Du bon usage de la tragédie

D’abord un avertissement: le papier qui suit pourrait choquer profondément les bonnes âmes compassionnelles. Si vous êtes dans cette catégorie, je vous conseille d’arrêter ici votre lecture. Bon, ok, vous avez décidé de continuer ? Et bien, vous le faites à vos risques et périls, et l’auteur décline toute responsabilité. Vous avez été prévenus.

J’en ai marre. Oui, marre. Marre de cette sensiblerie irrationnelle, de cette dictature des émotions qui se répand dans tous les médias et qui finit par effacer toute hiérarchie et tout confondre dans une espèce de grand mélodrame universel qui n’est jamais dépourvu d’arrières-pensées politiques.

Prenons le dernier exemple en date. Trois enfants et un enseignant sont tués devant une école confessionnelle juive à Toulouse. C’est une tragédie. Une horrible tragédie. Unanimement condamnée par l’ensemble des institutions, des partis politiques, des représentants du peuple. Mais immédiatement, la machinerie se met en route. La nouvelle fait la “une” de tous les journaux. Les candidats à la présidence de la République annoncent qu’ils suspendent leur campagne électorale, annulant des déplacements, des meetings et des apparitions télévisées. Chaque parti, chaque organisation y va de sa déclaration. Nicolas Sarkozy et François Hollande se rendent sur le lieu de la tragédie pour “se recueillir”, après avoir assisté à un office religieux dans une synagogue en hommage aux victimes. Une minute de silence est ordonnée dans les écoles, et ces mêmes professeurs qui avaient de si bons arguments pour ne pas lire la lettre de Guy Moquet s’exécutent sans une protestation.

Une semaine plus tôt, trois jeunes militaires étaient assassinés en pleine rue, dans des conditions assez similaires à Montauban. Quelques jours auparavant, un autre militaire était assassiné par le même tueur à Toulouse. Et là, pas de “une” dans les journaux. Pas de suspension de la campagne électorale. Pas de déplacement du président de la République ni d’aucun autre candidat. Pas une déclaration des partis politiques. Pas de minute de silence. Et même si trois des quatre victimes étaient musulmanes, aucun déplacement des dirigeants de la République dans une mosquée. L’affaire est traitée comme un vulgaire fait divers, tragique certes mais qui ne méritait pas une mobilisation nationale. Ce n’est qu’à partir de l’attentat à l’école que tout bascule.

Pourquoi une telle différence ? Pourquoi tant de sollicitude dans un cas, et tant d’indifférence dans l’autre ? Pourquoi la République, qui est restée presque indifférente à l’assassinat de trois de ses serviteurs, est tout à coup pleine de sollicitude ? Pourquoi l’affaire devient une question communautaire – avec le CRIF s’exprimant sur toutes les antennes – dans un cas et pas dans l’autre (1) ?

Nous ne savons pas grande chose du tueur. Et rien sur ses motivations. Les soldats ont ils été tués parce qu’ils étaient militaires ? Parce qu’ils étaient musulmans ? Le professeur et les enfants ont-ils été tués parce qu’ils étaient juifs ? Parce qu’ils étaient israéliens ? On n’en sait rien. L’assassin pourrait autant être un fanatique musulman voulant venger ses frères afghans et palestiniens, qu’un gauchiste antimilitariste et anti-israélien ou peut-être même un détraqué choisissant ses victimes au hasard. Il n’y a aucun moyen de le savoir, et donc aucune raison de mettre l’un des assassinats au dessus de l’autre dans l’échelle de l’horreur. Mais alors, pourquoi une telle différence de traitement ?

Peut-être parce que – même s’ils nous disent le contraire – les hommes politiques sont pleinement conscients que le poids sur l’opinion n’est pas le même. A tort où à raison, les hommes politiques craignent l’influence électorale du lobby israélien en France: il n’y a qu’à voir comment ils se pressent au dîner annuel du CRIF et combien les groupes d’extrême droite sioniste – comme le Betar où la LDJ – agissent y compris en usant de la violence sans être inquiétés (2). J’insiste: la question n’est pas ici d’un “vote juif” largement imaginaire – il ne faut pas exagérer l’influence des organisations communautaires, même autoproclamés “représentatives” – mais du pouvoir de nuisance d’une petite minorité bien organisée, disposant de moyens financiers abondants et sachant admirablement jouer de l’auto-victimisation et des mauvaises consciences françaises pour détruire tous ceux qui osent la défier. A l’opposé, les militaires et les musulmans, sont perçus comme des catégories ayant un poids électoral négligeable et un pouvoir de nuisance nul.

