On peut reprocher beaucoup de choses à Le Monde, mais pas de manquer de cohérence. Et cela n’est nulle part aussi vrai que sur la question corse. Depuis l’époque bénie ou le couple Plenel-Colombani sévissait à la tête du journal, jusqu’au jour d’aujourd’hui, le « grand quotidien du soir », le « journal de référence » n’a eu de cesse que de faire des mamours aux nationalistes et autres indépendantistes. Remarquez, c’est logique : cela fait partie de la campagne de ringardisation de l’Etat jacobin et de la nation, indispensable pour avancer vers les lendemains qui chantent promis par la construction européenne.
C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner d’avoir eu droit à une nouvelle campagne, suite aux élections régionales de la semaine dernière en Corse, qui ont donné une écrasante majorité aux candidats de l’alliance entre les autonomistes de Gilles Simeoni et les indépendantistes de Jean-Guy Talamoni. Pendant une semaine, on a eu droit dans Le Monde à des expressions comme « L’Etat au pied du mur en Corse », « La République à l’épreuve de la souveraineté multiple » et autres du même tonneau. Le tout assaisonné de comparaisons avec la situation en Catalogne et autres parallèles du même genre. Et il ne faut pas se tromper. Ce que Le Monde veut, les élites politico-médiatiques le veulent. La preuve : la nomination d’une « madame Corse » au gouvernement.
Plutôt que de se précipiter, il faudrait revenir aux réalités : les élections en Corse sont des élections régionales. Les électeurs n’étaient pas consultés sur l’opportunité de modifier le statut de la Corse ou ses rapports avec la République, mais sur la question de savoir qui était le mieux à même d’exercer les compétences dévolues à la collectivité unique de Corse. Et rien de plus. Quand un communiste est élu président d’un conseil départemental du Val de Marne, on ne se pose pas la question de savoir si la propriété privée des moyens de production devrait être abolie dans ce coin de la région parisienne. Alors, pourquoi devrait-on se poser la question du statut de la Corse du seul fait que les indépendantistes et les autonomistes sont majoritaires au conseil régional de l’Ile (1)?
Pour le dire autrement, il faut toujours se rappeler qu’un élu ne détient pas un mandat représentatif universel pour parler au nom de ses mandants sur n’importe quel sujet. Un élu ne détient un mandat que pour le but précis pour lequel il a été élu. Lorsque les citoyens élisent des conseillers municipaux, ils leur donnent mandat pour élire le maire et délibérer sur les affaires de la commune. Mais à l’heure de discuter la politique d’immigration, le contenu des programmes scolaires ou sur les rapports de la France avec la Palestine, ce sont des citoyens comme les autres, et ne représentent qu’eux-mêmes. Et de la même manière, le président de la collectivité unique de Corse, pas plus que le président de la région Alsace ou celui de l’Ile de France n’ont mandat de discuter le statut de leur collectivité. Ce n’est donc pas parce qu’un autonomiste a été élu maire de Bastia ou président du conseil régional que la question de l’autonomie se pose. Messieurs Simeoni et Talamoni sont parfaitement légitimes pour discuter de l’organisation des transports en Corse, de la fiscalité locale ou de la construction des collèges et lycées. Mais l’élection ne leur donne aucune légitimité particulière pour parler du statut de la langue corse ou d’un « statut de résident », toutes matières réglées par la Constitution, et qui sont soumises aux instances détentrices du pouvoir constituant.
Ces dernières années on a vu se développer une grande confusion sur l’articulation des différents niveaux de compétence, confusion qui va de pair avec la « féodalisation » de notre système politique et administratif. Le processus de décentralisation a donné des ailes aux grands féodaux qui prétendent aujourd’hui à exercer rien de moins qu’à une sorte de « souveraineté » sur leur territoire du simple fait qu’ils ont été élus pour administrer l’enlèvement des ordures ménagères et l’aménagement des carrefours. Alors, il n’est pas inutile de rappeler quelques principes fondamentaux. Dans notre ordre constitutionnel, la souveraineté (2) appartient à la nation, c’est-à-dire à l’ensemble des citoyens politiquement constitué. La nation délègue à des hommes et des institutions non pas la souveraineté – qui est par essence indivisible et indélegable – mais des compétences et des pouvoirs. Délégation qui est limitée et précaire. Et ces compétences sont hiérarchisées : les mesures prises en vertu des pouvoirs dévolus au Parlement s’imposent aux collectivités locales.
C’est cette hiérarchie qui garantit que sur les domaines essentiels, le citoyen français a les mêmes droits quel que soit le lieu où il habite ou la couleur politique de son maire. Dès lors qu’on permet aux pouvoirs locaux d’exercer des compétences dans ces domaines, c’en est fini de cette logique. Le problème n’est pas tant que la loi soit adaptée aux réalités locales. Cela a toujours été le cas, et le Code de la construction n’édicte pas les mêmes obligations en termes de chauffage ou de déneigement pour un appartement qu’il soit situé à Nice ou à Lille. Le problème est que la délégation de pouvoirs toujours plus étendus aux collectivités territoriales – allant jusqu’au pouvoir législatif pour certaines – fait que cette adaptation se fait non pas en fonction de l’intérêt général, en tenant compte des inconvénients que des dérogations consenties à un territoire peuvent provoquer pour les autres, mais en fonction du seul intérêt de la collectivité qui en prend l’initiative. Et ce système ou les règles applicables localement reflètent l’intérêt de la collectivité à laquelle ils s’appliquent instaure une logique de concurrence entre régions et menace à terme les dispositifs de transfert entre régions riches et régions pauvres. Imaginons par exemple qu’on donne aux collectivités le pouvoir de « adapter » la législation fiscale. Chaque région aura tendance à introduire les dérogations les plus importantes pour essayer d’attirer les activités économiques… au détriment de l’intérêt général. C’est exactement le mécanisme qu’on observe en Europe, et qui permet à quelques petits pays de profiter – un peu – en devenant des paradis fiscaux en amputant au passage la recette totale sur l’ensemble européen.
C’est pourquoi, le véritable danger pour la République ne vient pas de l’indépendantisme, mais de l’autonomisme. Si les Corses veulent l’indépendance, ce qui suppose de vivre sur leurs propres activités économiques, bon vent à eux. Mais les Corses, dans leur immense majorité, savent parfaitement qu’une Corse indépendante, privée des transferts considérables consentis par l’ensemble des Français, serait réduite à une abjecte pauvreté. Ce que les Corses – ou plutôt les élites politiques corses, parce qu’il ne faut pas oublier que la victoire de l’alliance Simeoni-Talamoni n’a été rendue possible que par un taux d’abstention record – veulent, c’est l’autonomie. C’est-à-dire, un statut ou les « non-résidents » continueraient à payer, mais où les Corses – ou plutôt l’élite politique corse – disposeraient de tous les pouvoirs, y compris celui de réserver emplois, terrains et subventions aux « résidents ». C’est là où la comparaison avec la Catalogne trouve ses limites : la Catalogne est une région riche qui n’a plus envie de payer pour les régions pauvres, la Corse est une région pauvre dont le niveau de vie dépend vitalement du fait que les régions riches continuent à payer pour elle.
La logique autonomiste conduit vers une féodalisation du pays. Plus on donne aux collectivités la possibilité « d’adapter » les dispositifs législatifs et réglementaires aux « spécificités locales », plus on transformera notre pays en une mosaïque de territoires où nos droits dépendront de l’endroit où nous résidons, et plus la solidarité inconditionnelle entre les citoyens des différents territoires sera affaiblie. Dès lors qu’il y aura des droits différents, rapidement se posera la question de protéger ces droits contre les « estrangers » venus des régions pauvres pour bénéficier des avantages accordés dans les régions riches. Et pour finir, on se trouvera comme en Espagne dans une situation ou les riches refuseront de payer pour les pauvres.
C’est pourquoi l’indépendantisme corse est un mouvement suicidaire. Je suis content, en tant que citoyen français habitant l’Ile de France, de payer un peu plus cher mon électricité pour que les Corses – ou les Auvergnats, ou les Bretons – puissent la payer au même prix que moi ; de payer des impôts pour que les mêmes bénéficient d’un service de ferries subventionné, de collèges, de lycées, d’universités de même niveau que celles du continent. Mais si je suis content de payer, c’est parce qu’en retour je bénéficie, s’il me venait l’envie de me rendre en Corse, des mêmes droits que les natifs, parce que les Corses obéissent aux mêmes lois et ont les mêmes obligations que moi, bref, parce que nous sommes liés par les obligations de solidarité inconditionnelle qui nous constituent en nation. Si demain je suis considéré là-bas comme un étranger, avec des droits au rabais, pourquoi irais-je payer pour les Corses plutôt que pour les Belges ? A partir du moment où ils ne se sentent pas tenus par les mêmes obligations envers moi que moi envers eu, pourquoi serais-je solidaire à leur égard ?
Mais alors, pourquoi les autonomistes et les indépendantistes obtiennent-ils un tel soutien alors que leur objectif apparaît si évidemment contraire à l’intérêt de leurs mandants ? Le paradoxe n’est qu’apparent. Les autonomistes et les indépendantistes corses – comme ceux des territoires ultramarins – partent de l’hypothèse largement vérifiée au cours de notre histoire que la France jacobine est prête à beaucoup d’efforts pour garder les « confettis » dans la République. C’est pourquoi la menace indépendantiste a toujours permis d’arracher à l’Etat central toutes sortes de concessions. Mais ce qui était vrai hier ne le sera pas forcément demain. Les véritables jacobins se font rares, et l’Etat est de plus en plus aux mains de libéraux qui n’hésiteront pas à faire un calcul coût/avantages à l’heure de discuter le statut de tel ou tel territoire. Cela se traduit déjà par un abandon des territoires périphériques au bénéfice des métropoles. Demain, il se pourrait qu’on décide d’abandonner des territoires ultramarins qui coûtent fort cher et rapportent fort peu… Les autonomistes et ceux qui les soutiennent feraient bien de méditer la phrase de Goethe : « quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves ».
Je propose personnellement un grand référendum, ouvert à toutes les régions. Elles auraient à choisir entre l’indépendance pleine et entière, ou l’application tout aussi pleine et entière des lois de la République sur leur territoire, sans aucune possibilité « d’adaptation » autre que celles consenties par le Parlement, et le plein exercice par l’Etat des compétences qui sont les siennes. On verrait alors qui veut quoi, et quel prix il est prêt à payer pour l’obtenir…
Descartes
(1) Ce raisonnement conduit d’ailleurs à des résultats cocasses. Si l’on suppose que la victoire de l’alliance entre indépendantistes et autonomistes doit se traduire par une modification du statut de la Corse dans un sens plus « girondin », cela implique que si demain une élection donnait la victoire au camp opposé il faudrait modifier le statut de la Corse dans le sens inverse…. Alors, un changement de statut à chaque élection ?
(2) Un être est dit « souverain » s’il n’est juridiquement soumis à aucune règle qui n’est issue de lui même.
Merci cher descartes pour votre lucidité.
Par ailleurs,que pensez vous de la pétition initiée par Mélenchon,pour un comité d’éthique évaluant les jounalistes?
Postuleriez vous pour en être un juré?
Cette proposition me semble trés équilibrée au vu des dérives de journaux,comme l'(im)monde,que je lis plus depuis 20ans,non?
@ luc
[Par ailleurs, que pensez-vous de la pétition initiée par Mélenchon, pour un comité d’éthique évaluant les journalistes ? Postuleriez-vous pour en être un juré?]
Votre question contient ma réponse. Admettons qu’on crée un « comité d’éthique évaluant les journalistes ». Qui seraient les membres de ce comité ? Comment les désigner pour qu’ils évaluent le comportement des journalistes d’un point de vue déontologique indépendamment de toute considération idéologique et politique ? On est dans un problème aussi vieux que l’humanité : « quis custodiet ipsos custodes ? » (« qui garde les gardes ? »).
[Cette proposition me semble très équilibrée au vu des dérives de journaux, comme l'(im)monde, que je lis plus depuis 20ans, non?]
Non. Je pense que cette proposition part d’une analyse totalement erronée de la réalité médiatique d’aujourd’hui. Mélenchon surestime dans son discours la puissance des médias, et il le fait volontairement parce que cela lui fournit un « diable de confort » très commode pour pimenter ses discours et ses passages dans ces mêmes médias. Oui, les médias ont eu un énorme pouvoir lorsqu’ils étaient en situation de monopole. Quand l’ORTF dominait les ondes, quand les journaux étaient dans les mains de magnats de la presse et qu’il fallait beaucoup d’argent pour les faire et surtout pour les distribuer, ils étaient influents. Mais nous ne sommes plus du tout dans cette configuration : les médias aujourd’hui sont en compétition féroce les uns par rapport aux autres. Ils doivent à tout prix conquérir des clients, et pour cela il n’y a qu’une manière : donner au client ce que le client demande. C’est pourquoi les médias aujourd’hui ne forment pas l’opinion, ils la suivent. Ce n’est pas Le Monde qui fait de ses lecteurs des eurolâtres ou des macronolâtres. Ce sont les lecteurs de Le Monde qui imposent au journal sa ligne. Aucun média ne peut aujourd’hui se permettre le luxe de défier le goût de ses lecteurs.
C’est là que Mélenchon se trompe de cible. Le problème aujourd’hui, ce n’est pas l’asservissement des journalistes à leurs patrons, mais l’asservissement des journalistes à l’opinion publique. Et ça, aucun « comité de surveillance » n’ira l’arranger… comment forcer les journalistes à écrire des choses que les lecteurs ne veulent pas lire ?
Je rebondis sur la réponse de Descartes…
> Qui seraient les membres de ce comité ? Comment les …
Il y a bien un ordre des médecins, des architectes, et quelque chose de similaire pour les avocats, non ? Et effectivement, s’il y avait une charte éthique opposable, les journalistes risquant des blames si ils ne le respectent pas, cela ne les obligerait certes pas à parles de choses qui n’intéressent personne, mais cela les obligerait à ne pas raconter n’importe quoi, et à mieux faire la distinction entre information et opinion militante.
> Ils doivent à tout prix conquérir des clients, et pour cela il n’y a qu’une manière :
> donner au client ce que le client demande. C’est pourquoi les médias aujourd’hui
> ne forment pas l’opinion, ils la suivent.
Il faut regarder qui donne l’argent. Pour une partie les actionnaires, qui investissent sans chercher de rendement financier. Pour une partie, effectivement, le public, via les abonnements, publicités, etc. Pour une partie, les annonceurs publicitaires, qui, certes, s’adressent aux lecteurs, mais peuvent blacklister tel ou tel média en fonction de ses positions, et enfin, l’Etat et les collectivités, qui subventionnent les médias, notamment la presse écrite.
Il ne faut pas négliger ce dernier point, car la presse écrite continue tout de même à donner un peu le La aux autres.
Bref, les médias ne sont vendus uniquement aux usagers, comme vous l’expliquez, mais aussi aux patrons de presse (souvent aussi patrons du CAC40), aux annonceurs (souvent des grands groupes), et aux responsables politiques qui donnent les subventions.
Je pense donc qu’il y a effectivement quelque chose à faire, et que, si les médias fournissaient réellement purement ce qu’attendent les citoyens, ce ne serait pas les médias dont je rêve, mais ce serait tout de même beaucoup mieux.
Pourquoi pas, sur le système des subventions aux religions en Allemagne, demander à chaque citoyen à quel média il veut que sa part “média” des impôts soit donnée ? Et, face à cela, ni l’Etat ni aucune collectivité ne serait autorisée à subventionner les médias. Pour peu qu’on limite la part des actionnaires dans les médias, cela permettrait au moins d’assurer de la diversité d’opinion dans les médias, à défaut d’autre chose…
Bref, je pense qu’il y a des choses à faire, aussi bien au niveau des subventions, pour favoriser la diversité des opinions exprimées, et au niveau d’une sorte de conseil de l’ordre des journalistes…
Au sein de ce conseil, je verrais bien une section par spécialité, pour éviter que n’importe qui ne s’improvise expert de n’importe quoi. Notamment, une section “journaliste scientifique”, pour commenter les questions scientifiques, ne serait pas superflue…
@ Vincent
[Il y a bien un ordre des médecins, des architectes, et quelque chose de similaire pour les avocats, non ?]
Vous voulez dire un tribunal de déontologie journalistique élu par les journalistes eux-mêmes ? J’imagine ça d’ici… Je vous rappelle que les instances ordinales fonctionnent dans des métiers ou le statut garantit l’indépendance (interdiction ou restriction du salariat…).
[Et effectivement, s’il y avait une charte éthique opposable, les journalistes risquant des blames si ils ne le respectent pas, cela ne les obligerait certes pas à parles de choses qui n’intéressent personne, mais cela les obligerait à ne pas raconter n’importe quoi, et à mieux faire la distinction entre information et opinion militante.]
La distinction entre « information » et « opinion militante » est une distinction difficile à faire en pratique. Dénoncer l’emploi fictif de la femme de Fillon est-ce une « information » ou une « opinion militante » ? « Information » vous diront ceux qui pointent qu’il s’agit d’un fait vrai. « Opinion militante » vous diront ceux qui signalent que beaucoup d’autres politiciens font la même chose et qu’ils ne sont pas dénoncés. Le choix de dénoncer les turpitudes des uns et pas des autres est-il conforme l’éthique journalistique telle que vous la concevez ?
[Il faut regarder qui donne l’argent. Pour une partie les actionnaires, qui investissent sans chercher de rendement financier.]
Pourriez-vous me donner un exemple de ces miraculeux actionnaires qui investissent pour perdre de l’argent ?
[Pour une partie, effectivement, le public, via les abonnements, publicités, etc. Pour une partie, les annonceurs publicitaires, qui, certes, s’adressent aux lecteurs, mais peuvent blacklister tel ou tel média en fonction de ses positions, et enfin, l’Etat et les collectivités, qui subventionnent les médias, notamment la presse écrite.]
Les gens qui vont de la publicité le font pour attirer les clients. Quel sens aurait pour un publicitaire de « blacklister » un média qui est très suivi par ses clients potentiels ? Ce serait se tirer une balle dans le pied…
[Bref, les médias ne sont vendus uniquement aux usagers, comme vous l’expliquez, mais aussi aux patrons de presse (souvent aussi patrons du CAC40), aux annonceurs (souvent des grands groupes), et aux responsables politiques qui donnent les subventions.]
Les « patrons de presse » à l’ancienne, plus intéressés par la ligne politique de leur journal que par leur retour sur investissement, n’existent plus guère. Les annonceurs sont là pour vendre, et ont tout intérêt à ce que le média où ils placent leur publicité attire un public le plus large possible. On est donc ramené à une conclusion par ailleurs triviale : dans une économie hypercompétitive, c’est le client qui est roi.
[Je pense donc qu’il y a effectivement quelque chose à faire, et que, si les médias fournissaient réellement purement ce qu’attendent les citoyens, ce ne serait pas les médias dont je rêve, mais ce serait tout de même beaucoup mieux.]
Si les médias ne fournissent pas ce qu’en attendent les citoyens, comment expliquez-vous que les citoyens considèrent à les regarder, alors qu’il y a tant d’alternatives ?
[Pourquoi pas, sur le système des subventions aux religions en Allemagne, demander à chaque citoyen à quel média il veut que sa part “média” des impôts soit donnée ?
Mais ce système existe déjà : c’est celui que nous avons. Chaque citoyen peut choisir s’il préfère donner son obole à « Libération », « Le Monde » ou « l’Humanité », ou de ne le donner à personne. Il peut choisir de s’abonner à telle ou telle chaine d’information sur le cable.
[Bref, je pense qu’il y a des choses à faire, aussi bien au niveau des subventions, pour favoriser la diversité des opinions exprimées, et au niveau d’une sorte de conseil de l’ordre des journalistes…]
Franchement, j’attends toujours qu’on me montre quelqu’un qui a quelque chose à dire et que la création d’un « ordre des journalistes » permettrait de mieux faire connaître ses idées…
>> Il y a bien un ordre des médecins, des architectes, et quelque chose de similaire pour les avocats, non ?
> Je vous rappelle que les instances ordinales fonctionnent dans des métiers ou le statut
> garantit l’indépendance (interdiction ou restriction du salariat).
Je ne suis pas d’accord : la grande majorité des architectes sont salariés ; il existe des avocats salariés (même si c’est, je le concède, moins de 10%), et il existe aussi de nombreux médecins salariés (même si, je le concède là aussi, hors fonction publique, la majorité a un statut libéral). Mais j’aurais aussi pu prendre l’exemple des pharmaciens, des infirmiers, ou des vétérinaires, pour lesquels le salariat est un cadre d’exercice normal, et qui ont aussi un ordre.
Et, de même, il existe des journalistes indépendants, et des journalistes salariés. Je ne pense pas que le problème réside tellement ici.
> La distinction entre « information » et « opinion militante » est une distinction difficile à faire en
> pratique. Dénoncer l’emploi fictif de la femme de Fillon est-ce une « information » ou une « opinion
> militante » ? « Information » vous diront ceux qui pointent qu’il s’agit d’un fait vrai. « Opinion militante »
> vous diront ceux qui signalent que beaucoup d’autres politiciens font la même chose et qu’ils ne
> sont pas dénoncés.
Vous avez tout à fait raison. L’emploi fictif de la femme de Fillon est pour moi bien une information.
Aussi, je n’aurais pas du écrire “distinction entre information et opinion militante”. Mais il fallait plutôt s’intéresser à la phrase au dessus : “cela ne les obligerait certes pas à parles de choses qui n’intéressent personne, mais cela les obligerait à ne pas raconter n’importe quoi”.
Ce type de dispositif ne permet effectivement pas de garantir une (illusoire) neutralité des journalistes ou des médias, mais devrait, au minimum, les empêcher de dépasser certaines limites sous prétexte d’ “information”. Surtout quand les informations données deviennent carrément mensongères, et qu’il n’y a aucune tentative de laisser s’exprimer le point de vue que l’on incrimine. Dans l’affaire Fillon, pour moi, il y a peut être des investigations qui sont orientées, mais je ne crois pas avoir vu de faute déontologique.
En matière de fautes déontologiques, je pense ici notamment au journalisme scientifique, qui verse plus dans le sensationnalisme et le “n’importe quoi” (notamment en matière de santé, de technologie, d’environnement, etc.)
Un exemple qui m’a marqué récemment : “Cash Investigation. Produits chimiques : nos enfants en danger”. J’avais été un peu choqué par cette émission, qui a été bien démontée ici : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2614 . Je mentionne celui là plutôt qu’un autre par tant parce qu’il est pire qu’un autre, mais parce qu’il a fait beaucoup de bruit dans les médias à l’époque, et qu’il n’est pas pour rien dans la polémique (politique) sur le glyphosate aujourd’hui.
> Pourriez-vous me donner un exemple de ces miraculeux actionnaires qui investissent pour perdre de l’argent ?
Cet article explique bien la distinction entre les actionnaires à l’ancienne, qui cherchent de la notoriété et du pouvoir d’influence, et ceux du secteur des médias, qui cherchent surtout les synergies, dans le but de rapporter de l’argent à terme. Rassurez vous, leur but n’est jamais de perdre de l’argent, même quand le journal n’en gagne pas.
https://www.capital.fr/entreprises-marches/pourquoi-les-industriels-francais-engloutissent-tous-nos-journaux-1075219
> Quel sens aurait pour un publicitaire de « blacklister » un média qui est très suivi par ses clients potentiels ?
Pourtant, ça existe. Il y a 2 phénomènes en parallèle (dans l’audiovisuel) :
1°) Les lignes éditoriales sont définies en fonction de l’audience globale d’une part, mais aussi en fonction de ce que les annonceurs attendent, de manière à leur permettre, soit de mieux cibler leur public, soit de les mettre dans de bonnes dispositions pour profiter de la pub “notre métier, c’est de vendre du temps de cerveau disponible”.
2°) Oui, il y a un sens à menacer de blacklister un média : si un reportage sur les produits par telle entreprise en donne une mauvaise image, il est logique pour l’entreprise en question de menacer de représailles financières (plus d’annonces) pour l’ensemble des produits le média qui produit ce reportage. Et donc, les annonceurs peuvent, par ce moyen aussi, peser sur la ligne éditoriale.
> dans une économie hypercompétitive, c’est le client qui est roi.
C’est exactement cela. Et qui est le client ? Celui qui paye… Selon le type de média, cela peut changer…
Pour un journal comme le canard enchainé, c’est le lecteur. Mais pour des médias qui vivent des annonceurs, ce sont les annonceurs qui sont le client, et pour un média qui vit des subventions et des abonnements par des organismes publics, c’est les décideurs politiques qui sont rois…
> Si les médias ne fournissent pas ce qu’en attendent les citoyens, comment expliquez-vous que les citoyens
> considèrent à les regarder, alors qu’il y a tant d’alternatives ?
Je pèche peut être par optimisme, mais je pense qu’il y a une distinction entre ce qu’on souhaite et ce qu’on fait. On peut souhaiter lire un journal intelligent, le soutenir moralement, mais, à la fin de la journée, s’affaler dans son fauteuil pour regarder un tournoi de golf ou un reportage sur des chiens, qui n’ont aucun intérêt…
Si on doit décider à qui ira notre subvention média, j’espère que le critère de choix sera différent de celui qui fait appuyer sur un bouton ou un autre en fin de journée…
> Chaque citoyen peut choisir s’il préfère donner son obole à « Libération »,
> « Le Monde » ou « l’Humanité », ou de ne le donner à personne.
> Il peut choisir de s’abonner à telle ou telle chaine d’information sur le cable.
Dans mon esprit, il s’agissait uniquement de la presse écrite. Et une immense majorité des citoyens ne verse son obole à personne. Ce qui oblige, afin de conserver une presse, dont on a besoin, l’état et les collectivités, à leur verser une obole de notre part, pour qu’ils continuent à exister. Il me semble qu’il serait plus démocratique, et surtout plus conforme aux besoins d’une diversité des points de vue, que les citoyens puissent choisir à qui ils donnent leur obole, plutôt que de déléguer ce choix à des élus.
> Franchement, j’attends toujours qu’on me montre quelqu’un qui a quelque chose à dire et que la
> création d’un « ordre des journalistes » permettrait de mieux faire connaître ses idées
Encore une fois, ce n’est pas le but de l’ordre des journalistes. Chacun continuera à traiter les sujets qu’il veut, en fonction de ses souhaits, des souhaits de ses clients, etc. Et effectivement, un tel ordre ne permettrait absolument pas de garantir que tous les sujets soient traités avec la même importance.
Mais si on pouvait au moins faire respecter un minimum de déontologie dans les “enquêtes” journalistiques, ce serait déjà un grand progrès.
@ Vincent
[Je ne suis pas d’accord : la grande majorité des architectes sont salariés ; il existe des avocats salariés (même si c’est, je le concède, moins de 10%), et il existe aussi de nombreux médecins salariés (même si, je le concède là aussi, hors fonction publique, la majorité a un statut libéral).]
Les architectes salariés ne sont autorisés à établir de projets pour qui que ce soit en dehors de leur employeur, précisément parce que le statut de salarié les met en relation de dépendance par rapport à leur employeur, et ne permet de garantir l’indépendance lorsqu’ils travaillent pour un tiers. Mon expression était maladroite, mais exacte sur le fonds : les professions soumises à discipline ordinale voient leur indépendance protégée. Un « ordre de journalistes » supposerait qu’un journaliste salarié ne pourrait fournir sa prestation qu’à son employeur…
[Ce type de dispositif ne permet effectivement pas de garantir une (illusoire) neutralité des journalistes ou des médias, mais devrait, au minimum, les empêcher de dépasser certaines limites sous prétexte d’ “information”. Surtout quand les informations données deviennent carrément mensongères, et qu’il n’y a aucune tentative de laisser s’exprimer le point de vue que l’on incrimine.]
Le mensonge est déjà puni, puisque les figures pénales de calomnie, de diffamation ou de diffusion de fausses nouvelles figures déjà dans notre droit. Le problème, c’est que les « mensonges » peuvent prendre beaucoup de formes, certaines difficiles à débusquer. Une technique bien connue est celle de la sélection : présenter les arguments d’un seul côté du débat constitue-t-il un « mensonge » ? Pour être « éthique » faudrait-il donner la parole à Daesh autant qu’aux acteurs de l’antiterrorisme ?
[Dans l’affaire Fillon, pour moi, il y a peut-être des investigations qui sont orientées, mais je ne crois pas avoir vu de faute déontologique.]
Si un « ordre des journalistes » ne sert pas à éviter ce type de campagnes, je vois mal à quoi il pourrait servir.
[En matière de fautes déontologiques, je pense ici notamment au journalisme scientifique, qui verse plus dans le sensationnalisme et le “n’importe quoi” (notamment en matière de santé, de technologie, d’environnement, etc.)]
Je partage l’objectif. Mais je n’imagine pas quelle serait la composition d’un organisme dont la légitimité serait reconnue pour exercer ce qu’il faut bien appeler une censure du journalisme scientifique. Ce que vous proposez, c’est en fait de revenir à une « vérité officielle »…
[« Quel sens aurait pour un publicitaire de « blacklister » un média qui est très suivi par ses clients potentiels ? » Pourtant, ça existe.]
Pourriez-vous donner un exemple ?
[2°) Oui, il y a un sens à menacer de blacklister un média : si un reportage sur les produits par telle entreprise en donne une mauvaise image, il est logique pour l’entreprise en question de menacer de représailles financières (plus d’annonces) pour l’ensemble des produits le média qui produit ce reportage. Et donc, les annonceurs peuvent, par ce moyen aussi, peser sur la ligne éditoriale.]
Oui, mais encore une fois, il ne s’agit pas d’une pression de nature POLITIQUE. Le publicitaire favorisera la ligne qui augmente la visibilité de la publication et donc de son produit. La ligne politique du journal n’a pour lui aucun intérêt. Or, si une ligne éditoriale donnée augmente la visibilité du journal, c’est qu’elle correspond aux désirs du lecteur. On revient toujours à a même conclusion : dans un système compétitif, les médias suivent l’opinion, ils ne la façonnent pas.
[Pour un journal comme le canard enchainé, c’est le lecteur. Mais pour des médias qui vivent des annonceurs, ce sont les annonceurs qui sont le client,]
Mais quel est l’intérêt de l’annonceur ? Qu’il y ait beaucoup de lecteurs qui voient son produit. Et on revient donc toujours au même point : c’est le lecteur qui est roi, que ce soit directement – comme dans le cas du « Canard » ou indirectement à travers la pression publicitaire.
[et pour un média qui vit des subventions et des abonnements par des organismes publics, c’est les décideurs politiques qui sont rois…]
Mais là encore, pourquoi les décideurs politiques donneraient de l’argent à un média que personne n’a envie de lire ?
[Je pèche peut être par optimisme, mais je pense qu’il y a une distinction entre ce qu’on souhaite et ce qu’on fait. On peut souhaiter lire un journal intelligent, le soutenir moralement, mais, à la fin de la journée, s’affaler dans son fauteuil pour regarder un tournoi de golf ou un reportage sur des chiens, qui n’ont aucun intérêt…]
La distinction que vous faites est celle du « surmoi » et du « moi ». Là ou le « moi » aime s’affaler dans le fauteuil et regarder n’importe quelle connerie, le « surmoi » nous dit « tu devrais lire Balzac ». Mais du point de vue politique, le « moi » est bien plus important que le « surmoi »… même si ce dernier a aussi son importance.
[Si on doit décider à qui ira notre subvention média, j’espère que le critère de choix sera différent de celui qui fait appuyer sur un bouton ou un autre en fin de journée…]
C’est certain. Mais je ne suis pas très convaincu que la différence serait énorme…
[Il me semble qu’il serait plus démocratique, et surtout plus conforme aux besoins d’une diversité des points de vue, que les citoyens puissent choisir à qui ils donnent leur obole, plutôt que de déléguer ce choix à des élus.]
Et bien, je suis en total désaccord. Le « surmoi » des élus est bien plus puissant que celui de l’homme de la rue.
> Un « ordre de journalistes » supposerait qu’un journaliste salarié ne pourrait fournir sa prestation qu’à son employeur
Et alors, ça n’est pas le cas aujourd’hui ? Je ne vois pas où serait le problème…
> présenter les arguments d’un seul côté du débat constitue-t-il un « mensonge » ?
> Pour être « éthique » faudrait-il donner la parole à Daesh autant qu’aux acteurs
> de l’antiterrorisme ?
Déjà, j’ai l’impression que les arguments de Daesh sont relativement audibles dans les médias, mais à la rigueur, il ne s’agit que de questions politiques, philosophiques, etc. qui n’ont rien de factuelles.
Ce qui me gène, c’est quand on parle d’un sujet en maquillant plus ou moins volontairement la réalité, de manière à biaiser la pereption qu’on l’en a.
Du genre, un titre :
“Manifestations violemment réprimées au San Théodoros : 45 morts – Le général Alcasar doit il être déféré devant le TPI pour crime contre son peuple ?”
Suivi d’un article plein de témoignages de manifestants qui ont été frappés, et proches de manifestants tués, etc.
Si cet article ommet de préciser que, sur ces 45 morts, 15 sont des policiers tués par des paramilitaires pro-manifestants, 20 sont des paramilitaires armés qui pro-manifestants, et que les 10 qui restent se répartissent pour moitié entre des manifestants non armés, et des “non manifestants”, qui se sont faits tuer par les paramilitaires du fait de leur soutien au gouvernement…
Là, l’article manque à la déontologie : il choisit de parler d’un évènement, et décide d’en rendre compte de manière carrément mensongère, puisque des soutiens du Gal Alcasar sont implicitement imputés comme victimes de sa répression…
Un autre exemple :
“Parodie de démocratie en Bordurie : l’opposition n’a que deux sièges au parlement”
Suivi d’un article où on interviewe uniquement des gens du parti qui a eu deux sièges, en laissant entendre que les 398 autres sont trustés par les amis du Président.
Alors qu’en fait, le parti du président a eu 45% des voix et 55% des sièges, que le parti nationaliste d’extrème droite a eu 20% des voix et 15% des sièges, et que le parti communiste a eu 30% des voix et 30% des sièges, le parti soit disant “d’opposition” étant arrivé en 4ème position avec seulement 5% des voix.
Sauf que c’est le seul parti qu’aiment bien ceux qui ont écrit le journal, et qu’ils considèrent donc que les 3 autres partis sont mis dans le même sac…
Il s’agit là encore d’une information mensongère, au moins dans le titre…
J’espère que vous voyez ce que j’appelle la déontologie pour un journaliste. Si les résultats de l’élection en bordurie ne leur plaisent pas, qu’ils ne veulent pas en parler, pour parler d’autre chose à la place, pourquoi pas. Mais on ne peut pas déformer les faits quand on est journaliste.
>> Dans l’affaire Fillon, pour moi, il y a peut-être des investigations qui sont orientées,
>> mais je ne crois pas avoir vu de faute déontologique.]
> Si un « ordre des journalistes » ne sert pas à éviter ce type de campagnes, je vois mal à quoi il pourrait servir.
J’espère vous avoir expliqué ci dessus. Il y a pour moi d’autant moins de faute qu’il était tout à fait clair, à entendre les médias, que Fillon n’était pas un cas isolé de député qui embauchait des proches…
Là où je serais d’accord avec vous sur un scandale Fillon, c’est qu’il faudrait que, de même qu’un candidat à une élection de représentant du personnel est protégé à partir du moment où il a annoncé sa candidature, qu’il y ait une trève judiciaire à partir du moment où un candidat à la présidentielle a annoncé sa candidature (même type de protection qu’un président).
> Mais je n’imagine pas quelle serait la composition d’un organisme dont la légitimité
> serait reconnue pour exercer ce qu’il faut bien appeler une censure du journalisme
> scientifique. Ce que vous proposez, c’est en fait de revenir à une « vérité officielle »
Si un journaliste veut exposer la “vérité officielle”, présentée par des gens sérieux, et qui fait conssensus, il n’y a pas de problème, libre à lui.
Si il veut exposer une thèse alternative, exposée par des marginaux, libre à lui, mais à condition de bien préciser qu’il y a des gens, à priori sérieux, qui ne sont pas d’accord avec lui, et de leur donner la possibilité de répondre aux arguments donnés par les marginaux.
Typiquement, si quelqu’un fait un reportage sur le changement climatique. Si il explique ce qu’est le conssensus du GIEC, personne ne lui dira rien, et c’est bien normal. Si il va interviewer une personne plus ou moins loufoque, qui va lui expliquer ses théories scientifiques qui démontrent que le réchauffement climatique est un mythe, et que la concentration en CO2 dans l’atmosphère n’a pas du tout varié depuis 2000 ans, alors, le minimum serait de confronter ces dires à des dires de personnes qui ne sont pas d’accord avec lui, c’est à dire à peu près toute la communauté scientifique.
Quand je prend cet exemple, ça parait évident à tout le monde.
S’agissant des vaccins, on a beaucoup entendu, ces derniers moins, les mouvements anti vaccins, mais on a aussi entendu la “parole officielle”. Du coup, pour moi, il n’y a rien à dire.
Pourquoi est ce que ça ne fonctionnerait pas pareil pour le glyphosate, pour le risque nucléaire, pour les dangers des ondes, sur l’utilité des éoliennes, etc.
Sur tous ces sujets, on entend uniquement les marginaux, et jamais ceux qui connaissent leur sujet !
> Pourriez-vous donner un exemple ?
Je dois admettre que je ne retrouve rien de publié sur le sujet. Je le tiens pour sur, car raconté par des amis journalistes, qui l’ont eu en interne ce type de menace… mais je n’ai effectivement pas d’exemple documenté où cette menaceu aurait été mise en exécution…
> Mais là encore, pourquoi les décideurs politiques donneraient de l’argent à un média que personne n’a envie de lire ?
Est ce qu’il y a beaucoup de lecteurs (je veux dire de particuliers) passionnés par la lecture du Monde ou de Libé ? Pourtant, ils sont largement subventionnés : ils ont un statut qui leur permet de sevir de mouton de tête aux autres médias…
> Et bien, je suis en total désaccord. Le « surmoi » des élus
> est bien plus puissant que celui de l’homme de la rue.
Sans doute. Aussi serait il peut être plus astucieux de confier à des élus ces choix de subventions. Mais il faudrait tout de même, dans ce cas, veiller à ce qu’il s’agisse d’élus sur un scrutin de type proportionnel.
@ Vincent
[« Un « ordre de journalistes » supposerait qu’un journaliste salarié ne pourrait fournir sa prestation qu’à son employeur » Et alors, ça n’est pas le cas aujourd’hui ? Je ne vois pas où serait le problème…]
Un journaliste dont les articles ne seraient lus que par son employeur ne me semble pas très utile…
[Déjà, j’ai l’impression que les arguments de Daesh sont relativement audibles dans les médias, mais à la rigueur, il ne s’agit que de questions politiques, philosophiques, etc. qui n’ont rien de factuelles.]
Je ne pense pas que les arguments de Daech fassent l’objet dans nos médias d’une présentation véritable neutre. Qu’en pensez-vous ? Voilà un bon exemple des raisons pour lesquelles on ne peut pas penser la déontologie du journaliste comme on pense celle du médecin ou de l’avocat. Le journaliste manipule des idées.
[Ce qui me gêne, c’est quand on parle d’un sujet en maquillant plus ou moins volontairement la réalité, de manière à biaiser la perception qu’on l’en a.]
C’est, malheureusement, inévitable. Dès lors qu’on sort des faits nus, l’interprétation est forcément biaisée. Plutôt qu’un impossible tribunal de déontologie destiné à normaliser l’expression, je vois le meilleur équilibre dans la diversité des « biais »…
Du genre, un titre : (…) Si cet article ommet de préciser que, sur ces 45 morts, 15 sont des policiers tués par des paramilitaires pro-manifestants, 20 sont des paramilitaires armés qui pro-manifestants,]
Un peu comme les articles sur l’emploi de la femme de Fillon « omettaient » de dire que la pratique en question était courante et cela dans tous les partis ? Vous voyez, si la « déontologie » que vous voulez imposer passe par l’évitement de TOUTE omission, vous n’êtes pas sorti de l’auberge. Et si vous tolérez les « omissions », qui décide quelles sont celles qui sont acceptables et celles qui ne le sont pas ?
[J’espère que vous voyez ce que j’appelle la déontologie pour un journaliste. Si les résultats de l’élection en bordurie ne leur plaisent pas, qu’ils ne veulent pas en parler, pour parler d’autre chose à la place, pourquoi pas. Mais on ne peut pas déformer les faits quand on est journaliste.]
Mais dans les exemples que vous proposez, il n’y a pas de « déformation des faits ». Seulement une « sélection des faits ». Or, si le journaliste ne peut sélectionner les faits, s’il doit les reporter TOUS, vous rendez le métier impossible.
[J’espère vous avoir expliqué ci dessus. Il y a pour moi d’autant moins de faute qu’il était tout à fait clair, à entendre les médias, que Fillon n’était pas un cas isolé de député qui embauchait des proches…]
Pardon. Entre « Fillon n’était pas un cas isolé » à « tout le monde le faisait, et dans tous les partis » il y a une petite différence. Je ne me souviens pas que pendant l’affaire on ait pointé les amis de Macron qui s’était livrés aux mêmes pratiques. Un oubli, sans doute.
[Si un journaliste veut exposer la “vérité officielle”, présentée par des gens sérieux, et qui fait conssensus, il n’y a pas de problème, libre à lui. Si il veut exposer une thèse alternative, exposée par des marginaux, libre à lui, mais à condition de bien préciser qu’il y a des gens, à priori sérieux, qui ne sont pas d’accord avec lui, et de leur donner la possibilité de répondre aux arguments donnés par les marginaux.]
Et qui décide qui est « sérieux » et qui ne l’est pas ?
[Pourquoi est ce que ça ne fonctionnerait pas pareil pour le glyphosate, pour le risque nucléaire, pour les dangers des ondes, sur l’utilité des éoliennes, etc. Sur tous ces sujets, on entend uniquement les marginaux, et jamais ceux qui connaissent leur sujet !]
Non, on entend tout le monde. La SFEN s’exprime autant que « sortir du nucléaire ». Le problème, c’est que les médias, comme je l’ai dit dans un autre échange, sont là d’abord pour vendre du « temps de cerveau disponible », et que par voie de conséquence tendent à donner au peuple ce que le peuple veut. Et le peuple ADORE avoir peur de conspirations imaginaires… Ce n’est pas un tribunal déontologique qui ira changer ça.
[Je dois admettre que je ne retrouve rien de publié sur le sujet. Je le tiens pour sûr, car raconté par des amis journalistes, qui l’ont eu en interne ce type de menace… mais je n’ai effectivement pas d’exemple documenté où cette menace aurait été mise en exécution…]
Et l’exemple n’existe probablement pas, sinon comme cas marginal, parce qu’une telle attitude suppose qu’un publicitaire soit prêt à se tirer une balle dans le pied pour satisfaire une rancune personnelle.
[« Mais là encore, pourquoi les décideurs politiques donneraient de l’argent à un média que personne n’a envie de lire ? » Est ce qu’il y a beaucoup de lecteurs (je veux dire de particuliers) passionnés par la lecture du Monde ou de Libé ?]
La passion, on s’en fout. L’important, c’est qu’ils achètent et qu’ils regardent la pub.
> Un journaliste dont les articles ne seraient lus que par son employeur ne me semble pas très utile…
Je n’ai pas dit ça : un avocat salarié peut plaider pour un client extérieur, pas forcément pour son patron.
Un médecin salarié ne soigne pas que son patron, mais des patients extérieurs… Je ne comprends pas bien l’argument, à vrai dire…
[Déjà, j’ai l’impression que les arguments de Daesh sont relativement audibles dans les médias, mais à la rigueur, il ne s’agit que de questions politiques, philosophiques, etc. qui n’ont rien de factuelles.]
> Voilà un bon exemple des raisons pour lesquelles on ne peut pas
> penser la déontologie du journaliste comme on pense celle du médecin
> ou de l’avocat. Le journaliste manipule des idées.
Ce n’est pas son rôle premier. Il manipule des informations…
> C’est, malheureusement, inévitable. Dès lors qu’on sort des faits
> nus, l’interprétation est forcément biaisée.
Le problème est quand les faits nus sont présentés de manière qu’on comprenne quelque chose de totalement faux.
> Plutôt qu’un impossible tribunal de déontologie destiné à normaliser
> l’expression, je vois le meilleur équilibre dans la diversité des « biais »…
Oui, je suis tout à fait d’accord : le principal est la diversité des opinions. Mais il faudrait aussi que des limites soient mises à la désinformation…
> Mais dans les exemples que vous proposez, il n’y a pas de « déformation des
> faits ». Seulement une « sélection des faits ».
La sélection des faits est déjà très limite. Mais dans mes exemples, il y a une présentation mensongère, puisque les titres sont concus de manière à ce qu’on comprenne quelque chose qui est très différent de la réalité.
On comprend qu’un dictateur a fait tuer 45 manifestants, alors que ce sont clairement, si on regarde les chiffres, des paramilitaires armés qui sont en cause…
Prenez l’exemple de quelqu’un qui affiche en titre :
“97% des aliments contiennent des pesticides”. En disant que c’est un extrait d’un document officiel, la phrase complète étant : “97% des aliments contiennent des pesticides dans les limites réglementaires”.
Il ne s’agit pas pour moi d’une sélection des faits, mais d’un propos mensonger, puisque la nature des informations que l’on comprend n’est pas conforme à la réalité.
Or, si le journaliste ne
> peut sélectionner les faits, s’il doit les reporter TOUS, vous rendez le métier impossible.
[J’espère vous avoir expliqué ci dessus. Il y a pour moi d’autant moins de faute qu’il était tout à fait clair, à entendre les médias, que Fillon n’était pas un cas isolé de député qui embauchait des proches…]
Pardon. Entre « Fillon n’était pas un cas isolé » à « tout le monde le faisait, et dans tous les partis » il y a une petite différence. Je ne me souviens pas que pendant l’affaire on ait pointé les amis de Macron qui s’était livrés aux mêmes pratiques. Un oubli, sans doute.
> Et qui décide qui est « sérieux » et qui ne l’est pas ?
Personne ne décide de rien à l’avance, mais cela doit être évalué au cas par cas, justement par l’Ordre. De même que, dans le cas d’un médecin, personne ne va décider que tel ou tel traitement doit être impérativement mis en oeuvre ou interdit, mais que, un médecin, si il a pris une décision thérapeutique qui va totalement à l’encontre du conssensus, sans se renseigner sur les conséquences possibles de sa démarche, peut être sanctionné à posteriori.
Le travail d’une enquète journalistique est d’aller confronter les sources ; s’il s’avère qu’un reportage manque à cette démarche, il doit pouvoir être sanctionné.
Si, sur un sujet, les gouvernements successifs, les académies de médecine et de pharmacie, l’OMS, l’INSERM, et plus de 95% des spécialistes disent la même chose, mais qu’un reportage donne exclusivement la parole aux rares marginaux, sans aucun regard critique sur leur point de vue, c’est qu’il y a clairement un manquement à la déontologie.
Je dirais même que, dans les situations où il n’y a pas de conssensus, c’est aussi un manque à la déontologie de ne pas donner la parole aux différents points de vue.
La logique est que tous les points de vue doivent être exposés, et l’exposé d’un point de vue unique doit être l’exception, quand, clairement, il y a un conssenssus. C’est le seul cas où on peut excuser le fait de ne pas exposer tous les points de vues, sans que l’éthique du journaliste ne soit mise en cause.
Pas besoin de vérité officielle pour cela.
> Non, on entend tout le monde. La SFEN s’exprime autant que « sortir du nucléaire ».
> Le problème, c’est que les médias, comme je l’ai dit dans un autre échange, sont
> là d’abord pour vendre du « temps de cerveau disponible », et que par voie de
> conséquence tendent à donner au peuple ce que le peuple veut. Et le peuple ADORE
> avoir peur de conspirations imaginaires… Ce n’est pas un tribunal déontologique
> qui ira changer ça.
Je suis d’accord à 200% sur cette tendance des journalistes au sensasionalisme, souvent malsain. Notamment quand il s’agit de passer du temps sur des détails sordides de faits divers, sans intérêt.
Mais comment expliquer l’anathème qui se déverse sur les journalistes qui ont trop laissé s’exprimer les conspirationnistes du 11 Septembre ? Ou sur ceux du “grand remplacement” ?
Il y a bien ici une notion de “marginaux” à qui on ne doit pas laisser le monopole de l’expression publique… Pourtant, c’est le type de sujets, qui, au vu de leur popularité sur internet, permettrait de faire de l’audience ?
>> Est ce qu’il y a beaucoup de lecteurs (je veux dire de particuliers)
>> passionnés par la lecture du Monde ou de Libé ?
> La passion, on s’en fout. L’important, c’est qu’ils achètent et qu’ils
> regardent la pub.
Je reformule : est ce qu’il y a beaucoup de particuliers qui achètent ? J’ai comme l’impression que, pour Le Monde ou Libé, l’essentiel des clients sont des institutionnels (bibliothèques, entreprises, compagnies aériennes, etc.). Même si je concède ne pas avoir de chiffres…
@ Vincent
[Je n’ai pas dit ça : un avocat salarié peut plaider pour un client extérieur, pas forcément pour son patron. Un médecin salarié ne soigne pas que son patron, mais des patients extérieurs… Je ne comprends pas bien l’argument, à vrai dire…]
Un avocat salarié ne peut, en principe, plaider ou conseiller que pour son employeur. C’est son employeur qui est le bénéficiaire de sa plaidoirie, et non le juge. Par analogie, qui est le bénéficiaire d’un article écrit par un journaliste ? C’est bien évidement le lecteur…
[« Voilà un bon exemple des raisons pour lesquelles on ne peut pas penser la déontologie du journaliste comme on pense celle du médecin ou de l’avocat. Le journaliste manipule des idées. » Ce n’est pas son rôle premier. Il manipule des informations…]
Je crains que vous n’ayez une vue trop idéaliste du monde. La réalité nous est inaccessible autrement qu’à travers des instruments d’interprétation. Quand nous parlons du réel, nous parlons en fait de l’idée que nous nous en faisons. L’information « brute » n’existe pas, puisque comme je vous l’ai montré par ailleurs la simple sélection des « informations » constitue déjà une trahison du réel.
[Oui, je suis tout à fait d’accord : le principal est la diversité des opinions. Mais il faudrait aussi que des limites soient mises à la désinformation…]
Je crains malheureusement qu’il soit fort difficile de définir clairement ces limites. Et ma crainte est encore accentué parce que je pense que si un tribunal déontologique comme celui que propose Mélenchon était mis en place, je n’ai pas confiance dans le fait que les personnes désignées auraient la même idée que moi de ce qui constitue la « désinformation »…
[Prenez l’exemple de quelqu’un qui affiche en titre : “97% des aliments contiennent des pesticides”. En disant que c’est un extrait d’un document officiel, la phrase complète étant : “97% des aliments contiennent des pesticides dans les limites réglementaires”. Il ne s’agit pas pour moi d’une sélection des faits,]
Et pourtant c’est le cas. Car l’affirmation « 97% des aliments contiennent des pesticides » est une affirmation VRAIE, tout comme est vraie l’affirmation « 97% des aliments contiennent des pesticides dans les limites règlementaires ». Toutes deux exposent un « fait » parfaitement exact. Le fait de publier l’une plutôt que l’autre relève d’une sélection. Et la sélection est inévitable, parce qu’aucun exposé ne peut prétendre à l’exhaustivité. Maintenant, quelles sont les « sélections » admissibles et celles qui ne le sont pas ? Vous seriez bien en peine à établir une règle…
[mais d’un propos mensonger, puisque la nature des informations que l’on comprend n’est pas conforme à la réalité.]
