Quels sont à votre avis les défauts rédhibitoires pour un homme qui veut se lancer en politique ? Si je ne devais répondre à cette question que par un mot, si je devais dire celui qui pour moi occupe la première place dans la liste, je n’hésiterais pas un instant. Je dirais : « la naïvete ». On peut être un homme d’Etat tout en étant immoral, malhonnête, paranoïaque ou alcoolique. Mais je ne saurais donner un seul exemple d’un homme qui ait marqué positivement l’histoire par sa naïveté. Au contraire, de Chamberlain à Louis XVI, on sait bien que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Il est toujours un peu étonnant d’imaginer qu’un politicien puisse être naïf. Après tout, n’évolue-t-il pas dans un milieu ou le cynisme, le choc des ambitions, la confrontation des grands principes aux petites réalités est constante ? Et pourtant… L’homme est ainsi fait qu’il lui faut croire en quelque chose qui transcende les petits arrangements de la vie quotidienne. Par exemple, on a envie de croire que les Etats-Unis sont nos fidèles alliés, que l’Union européenne est autre chose qu’une machine folle, que nos interlocuteurs sur l’arène internationale sont raisonnables et nous veulent intrinsèquement du bien.
Pourtant, les réalités nous montrent chaque jour que le monde ne fonctionne pas comme ça. Prenons par exemple les rapports avec les Etats-Unis. Nous savons depuis de longues années que notre « plus vieil allié » ne justifie guère la confiance que ses partenaires placent en lui. L’affaire « échelon » avait déjà mis en évidence le fait que les services de renseignement américains n’éprouvaient la moindre gêne à mettre sur écoutes leurs alliés. Depuis, des affaires éclatent régulièrement montrant que ces actes d’espionnage n’ont jamais cessé, au contraire. Et comme ce type d’écoutes est relativement cher, on peut supposer que la motivation de ces écoutes n’est pas la simple curiosité. L’information ainsi glanée est certainement utilisée pour faire avancer les intérêts américains, souvent au détriment de ceux du pays « écouté ». Mais nos dirigeants ne semblent toujours pas avoir compris. On fait tout un foin lorsqu’on parle d’équiper nos réseaux 5G de matériel Huawei car, voyez-vous, ces matériels pourraient contenir des « portes cachés » permettant aux méchants Chinois de nous espionner, voire de paralyser nos réseaux. Moyennant quoi, on installe du matériel Cisco qui permet aux Américains de faire exactement la même chose. Mais voyez-vous, les Chinois sont des méchants dictateurs, alors que les Américains sont des gentils démocrates. Et il est tellement plus sympathique de se faire voler les marchés et ses positions stratégiques par une démocratie…
L’affaire « Aukus » tout comme l’évacuation de l’Afghanistan ne fait que souligner la naïveté de nos dirigeants, dont on dirait qu’ils découvrent à chaque fois combien le monde est méchant et injuste. On s’indigne – ou on fait semblant de s’indigner – à l’Elysée parce que les Américains n’ont pas « consulté leur allié ». Mais pourquoi le feraient-ils ? Par courtoisie ? Dans les rapports entre états, cela n’existe pas. Par intérêt ? On voit mal ce qu’ils auraient à gagner à ménager un allié qui de toute façon n’a guère la volonté de créer un rapport de forces. Finalement, avoir piqué un contrat de plusieurs dizaines de milliards d’euros ne leur aura couté qu’une bouderie de deux semaines des frenchies et une petite phrase d’Ursula Von der Leyen. A ce prix-là, ils auraient tort de se gêner.
Nos dirigeants s’indignent – mollement, mais tout est mou chez eux – aussi de voir que l’Union européenne, dont on nous répète à l’envi que c’est la première puissance économique du monde, n’ait soutenu la position française que du bout des lèvres, et sans le moindre engagement. Là encore, cela ne peut surprendre que les naïfs qui ont pris au sérieux – honte sur eux – la vision qui veut que les rapports internationaux soient régis par autre chose que les rapports de force. Et quoi qu’en dise la propagande eurolâtre, les rapports entre pays européens restent des rapports internationaux. Nos partenaires européens ont beau proclamer leur adhésion à la « solidarité européenne », à l’heure des choix ils feront primer leurs intérêts nationaux. Les pays de l’Europe orientale sont obsédés par le péril russe et leur principale garantie est leur insertion dans le système OTAN. Les « frugaux » (Scandinaves, Hollandais, Allemands) sont obsédés par la réduction des coûts, et pensent que la manière la plus économique d’assurer leur sécurité est le parapluie américain. Ni les uns ni les autres ne prendront le risque de mécontenter l’allié américain pour les beaux yeux de la France et sa présence dans une région où ils n’ont guère d’intérêts. Cette affaire illustre encore une fois une réalité : contrairement à ce qui se passe à l’intérieur d’une nation, il n’existe aucune solidarité inconditionnelle entre européens. Nos partenaires ne nous soutiendront que si c’est dans leur intérêt. Il est grand temps que nos dirigeants le comprennent.
Mais l’exemple le plus éclatant de la naïveté de nos dirigeants – et du président de la République en premier – est l’affaire algérienne. C’est bien connu, on succède toujours à un incapable et on est toujours remplacé par un arriviste. Macron fustige donc les « incapables » qui l’ont précédé. Il condamne la colonisation comme un « crime contre l’humanité », manifeste sa volonté de résoudre le conflit mémoriel et charge à cet effet un historien d’extrême gauche aux engagements « décoloniaux » bien connu de gérer l’affaire. Tout se passe comme si Macron croyait qu’entre hommes de bonne volonté il suffit qu’on arrive à se parler et que chacun reconnaisse ses torts pour que tous les problèmes se résolvent.
Seulement voilà, les autorités algériennes empocheront les concessions sans la moindre réciprocité et sans le moindre égard pour le président qui les a faites. Pourquoi iraient-ils renoncer à la « rente mémorielle » qui joue un rôle fondamental non seulement dans la légitimation de la structure politico-militaire au pouvoir mais de l’Etat algérien lui-même ? Qu’est-ce que cela leur rapporterait de donner pour terminé le contentieux mémoriel avec la France, alors que c’est leur levier préféré pour exiger de la France concession sur concession ? Ils n’ont aucun intérêt à le faire, et ils ne le feront donc pas. Et dans les affaires internationales, c’est l’intérêt des nations qui prime encore et toujours. Alors, on a vu un président dépité reprendre brusquement d’une main ce qu’il avait donné avec l’autre, et rendre publique sa frustration en des termes fort peu diplomatiques. Mais ce dépit donne une idée de sa naïveté. Comment a-t-il pu croire qu’il en irait autrement ?
Macron est peut-être l’exemple emblématique de la naïveté de notre classe dirigeante. Ayant renoncé à peser sur la réalité matérielle, elle se contente avec le magistère de la parole, et croit aux vertus magiques du discours. Notre gouvernement n’a plus de politique énergétique, de politique éducative, de politique de défense, de politique migratoire, elle n’a que des discours sur ces sujets. Nos ministres font des déclarations qui ne se traduisent jamais par des faits concrets. Nos classes dirigeantes s’imaginent que l’éloquence d’un président – jeune et séducteur de préférence – suffira à fléchir nos partenaires européens, algériens ou américains. Mais cela ne concerne pas que Macron : lorsque Mélenchon considère inutile la sortie de l’Euro puisque la simple menace de « désobéir » aux traités suffirait à faire souffler un vent de panique chez nos partenaires, il est dans la même logique, celle qui veut que la rhétorique suffit à faire des miracles. C’est oublier que, comme disait Cromwell, « Dieu est toujours du côté de celui qui a les plus gros bataillons ».
C’est parce qu’ils cèdent à cette naïveté que nos dirigeants se prennent en permanence des tartes. Que ce soit sur l’affaire Alstom, l’Algérie, l’Aukus, la liste s’allonge des affaires où l’on s’et fait avoir, sans qu’on trouve d’autre réponse que les paroles verbales. Parce que sans un levier pour agir sur les choses – et la volonté de l’utiliser – les discours n’ont aucun effet.
Nous ne pouvons plus nous contenter de ce type de naïveté. En matière internationale, c’est une question de vie ou de mort. Il nous faut une politique extérieure digne de ce nom. Ce qui suppose de définir quelle est la place que nous voulons dans le monde. Car la puissance, c’est d’abord une question de volonté. La Russie est une puissance mondiale, l’Allemagne ne l’est pas. Et pourtant, la première a un PIB inférieur à la seconde. Pourquoi ? Parce qu’il y a d’un côté la volonté de peser dans les affaires du monde et faire de la présence internationale une priorité nationale, et que de l’autre on se contente d’être riche, quitte à payer d’autres pour vous défendre. La question est donc simple : dans une Europe allemande centrée d’abord sur elle-même et donnant la priorité au bien-être du consommateur et à la réduction des dépenses, la vision « universelle » d’une France intervenant dans les affaires du monde a-t-elle encore une place ? Et plus fondamentalement, avons-nous, nous Français, l’envie que notre pays garde encore cette vision ? Sommes-nous prêts à en payer le prix ?
Si la réponse est « oui », alors il est urgent de se réveiller. Car dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, nous avons largement mangé ces quarante dernières années le capital laissé par les générations précédentes. Au nom des économies de bouts de chandelle, nous avons laissé se dégrader notre réseau diplomatique – et qui dit diplomatie dit renseignement – qui fut autrefois l’un des meilleurs du monde. L’équipement de nos armées a fondu comme neige au soleil, et ce qui est plus grave, nous dépendons pour beaucoup de fonctions essentielles à la défense nationale et même à la survie de la nation de l’assistance ou de prestataires étrangers – souvent américaine mais pas que.
C’est malheureux à dire, mais il y a dans la formation de nos hommes politiques trop de Droit et pas assez d’Histoire. On les voit pousser des grands cris lorsque le gouvernement britannique décide – souverainement – de porter des coups de canif aux accords de sortie de l’Union européenne, mais ils semblent démunis pour y répondre. Normal : ce sont des avocats. Ils sont très compétents lorsqu’il s’agit de défendre leur position devant un juge. Mais lorsqu’il n’y a pas de juge – et dans les affaires internationales il n’y en a pas – et qu’il s’agit de peser et créer des rapports de force, ils sont perdus. Et on le voit bien dans l’affaire Aukus. On s’est fait avoir, on n’est pas content, on fait la gueule trois jours. Et après ? On déclare, comme l’a fait Joseph Borrel, qui fait semblant d’être ministre des affaires étrangères de la « première puissance économique du monde », que « l’incident est clos ». On ne va pas se fâcher avec les Américains pour si peu, n’est-ce pas ? Et puis, si on voulait se fâcher, on ferait quoi ? Imagine-t-on ces politiciens bisounours prendre des mesures de rétorsion sérieuses, de faire parler la puissance – et d’en payer le prix ?
Il est grand temps pour nos hommes politiques de revenir à un sain cynisme, celui résumé dans la formule d’un homme politique britannique : « penser le mal de son voisin est peut-être un péché, mais rarement une erreur ». Nous vivons dans un monde injuste et dangereux, et si le principe de solidarité inconditionnelle permet d’atténuer sinon d’éliminer les dangers et les injustices à l’intérieur des nations, il n’existe aucun mécanisme semblable dans les rapports internationaux. L’ONU ou l’UE restent des « machins » qui au mieux déguisent les rapports de force sous forme de rapports de droit. Quand le TPI renonce à poursuivre les faits de torture commis par les Américains dans la guerre d’Afghanistan au prétexte qu’ils ne sont pas prioritaires, on a du mal à croire que le choix repose sur des simples considérations juridiques. Et les victimes de ces actes n’ont de chance d’obtenir satisfaction dans les cadres du droit que si le rapport de forces est là.
Descartes
Bonjour,
Je suis ô combien d’accord avec votre article. Je dois vous faire une confession: lors de l’affaire des sous-marins commandés par l’Australie (ce que vous appelez l’ “Aukus” du nom de l’alliance anglo-saxonne qui a fait capoter le contrat, si j’ai bien compris), j’ai eu ma poussée de “Schadenfreude” en entendant sur France Culture (mais c’était sans doute le même discours ailleurs) des journalistes scandalisés, la voix effarée, se demander si “Joe Biden était bien le Président que les Américains ont élu” ou si “Biden n’est qu’un Trump en mieux éduqué“. Mais d’où sortent ces gens? L’indélicatesse (je suis poli) des Amerloques est connue depuis longtemps, et ne date pas de Trump qui, rétrospectivement, apparaît peut-être comme l’un des dirigeants américains les moins faux-derche. Les écoutes, ça ne datait pas d’Obama? D’ailleurs, nos “amis” allemands se privaient-ils de nous écouter?
Le problème de la naïveté, c’est le même que celui de la connerie souligné par un personnage à qui Audiard fait dire: “la connerie à ce point là, moi je dis, ça devient gênant“. Quand on est à la tête d’un pays, la naïveté est un luxe qu’on ne peut pas se payer. Au bout d’un moment, non seulement c’est gênant, mais ça en devient presque criminel.
Sinon je relève que vous citez souvent des politiques britanniques. J’ai l’impression à vous lire, qu’on cultive une réelle “sagesse politique”, un art de la maxime courte mais profonde, chez nos voisins anglais, non dénuée d’une forme d’humour. Sans indiscrétion, d’où vous vient cette connaissance de l’état d’esprit britannique? Décidément, nous avons encore des choses à apprendre des Anglais. Voilà un peuple que je n’aime guère, mais que j’admire.