Mais au delà de cette question, le problème est plutôt que notre société s’enfonce chaque fois plus dans la “dictature de l’émotion”. Comme le chantait le poète, il nous faut “des meurtres, des amants et des enterrements”. Incapables d’assumer des véritables solidarités sociales, de véritables projets communs, nous recherchons l’occasion d’exprimer une fausse “unité”. Et quelle meilleure opportunité pour cette communion que des crimes horribles sur lesquels il ne peut y avoir de désaccord ? Que l’on ait décidé d’interrompre une campagne électorale – c’est à dire, l’expression la plus achevée et la plus essentielle au débat démocratique – pour laisser la place à l’émotion est révélateur de cette dérive, de ce besoin d’unité “apolitique” dont les ressorts ont été si bien décrits par Alain-Gérard Slama (3).

Ce n’est pas un phénomène uniquement français. L’hystérie qui accompagna en Grande Bretagne la mort de la princesse Diana – et que Stephen Frears a magnifiquement capturé dans son film “The Queen” – en était peut-être l’illustration la plus terrifiante. Et cette impulsion est toujours vivante. Prenons un exemple plus proche de nous: Un bus belge s’écrase sur la paroi d’un tunnel. Dans ce terrible accident une vingtaine d’enfants perdent la vie. C’est terrible. C’est tragique. On a du mal à concevoir la peine de leurs parents, de leurs amis. Mais faut-il pour autant déclarer un deuil national de trois jours ? Mettre les drapeaux du royaume en berne ? Organiser des cérémonies officielles avec la présence des plus hautes autorités de l’Etat ? Chaque semaine, des enfants meurent dans des accidents de la route. Leurs parents sont, eux aussi, accablés par une douleur qui dépasse l’imagination. Pourquoi leur enfant n’a-t-il pas, lui aussi, droit aux funérailles nationales ? Pourquoi leurs parents n’ont-ils pas le droit à la visite compatissante du Roi ou du Premier ministre ? Faut-il mourir accompagné pour avoir droit à l’attention officielle ? A partir de combien de morts y a-t-on droit ?

Ces réactions sont la preuve de la profonde immaturité de notre vie publique. Immaturité qui se traduit dans une incapacité à établir une hiérarchie entre les événements. Et notamment entre héros et victimes. Un serviteur public qui meurt dans l’exercice de ses fonctions, un citoyen qui donne sa vie en essayant de porter secours à une personne en danger ont fait un sacrifice suprême pour le bien commun, et méritent l’hommage de la Nation et donc de ses représentants.  Mais – n’en déplaise à nos journalistes qui assassinent la belle langue de Molière – on ne rend pas “hommage” à la victime d’un accident, aussi grave soit-il. Pas plus qu’aux victimes d’un criminel. L’hommage est l’expression de la reconnaissance des qualités du défunt, pas des conditions de sa mort. Les victimes méritent le recueillement, et leurs familles les expressions de soutien ou de solidarité. Mais certainement pas un “hommage”. Que des autorités se déplacent pour manifester cette solidarité – et celle de la Nation qu’ils représentent – pourquoi pas. Mais arrêter une campagne électorale ? Faire une minute de silence dans les écoles ? La vie démocratique du pays doit elle s’arrêter parce qu’un fou décide de jouer du flingue dans les rues ?  Non, mille fois non. Où alors, il faut l’arrêter pour tous: il ne peut y avoir des victimes “de 1ère classe” et des victimes  “classe économique”.

Descartes

(1) Communautarisation que les médias assurent sans vergogne. Ainsi, par exemple, Le Monde d’aujourd’hui parle de l’homme qui “a froidement exécuté trois militaires et quatre personnes de confession juive“. Pourquoi pas “trois militaires et trois écoliers et un professeur” ou bien “deux personnes de confession musulmane, un chrétien et quatre juifs” ? Pourquoi caractériser certains par leur métier, et autres par leur “confession” ?