Non. Quand je lis que « 95% des aliments contiennent des pesticides », je comprends que 95% des aliments contiennent des pesticides. Ce qui est parfaitement conforme à la réalité.
[« Et qui décide qui est « sérieux » et qui ne l’est pas ? » Personne ne décide de rien à l’avance, mais cela doit être évalué au cas par cas, justement par l’Ordre. De même que, dans le cas d’un médecin, personne ne va décider que tel ou tel traitement doit être impérativement mis en oeuvre ou interdit, mais que, un médecin, si il a pris une décision thérapeutique qui va totalement à l’encontre du consensus, sans se renseigner sur les conséquences possibles de sa démarche, peut être sanctionné à posteriori.]
Mais cette sanction n’est pas totalement arbitraire. Les médecins ont une charte déontologique, qui dit à l’avance ce qui est permis et ce qui est interdit. Les juges ordinaux ont une marge d’appréciation pour voir si une situation concrète rentre ou non dans le cadre de cette charte, mais cette marge est limitée, comme c’est le cas dans toute logique pénale. On ne peut soumettre une profession à une logique ou les interdits sont vagues et personne ne sait, lorsqu’il sélectionne une information, s’il tombe ou non sous le coup de la loi.
Il vous faut donc, si vous voulez séparer les informations « sérieuses » des autres, spécifier les critères qui font qu’une information est « sérieuse ». Je vous souhaite bonne chance…
[Le travail d’une enquête journalistique est d’aller confronter les sources ; s’il s’avère qu’un reportage manque à cette démarche, il doit pouvoir être sanctionné.]
Confronter TOUTES les sources ? Ou une sélection parmi elles ? Et s’il s’agit de sélectionner, quels sont les critères ?
[Si, sur un sujet, les gouvernements successifs, les académies de médecine et de pharmacie, l’OMS, l’INSERM, et plus de 95% des spécialistes disent la même chose, mais qu’un reportage donne exclusivement la parole aux rares marginaux, sans aucun regard critique sur leur point de vue, c’est qu’il y a clairement un manquement à la déontologie.]
Vous savez bien que ce n’est jamais aussi flagrant… et puis là encore, lorsqu’on cite les propos, il y a une sélection…
[La logique est que tous les points de vue doivent être exposés,]
Faut-il faire parler un créationniste à chaque programme sur le Big Bang ?
[Mais comment expliquer l’anathème qui se déverse sur les journalistes qui ont trop laissé s’exprimer les conspirationnistes du 11 Septembre ? Ou sur ceux du “grand remplacement” ?]
Pour le premier, c’est évident : il y a concurrence victimaire entre ceux qui s’estiment « victimes » d’un complot et les « victimes » bien réelles de l’attentat, qui estiment – pour celles qui sont en état de s’exprimer – que ces théories portent atteinte à la mémoire de leurs morts. Pour le débat concernant le « grand remplacement », c’est juste la défense d’un dogme officiel.
[Pourtant, c’est le type de sujets, qui, au vu de leur popularité sur internet, permettrait de faire de l’audience ?]
Pas vraiment. Même s’ils font beaucoup de bruit sur Internet, les partisans des théories de conspiration sur le 11 septembre ou sur le « grand remplacement » n’ont pas vraiment beaucoup d’audience.
[Je reformule : est ce qu’il y a beaucoup de particuliers qui achètent ? J’ai comme l’impression que, pour Le Monde ou Libé, l’essentiel des clients sont des institutionnels (bibliothèques, entreprises, compagnies aériennes, etc.). Même si je concède ne pas avoir de chiffres…]
En fait, peu importe : si beaucoup de gens n’achètent pas les journaux en question, qu’ils le font acheter par leur entreprise, ils restent prescripteurs de l’achat.
> Un avocat salarié ne peut, en principe, plaider ou conseiller que pour son employeur.
Non, un avocat, salarié d’un cabinet d’avocat, plaide pour les clients du cabinet… De même qu’un médecin salarié d’une clinique soigne les clients de la clinique.
Je ne vois pas pourquoi un journaliste salarié n’écrirait pas des artciles pour les clients du journal. Je suis même étonné que vous m’appreniez que cela ne se passerait pas ainsi…
> Non. Quand je lis que « 95% des aliments contiennent des pesticides »,
> je comprends que 97% des aliments contiennent des pesticides. Ce qui
> est parfaitement conforme à la réalité.
vous avez du lire un peu vite : c’est effectivement ce que l’on comprend à la lecture du titre abrégé, mais à la lecture du titre complet, on comprend que 3% des produits contiennent des pesticides en dose supérieure à ce qui est autorisé. Ce qui ne donne aucune information sur les 97% qui restent.
Et en l’occurence, puisqu’il s’agit du reportage de cash investigation auquel je faisais allusion, il était clairement écrit, en dessous, dans le résumé de l’artcile, qu’environ 50% des échantillons de contenaient pas de pesticides en quantité mesurable.
L’information était donc bel et bien mesongère, puisqu’on comprenait que 3% des aliments ne contiennent pas de pesticides, alors que c’était en réalité de l’ordre de plus de 50%.
>> J’ai comme l’impression que, pour Le Monde ou Libé, l’essentiel des clients sont
>> des institutionnels (bibliothèques, entreprises, compagnies aériennes, etc.
> En fait, peu importe : si beaucoup de gens n’achètent pas les journaux en
> question, qu’ils le font acheter par leur entreprise, ils restent prescripteurs
> de l’achat.
Du coup, si, ça importe : la diversité est issue de la diversité des donneurs d’ordre, et pas de celle de la population. Ce qui crée un énorme biais…
>> Si, sur un sujet, les gouvernements successifs, les académies de médecine
>> et de pharmacie, l’OMS, l’INSERM, et plus de 95% des spécialistes disent la
>> même chose, mais qu’un reportage donne exclusivement la parole aux rares
>> marginaux, sans aucun regard critique sur leur point de vue, c’est qu’il y a
>> clairement un manquement à la déontologie.]
> Vous savez bien que ce n’est jamais aussi flagrant…
> et puis là encore, lorsqu’on cite les propos, il y a une sélection…
Je suis désolé, mais c’est souvent aussi flagrant, quand on est sur des sujets qu’on connait. Quand on cite des propos, il y a effectivement une sélection, mais le problème est de ne citer que les 5% de marginaux…
@ Vincent
[« Un avocat salarié ne peut, en principe, plaider ou conseiller que pour son employeur. » Non, un avocat, salarié d’un cabinet d’avocat, plaide pour les clients du cabinet… De même qu’un médecin salarié d’une clinique soigne les clients de la clinique.]
J’avais cru comprendre que dans un cabinet d’avocats les avocats ne sont pas « salariés » mais « partenaires » ou « associés ». On ne leur paye pas un salaire : ils sont payés par leurs clients, et ils laissent au cabinet une partie de leurs honoraires. Même chose pour les médecins qui travaillent en cabinet ou en clinique. Je vois mal d’ailleurs comment on peut concilier le principe de subordination inscrit dans le rapport salariale avec le rapport « patient/médecin » ou « client/avocat ». Un avocat « salarié » serait subordonné à qui, par exemple pour le choix de son système de défense ? A son « client », ou à son « employeur » ?
[Du coup, si, ça importe : la diversité est issue de la diversité des donneurs d’ordre, et pas de celle de la population. Ce qui crée un énorme biais…]
Mais les donneurs d’ordre, c’est la population. Si les entreprises achètent « Le Monde » ou « Libération », c’est parce que leurs cadres – qui sont les lecteurs – le demandent. C’est donc le lecteur qui est « donneur d’ordre ».
@ Vincent
[Je suis désolé, mais c’est souvent aussi flagrant, quand on est sur des sujets qu’on connait.]
Vous savez, je travaille depuis des décennies dans l’industrie nucléaire, l’un des domaines ou la déontologie journalistique reste systématiquement sur le bas-côté. S’il y a un domaine où l’on n’entend que les « marginaux », c’est bien celui-là. Et pourtant, ce n’est jamais aussi « flagrant » que vous le dites. Dans chaque reportage on donnera la parole à un représentant d’Areva ou d’EDF. Ils feront bien entendu l’objet d’interrogatoires particulièrement agressifs (1). Leurs propos seront bien entendu soigneusement sélectionnés, et éventuellement projetés sur des images les contredisant. Mais il est rare qu’on donne la parole seulement aux « marginaux ». D’ailleurs, beaucoup de gens dans le nucléaire pensent que ce serait mieux de refuser toute déclaration à ce type de documentaires, pour faire apparaître de façon encore plus éclatante leur partialité.
(1) on se souvient de l’épisode d’Elise Lucet montrant des soi-disant déchets d’uranium enfermés dans un coffret en plomb et présentés comme « très dangereux » à un cadre d’AREVA. L’effet avait en partie été gâché par la présence d’esprit du monsieur qui a ouvert le coffret, pris le petit sac contenu à l’intérieur et l’a manipulé à mains nues pour montrer que cela ne lui posait aucun problème, malgré les cris d’orfraie de Lucet. Je tiens de bonne source qu’il avait été sérieusement question de couper la séquence au montage. La coupure n’a pas eu lieu parce qu’AREVA avait pris la précaution de se faire remettre une copie de la séquence en question.
Je vous confirme : 90% des avocats en cabinet ont effectivement un statut libéral. Mais certains ne le souhaitent pas. Ils ont ainsi un revenu sensiblement inférieur, mais bénéficient d’avantages comme le maintien du salaire pendant les congés maternité, etc. (J’en connais une)
Idem pour les médecins, qui peuvent être salariés par des cliniques, des maisons de retraite, etc. (Ma femme en connaît)
Cher Descartes,
Merci pour ce billet. En le lisant, m’est revenue une question que vous n’abordez pas dans votre article mais qui concerne la Corse. Il m’a été rapporté, par plusieurs personnes connaissant bien la Corse (c’est-à-dire des personnes d’origine corse, parfois lointaine, et qui se rendent en vacances dans ce qu’ils considèrent comme leurs île), que le succès des indépendantistes et des autonomistes s’expliquait aussi par leur positionnement on va dire réactionnaire vis-à-vis de l’immigration maghrébine, assez présente dans l’île.
En gros, en caricaturant à peine, les Corses deviendraient indépendantistes parce que ces mouvements promettaient de réguler l’immigration, en provenance du continent mais surtout extra-européenne. Est-ce que cette théorie vous paraît avoir quelque fondements ou ne s’agit-il que d’élucubrations?
Autre question : même si je suis un observateur plutôt attentif de l’actualité politique, j’ai un peu du mal à tracer les différences entre les différentes mouvances : entre indépendantistes et autonomistes, je comprends à peu près. Mais lorsqu’on parle de “nationalistes”, fait-on référence aux seuls premiers ou au deux?
@ Tythan
[Il m’a été rapporté, par plusieurs personnes connaissant bien la Corse (c’est-à-dire des personnes d’origine corse, parfois lointaine, et qui se rendent en vacances dans ce qu’ils considèrent comme leurs île), que le succès des indépendantistes et des autonomistes s’expliquait aussi par leur positionnement on va dire réactionnaire vis-à-vis de l’immigration maghrébine, assez présente dans l’île.]
Bien entendu. Il ne faut pas oublier que les autonomistes-indépendantistes sont par beaucoup d’aspects très proches de la philosophie de l’extrême droite. Quelle est la différence entre la philosophie de la « préférence nationale » défendue par le FN et celle de la « corsisation des emplois » et de la réservation de la propriété foncière aux « vrais Corses » ? Alors que le FN progresse dans l’ensemble de la métropole, il reste très faible en Corse. Tout simplement parce que les autonomistes-indépendantistes offrent une alternative locale.
Et parmi les questions qui alimentent ce vote il y a, oui, l’immigration maghrébine. On a bien vu cet été que la problématique n’est pas très différente en Corse par rapport au reste du continent. Sauf que les réactions de la population sont bien plus violentes. Et les positions prises à l’époque par le duo Talamoni-Simeoni n’auraient pas défrisé un militant du FN…
[En gros, en caricaturant à peine, les Corses deviendraient indépendantistes parce que ces mouvements promettaient de réguler l’immigration, en provenance du continent mais surtout extra-européenne.]
Je pense que c’est certainement un élément, mais un élément parmi d’autres seulement. Je ne crois pas que les Corses soient en train de « devenir indépendantistes ». Ils votent pour les indépendantistes d’abord parce que c’est le seul produit frais du menu, alors que les élites traditionnelles de l’Ile ont sombré dans le même néant que celles du continent, après des années de clientélisme, de clanisme et de corruption. Ils votent pour eux parce que l’histoire récente montre que ce sont les mieux armés pour faire du chantage à l’Etat à l’heure d’obtenir exemptions fiscales et subventions. Et ils votent pour eux, aussi, pace qu’ils y voient une alternative « conservatrice » au laxisme des autres.
[Autre question : même si je suis un observateur plutôt attentif de l’actualité politique, j’ai un peu du mal à tracer les différences entre les différentes mouvances : entre indépendantistes et autonomistes, je comprends à peu près. Mais lorsqu’on parle de “nationalistes”, fait-on référence aux seuls premiers ou au deux?]
En principe, le mot « nationaliste » ne s’applique qu’aux indépendantistes, qui considèrent la Corse comme une « nation ». Les autonomistes sont plutôt sur une logique de « peuple corse composante du peuple français ». Mais les frontières sémantiques sont perméables…
Un bel article. Le drame, c’est que l’Etat est certes “de plus en plus aux mains de libéraux”, mais ce n’est pas par hasard : le calcul coût/avantages et le “chacun pour soi” me semblent de plus en plus implantés dans la société. Il est devient rare d’entendre des gens expliquer quelque chose ressemblant à votre belle phrase qui commence par “Je suis content, en tant que citoyen français habitant l’Ile de France, de payer un peu plus…”.
Je me demande si, au delà des intérêts de classe, ce n’est pas aussi par manque d’explications, de connaissances historiques, qu’une certaine passivité s’est installée. Défendre la collectivité, l’Etat, le secteur public est difficile de nos jours. Ces acquis font tellement partie du décor qu’on ne se souvient même plus qu’ils pourraient un jour disparaître…
@ tmn
[Un bel article. Le drame, c’est que l’Etat est certes “de plus en plus aux mains de libéraux”, mais ce n’est pas par hasard : le calcul coût/avantages et le “chacun pour soi” me semblent de plus en plus implantés dans la société. Il est devient rare d’entendre des gens expliquer quelque chose ressemblant à votre belle phrase qui commence par “Je suis content, en tant que citoyen français habitant l’Ile de France, de payer un peu plus…”.]
Oui. Mais je ne prétends pas être plus généreux que la moyenne. Si « je suis content, en tant que citoyen français, de payer un peu plus… » ce n’est pas simplement par grandeur d’âme. C’est aussi une question d’intérêt : je suis persuadé que cette solidarité permet à mon pays d’être plus fort, plus pacifié, plus uni… et donc plus prospère. Le contrat social n’est pas purement philanthropique : chacun de nous sacrifie un peu avec l’espoir de récupérer beaucoup plus.
Nous avons de plus en plus du mal à nous concevoir comme des êtres sociaux et à voir les avantages que nous tirons de ce statut. Ce n’est pas par hasard si le modèle symbolique qui s’impose est celui de l’autarcie, ou l’on produit SON électricité et on mange les légumes de SON jardin. Le cas de l’électricité est remarquable : alors qu’en nous connectant au réseau nous bénéficions d’un service excellent, il se trouve des gens pour vouloir à tout prix se déconnecter de ce réseau quitte à payer leur électricité beaucoup plus cher…
[Je me demande si, au delà des intérêts de classe, ce n’est pas aussi par manque d’explications, de connaissances historiques, qu’une certaine passivité s’est installée.]
Je vois l’individualisme d’aujourd’hui comme un effet de la réduction de notre horizon. Alors que les générations précédentes se concevaient membres d’un corps social solidaire, nous arrivons tout au plus à concevoir la solidarité à l’échelle de notre entourage immédiat. Et le manque de connaissance historique joue un grand rôle dans cette réduction de notre horizon.
[Défendre la collectivité, l’Etat, le secteur public est difficile de nos jours. Ces acquis font tellement partie du décor qu’on ne se souvient même plus qu’ils pourraient un jour disparaître…]
C’est l’un des avantages des guerres…
@ Descartes
Bonjour,
[Ce n’est pas par hasard si le modèle symbolique qui s’impose est celui de l’autarcie, ou l’on produit SON électricité et on mange les légumes de SON jardin. Le cas de l’électricité est remarquable : alors qu’en nous connectant au réseau nous bénéficions d’un service excellent, il se trouve des gens pour vouloir à tout prix se déconnecter de ce réseau quitte à payer leur électricité beaucoup plus cher…]
N’est-ce pas un peu ce que l’on observe chez les europhobes ?
Par refus obstiné de perdre un peu de souveraineté – que nous perdons tout de même ponctuellement par les conventions qui nous lient aux autres pays – ne nous condamnons nous pas à perdre des capacités d’agir en raison même de notre isolement ? Compte tenu des rapports de force en présence sur la planète, à moins de jouer la Suisse ou le Luxembourg ou autres paradis fiscaux, l’universalité de la France n’a-t-elle pas à gagner de pouvoir, au moins partiellement, représenter une Europe de 250 ou 500 millions d’habitant, représentant le premier PIB du monde ?
Ce n’est pas parce que l’Union Européenne, telle qu’elle est organisée actuellement, ne donne pas satisfaction et comporte des tas d’inconvénients, que le principe d’une alliance est systématiquement à rejeter au nom d’un dogme dont on n’a pas la démonstration qu’il nous soit finalement bénéfique.
L’Europe, c’est comme Dieu. Il y a les athées qui affirment sa non existence (ou son rejet comme les europhobes pour l’Europe) et les croyants, les europhiles, certains de ses bienfaits.
Le sage agnostique, n’a pas de rejet à priori, dogmatique. Par pragmatisme il essaie de déterminer si la balance, à terme d’une démarche qui peut être longue et mouvementée, penchera en faveur des avantages pour notre pays et donc probablement pour chacun d’entre nous, dans leur immense majorité.
La notion de masse critique est essentielle, elle varie probablement en fonction de la démographie mondiale. Que pourra peser la France si à la fin du siècle elle ne représente plus grand chose tant par sa démographie, que par son économie, que par sa puissance militaire. Que représentera sa culture, son influence passée ?
L’Europe, si elle est bien organisée – cela peut prendre des décennies – présente potentiellement un « effet levier » bien connu en économie.
Une Europe des nations, même fortement intégrante, n’enlève en rien le pouvoir final à chaque nation de se désengager si bon lui semble, en respectant évidemment les règles auxquelles elle aura souscrit. Sa souveraineté sera donc bien préservée même si elle accepte des règlements communs sur tel ou tel point.
Que l’on soit dubitatif ou septique à son égard laisse la porte ouverte à ses possibilités d’évolution.
Ce que ressent une bonne partie des Corses, c’est qu’ils seraient probablement mieux entre eux, chez eux, pour eux et par eux.
C’est un peu la même chose des nationalistes intransigeants.
Nous avons probablement tous une fibre nationaliste, à des degrés divers. Mais est – il souhaitable de développer une quasi phobie de l’étranger qui, malgré ce que vous concluez n’apporte, par la guerre, que du malheur aux plus défavorisés. Les capitalistes, eux, se frottent les mains car dans les grandes agitations, il y a toujours des fortunes à construire ou à développer. Regardez les exemples des grandes firmes allemandes. Ont-elles, à long terme, beaucoup perdu dans le cataclysme de la seconde guerre mondiale ?
@ Marcailloux
[« Ce n’est pas par hasard si le modèle symbolique qui s’impose est celui de l’autarcie, ou l’on produit SON électricité et on mange les légumes de SON jardin. Le cas de l’électricité est remarquable : alors qu’en nous connectant au réseau nous bénéficions d’un service excellent, il se trouve des gens pour vouloir à tout prix se déconnecter de ce réseau quitte à payer leur électricité beaucoup plus cher… » N’est-ce pas un peu ce que l’on observe chez les europhobes ?]
Pour que la comparaison soit valable, il faudrait que le « branchement » sur l’Europe assure aux français un « meilleur service » et un « meilleur prix » que les Etats nationaux. Pensez-vous que ce soit le cas ? Les faits pointent plutôt vers la conclusion contraire.
[Par refus obstiné de perdre un peu de souveraineté – que nous perdons tout de même ponctuellement par les conventions qui nous lient aux autres pays – ne nous condamnons nous pas à perdre des capacités d’agir en raison même de notre isolement ?]
D’abord, on ne peut pas « perdre un peu de souveraineté ». On est souverain ou on ne l’est pas. On ne peut être « plus souverain » ou « moins souverain ». La souveraineté est par essence indivisible. Et surtout, intransférable puisqu’il réside « essentiellement » dans la nation. On peut transférer des pouvoirs ou des compétences, mais la souveraineté reste entière. Par ailleurs, je ne vois pas très bien qui est ce « nous » qui perdrait des « capacités d’agir » du fait de notre isolement. En transférant des pouvoirs à Bruxelles, « nous » donnons peut-être des capacités d’agir à Bruxelles, mais « nous » perdons toute capacité d’agir nous-mêmes.
Franchement, en toute honnêteté, pensez-vous que la France ait plus de poids assise à une table ou siègent 27 pays, dont la plupart vient d’une tradition juridique, intellectuelle et politique très différente de la nôtre, qu’elle ne peut avoir par elle-même ?
[Compte tenu des rapports de force en présence sur la planète, à moins de jouer la Suisse ou le Luxembourg ou autres paradis fiscaux, l’universalité de la France n’a-t-elle pas à gagner de pouvoir, au moins partiellement, représenter une Europe de 250 ou 500 millions d’habitant, représentant le premier PIB du monde ?]
Dans ce cas, autant demander à devenir une province chinoise. On pourrait ainsi représenter un ensemble de plus d’un milliard d’habitants, représentant bientôt la première puissance industrielle du monde… Je reste persuadé qu’il vaut mieux être la tête d’un chat que la queue d’un lion. L’universalité de la France n’a rien à gagner à devenir une province subordonnée à l’Allemagne.
[Ce n’est pas parce que l’Union Européenne, telle qu’elle est organisée actuellement, ne donne pas satisfaction et comporte des tas d’inconvénients, que le principe d’une alliance est systématiquement à rejeter au nom d’un dogme dont on n’a pas la démonstration qu’il nous soit finalement bénéfique.]
Non, bien entendu. Ce n’est pas parce que l’UE telle qu’elle est ne donne pas satisfaction. C’est parce que l’UE telle qu’elle est, et qui ne donne pas satisfaction, est la seule possible. Cela ne sert à rien de rêver à des Europes où tout à coup l’Allemagne accepterait les transferts permanents entre riches et pauvres, et où un « demos » européen pourrait se prononcer dans le cadre de vraies institutions démocratiques. Le jour où l’Europe sera laïque, jacobine et parlera français, je serais tout à fait disposé à consentir des transferts. N’oubliez pas de me réveiller quand ce jour-là sera arrivé.
[L’Europe, c’est comme Dieu. Il y a les athées qui affirment sa non existence (ou son rejet comme les europhobes pour l’Europe) et les croyants, les europhiles, certains de ses bienfaits.]
Oui. Mais indépendamment des croyances de chacun, on fait aujourd’hui les lois comme si Dieu n’existait pas. C’est une conquête de siècles de lutte, et je n’ai pas envie de revenir en arrière vers une politique basée sur la foi et non sur la raison.
[La notion de masse critique est essentielle, elle varie probablement en fonction de la démographie mondiale. Que pourra peser la France si à la fin du siècle elle ne représente plus grand chose tant par sa démographie, que par son économie, que par sa puissance militaire. Que représentera sa culture, son influence passée ?]
J’attends toujours que quelqu’un me démontre logiquement en quoi la puissance d’un pays est liée à sa démographie. A votre avis, qui pèse plus lourd aujourd’hui dans les rapports internationaux, la France avec ses 60 millions ou le Brésil avec ses 140 ? Il faut arrêter de se raconter des histoires, la démographie, avec les armes nucléaires et les technologies, n’est plus un facteur de puissance. Et si on admet que la France représentera peu de chose par elle-même, je vois mal en quoi elle représenterait plus en tant que colonie allemande.
[L’Europe, si elle est bien organisée – cela peut prendre des décennies – présente potentiellement un « effet levier » bien connu en économie.]
C’est ce qu’on me répète depuis trois décennies. Je n’ai jamais entendu une argumentation rationnelle pour défendre ce point de vue. Allez-y, expliquez-moi en quoi consiste cet « effet levier », et surtout, à qui profiterait-il.
[Une Europe des nations, même fortement intégrante, n’enlève en rien le pouvoir final à chaque nation de se désengager si bon lui semble, en respectant évidemment les règles auxquelles elle aura souscrit. Sa souveraineté sera donc bien préservée même si elle accepte des règlements communs sur tel ou tel point.]
Très bien. Mais à quoi bon avoir le pouvoir de se désengager si on ne l’utilise pas ?
[Que l’on soit dubitatif ou sceptique à son égard laisse la porte ouverte à ses possibilités d’évolution.]
Pardon : moi je ne suis ni « dubitatif » ni « sceptique » à l’égard de l’Europe. Je suis fermement convaincu qu’une Europe supranationale c’est la fin de ce qui m’a fait choisir la France entre toutes les nations pour y vivre.
[Ce que ressent une bonne partie des Corses, c’est qu’ils seraient probablement mieux entre eux, chez eux, pour eux et par eux. C’est un peu la même chose des nationalistes intransigeants.]
Peut-être les Corses pensent ainsi, mais ils ont tort. En restant dans la République, ils bénéficient de la solidarité inconditionnelle de leurs concitoyens français. Demandez aux grecs s’ils pensent pouvoir bénéficier de la solidarité inconditionnelle des autres européens.
Le « nationalisme intransigeant » que vous m’attribuez n’est autre chose que la défense de cette logique-là : associer la souveraineté à la plus grande collectivité dont les membres sont liés par une solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Cela, je le revendique.
[Nous avons probablement tous une fibre nationaliste, à des degrés divers. Mais est – il souhaitable de développer une quasi phobie de l’étranger qui, malgré ce que vous concluez n’apporte, par la guerre, que du malheur aux plus défavorisés.]
Non. Bien sûr que non. Je vous mets au défi de m’indiquer ou je me serais fait l’avocat d’une « quasi phobie de l’étranger ».
@ Descartes
Bonjour,
[Nous avons probablement tous une fibre nationaliste, à des degrés divers. Mais est – il souhaitable de développer une quasi phobie de l’étranger qui, malgré ce que vous concluez n’apporte, par la guerre, que du malheur aux plus défavorisés.]
[[[Non. Bien sûr que non.
Je vous mets au défi de m’indiquer ou je me serais fait l’avocat d’une « quasi phobie de l’étranger ».]]]
Je relis les commentaires et j’accroche, un peu plus qu’à la première lecture sur votre réponse.
Ma remarque n’impliquait en rien vos prises de position, qui, en effet, sont toujours très neutres et sans agressivité.
Le “nous” était un nous impersonnel, synonyme de “pas mal de gens parmi nous” , xénophobes de tous poils, mais certainement pas vous en particulier.
Je suis désolé de cette interprétation erronée, j’y prendrai garde à l’avenir.
@ Marcailloux
[Ma remarque n’impliquait en rien vos prises de position, qui, en effet, sont toujours très neutres et sans agressivité. Le “nous” était un nous impersonnel, synonyme de “pas mal de gens parmi nous”, xénophobes de tous poils, mais certainement pas vous en particulier.]
Ne vous excusez pas, il n’y a pas de mal. Mais je voudrais insister sur le point. Je n’aime pas l’usage de ce « nous » – ou du « on » qui le remplace souvent dans les tournures impersonnelles – qui met dans le même sac justes et pécheurs.
La destruction de l’Etat nation français se fait par le haut et par le bas !
Par le haut avec la supranationalité justifiée au nom du principe de subsidiarité et par le bas par le régionalisme, particularisme local et des transferts de compétences sans cesse accrues.
Dans le cas catalan l’UE et l’Allemagne défendent l’unité de l’état espagnol car il est encore trop tôt pour défaire les états. Ceux-ci conservent encore de nombreuses compétences et l’UE est dans une période critique. Une Catalogne indépendante poserait la question de son adhésion et par effet de bord obligerait à une renégociation des places d’eurodéputés par pays, des postes de commissaires, qui pourrait faire imploser l’édifice.
Par ailleurs l’Espagne est l’allié de l’Allemagne qui empêche la formation d’un bloc des 3 grands pays latins face à l’Allemagne.
Comment se sortir des griffes de l’UE ?
Il faut engager une démarche qui respecte le droit (contrairement à la désobéissance de Mélenchon) mais qui mette tout de suite en difficulté nos adversaires (contrairement à la sortie par l’article 50 proposée par l’UPR)
1/ Faire modifier par référendum la constitution pour établir que le droit français ne reconnaît pas la primauté du droit dérivé de l’UE. Le droit de l’UE sera du droit international classique.
Et établir que toute nouvelle loi prime sur le droit dérivé de l’UE
2/ Faire abroger l’article 88.1 de la Constitution
3/ Créer une monnaie parallèle sans lui donner tout de suite de cours forcé
4/ Le juge de droit commun ne doit plus être le juge de premier niveau du droit de l’UE. Une juridiction spéciale doit être créée à cette fin.
5/ Faire modifier par référendum la Constitution pour établir que toute nouvelle modification de celle-ci ne pourra plus se faire que par référendum. Abrogation du droit du Parlement réuni en congrès de modifier la Constitution
Une fois ces choses faites on peut commencer à négocier en leur mettant le couteau sous la gorge. Aucun prélèvement de l’UE sur le budget français ne pourra être effectué tant qu’un accord ne sera pas trouvé !
@ Trublion
[Il faut engager une démarche qui respecte le droit (contrairement à la désobéissance de Mélenchon) mais qui mette tout de suite en difficulté nos adversaires (contrairement à la sortie par l’article 50 proposée par l’UPR)]
La « démarche proposée par Mélenchon » consistant à désobéir aux traités n’est que de la poudre aux yeux, une manière de contenter la frange « souverainiste » de ses partisans. Ces derniers temps, il a clarifié sa position : son projet, c’est le « plan A » de réforme de l’UE sans remettre en cause son caractère supranational. Le « plan B » est – le mot est de lui – une forme de « dissuasion nucléaire » pour faire passer le « plan A ». Et on sait bien que la dissuasion nucléaire existe pour ne pas être utilisée.
[1/ Faire modifier par référendum la constitution pour établir que le droit français ne reconnaît pas la primauté du droit dérivé de l’UE. Le droit de l’UE sera du droit international classique.
Et établir que toute nouvelle loi prime sur le droit dérivé de l’UE]
C’est en fait la mesure la plus simple à prendre, et elle ôterait au droit européen une bonne partie de son efficacité. Le fait que le droit de l’Union s’impose aux tribunaux français n’est qu’une jurisprudence du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation. Il suffirait d’une loi simple pour aboutir à ce résultat.
[3/ Créer une monnaie parallèle sans lui donner tout de suite de cours forcé]
A quoi servirait une telle monnaie ? Et qui l’utiliserait ? Si l’Etat décide de payer ses fonctionnaires et ses fournisseurs avec une monnaie que personne d’autre n’est obligé d’accepter, cela ne fera qu’appauvrir les fonctionnaires et affaiblir le crédit de l’Etat…
[4/ Le juge de droit commun ne doit plus être le juge de premier niveau du droit de l’UE. Une juridiction spéciale doit être créée à cette fin.]
Cela contredit votre point 1). Si le droit dérivé européen n’est pas d’application directe, le juge français n’a plus à l’appliquer.
[5/ Faire modifier par référendum la Constitution pour établir que toute nouvelle modification de celle-ci ne pourra plus se faire que par référendum. Abrogation du droit du Parlement réuni en congrès de modifier la Constitution]
Je trouve la mesure extrême. Certaines modifications purement techniques n’ont pas besoin d’un référendum. Mais je rendrais bien plus restrictive la procédure parlementaire en exigeant une majorité bien plus importante (les quatre cinquièmes au congrès et les deux tiers dans chaque chambre) ce qui ferait que seule une modification tout à fait consensuelle aurait une chance de passer.
Je pense aussi que l’article 50 n’est pas la bonne solution. Mais je vous ferai observer que ce que vous proposez revient quand même, d’une certaine manière, à désobéir aux traités.
Sur vos suggestions. J’abonde dans le sens de Descartes sur les points 1 et 4. Plutôt qu’un tribunal spécial, on pourrait tout simplement revenir à la manière dont cela fonctionnait, si je ne ne trompe pas, avant les jurisprudences, où, en cas d’incompatibilité d’une loi avec un traité international (peu importe lequel), le juge devait demander les instructions à l’exécutif sur le conflit entre loi et traité.
Sur le point 3, je ne crois pas du tout à la coexistence de deux monnaies. A partir du moment où l’Etat n’accepte qu’une monnaie pour le paiement de l’impot (et il ne peut pas en être autrement), cette monnaie est la monnaie officielle, point barre.
Sur le point ” 2/ Faire abroger l’article 88.1 de la Constitution”.
Je pensais à quelque chose de similaire, mais présenté très différemment : il y a eu depuis 1990 un nombre incroyable de révisions constitutionnelles, dont une seule a été approuvée par référendum (quinquennat). Je proposerais volontiers un référendum pour entériner, ou rejeter, l’ensemble des réformes constitutionnelles intervenues depuis 1990.
Il y a un autre point sur lequel je m’interroge : L’Allemagne a mis des réserves d’interprétations à plusieurs traités européens, qui donnent un droit de regard au Bundestag sur les transferts de compétences, et sur pas mal de choses. Comme la France a approuvé cette réserve d’interprétation, cela veut dire, en toute logique, que la France a la même compréhension que l’Allemagne, à savoir que le parlement peut s’opposer à certaines décisions de l’UE. Et donc, selon moi, en vertu de cette réserve d’interprétation allemande, on pourrait imposer une consultation de notre parlement à chaque fois que l’Allemagne le fait. Sinon, cela voudrait dire qu’il y a une hiérarchie entre les pays au sein de l’UE, ce qui est contraire aux traités européens…
Je me demande comment, cette simple considération, si des politiciens français la faisaient valoir, ne pourrait pas tout faire sauter, pour peu que le parlement français soit réputé eurosceptique…
Vincent
@ Vincent
[Sur le point 3, je ne crois pas du tout à la coexistence de deux monnaies. A partir du moment où l’Etat n’accepte qu’une monnaie pour le paiement de l’impot (et il ne peut pas en être autrement), cette monnaie est la monnaie officielle, point barre.]
Tout à fait. Parce que si l’Etat collecte l’impôt dans une monnaie, comment pourrait-il payer ses fonctionnaires et ses fournisseurs dans une autre ? Et si cette monnaie n’est pas d’acceptation obligatoire dans les magasins, qui acceptera de travailler pour l’Etat ou de lui vendre des biens et des services sauf à demander une prime de risque monétaire important ?
[Je pensais à quelque chose de similaire, mais présenté très différemment : il y a eu depuis 1990 un nombre incroyable de révisions constitutionnelles, dont une seule a été approuvée par référendum (quinquennat). Je proposerais volontiers un référendum pour entériner, ou rejeter, l’ensemble des réformes constitutionnelles intervenues depuis 1990.]
Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. Le texte constitutionnel de 1958, qui avait ses incohérences, a été saccagé par les réformes successives. Il faudrait en fait réécrire le texte pour lui redonner une forme claire et sa cohérence d’origine en le modernisant là ou c’est nécessaire, puis le faire approuver par référendum.
« A quoi servirait une telle monnaie ? Et qui l’utiliserait ? Si l’Etat décide de payer ses fonctionnaires et ses fournisseurs avec une monnaie que personne d’autre n’est obligé d’accepter, cela ne fera qu’appauvrir les fonctionnaires et affaiblir le crédit de l’Etat… »
en fait la monnaie aura cours forcé une fois que les billets seront créés. Tant que les billets ne sont pas en circulation il faut aussi accepter le pouvoir libératoire des euros dans le portefeuille des français.
Pour vous mettre dans la confidence on peut jouer un tour à la BCE en introduisant dans la Constitution par référendum que « le Franc est la monnaie officielle de la France, qui participe à titre expérimental à l’Euro, la Banque de France doit être en mesure de réintroduire le Franc à tout moment à la demande du gouvernement de la France suite à décret signé en Conseil des ministres. »
@ Trublion
[en fait la monnaie aura cours forcé une fois que les billets seront créés. Tant que les billets ne sont pas en circulation il faut aussi accepter le pouvoir libératoire des euros dans le portefeuille des français.]
Je crois que vous faites une confusion. Le fait de donner à une monnaie un cours forcé – c’est-à-dire, que toute personne est tenue de l’accepter pour le règlement d’une dette – n’implique pas l’exclusivité. On peut parfaitement admettre le paiement en monnaie étrangère, tout en donnant cours forcé à la monnaie nationale. Pensez par exemple aux magasins « duty free » des aéroports : ils peuvent parfaitement accepter le règlement en dollars, mais ne peuvent pas refuser un paiement en Euro.
« Je crois que vous faites une confusion. Le fait de donner à une monnaie un cours forcé – c’est-à-dire, que toute personne est tenue de l’accepter pour le règlement d’une dette – n’implique pas l’exclusivité »
Vous avez tout à fait raison.
Mais de mémoire le fait de ne pas donner tout de suite cours forcé a un avantage tactique, la BCE ne peut pas engager de procédure contre l’etat qui fait cela. Et une fois que vos pièces et billets sont prêts, vous pouvez faire un doigt d’honneur à Francfort et répudier l’euro.
Sous un autre angle, je me dis que l’arrivée au pouvoir de souverainistes provoquerait une hausse des taux insupportable pour les états les plus faible menant à la débandade généralisée et a l’eclatement de la zone avant qu’on ait fait quoi que ce soit.
@ Trublion
[Mais de mémoire le fait de ne pas donner tout de suite cours forcé a un avantage tactique, la BCE ne peut pas engager de procédure contre l’etat qui fait cela. Et une fois que vos pièces et billets sont prêts, vous pouvez faire un doigt d’honneur à Francfort et répudier l’euro.]
Il faut arrêter de croire que dans ces affaires on pourrait gagner un « avantage tactique » avec des ruses d’avocat. L’abandon de l’Euro est un acte politique, pas une mesure technique. Si on décide de prendre ces mesures, les « procédures contre l’Etat » on s’en fout. Rappelez vous du commentaire de De Gaulle rapporté par Peyrefitte : « C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non. Quand on est couillonné, on dit : “Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp ! ” Ce sont des histoires de juristes… ».
[Sous un autre angle, je me dis que l’arrivée au pouvoir de souverainistes provoquerait une hausse des taux insupportable pour les états les plus faible menant à la débandade généralisée et a l’eclatement de la zone avant qu’on ait fait quoi que ce soit.]
Très possible. Il faut savoir que la sortie de l’Euro, si elle devait advenir, se déroulera sous une forme très difficile à prévoir. Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas envisager des hypothèses diverses. Mais il faut avoir la modestie de savoir que le jour venu il faudra piloter à vue. Et c’est pourquoi il est plus important d’avoir les idées claires sur le point d’arrivée que sur le processus.
@ Descartes,
Bonjour,
[Je propose personnellement un grand référendum, ouvert à toutes les régions].
Et pourquoi pas un référendum sur le projet de vendre la Corse, comme cela a été fait pour la Louisiane en 1803, aux Saoudiens ou autres Chinois cherchant des placements pour leurs immenses fortunes. Elle doit bien valoir quelques centaines de milliards ?
Ça nous permettrait d’éponger une bonne partie de la dette nationale !
Allez, je plaisante un peu.
Cependant, une telle évocation par le gouvernement serait probablement propice à une prise de conscience des Corses du bien être de faire partie de la République Française.
@ Marcailloux
[Et pourquoi pas un référendum sur le projet de vendre la Corse, comme cela a été fait pour la Louisiane en 1803,]
Vous rigolez ! Personne ne voudra acheter ! L’époque ou la puissance d’un état était liée à son extension territoriale est finie et bien finie…
[Cependant, une telle évocation par le gouvernement serait probablement propice à une prise de conscience des Corses du bien être de faire partie de la République Française.]
C’est Raymond Barre, homme pragmatique s’il en fut, qui lança en son temps cette idée.
même chose avec la guignolade de la métropole de Lyon : des élus qui se découpent un territoire à façon pour garder la crème et laisser le reste à d’autres.
@ edgar
C’est un grand plaisir de vous voir par ici. Ca faisait un bail que je n’avais rien vu de nouveau sur votre blog et que vous n’étiez intervenu ici, j’avais commencé à m’inquiéter… J’ajoute que comme vous j’ai beaucoup apprécié le papier de Vincent Brousseau, même si j’ai tendance à penser qu’il surestime le poids de la technique par rapport au politique…
[même chose avec la guignolade de la métropole de Lyon : des élus qui se découpent un territoire à façon pour garder la crème et laisser le reste à d’autres.]
On devrait appeler cela “la solution catalane”.
@Descartes
> J’ajoute que comme vous j’ai beaucoup apprécié le papier de Vincent Brousseau, même si j’ai tendance à penser qu’il surestime le poids de la technique par rapport au politique…
De quel papier parlez-vous ? S’agit-il de celui, très apprécié chez les UPRistes, où il prédit une « sortie furtive de l’euro » de la part de l’Allemagne ?
S’il s’agit de cela, mon intuition est la même que la vôtre : Brousseau semble un excellent technicien de la monnaie, mais qui en tire des conclusions hasardeuses. Il surinterprète également quelques signaux faibles (un ou deux articles parus dans la presse allemande) dans le sens qui l’arrange (car il est évident que la « sortie furtive de l’euro » est une idée qui fait plaisir à l’UPR, et c’est pour cela qu’elle est si reprise). J’ai par ailleurs regardé son intervention récente (https://www.youtube.com/watch?v=eHFN4u-XZIo) où certaines explications m’ont laissé dubitatif. Notamment la partie où il explique que l’étalon-or n’est pas désirable à cause de la quantité d’or disponible, mais sans évoquer son effet déflationniste qui a expliqué qu’on l’ait abandonné dans les années 30. Enfin, son analyse que l’euro serait dangereux pour l’Allemagne à cause des soldes Target2 me paraît légèrement capillotractée : pour l’instant, l’Allemagne est plutôt le grand bénéficiaire de l’euro. Et qu’une dette ne soit pas remboursable n’est pas forcément un problème, tant que tout le monde accepte de la faire rouler (la dette fédérale américaine étant l’exemple en la matière)…
Concernant l’UPR, mon expérience en tant qu’adhérent récent est que vos observations étaient justes : il s’agit essentiellement d’une sorte de fan club qui a beaucoup grossi, sans le moindre débat interne ni espace de discussion, et où on est prié d’applaudir le discours du chef (et de ses amis comme Vincent Brousseau). Bref, c’est à mon avis un gâchis, et je serais étonné que les quelques 30000 adhérents (en réalité, 26000 à jour de cotisation au congrès de novembre 2017) soient encore là d’ici quelques années.
excusez-moi pour la rafale : over blog me faisait faire un test , et me signalais qu’il n’était pas valable… je préférait avant_ il y a déja plusieurs années_, il n’y avait pas ce genre de problèmes ;
votre article est publié en intégralité , et en somme en première page , du site de l’UPR , ainsi que sur le facebook de l’UPR
@ Antoine
[De quel papier parlez-vous ? S’agit-il de celui, très apprécié chez les UPRistes, où il prédit une « sortie furtive de l’euro » de la part de l’Allemagne ?]
Tout à fait. Celui dont Edgar avait donné le lien sur son blog (lalettrevolée.over-blog.fr).
[S’il s’agit de cela, mon intuition est la même que la vôtre : Brousseau semble un excellent technicien de la monnaie, mais qui en tire des conclusions hasardeuses. Il surinterprète également quelques signaux faibles (un ou deux articles parus dans la presse allemande) dans le sens qui l’arrange (car il est évident que la « sortie furtive de l’euro » est une idée qui fait plaisir à l’UPR, et c’est pour cela qu’elle est si reprise).]
C’est vrai que cette sortie « furtive » et « en douceur » arrangerait beaucoup de monde dans le camp souverainiste. Cela dispenserait de se coltiner les difficultés bien réelles d’une véritable sortie de l’Euro. Mais il faut se rappeler que les utopies ont aussi une fonction, et que beaucoup de changements réels se sont construites sur elles. Croire qu’il existe un moyen de sortir de l’Euro « en douce » est peut-être nécessaire à certains pour se donner le courage de participer à une « vraie » sortie…
[certaines explications m’ont laissé dubitatif. Notamment la partie où il explique que l’étalon-or n’est pas désirable à cause de la quantité d’or disponible, mais sans évoquer son effet déflationniste qui a expliqué qu’on l’ait abandonné dans les années 30.]
Je pense que c’est implicite. C’est parce que la quantité d’or disponible varie sans corrélation avec la quantité de biens disponibles à l’achat que l’étalon or a un effet déflationniste.
[Enfin, son analyse que l’euro serait dangereux pour l’Allemagne à cause des soldes Target2 me paraît légèrement capillotractée : pour l’instant, l’Allemagne est plutôt le grand bénéficiaire de l’euro. Et qu’une dette ne soit pas remboursable n’est pas forcément un problème, tant que tout le monde accepte de la faire rouler (la dette fédérale américaine étant l’exemple en la matière)…]
Oui et non. Les américains peuvent faire rouler la dette parce que le dollar est la monnaie de réserve mondiale, et accessoirement la Réserve Fédérale est obligée d’avoir une politique monétaire expansive pour éviter la catastrophe. L’Euro, au contraire, n’est pas une monnaie de réserve. Les dettes contractées dans le cadre de Target ne pourront être couvertes que par des transferts de l’Allemagne et autres pays excédentaires vers les pays débiteurs, soit en faisant tourner la planche à billets de la BCE (comme le fait la Réserve Fédérale) soit par un véritable mécanisme de transferts inconditionnels permanents, dont l’Allemagne ne veut pas.
[Concernant l’UPR, mon expérience en tant qu’adhérent récent est que vos observations étaient justes : il s’agit essentiellement d’une sorte de fan club qui a beaucoup grossi, sans le moindre débat interne ni espace de discussion, et où on est prié d’applaudir le discours du chef (et de ses amis comme Vincent Brousseau). Bref, c’est à mon avis un gâchis,]
Ne soyons pas trop rapides à condamner. Aujourd’hui, l’UPR est le fan club d’un seul homme. Mais nul n’est éternel… Tout dépend en fait de la recomposition en cours de l’espace politique. Maintenant que le Macronisme a fait table rase du passé, il faut voir ce qui sort des ruines. La formation d’un pôle souverainiste – notamment à l’occasion des élections européennes – n’est pas totalement impossible…
@ JMP
[excusez-moi pour la rafale (…)]
Il n’y a pas de mal. Le service over-blog est un peu bizarre ces derniers temps…
[votre article est publié en intégralité , et en somme en première page , du site de l’UPR,]
J’en suis flatté. Et c’est d’ailleurs un signe d’ouverture de l’UPR, vu que je n’ai jamais caché mes désaccords avec eux. Tout le contraire des “insoumis”… vous vous imaginez une reprise d’un de mes articles chez eux ?
@Descartes
> Tout à fait. Celui dont Edgar avait donné le lien sur son blog (lalettrevolée.over-blog.fr).
Petite correction : apparemment l’URL est http://lalettrevolee.over-blog.com/
> Je pense que c’est implicite. C’est parce que la quantité d’or disponible varie sans corrélation avec la quantité de biens disponibles à l’achat que l’étalon or a un effet déflationniste.
Mais mettre l’accent sur un argument de technique monétaire (il n’y a pas assez d’or, il faudra donc se balader avec de la poudre d’or dans le portefeuille pour faire ses courses, dit Vincent Brousseau dans cette allocution) n’est pas la même chose que de présenter un argument macroéconomique (l’étalon-or a un effet déflationniste et on a fini par s’en débarrasser au milieu de la Grande Dépression). L’argument macroéconomique a une portée politique que n’a pas l’argument de technique monétaire. Il permettrait aussi de rappeler que l’euro a un effet déflationniste exactement comme l’étalon-or…
Pour l’instant, la position macro-économique de l’UPR ne me paraît pas très claire.
> C’est vrai que cette sortie « furtive » et « en douceur » arrangerait beaucoup de monde dans le camp souverainiste.
C’est comme quand le FN (ou certains responsables FN) dit qu’il n’y a pas lieu de sortir de l’euro car l’euro s’effondrera de lui-même.
> Oui et non. Les américains peuvent faire rouler la dette parce que le dollar est la monnaie de réserve mondiale, et accessoirement la Réserve Fédérale est obligée d’avoir une politique monétaire expansive pour éviter la catastrophe.
S’ils peuvent faire rouler leur dette, c’est avant tout parce que les Etats-Unis sont la première ou deuxième puissance mondiale, et qu’*aucun* acteur important (y compris les créanciers) n’a intérêt à une situation de défaut. Toute la question est donc de savoir s’il peut y avoir un intérêt suffisamment large à déclarer un « défaut » de paiement dans le système Target2 : tant que ce n’est pas le cas, on laissera rouler la dette tranquillement.
> Et c’est d’ailleurs un signe d’ouverture de l’UPR, vu que je n’ai jamais caché mes désaccords avec eux.
C’est l’explication favorable. L’explications moins favorable est qu’il y a une désorganisation interne qui conduit à ce genre de choses. J’ai vu à une ou deux semaines d’intervalle des publications contradictoires à la une du site UPR (d’abord une allocution d’Asselineau qui expliquait ne donner aucune consigne concernant la mobilisation contre les ordonnances sur le code du Travail, puis une vidéo qui appelait à ne pas manifester contre les ordonnances sur le code du Travail – car on ne manifeste pas alors « contre les vraies causes » -, puis une revue de presse qui félicitait les dockers pour les concessions obtenues dans le cadre de… la mobilisation contre les ordonnances sur le code du Travail).
Je ne sais pas comment ni par qui est géré le site Web de l’UPR. Cela fait partie de l’opacité interne…
> Ne soyons pas trop rapides à condamner. Aujourd’hui, l’UPR est le fan club d’un seul homme. Mais nul n’est éternel… Tout dépend en fait de la recomposition en cours de l’espace politique. Maintenant que le Macronisme a fait table rase du passé, il faut voir ce qui sort des ruines. La formation d’un pôle souverainiste – notamment à l’occasion des élections européennes – n’est pas totalement impossible…
Vous avez peut-être raison. Concernant la formation d’un « pôle souverainiste » aux européennes, cependant, je reste assez dubitatif : les qualificatifs méprisants à l’égard de Philippot et les réactions glaciales de ce dernier (qui explique qu’Asselineau a sa « petite entreprise » en l’UPR) ne me semblent pas de bon augure.
Mais il est vrai que l’UPR, malgré son succès en nombre d’adhésions, n’est pas en position de force face à la notoriété, la visibilité médiatique et la capacité d’attraction de Philippot : peut-être qu’un peu d’humilité prévaudra au bout du compte ? Le pire scénario serait que deux listes partent séparées et finissent toutes deux en-dessous des 5%.
@ Antoine
[Mais mettre l’accent sur un argument de technique monétaire (il n’y a pas assez d’or, il faudra donc se balader avec de la poudre d’or dans le portefeuille pour faire ses courses, dit Vincent Brousseau dans cette allocution) n’est pas la même chose que de présenter un argument macroéconomique (l’étalon-or a un effet déflationniste et on a fini par s’en débarrasser au milieu de la Grande Dépression).]
