
@ Luc
[Qu’en est il de la proposition datant de 2012 par Mélenchon d’organiser un référendum sur le nucléaire civil ? La soutient il toujours pour 2022 ?]
Je ne crois pas. En 2012, alors que Mélenchon était le candidat du Front de Gauche et que son programme devait être accordé entre le PG et le PCF, cette histoire de “référendum” avait été inventée pour pouvoir concilier la “sortie du nucléaire” prônée par le PG et le maintien de la filière nucléaire qui fait depuis toujours partie du programme du PCF. “Laissons le peuple décider” c’était une façon de ne pas trancher la question. En 2017, quand Mélenchon se présente tout seul sur son programme et n’accepte de le discuter avec personne, cette idée de référendum avait disparu. Je ne pense pas qu’elle ressuscitera en 2022.
@ Descartes
Bonjour,
Le scenario catastrophe mais plausible – selon quelle probabilité et quelle intensité ? – d’un immense nuage de poussières volcaniques suite à un éruption cataclysmique, réduisant à zéro ou presque l’usage du solaire, et ceci pour des semaines ou des mois, a-t-il été pris en compte dans les calculs stratégiques des politiques énergétiques de la France. Les conséquences en ont-elles été évaluées ?
@ Marcailloux
[Le scenario catastrophe mais plausible – selon quelle probabilité et quelle intensité ? – d’un immense nuage de poussières volcaniques suite à un éruption cataclysmique, réduisant à zéro ou presque l’usage du solaire, et ceci pour des semaines ou des mois, a-t-il été pris en compte dans les calculs stratégiques des politiques énergétiques de la France. Les conséquences en ont-elles été évaluées ?]
L’évènement “cataclysmique” dont vous parlez se produit dans les faits une fois par jour, puisque le soleil “utile” ne brille qu’entre huit et dix heures par jour sous nos latitudes, et que les pointes de consommation sont placées en hiver en dehors des périodes ensoleillées. Le système électrique doit donc être dimensionné pour pouvoir fournir la pointe en absence de toute production solaire, et cela en dehors de tout accident!
Bonjour Descartes,
merci de consacrer plusieurs articles à ce sujet – sur lequel vous êtes visiblement expert – cela permet de mettre en perspective l’écho médiatique donné à ces études et rapports.
Ma question porte justement sur ce point: Macron a visiblement tenté de reprendre à son compte la défense du nucléaire comme solution au réchauffement climatique au niveau européen.
Il semble en revanche plus timide sur le plan intérieur. Il me semble que le discours ambiant sur le sujet a évolué en faveur du nucléaire (moins en sa défaveur en tout cas) depuis F. Hollande; ceci étant le projet de EM en matière énergétique reste assez confus (quel scénario choisit-on ? pourquoi nous sort il cette histoire de nouveaux réacteurs ds le plan d’investissement par ex? pourquoi arrêter astrid il y a quelques mois pour relancer le nucléaire pendant al campagne électorale?).
Bref, je serais curieux votre analyse sur les positionnement du spectre politique sur cette question (au-delà de JLM et son disque rayé) et notamment de EM. Le scénario central de RTE qui prône le en même temps pourrait être une manière de sortir d’un clivage techniquement stérile et redonner à l’expertise plus de poids dans les décisions à venir?
Enfin on cite souvent 45Md à propos du coût de l’EPR, sauriez-vous quel est l’équivalent pour le parc éolien (tout compris des subvention sur prix/accès prioritaire au grid/investissements sur el réseau nécessaire etc etc) pour la puissance installée et les investissement déjà engagés? (j’ai trouvé des références via google citant un coût très supérieur – 120Md – mais ne suis pas bien sûr de ces sources – dsl c une question de béotien)Merci
@ Axelzzz
[Ma question porte justement sur ce point : Macron a visiblement tenté de reprendre à son compte la défense du nucléaire comme solution au réchauffement climatique au niveau européen. Il semble en revanche plus timide sur le plan intérieur.]
On est comme toujours dans le « en même temps ». Macron prend position « plutôt » pour le nucléaire, mais ne prend aucune décision et de ce fait rend de plus en plus vraisemblable une « sortie du nucléaire » par simple obsolescence. Au niveau européen, les autorités françaises poussent pour la reconnaissance du nucléaire dans la nomenclature des énergies « vertes », mais n’en fait pas un casus belli. Il commande à RTE un rapport qui déclare faisables – parce que c’est comme cela qu’il sera interprété – tous les scénarios, ceux qui feront plaisir aux partisans du nucléaire comme à ses adversaires, mais aucune décision ne sera prise avant de longues années. On est dans la politique des « focus groups » dans toute son horreur : pendant que Macron caresse les pro-nucléaires avec ses déclarations, Pompili explique aux ONG qu’on ne fera rien. Et tout le monde est content.
[Il me semble que le discours ambiant sur le sujet a évolué en faveur du nucléaire (moins en sa défaveur en tout cas) depuis F. Hollande;]
Certainement. L’opinion est lente à réagir, mais a fini par comprendre qu’on ne peut à la fois poser à la fois la sortie du nucléaire et la lutte contre le réchauffement climatique comme priorité N°1. Le discours « terroriste » sur le climat a eu pour effet de relativiser le risque nucléaire. A cela s’ajoute les nuisances des renouvelables, qui deviennent de plus en plus visibles à mesure qu’ils se multiplient. Une éolienne dans le paysage ça va, une forêt d’éoliennes, bonjour les dégâts.
[ceci étant le projet de EM en matière énergétique reste assez confus (quel scénario choisit-on ? pourquoi nous sort il cette histoire de nouveaux réacteurs ds le plan d’investissement par ex? pourquoi arrêter astrid il y a quelques mois pour relancer le nucléaire pendant al campagne électorale?).]
Poser la question c’est y répondre : toute cette agitation est purement électorale. Cela fait de longues années que la France n’a plus de véritable « projet » en matière énergétique, et vit essentiellement entre son acquis, les injonctions de Bruxelles et l’action des lobbies du « renouvelable » – qui n’a rien de désintéressée, je peux vous l’assurer. La gestion de l’hydraulique est de ce point de vue exemplaire : la France s’est engagée à Bruxelles à mettre en concurrence les concessions, mais à Paris les élus n’en veulent pas, et le ministère navigue en permanence entre la menace de sanctions et une obstruction imaginative. Bien entendu, pendant ce temps là l’opérateur principal (EDF) étant dans l’incertitude quant à l’avenir, n’investit qu’au compte gouttes…
[Bref, je serais curieux votre analyse sur les positionnements du spectre politique sur cette question (au-delà de JLM et son disque rayé) et notamment de EM.]
Le positionnement n’a pas vraiment changé depuis un demi-siècle : les « jacobins » sont plutôt pour, les « girondins » contre. La droite, l’extrême droite et les communistes sont dans le premier camp, la gauche non communiste dans l’autre. Cela tient à une combinaison de facteurs : il y a bien entendu la perception du nucléaire comme un levier de souveraineté, le prix de l’électricité, mais il y a aussi la question de la confiance dans la science – qui était autrefois l’apanage de la gauche, mais qui a migré progressivement vers la droite à la fin des années 1960, avec la très notable exception du PCF.
[Le scénario central de RTE qui prône le en même temps pourrait être une manière de sortir d’un clivage techniquement stérile et redonner à l’expertise plus de poids dans les décisions à venir ?]
Je ne crois pas que le clivage soit « stérile ». C’est la logique même de la démocratie que de voir des positions différentes s’affronter sur l’arène du débat. Mais la démocratie n’implique nullement qu’à la fin du débat on ne tranche pas les questions, qu’on soit obligés de parvenir à une « synthèse » plus ou moins bancale. La démocratie, ce n’est pas faire plaisir à tout le monde ou se contenter de positions moyennes – j’ai failli écrire « médiocres ».
[Enfin on cite souvent 45Md à propos du coût de l’EPR, sauriez-vous quel est l’équivalent pour le parc éolien (tout compris des subvention sur prix/accès prioritaire au grid/investissements sur el réseau nécessaire etc etc) pour la puissance installée et les investissement déjà engagés? (j’ai trouvé des références via google citant un coût très supérieur – 120Md – mais ne suis pas bien sûr de ces sources – dsl c une question de béotien)Merci]
Je ne vois pas très bien ce que couvrent les « 45 Md€ du coût de l’EPR ». Ne pensez-vous plutôt au « grand carénage » ? Pour ce qui concerne les renouvelables, je ne sais pas s’il existe une étude du cout complet « social » – c’est-à-dire, incluant les réseaux et les moyens de production de secours nécessaires pour couvrir l’intermittence. 120 Md€ c’est le coût des subventions déjà engagées pour les renouvelables électriques (équivalent de 7 Md€ par an aujourd’hui).