(2) On se souviendra par exemple du saccage de la librairie “Résistances” à Paris le 3 juillet 2009, de l’attaque d’une exposition organisée par le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris le 21 novembre 2010. Plus près de nous, des membres de la Ligue de Défense Juive – groupuscule d’extrême droite communautaire – ont agressé hier soir Jean-Luc Mélenchon lors du rassemblement d’hommage à la République. Pensez-vous que Jean-Luc, si prompt à dénoncer le Front National sur les antennes, aura un mot pour dénoncer cette agression ? Les paris sont ouverts…

(3) A-G. Slama, “Le siècle de Monsieur Pétain”.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

14 réponses à Du bon usage de la tragédie

  1. A-L.D dit :

    Au vitriol, j’adore !

    Cependant, je pense que vous avez oublié un détail sur “pourquoi on insiste plus sur certaines victimes que sur d’autres” dans cette histoire: des ENFANTS assassinés (qu’ils soient juifs ou
    peu importe) ébranlent bien plus l’opinion que lorsqu’il s’agit d’adultes (militaires ou autres).

    • Descartes dit :

      Au vitriol, j’adore !

      C’est ma spécialité. J’ai horreur de l’eau tiède du politiquement correct.

      des ENFANTS assassinés (qu’ils soient juifs ou peu importe) ébranlent bien plus l’opinion que lorsqu’il s’agit d’adultes (militaires ou autres).

      C’est vrai. Mais je ne l’ai pas “oublié”. Que l’émoi fut plus grand pour les assassinats à l’école que pour ceux des militaires ne m’aurait pas choqué. Ce qui me choque, c’est que les deux émois
      soient de nature différente. Pour prendre un exemple: En quoi est-ce justifié de parler de la “confession” des enfants et qu’on omette d’en parler lorsqu’il s’agit d’adultes ?

      Si le fait qu’il s’agisse d’enfants dans un cas et pas dans l’autre a pu jouer, je pense qu’il faut être lucide sur le fait que la circonstance déterminante dans la réaction des politiques a été
      le fait communautaire. Plus précisement, la crainte des politiques de se mettre à dos une communauté dont – à tort ou à raison – ils craignent le pouvoir de nuisance. Mais aussi la tentation de
      tirer profit de l’affaire sans que cela se voit trop: en fait, cette annonce de l’arrêt de la campagne est en elle même un acte de campagne. Une manière de montrer publiquement sa compassion sans
      avoir l’air de récupérer l’affaire.

      De ce point de vue, il y a un fait qui ne trompe pas: on a vu les politiques arrêter les campagnes et les écoles observer une minute de silence. Mais a-t-on vu les clubs de foot anuler les matchs
      prévus, les centres commerciaux fermer, les cinémas et les lieux de divertissement annuler leurs représentations ? Non, bien sur que non. Business is business. Maintenant, posons-nous la
      question: si tout le tralala des politiques obéissait à une véritable émotion populaire, si les citoyens étaient véritablement émus par le sort des victimes au point de souhaiter que la campagne
      s’arrête, auraient-ils envie de faire du shopping, d’aller au match de foot ou au cinéma ?

      Dans cette affaire, l’establishment politico-médiatique nous manipule en utilisant nos émotions. C’est pour cela que l’assassinat des militaires a rencontré un écho minimal (celui d’un fait
      ordinaire): ils n’avaient pas le privilège d’appartenir à une “communauté” politiquement rentable. C’est tout le contraire avec l’assassinat des écoliers: leur “confession” donnait à l’affaire
      une résonance nationale et même internationale. Et donc une rente politique à capter. C’est cela qui m’indigne.

  2. A-L.D dit :

    Là je vous rejoins tout à fait. Après, dans ce genre de situation, c’est souvent “le bon, la brute et le truand”: on se regarde et si un seul y va, tout le monde doit y aller. Il n’y a qu’à voir
    comme François Bayrou s’est fait fusiller pour avoir oser prononcer un discours l’autre soir…

    • Descartes dit :

      La solution de sécurité, en fait, c’est d’en faire plus que les autres dans le domaine de la compassion sans en faire trop. Le problème, c’est que comme chacun essaye d’en faire un peu plus, on
      arrive vite à une surenchère compassionnelle jusqu’au ridicule.