J’imagine que la référence à la « poudre d’or » n’est qu’une image. En effet, l’étalon or n’implique pas que l’on doive se balader avec de l’or sur soi pour payer, mais que la monnaie papier est appuyée sur une contrepartie en or. Et bien entendu, les questions monétaires sont par essence macroéconomiques.
[L’argument macroéconomique a une portée politique que n’a pas l’argument de technique monétaire. Il permettrait aussi de rappeler que l’euro a un effet déflationniste exactement comme l’étalon-or…]
Tout à fait d’accord.
[Pour l’instant, la position macro-économique de l’UPR ne me paraît pas très claire.]
Je pense que beaucoup de gens à l’UPR sont contre l’Euro plus par instinct que par raison, et auraient du mal à articuler une argumentation cohérente.
[Toute la question est donc de savoir s’il peut y avoir un intérêt suffisamment large à déclarer un « défaut » de paiement dans le système Target2 : tant que ce n’est pas le cas, on laissera rouler la dette tranquillement.]
Je pense que vous négligez un paramètre. Lorsqu’on se trouve dans une situation de cessation de paiements virtuelle, les créanciers savent qu’il n’y aura pas pour tout le monde. D’où la tentation de sauter du train avant que celui-ci ne s’écrase contre les tampons. Ce réflexe, qu’on retrouve souvent dans l’éclatement des bulles de dette, peut être dévastateur dans le cas de Target2.
[Vous avez peut-être raison. Concernant la formation d’un « pôle souverainiste » aux européennes, cependant, je reste assez dubitatif : les qualificatifs méprisants à l’égard de Philippot et les réactions glaciales de ce dernier (qui explique qu’Asselineau a sa « petite entreprise » en l’UPR) ne me semblent pas de bon augure.]
Je ne sous-estime pas les difficultés. Le camp souverainiste regroupe des fortes personnalités – normal, es personnalités molles suivent le courant consensuel – qui ont du mal à travailler collectivement et à reconnaître un « patron » parmi eux. Mais bon, il faut y croire un peu…
@Descartes
> J’imagine que la référence à la « poudre d’or » n’est qu’une image.
Étonnamment, non… Je vous fais une transcription rapide :
« Dans le temps, on aurait pu dire “je vais faire une monnaie gagée sur l’or”. Mais maintenant, ce n’est plus possible car les gens ont vu tout au long du vingtième siècle des monnaies qui étaient gagées sur l’or et qui cessaient d’être gagées sur l’or, et donc plus jamais personne ne croira qu’une monnaie gagée sur l’or c’est pareil que de l’or physique. Il en résulte que si vous vouliez le retour de l’étalon-or, vous seriez obligé d’utiliser l’or réel lui-même sous forme de lingots et de pièces. » [s’ensuit l’argument de la poudre d’or dans les portefeuilles]
Si le passage vous intéresse, vous pouvez le retrouver à 1h 55min 35s dans la vidéo suivante :
@ Antoine
[« J’imagine que la référence à la « poudre d’or » n’est qu’une image ». Étonnamment, non… Je vous fais une transcription rapide : (…)]
Je ne l’avais pas vu sous cet angle, mais en réfléchissant, le commentaire est très pertinent. Gager la monnaie fiduciaire sur l’or – ou sur tout autre bien réel – n’est possible que s’il existe une confiance dans le fait que l’Etat maintiendra une équivalence entre la quantité de monnaie circulante et le bien réel qui le gage. Or, l’expérience passée a montré très largement que lorsque les Etats ont a choisir entre la rigueur monétaire et une dépression style 1929, ils préfèrent – à juste titre – sacrifier la rigueur monétaire. Tout le monde sait que le billet gagé sur l’or ne vaut de l’or qu’en temps normal. A la première crise, le lien sera rompu. Et du coup, si l’on veut le retour à l’étalon-or, il faudrait utiliser l’or physique, comme le propose la citation…
@Descartes
Personnellement je ne suis pas trop d’accord avec l’argument de Brousseau. Je ne pense pas que les gens aient la mémoire si longue et si juste, surtout à propos d’un point technique comme l’abandon de l’étalon-or dans les années 30. Les politiques menées actuellement montrent au contraire une certaine amnésie par rapport à l’histoire économique. La mémoire est de plus facilement manipulable (voir les Allemands qui ont une peur noire de l’inflation alors que c’est la déflation qui les a précipités dans le nazisme).
@ Antoine
[Personnellement je ne suis pas trop d’accord avec l’argument de Brousseau. Je ne pense pas que les gens aient la mémoire si longue et si juste, surtout à propos d’un point technique comme l’abandon de l’étalon-or dans les années 30. Les politiques menées actuellement montrent au contraire une certaine amnésie par rapport à l’histoire économique.]
Je ne suis pas d’accord avec vous. Je pense en fait que nous avons du mal à imaginer qu’il fut une époque où l’inflation était inconnue, et où les gens avaient une confiance totale dans la valeur de la monnaie parce que celle-ci était un bien réel. Aujourd’hui, nous avons tellement internalisé le fonctionnement de la monnaie fiduciaire que nous n’imaginons simplement pas qu’il puisse en être autrement. C’est pourquoi le rétablissement de l’étalon-or n’aurait aucun effet sauf à mettre de l’or matière dans la poche des gens. La déclaration par le gouvernement que désormais les billets de banque sont gagés sur l’or ne changerait rien, parce que personne n’y croirait. En ce sens, on peut dire que la mémoire est longue, et elle se manifeste dans une méfiance presque naturelle.
[La mémoire est de plus facilement manipulable (voir les Allemands qui ont une peur noire de l’inflation alors que c’est la déflation qui les a précipités dans le nazisme).]
Les traumatismes viennent des symptômes, et non des causes. Les Allemands se souviennent de l’horreur de l’hyperinflation parce qu’elle a eu des effets visibles immédiats. Les effets de la déflation ont été indirects.
@Descartes
> Je pense en fait que nous avons du mal à imaginer qu’il fut une époque où l’inflation était inconnue, et où les gens avaient une confiance totale dans la valeur de la monnaie parce que celle-ci était un bien réel.
Y a-t-il eu vraiment une telle époque ? Même à l’époque de la monnaie métallique, les souverains jouaient avec le titrage des pièces. J’ai l’impression que la technique monétaire est beaucoup mieux maîtrisée aujourd’hui qu’à l’époque glorieuse des monnaies gagées sur des métaux rares.
Si j’en crois cette page : http://france-inflation.com/inflation-depuis-1901.php , il y a eu de forts remous monétaires y compris sous l’étalon-or. Et ce n’est là que de l’histoire récente. Je ne sais pas s’il y a des chiffres fiables pour les périodes antérieures, en connaîtriez-vous ?
NB : un historique un peu long ici : https://www.les-crises.fr/historique-de-l-inflation/ . Wikipédia évoque même une « spirale inflationniste » vers les derniers siècles de l’Empire romain (je ne sais si cette théorie fait consensus chez les historiens) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_romaine
> C’est pourquoi le rétablissement de l’étalon-or n’aurait aucun effet sauf à mettre de l’or matière dans la poche des gens.
J’aurais du mal à vous contredire, car personnellement, je vois mal ce que les partisans de l’étalon-or en attendent… La fin de l’inflation ? Mais une inflation modérée est plutôt une bonne chose. Et tous ceux (souvent des partisans de l’étalon-or ou de quelque chose qui s’en approche, comme l’euro à la sauce allemande) qui annonçaient une inflation incontrôlée suite à la crise financière ou aux mesures d’assouplissement quantitatif en sont pour leurs frais.
@ Antoine
[Y a-t-il eu vraiment une telle époque ? Même à l’époque de la monnaie métallique, les souverains jouaient avec le titrage des pièces.]
Oui, mais il s’agissait là d’une altération monétaire, et non à proprement parler de l’inflation. Le gramme d’or fin achetait toujours la même quantité de biens, simplement la monnaie frappée contenait de moins en moins d’or fin. Il s’agissait en termes modernes d’une tromperie : on essayait de faire croire aux paysans que la monnaie contenait toujours autant d’or, alors que ce n’était pas le cas. Et d’ailleurs, il n’y avait pas d’uniformité dans la monnaie : les écus valaient plus ou moins selon le lieu où ils étaient frappés, parce que les changeurs savaient que le titre en or n’était pas le même. Mais l’étalon monétaire achetait toujours la même quantité de biens, tout simplement parce que la quantité d’or en circulation augmentait à une vitesse assez proche de la croissance de l’économie.
En fait, la première véritable dévaluation de l’or apparaît avec l’arrivée sur le marché de l’or des Amériques au début du XVIème siècle… mais il ne s’agit pas vraiment d’inflation – il faut rappeler que l’inflation est définie comme « l’augmentation AUTOENTRETENUE des prix et des salaires ».
[J’ai l’impression que la technique monétaire est beaucoup mieux maîtrisée aujourd’hui qu’à l’époque glorieuse des monnaies gagées sur des métaux rares.]
Certainement. Et on comprend mieux les mécanismes de déflation attachés à l’utilisation d’un étalon dont la quantité est fixe ou quasi-fixe.
[Wikipédia évoque même une « spirale inflationniste » vers les derniers siècles de l’Empire romain (je ne sais si cette théorie fait consensus chez les historiens) :]
Il y a toujours une ambiguité lorsqu’on parle de « inflation ». Les gens ont tendance à faire la confusion « augmentation des prix = inflation ». Mais en économie le concept d’inflation implique l’idée d’une augmentation des prix et des salaires auto-entretenues. Or, pour que cela soit possible, il faut pouvoir augmenter en permanence la masse monétaire. Ce qui n’est possible qu’avec la monnaie fiduciaire…
[J’aurais du mal à vous contredire, car personnellement, je vois mal ce que les partisans de l’étalon-or en attendent… La fin de l’inflation ? Mais une inflation modérée est plutôt une bonne chose.]
Cela dépend pour qui… l’inflation modérée assure un transfert de la rente vers les activités productives. C’est une très bonne chose pour ceux qui sont du côté de la production, mais c’est une très mauvaise nouvelle pour les rentiers. Ce n’est pas par hasard si les secteurs qui vivent de la rente sont ceux qui soutiennent la « monnaie forte » et l’étalon-or. Le fait que l’Allemagne soit un pays de vieux vivant de la rente de leur retraite par capitalisation explique en partie leur attachement à un étalon monétaire « intouchable ».
@Descartes
> il faut rappeler que l’inflation est définie comme « l’augmentation AUTOENTRETENUE des prix et des salaires ».
Revenons à la discussion. Vous disiez « il fut une époque où l’inflation était inconnue, et où les gens avaient une confiance totale dans la valeur de la monnaie parce que celle-ci était un bien réel ». Or les gens ne s’intéressent pas à l’inflation comme phénomène macroéconomique, mais à ses conséquences sur leur vie quotidienne (hausse des prix, baisse de la « valeur » de la monnaie). Que ces conséquences soient auto-entretenues ne change (pour eux) rien à l’affaire. Or de telles périodes de hausse des prix (cf. graphiques) ont déjà existé bien avant l’abandon de l’étalon-or.
L’époque dont vous parlez n’a donc jamais existé, car il y a toujours eu des variations, dans un sens ou dans l’autre, de la valeur des monnaies, et il n’y avait pas de raison d’avoir en elles une « confiance totale ».
@ Antoine
[Revenons à la discussion. Vous disiez « il fut une époque où l’inflation était inconnue, et où les gens avaient une confiance totale dans la valeur de la monnaie parce que celle-ci était un bien réel ». Or les gens ne s’intéressent pas à l’inflation comme phénomène macroéconomique, mais à ses conséquences sur leur vie quotidienne (hausse des prix, baisse de la « valeur » de la monnaie). Que ces conséquences soient auto-entretenues ne change (pour eux) rien à l’affaire.]
Oui et non. L’augmentation des prix « autoentretenue », parce qu’elle est « autoentretenue », est un phénomène permanent. Pour donner un exemple, nous sommes habitués, et considérons cela comme un état normal, que les prix augmentent chaque année de 1%. Cela nous paraît si naturel que si demain un gouvernement cherchait à se faire élire en expliquant que sous son mandat les prix n’augmenteront pas, personne ne le croirait possible.
Avant l’invention de la monnaie fiduciaire, l’augmentation des prix était liée à des phénomènes conjoncturels : une mauvaise année faisait augmenter le prix du blé, une récolte abondante le faisait diminuer. Les gens n’anticipaient donc pas une augmentation continue des prix, mais des variations cycliques autour d’une moyenne fixe. Le seul cas que je connaisse d’augmentation soutenue des prix qu’on pourrait assimiler à « l’inflation » par ses effets – même si les causes sont différentes – ce fut l’injection massive d’or dans l’économie européenne après a découverte de l’Amérique.
Vous noterez aussi que les économistes « classiques » n’abordent guère la question de l’augmentation des prix en dehors d’une variation du rapport de l’offre à la demande. Pour eux, c’est la confrontation de l’offre et de la demande qui produit un prix. L’idée que ce prix puisse augmenter continument par un autre mécanisme est bien plus moderne, preuve que le phénomène ne se présentait pas.
[Or de telles périodes de hausse des prix (cf. graphiques) ont déjà existé bien avant l’abandon de l’étalon-or.]
Désolé mais je n’ai pas retrouvé les graphiques auxquels vous faites référence.
[L’époque dont vous parlez n’a donc jamais existé, car il y a toujours eu des variations, dans un sens ou dans l’autre, de la valeur des monnaies, et il n’y avait pas de raison d’avoir en elles une « confiance totale ».]
Non. Il y a toujours eu des variations du PRIX des biens. Mais cette variation résultait des équilibres de marché, et pas de la manipulation de la monnaie. Les gens pouvaient craindre que la récolte soit mauvaise et le prix du blé monte, mais ils n’avaient pas à craindre que les prix montent à cause d’un excès dans l’émission de monnaie. D’ailleurs, le phénomène de fuite de la monnaie – lorsque les acteurs économiques transforment la monnaie en biens réels par peur de l’inflation – est un phénomène inconnu du temps de l’utilisation de la monnaie en or métallique.
@Descartes
> Pour donner un exemple, nous sommes habitués, et considérons cela comme un état normal, que les prix augmentent chaque année de 1%.
Ok, je n’avais pas compris votre remarque dans ce sens. Il est vrai que nous sommes devenus habitués à cet état de fait. Il est vrai aussi que nos sociétés ont développé des mécanismes pour se prémunir de cette inflation (par exemple : accès à des produits d’épargne pour la majeure partie de la population).
> Désolé mais je n’ai pas retrouvé les graphiques auxquels vous faites référence.
https://www.les-crises.fr/historique-de-l-inflation/
> Les gens n’anticipaient donc pas une augmentation continue des prix, mais des variations cycliques autour d’une moyenne fixe.
Je ne sais pas si la moyenne était vraiment fixe. Auriez-vous des informations à ce sujet ?
> Non. Il y a toujours eu des variations du PRIX des biens. Mais cette variation résultait des équilibres de marché, et pas de la manipulation de la monnaie.
C’est ce que vous dites. Mais si j’en crois la page Wikipédia sur la monnaie sous l’Empire romain, celle-ci a bel et bien été manipulée :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_romaine#Le_monnayage_sous_le_Bas_Empire
J’attire d’ailleurs votre attention sur un autre facteur. Vous disiez : « pour que cela soit possible, il faut pouvoir augmenter en permanence la masse monétaire. Ce qui n’est possible qu’avec la monnaie fiduciaire… ». Il me semble que c’est faux à deux titres :
1) augmenter en permanence la masse monétaire n’est pas « possible qu’avec la monnaie fiduciaire ». Si la quantité totale de métal précieux existant sur Terre est donnée, la quantité extractible et réellement extraite a augmenté au fil des âges, avec a) l’amélioration des techniques minières b) l’exploration progressive du globe terrestre. Que l’on pense par exemple à l’exploitation de l’or américain suite à la découverte du Nouveau Monde.
2) il me semble qu’il n’y a pas besoin d’augmenter la masse monétaire pour produire de l’inflation : on peut augmenter la fraction de la masse monétaire qui est en circulation ou bien même augmenter sa *vitesse* de circulation (si la monnaie circule deux fois plus vite, elle peut couvrir deux fois plus de transactions par unité de temps, donc remplit la même fonction économique qu’une masse deux fois plus grande qui circulerait deux fois moins vite)
@ Antoine
[Ok, je n’avais pas compris votre remarque dans ce sens. Il est vrai que nous sommes devenus habitués à cet état de fait. Il est vrai aussi que nos sociétés ont développé des mécanismes pour se prémunir de cette inflation (par exemple : accès à des produits d’épargne pour la majeure partie de la population).]
Tout à fait. Mais ces mécanismes ne sont pas neutres économiquement. L’inflation privilégie la production par rapport à a rente « morte » ou à la thésaurisation. Harpagon, personnage tout à fait crédible au XVIIème siècle, ne l’est plus du tout aujourd’hui : personne n’enterre une cassette pleine de billets dans son jardin…
Merci pour ces graphiques, mais vous noterez qu’ils ne donnent aucune information sur les variations des prix pendant le moyen-âge, c’est-à-dire, avant l’instauration de la monnaie fiduciaire. Vous me direz que l’étalon-or a survécu en théorie jusqu’aux années 1970, et ce n’est pas faux. Mais en pratique, la déconnexion entre la quantité de monnaie circulante et les réserves d’or s’est fait bien plus tôt, pratiquement dès le début du XIXème siècle, notamment lorsqu’il fallait financer des dépenses exceptionnelles – comme les guerres.
Les graphiques apportent en tout cas de l’eau à mon moulin. Aussi longtemps que l’attachement à l’or a été fort, on ne peut parler « d’inflation » dans a mesure ou les périodes de hausse de prix et de baisse des prix se succèdent, ce qui tend à montrer qu’il s’agit d’oscillations normales dans un marché. Ce n’est qu’au XXème siècle qu’i apparaît de très longues périodes d’augmentation, avec de très courtes périodes « accidentelles » de baisse de prix… qui disparaissent totalement lorsque l’étalon or disparaît.
[« Les gens n’anticipaient donc pas une augmentation continue des prix, mais des variations cycliques autour d’une moyenne fixe ». Je ne sais pas si la moyenne était vraiment fixe. Auriez-vous des informations à ce sujet ?]
Prenez par exemple parmi les graphiques que vous proposez ceux qui donnent l’inflation en France ou aux Etats-Unis au XIXème siècle. En dehors des guerres, on a la nette impression que les périodes de baisse des prix compensent ceux de hausse, ce qui fait penser à une stabilité en moyenne.
> Non. Il y a toujours eu des variations du PRIX des biens. Mais cette variation résultait des équilibres de marché, et pas de la manipulation de la monnaie.
[C’est ce que vous dites. Mais si j’en crois la page Wikipédia sur la monnaie sous l’Empire romain, celle-ci a bel et bien été manipulée : (…)]
Encore une fois, il ne faut pas confondre la variation du titre d’or d’une monnaie – qui équivaut à une dévaluation – avec l’inflation monétaire. Dans la logique de l’étalon-or, c’est l’or qui tient le rôle de monnaie, et non la monnaie frappée. En d’autres termes, les prix sont exprimés non pas en aureus ou en thalers, mais en grammes d’or fin. Changer le contenu en or fin de la monnaie, c’est comme enlever des zéros : le fait de dire « un franc nouveau = 100 anciens francs » ne change pas les prix.
[J’attire d’ailleurs votre attention sur un autre facteur. Vous disiez : « pour que cela soit possible, il faut pouvoir augmenter en permanence la masse monétaire. Ce qui n’est possible qu’avec la monnaie fiduciaire… ». Il me semble que c’est faux à deux titres :]
Je n’ai pas été précis, et je m’en excuse. Ce que je voulais dire, c’est que pour permettre la manipulation monétaire dans un sens inflationniste, il faut que l’autorité politique puisse, par sa seule volonté, augmenter la masse monétaire. Bien entendu, dans la logique ou l’étalon de valeur un métal précieux, la masse monétaire peut augmenter. Mais cette augmentation n’est pas livrée à la volonté politique, et dépend d’éléments qui lui échappent en grande partie.
Historiquement – si l’on laisse de côté l’épisode de la conquête des Amériques au XVème siècle – depuis la Renaissance la quantité de métaux précieux tend à augmenter plus lentement que la croissance économique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’étalon-or entre en crise au XXème siècle, quand ce décalage devient énorme.
[2) il me semble qu’il n’y a pas besoin d’augmenter la masse monétaire pour produire de l’inflation : on peut augmenter la fraction de la masse monétaire qui est en circulation ou bien même augmenter sa *vitesse* de circulation (si la monnaie circule deux fois plus vite, elle peut couvrir deux fois plus de transactions par unité de temps, donc remplit la même fonction économique qu’une masse deux fois plus grande qui circulerait deux fois moins vite)]
Vous avez raison. C’est d’ailleurs a raison pour laquelle au XIXème siècle on est resté dans une logique d’étalon-or en remplaçant l’or « métallique » par la monnaie fiduciaire garantie par la réserve d’or de l’émetteur. Cela permettait d’augmenter la vitesse de circulation et compenser en partie le fait que la croissance économique était beaucoup plus rapide que la croissance de la masse d’or. Mais il y a des limites à ce qu’on peut faire dans ce domaine, et c’est pourquoi l’étalon-or a été abandonné au XXème siècle.
Bonjour,
@Descartes: Ayant beaucoup étudié la question, sous un angle autrichien, j’ai lu ce fil en m’apprêtant à intervenir. Mais à part pointer une divergence un peu pédante avec notre hôte ( je préfère comme définition de l’inflation “la baisse de la valeur de la monnaie”, dont l’augmentation auto-entretenue des prix et des salaires n’est qu’une conséquence). Je trouve néanmoins que votre dernier message démontre une parfaite connaissance de ce qu’est l’étalon or, son histoire, ses qualités, ses défauts et ses conséquences.
[Je pense que beaucoup de gens à l’UPR sont contre l’Euro plus par instinct que par raison, et auraient du mal à articuler une argumentation cohérente.]
Il faut faire confiance à son instinct, sauf lorsqu’on peut prouver qu’il a tort. Il existe énormément d’arguments contre l’euro, on est pas obligé de pouvoir les exposer et démontrer de façon précise pourquoi l’euro à de très claires conséquences négatives (il a aussi des conséquences positives, mais qui sont différentes et ne profitent pas aux-même personnes).
@Antoine:
[L’argument macroéconomique a une portée politique que n’a pas l’argument de technique monétaire. Il permettrait aussi de rappeler que l’euro a un effet déflationniste exactement comme l’étalon-or…]
Dire que l’euro a un effet déflationniste exactement comme l’étalon-or, c’est dire que le voisin de bureau qui a discrètement regardé la courte jupe d’une collègue est un pervers odieux au même titre que Harvey Weinstein. L’étalon-or est un système ou une déflation de 5% par an est parfaitement possible sur deux décennies, avec des conséquences très fortes en terme de creusement des inégalités sociales et une captation automatique d’une part importante de la croissance économique par des rentiers qui se contentent d’enterrer leur argent dans un coffre.
@ Jordi
[Il faut faire confiance à son instinct, sauf lorsqu’on peut prouver qu’il a tort.]
Je n’en suis pas persuadé. Quelquefois, faire la preuve que l’instinct a tort est d’ailleurs tellement coûteux qu’il vaut mieux s’en contenter d’un faisceau d’indices…
[Dire que l’euro a un effet déflationniste exactement comme l’étalon-or, c’est dire que le voisin de bureau qui a discrètement regardé la courte jupe d’une collègue est un pervers odieux au même titre que Harvey Weinstein.]
Oui et non. Dire que l’euro a un effet déflationniste « exactement comme » l’étalon-or est exact si l’on se réfère au mécanisme déflationniste. Dans les deux cas, on se trouve avec une monnaie dont la circulation n’est pas reliée à un objectif économique. Par contre, si l’on considère l’amplitude des effets, vous avez tout à fait raison. Même si la politique de la BCE tend à être déflationniste, pour des raisons politiques elle est tout de même obligé de lâcher du lest lorsque la déflation devient trop importante, alors que l’étalon-or est, lui, inflexible.
@Descartes
[Harpagon, personnage tout à fait crédible au XVIIème siècle, ne l’est plus du tout aujourd’hui : personne n’enterre une cassette pleine de billets dans son jardin…]
Et beaucoup de gens n’ont même plus chez eux le moindre euro en monnaie fiduciaire ! Alors enterrer des billets ou stocker de fortes sommes, non. Mais avoir quelques dizaines d’euros d’avance en pièces/billets pourrait, sait-on jamais, ne pas se révéler inutile ?
Vous pensez quoi d’ailleurs de la logique qui pousse à la dématérialisation totale des moyens de paiement et que certains perçoivent comme une « suppression du cash » ?
Si j’y vois bien l’intérêt des banques ou de l’État, je ne sais pas si le jeu en vaut la chandelle pour les particuliers. Et quid du manque de résilience d’un tel système en cas de pépin grave ?
@ bip
[« Harpagon, personnage tout à fait crédible au XVIIème siècle, ne l’est plus du tout aujourd’hui : personne n’enterre une cassette pleine de billets dans son jardin… » Et beaucoup de gens n’ont même plus chez eux le moindre euro en monnaie fiduciaire ! Alors enterrer des billets ou stocker de fortes sommes, non. Mais avoir quelques dizaines d’euros d’avance en pièces/billets pourrait, sait-on jamais, ne pas se révéler inutile ?]
Et tant que dépannage oui. Mais mon point était que la thésaurisation sous forme monétaire, qui était si séduisante du temps de l’étalon-or, n’a pas de sens une fois que la monnaie fiduciaire, et donc l’inflation monétaire, sont généralisées.
[Vous pensez quoi d’ailleurs de la logique qui pousse à la dématérialisation totale des moyens de paiement et que certains perçoivent comme une « suppression du cash » ?]
Je pense que c’est une pente très dangereuse. Je comprends bien l’intérêt de la chose en termes de contrôle des transactions et donc du blanchiment ou de la fraude fiscale ou économique. Mais d’un autre côté, cela met sous le contrôle de l’Etat l’ensemble des transactions, et donc potentiellement la vie privée des gens. Imaginez ce que pourrait faire de cet outil un Etat totalitaire…
Reste ensuite la question de la résilience et la stabilité d’un tel système.
Vous écrivez ; « il ne faut pas oublier que la victoire de l’alliance Simeoni-Talamoni n’a été rendue possible que par un taux d’abstention record «
en effet : les indépendantistes ont obtenu 45,36% des voix au 1er tour, avec 52,17% de votants : c’est a dire qu’en fait, 23,66% des corses les ont soutenu ; c’est ce que la presse a présenté comme « un raz de marée indépendantiste » …
Vous avez raison de le dire , l’avenir d’une corse indépendante , c’est une abjecte pauvreté ; avec sa dérive prévisible : une Corse devenant une autre Sicile, sous la coupe de la mafia ( c’est déjà le cas en partie…) , se transformant a court terme en paradis fiscal pour échapper a la misère totale . Et bien entendu, dans une telle perspective, les Siméoni et consorts se taillant la part du lion .
Et donc ma question : a la lecture de votre article, on peut effectivement se demander si en fait une grande partie des corses, au delà du noyau indépendantiste dur, n’a pas fait le calcul d’un chantage au gouvernement_ et a la métropole en général _ pour obtenir un supplément d’avantages spécifiques . pensez vous que c’est la seule raison qui explique le taux d’abstention ? ( en somme, je ne me risque pas a soutenir l’indépendance, mais je laisse se développer une arnaque dont je peux profiter…)
@ JMP
Envoyer votre contribution en cinq exemplaires, ce n’est plus de l’enthousiasme, c’est de la passion… ou peut-être une panne de souris ?
[en effet : les indépendantistes ont obtenu 45,36% des voix au 1er tour, avec 52,17% de votants : c’est a dire qu’en fait, 23,66% des corses les ont soutenu ; c’est ce que la presse a présenté comme « un raz de marée indépendantiste » …]
Dites-vous bien que si des gens présentent cela comme un « raz de marée », c’est qu’ils ont quelque chose à y gagner…
[Et donc ma question : a la lecture de votre article, on peut effectivement se demander si en fait une grande partie des corses, au delà du noyau indépendantiste dur, n’a pas fait le calcul d’un chantage au gouvernement_ et a la métropole en général _ pour obtenir un supplément d’avantages spécifiques.]
Tout à fait. C’est d’ailleurs une logique répliquée dans l’ensemble des départements et territoires d’outre-mer, où d’ailleurs les partis « indépendantistes » se présentent aujourd’hui comme « autonomistes ». D’ailleurs, si vous regardez les séances de l’Assemblée Nationale ou lisez les comptes rendus de séance, vous remarquerez que les députés de ces territoires n’interviennent que lorsqu’il s’agit d’obtenir un dispositif spécifique pour l’outre-mer. C’est un peu comme si les députés des Bouches-du-Rhône n’intervenaient que pour demander des exceptions pour Marseille.
[pensez vous que c’est la seule raison qui explique le taux d’abstention ?]
Pas la seule, non. Il y a un rejet général des élites politiques – ce qu’on appelle le « dégagisme » – et de la politique en général, qui tient à la manière dont les élites politiques ont géré le pays ces dernières années. Et le clanisme, l’affairisme et la corruption des élites politiques Corses rendent l’effet encore plus évident. A partir de là, pourquoi aller voter pour fermer la route aux indépendantistes, puisque tous se valent ?
@ JMP et Descartes
Bonjour,
[en effet : les indépendantistes ont obtenu 45,36% des voix au 1er tour, avec 52,17% de votants : c’est a dire qu’en fait, 23,66% des corses les ont soutenu ; c’est ce que la presse a présenté comme « un raz de marée indépendantiste » …]
Il m’était apparu que la liste gagnante en Corse était une ligne “nationaliste”, constituée par une alliance entre les “autonomistes”, très largement majoritaires dans cette alliance et les “indépendantistes”.
Donc parler d’indépendantistes alors que ceux ci ne représentent qu’une petite minorité dans un scrutin avec un peu plus de 50% de participation, me parait abusif et tendancieux.
Vous même, Descartes, dans votre réponse, ne relevez pas cette inexactitude et par conséquent, compte tenu de votre rigueur coutumière, vaut confirmation.
Je partage vos conclusions, cependant, pour la qualité du débat, j’attends des informations fiables, avec les termes exacts qui correspondent aux faits et non pas aux idées ou opinions que l’on cherche à transmettre.
@ Marcailloux
Il m’était apparu que la liste gagnante en Corse était une ligne “nationaliste”, constituée par une alliance entre les “autonomistes”, très largement majoritaires dans cette alliance et les “indépendantistes”. Donc parler d’indépendantistes alors que ceux ci ne représentent qu’une petite minorité dans un scrutin avec un peu plus de 50% de participation, me parait abusif et tendancieux.]
J’ai pensais pourtant avoir été clair, et utilisé à chaque fois dans mon papier la formule « alliance indépendantistes-autonomistes » pour bien marquer cette différence. Au-delà des discours, je pense personnellement – et je l’ai dit – que les indépendantistes sont une toute petite minorité résiduelle. Personne ou presque en Corse ne veut d’une indépendance qui serait synonyme de chaos et de pauvreté.
[Vous même, Descartes, dans votre réponse, ne relevez pas cette inexactitude et par conséquent, compte tenu de votre rigueur coutumière, vaut confirmation.]
Au contraire : relisez bien mon papier, et vous verrez que je signale cette différence à chaque opportunité.
@ Descartes
Bonjour,
[J’ai pensais pourtant avoir été clair, et utilisé à chaque fois dans mon papier la formule « alliance indépendantistes-autonomistes » pour bien marquer cette différence. ]
C’est à JMP et non à vous que s’adressait cette remarque à sa seule réponse. Votre position est en effet très claire et ne souffre aucune ambiguïté.
Comme votre intransigeance habituelle, que je salue au passage, ne laisse rien passer, je m’étonnais de ce “trou” dans les filets de votre vigilance :-))
Actualité oblige, les catalans ont voté à près de 53% pour les unionistes et près de 47ù%pour les indépendantistes.
C’est eux qui vont continuer à gouverner la province de Catalogne tout en étant minoritaires en voix.
N’est-ce pas là un baril de dynamite ?
N’y a-t-il pas là un autre “effet levier” organisé par un groupe d’activistes indépendantistes, minoritaires au sein d’un ensemble relativement modéré qui souhaite simplement plus d’autonomie.
Que donnerait un référendum à la question: souhaitez-vous l’indépendance totale de la Catalogne?
@ Marcailloux
[Actualité oblige, les catalans ont voté à près de 53% pour les unionistes et près de 47% pour les indépendantistes. C’est eux qui vont continuer à gouverner la province de Catalogne tout en étant minoritaires en voix. N’est-ce pas là un baril de dynamite ?]
Vous savez, concernant la Catalogne, j’ai au moins la consolation du sorcier dont les prédictions se réalisent. Je me souviens il y a quelques années, lors d’une intervention devant les élèves de l’ENA, avoir eu une question sur le modèle des « autonomias », considéré à l’époque comme le nec plus ultra de la « modernité » constitutionnelle face au modèle jacobin ringard, forcément ringard. J’avais répondu qu’à mon avis ce modèle avait tous les défauts du fédéralisme et aucun de ses avantages. En donnant à chaque province des compétences à géométrie variable, elle préparait une concurrence entre régions qui ne pouvait conduire qu’à la partition. C’est toujours un plaisir de voir une analyse à soi être confirmée par les faits…
[N’y a-t-il pas là un autre “effet levier” organisé par un groupe d’activistes indépendantistes, minoritaires au sein d’un ensemble relativement modéré qui souhaite simplement plus d’autonomie.
Que donnerait un référendum à la question: souhaitez-vous l’indépendance totale de la Catalogne?]
Très difficile à dire. La question est : un tel référendum peut-il être organisé à l’échelle de la Catalogne seulement ? En d’autres termes, une région est légitime à décider de quitter l’ensemble national sans tenir compte de l’opinion du reste de cet ensemble ? Si la réponse est « oui », alors toutes les régions riches auront la possibilité de se libérer du boulet des régions pauvres…
Admettre le « droit à l’autodétermination régionale », c’est nier l’essence de la nation telle que je la conçois, c’est-à-dire, fondée sur la solidarité inconditionnelle et impersonnelle entre les citoyens, puisqu’elle revient à permettre aux riches de s’affranchir de cette obligation.
@ Descartes
[ Si la réponse est « oui », alors toutes les régions riches auront la possibilité de se libérer du boulet des régions pauvres…]
Avant d’organiser une sécession, on peut imaginer que les leaders des différentes parties prenantes s’emploieront à analyser les conséquences autrement qu’à court terme et sur les seuls aspects de l’économie. Pour une campagne électorale, ce type d’arguments peut encore opérer. Pour un développement à long terme, c’est autre chose.
Une région pauvre peut devenir une région riche, on l’a vu en Belgique, en Palestine à l’arrivée des immigrants juifs, etc . . . Et puis, si l’on considère qu’en cas de guerre, ce sont plus des Bretons, des Auvergnats, des Corses, qui servent de chair à canon que des Parisiens, les provinces pauvres retrouvent alors toute leur utilité.
Le “boulet”, c’est aussi du boulot à exploiter sur des populations moins exigeantes que celles de la capitale et constitue un réservoir de main d’oeuvre moins problématique que l’immigration non maitrisée.
La pauvreté n’est pas une rente, mais cela pourrait le devenir !
@ Marcailloux
[« Si la réponse est « oui », alors toutes les régions riches auront la possibilité de se libérer du boulet des régions pauvres… » Avant d’organiser une sécession, on peut imaginer que les leaders des différentes parties prenantes s’emploieront à analyser les conséquences autrement qu’à court terme et sur les seuls aspects de l’économie. Pour une campagne électorale, ce type d’arguments peut encore opérer. Pour un développement à long terme, c’est autre chose.]
J’en doute. Les « leaders » dont vous parlez ont rarement une perspective qui aille au-delà des prochaines élections. Imaginer qu’ils prendront en compte l’avenir à trente ou quarante ans…
[Une région pauvre peut devenir une région riche, on l’a vu en Belgique, en Palestine à l’arrivée des immigrants juifs, etc . . .]
Et alors ? Hier c’était la Wallonie qui aurait eu intérêt de se séparer de la Flandre, aujourd’hui c’est la Flandre qui a intérêt de se séparer de la Wallonie. Si vous laissez à chaque région le libre choix de la séparation, vous aboutissez toujours au même résultat, quelque soient les « changements ».
[Et puis, si l’on considère qu’en cas de guerre, ce sont plus des Bretons, des Auvergnats, des Corses, qui servent de chair à canon que des Parisiens, les provinces pauvres retrouvent alors toute leur utilité.]
Tout à fait. Ce fut au début du XIXème l’un des ressorts fondamentaux de la construction nationale française. Le problème, c’est que la guerre a aujourd’hui changé radicalement de nature. Ce n’est plus la quantité de chair à canon, mais la qualité qui compte – et la technologie qui l’accompagne. Et puis, le spectre de la guerre en Europe ne fait plus peur à personne, du moins en Europe occidentale.
[Le “boulet”, c’est aussi du boulot à exploiter sur des populations moins exigeantes que celles de la capitale et constitue un réservoir de main d’oeuvre moins problématique que l’immigration non maitrisée.]
Parce que vous pensez que les marseillais, les bordelais ou les auvergnats sont « moins exigeants » que les parisiens ? Vous rêvez… et puis, dans l’économie d’avenir, qui a besoin de main d’œuvre chez soi ? Mieux vaut déplacer les usines chez les autres, en choisissant les endroits où les gens sont le moins « exigeants ». Et pas besoin d’en faire des « concitoyens ».
L’affaiblissement de la nation tient aussi à ce que le pacte entre riches et pauvres, ou chacun tirait un avantage du fait de rester ensemble, est remis en cause. Les riches ont de moins en moins intérêt à trainer les pauvres avec eux…
@ Descartes
Bonjour,
[[Parce que vous pensez que les marseillais, les bordelais ou les auvergnats sont « moins exigeants » que les parisiens ? Vous rêvez… et puis, dans l’économie d’avenir, qui a besoin de main d’œuvre chez soi ? Mieux vaut déplacer les usines chez les autres, en choisissant les endroits où les gens sont le moins « exigeants ». Et pas besoin d’en faire des « concitoyens ».]
Çà, c’est votre opinion. En dehors des Marseillais, des Bordelais, des Lyonnais et quelques autres citoyens des grandes métropoles, vous avez une masse de jeunes provinciaux qui ne rêvent que d’aller grossir les rangs des travailleurs non « externalisables » de la capitale.
Dans les familles de la province profonde, être ouvrier hautement qualifié dans un atelier de la petite ville ou du village est bien moins glorieux lors des fêtes de famille qu’être technicien de surface à Paris. C’est un des effets délétères de l’aura jacobine de la capitale. Parmi tous les petits fonctionnaires ou agents des collectivités locales de la capitale ou de ses environs, quelle est la proportion des Parisiens de souche ?
Ne voyez pas là une dénonciation partisane de l’État jacobin mais seulement la déploration d’une incapacité des acteurs à construire sur des compromis efficients.
Les « jacobins » ne rêvent que de tout centraliser, les « girondins » aspirent à une parcellisation totale des pouvoirs. Et cette lutte permanente et endémique se fait au détriment d’une nation qui s’enfonce dans le gouffre de la dette qu’il faudra tôt ou tard rembourser.
@ Marcailloux
[Çà, c’est votre opinion. En dehors des Marseillais, des Bordelais, des Lyonnais et quelques autres citoyens des grandes métropoles, vous avez une masse de jeunes provinciaux qui ne rêvent que d’aller grossir les rangs des travailleurs non « externalisables » de la capitale.]
Ils en rêvent peut-être, mais lorsqu’ils vont grossir les rangs des travailleurs de la capitale, ils sont aussi « exigeants » que les parisiens de vieille souche. L’époque où l’on pouvait importer des campagnes des travailleurs « moins exigeants » que ceux de tradition urbaine est depuis très longtemps révolue.
[Dans les familles de la province profonde, être ouvrier hautement qualifié dans un atelier de la petite ville ou du village est bien moins glorieux lors des fêtes de famille qu’être technicien de surface à Paris.]
Je ne sais pas d’où vous sortez ça. Il est déjà assez rare que la hiérarchie de la « gloire » soit très différente de la hiérarchie salariale, et jusqu’à nouvel ordre les ouvriers hautement qualifiés en province gagnent nettement mieux que les techniciens de surface à Paris. J’ai d’ailleurs fait une bonne partie de ma carrière sur les installations nucléaires qui, cela ne vous aura pas échappé, sont toutes ou presque « au village ». Et je peux vous assurer que les ouvriers « hautement qualifiés » qui assurent l’entretien de ces installations n’avaient aucune envie de devenir « techniciens de surface », ni à Paris, ni ailleurs.
Oui, il y avait à une certaine époque une certaine « gloire » reconnue à celui qui « monte à Paris », même s’il était TEMPORAIREMENT technicien de surface, parce qu’on savait que la ville offrait d’immenses opportunités et que les techniciens de surface ne le restaient pas longtemps. Mais là encore cette époque est révolue : le différentiel de richesse entre Paris et la province n’est suffisamment important pour cela. Que voulez-vous, les méchants jacobins ont un peu trop redistribué…
[C’est un des effets délétères de l’aura jacobine de la capitale. Parmi tous les petits fonctionnaires ou agents des collectivités locales de la capitale ou de ses environs, quelle est la proportion des Parisiens de souche ?]
De plus en plus grande. Je vous rappelle que Paris et son agglomération perdent de la population. L’époque de l’exode rural vers la capitale est définitivement révolue.
[Ne voyez pas là une dénonciation partisane de l’État jacobin mais seulement la déploration d’une incapacité des acteurs à construire sur des compromis efficients.]
Mais je trouve au contraire le compromis jacobin extrêmement « efficient ». Cela a permis à Paris d’accumuler la « masse critique » lui permettant d’être pendant longtemps la capitale intellectuelle d monde. Il faut arrêter de se raconter des histoires : les idées sont produites dans les grandes villes, et peu de pays peuvent se payer plusieurs pôles de taille suffisante. Même aux Etats-Unis, pays immense et richissime, combien de « capitales culturelles » trouvez-vous ?
@ Descartes
[J’ai d’ailleurs fait une bonne partie de ma carrière sur les installations nucléaires qui, cela ne vous aura pas échappé, sont toutes ou presque « au village ». Et je peux vous assurer que les ouvriers « hautement qualifiés » qui assurent l’entretien de ces installations n’avaient aucune envie de devenir « techniciens de surface », ni à Paris, ni ailleurs.]
Vous prenez un cas particulier des plus prestigieux pour en faire un cas général. L’ouvrier très qualifié chez l’artisan sous-sous traitant d’une grosse boite n’a souvent ni le salaire ni la reconnaissance sociale et le crédit de la maison ou le boulot de sa femme, ou même le seul atavisme de classe le maintiennent là où il est.
[Mais je trouve au contraire le compromis jacobin extrêmement « efficient ».]
C’est bien ce que je voulais dire, le compromis est donc entre jacobins et jacobins ?
@ Marcailloux
[Vous prenez un cas particulier des plus prestigieux pour en faire un cas général. L’ouvrier très qualifié chez l’artisan sous-sous traitant d’une grosse boite n’a souvent ni le salaire ni la reconnaissance sociale et le crédit de la maison ou le boulot de sa femme, ou même le seul atavisme de classe le maintiennent là où il est.]
Je vous rappelle qu’une bonne partie des ouvriers travaillant dans les installations nucléaires sont employés par « les sous-traitants d’une grosse boîte » (EDF ou AREVA). Et je vous assure qu’ils bénéficient d’une reconnaissance sociale bien plus grande que les « techniciens de surface » parisiens…
[C’est bien ce que je voulais dire, le compromis est donc entre jacobins et jacobins ?]
Pas du tout. Le « compromis jacobin » fait que Paris concentre une part importante du capital matériel et intellectuel de la nation, mais en échange redistribue sur l’ensemble du territoire les retombées correspondantes à travers des politiques d’aménagement du territoire, de services publics universels, d’infrastructures, etc. Toutes les régions contribuent à enrichir le « centre », et celui-ci à son tour retourne une partie de la richesse aux régions.
Bravo pour ce bel article !
@ Romain
[Bravo pour ce bel article !]
Merci, c’est toujours encourageant de voir son travail apprécié!
Bonjour cher Descartes,
La logique Jacobine de votre exposé a le mérite de la cohérence – ce qui, à mon humble avis, est le cadet des soucis de tous les acteurs de l’affaire Corse dont vous discutez : il y a une différence entre cohérence intellectuelle et obsession idéologique.
Pour autant, il n’est pas évident que dans l’alliance objective entre pro-européens et régionalistes ces-derniers soient les plus incohérents des deux parties. Dans la vision d’une Europe fédérale, le rêve des ‘nationalistes’ de tout poil s’inscrit tout à fait pragmatiquement dans une ligne politique où l’Europe remplace l’Etat-nation dans ce qu’il a de nécessaire à l’épanouissement des particularismes régionaux – y compris, pourquoi pas, en tant que pourvoyeur de fonds.
En effet, si l’on considère que le cadre juridique Européen – qui inclut déjà une notion de ‘citoyenneté’ commune et la garantie des droits fondamentaux, avec une juridiction Européenne – est suffisamment développé, ou plutôt est le niveau pertinent de développement, afin de garantir l’égalité formelle des droits des touristes continentaux en Corse; il est tout à fait envisageable que l’UE remplace à terme l’Etat national dans son rôle de redistribution.
Il y a donc une alliance objective entre régionalisme et fédéralisme Européen : l’attitude des indépendantistes catalans (fuite en Belgique, tentative d’alliance avec les indépendantistes flamands) ou encore la position du SNP écossais sur le Brexit sont signes de projets régionalistes qui s’inscrivent dans celui de la construction d’une entité politique Européenne fédérale qui ne fédèrerait pas les nations d’Europe, mais ses régions – notions potentiellement bien plus compatibles avec l’épanouissement des narcissismes locaux.
Mais cela bloque à bien des niveaux aujourd’hui – notamment du fait que les membres du club UE étant les Etats il faudrait que ceux-ci acceptent d’être démis de leur pouvoir effectif, mais aussi plus simplement car parmi les forces pro-européennes, les fédéralistes ne sont pas les seuls et sont en fait assez loin de tenir la barre.
Votre thèse est que cette alliance objective ne fait pas de sens pour les régions pauvres. L’argument fédéraliste est que l’articulation région/continent est bien plus efficace pour amoindrir les conflits d’intérêt internes et développer un politique de puissance au niveau européen – or, un politique de puissance européenne s’accommoderait très bien des coûteux confettis périphériques pour parvenir à sa fin.
En ce qui concerne les conflits d’intérêts internes, le clivage majeur entre pays du Nord et du Sud en Europe, qui est aujourd’hui d’ordre économique et monétaire – est bien plus saillant lorsqu’on garde la grille de lecture nationale (puisque les nations avaient historiquement construit une indépendance monétaire). Il est bien moins naturel pour une ‘région’ – indépendantiste ou pas – de réclamer à cor et à cri son autonomie monétaire. Ce n’est d’ailleurs le cas d’aucun parti régionaliste.
L’esprit d’un fédéraliste européen fait donc a priori droit aux revendications des confettis car il est en réalité héritier d’une vision impérialiste (donc plutôt latine) de l’Europe. Or, cette vision entre en conflit avec l’autre grande force politique pro-européenne qui est le libéralisme (où ordo libéralisme).
Cette vision ordo-libérale a pour principe d’assurer la paix en tant qu’elle est nécessaire au commerce et à la prospérité des communautés qui composeraient le grand marché sécurisé européen (et certainement pas à la puissance d’un empire). C’est en quelque sorte l’héritage des ligues Hanséatiques et du développement des puissances financières et maritimes. Dans cette logique la place laissée aux transferts de solidarité est, disons minimale. La logique est plutôt celle de l’intérêt bien compris : si vous êtes pauvres, malheureux et en faillite, c’est sans doute qu’on s’est mal compris…
L’exemple Grec – confetti à l’échelle de l’UE d’une certaine manière – démontre qu’en réalité l’UE est un objet politiquement assez impur: l’esprit libéral (essentiellement pays du Nord emmené par l’Allemagne et Schauble) a poussé pour ne pas payer et une expulsion du club quand l’esprit fédéraliste (ligne française & italienne – espagnole d’une certaine façon aussi) lui a poussé dans le sens d’un bail-out. Au final, on a eu très peu de transfert vers la Grèce elle-même (l’essentiel a été entre secteur privé et public des banques/investisseurs des pays du nord) et beaucoup de perte de souveraineté pour les Grecs (même si ce n’est pas formalisé constitutionnellement): c’est un compromis qui a été arraché par les fédéralistes grâce au chiffon rouge de la crise financière. Au final il fait peu de cas du confetti.
A mon sens cet exemple illustre surtout la fracture au sein même du projet européen : pour l’heure, le camp fédéraliste (et régionaliste) auquel on peut sans doute rattacher Le Monde et d’autres, est finalement assez faible au niveau européen. Surtout l’incohérence n’est pas vraiment entre régionalistes et fédéralistes, mais pour les fédéralistes dans l’idée de croire que la construction politique de l’Europe est compatible avec le libéralisme. Ce-dernier quelle que soit sa forme, ne propose pas de force centripète suffisante pour cimenter un groupe. D’où les références constantes à la société civiles et aux ‘communautés’ qui la composent. Dans un cadre libéral, les dites communautés pré-existent, émanant d’on ne sait quelles identités naturelles et persévèrent dans leur être par leur propre moyens.
C’est à mon sens sur cette contradiction qu’achoppe notre modernité libérale. La liberté conquise jusqu’à présent, qui est allée de pair avec une conception matérialiste du monde, échoue à désacraliser l’identitarisme des minorités.
Bien à vous
@ Axelzzz
[Pour autant, il n’est pas évident que dans l’alliance objective entre pro-européens et régionalistes ces-derniers soient les plus incohérents des deux parties. Dans la vision d’une Europe fédérale, le rêve des ‘nationalistes’ de tout poil s’inscrit tout à fait pragmatiquement dans une ligne politique où l’Europe remplace l’Etat-nation dans ce qu’il a de nécessaire à l’épanouissement des particularismes régionaux – y compris, pourquoi pas, en tant que pourvoyeur de fonds.]
Tant qu’on reste dans une vision « régionaliste », vous avez raison. Il est clair qu’une Europe dominée par des pays comme l’Allemagne qui ont une tradition fédérale sera probablement plus sympathique aux revendications régionalistes qu’une France ou la tradition jacobine reste forte, ne serait-ce que parce que les Français restent très attachés au principe d’égalité, incompatible avec une véritable régionalisation. Mais si vous parlez de « nationalistes », alors l’incohérence est évidente : si la Corse est une « nation », pas plus que la France elle ne peut renoncer à sa souveraineté pour se fondre dans un ensemble européen supranational…
[En effet, si l’on considère que le cadre juridique Européen – qui inclut déjà une notion de ‘citoyenneté’ commune et la garantie des droits fondamentaux, avec une juridiction Européenne – est suffisamment développé, ou plutôt est le niveau pertinent de développement, afin de garantir l’égalité formelle des droits des touristes continentaux en Corse; il est tout à fait envisageable que l’UE remplace à terme l’Etat national dans son rôle de redistribution.]
Certainement pas. Je vous rappelle que la puissance dominante en Europe, mais aussi l’ensemble des pays « nordiques » refuse tout ce qui peut ressembler à une Europe des transferts. Or, la fonction de redistribution nécessite des transferts permanents et inconditionnels des régions riches vers les régions pauvres, ce qui suppose une solidarité inconditionnelle et impersonnelle entre européens. Exactement ce qui caractérise les nations, et que l’Europe n’a pas réussi à construire, comme on a pu le voir dans la crise grecque.