@ nationaliste-ethniciste
[Je suis ô combien d’accord avec votre article.]
Damned ! Encore raté ! Comment lancer un débat si on est d’accord dès le départ ? 😉
[Mais d’où sortent ces gens? L’indélicatesse (je suis poli) des Amerloques est connue depuis longtemps, et ne date pas de Trump qui, rétrospectivement, apparaît peut-être comme l’un des dirigeants américains les moins faux-derche. Les écoutes, ça ne datait pas d’Obama ? D’ailleurs, nos “amis” allemands se privaient-ils de nous écouter ?]
Je ne sais pas si « l’indélicatesse » – je pense que le terme propre serait « brutalité » – est le privilège des Américains. La politique internationale est un domaine où se confrontent les intérêts vitaux des différentes nations. C’est le domaine par excellence du tragique, puisqu’on parle de la guerre et de la paix. Une telle confrontation ne peut être que brutale. Après, on occulte plus ou moins cette brutalité en fonction de l’intérêt qu’on peut avoir de permettre à l’adversaire de sauver la face. Les Américains savent parfaitement mettre les formes lorsqu’ils y ont intérêt. Le fait qu’ils ne l’aient pas fait dans cette affaire pourrait être vue comme une erreur due à l’inexpérience ou l’incompétence. Mais personnellement je pense qu’elle est parfaitement conforme avec la réalité des rapports de force. La France – et l’Europe en général – n’intéressent plus les Américains. L’Union européenne nous a fait sortir de l’histoire. Nous sommes devenus une sorte de grande Suisse. Alors, pourquoi faire un effort pour nous permettre de sauver la face ?
[Le problème de la naïveté, c’est le même que celui de la connerie souligné par un personnage à qui Audiard fait dire : “la connerie à ce point-là, moi je dis, ça devient gênant“. Quand on est à la tête d’un pays, la naïveté est un luxe qu’on ne peut pas se payer. Au bout d’un moment, non seulement c’est gênant, mais ça en devient presque criminel.]
Oui, c’est criminel. En d’autres temps, on a fait passer en Haute Cour des ministres pour moins que ça. Le problème, c’est que nos gouvernants ne font que suivre l’opinion. Les gens sont prêts à payer plus d’impôts – ou de renoncer à d’autres services, ce qui revient au même – pour financer des services extérieurs de qualité ? Pour donner à nos armées les moyens de tenir le rang de la France ? Sont-ils prêts à payer plus cher un certain nombre de choses pour nous permettre de garder sur notre sol les industries stratégiques – et la recherche qui va avec, et qui se meurt si elle n’est pas « tirée » par une industrie locale ? Non ? Alors, il est difficile de demander à un ministre, à un président de faire ce que les français ne veulent pas.
Hubert Germain, mort la semaine dernière, racontait comment lorsqu’il remontait vers le nord à la tête de sa section de légionnaires, il s’était trouvé dans un village de Lorraine ou le maire avait prétendu leur vendre l’eau de son puits. Germain tirait une conclusion terrible : « je me suis battu pour la France, pas pour les Français ». Ce que vous – et moi aussi – demandons à nos élites, c’est de faire le même choix…
[Sinon je relève que vous citez souvent des politiques britanniques. J’ai l’impression à vous lire, qu’on cultive une réelle “sagesse politique”, un art de la maxime courte mais profonde, chez nos voisins anglais, non dénuée d’une forme d’humour. Sans indiscrétion, d’où vous vient cette connaissance de l’état d’esprit britannique ? Décidément, nous avons encore des choses à apprendre des Anglais. Voilà un peuple que je n’aime guère, mais que j’admire.]
J’ai eu le privilège, lors de ma carrière professionnelle, de vivre plusieurs années en Grande Bretagne. Et j’ai profité pour lire l’histoire et le droit anglais. L’Angleterre, c’est un peuple qui – du fait de son caractère maritime et insulaire – a appris à ne compter que sur lui-même, et à qui a une confiance dans sa capacité collective à triompher de toutes les difficultés. Attention, tout n’est pas rose chez eux. Leurs services publics sont mauvais, leur fonction publique est largement plus inefficace que la nôtre, les égoïsmes locaux encore plus présents que chez nous. Mais il est vrai que cette confiance absolue, cette idée « qu’on va y arriver » contraste très agréablement avec notre perpétuel état dépressif.
@ n-e et Descartes[J’ai l’impression à vous lire, qu’on cultive une réelle “sagesse politique”, un art de la maxime courte mais profonde, chez nos voisins anglais, non dénuée d’une forme d’humour.]
J’ajouterais à ce qu’a répondu Descartes qu’il existe outre-Manche une réelle et ancienne tradition philosophique proprement conservatrice, qui a une influence profonde sur l’imaginaire politique, qui a une dimension idéologique cohérente – par opposition à la France, où le conservatisme n’est guère plus qu’une posture ad-hoc sans réelle consistance idéologique propre. Pour le dire autrement, chez les britons, le conservatisme est une position intellectuellement autonome, et pas une vague collection d’oppositions à divers changements…
@ BolchoKek
[Pour le dire autrement, chez les britons, le conservatisme est une position intellectuellement autonome, et pas une vague collection d’oppositions à divers changements…]
Oui. Il a manqué aux britanniques deux expériences qui ont changé notre imaginaire politique: la Révolution française et l’Occupation. Dans les deux cas, les conservateurs ont mal géré la situation: en 1789, ils ont été “le parti de l’étranger” pour revenir dans les fourgons des coalisés après la chute de Napoléon sans “avoir rien oublié, et rien appris”. En 1940, ils ont cru là encore grâce aux armes étrangères pouvoir prendre leur revanche. Conséquence: les conservateurs ont été balayés. On peut difficilement en France être réactionnaire sans être un traître. Ce n’est pas le cas en Grande Bretagne.
@Descartes,
J’apporterais une nuance: le conservatisme et la réaction sont deux positions distinctes, d’après moi. La première visant à conserver ce qui marche et la seconde, qui est rétrograde, souhaite revenir en arrière.
Pendant longtemps, en France, la réaction a pris le visage du conservatisme, mais il semble que cela soit en train de changer: l’islamo-gauchisme est bien la preuve que le progressisme à l’extrême peut parfaitement s’entendre avec la réaction. Et encore, je ne vous parle pas des écolos, réactionnaires par excellence et qui se prévalent d’être anti-conversateur…
Maintenant, le résultat est rigoureusement le même: en France, la réaction finit toujours par trahir !
J’en veux pour exemple les écolos français, qui sont aux Allemands ce que les “Espagnols” étaient aux catholiques pendant les guerres de religions. Quant aux islamo-gauchistes, ce n’est même pas la peine d’expliciter le fait qu’ils sont des ennemis de la nation française…
@ CVT
[J’apporterais une nuance: le conservatisme et la réaction sont deux positions distinctes, d’après moi. La première visant à conserver ce qui marche et la seconde, qui est rétrograde, souhaite revenir en arrière.]
Si être « conservateur » consiste à « vouloir conserver ce qui marche », alors nous sommes tous « conservateurs ». Je ne connais personne qui assume vouloir changer « ce qui marche ». Ceux qui veulent changer visent dans leur immense majorité ce qui – à leur avis – « ne marche pas ». Si l’on veut caricaturer, on pourrait dire qu’un réactionnaire est un conservateur qui a vieilli. On est « conservateur » quand la chose qu’on veut « conserver » existe encore, on devient réactionnaire quand cette chose a disparu, et qu’on veut la récréer…
Personnellement, je qualifierai un « conservateur » différemment. Je pense que le conservatisme est l’attitude qui consiste à penser que parce qu’une institution, une procédure, une esthétique ont une certaine ancienneté, elles sont dignes d’être conservées. Autrement, dit, que le fait d’avoir survécu un certain temps prouve que cette institution, cette procédure, cette esthétique ont une logique interne, une raison d’être. Un conservateur est quelqu’un qui justifie en disant « on a toujours fait comme ça ». Et ce n’est pas irrationnel : si « on a toujours fait comme ça », si nos ancêtres n’ont pas éprouvé le besoin de changer, c’est que cette façon de faire était au fond satisfaisante.
Le conservatisme est la rationalité d’un monde qui ne change pas. Il est clair que si « on a toujours fait comme ça » et que le contexte ne change pas, il n’y a pas de raison de changer la façon de faire. Mais justement, le contexte change. Et avec lui les rapports économiques, sociaux, politiques. C’est-à-dire que ce qui était une bonne façon de faire hier ne l’est plus aujourd’hui, et vice-versa.
[Pendant longtemps, en France, la réaction a pris le visage du conservatisme,]
Je dirais plutôt que la France est un pays dont l’histoire est marquée par des longues périodes de stagnation qui s’achèvent par des ruptures plus ou moins violentes. Or, les ruptures transforment les conservateurs en réactionnaires, puisqu’à défaut d’avoir pu conserver on veut un retour en arrière. C’est pourquoi les conservateurs n’ont guère joué dans notre histoire un rôle politique : pendant les périodes de stagnation, il était absurde de militer politiquement et théoriquement contre des changements inexistants. Pendant les périodes révolutionnaires, le conservatisme devenait vite une réaction. Si le conservatisme a joué un rôle si important en Grande Bretagne, c’est parce que les changements – si on laisse de côté la révolution cromwellienne – ont été permanents, lents et graduels.
[mais il semble que cela soit en train de changer: l’islamo-gauchisme est bien la preuve que le progressisme à l’extrême peut parfaitement s’entendre avec la réaction. Et encore, je ne vous parle pas des écolos, réactionnaires par excellence et qui se prévalent d’être anti-conservateur…]
Je ne partage pas cette analyse. Les écologistes ont TOUJOURS été des réactionnaires. Le fait qu’ils soient classés « à gauche » ne change rien à ce fait. L’idéal de la société écologique est une espèce de moyen-âge idéalisé, quand ce n’est pas un retour à un état tribal. Pour ce qui concerne l’islamo-gauchisme, c’est le fait de gauchistes qui s’imaginent qu’ils peuvent utiliser un mouvement fondamentalement réactionnaire pour briser le capitalisme. Mais il ne s’agit pas d’une « entente », plutôt d’une tentative de récupération/manipulation.
@ Bolchokek,
[Pour le dire autrement, chez les britons, le conservatisme est une position intellectuellement autonome, et pas une vague collection d’oppositions à divers changements…]
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous.
Il est vrai qu’en France, les idéologies politiques se structurent autour de la question de l’héritage des Lumières et de la Révolution. Les Anglais ayant accompli leur révolution avant les Lumières, leur héritage “révolutionnaire” est beaucoup plus conservateur, d’autant qu’il est influencé par une version puritaine de la religion.
Cela étant posé, vous dites qu’en France le conservatisme est “une vague collection d’oppositions à divers changements”. Je vous réponds que c’est un attachement à certaines traditions, à cet “invariant” de l’identité française que Mélenchon rejette avec son idée de créolisation. En France, le conservatisme existe, mais il s’exprime différemment qu’en Grande-Bretagne. C’est un conservatisme latent, qui se traduit par exemple par l’attachement à une certaine conception de l’Etat, “jacobine” lit-on souvent, mais en réalité héritée de la monarchie. Napoléon et de Gaulle ont une dimension conservatrice. Ils innovent certes, mais en coulant cette nouveauté dans un vieux moule.
Ajoutons à cela qu’aujourd’hui en France, les conservateurs sont ceux qui essaient désespérément de sauver les acquis des Lumières et de la Libération. Les révolutionnaires, ce sont les libéraux anti-état, partisans de la mondialisation et du relativisme culturel à l’anglo-saxonne…
@ nationaliste-ethniciste
[Cela étant posé, vous dites qu’en France le conservatisme est “une vague collection d’oppositions à divers changements”. Je vous réponds que c’est un attachement à certaines traditions, à cet “invariant” de l’identité française que Mélenchon rejette avec son idée de créolisation. En France, le conservatisme existe, mais il s’exprime différemment qu’en Grande-Bretagne. C’est un conservatisme latent, qui se traduit par exemple par l’attachement à une certaine conception de l’Etat, “jacobine” lit-on souvent, mais en réalité héritée de la monarchie. Napoléon et de Gaulle ont une dimension conservatrice. Ils innovent certes, mais en coulant cette nouveauté dans un vieux moule.]
Je ne pense pas qu’on puisse réduire le « conservatisme » au refus de tout changement. Le conservatisme est une position qui considère que l’ancienneté d’une pratique ou d’une institution témoigne de son utilité ou de sa pertinence. Autrement dit, que ce qui existe a le privilège du préalable, et que c’est à celui qui veut changer de démontrer que le changement améliore quelque chose.
Mais dans votre remarque, je pense que vous confondez deux idées différentes. Une chose est de conserver une institution, une pratique, une esthétique, et une autre très différente est le rattachement à une identité. L’attachement à la vision « jacobine » de l’Etat, qu’elle fasse référence à Richelieu, à Louis XIV, à la Révolution, à Napoléon ou à De Gaulle n’implique pas une nostalgie de ces époques, mais plutôt de s’inscrire dans leur continuité. Il n’y a là rien de particulièrement « conservateur ». On peut parfaitement être « progressiste » et vouloir inscrire le « progrès » dans cette lignée.
La position de Mélenchon avec sa « créolisation » est un refus de cette continuité, ou plus précisément, c’est l’idée qu’on peut être citoyen français au sens plein du terme sans s’y rattacher.