      Celui qui se singularise en refusant de participer à cette course à l’échalotte fait un pari. Il peut apparaître comme le seul à garder la tête froide dans le déferlement de compatissance, ou
      bien devenir le vilain petit canard qui crache sur les tombes des petites victimes inocentes. Pas étonnant que ce soient les “chalengers” qui ont pris ce risque, alors que les candidats “de
      deuxième tour” ont choisi la prudence…

  3. Alain Briens dit :

    Votre note (1) de bas de page serait risible si le sujet prêtait à rire. Comme si le fait de s’en prendre à un école juive était le fait du hasard…un criminel qui tire sur tout ce qui bouge et
    qui, incidemment, tombe sur un école juive…comme il aurait pu tomber sur une école laïque ou catholique…ça vous parait plausible ? Même si je partage votre préoccupation sur l’exacerbation du
    communautarisme, il me parait évident que dans ce cas, oui, bien sûr que l’appartenance des victimes à la communauté juive est absolument essentielle et doit être mentionnée et même mise en avant
    !

    • Descartes dit :

      Votre note (1) de bas de page serait risible si le sujet prêtait à rire.

      Parce que vous trouvez que la question de la communautarisation est une question “risible” ? Et bien, vous avez beaucoup d’humour, vous.

      Comme si le fait de s’en prendre à un école juive était le fait du hasard…un criminel qui tire sur tout ce qui bouge et qui, incidemment, tombe sur un école juive…comme il aurait pu
      tomber sur une école laïque ou catholique…ça vous parait plausible ?

      J’avoue ne pas saisir le rapport de tout ça avec ma note (1). Avant d’assassiner trois enfants et un professeur devant une école juive, l’assassin a aussi tué trois soldats d’origine maghrébine.
      S’il avait toute raison de penser que les quatre dernières victimes étaient “de confession juive”, il avait les mêmes raisons de croire que les trois premières seraient “de confession musulmane”.
      Alors, pourquoi Le Monde, dans son commentaire, choisit de singulariser la “confession” de quatre d’entre elles ? Au moment ou le commentaire du Monde est écrit, il n’y a aucune raison de penser
      que la “confession” soit le mobile d’un seul de ces meurtres.

      Même si je partage votre préoccupation sur l’exacerbation du communautarisme, il me parait évident que dans ce cas, oui, bien sûr que l’appartenance des victimes à la communauté juive est
      absolument essentielle et doit être mentionnée et même mise en avant !

      Cela ne me parait nullement “évident” (que voulez-vous, je me méfie des “évidences”, qui cachent souvent la faiblesse d’une argumentation). Pourquoi mettre en avant l’appartenance communautaire
      de certaines victimes et pas des autres ?

      Dans votre “évidence” il y a une prémisse cachée concernant la motivation de l’assassin. Pour vous, il semble “évident” qu’un attentat devant une école juive ne peut être motivé que par
      l’appartenance communautaire. Or, cette “évidence” a conduit, dans plusieurs affaires, à des conclusions fausses (voir par exemple l’affaire Fahri). On peut tuer un juif pour des raisons qui
      n’ont rien à voir avec sa réligion ou sa communauté. Il est d’ailleurs notable qu’on ait préféré insister sur l’appartenance réligieuse plutôt que sur la nationalité des victimes, qui elle aussi
      était un mobile plausible de l’agression.

      Pour des raisons qu’il serait intéressant d’analyser, vous semblez penser qu’il est “absolument essentiel” de mettre en avant l’appartenance de certaines victimes à la “communauté juive”, alors
      que vous semblez trouver normal que les soldats d’origine maghrébine ne soient pas rattachés à leur “communauté”. Pourquoi, à votre avis ?

  4. Jean-mi41 dit :

    Tu m’as pris les mots de la bouche, exceptionnellement, je suis entièrement d’accord avec toi !

    Mais encore une fois, concrêtement en ce moment, à qui profite donc le crime ? J’invite chacun à se poser la question ! ( Personnellement je n’attends pas la réponse puisque j’ai déja la mienne)

    • Descartes dit :

      Je pense que cela ne profite à personne. Les politiques ne font que suivre le corps social. Et le corps social, en ces temps d’incertitude et de manque de perspective, a besoin de moments
      “fusionnels”, qui lui donnent l’illusion d’unité. Puisqu’on n’arrive plus à partager une impulsion, une espérance, un projet, un ensemble de valeurs collectif, on se trouve à communier devant le
      minimum commun dénominateur qui nous réunit tous: la mort. Celle d’une princesse (Lady Di), d’une star du showbizz (Mickael Jackson) ou d’un groupe d’écoliers. Le fait que des morts aussi
      différentes soient traitées par les médias avec le même langage n’est pas le moindre des paradoxes.