S’il y a comme vous dites une « alliance objective entre régionalisme et fédéralisme Européen », c’est à mon avis pour une raison très différente. Il y a une confluence d’intérêts entre régionalistes et fédéralistes pour affaiblir politiquement l’Etat national. Les régionalistes pensent pouvoir tirer d’un Etat affaibli une meilleure part du gâteau, les fédéralistes européens un transfert de pouvoirs vers le « centre » bruxellois. Mais une fois l’Etat affaibli, les problèmes reviendront : les régions auront du mal à tirer quoi que ce soit d’un Etat affaibli et appauvri, et l’Europe ne leur donnera rien. Et c’est particulièrement vrai pour les régions pauvres.
[L’esprit d’un fédéraliste européen fait donc a priori droit aux revendications des confettis car il est en réalité héritier d’une vision impérialiste (donc plutôt latine) de l’Europe. Or, cette vision entre en conflit avec l’autre grande force politique pro-européenne qui est le libéralisme (où ordo libéralisme).]
Je ne crois pas. La vision européenne aujourd’hui n’a rien de « impérialiste ». Elle rappelle plutôt ce que fut l’Empire Romain Germanique, laissant chacun résoudre ses problèmes dans son coin dans le cadre de règles communes.
[A mon sens cet exemple illustre surtout la fracture au sein même du projet européen : pour l’heure, le camp fédéraliste (et régionaliste) auquel on peut sans doute rattacher Le Monde et d’autres, est finalement assez faible au niveau européen.]
Je nuancerais un peu plus. Les fédéralistes/régionalistes sont très forts à Bruxelles, c’est-à-dire, dans les institutions européennes. Mais ils ont assez peu de poids sur les Etats eux-mêmes, qui sortent renforcés des différentes crises que l’Europe a connu ces dernières années, et que les institutions supranationales se sont révélées incapables de gérer.
[Surtout l’incohérence n’est pas vraiment entre régionalistes et fédéralistes, mais pour les fédéralistes dans l’idée de croire que la construction politique de l’Europe est compatible avec le libéralisme. Ce-dernier quelle que soit sa forme, ne propose pas de force centripète suffisante pour cimenter un groupe.]
Quelqu’un a dit que le capitalisme libéral repose sur des institutions qu’il aurait été incapable de créer. Et c’est très vrai. Les forces qui ont constitué les Etats-nations étaient pour une large part anti-libérales. L’Europe ne peut être libérale et devenir une nation en même temps.
[Je vous rappelle que la puissance dominante en Europe, mais aussi l’ensemble des pays « nordiques » refuse tout ce qui peut ressembler à une Europe des transferts. Or, la fonction de redistribution nécessite des transferts permanents et inconditionnels des régions riches vers les régions pauvres, ce qui suppose une solidarité inconditionnelle et impersonnelle entre européens. Exactement ce qui caractérise les nations, et que l’Europe n’a pas réussi à construire, comme on a pu le voir dans la crise grecque.]
C’est vrai mais les nations qui entrent dans l’UE sont bénéficiaires des fonds européens. Dans l’hypothèse d’une Corse indépendante qui rentrerait dans l’UE en tant que nouvelle arrivante elle serait la nation qui bénéficierait le plus des fonds européens sans doute assez pour compenser le manque à gagner provenant de la France.
@ jo2
[C’est vrai mais les nations qui entrent dans l’UE sont bénéficiaires des fonds européens. Dans l’hypothèse d’une Corse indépendante qui rentrerait dans l’UE en tant que nouvelle arrivante elle serait la nation qui bénéficierait le plus des fonds européens sans doute assez pour compenser le manque à gagner provenant de la France.]
J’en doute. D’abord, les fonds européens sont fléchés. Ils peuvent être utilisés pour développer des projet d’infrastructure et d’équipement, pas les dépenses courantes. De plus, pour avoir les fonds il faudrait que la Corse soit admise dans l’UE, ce qui n’est nullement évident…
@ Descartes,
[ . . . . . France où la tradition jacobine reste forte, ne serait-ce que parce que les Français restent très attachés au principe d’égalité, incompatible avec une véritable régionalisation. Mais si vous parlez de « nationalistes », alors l’incohérence est évidente : si la Corse est une « nation », pas plus que la France elle ne peut renoncer à sa souveraineté pour se fondre dans un ensemble européen supranational…]
Il n’est pas certain que les Corses indépendantistes épousent votre point de vue.
Une nation corse leur permettrait – en tout cas je suppose qu’ils l’imaginent de cette façon – de se transformer en Luxembourg, en une Irlande ensoleillée, petit paradis pour affairistes de tous poils. Ils escomptent jouer sur deux tableaux et sont probablement prêts à sacrifier une part de leur souveraineté en échange d’une liberté totale sur la large part de liberté qui leur resterait. Les notions de liberté et de souveraineté ne sont, en l’occurrence, pas tout à fait synonymes.
Vous leur prêtez probablement un dogmatisme qu’ils dédaignent immodérément.
@ Marcailloux
[Il n’est pas certain que les Corses indépendantistes épousent votre point de vue. Une nation corse leur permettrait – en tout cas je suppose qu’ils l’imaginent de cette façon – de se transformer en Luxembourg, en une Irlande ensoleillée, petit paradis pour affairistes de tous poils. Ils escomptent jouer sur deux tableaux et sont probablement prêts à sacrifier une part de leur souveraineté en échange d’une liberté totale sur la large part de liberté qui leur resterait.]
Tout à fait. Mais interrogez-vous : c’est quoi un « nationaliste » qui est prêt à sacrifier la souveraineté (1) pour faire des affaires ? Peut-on parler de « nationalisme » dans ce contexte ? C’est pourquoi je dis que les vrais « nationalistes » ou « indépendantistes » sont ultra-minoritaires en Corse. L’immense majorité de ceux qui se disent « nationalistes » sont au fond « autonomistes », que cette autonomie ait pour cadre la République ou l’Europe. Aucun ou presque ne conçoit l’avenir de la Corse dans le cadre d’une véritable indépendance.
[Les notions de liberté et de souveraineté ne sont, en l’occurrence, pas tout à fait synonymes.]
Elles ne le sont jamais. La « liberté » est une notion individuelle, la souveraineté est une catégorie juridique collective.
[Vous leur prêtez probablement un dogmatisme qu’ils dédaignent immodérément.]
Je ne vois pas en quoi je leur prête un quelconque « dogmatisme ». Je m’attendais plutôt à ce qu’on me fasse le reproche contraire…
(1) Encore une fois, on ne peut pas sacrifier « une partie » de la souveraineté. La souveraineté est indivisible, et donc on la sacrifie entière ou pas du tout. Dès lors qu’on admet qu’on est soumis à des règles faites par d’autres, on n’est plus souverain.
Bonjour Mr anonyme (Descartes) avez vous vécu en Corse ou y venez vous seulement pour bronzer ? Que connaissez vous de la Corse ? Vous critiquez le mouvement nationaliste et régionaliste Corse. C’est très facile, mais que proposez vous donc ?
Vous soulignez les 23% d’électeurs, mais combien à réalisé Macron ?
@ cestlacarte
[avez vous vécu en Corse ou y venez vous seulement pour bronzer ?]
J’ai du mal à comprendre votre question. Il y a des savants capables de tout vous dire sur la planète Mars, et pourtant ils n’y ont jamais mis les pieds. Mon analyse de la situation corse contient-elle des erreurs ? C’est bien possible. Je ne prétends pas détenir la vérité. Mais cet échange serait bien plus productif si vous signaliez les erreurs que j’ai commises plutôt que de vous prononcer sur mon bronzage. En fait, quand on attaque le messager, c’est généralement parce qu’on n’a pas d’arguments pour réfuter le message.
[Que connaissez-vous de la Corse ? Vous critiquez le mouvement nationaliste et régionaliste Corse. C’est très facile, mais que proposez-vous donc ?]
« Ce que je propose » est pourtant assez clair. Je propose une France ou les citoyens aient exactement les mêmes droits et les mêmes devoirs, quel que soit leur lieu de naissance ou de résidence. Je conçois que cela puisse vous gêner, mais c’est mon avis.
[Vous soulignez les 23% d’électeurs, mais combien à réalisé Macron ?]
Du même ordre. Quelle serait votre conclusion ?
[les médias aujourd’hui sont en compétition féroce les uns par rapport aux autres. Ils doivent à tout prix conquérir des clients, et pour cela il n’y a qu’une manière : donner au client ce que le client demande. C’est pourquoi les médias aujourd’hui ne forment pas l’opinion, ils la suivent. Ce n’est pas Le Monde qui fait de ses lecteurs des eurolâtres ou des macronolâtres. Ce sont les lecteurs de Le Monde qui imposent au journal sa ligne. Aucun média ne peut aujourd’hui se permettre le luxe de défier le goût de ses lecteurs.]
J’ai l’impression que cela contredit votre théorie des classes moyennes. D’une part, il me semble que les médias comme Le Monde s’adressent aux classes moyennes telles que vous les définissez. Or, ces classes moyennes sont minoitaires. Si le but était simplement de vendre autant que possible, il me semble que les journaux prôneraient davantage ce qui correspond à l’intérêt des couches populaires. D’autre part, les journalistes eux-mêmes appartiennent aux classes moyennes. Ils ont donc une tendance naturelle à présenter leur intérêt de classe comme étant l’intérêt général et à présenter l’intérêt des couches populaires comme étant indésirable.
Je pense que les choses ne sont pas si simples que vous le pensez. Les journalistes disent certes ce que leurs lecteurs ont envie d’entendre, mais il me semble qu’ils choisissent avant tout leur type de lecteurs, au détriment de la conquête de clients. Ce faisant, la seule parole qui paraisse dans les médias est une parole de classe moyenne, et cela a une influence sur l’opinion des couches populaires.
@ Jean-François
[J’ai l’impression que cela contredit votre théorie des classes moyennes. D’une part, il me semble que les médias comme Le Monde s’adressent aux classes moyennes telles que vous les définissez. Or, ces classes moyennes sont minoritaires. Si le but était simplement de vendre autant que possible, il me semble que les journaux prôneraient davantage ce qui correspond à l’intérêt des couches populaires.]
Pas du tout. Le but d’un journal comme « Le Monde » n’est pas de vendre des journaux, mais de vendre de la publicité. Or, la publicité qui s’adresse à un public des « classes moyennes » n’est pas du tout la même que celle qui s’adresse aux couches populaires. Et il est beaucoup plus rentable de vendre de la publicité pour Gucci avec un lectorat « minoritaire », que de vendre de la publicité à Carrefour pour un lectorat « populaire ». C’est ce phénomène qui explique que les journaux s’adressent à une « niche » particulière, qu’ils cherchent à élargir raisonnablement. « Le Monde » est devenu bien plus « populaire » qu’il ne l’était il y a vingt ans. Mais sans prendre le risque de perdre son « cœur de cible », celui que les publicitaire cherchent à atteindre à travers lui.
[D’autre part, les journalistes eux-mêmes appartiennent aux classes moyennes. Ils ont donc une tendance naturelle à présenter leur intérêt de classe comme étant l’intérêt général et à présenter l’intérêt des couches populaires comme étant indésirable.]
Sauf lorsqu’il s’agit de vendre des journaux – et donc de la publicité – à ces couches-là. Les journalistes « classe moyenne » du « Parisien » n’écrivent pas tout à fait les mêmes choses ni dans le même ton que « Le Monde ».
[Je pense que les choses ne sont pas si simples que vous le pensez. Les journalistes disent certes ce que leurs lecteurs ont envie d’entendre, mais il me semble qu’ils choisissent avant tout leur type de lecteurs, au détriment de la conquête de clients.]
Disons qu’ils choisissent leurs clients…
[Ce faisant, la seule parole qui paraisse dans les médias est une parole de classe moyenne, et cela a une influence sur l’opinion des couches populaires.]
Une influence, certainement. Mais beaucoup moins importante que ce qu’on le dit souvent. L’idéologie des « classes moyennes », qui est aujourd’hui l’idéologie dominante, passe par tous les canaux : l’école, l’université, la littérature, les pratiques commerciales, l’entreprise… les médias ne sont que la cerise sur le gâteau.
@Descartes
“si l’Etat collecte l’impôt dans une monnaie, comment pourrait-il payer ses fonctionnaires et ses fournisseurs dans une autre ?”
Il suffit pour l’Etat de l’échanger auprès d’une instance tierce, une banque par exemple.
Il pourrait aussi accepter d’être payé dans différentes monnaies.
@ Johnathan R. Razorback
[« si l’Etat collecte l’impôt dans une monnaie, comment pourrait-il payer ses fonctionnaires et ses fournisseurs dans une autre ? » Il suffit pour l’Etat de l’échanger auprès d’une instance tierce, une banque par exemple.]
Vous reportez le problème : au lieu de payer les fonctionnaires ou les fournisseurs en une monnaie que les commerçants pourraient refuser, c’est l’Etat qui percevrait l’impôt dans une monnaie que les banques pourraient refuser. Mais le problème demeure : si l’impôt est perçu dans une monnaie dont le cours n’est pas obligatoire, l’Etat se trouve à la merci des acteurs privés.
[Il pourrait aussi accepter d’être payé dans différentes monnaies.]
Si l’Etat accepte le règlement de l’impôt en plusieurs monnaies, certaines de cours obligatoire et d’autres pas, il est évident que tout le monde paiera prioritairement avec celles dont le cour n’est pas obligatoire…
@Descartes
“Une région est légitime à décider de quitter l’ensemble national sans tenir compte de l’opinion du reste de cet ensemble ? Si la réponse est « oui », alors toutes les régions riches auront la possibilité de se libérer du boulet des régions pauvres…
Admettre le « droit à l’autodétermination régionale », c’est nier l’essence de la nation telle que je la conçois.”
Votre communisme n’est décidément pas tant que ça “libéral à la française”. Voici ce qu’écrivait Renan:
“Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie. Oh ! je le sais, cela est moins métaphysique que le droit divin, moins brutal que le droit prétendu historique. Dans l’ordre d’idées que je vous soumets, une nation n’a pas plus qu’un roi le droit de dire à une province : « Tu m’appartiens, je te prends ». Une province, pour nous, ce sont ses habitants ; si quelqu’un en cette affaire a droit d’être consulté, c’est l’habitant. Une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou à retenir un pays malgré lui. Le vœu des nations est, en définitive, le seul critérium légitime, celui auquel il faut toujours en revenir.”
(Je précise que je ne souhaite ni l’indépendance catalane ni celle de la Corse. Je considère seulement qu’une constitution doit prévoir des mécanismes pour permettre à un territoire de se disjoindre de sa nation d’origine si la majorité de ses habitants le souhaitent).
@ Johnathan R. Razorback
[Votre communisme n’est décidément pas tant que ça “libéral à la française”. Voici ce qu’écrivait Renan:]
Je n’ai jamais prétendu être un « libéral à la française ». Si je reconnais sans aucun état d’âme l’héritage du libéralisme politique, je ne peux que constater que ce libéralisme n’a de sens que dans un corps politique constitué, qui est le cadre national. Ce qui exclut de facto les processus qui tendent à la dissolution de ce cadre.
Je ne suis pas d’accord avec Renan lorsqu’il dit que la nation est « un plébiscite de tous les jours ». Au contraire, je pense qu’elle a une dimension intertemporelle. Si j’ai accepté d’être membre de la collectivité quand il s’agissait de lui faire payer mon éducation, je ne peux pas tout à coup décider de ne plus l’être lorsqu’il s’agit de payer avec mes impôts l’éducation de la génération suivante. Lorsqu’une région a bénéficié pendant des siècles de transferts venant des autres, elle ne peut pas sans violer une règle de justice décider que maintenant qu’elle riche elle ne paiera pas pour les autres.
Oui, il y a une notion de contrat dans la constitution d’une nation. Mais ce contrat n’est pas renouvelable tous les jours, il nous lie sur le temps long. Il crée des dettes que nous ne pouvons pas réduire à néant par la simple opération de notre volonté. Renan est d’ailleurs dans le texte que vous citez fort ambigu : alors que d’une part il écrit que « une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou a retenir un pays malgré lui », il ajoute que « le vœu des nations est, en définitive, le seul critère légitime », ce qui suppose qu’il faut consulter la nation ENTIERE avant d’accorder à l’une de ses parties le droit de s’en séparer…
[Je précise que je ne souhaite ni l’indépendance catalane ni celle de la Corse. Je considère seulement qu’une constitution doit prévoir des mécanismes pour permettre à un territoire de se disjoindre de sa nation d’origine si la majorité de ses habitants le souhaitent.]
Vous voulez dire que si la majorité des habitants de Neuilly-sur-Seine veulent ne plus payer des impôts en France, ils en ont le droit ? Il leur suffirait de voter à la majorité pour se « disjoindre de la nation »… si ça a si bien réussi à Monaco, pourquoi pas à Neuilly ?
@Descartes
[[Je précise que je ne souhaite ni l’indépendance catalane ni celle de la Corse. Je considère seulement qu’une constitution doit prévoir des mécanismes pour permettre à un territoire de se disjoindre de sa nation d’origine si la majorité de ses habitants le souhaitent.]
Vous voulez dire que si la majorité des habitants de Neuilly-sur-Seine veulent ne plus payer des impôts en France, ils en ont le droit ? Il leur suffirait de voter à la majorité pour se « disjoindre de la nation »… si ça a si bien réussi à Monaco, pourquoi pas à Neuilly ?]
C’est aussi un des points qui m’est venu à l’esprit. On parle d’autonomie pour des « régions », mais qui décide de qui est une région et de ses frontières ?
Demain je m’achète un bout de terre inhabité, j’en deviens le seul habitant, et j’en proclame l’indépendance. Ça marche aussi ?
J’organise même un vote de tous les habitants de ce bout de terre s’ils veulent !
Vous mettez dans le mille . A chaque échelon devrait correspondre un domaine de compétence afférent. Le hic, c’est le big-bang de la décentralisation (qui a aussi permis à l’État de se défausser de certaines charges pour poursuivre la politique d’endettement). Bien des critiques doivent être adressées aux collectivités territoriales, construction d’hôtels de région dernier cri, embauche de personnels pas toujours en rapport avec les besoins réels, particulièrement au niveau des cadres contractuels (caser les amis?)… mais pertinent de se poser la question : qui et quoi leur a permis ?
Pour exemple, en 1984, le coût de la vignette automobile a été laissé à l’appréciation des départements. On sait que celui de la Marne, cassant les prix, a attiré les sociétés de location de véhicules et de certains transporteurs (il suffisait d’avoir son siège social dans le département). Le gouvernement à « courageusement » résolu le problème, après des années de laxisme, en la supprimant. (illustration de la concurrence entre collectivités mais qui continue avec subventions déguisées pour l’implantation d’activités).
Entre temps, bien des dégâts à mon sens, en faisant « revivre » les régions, ils ont mis en selle les identités revisitées qui, souvent, font appel à l’époque pré-Révolution et comme ce phénomène se nourrit de lui-même à une époque d’individualisme triomphant, on voit apparaître des sous-fractionnements : exigence d’un « département basque », d’une entité corse, bretonne visant l’annexion du 44…
On dit aussi que le diable se niche dans les détails, j’ai pu constater que depuis la « liberté » de choisir son numéro de département sur la plaque d’immatriculation de son véhicule, fleurissent les indications 2A, 2B , 97.. que je ne peux m’empêcher de rapprocher d’autres démonstrations identitaires. Au maire de ma ville qui tous les ans sponsorise une manifestation sur l’éloge de la différence, j’ai signifié être plutôt intéressé par ce qui nous rassemble.
Pour en revenir à la Corse, j’ai cherché le programme des « natio » (terme commode pour parler de la coalition). Je n’ai trouvé que ceci, bien vague :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/sites/regions_france3/files/assets/documents/2017/09/23/peacorsica_-_un_paese_da_fa-3275247.pdf
Ce n’est que dans les interviews, sans doute enhardis par leurs résultats électoraux, qu’ils montrent le bout du nez avec statut de résident, co-officialité corse-français, emprisonnes « politiques » (dans le texte ci-dessous : « Est-ce que cette amnistie inclue ceux qui ont été condamnés pour crime de sang, demandait Patrick Cohen sur Europe 1 ? « Nous n’excluons aucun fait du périmètre de la loi d’amnistie », a répondu Gilles Simeoni. » :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/sites/regions_france3/files/assets/documents/2017/09/23/peacorsica_-_un_paese_da_fa-3275247.pdf
@ morel
[Le hic, c’est le big-bang de la décentralisation (qui a aussi permis à l’État de se défausser de certaines charges pour poursuivre la politique d’endettement).]
Je pense qu’il faut se méfier des pleurnicheries des « barons » locaux. Pendant trente ans, nous avons vécu avec des collectivités « riches », qui embauchaient à tout va et construisaient des somptueux « hôtels » et autres bâtiments publics, alors que l’Etat s’appauvrissait. Allez dans la mairie d’une grande ville, puis à la préfecture, et regardez où l’on trouve les ordinateurs les plus neufs, les meubles contemporains de prix…
[mais pertinent de se poser la question : qui et quoi leur a permis ?]
Mais… leurs représentants au Parlement, qui depuis un demi-siècle et plus font le siège des institutions pour obtenir la décentralisation. Il est vrai que depuis 1981 les gouvernements successifs ont fait leur cette politique. Mais arrêtons de faire comme si la décentralisation avait été imposée par le méchant état jacobin à des élus hésitants.
[Pour en revenir à la Corse, j’ai cherché le programme des « natio » (terme commode pour parler de la coalition).]
On devrait écrire « nazio », pour respecter la langue corse…
[Je n’ai trouvé que ceci, bien vague (…) :]
Vous trouvez ça « vague » ? Moi je le trouve au contraire très précis. La « préférence nationale » dans l’emploi, une autonomie totale mais sans toucher aux transferts, l’officialité de la langue corse, l’amnistie, tout y est.
«Je pense qu’il faut se méfier des pleurnicheries des « barons » locaux. »
Bien entendu mais ce n’était pas mon thème. Je voulais souligner que la décentralisation a ajouté l’endettement des collectivités en plus de l’État.
« Vous trouvez ça « vague » ? Moi je le trouve au contraire très précis»
Je me référais à ceci :
« Accord stratégique « Pè a Corsica » Dix ans pour construire avec tous les Corses la Corse du 21ème siècle
1. La paix et la démocratie, piliers de la démarche Pè a Corsica
2. Le fil historique du combat : valeurs et fondamentaux
3. Un calendrier politique sur 10 ans
4. Mettre en œuvre notre projet de société
5. Obtenir dans les 3 ans un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice, et le mettre en œuvre en 10 ans
6. La volonté d’ouverture à tous les Corses et à toutes les forces vives se reconnaissant dans la démarche Pè a Corsica
7. Le dialogue et la recherche de convergence stratégique avec les nationalistes s’étant pour l’heure affirmés en désaccord avec Pè a Corsica
8. Les propositions de convergence avec les forces de progrès
9. Une gouvernance claire, transparente et démocratique
10. Pour une solution politique négociée »
@ morel
[« Vous trouvez ça « vague » ? Moi je le trouve au contraire très précis» Je me référais à ceci : « Accord stratégique « Pè a Corsica » Dix ans pour construire avec tous les Corses la Corse du 21ème siècle (…) »]
Ok mais au-delà des dix points que vous listez, et qui sont assez généraux, le document cité contient du texte qui explicite chacun des points. Je pense qu’on peut reprocher aux « nationalistes » beaucoup de choses, mais pas de ne pas avoir un programme très précis, avec des revendications claires.
En ce qui concerne,la reconnaissance,des particularismes régionaux,voici un témoignage assez significatif.
Je viens de passer noël dans la vallée de l’Ebre.
A Tarragone,le petit jésus,était sur les couleurs jaune et rouge de Catalogne,dans la cathédrale catalane.
A Pampelune,ds l’église euzkadienne,il était sur des tissus aux couleurs basques,rouge,verte et blanche.
Catholikos,signifiant universel,il me semble,qu’à l’instar du Vatican,ou de l’ex-Urss,les jacobins de France,doivent ainsi,reconnaitre,la diversité,sans perdre de vue,l’essentiel,l’unité de la république,non?
Autrement dit,une main de fer dans un gant de velours,ne constitue t elle pas,la meilleure des politiques,comme l’église catholique,organisation politique de 2000 ans d’âge,nous le montre?
@ Luc
[Catholikos, signifiant universel, il me semble qu’à l’instar du Vatican, ou de l’ex-Urss, le jacobins de France, doivent ainsi reconnaitre la diversité sans perdre de vue l’essentiel, l’unité de la république, non?]
C’est exactement ce qu’on fait les jacobins depuis la Révolution : à ma connaissance, ils n’ont jamais refusé de reconnaître a « diversité » des territoires qui composent a France, tout en refusant que cette « diversité » puisse mettre en cause l’unité de la République. Je pense que vous tombez dans la caricature qui voudrait que le projet jacobin fut celui de l’uniformisation absolue et totale de la France. A ma connaissance, les jacobins n’ont jamais songé à obliger les marseillais de faire leur cuisine au beurre, ou les normands de se convertir à la cuisine à l’huile. Ils n’ont jamais cherché à éradiquer la sieste en Corse ou l’imposer à Lille.
[Autrement dit, une main de fer dans un gant de velours ne constitue-t-elle pas la meilleure des politiques, comme l’église catholique, organisation politique de 2000 ans d’âge, nous le montre?]
Oui, enfin, il ne vous aura pas échappé que l’Eglise catholique ne s’est convertie à cette acceptation de la diversité que lorsqu’elle n’a pas eu le choix. Quand on a perdu le pouvoir, et qu’on doit se contenter d’exercer une influence dans les affaires, on peut se permettre beaucoup de choses. Croyez-vous que le Pape pourrait se permettre un discours aussi sympathique sur les migrants s’il devait gérer lui-même le budget pour les accueillir ?
Aujourd’hui, l’Eglise catholique est soumise à la compétition avec d’autres intérêts, religieux ou séculiers. Et du coup, elle est obligée d’offrir au client ce que le client demande. C’est pourquoi on va, doucement mais fermement, vers la reconnaissance par l’Eglise de la prêtrise des femmes, du divorce, du mariage homosexuel, et même de l’avortement. Alors, pourquoi ne pas revêtir le petit Jesus d’un maillot publicitaire au choix des fidèles ?
@ Descartes,
“Aujourd’hui, l’Eglise catholique est soumise à la compétition avec d’autres intérêts, religieux ou séculiers. Et du coup, elle est obligée d’offrir au client ce que le client demande. C’est pourquoi on va, doucement mais fermement, vers la reconnaissance par l’Eglise de la prêtrise des femmes, du divorce, du mariage homosexuel, et même de l’avortement.”
Je n’en suis pas aussi convaincu que vous. Aujourd’hui, avec la déchristianisation, l’Eglise ne peut plus guère compter que sur des franges plutôt conservatrices de la société pour garder quelques fidèles. Les gens qui réclament à cor et à cri la “modernisation” de l’Eglise sur les sujets “sociétaux” sont pour la plupart des personnes qui de toute façon ne mettent jamais les pieds à l’Eglise. Ceux qui y vont encore (comme moi, de temps en temps) sont en général attachés à une certaine forme de tradition. Les chefs de l’Eglise catholique doivent y songer: en “modernisant” son discours, l’Eglise perdra ses fidèles réactionnaires comme moi, mais elle ne gagnera rien chez les bobos. D’ailleurs, l’histoire récente en fait foi: depuis l’aggiornamento de Vatican II, les églises ne cessent de se vider… Benoît XVI l’avait compris et il s’était efforcé de préserver la tradition catholique, quitte à revenir sur quelques “avancées” de Vatican II (dialogue avec les intégristes, autorisation de célébrer des messes dans le rite tridentin). C’est aussi la raison pour laquelle les média ont toujours détesté ce pape qui défendait la tradition catholique au lieu de tenir le discours plein de gélatine compassionnelle que les bobos athées attendent d’un pape.
Le pape François, lui, est relativement apprécié des bobos. Il use de la rhétorique bienpensante: tolérance, défense des minorités, compassion avec les pauvres migrants. Il est en rupture avec la tradition catholique, puisqu’il a pris un nom qui n’a jamais été porté dans les annales papales, là où son prédécesseur s’inscrivait dans un héritage en prenant un nom porté par quinze papes avant lui.
L’Eglise peut faire le choix de la “modernité”, mais cette modernité n’est voulue que par une minorité. Une bonne partie de la société veut entendre un discours conservateur et réactionnaire. Il n’y a qu’à voir le succès de l’islam ou des sectes protestantes évangélistes…
J’ajoute que l’Eglise a, jusqu’à présent, l’immense mérite à mes yeux de tenir un discours qui ne considère pas l’être humain comme tout-puissant. Dans le christianisme, on ne choisit pas son sexe, ses parents ou la date de sa mort. Il y a l’acceptation du fait que l’homme ne peut pas tout et qu’il est un être limité, soumis à des lois (la loi de Dieu, mais on peut l’appeler “loi de la nature” si l’on n’est pas croyant). Mais aussi que les hommes et les femmes sont différents et ont chacun leur rôle.
@ nationaliste-ethniciste
[« C’est pourquoi on va, doucement mais fermement, vers la reconnaissance par l’Eglise de la prêtrise des femmes, du divorce, du mariage homosexuel, et même de l’avortement. » Je n’en suis pas aussi convaincu que vous. (…)]
Au-delà de votre raisonnement – que je commenterai plus bas – on ne peut que constater les faits. On voit une adaptation très progressive mais très réelle de l’Eglise catholique aux pratiques sociales. De plus en plus de prêtres acceptent de donner la bénédiction nuptiale aux couples divorcés puis remariés, et même aux couples homosexuels. Le Pape a récemment accordé aux évêques la possibilité d’absoudre l’avortement. Les femmes sont maintenant acceptées en tant que diaconesses… je pense qu’il est difficile de nier qu’un mouvement est en marche.
Ensuite, on peut se demander si ce mouvement vient d’une véritable conviction spirituelle, ou s’il est motivé par la concurrence d’autres alternatives « spirituelles ». Je penche résolument pour la deuxième hypothèse. On constate en effet que c’est là ou l’Eglise catholique est soumise à la plus rude concurrence soit des églises évangéliques, soit des « spiritualités » séculières, qu’elle fait les concessions les plus importantes, alors qu’elle reste plus doctrinaire et conservatrice là où elle conserve le monopole.
[Aujourd’hui, avec la déchristianisation, l’Eglise ne peut plus guère compter que sur des franges plutôt conservatrices de la société pour garder quelques fidèles. Les gens qui réclament à cor et à cri la “modernisation” de l’Eglise sur les sujets “sociétaux” sont pour la plupart des personnes qui de toute façon ne mettent jamais les pieds à l’Eglise.]
Pourquoi des gens qui « ne mettent jamais les pieds à l’Eglise » exprimeraient « à corps et à cri » une demande concernant une institution qui ne les intéresse pas ? Je crois que vous faites un peu trop vite le deuil d’une frange importante de catholiques qui vont rarement dans les églises, mais qui restent attachés à l’institution, baptisent leurs enfants, se marient et enterrent leurs parents dans la tradition. Sans compter ceux qui, sans être pratiquants, envoient leurs enfants à l’enseignement catholique. Cette frange de « catholiques non pratiquants » sont un enjeu important, non pas pour remplir les églises, mais en termes de pouvoir politique. C’est pourquoi il faut les soigner…
[Ceux qui y vont encore (comme moi, de temps en temps) sont en général attachés à une certaine forme de tradition. Les chefs de l’Eglise catholique doivent y songer: en “modernisant” son discours, l’Eglise perdra ses fidèles réactionnaires comme moi, mais elle ne gagnera rien chez les bobos.]
C’est pourquoi la modernisation se fait non pas doctrinairement, mais « à la carte ». L’Eglise sait très bien faire ça : il y aura des églises ou l’on dira la messe en Latin pour les ultra-conservateurs, des églises ou l’on dira la messe en français mais ou l’on conservera les canons traditionnels pour les gens comme vous, et il y aura des églises « progressistes » ou l’on absoudra l’avortement et on bénira les mariages homosexuels. L’Eglise saura faire coexister les Fauchon et les Lidl de la spiritualité…
[D’ailleurs, l’histoire récente en fait foi: depuis l’aggiornamento de Vatican II, les églises ne cessent de se vider…]
Soyons sérieux : pensez-vous que sans Vatican II les églises françaises seraient pleines ? Franchement ? Non, bien sûr que non. Le mouvement de sécularisation est un mouvement général, qui touche d’ailleurs toutes les religions. Allez à la synagogue de la Rue de la Victoire, et vous verrez qu’il n’y a pas la foule hors des grandes fêtes, et encore. Et pourtant, il n’y a pas eu de « Vatican II » chez les juifs. Par ailleurs, les paroisses « conservatrices » se sont vidées à peu près à la même vitesse que les paroisses « progressistes ».
Les églises se vident, c’est fatal. La question de Vatican II n’était pas seulement de remplir les églises, mais de la nature des liens que l’Eglise gardait avec des catholiques chaque fois moins pratiquants. Et de ce point de vue, on peut dire que Vatican II a plutôt été un succès dans le contexte de son temps. Il est vrai que ces dernières années, avec l’affaiblissement des eschatologies laïques il y a une recherche de sens qui pousse les gens à un retour au rigorisme religieux. On le voit dans l’Islam, on le voit aussi chez les chrétiens évangéliques. On peut se demander si la « modernisation » de l’Eglise catholique n’est pas maintenant à contre-temps.
[Benoît XVI l’avait compris et il s’était efforcé de préserver la tradition catholique, quitte à revenir sur quelques “avancées” de Vatican II (dialogue avec les intégristes, autorisation de célébrer des messes dans le rite tridentin).]
Tout à fait. Mais encore une fois, vous ne pouvez pas faire comme si Benoît XVI et Jean XXIII étaient contemporains. L’église de Jean XXIII avait à lutter contre des eschatologies laïques puissantes dans un contexte de rejet des intégrismes. Benoît XVI a été Pape dans un contexte de reflux des eschatologies laïques et de retour des sociétés vers des formes d’intégrisme…
[C’est aussi la raison pour laquelle les média ont toujours détesté ce pape qui défendait la tradition catholique au lieu de tenir le discours plein de gélatine compassionnelle que les bobos athées attendent d’un pape.]
En effet. Sur le fond, je suis proche de votre vision de la religion : si l’on adhère à une tradition, il faut l’assumer entière. On ne peut pas se faire sa tradition personnelle en gardant ce qui nous plait et en éliminant ce qui ne nous plait pas. Autrement, la tradition perd son rôle de « religio ».
[J’ajoute que l’Eglise a, jusqu’à présent, l’immense mérite à mes yeux de tenir un discours qui ne considère pas l’être humain comme tout-puissant. Dans le christianisme, on ne choisit pas son sexe, ses parents ou la date de sa mort. Il y a l’acceptation du fait que l’homme ne peut pas tout et qu’il est un être limité, soumis à des lois (la loi de Dieu, mais on peut l’appeler “loi de la nature” si l’on n’est pas croyant).]
C’est en effet un « immense mérite ». Cela étant dit, je trouve un peu rapide votre assimilation de « la loi de Dieu » à « la loi de la nature ». La nature n’a pas de morale, et les lois de la nature sont des lois physiques. La nature n’a jamais dit et ne peut pas dire « tu ne tueras point ». Combattre les tentations de toute-puissance, c’est bien. Les combattre au nom d’une volonté extérieure qui serait, elle, toute-puissante, c’est déjà plus contestable.
@Descartes :
Est-ce que vous pourriez préciser ce que vous appelez “eschatologie laïque” ? Est-ce une référence au communisme ?
@ Descartes,
“De plus en plus de prêtres acceptent de donner la bénédiction nuptiale aux couples divorcés puis remariés, et même aux couples homosexuels.”
Et c’est bien dommage, de mon point de vue.
“Les femmes sont maintenant acceptées en tant que diaconesses…”
C’est un problème différent: les diaconesses ont existé durant les tout premiers siècles du christianisme, avant que les femmes ne soient exclues de toute responsabilité ecclésiastique. Accepter des femmes comme diaconesses, c’est renouer avec l’Eglise primitive.
Par ailleurs, il faut distinguer deux choses: la doctrine et la discipline. La question des femmes diaconesses ou du célibat des prêtres sont des questions de discipline. Durant les trois ou quatre premiers siècles du christianisme, il y a des diaconesses, et nombre de prêtres et d’évêques sont mariés et pères de famille. La discipline peut changer. En revanche, l’indissolubilité du mariage ou la question des unions homosexuelles touchent à la doctrine, c’est-à-dire à l’ordre du monde voulu par Dieu, à la conception de l’homme et de la famille.
“On constate en effet que c’est là ou l’Eglise catholique est soumise à la plus rude concurrence soit des églises évangéliques, soit des « spiritualités » séculières, qu’elle fait les concessions les plus importantes”
Vraiment? Je n’ai pas le sentiment que les Eglises évangéliques fassent de la surenchère progressiste… Si l’Eglise catholique voulait les concurrencer, elle tiendrait un discours plus conservateur.
“Cette frange de « catholiques non pratiquants » sont un enjeu important, non pas pour remplir les églises, mais en termes de pouvoir politique.”
Mais… qu’est-ce qui vous fait dire que ces “catholiques non pratiquants” sont tous pour le mariage homosexuel, l’absolution de l’avortement ou la bénédiction nuptiale aux couples divorcés et remariés? Il n’y a pas que les catholiques pratiquants qui ont une position “conservatrice” sur les questions “sociétales”… Je doute que les militants de la gauche radicale ou même de la gauche caviar mettent souvent les pieds à l’Eglise. Et si d’aventure ils le font, permettez-moi de les traiter de tartuffes.
“L’Eglise saura faire coexister les Fauchon et les Lidl de la spiritualité…”
Jusqu’à un certain point seulement. L’Eglise reste une structure assez centralisée, et la doctrine est normalement la même pour tout le monde. Ceux qui ne sont pas satisfaits peuvent aller voir ailleurs, le catholicisme n’est plus une religion obligatoire en France. Le message de l’Eglise deviendra illisible si son application dépend des convictions personnelles de l’évêque ou du prêtre du lieu.
“Soyons sérieux : pensez-vous que sans Vatican II les églises françaises seraient pleines ? Franchement ? Non, bien sûr que non”
Je pense que sans Vatican II, la situation serait moins mauvaise. C’est un avis personnel, je vous le concède. J’en ai discuté avec un ami qui est très pratiquant (mais sans être intégriste), et issu d’une famille beaucoup plus catholique que la mienne. Je lui ai demandé ce qu’il pensait (et ce que les gens de sa famille avaient pensé, car lui est né bien après le concile) de Vatican II. Il m’a dit: “le problème de Vatican II, c’est qu’il a changé les choses de manière trop brutale. On a détruit une forme de catholicisme populaire. Certaines personnes ont quitté l’Eglise parce qu’elles avaient le sentiment qu’on leur disait: “ce que vous faisiez avant, ce n’était pas ce qu’il fallait”. On a aussi saccagé la liturgie: dans les années 70, il fallait voir les messes à “gratouille” façon hippie.” La mère de cet ami est passée à l’orthodoxie après avoir assisté à des bagarres entre pro- et anti-Vatican II dans les églises.
“Et pourtant, il n’y a pas eu de « Vatican II » chez les juifs.”
Non, mais il y a eu un aggiornamento chez beaucoup de communautés juives. Celles qui y ont participé vont disparaître, se diluer dans un œcuménisme bêlant, comme les chrétiens. Et le judaïsme orthodoxe ne se porte pas si mal, à en juger par le nombre de ses écoles. Si la foi, et in fine l’identité, juive survit – et elle va survivre selon moi – ce sera grâce aux orthodoxes.
“Cela étant dit, je trouve un peu rapide votre assimilation de « la loi de Dieu » à « la loi de la nature »”
Je n’assimile pas “loi de Dieu” et “loi de la nature”. Le commandement que vous citez n’est pas une loi de la nature: tuer est à la portée de tout être humain ou presque. Je pensais aux limites “biologiques” de l’homme: le fait qu’un homme ne peut tomber enceinte, qu’on ne peut pas changer de sexe, que passer un certain âge on ne peut plus procréer et qu’il faut l’accepter…
Je me souviens que lors de la préparation au mariage religieux avec ma femme, on nous a expliqué qu’il fallait accepter le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfant, qu’il y avait d’autres moyens d’avoir une vie heureuse et “féconde”. A ce moment, nous ignorions que nous rencontrions quelques difficultés à avoir un enfant. Le discours de l’Eglise ne nous a pas empêchés d’ailleurs de faire appel à un “coup de pouce” médical pour avoir un enfant, mais je pense que si l’un de nous deux avait été complètement stérile, eh bien je l’aurais accepté. Je ne pense pas que j’aurais cherché à avoir un enfant “à tout prix” en faisant appel à une mère porteuse à l’étranger ou je ne sais quoi. D’une certaine manière, je comprends tout à fait qu’on ne respecte pas à la lettre les préceptes de l’Eglise, et je suis le premier à m’en affranchir. Mais pour autant, je ne demande pas à l’Eglise d’adapter son discours à mes aspirations. Dans ma vie, je fais des choses contraires à l’enseignement de l’Eglise, je le sais, je l’assume. Et ça ne m’empêche pas d’être attaché à l’Eglise. Ce qui m’insupporte, ce sont les gens qui veulent absolument la caution morale de l’institution religieuse pour vivre comme ils l’entendent. Nous sommes dans un pays libre. Pourquoi les gens n’assument-ils pas d’être homosexuel, divorcé et remarié, avorté? Ces gens sont immatures.
@ Un Belge
[Est-ce que vous pourriez préciser ce que vous appelez “eschatologie laïque” ? Est-ce une référence au communisme ?]
Au communisme certainement. Mais aussi à l’anarchisme, et en général à toutes les idéologies qui reposent sur l’idée d’un grand cataclysme d’où sortira un “homme nouveau”.
@ nationaliste-ethniciste
[« De plus en plus de prêtres acceptent de donner la bénédiction nuptiale aux couples divorcés puis remariés, et même aux couples homosexuels. » Et c’est bien dommage, de mon point de vue.]
Dommage ou pas, c’est une réalité, et il faut la prendre en considération.
[« Les femmes sont maintenant acceptées en tant que diaconesses… » C’est un problème différent: les diaconesses ont existé durant les tout premiers siècles du christianisme, avant que les femmes ne soient exclues de toute responsabilité ecclésiastique. Accepter des femmes comme diaconesses, c’est renouer avec l’Eglise primitive.]
Certainement pas. Car si la dimension objective est la même, la dimension subjective est complètement différente dans les deux cas. Si l’Eglise accepte aujourd’hui le diaconat des femmes, ce n’est certainement pas pour les mêmes raisons qu’aux époques primitives.
[La discipline peut changer. En revanche, l’indissolubilité du mariage ou la question des unions homosexuelles touchent à la doctrine, c’est-à-dire à l’ordre du monde voulu par Dieu, à la conception de l’homme et de la famille.]
Qui, elle aussi, peut changer. Nulle part dans les évangiles il n’est écrit que le mariage doive être « indissoluble », pas plus qu’il n’est écrit que la prêtrise doive être réservée aux hommes. Dans les deux cas, c’est une interprétation postérieure. J’ajoute que le droit canon permet la dissolution du mariage ou sa nullité dans un certain nombre de cas.
[Vraiment? Je n’ai pas le sentiment que les Eglises évangéliques fassent de la surenchère progressiste… Si l’Eglise catholique voulait les concurrencer, elle tiendrait un discours plus conservateur.]
Vous vous trompez : sur les questions « sociétales », les églises évangéliques sont souvent plus « progressistes » que l’église catholique. Ainsi, les évangéliques admettent tous le divorce et le remariage, par exemple…
[« Cette frange de « catholiques non pratiquants » sont un enjeu important, non pas pour remplir les églises, mais en termes de pouvoir politique. » Mais… qu’est-ce qui vous fait dire que ces “catholiques non pratiquants” sont tous pour le mariage homosexuel, l’absolution de l’avortement ou la bénédiction nuptiale aux couples divorcés et remariés?]
Je n’ai jamais dit qu’ils le soient TOUS. Mais une majorité importante l’est.
[« L’Eglise saura faire coexister les Fauchon et les Lidl de la spiritualité… » Jusqu’à un certain point seulement. L’Eglise reste une structure assez centralisée, et la doctrine est normalement la même pour tout le monde.]
Dans certaines limites. L’Eglise a su historiquement maintenir en son sein des communautés qui interprétaient la doctrine d’une manière très différente…
[Le message de l’Eglise deviendra illisible si son application dépend des convictions personnelles de l’évêque ou du prêtre du lieu.]
Pourtant, c’est ce qui se passe, et cela ne date pas d’hier. Même dans les temps anciens, les évêques ont su intégrer dans leur « message » des pratiques et des croyances locales lorsque celles-ci étaient trop enracinées pour pouvoir être éradiquées, quitte à les recouvrir d’un vernis chrétien. Lorsqu’on va au sud de l’Italie, on voit des pratiques magiques plus ou moins christianisées qui n’ont rien à voir avec la doctrine de l’Eglise, et qui bien souvent la contredisent.
[« Soyons sérieux : pensez-vous que sans Vatican II les églises françaises seraient pleines ? Franchement ? Non, bien sûr que non » Je pense que sans Vatican II, la situation serait moins mauvaise. C’est un avis personnel, je vous le concède. J’en ai discuté avec un ami qui est très pratiquant (mais sans être intégriste), et issu d’une famille beaucoup plus catholique que la mienne. Je lui ai demandé ce qu’il pensait (et ce que les gens de sa famille avaient pensé, car lui est né bien après le concile) de Vatican II. Il m’a dit: “le problème de Vatican II, c’est qu’il a changé les choses de manière trop brutale. On a détruit une forme de catholicisme populaire. Certaines personnes ont quitté l’Eglise parce qu’elles avaient le sentiment qu’on leur disait: “ce que vous faisiez avant, ce n’était pas ce qu’il fallait”.]
Je vous crois sur parole, mais j’ai du mal à imaginer que des gens aient pu quitter l’Eglise parce que la messe était désormais dite dans une langue qu’ils comprenaient au lieu d’être dite en Latin, ou parce que le prêtre leur faisait face au lieu de leur tourner le dos.
[On a aussi saccagé la liturgie: dans les années 70, il fallait voir les messes à “gratouille” façon hippie.”]
Ca, c’est tout à fait vrai. Mais vous noterez que cela est vrai non seulement de la liturgie catholique, mais aussi des liturgies « laïques » de la République. Je ne crois pas que ce soit Vatican II qui en soit la cause. C’est plutôt l’arrivée d’une génération pour qui rejetait l’idée même de cérémonie, de rituel.
[« Et pourtant, il n’y a pas eu de « Vatican II » chez les juifs. » Non, mais il y a eu un aggiornamento chez beaucoup de communautés juives.]
Je ne vois pas de quoi vous parlez. A ma connaissance, nulle communauté juive en France ne lit la Torah dans une autre langue que l’hébreu, ou s’amuse à rectifier le rituel.
[Et le judaïsme orthodoxe ne se porte pas si mal, à en juger par le nombre de ses écoles. Si la foi, et in fine l’identité, juive survit – et elle va survivre selon moi – ce sera grâce aux orthodoxes.]
Parler de « l’identité juive » est compliqué, parce que cette identité ne repose pas seulement sur la religion. Il y a chez les juifs laïques français une « identité » qui n’est pas moins forte que celle des juifs orthodoxes. Mais je vous suis sur un point : les juifs religieux « aggiornés » auront du mal à se constituer une identité entre le courant religieux orthodoxe et le courant laïque. Ils sont trop sécularisés pour que la religion leur serve de référence.
[Je n’assimile pas “loi de Dieu” et “loi de la nature”. Le commandement que vous citez n’est pas une loi de la nature: tuer est à la portée de tout être humain ou presque. Je pensais aux limites “biologiques” de l’homme: le fait qu’un homme ne peut tomber enceinte, qu’on ne peut pas changer de sexe, que passer un certain âge on ne peut plus procréer et qu’il faut l’accepter…]
Dans ce sens, je partage votre position.
[D’une certaine manière, je comprends tout à fait qu’on ne respecte pas à la lettre les préceptes de l’Eglise, et je suis le premier à m’en affranchir. Mais pour autant, je ne demande pas à l’Eglise d’adapter son discours à mes aspirations. Dans ma vie, je fais des choses contraires à l’enseignement de l’Eglise, je le sais, je l’assume.]
A la lecture de ce raisonnement je pense mieux comprendre votre position. Si je résume, vous pensez qu’il faut une doctrine qui serve de référence. Non pas dans le sens qu’il faut la suivre aveuglement, mais qu’il faut se poser des questions lorsqu’on s’en écarte, et être prêt à assumer cet écart. J’ai bien compris ?
[Et ça ne m’empêche pas d’être attaché à l’Eglise. Ce qui m’insupporte, ce sont les gens qui veulent absolument la caution morale de l’institution religieuse pour vivre comme ils l’entendent. Nous sommes dans un pays libre. Pourquoi les gens n’assument-ils pas d’être homosexuel, divorcé et remarié, avorté? Ces gens sont immatures.]
Je suis d’accord. Ces gens veulent la liberté de tout faire, mais sans assumer cette liberté.
@ nationaliste-ethniciste
Bonjour et meilleurs voeux pour 2018,
[ Il n’y a pas que les catholiques pratiquants qui ont une position “conservatrice” sur les questions “sociétales”… Je doute que les militants de la gauche radicale ou même de la gauche caviar mettent souvent les pieds à l’Eglise. Et si d’aventure ils le font, permettez-moi de les traiter de tartuffes.]
Permettez-moi de m’immiscer dans votre échange. Mais quand vous élargissez votre « observation » à d’autres que les catholiques pratiquants, je m’autorise à défendre un point de vue qui n’est pas le votre.
Mon cas est très fréquent. Agnostique, de gauche (plutôt humaniste) si cela veut encore dire quelque chose, citoyen tolérant au sujet des croyances et propriétaire des églises en tant que citoyen et contribuable pour leur entretien, il m’arrive pour des occasions diverses d’être présent, à titre de solidarité, à des offices religieux. Mon absence serait interprétée pour de l’indifférence. Je m’abstiens strictement de mimer les gestes liturgiques du contexte et affiche par là même mes convictions, ce qui, en d’autres circonstances de type professionnel m’a autrefois posé question.
J’ai donc le choix avec votre assertion entre la peste et le choléra. Entre une tartufferie et un mépris.
Et à quoi dois-je cela sinon à l’archaïsme de ceux qui prétendent posséder de manière exclusive – l’adjectif est bien adapté – la Vérité sur ce qui n’est jamais qu’une construction humaine, répondant à une faiblesse fondamentale de notre espèce, celle de n’être pas en mesure d’assumer sa solitude, sa singularité. La question est particulièrement d’actualité avec l’islam.
Il m’arrive d’envier ceux qui croient, quoi qu’ils croient. Je trouve ceci d’un grand réconfort face aux vicissitudes des vies qui nous sont imposées. Et je regrette que la nature – une force transcendante si l’on préfère – ne m’ai pas doté de ce capital culturel. D’un autre coté, je me félicite de ne pas ressentir la nécessité d’utiliser des « béquilles » spirituelles.
Qui est dans le vrai, à votre avis. Je me refuse à répondre à cette question. Et vous ? ? ? .
@ Descartes,
“c’est une réalité, et il faut la prendre en considération”
Certes, mais on n’est pas obligé de s’en réjouir.
“Si l’Eglise accepte aujourd’hui le diaconat des femmes, ce n’est certainement pas pour les mêmes raisons qu’aux époques primitives.”
Je vous l’accorde, mais le résultat est de revenir à des pratiques qui ont existé dans l’Eglise primitive. En cela, le diaconat des femmes n’est pas une innovation à proprement parler.
“Nulle part dans les évangiles il n’est écrit que le mariage doive être « indissoluble », pas plus qu’il n’est écrit que la prêtrise doive être réservée aux hommes. Dans les deux cas, c’est une interprétation postérieure.”
Oui, mais il y a le texte et la tradition. Les deux cas que vous citez sont très anciennement ancrés dans la tradition chrétienne: au début du V° siècle déjà, les évêques avaient demandé à l’empereur romain Honorius (395-423) que le divorce soit supprimé du droit romain, ce que l’empereur avait d’ailleurs refusé. Quant à la prêtrise réservée aux hommes, je crois me rappeler que le christianisme est issu du judaïsme: y avait-il des prêtresses au temple de Jérusalem, du temps de Salomon ou du temps d’Hérode? Je ne crois pas. La tradition vient donc de fort loin…
“J’ajoute que le droit canon permet la dissolution du mariage ou sa nullité dans un certain nombre de cas”
Oui, “dans un certain nombre de cas” seulement. Ce qui limite la volonté toute-puissante de l’individu.
“Mais une majorité importante l’est”
Comment le savoir?
“Je ne vois pas de quoi vous parlez. A ma connaissance, nulle communauté juive en France ne lit la Torah dans une autre langue que l’hébreu, ou s’amuse à rectifier le rituel”
Je ne suis pas expert de cette question, mais j’avais cru comprendre que certaines communautés juives libérales acceptaient des femmes comme rabbin ou pour lire la Torah (que seuls les hommes lisent normalement dans la synagogue, si je ne me trompe).
“Il y a chez les juifs laïques français une « identité » qui n’est pas moins forte que celle des juifs orthodoxes.”
Je veux bien vous croire, mais autour de quoi se structure cette identité? Y a-t-il des associations, des clubs de réflexion? Si ce n’est pas le cas, comment l’identité juive laïque peut éviter de se diluer dans une identité laïque commune aux athées, catholiques et protestants non pratiquants, etc?
“A la lecture de ce raisonnement je pense mieux comprendre votre position. Si je résume, vous pensez qu’il faut une doctrine qui serve de référence. Non pas dans le sens qu’il faut la suivre aveuglement, mais qu’il faut se poser des questions lorsqu’on s’en écarte, et être prêt à assumer cet écart. J’ai bien compris ?”
Vous avez tout compris. La doctrine, c’est ce que j’appellerai un horizon régulateur. La respecter à la lettre, parfaitement, c’est être un saint… ou un intégriste (et la différence entre les deux est parfois ténue). Une société de saints est impossible et une société intégriste est terriblement répressive et hypocrite (voyez l’Iran ou l’Arabie Saoudite). Je n’en veux point. Mais la doctrine a le mérite d’exister, même si on ne la suit pas systématiquement. De manière générale, la règle pour moi, même si elle n’est pas appliquée de manière très stricte, a le mérite de poser une limite entre le licite et l’illicite. La règle, par sa simple existence, permet de définir la transgression. Supprimer les règles, même au motif qu’elles sont mal respectées, est de mon point de vue une erreur.
Je vais prendre l’exemple de l’avortement: je suis favorable au droit à l’avortement, par pragmatisme. Si l’on interdit l’avortement, des femmes avorteront quand même, et dans des conditions qui mettront leur vie en danger. D’un autre côté, je comprends la position de l’Eglise sur cette question: si l’on considère que la vie est un don de Dieu, et que l’homme n’en dispose pas à sa guise, alors effectivement l’avortement est condamnable. D’un point de vue théologique, moral et philosophique, la position de l’Eglise est cohérente, et il ne faut pas qu’elle change. L’Etat, pour des raisons sanitaires, a en ce qui le concerne raison d’autoriser l’avortement: chacun est dans son rôle.
Je sais que je suis un mauvais chrétien: je ne pardonne pas à mes ennemis, je ne tends pas l’autre joue, et je peine à aimer mon prochain. Pour autant, l’Eglise ne doit pas modifier sa doctrine pour que j’ai le plaisir de me dire que je suis un bon chrétien, sinon elle n’est plus dans son rôle de directeur de conscience.
@ nationaliste-ethniciste
[« c’est une réalité, et il faut la prendre en considération » Certes, mais on n’est pas obligé de s’en réjouir.]
Je n’ai pas dit qu’il fallait s’en réjouir. C’est juste un fait qui montre que l’Eglise en tant institution estime nécessaire de faire cette concession à l’air du temps pour essayer de garder un lien avec ses fidèles. Et je fais confiance à l’Eglise pour choisir la meilleure stratégie. Elle a deux millénaires d’expérience en matière de marketing religieux.
[« Si l’Eglise accepte aujourd’hui le diaconat des femmes, ce n’est certainement pas pour les mêmes raisons qu’aux époques primitives. » Je vous l’accorde, mais le résultat est de revenir à des pratiques qui ont existé dans l’Eglise primitive. En cela, le diaconat des femmes n’est pas une innovation à proprement parler.]
Je ne suis pas d’accord. Que ce soit un retour à une FORME ancienne, je vous l’accorde. Mais une « pratique » est faite de la forme et du fond. Et le fond n’est pas du tout le même. Dire que le diaconat des femmes n’est pas une concession à l’air du temps mais un retour à la tradition me paraît pour le moins spécieux.
[Oui, mais il y a le texte et la tradition. Les deux cas que vous citez sont très anciennement ancrés dans la tradition chrétienne:]
Je vous l’accorde. Mais ici ce qui était en discussion était la différence entre la « discipline » pour laquelle vous admettez des changements, et la « doctrine » qui, elle, n’en admet pas. Puisque la position sur la question de l’indissolubilité du mariage a déjà changé une fois – fut-il en temps anciens – elle est du côté de la « discipline », et non de la « doctrine », contrairement à ce que vous semblez affirmer.
[Quant à la prêtrise réservée aux hommes, je crois me rappeler que le christianisme est issu du judaïsme: y avait-il des prêtresses au temple de Jérusalem, du temps de Salomon ou du temps d’Hérode? Je ne crois pas. La tradition vient donc de fort loin…]
Bien sur que non. Dans la tradition juive, les femmes ne sont même pas censées entrer dans la salle de la synagogue. Elles assistent aux offices dans un balcon, isolé de la salle principale par des grilles pour rendre leurs traits invisibles. Alors, une femme prêtre… ce n’était pas vraiment dans les cartes. Mais je vous rappelle que le christianisme a rompu avec beaucoup d’éléments de la tradition juive. Il aurait parfaitement pu rompre avec celui-là.
[« Mais une majorité importante l’est » Comment le savoir?]
C’est ce que montrent toutes les enquêtes d’opinion. Dans un pays ou 70% de la population est baptisée dans le culte catholique (selon une étude publié dans « La Croix » du 31/3/2015), et où 65% se déclarent catholiques, comment expliquer que 60% soient favorables au mariage homosexuel par exemple sans admettre qu’une majorité de catholiques non-pratiquants le sont, sauf à imaginer que ce serait chez les musulmans ou chez les catholiques pratiquants que les partisans du mariage homo se recrutent ?
[« Je ne vois pas de quoi vous parlez. A ma connaissance, nulle communauté juive en France ne lit la Torah dans une autre langue que l’hébreu, ou s’amuse à rectifier le rituel » Je ne suis pas expert de cette question, mais j’avais cru comprendre que certaines communautés juives libérales acceptaient des femmes comme rabbin ou pour lire la Torah (que seuls les hommes lisent normalement dans la synagogue, si je ne me trompe).]
Aux Etats-Unis, certainement, parce que c’est le pays de la religion à la carte. Pas en France. Mais je parlais de la lecture de la Torah en hébreu, pour faire le parallèle avec la mesure décidée à Vatican II de traduire le rituel en langue vernaculaire.
[« Il y a chez les juifs laïques français une « identité » qui n’est pas moins forte que celle des juifs orthodoxes. » Je veux bien vous croire, mais autour de quoi se structure cette identité? Y a-t-il des associations, des clubs de réflexion? Si ce n’est pas le cas, comment l’identité juive laïque peut éviter de se diluer dans une identité laïque commune aux athées, catholiques et protestants non pratiquants, etc?]
Bien entendu. Il y a des associations culturelles qui préservent la cuisine traditionnelle, la langue yddish, qui éditent les auteurs classiques comme Scholem Aleikhem. Il y a des clubs de réflexion qui discutent les questions communautaires – et notamment la question toujours brûlante des rapports des juifs français avec l’Etat d’Israel, qui pose en retour celle des rapports avec l’Etat français. Mon père, dieu ait son âme, ne manquait jamais les réunions de l’UJRE (« Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide »), organisation née dans la Résistance à l’ombre du PCF, et qui avait tous les ans un stand à la Fête de l’Humanité ou l’on pouvait déguster un « strudl » identique à celui de ma grand-mère.
L’élément structurant de l’identité juive laïque est l’histoire et la culture. Une culture qui n’est pas seulement populaire, mais qui est une culture savante, avec des écrivains, des philosophes, des scientifiques, des artistes qui ont développé une pensée véritablement juive. C’est peut-être en cela que la « communauté » juive laïque échappe à la logique « communautariste ». Historiquement, c’est peut-être la seule communauté à laquelle on a refusé pendant longtemps l’assimilation alors qu’elle en était demandeuse. Ce qu’il y a de particulier à cette identité, c’est qu’elle ne se définit pas comme une identité fermée. Les juifs laïques n’aspirent pas à une vie communautaire. La plupart des juifs laïques français sont exclusivement francophones et ne connaissent le yddish que par bribes. Ils ont depuis longtemps – depuis toujours, diront certains – abandonné les façons de s’habiller de leurs ancêtres.
Si la culture juive ne se dilue pas, c’est parce que son histoire agitée l’a rendue remarquablement adaptable aux changements, et donc à la modernité. Les mariages mixtes, qui sont fréquents aujourd’hui, aboutissent souvent à une « judaïsation » du conjoint catholique…
[De manière générale, la règle pour moi, même si elle n’est pas appliquée de manière très stricte, a le mérite de poser une limite entre le licite et l’illicite. La règle, par sa simple existence, permet de définir la transgression. Supprimer les règles, même au motif qu’elles sont mal respectées, est de mon point de vue une erreur.]
Nous sommes d’accord. J’avais exposé ce raisonnement je crois pour expliquer pourquoi je m’opposais à la légalisation du cannabis.
[Je vais prendre l’exemple de l’avortement: je suis favorable au droit à l’avortement, par pragmatisme. Si l’on interdit l’avortement, des femmes avorteront quand même, et dans des conditions qui mettront leur vie en danger. D’un autre côté, je comprends la position de l’Eglise sur cette question: si l’on considère que la vie est un don de Dieu, et que l’homme n’en dispose pas à sa guise, alors effectivement l’avortement est condamnable. D’un point de vue théologique, moral et philosophique, la position de l’Eglise est cohérente, et il ne faut pas qu’elle change. L’Etat, pour des raisons sanitaires, a en ce qui le concerne raison d’autoriser l’avortement: chacun est dans son rôle.]
Là je crois que vous posez un point essentiel, qui est celui de la séparation entre le domaine du religieux et le domaine civil. Une séparation qui est essentielle dans le concept de laïcité. Or, si l’on reconnaît cette séparation, on reconnaît du même coup que sur beaucoup de questions la règle religieuse et la règle civile ne soient pas alignées, sans que cela constitue un problème. Le plus paradoxal aujourd’hui, c’est que certains catholiques « progressistes » exigent la mise en conformité de la règle religieuse avec celle édictée par le pouvoir civil, ce qui revient à abolir la séparation entre les deux domaines.
[Je sais que je suis un mauvais chrétien: je ne pardonne pas à mes ennemis, je ne tends pas l’autre joue, et je peine à aimer mon prochain. Pour autant, l’Eglise ne doit pas modifier sa doctrine pour que j’ai le plaisir de me dire que je suis un bon chrétien, sinon elle n’est plus dans son rôle de directeur de conscience.]
En d’autres termes, vous donnez à l’Eglise le rôle d’un « surmoi » extérieur. Le plus intéressant, c’est que je connais des gens, communistes, pour qui le Parti jouait exactement le même rôle, avec la même conviction d’être un « mauvais communiste »…
@ Marcailloux,
Bonne et heureuse année à vous.
“Mon cas est très fréquent.”
Oui, j’ai dans ma famille des athées et des agnostiques qui sont venus à mon mariage et au baptême de ma fille parce que je le leur ai demandé. Il l’ont fait au nom des liens familiaux et affectifs qui nous unissent. Quand je parlais de “mettre les pieds à l’église”, je voulais dire à titre personnel, en dehors d’un éventuel événement familial. Je me souviens que lors de la préparation religieuse au mariage, un couple avait déclaré qu’ils n’étaient absolument pas croyants, qu’il n’était pas question de baptiser les enfants, et que s’ils allaient se marier à l’église, c’était uniquement pour avoir un décor “classe” avec la robe blanche de Madame. Permettez-moi, cher Marcailloux, de qualifier ces gens de tartuffes. C’est même pire qu’un tartuffe, puisqu’ils ont confessé devant des gens qui donnaient de leur temps pour faire réfléchir les participants à la signification chrétienne du mariage qu’ils se foutaient éperdument du christianisme. J’ai trouvé pour ma part qu’on était à la limite de l’irrespect. Au pire, ils pouvaient le penser, mais ils auraient pu s’abstenir de le dire (ce qui en aurait fait là de banals tartuffes).
Votre cas est très différent: vous vous rendez à l’église pour des événements spécifiques, du fait de relations familiales ou amicales. Je présume que vous ne vous signez pas, vous ne récitez pas le “Notre Père” ni le credo. Si vous le faisiez, alors vous seriez un tartuffe, mais ce n’est pas le cas.
“Entre une tartufferie et un mépris.”
Absolument pas. Votre attitude est empreinte du respect que vous manifestez, en tant qu’agnostique, pour les convictions religieuses de vos proches, bien que vous ne les partagiez pas. Encore une fois, j’ai plein de gens comme vous dans ma famille. Je ne vois là nulle tartufferie.
“répondant à une faiblesse fondamentale de notre espèce, celle de n’être pas en mesure d’assumer sa solitude, sa singularité”
Eh oui. Je ne suis qu’un homme… Effrayé par la solitude comme vous dites, par le trépas, l’oubli, et la perspective de redevenir poussière…
“D’un autre coté, je me félicite de ne pas ressentir la nécessité d’utiliser des « béquilles » spirituelles.”
Vous avez raison. J’étais comme vous. J’ai grandi dans une famille qui n’était pas pratiquante, mais mes parents m’ont envoyé au catéchisme. Et je dois vous avouer qu’à l’époque je protestais de devoir quitter les dessins animés pour aller “au caté”, même si l’aspect historique de ce qu’on y enseignait m’intéressait. Après la communion, j’ai totalement rompu avec l’Eglise, je n’allais jamais au culte, et j’ai même demandé à mes parents de retirer la crèche qu’ils mettaient à Noël (ce qu’ils ont fait, et ils n’auraient pas dû). J’ai tenu pendant des années des propos très anticléricaux. J’étais devenu agnostique.
Il y a quelques années, j’ai renoué avec l’Eglise. La question du mariage religieux s’est posée, au début j’y étais plutôt hostile. Ma future femme était pour (bien qu’issue d’une famille aussi peu pratiquante que la mienne, et plus anticléricale à certains égards). Là, je me suis dit: pas question de faire des simagrées hypocrites, il faut que cette cérémonie ait un sens. J’ai acheté une Bible. C’était aussi à l’époque du “mariage pour tous” et du pontificat de Benoît XVI (pour lequel j’avais une certaine sympathie), mais aussi à un moment où l’expansion de l’islam devenait problématique à mes yeux. L’hostilité au mariage pour tous (qui dévalorise à mes yeux le mariage civil en le transformant en un acte de reconnaissance de l’ “Amour”, alors que le mariage est autre chose), la peur devant la montée d’une religion étrangère, un certain désarroi devant l’évolution de la société, et aussi je dois dire une certaine lassitude du discours anti-catholique des “profs de gauche”, tout cela m’a amené à renouer avec la tradition catholique..
Et puis, il y a les vicissitudes de la vie, comme vous le signalez. Nous avons peiné à avoir notre enfant. Une semaine après sa naissance, ma grand-mère est décédée, marquant la joie du sceau de la douleur. C’est pour moi un immense chagrin de ne pas avoir pu lui amener son arrière-petite-fille une fois, juste une fois, pour qu’elle la voit et la prenne dans ses bras. Alors oui, je vais de temps en temps allumer un cierge et prier pour ma grand-mère.
“Qui est dans le vrai, à votre avis. Je me refuse à répondre à cette question. Et vous ? ? ?”
Je ne sais pas qui est dans le vrai. Mais j’espère que quelque part, ma grand-mère peut voir son arrière-petite-fille grandir. C’est mon droit d’avoir cette espérance.
@nationaliste-ethniciste
Je suis d’une certaine manière un bobo athée, mais permettez-moi d’émettre deux remarques.
> Le pape François, lui, est relativement apprécié des bobos. Il use de la rhétorique bienpensante: tolérance, défense des minorités, compassion avec les pauvres migrants.
Est-ce que vous n’êtes pas victime d’un regard occidentocentré ? Le centre de gravité du catholicisme se déplace de plus en plus vers les pays en voie de développement, et je ne suis pas sûr qu’un pape d’origine argentine prête beaucoup d’importance à la confrontation entre tradis et bobos qui défraie (parfois) la chronique de notre bon pays.
> Il est en rupture avec la tradition catholique, puisqu’il a pris un nom qui n’a jamais été porté dans les annales papales, là où son prédécesseur s’inscrivait dans un héritage en prenant un nom porté par quinze papes avant lui.
Si la tradition était vraiment ce que vous dites, les papes ne devraient-ils pas tous porter le même prénom depuis le premier d’entre eux ? Voilà ce qui m’étonne chez les tradis : l’Église a toujours montré sa capacité à innover dans la tradition, mais selon eux il faudrait qu’elle conserve dans le formol des formes fantasmées comme immuables.
@ Descartes,
“Mais je parlais de la lecture de la Torah en hébreu, pour faire le parallèle avec la mesure décidée à Vatican II de traduire le rituel en langue vernaculaire.”
Je vois ce que vous voulez dire. Mais la langue n’a pas tout à fait la même dimension dans le judaïsme et l’islam d’une part, et dans le christianisme d’autre part. La Torah ne peut être qu’en hébreu et le Coran qu’en arabe. Le Nouveau Testament, c’est déjà une autre affaire. On suppose que Jésus parlait l’araméen, mais les Évangiles, pour certains, semblent avoir été directement rédigés en grec. Ce qui me fait dire que le christianisme n’a pas vraiment de “langue de Révélation”. D’ailleurs, la Bible en latin est déjà une traduction des textes grecs…
Le problème que je signalais pour Vatican II ne concerne pas la langue de la messe (qui d’ailleurs n’est pas un point de doctrine, certains catholiques orientaux usant du syriaque ou du slavon pour leurs rites; le latin lui-même avait été adopté en Occident parce que c’était la langue vernaculaire à la fin de l’Antiquité) mais la remise en cause d’un certain nombre de rites, une forme d’ “affaiblissement” (je ne trouve pas de terme adéquat) du culte des saints, très populaire, qui, semble-t-il, a détourné des gens du catholicisme. Des gestes qui auparavant avaient une signification ont été considérés comme inutiles. Il est cependant vrai que ces traditions perdurent dans des zones rurales d’Espagne, d’Italie et du Portugal, entre autres. En France, non, j’ignore pourquoi. Peut-être que la République, avec la création des communes, a donné un socle autre que religieux pour les identités locales. Dans ce cas-là, en effet, Vatican II n’y est pour rien.
“Les mariages mixtes, qui sont fréquents aujourd’hui, aboutissent souvent à une « judaïsation » du conjoint catholique…”
Cette remarque m’interpelle. J’ai en effet le sentiment qu’aujourd’hui l’identité française “dominante”, c’est-à-dire une identité laïque teintée d’héritage catholique, pour aller vite, est de plus en plus une identité récessive. Dans les unions mixtes, l’identité du conjoint catholique tend à s’effacer au profit de l’autre identité. Vous le signalez pour les juifs laïcs, je le constate aussi avec les musulmans, pratiquants ou non: le plus souvent, les enfants nés d’unions mixtes portent des prénoms coraniques, ou bien issus des langues arabes ou turcs (pour les exemples que je connais), même lorsque le conjoint catholique ne paraît pas s’être converti. C’est ce que j’observe en tout cas dans les familles mixtes auxquelles je suis confronté dans mon travail. Et le fait que cette identité dominante cède le pas à des identités minoritaires mais plus solides en apparence n’est pas fait pour me rassurer…
J’ai d’ailleurs du mal à comprendre cela: nous avons une tradition catholique ancienne et puissante, avec des penseurs, des écrivains, des artistes, un patrimoine religieux.
@ Antoine,
“Je suis d’une certaine manière un bobo athée”
En êtes-vous sûr? Comme je sens bien que je vous ai peut-être offensé, je tiens à apporter quelques précisions. D’abord, tous les athées ne sont pas bobos, loin s’en faut. Il y a des libres-penseurs qui sont tout à fait respectables, par exemple des chevènementistes ou d’anciens communistes (Descartes, par exemple).
J’appelle “bobo” une personne ayant un niveau de vie confortable (appartenant sociologiquement aux “classes moyennes supérieures”), qui se prétend “de gauche”, c’est-à-dire qui critique les riches et les multinationales, le consumérisme et le capitalisme; cette personne a généralement une sensibilité écolo, déteste les religions, mais surtout le christianisme quand même, tout en confessant une vague sympathie pour le bouddhisme tibétain; elle adore les immigrés, le multiculturalisme et le métissages, mais, comme par hasard, habite assez loin des quartiers cosmopolites, soit qu’elle réside dans un loft de centre-ville, soit qu’elle crèche dans un pavillon cosy d’une paisible commune périurbaine; et, comme par hasard également, ses enfants fréquentent les établissements où les jeunes “basanés” amateurs de rap sont plutôt rares. A vous de voir si vous vous reconnaissez dans ce portrait…
“Est-ce que vous n’êtes pas victime d’un regard occidentocentré ?”
Comme nous tous, mon cher… Cela étant, le pape réside à Rome, en Occident. Même si de par son origine, son regard se tourne vers d’autres contrées, il n’ignore pas que l’Occident l’écoute avec une attention particulière. J’ai regardé la messe de minuit, j’ai écouté l’homélie du pape. Quand il parle de la nécessité d’accueillir des immigrés privés de leur foyer (en faisant d’ailleurs une comparaison discutable avec le cas de Marie et de Joseph à Bethléem, car ils n’étaient ni immigrés ni véritablement étrangers, étant venus dans le cadre d’un recensement), croyez-vous que le pape s’adresse aux Argentins ou aux Congolais? Allons…
“Le centre de gravité du catholicisme se déplace de plus en plus vers les pays en voie de développement”
Pas tant qu’on le dit. Le “centre de gravité” du catholicisme, c’est Rome, en Italie. Les communautés les plus anciennes, même si elles sont déclinantes, et parmi les plus riches aussi, sont en Europe. Même s’il s’implante ailleurs depuis quelques siècles déjà, je crois que le catholicisme reste profondément “occidental” et même européen. L’Argentine est d’ailleurs un des pays d’Amérique latine les plus “européens”. Comme l’islam reste très lié au monde arabe, alors que la majorité des musulmans ne sont pas Arabes aujourd’hui.
“Si la tradition était vraiment ce que vous dites, les papes ne devraient-ils pas tous porter le même prénom depuis le premier d’entre eux ?”
Au fur et à mesure du temps, un certain nombre de noms sont devenus habituels dans la papauté: Paul, Benoît, Innocent, Jean, Pie. Il y a là un petit réservoir de noms, et je ne suis pas choqué que les papes choisissent parmi ceux là en priorité.
“Voilà ce qui m’étonne chez les tradis : l’Église a toujours montré sa capacité à innover dans la tradition, mais selon eux il faudrait qu’elle conserve dans le formol des formes fantasmées comme immuables.”
D’abord, je ne suis pas un “tradi”, terme qui désigne les intégristes catholiques. Ensuite, il y a innovation et innovation. Il est vrai que le pape a choisi un nom qui fait référence à l’illustre Saint François d’Assise. J’étais un peu excessif en disant qu’il était en rupture avec la tradition.
@ nationaliste-ethniciste
Bonjour,
Des tartuffes « tartuffent » dans tous les milieux, aussi bien laïcs que religieux. À mon sens, ceux religieux pratiquants qui s’y adonnent sont plus répréhensibles que les laïcs, athées ou agnostiques. Ces derniers ne sont pas tenus par le même devoir de respect de principes auxquels ils n’ont pas adhéré. Sur le reste nous nous rejoignons.
Respectant absolument votre foi récente je l’estime sincère. Peut-être est-ce vous qui êtes dans le vrai.
Cependant je m’interroge sur vos motivations. Ne sont-elles pas en contradiction ontologique avec les fondements même de la religion catholique quand votre foi survient en opposition à des évènements tels le mariage pour tous, la montée de l’islam, l’anticléricalisme, etc . . . . . . .Qu’en est-il de la tolérance, de la charité, du droit à l’erreur, du pardon ?
Je partage beaucoup de convictions avec vous sur ces sujets. Cependant, par exigence de liberté je me refuse d’adhérer à quelque dogme que ce soit, à quelque appartenance ou mouvance me dictant mes opinions. Par principe de tolérance, je ne cherche pas à entraver autrement que par l’argumentation objective et factuelle, les convictions d’autrui.
L’intolérance n’est pas efficiente pour combattre l’intolérance ou l’obscurantisme. C’est frustrant, je le sais bien, et comme vous en serez, j’imagine, convaincu, la passion ne doit pas prendre le pas sur la raison.
@ nationaliste-ethniciste
[Je vois ce que vous voulez dire. Mais la langue n’a pas tout à fait la même dimension dans le judaïsme et l’islam d’une part, et dans le christianisme d’autre part. La Torah ne peut être qu’en hébreu et le Coran qu’en arabe. Le Nouveau Testament, c’est déjà une autre affaire. On suppose que Jésus parlait l’araméen, mais les Évangiles, pour certains, semblent avoir été directement rédigés en grec. Ce qui me fait dire que le christianisme n’a pas vraiment de “langue de Révélation”. D’ailleurs, la Bible en latin est déjà une traduction des textes grecs…]
Il y a en effet une différence entre la Torah et le Coran d’une part, la Bible chrétienne d’autre part. La Torah et le Coran sont des textes révélés. Ils sont censés avoir été dictés par la divinité elle-même, et la langue dans laquelle ils ont été dictés fait donc partie intégrante de la révélation. L’interdiction de modifier une seule lettre de la Torah interdit en principe sa traduction. La Bible chrétienne, elle, est une œuvre humaine. Elle a été écrite par des hommes, témoins des faits qu’ils relatent, dans la langue qui était usuelle pour eux. Je vous concède le point.
[Le problème que je signalais pour Vatican II ne concerne pas la langue de la messe (…) mais la remise en cause d’un certain nombre de rites, une forme d’ “affaiblissement” (je ne trouve pas de terme adéquat) du culte des saints, très populaire, qui, semble-t-il, a détourné des gens du catholicisme.]
Je vois ce que vous voulez dire, mais je n’ai pas l’impression que cette mise au deuxième plan du culte des saints locaux soit vraiment une conséquence de Vatican II. L’église a essayé dès le moyen-âge d’uniformiser les références et particulièrement la liste des saints. C’est surtout la contre-réforme qui a mis de l’ordre là-dedans, instituant une liste « officielle » des saints et chassant – avec plus ou moins de bonheur – une longue série de saints locaux, dont beaucoup avait une origine païenne et permettaient la survivance de rites magiques qui n’ont pas grande chose à voir avec le catholicisme.
[Des gestes qui auparavant avaient une signification ont été considérés comme inutiles.]
Pourriez-vous donner un exemple ?
[Il est cependant vrai que ces traditions perdurent dans des zones rurales d’Espagne, d’Italie et du Portugal, entre autres. En France, non, j’ignore pourquoi. Peut-être que la République, avec la création des communes, a donné un socle autre que religieux pour les identités locales. Dans ce cas-là, en effet, Vatican II n’y est pour rien.]
Je pense surtout que la pensée cartésienne, diffusée par l’Ecole de la République, a rendu démodés ou ridicules les manifestations magiques qui accompagnent cette religion « populaire ». Les statues qui pleurent des larmes de sang, les saints qui vous trouvent du travail parce que vous leur touchez le pied, tout ça fait superstition. La religion chez les français subsiste essentiellement comme tradition et comme consolation, notamment devant la mort. Mais on ne met plus la statue du saint dans une bassine d’eau pour faire arrêter la pluie.
[Cette remarque m’interpelle. J’ai en effet le sentiment qu’aujourd’hui l’identité française “dominante”, c’est-à-dire une identité laïque teintée d’héritage catholique, pour aller vite, est de plus en plus une identité récessive. Dans les unions mixtes, l’identité du conjoint catholique tend à s’effacer au profit de l’autre identité. Vous le signalez pour les juifs laïcs, je le constate aussi avec les musulmans, pratiquants ou non: le plus souvent, les enfants nés d’unions mixtes portent des prénoms coraniques, ou bien issus des langues arabes ou turcs (pour les exemples que je connais), même lorsque le conjoint catholique ne paraît pas s’être converti.]
Oui et non. Il y a dans notre société un certain culte de l’exotisme, de la « différence » pour la différence même. C’est plus valorisant de se distinguer de la masse, et c’est pourquoi lorsqu’il y a un choix entre l’identité « dominante » et les identités minoritaires, on choisit souvent la culture minoritaire. Mais il faut ici faire une différence importante entre l’identité des juifs laïques et celle des autres « minorités ». L’identité des juifs laïques ne se construit pas CONTRE la société d’accueil, mais au contraire c’est le fruit complexe d’une assimilation particulière, qui est totale dans la sphère publique mais pas dans la sphère privée. Les juifs laïcs ne tiennent pas à marquer publiquement leur « judéité ». Ils ne portent aucun signe distinctif, kipa ou tefilin, ils tendent à « franciser » les prénoms typiquement juifs (combien de « Maurice » sont en fait des « Moïse », combien de « Paul » sont en fait des « Saul »…) ou bien de donner un premier prénom « français » suivi d’un deuxième prénom « juif » (c’est le cas dans ma famille, et cela alors même que mes parents sont tous deux juifs, comme le sont mes quatre grands-parents). Les minorités arabes ou turques revendiquent au contraire un rapport conflictuel à la société d’accueil.
[J’ai d’ailleurs du mal à comprendre cela: nous avons une tradition catholique ancienne et puissante, avec des penseurs, des écrivains, des artistes, un patrimoine religieux.]
Je vous rassure, c’est ce patrimoine qui s’impose. On a beau donner à ses enfants des prénoms traditionnels, on ne voit pas ces gens lire les penseurs, les écrivains, les artistes venus de ces traditions.
@nationaliste-ethniciste
> En êtes-vous sûr? Comme je sens bien que je vous ai peut-être offensé, je tiens à apporter quelques précisions. D’abord, tous les athées ne sont pas bobos, loin s’en faut. Il y a des libres-penseurs qui sont tout à fait respectables, par exemple des chevènementistes ou d’anciens communistes (Descartes, par exemple).
Hum, hum… entre toutes ces catégories, difficile de choisir (ou plutôt de me ranger). Membre des classes moyennes supérieures, je corresponds à la facette économique de votre « bobo », pas vraiment à sa facette idéologique.
> Quand il parle de la nécessité d’accueillir des immigrés privés de leur foyer (en faisant d’ailleurs une comparaison discutable avec le cas de Marie et de Joseph à Bethléem, car ils n’étaient ni immigrés ni véritablement étrangers, étant venus dans le cadre d’un recensement), croyez-vous que le pape s’adresse aux Argentins ou aux Congolais?
Je n’avais pas regardé l’homélie du pape et je dois admettre que d’une manière générale, ce que disent les responsables religieux ne m’importent guère. Notez tout de même qu’il existe beaucoup de migrations entre pays du Sud (surtout en Afrique), même si on n’en parle pas par chez nous, et je doute que cela n’y provoque pas de fortes tensions.
Mais le message religieux fonctionne souvent par comparaison édifiante et, dans cette optique, la question de la nationalité (si ce mot peut avoir un sens en contexte) de Marie et Joseph n’a pas d’importance. Le message en substance semble être : parmi ces immigrés figurent peut-être des saints, comment pouvez-vous avoir le cœur de leur refuser l’hospitalité ?
Par ailleurs, je suis étonné que vous vous étonniez que l’église catholique porte un message de compassion un peu simpliste, voire niais ou sirupeux. Ce n’est tout de même pas nouveau. J’ai du mal à imaginer un hiérarque catholique prêcher la fermeté vis-à-vis des migrants ou des demandeurs d’asile, quoiqu’il pense en privé.
@ Antoine
[Mais le message religieux fonctionne souvent par comparaison édifiante et, dans cette optique, la question de la nationalité (si ce mot peut avoir un sens en contexte) de Marie et Joseph n’a pas d’importance. Le message en substance semble être : parmi ces immigrés figurent peut-être des saints, comment pouvez-vous avoir le cœur de leur refuser l’hospitalité ?]
Comme raisonnement, il est assez douteux. Du point de vue catholique, si les romains au lieu de crucifier Jésus l’avaient laissé gentiment prêcher sans entraves, il n’aurait pas pu souffrir sur la croix pour racheter nos péchés, et nous serions tous damnés. Pour pouvoir être martyr, encore faut-il qu’il y ait quelqu’un qui accepte de vous martyriser…
Je pense que le point soulevé par N-E est parfaitement valable. Lorsque Marie et Joseph vont à Bethléem, ce ne sont pas des migrants. Tout le contraire : ils rentrent chez eux puisque la loi romaine prévoyait qu’on se fasse recenser sur la ville d’où on était originaire. Tirer de cet épisode une quelconque leçon édifiante sur l’accueil des migrants semble dépasser toute logique.
[Par ailleurs, je suis étonné que vous vous étonniez que l’église catholique porte un message de compassion un peu simpliste, voire niais ou sirupeux. Ce n’est tout de même pas nouveau.]
Pas nouveau, mais pas non plus si ancien que ça. Jusqu’aux années 1980, le message de l’église envers les communistes, par exemple, n’était pas précisément empreint de « compassion », simpliste ou pas. Et elle n’hésitait pas à menacer des foudres de l’enfer ceux qui se risqueraient à mettre le mauvais bulletin dans l’urne. Je vous conseille aussi de lire quelques homélies des évêques argentins sous le règne de Videla, et vous trouverez de nombreux discours faisant l’éloge « du glaive qui fait courir des fleuves de sang purificateur ».
[J’ai du mal à imaginer un hiérarque catholique prêcher la fermeté vis-à-vis des migrants ou des demandeurs d’asile, quoiqu’il pense en privé.]
Je crois me souvenir qu’ils n’hésitaient pas à prêcher la fermeté, et même plus, vis-à-vis des communistes. Mais il est vrai que contrairement aux communistes, les demandeurs d’asile ne risquent pas de porter atteinte aux intérêts de l’Eglise catholique… au contraire !
@Descartes
> Comme raisonnement, il est assez douteux. Du point de vue catholique, si les romains au lieu de crucifier Jésus l’avaient laissé gentiment prêcher sans entraves, il n’aurait pas pu souffrir sur la croix pour racheter nos péchés, et nous serions tous damnés.
Le message de nationaliste-ethniciste (et la référence attribuée au pape François) se rapporte à Marie et Joseph, pas à Jésus.
> Je pense que le point soulevé par N-E est parfaitement valable. Lorsque Marie et Joseph vont à Bethléem, ce ne sont pas des migrants.
Ce n’est valable que parce que, pour vous (ou pour nationaliste-ethniciste), le caractère « migrant » est un point important de distinction. Mais dans l’optique de la doctrine chrétienne, je ne vois pas pourquoi une telle distinction aurait un intérêt. La seule chose qui puisse distinguer les migrants aux yeux du christianisme, c’est qu’ils soient victimes de persécutions diverses (et donc, en tant que tels, dignes d’une attention particulière).
> Jusqu’aux années 1980, le message de l’église envers les communistes, par exemple, n’était pas précisément empreint de « compassion », simpliste ou pas.
Oui, enfin, le communisme (tel qu’il s’exerçait en Europe de l’Est, et certainement aussi tel que pratiqué par certains militants d’Europe de l’Ouest) considérait la religion comme un ennemi à abattre. L’Église n’est pas folle au point de prêcher la compassion vis-à-vis de gens qui menacent son existence même. La comparaison avec les « migrants » n’a pas lieu d’être, car ils ne sont qu’une masse désorganisée et non une organisation politique qui menace l’existence de l’Église.
@Antoine (07/01/2018 18:22)
[J’ai du mal à imaginer un hiérarque catholique prêcher la fermeté vis-à-vis des migrants ou des demandeurs d’asile, quoiqu’il pense en privé.]
Cardinal Sarah :
“Chaque nation a le droit de faire la distinction entre les réfugiés authentiques et les migrants économiques qui ne partagent pas la culture de cette nation” (1)
“Les statistiques montrent qu’il y aura dans un avenir très proche un grave déséquilibre culturel, religieux et démographique en Occident. L’Occident, décadent, sans enfants, sans familles, disparaîtra, noyé et éliminé par une population d’origine islamique.” (2)
Alors je ne sais pas s’il “prêche la fermeté” mais rien que ce discours suffit à beaucoup pour vous classer à l’extrême droite.
Lui ça passe, il est Guinéen.
(1) http://www.fdesouche.com/898067-cardinal-sarah-nation-a-droit-de-faire-distinction-entre-refugie-authentique-migrant
(2) http://www.fdesouche.com/778337-cardinal-sarah-loccident-renie-ses-racines-chretiennes
@ Antoine
[Le message de nationaliste-ethniciste (et la référence attribuée au pape François) se rapporte à Marie et Joseph, pas à Jésus.]
Je crois que vous n’avez pas compris mon commentaire. Ce que je voulais dire c’est que pour l’Eglise catholique, la rédemption et donc la sainteté sont intimement liés à la souffrance et à la pauvreté Et c’est pourquoi, si les habitants de Bethléem au lieu de refuser l’hospitalité à Marie et Joseph – comme leur reproche le Pape dans son analogie – les avaient accueillis à bras ouverts, l’imagerie chrétienne aurait souffert. L’imagerie chrétienne a besoin que Jesus naisse dans une mangeoire. Imaginez-vous le rédempteur du monde naissant dans une maison bourgeoise et vivant une vie d’enfant gâté ?
D’une certaine manière, pour que l’imagerie chrétienne fonctionne il FAUT que les gens soient méchants avec Marie et Joseph, de la même manière qu’il FAUT que Judas trahisse le Christ et que les romains le crucifient. Autrement, le récit ne marche pas. En d’autres termes, nous pourrions dire que « s’il y a des sains parmi les migrants », en leu refusant notre hospitalité nous rendons cette « sainteté » possible.
[« Je pense que le point soulevé par N-E est parfaitement valable. Lorsque Marie et Joseph vont à Bethléem, ce ne sont pas des migrants ». Ce n’est valable que parce que, pour vous (ou pour nationaliste-ethniciste), le caractère « migrant » est un point important de distinction.]
Je regrette, mais c’est le Pape qui a fait la distinction, pas nous. C’est lui qui a fait l’analogie entre le voyage de Marie et Joseph à Bethleem et la situation des migrants.
[« Jusqu’aux années 1980, le message de l’église envers les communistes, par exemple, n’était pas précisément empreint de « compassion », simpliste ou pas ». Oui, enfin, le communisme (tel qu’il s’exerçait en Europe de l’Est, et certainement aussi tel que pratiqué par certains militants d’Europe de l’Ouest) considérait la religion comme un ennemi à abattre.]
Et alors ? N’est ce pas l’Eglise qui nous invite à « tendre l’autre joue » ? Je trouve que votre lecture de la doctrine est à géométrie assez variable… Si la « compassion » est sélective, je vois mal pourquoi on ne pourrait appliquer aux migrants les mêmes critères qu’on apportait hier aux communistes ou aux hérétiques…
[L’Église n’est pas folle au point de prêcher la compassion vis-à-vis de gens qui menacent son existence même.]
En d’autres termes, la « compassion » de l’Eglise ne s’applique qu’aux gens qui ne menacent pas ses intérêts. C’était bien ce que je voulais démontrer.
@Descartes
> L’imagerie chrétienne a besoin que Jesus naisse dans une mangeoire. Imaginez-vous le rédempteur du monde naissant dans une maison bourgeoise et vivant une vie d’enfant gâté ?
Apparemment vous avez décidé de faire les questions et les réponses… Je ne vois pas qui a parlé de « naître dans une maison bourgeoise et vivant une vie d’enfant gâté ». Vous ne faites que manier un épouvantail.
> Ce que je voulais dire c’est que pour l’Eglise catholique, la rédemption et donc la sainteté sont intimement liés à la souffrance et à la pauvreté
Oui, et alors ? Vous faites une caricature ici : ce n’est pas parce que quelqu’un « accueillerait » des migrants que tout d’un coup leur pauvreté et leurs souffrances (supposées) disparaîtraient. Avec votre argument, un saint ne devrait jamais avoir reçu l’aide de personne, et il ne faudrait jamais l’aider (sous peine de lui faire perdre sa sainteté), ce qui est absurde.
> En d’autres termes, nous pourrions dire que « s’il y a des sains parmi les migrants », en leu refusant notre hospitalité nous rendons cette « sainteté » possible.
Votre phrase est contradictoire : s’il y a des « saints » qui le sont déjà, alors ils n’ont pas besoin de vous pour le devenir.
> Je regrette, mais c’est le Pape qui a fait la distinction, pas nous
Je regrette, mais je ne fais confiance ni à votre interprétation du discours du pape, ni à celle de nationaliste-ethniciste qui, obnubilé par la question migratoire, a considéré que c’était là l’élément important.
> Et alors ? N’est ce pas l’Eglise qui nous invite à « tendre l’autre joue » ?
A-t-elle invité à le faire en toutes circonstances, y compris lorsque notre propre vie était en danger ? Je n’ai pas entendu dire que l’Eglise appelle ses fidèles au martyr, loin de là.
> Je trouve que votre lecture de la doctrine est à géométrie assez variable…
Et moi, je trouve vos procédés lassants par moments. Bonne soirée à vous.
@ Marcailloux,
“Cependant je m’interroge sur vos motivations. Ne sont-elles pas en contradiction ontologique avec les fondements même de la religion catholique quand votre foi survient en opposition à des évènements tels le mariage pour tous, la montée de l’islam, l’anticléricalisme, etc . . . . . . .Qu’en est-il de la tolérance, de la charité, du droit à l’erreur, du pardon ?”
Comme je l’ai expliqué à Descartes, j’ai dit que j’étais chrétien, je n’ai pas dit que j’étais un bon chrétien… Peut-être que je vais à l’église pour de “mauvaises” raisons. Cela étant, la tolérance est une valeur très récente dans l’Eglise catholique. Pensez aux Croisades et à l’Inquisition: s’il faut se garder des légendes noires qui poussent à la repentance (et qui omettent de remettre les faits dans leur contexte), force est de constater que le christianisme militant s’est fait parfois militaire dans le passé. Saint Thomas d’Aquin justifie d’ailleurs la violence quand il s’agit de se défendre. Urbain II ne disait pas autre chose en 1095 lorsqu’il prêcha la 1ère Croisade: les Turcs étaient – déjà – aux portes de Constantinople et l’empereur byzantin avait très officiellement réclamé de l’aide.
“Par principe de tolérance, je ne cherche pas à entraver autrement que par l’argumentation objective et factuelle, les convictions d’autrui.”
Je ne porte aucun jugement sur les convictions de chacun. Mais l’islam est instrumentalisé par certains musulmans vivant en France, qui en font un point de crispation avec le reste de la société et qui cherche l’affrontement en multipliant les provocations. Le monde musulman confronté à une modernité exogène qui lui fait peur est en crise, et cela n’aide pas. Un certain nombre de binationaux sont tiraillés entre deux cultures qui ne s’accordent guère. Oui, renouer avec la religion de mes ancêtres, cultiver mon héritage catholique, c’est ma façon de répondre à tous ces gens qui m’em… avec leur islam. C’est ma façon de résister, de préserver ce que je crois être une certaine identité de la France.
La différence, c’est que moi je ne désire pas un retour du religieux dans la sphère publique. Je ne porte pas de signes religieux ostensibles dans la rue. Je ne fais pas la chasse aux mécréants. Je n’impose rien à personne. Simplement, j’estime que la tradition catholique mériterait un peu plus de respect, notamment de la part de ceux qui nous expliquent que les musulmans, les bouddhistes, les hindouistes, etc, ont droit au respect, eux. Le catholicisme n’est pas “une religion parmi d’autres”. C’est historiquement LA religion qui a façonné la culture et le patrimoine français. Il ne faudrait pas l’oublier.
@ Antoine,
“Membre des classes moyennes supérieures, je corresponds à la facette économique de votre « bobo », pas vraiment à sa facette idéologique”
Alors vous n’êtes tout simplement pas un bobo.
“Notez tout de même qu’il existe beaucoup de migrations entre pays du Sud (surtout en Afrique), même si on n’en parle pas par chez nous, et je doute que cela n’y provoque pas de fortes tensions.”
Evidemment. Demandez aux Sud-africains ce qu’ils pensent des immigrés zimbabwéens, ou aux Ivoiriens s’ils apprécient les immigrés burkinabés… Je me souviens d’un de mes professeurs de géographie qui nous avait dit: “vous n’imaginez pas la xénophobie voire le racisme qu’il peut y avoir en Afrique entre Africains”. Et pourtant, je ne suis pas convaincu que le pape s’adressait en priorité aux Africains.
“parmi ces immigrés figurent peut-être des saints, comment pouvez-vous avoir le cœur de leur refuser l’hospitalité ?”
Parmi ces immigrés figurent surtout des musulmans (en tout cas si l’on considère les réfugiés qui fuient les conflits au sud et à l’est du Bassin méditerranéen). Je ne vois pas comment ces gens pourraient devenir des saints de l’Eglise catholique…
“Par ailleurs, je suis étonné que vous vous étonniez que l’église catholique porte un message de compassion un peu simpliste, voire niais ou sirupeux. Ce n’est tout de même pas nouveau.”
Tout dépend de ce que vous appelez “nouveau”. A l’échelle de près de deux mille ans de christianisme, excusez-moi de vous dire que le discours “de compassion un peu simpliste, voire niais ou sirupeux” de l’Eglise est très récent. Nous parlons quand même d’une institution, l’Eglise catholique, qui a lancé les Croisades, mis en place l’Inquisition, combattu avec énergie le protestantisme, converti plus ou moins de force les deux tiers du continent américain… Je suis résolument opposé à toute repentance et j’assume cet héritage, je le revendique même, mais le fait est que l’Eglise a estimé plus d’une fois que la “compassion” n’était pas une priorité…
@ Antoine
[Apparemment vous avez décidé de faire les questions et les réponses… Je ne vois pas qui a parlé de « naître dans une maison bourgeoise et vivant une vie d’enfant gâté ».]
Si vous relisez l’échange, vous verrez que c’est moi qui a parlé de « naître dans une maison bourgeois et vivant une vie d’enfant gâté ». Et je ne vois pas en quoi cela reviendrait à « faire les questions et les réponses ». Mon point, c’était que l’imagerie chrétienne repose sur la souffrance comme moyen de rédemption. Etre maltraité, c’est d’une façon accéder à la sainteté. Si Jésus était né dans une maison bourgeoise, s’il avait vécu richement et était mort à un âge avancé dans son lit, les évangiles n’auraient pas grande chose à raconter d’édifiant.
C’est pourquoi cette idée qu’il pourrait « y avoir des saints parmi les migrants » est si naturelle dans la vision chrétienne. A priori, il n’y a aucune raison qu’il y ait plus de « saints » parmi les migrants que parmi les milliardaires. Sauf que… les migrants souffrent, et les milliardaires non. D’où la multiplication des saints chez les uns et pas chez les autres. Vous n’avez pas entendu « on verra plutôt un chameau passer par le chas d’une aiguille qu’un riche rentrer au royaume des cieux » ?
[Oui, et alors ? Vous faites une caricature ici : ce n’est pas parce que quelqu’un « accueillerait » des migrants que tout d’un coup leur pauvreté et leurs souffrances (supposées) disparaîtraient.]
En tout cas, incontestablement elles se verraient très largement atténuées, réduisant leurs chances de prétendre à la sainteté.
[Avec votre argument, un saint ne devrait jamais avoir reçu l’aide de personne, et il ne faudrait jamais l’aider (sous peine de lui faire perdre sa sainteté), ce qui est absurde.]
Pas si absurde que ça. Vous noterez que si l’histoire des saints est très prolixe sur des cas de saints aidant les autres, elle se fait très discrète sur l’aide que les saints eux-mêmes ont pu recevoir.
[« En d’autres termes, nous pourrions dire que « s’il y a des sains parmi les migrants », en leur refusant notre hospitalité nous rendons cette « sainteté » possible ». Votre phrase est contradictoire : s’il y a des « saints » qui le sont déjà, alors ils n’ont pas besoin de vous pour le devenir.]
Pas du tout. La sainteté, comme la virginité, peut se perdre. Si nous enrichissons les migrants, nous leur barrons la route du royaume des cieux, sauf à trouver un moyen d’enfiler un chameau par le chas d’une aiguille…
[Je regrette, mais je ne fais confiance ni à votre interprétation du discours du pape, ni à celle de nationaliste-ethniciste qui, obnubilé par la question migratoire, a considéré que c’était là l’élément important.]
Ce n’est pas une question de confiance, c’est une question de lire le discours.
[« Et alors ? N’est ce pas l’Eglise qui nous invite à « tendre l’autre joue » ? ». A-t-elle invité à le faire en toutes circonstances, y compris lorsque notre propre vie était en danger ?]
Tout à fait. Elle cite en exemple la vie d’innombrables martyrs qui ont fait exactement cela. Pourquoi à votre avis, si ce n’est pas avec l’espoir de nous voir imiter leur exemple ?
@ Antoine,
Habituellement, je ne réponds qu’à un commentaire qui m’est directement adressé, mais un élément de votre réponse à Descartes appelle une remarque de ma part:
“mais je ne fais confiance ni à votre interprétation du discours du pape, ni à celle de nationaliste-ethniciste qui, obnubilé par la question migratoire, a considéré que c’était là l’élément important.”
D’abord, je n’ai pas interprété: le pape a comparé les migrants à Marie et Joseph arrivant à Bethléem. Si vous ne me croyez pas, écoutez l’homélie en question. Imaginons que vous viviez à Paris et que vous soyez né dans un village de Bourgogne. Vous retournez brièvement dans ce village pour vous faire recenser, avant de repartir chez vous. Diriez-vous de bonne foi que vous êtes un migrant? Après le recensement, Joseph, Marie et Jésus sont rentrés à Nazareth, où ils habitaient, et Jésus a grandi là… Quand je dis que la comparaison est discutable, pardon, ce n’est pas une interprétation, si on regarde les textes, c’est effectivement très contestable. Le voyage de Joseph et Marie n’a rien d’une migration. Ils sont juifs, et en tant que tels, ne sont pas vraiment étrangers en Judée.
Ensuite, en effet, ne vous en déplaise, je suis “obnubilé” par la question migratoire. Parce que je suis confronté au quotidien au communautarisme des populations immigrées, pas dans une grande métropole, mais dans le quartier près de chez moi de ma petite ville de province, où kebabs et salles de prière se multiplient. Chaque année, lorsque je prends connaissance des listes d’élèves, je constate de plus en plus de noms et de prénoms qui ne sont pas à consonance française. Cette année, et c’est la première fois pour moi, des élèves de 6ème contestent des points de mon programme en invoquant le Coran. Il y a des endroits où cela fait des années que c’est ainsi.
La majorité des gens, dont vous êtes je pense, sont aveugles à ces problèmes, mais croyez-moi, le pire est à venir. Alors, ceux qui comme moi sont obnubilés compensent quelque peu ceux qui ne voient pas l’éléphant dans le couloir…
@ nationaliste-ethniciste
[Cette année, et c’est la première fois pour moi, des élèves de 6ème contestent des points de mon programme en invoquant le Coran.]
Excusez ma curiosité, mais quels sont les points qui sont ainsi contestés ? Dans quelle matière ?
@ Descartes,
“Excusez ma curiosité, mais quels sont les points qui sont ainsi contestés ? Dans quelle matière ?”
En histoire, les nouveaux programmes ont réintroduit la préhistoire. Le premier chapitre concerne l’apparition de l’homme et son expansion sur la Terre depuis le “berceau” africain. Nous parlons également des autres espèces humaines qui ont existé (erectus, neandertal…). Un élève m’a expliqué que “pour nous les musulmans, il n’y a que Dieu qui est naturel et il a créé tout le reste. D’ailleurs la science peut se tromper.” Et comme je suis obligé de présenter avec prudence les hypothèses sur l’apparition de l’homme, car de nouvelles découvertes peuvent remettre en question les schémas explicatifs actuels, cela alimente le scepticisme de certains élèves. Plutôt musulmans, comme par hasard.
Et cette méfiance vis-à-vis de la “science” s’étend à d’autres thèmes: un élève (musulman toujours) m’explique qu’on s’est peut-être trompé en déchiffrant l’écriture cunéiforme et que donc les traductions des tablettes mésopotamiennes pourraient être fausses. Il est très difficile de répondre à ce genre d’argument, car j’ai beaucoup travaillé sur la Mésopotamie ancienne ces derniers temps, mais je n’ai pas le niveau suffisant pour connaître précisément selon quelle modalité le cunéiforme a été déchiffré. Et du coup, je m’aperçois d’une chose à laquelle je n’avais jamais réfléchi auparavant, tant c’était une évidence pour moi: l’enseignement repose sur la confiance que l’on a dans les connaissances et compétences de ses professeurs. Or cette confiance, certains de mes élèves musulmans, je le sens, ne l’ont pas.
La dernière en date concerne le même élève qui s’étonne que les Sumériens aient été polythéistes, alors qu’ils vivaient dans un pays musulman (l’Irak). Je lui réponds que l’islam n’existait pas à cette époque, puisqu’on est bien avant l’époque du Prophète Muhammad. Et il n’y a pas de musulmans avant Muhammad. Mais l’élève me répond que si, puisque Muhammad est le dernier prophète, donc il y avait des musulmans avant… (c’est en effet une théorie qui a cours chez certains musulmans, comme quoi des personnages bibliques sont vus à tort comme juifs ou chrétiens, alors qu’ils devraient être considérés comme musulmans). Et la discussion est sans fin. Lors des premières contestations, j’ai pris le temps d’argumenter, j’avoue que maintenant je coupe court. J’ai même dit à cet élève dans un moment d’agacement: “si tu n’as pas confiance dans ce que je t’enseigne, inscris-toi dans une autre école.”
Comme il faut ménager les convictions religieuses des élèves (je ne peux pas décemment leur dire que le Coran est un tissu d’âneries, et que la Genèse doit être lue comme un récit mythologique et non comme une thèse scientifique) et qu’ils sont à un âge où ils peinent à comprendre que la religion et la science ne répondent pas aux mêmes préoccupations (ce qui fait que la contradiction entre les deux n’est pas grave au fond), il est bien difficile de trouver les mots justes.
@Descartes
[Mon point, c’était que l’imagerie chrétienne repose sur la souffrance comme moyen de rédemption. Etre maltraité, c’est d’une façon accéder à la sainteté.]
Et vous croyez qu’imposer aux européens les souffrances directes causées par certains migrants et les souffrances indirectes causées par les migrants dans leur ensemble, c’est dans leur esprit un moyen de nous « racheter » ?
Parce que si je n’ai pas encore vu de « saint » parmi les migrants, j’ai vu passer de bien belles ordures.
Et à termes, je ne vois que des choses bien moches susceptibles de sortir de telles politiques…
@ nationaliste-ethniciste
[En histoire, les nouveaux programmes ont réintroduit la préhistoire. Le premier chapitre concerne l’apparition de l’homme et son expansion sur la Terre depuis le “berceau” africain. Nous parlons également des autres espèces humaines qui ont existé (erectus, neandertal…). Un élève m’a expliqué que “pour nous les musulmans, il n’y a que Dieu qui est naturel et il a créé tout le reste. D’ailleurs la science peut se tromper.”]
Pardonnez-moi si je me mêle d’un métier qui n’est pas le mien, mais je trouve que cette contestation vous donne une ouverture extraordinaire. Le fait qu’il vous dise « pour nous les musulmans le monde est comme ci ou comme ça » vous permet d’introduire la différence entre fait et croyance. Parce que si le monde a été créé par Allah (ou par Yahve, ou par Zeus, ou par Mitra, ou par le Big Bang), alors cela est vrai pour tout le monde, indépendamment de ce qu’on croit ou pas. La croyance n’a pas le pouvoir de changer les faits.
L’autre élément intéressant dans la remarque de votre élève est c’est cette idée que la science « peut se tromper ». Bien sûr, la science peut se tromper. C’est même ce qui fait la science (si je me réfère à Popper). Mais dans sa capacité à se tromper réside sa capacité à se corriger. Un scientifique qui trouve que la réalité réfute sa théorie change sa théorie. Un religieux qui trouve que la réalité réfute sa croyance refuse la réalité.
Mais j’imagine que développer ces points pendant le cours n’est pas aussi évident que cela peut paraître dans ce blog…
[Et cette méfiance vis-à-vis de la “science” s’étend à d’autres thèmes: un élève (musulman toujours) m’explique qu’on s’est peut-être trompé en déchiffrant l’écriture cunéiforme et que donc les traductions des tablettes mésopotamiennes pourraient être fausses. Il est très difficile de répondre à ce genre d’argument,]
Je trouve que c’est au contraire très facile. Si on a pu se tromper en déchiffrant l’écriture cunéiforme, on a pu aussi se tromper en consignant les sourates du Coran (car il faut rappeler aux élèves que le Coran n’a été consigné par écrit que plusieurs années après la mort de Mahomet, et cela en faisant confiance à la mémoire de hommes qui avaient – ou qui affirmaient avoir – entendu réciter le texte par celui-ci). Après tout, si l’erreur est humaine, elle affecte tous les domaines et tous les hommes…
La meilleure défense de la science n’est pas qu’elle a toujours raison, au contraire. La meilleure défense de la science est que lorsqu’elle se trompe, elle corrige son erreur. Qu’elle confronte en permanence ses hypothèses à l’expérience, et que lorsque l’expérience falsifie une théorie on modifie la théorie. Et de ce fait, si une théorie scientifique ne reflète pas exactement la vérité, elle reste la meilleure approximation de la vérité dont on dispose.
[car j’ai beaucoup travaillé sur la Mésopotamie ancienne ces derniers temps, mais je n’ai pas le niveau suffisant pour connaître précisément selon quelle modalité le cunéiforme a été déchiffré. Et du coup, je m’aperçois d’une chose à laquelle je n’avais jamais réfléchi auparavant, tant c’était une évidence pour moi: l’enseignement repose sur la confiance que l’on a dans les connaissances et compétences de ses professeurs. Or cette confiance, certains de mes élèves musulmans, je le sens, ne l’ont pas.]
Oui, l’enseignement repose sur la confiance que l’étudiant a, non pas dans le professeur, mais dans l’institution dont le professeur n’est finalement qu’un agent. Mais cette confiance se construit, et se construit d’abord par la rigueur intellectuelle. Le professeur doit expliquer que le savoir qu’il expose n’est pas un savoir révélé et dont la véracité est garantie, mais un savoir qui cherche à approcher la vérité, et qui l’approche par le biais du doute cartésien, de la méthode expérimentale, de la confrontation avec les documents, les preuves, les témoignages. La confiance qu’on demande à l’élève n’est pas la confiance dans un corpus, mais a confiance dans une méthode.
[La dernière en date concerne le même élève qui s’étonne que les Sumériens aient été polythéistes, alors qu’ils vivaient dans un pays musulman (l’Irak). Je lui réponds que l’islam n’existait pas à cette époque, puisqu’on est bien avant l’époque du Prophète Muhammad. Et il n’y a pas de musulmans avant Muhammad. Mais l’élève me répond que si, puisque Muhammad est le dernier prophète, donc il y avait des musulmans avant… (c’est en effet une théorie qui a cours chez certains musulmans, comme quoi des personnages bibliques sont vus à tort comme juifs ou chrétiens, alors qu’ils devraient être considérés comme musulmans). Et la discussion est sans fin.]
Mais faut-il entrer dans ce genre de débat théologique ? Car le FAIT historique, c’est que les Sumériens étaient polythéistes. C’est ce FAIT qui est sujet d’histoire. Le fait de savoir si la Mésopotamie était « pays musulman » avant Mahomet, ou si Abraham – qui est un personnage mythique – doit être considéré comme un « prophète musulman » ou pas ne concerne ni l’école, ni l’histoire. Peut-être que la manière de répondre à ce genre d’objections est de souligner ce qui est du domaine de l’histoire (et donc de l’école) et ce qui est du domaine de la croyance.
[Comme il faut ménager les convictions religieuses des élèves (je ne peux pas décemment leur dire que le Coran est un tissu d’âneries, et que la Genèse doit être lue comme un récit mythologique et non comme une thèse scientifique) et qu’ils sont à un âge où ils peinent à comprendre que la religion et la science ne répondent pas aux mêmes préoccupations (ce qui fait que la contradiction entre les deux n’est pas grave au fond), il est bien difficile de trouver les mots justes.]
Personne n’a dit que c’est facile. Mais je pense que la question ici pour le pédagogue est de faire comprendre la différence entre un fait et une croyance. Que chacun a le droit de croire ce qu’il veut, y compris des choses fausses – et quelqu’un doit forcément croire des choses fausses, puisque chaque religion donne une vision du monde incompatible avec les autres, et qu’elles ne peuvent donc pas être toutes vraies en même temps.
Et à côté de ça, il y a la science (et l’école) qui ne s’intéressent qu’aux faits. Qui sont indépendants de toute croyance. La terre n’est pas devenue ronde du jour où les gens l’ont admis, elle était ronde bien avant.
Encore une fois, excusez-moi si ce commentaire donne l’impression de vous donner des leçons. Ce n’est certainement pas mon intention. J’admire le métier que vous faites, et je sais combien il est difficile. Ce qui paraît intellectuellement facile derrière son clavier peut être très difficile sur le terrain et devant une classe…
@ bip
[Parce que si je n’ai pas encore vu de « saint » parmi les migrants, j’ai vu passer de bien belles ordures.]
N’exagérons rien. Les « saints » sont fort peu nombreux en général, et il n’y a aucune raison qu’il y en ait plus – ou moins – parmi les migrants que parmi les autres.
@Descartes
[N’exagérons rien. Les « saints » sont fort peu nombreux en général, et il n’y a aucune raison qu’il y en ait plus – ou moins – parmi les migrants que parmi les autres.]
Le point que je voulais soulever et qui me paraissait découler logiquement de ce genre de justifications était : combien un « saint » potentiel justifie-t-il de crimes ?
Parce que c’est toujours le même genre de « truc » avec le mouvement immigrationniste. C’est des petits garçons morts noyés qu’on nous montre. Des petites filles et leurs mères qui pleurent. Et au final, on se retrouve avec des Africains de 40 ans et des bandes criminelles…
@ bip
[Parce que c’est toujours le même genre de « truc » avec le mouvement immigrationniste. C’est des petits garçons morts noyés qu’on nous montre.]
La dictature de l’émotion fonctionne ainsi: par la généralisation d’un exemple particulier convenablement choisi. Et cela marche des deux côtés: les bienpensants vous montreront un enfant mourant dans les bras de sa mère avec le but de transformer TOUS les migrants en victimes. Les malpensants vous montreront un migrant noir en train de violer une femme blanche, avec le but de transformer TOUS les migrants en violeurs. La vérité n’est bien entendu ni d’un côté ni de l’autre: le débat rationnel passe par une connaissance globale du phénomène, et non par des exemples plus ou moins singuliers.
@ Descartes,
“Encore une fois, excusez-moi si ce commentaire donne l’impression de vous donner des leçons”
Vous excuser? Non, je ne vous excuserai point, Monsieur. Vous m’avez gravement offensé. Et je vous condamne sans appel… à poursuivre le débat 🙂
Blague à part, l’enseignement est une question importante qui concerne toute la société, et non les seuls enseignants. Je professe un grand respect pour ceux qui savent. Mais cela ne doit sûrement pas cantonner certaines thématiques aux cercles des seuls experts. Tout doit être matière à débat dans une société libre.
“Le fait qu’il vous dise « pour nous les musulmans le monde est comme ci ou comme ça » vous permet d’introduire la différence entre fait et croyance. Parce que si le monde a été créé par Allah (ou par Yahve, ou par Zeus, ou par Mitra, ou par le Big Bang), alors cela est vrai pour tout le monde, indépendamment de ce qu’on croit ou pas. La croyance n’a pas le pouvoir de changer les faits.”
Mais on se heurte à un premier problème. Pour ces jeunes musulmans, Allah a créé le monde, et ceux qui n’y croient pas se trompent… Cela étant, dans ma réponse à cet élève, j’ai abordé la distinction que vous signalez, mais sous un autre angle: si je me souviens bien, je lui ai expliqué que la science et la religion avaient des finalités différentes. La religion essaie de répondre à la question “pourquoi?”: pourquoi l’homme est-il sur Terre? Les rédacteurs du Coran ou de la Bible ne se préoccupaient pas de science, leur objectif était de montrer que l’homme est sur Terre par la volonté de Dieu pour accomplir ce que Dieu a prévu. La science, elle, ne se préoccupe pas de savoir “pourquoi” mais essaie de répondre à la question “comment?”: comment l’homme est-il apparu sur Terre? Selon quelle modalité? Où? A quelle date?
Ce n’est pas la réponse parfaite, j’en conviens. Mais sur le coup, c’est l’argumentaire qui m’est venue.
“Bien sûr, la science peut se tromper”
Tout à fait. C’est même moi qui ai affirmé cela aux élèves durant le chapitre en question: l’apparition d’homo sapiens est encore entourée de beaucoup d’incertitudes, et j’ai insisté auprès de mes élèves: “dans l’état actuel de nos connaissances, voilà ce qui paraît le plus probable”. Mais je n’avais pas prévu que ce doute cartésien serait exploité au profit d’une thèse créationniste… J’avoue avoir été un peu pris de court.
“Mais j’imagine que développer ces points pendant le cours n’est pas aussi évident que cela peut paraître dans ce blog…”
Disons que durant le cours, on peut se heurter à divers écueils. Le premier, comme je l’ai signalé, c’est d’être pris au dépourvu. Lorsque nous échangeons sur ce blog, c’est à l’écrit, et pour ma part je prends le temps d’affûter mes arguments, y compris parfois en différant ma réponse pour me donner le temps de la réflexion. Face aux élèves, il faut de la réactivité, et donc improviser, oralement, une réponse convaincante et cohérente, pas trop longue non plus. Souvent, après coup, on se dit: “ah, j’aurais dû réagir différemment”. Le second écueil, c’est que nous parlons là, quand même, de questions fort complexes. Trouver les mots justes pour un public de 6ème (des enfants de 11 ans) d’un niveau très moyen (en ce qui me concerne cette année), ce n’est pas toujours aisé, même si j’ai une certaine habitude. Enfin, il s’agit, pour être entendu, de ne pas critiquer trop violemment le discours que les enfants entendent à la maison. Entrer en guerre contre les parents risque fort d’être contre-productif, or il est clair que certains de mes élèves sont éduqués dans des convictions qui sont clairement incompatibles avec l’enseignement des programmes officiels.
Au bout d’un moment, on cerne les familles. Un de ces deux élèves musulmans “contestataire” est issu d’une union mixte, la mère est convertie et voilée. L’année dernière, j’avais en cours, dans une autre classe, la sœur aînée de cet élève, laquelle m’écrivait dans sa copie que “l’interdiction de porter des signes religieux à l’école était une intolérable atteinte à la liberté”. Et c’était après le cours sur la liberté et la laïcité où j’avais pris soin d’expliquer que la laïcité, ce n’était pas la “guerre contre les religions”, et que l’interdiction des signes religieux était une atteinte à la liberté certes, mais dans le but de favoriser l’intégration de chacun dans l’établissement, d’éviter d’enfermer les élèves dans leur identité religieuse, de limiter toute forme de stigmatisation. L’idée étant que l’école n’est pas hostile, mais indifférente aux convictions religieuses, politiques, philosophiques… des élèves. L’absence de signes religieux visibles rappelle ce principe, et il s’applique d’ailleurs à tous les personnels du collège, professeurs compris (là-dessus aussi, j’insiste). Je rappelle également que la liberté, c’est aussi de s’inscrire éventuellement dans un établissement privé qui tolère les signes religieux. Le fait est que cette élève n’a pas entendu les arguments développés pendant le cours. Il faut malheureusement admettre que certaines familles nous envoient leurs enfants tout en étant clairement hostiles aux principes de l’enseignement public.
“Mais faut-il entrer dans ce genre de débat théologique ?”
Non, d’ailleurs je n’y suis pas entré. Mais le fait est que cet élève soulève toujours une objection. C’est d’ailleurs également un fait historique que personne ne s’est présenté comme musulman ou ne s’est réclamé de l’islam avant Mahomet. Les Arabes eux-mêmes étaient majoritairement polythéistes, et les textes musulmans eux-mêmes le disent.
“Mais je pense que la question ici pour le pédagogue est de faire comprendre la différence entre un fait et une croyance.”
Eh oui, mais le fait est pour ce type d’élèves toujours sujet à caution. Quand les rois sumériens bâtissaient leurs ziggurats et faisaient rédiger leurs tablettes en cunéiforme, nous n’étions pas là. On ne les a pas filmés. On peut toujours arguer que les tablettes sont mal lues, ou racontent des mensonges (ce qui reste plausible après tout), et qu’un faisceau d’indices concordants ne fait pas une preuve. L’idée qu’on peut faire confiance à des experts reconnus devient difficile à admettre. Comme vous le soulignez, on paie là l’affaiblissement de l’idée même d’institution: les universitaires assyriologues ont la caution d’une institution fort décriée, et pas seulement par des religieux. Et comme il faut reconnaître que nos connaissances, pour des périodes aussi anciennes, restent partielles et parcellaires, et bien l’état d’esprit de notre époque (qui est à l’hypercritique, à la déconstruction et au complotisme) fait le reste… Si des parents élèvent leurs enfants en leur expliquant que les médias mentent, que les scientifiques mentent, et que la vérité réside dans le Coran, je crains que nous soyons impuissants.
Comme vous l’avez déjà souligné, l’envie de croire est très forte chez l’être humain. Et de plus en plus, cette envie de croire s’accompagne d’un refus quasi systématique d’examiner de manière rationnelle les arguments qui vont à l’encontre de la croyance, quelle qu’elle soit. Pour les uns, c’est le Coran, pour les autres le danger des centrales nucléaires, pour d’autres encore la catastrophe climatologique annoncée, ou encore l’éternelle et sournoise oppression de la Femme (et certaines de ces croyances sont fort répandues parmi les enseignants eux-mêmes, qui les diffusent). Il devient difficile de tenir un discours rationnel dans ce contexte, et pas seulement devant mes élèves. Ce qui, bien sûr, ne veut pas dire qu’il faut cesser de le faire. Il faut résister. Croyez bien que, modestement, je fais ce que je peux. Mais je peux peu…
@Descartes
[La dictature de l’émotion fonctionne ainsi: par la généralisation d’un exemple particulier convenablement choisi. Et cela marche des deux côtés: les bienpensants vous montreront un enfant mourant dans les bras de sa mère avec le but de transformer TOUS les migrants en victimes. Les malpensants vous montreront un migrant noir en train de violer une femme blanche, avec le but de transformer TOUS les migrants en violeurs.]
Mais il n’y a pas équivalence entre les deux « côtés ». Un côté dispose des pouvoirs politique, économique, médiatique, etc
L’autre dispose de 3 bouts de ficelle sur internet…
[La vérité n’est bien entendu ni d’un côté ni de l’autre: le débat rationnel passe par une connaissance globale du phénomène, et non par des exemples plus ou moins singuliers.]
Et ça vous semble réaliste d’envisager de voir un tel débat ?
Avec la pseudo-science économique qui domine notre époque, et qui peut fabriquer tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi, à partir des hypothèses grotesques qu’ils prennent pour axiomes ?
Avec la quasi-totalité des médias qui sont aux mains d’un seul camp ?
Sans parti politique d’importance et sérieux pour relayer ?
Rien que pour des choses aussi simples, on croit déjà au miracle quand « Libé » reprend avec des pincettes le travail d’un amateur qui montre la surcriminalité des migrants par rapport aux allemands : http://www.fdesouche.com/936693-check-news-liberation-confirme-migrants-15-plus-suspects-de-crimes-allemands
@ nationaliste-ethniciste
[Mais on se heurte à un premier problème. Pour ces jeunes musulmans, Allah a créé le monde, et ceux qui n’y croient pas se trompent…]
Certes. Mais même ces élèves réalisent que leur opinion n’est pas universellement partagée, et que d’autres ont d’autres visions de la genèse… et qu’eux aussi sont totalement convaincus que les autres, ceux qui n’y croient pas – donc les musulmans – se trompent. Comment savoir qui a raison ?
Pour sortir de l’obscurantisme, il faut ouvrir les esprits au relativisme. Moi je crois que le monde a été créé par Allah, toi tu crois qu’il a été créé par le Grand Castor Astral. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Comme nous n’avons aucun moyen de savoir qui a raison et qui a tort, le mieux est de laisser chacun croire ce qu’il veut. Ce qui implique qu’il n’y a pas en la matière de « vérité », tout juste des croyances qu’on choisit ou non de partager.
Une fois que vous avez réussi à faire accepter l’idée du caractère relatif de la vérité religieuse, vous pouvez passer à la question des faits. Parce que le monde a une forme indépendamment des croyances des uns et des autres. Il y a donc une démarche de recherche d’une vérité objective, qui est la même pour tous, qui est la démarche scientifique. Bien entendu, ce passage n’a rien d’évident. Il a fallu à l’humanité des siècles pour l’accomplir…
[La religion essaie de répondre à la question “pourquoi?”: pourquoi l’homme est-il sur Terre? Les rédacteurs du Coran ou de la Bible ne se préoccupaient pas de science, leur objectif était de montrer que l’homme est sur Terre par la volonté de Dieu pour accomplir ce que Dieu a prévu. La science, elle, ne se préoccupe pas de savoir “pourquoi” mais essaie de répondre à la question “comment?”: comment l’homme est-il apparu sur Terre? Selon quelle modalité? Où? A quelle date? Ce n’est pas la réponse parfaite, j’en conviens. Mais sur le coup, c’est l’argumentaire qui m’est venue.]
Je trouve que c’est une très bonne explication, qu’on peut prolonger en faisant la distinction entre une vérité « subjective » et une vérité « objective ». Car la question du « pourquoi » est une question indécidable par l’observation de la réalité, puisqu’elle postule que derrière cette réalité il y a une intention qui par essence ne nous est pas connaissable. Alors que la question du « comment » reçoit sa réponse par une confrontation avec la réalité.
[« Bien sûr, la science peut se tromper » Tout à fait.]
Je regrette mon commentaire. En fait, les SCIENTIFIQUES peuvent se tromper. Mais « la science » en tant que méthode ne peut se « tromper ». Elle peut bien entendu soutenir une théorie fausse, mais si la théorie est fausse ce n’est pas à cause d’une « erreur », mais d’une insuffisance d’information.
[C’est même moi qui ai affirmé cela aux élèves durant le chapitre en question: l’apparition d’homo sapiens est encore entourée de beaucoup d’incertitudes, et j’ai insisté auprès de mes élèves: “dans l’état actuel de nos connaissances, voilà ce qui paraît le plus probable”. Mais je n’avais pas prévu que ce doute cartésien serait exploité au profit d’une thèse créationniste… J’avoue avoir été un peu pris de court.]
Mais maintenant que cela vous est arrivé une fois, vous pouvez préparer à l’avance la séquence, et même la provoquer. La thèse « créationniste » est une théorie comme une autre, et il faut montrer qu’elle peut être réfutée en suivant la méthode scientifique. Ce qui n’empêche pas, il faut le souligner, les gens de croire. Simplement, il faut leur faire comprendre que « croire » c’est une chose, et « savoir » c’est une autre. C’est là le point le plus difficile, sans doute…
[« Mais j’imagine que développer ces points pendant le cours n’est pas aussi évident que cela peut paraître dans ce blog… » Disons que durant le cours, on peut se heurter à divers écueils. Le premier, comme je l’ai signalé, c’est d’être pris au dépourvu.]
Je n’ai bien entendu pas votre expérience. Mais j’ai enseigné un peu, et j’ai appris combien la formule de Lénine « même l’improvisation doit être soigneusement préparée ». Avec l’expérience, on arrive à prévoir les points de l’exposé qui provoqueront des réactions, et préparer de véritables séquences pour les traiter. On peut même les provoquer ! Cela n’élimine pas la surprise, mais la réduit considérablement.
[Le second écueil, c’est que nous parlons là, quand même, de questions fort complexes. Trouver les mots justes pour un public de 6ème (des enfants de 11 ans) d’un niveau très moyen (en ce qui me concerne cette année), ce n’est pas toujours aisé, même si j’ai une certaine habitude.]
Tout à fait, et c’est pourquoi l’improvisation doit être soigneusement préparée. Ces sujets sont bien entendu minés, mais en même temps si on arrive à les préparer, on peut en tirer des séquences pédagogiques très intéressantes parce que ce sont des questions de fond. Montrer aux élèves la subjectivité des croyances par rapport à l’objectivité de la connaissance, leur faire prendre conscience que l’ordre de la science et celui de la croyance ne sont pas les mêmes, et que croyance et savoir ne sont pas concurrents mais ont des fonctions différentes est aussi important dans une culture historique que leur transmettre la connaissance du règne de Louis XIV.
[Enfin, il s’agit, pour être entendu, de ne pas critiquer trop violemment le discours que les enfants entendent à la maison.]
Bien entendu. Jules Ferry avait parfaitement raison : l’école a besoin de la confiance des parents, et essayer de défaire dans la salle de classe ce que les parents font à la maison est la meilleure façon de perdre cette confiance. Mais les parents ne sont pas idiots, et dans l’immense majorité des cas savent faire la différence entre une croyance identitaire et le savoir scolaire.
[Au bout d’un moment, on cerne les familles. Un de ces deux élèves musulmans “contestataire” est issu d’une union mixte, la mère est convertie et voilée. L’année dernière, j’avais en cours, dans une autre classe, la sœur aînée de cet élève, laquelle m’écrivait dans sa copie que “l’interdiction de porter des signes religieux à l’école était une intolérable atteinte à la liberté”.]
Mais une telle phrase vous donne une opportunité pédagogique magnifique. Une personne qui écrit cela ne peut que convenir que la liberté religieuse est une valeur digne d’être défendue. Mais alors, on peut lui demander ce qu’elle pense des religions qui interdisent sous peine de mort à leurs fidèles de changer de croyance, ou de celles qui appellent au meurtre des incroyants ou des hérétiques. N’est-ce pas là une atteinte tout aussi intolérable ? Or, la plupart des religions ont historiquement soutenu à un moment ou l’autre de leur histoire ce type de doctrine. Alors, que fait-on ? Une possibilité c’est de laisser une totale liberté, quitte à voir les pratiquants des différentes religions s’entretuer. Une autre est de donner à l’Etat laïque le pouvoir d’interdire certaines pratiques pour permettre aux personnes de religion différente de vivre en paix. Même si cette interdiction implique une limitation de la liberté religieuse…
Avec ce raisonnement, on peut introduire subtilement la notion d’ordre public, indispensable dans toute instruction civique !
[Et c’était après le cours sur la liberté et la laïcité où j’avais pris soin d’expliquer que la laïcité, ce n’était pas la “guerre contre les religions”, et que l’interdiction des signes religieux était une atteinte à la liberté certes, mais dans le but de favoriser l’intégration de chacun dans l’établissement, d’éviter d’enfermer les élèves dans leur identité religieuse, de limiter toute forme de stigmatisation.]
Je crains que cette explication manque sa cible. Je pense que la bonne manière d’enseigner cette question reste l’analogie de l’arbitre. Sans un arbitre, un match de foot tournerait au massacre. L’arbitre est justement là pour protéger les joueurs des deux équipes des agressions de l’autre. Et pour que l’arbitre puisse faire son travail, il ne faut pas qu’il soit supporteur de l’une ou de l’autre équipe. La laïcité protège la liberté de chacun d’exercer son culte ou de n’exercer aucun. Mais pour pouvoir protéger les libertés, il faut interdire tout geste qui pourrait porter atteinte à la neutralité de l’arbitre.
[Le fait est que cette élève n’a pas entendu les arguments développés pendant le cours.]
Possible. Mais ce n’est pas à vous que je vais dire que lorsqu’on enseigne, on ne s’adresse pas à une élève en particulier, mais à une classe. L’important est moins que votre argument soit entendu par cette élève mais qu’il soit entendu par les autres. Il y a des cas qui sont perdus, et ce n’est pas un enseignant qui peut les sauver.
[Il faut malheureusement admettre que certaines familles nous envoient leurs enfants tout en étant clairement hostiles aux principes de l’enseignement public.]
Bien entendu. Et si les parents sont hostiles, l’enseignant ne peut souvent qu’essayer de réduire les dégâts. Il faut arrêter de prendre les enseignants pour Superman. Si d’une classe de 20 vous faites 18 citoyens, c’est déjà très bien. Dans toute industrie, il y a du rebut.
[Eh oui, mais le fait est pour ce type d’élèves toujours sujet à caution. Quand les rois sumériens bâtissaient leurs ziggurats et faisaient rédiger leurs tablettes en cunéiforme, nous n’étions pas là. On ne les a pas filmés.]
Et quand bien même on les aurait filmés, le film peut être falsifié. Oui, je connais l’argument, c’est le même que celui des complotistes pour qui l’homme n’a pas marché sur la Lune. Mais je pense qu’il faut séparer le problème en deux parties : il y a le fait, et il y a la connaissance du fait.
La première étape, est de faire reconnaître par les élèves qu’il y a un fait, et que celui existe indépendamment de nous. L’arbre qui tombe dans la forêt fait du bruit même s’il n’y a personne pour l’entendre. Si les ziggurats sont là, c’est que quelqu’un les a construites. Si les tablettes cunéiformes existent, c’est que quelqu’un les a écrites. Le travail de l’historien est d’essayer d’établir qui, quand et pourquoi. Nous nous approchons ainsi plus ou moins à une réalité, mais cette réalité préexiste et elle est indépendante de ce que nous croyons ou pensons.
Une fois qu’on a admis l’existence du fait en tant que catégorie objective, on peut commencer à expliquer les méthodes par lesquelles on essaye de s’approcher du fait : on fait une hypothèse fondée sur les connaissances disponibles, et la confronte à une datation, aux témoignages, aux documents.
[On peut toujours arguer que les tablettes sont mal lues, ou racontent des mensonges (ce qui reste plausible après tout), et qu’un faisceau d’indices concordants ne fait pas une preuve.]
C’est exact. Mais ces objections s’appliquent avec autant de force aux explications créationnistes. Après tout, si on a « mal lu » les tablettes, si celles-ci racontent des « mensonges », cela peut aussi être vrai du Coran, de la Bible ou de n’importe quel autre texte « sacré ». Toutes les hypothèses sont admissibles, mais le faisceau d’indices qui soutiennent l’explication historique est bien plus lourd que celui qui soutient les autres hypothèses. On ne peut donc pas affirmer que l’explication historique soit vraie, mais on peut affirmer qu’elle est celle qui a le plus de probabilité d’être vraie. Si vous arrivez à faire passer cette idée, la bataille est gagnée.
[L’idée qu’on peut faire confiance à des experts reconnus devient difficile à admettre. Comme vous le soulignez, on paie là l’affaiblissement de l’idée même d’institution: les universitaires assyriologues ont la caution d’une institution fort décriée, et pas seulement par des religieux.]
Tout à fait. Mais quand on ne peut pas s’appuyer sur des institutions, il faut s’appuyer sur des méthodes. On peut argumenter qu’il faut faire confiance aux experts non pas parce qu’ils sont reconnus institutionnellement, mais parce qu’ils utilisent une certaine méthode, la méthode scientifique.
Au fond, c’est peut-être là la difficulté : faire reconnaître la valeur de la méthode scientifique. Je ne connais pas assez bien les programmes d’histoire, mais les élèves reçoivent-ils aujourd’hui une introduction à la méthode hypothético-déductive ?
[Si des parents élèvent leurs enfants en leur expliquant que les médias mentent, que les scientifiques mentent, et que la vérité réside dans le Coran, je crains que nous soyons impuissants.]
Ca rend bien entendu la tâche beaucoup plus difficile. Mais je crois au poids du réel. La « vérité » coranique est une vérité adaptée à une société qui n’existe plus. Et les enfants que vous avez dans votre classe vont devoir vivre dans un monde où la réussite exige une flexibilité que les vérités dogmatiques n’offrent pas. Tôt ou tard, ces enfants réaliseront – comme l’ont réalisé les paysans catholiques français du XIXème siècle – que la promotion sociale était du côté de l’instituteur et non du curé.
La difficulté est que la société aujourd’hui n’offre pas les mêmes possibilités de promotion sociale, et que la conclusion apparaît moins évidente au parent immigré d’aujourd’hui qu’elle ne l’était pour le parent paysan d’hier…
[Comme vous l’avez déjà souligné, l’envie de croire est très forte chez l’être humain. Et de plus en plus, cette envie de croire s’accompagne d’un refus quasi systématique d’examiner de manière rationnelle les arguments qui vont à l’encontre de la croyance, quelle qu’elle soit.]
Tout à fait. Et c’est normal dans une société bloquée. Ces « croyances » jouent en effet un rôle fondamental pour « figer » la société, pour s’assurer que chacun de se reconnaît dans son groupe et reste à sa place. Plus que jamais, le savoir libère. Et le « bloc dominant » de notre société n’entend libérer personne. C’est pourquoi la « pensée unique » aujourd’hui glorifie les « micro-identités » et soutient le droit de chacun de croire les choses les plus absurdes.
[Ce qui, bien sûr, ne veut pas dire qu’il faut cesser de le faire. Il faut résister. Croyez bien que, modestement, je fais ce que je peux. Mais je peux peu…]
Je suis convaincu que vous faites ce que vous pouvez. Je fais de même – dans un autre domaine, bien entendu. Et comme vous je suis frustré par l’importance des efforts qu’il faut fournir pour obtenir des gains minimes. Mais je pense comme Cyrano : « c’est d’autant plus beau que c’est difficile »… Si dieu existe, je pourrais lui dire « j’ai fait ce que je pensais juste ». Et s’il n’existe pas… j’ai au moins la satisfaction de pouvoir me regarder sans honte dans mon miroir.
@ bip
[Mais il n’y a pas équivalence entre les deux « côtés ». Un côté dispose des pouvoirs politique, économique, médiatique, etc. L’autre dispose de 3 bouts de ficelle sur internet…]
Il y a une certaine asymétrie, mais pas aussi importante que vous ne le pensez…
[« La vérité n’est bien entendu ni d’un côté ni de l’autre: le débat rationnel passe par une connaissance globale du phénomène, et non par des exemples plus ou moins singuliers. » Et ça vous semble réaliste d’envisager de voir un tel débat ?]
Les faits semblent indiquer que pour le moment un tel débat est impossible. Il y a malheureusement trop d’intérêts politiques, économiques, idéologiques dans l’affaire. Mais cela n’implique pas qu’il ne faille pas essayer.
@Descartes
[Il y a une certaine asymétrie, mais pas aussi importante que vous ne le pensez…]
J’ajouterais aussi que c’est le mouvement immigrationniste qui a initié ce que vous appelez « dictature de l’émotion ».
[Les faits semblent indiquer que pour le moment un tel débat est impossible. Il y a malheureusement trop d’intérêts politiques, économiques, idéologiques dans l’affaire. Mais cela n’implique pas qu’il ne faille pas essayer.]
C’est surtout que si on place le débat sur le plan rationnel, la conclusion arrive en 5 minutes. Il n’y a aucun argument rationnel « présentable » pour le camp immigrationniste. L’expérience de la réalité a détruit tous ceux qu’ils pouvaient affirmer être « bons pour le plus grand nombre ».
Mais comme ils ont les manettes, ils peuvent empêcher ce débat. Ou alors le faire sous forme d’un jeu de rôles, entre acteurs dûment choisis, et où à la fin rien ne change jamais…
@ Descartes,
“Pour sortir de l’obscurantisme, il faut ouvrir les esprits au relativisme.”
Bien sûr, mais vaste programme…
“Mais maintenant que cela vous est arrivé une fois, vous pouvez préparer à l’avance la séquence, et même la provoquer.”
Tout à fait. Il va de soi qu’à présent que j’ai pris le temps d’y réfléchir, d’en discuter, avec d’autres collègues, avec vous, je serais plus à même de répondre la prochaine fois. Mais il y a toujours une première fois, pas toujours agréable, même si au fond je savais que la question finirait par émerger.
Je compte d’ailleurs concevoir pour les élèves un petit tableau comparatif, et je me permets de le soumettre à votre sagacité, comme je constate que la question vous intéresse (voire vous passionne). Il s’agirait d’un tableau de deux colonnes, une colonne “vérité” religieuse et une colonne “vérité” historique/scientifique. Chaque colonne recenserait les caractéristiques de chaque “vérité”.
Dans la colonne “vérité” religieuse, je placerais les éléments suivants:
– variable selon les personnes (on peut prendre l’exemple de la Création en expliquant en effet qu’elle diffère selon les religions);
– ne se démontre pas: on y croit ou on n’y croit pas (on peut prendre l’exemple de la résurrection du Christ ou de l’inspiration divine des propos de Muhammad: on ne peut pas prouver que c’est vrai, ni que c’est faux, cela relève de la foi);
– ne change pas dans le temps (le dogme est établi une fois pour toutes).
Dans la colonne “vérité” historique/scientifique
– valable pour tout le monde (je pensais prendre l’exemple de la sphéricité de la Terre: notre planète est une sphère, et cela vaut pour un juif aussi bien que pour un bouddhiste);
– peut se démontrer grâce à des indices, raisonnements, expériences, etc.
– évolue dans le temps au gré des nouvelles découvertes, du progrès de la connaissance.
Cela me paraît un bon résumé des points que nous avons abordés.
“Une autre est de donner à l’Etat laïque le pouvoir d’interdire certaines pratiques pour permettre aux personnes de religion différente de vivre en paix. Même si cette interdiction implique une limitation de la liberté religieuse…”
Mais l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ne sont pas des Etats laïques. Pour autant la liberté religieuse y est respectée et les croyants ne sont pas autorisés à tuer les apostats ou à convertir de force les mécréants. Ne confondez-vous pas Etat laïque et Etat sécularisé? Ce n’est pas tout à fait la même chose.
“Mais pour pouvoir protéger les libertés, il faut interdire tout geste qui pourrait porter atteinte à la neutralité de l’arbitre.”
L’Etat anglais n’est pas neutre: l’anglicanisme est la religion officielle de la famille royale, symbole de l’unité du pays. Pourtant les libertés ne sont pas menacées…
“Je ne connais pas assez bien les programmes d’histoire, mais les élèves reçoivent-ils aujourd’hui une introduction à la méthode hypothético-déductive ?”
Pour ma part, et les programmes vont plutôt dans ce sens, j’utilise davantage la méthode inductive: on part d’une étude de cas, d’un petit échantillon de documents significatifs, et on en tire des règles générales. Par exemple, je traite tel roi sumérien, et nous en tirons des conclusions sur la royauté sumérienne en général, ou j’étudie Bruges au Moyen Âge et j’en tire des idées générales sur le développement urbain à l’époque médiévale.
Il est difficile, surtout en début de collège, de faire poser une hypothèse à des élèves. Mes collègues de sciences et de mathématiques usent davantage de l’hypothético-déductif, je pense.
“Mais je pense comme Cyrano : « c’est d’autant plus beau que c’est difficile »… Si dieu existe, je pourrais lui dire « j’ai fait ce que je pensais juste ». Et s’il n’existe pas… j’ai au moins la satisfaction de pouvoir me regarder sans honte dans mon miroir.”
Je pense comme vous et je n’aurais pas mieux dit. C’est étrange, ces points communs entre un (ancien?) communiste issu de l’immigration et un nationaliste identitaire plutôt réactionnaire… C’est un des mystères qui font que je reviens toujours sur ce blog, malgré quelques vaines tentatives d’y cesser mes incursions.
@ bip
[J’ajouterais aussi que c’est le mouvement immigrationniste qui a initié ce que vous appelez « dictature de l’émotion ».]
Une corrélation dans le temps n’implique pas une causalité. Je pense que si les deux phénomènes sont simultanés, ce n’est pas parce que l’un a initié l’autre, mais parce qu’ils ont une source commune, qui est la prise de pouvoir par un bloc dominant constitué par la bourgeoisie et les « classes moyennes ». Ce bloc est immigrationniste parce que c’est lui qui profite le plus de l’immigration qui, en poussant les salaires des couches populaires – et d’elles seules – vers le bas permet de faire baisser le prix des biens. Mais en même temps, comme dirait Macron, ce bloc dominant a construit une idéologie « molle » fondée sur l’émotion qui lui permet de justifier sa domination.
Vous noterez qu’il y a beaucoup de travaux sur le rapport entre la constitution d’une classe moyenne en Grande Bretagne à la fin du XIXème siècle et l’idéologie victorienne qui l’a accompagnée. Une idéologie à la fois puritaine et mélodramatique. Ca ne vous rappelle pas quelque chose ?
[C’est surtout que si on place le débat sur le plan rationnel, la conclusion arrive en 5 minutes. Il n’y a aucun argument rationnel « présentable » pour le camp immigrationniste. L’expérience de la réalité a détruit tous ceux qu’ils pouvaient affirmer être « bons pour le plus grand nombre ».]
C’est un peu caricatural. Le camp « immigrationniste » a un double argument qui n’est pas sans poids. D’un côté, il invoque une logique d’empathie qui fait partie d’un héritage commun de l’humanité. Si nous n’étions pas capables de souffrir à la place de l’autre, nous ne serions pas capables de bâtir les liens de solidarité qui ont construit les institutions humaines. Invoquer les traditions d’accueil – dont certains français ont bénéficié dans le passé, pensez aux huguenots en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas – n’est pas en soi absurde. D’autre part, il reste l’éternel argument d’une Europe vieillissante ayant besoin de l’apport de jeunesse que peut constituer l’immigration.
Le débat rationnel à mon avis ne consiste pas à denier à l’autre camp toute légitimité, mais à réfuter rationnellement ses arguments. L’accueil a sa logique… mais a aussi un coût. Qui est massivement supporté par les couches populaires. Les a-t-on consultées à ce sujet ? A partir de quel moment ce coût devient insupportable et menace l’équilibre même de la société d’accueil ? Quant à l’argument de l’apport démographique, il peut être réfuté par de simples considérations économiques : si l’on fait venir massivement des immigrés pour financer les retraites, il faudra faire venir encore plus pour financer les retraites des immigrés qu’on aura fait venir pour financer les retraites : c’est une simple pyramide de Ponzi.
@Descartes
[Mon point, c’était que l’imagerie chrétienne repose sur la souffrance comme moyen de rédemption. Etre maltraité, c’est d’une façon accéder à la sainteté. Si Jésus était né dans une maison bourgeoise, s’il avait vécu richement et était mort à un âge avancé dans son lit, les évangiles n’auraient pas grande chose à raconter d’édifiant.]
Je voulais revenir là-dessus. Chez les chrétiens, la souffrance n’est pas cherché en tant que tel mais est vue comme un moyen de se rapprocher de Dieu. L’Eglise catholique nous donne un certains nombres d’exemples, de vies de saints, qui en les suivants nous permettent d’accéder à la sainteté. Ainsi la vie de Jésus ne doit pas être pris au pied de la lettre, mais comme un exemple qui montre, que en renonçant à un certain nombre de plaisir et en se sanctifiant, Jésus a mené une vie plus sainte et plus conforme à la volonté de Dieu.
@Descartes
[D’un côté, il invoque une logique d’empathie qui fait partie d’un héritage commun de l’humanité.]
Oui, voilà, il « invoque »…
Que les immigrationnistes prennent les « migrants » chez eux à leurs frais et on verra s’ils sont sincères. C’est facile de venir vanter l’empathie quand le truc consiste à se décharger sur l’État. C’est-à-dire sur tout le monde. (Surtout quand ce sont eux qui en retirent les effets indirects).
Au final, on supporte les mêmes coûts qu’eux et ils nous crachent dessus.
[Si nous n’étions pas capables de souffrir à la place de l’autre, nous ne serions pas capables de bâtir les liens de solidarité qui ont construit les institutions humaines.]
Sauf qu’ils prétendent souffrir pour des étrangers et ignorent les souffrances des leurs. Ils n’ont aucune crédibilité.
Les liens de solidarité qui ont construit les institutions humaines sont par contre voués à disparaître si les gens ne se voient rien partager de plus avec certains qu’avec d’autres.
[Invoquer les traditions d’accueil – dont certains français ont bénéficié dans le passé, pensez aux huguenots en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas – n’est pas en soi absurde.]
La « tradition d’accueil » concernant des gens qui décrètent eux-mêmes, en violant un beau matin nos lois, d’être accueillis et entretenus aux frais de la princesse ? La « tradition d’accueil » pour des gens qui ne nous aiment pas et nous méprisent ?
Moi ça me donne plutôt l’impression d’une nouvelle manifestation de la tradition de trahison de la France par une partie des Français, dont leurs dirigeants, qui ouvre en grand les portes du pays aux envahisseurs.
Et on sait quel genre de traditions vient y mettre fin.
Pour les huguenots, on parle bien de gens faisant partie des gens les plus évolués de leurs époques, accueillis en famille dans les territoires parmi les plus proches de ceux qu’ils quittaient, où vivaient des gens leur ressemblant et où ils ont vite apporté de la richesse par leur travail ? Où ils ont même montré du respect pour les accueillants et leurs lois ?
Je ne vois rien de ressemblant avec quoi que ce soit d’actuel en France.
[Le débat rationnel à mon avis ne consiste pas à denier à l’autre camp toute légitimité, mais à réfuter rationnellement ses arguments.]
C’est les immigrationnistes que vous visez ? Parce que pour ma part ils ont toute la légitimité qu’ils veulent. Je vous le dis, je considère même ça comme une tradition française de voir des Français trahir en masse afin de détruire la France.
Qu’ils fassent de même et que les règles s’appliquent à tous. Ils mettent une de leurs journaux un petit garçon Syrien mort en Turquie et interdisent les photos du Bataclan le 13/11/15.
Car je crois que ce sont eux qui ont du mal à réfuter les arguments…
[Quant à l’argument de l’apport démographique, il peut être réfuté par de simples considérations économiques : si l’on fait venir massivement des immigrés pour financer les retraites, il faudra faire venir encore plus pour financer les retraites des immigrés qu’on aura fait venir pour financer les retraites : c’est une simple pyramide de Ponzi.]
Moi je réfute même l’idée que des millions d’Africains et d’Arabes puissent être d’un quelconque gain dans une économie visant autre autre chose que la rente.
Je me base pour ça sur les enseignements de l’Histoire qui montre l’incapacité radicale de ces populations vis-à-vis de la modernité.
Je me base aussi sur l’exemple de ces populations dans tous les pays où elles sont présentes.
S’ils habitent des « trous à merde », c’est parce qu’ils sont des peuples de m…
@ nationaliste-ethniciste
[« Pour sortir de l’obscurantisme, il faut ouvrir les esprits au relativisme. » Bien sûr, mais vaste programme…]
Très vaste, surtout avec des adolescents. Rien n’est déstabilisateur à cet âge que l’idée qu’il n’y a pas de « vérité » établie, et que toutes nos opinions et nos croyances ne sont que notre vision du monde…
[Je compte d’ailleurs concevoir pour les élèves un petit tableau comparatif, et je me permets de le soumettre à votre sagacité, comme je constate que la question vous intéresse (voire vous passionne). Il s’agirait d’un tableau de deux colonnes, une colonne “vérité” religieuse et une colonne “vérité” historique/scientifique. Chaque colonne recenserait les caractéristiques de chaque “vérité”. (…)]
Au fond, vous êtes très poppérien. La « vérité religieuse » est infalsifiable, et par conséquence subjective et définitive. La « vérité scientifique » est falsifiable, et par conséquence objective et précaire…
Je pense – puisque vous faites appel à ma sagacité – que vous auriez intérêt à aller jusqu’au bout et le prendre de ce côté-là : expliquer l’idée de « falsifiabilité » (je crois que le mot français « réfutabilité » est meilleur) au sens de Popper, puis montrer les conséquences qu’on en tire : une « vérité » réfutable est nécessairement objective (puisque la valeur d’une réfutation est logiquement universelle) et précaire (puisqu’une réfutation oblige à y renoncer). Une « vérité » non-réfutable est au contraire subjective (puisque n’étant pas réfutable, il n’y a aucune manière de décider entre ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas) et permanente (puisqu’elle ne peut jamais être défaite).
Ensuite, vous pouvez montrer en quoi les « vérités réfutables » permettent un progrès, puisqu’elles suivent l’accumulation de connaissances et d’expériences accumulés par l’homme, alors que les « vérités non-réfutables » empêchent au contraire de tenir compte des changements.
Et enfin, vous pouvez montrer comment dans l’histoire humaine on est parti d’un mode de penser qui était majoritairement « non-réfutable », et comment l’avancement de la connaissance a fait que les civilisations ont d’autant plus progressé qu’elles ont adopté des modes de pensée faisant une large part aux vérités « réfutables ».
[« Une autre est de donner à l’Etat laïque le pouvoir d’interdire certaines pratiques pour permettre aux personnes de religion différente de vivre en paix. Même si cette interdiction implique une limitation de la liberté religieuse… » Mais l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ne sont pas des Etats laïques. Pour autant la liberté religieuse y est respectée et les croyants ne sont pas autorisés à tuer les apostats ou à convertir de force les mécréants.]
Si le Coran appelle à tuer les apostats, comment peut-on dire que des pays comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne – qui interdisent de respecter un tel commandement – « respectent la liberté religieuse » ? Non, aucun pays civilisé ne respecte TOTALEMENT la liberté religieuse. Tous imposent des limites aux pratiques religieuses pour tenir compte des besoins de l’ordre public. On peut dire que l’Allemagne et la Grande Bretagne ne sont pas des états laïques – du moins pas tel que nous le concevons – mais ils ne respectent pas plus que nous la « liberté religieuse ». Simplement, les curseurs ne sont pas placés dans la même position que les nôtres sur certaines questions.
[« Mais pour pouvoir protéger les libertés, il faut interdire tout geste qui pourrait porter atteinte à la neutralité de l’arbitre. » L’Etat anglais n’est pas neutre: l’anglicanisme est la religion officielle de la famille royale, symbole de l’unité du pays. Pourtant les libertés ne sont pas menacées…]
Ca dépend lesquelles. Il y a en Grande Bretagne des fonctions ou des lieux auxquels les catholiques ne peuvent pas accéder. Il existe un délit de blasphème. Dans ces conditions, on ne peut dire que les libertés ne soient pas menacées…
[« Je ne connais pas assez bien les programmes d’histoire, mais les élèves reçoivent-ils aujourd’hui une introduction à la méthode hypothético-déductive ? » Pour ma part, et les programmes vont plutôt dans ce sens, j’utilise davantage la méthode inductive: on part d’une étude de cas, d’un petit échantillon de documents significatifs, et on en tire des règles générales.]
Personnellement, je trouve cette façon de faire dangereuse. Non que je rejette la méthode inductive, qui a conduit historiquement à de grandes découvertes. Mais pour que la méthode inductive puisse être utilisée avec profit, il faut que les étudiants aient compris les risques, et pour cela il faut avoir au préalable compris la méthode hypothético-déductive. Autrement, vous risquez le classique dérapage qui consiste à prendre pour exemple les nombres 1,2 et 3, et en déduire que tous les nombres entiers sont premiers…
[Il est difficile, surtout en début de collège, de faire poser une hypothèse à des élèves. Mes collègues de sciences et de mathématiques usent davantage de l’hypothético-déductif, je pense.]
Je n’ai pas assez d’expérience pour avoir un avis. J’ai travaillé avec des pré-adolescents (10-12 ans), et s’il est vrai que l’hypothèse ne vient pas naturellement, on peut les habituer à en formuler en posant des questions. Ça marche en astronomie, en physique… j’avoue n’avoir pas essayé en histoire.
[C’est étrange, ces points communs entre un (ancien?) communiste issu de l’immigration et un nationaliste identitaire plutôt réactionnaire… C’est un des mystères qui font que je reviens toujours sur ce blog, malgré quelques vaines tentatives d’y cesser mes incursions.]
Ce n’est pas si mystérieux que ça. La pensée communiste marxiste et la pensée nationaliste et réactionnaire partagent un point commun : tous deux accordent une importance capitale à l’histoire et donc à son étude… avant d’être communiste pour l’un, identitaire pour l’autre nous sommes tous deux historicistes. Et c’est pourquoi nous parlons un langage qui nous est commun, même si nous disons des choses différentes.
@ Laurent
[Je voulais revenir là-dessus. Chez les chrétiens, la souffrance n’est pas cherchée en tant que tel mais est vue comme un moyen de se rapprocher de Dieu.]
Bien entendu. Je n’ai pas dit que le christianisme invite au masochisme…
@ bip
[« Invoquer les traditions d’accueil – dont certains français ont bénéficié dans le passé, pensez aux huguenots en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas – n’est pas en soi absurde. » La « tradition d’accueil » concernant des gens qui décrètent eux-mêmes, en violant un beau matin nos lois, d’être accueillis et entretenus aux frais de la princesse ? La « tradition d’accueil » pour des gens qui ne nous aiment pas et nous méprisent ?]
Ne généralisez pas. Certains nous aiment, d’autres pas. Mais mon point était qu’il existe dans nos pays européens une tradition d’accueil qu’il n’est pas vain d’invoquer. Une telle tradition n’implique pas qu’on ne soit pas exigeant avec l’étranger qu’on accueille lorsqu’il s’agit de se plier à nos coutumes et à nos lois. Le problème de ce que vous appelez les « immigrationnistes » est que souvent ils invoquent la tradition d’accueil en oubliant que cet accueil n’a jamais été inconditionnel.
[« Le débat rationnel à mon avis ne consiste pas à denier à l’autre camp toute légitimité, mais à réfuter rationnellement ses arguments. » C’est les immigrationnistes que vous visez ?]
Je vise un peu tout le monde dans cette affaire. La vérité est que je ne trouve pas beaucoup de discours rationnels sur cette question.
[S’ils habitent des « trous à merde », c’est parce qu’ils sont des peuples de m…]
Et bien, sur ce point nous ne serons je pense jamais d’accord. Je ne fais pas, personnellement, une hiérarchie entre les peuples…
@Descartes
[Et bien, sur ce point nous ne serons je pense jamais d’accord. Je ne fais pas, personnellement, une hiérarchie entre les peuples…]
Ma phrase était sans doute inutilement provocatrice mais l’idée que la situation d’un pays dépend en très très très grande partie de ce que ses habitants en font ne me semble établir aucune hiérarchie.
Après si des gens non persécutés décident de quitter en masse un pays pour aller dans un autre pour « avoir une vie meilleure », c’est eux-mêmes qui induisent l’idée de hiérarchie…
Et ceux qui justifient ce comportement en disant qu’il est « normal » de vouloir quitter certains pays pour trouver mieux ailleurs (et donc de devoir « accueillir » ceux qui le font) établissent clairement une hiérarchie.
Pas moi… En plus, c’est le genre d’idées dont s’emparent certains idiots pour aller investir sans compter en pure perte pour « éduquer les inférieurs ». Je ne me sens aucun lien avec ce genre de personnes.
Moi je n’établis même pas de hiérarchie entre les pays. Ainsi je suis libre de refuser toute aide à n’importe quel pays sans aucune justification.
Je n’établis pas non plus de hiérarchie entre les cultures. Je peux ainsi réfuter tout prétendu « enrichissement culturel », notamment par l’immigration, car si tout se vaut, aucune culture ne peut en enrichir une autre !
@ bip
[Ma phrase était sans doute inutilement provocatrice (…)]
Inutilement, oui. A ce niveau de provocation, beaucoup de gens auraient refusé tout débat avec vous, et la discussion aurait été close. Ce qui aurait été dommage.
[mais l’idée que la situation d’un pays dépend en très très très grande partie de ce que ses habitants en font ne me semble établir aucune hiérarchie.]
Je pense que vous schématisez un peu trop les choses. Les raisons pour lesquelles certains pays sont devenus des puissances économiques, scientifiques et culturelles en se dotant d’institutions solides alors que d’autres sont restés à des stades de développement plus faible, avec des institutions faibles sont très diverses, et ne tiennent pas seulement à « ce que les habitants en font ». Il vous faut je pense revenir à une vision dialectique de l’histoire : si les habitants font l’histoire de leur pays, l’histoire d’un pays fait aussi ses habitants.
[Après si des gens non persécutés décident de quitter en masse un pays pour aller dans un autre pour « avoir une vie meilleure », c’est eux-mêmes qui induisent l’idée de hiérarchie…]
De hiérarchie entre les économies, pas entre les peuples. Et ne me dites pas que la richesse et la mesure de toute chose… je sais que vous-même ne le pensez pas.
@ Descartes,
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier chaleureusement pour cet échange tout à fait stimulant. Ils le sont toujours, entendons-nous bien, mais je tiens à vous exprimer ma gratitude.
“Si le Coran appelle à tuer les apostats, comment peut-on dire que des pays comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne – qui interdisent de respecter un tel commandement – « respectent la liberté religieuse » ?”
Je voulais dire, pardonnez-moi, que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ne limitent pas plus la liberté religieuse qu’un pays laïque comme la France. Si chacun peut pratiquer la religion qui est la sienne (dans les limites prévues par la loi, qui s’applique à toutes les religions), si chacun peut changer de religion ou ne point en avoir, pour moi, les principes fondamentaux de “la liberté religieuse” sont respectés.
“Il y a en Grande Bretagne des fonctions ou des lieux auxquels les catholiques ne peuvent pas accéder”
J’avais cru lire que les restrictions prévues à l’encontre des catholiques par la législation anglaise avaient été abolies, mais peut-être suis-je mal renseigné.
“Personnellement, je trouve cette façon de faire dangereuse. Non que je rejette la méthode inductive, qui a conduit historiquement à de grandes découvertes. […] Autrement, vous risquez le classique dérapage qui consiste à prendre pour exemple les nombres 1,2 et 3, et en déduire que tous les nombres entiers sont premiers…”
Quelques remarques sur ce point. D’abord, je pense qu’on ne peut pas tout à fait enseigner l’histoire comme on enseigne les mathématiques ou les sciences “dures” en général. Déjà, nous n’avons pas la possibilité de faire des expériences, contrairement aux professeurs de physique ou de SVT. Et il n’y a pas pour nous d’équivalent du théorème de Pythagore ou de Thalès. Parce que notre travail tient pour une bonne part à l’interprétation du document, et il faut bien dire qu’en fonction de l’interprétation, le fait peut changer de sens… Voire changer tout court, dans des cas extrêmes.
Quand j’étais moi-même collégien, j’étais bon en histoire et en mathématiques. Mais je préférais l’histoire parce que d’une certaine manière, c’était plus ardu: une interprétation, une hypothèse comme vous dites, doit se défendre par le biais d’une argumentation solide. Et je me heurte déjà à un premier écueil: la majorité de mes élèves ne savent pas argumenter à l’écrit et difficilement à l’oral. Construire une argumentation structurée est un exercice difficile, et nous y travaillons mais le fait est que les résultats sont globalement décevants. En mathématiques, une fois la démonstration faite, le résultat n’est pas véritablement discutable. On peut contester ou discuter un fait historique, on ne peut guère réfuter le théorème de Pythagore (du moins au niveau collège-lycée).
Pour que mes élèves puissent poser des hypothèses historiques et les défendre en argumentant, il faudrait qu’ils aient des ressources en terme de raisonnement et de vocabulaire qu’ils n’ont pas. Mes collègues de mathématiques s’en plaignent: beaucoup d’élèves peinent à raisonner. Mes collègues de français sont épouvantés de la pauvreté lexicale de nos élèves. Ces deux faiblesses rendent difficiles l’usage de la méthode hypothético-déductive en histoire, à mon avis.
Ensuite, il y a les programmes. En géographie, c’est très clair: les instructions officielles vouent un culte à l’ “étude de cas”. En histoire, un autre paramètre intervient: il faut traiter des questions complexes, parfois sur un temps long, dans le cadre d’une leçon qui, elle, doit être courte. Si je dois étudier l’essor urbain au Moyen Âge en 3 ou 4h, je suis obligé de choisir un exemple qui me paraît significatif. Dans un délai comparable, il me faut traiter du “renforcement du pouvoir royal en France entre le XI° et le XV° siècle”, il me faut bien me contenter de Philippe Auguste et de Charles VII… Avec le risque en effet, que les élèves ne voient dans les rois de France médiévaux qu’une succession de rois “bâtisseurs” et victorieux. Je signale oralement les réserves d’usage sur toute généralisation abusive, mais ça s’arrête là.
@ nationaliste-ethniciste
[Permettez-moi tout d’abord de vous remercier chaleureusement pour cet échange tout à fait stimulant. Ils le sont toujours, entendons-nous bien, mais je tiens à vous exprimer ma gratitude.]
Ne me remerciez pas, j’en profite autant et je prends autant plaisir que vous. Souvent sur ce blog les commentateurs me remercient de ce que je leur apporte, et je me rends compte que je n’ai pas souvent pris la peine de leur rendre la pareille. Ces échanges me permettent d’entendre des points de vue différents du mien, des points de vue que j’aurais du mal à entendre dans mon entourage, tant il est vrai qu’on tend à fréquenter des gens qui vous ressemblent. Vos commentaires, avec leurs références souvent savantes, m’ont invité à me ré-intéresser à des périodes de notre histoire que j’avais un peu oubliées, à des auteurs que je ne connaissais pas, ou très mal. Et c’est vrai pour beaucoup d’autres contributeurs.
[Je voulais dire, pardonnez-moi, que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ne limitent pas plus la liberté religieuse qu’un pays laïque comme la France. Si chacun peut pratiquer la religion qui est la sienne (dans les limites prévues par la loi, qui s’applique à toutes les religions), si chacun peut changer de religion ou ne point en avoir, pour moi, les principes fondamentaux de “la liberté religieuse” sont respectés.]
Plus une société est construite sur le « vivre ensemble », et plus son Etat est forcé de réglementer les rapports dans la sphère publique. Une société « communautariste », ou chaque communauté vit dans son quartier, fréquente ses écoles, ses hôpitaux, ses bibliothèques, ses théâtres, travaille dans ses commerces et ses usines, peut se permettre de donner une totale liberté religieuse. Les membres de chaque communauté vivront dans un environnement conforme à leurs croyances, et puisqu’il n’y a pas de contact il n’y a pas de risque d’incompatibilité.
Mais si vous voulez une société ou les citoyens fréquentent les mêmes quartiers, les mêmes écoles, les mêmes hôpitaux, les mêmes théâtres, les mêmes bibliothèques, les mêmes commerces et les mêmes usines, alors il faut des règles garantissant la neutralité religieuse de l’espace partagé, pour éviter qu’une communauté impose aux autres ses pratiques, ses interdits, ses règles. Et cette neutralité nécessite des entorses importantes à la liberté religieuse.
[J’avais cru lire que les restrictions prévues à l’encontre des catholiques par la législation anglaise avaient été abolies, mais peut-être suis-je mal renseigné.]
En effet. Beaucoup de ces restrictions ont disparu, mais certaines demeurent. C’est le cas dans la sphère publique, même si cela devient rare, ou certains postes – notamment celui de Chef de l’Etat – ne peuvent être occupés par un catholique. Elles sont plus fréquentes dans la sphère privée : des clubs sportifs, des associations, des clubs continuent à refuser l’adhésion des catholiques.
[Quelques remarques sur ce point. D’abord, je pense qu’on ne peut pas tout à fait enseigner l’histoire comme on enseigne les mathématiques ou les sciences “dures” en général. Déjà, nous n’avons pas la possibilité de faire des expériences, contrairement aux professeurs de physique ou de SVT.]
Je pense que vous faites une erreur. Il y a des sciences « dures » ou l’expérience est impossible. L’astrophysique et l’astronomie sont des bons exemples. La véritable différence entre les sciences « dures » et les sciences « molles » est leur degré de formalisation, et non la possibilité de faire des expériences. En effet, même s’il est impossible de faire des expériences en astrophysique ou en astronomie, on peut formaliser les lois déduites de l’expérience en utilisant un langage hautement épuré, le langage mathématique.
[Et il n’y a pas pour nous d’équivalent du théorème de Pythagore ou de Thalès.]
Les mathématiques sont un cas à part. Au sens poppérien, ce n’est pas une science : une proposition mathématique n’est pas « falsifiable » parce que sa véracité dépend du choix du système d’axiomes, et que ce choix est arbitraire. Une proposition peut être « vraie » dans un système d’axiomes et « fausse » dans une autre. En fait, une proposition mathématique est une conséquence logique d’un système d’axiomes. C’est pourquoi on dit que les mathématiques ne sont pas une science mais une méta-science.
[Parce que notre travail tient pour une bonne part à l’interprétation du document, et il faut bien dire qu’en fonction de l’interprétation, le fait peut changer de sens… Voire changer tout court, dans des cas extrêmes.]
Mais pourquoi faites-vous une différence entre l’interprétation d’un document et l’interprétation d’une expérience ? Prenez le cas du trajet du soleil. Pendant des siècles on l’a « interprété » comme la preuve que le soleil tournait autour de la terre. Et puis, on a fait une interprétation différente dans laquelle le soleil ne bouge pas et la terre tourne sur elle-même…
[Et je me heurte déjà à un premier écueil: la majorité de mes élèves ne savent pas argumenter à l’écrit et difficilement à l’oral. Construire une argumentation structurée est un exercice difficile, et nous y travaillons mais le fait est que les résultats sont globalement décevants.]
Je suis d’accord avec vous. C’est peut-être là la racine d’une série de problèmes. Les jeunes aujourd’hui parlent une langue pauvre – c’est souvent vrai même dans les classes supérieures, même si le niveau est moins désastreux que dans les couches populaires. Pauvre en vocabulaire, pauvre en syntaxe, pauvre en orthographe. Et contrairement à ce que pensent beaucoup de gens qui se croient « modernes », ce n’est pas un détail, une préciosité inutile. La complexité de la langue, la variété des formes et des exceptions traduit sa subtilité. Et à l’inverse, l’incapacité de maîtriser cette complexité se traduit par l’incapacité d’articuler une pensée, un raisonnement subtil.
Je ne sais plus qui disait que « la langue est la première discipline ». La première exigence devrait donc aller à la langue.
[En mathématiques, une fois la démonstration faite, le résultat n’est pas véritablement discutable.]
Comme je vous l’ai dit, les mathématiques sont un cas à part. Mais là aussi, pour comprendre une démonstration il faut dominer un langage, un langage hautement formalisé certes, mais qui reste une discipline.
[On peut contester ou discuter un fait historique, on ne peut guère réfuter le théorème de Pythagore (du moins au niveau collège-lycée).]
Mais on peut parfaitement contester l’interprétation d’une expérience de physique, par exemple. Prenez l’exemple du radiomètre : une petite roue à aubes suspendue à un pivot placée dans le vide. Soumise au rayonnement lumineux, elle se met à tourner. Certains vous diront que ce sont les photons qui constituent la lumière qui exercent une poussée. Sauf que, dans certains cas, la roue se met à tourner dans le sens inverse. Quelle interprétation retenir ? Que les photons exercent une poussée négative (ce qui suppose qu’ils ont une masse négative…) ? Ou bien que l’air résiduel qui reste dans le vide est échauffé par les rayons lumineux et exerce une pression plus légère sur la face éclairée que le gaz froid sur la face sombre (et c’est là l’interprétation aujourd’hui retenue…) ?
[Pour que mes élèves puissent poser des hypothèses historiques et les défendre en argumentant, il faudrait qu’ils aient des ressources en terme de raisonnement et de vocabulaire qu’ils n’ont pas. Mes collègues de mathématiques s’en plaignent: beaucoup d’élèves peinent à raisonner. Mes collègues de français sont épouvantés de la pauvreté lexicale de nos élèves. Ces deux faiblesses rendent difficiles l’usage de la méthode hypothético-déductive en histoire, à mon avis.]
J’entends bien votre argument. Je reste persuadé que la méthode hypothético-déductive est la plus intéressante en termes pédagogiques, mais je dois vous concéder qu’elle nécessite aussi des prérequis très importants en termes de langage. J’en ai d’ailleurs fait l’expérience lorsque j’ai essayé d’expliquer à des adolescents ce qu’est une démonstration par l’absurde (qui reste la « rolls » de la méthode hypothético-déductive). Comment comprendre cette idée quand on fait pas la différence entre l’indicatif, le subjonctif et le conditionnel ?
@Descartes
[A ce niveau de provocation, beaucoup de gens auraient refusé tout débat avec vous, et la discussion aurait été close.]
Désolé. Ça n’avait en effet pas sa place ici.
Mais, ailleurs, beaucoup de gens refusent le débat dès lors que sont exprimés des faits qui ne rentrent pas dans le cadre de leur idéologie. La réalité ? Très peu pour eux. La pure provocation est alors tentante. Et peut-être qu’à force de troller, ça devient un peu trop naturel… et sans trop de soucis non plus des limites.
Je vois des gens qui se rendent bien compte du niveau de merde qu’on accumule, qui ont même l’air de vaguement pressentir que continuer comme ça ne peut que mal finir, mais n’osent exprimer quoi que ce soit allant dans ce sens. Ou encore d’autres qui se foutent totalement de l’avenir du pays. Et je trouve ça de plus en plus insupportable. Car la réalité est bien que le futur de la France est très mal engagé, sinon désespéré. Alors le jeu est d’essayer de provoquer des réactions…
Et pour ceux qui sont satisfaits de cette situation, si ça peut leur faire sentir qu’ils ne l’emporteront pas au paradis, c’est déjà mieux que rien.
En fait, je comprends de plus en plus le comportement de ceux qui ont vu arriver le désastre de 1940 sans rien y pouvoir et qui ont ensuite accepté l’occupation. Cultiver une haine viscérale et irrémédiable envers ceux qui y ont mené a aidé à faire l’autre choix. Le bon. Alors je cultive… et parfois ça déborde.
Quand ça parle d’immigration, j’utilise comme synonymes invasion ou colonisation.
Par exemple, votre raisonnement qui parle de système de Ponzi pour décrire un système de retraite nécessitant une venue continue d’immigrés est juste. Mais si vous le sortez dans une conversation classique, vous allez obtenir un vague « ah ouais… » pour seule réaction.
Pour ma part, je préfère demander quel est le bilan pour les retraites du Bataclan. Et s’il n’y a pas toujours de paroles derrière, j’ai l’impression que l’idée « imprime » nettement plus.
@ bip
[Mais, ailleurs, beaucoup de gens refusent le débat dès lors que sont exprimés des faits qui ne rentrent pas dans le cadre de leur idéologie. La réalité ? Très peu pour eux. La pure provocation est alors tentante. Et peut-être qu’à force de troller, ça devient un peu trop naturel… et sans trop de soucis non plus des limites.]
C’est pourquoi j’ai publié votre commentaire, même si la provocation dépassait un peu les bornes. Mais vous avez compris que dans ce blog ce n’est pas la peine de « troller » pour se faire entendre…
[Je vois des gens qui se rendent bien compte du niveau de merde qu’on accumule, qui ont même l’air de vaguement pressentir que continuer comme ça ne peut que mal finir, mais n’osent exprimer quoi que ce soit allant dans ce sens. Ou encore d’autres qui se foutent totalement de l’avenir du pays.]
C’est le propre des classes moyennes, qu’un philosophe anglais comparait à une mule : « sans fierté de ses origines, et sans espoir de postérité ». Les « classes moyennes » vivent dans l’instant présent, qu’ils prolongent à l’infini. C’est pourquoi la société dominée par les « classes moyennes » devient très vite une société adolescente, qui ne veut pas grandir. Parce que grandir, c’est admettre le passage du temps, et donc s’inscrire dans une histoire personnelle qui a un début et une fin, fin qu’on ne peut transcender qu’en inscrivant cette histoire personnelle dans une histoire collective. Les « classes moyennes » c’est « après moi, le déluge ». On l’a bien vu en 1968.
[Et je trouve ça de plus en plus insupportable. Car la réalité est bien que le futur de la France est très mal engagé, sinon désespéré. Alors le jeu est d’essayer de provoquer des réactions… Et pour ceux qui sont satisfaits de cette situation, si ça peut leur faire sentir qu’ils ne l’emporteront pas au paradis, c’est déjà mieux que rien.]
C’est une piètre satisfaction… personnellement, si je partage la noirceur du diagnostic, je ne partage pas votre pessimisme – et celui d’autres commentateurs et amis de ce blog. Ce n’est pas la première fois que la France se retrouve abaissée, appauvrie, humiliée et conduite par de mauvais bergers. Pensez à 1940 ou à 1958, pour ne prendre que les exemples les plus récents… Je suis convaincu qu’elle se relèvera aussi longtemps qu’il y aura des Français décidés – ils sont à chaque fois une poignée – parce que la masse de leurs concitoyens, même si elle ne bouge pas toute seule, est prête à les suivre dans un moment de crise.
[Par exemple, votre raisonnement qui parle de système de Ponzi pour décrire un système de retraite nécessitant une venue continue d’immigrés est juste. Mais si vous le sortez dans une conversation classique, vous allez obtenir un vague « ah ouais… » pour seule réaction.]
Oui, mais à force de le sortir, les gens finissent par réfléchir : la répétition reste le premier pilier de toute pédagogie. Alors que se référer au Bataclan, c’est rester dans la dictature de l’émotion.
@Descartes
[Ce n’est pas la première fois que la France se retrouve abaissée, appauvrie, humiliée et conduite par de mauvais bergers. Pensez à 1940 ou à 1958, pour ne prendre que les exemples les plus récents…]
En effet. Mais la durée du règne des mauvais bergers et la profondeur de l’abaissement sont quand même des signes très inquiétants dans l’optique d’un rebond. Ils le sont d’autant plus qu’ils ne sont cette fois dus qu’à des causes internes. Quand Zemmour a titré « Le suicide Français », je crois qu’il a mis dans le mille…
[Je suis convaincu qu’elle se relèvera aussi longtemps qu’il y aura des Français décidés – ils sont à chaque fois une poignée – parce que la masse de leurs concitoyens, même si elle ne bouge pas toute seule, est prête à les suivre dans un moment de crise.]
Ben moi, certains de mes concitoyens m’inquiètent plus qu’autre chose. Notamment en vue d’un « moment de crise ». Entre ceux qui sont prêts à se battre pour gagner quelques euros sur un pot de Nutella (chose dont tout le monde peut se passer) ou ceux qui se jettent sur les stations services au moindre pépin dans l’approvisionnement, alors qu’en temps normal un plein tous les 3 mois leur suffit, et créent eux-mêmes la pénurie…
Ne parlons même pas de ceux qui habitent le territoire français et haïssent la France et les Français, chose inédite dans son ampleur au cours de notre histoire, et constituent une cinquième colonne dont on mesurerait alors peut-être l’étendue.
Mais le pessimisme n’empêche pas forcément l’action. Perdu pour perdu, haut les cœurs ! Je ne vais bien sûr pas jusque-là et il y a même des jours où je suis optimiste sur l’avenir de la France. Mais je considère que chaque jour qui passe est un jour qui rend plus difficile un hypothétique sauvetage. Donc oui je suis très inquiet.
[Alors que se référer au Bataclan, c’est rester dans la dictature de l’émotion.]
Mais c’est aussi faire passer l’idée que ça n’a rien d’une évidence que l’immigration arabo-africaine soit bénéfique économiquement à la grande majorité de la population. Et encore moins sur les plans sécuritaire et culturel…
Certes en s’appuyant en partie sur l’émotion. Mais comment vous voulez traiter cette hypothèse rationnellement ?
Rien que calculer le coût du terrorisme musulman (qui est directement imputable à cette immigration donc). Déjà le coût économique, ce serait du doigt mouillé vaguement agrémenté de quelques chiffres pour faire sérieux. Alors en mesurer le coût sur la qualité de vie…
Comment calculer ce que coûte à une nation la pluri-ethnicité ? Car qui dit société « plurielle » dit au final délinquance, racisme et apartheid (sauf à instaurer des régimes autoritaires, façon Cuba).
Alors croire que c’est par un débat rationnel qu’on mettra les gens d’accord là-dessus me semble illusoire. C’est ou trop tard ou trop explosif pour être traité de cette façon.
@ bip
[Ben moi, certains de mes concitoyens m’inquiètent plus qu’autre chose. Notamment en vue d’un « moment de crise ». Entre ceux qui sont prêts à se battre pour gagner quelques euros sur un pot de Nutella (chose dont tout le monde peut se passer) ou ceux qui se jettent sur les stations services au moindre pépin dans l’approvisionnement, alors qu’en temps normal un plein tous les 3 mois leur suffit, et créent eux-mêmes la pénurie…]
C’est vrai que ce n’est pas glorieux, même si ce n’est guère mieux ailleurs. Mais contrairement à ce que vous semblez croire, ce genre de choses n’est pas nouveau dans notre histoire. Il ne faut pas croire que les hommes exemplaires aient été plus nombreux dans le passé. Ils ont toujours été une minorité.
[Ne parlons même pas de ceux qui habitent le territoire français et haïssent la France et les Français, chose inédite dans son ampleur au cours de notre histoire, et constituent une cinquième colonne dont on mesurerait alors peut-être l’étendue.]
Là encore, je vous conseille de lire ce qui s’écrivait dans l’entre-deux guerres. Vous verrez que la « haine de soi » n’est guère nouvelle…
[Comment calculer ce que coûte à une nation la pluri-ethnicité ? Car qui dit société « plurielle » dit au final délinquance, racisme et apartheid (sauf à instaurer des régimes autoritaires, façon Cuba).]
Je ne suis pas d’accord. Le problème n’est pas la « pluri-ethnicité » mais la renonciation à assimiler. Un arabe ou un noir parlant parfaitement français, pratiquant la sociabilité à la française, ayant fait sienne l’histoire de notre pays ne me pose le moindre problème. Mais je soutiens aussi que l’assimilation ne peut être purement volontaire : il faut pour cela un brin de « autoritarisme » de la part de la société d’accueil.
@Descartes
[Vous verrez que la « haine de soi » n’est guère nouvelle…]
Mais à ceux-ci s’ajoute ceux qui sont présents sur notre sol et haïssent la France, non par « haine de soi » mais par « haine de l’autre ».
[Le problème n’est pas la « pluri-ethnicité » mais la renonciation à assimiler. Un arabe ou un noir parlant parfaitement français, pratiquant la sociabilité à la française, ayant fait sienne l’histoire de notre pays ne me pose le moindre problème.]
S’ils ne sont qu’1 ou 2 % de la population, ça ne pose aucun problème à personne. Même non assimilés.
Mais si les « minorités visibles » dépassent, par « groupe », un seuil de 5-10 %, ça posera le problème du racisme et de formes d’ « apartheid ». Assimilation ou non. Car la réalité humaine est comme ça…
Sauf à pratiquer une forme de métissage forcé.
D’autre part, il me semble avoir entendu Zemmour citer l’historien Pierre Milza et dire que les 2/3 des immigrés italiens sont repartis. 60 % pour les Polonais.
C’est-à-dire que seule une minorité de ces européens dont la culture, le mode de vie et le physique étaient proches des nôtres a pu être assimilée.
Moins de 40 % ! Et tout ça à une époque où l’immersion dans la société française était forcée par l’impossibilité de maintenir un lien quotidien avec la société quittée, que ce soit via la téléphonie, la télévision par satellite ou l’internet.
Aujourd’hui, vous pouvez vivre tranquillement en France et n’en connaître que sa CAF et sa sécu.
[Mais je soutiens aussi que l’assimilation ne peut être purement volontaire : il faut pour cela un brin de « autoritarisme » de la part de la société d’accueil.]
« Un brin », oui… Mener une politique qui pourrait rendre nécessaire de « remigrer » plus de la moitié des immigrés et descendants d’immigrés arabo-africains présents sur notre sol (dont une grande partie est française, d’après l’État-civil) risque en effet de ne pas se faire qu’avec des discours.
@ bip
[« Vous verrez que la « haine de soi » n’est guère nouvelle… » Mais à ceux-ci s’ajoute ceux qui sont présents sur notre sol et haïssent la France, non par « haine de soi » mais par « haine de l’autre ».]
Je ne suis pas aussi persuadé que vous. Une partie du problème est que ceux « qui sont présents sur notre sol et haïssent la France » sont bien français. Non seulement de passeport, mais dans leur tête. Ils peuvent brandir le drapeau algérien pendant un match, mais ils seraient perdus s’ils devaient vivre dans la société algérienne, dont ils ne partagent en fait ni les coutumes, ni les valeurs, ni les interdits. La haine dont vous parlez prend souvent ses racines dans la « haine de soi », la haine de ce qu’on est ou de ce qu’on est devenu. D’où ce besoin d’un « retour » à un rigorisme absolu pour se convaincre qu’on n’est pas ce qu’on est…
[« Le problème n’est pas la « pluri-ethnicité » mais la renonciation à assimiler. Un arabe ou un noir parlant parfaitement français, pratiquant la sociabilité à la française, ayant fait sienne l’histoire de notre pays ne me pose le moindre problème. » S’ils ne sont qu’1 ou 2 % de la population, ça ne pose aucun problème à personne. Même non assimilés.]
Mais s’ils sont plus, l’assimilation permet de résoudre le problème. La France n’a jamais été un pays uniforme en termes ethniques, et les « minorités » ont toujours été reconnaissables. Le Breton et le Provençal, l’Alsacien et le Corse sont suffisamment différents pour être « visibles ». Et ils l’étaient suffisamment pour que la République estime nécessaire de conduire une campagne massive « d’assimilation intérieure » par le biais de l’école d’abord, du service militaire ensuite. Pourquoi pensez-vous que cela devrait être différent avec les arabes, par exemple ?
[Mais si les « minorités visibles » dépassent, par « groupe », un seuil de 5-10 %, ça posera le problème du racisme et de formes d’ « apartheid ». Assimilation ou non. Car la réalité humaine est comme ça…]
Je vous répète la question : dans certaines villes, dans certains quartiers, les Bretons sont une « minorité visible ». Cela vous pose un problème ?
[D’autre part, il me semble avoir entendu Zemmour citer l’historien Pierre Milza et dire que les 2/3 des immigrés italiens sont repartis. 60 % pour les Polonais.]
C’est vrai pour les maghrébins aussi : beaucoup sont venus en France pour se fabriquer un pécule, de quoi acheter une maison, un petit magasin ou une ferme « au pays », puis sont repartis. Par ailleurs, à supposer même que 60% des polonais soient repartis, cela laisse tout de même 40% chez nous. Et comme ils étaient très nombreux… Si vous allez dans le Nord, vous verrez un grand nombre de noms polonais, et pas mal de gens dont le physique est clairement slave. Et alors ? Je ne crois pas que cela pose de problème à personne. Le problème n’est pas ethnique, il est culturel.
[C’est-à-dire que seule une minorité de ces européens dont la culture, le mode de vie et le physique étaient proches des nôtres a pu être assimilée.]
Non. Cela veut dire que seule une minorité de ces européens – dont la culture et le mode de vie n’étaient pas aussi proche du notre que vous le pensez – ont eu envie de faire l’effort d’assimilation dans une société ou l’assimilation était exigée pour rester.
[Et tout ça à une époque où l’immersion dans la société française était forcée par l’impossibilité de maintenir un lien quotidien avec la société quittée, que ce soit via la téléphonie, la télévision par satellite ou l’internet.]
Pas du tout. Les polonais qui sont venus en France sont venus en groupe pour travailler dans les mines. Ils habitaient dans des « quartiers polonais », parlaient polonais entre eux et fréquentaient l’église polonaise ou l’office était parlé en leur langue. Ce n’est qu’à travers de leurs enfants que l’assimilation s’est faite.
@Descartes
[Une partie du problème est que ceux « qui sont présents sur notre sol et haïssent la France » sont bien français. Non seulement de passeport, mais dans leur tête.]
Quid de leur niveau délirant de « complotisme » versus le « cartésianisme » que, régulièrement, vous rappelez être une des principales composantes de l’identité française ?
Et vous avez l’impression qu’ils font leur l’histoire de France ?
Mais je reconnais qu’ils sont sans doute en grande partie « occidentalisé » : smartphone, coca-cola, mcdo, baskets, etc. Mais Français…
[Ils peuvent brandir le drapeau algérien pendant un match]
Ou le 11 novembre sur la tombe du soldat inconnu.
[mais ils seraient perdus s’ils devaient vivre dans la société algérienne, dont ils ne partagent en fait ni les coutumes, ni les valeurs, ni les interdits.]
C’est vrai que ça leur ferait drôle des policiers qui ripostent et des juges qui font autre chose que leur tapoter sur le bout des doigts.
Mais si la France redevient la France, ie autre chose que ce truc que tout un chacun se plaît à humilier, ils risqueraient d’être davantage perdus encore…
[Mais s’ils sont plus, l’assimilation permet de résoudre le problème.]
Non. Si l’assimilation a permis de résoudre des cas d’immigration particuliers, rien ne dit que ça marche en tout temps, en tout lieu, en toutes conditions, sans soucis du nombre et de la « distance à l’assimilation » des individus concernés. Et pour le coup, tout est réuni pour ce que ça se passe mal ou pas.
[La France n’a jamais été un pays uniforme en termes ethniques, et les « minorités » ont toujours été reconnaissables. Le Breton et le Provençal, l’Alsacien et le Corse sont suffisamment différents pour être « visibles ». Et ils l’étaient suffisamment pour que la République estime nécessaire de conduire une campagne massive « d’assimilation intérieure » par le biais de l’école d’abord, du service militaire ensuite. Pourquoi pensez-vous que cela devrait être différent avec les arabes, par exemple ?]
Parce que, à la différence de la Bretagne, de la Provence, de l’Alsace et de la Corse, les pays arabes ne font pas partie de la France ?
Notons d’abord que du point de vue de la France, les différences ethniques « visibles » que vous relevez entre les autochtones de différentes régions françaises n’en sont pas. Puisque ces régions font partie de la France ! Leurs caractéristiques, quelles qu’elles soient, sont donc, par définition, françaises.
Sans que cela n’enlève rien à la nécessité de créer des moyens de relier entre eux les habitants des différentes régions françaises afin de « cimenter » l’édifice national.
Mais à l’impossible, nul n’est tenu. Si certaines caractéristiques physiques jouent un rôle infiniment plus important que d’autres dans les rapports entre les Hommes, ce n’est pas de ma faute… Je n’y peux rien si certains se pensent comme « blancs », comme « noirs », etc plutôt que comme « accent de ci » ou « accent de là »…
Si vous parlez de « nos ancêtres les Gaulois » ou de Charles Martel qui repousse l’envahisseur à des noirs ou des arabes et qu’ils se sentent pas trop dans le truc, c’est compréhensible. Par contre pour des blancs (blonds, bruns, roux, etc) ça va marcher sans soucis. Et ça n’a rien d’étonnant non plus.
Enfin, un immigré ne peut aucunement tirer de légitimité de la terre d’où il vient vis-à-vis de la France. La France est indifférente aux spécificités du lieu d’où il vient et c’est à lui de s’adapter en tout point au lieu où il vit. Il ne peut donc revendiquer des « traditions » au titre de ses ancêtres. Ce qui fait quelques crans en plus à l’échelle assimilationniste.
[Je vous répète la question : dans certaines villes, dans certains quartiers, les Bretons sont une « minorité visible ». Cela vous pose un problème ?]
D’abord, les us et coutumes des autochtones d’une terre française font partie de la France.
Ensuite, n’ayant jamais relevé l’existence de « quartier breton », ça ne doit déranger ni moi ni grand monde (sinon j’en aurais au moins entendu l’écho..).
Ça ressemble à quoi ? A l’implantation d’une bonne crêperie ? A la poussée de tas de kebabs dégueulasses qui servent en partie à blanchir de l’argent, souvent avec la bienveillance des autorités qui détournent le regard gentiment ?
[Si vous allez dans le Nord, vous verrez un grand nombre de noms polonais, et pas mal de gens dont le physique est clairement slave. Et alors ? Je ne crois pas que cela pose de problème à personne. Le problème n’est pas ethnique, il est culturel.]
Mouais, faut avoir l’œil sacrément exercé quand même. Le délire du « on se marie entre nous » et si besoin on va chercher des cousins restés au pays, c’est pas polonais…
Et si vous allez dans “nos îles”, il est patent que le problème est ethnique avant d’être culturel.
[Non. Cela veut dire que seule une minorité de ces européens – dont la culture et le mode de vie n’étaient pas aussi proche du notre que vous le pensez – ont eu envie de faire l’effort d’assimilation dans une société ou l’assimilation était exigée pour rester.]
Peut-être pas aussi proche que je le pense. Mais assurément beaucoup plus que les non-européens qui viennent !
[[Et tout ça à une époque où l’immersion dans la société française était forcée par l’impossibilité de maintenir un lien quotidien avec la société quittée, que ce soit via la téléphonie, la télévision par satellite ou l’internet.]
Pas du tout. Les polonais qui sont venus en France sont venus en groupe pour travailler dans les mines. Ils habitaient dans des « quartiers polonais », parlaient polonais entre eux et fréquentaient l’église polonaise ou l’office était parlé en leur langue. Ce n’est qu’à travers de leurs enfants que l’assimilation s’est faite.]
Dans des « quartiers polonais » où vivaient aussi des Français. Et des Français qui n’essayaient pas de les fuir sans pour autant abandonner le mode de vie français en cas d’impossibilité !
Et s’ils parlaient polonais entre eux et allaient dans des églises polonaises, c’était parce qu’ils ne savaient pas, ou très peu, parler français. Ce qui fait une légère différence avec des gens qui ont des papiers français mais décident de parler entre eux une autre langue, qu’ils maîtrisent parfois moins bien que le français…
Et je maintiens que non, ils ne partaient en vacances en Pologne. Non, ils ne téléphonaient pas régulièrement en Pologne. Non, ils ne regardaient pas des programmes polonais sur leur télévision. Etc
@ bip
[« Une partie du problème est que ceux « qui sont présents sur notre sol et haïssent la France » sont bien français. Non seulement de passeport, mais dans leur tête ». Quid de leur niveau délirant de « complotisme » versus le « cartésianisme » que, régulièrement, vous rappelez être une des principales composantes de l’identité française ?]
Je ne sais pas si les français « issus de l’immigration » sont plus ou moins « complotistes » que les « gaulois ». J’ai tendance à penser que ça se vaut : je n’ai pas vu beaucoup de basanés parmi ceux qui font de Linky un « big brother ». Quant à ceux qui pensent que l’attaque sur le WTC a été arrangé par les services américains, ils se partagent assez harmonieusement entre les uns et les autres…
Et lorsque j’entends des jeunes filles voilées défendre leur voile non pas au nom du dogme, mais avec un raisonnement construit sur les principes de liberté et d’égalité – même si c’est un raisonnement simpliste – je me dis que oui, le cartésianisme s’est bien imposé.
[Et vous avez l’impression qu’ils font leur l’histoire de France ?]
On n’est pas à un moment ou l’on « fait l’histoire ». Notre époque est plutôt une époque de repli, après l’incroyable dynamisme politique, économique, juridique, intellectuel des générations de l’après guerre. La médiocrité ambiante touche « gaulois » et « basanés » à parts égales.
[Mais si la France redevient la France, ie autre chose que ce truc que tout un chacun se plaît à humilier, ils risqueraient d’être davantage perdus encore…]
Je ne le crois pas. Lorsque vous discutez avec des gens dans les quartiers, vous remarquez une grande lassitude. Les gens sont fatigués du désordre. Ils sont fatigués de vivre dans la peur des « bandes », de voir leur voiture partir en fumée, des tags et des crachats dans l’escalier, de devoir baisser la tête pour ne pas avoir d’ennuis. Le pacte républicain – l’ordre en échange de l’assimilation – est pour moi toujours d’actualité, et je suis persuadé qu’il serait plébiscité si seulement l’Etat s’en donnait les moyens.
[Non. Si l’assimilation a permis de résoudre des cas d’immigration particuliers, rien ne dit que ça marche en tout temps, en tout lieu, en toutes conditions, sans soucis du nombre et de la « distance à l’assimilation » des individus concernés. Et pour le coup, tout est réuni pour ce que ça se passe mal ou pas.]
Historiquement, les exemples de populations qui sont restés inassimilables alors que la société en avait la volonté politique de les assimiler et s’était donné les moyens sont, à ma connaissance, très rares. On peut donc supposer que si l’assimilation ne fonctionne pas à tous les coups, elle fonctionne tout de même très fréquemment… dès lors, et j’insiste là-dessus, que la société en a la volonté.
[Parce que, à la différence de la Bretagne, de la Provence, de l’Alsace et de la Corse, les pays arabes ne font pas partie de la France ?]
Je ne vois pas le rapport. La plupart des « issus de l’immigration » ne sont pas nés dans « les pays arabes », ils sont nés en France. Comme les Bretons, les Alsaciens ou les Corses, ce sont des « minorités visibles ». Par ailleurs, je vous fais noter qu’une partie des maghrébins vivant en France sont nés en Algérie à l’époque ou celle-ci était départementalisée.
[Notons d’abord que du point de vue de la France, les différences ethniques « visibles » que vous relevez entre les autochtones de différentes régions françaises n’en sont pas. Puisque ces régions font partie de la France ! Leurs caractéristiques, quelles qu’elles soient, sont donc, par définition, françaises.]
Vous voulez dire que les caractéristiques arabes étaient « françaises » jusqu’en 1962 (vous savez, du temps ou « l’Algérie c’était la France ») et qu’elles ont cessé de l’être cette année là ? Soyons sérieux : la question des « minorités visibles » n’est pas une question de statut administratif, mais de cohésion sociale. Il y a des gens qui pensent que la diversité ethnique aboutit nécessairement au communautarisme ou à la discrimination, et qui tirent comme conclusion que la nation ne peut se constituer que sur une base ethnique. L’histoire de France montre le contraire. La France a toujours été très hétérogène ethniquement, avec des minorités « visibles » très reconnaissables. Et pourtant, cela n’a pas empêché de construire une société de citoyens. Et cela a été possible parce que, contrairement à certains de nos voisins, la France s’est toujours refusé de laisser les question ethniques entrer dans la sphère publique. Et de ce point de vue, le fait que la « minorité visible » soit celle originaire de Plougastel ou celle de Mantes-la-Jolie ne change rien à l’affaire. La question de savoir si je peux voir un concitoyen dans quelqu’un qui ne me ressemble pas physiquement se pose exactement dans les mêmes termes quelque soit l’origine de cette non-ressemblance.
Le danger, c’est précisément de laisser rentrer la question ethnique dans la sphère publique, de faire de cette « différence » un marqueur social. Quand on voit fleurir des « associations noires » dont le fond de commerce est la revendication d’un statut particulier fondé sur la couleur de la peau, on est en danger.
[Sans que cela n’enlève rien à la nécessité de créer des moyens de relier entre eux les habitants des différentes régions françaises afin de « cimenter » l’édifice national.]
Si vous relisez l’histoire, vous verrez qu’on ne s’est pas contenté de « créer des moyens de relier entre eux les habitants des différents régions ». On s’est livré dès la fin du XVIIIème siècle à une véritable politique « d’assimilation intérieure ». L’Etat avait devant lui une mosaïque de « pays » qui avaient chacun leur droit, leur pratique religieuse (entre le catholicisme tel qu’il était pratiqué en Bretagne et celui pratiqué à Paris, il y avait un abime), leur langue, leurs codes sociaux. La problématique des personnes « issues de l’immigration » n’est pas très différente.
[Mais à l’impossible, nul n’est tenu. Si certaines caractéristiques physiques jouent un rôle infiniment plus important que d’autres dans les rapports entre les Hommes, ce n’est pas de ma faute… Je n’y peux rien si certains se pensent comme « blancs », comme « noirs », etc plutôt que comme « accent de ci » ou « accent de là »…]
A titre personnel, vous n’y pouvez rien. Mais à titre collectif, nous pouvons beaucoup. Je ne vois pas pourquoi, alors qu’on est arrivé à ne pas se penser comme « bruns » ou « blonds », on doit se penser comme « blancs » ou « noirs ».
[Si vous parlez de « nos ancêtres les Gaulois » ou de Charles Martel qui repousse l’envahisseur à des noirs ou des arabes et qu’ils se sentent pas trop dans le truc, c’est compréhensible. Par contre pour des blancs (blonds, bruns, roux, etc) ça va marcher sans soucis. Et ça n’a rien d’étonnant non plus.]
Mais qu’est ce qui vous permet de penser que « nos ancêtres les gaulois » ne dit rien à des noirs ou des arabes ? Je me souviens de d’avoir discuté avec un algérien scolarisé en Algérie avant 1962 et qui me racontait combien la leçon « nos ancêtres les gaulois » l’avait marqué, et combien il était fier de la répéter en classe. Par ailleurs, je vous fait noter qu’il y a en France un demi million de juifs parfaitement assimilés, et qui n’ont pas plus de raison de se reconnaître dans les Gaulois ou dans Martel qu’un noir ou un arabe. Et pourtant…
Je crois qu’il faut combattre cette idée bizarre qui veut que nous ne puissions nous identifier symboliquement qu’à ceux qui nous ressemblent. Qu’il faut être « blanc » pour s’intéresser à Martel, « femme » pour s’intéresser à Jeanne d’Arc, « noir » pour s’intéresser à Félix Eboué. Une idée dont on peut voir les dégâts aux Etats-Unis, ou chaque catégorie se bat pour gagner sa place dans les livres scolaires, sommés de contenir un héros noir, homosexuel et handicapé sans quoi les noirs homosexuels et handicapés pourraient faire un procès et exiger des dommages et intérêts au prétexte que le manuel en question les discrimine.
[Enfin, un immigré ne peut aucunement tirer de légitimité de la terre d’où il vient vis-à-vis de la France. La France est indifférente aux spécificités du lieu d’où il vient et c’est à lui de s’adapter en tout point au lieu où il vit. Il ne peut donc revendiquer des « traditions » au titre de ses ancêtres. Ce qui fait quelques crans en plus à l’échelle assimilationniste.]
Mais en quoi sa situation est différente par rapport à un français « de souche » ? Dans notre société, personne ne peut tirer une quelconque « légitimité » de la « terre d’où il vient ». La seule légitimité, c’est celle que donne le statut de citoyen. Et dans la sphère privée, chacun est libre de cultiver les traditions qu’il veut au titre de ses ancêtres, réels ou imaginaires. Je connais un couple descendant de juifs bulgares installés en Bretagne qui ont appris le breton, jouent du biniou et se sont fait des apôtres de la culture bretonne. Et on trouve des bretons qui se convertissent à l’Islam et vont faire la guerre en Syrie pour la plus grande gloire du Califat. Où est la différence ? Lequel des deux est plus loin « dans l’échelle assimilationniste » ?
L’assimilation, qu’elle soit extérieure ou intérieure, est par essence une rupture. L’assimilé se voit proposer – en fait, imposer – un pacte avec la société d’accueil : il doit faire sien le cadre symbolique, le droit, la sociabilité du pays d’accueil, et en échange il est considéré comme un citoyen à égalité avec les autres.
[« Je vous répète la question : dans certaines villes, dans certains quartiers, les Bretons sont une « minorité visible ». Cela vous pose un problème ? » D’abord, les us et coutumes des autochtones d’une terre française font partie de la France.]
Mais c’est quoi un « autochtone » ? Prenez les juifs alsaciens ou contadins, installés dans ces régions depuis le moye-âge. Diriez-vous que leurs « us et coutumes » sont celles des « autochtones » ? La séparation que vous établissez entre « les us et coutumes des autochtones d’une terre française » est très artificielle. Beaucoup de « gaulois », toutes régions confondues, mangent à l’occasion un bon couscous – on en sert souvent dans les cantines. Doit on considérer que de ce fait manger du couscous fait partie des « us et coutumes des autochtones » ?
[Ensuite, n’ayant jamais relevé l’existence de « quartier breton », ça ne doit déranger ni moi ni grand monde (sinon j’en aurais au moins entendu l’écho..). Ça ressemble à quoi ? A l’implantation d’une bonne crêperie ?]
Allez dans le quartier de la Gare Montparnasse à Paris, et vous pourrez le voir de vos propres yeux. Vous pourrez aussi voir les affichettes de « l’association des bretons à Paris », l’une des plus anciennes organisations « communautaires » en France, qui organise de temps en temps des « pardons » et autres « fest noz ».
[« Si vous allez dans le Nord, vous verrez un grand nombre de noms polonais, et pas mal de gens dont le physique est clairement slave. Et alors ? Je ne crois pas que cela pose de problème à personne. Le problème n’est pas ethnique, il est culturel ». Mouais, faut avoir l’œil sacrément exercé quand même.]
Pas vraiment. Suffit de savoir repérer les yeux gris, très caractéristiques. Quant aux noms sur les sonnettes, ils ne laissent pas vraiment beaucoup d’ambiguïtés. Il est bien plus difficile de faire la différence entre un arabe et un juif pied-noir qu’entre un flamand et un polonais…
[Le délire du « on se marie entre nous » et si besoin on va chercher des cousins restés au pays, c’est pas polonais…]
Mais la question du mariage est bien une question culturelle, et non une question ethnique. A moins que vous pensiez qu’il y a des gènes qui nous programment pour aller chercher un mariage « au pays » ?
[Et si vous allez dans “nos îles”, il est patent que le problème est ethnique avant d’être culturel.]
Je n’ai pas très bien compris le sens de cette remarque. De quel « problème » parlez-vous ?
[Peut-être pas aussi proche que je le pense. Mais assurément beaucoup plus que les non-européens qui viennent !]
Pas sûr. Je pense qu’un tunisien qui arrive de Tunis à Paris est bien plus proche de la culture française que le juif hassidique arrivant d’un petit village ukrainien.