[Ajoutons à cela qu’aujourd’hui en France, les conservateurs sont ceux qui essaient désespérément de sauver les acquis des Lumières et de la Libération. Les révolutionnaires, ce sont les libéraux anti-état, partisans de la mondialisation et du relativisme culturel à l’anglo-saxonne…]
Comme je l’ai dit par ailleurs, je pense que c’est une vision très caricaturale de ce qu’est un « conservateur ». Un conservateur ne cherche pas seulement à conserver. Il cherche à le conserver pour une raison précise : que tout ce qui a résisté à l’épreuve du temps contient une forme de légitimité, de sagesse, de pertinence. Ceux qui aujourd’hui cherchent à « sauver les acquis des Lumières et de la Libération » ne sont nullement dans cette logique.
@ n-e
[Cela étant posé, vous dites qu’en France le conservatisme est “une vague collection d’oppositions à divers changements”. Je vous réponds que c’est un attachement à certaines traditions, à cet “invariant” de l’identité française que Mélenchon rejette avec son idée de créolisation.]
Je pense que vous n’avez pas compris mon commentaire – et je ne vous en tiens absolument pas rigueur, je ne l’aurais pas compris non plus sans être familier précisément avec le conservatisme et ce qu’il représente outre-Manche.
Je n’ai pas écrit que le conservatisme en France n’existe pas. J’ai écrit qu’il se formait de façon “ad-hoc” selon les époques par rapport au progressisme du jour, et vous l’écrivez vous-même : “certaines traditions”, et je suppose que vous sous-entendez par extension un certain patrimoine immatériel, symbolique, etc. Et je ne vous contredis guère là-dessus. Mais la différence fondamentale du conservatisme Britannique, et c’est là ce qui est au centre de mon commentaire, est qu’il est autonome, c’est à dire qu’il ne se forme pas par rapport au changement, mais il constitue une véritable idéologie, une tradition propre de philosophie politique, dotée de ses propres moyens d’analyse du réel et également de ses propres évolutions et dynamiques internes.
@Descartes,
la vérité, c’est que je suis toujours sidéré par le contraste entre la naïveté de nos dirigeants dans les affaires internationales,, à commencer par celle de P’tit Cron, et de leur cynisme dès qu’il s’agit des affaires de l’Etat.
Pour le cynisme de nos “responsables politiques”, j’en veux pour exemple la répression brutale des Gilets Jaunes, qui étaient dans leur ensemble pacifique, et qu’on a laissé être noyautés par les racailles des banlieues et des beaux quartiers (nom de code des Black Blocs, qui sont très souvent “des enfants de bourges”…).
Autre exemple de ce cynisme, dont j’ai peine à croire que ce soit de la maladresse ou une forme quelconque d’abdication: l’anomie qui se répand dans tous les quartiers dit “sensibles” de France et de Navarre: les trafics, les rackets et la désaffiliation aux moeurs françaises de leurs habitants (je pense très fort à l’islam…) y sont permis voire facilités par le système judiciaire, qui relâche systématiquement les délinquants juvéniles, faute de volonté de punir à temps… Ne pas punir des criminels du fait de leurs origines ethniques, au risque d’accroître le désordre dans la société ne relève pas de la naïveté, mais du cynisme pur!
La seule bonne question que nos concitoyens doivent se poser est combien sommes-nous prêts à payer, plutôt à sacrifier, pour obtenir ce qui bon pour l’intérêt général. D’ailleurs, c’est exactement ce que vous dites dans votre papier; selon moi, le refus de se pencher sur les problèmes qui touchent les “Français d’en bas” d’un point de vue des politiques budgétaires et pénales, est la meilleure preuve du cynisme de nos “responsables” politiques dans les affaires de la Nation…
@ CVT
[la vérité, c’est que je suis toujours sidéré par le contraste entre la naïveté de nos dirigeants dans les affaires internationales, à commencer par celle de P’tit Cron, et de leur cynisme dès qu’il s’agit des affaires de l’Etat.]
J’aurais tendance à dire que la plupart des personnages qui forment nos élites politiques ont un profil de « parieur ». La plupart des carrières politiques aujourd’hui sont le fruit d’un pari réussi. Avant, une carrière politique se construisait sur la durée, en poursuivant un cursus honorum. Les grands destins nécessitaient une longue ténacité, une longue préparation. Aujourd’hui, on peut se retrouver à quarante ans président de la République presque par hasard. Celui qui parie sur le bon cheval est exalté, celui qui se trompe se retrouve dans le placard. Hollande est le premier président de la République à présider le Conseil des ministres sans n’y avoir jamais siégé en tant que ministre. Macron se présente à sa première élection pour être élu à la magistrature suprême. Tous deux doivent leur destin à leur capacité à mettre leurs fiches sur le bon numéro au bon moment. Et c’est encore pire pour leurs porte-flingue, souvent élevés à des postes de grande responsabilité pour avoir su choisir le bon cheval au bon moment.
Ce ne sont pas donc à proprement parler des « cyniques ». Ce sont plutôt des parieurs. Leur carrière se construit à coups de paris, certains réussis, d’autres ratés. Et comme tout parieur, ils n’ont pas notion d’une construction longue dans le temps. Ils ne peuvent pas apprendre de l’expérience, parce qu’avoir perdu à la roulette aujourd’hui ne vous permet pas de mieux deviner le numéro qui sortira demain.
[Pour le cynisme de nos “responsables politiques”, j’en veux pour exemple la répression brutale des Gilets Jaunes, qui étaient dans leur ensemble pacifique, et qu’on a laissé être noyautés par les racailles des banlieues et des beaux quartiers (nom de code des Black Blocs, qui sont très souvent “des enfants de bourges”…).]
Je vois mal comment on aurait pu empêcher ce « noyautage », d’autant plus que les « gilets jaunes » eux-mêmes n’étaient pas prêts, même pour défendre leur mouvement, à coopérer avec les autorités pour isoler les racailles. Au contraire : l’affaire de l’Arc de Triomphe a persuadé pas mal de « gilets jaunes » que les débordements allaient dans le bon sens. A partir de là, la « répression brutale » – les guillemets sont obligatoires, parce que la « brutalité » en question passerait pour mansuétude dans la plupart des pays démocratiques – était à peu près la seule issue possible.
Je ne vois pas en quoi il y a là un exemple de « cynisme ». Le cynisme au sens moderne du terme est une pensée qui s’affranchit des règles imposées par la tradition ou la morale. On pourrait dire que c’est une pensée pragmatique poussée jusqu’à ses dernières conséquences.
[Autre exemple de ce cynisme, dont j’ai peine à croire que ce soit de la maladresse ou une forme quelconque d’abdication : l’anomie qui se répand dans tous les quartiers dit “sensibles” de France et de Navarre : les trafics, les rackets et la désaffiliation aux mœurs françaises de leurs habitants (je pense très fort à l’islam…) y sont permis voire facilités par le système judiciaire, qui relâche systématiquement les délinquants juvéniles, faute de volonté de punir à temps… Ne pas punir des criminels du fait de leurs origines ethniques, au risque d’accroître le désordre dans la société ne relève pas de la naïveté, mais du cynisme pur !]
Je crois que vous généralisez un peu trop le mot « cynisme ». C’est quoi pour vous un « cynique » ?
Si je m’en tiens à la définition moderne, il n’y a là aucun « cynisme ». La plupart des gens qui ont laissé faire sont convaincues au contraire d’avoir satisfait à un impératif moral en ne punissant pas des délinquants perçus comme des « victimes de la société ». Leur attitude n’est en rien marquée par l’amoralisme des vrais cyniques, plutôt tout le contraire, par un moralisme exacerbé.
@Descartes
au bout d’un moment, je finis par penser que ce moralisme exacerbé n’est plus qu’un masque. En fait, j’utiliserai un oxymore pour donner une définition du cynisme telle que je la vois chez nos dirigeants: celles de gens qui sont “sincèrement hypocrites”.
Et oui, l’amoralisme chez eux n’est jamais bien loin: regardez le comportement de la gauche 68-arde dont les bobos en général, et P’tit Cron en particulier font montre dès qu’il s’agit de critiquer les “populistes” ou les “sans-dents”, alors que pour moi, ce sont les élites les plus corrompues depuis au moins la Révolution…
Je sais qu’habituellement, c’est un sujet d’ordre privé, mais vous ne trouvez pas que le couple Trogneux-Micronléon répond parfaitement à cette définition?
Et toutes les actions présidentielles depuis quatre ans sont à l’avenant: le discours sur les “premiers de cordés”, sur “ce qui ne sont rien”, et j’en passe, sont certes POLITIQUES, mais surtout témoignent d’un affranchissement de la décence ordinaire du Président. Oui, P’tit Cron est profondément narcissique et cynique, mais bizarrement d’une grande pusillanimité face aux plus forts…
Ceci dit, pour les Français, vous avez raison: nous avons le président qu’on mérite, et je souhaite que Miss Le Pen ne se qualifie pas au second tour pour qu’on soit enfin fixé sur ce que les Français veulent vraiment!
Parce que si P’tit Cron est réélu l’an prochain, jamais les propos du compagnon de la résistance Hubert Germain, que vous avez cité plus haut, n’auront autant d’actualité…
@ CVT
[au bout d’un moment, je finis par penser que ce moralisme exacerbé n’est plus qu’un masque. En fait, j’utiliserai un oxymore pour donner une définition du cynisme telle que je la vois chez nos dirigeants : celles de gens qui sont “sincèrement hypocrites”.]
Cette définition, vous le comprenez, est un oxymore. Je pense qu’on fait souvent l’erreur de penser que les hommes et femmes politiques sont des êtres machiavéliques et immoraux. Mon expérience est que c’est très loin d’être le cas. Ces gens dépensent une bonne partie de leur énergie à se justifier devant leurs entourages, leurs amis, et aussi devant eux-mêmes. Vous n’imaginez pas l’énergie qu’ils peuvent dépenser pour inscrire les pires saloperies – et dieu sait qu’on en fait quand on est aux affaires – dans un récit moral qui les valorise. Les vrais cyniques, ceux qui refusent de se cacher derrière des considérations morales, qui assument leurs choix jusqu’au bout, sont rarissimes.
[« Le cynisme au sens moderne du terme est une pensée qui s’affranchit des règles imposées par la tradition ou la morale » Je sais qu’habituellement, c’est un sujet d’ordre privé, mais vous ne trouvez pas que le couple Trogneux-Micronléon répond parfaitement à cette définition ?]
Non. Vous noterez qu’ils se sont mariés en bonne et due forme… comme quoi, la tradition a chez lui encore quelque poids. Et je n’imagine pas madame Macron tolérant que son mari ait un(e) amant(e) publiquement. Si l’on exclut la différence d’âge, le couple Macron c’est le conformisme bourgeois dans sa plus belle expression.
[Et toutes les actions présidentielles depuis quatre ans sont à l’avenant : le discours sur les “premiers de cordée”, sur “ce qui ne sont rien”, et j’en passe, sont certes POLITIQUES, mais surtout témoignent d’un affranchissement de la décence ordinaire du Président. Oui, P’tit Cron est profondément narcissique et cynique, mais bizarrement d’une grande pusillanimité face aux plus forts…]
Narcissique certainement. Mais cynique ? Je ne suis pas convaincu. Macron est profondément pénétré de la morale libérale. La richesse est fille de l’effort, et il est donc profondément moral que certains soient riches et les autres pauvres. Où voyez-vous du cynisme là-dedans ?
Donc, c’est officiel, pour notre Président, le “massacre” du 17 octobre 1961 est “inexcusable”.
Cela se discute.
Pour l’historien Bernard Lugan, le nombre des victimes est très inférieur à celui avancé par d’autres. Je n’ai aucune compétence pour trancher. Je suppose seulement que Lugan ne s’avance pas la légère.
http://bernardlugan.blogspot.com/2021/10/17-octobre-1961-un-massacre-imaginaire.html
M. Macron semble oublier le contexte de cette manifestation. Pour tout le monde, mis à part le discours officiel et le Droit international, nous étions en guerre, et cette manifestation était un acte de guerre. Et des Policiers avaient été assassinés en Algérie. J’étais bien jeune, à l’époque. Quand la radio annonçait la découverte du cadavre “atrocement mutilé” d’un Policier, Gendarme ou militaire, je ne savais pas ce que cela signifiait. Les Policiers le savaient, eux. Et ils pensaient sans doute que les mutilations n’avaient pas été pratiquées post-mortem. Ne pas réprimer cette manifestation eût été une capitulation.
Pareil débat devrait rester entre historiens. Avec cette déclaration notre Président fait aux dirigeants algériens un cadeau qui ne nous rapportera rien.
Ceci dit avec toute ma compassion pour les malheureux manifestants pris, qu’ils étaient, entre le FLN et les Policiers.
@ xc
[Donc, c’est officiel, pour notre Président, le “massacre” du 17 octobre 1961 est “inexcusable”.
Cela se discute.]
Le mot du président est intéressant parce qu’il suggère qu’il y aurait des massacres « excusables » et d’autres qui ne le seraient pas. Mais alors, comment on fait pour distinguer les uns et les autres ? Qu’est ce qui fait qu’un massacre est « excusable » ?
Le problème avec cette affaire est que l’on confond histoire et morale. Les catégories « excusable » ou « inexcusable » n’ont pas de sens pour l’historien. Pour l’historien, ce qui importe est d’établir l’enchainement des évènements, la perception qu’en avait les acteurs et leurs motivations. La question de savoir si leurs actions sont « excusables » implique un jugement moral, et les jugements moraux sont subjectifs.
Prétendre que le discours de Macron tranche une question historique est absurde. Macron est un homme politique, et il parle politique. Il raconte un récit dont la confection est d’abord guidée par des considérations d’opportunité, et seulement d’une façon secondaire par des considérations historiques. Un homme politique peut être amené à ne pas « reconnaître » des faits réels. Mais il peut tout aussi être conduit à « reconnaître » des « faits » inventés. Le choix des « faits » qu’on choisit ou non de reconnaître nous dit plus sur le contexte politique que sur l’histoire. Nous connaissons le nom du « responsable » du 17 octobre 1961, personne ne dit le nom de celui qui a ordonné le massacre d’Oran. Il faut croire que ce dernier est « excusable »…
[Pour l’historien Bernard Lugan, le nombre des victimes est très inférieur à celui avancé par d’autres. Je n’ai aucune compétence pour trancher. Je suppose seulement que Lugan ne s’avance pas à la légère.]
Non, il s’appuie sur un rapport très sérieux rédigé sous la direction du conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern. C’est un débat d’historiens que je ne suis pas plus que vous en mesure de trancher. Mais cela n’a aucune importance. Quand bien même les chiffres avancés par les partisans du FLN seraient vraies, le choix par un président de la République de parler d’un massacre plutôt qu’un autre n’a aucun rapport avec les faits historiques. Pour le dire autrement, les faits dont parle un politique sont TOUJOURS « inventés », parce que le choix d’en parler de celui-ci plutôt que de celui-là est une invention.
[M. Macron semble oublier le contexte de cette manifestation.]
Je pense qu’il ne l’a jamais connu. Et que cela ne l’intéresse pas. Sa tactique est toujours la même : aux Harkis il explique qu’ils ont été traités d’une façon indigne, et que c’est la faute de la « France d’avant » ; aux amis du FLN il raconte que le « massacre » de 1961 est « inexcusable », et que c’est la faute de la « France d’avant ». Et comme Macron n’a rien à voir avec la « France d’avant », le tour est joué. On peut draguer toutes les voix sans se trouver en contradiction.
C’est peut-être là le principal péché, le seul « inexcusable », de Macron. C’est de ne pas incarner la continuité historique, de refuser l’héritage – celui de Clovis, de Jeanne d’Arc, de Louis XIV, de Bonaparte, de De Gaulle. Ce refus n’est pas explicite, mais il n’est pas moins réel. Parce qu’on ne peut reprendre un héritage par appartements. Ou bien on assume tout, ou bien on abandonne tout. Pour reprendre les mots de Napoléon, « de Clovis au Comité de salut public, j’assume tout ». Et on n’assume pas en s’excusant. On peut ne pas aimer Papon ou Pétain, on peut condamner ses actes, mais on n’a pas à « s’excuser ».
Ce que Macron et les siens nous préparent, c’est un pays sans mémoire, sans récit. Comment peut-on espérer des jeunes qu’ils se reconnaissent dans leur héritage – ou qu’ils l’adoptent par le biais de l’assimilation – si leurs dirigeants leur expliquent qu’il faut en avoir honte au point de s’en excuser en permanence ?
[Pour tout le monde, mis à part le discours officiel et le Droit international, nous étions en guerre, et cette manifestation était un acte de guerre. Et des Policiers avaient été assassinés en Algérie. J’étais bien jeune, à l’époque. Quand la radio annonçait la découverte du cadavre “atrocement mutilé” d’un Policier, Gendarme ou militaire, je ne savais pas ce que cela signifiait. Les Policiers le savaient, eux. Et ils pensaient sans doute que les mutilations n’avaient pas été pratiquées post-mortem. Ne pas réprimer cette manifestation eût été une capitulation.]
Oui. Et il n’y avait pas que les policiers. Plus d’un millier d’Algériens de métropole qui n’acceptaient pas l’autorité du FLN ont été assassinés par des militants indépendantistes. Oui, le contexte de l’époque est très important, non pas pour « excuser » – j’ai déjà dit ce que j’en pense – mais pour comprendre.
[Pareil débat devrait rester entre historiens. Avec cette déclaration notre Président fait aux dirigeants algériens un cadeau qui ne nous rapportera rien.]
Détrompez-vous, Macron s’imagine que cela lui rapportera des voix. Et dans ce domaine, je ferais confiance aux réflexes macroniens…
[C’est peut-être là le principal péché, le seul « inexcusable », de Macron. C’est de ne pas incarner la continuité historique, de refuser l’héritage – celui de Clovis, de Jeanne d’Arc, de Louis XIV, de Bonaparte, de De Gaulle. Ce refus n’est pas explicite, mais il n’est pas moins réel. Parce qu’on ne peut reprendre un héritage par appartements. Ou bien on assume tout, ou bien on abandonne tout. Pour reprendre les mots de Napoléon, « de Clovis au Comité de salut public, j’assume tout ». Et on n’assume pas en s’excusant. On peut ne pas aimer Papon ou Pétain, on peut condamner ses actes, mais on n’a pas à « s’excuser ».]
Cela me rappelle la fin des Mains sales de Sartre. Hugo peut bien admettre s’être trompé sur les intentions du chef Hoederer, admettre qu’il a agi par de bas sentiments mais ne peut admettre qu’on lui demande de renier ses actes.
[Oui. Et il n’y avait pas que les policiers. Plus d’un millier d’Algériens de métropole qui n’acceptaient pas l’autorité du FLN ont été assassinés par des militants indépendantistes. Oui, le contexte de l’époque est très important, non pas pour « excuser » – j’ai déjà dit ce que j’en pense – mais pour comprendre.]
Effectivement, la guerre des terrasses entre FLN et MLN fut très sanglante, ainsi que les diverses extorsions.
[Et comme Macron n’a rien à voir avec la « France d’avant », le tour est joué.]
Depuis une bonne quarantaine d’années (BHL fut en la matière un précurseur), c’est fou le nombre de gens qui s’ingénient à battre leur coulpe sur la poitrine des autres, et en particulier de leurs anciens. Ce qui leur permet d’exhiber, en creux, leur grandeur d’âme ; on peut même parler d’exhibitionnisme.
Bonjour, et merci pour ce billet.
Je sais que c’est une bien maigre récompense, mais il faut mentionner aussi la signature par le gouvernement grec d’un contrat pour des frégates de Naval Group, ainsi que d’un accord de coopération militaire entre la France et la Grèce. Ce contrat et cet accord sont intervenus quelques jours après l’annonce par l’Australie de l’annulation de son contrat avec l’entreprise française, et il est clair pour moi que les deux événements sont liés.
Pour se mettre un peu dans le contexte, Naval Group était en discussion avec la Grèce pendant quelques années pour lui vendre des frégates, sans succès. Le gouvernement grec actuel a décidé l’année dernière de passer par un appel d’offres, auquel ont répondu la France, quelques autres pays européens, et les États-Unis. Alors qu’il semblait que les Etats Unis étaient les favoris jusqu’à très récemment, et ce malgré la qualité inférieure des frégates américaines et leur inadaptation au besoins de la marine grecque*, la France a fini par remporter le contrat.
Est-ce qu’on ne pourrait pas considérer que le grand fracas qu’a fait la France a finalement servi à quelque chose ? Naval Group a pu vendre du matériel, et la France a signé un accord bilatéral avec un pays important de la Méditerranée orientale.
* Je précise que je ne suis pas du tout expert dans ce domaine, et qu’il faudrait cette comparaison avec des pincettes. Peut-être les frégates américaines n’était finalement pas si mauvaises que ça, et peut-être aussi que le rapport quantité-prix des frégates françaises ne leur était pas favorables. En tout cas, pas mal de spécialistes que j’aimerais pouvoir prendre sur parole étaient de l’avis que le choix des frégates françaises était le meilleur.
@ KerSer
[Je sais que c’est une bien maigre récompense, mais il faut mentionner aussi la signature par le gouvernement grec d’un contrat pour des frégates de Naval Group, ainsi que d’un accord de coopération militaire entre la France et la Grèce. Ce contrat et cet accord sont intervenus quelques jours après l’annonce par l’Australie de l’annulation de son contrat avec l’entreprise française, et il est clair pour moi que les deux événements sont liés.]
Je ne suis pas persuadé. La Grèce sait que sur la question stratégique pour elle de la défense de son territoire contre les agressions turques, elle n’a rien à attendre de l’Union européenne. La moitié des pays européens s’en foutent, et l’autre – notamment l’Allemagne – est en situation de devoir ménager les turcs pour des raisons de politique intérieure. De l’autre côté, les Grecs savent que la France est prête à s’opposer aux prétentions turques, et qu’elle a été capable de temps en temps à prendre des décisions en autonomie par rapport à l’OTAN. Je pense que c’est dans ce contexte qu’il faut chercher les raisons de ces accords.
@Descartes
En effet et c’est probablement pour une raison similaire que la Grèce nous a acheté des Rafale.
Ceci dit et pour rebondir sur la discussion qui a eu lieu sous le précédent billet (Macron vs. Jadot), on peut se demander si sous un Jadot la France vendrait encore des frégates et des Rafale à des pays étrangers.
@ Ian Brossage
[Ceci dit et pour rebondir sur la discussion qui a eu lieu sous le précédent billet (Macron vs. Jadot), on peut se demander si sous un Jadot la France vendrait encore des frégates et des Rafale à des pays étrangers.]
Parce que vous croyez que Jadot a des principes ? Détrompez-vous, Jadot président aurait lui aussi à équilibrer un budget…
Quand on parle de « Macron vs. Jadot », il faut fixer un peu le cadre de la discussion. Si on considère que Jadot n’a aucun principe et est prêt à s’asseoir sur toutes les obsessions historiques des « écologistes » (opposition forcenée au nucléaire, à l’armement, au jacobinisme, etc.), alors effectivement il risque de ne pas y avoir de grande différence entre les deux.
Personnellement, je partais de l’hypothèse que les « écologistes » chercheraient au minimum à mettre en pratique leurs idées les plus chères (comme ils y ont poussé en Allemagne, par exemple).
Heu… depuis quand un gouvernement français a-t-il présenté un budget « équilibré » ? (si par équilibré vous parlez d’une égalité proche entre recettes et dépenses de l’État…)
@ Ian Brossage
[« Parce que vous croyez que Jadot a des principes ? » Quand on parle de « Macron vs. Jadot », il faut fixer un peu le cadre de la discussion. Si on considère que Jadot n’a aucun principe et est prêt à s’asseoir sur toutes les obsessions historiques des « écologistes » (opposition forcenée au nucléaire, à l’armement, au jacobinisme, etc.), alors effectivement il risque de ne pas y avoir de grande différence entre les deux.]
Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfouis ?
Je me souviens encore de tous ces socialistes heureux qui en 1981 allaient « changer la vie ». Avaient-ils des « principes » ? Probablement autant que Jadot aujourd’hui. Et cela ne les a pas empêchés « par une nuit sans lune » d’embrasser le néolibéralisme au bout de deux ans de pouvoir. Et de se raconter que ce faisant ils étaient fidèles à leurs principes – souvenez-vous de Mélenchon qualifiant Maastricht de « compromis de gauche ».
Jadot a certainement des principes. Il a aussi les instruments intellectuels pour prétendre qu’il en est fidèle tout en faisant exactement le contraire. Ferait-il une politique très différente de celle de Macron ? Je ne le crois pas : la politique que fait le gouvernement est largement déterminée par les rapports de forces. Les élections ne changent pas ces rapports, elles ne font que les révéler. Je ne vois pas en quoi le rapport de forces aurait changé entre 2017 et 2022. Alors, pourquoi les politiques changeraient-elles ?
Ce qui peut changer, c’est l’habillage. Jadot déciderait peut-être de « sortir du nucléaire », alors qu’avec Macron on sortira sans le dire par manque de décision. Parce que, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, ne pas décider de nouvelles constructions implique à terme une sortie. Nous sommes en train de sortir du nucléaire par l’effet combiné de l’obsolescence des installations et de l’ouverture du marché qui rend le financement de nouvelles constructions impossibles sans une politique volontariste des pouvoirs publics..
[Personnellement, je partais de l’hypothèse que les « écologistes » chercheraient au minimum à mettre en pratique leurs idées les plus chères (comme ils y ont poussé en Allemagne, par exemple).]
Ils cherchent, ils cherchent… un peu comme les socialistes de 1981 cherchaient à « changer la vie ». Mais si les hommes font l’histoire, ils ne savent pas l’histoire qu’ils font…
[Heu… depuis quand un gouvernement français a-t-il présenté un budget « équilibré » ? (si par équilibré vous parlez d’une égalité proche entre recettes et dépenses de l’État…)]
Depuis toujours. Le budget est par essence « équilibré ». Qu’il soit équilibré par l’emprunt, c’est une autre affaire… dire qu’un budget est « déséquilibré » dès lors qu’il présente un déficit entre les recettes fiscales et les dépenses est un abus de langage.
@Descartes
Mais alors pourquoi dire que le choix entre Jadot et Macron serait « cornélien », alors que la logique devrait vous pousser à vous abstenir (ou à voter entièrement au hasard), puisque les élections ne font que révéler les rapports de force ?
Mais pourquoi est-ce que ça présenterait une difficulté particulière pour Jadot, alors ? Les obligations françaises se vendent très bien, et cela ne changerait pas sous un gouvernement « vert-centre-gauche »…
Je l’ai remarqué. J’ai aussi cru comprendre qu’il y aurait peut-être des annonces bientôt, suite au rapport de RTE ? En tout cas, le gouvernement a clairement laissé entendre que des tranches d’EPR supplémentaires allaient être lancées. Qu’aurait fait Jadot dans la même situation ?
@ Ian Brossage
[Mais alors pourquoi dire que le choix entre Jadot et Macron serait « cornélien », alors que la logique devrait vous pousser à vous abstenir (ou à voter entièrement au hasard), puisque les élections ne font que révéler les rapports de force ?]
Mon commentaire sur le « choix cornélien » entre Macron et Jadot était ironique…
[Mais pourquoi est-ce que ça présenterait une difficulté particulière pour Jadot, alors ? Les obligations françaises se vendent très bien, et cela ne changerait pas sous un gouvernement « vert-centre-gauche »…]
Je ne sais pas. Un gouvernement qui affirmerait – et mettrait en œuvre – une politique qui exclurait la vente d’armes ne bénéficierait probablement pas de la même confiance de la part des prêteurs qu’un gouvernement qui ne répugne pas à cette source de revenu…
[Je l’ai remarqué. J’ai aussi cru comprendre qu’il y aurait peut-être des annonces bientôt, suite au rapport de RTE ?]
Des annonces, des annonces… vous voulez dire que Macron prendrait aujourd’hui la décision qu’il n’a pas voulu prendre pendant cinq ans, et tout ça suite à un simple rapport du gestionnaire du réseau qui, somme toute, ne dit rien de bien différent de ce qu’il disait les années précédentes ? Les annonces, cela ne coûte rien. Ce sont des décisions fermes qui donnent confiance aux industriels et aux marchés.
[En tout cas, le gouvernement a clairement laissé entendre que des tranches d’EPR supplémentaires allaient être lancées. Qu’aurait fait Jadot dans la même situation ?]
J’imagine qu’il aurait laissé entendre que les tranches ne seraient pas lancées. Mais quel effet ont les « laisser entendre » sur la réalité ? Pensez-vous que des jeunes vont engager leur carrière dans la filière nucléaire, que les industriels vont investir pour moderniser leur usines, former leur personnel, que les chercheurs vont s’engager dans des travaux simplement parce que le gouvernement « laisse entendre » qu’un jour, peut-être, on relancera des tranches supplémentaires ?
Cela fait plus de dix ans que la filière nucléaire vit au rythme « d’annonces » contradictoires, de gouvernements qui les jours pairs affirment qu’il faut réduire la part du nucléaire et les jours impairs « laissent entendre » qu’une relance industrielle est dans les cartes. Vous n’imaginez pas les dégâts que cette absence de décision a fait. Pensez ce qu’à pu être la réaction de l’équipe Astrid en apprenant qu’après dix ans de travail tout cela allait être jeté à la poubelle non parce que le gouvernement a décidé d’abandonner la filière, mais parce qu’il est incapable de décider quoi faire avec elle.
Tout ce que vous dites est vrai : la Grèce avait intérêt à signer ces accords et ainsi entrer dans une coopération bilatérale avec un pays non seulement capable mais aussi disposé à l’aider en cas d’affrontement avec la Turquie, quitte à faire des mécontents (suivez mon regard : l’Allemagne). Mais pourquoi, alors que ça fait plus d’un an qu’on en parle, ces accords ne sont-ils signés qu’aujourd’hui, quelques jours après que l’Australie a annulé son contrat ? Si j’en crois les spécialistes grecs, ces accords étaient déjà sur le point d’être signés l’année dernière, mais le gouvernement grec y a renoncé après avoir subi la pression de certains de ses “partenaires”.
@ KerSer
[Si j’en crois les spécialistes grecs, ces accords étaient déjà sur le point d’être signés l’année dernière, mais le gouvernement grec y a renoncé après avoir subi la pression de certains de ses “partenaires”.]
Je ne sais pas. Pensez-vous que ces “partenaires” ont finalement consenti à la signature pour calmer les frenchies ?
Sans pouvoir en être sûr à cent pourcent, c’est en effet ce que je pense.
Il me semble aussi que les États-Unis considèrent la Méditerranée orientale une zone d’importance secondaire par rapport à la Pacifique, ce qui explique pourquoi ils ont consenti à y laisser entrer la France alors qu’en Australie ils ont été fermes et même un peu brutaux dans la défense de leurs intérêts.
Bonsoir Descartes,
Là où vous voyez de la naïveté, moi je vois de la lâcheté/impuissance dissimulée derrière de la fausse naïveté. Quiconque lisant la presse économique savait déjà que les Australiens nous montraient depuis quelques temps déjà la porte de sortie (par exemple, le PDG de l’ex DCNS a accepté en catimini d’endurer une quarantaine de deux semaines en Australie pour aller donner des gages de bonne volonté à son ex client : https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/sous-marins-le-contrat-du-siecle-australien-en-eaux-troubles-1282564). Que ce soit pour moult autres sujets divers et variés, nos élites politiques sont parfaitement lucides sur les menaces qui guettent, seulement il est plus facile de faire passer auprès de l’opinion publique comme une trahison de l’adversaire, plutôt que d’admettre sa lâcheté/impuissance. On le voit bien quand François Hollande et Gérard Collomb, au détour de confidences, expliquaient que c’est la guerre civile qui guette en France, alors qu’officiellement le discours était que la France un paradis multiculturaliste, n’en déplaise à des réactionnaires aigris ; ou bien Michel Barnier qui dit désormais tout le mal qu’il pense de l’UE (même si dans son cas il était également malavisé de mordre la main qui nourri).
En son temps déjà, Daladier était parfaitement conscient que l’axe ne tiendrait pas ses promesses après les accords de Munich, d’où son fameux « Ah les cons ! S’ils savaient. » quand une foule était venue l’acclamer après la signature desdits accords.
@ François
[Là où vous voyez de la naïveté, moi je vois de la lâcheté/impuissance dissimulée derrière de la fausse naïveté.]
L’un n’empêche pas l’autre. On peut être lâche, impuissant et naïf. Si je parle de « naïveté », c’est parce que je constate que notre gouvernement a été surpris par cette affaire. Comme il a été surpris que les américains aient décidé le calendrier du retrait d’Afghanistan sans nous consulter.
[Que ce soit pour moult autres sujets divers et variés, nos élites politiques sont parfaitement lucides sur les menaces qui guettent, seulement il est plus facile de faire passer auprès de l’opinion publique comme une trahison de l’adversaire, plutôt que d’admettre sa lâcheté/impuissance.]
Je pense que vous surestimez l’intelligence stratégique de nos dirigeants. Ce n’est pas qu’ils ont l’air idiot, ils SONT idiots. Ce qui est bien plus inquiétant…
[On le voit bien quand François Hollande et Gérard Collomb, au détour de confidences, expliquaient que c’est la guerre civile qui guette en France, alors qu’officiellement le discours était que la France un paradis multiculturaliste, n’en déplaise à des réactionnaires aigris ; ou bien Michel Barnier qui dit désormais tout le mal qu’il pense de l’UE (même si dans son cas il était également malavisé de mordre la main qui nourri).]
Oui, mais vous noterez que ces prises de conscience s’appliquent toujours aux politiques des autres, jamais de celui qui parle. Hollande et Collomb vous disent que la guerre civile guette la France, mais seulement par la faute de ceux qui ont été aux affaires avant et après eux…
[En son temps déjà, Daladier était parfaitement conscient que l’axe ne tiendrait pas ses promesses après les accords de Munich, d’où son fameux « Ah les cons ! S’ils savaient. » quand une foule était venue l’acclamer après la signature desdits accords.]
Un menteur n’est pas nécessairement un cynique. La formule que vous citez montre d’ailleurs qu’il faisait un jugement moral sur ce qu’il était en train de faire…
Cher Descartes,
Merci pour ce billet.
Est-ce que les rapports internationaux sont exclusivement des rapports de force, avec le droit et l’amitié des peuples comme simple habillage, ou sont-ils seulement en partie des rapports de force?
J’ai l’impression que la théorie du “seul le rapport de force, seuls les intérêts” néglige l’origine de ces mêmes intérêts, qui dépendent à mon avis partiellement de l’idéologie (au sens neutre du terme).
[Nos dirigeants s’indignent – mollement, mais tout est mou chez eux]
Si seulement DSK avait été élu..
@ Simon
[Est-ce que les rapports internationaux sont exclusivement des rapports de force, avec le droit et l’amitié des peuples comme simple habillage, ou sont-ils seulement en partie des rapports de force ? J’ai l’impression que la théorie du “seul le rapport de force, seuls les intérêts” néglige l’origine de ces mêmes intérêts, qui dépendent à mon avis partiellement de l’idéologie (au sens neutre du terme).]
Le matérialiste que je suis vous dira l’inverse : c’est l’idéologie qui dépend des intérêts et non l’inverse, même si le rapport entre les deux est dialectique. Cela étant dit, la vision dite « réaliste » des rapports internationaux est en effet légèrement caricaturale. Si les intérêts et les rapports de force sont essentiels dans les rapports internationaux, on ne peut totalement exclure les liens que se sont forgés les peuples au cours d’une histoire partagée. Même s’il n’y a pas entre un Français et un Québécois les liens de solidarité inconditionnelle qui en feraient une même nation, nos rapports avec eux sont influencés par notre histoire, notre langue, nos références partagées.
[« Nos dirigeants s’indignent – mollement, mais tout est mou chez eux » Si seulement DSK avait été élu..]
Malheureusement, ce genre de fermeté ne dure que quelques dizaines de minutes au plus…
“Sa tactique est toujours la même : aux Harkis il explique qu’ils ont été traités d’une façon indigne, et que c’est la faute de la « France d’avant » ; aux amis du FLN il raconte que le « massacre » de 1961 est « inexcusable », et que c’est la faute de la « France d’avant ». Et comme Macron n’a rien à voir avec la « France d’avant », le tour est joué.”
Bien vu, mais comment pouvez vous croire que des dirigeants pareils souffrent d’un quelconque déficit en cynisme ? Il se trouve simplement que leur cynisme s’applique à la France et non aux USA. Dans l’univers qui est le leur, il y a une foi contrainte en l’Amérique, qui est le maître, maître qu’il faut croire bon sous peine de se voir esclave. Il est en effet couteux de sortir de là, mais la naïveté n’y est pour rien. Le refus de se voir esclave a plus à voir avec le vieil amour propre qu’avec l’exigence morale.
(Larochefoucauld peut bien répondre à Descartes.)
@ Geo
[Bien vu, mais comment pouvez-vous croire que des dirigeants pareils souffrent d’un quelconque déficit en cynisme ?]
C’est mon expérience qui me conduit à cette conclusion. Pour l’expliquer, il faut avoir recours aux catégories de la psychanalyse. Nous avons tous un « surmoi » que nous avons reçu de nos parents, de nos professeurs, des institutions, et qui nous dit ce que nous DEVRIONS faire. Assumer rationnellement des actes qui sont objectivement illégaux ou contraires à la morale sociale, c’est affronter notre « surmoi », et provoque donc une souffrance. C’est pourquoi nous nous inventons toutes sortes de ruses pour réconcilier ne serait-ce qu’en apparence notre « surmoi » et notre action. La théorie du ruissellement est un exemple typique : les riches se convainquent qu’en devenant plus riches ils satisfont un impératif moral, puisque les pauvres en profitent.
C’est pour cette raison que les vrais cyniques, ceux qui assument le fait d’agir en dehors de toute considération morale, sont très rares. On a tendance d’ailleurs à voir du cynisme là où il n’y a en fait qu’une morale différente. Prenez un personnage comme Pasqua, par exemple. Peut-on dire que c’était un « cynique » ? Difficilement, puisqu’il était convaincu d’agir dans l’intérêt de la France…
[Il se trouve simplement que leur cynisme s’applique à la France et non aux USA. Dans l’univers qui est le leur, il y a une foi contrainte en l’Amérique, qui est le maître, maître qu’il faut croire bon sous peine de se voir esclave.]
Mais dès lors que vous « croyez », vous n’êtes plus un cynique. Le propre du cynique, c’est justement qu’il se refuse à la croyance, à justifier ses actes par une idéologie morale.
On aurait pu penser que la manière dont les accords de Vienne avaient été dénoncés par Trump, sans la moindre raison valable, et surtout le fait qu’il ait menacé les entreprises des parties toujours membres de l’accord de sanctions, sans même que l’organisme chargé de contourner ces sanctions extraterritoriales, les aient fait réfléchir sur la nécessité de se donner les moyens de mener une diplomatie indépendante sans dépendre des désidératas des sections les plus extrémistes du GOP.
@ Jopari
[On aurait pu penser que la manière dont les accords de Vienne avaient été dénoncés par Trump (…)]
Je n’ai pas compris votre commentaire.
Je voulais parler de la façon dont Trump était sorti des accords de Vienne (JCPOA) puis avait rétabli les sanctions sur tout commerce avec l’Iran, annonçant que toute entreprise, qu’elle soit US ou d’ailleurs, ne pourra pas faire de commerce avec l’Iran, même si cette entreprise avait son siège chez l’un des autres cocontractants du JCPOA (cf. ce lien, qui explique les conséquences économiques).
Les USA ne sont pas des saints mais nous non plus. Quand il s agit de coups bas pour vendre notre materiel militaire, on sait aussi faire (pour prendre des exemples connus la France a corrompu des taiwanais pour y vendre des fregates et des pakistanias pour des sous marins)
Et quand il a fallu choisir entre la France et la defense de la tchecoslovaquie en 1938, Daladier a choisit … la france (ce qui fut une erreur mais c est une autre question)
Pour la petit histoire, nous avons eut un roi qui fut altruiste : Louis XV. La guerre de succession d’Autriche ne rapporta rien a la france au contraire de son allié prussien
PS: etre une puissance mondiale, outre une diminution du niveau de vie de sa population pour le financer, ca veut dire envoyer ses troupes sur le terrain et accepter des pertes. Surtout dans le cadre d une democratie ou on ne peut pas utiliser des solutions radicales comme les russes en syrie ou en tchetchenie
Pas sur que ca soit plebicite en france
@ cdg
Les USA ne sont pas des saints mais nous non plus. Quand il s’agit de coups bas pour vendre notre matériel militaire, on sait aussi faire (pour prendre des exemples connus la France a corrompu des taiwanais pour y vendre des frégates et des pakistanais pour des sous-marins)]
Mais… où m’avez-vous vu reprocher quelque chose aux Américains ? Les Américains font ce qu’ils ont à faire. Ils utilisent leur puissance en fonction de leurs intérêts, sans hésiter à avoir recours à l’espionnage, aux coups bas, au mensonge quand ça les arrange. Et ils ont parfaitement raison. Ce que je regrette, c’est que nos gouvernements ne fassent pas de même, invoquant on ne sait quels principes de loyauté ou de décence…
[Et quand il a fallu choisir entre la France et la défense de la Tchécoslovaquie en 1938, Daladier a choisi … la France (ce qui fut une erreur mais c’est une autre question)]
Pas tout à fait. Daladier était parfaitement conscient du fait que c’était une erreur. Mais il savait aussi que l’opinion était en grande majorité pacifiste. Il a fait un calcul politique, et choisi entre la survie de son gouvernement plutôt que les intérêts du pays.
[PS : être une puissance mondiale, outre une diminution du niveau de vie de sa population pour le financer, ça veut dire envoyer ses troupes sur le terrain et accepter des pertes. Surtout dans le cadre d’une démocratie ou on ne peut pas utiliser des solutions radicales comme les russes en Syrie ou en Tchétchénie]
Je ne sais pas si les Russes en Syrie – la Tchetchénie étant une province russe, la question est différente – ont perdu plus d’hommes que nous en Afghanistan.
[Pas sûr que ça soit plébiscité en France]
Je ne sais pas. La question n’ayant jamais été posée aux Français, il est difficile de savoir quelle serait leur réponse. Et je ne vois pas pourquoi une démocratie vous empêcherait d’utiliser des « solutions radicales ». Pensez à ce que les Américains ont fait en Irak.
“Ce que je regrette, c’est que nos gouvernements ne fassent pas de même”
Je suis persuadé que nos gouvernements font de meme (cf mes exemples ou on s est fait prendre la main dans le sac). Evidement on va pas se vanter d espionner le pays X et d avoir piqué sa technologie ou un marché. donc les succes restent secrets sauf quand on se fait prendre
Dans le cas de l armement (cf contrat avec l australie) il est clair qu on ne joue pas dans la meme categorie que les USA. En cas de confrontation avec la chine, les australiens savent bien que la France ne pourra pas faire grand chose (en admettant qu on le veuille). Donc il est preferable d avoir un parapluie US que pas de parapluie du tout
“Je ne sais pas si les Russes en Syrie – la Tchetchénie étant une province russe, la question est différente – ont perdu plus d’hommes que nous en Afghanistan.”
Les russes en Syrie ont perdu d apres wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Intervention_militaire_de_la_Russie_en_Syrie) 112 soldats (mercenaires non compris) et il semble que le bilan soit minoré (toujours wikipedia). La france a perdu 90 soldats en afghanistan
Dans le cas de la syrie il faut quand meme souligner que les russes s etaient reservé le beau role (support aerien) en laissant le gros de l offensive aux iraniens (a ce propos la victoire de bachar est surtout une victoire de l iran qui a fourni le gros du support et qui est injustement ignorée)
Si on veut une politique de puissance il faut accepter des pertes similaires aux USA en afghanistan (voire aux sovietiques). soit 2500 morts US (http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2021/04/14/afghanistan-d-un-11-septembre-a-l-autre-morts-americains-22044.html) ou 15000 sovietiques (https://fr.alphahistory.com/guerre-froide/soviets-en-afghanistan/)
“Et je ne vois pas pourquoi une démocratie vous empêcherait d’utiliser des « solutions radicales »”
La democratie empeche la censure et vous pouvez etre sur qu une image d enfant fuyant son village napalmé va causer des remous majeurs
Vous pouvez evidement plaider l erreur mais difficile de viser deliberement les hopitaux (https://www.20minutes.fr/monde/2627355-20191014-syrie-russie-bombarde-quatre-hopitaux-douze-heures-mai-dernier-selon-new-york-times), d utiliser des bombes a fragmentations ou d avoir des alliés qui utilisent des gaz de combat ou torturent a grande echelle pour une democratie
@ cdg
[“Ce que je regrette, c’est que nos gouvernements ne fassent pas de même” Je suis persuadé que nos gouvernements font de meme (cf mes exemples ou on s est fait prendre la main dans le sac).]
Les exemples en question sont rarissimes, et ne font pratiquement jamais intervenir des diplomates. Tous ceux qui fréquentent le Quai d’Orsay vous le diront : la naïveté de nos diplomates – surtout quand il s’agit des rapports avec les Américains – est sidérante. Et le fait qu’on nomme de plus en plus des copains et des « personnalités » aux postes clés du réseau diplomatique n’arrange rien. Un écrivain de renom fait peut-être un consul très présentable. Mais à l’heure de susciter des confidences ou exercer des pressions, ce n’est pas ce qu’on fait de mieux.
[Evidement on ne va pas se vanter d’espionner le pays X et d’avoir piqué sa technologie ou un marché. Donc les succès restent secrets sauf quand on se fait prendre]
Donc, soit on n’espionne pas les entreprises et les autorités américaines, soit on le fait si bien qu’on ne s’est jamais fait prendre. Parce que je ne me souviens pas qu’on se soit depuis longtemps « fait prendre » en train de le faire.
[Dans le cas de l’armement (cf contrat avec l’Australie) il est clair qu’on ne joue pas dans la même catégorie que les USA.]
Certes. Qu’on se fasse piquer le marché, pourquoi pas, après tout, c’est un rapport de forces : des fois on gagne, des fois on perd. Ce qui pour moi est impardonnable, c’est de se faire surprendre et de ne pas avoir une riposte toute prête. Du temps de mongénéral, le Premier ministre aurait déjà programmé une visite d’Etat chez Xi Jinping, avec signature d’accords à la clé, pour montrer aux Américains que s’ils nous maltraitent, on peut toujours aller voir ailleurs.
[“Je ne sais pas si les Russes en Syrie – la Tchetchénie étant une province russe, la question est différente – ont perdu plus d’hommes que nous en Afghanistan.” Les russes en Syrie ont perdu d’apres wikipedia (…) 112 soldats (mercenaires non compris) et il semble que le bilan soit minoré (toujours wikipedia). La france a perdu 90 soldats en afghanistan.]
Autrement dit, on est dans les mêmes ordres de grandeur (la Russie est deux fois plus peuplée que la France, accessoirement).
[Dans le cas de la syrie il faut quand même souligner que les russes s’étaient réservés le beau rôle (support aérien) en laissant le gros de l’offensive aux iraniens]
S’ils peuvent se réserver « le beau rôle », pourquoi pas nous ? Le fait est qu’avec un investissement en Syrie équivalent à celui que nous avons consenti en Afghanistan, ils sont en mesure de peser politiquement sur les affaires de la région, alors que notre engagement ne nous a rien rapporté. Mon point est que notre incapacité à conduire une politique de puissance ne tient nullement à la taille de notre pays, mais à une question de volonté. Les Russes, avec un PIB qui n’est que légèrement plus important que le nôtre, y arrivent parce qu’ils choisissent leurs batailles et leurs alliés de manière à obtenir un effet de levier maximal. Nous, on n’y arrive pas parce qu’on se laisse empêtrer dans des organisations comme l’OTAN ou l’UE qui ne décident jamais rien, parce qu’on confond morale et politique.
La Syrie est un cas d’école. Au nom du Bien, nous nous sommes appuyés sur un allié qui s’est révélé – et c’était parfaitement prévisible – défaillant, puis soutenu un mouvement qui ne pouvait qu’aboutir à une guerre civile qu’il ne pouvait pas gagner, et à l’issue de cette confrontation le pays est ravagé et gouverné par un Assad qui ne nous pardonnera pas de sitôt. Nous y avons investi des moyens et du capital politique et nous n’obtenons en absolument rien. Beau succès !
[Si on veut une politique de puissance il faut accepter des pertes similaires aux USA en afghanistan]
Pourquoi ? La Russie a fait une politique de puissance en Syrie, et ses pertes sont, comme nous l’avons vu, du même ordre que celles que nous avons supporté en Afghanistan… Non, la question est moins d’accepter les « pertes » que les « coûts ». On peut s’en sortir sans envoyer à la mort des soldats, mais dans ce cas il nous faut investir de l’argent dans les moyens d’une politique de puissance : armements, organismes de surveillance et d’espionnage, un réseau diplomatique de qualité, un système militaro-industriel capable de suivre. C’est ce choix qui est, au sens stricte du mot, politique. Préférons nous être riches ou puissants ?
[“Et je ne vois pas pourquoi une démocratie vous empêcherait d’utiliser des « solutions radicales »” La démocratie empêche la censure et vous pouvez être sûr qu’une image d’enfant fuyant son village napalmé va causer des remous majeurs]
Vraiment ? La démocratie américaine n’a pas empêché à l’intérieur le maccarthysme ou la légalisation de la torture, à l’extérieur d’organiser des coups d’Etat sanglants, de soutenir des gouvernements tyranniques et de poursuivre une politique d’assassinats ciblés. Il y a eu un grand nombre d’images d’enfant fuyant leur village bombardé depuis le début de l’intervention américaine au Vietnam en 1955. Et je ne me souviens pas que cela ait causé des « remous majeurs ». Il a fallu attendre 1972, soit plus de quinze ans, pour que la célèbre photo que tout le monde connait émeuve l’opinion américaine. Ce n’est donc pas la photo qui a changé l’opinion, mais le changement de l’opinion qui a fait que cette photo a été reprise là où d’autres photos tout aussi terribles ont été passées sous silence.
Je pense que vous vous faites beaucoup d’illusions sur la capacité de la démocratie d’empêcher les « solutions radicales ». La torture en Algérie a été pratiquée par un régime totalement démocratique et couverte par ce grand démocrate qu’était François Mitterrand, à l’époque ministre de l’intérieur puis de la justice. Et les électeurs ne lui ont pas tenu rigueur, puisqu’ils l’ont élu vingt ans plus tard président de la République…
[Vous pouvez évidement plaider l’erreur mais difficile de viser délibérément les hôpitaux]
Vous avez entendu parler de la « plausible deniability » ? En 1988, le croiseur américain USS Vincennes abat un avion civil iranien dans le golfe persique, causant la mort de 290 personnes, dont 66 enfants. Ce n’est pas un hôpital qui est visé, mais cela est assez comparable. A ma connaissance, la popularité de Ronald Reagan – président tout à fait démocratique, vous en conviendrez – n’en a pas beaucoup souffert, au contraire.
Encore une fois, la démocratie n’a jamais empêché le recours à des « solutions radicales ». La seule contrainte, c’est qu’il vous faut les faire partager par l’opinion. Quand vous avez réussi à convaincre l’opinion qu’un ennemi très méchant est aux portes, tout vous est permis : vous pouvez abattre des avions, renverser des présidents, mettre des gens en prison sans jugement…
[d utiliser des bombes a fragmentations ou d avoir des alliés qui utilisent des gaz de combat ou torturent a grande echelle pour une democratie]
Videla, Pinochet, Somoza, Marcos, ça vous dit quelque chose ? Tous des alliés du « monde libre », qui ont pratiqué la torture – et pire – à grande échelle. Je n’ai pas l’impression que cela ait beaucoup gêné les grandes démocraties et les grands démocrates. Peut-être parce qu’ils étaient trop occupés à donner des leçons à l’URSS ?
“Donc, soit on n’espionne pas les entreprises et les autorités américaines, soit on le fait si bien qu’on ne s’est jamais fait prendre”
On s est fait prendre dans les annees 80 (des cadres francais de TI passaient des infos) mais en general quand on se fait prendre ca se regle discretement
Par ex le logiciel babar (https://fr.wikipedia.org/wiki/Babar_(logiciel_malveillant)) a espionné les “five eyes” mais aucun n a protesté officiellement quand ils s en sont rendu compte (ni pris des mesure de retorsions officielles a ma connaissance)
“Et le fait qu’on nomme de plus en plus des copains et des « personnalités » aux postes clés du réseau diplomatique n’arrange rien”
Dans les cas des USA c est souvent pire. Ambassadeur est un cadeau a ceux qui ont ete genereux durant la campagne electorale.
” Premier ministre aurait déjà programmé une visite d’Etat chez Xi Jinping, avec signature d’accords à la clé, pour montrer aux Américains que s’ils nous maltraitent, on peut toujours aller voir ailleurs”
Outre le fait que je suis pas sur que les chinois veuillent nous acheter grand chose (nous piquer de la techno ca oui) il faut aussi ne pas avoir une politique de gribouille. Xi mene une politique agressive et on risque un jour la confrontation. Est ce bien le moment de vendre des armes a un pays qui risque de les retourner contre nous ?
Vous remarquerez que De Gaulle n a jamais vendu d armes a des pays qui auraient pu nous etre hostile dans un futur proche
“Non, la question est moins d’accepter les « pertes » que les « coûts ». On peut s’en sortir sans envoyer à la mort des soldats, mais dans ce cas il nous faut investir de l’argent dans les moyens d’une politique de puissance : armements, organismes de surveillance et d’espionnage, un réseau diplomatique de qualité, un système militaro-industriel capable de suivre. C’est ce choix qui est, au sens stricte du mot, politique. Préférons nous être riches ou puissants ?”
La vous etes dans l illusion US. Faire la guerre sans mort de son coté
On a vu en Irak ou Afghanistan que ca ne marche pas
En plus, vous ne pouvez pas sur le long terme avoir une industrie d armement/espionnage/diplomatique puissant si votre economie ne suit pas. Touts simplement parce que l armement ca ne produit aucune richesse (a moins de piller le voisin) et donc votre armee va peser de plus en plus sur l economie productive et va la mener a sa perte. Regardez les USA actuellement, le poids de leurs depenses militaire est plus un fardeau qu un avantage (d ou le retrait d afghanistan)
” La torture en Algérie a été pratiquée par un régime totalement démocratique”
En algerie c etait l armee qui commandait et avait les plein pouvoirs, c etait pas vraiment la démocratie. Et vous noterez qu a l epoque nos autorités niaient le phenomene.
Si on prend l exemple syrien c est intitutionalisé et a une echelle sans commune mesure avec ce que les paras ont fait en algerie.
“le croiseur américain USS Vincennes abat un avion civil iranien”
La c etait un accident, tout comme les russes abattant un avion hollandais au dessus de l Ukraine. Il n y avait pas de volonté de tuer des civils contrairement aux bombardements d hopitaux par les russes en Syrie. Si vous voulez vraiment une action US similaire, referez vous a la seconde guerre mondiale ou les villes allemandes ou japonaises ont ete transformees en ruines (et ou les civils etaient deliberement visés)
[Videla …Marcos] etaient quand meme critiqués (par ex il y eut une boycott d une coupe de foot en argentine) et les dirigeants de nos democratie a l epoque devaient composer avec l opinion publique (ce qui par ex a conduit a lacher le Shah en iran alors que sa police politique etait bien moins redoutable que celle de Khomeny)
@ cdg
[“Donc, soit on n’espionne pas les entreprises et les autorités américaines, soit on le fait si bien qu’on ne s’est jamais fait prendre” On s’est fait prendre dans les années 80 (des cadres français de TI passaient des infos) mais en général quand on se fait prendre ça se règle discrètement
Par ex le logiciel babar (…) a espionné les “five eyes” mais aucun n’a protesté officiellement quand ils s’en sont rendu compte (ni pris des mesures de rétorsions officielles à ma connaissance)]
Pardon, mais si je me fie à l’article que vous citez, il n’est nullement établi qu’on ait espionné les « Five Eyes », l’information étant donnée au conditionnel. Les cibles citées semblent plutôt avoir été l’Iran ou les pays francophones d’Afrique.
[“Et le fait qu’on nomme de plus en plus des copains et des « personnalités » aux postes clés du réseau diplomatique n’arrange rien” Dans les cas des USA c’est souvent pire. Ambassadeur est un cadeau a ceux qui ont été généreux durant la campagne électorale.]
C’est souvent le cas aux ambassades « cérémoniales », mais très rarement dans les ambassades « sensibles ». Par ailleurs, si l’on nomme par cette procédure les ambassadeurs, ce n’est pas le cas pour les postes clés des ambassades (attachés de défense, attachés nucléaires…).
[”Premier ministre aurait déjà programmé une visite d’Etat chez Xi Jinping, avec signature d’accords à la clé, pour montrer aux Américains que s’ils nous maltraitent, on peut toujours aller voir ailleurs” Outre le fait que je ne suis pas sûr que les chinois veuillent nous acheter grand-chose (…)]
Je suis sûr que pour emmerder les Américains, ils seraient prêts à faire un geste…
[(…) il faut aussi ne pas avoir une politique de gribouille. Xi mène une politique agressive et on risque un jour la confrontation. Est-ce bien le moment de vendre des armes a un pays qui risque de les retourner contre nous ?]
Je ne vois pas très bien en quoi la politique de Xi serait plus « agressive » à notre égard que celle de Bidden. Ce n’est pas XI qui a saboté nos accords avec l’Australie, que je sache. Ce n’est pas XI qui a mis sur écoute les téléphones de Angela Merkel. Franchement, je vois plus facilement des armes américaines tournées contre nous que des armes chinoises…
[Vous remarquerez que De Gaulle n’a jamais vendu d’armes a des pays qui auraient pu nous être hostile dans un futur proche]
Ça se discute. Mais je ne vois pas très bien ce que les armes viennent faire dans notre échange. J’ai écrit « signature d’accords à la clé », mais je n’ai pas dit que les « accords » en question fussent commerciaux, et encore moins qu’il s’agit de ventes d’armes…
[Là vous êtes dans l’illusion US. Faire la guerre sans mort de son coté.]
C’est vous qui m’aviez sorti l’exemple de l’intervention russe dans la guerre civile syrienne. C’est la démonstration qu’on peut pratiquer une politique de puissance en supportant un nombre de morts très faible. Une politique de puissance n’implique pas nécessairement de devoir faire la guerre en permanence. Vous ne contesterez que pendant ses onze années au pouvoir, De Gaulle a mis en œuvre une politique de puissance… sans aucune intervention militaire hors de nos frontières.
[En plus, vous ne pouvez pas sur le long terme avoir une industrie d’armement/espionnage/diplomatique puissant si votre economie ne suit pas. Tout simplement parce que l’armement ça ne produit aucune richesse (a moins de piller le voisin) et donc votre armee va peser de plus en plus sur l’économie productive et va la mener à sa perte. Regardez les USA actuellement, le poids de leurs dépenses militaire est plus un fardeau qu’un avantage (d’ou le retrait d’Afghanistan)]
Je doute fort que le retrait d’Afghanistan se traduise par une réduction des dépenses militaires. Je pense plutôt que les sommes économisées seront simplement déplacées sur d’autres théâtres d’opérations, et notamment l’extrême orient. L’exemple américain s’inscrit clairement en faux contre votre raisonnement. On sait depuis très longtemps que, contrairement aux apparences, la dépense militaire est très productive. D’abord, parce qu’elle a un effet d’entraînement considérable sur la formation, la recherche, sur l’innovation, sur le développement de nouvelles technologies qui, si on laissait faire le marché, ne verraient jamais le jour – soit parce que leur rentabilité est aléatoire à court terme, soit parce que les frais d’entrée sont trop importants. Ensuite, parce que c’est un moyen commode d’injecter de l’argent dans l’économie : l’argent de la dépense militaire se retrouve in fine dans les salaires des soldats et des travailleurs des industries produisant le matériel militaire, dans l’équipement des usines ou des réseaux de communications. Enfin, parce que la puissance militaire vous permet d’imposer vos normes, vos standards, vos produits.
[”La torture en Algérie a été pratiquée par un régime totalement démocratique” En Algérie c’était l’armée qui commandait et avait les plein pouvoirs, ce n’était pas vraiment la démocratie.]
Attendez, attendez… qui avait donné les « pleins pouvoirs » aux militaires ? L’Assemblée nationale élue tout à fait démocratiquement. Et qui pouvait leur enlever tout aussi facilement. Le fait que les élus de la nation « sous-traitent » à l’armée le sale boulot et prétendent ne pas savoir ne change rien au fait démocratique.
[Et vous noterez qu’à l’époque nos autorités niaient le phénomène.]
Là encore, les choix de communication du gouvernement de l’époque ne changent rien au fait qu’il agissait au sein d’un ordre institutionnel démocratique.
[Si on prend l’exemple syrien c’est institutionnalisé et a une échelle sans commune mesure avec ce que les paras ont fait en Algérie.]
Je ne sais pas. Avez-vous des chiffres ?
[“le croiseur américain USS Vincennes abat un avion civil iranien” Là c’était un accident,]
Ce n’est pas ce que disent les autorités américaines, qui à l’époque ont qualifié la chose de « action défensive justifiée », et non « d’accident ». Quand une institution considère qu’il est « justifié » d’abattre un avion sur une simple suspicion non confirmée, on ne peut parler « d’accident ».
[tout comme les russes abattant un avion hollandais au-dessus de l’Ukraine. Il n’y avait pas de volonté de tuer des civils contrairement aux bombardements d’hôpitaux par les russes en Syrie.]
Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’il y avait chez les russes une « volonté de tuer des civils » lors des bombardements d’hôpitaux en Syrie ? Pensez-vous que les commandants russes aient pris leurs décisions en fonction d’une impulsion sadique de « tuer des civils » ?
Je ne crois pas que les commandants russes pas plus que leurs équivalents américains aient eu la « volonté de tuer des civils » lorsqu’ils décident d’abattre un avion civil ou de bombarder un hôpital. Simplement, ils cherchent à gagner un avantage sur l’adversaire ou à se défendre de ses tentatives de gagner un avantage sur vous. Toute la question est de savoir quels sont les moyens qu’on se donne ou qu’on se refuse. Et il n’y a aucune indication que les dictatures aient recours à des moyens que les démocraties s’interdisent…
[Si vous voulez vraiment une action US similaire, referez-vous à la seconde guerre mondiale ou les villes allemandes ou japonaises ont été transformées en ruines (et ou les civils étaient délibérément visés)]
L’exemple est tout aussi pertinent, mais illustre la même réalité. Si j’ai préféré l’exemple du Vincennes, c’est parce que la décision peut être tracée vers un seul homme, ce qui n’est pas le cas dans les bombardements de la seconde guerre mondiale – sauf peut-être pour Hiroshima et Nagasaki. Et ces exemples apportent de l’eau à mon moulin : il n’y a pas de moyen que les démocraties se soient refusées lorsqu’ils ont estimé nécessaire d’y avoir recours.
[Videla …Marcos] étaient quand même critiqués (par ex il y eut une boycott d’une coupe de foot en argentine)]
Où avez-vous vu un « boycott » ? Il y eut un APPEL au boycott de la coupe du monde en question, mais il n’a guère prospéré – contrairement au boycott des jeux olympiques de Moscou deux ans plus tard qui, lui, a bien eu lieu. La coupe du monde 1978 a été régulièrement attribuée par la FIFA qui n’a rien trouvé à redire. Quant aux « critiques », elles n’ont nullement empêché Videla, Marcos, Somoza ou Pinochet de bénéficier d’un accès libre aux marchés de biens et de capitaux, et même aux prêts des organismes internationaux. Et je ne vous parle même pas de Franco, dont l’ensemble des « démocraties » a toléré la dictature pendant quarante ans…
[et les dirigeants de nos démocratie à l’époque devaient composer avec l’opinion publique (ce qui par ex a conduit à lâcher le Shah en Iran alors que sa police politique était bien moins redoutable que celle de Khomeiny)]
Qu’est-ce qui vous fait penser que c’est « l’opinion publique » qui a conduit à « lâcher le Shah » ? Franchement, il ne faut pas surestimer « l’opinion publique ». Si “l’opinion publique” a laissé le franquisme se perpétuer, si elle s’est contenté des condamnations verbales dans le cas de Pinochet, de Somoza, de Marcos ou de Videla, on voit mal d’où aurait-elle tiré la force pour obtenir qu’on “lâche le Shah”.
@descartes
En parlant de puissance, que feriez vous si vous etiez a la tete de l etat pour le Mali.
Personnellement je vois 3 possibilites:
– l etat malien et ses dirigeants etant completement defaillant, on s y substitue (au moins pour 10-15 ans). ce qui veut dire qu on y envoie non seulement des militaires mais aussi des administrateurs civils, des instituteurs, des ingenieurs …. bref on recolonialise
– l option inverse: on fait comme les USA en Afghanistan. On retire nos troupes et on laisse les locaux s etriper entre eux. Si j etais mechant je dirai qu on doit juste veiller a ce que le couvercle de la poubelle soit bien fermé
– on continue comme maintenant en attendant un miracle (soit un gouvernement malien fonctionnel soit une scission/guerre interne chez nos adversaires)
Personellement je vote pour l option 2
@ cdg
[En parlant de puissance, que feriez vous si vous etiez a la tete de l etat pour le Mali.]
Qu’est ce que je ferai ? Je commencerai par consulter avec les gens qui y connaissent quelque chose aux problèmes de la région, parce que je ne me considère pas compétent pour répondre à une question pareille tout seul!
Après, regardons les options proposées:
1) la recolonisation: trop chère. Même en admettant que les populations locales l’acceptent, je ne pense pas que les Français seraient prêts à payer le coût, ni que la France y trouverait son intérêt. A une époque ou l’extension territoriale n’est plus symbole de richesse, au point que les élites sont prêtes à se débarrasser de la “France périphérique” pour ne garder que les métropoles, difficile d’imaginer un retour des empires coloniaux. Le colonialisme économique est bien plus rentable.
2) Le retrait total. C’est attractif, mais on risque de favoriser l’apparition d’états faillis, ne contrôlant plus rien et tout particulièrement leurs frontières. Ce ne serait pas problématiques si nous avions les moyens de contrôler les nôtres, mais ce n’est pas vraiment le cas.
3) On continue comme maintenant en attendant un miracle: ce serait une erreur. Mieux vaut continuer comme maintenant mais sans attendre aucun miracle. La question est de savoir si ce que nous coûte de soutenir à bout de bras le gouvernement malien ad indefinitum et sans espoir de “gagner” vaut plus que ce que la stabilité de cette partie de l’Afrique nous rapporte. Et éventuellement de nous faire rembourser ces coûts par nos alliés européens, qui profitent eux aussi de notre action. A première vue, c’est la moins mauvaise des solutions.
Personnellement je vois 3 possibilites:
– l etat malien et ses dirigeants etant completement defaillant, on s y substitue (au moins pour 10-15 ans). ce qui veut dire qu on y envoie non seulement des militaires mais aussi des administrateurs civils, des instituteurs, des ingenieurs …. bref on recolonialise
– l option inverse: on fait comme les USA en Afghanistan. On retire nos troupes et on laisse les locaux s etriper entre eux. Si j etais mechant je dirai qu on doit juste veiller a ce que le couvercle de la poubelle soit bien fermé
– on continue comme maintenant en attendant un miracle (soit un gouvernement malien fonctionnel soit une scission/guerre interne chez nos adversaires)
“La question est de savoir si ce que nous coûte de soutenir à bout de bras le gouvernement malien ad indefinitum et sans espoir de “gagner” vaut plus que ce que la stabilité de cette partie de l’Afrique nous rapporte.”
A mon avis on a pas grand chose a y gagner et je crains que soutenir un gouvernement d incapables corrompus ne fasse qu empirer les choses (aka pousser les gens a soutenir des fractions qui nous sont hostiles). Autrement dit aggraver les consequence de notre retrait car si on peut pas gagner on va forcement se retirer un jour
” Et éventuellement de nous faire rembourser ces coûts par nos alliés européens, qui profitent eux aussi de notre action”
Bon courage pour expliquer aux polonais ou roumains qu ils profitent de notre action. Ils vous repondront avec raisons que ce n est le cas
Ce qui est interessant ici, c est qu on a un exemple concret de la “puissance”. Ca signifie consacrer enormement de ressources (materielles & humaines) dans un pays tiers pour un eventuel prestige et de l influence
Aujourd hui je lisait un article sur feu Colin Powell. Il disait qu on devait engager l armee que si:
– l objectif etait clair et atteignable par des moyens militaires
– la superiorite militaire US etait ecrasante
– les moyens pacifiques avaient echoué
– les interets vitaux des USA etaient menacés
inutile de dire que c est pas le cas au Mali (ni en irak ou en Afghanistan)
PS: si les maliens ou les afghans veulent vivre dans un etat islamique, en quoi devrait on leur interdire ? au contraire, leur etat risque d etre un repoussoir pour ceux tenter par l islam politique (un peu comme le venezuela actuellement pour une autre ideologie)
@ cdg
[”Et éventuellement de nous faire rembourser ces coûts par nos alliés européens, qui profitent eux aussi de notre action” Bon courage pour expliquer aux polonais ou roumains qu’ils profitent de notre action. Ils vous répondront avec raisons que ce n’est pas le cas]
Je ne suis pas persuadé que ce soit « avec raison ». L’instabilité de l’Afrique est un risque pour tout le monde, et les vagues migratoires, la criminalité importée et le terrorisme concernent potentiellement tout le monde. Par ailleurs, son obsession anti-russe fait que la Pologne a tout intérêt à ce que l’Europe pratique une « politique de puissance »…
[Ce qui est intéressant ici, c’est qu’on a un exemple concret de la “puissance”. Ça signifie consacrer énormément de ressources (matérielles & humaines) dans un pays tiers pour un éventuel prestige et de l’influence]
J’ai l’impression en lisant nos échanges que pour vous une « politique de puissance » se limite à faire la guerre. Je ne partage nullement cette vision. Feu l’URSS, par exemple, a pratiqué une politique de puissance à partir de 1945, et pourtant ses interventions militaires significatives hors de ses frontières se comptent sur les doigts d’une main. De Gaulle aura pratiqué une politique de puissance avec des interventions militaires rares et très limitées. La Chine est aujourd’hui reconnue comme une puissance mondiale… et elle n’est toujours pas intervenue militairement hors de ses frontières !
La puissance est une notion multiforme. Elle se traduit par la volonté d’agir sur son environnement au lieu de le subir, et donc de garder le contrôle des leviers essentiels – économiques, sociaux, juridiques, politiques, scientifiques, techniques – qui permettent de peser sur le cour des choses. Quand les Etats-Unis refusent la juridiction de la CPÏ, ils font une politique de puissance. Quand nous l’acceptons, nous nous en écartons.
[Aujourd’hui je lisais un article sur feu Colin Powell. Il disait qu’on devait engager l’armée que si:
– l’objectif était clair et atteignable par des moyens militaires
– la supériorité militaire US était écrasante
– les moyens pacifiques avaient échoué
– les intérêts vitaux des USA étaient menacés
Inutile de dire que ce n’est pas le cas au Mali (ni en irak ou en Afghanistan)]
Outre le fait que Powell lorsqu’il fut aux affaires fit exactement le contraire de ce qu’il recommandait aux autres, je trouve que vous allez un peu vite lorsque vous écrivez que « ce n’est pas le cas au Mali ». L’objectif été clair : empêcher l’effondrement de l’Etat malien et la prise de Bamako par les islamistes. Et il était atteignable par des moyens militaires puisqu’il a été atteint. La supériorité de l’armée française était écrasante et les moyens pacifiques avaient échoué. L’avance du jihadisme menace sans aucun doute nos intérêts vitaux – au sens où les américains l’entendent.
[PS: si les maliens ou les afghans veulent vivre dans un etat islamique, en quoi devrait on leur interdire ?]
En ce que ces états servent ensuite de base arrière à des attaques terroristes, ou provoquent des exodes de population massifs. Je peux vous assurer que si les islamistes maliens s’engageaient d’une façon crédible à combattre toute implantation terroriste et tout exode de population, on les verrait tout de suite avec plus de sympathie…
Emmanuel Macron n’est pas, hélas, le seul président naïf depuis au moins Sarkozy qui nous a fait réintégrer le commandement militaire de l’Otan. A partir de là la France ne compte plus sur la scène mondiale que comme supplétif des Américains.
Emmanuel Todd dit fort justement que les présidents mettent en scène leurs impuissances puisque le vrai pouvoir se situe à Bruxelles; Berlin, Francfort et Washington.
@ Cording1
[Emmanuel Macron n’est pas, hélas, le seul président naïf depuis au moins Sarkozy qui nous a fait réintégrer le commandement militaire de l’Otan. A partir de là la France ne compte plus sur la scène mondiale que comme supplétif des Américains.]
La position de Sarkozy était que dans la mesure où on était devenus de facto les supplétifs des Américains, il valait mieux être dans le commandement intégré – et donc permettre à nos officiers supérieurs d’accéder aux postes de commandement de la structure intégrée – plutôt que de rester en dehors. Si ma mémoire ne me trompe pas, il avait d’ailleurs négocié un commandement supérieur en échange de ce geste. On peut être en désaccord avec ce calcul, mais on peut difficilement le qualifier de “naïf”.
[Emmanuel Todd dit fort justement que les présidents mettent en scène leurs impuissances puisque le vrai pouvoir se situe à Bruxelles; Berlin, Francfort et Washington.]
Il n’a pas tout à fait tort…
” Prenez un personnage comme Pasqua, par exemple. Peut-on dire que c’était un « cynique » ? Difficilement, puisqu’il était convaincu d’agir dans l’intérêt de la France…”
Pasqua avait un rapport avec l’image du corsaire, c’est à dire du pirate qui a une lettre du roi. Il est difficile de dire s’il y croyait, s’il est sûr qu’il se vendait ainsi à demi-mot. Il me semble que son personnage pose moins la question du cynisme que celle de la fascination pour l’irrégularité. Il me faisait penser à un flic convaincu que la vraie vie est celle de gangster. (J’admets faire là de la psychologie de bazar, mais ce sentiment ne m’a pas quitté du temps de sa présence aux affaires.)
@ Geo
[Pasqua avait un rapport avec l’image du corsaire, c’est à dire du pirate qui a une lettre du roi.]
L’analogie n’est pas tout à fait exacte. Pour beaucoup de corsaires, la lettre du roi n’était qu’un contrat d’intérêt mutuel, qui permettait au roi de voir piller ses ennemis, et au corsaire de s’enrichir. Il n’y avait là-dedans aucune transcendance. Le rapport que Pasqua a pu entretenir avec De Gaulle et avec le gaullisme va bien plus loin qu’un simple rapport économique. Je doute beaucoup que la motivation principale de Pasqua lorsqu’il vendit son âme aux mânes de mongénéral fut de s’enrichir ou de tirer un avantage personnel.
[Il me semble que son personnage pose moins la question du cynisme que celle de la fascination pour l’irrégularité. Il me faisait penser à un flic convaincu que la vraie vie est celle de gangster. (J’admets faire là de la psychologie de bazar, mais ce sentiment ne m’a pas quitté du temps de sa présence aux affaires.)]
Il est clair que Pasqua éprouvait un certain plaisir à faire les choses irrégulièrement – allant, si l’on croit ses collaborateurs, à faire illégalement des choses qu’il aurait parfaitement pu faire légalement. Peut-être – faisons encore un peu de psychologie de bazar – voyait-il dans cette prise de risque une façon de montrer son dévouement à la cause, un prolongement des combats de la résistance à laquelle il n’avait pu vraiment participer du fait de son âge (il avait 15 ans en 1942).
En matière de naïveté, il y a un exemple assez frappant : à l’époque de l’affaire Alstom, Montebourg, quand il a compris ce qui se passait, a fait venir le patron de la DGSE pour lui demander ce qu’on avait pour menacer ou riposter, afin de montrer aux USA qu’on ne se laisserait pas faire là dessus.
Il a répondu au ministre de l’Économie « qu’ils n’avaient pas mission de surveiller nos amis américains ».
Et que donc, naturellement, il ne travaillait pas sur les USA et n’avait rien à lui proposer.
C’est pas mal, non ?
@ Vincent
[Il a répondu au ministre de l’Économie « qu’ils n’avaient pas mission de surveiller nos amis américains ». Et que donc, naturellement, il ne travaillait pas sur les USA et n’avait rien à lui proposer. C’est pas mal, non ?]
Je pense que cet exemple illustre parfaitement la vision qui prévaut dans une large partie de nos classes dirigeantes. Une combinaison de la naïveté du “on ne s’espionne pas entre alliés” et le cynisme de l’acceptation d’un rôle subordonné aux Américains…
Et je doute que les prochaines réformes vont améliorer les choses: jeudi dernier furent publiés des projets visant à mettre en extinction, au bénéfice du nouveau corps des administrateurs civils, les corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires.
Le Quai d’Orsay en ébullition en raison de la fin annoncée de deux corps historiques
On aurait pu penser que le récent désastre afghan et la chute de Kaboul les aient rappelés au fait qu’il n’y a pas de bonne politique étrangère sans connaissance du terrain.
Je doute, par exemple, qu’un favori nommé au hasard fournira une meilleure prestation comme ambassadeur de France au Kenya que quelqu’un ayant pris la peine de s’imprégner des langues utilisées en Afrique orientale (swahili et anglais, toutes deux au programme du concours d’Orient avec notes éliminatoires), de l’histoire de ces territoires, des structures sociales et des personnes et institution clés à connaitre.
Veulent-ils généraliser les nominations type Ségolène Royal?
@ Jopari
[On aurait pu penser que le récent désastre afghan et la chute de Kaboul les aient rappelés au fait qu’il n’y a pas de bonne politique étrangère sans connaissance du terrain. Je doute, par exemple, qu’un favori nommé au hasard fournira une meilleure prestation comme ambassadeur de France au Kenya que quelqu’un ayant pris la peine de s’imprégner des langues utilisées en Afrique orientale (swahili et anglais, toutes deux au programme du concours d’Orient avec notes éliminatoires), de l’histoire de ces territoires, des structures sociales et des personnes et institution clés à connaitre.]
Je crois que cette affaire illustre une fois de plus la logique du capitalisme avancé à vouloir réguler tous les domaines de la vie par un marché « libre et non faussé ». Et cela suppose des produits indifférenciés. Avec un système de corps « spécialisés » dont les membres ont l’exclusivité pour occuper certains postes, vous avez un obstacle à la mobilité. Comment mettre en concurrence les hauts fonctionnaires au niveau des recrutements s’il y a ce type de restrictions ? A la place, on va créer un grand corps unique des « administrateurs de l’Etat », et chaque membre de ce corps aura vocation à occuper n’importe quel poste dans la haute fonction publique : diplomate, sous-préfet, inspecteur des installations nucléaires, juge financier… postes pour lesquels ils seront aussi en concurrence avec les cadres venus du privé, puisque depuis quelques années ces postes leur sont aussi ouverts.
Conséquence : personne n’ira investir dans sa formation. Pourquoi se crever à apprendre en profondeur la langue d’une région, ses coutumes, son histoire, si vous savez que par le hasard des nominations votre carrière ne se fera plus dans le corps diplomatique, et que tout ce travail pourrait ne servir à rien ? Le système de « concurrence pure et parfaite » sur le marché du travail est un véritable désastre.
[Veulent-ils généraliser les nominations type Ségolène Royal?]
Bien entendu. Cela fait quand même quelque temps que les nominations se font plus en fonction du recasage des copains qu’en fonction des compétences. C’est assez drôle d’ailleurs : jusqu’au niveau chef de service, ou les nominations sont gérées par l’administration, on trouve des hauts fonctionnaires de qualité. Mais pour les postes supérieurs, ou la nomination se fait « à discrétion du gouvernement », on trouve de plus en plus des caractériels et des billes.