  5. marcailloux dit :

    Bonjour,

        

        Votre article représente assez précisément l’attitude ou la position de Diogène ( de Sinope ) face aux conventions en vogue à son époque. Et sa lucidité, sa dérision, son
    impertinence (ressentie par ses victimes) est lentement devenue un caractère asocial, immoral, détestable.

        Il est souhaitable de rappeler les origines du cynisme, synonyme de lutte contre les conventions hypocrites ou factices. C’est ce qui constitue la valeur de la plupart de vos
    articles.

        L’être humain est ainsi fait qu’il a de la difficulté de regarder (c’est à dire d’ajouter de la raison à ce qu’il voit) les choses en face, droit dans leur réalité crue.

        D’autre part, tout dirigeant de masses, les politiques en premier lieu, respectant la loi universelle du principe de l’économie d’énergie, s’adressera en priorité aux
    instincts, à l’émotion, à la moelle épinière plutôt qu’au cortex cérébral. Qui pourrait leur reprocher de rechercher spontanément l’efficacité ? C’est à chacun d’entre nous de se préserver de
    cette dérive vers la bestialité et ne pas hésiter à se désolidariser de la masse bêlante et docile.

        Néanmoins, je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre sévérité sur la réaction des pouvoirs publics et des autorités sur leur relative faible réaction suite à l’assassinat
    de Montauban, qui n’aurait pu n’être qu’un règlement de compte relevant des faits divers. Ni l’uniforme, ni l’origine ethnique ne constituant une motivation à priori. C’est la série avérée après
    l’école de Toulouse, par le fait de l’utilisation des mêmes accessoires qui a déclenché la panique collective. Je crois qu’en ces circonstances il est prudent de ne pas accentuer l’effet de
    balancier.

        Cordialement

    • Descartes dit :

      Néanmoins, je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre sévérité sur la réaction des pouvoirs publics et des autorités sur leur relative faible réaction suite à l’assassinat de Montauban,
      qui n’aurait pu n’être qu’un règlement de compte relevant des faits divers. Ni l’uniforme, ni l’origine ethnique ne constituant une motivation à priori.

      J’avoue que je trouve ce raisonnement mystérieux. On tue un professeur juif et ses enfants devant une école juive, c’est évident que c’est un atentat antisémite. On tue trois soldats d’origine
      maghrébine en uniforme à cinquante mètres d’une caserne, et “ni l’uniforme ni l’origine ethnique ne constituent une motivation à priori”. Ne trouvez pas qu’il y a une legère inconsistance ?

      Oui, l’assassinat des soldats aurait pu être “un règlement de comptes”. Mais la même chose aurait pu être vraie de la tuerie devant l’école. Pourquoi supposer à priori que celui qui tue un juif
      est un antisémite, mais que celui qui tue un soldat en uniforme n’est pas nécessairement un antimilitariste ?

      C’est la série avérée après l’école de Toulouse, par le fait de l’utilisation des mêmes accessoires qui a déclenché la panique collective.

      La “série” était “avérée” une semaine avant, lorsque l’assassinat de Montauban a suivi le premier assassinat d’un militaire à Toulouse et qu’on a constaté qu’il s’agissait de la même arme. Et je
      suis prêt à parier que si la “série” s’était poursuivie par la mort de quatre autres militaires – au lieu de trois enfants et un professeur juif – on aurait continué à en parler comme d’un fait
      divers.

       

  6. Bannette dit :

    Je n’ai rien trouvé de choquant dans ton billet, qui rappelle juste quelques principes essentiels :

    – l’Homme d’Etat/officier de la république doit consacrer son temps à l’intérêt général et à la nation ; les cérémonies officielles auxquelles il doit participer sont celles qui
    concernent ceux qui sont morts en servant le pays dans l’exercice de leurs fonctions (soldats, policiers, pompiers, etc) ;

    – la priorité donnée à l’émotion empêche la réflexion et le recul indispensables à ceux qui exercent l’autorité ; je m’attends d’un Homme d’Etat qu’il garde la tête froide, pas qu’il fasse sa
    Mireille Dumas/JL Delarue compatissant ;