[« Pas du tout. Les polonais qui sont venus en France sont venus en groupe pour travailler dans les mines. Ils habitaient dans des « quartiers polonais », parlaient polonais entre eux et fréquentaient l’église polonaise ou l’office était parlé en leur langue. Ce n’est qu’à travers de leurs enfants que l’assimilation s’est faite ». Dans des « quartiers polonais » où vivaient aussi des Français.]
Non. Beaucoup de polonais vivaient dans des cités minières construites par les Houillères où ils vivaient entre eux, avec peu ou pas de contacts avec la population française. On faisait même venir des prêtres polonais pour s’occuper de leurs besoins spirituels. Si l’isolation n’a pas été complète, c’est grâce à l’obligation scolaire…
[Et je maintiens que non, ils ne partaient en vacances en Pologne.]
A l’époque, personne ne partait en vacances. Mais ils gardaient des contacts avec leurs familles en Pologne, et faisaient souvent venir des femmes « du pays » pour se marier. Je crois que vous idéalisez beaucoup les vagues d’immigration antérieures…
[Non, ils ne regardaient pas des programmes polonais sur leur télévision. Etc]
Mais ils lisaient les journaux polonais. Encore une fois, l’immigration que nous subissons aujourd’hui n’est pas très différente de celle d’hier…
[Je ne sais pas si les français « issus de l’immigration » sont plus ou moins « complotistes » que les « gaulois ». J’ai tendance à penser que ça se vaut]
Les attentats en France : complots pour stigmatiser les musulmans, la « main d’Israël » dans à peu près tout ce qui se passe dans le monde, etc
Sans oublier celui sur lequel prospère toute l’Afrique : « les occidentaux sont responsables de tout ce qui va mal chez nous ! Depuis la nuit des temps ! ».
[Et lorsque j’entends des jeunes filles voilées défendre leur voile non pas au nom du dogme, mais avec un raisonnement construit sur les principes de liberté et d’égalité – même si c’est un raisonnement simpliste – je me dis que oui, le cartésianisme s’est bien imposé.]
Réciter le discours pensé pour se servir des « droits de l’Homme » comme cheval de Troie de l’islamisme ne prouve pas leur capacité à raisonner avec un minimum de rigueur…
[On n’est pas à un moment ou l’on « fait l’histoire ».]
« vous avez l’impression qu’ils font LEUR l’histoire de France ? » ie avez-vous l’impression qu’ils se pensent les continuateurs de l’histoire de France et pas les continuateurs de celle de leur « autre pays » ?
[Lorsque vous discutez avec des gens dans les quartiers, vous remarquez une grande lassitude. Les gens sont fatigués du désordre. Ils sont fatigués de vivre dans la peur des « bandes », de voir leur voiture partir en fumée, des tags et des crachats dans l’escalier, de devoir baisser la tête pour ne pas avoir d’ennuis.]
C’est les mêmes qui se plaignent que c’est pas bien chez eux, qui viennent en France sans qu’on ne leur ait rien demandé, vivent à nos crochets comme au pays, et qui au bout d’un certain temps retrouvent la même situation qu’ils ont quittée, chouinent et disent que c’est notre faute ?
[Je ne vois pas le rapport.]
Il y a des gens qui habitent la Bretagne et à qui vous dîtes un jour « maintenant vous êtes Français ». Il est normal de faire des efforts de notre côté et d’y mettre les moyens pour que ça se passe bien.
Ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de gens qui débarquent ici de leur propre initiative et qui, bien souvent, ne font aucun effort de leur côté.
[La plupart des « issus de l’immigration » ne sont pas nés dans « les pays arabes », ils sont nés en France.]
Mais leur différence « visible » est une différence qui vient d’une terre étrangère et non d’une terre française.
S’ils veulent que cette « différence » n’en soit plus une, ils ont la possibilité de quitter la France. Pas les Bretons.
[Par ailleurs, je vous fais noter qu’une partie des maghrébins vivant en France sont nés en Algérie à l’époque ou celle-ci était départementalisée.]
&
[Vous voulez dire que les caractéristiques arabes étaient « françaises » jusqu’en 1962 (vous savez, du temps ou « l’Algérie c’était la France ») et qu’elles ont cessé de l’être cette année là ?]
Quiconque de raisonnable a regardé une carte du monde est bien conscient que l’Algérie n’a jamais fait partie de la France. Une séparation de centaines de km de mer, c’est déjà un bon indice. Alors être carrément sur des continents différents…
La France a des frontières naturelles, dommage que certains l’aient oubliés.
Les gens qui ne voient le monde qu’aveuglés par leur idéologie, l’universalisme en l’occurrence à l’époque, sont dangereux. La réalité finit toujours par se rappeler à ceux qui l’oublient. Sans que bien souvent ça ne ne les interroge plus que ça d’ailleurs…
Vouloir mettre la France en Afrique s’est révélé catastrophique, et nombres de catastrophes sont encore à venir, et elle en a été chassée. Une nouvelle idée merveilleuse leur est alors venue : essayer de mettre l’Afrique en France. Gros suspense encore quant au résultat…
[La France a toujours été très hétérogène ethniquement, avec des minorités « visibles » très reconnaissables. Et pourtant, cela n’a pas empêché de construire une société de citoyens. Et cela a été possible parce que, contrairement à certains de nos voisins, la France s’est toujours refusé de laisser les question ethniques entrer dans la sphère publique. Et de ce point de vue, le fait que la « minorité visible » soit celle originaire de Plougastel ou celle de Mantes-la-Jolie ne change rien à l’affaire.]
Si. Notre géographie et notre histoire allaient dans ce sens. Aujourd’hui, elles sont là pour nous rappeler que nous ne sommes pas un pays d’Afrique.
Les idées ne naissent pas sans raison et ne peuvent pas tout. Répéter les hommes sont égaux c’est bien, tenir compte de certaines réalités humaines ce n’est pas mal…
[A titre personnel, vous n’y pouvez rien. Mais à titre collectif, nous pouvons beaucoup. Je ne vois pas pourquoi, alors qu’on est arrivé à ne pas se penser comme « bruns » ou « blonds », on doit se penser comme « blancs » ou « noirs ».]
Si on considère que dans le monde c’est plutôt la règle que l’exception, j’aurais quand même envie de ne pas tout miser sur cette hypothèse…
Ce n’est pas parce que le pourquoi de la gravité m’échappe que je devrais décider à me mettre à sauter des toits.
D’autant que cet « essai » est à l’heure actuelle à sens unique. Si ça se passe mal, aucune aide extérieure ne sera à attendre.
Si demain, en France, certains décidaient du génocide des blancs, j’aimerais qu’au simple regard du rapport de force numérique leur idée soit tuée dans l’œuf. Que le sort des Boers en Afrique du Sud soit tout simplement une impossibilité.
[Mais qu’est ce qui vous permet de penser que « nos ancêtres les gaulois » ne dit rien à des noirs ou des arabes ?]
Ah, ça leur dit quelque chose ! Par contre « Vous, les Gaulois » est ce qu’ils en retirent…
[Dans notre société, personne ne peut tirer une quelconque « légitimité » de la « terre d’où il vient ». La seule légitimité, c’est celle que donne le statut de citoyen.]
La loi n’est pas seule source de légitimité.
« La terre et les morts », pour moi, ça compte. La terre de France a une histoire. Ceux qui y sont morts aussi. Et poursuivre ces histoires et leurs traditions est légitime.
[Je connais un couple descendant de juifs bulgares installés en Bretagne qui ont appris le breton, jouent du biniou et se sont fait des apôtres de la culture bretonne.]
S’approprier la culture locale du lieu où l’on vit, c’est plutôt bien vu pour être acceptés. A condition, certes, de n’être plus royaliste que le roi…
[Et on trouve des bretons qui se convertissent à l’Islam et vont faire la guerre en Syrie pour la plus grande gloire du Califat.]
Quand on ne sait plus d’où l’on vient et qui l’on est, ma foi… Ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisque n’importe qui, croyant à n’importe à quoi et faisant ce que bon lui semble est maintenant présenté comme « un Français comvouzémoi».
C’est pour ça qu’il est important de savoir qui ont été les Français. Et que nous sommes leurs descendants.
[Mais c’est quoi un « autochtone » ?]
Quelqu’un qu’on ne peut relier à un autre lieu par son ascendance ou ses traits physiques. Quelques générations suffisent pour en être je pense. A condition que le nombre de nouveaux arrivants soit relativement restreint et qu’ils acceptent de ne pas chercher l’entre-soi.
[Prenez les juifs alsaciens ou contadins, installés dans ces régions depuis le moye-âge. Diriez-vous que leurs « us et coutumes » sont celles des « autochtones » ?]
S’ils ont conservé des « us et coutumes » venant d’ancêtres ayant vécu ailleurs, je dirais non. Les « us et coutumes » qu’ils ont adoptés de leur vie en ce lieu, oui.
[Beaucoup de « gaulois », toutes régions confondues, mangent à l’occasion un bon couscous – on en sert souvent dans les cantines. Doit on considérer que de ce fait manger du couscous fait partie des « us et coutumes des autochtones » ?]
Non. D’une mode. Mais si après plusieurs générations, c’est toujours le cas, pourquoi pas…
[Mais la question du mariage est bien une question culturelle, et non une question ethnique. A moins que vous pensiez qu’il y a des gènes qui nous programment pour aller chercher un mariage « au pays » ?]
C’est une question culturelle bien sûr. Mais il ne vous aura pas échappé j’imagine que toutes les caractéristiques culturelles ne se situent pas sur le même plan. Et que les caractéristiques les moins conscientes ne sont pas les plus aisément modifiables.
[[Et si vous allez dans “nos îles”, il est patent que le problème est ethnique avant d’être culturel.]
Je n’ai pas très bien compris le sens de cette remarque. De quel « problème » parlez-vous ?]]
Je pensais dans les relations entre les gens. Les différences ethniques me semblant être une source de problèmes plus grande que ne le sont les différences culturelles.
[[Dans des « quartiers polonais » où vivaient aussi des Français.]
[Non.]]
Je dispose de témoignages différents. Ce qui, certes, me permet pas de conclure en tout lieu et en tout temps des « quartiers polonais » mais qui me laisse assez peu convaincu par un simple « non »…
[Beaucoup de polonais vivaient dans des cités minières construites par les Houillères où ils vivaient entre eux]
Ils n’avaient pas fait fuir les Français de ces quartiers et ne s’y étaient pas regrouper d’eux-mêmes ? Surprenant !
[Si l’isolation n’a pas été complète, c’est grâce à l’obligation scolaire…]
Pour rebondir là-dessus, les témoignages dont je dispose parlent de classes de CP (je ne sais pas si c’était le terme employé à l’époque, disons la classe de 1ère rentrée scolaire) de 40 élèves. La moitié de ces élèves arrivaient sans presque connaître un mot de français. Pour au final, avoir une orthographe et des capacités de calcul excellentes.
Voilà de quoi était capable la France de cette époque.
Aujourd’hui, il faut « concentrer » les moyens (REP & co), dédoubler des classes de CP-CE1, etc
Et tout ça, pour des résultats médiocres et des gens parfois en France depuis plus d’une génération.
Ceci pour faire le lien avec votre remarque suivante :
[Je crois que vous idéalisez beaucoup les vagues d’immigration antérieures…]
Peut-être est-ce vous qui idéalisez beaucoup l’égale capacité de toutes les vagues d’immigration à se fondre dans la société française…
[Encore une fois, l’immigration que nous subissons aujourd’hui n’est pas très différente de celle d’hier…]
Rien que le nombre marque une différence majeure. Ce n’est pas pour Hegel, qu’aime à citer Zemmour, que « la quantité se transforme en qualité » ?
Après il y aurait beaucoup de choses à dire (systèmes familiaux, pratique de la science, etc) mais au moins une qui m’apparaît primordial : l’état d’esprit.
Des gens qui venaient pour travailler et se sentaient redevables à la France de leur offrir cette chance en comparaison de gens qui viennent ici parce que même sans rien glander ce sera mieux que chez eux ? (ou pire, que la France leur « doit bien ça »…)
Des gens qui pouvaient repartir chez eux si la vie en France leur convenait pas sans se condamner à vivre dans une société sans avenir ?
Des gens qui ne venaient prendre aucune revanche « civilisationnelle » (puisqu’il lui appartenait ou en était proche) ou « nationale » (pas ou peu de conflits marquants et non digérés) ?
Des gens dont les préceptes religieux ne leur inculquaient pas leur supériorité sur ceux qui ne partageaient pas leur religion ?
Des gens que leurs pays d’origine ne cherchaient pas à utiliser dans le cadre du rapport de force avec la France ?
@ bip
[Sans oublier celui sur lequel prospère toute l’Afrique : « les occidentaux sont responsables de tout ce qui va mal chez nous ! Depuis la nuit des temps ! ».]
Sans vouloir vous offenser, « les arabes sont responsables de tout ce qui va mal chez nous » est aussi très courant sous nos latitudes.
[Réciter le discours pensé pour se servir des « droits de l’Homme » comme cheval de Troie de l’islamisme ne prouve pas leur capacité à raisonner avec un minimum de rigueur…]
Certainement. Mais cela montre aussi que ces jeunes filles sont mieux « assimilées » qu’on ne le croit, et que le voile doit plus à la révolte adolescente qu’à une véritable croyance religieuse.
[« vous avez l’impression qu’ils font LEUR l’histoire de France ? » ie avez-vous l’impression qu’ils se pensent les continuateurs de l’histoire de France et pas les continuateurs de celle de leur « autre pays » ?]
Ni l’une, ni l’autre. Ils ont autant de mal à s’identifier à l’histoire du pays d’accueil qu’à celle du pays d’origine, qu’ils ne connaissent généralement pas. Les descendants d’Algériens qui ne se considèrent pas les continuateurs de Napoléon ne se voient pas non plus en continuateurs d’Abdelkader ou de Ben Bella. Leur vrai problème n’est pas d’être les continuateurs de « l’autre pays », mais de ne pouvoir être les continuateurs d’aucun pays…
[C’est les mêmes qui se plaignent que c’est pas bien chez eux, qui viennent en France sans qu’on ne leur ait rien demandé, vivent à nos crochets comme au pays, et qui au bout d’un certain temps retrouvent la même situation qu’ils ont quittée, chouinent et disent que c’est notre faute ?]
Non. Ce sont des gens qui sont venus du temps où la France avait besoin de main d’œuvre, qui ont travaillé souvent dur pour vivre, qui se sont largement assimilés, qui espéraient passer une retraite tranquille et qui se retrouvent avec le hall de leur immeuble envahi par des dealers. Croyez-moi, j’en connais quelques-uns.
[« La plupart des « issus de l’immigration » ne sont pas nés dans « les pays arabes », ils sont nés en France. » Mais leur différence « visible » est une différence qui vient d’une terre étrangère et non d’une terre française. S’ils veulent que cette « différence » n’en soit plus une, ils ont la possibilité de quitter la France. Pas les Bretons.]
Bien sûr que si. En Irlande, on ne verrait pas la différence entre les Bretons et les autres…
[Quiconque de raisonnable a regardé une carte du monde est bien conscient que l’Algérie n’a jamais fait partie de la France. Une séparation de centaines de km de mer, c’est déjà un bon indice. Alors être carrément sur des continents différents…]
Vous voulez dire que la Réunion n’est pas la France ? Vous allez vous faire des amis…
[« Mais qu’est ce qui vous permet de penser que « nos ancêtres les gaulois » ne dit rien à des noirs ou des arabes ? » Ah, ça leur dit quelque chose !]
Oui. J’ai déjà raconté l’histoire du père d’un ami à moi qui racontait encore avec des larmes dans les yeux comment enfant dans le bled il répétait la leçon « nos ancêtres les gaulois » à l’école du bled. Je pense que vous sous-estimez le pouvoir de l’assimilation. Si un Cohen ou un Lévy peuvent se reconnaître en descendants des gaulois, on voit mal pourquoi un Kader ne le pourrait pas.
[« Dans notre société, personne ne peut tirer une quelconque « légitimité » de la « terre d’où il vient ». La seule légitimité, c’est celle que donne le statut de citoyen. » La loi n’est pas seule source de légitimité.]
Le statut ne se réduit pas à la loi.
[« La terre et les morts », pour moi, ça compte. La terre de France a une histoire. Ceux qui y sont morts aussi. Et poursuivre ces histoires et leurs traditions est légitime.]
Je vous rappelle que je n’ai pas de « morts » dans ce pays. Je ne serais pas français à vos yeux ? Et si ça marche pour moi, pourquoi cela ne pourrait pas marcher pour d’autres ?
[« Je connais un couple descendant de juifs bulgares installés en Bretagne qui ont appris le breton, jouent du biniou et se sont fait des apôtres de la culture bretonne. » S’approprier la culture locale du lieu où l’on vit, c’est plutôt bien vu pour être acceptés.]
C’est ça, l’assimilation.
[C’est pour ça qu’il est important de savoir qui ont été les Français. Et que nous sommes leurs descendants.]
Qui ça, « nous » ? Au sens propre je ne suis « descendant » d’aucun français. Si vous n’admettez pas la possibilité d’une filiation symbolique, je suis mal barré à vos yeux…
[« Prenez les juifs alsaciens ou contadins, installés dans ces régions depuis le moye-âge. Diriez-vous que leurs « us et coutumes » sont celles des « autochtones » ? » S’ils ont conservé des « us et coutumes » venant d’ancêtres ayant vécu ailleurs, je dirais non. Les « us et coutumes » qu’ils ont adoptés de leur vie en ce lieu, oui.]
Et s’ils ont fait les deux ?
[« Beaucoup de « gaulois », toutes régions confondues, mangent à l’occasion un bon couscous – on en sert souvent dans les cantines. Doit-on considérer que de ce fait manger du couscous fait partie des « us et coutumes des autochtones » ? » Non. D’une mode. Mais si après plusieurs générations, c’est toujours le cas, pourquoi pas…]
Décidez-vous. Dans le paragraphe précédent, vous déniez que les coutumes des juifs alsaciens ou contadins puissent devenir « autochtones », même si elles ont pour elles des siècles de pratique. Ici, vous m’expliquez que si « après plusieurs générations » on pratique en France une coutume étrangère, elle pourrait devenir « autochtone »…
[Je dispose de témoignages différents. Ce qui, certes, me permet pas de conclure en tout lieu et en tout temps des « quartiers polonais » mais qui me laisse assez peu convaincu par un simple « non »…]
C’est pourquoi mon « non » était suivie d’une explication que vous reprenez ci-dessous…
[« Beaucoup de polonais vivaient dans des cités minières construites par les Houillères où ils vivaient entre eux » Ils n’avaient pas fait fuir les Français de ces quartiers et ne s’y étaient pas regrouper d’eux-mêmes ? Surprenant !]
Dans la mesure où ces cités étaient construites par les Houillères pour loger les travailleurs polonais, ils n’y avait aucun Français à « faire fuir ». Votre ironie est mal placé, et n’a pour but que vous dispenser de répondre à l’argument.
[Pour rebondir là-dessus, les témoignages dont je dispose parlent de classes de CP (je ne sais pas si c’était le terme employé à l’époque, disons la classe de 1ère rentrée scolaire) de 40 élèves. La moitié de ces élèves arrivaient sans presque connaître un mot de français. Pour au final, avoir une orthographe et des capacités de calcul excellentes. Voilà de quoi était capable la France de cette époque.]
Bien sûr. Et ça marchait parce que la société française exerçait une véritable pression assimilatrice. Et non parce que les polonais fussent plus « assimilables » que ne le sont les immigrants africains, par exemple.
[« Encore une fois, l’immigration que nous subissons aujourd’hui n’est pas très différente de celle d’hier… ». Rien que le nombre marque une différence majeure. Ce n’est pas pour Hegel, qu’aime à citer Zemmour, que « la quantité se transforme en qualité » ?]
Mais qu’est-ce qui vous fait penser que l’immigration est aujourd’hui plus « nombreuse » que celle d’hier ?
[Des gens qui venaient pour travailler et se sentaient redevables à la France de leur offrir cette chance en comparaison de gens qui viennent ici parce que même sans rien glander ce sera mieux que chez eux ? (ou pire, que la France leur « doit bien ça »…)]
Il y en a, mais je ne suis pas convaincu que ce soit une majorité. J’ai connu pas mal d’immigrants venus travailler dans les années 60 et 70. C’était des gens durs à la tâche, et pas du tout du genre à « rien glander ». Et certainement pas à croire que la France leur « devait » quoi que ce soit.
Le problème n’est pas chez les immigrés, mais chez nos élites à nous. Ce ne sont pas les immigrés qui ont inventé le discours du méchant colonisateur qui doit réparer ses fautes : ce sont nos élites politico-médiatiques bien gauloises. Ce ne sont pas les immigrés qui se sont rebellés contre une pression assimilatrice exercée par la société, ce sont ces mêmes élites qui nous ont raconté par tous les bouts qu’il était injuste et inhumain d’imposer quoi que ce soit à ces gens.
@ Descartes
[Sans vouloir vous offenser, « les arabes sont responsables de tout ce qui va mal chez nous » est aussi très courant sous nos latitudes.]
C’est après ou avant qu’ils aient expliqué à ces gens que c’est leurs parents et grands-parents venus du Maghreb dans les années 50 qui ont construit la France ?
Car alors, s’ils ont fait la France et tout ce qui s’y trouve, ça me semble pas incorrect comme raisonnement. 😉
[Mais cela montre aussi que ces jeunes filles sont mieux « assimilées » qu’on ne le croit, et que le voile doit plus à la révolte adolescente qu’à une véritable croyance religieuse.]
Ou alors qu’elles ont plutôt été soumises à la propagande type « frères musulmans » qu’à la propagande salafiste. Le voile étant, de plus, maintenant bien souvent porté avant l’adolescence.
[Les descendants d’Algériens qui ne se considèrent pas les continuateurs de Napoléon ne se voient pas non plus en continuateurs d’Abdelkader ou de Ben Bella.]
Mais c’est bien la version algérienne de l’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie qu’ils ont en tête.
Et la version de la 1ère guerre mondiale qu’ils ont en tête, c’est les Poilus cachés derrière les tirailleurs arabo-africains qui sont ceux qui ont vraiment défendu la France…
[Bien sûr que si.]
Bien plus restreinte alors. Les Bretons n’ont ni nationalité irlandaise ni d’ancêtres irlandais connus.
[Vous voulez dire que la Réunion n’est pas la France ? Vous allez vous faire des amis…]
Et vous vous en pensez quoi ? Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Guyane, etc ? On doit considérer que c’est la France sans autre question ?
D’ailleurs, si je voulais éviter cette question, je pourrais toujours soutenir que la différence entre de petites îles paumées au milieu de l’océan et une surface continentale de taille comparable à la France justifie de possibles exceptions. Hors le cas de la Guyane… qui tant qu’elle resterait essentiellement une forêt pourrait être laissé de côté.
[Si un Cohen ou un Lévy peuvent se reconnaître en descendants des gaulois, on voit mal pourquoi un Kader ne le pourrait pas.]
Je vois des tas de raisons que j’ai déjà plus ou moins évoquées. Mais, en effet, si seul compte l’individu à son échelle, déconnecté de tout environnement, il n’y en a sûrement pas.
[Le statut ne se réduit pas à la loi.]
En 2018 en France ?
[Je vous rappelle que je n’ai pas de « morts » dans ce pays. Je ne serais pas français à vos yeux ?]
Je n’ai jamais dit que les « morts » devaient être des ancêtres biologiques. Je ne connais pas mon arbre généalogique au-delà de 3 ou 4 générations de transmission orale, et encore incomplètement, mais quand j’étudie l’histoire, les miens, « mes morts », ce sont des Français. C’est le camp de la France qui est le mien.
Cette filiation peut donc bien évidemment être symbolique. Mais plus le symbole sera proche d’une histoire plausible, plus ça aura de chances de marcher.
Et plus l’éloignement symbolique sera manifeste, plus les individus devront faire preuve d’une grande « force intérieure » pour le dépasser. Force que seule une minorité pourrait être capable de développer.
[Et s’ils ont fait les deux ?]
C’est ce que j’ai considéré. C’est pour ça que je distinguais.
[Décidez-vous. Dans le paragraphe précédent, vous déniez que les coutumes des juifs alsaciens ou contadins puissent devenir « autochtones », même si elles ont pour elles des siècles de pratique. Ici, vous m’expliquez que si « après plusieurs générations » on pratique en France une coutume étrangère, elle pourrait devenir « autochtone »…]
Je distingue une coutume venue d’ailleurs que nombre de Français adopte sans soucis d’héritage direct, et une coutume venue d’ailleurs qui n’est partagée que par des descendants directs de ceux qui la pratiquent.
[C’est pourquoi mon « non » était suivie d’une explication que vous reprenez ci-dessous…]
Mais qui reprenait les exemples que vous veniez de donner. Ce qui me donnait l’impression d’un « non » plutôt d’autorité.
[Dans la mesure où ces cités étaient construites par les Houillères pour loger les travailleurs polonais, ils n’y avait aucun Français à « faire fuir ». Votre ironie est mal placé, et n’a pour but que vous dispenser de répondre à l’argument.]
Qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ? J’ai un témoignage qui me dit qu’au cours des années 40, une famille polonaise habitant les Corons avait comme voisins des Français.
Est-ce suffisant pour que j’en conclus quoi que ce soit ? Sans doute pas. Il est même possible que le hasard ait fait que je sois tombé sur l’unique exemple de ce type…
Mais si vous attendez comme contre-argument que je trouve des références historiques dûment documentées, je suis pas sorti de l’auberge. 😉
[Bien sûr. Et ça marchait parce que la société française exerçait une véritable pression assimilatrice. Et non parce que les polonais fussent plus « assimilables » que ne le sont les immigrants africains, par exemple.]
Donc si la Pologne ressemble plus à la France que les pays d’Afrique, ça ne joue en rien sur une possible facilité à s’assimiler ? Difficile à croire…
Sinon de quand datez-vous le point d’inflexion concernant l’exigence assimilatrice de la France ? Car dès le début des années 80 on a vu les problèmes spécifiques (délinquance, revendications identitaires, etc) posés par des gens ayant grandi en France. Ce qui nous le placerait dans les années 70, presque dès les le choc pétrolier ?
Ce qui supposerait une absence d’inertie des « pressions assimilatrices » assez peu commune avec les caractéristiques de la vie d’une société.
[Mais qu’est-ce qui vous fait penser que l’immigration est aujourd’hui plus « nombreuse » que celle d’hier ?]
Durant toute son histoire, au moins 300 000 étrangers sont venus chaque année s’installer en France ? Et faisaient plus d’enfants que les autochtones ? Et restaient quasiment tous en France en devenant quasiment automatiquement Français ? Ce qui, par effet d’accumulation, fût susceptible de remettre en cause la prédominance des descendants de Gaulois sur la terre de France ?
Car oui, il y avait des Gaulois. Et ces Gaulois ont eu une descendance. Et tout laisse penser que cette descendance est restée majoritaire en France. Enfin… mettons jusqu’à récemment. Avant les grandes migrations arabo-africaines.
[Ce ne sont pas les immigrés qui ont inventé le discours du méchant colonisateur qui doit réparer ses fautes : ce sont nos élites politico-médiatiques bien gauloises.]
« Inventé », je ne suis pas sûr. Que, par contre, tout ce que ce pays a pu compter de traîtres aient relayé avec force ce discours, là j’ai moins de doute. Que d’autres s’y soient vautrés pour se donner bonne conscience, inconsciemment par racisme « anti-raciste », façon « si les Africains en sont là où ils sont, c’est forcément de notre faute, il faut les aider », là je n’en ai aucun.
Mais ce discours servait tout de même en premier lieu les intérêts des élites africaines pour expliquer l’échec post-décolonisation de leurs pays. Sans oublier les intérêts de ceux qui voulaient remplacer la France en Afrique.
Que des immigrés aient repris le discours de leurs pays d’origine est donc également bien possible.
Aujourd’hui, par exemple, le discours sur le franc CFA, qui serait un moyen pour la France de continuer à exploiter l’Afrique, c’est surtout des Africains que j’entends l’évoquer.
Aussi, en Afrique du Sud, pas besoin des élites françaises pour mettre l’incapacité des nouveaux dirigeants noirs à faire prospérer leur pays sur les épaules des blancs et expliquer que si la situation du pays se dégrade c’est la faute aux fermiers blancs.
[Ce ne sont pas les immigrés qui se sont rebellés contre une pression assimilatrice exercée par la société, ce sont ces mêmes élites qui nous ont raconté par tous les bouts qu’il était injuste et inhumain d’imposer quoi que ce soit à ces gens.]
Vous avez donc sans doute l’exemple d’un pays où une immigration arabo-africaine massive a donné de beaux résultats ?
Car sinon on pourrait aussi penser que les élites, voyant l’incapacité à s’assimiler de certaines populations, ont préféré l’invention d’une « idéologie » à l’ouverture d’un débat susceptible de remettre en cause certains des principes sur lesquels s’est bâti le monde actuel.
@ bip
[« Sans vouloir vous offenser, « les arabes sont responsables de tout ce qui va mal chez nous » est aussi très courant sous nos latitudes. » C’est après ou avant qu’ils aient expliqué à ces gens que c’est leurs parents et grands-parents venus du Maghreb dans les années 50 qui ont construit la France ?]
En même temps. J’ai tendance à penser que dialectiquement ces deux discours sont le miroir l’un de l’autre. L’un fait de l’immigré la source de tous nos malheurs, l’autre veut y voir la source de notre rédemption. L’un transforme l’immigré en bourreau, l’autre en victime. Les deux ont tort.
[Ou alors qu’elles ont plutôt été soumises à la propagande type « frères musulmans » qu’à la propagande salafiste. Le voile étant, de plus, maintenant bien souvent porté avant l’adolescence.]
Je pense que dans une société qui encourage de plus en plus à porter les attributs d’une identité communautaire en bandoulière, il est difficile de reprocher aux musulmans de suivre ce qui est devenu une quasi injonction collective.
[« Les descendants d’Algériens qui ne se considèrent pas les continuateurs de Napoléon ne se voient pas non plus en continuateurs d’Abdelkader ou de Ben Bella. » Mais c’est bien la version algérienne de l’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie qu’ils ont en tête. Et la version de la 1ère guerre mondiale qu’ils ont en tête, c’est les Poilus cachés derrière les tirailleurs arabo-africains qui sont ceux qui ont vraiment défendu la France…]
Pensez-vous vraiment que les descendants d’algériens qui vivent dans nos cités ont quelque chose à foutre de l’histoire algérienne ou de la première guerre mondiale ? Le film « indigènes » a fait un tabac dans les cinémas du 5ème arrondissement de Paris, mais je me demande combien de copies ont été projetées dans les cinémas de banlieue. La version « victimiste » de l’histoire est plus prégnante dans les pages de « l’Obs » que dans nos banlieues, ou les griefs sont en général bien plus immédiats.
[Et vous vous en pensez quoi ? Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Guyane, etc ? On doit considérer que c’est la France sans autre question ?]
Il est toujours bon de se poser des questions… 😉 Mais oui, aussi longtemps qu’une terre observe les lois françaises et que ses habitants sont prêts à respecter le contrat qui constitue la nation, oui, c’est la France. Et cela est autant vrai à la Réunion qu’en Corse.
[Si un Cohen ou un Lévy peuvent se reconnaître en descendants des gaulois, on voit mal pourquoi un Kader ne le pourrait pas.]
[Je distingue une coutume venue d’ailleurs que nombre de Français adopte sans soucis d’héritage direct, et une coutume venue d’ailleurs qui n’est partagée que par des descendants directs de ceux qui la pratiquent.]
Ok. Mais dans ce cas, un certain nombre de coutumes venues d’Afrique du Nord – par exemple, le fait de manger du couscous – devient une « coutume autochtone » dès lors qu’elle est pratiquée d’une manière plus ou moins générale ?
[Donc si la Pologne ressemble plus à la France que les pays d’Afrique, ça ne joue en rien sur une possible facilité à s’assimiler ? Difficile à croire…]
Je ne suis pas persuadé que la Pologne « ressemble plus à la France » que la Tunisie, par exemple.
[Sinon de quand datez-vous le point d’inflexion concernant l’exigence assimilatrice de la France ? Car dès le début des années 80 on a vu les problèmes spécifiques (délinquance, revendications identitaires, etc) posés par des gens ayant grandi en France. Ce qui nous le placerait dans les années 70, presque dès les le choc pétrolier ?]
Je pense que le grand point d’inflexion – sur cette question comme sur beaucoup d’autres – de la société française se situe à la fin des années 1960 et au début des années 1970, lorsque la croissance de rattrapage qui a fait les « trente glorieuses » commence à ralentir, et que ce ralentissement menace le statut des « classes moyennes ». Mai 1968 est de ce point de vue une borne importante, plus un symptôme de ce malaise que la véritable cause de ce qui viendra après.
C’est à ce moment-là que l’inflexion se situe… mais comme souvent dans l’histoire peu de gens perçoivent au début que le vent est en train de tourner. Le plus lucide est peut-être De Gaulle, qui comprend vite qu’il n’y a plus grande chose à faire et préfère se retirer pour passer à l’histoire intact. Les autres voient cela comme un « trou d’air », une crise temporaire dont on verra vite « le bout du tunnel ». A gauche, on s’imagine que « la révolution est en marche et que rien ne l’arrêtera ». A droite, les néo-libéraux en embuscade se frottent les mains. Et dans cette transformation, les « classes moyennes » n’ont que deux obsessions : maintenir la progression de leur niveau de vie, quitte à démanteler les systèmes de redistribution dont bénéficient les couches populaires et casser l’ascenseur social pour empêcher que les enfants des pauvres concurrencent leurs propres enfants.
C’est pourquoi on voit dès la fin des années 1960 un discours qui s’insinue : à l’assimilation, vue comme une sorte de deuxième colonialisme, il faut substituer « l’intégration », soi-disant respectueuse des « cultures d’origine » et autres balivernes.
[« Mais qu’est-ce qui vous fait penser que l’immigration est aujourd’hui plus « nombreuse » que celle d’hier ? » Durant toute son histoire, au moins 300 000 étrangers sont venus chaque année s’installer en France ?]
A certaines époques, c’était bien plus ! Pensez à l’immigration de travail dans les années 1950 et 60…
[Et faisaient plus d’enfants que les autochtones ?]
Là encore, la réponse est positive. Oui, la natalité des immigrés a toujours été plus importante que celle des « autochtones ». C’était déjà vrai pour les immigrants polonais et italiens.
[Et restaient quasiment tous en France en devenant quasiment automatiquement Français ?]
Sur cette question, je n’ai pas de chiffres. Ce n’était probablement pas vrai dans les années 1930, puisqu’à l’époque l’Etat se réservait le droit de renvoyer les immigrants chez eux lorsqu’il n’y avait plus de travail (ce qui fut fait avec pas mal de polonais, par exemple, après la crise de 1929).
[Ce qui, par effet d’accumulation, fût susceptible de remettre en cause la prédominance des descendants de Gaulois sur la terre de France ? Car oui, il y avait des Gaulois. Et ces Gaulois ont eu une descendance.]
Peut-être, mais les descendants de gaulois, de purs gaulois, sont très minoritaires en France depuis au moins un millénaire.
[« Ce ne sont pas les immigrés qui ont inventé le discours du méchant colonisateur qui doit réparer ses fautes : ce sont nos élites politico-médiatiques bien gauloises. » « Inventé », je ne suis pas sûr.]
Je vous mets au défi de trouver un texte qui soutienne cette position et qui vienne d’une autre origine. Non, les grands intellectuels anti-colonialistes – comme Franz Fanon, pour ne donner qu’un exemple – viennent de nos élites.
[Mais ce discours servait tout de même en premier lieu les intérêts des élites africaines pour expliquer l’échec post-décolonisation de leurs pays. Sans oublier les intérêts de ceux qui voulaient remplacer la France en Afrique.]
Tout à fait. Il y a eu une convergence je pense entre la « haine de soi » des élites françaises et de certaines élites africaines pour les raisons que vous décrivez.
[Vous avez donc sans doute l’exemple d’un pays où une immigration arabo-africaine massive a donné de beaux résultats ?]
Je peux. Prenez par exemple les communautés musulmanes installées au début du XXème siècle en Argentine et au Chili, et qui sont aujourd’hui parfaitement assimilées. Un président argentin, Carlos Saul Menem, est issu de cette communauté. Il faut dire que la pression assimilatrice de ces pays est si intense qu’on aurait du mal à distinguer les musulmans des autres.
PS : Il n’y a pas, fort heureusement de région Alsace, mais Grand Est. Le mieux, selon moi, serait de revenir au maillage départemental mais je suis peut-être dépassé.
@ morel
[Le mieux, selon moi, serait de revenir au maillage départemental mais je suis peut-être dépassé.]
Pas tant que ça. En fait, si l’on sort des discours localistes qui sont le fait souvent des « féodaux » qui voient surtout leurs intérêts, au niveau des citoyens il n’existe que deux circonscriptions territoriales auxquelles ils sont attachés : la commune comme lieu de la démocratie locale, et le département comme circonscription administrative de l’Etat. Le département reste très populaire : Vous noterez que chaque fois qu’on a fait voter les gens pour fusionner leur département, le résultat a été négatif, et que lorsqu’on a voulu le faire disparaître des plaques d’immatriculation « européennes », la grogne a obligé le gouvernement à reculer.
Autre exemple du sous-fractionnement : le drapeau catalan sur les monuments et véhicules du 66, le cœur frappé de la croix en Vendée…
Mes excuses pour ces prolongations.
Bravo et merci pour cet article
Parfois je me dis que nous devrions nous débarrasser de ces territoires inutiles et ingrats, que nous rapportent la Corse et les îles ? Pas grand chose a mon humble avis; je suis prêt a faire des sacrifices pour un auvergnat ou un alsacien, mais bien peu pour un corse ou un calédonien, et je ne pense pas que la France serait très diminuée de leur perte, après tout comme vous le dites la puissance d’un pays n’es plus liée a l’étendue de son territoire. Je me considère pourtant très jacobin mais pour moi c’est tout ou rien, soit ils ont exactement les mêmes droits et devoirs que les autres soit ils dégagent.
Sur le même sujet, que pensez vous de la prise de position de Mélenchon lors de la victoire des autonomistes ? Je pense que la seule haine du PCF ne peut pas justifier qu’il renie son engagement jacobin de toujours.
Petit HS pour finir; j’ai cru comprendre que vous travaillez ou aviez travaillé dans le nucléaire, j’aimerai savoir ce que vous pensez du projet ITER ?
@ Apache
[Parfois je me dis que nous devrions nous débarrasser de ces territoires inutiles et ingrats, que nous rapportent la Corse et les îles ? Pas grand-chose à mon humble avis; je suis prêt à faire des sacrifices pour un auvergnat ou un alsacien, mais bien peu pour un corse ou un calédonien, et je ne pense pas que la France serait très diminuée de leur perte, après tout comme vous le dites la puissance d’un pays n’es plus liée à l’étendue de son territoire.]
Peut-être que la France ne serait pas diminuée économiquement par le départ de ces territoires. Mais vous viendrait-il à l’idée d’expulser un de vos frères de la famille au prétexte qu’il n’apporte pas grande chose à la richesse familiale ? Non, bien sûr que non.
La nation, comme la famille, est construite sur la notion de solidarité inconditionnelle. Et le caractère « inconditionnel » n’est pas accessoire, il est fondamental. Si nous nous débarrassions aujourd’hui de nos compatriotes d’outre-mer au prétexte qu’ils ne nous apportent pas grande chose, aucun de nos compatriotes ne pourrait être tout à fait sûr qu’il ne serait pas le suivant dans la liste de ceux qu’on laisse tomber. Après tout, est-ce que le Cantal apporte plus que la Corse ? Et petit à petit, l’appartenance à la nation cesserait d’être liée à la solidarité, et deviendrait un pur contrat d’intérêt : on garde ceux qui « rapportent », et on vire les autres. Exactement la logique des indépendantistes catalans.
C’est pourquoi je suis prêt à faire des sacrifices pour le Corse ou le Calédonien au même titre que pour l’Auvergnat ou l’Alsacien… à condition que le Corse, le Calédonien, l’Auvergnat et l’Alsacien se sentent liés envers moi par la même obligation de solidarité inconditionnelle. C’est-à-dire, qu’ils acceptent d’obéir aux mêmes lois, de payer les mêmes impôts, de me traiter comme l’un des leurs lorsque je suis dans leur province. Et c’est là pour moi que le bât blesse : si les Corses veulent avoir un statut particulier qui leur permet de refuser l’usage de la langue commune et de m’empêcher d’acheter une maison chez eux, ils ne peuvent pas en même temps me demander de faire des sacrifices pour eux.
[Je me considère pourtant très jacobin mais pour moi c’est tout ou rien, soit ils ont exactement les mêmes droits et devoirs que les autres soit ils dégagent.]
100% d’accord.
[Sur le même sujet, que pensez vous de la prise de position de Mélenchon lors de la victoire des autonomistes ? Je pense que la seule haine du PCF ne peut pas justifier qu’il renie son engagement jacobin de toujours.]
Je pense que sa réaction montre très bien la hiérarchie des choses dans la tête de Mélenchon. N’oubliez jamais que les deux expériences politiques formatrices dans la vie de Mélenchon sont le trotskysme à l’OCI et le mitterrandisme au PS. Mélenchon est un jacobin, certes, mais avant tout un anticommuniste.
[Petit HS pour finir; j’ai cru comprendre que vous travaillez ou aviez travaillé dans le nucléaire, j’aimerai savoir ce que vous pensez du projet ITER ?]
Pour répondre à votre question, il y a de quoi écrire un livre… mais bon, je vais essayer de résumer. La fusion thermonucléaire est, en tant que processus physique, très séduisante. Mais les difficultés technologiques à résoudre pour pouvoir l’exploiter industriellement sont énormes. Si la fusion est exploitée un jour, ce ne sera pas avant un siècle ou deux.
Les fonds consacrés à ITER sont donc, si l’on regarde du point de vue de la production d’énergie, des fonds perdus, du moins à une échéance prévisible. Mais cela ne veut pas dire que cet investissement soit inutile : on peut faire ce genre de projets de telle manière qu’ils servent de locomotive pour le développement de connaissances applicables dans d’autres domaines. Faire fonctionner ITER implique construire d’immenses aimants supraconducteurs, des installations cryogéniques, des instruments de mesure très sophistiqués, des systèmes de contrôle qui sont un défi technologique en eux-mêmes. Et les développements qui seront faits pour ITER dans ces domaines peuvent, si le projet est géré intelligemment, être réutilisés dans d’autres domaines, comme le furent en leur temps les retombées des programmes comme Concorde ou Apollo.
Le problème, c’est qu’ITER est très mal géré de ce point de vue. Il est prévu que les contributions des différents partenaires soient sous la forme de contributions en nature, chacun développant une partie de la machine. Pour l’Europe, les contributions sont coordonnées par les services de la Commission européenne, ce qui garantit un désastre, parce que la Commission n’a pas les compétences en matière scientifique et industrielle et tend à croire que le contrôle bureaucratique peut remplacer l’initiative technique et scientifique. Si vous ajoutez à cela qu’en tant qu’organisme international les recrutements aux postes de direction d’ITER obéit exclusivement au besoin de garder des équilibres entre les différents membres et non à la compétence… pour ne donner qu’un exemple, pendant les dix premières années du projet le directeur général, chargé des choix techniques, était non pas un ingénieur, non pas un organisateur, mais un diplomate…
@ Apache
[ Petit HS pour finir; j’ai cru comprendre que vous travaillez ou aviez travaillé dans le nucléaire, j’aimerai savoir ce que vous pensez du projet ITER ? ]
Petit HS dans le petit HS :
Votre question porte en creux la question de l’énergie dans notre monde industrialisé. J’ai découvert il y quelques temps, mais peut-être le connaissez-vous déjà, Jean-Marc Jancovici. Si la question de l’énergie vous intéresse, on trouve facilement ses conférences sur Youtube. Le personnage peut-être irritant dans sa manière de parler, mais il m’a donné pas mal de clés de compréhension sur le sujet.
Meilleurs voeux à vous,cher Descartes et aux lecteurs,de ce bienfait constitué par votre blog.
Quand aux voeux présidentiels,ils cacheront vraissemblablement,l’incohérence de la situation et les dangers afférents,pour la France ..
De façon souveraine,pour 2018,et l’avenir,Meilleurs voeux au modèle social français et à l’issue de nos combats COMMUNS !
@descartes @marcailloux
Votre échange d’agnostiques,sur les religions,me suggèrent la question des cérémonies athées de funérailles.
Que pensez vous Inhumation religieuse des personnes non baptisées?
http://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Funerailles/Funerailles-chretiennes-pour-non-baptises#>
Au delà du catholicisme,pensez vous qu’un athée puisse pour ses funérailles,souhaité des signes de sa religion/culture familiale à a naissance,juive,musulmane ou chrétienne?
Une cérémonie New-Age a telle votre préférence ou celle de simple enterrement civil,dépouillée ,avec d’éventuelles prises de paroles ?
@ Luc
[Votre échange d’agnostiques sur les religions me suggèrent la question des cérémonies athées de funérailles.]
Je crois que la question de la mort est celle qui encore aujourd’hui fait vivre les religions. La science a tout expliqué – ou pour être plus précis a rendu tout explicable – et personne ou presque ne prie plus pour être protégé de la foudre ou du mauvais œil. Mais la science et les institutions humaines sont impuissantes lorsqu’il s’agit de nous consoler de la disparition d’un être aimé. Les Eglises peuvent nous dire qu’il est heureux là où il est, entouré de toutes les récompenses du Paradis, et qu’un jour nous pourrons le revoir. Les institutions civiles ne peuvent rien offrir de semblable.
Je crois que la première fois que j’ai vraiment envié les croyants, c’est le jour de la mort de mon père. Eux, ils pouvaient se consoler en croyant que ce n’était qu’une séparation temporaire, moi je savais que c’était définitif.
[Que pensez-vous Inhumation religieuse des personnes non baptisées?]
Pour un athée comme moi, les cérémonies funéraires n’ont pas de fonction vis-à-vis de celui qui est mort. Elles sont surtout utiles pour permettre aux vivants de faire le deuil de la personne disparue et de vivre avec leur perte. La question se pose donc non pas vis-à-vis des croyances de la personne disparue, mais de ceux qui le survivent. Si cela aide ceux qui l’ont aimé à faire le deuil que d’accomplir une cérémonie religieuse, et bien pourquoi s’en priveraient-ils ? Par ailleurs, au-delà de la croyance il y a la question de la tradition. Cela peut aider certains de renouer, à l’occasion de la mort d’un proche, avec les gestes multiséculaires qui ont été accomplis pour l’inhumation de leurs parents et de leurs grands-parents.
[Au-delà du catholicisme, pensez-vous qu’un athée puisse pour ses funérailles, souhaité des signes de sa religion/culture familiale à a naissance, juive, musulmane ou chrétienne?]
Bien entendu. A ce moment-là, on se sent proche de ses parents et de ses grands-parents, et on peut vouloir que soient accomplis les mêmes gestes qui les ont accompagnés dans leur dernière demeure.
[Une cérémonie New-Age a telle votre préférence]
Certainement pas. J’aurai peut-être envie ce jour-là de renouer avec la tradition – même si je ne crois pas. Ou bien d’une cérémonie civile. Mais je ne vois pas quel est le sens, lorsqu’on ne croit pas, d’utiliser le rituel d’une religion à laquelle on ne croit pas et qui n’a aucun contenu traditionnel.
@ Luc
Bonjour,
A la réponse de Descartes, je n’aurai pratiquement rien à ajouter. Pour moi, le corps physique n’étant que le serviteur de l’esprit, lorsque ce dernier a disparu, le corps n’est plus qu’une chose. Elle appartient, comme les biens que je lègue, à mes survivants, à mes héritiers. En dehors de la crémation qui me semble le dernier service à rendre à la communauté humaine, je laisse libres mes successeurs de faire ce qu’ils souhaiteront de mes restes charnels.
Pourquoi contraindre sans capacité de contrôle ?
Petite (voire grande) différence avec Descartes, lui se déclare athée, je suis agnostique car à l’inverse des athées, je me refuse de nier une existence sans être en mesure d’en apporter la preuve. Laïc jusqu’au bout des ongles, je suis indifférent aux religions si tant est qu’elles me foutent la paix.
J’apprécie cependant la demi vérité de Spinoza (vers 1650, après Giordano Bruno) sur la notion de divinité.
@nationaliste-ethniciste@Descartes
Votre échange et la réponse de Descartes,me touche au vif car c’est exactement là que l’incendie a lieu entre les bons élèves ‘musulmans’ et les enseignants rationnalistes dont je fais partie.
Incendie car les ravages sont gigantesques dans le secondaire et peuvent aboutir à la fabrication de dizaines d futurs Merah.
Depuis 2012,nous les profs ‘chienne de vie’,héroïques depuis des décennies face à la furieuse bêtise islamiste des ados perturbateurs sans cesse,ont été obligés de devenir des profs rationnalistes ce choc,comme ‘les poilus intellectuels’.
Quand je vais en cours,face aux ‘unechancepourlafrance’,j’y vais armé de l’esprit de Popper,Descartes,et de giordano Bruno.
Nous sommes redevenus les hussards de la république .C’est la noblesse de notre métier même si le prix a payé est trés lourd pour moi:dépressions,divorce douloureux,cancer maladie autoimmune,dévalorisation sociale(personne ne comprend comment je peux continuer à souffrir autant).
La république française et ses idéaux,mériteu que l’on combatte l’obscurantisme islamiste et religieux,à la façon de Descartes,non?
@ luc
[Depuis 2012,nous les profs ‘chienne de vie’, héroïques depuis des décennies face à la furieuse bêtise islamiste des ados perturbateurs sans cesse, ont été obligés de devenir des profs rationalistes de choc, comme ‘les poilus intellectuels’.]
Je ne voudrais pas qu’on centre ce débat sur les islamistes. La « bêtise islamiste » n’est qu’une de plus dans une longue séquence de « bêtises ». Il ne faudrait pas oublier que bien avant que les élèves musulmans contestent l’enseignement cartésien sur le fondement du Coran, les étudiants maoïstes avaient fait de même au nom du Petit Livre Rouge du président Mao, les étudiantes féministes au nom du « Deuxième sexe » de Beauvoir, sans compter avec autres idéologies « alternatives ». Ceux qui ont usé leurs derrières sur les bancs du Lycée dans les années 1970 devraient se souvenir des « prises de parole » contestant un enseignement « colonialiste », « patriarcal », « qui ignore les vrais problèmes du prolétariat »…
Beaucoup d’enseignants, c’est triste de le dire, sont devenus eux-mêmes les caisses de résonance de cette contestation. Par leur sympathie avec ce qu’on n’appelait pas à l’époque « ados perturbateurs » mais plutôt « jeunes ouverts sur la société » ils se sont rendus complices, par action ou par omission, d’un discours antirationaliste et anti-institutionnel qui aboutit à l’affaiblissement des institutions en général et de l’école en particulier. Un peu facile maintenant de pleurer sur le lait versé…
[Nous sommes redevenus les hussards de la République.]
Pas encore, malheureusement. On ne peut être un « hussard » tout seul. Pour qu’il y ait « hussards », il faut qu’il y ait une armée avec un commandant qui définit une stratégie, leur indique les objectifs qui leur sont assignés dans le cadre de celle-ci, et punit les désertions. Or, l’institution scolaire n’est pas dans un état qui lui permette d’assumer ces fonctions. Plus que des « hussards », les enseignants qui cherchent à préserver les valeurs rationalistes seraient des « franc-tireurs »… avec tous les risques que ce statut comporte !