    – le néant dans toute conception de solidarité nationale : au lieu de projets communs fédérateurs et émancipateurs nous hissant vers le haut comme l’ambitionnait le fameux CNR, l’injonction
    de “solidarité” autour de victimes “spectaculaires” (morts de faim squelettiques en Afrique, de tremblement de terre/tsunamis, victimes de pédophiles, meurtiers en série, pipeuls qui ont
    gaché leur vie à fin dite “tragique”) ;

    C’est pour moi, ce qu’il y a de plus triste, cette absence de “culture de la grandeur” (je veux dire dans le sens d’émancipation républicaine et de contribution d’un peuple à l’histoire
    de son pays). On avait dans des billets précédents parlé de perte du sens du tragique pour parler de la vie politique actuelle, ce que tu résumes bien ici par les petits calculs électoraux.

     

    Un mot à propos du peu de retentissement des meurtres de militaires avant ceux de l’école : je pense que dans la hierarchie que tu dénonces à juste titre, le militaire, comme le flic, part d’un
    postulat de “méchant”, ou du moins pas aussi innocent qu’un enfant (le cliché du CRS=SS). Après, dans le fait que leur origine magrébine ne soit pas soulignée aussi fortement que celle des
    enfants, il y a peut être une hierarchisation entre musulman et juif, mais pour moi c’est vraiment le côté militaire qui a le plus compté dans les retombées médiatiques espérées
    par les organes de presse. Il suffit de voir comment les politiciens qui défendent vraiment l’agent de l’ordre public et son importance (je veux dire aussi dans leur projet politique comme
    Chevènement ; je parle pas de ceux qui se déplacent avec garde prétorienne et diminuent les effectifs dans les faits), qui se refusent à la dévalorisation et au dénigrement des policiers et
    militaires, se font traiter de fachos…

     

    Sinon, comment as-tu appris pour JLM et la LDJ ?

    • Descartes dit :

      pour moi c’est vraiment le côté militaire qui a le plus compté dans les retombées médiatiques espérées par les organes de presse. Il suffit de voir comment les politiciens
      qui défendent vraiment l’agent de l’ordre public et son importance (je veux dire aussi dans leur projet politique comme Chevènement ; je parle pas de ceux qui se déplacent avec garde prétorienne
      et diminuent les effectifs dans les faits), qui se refusent à la dévalorisation et au dénigrement des policiers et militaires, se font traiter de fachos…

      Je suis tout à fait d’accord. Je ne voudrais pas que mon texte soit lu comme une dénonciation d’une hiérarchie implicite “juifs vs maghrébins”, mais au contraire une dénonciation de la
      communautarisation et des hiérarchies entre les communautés, où les “communautés ethniques” sont toujours placées en haut et les communautés d’élection (comme l’est la communauté militaire) en
      bas. A ce titre, il n’est pas neutre de relever que Le Monde consacre aujourd’hui un article au rabbin assassiné devant l’école et un autre aux quatre militaires. Le premier a droit à 146 lignes
      pour lui tout seul, les seconds ont 144 lignes pour les quatre.

      J’ajoute que cela m’a fait blessé de voir qu’à la cérémonie d’hommage national aux soldats il y a eu l’ensemble des candidats à la fonction présidentielle… sauf ceux de la “gauche radicale”: ni
      Poutou, ni Artaud, ni Mélenchon – qui pourtant avait participé au rassemblement à la République pour rendre hommage aux victimes assasinées devant l’école – n’ont cru nécessaire de faire le
      déplacement. Ce n’est pas, là non plus, un hasard. Cette absence pour moi montre à quel point la gauche radicale est immature et inconscience de ce qu’implique occuper la première magistrature de
      la République.

      Sinon, comment as-tu appris pour JLM et la LDJ ?

      J’ai mes espions…

  7. totem dit :

    Bonjour,

    Je suis d’accord avec vous, mais je ne peux m’empêcher de retourner le raisonnement : est-ce qu’il fallait ne pas s’émouvoir de la fusillade d’Utoya (80 morts), à partir de combien de morts a
    t-on le droit de trouver ça choquant ?

    • Descartes dit :

      On devrait trouver ça “choquant” à partir d’un seul mort. Seulement, il y a une différence entre “trouver ça choquant” et arrêter une campagne électorale ou partir dans une histérie nationale.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *