Emission passionnante le samedi 2 décembre – l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, soit dit en passant – sur France 2. Au départ, c’était la classique émission dirigée par Léa Salamé. On pouvait donc s’attendre au format devenu habituel des émissions politiques : un ensemble d’invités s’interrompant les uns les autres et sans la moindre possibilité de développer une idée plus de trente secondes – c’est, paraît-il, le temps maximum d’attention du téléspectateur moyen, assez proche de celui d’une mouche. Mais au-delà de ce format, la qualité des invités a rendu le dialogue, ou plutôt la superposition des monologues, passionnant.
Cette émission m’a fait réfléchir à un aspect de cette crise qui ne m’avait pas vraiment frappé auparavant, celui de la crise de notre modèle représentatif. Une crise qui n’est pas du tout celle que les critiques du modèle et les partisans d’une VIème République dépeignent habituellement. Loin de vouloir la démocratie directe, les français veulent être représentés.
Je me souviens d’un échange entre Mitterrand et quelques journalistes vers le milieu de son deuxième septennat. Les journalistes l’interrogeaient sur le chômage. Mitterrand, après l’avoir défendu la politique de son gouvernement, termine son intervention par la formule « et vous, vous avez une solution » ? Et le journaliste de lui répondre « non, mais moi, je ne suis pas président de la République ».
Notre tradition de représentation démocratique est fondée sur l’idée que nous élisons des gens qui sont meilleurs – c’est-à-dire, plus cultivés, plus savants, plus dévoués, plus expérimentés – pour qu’ils trouvent des solutions à nos problèmes. Et si le peuple les paye correctement et les laisse travailler dans un palais, c’est pour qu’ils fassent ce boulot.
Cette tradition a été progressivement érodée par une autre vision : celle où les représentants politiques ne sont pas « meilleurs » que leurs électeurs, mais identiques à eux. Certains poussent d’ailleurs le raisonnement jusqu’à proposer la désignation des représentants par tirage au sort, ce qui garantirait cette identité. Dans cette logique, les représentants ne sont pas là pour proposer des solutions originales aux problèmes de leurs mandants – comment le pourraient-ils, puisqu’ils n’ont aucun instrument que leurs mandants n’auraient pas – mais à porter les solutions que ceux-ci auraient conçu eux-mêmes. Cette idéologie est poussée à l’extrême par ceux qui proposent purement l’identité entre représentés et représentants par la suppression pure et simple de ces derniers en instaurant une démocratie directe par le biais du référendum d’initiative populaire.
Imaginez deux organisations possibles du système judiciaire. Dans la première, chacun peut élire librement son avocat, la facture étant payée par l’Etat. Dans le second, il n’y a pas d’avocat et chacun se défend lui-même. Lequel des deux est à votre avis le plus égalitaire ? Le premier, bien évidemment, car il permet au riche et au pauvre, à l’ignorant et au cultivé d’être défendus dans les mêmes conditions. Dans le second système, par contre, c’est celui qui dispose des meilleurs instruments intellectuels qui sera toujours avantagé. Et bien, en politique, c’est pareil : la possibilité de choisir un représentant qui est « meilleur » que moi m’assure une possibilité d’être bien mieux représenté que je ne le serais par moi-même. Madame Michu peut ainsi envoyer au Parlement pour la représenter une personne qui connaît l’économie, la politique, le droit infiniment mieux que Madame Michu elle-même, et qui peut donc défendre efficacement ses intérêts. En tout cas, bien mieux que si Madame Michu occupait elle-même un siège à l’Assemblée nationale.
On ne le dira jamais assez : la « démocratie participative » et autres « démocraties directes » sont en fait un instrument pour déposséder les couches populaires de toute participation politique, et pour transférer le protagonisme politique à ceux qui ont les meilleures ressources intellectuelles, c’est-à-dire, les « classes intermédiaires ». Une véritable démocratie exige au contraire que les citoyens – et d’abord les citoyens les plus modestes – puissent choisir le meilleur représentant, de la même manière que l’accusé doit pouvoir choisir le meilleur avocat. Ce qui implique de bien payer le représentant, sous peine de voir les « meilleurs » partir vers d’autres activités plus rémunératrices. Un expert judiciaire avait déclaré « quand on paye les experts comme des femmes de ménage, on a des expertises de femme de ménage ». C’est aussi vrai des représentants : si on paye les législateurs comme des femmes de ménage, on aura des lois de femme de ménage. Raison de plus pour se méfier de ceux qui conseillent la réduction des salaires et des privilèges – réels ou supposés – des élus. Dans une société de marché, la qualité des gouvernants passe aussi par leurs récompenses autant matérielles que symboliques.
Restaurer la confiance dans les mécanismes de représentation ne passe pas, contrairement à ce qu’on nous raconte, par des élus plus « modestes », moins payés, au nombre de mandats limité dans le temps et sans cumul possible. Une telle logique conduit à ce que le peuple soit « représenté » par les gens les moins compétents, les moins expérimentés, les moins engagés, alors que les entreprises et les groupes de pression récupéreront les individus les plus actifs, les plus engagés, les mieux formés. C’est ainsi qu’on organise l’impuissance du politique. Et, comme disait Adlai Stevenson, si le pouvoir corrompt, l’impuissance corrompt absolument.
Car c’est avant tout cela que la révolte des « gilets jaunes » met en lumière. Si les révoltés des ronds-points se détournent de la représentation politique ou syndicale, c’est moins parce qu’elle serait corrompue ou incompétente que parce qu’elle est devenue impuissante. A quoi servent les syndicats, si ce n’est à contempler sans rien pouvoir faire comment les conquêtes sociales sont reprises une à une, à conduire des luttes qui arrivent péniblement à différer de quelques mois ou de quelques années une fermeture ou une délocalisation ? A quoi servent les représentants politiques si leur seule possibilité est d’expliquer que « on a tout essayé » sans résultat, que l’Etat « ne peut pas tout » et qu’il faut donc se résigner à son triste sort contre lequel on ne peut rien ? (1)
La position des « gilets jaunes » est de ce point de vue remarquablement cohérente : ils ne rejettent pas le politique et ils ne se substituent pas à lui. Ce qu’ils exigent, c’est que le politique fasse son boulot qui est d’écouter leurs problèmes et trouver des solutions. Et c’est pourquoi une structuration apparaît comme inutile. Une structure, des porte-parole servent à quelque chose lorsqu’on veut formuler des propositions et négocier leur mise en œuvre. Mais ce n’est pas cela le but des « gilets jaunes », qui admettent sans fard qu’ils n’ont ni les compétences, ni les connaissances pour résoudre les problèmes qu’ils posent. Personnellement je trouve cette vision de la démocratie profondément rationnelle. Comme disent nos amis anglais, à quoi bon avoir un chien si on doit aboyer soi-même ?
Et c’est là que les politiques sont un peu perdus, parce que depuis des années leur fonction a cessé d’être de proposer des solutions, pour devenir celle d’expliquer à leurs mandants pourquoi leurs problèmes ne peuvent être résolus, voire de les convaincre que leurs problèmes ne sont pas « le » problème. C’est pourquoi la communication est devenue l’alpha et l’oméga de la politique. Il ne s’agit plus de réaliser un projet, mais de construire un discours qui le remplace. Hier, on présentait à la presse ébahie une centrale nucléaire fraîchement construite, aujourd’hui on lui présente un plan pour la fermer dans vingt ans. Cela faisait de la peine de voir sur le plateau l’un des jeunes espoirs de la macronie, Gabriel Attal, débiter ses éléments de langage sur les magnifiques projets pour l’avenir du gouvernement, mais caler dès qu’il s’agissait de répondre à la question concrète du « qu’est-ce qu’on fait ici et maintenant ». Et il avait d’autant plus de mérite que, comme l’ont rappelé les animateurs de l’émission, de nombreux élus LREM avaient été invités et aucun n’avait donné suite. Magnifique aveu d’impuissance d’un parti dont les élus n’ont finalement rien à dire. Et c’est Natacha Polony qui a le mieux résumé cette impuissance en comparant la politique française au carrefour du sketch de Raymond Devos : chaque sortie est un sens interdit. On n’y peut que tourner en rond… ou alors, il faut comme le suggère la même Polony, “enlever les sens interdits” !
Ce n’est pas le luxe et les privilèges – réels ou supposés – dont bénéficient les représentants du peuple qui révoltent la France des « gilets jaunes ». C’est le fait que cette dépense apparaisse comme inutile. Qui a envie de payer des gens pour vous expliquer que c’est à vous de trouver les solutions à vos problèmes ? Qui veut entretenir une caste dont le crédo est que de toute façon on ne peut pas faire grande chose parce que, vous comprenez, la mondialisation, les GAFA, les chinois, le déficit, l’Europe… qu’il faut continuer à choyer les riches – autrement ils partiraient – et qu’il faut donc que les pauvres « s’adaptent », euphémisme qui désigne le fait de se serrer la ceinture per secula seculorum et sans espoir d’amélioration ? Personne. Et c’est ce que les « gilets jaunes » ont dit et répété à l’émission. Ils n’ont pas besoin de politiques pour leur expliquer pourquoi améliorer leur vie est impossible. Ils ont besoin de gens qui rendent cela possible. Ce qui rejoint la très belle définition que Richelieu donnait de la politique : « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ».
C’est avant tout cette impuissance proclamée, ce discours qui prétend qu’il faut s’adapter aux réalités plutôt que de chercher à les modifier et que l’évolution du monde relève non pas de la volonté des hommes mais de la fatalité qu’on associait naguère aux catastrophes naturelles qui provoque l’angoisse et la révolte. L’héritage cartésien sublimé par les Lumières était précisément de nous libérer du fatalisme chrétien en faisant de nous maîtres de notre destin. En ce sens, le discours de la mondialisation est profondément réactionnaire. Il nous ramène à une étape pré-politique de notre société, celle du paysan totalement soumis à des lois immuables, naturelles ou divines qu’il ne lui appartient pas de discuter et encore moins de modifier. C’est ça le « progressisme » dont on nous rabat les oreilles ? En fait, on est ramené à cette alternative qu’illustrent Pétain et De Gaulle : faut-il se résigner et rechercher le moindre mal ? Ou bien se fixer un objectif et le poursuivre quand bien même il paraîtrait inatteignable ? C’est à la réponse à cette question qu’on reconnaît le politicard et l’homme d’Etat…
En tout cas, cela réchauffe mon pauvre petit cœur de constater que plus de quatre français sur cinq rejettent ce discours d’impuissance ou sympathisent avec ceux qui le rejettent. C’est bon de constater qu’il y a tant de gens en France pour croire encore à la capacité du politique à changer le réel – car s’ils n’y croyaient pas, ils n’iraient pas se geler sur des barrages ou risquer un coup de matraque mal placé au lieu de regarder la télé confortablement chez eux – et cela malgré trente ans d’appels à la résignation et des discours d’impuissance.
Descartes
(1) Le discours de l’impuissance peut prendre des formes d’ailleurs très diverses. Chez ceux qui ont gouverné, il se manifeste explicitement. Chez ceux qui n’ont pas eu cette chance – ou ce malheur – il prend souvent la forme d’un abandon. Ainsi par exemple il est intéressant de comparer le discours du PCF sur l’Europe au début des années 1980 et aujourd’hui : la sortie de l’UE et de l’Euro a été progressivement remplacée par une logique d’accommodements avec une Europe fédérale mais qui serait « sociale », avec une monnaie qui resterait unique mais contrôlée par une BCE « démocratisée »…
@Descartes,
[Cette idéologie est poussée à l’extrême par ceux qui proposent purement l’identité entre représentés et représentants par la suppression pure et simple de ces derniers en instaurant une démocratie directe par le biais du référendum d’initiative populaire.]
Alors comment interprétez-vous la demande faite par les Gilets Jaunes d’instaurer un référendum d’initiative citoyenne (ou civique, que j’appellerai RIC) pour arrêter les manifestations?
Je partage tout à fait vos réserves sur les démocraties directes et autres participatives, elles ne favorisent que ce qui ont du temps à consacrer à la politique en dehors des heures de travail; pour le RIC, c’est à peu près la même chose, et je pense que ce n’est pas le moment le plus approprié pour instaurer ce mode de scrutin: il faudra probablement modifier la Constitution pour élargir le périmètre des questions à poser, et je crois que c’est mission impossible, surtout avec l’une des Congrès les plus réactionnaires depuis…les débuts de la IIIè République (j’ai lu dans le dernier ouvrage de JC Michéa qu’il n’y a jamais eu aussi peu de députés issus du monde ouvrier à l’Assemblée depuis cette époque-là…).
A vrai dire, j’ai une autre interprétation de la revendication des Gilets Jaunes pour un RIC: à la manière des cahiers de doléances de jadis, ce serait le biais direct qui permettrait au peuple de poser les BONNES QUESTIONS, afin de discuter VRAIMENT des problèmes pour y apporter de VRAIES SOLUTIONS.
En effet, certains sujets sont désormais proscrits par les dirigeants: pour commencer, l’immigration. Comme pour mieux illustrer le problème, la signature par la France du dit “pacte de Marrekech” tombe à point! en E anglais, dans le texte, the “Global Compact for Migration” ( Contrat Global sur les Migration, donc au temps pour le caractère soi-disant non-contraignant…) est un accord scélérat qui met, de fait, sur le même plan les immigrés clandestins, réguliers et néo-nationaux en terme de droit, sans que les habitants des pays hôtes aient les moyens de l’empêcher ou de le contester: encore une attente à la souveraineté à laquelle ce gouvernement de poltrons a souscrit… Peut-être que les Français auraient aimé pouvoir en discuter, comme les Suisses l’ont fait avec un RIC?
Autre sujet possible pour le RIC et qui provoque l’effroi de “Jupiterre”:le…FREXIT! En effet, l’une des pires craintes du gouvernement est que les Gilets Jaunes fassent le rapprochement entre la dégradation de leur niveau de vie, qui va en s’accélérant, et la sauvegarde du totem de l’UE, à savoir un euro miné par la dette cumulée de ses pays membres. Il est très probable qu’au terme d’une discussion serrée dans le cadre d’un RIC, un basculement vers une renaissance (et pas un retour…) du franc se produise; or, en toute logique, cela impliquerait une dénonciation unilatérale de tous les traités européens, chose toujours possible pour un état souverain. Ce serait la seule façon de faire, maintenant que nous savons grâce au BREXIT que l’application de l’article 51 du TCE mène à une impasse.
Comme vous, je reste convaincu que le RIC n’est pas forcément une bonne idée, parce que l’exemple de la Suisse n’est pas généralisable, et que la représentation démocratique demeure importante pour élaborer les sujets de discussion politiques: toutefois, avec une telle absence de représentativité SOCIALE (et non sociétale, comme les aiment les bobos…) les motifs qui poussent les Gilets Jaunes à le réclamer sont légitimes, parce qu’il permettrait de faire connaître les sujets qui préoccupent réellement les Français: cela nous permettrait d’éviter d’une discuter “d’urgence climatique” plus qu’incertaine, ou encore la PMA/GPA pour les LGBTQIXYWZ et de nous concentrer sur la dégradation des conditions de vie des travailleurs causés par l’abdication de l’Etat en matière de régulations monétaire et migratoire…
@ CVT
[Alors comment interprétez-vous la demande faite par les Gilets Jaunes d’instaurer un référendum d’initiative citoyenne (ou civique, que j’appellerai RIC) pour arrêter les manifestations?]
Ne trouvez-vous pas étrange que cette revendication, qui ne s’est guère manifesté pendant les quatre premières semaines du mouvement, soit apparue comme tombée du ciel dans la manifestation parisienne du samedi dernier. Alors que les commentateurs notaient que les revendications sociales ou économiques semblaient avoir cédé la place à cette revendication « démocratique ». Et qu’on pouvait aussi noter un changement sociologique chez les manifestants de samedi, avec moins de véritables « gilets jaunes » et plus de militants de la « gauche radicale ». Curieux, n’est-ce pas ? Est-ce une simple coïncidence ?
Je ne le pense pas. J’ai l’impression qu’après les concessions faites par le gouvernement et la lassitude aidant, les « gilets jaunes » à l’origine du mouvement passent au second plan, alors qu’après leur premier désarroi les militants de la « gauche radicale » reprennent pied. Je n’ai pas eu trop l’opportunité de beaucoup discuter avec les gens sur le terrain, mais c’est une analyse partagée par pas mal de gens que je connais dans la préfectorale.
[A vrai dire, j’ai une autre interprétation de la revendication des Gilets Jaunes pour un RIC: à la manière des cahiers de doléances de jadis, ce serait le biais direct qui permettrait au peuple de poser les BONNES QUESTIONS, afin de discuter VRAIMENT des problèmes pour y apporter de VRAIES SOLUTIONS.]
Mais les « cahiers de doléances », par définition, consignent des problèmes, pas de solutions. Je vois mal comment des référendums d’initiative citoyenne permettraient de « discuter vraiment des problèmes » et encore moins « d’apporter de vraies solutions ». Une campagne référendaire permet de discuter des questions fondamentales de principe. Mais on n’imagine pas de voter une loi de finances ou une réforme du Code Pénal par référendum.
[En effet, certains sujets sont désormais proscrits par les dirigeants: pour commencer, l’immigration. Comme pour mieux illustrer le problème, la signature par la France du dit “pacte de Marrekech” tombe à point! en anglais, dans le texte, the “Global Compact for Migration” (Contrat Global sur les Migration, donc au temps pour le caractère soi-disant non-contraignant…) est un accord scélérat qui met, de fait, sur le même plan les immigrés clandestins, réguliers et néo-nationaux en terme de droit, sans que les habitants des pays hôtes aient les moyens de l’empêcher ou de le contester: encore une attente à la souveraineté à laquelle ce gouvernement de poltrons a souscrit… Peut-être que les Français auraient aimé pouvoir en discuter, comme les Suisses l’ont fait avec un RIC?]
Mais pourquoi diable aurait-on besoin d’un référendum pour pouvoir en discuter ? La démocratie représentative n’exclut pas le débat, la manifestation, l’interpellation des représentants. Si le peuple français ne veut pas du « pacte de Marrakech » (qui, effectivement, n’est pas « contraignant », il ne faut pas continuer à propager des rumeurs), il a beaucoup de moyens de l’exprimer et d’obtenir que ses représentants ne le ratifient pas. Mais à la rigueur, on peut imaginer qu’un sujet de principe comme l’immigration fasse l’objet d’un référendum. Le problème du référendum, c’est qu’il se prête mal lorsqu’il ne s’agit pas de trancher un choix binaire, mais lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre plusieurs options.
[Autre sujet possible pour le RIC et qui provoque l’effroi de “Jupiterre”: le…FREXIT!]
Il faut se méfier des raisonnements ad-hoc. Je me refuse à soutenir une procédure que je pense désastreuse en général parce qu’elle serait avantageuse dans un cas particulier…
@Descartes
> J’ai l’impression qu’après les concessions faites par le gouvernement et la lassitude aidant, les « gilets jaunes » à l’origine du mouvement passent au second plan, alors qu’après leur premier désarroi les militants de la « gauche radicale » reprennent pied.
Je crains que vous n’ayez raison. Récemment au centre de Paris j’ai croisé un maigre cortège de « gilets jaunes » qui scandaient « Paris, debout, soulève-toi » (*). C’est un slogan bien connu de l’ultra-gauche insurrectionniste (les potes à Lordon), que l’on entendait déjà à « Nuit Debout ».
Je ne sais pas si le mouvement est vraiment terminé. Macron n’a fait aucune concession de fond, et à la première connerie de sa part il est possible que ça reparte. En tout cas je l’espère.
(*) Inutile de dire qu’aucun passant ne les rejoignait dans l’insurrection.
@ Antoine
[Je crains que vous n’ayez raison. Récemment au centre de Paris j’ai croisé un maigre cortège de « gilets jaunes » qui scandaient « Paris, debout, soulève-toi ». C’est un slogan bien connu de l’ultragauche insurrectionniste (les potes à Lordon), que l’on entendait déjà à « Nuit Debout ».]
Oui. A la manifestation place de l’Opéra on pouvait entendre aussi les « on ne lâche rien » de LFI. J’y ai reconnu d’ailleurs pas mal de visages connus de « l’insoumission » parisienne. L’entrisme, pour certains, c’est une deuxième nature…
[Je ne sais pas si le mouvement est vraiment terminé. Macron n’a fait aucune concession de fond, et à la première connerie de sa part il est possible que ça reparte. En tout cas je l’espère.]
Je pense que le mouvement va s’étioler doucement, les fêtes aidant. Cela dit, cela ne veut pas dire qu’il ne laissera pas de traces. Comme le disait le grand historien britannique Gardiner en parlant de l’échec de la République anglaise établie après l’exécution de Charles Ier qui avait amené la restauration de la monarchie avec Charles II : « la restauration n’a pas ramené l’état antérieur, car Charles II et ses successeurs savaient que ce qui a été fait une fois peut être refait ». Macron II aura je pense en tête ce qui est arrivé à Macron Ier.
@Descartes,
[Mais pourquoi diable aurait-on besoin d’un référendum pour pouvoir en discuter ? La démocratie représentative n’exclut pas le débat, la manifestation, l’interpellation des représentants. Si le peuple français ne veut pas du « pacte de Marrakech »]
le problème, c’est que comme disait Jean-François Kahn, “la question ne sera pas posée”!
Mon propos, c’est que le point de départ de la débat est occulté d’emblée, donc impossible de discuter de quoi que ce soit, si le sujet n’est pas présent dans les médias, médias contrôlés essentiellement par les gagnants de la mondialisation, dont font partie vos chères “classes moyennes”… D’où l’idée de contourner cet obstacle par un référendum, qu’un sujet soumis par des “citoyens” permettra de mettre plus facilement des sujets sur la table: sur ce point, je partage vos réserves…
Mais d’une certaine manière, le reproche d’occultation n’est pas infondé: pour en revenir à ce fameux pacte, il a été préparé pendant deux ans pratiquement à l’insu de tous les citoyens des pays du monde. Comme d’habitude, c’est au moment où on va se cogner contre le mur qu’on réalise la situation…
En France, il n’y a eu aucun débat sur ce qu’il conviendrait d’appeler un déni de souveraineté nationale (“Microbe”, qui n’en rate pas une, se fout du monde quand il annonce un débat sur la question, alors que la France a déjà signé ce pacte onusien..), ce ne fut pas le cas partout en Europe. Par exemple, le gouvernement belge vient juste de tomber après une motion de censure, suite à sa mise en minorité, celle-ci étant la conséquence directe du départ du parti majoritaire flamand, qui a refusé la signature de ce pacte (et accessoirement aussi à cause des élections générales, qui arrivent dans 6 mois…): un débat explosif, comme on peut le constater Outre-Quiéchevrain (Quiévrin étant en Belgique….)
[ (qui, effectivement, n’est pas « contraignant », il ne faut pas continuer à propager des rumeurs),]
On sait bien ce que ça veut dire: c’est un verre vide qu’on vous tend, puis on dit “vous faites ce que vous en voulez”, mais en fait, on s’attend à ce que vous le remplissiez…
Regardez ce que la charte universelle des Droits de l’Homme est devenue depuis 70 ans: également non contraignante, elle a fini par être intégrée dans le préambule constitutionnel de tas de pays lui donnant force de loi. Egalement, elle sert de prétexte à des ONG pour s’ingérer dans les affaires intérieures des nations souveraines…
Soyons honnêtes: tout ce que cette charte a édicté est déjà plus ou moins appliqué dans les pays occidentaux; ce qui pour moi est pervers dans ce texte est qu’il ne fait qu’entériner un état de fait pour le rendre irréversible, y compris contre la volonté des peuples.
Jadis, l’ONU était fondée sur l’idée “westphalienne” de la souveraineté des nations, avec son lot d’avantages et d’inconvénient, et s’était fixé comme objectif leur développement par la sédentarisation et le travail. Désormais, ce pacte scélérat consacre la nouvelle vision du monde: le nomadisme et la prédation, au nom d’une richesse prétendument créée par les “échanges”…
@ CVT
[Mon propos, c’est que le point de départ de la débat est occulté d’emblée, donc impossible de discuter de quoi que ce soit, si le sujet n’est pas présent dans les médias, médias contrôlés essentiellement par les gagnants de la mondialisation, dont font partie vos chères “classes moyennes”… D’où l’idée de contourner cet obstacle par un référendum, qu’un sujet soumis par des “citoyens” permettra de mettre plus facilement des sujets sur la table: sur ce point, je partage vos réserves…]
Justement, je vous ferais noter que le référendum d’initiative populaire (ou citoyenne, comme vous voudrez, je m’y perds dans la terminologie) est devenu la coqueluche de l’ensemble de nos pseudo-élites politico-médiatiques. Si vous écoutez France Inter ces jours-ci, vous n’échapperez à toutes sortes de talk-shows avec des invités triés sur le volet qui tous, sans exception, tressent des couronnes à cette idée. Ce qui, en bonne logique, devrait rendre très méfiant quant aux capacités de « contournement » de la chose.
Le véritable débat démocratique passe nécessairement par les partis politiques. Pourquoi ? Parce que pour que le débat ait un sens il ne suffit pas de poser une question complexe à des gens qui n’y connaissent rien – et qui n’ont pas nécessairement envie de faire l’effort nécessaire pour y connaître quelque chose. Il faut un travail d’information, d’éducation, de compréhension du politique. Et ce travail, ce sont les partis politiques qui seuls peuvent le faire. Le « référendum d’initiative populaire » est un gadget démagogique. C’est faire croire que dans un système aussi complexe que celui dans lequel nous vivons, Mme Michu peut prendre rationnellement, sans la moindre préparation, les décisions qui engagent peut-être irréversiblement la nation.
Si le but est d’améliorer notre démocratie, alors on ferait mieux de réfléchir aux moyens pour reconstruire de véritables partis politiques, au lieu d’imaginer des moyens pour se passer d’eux. Mais de véritables partis politiques, représentant les intérêts des différentes couches sociales, cela mettrait en danger la domination des « classes intermédiaires » sur le champ politique. Alors, on lui préfère une procédure de vote direct dans laquelle le pouvoir de cette couche sociale ne risque pas d’être remis en cause. Et là, je parle d’expérience : lorsque vous réunissez localement une assemblée pour discuter un problème local, qui monopolise la parole ? Qui arrive à faire passer ses idées ? Qui finalement emporte les votes ? Réponse : les représentants des « classes intermédiaires », parce que ce sont eux qui connaissent les ficelles.
[Mais d’une certaine manière, le reproche d’occultation n’est pas infondé: pour en revenir à ce fameux pacte, il a été préparé pendant deux ans pratiquement à l’insu de tous les citoyens des pays du monde. Comme d’habitude, c’est au moment où on va se cogner contre le mur qu’on réalise la situation…]
Que faisaient les partis politiques pendant ce temps ? C’est leur boulot de surveiller l’horizon et d’alerter la population, non ?
[Regardez ce que la charte universelle des Droits de l’Homme est devenue depuis 70 ans: également non contraignante, elle a fini par être intégrée dans le préambule constitutionnel de tas de pays lui donnant force de loi. Egalement, elle sert de prétexte à des ONG pour s’ingérer dans les affaires intérieures des nations souveraines…]
Avec assez peu de succès, je dois dire. Il ne faut pas fantasmer, et surtout, il ne faut pas mettre les fautes là où elles ne sont pas. Si les textes internationaux non contraignants sont intégrés dans notre droit interne, c’est le fait de nos politiques bien à nous, et non des textes en question.
Vous écrivez : «La position des « gilets jaunes » est de ce point de vue remarquablement cohérente : ils ne rejettent pas le politique et ils ne se substituent pas à lui. Ce qu’ils exigent, c’est que le politique fasse son boulot qui est d’écouter leurs problèmes et trouver des solutions».
Jacques Bainville écrivait qu’en temps de paix on se comporte envers les militaires comme on se comporte envers son médecin quand on est en bonne santé. En temps de guerre le militaire fait le Job. Quand on est malade le docteur fait le sien. Force est de constater que nos élus au Sénat et à L’Assemblée ne le font pas de manière satisfaisante.
On en vient au tirage au sort sur lequel nous avons déjà échangé, et je vous propose ceci :
Henri Vernet – Le parisien.fr – 06 janvier 2017 . Démocratie. Plusieurs candidats à l’Elysée proposent que des tirages au sort complètent les élections.
« Amener les citoyens à participer à la vie politique en… les tirant au sort. L’idée peut paraître saugrenue, elle fait pourtant son chemin dans cette campagne présidentielle. Serait-ce la martingale pour combattre l’abstentionnisme et la défiance à l’encontre d’un « système » politique dont nombre de Français se sentent exclus ? Plusieurs candidats à l’Elysée proposent un tel dispositif, sous une forme ou une autre dans leur programme. Arnaud Montebourg veut faire entrer au Sénat des citoyens tirés au sort sur les listes électorales. Jean-Luc Mélenchon a déjà « expérimenté » la formule en tirant au sort une partie des « conventionnels » qui planchent sur son programme.
Quant à Emmanuel Macron, il propose qu’une commission de citoyens tirés au sort auditionne chaque année le président de la République. D’autres encore, à droite comme à gauche, voient dans ce système — qui ne remplacerait évidemment pas les élections — une des pistes pour renouveler les pratiques politiques. Le grand retour du tirage au sort, qui était en vigueur dans la démocratie athénienne de la Grèce antique ? Déjà, plusieurs pays comme l’Irlande, l’Estonie ou l’Islande y ont recouru ces dernières années, pour des enjeux aussi importants que des réformes constitutionnelles. En France, le débat est ouvert… »
@ PenArBed
[En temps de guerre le militaire fait le Job. Quand on est malade le docteur fait le sien. Force est de constater que nos élus au Sénat et à L’Assemblée ne le font pas de manière satisfaisante.]
Certes. Mais je ne coupe pas mon cerisier en décembre au prétexte qu’il ne fait pas des fruits. Que nos représentants ne fassent pas leur boulot AUJOURD’HUI n’implique pas qu’il faille supprimer le Parlement élu et passer à autre chose. Le mieux serait de se demander pourquoi un système qui n’a pas si mal marché que ça pendant plus d’un siècle s’est mis soudain à disfonctionner.
[« Amener les citoyens à participer à la vie politique en… les tirant au sort. L’idée peut paraître saugrenue, elle fait pourtant son chemin dans cette campagne présidentielle. Serait-ce la martingale pour combattre l’abstentionnisme et la défiance à l’encontre d’un « système » politique dont nombre de Français se sentent exclus ?]
Sans aucun doute. Dès lors qu’on tire au sort, l’abstention disparait et l’abstentionnisme avec. Qui disait qu’il suffit de casser le thermomètre pour faire disparaître la fièvre… ?
[Plusieurs candidats à l’Elysée proposent un tel dispositif, sous une forme ou une autre dans leur programme. Arnaud Montebourg veut faire entrer au Sénat des citoyens tirés au sort sur les listes électorales. Jean-Luc Mélenchon a déjà « expérimenté » la formule en tirant au sort une partie des « conventionnels » qui planchent sur son programme. Quant à Emmanuel Macron, il propose qu’une commission de citoyens tirés au sort auditionne chaque année le président de la République. D’autres encore, à droite comme à gauche, voient dans ce système — qui ne remplacerait évidemment pas les élections — une des pistes pour renouveler les pratiques politiques.]
Ce dernier exemple me paraît particulièrement intéressant. Pensez-vous que chez les « insoumis » ce tirage au sort ait abouti à un véritable pouvoir des adhérents sur le mouvement ? Vraiment ? Non, si tant de politiciens prétendent s’extasier sur le tirage au sort, c’est parce que c’est un gadget qui permet de donner l’illusion qu’on fait quelque chose pour que le peuple soit représenté alors qu’on n’en fait rien. Parce que personne en fait ne songe à donner à une chambre tirée au sort un véritable pouvoir : chez Montebourg on propose de mettre des tirés au sort dans le Sénat, dont les pouvoirs sont minimes, Mélenchon tire au sort une « convention » qui ne décide de rien, Macron tire au sort des gens qui auront l’énorme pouvoir « d’auditionner » le Président. Et tout le monde voit dans ce système « qui ne remplacera EVIDEMENT pas les élections » un gadget sans danger.
[Le grand retour du tirage au sort, qui était en vigueur dans la démocratie athénienne de la Grèce antique ? Déjà, plusieurs pays comme l’Irlande, l’Estonie ou l’Islande y ont recouru ces dernières années, pour des enjeux aussi importants que des réformes constitutionnelles. En France, le débat est ouvert… »]
Qu’est ce qui est commun à ces trois pays : ils sont petits, ils sont provinciaux, et ils ont des populations ultra-homogènes.
Vous écrivez : « Que nos représentants ne fassent pas leur boulot AUJOURD’HUI n’implique pas qu’il faille supprimer le Parlement élu et passer à autre chose. Le mieux serait de se demander pourquoi un système qui n’a pas si mal marché que ça pendant plus d’un siècle s’est mis soudain à dysfonctionner ».
Je ne propose pas de supprimer le Parlement.
Je propose tout simplement de fermer le palais de Iéna et que le nouveau CESE soit au sein du Sénat afin de travailler de concert avec les Sénateurs.
Je propose que les membres de ce nouveau CESE ne soient plus ”nommés ou choisis” mais tirés au sort parmi des volontaires inscrits sur les listes électorales.
Vous avez sûrement constaté comme moi qu’AUJOURD’HUI beaucoup de nouveaux députés LREM se posent ENFIN des questions sur la prédominance de l’exécutif.
J’ai la faiblesse de croire que si ce nouveau CESE existait il n’y aurait pas eu ce soulèvement des Gilets Jaunes, tout du moins pas sous cette forme.
Emmanuel Daniel : «Et si on tirait au sort nos élus?» -source salte.fr – 13 juin 2012
« Au niveau national, le politologue Yves Sintomer propose la création d’une troisième chambre (en plus du Sénat et de l’Assemblée nationale) dont les membres seraient tirés au sort. «Sa priorité serait de penser au futur. On tirerait au sort parmi ceux qui ont des compétences particulières (par exemple des experts des questions écologiques nommés par les ONG et les syndicats) et des citoyens. Si on leur donne le moyen de travailler et qu’on leur accorde un droit de veto constructif, cette assemblée pourrait lutter contre les lois de trop court terme»,
Yves Sintomer : «Quand on regarde l’histoire, on se rend compte que l’on vit dans un système assez exceptionnel qui fait officiellement reposer sur la seule élection la légitimité politique. L’idée est de donner une nouvelle force à la politique. Les partis à eux seuls n’y arriveront pas»
Gil Delannoi. chercheur au CEVIPOF : «Le tirage au sort et l’élection apportent tous les deux quelques choses, ce sont des formes de démocratie à part entière»
@ PenArBed
[Je propose tout simplement de fermer le palais de Iéna et que le nouveau CESE soit au sein du Sénat afin de travailler de concert avec les Sénateurs. Je propose que les membres de ce nouveau CESE ne soient plus ”nommés ou choisis” mais tirés au sort parmi des volontaires inscrits sur les listes électorales.]
Oui, on a compris, vous l’avez répété dix fois. Ce que vous n’avez toujours pas expliqué c’est ce qui vous fait croire qu’en prenant une assemblée qui ne fonctionne pas (le Sénat) et en le complétant par des « volontaires » tirés au sort, vous allez construire une assemblée qui fonctionne. Il ne suffit pas d’essayer toutes les combinaisons possibles entre élus au suffrage indirect, au suffrage direct, tirés au sort ou ce que vous voudrez. Il faut expliquer POURQUOI l’assemblée que vous proposez a plus de chances de marcher que celles qui existent. A priori, on ne voit aucune raison.
D’abord, comme je vous l’ai déjà expliqué, si vous tirez au sort parmi des volontaires, vous aurez une surreprésentation des couches sociales privilégiés, qui ont les possibilités matérielles et intellectuelles de se libérer de leur quotidien pour être « volontaires » pour une tache aussi prenante que celle de membre d’une assemblée. Vous n’avez qu’à faire un petit tour parmi les associations nationales ou les ONG : Combien d’ouvriers trouvez-vous parmi leurs présidents, ou dans leurs conseils d’administration ?
Ensuite, que représenterait exactement une assemblée dont la moitié serait tirée au sort, et l’autre moitié élue par les élus locaux au suffrage indirect ? Elle ne représenterait pas les territoires, puisque la moitié serait tirée au sort sur une liste nationale. Elle ne représenterait pas les corporations (comme le CESE aujourd’hui) puisque les corporations ne joueront aucun rôle. Alors, quoi ?
[Vous avez sûrement constaté comme moi qu’AUJOURD’HUI beaucoup de nouveaux députés LREM se posent ENFIN des questions sur la prédominance de l’exécutif.]
Ils se posent la mauvaise question. La « prédominance de l’exécutif » n’est plus qu’un fantasme. Je trouve drôle qu’après trois cohabitations on parle toujours de « prédominance de l’exécutif ». En quoi se manifeste la « prédominance de l’exécutif » ? Prenez par exemple la réforme constitutionnelle, à laquelle l’exécutif tenait. Qu’est-elle devenue ? Elle a été enterrée dans la bronca parlementaire qui a suivi l’affaire Benalla. Si les députés LREM se comportent comme des godillots, la faute n’incombe pas à l’exécutif, mais à eux-mêmes. Encore un bon exemple d’élus qui organisent leur propre impuissance pour ensuite nous expliquer que tout est la faute des autres…
[J’ai la faiblesse de croire que si ce nouveau CESE existait il n’y aurait pas eu ce soulèvement des Gilets Jaunes, tout du moins pas sous cette forme.]
Si c’est une question de foi, c’est inutile de discuter. Si vous pensez rationnellement que ce nouveau CESE ferait mieux que les assemblées existantes, j’aimerais bien connaître le raisonnement qui vous conduit à cette conclusion.
[« Au niveau national, le politologue Yves Sintomer propose la création d’une troisième chambre (en plus du Sénat et de l’Assemblée nationale) dont les membres seraient tirés au sort. «Sa priorité serait de penser au futur. On tirerait au sort parmi ceux qui ont des compétences particulières (par exemple des experts des questions écologiques nommés par les ONG et les syndicats) et des citoyens.]
Là, je ne comprends plus rien. S’il s’agit d’organiser une instance d’expertise, dont les membres auraient une « compétence particulière », ces instances existent déjà : elles s’appellent les Académies. Franchement, quelle compétence ont les ONG ou les syndicats pour décider qui a des « compétences particulières » et qui n’en a pas ? S’il s’agit d’organiser une instance représentative du peuple – et seule une telle représentation pourrait avoir un droit de « véto » sur le vote des assemblées élues – alors on voit mal ce que viennent faire les experts là-dedans. Pourquoi les « sachants » devraient peser plus lourd politiquement que les non-sachants ?
L’argumentation de Sintomer est intéressante parce qu’elle rejoint d’autres idéologues de ce qu’on pourrait appeler la démocratie limitée. On veut bien laisser le peuple voter, mais il faut une instance qui puisse bloquer lorsque le peuple ne vote pas « raisonnablement ». On veut bien tirer au sort, mais il faut mettre des personnes à « compétences particulières » (devinez de quelle couche sociale ces personnes viendront ?) pour faire en sorte qu’on ne vote pas n’importe quoi. On veut bien accorder le référendum d’initiative populaire, mais attention, à condition qu’on ne vote pas un Frexit ou une restriction de la politique migratoire…
[Si on leur donne le moyen de travailler et qu’on leur accorde un droit de veto constructif, cette assemblée pourrait lutter contre les lois de trop court terme»]
Là encore, on aimerait comprendre en quoi une telle assemblée aurait une vision à long terme supérieure à celle d’une assemblée élue. Ne trouvez-vous pas curieux cette manie d’asséner des affirmations sans jamais expliquer comment on arrive à de telles conclusions ?
[Gil Delannoi. chercheur au CEVIPOF : «Le tirage au sort et l’élection apportent tous les deux quelques choses, ce sont des formes de démocratie à part entière»]
Encore une affirmation taxative sans la moindre justification. Non, le tirage au sort et l’élection sont deux processus de nature différent. Dans l’élection il y a un acte de délégation : moi électeur, je choisis une personne DIFFERENTE DE MOI pour me représenter. Je ne la choisis pas parce qu’elle me ressemble, mais parce que j’estime qu’elle a les qualités pour défendre mes intérêts. Le tirage au sort n’est qu’une procédure statistique, qui à partir d’un univers fabrique un échantillon. Si le tirage est bien fait et l’échantillon suffisamment grand, on peut supposer que l’échantillon a les mêmes propriétés – c’est-à-dire dans ce cas qu’il votera de la même manière, qu’il aura les mêmes préjugés, qu’il saura ou ignorera les mêmes choses – que l’univers dont il a été tiré.
Un tel échantillon pourrait servir une logique d’économie : ainsi, au lieu de faire voter 40 millions d’électeurs pour élire le président de la République il suffirait de faire voter les quelques milliers tirés au sort, et on obtiendrait le même résultat. Ou bien, si l’on veut faire une consultation référendaire, il suffirait de faire voter l’échantillon et on obtiendrait le même résultat qu’en consultant l’ensemble de la population. Miracles de la théorie des probabilités. Il est à noter que l’échantillon ne reste représentatif qu’à condition de ne pas rémunérer particulièrement ses membres ou de leur donner des possibilités ou privilèges particuliers. En effet, dès lors qu’ils sont rémunérés, qu’ils reçoivent des avantages que les membres de l’univers n’ont pas, leurs intérêts, leurs possibilités, leur avenir deviennent différents de ceux des autres…
Il s’ensuit avec une impeccable logique que faire voter les lois par cet échantillon présente les mêmes problèmes de principe que les faire voter par référendum direct. Si la statistique dit vrai, il n’y a aucune raison pour que l’échantillon soit moins sensible aux sirènes démagogiques ou populistes, aux « fake news » et autres influences publicitaires que l’ensemble des citoyens.
Vous écrivez : « Si vous pensez rationnellement que ce nouveau CESE ferait mieux que les assemblées existantes, j’aimerais bien connaître le raisonnement qui vous conduit à cette conclusion ».
Je ne dit pas qu’il ferait mieux que les assemblées existantes. A l’évidence il nous faut des Sénateurs. A l’évidence il nous faut des députés. Pour autant parmi eux combien ont vu venir les Gilets Jaunes ?. Combien se sont souciés de madame Michu ?
Je dis qu’à défaut de s’appuyer sur l’Association des Maires de France qui sont vraiment dans le quotidien de leurs administrés, justement ce quotidien serait mieux pris en compte si le CESE travaillait de concert avec les Sénateurs.
Je dis d’autre part que les membres de ce CESE devraient être des volontaires, tirés au sort parmi les inscrits sur les listes électorales afin que justement madame Michu « n’ait pas besoin de mettre un gilet jaunes afin d’être entendue ».
Rassurez-vous c’est la dernière fois que j’aborde ce sujet du tirage au sort sur ce blog. A l’évidence nos avis divergent et c’est d’ailleurs la richesse de votre blog.
Je pense que la grande consultation à venir abordera cette possibilité sous une forme ou une autre. C’est d’ailleurs déjà le cas :
François Sureau – Grand Entretien sur France Inter – 18 décembre 2018
« On pourrait tout à fait imaginer qu’à l’intérieur du CESE qu’il y ait des consultations électroniques absolument générales, ensuite de quoi un travail de synthèse serait fait.
On transporterait l’ensemble à l’Assemblée nationale et on ferait des auditions ouvertes sur ces bases et on y adjoindrait des citoyens tirés au sort selon le modèle irlandais par exemple. Si vous faites ça, vous avez fait un pas de géant à la démocratie »
@ PenArBed
[Vous écrivez : « Si vous pensez rationnellement que ce nouveau CESE ferait mieux que les assemblées existantes, j’aimerais bien connaître le raisonnement qui vous conduit à cette conclusion ». Je ne dis pas qu’il ferait mieux que les assemblées existantes.]
Quel est l’intérêt d’une réforme qui ne fera pas mieux que l’existant ?
[A l’évidence il nous faut des Sénateurs. A l’évidence il nous faut des députés. Pour autant parmi eux combien ont vu venir les Gilets Jaunes ?. Combien se sont souciés de madame Michu ?]
Un certain nombre. Mais combien des membres du CESE l’ont vu venir ? Pas davantage à mon avis…
[Je dis d’autre part que les membres de ce CESE devraient être des volontaires, tirés au sort parmi les inscrits sur les listes électorales afin que justement madame Michu « n’ait pas besoin de mettre un gilet jaunes afin d’être entendue ».]
Mais qu’est-ce qui vous fait penser que Mme Michu serait « volontaire » ? Vous savez, Mme Michu a beaucoup de choses à faire chez elle. Elle a un travail harassant et mal payé, un logement mal commode. Il lui faut s’occuper de sa maison, de ses enfants… et elle ne peut pas, comme le ferait une femme des « classes intermédiaires », se payer une nounou ou une femme de ménage pour pouvoir aller faire le guignol à Paris. Et ne venez pas me dire que si elle était tirée au sort on lui payerait un bon salaire et ses frais : si elle gagne un bon salaire, sera-t-elle toujours sensible aux problèmes des autres Mme Michus qu’elle est censée représenter ?
Encore une fois, les « volontaires » viennent toujours des mêmes couches sociales…
[Rassurez-vous c’est la dernière fois que j’aborde ce sujet du tirage au sort sur ce blog. A l’évidence nos avis divergent et c’est d’ailleurs la richesse de votre blog.]
Cela ne me dérange pas que vous abordiez ce sujet sur mon blog, à condition d’apporter des arguments et des réponses aux questions. Si c’est pour répéter votre conviction, ce n’est pas la peine.
[François Sureau – Grand Entretien sur France Inter – 18 décembre 2018 « On pourrait tout à fait imaginer qu’à l’intérieur du CESE qu’il y ait des consultations électroniques absolument générales, ensuite de quoi un travail de synthèse serait fait. On transporterait l’ensemble à l’Assemblée nationale et on ferait des auditions ouvertes sur ces bases et on y adjoindrait des citoyens tirés au sort selon le modèle irlandais par exemple. Si vous faites ça, vous avez fait un pas de géant à la démocratie »]
Et pourquoi ça ? En quoi cela ferait « faire un pas de géant à la démocratie » ? A lire ce genre de commentaires, on a l’impression qu’il suffit d’affirmer avec un ton assuré pour en faire une vérité. Je pense que tous ces « démocrates » oublient un aspect essentiel : la démocratie ne consiste pas à pouvoir s’exprimer ou être entendu. C’est là un moyen, pas un objectif. L’objectif est de produire des DECISIONS conformes à la volonté générale, et de METTRE EN ŒUVRE CES DECISIONS. Or, les réflexions du style « démocratie directe », « tirage au sort » et autres du même genre se centrent sur le débat, mais guère sur la prise de décision, et encore moins sur sa mise en œuvre.
Tiens, pour illustrer mon propos : n’est-il étrange que toute les réflexions sur la réforme des institutions sont centrées sur le processus législatif (quelles assemblées ? comment les élire/désigner ? quelle sont leurs compétences ? faut-il des référendums ?) mais personne ne semble intéressé par le fonctionnement du pouvoir exécutif, c’est-à-dire le pouvoir qui a pour fonction de mettre en œuvre les politiques décidées par les assemblées ? Comment expliquer cela, à votre avis ?
> Quant à Emmanuel Macron, il propose qu’une commission de citoyens tirés
> au sort auditionne chaque année le président de la République
Je n’avais pas entendu cette proposition, mais elle ne m’étonne pas de lui. En tirant au sort des citoyens, il y a peu de chances d’avoir des gens qui auront à la fois le caractère et la culture pour pouvoir être des interlocuteurs le mettant en difficulté.
Ou comment se donner une occasion de plus d’écraser les autres de sa supériorité… Cette proposition a quelque chose d’ignoble.
En revanche, qu’il y ait, aux cotés de l’AN ou du Sénat, une 3ème chambre tirée au sort, qui ne soit pas en charge de conduire le pays, mais de contrôler la manière dont les institutions fonctionnent, ne me semblerait pas aberrant. On pourrait imaginer que certaines institutions comme la cour des comptes, l’IGPN, le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel, ou autres institutions dont le métier est d’auditer et de contrôler l’Etat et les collectivités publiques rapportent à une telle assemblée, plutôt qu’au gouvernement dont ils doivent contrôler les politiques.
@ Vincent
[En revanche, qu’il y ait, aux cotés de l’AN ou du Sénat, une 3ème chambre tirée au sort, qui ne soit pas en charge de conduire le pays, mais de contrôler la manière dont les institutions fonctionnent, ne me semblerait pas aberrant. On pourrait imaginer que certaines institutions comme la cour des comptes, l’IGPN, le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel, ou autres institutions dont le métier est d’auditer et de contrôler l’Etat et les collectivités publiques rapportent à une telle assemblée, plutôt qu’au gouvernement dont ils doivent contrôler les politiques.]
D’une certaine façon, c’est le cas : les rapports de contrôle de la Cour des Comptes sont pour une partie publics, et chaque citoyen peut en prendre connaissance. Pour ce qui concerne les inspections générales des différents ministères (en principe, chaque ministère en a une ou plusieurs : IGPN et IGA au ministère de l’Intérieur, IGAS à la santé, IGF à Bercy, IGDD à l’écologie…) le cas est un peu différent : ces inspections rapportent au ministre, et la confidentialité de leurs rapports est d’une garantie qui permet aux inspecteurs d’exprimer le fond de la pensée, ce qu’ils ne feraient probablement pas si le rapport devait être rendu public. Quant aux juridictions (Conseil d’Etat, Conseil constitutionnel) elles n’ont pas une mission d’audit, mais de contrôle juridictionnel. Et leurs décisions sont toujours publiques.
Mais allons un peu plus loin sur votre proposition. Quels seraient pour vous les pouvoirs de cette « 3ème chambre » ? Supposons qu’elle puisse auditionner ministres et fonctionnaires, prendre connaissance des rapports des différentes inspections et même commander des audits elle-même. Et ensuite ? Que ferait-elle de toutes ces informations ?
Je ne me suis pas très bien exprimé. Cette 3ème chambre ne pourrait naturellement pas contrôler le fond des travaux de ces institutions d’audit et de contrôle. Cela n’aurait aucun sens.
Mais elle pourrait s’intéresser aux nominations (par exemple, entre des professeurs de droit constitutionnels reconnus et un pote du Président, le premier sera sans doute choisi de préférence pour le conseil constitutionnel), donner un avis sur les risques de conflits d’intérêt (par exemple lors d’un départ dans le privé). Se prononcer sur le principe de remboursement des notes de frais.
Ils ne pourraient avoir à se prononcer sur le fond que s’il s’agit de délimiter les compétences de l’organe (par exemple, le conseil constitutionnel est il légitime pour décider de lui même sur quels textes doit se baser le contrôle de constitutionalité ?).
Bref, j’avoue que mon idée n’est pas totalement finalisée, mais il s’agit de faire en sorte que cette 3ème chambre ne serve qu’à contrôler la manière dont fonctionnent les institutions, et pas ce qu’elles font concrètement. Il ne s’agirait pas d’un contrôle politique, mais d’un contrôle que les institutions républicaines ne sont pas dévoyées.
@ Vincent
[Je ne me suis pas très bien exprimé. Cette 3ème chambre ne pourrait naturellement pas contrôler le fond des travaux de ces institutions d’audit et de contrôle. (…) Mais elle pourrait s’intéresser aux nominations (par exemple, entre des professeurs de droit constitutionnels reconnus et un pote du Président, le premier sera sans doute choisi de préférence pour le conseil constitutionnel), donner un avis sur les risques de conflits d’intérêt (par exemple lors d’un départ dans le privé).]
L’idée d’une sorte de « jury d’éthique » citoyen pour examiner les nominations est intéressante. Même s’il n’a qu’un avis consultatif, il serait difficile pour l’autorité investie du pouvoir de nomination sans passer outre sans de très bonnes raisons. Ce qui me gêne, c’est qu’un tel jury tiré au sort n’a aucune raison de ne pas partager les préjugés de la société. Entre des professeurs de droit constitutionnel et un pote du président, le premier serait sans doute choisi. Mais entre les professeurs de droit et un ancien journaliste devenu dirigeant d’une fondation écologique ou pire, une vedette du petit écran, qui le jury préfèrerait-il ? Entre un Stirn que personne ne connaît et un Hanouna que beaucoup de gens regardent, qui gagnerait ?
[Se prononcer sur le principe de remboursement des notes de frais.]
Si c’est sur le principe, je ne vois pas l’intérêt. Si c’est pour examiner chaque note de frais… je trouve vraiment que créer une chambre pour ça est un peu exagéré.
[Ils ne pourraient avoir à se prononcer sur le fond que s’il s’agit de délimiter les compétences de l’organe (par exemple, le conseil constitutionnel est il légitime pour décider de lui même sur quels textes doit se baser le contrôle de constitutionalité ?).]
Là, vous posez un problème extrêmement compliqué : si votre 3ème chambre était compétente pour délimiter les compétences des autres organes… qui délimiterait sa propre compétence ? C’est en fait tout le problème du contrôle de constitutionnalité : l’instance à qui le constituant à confié la tâche d’interpréter la Constitution est forcément l’interprète de sa propre compétence, puisque celle-ci lui est donnée par la Constitution. L’instance qui contrôle la constitutionnalité échappe donc à tout contrôle… sauf, bien entendu, du peuple souverain. C’est là la seule protection contre la dictature des juges. Le juge constitutionnel peut interpréter la Constitution comme il veut, mais il sait que s’il va trop loin, il risque de voir le souverain modifier l’ordre constitutionnel – pacifiquement ou par la force.
[Bref, j’avoue que mon idée n’est pas totalement finalisée, mais il s’agit de faire en sorte que cette 3ème chambre ne serve qu’à contrôler la manière dont fonctionnent les institutions, et pas ce qu’elles font concrètement. Il ne s’agirait pas d’un contrôle politique, mais d’un contrôle que les institutions républicaines ne sont pas dévoyées.]
Sur le papier, votre idée me paraît très intéressante. Il s’agirait de créer une instance qui regarde non pas ce qu’on fait, mais comment on le fait. La difficulté que je vois, c’est qu’il sera difficile de séparer les deux choses. Une « 3ème chambre » à majorité écologiste acceptera-t-elle d’admettre que les subventions aux énergies renouvelables sont une aberration ? En d’autres termes, comment éviter que cette chambre de contrôle ne soit stricte lorsqu’il s’agit d’évaluer les politiques qui lui déplaisent, et coulante dans le cas contraire ?
[comment éviter que cette chambre de contrôle ne soit stricte lorsqu’il s’agit d’évaluer les politiques qui lui déplaisent, et coulante dans le cas contraire ?]
En faisant en sorte qu’elle soit constituée à part égale de personnes ayant chacune des deux opinions ?
@ Jean-François
[En faisant en sorte qu’elle soit constituée à part égale de personnes ayant chacune des deux opinions ?]
En d’autres termes, qu’elle ne soit pas en mesure de prendre aucune décision ? J’attire par ailleurs votre attention sur le fait que si vous tirez ses membres au sort, vous n’avez aucun contrôle sur la distribution des “opinions”. Pire: une assemblée qui aurait un équilibre parfait sur tous les problèmes imaginables serait assez difficile à constituer…
@Descartes
> L’idée d’une sorte de « jury d’éthique » citoyen pour examiner les
> nominations est intéressante. Même s’il n’a qu’un avis consultatif,
> il serait difficile pour l’autorité investie du pouvoir de
> nomination sans passer outre sans de très bonnes raisons.
Je ne pense pas ; il suffit de voir que l’avis du conseil supérieur de la magistrature n’est pas suivi pour la nomination des magistrats comme procureur auprès de la cour de cassation…
http://www.syndicat-magistrature.org/Nomination-du-procureur-de-Paris-fausse-transparence-vrai-choix-du-Prince.html
C’est pourquoi je pense qu’il faut que ça se fasse dans l’autre sens : l’exécutif propose des noms ; éventuellement les groupes parlementaires ou je ne sais pas qui également, et la 3ème chambre tirée au sort choisit parmi la liste qui est proposée…
> Mais entre les professeurs de droit et un ancien journaliste devenu
> dirigeant d’une fondation écologique ou pire, une vedette du petit
> écran, qui le jury préfèrerait-il ?
Ce choix ne devrait pas lui être proposé, s’il choisit parmi une “shortlist”…
>> Se prononcer sur le principe de remboursement des notes de frais.
> Si c’est sur le principe, je ne vois pas l’intérêt.
Si on pense à la Commission des comptes de campagne, de savoir si tels ou tels frais peuvent être considérés comme en faisant partie, je pense que ce serait bien que ce ne soit pas les élus qui en décident, par exemple.
On pourrait faire de même pour savoir ce qui rentre dans les frais de mandat de telle ou telle fonction, etc.
> Là, vous posez un problème extrêmement compliqué : si votre
> 3ème chambre était compétente pour délimiter les compétences
> des autres organes… qui délimiterait sa propre compétence ?
Cette 3ème chambre pourrait imposer un référendum quand elle considère qu’une décision du conseil d’Etat ou du conseil constitutionnel excède sa compétence. Le principe de la 3ème chambre tirée au sort est qu’elle est un échantillon du peuple souverain, et a donc, à priori, sa propre souveraineté, en tant qu’échantillon. Ce que ne peut pas avoir un conseil.
> Une « 3ème chambre » à majorité écologiste acceptera-t-elle
> d’admettre que les subventions aux énergies renouvelables sont
> une aberration ?
Tel que je vois les choses, la question ne pourrait pas se poser :
1°) une chambre tirée au sort sera majoritairement composée de personnes pas trop politisées ; c’est la principale difficulté pour rentrer dans des sujets techniques comme les limites du contrôle de constitutionalité. Mais l’avantage est qu’on aura pas de majorité engagée politiquement,
2°) La question de savoir à qui ou à qui est donnée une subvention ne lui sera jamais posée, puisqu’il ne s’agit pas d’une question relative à l’organisation des institutions.
Enfin, admettez que votre exemple est très mauvais, puisque les gouvernements actuels, qui sont pourtant des élus représentatifs, ne sont pas capables de raisonner 2 minutes sur le sujet, même quand un rapport très détaillé de la cour des comptes leur met clairement le doigt dessus !
Alors qu’une chambre tirée au sort, elle, à mon avis, si on lui expliquait 20 min de quoi il en retournait avec ce rapport à l’appui, y mettrait très probablement fin immédiatement !
@ Vincent
[« L’idée d’une sorte de « jury d’éthique » citoyen pour examiner les nominations est intéressante. Même s’il n’a qu’un avis consultatif, il serait difficile pour l’autorité investie du pouvoir de nomination sans passer outre sans de très bonnes raisons. » Je ne pense pas ; il suffit de voir que l’avis du conseil supérieur de la magistrature n’est pas suivi pour la nomination des magistrats comme procureur auprès de la cour de cassation…]
Le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas un « jury citoyen », c’est une instance censée juger la compétence des magistrats, et non seulement leur « éthique ». Par ailleurs, les séances du Conseil ne sont pas publiques, et les arguments des uns et des autres ne sont pas portés à la connaissance du public. Si tel était le cas, il serait beaucoup plus difficile au gouvernement de passer outre.
[C’est pourquoi je pense qu’il faut que ça se fasse dans l’autre sens : l’exécutif propose des noms ; éventuellement les groupes parlementaires ou je ne sais pas qui également, et la 3ème chambre tirée au sort choisit parmi la liste qui est proposée…]
Mais cette chambre « choisit » sur quel critère ? Elle n’a pas les compétences pour juger des qualités professionnelles de chaque candidat. Par ailleurs, une telle logique remet en cause le principe fondamental de la démocratie qui est celui de la responsabilité. Comment un gouvernement pourrait être tenu responsable des résultats d’une politique, alors qu’il pourra toujours se réfugier derrière le prétexte que les hauts fonctionnaires qui l’ont mise en œuvre l’ont sabotée ? Non, la responsabilité du gouvernement implique une certaine liberté dans le choix des nominations pour les emplois supérieurs de la fonction publique (et le principe de subordination hiérarchique en dessous). Si un ministre déclare que ce sont ses directeurs qui ont saboté sa politique, la réponse est « vous n’aviez qu’à les virer et en nommer d’autres ». Avec votre système, ce prétexte n’a pas de réponse.
[« Mais entre les professeurs de droit et un ancien journaliste devenu dirigeant d’une fondation écologique ou pire, une vedette du petit écran, qui le jury préfèrerait-il ? » Ce choix ne devrait pas lui être proposé, s’il choisit parmi une “shortlist”…]
Le but de votre proposition était d’éviter qu’on puisse nommer « les copains du président », ce qui suppose que le président est parfaitement capable de mettre ce genre de « copain » dans la « shortlist »…
[Cette 3ème chambre pourrait imposer un référendum quand elle considère qu’une décision du conseil d’Etat ou du conseil constitutionnel excède sa compétence. Le principe de la 3ème chambre tirée au sort est qu’elle est un échantillon du peuple souverain, et a donc, à priori, sa propre souveraineté, en tant qu’échantillon. Ce que ne peut pas avoir un conseil.]
Le risque, c’est que votre « 3ème chambre » confonde le jugement sur la compétence et celui sur le fond de l’affaire. Comment éviter qu’une décision « impopulaire » mais parfaitement fondée en droit du CE ou du CC ne soit déférée au référendum par cette voie ?
[1°) une chambre tirée au sort sera majoritairement composée de personnes pas trop politisées ; c’est la principale difficulté pour rentrer dans des sujets techniques comme les limites du contrôle de constitutionalité. Mais l’avantage est qu’on aura pas de majorité engagée politiquement,]
Même si vous avez une majorité non politisée, les membres de votre chambre ne sortiront pas d’un trou isolé. Ils regardent la télévision, écoutent la radio, et sont soumis en permanence au discours « politiquement correct ». C’est justement pour cette raison qu’il faut des représentants « politisés ». Parce qu’il faut beaucoup d’éducation politique pour pouvoir sortir de ce discours et de se faire sa propre opinion.
[2°) La question de savoir à qui ou à qui est donnée une subvention ne lui sera jamais posée, puisqu’il ne s’agit pas d’une question relative à l’organisation des institutions.]
Je n’avais pas compris que vous comptiez restreindre cette troisième chambre exclusivement à l’organisation des institutions.
[Enfin, admettez que votre exemple est très mauvais, puisque les gouvernements actuels, qui sont pourtant des élus représentatifs, ne sont pas capables de raisonner 2 minutes sur le sujet, même quand un rapport très détaillé de la cour des comptes leur met clairement le doigt dessus !]
Les gouvernants actuels raisonnent parfaitement sur ce sujet, et si vous organisiez un vote secret à l’Assemblée je ne doute pas que la décision serait la bonne. Si nos élus déversent des tombereaux d’argent sur les énergies renouvelables, ce n’est pas parce qu’ils sont convaincus que c’est ce qu’il faut faire, mais parce qu’ils craignent l’opinion publique, et surtout le pouvoir de nuisance des ONG. C’est pourquoi confier l’affaire à une chambre tirée au sort ne changera rien, ou si peu.
[Alors qu’une chambre tirée au sort, elle, à mon avis, si on lui expliquait 20 min de quoi il en retournait avec ce rapport à l’appui, y mettrait très probablement fin immédiatement !]
Votre confiance dans le bon sens populaire est rafraichissante. Mais je me demande pourquoi, si le peuple est si conscient que les énergies renouvelables sont une arnaque, on voit Greenpeace avoir une telle influence sur l’opinion…
[[En faisant en sorte qu’elle soit constituée à part égale de personnes ayant chacune des deux opinions ?]
En d’autres termes, qu’elle ne soit pas en mesure de prendre aucune décision ? J’attire par ailleurs votre attention sur le fait que si vous tirez ses membres au sort, vous n’avez aucun contrôle sur la distribution des “opinions”. Pire: une assemblée qui aurait un équilibre parfait sur tous les problèmes imaginables serait assez difficile à constituer…]
En supposant que l’on constitue une assemblée pour chaque question, que chaque question est posée de manière à ce que la réponse soit « pour » ou « contre », en tirant au sort n citoyens se déclarant « pour » et n autres citoyens se déclarant « contre », il me semble que des décisions pourraient être prises. Les membres de l’assemblée ainsi constituée pourraient prendre un certain temps de débat et de consultation d’experts, après quoi un vote aurait lieu. Dans de telles conditions, la probabilité que la décision rationnelle l’emporte me paraît grande.
@ Jean-François
[En supposant que l’on constitue une assemblée pour chaque question, que chaque question est posée de manière à ce que la réponse soit « pour » ou « contre », en tirant au sort n citoyens se déclarant « pour » et n autres citoyens se déclarant « contre », il me semble que des décisions pourraient être prises.]
Imaginons que la discussion à prendre soit celle d’une législation réprimant les dérives sectaires. Faudrait-il constituer une assemblée pour moitié favorable aux sectes et pour moitié défavorable ? Quelle est la probabilité qu’une telle assemblée aboutisse à une décision – et encore plus, à une décision « rationnelle » ?
[Les membres de l’assemblée ainsi constituée pourraient prendre un certain temps de débat et de consultation d’experts, après quoi un vote aurait lieu. Dans de telles conditions, la probabilité que la décision rationnelle l’emporte me paraît grande.]
Mais cela veut dire quoi une « décision rationnelle » en politique ? Une décision qui paraît tout à fait « rationnelle » pour certains intérêts apparaîtra totalement « irrationnelle » pour les autres. J’ai l’impression que vous pensez que chaque problème a une « solution rationnelle » qu’il suffirait de dégager. Mais si tel était le cas, la politique serait une affaire bien plus simple…
[Imaginons que la discussion à prendre soit celle d’une législation réprimant les dérives sectaires. Faudrait-il constituer une assemblée pour moitié favorable aux sectes et pour moitié défavorable ? Quelle est la probabilité qu’une telle assemblée aboutisse à une décision – et encore plus, à une décision « rationnelle » ?]
Pour ce cas précis, je pense sincèrement que la probabilité qu’au moins un des sectaires change d’avis est beaucoup plus grande que celle qu’au moins un des non sectaires change d’avis. Les sectes fonctionnent en grande partie en évitant de se confronter à l’extérieur. Quand vous vous retrouvez dans un groupe étant à moitié constitué de personnes pensant différemment, l’emprise du conformisme est beaucoup plus faible, et le rationnel a beaucoup plus de chances de l’emporter.
[Mais cela veut dire quoi une « décision rationnelle » en politique ? Une décision qui paraît tout à fait « rationnelle » pour certains intérêts apparaîtra totalement « irrationnelle » pour les autres. J’ai l’impression que vous pensez que chaque problème a une « solution rationnelle » qu’il suffirait de dégager. Mais si tel était le cas, la politique serait une affaire bien plus simple…]
J’ai quant à moi l’impression que vous avez tendance à me prêter des intentions… Loin de moi l’idée que chaque problème ait une solution rationnelle. En revanche un tel dispositif pourrait amoindrir la quantité de décisions politiques les plus irrationnelles, comme la subvention des énergies renouvelables que j’avais à l’esprit en rédigeant mon commentaire précédent. Les problèmes plus subjectifs seraient quant à eux plus clairement identifiés.
Les problèmes politiques ont en général plusieurs dimensions objectives et plusieurs dimensions subjectives. Par exemple, si on propose le choix entre le tout nucléaire et le tout éolien, objectivement, l’éolien est intermittent et le nucléaire non, l’éolien coûte plus cher, etc. En revanche, certains peuvent penser qu’une absence d’électricité les deux tiers du temps est acceptable, peuvent être prêts à payer plus cher l’énergie, etc. pour venir compenser le risque d’accident majeur du nucléaire. Pour cette question précise, il me semble assez clair que la part objective, si elle est considérée sérieusement, fait clairement pencher la balance vers le nucléaire – et je parle en connaissance de cause, j’ai été membre de la secte Greenpeace pendant 10 ans. Dit autrement, la part de subjectivité est suffisamment faible pour qu’une décision émerge de la rationalité des personnes tirées au sort. Cela revient en fait à constituer un échantillon représentatif de la population, dont les membres ont deux opinions différentes, et que l’on tente autant que possible de libérer des biais possibles les ayant amenés à avoir ces opinions, avant de les faire voter.
@ Jean-François
[Pour ce cas précis, je pense sincèrement que la probabilité qu’au moins un des sectaires change d’avis est beaucoup plus grande que celle qu’au moins un des non sectaires change d’avis.]
Votre confiance dans la raison humaine est émouvante, mais je pense que vous avez tort. Je vous rappelle que la question ici posée n’était pas de savoir s’il faut adhérer à une secte, mais s’il faut réprimer les sectes. Je pense qu’il est plus facile de convaincre un individu moyen non-sectaire qu’il faut laisser aux sectes la liberté de fonctionner, que de convaincre un individu sectaire qu’il faudrait les reprimer.
[J’ai quant à moi l’impression que vous avez tendance à me prêter des intentions… Loin de moi l’idée que chaque problème ait une solution rationnelle.]
Je m’excuse si je vous ai attribué une intention qui n’était pas la vôtre. Mais dans la mesure où vous évoquiez le fait qu’une chambre tirée au sort permettrait de choisir les solutions « rationnelles », j’ai imaginé que pour vous il existait une telle solution…
[En revanche un tel dispositif pourrait amoindrir la quantité de décisions politiques les plus irrationnelles, comme la subvention des énergies renouvelables que j’avais à l’esprit en rédigeant mon commentaire précédent. Les problèmes plus subjectifs seraient quant à eux plus clairement identifiés.]
Encore une fois, vu de votre point de vue la subvention aux énergies renouvelables est « irrationnelle ». Mais vue par les constructeurs d’éoliennes, par les monteurs de panneaux solaires, par ceux qui considèrent que l’énergie nucléaire est inacceptable, c’est une politique parfaitement rationnelle. Par ailleurs, vous pensez vraiment qu’un référendum – ou le vote d’une assemblée tirée au sort, en théorie le résultat est le même – sur les subventions aux énergies renouvelables aboutirait à leur rejet ?
[Pour cette question précise, il me semble assez clair que la part objective, si elle est considérée sérieusement, fait clairement pencher la balance vers le nucléaire – et je parle en connaissance de cause, j’ai été membre de la secte Greenpeace pendant 10 ans. Dit autrement, la part de subjectivité est suffisamment faible pour qu’une décision émerge de la rationalité des personnes tirées au sort.]
Je crois que vous sous-estimez le poids de plusieurs mécanismes. Le premier, c’est le désir de conformité : l’idéologie dominante transmet en effet une échelle de valeurs. Dans cette échelle, le nucléaire c’est « mal », les renouvelables c’est « bien ». J’ai beaucoup d’amis qui sont persuadés comme vous que le nucléaire reste la solution rationnelle, mais qui lorsqu’ils parlent en public de ces questions se considèrent obligés de s’excuser de tenir cette opinion et de faire un couplet sur le thème « les renouvelables ne s’opposent pas au nucléaire, il y a de la place pour tout le monde » (ce qui, en privé, ils savent et reconnaissent être faux). Ce désir de conformité aura un effet bien plus important sur une assemblée tirée au sort, dont les membres ne se sentiront pas protégés par l’appartenance à un collectif qui partage leurs idées comme cela peut être le cas d’un parti politique ou d’un syndicat.
Le deuxième mécanisme – très paradoxal – est celui de la recherche de l’impuissance. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gens ne recherchent pas naturellement à avoir du pouvoir. Parce qu’avoir du pouvoir, c’est avoir la responsabilité qui va avec. Prenons un exemple concret : avez-vous déjà participé à une assemblée de copropriété ? Si vous le faites, vous comprendrez le problème. Dire « je pense qu’il faudrait faire ceci ou cela », c’est à la portée de tout le monde. Mais décider de ce qui sera fait, sachant que votre décision sera exécutée à vos frais et que vous ne pourrez-vous en prendre qu’à vous-même si elle se révèle désastreuse, c’est une autre paire de manches. C’est pourquoi les gens s’accommodent très bien d’un système représentatif, où le représentant agit comme « filtre » et prend la responsabilité de la véritable décision.
Si le référendum d’initiative populaire apparaît si attirant, c’est aussi à mon avis parce que les gens n’ont pas tout à fait réalisé qu’ils seront appelés à prendre des décisions qui seront EFFECTIVEMENT mis en œuvre. Des siècles de démocratie représentative ont habitué l’électeur à exprimer librement ses désirs en sachant qu’un filtre allait éliminer l’impossible ou l’absurde. C’est ce filtre qui permet aux gens de rêver librement avant les élections – « interdire les licenciements », « ouvrir les frontières », « réduire les impôts et augmenter le nombre de fonctionnaires » – en sachant qu’il y aura un retour à la réalité. Imaginez que par magie tous vos rêves devaient se réalisaient : vous n’oseriez plus dormir. Je ne suis pas persuadé que tout le monde ait réalisé quelles pourraient être les conséquences de la suppression de ce filtre.
[Cela revient en fait à constituer un échantillon représentatif de la population, dont les membres ont deux opinions différentes, et que l’on tente autant que possible de libérer des biais possibles les ayant amenés à avoir ces opinions, avant de les faire voter.]
Mais une fois que vous avez enlevé les « biais », ils voteront en fonction de quoi ? Vous revenez à l’idée d’une rationalité sous-jacente, qui pourrait être révélée pour peu qu’on laisse les “biais” de côté.
[Votre confiance dans la raison humaine est émouvante, mais je pense que vous avez tort. Je vous rappelle que la question ici posée n’était pas de savoir s’il faut adhérer à une secte, mais s’il faut réprimer les sectes. Je pense qu’il est plus facile de convaincre un individu moyen non-sectaire qu’il faut laisser aux sectes la liberté de fonctionner, que de convaincre un individu sectaire qu’il faudrait les reprimer.]
On ne peut pas le savoir. Mais si on confronte les partisans de la liberté des sectes de fonctionner (qui ne sont pas nécessairement eux-mêmes membres de secte) aux conséquences que cela implique, je suis persuadé que certains changeront d’avis.
[Encore une fois, vu de votre point de vue la subvention aux énergies renouvelables est « irrationnelle ». Mais vue par les constructeurs d’éoliennes, par les monteurs de panneaux solaires, par ceux qui considèrent que l’énergie nucléaire est inacceptable, c’est une politique parfaitement rationnelle. Par ailleurs, vous pensez vraiment qu’un référendum – ou le vote d’une assemblée tirée au sort, en théorie le résultat est le même – sur les subventions aux énergies renouvelables aboutirait à leur rejet ?]
Bien entendu, je parle de rationalité relative à l’intérêt général. De plus, les constructeurs d’éoliennes n’auraient qu’un poids marginal dans le vote final. Enfin, je ne classe pas les questions selon deux catégories rationnelles et irrationnelles, comme je l’ai détaillé plus loin dans mon précédent commentaire.
[Je crois que vous sous-estimez le poids de plusieurs mécanismes. Le premier, c’est le désir de conformité (…)]
C’est en effet l’un des biais qu’il faut essayer de limiter. Mais tirer au sort deux groupes de taille égale, l’un pour et l’autre contre, diminue déjà ce biais : quand on sait que la moitié des personnes qui participent au débat pense comme nous, on prend moins de pincettes. C’est quelque chose que j’ai pu moi-même observer, dans les différents débats (universitaires et politiques) auxquels j’ai participés : quand deux visions s’affrontent, plus la partie minoritaire semble proche de la moitié, mieux elle se libère de ce désir de conformité.
[Le deuxième mécanisme – très paradoxal – est celui de la recherche de l’impuissance (…)]
C’est en effet un autre biais. Mais tout ce qu’il faut, c’est une majorité (avec probablement un critère pour n’appliquer que les différences les plus marquées), c’est-à-dire qu’un nombre suffisant de participants se libère d’autant de biais que possible, pas forcément tous.
[Imaginez que par magie tous vos rêves devaient se réalisaient : vous n’oseriez plus dormir.]
Vous savez, depuis que vous avez migré vers WordPress, mes rêves se sont déjà tous réalisés 😉
[[Cela revient en fait à constituer un échantillon représentatif de la population, dont les membres ont deux opinions différentes, et que l’on tente autant que possible de libérer des biais possibles les ayant amenés à avoir ces opinions, avant de les faire voter.]
Mais une fois que vous avez enlevé les « biais », ils voteront en fonction de quoi ? Vous revenez à l’idée d’une rationalité sous-jacente, qui pourrait être révélée pour peu qu’on laisse les “biais” de côté.]
J’ai dit « autant que possible », il restera toujours des biais, parce qu’il restera toujours une part de subjectivité dans les questions politiques. Mais il y a aussi une part d’objectivité, qui, si on part d’un échantillon dans lequel les deux opinions sont représentées également, peut faire changer d’opinion suffisamment de participants et aboutir à un vote majoritaire plus inspiré par la rationalité.
@ Jean-François
[On ne peut pas le savoir. Mais si on confronte les partisans de la liberté des sectes de fonctionner (qui ne sont pas nécessairement eux-mêmes membres de secte) aux conséquences que cela implique, je suis persuadé que certains changeront d’avis.]
Vous connaissez beaucoup de gens qui, n’étant pas dans une secte, sont partisans de la liberté des sectes ?
[Bien entendu, je parle de rationalité relative à l’intérêt général.]
Mais l’intérêt général est une construction complexe dont tous les éléments ne sont pas de pure rationalité. Si tel était le cas, on pourrait se passer d’assemblées élues et confier le soin de dégager l’intérêt général à une assemblée d’experts…
[C’est en effet l’un des biais qu’il faut essayer de limiter. Mais tirer au sort deux groupes de taille égale, l’un pour et l’autre contre, diminue déjà ce biais : quand on sait que la moitié des personnes qui participent au débat pense comme nous, on prend moins de pincettes. C’est quelque chose que j’ai pu moi-même observer, dans les différents débats (universitaires et politiques) auxquels j’ai participés : quand deux visions s’affrontent, plus la partie minoritaire semble proche de la moitié, mieux elle se libère de ce désir de conformité.]
Je vous accorde ce point. Effectivement, vous pointez là une question qui rend intéressante cette idée d’assemblées balancées, quand bien même elles ne représenteraient pas la distribution des opinions dans l’ensemble de la population. On pourrait presque dire que tant que l’opinion majoritaire est représentée par 51% de l’assemblée, la logique de représentation est sauve. Vous remarquerez qu’en disant cela on s’éloigne beaucoup du discours ambiant selon lequel pour être représentative une assemblée doit être l’image exacte du pays.
[« Imaginez que par magie tous vos rêves devaient se réalisaient : vous n’oseriez plus dormir. » Vous savez, depuis que vous avez migré vers WordPress, mes rêves se sont déjà tous réalisés 😉]
Vraiment ? Napoléon disait que tout homme a son prix, mais le votre est particulièrement facile à payer… 😉
@ Descartes,
“de faire un couplet sur le thème « les renouvelables ne s’opposent pas au nucléaire, il y a de la place pour tout le monde » (ce qui, en privé, ils savent et reconnaissent être faux).”
Pardon, mais n’est-ce pas un peu excessif? Quand je vois les kilomètres de littoral bien exposés au vent dont dispose la France, ne pourrait-on pas tout de même “muscler” un peu la production d’énergie éolienne en France? Je suis d’accord que ce ne sera jamais suffisant, mais n’y a-t-il pas quand même une marge de progression, et surtout des endroits où l’éolien serait rentable?
Par ailleurs, je ne suis pas expert dans ce domaine, mais n’y a-t-il pas une marge de progression technologique sur les renouvelables? Je veux dire par là qu’il n’est peut-être pas exclu d’arriver à fabriquer des éoliennes ou des panneaux solaires avec un meilleur rendement, moins coûteux, plus résistants. J’ai parfois l’impression, à vous lire, que les énergies renouvelables sont dans une impasse technique et technologique. A titre personnel, je n’ai pas la compétence pour en juger. Vous, vous l’avez, et j’aimerais assez que vous éclairiez ma lanterne sur ce sujet.
Sinon, qu’en est-il du projet de recherche à Cadarache? Il était question, je crois de travailler sur la fusion nucléaire. Où en sont les recherches?
@ nationaliste-ethniciste
[Pardon, mais n’est-ce pas un peu excessif? Quand je vois les kilomètres de littoral bien exposés au vent dont dispose la France, ne pourrait-on pas tout de même “muscler” un peu la production d’énergie éolienne en France? Je suis d’accord que ce ne sera jamais suffisant, mais n’y a-t-il pas quand même une marge de progression, et surtout des endroits où l’éolien serait rentable?]
Le problème est justement que l’éolien n’est « rentable » qu’à condition de fermer les autres moyens de production : hydraulique, nucléaire, charbon, pétrole dans cet ordre sont plus compétitifs. En fait, l’éolien n’est économiquement compétitif que pour les petits réseaux (par exemple, dans nos territoires d’outre-mer) parce que dans ces régions on est obligé de produire l’électricité dans des petites installations dont le coût au kWh est relativement important. Mais en métropole, ou l’on peut construire des grosses centrales, l’effet de taille est trop important. Et encore, c’est sans prendre en compte le coût de l’intermittence – c’est-à-dire, le fait qu’il faut avoir une centrale thermique prête à prendre le relais au cas où le vent faiblirait ne fut-ce que quelques secondes… puisque l’équilibre offre demande doit être assuré à chaque instant.
Il faut tenir aussi compte que pour faire fonctionner une éolienne il ne suffit pas qu’il y ait du vent : encore faut-il que ce vent soit relativement constant et peu turbulent. C’est pourquoi contrairement à votre intuition les côtes sont le pire endroit pour poser des éoliennes : le vent est généralement irrégulier et turbulent. Le meilleur endroit sont les plaines, ou l’écoulement est laminaire et les turbulences plus faibles : c’est pourquoi la Picardie est devenu la terre d’élection de l’éolien, et qu’on cherche à faire des éoliennes en mer.
Cela étant dit, il y a une certaine marge de progression. Les experts estiment que jusqu’à 20-25% de renouvelables on saurait gérer le réseau, c’est-à-dire, faire face à une brusque chute de vent, à une occultation du soleil par des nuages. Mais au-delà, il faudrait pour stabiliser le réseau construire des capacités dispatchables supplémentaires… qui ne peuvent être que des centrales thermiques (une centrale nucléaire n’est rentable que si elle tourne de façon continue).
[Par ailleurs, je ne suis pas expert dans ce domaine, mais n’y a-t-il pas une marge de progression technologique sur les renouvelables? Je veux dire par là qu’il n’est peut-être pas exclu d’arriver à fabriquer des éoliennes ou des panneaux solaires avec un meilleur rendement, moins coûteux, plus résistants.]
Les marges ne sont pas énormes. Sur les éoliennes, elles se trouvent dans l’augmentation de la taille et de la puissance des éoliennes, ce qui permettrait de produire une puissance supérieure par euro investi. Alstom avait sorti une éolienne de 6 MW unitaire, et travaillait sur une éolienne de 8 MW (à ces niveaux de puissance, il faut les installer en mer). Mais cela ne provoquera pas une révolution dans les prix. Sur le solaire, les marges se trouvent surtout sur le processus industriel, avec la massification de la production. Des laboratoires du CEA travaillent depuis des années sur des cellules à haut rendement, mais on ne voit pas ces recherches aboutir rapidement.
[J’ai parfois l’impression, à vous lire, que les énergies renouvelables sont dans une impasse technique et technologique.]
La principale « impasse » est la problématique de l’intermittence. Et la seule solution aujourd’hui semble être le développement du stockage. La difficulté est que les marges là non plus ne sont pas énormes, le deuxième principe de la thermodynamique étant ce qu’il est…
[Sinon, qu’en est-il du projet de recherche à Cadarache? Il était question, je crois de travailler sur la fusion nucléaire. Où en sont les recherches?]
La construction d’ITER avance, et on peut espérer que la machine arrive à faire l’ignition (c’est-à-dire, à entretenir une réaction de fusion qui produit plus d’énergie qu’elle ne consomme). Mais les problèmes techniques sont très complexes, et je ne suis pas persuadé qu’on arrivera à les résoudre. Une des difficultés vient de ce qu’on appelle les « lois d’échelle ». Alors que pour ce qui concerne les réacteurs de fission on peut fabriquer des réacteurs de toutes les puissances possibles, les « lois d’échelle » prédisent qu’une réaction de fusion ne peut atteindre l’ignition qu’en dépassant une certaine taille. Et cette taille – grosso modo celle d’ITER – est déjà très importante. Avec les réacteurs de fission, ou l’on pouvait essayer des solutions techniques différentes, de faire des modifications et de résoudre les problèmes en petit et sans que cela coûte trop cher avant de construire un réacteur industriel. Avec un réacteur à fusion, essayer une configuration ou une solution technique différente implique intervenir dans un très gros réacteur, ce qui coute des milliards et prend des années…
Cela ne veut pas dire que la recherche sur la fusion soit inutile. C’est une recherche qui nécessite des équipements et des matériaux de pointe, et du coup c’est une recherche qui, bien organisée, “tire” les industries de pointe comme naguère les programmes spatiaux.
[Vous connaissez beaucoup de gens qui, n’étant pas dans une secte, sont partisans de la liberté des sectes ?]
Oui, au moins tous les électeurs de Macron et Mélenchon qui ne sont pas membres de LREM ou LFI.
[Mais l’intérêt général est une construction complexe dont tous les éléments ne sont pas de pure rationalité. Si tel était le cas, on pourrait se passer d’assemblées élues et confier le soin de dégager l’intérêt général à une assemblée d’experts…]
Bien sûr, je n’ai pas dit le contraire. Encore une fois, mon propos est que ce système d’assemblée peut permettre d’amoindrir l’irrationalité des décisions, pas qu’il rende possible une décision purement rationnelle.
[Je vous accorde ce point. Effectivement, vous pointez là une question qui rend intéressante cette idée d’assemblées balancées, quand bien même elles ne représenteraient pas la distribution des opinions dans l’ensemble de la population. On pourrait presque dire que tant que l’opinion majoritaire est représentée par 51% de l’assemblée, la logique de représentation est sauve. Vous remarquerez qu’en disant cela on s’éloigne beaucoup du discours ambiant selon lequel pour être représentative une assemblée doit être l’image exacte du pays.]
Merci, c’est un très bon cadeau de Noël.
@ Jean-François
[« Vous connaissez beaucoup de gens qui, n’étant pas dans une secte, sont partisans de la liberté des sectes ? » Oui, au moins tous les électeurs de Macron et Mélenchon qui ne sont pas membres de LREM ou LFI.]
Vous avez oublié l’émoticon… Je doute fort que dans un débat les électeurs de Macron ou de Mélenchon admettront que LREM ou LFI sont des sectes, et d’ailleurs ils auront raison : il manque tant à LREM qu’à LFI un élément important du fonctionnement sectaire, qui est la prétention à régenter l’ensemble de la vie des adeptes. Ce n’est que par extension qu’on peut qualifier LREM ou LFI de « secte ».
@ nationaliste-ethniciste
[Par ailleurs, je ne suis pas expert dans ce domaine, mais n’y a-t-il pas une marge de progression technologique sur les renouvelables?]
Vous avez raison, il n’est pas facile de s’y retrouver, tant on entend tout et son contraire. Il y a déjà un bout de temps que je cherche à comprendre et en savoir plus. A force de recherches, j’ai trouvé un site qui vulgarise bien la problématique de l’énergie. Il s’agit du site de J-M Jancovici. On peut commencer par là :
https://jancovici.com/category/transition-energetique/l-energie-et-nous/
A mon sens, ce site est à l’énergie ce que le blog de descartes est à la politique.
Je suis pas aussi sur que vous de la superiorite de la democratie representative.
D abord, vous supposez que les electeurs elisent des gens qui sont meilleurs qu eux. Outre le fait qu il est difficile de definir le meilleur (plus competant ? plus travailleur ? plus perseverant ? plus honnete ?), on peut aisement constater que nos elus sont pour une bonne part pas meilleurs que l electeur moyen (je reprend ici l exemple de Gaudin qui en 20 ans de mandat a Marseille n a pas reussit grand chose pour ses electeurs)
Le second probleme, c est que si vous avez les “meilleurs” vous allez avoir un concentre de la societe: en gros des enarques parisiens issus de parents CSP+. C est un des gros probleme de LREM qui explique en parti le ratage actuel: ceux qui ont decide de taper sur l automobiliste considéraient probablement de bonne foi l automobile comme une nuisance qu il fallait taxer et dont il fallait sevrer le peuple comme pour le tabac. Probleme, cette vision est partagee par quasiment personne dés que vous etes hors des grande villes.
Macron n a pas compris qu il allait mettre le feu au poudre avec ses taxes et une fois que ca a commence a prendre, il n a pas su repondre car lui et son entourage meprisaient copieusement les gilets jaunes (pour vous donner une idee, vous pouvez lire les commentaire du site lemonde.fr, c est edifiant)
Pour une fois je fais faire plaisir a l ex membre du PCF que vous etes. Un des (rares ?) merite du PCF etait de permettre a des ouvriers d acceder a l assemblee nationale. Peut etre que certains devenaient des apparatchiks mais ils permettaient de relayer quand meme plus les problemes des classes populaires qu un medecin ou consultant LREM avec toute sa bonne volonte. Tout simplement car ledit medecin n a probablement aucun ami ou relation qui travaille au smic dans une usine …
@ cdg
[Je ne suis pas aussi sur que vous de la supériorité de la démocratie représentative. D’abord, vous supposez que les électeurs élisent des gens qui sont meilleurs qu’eux. Outre le fait qu’il est difficile de définir le meilleur (plus compétent ? plus travailleur ? plus persévérant ? plus honnête ?), on peut aisément constater que nos élus sont pour une bonne part pas meilleurs que l’électeur moyen]
Est-ce que vous pouvez me donner un seul des critères que vous avez lister pour lequel EN MOYENNE les électeurs seraient « meilleurs » que la MOYENNE des élus à l’Assemblée nationale, par exemple ?
D’un point de vue purement procédural, l’élection ne garantit pas que les élus soient « meilleurs » que leurs électeurs. En théorie, les électeurs pourraient parfaitement voter pour quelqu’un plus ignorant, plus fainéant, plus malhonnête, moins éduqué qu’eux-mêmes. Mais en pratique on observe presque toujours que les électeurs votent avec leur surmoi. L’idée que l’électeur se fait de l’élu idéal est très exigeante, bien plus que celle que l’électeur s’applique à lui-même. Pour gagner une élection, il faut faire preuve de qualités exceptionnelles, qui vous mettent « à part » par rapport non seulement aux autres candidats, mais à l’électeur lui-même. Il est faux de croire que Mme Michu aimerait voter pour Mme Michu. Lorsqu’il s’agit d’élire un représentant, Mme Michu est bien plus exigente.
[(je reprends ici l’exemple de Gaudin qui en 20 ans de mandat à Marseille n’a pas reussi grand-chose pour ses electeurs)]
Peut-être, mais combien parmi ses électeurs auraient fait mieux à sa place ?
[Le second problème, c’est que si vous avez les “meilleurs” vous allez avoir un concentre de la société: en gros des énarques parisiens issus de parents CSP+. C’est un des gros problèmes de LREM qui explique en partie le ratage actuel:]
Oui. C’est pourquoi la représentation ne suffit pas. Il faut des partis politiques forts, capables de former des cadres de qualité capables de représenter convenablement l’ensemble de la société. Le problème n’est pas tant qu’il y ait trop d’énarques ou de polytechniciens à l’Assemblée, c’est qu’ils répondent tous au même groupe social. En son temps, le PCF avait parmi ses dirigeants d’éminents scientifiques, des polytechniciens, des énarques. Et ces gens représentaient la France populaire parce qu’ils avaient un parti politique derrière pour les « tenir » et les encadrer. Et à leurs côtés il y avait des représentants qui n’avaient pas fait l’ENA ou Polytechnique, mais qui avaient fait des ecoles du Parti qui leur permettaient de rivaliser avec ceux qui avaient eu la chance de suivre ces prestigieuses écoles. Ces gens-là réussissaient à la fois à être les « meilleurs », et à représenter les couches populaires.
C’est celui-là, le modèle idéal, et non celui où l’on s’imagine qu’on peut avoir des élus peu formés, peu expérimentés, peu cultivés sous prétexte qu’ils représentent des gens qui le sont aussi. Comme disait Vergès, « le pire criminel mérite le meilleur avocat ». Le plus modeste des Français mérite d’être représenté par le plus formé, les plus cultivé, le plus expérimenté des politiciens.
[Pour une fois je fais faire plaisir à l’ex membre du PCF que vous êtes. Un des (rares ?) mérites du PCF était de permettre à des ouvriers d’accéder à l’Assemblée nationale.]
Oui, mais à l’époque il ne s’agit pas seulement de faire élire des ouvriers. Il s’agissait de les former politiquement et intellectuellement pour leur permettre de tenir tête à un énarque ou à un polytechnicien. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs devenus des parlementaires respectés dont les compétences, la culture, la qualité des travaux, l’honnpêteté étaient reconnues par leurs collègues d’une origine sociale nettement supérieure. De ce point de vue, le PCF partageait largement cette idée « aristocratique » du gouvernement des meilleurs.
[Peut être que certains devenaient des apparatchiks mais ils permettaient de relayer quand même plus les problèmes des classes populaires qu’un médecin ou consultant LREM avec toute sa bonne volonté. Tout simplement car ledit médecin n’a probablement aucun ami ou relation qui travaille au smic dans une usine …]
Oui, et c’est aussi cela la fonction d’un parti politique “populaire” : permettre le brassage social qui fait que le représentant d’origine « bourgeoise » ou « classe intermédiaire » partage une discussion, un repas, une action avec des gens qui ne sont pas de sa classe sociale.
> ils permettaient de relayer quand meme plus les problemes des classes populaires
> qu un medecin ou consultant LREM avec toute sa bonne volonte. Tout simplement
> car ledit medecin n a probablement aucun ami ou relation qui travaille au smic dans
> une usine
Vous choisissez très mal votre exemple. Peu de gens sont plus au fait des difficultés socio-économiques et de ce que cela implique concrètement que les médecins (à part peut être ceux qui bossent en clinique privée très chère). Naturellement les généralistes des zones défavorisées sont à un poste d’observateur idéal, mais l’hôpital (public, privé non lucratif) est également le réceptacle de toutes les misères du pays. Et les médecins sont donc aux premiers poste pour voir ce qui dysfonctionne dans la société.
Mais après, ceux, peu nombreux qui s’engagent en politique, bien souvent, sont aussi ceux qui se mettent à l’abri de côtoyer quotidiennement la misère. Ce qui est assez logique : on ne peut pas s’investir à la fois au quotidien pour ses patients, et dans des cercles de pouvoir (je veux dire par là que ceux qui vont vouloir s’investir d’un coté ou de l’autre n’ont à priori pas la même appétence).
Mais je ne pense pas que les élites soient incapables de s’intéresser au sort des plus pauvres, ou de le comprendre. Il y a certes toujours des cyniques qui méprisent ceux qui ne sont pas de leur niveau (les premiers de la classe qui s’en foutent de la Nation). Mais on peut être membre de l’élite tout en étant patriote. Et on ne peut pas être patriote sans s’émouvoir de la destruction du tissu socio-économique du pays. Pas besoin d’être médecin pour cela. Et je suis même convaincu qu’une bonne partie des députés LREM sont très intimement persuadés qu’ils font ce qu’ils peuvent pour aider l’ensemble des français.
Seulement, ils ont des blocages psychologiques ou cognitifs qui les empêche de chercher des solutions en dehors du cadre. Le complexe du 1er de la classe, peut être, qui croit trop dans les leçons apprises ? Les “Agnan” dont parle Charles Gave dans ce papier dont je vous conseille vivement la lecture :
Bon, je pense qu’il focalise beaucoup sur l’ENA, et surtout sur le désengagement de l’Etat, ce qui est logique pour un ultra-libéral. Mais la lecture de cet article reste un plaisir !
L’autre explication à ce fossé culturel est géographique : certains ne peuvent pas comprendre ce qu’ils ne voient pas de leurs propres yeux. Et on ne peut pas voir les problèmes de la France de ses propres yeux en habitant entre Paris, la Baule, et Chamonix…
@ Vincent
[Vous choisissez très mal votre exemple. Peu de gens sont plus au fait des difficultés socio-économiques et de ce que cela implique concrètement que les médecins (à part peut être ceux qui bossent en clinique privée très chère). Naturellement les généralistes des zones défavorisées sont à un poste d’observateur idéal, mais l’hôpital (public, privé non lucratif) est également le réceptacle de toutes les misères du pays. Et les médecins sont donc aux premiers poste pour voir ce qui dysfonctionne dans la société.]
Oui et non. C’est vrai pour les généralistes de campagne ou dans les petites villes, où le médecin de famille reste une institution. Et c’est d’ailleurs pourquoi parmi les élus il y a eu pendant longtemps un nombre disproportionné de médecins. Mais il ne vous aura pas échappé que beaucoup de « gilets jaunes » viennent de ce qu’on appelle les « déserts médicaux ». Ces gens se rendent souvent, lorsqu’ils ont besoin de soins, aux urgences ou consultations de l’hôpital où ils sont reçus par le médecin de garde ce jour-là. Du point de vue de la connaissance qu’on peut avoir des populations, c’est bien moins efficace.
[Mais après, ceux, peu nombreux qui s’engagent en politique, bien souvent, sont aussi ceux qui se mettent à l’abri de côtoyer quotidiennement la misère. Ce qui est assez logique : on ne peut pas s’investir à la fois au quotidien pour ses patients, et dans des cercles de pouvoir (je veux dire par là que ceux qui vont vouloir s’investir d’un côté ou de l’autre n’ont à priori pas la même appétence).]
Là, je ne suis pas d’accord avec vous. Le médecin généraliste dans beaucoup de villages et de petites villes était un notable qui s’investissait souvent en politique. Jusqu’aux années 1990, il y avait à l’assemblée un nombre tout à fait disproportionné de médecins – et de professeurs – parmi les élus parlementaires, et c’est aussi vrai pour les maires et les conseillers municipaux. Je vois mal pourquoi un médecin n’aurait pas l’appétence de s’investir en politique : après tout, ce sont deux métiers ou le contact humain est essentiel.
[Mais je ne pense pas que les élites soient incapables de s’intéresser au sort des plus pauvres, ou de le comprendre. (…) Mais on peut être membre de l’élite tout en étant patriote. Et on ne peut pas être patriote sans s’émouvoir de la destruction du tissu socio-économique du pays.]
Si vous parlez en général, je suis d’accord avec vous. Pendant très longtemps la logique de l’honneur, celle de « noblesse oblige », a fait que les élites ont considéré comme un devoir de s’intéresser à l’ensemble de la société. Cela prenait soit la forme du paternalisme à la Michelin, soit celle des « compagnons de route » qui malgré leurs origines privilégiées militaient ou soutenaient les organisations ouvrières. Mais si vous parlez des élites d’aujourd’hui – ou plutôt des pseudo-élites, parce que je ne suis guère convaincu qu’ils soient vraiment « les meilleurs » – je crois qu’il faut remonter très loin dans l’histoire pour trouver des élites aussi coupées du peuple. Le commentaire de Darmanin (« pour moins de 200€ sans le vin on ne peut pas aller au resto ») ou celui ce week-end d’un député considérant que Macron est « trop intelligent pour être compris par la masse » montrent l’ampleur du fossé. Une ampleur d’autant plus grande que ces remarques sont faites avec le plus grand naturel, et sans arrière-pensées…
Aujourd’hui, les pseudo-élites (en fait, ce sont les « classes intermédiaires »…) ne comprennent plus les couches populaires tout simplement parce qu’elles ne les connaissent pas. Les institutions qui assuraient le brassage social – le service militaire au premier rang – ont disparu. La mixité dans l’habitat et la mixité scolaire ne sont plus qu’un souvenir. Oui, le système d’hier était inégalitaire, mais ceux qui étaient en haut étaient amenés pendant quelque temps à partager leur sort avec ceux qui étaient en bas. Et du coup, ceux d’en haut savaient au moins que ceux d’en bas existaient.
[Et je suis même convaincu qu’une bonne partie des députés LREM sont très intimement persuadés qu’ils font ce qu’ils peuvent pour aider l’ensemble des français.]
Tout à fait, parce qu’ils sont aussi persuadés que l’ensemble des Français est comme eux. En servant les intérêts de leur classe, ils sont convaincus de servir celui de tout le monde… et c’est bien là le problème. Darmanin n’imagine même pas qu’il existe des gens qui ne vont pas aux mêmes restaurants que lui.
[Seulement, ils ont des blocages psychologiques ou cognitifs qui les empêche de chercher des solutions en dehors du cadre. Le complexe du 1er de la classe, peut être, qui croit trop dans les leçons apprises ? Les “Agnan” dont parle Charles Gave dans ce papier dont je vous conseille vivement la lecture : (…). Bon, je pense qu’il focalise beaucoup sur l’ENA, et surtout sur le désengagement de l’Etat, ce qui est logique pour un ultra-libéral. Mais la lecture de cet article reste un plaisir !]
Je pense surtout que c’est un article bête (mais bon, qu’attendre d’autre de ce site ?). Non seulement il est bourré d’erreurs factuels (François Hollande n’est pas sorti de l’ENA dans le Conseil d’Etat, mais dans la Cour des Comptes, pour ne donner qu’un exemple) mais il « oublie » convenablement ce qui ne l’arrange pas. Par exemple, qu’en 60 ans d’existence la Vème République a été présidée par des énarques pendant seulement 25 ans, et par des non-énarques le reste du temps.
Mais dans sa bêtise, il est très révélateur. Il paraît que tous nos malheurs viennent de ce pouvoir des « Aignan ». Et que reproche-t-on à ces « Aignan » ? L’Aignan de Goscinny a trois caractéristiques : la première, c’est d’être arrivé à la position enviable qu’il occupe (« le chouchou de la maîtresse ») par le travail, l’effort, le mérite. Car ce n’est pas un simulateur, Aignan, ce n’est pas de la simple com’ : il connaît VRAIMENT les bonnes réponses, il travaille VRAIMENT ses leçons et en plus, horreur ! il aime ça. La seconde, c’est sa faiblesse physique matérialisé par le handicap qui empêche de lui « taper dessus ». La troisième, c’est sa solitude, sa non-insertion dans les réseaux de ses petits camarades, parce qu’il refuse de sacrifier aux rites d’appartenance. Maintenant, cracher sur les Aignan, décréter qu’ils ne sont pas dignes de gouverner, c’est dessiner en creux le gouvernant idéal : celui qui est en marge de l’institution, celui qui est fort, celui qui sacrifie aux rites du groupe pour « appartenir » et former des réseaux…
J’ajoute qu’une phrase de cet article m’a fait beaucoup rire. C’est la suivante : « Mais pas nos Agnan et pour une raison très simple : faire cela c’est transférer du POUVOIR à Alceste, Nicolas, Eudes, Joachim ou Geoffroy qu’Agnan déteste par-dessus tout depuis sa plus petite enfance et qui en plus ont enfilé de très jolis gilets jaunes ce week-end. ». Alceste, Nicolas, Eudes, Joachim, Geoffroy… tiens, il en manque un… mais bien sûr, c’est Clotaire qui manque. Est-ce un hasard ? Je ne le pense pas. Inclure Clotaire dans la liste aurait montré l’inanité du raisonnement. Parce qu’on peut imaginer Aignan enviant les succès d’Alceste le patron, de Geoffroy le financier, d’Eudes le champion ou de Nicolas le performeur sexuel et trader (vous noterez qu’aucun ne devient ouvrier, une coïncidence sans doute). Mais quel aurait été l’avenir de Clotaire dans le monde magique des libéraux ?
Pour le reste, ça ne vaut même pas la peine de commenter. Si, peut-être : etre administrateur civil au ministère de la Santé n’a rien de déshonorant, au contraire. Et c’est bien plus utile que le patron d’une chaine de charcuteries.
> Je pense surtout que c’est un article bête (mais bon, qu’attendre
> d’autre de ce site ?).
Vous êtes un peu sévère…
Mais ce qui, moi, me gène dans ce texte est qu’il y a derrière la critique légitime des champions de plantage de couteaux dans le dos… également une critique de l’intelligence et de la culture.
En gros, peu importe ce que vous aurez travaillé, si vous échouez (sous entendu, à faire fortune), vous êtes un raté. Il y a un peu de la mentalité protestante de l’ “élu”, qui, parcequ’il est élu, pourra réussir, et n’a pas pour cela besoin de travailler, mais simplement d’être ce qu’il est et de l’exprimer pleinement sans que d’autres viennent le brider.
En ce sens, Charles Gave n’est pas éloigné de Macron dans sa philosophie, même s’il ne peut pas le piffrer…
Effectivement, comme vous le mentionnez, le “winner” idéal est moyen, comme tout le monde par son intellect et son travail…
Je n’avais pas noté l’absence de Clotaire, mais c’est très bien vu…
@ Vincent
[Vous êtes un peu sévère…]
Absolument pas. Je suis au contraire beaucoup trop indulgent. J’ai écrit que l’article état « bête » ? Je m’excuse, je n’ai pas été au bout de ma pensée : en fait, c’est un article idiot.
[Mais ce qui, moi, me gène dans ce texte est qu’il y a derrière la critique légitime des champions de plantage de couteaux dans le dos… également une critique de l’intelligence et de la culture.]
Mais vous croyez vraiment que c’est comme ça, que les hauts fonctionnaires passent leur temps à essayer de se planter des couteaux dans le dos ? Vraiment ? Je vais vous dire un secret : j’ai un ami énarque qui est aujourd’hui préfet d’une grosse région. Vous savez comment il y est arrivé ? Et bien, il est sorti de l’ENA non pas parmi les premiers, mais dans la moyenne. Il a été administrateur civil au ministère de l’intérieur (ces administrateurs civils qui, si l’on croit Charles Grave, « ne font pas rêver »), il a été directeur de cabinet d’un préfet, sous-préfet, secrétaire général de préfecture, préfet d’un petit département, puis d’un plus gros… et à chacun de ses postes ses compétences, son efficacité, son humanité aussi l’ont propulsé un peu plus haut. Et par deux fois me dit-il, on lui a offert un fauteuil au Conseil d’Etat, qu’il a toujours refusé. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il adore le boulot de préfet. Même si, n’en déplaise là encore à Charles Grave, ce n’est pas bien payé. Et à ma connaissance, il n’a jamais planté de couteau dans le dos de personne.
Ce qui est détestable dans le discours de Grave, c’est qu’il plaque sur les fonctionnaires les fantasmes du privé. Alors que c’est dans le privé ou l’argent est la mesure de toute chose, il parait que les hauts fonctionnaires seraient « aigris » de voir leurs camarades du privé gagner plus qu’eux. Alors que dans le privé on passe son temps à faire des croche pieds et planter des couteaux dans le dos de ceux dont on veut la place, il projette cela sur les hauts fonctionnaires, alors que par construction ils n’ont aucun intérêt de « planter le couteau dans le dos » de personne. Un secrétaire général de préfecture qui « tue » son préfet n’a aucune chance de prendre sa place, puisque la condition pour être promu est de bouger !
[En gros, peu importe ce que vous aurez travaillé, si vous échouez (sous entendu, à faire fortune), vous êtes un raté.]
Et bien, si j’ai toujours travaillé dans le secteur public, c’est à cause de ça : parce que je veux que mon boulot ait un autre sens que « faire fortune ». Et je peux vous assure, n’en déplaise à Grave, que je ne suis guère « aigri » de voir certains de mes camarades d’études se faire de véritables fortunes dans le privé.
[Je n’avais pas noté l’absence de Clotaire, mais c’est très bien vu…]
Pourtant, c’était assez prévisible. Les libéraux comme Charles Grave n’ont que faire des derniers de cordée…
@Descartes
>> Vous êtes un peu sévère…
> Absolument pas. Je suis au contraire beaucoup trop indulgent.
> J’ai écrit que l’article état « bête » ? Je m’excuse, je n’ai pas été
> au bout de ma pensée : en fait, c’est un article idiot.
Je ne parlais pas de la critique de l’article, mais de celle du site en général. Autant je souscris à ce qualificatif pour l’article, même si je persiste à le trouver d’une lecture sympathique, autant tout n’est pas toujours totalement à jeter sur le site.
> Alors que dans le privé on passe son temps à faire des croche
> pieds et planter des couteaux dans le dos de ceux dont on veut
> la place, il projette cela sur les hauts fonctionnaires, alors que
> par construction ils n’ont aucun intérêt de « planter le couteau
> dans le dos »
Cela existe dans le privé, mais ce n’est pas tant généralisé tant qu’on est pas dans les hautes sphères.
Cela m’a surpris il y a quelques années, mais cela existe aussi au niveau associatif, chez des bénévoles ! Comme quoi le concours de plantage de couteaux dans le dos n’est pas uniquement lié à l’argent.
Je pense que Charles Gave mentionne surtout le milieu des fonctionnaires qui font le ballet entre haute fonction publique, privé, et politique. Et du peu que j’en vois, ceux là sont effectivement souvent des experts en la matière !
Par ailleurs, si j’ai bien compris sa carrière, il n’a jamais travaillé dans un grand groupe privé, et peut être idéalise-t-il leur fonctionnement.
En y repensant, j’ai déjà entendu plusieurs fois dans la bouches de libéraux l’argument ultime contre la gestion administrative de l’économie : “c’est ce qui a été fait en URSS, et ça s’est effondré, donc on voit bien que ça n’a pas fonctionné”.
Mais cet argument historique pour défendre le libéralisme ne tient pas du tout si on regarde l’histoire.
Corrigez moi ou complétez moi si je me trompe ou que j’oublie quelque chose, mais les pays et époques qui ont réussi un formidable développement économique (i.e. partir d’un pays arriéré pour arriver en quelques décennies au plus haut niveau de technologie et d’infrastructures) sont :
– le Japon du début du XXème siècle, qui de 1900 à 1940 est passé d’un pays arriéré à un pays capable de conquérir le Pacifique et de rivaliser (presque) avec les USA,
– La Chine des années 1990 à aujourd’hui, idem, mais elle dépasse les USA sur bien des plans,
– L’URSS, qui de 1920 à 1960, malgré une guerre civile puis la seconde guerre mondiale, a réussi, dans les années 60, à surpasser technologiquement les USA dans la conquête spatiale, tout en développant massivement les infrastructures d’un pays immense.
Le moins qu’on puisse dire est qu’aucun de ces 3 régimes, mêmes s’ils sont très différents, n’était ce qu’on peut appeler un régime libéral…
Et aucune économie libérale n’a jamais fait de tels miracles…
> Et je peux vous assure, n’en déplaise à Grave, que je ne suis
> guère « aigri » de voir certains de mes camarades d’études se
> faire de véritables fortunes dans le privé.
Je ne suis pas non plus “aigri”, mais amer tout de même, de voir qu’en ayant choisi (même si je suis dans le privé) la voie d’un métier que je considère comme noble, au détriment de l’argent (comme nombre de mes camarades), je n’ai pas de quoi loger correctement une famille avec enfants…
@ Vincent
[Je ne parlais pas de la critique de l’article, mais de celle du site en général. Autant je souscris à ce qualificatif pour l’article, même si je persiste à le trouver d’une lecture sympathique, autant tout n’est pas toujours totalement à jeter sur le site.]
Franchement, je n’ai jamais eu la chance de lire quelque chose d’intelligent sur ce site. Peut-être ais-je joué de malchance ?
[Cela existe dans le privé, mais ce n’est pas tant généralisé tant qu’on n’est pas dans les hautes sphères.]
J’imagine que si on compare avec la « haute fonction publique », il faut se référer aux « hautes sphères » du privé. Mais je ne suis pas d’accord avec vous. Je me souviens d’avoir lu dans ma jeunesse un délicieux petit livre écrit (sous pseudonyme) par deux hauts cadres du privé. Il s’agit de « Les carriéristes – grandes et petites manœuvres des cadres » (Mark Patterson, Alexandre Wickam, Marabout 1985) qui décrivait avec beaucoup d’humour comment on plantait le couteau dans le dos du voisin… et cela à un niveau très « cadre moyen ». Vous pouvez vous le procurer d’occasion sur les sites de vente…
[Cela m’a surpris il y a quelques années, mais cela existe aussi au niveau associatif, chez des bénévoles ! Comme quoi le concours de plantage de couteaux dans le dos n’est pas uniquement lié à l’argent.]
Bien entendu. Comme le disait Kissinger, plus les enjeux sont petits, plus la politique est vicieuse…
[Je pense que Charles Gave mentionne surtout le milieu des fonctionnaires qui font le ballet entre haute fonction publique, privé, et politique. Et du peu que j’en vois, ceux là sont effectivement souvent des experts en la matière !]
Je ne le pense pas. Ce serait plutôt le contraire. Lorsque Gave évoque en parlant des Aignan « le fait qu’Alceste ait monté une chaine de charcuteries dans le monde entier, cotée en bourse et qu’il gagne cent fois plus que lui le met hors de lui » il est clair qu’il ne peut parler des fonctionnaires qui vont dans le privé, et qui ont donc l’opportunité de gagner ces juteux salaires. Non, ce sont bien les fonctionnaires qui consacrent l’ensemble de leur carrière au service public qui sont visés.
[Par ailleurs, si j’ai bien compris sa carrière, il n’a jamais travaillé dans un grand groupe privé, et peut être idéalise-t-il leur fonctionnement.]
En d’autres termes, il ne connaît pas la fonction publique mais crache dessus, il ne connaît pas les grands groupes privés mais il les idéalise… vous trouvez ça sérieux ?
[En y repensant, j’ai déjà entendu plusieurs fois dans la bouches de libéraux l’argument ultime contre la gestion administrative de l’économie : “c’est ce qui a été fait en URSS, et ça s’est effondré, donc on voit bien que ça n’a pas fonctionné”. Mais cet argument historique pour défendre le libéralisme ne tient pas du tout si on regarde l’histoire.]
Non, c’est une idiotie. Avec ce genre d’arguments, en 1860 on aurait condamné la République fondée sur le suffrage universel (elle s’était « effondrée » en 1852). Il est très dangereux de tirer des conclusions à partir d’un exemple et sans recul. D’ailleurs, le grand succès économique du moment, la Chine, est une économie très largement administrée.
[Le moins qu’on puisse dire est qu’aucun de ces 3 régimes, mêmes s’ils sont très différents, n’était ce qu’on peut appeler un régime libéral…]
En fait, le régime libéral est une vision idéaliste qui dans la pratique n’a jamais été véritablement mis en œuvre. Et pas seulement parce que les Etats interviennent en permanence dans l’économie. Une politique véritablement libérale impliquerait par exemple que l’Etat n’intervienne pas en cas de crise, qu’elle laisse le marché réparer les dégâts. La seule fois ou cela a été essayé – ce fut lors de la crise de 1929 – les résultats ont été désastreux. L’épisode a été suffisamment traumatisant pour que depuis cette date les Etats interviennent systématiquement pour réparer les dégâts des crises provoquées par les marchés « libres ». 2008 fournit un excellent exemple. Curieusement, à l’époque les penseurs libéraux dans leur immense majorité n’ont pas trouvé à redire… étonnant, non ?
[Et aucune économie libérale n’a jamais fait de tels miracles…]
En fait, je pense qu’il faut se garder de tout dogmatisme. Les libéraux ont raison quand ils théorisent le fait qu’un marché « pur et parfait » est efficient, c’est-à-dire, que dans ces conditions le mécanisme de marché libre aboutit à un optimum économique. C’est pourquoi laisser la régulation d’un secteur déterminé au marché est une bonne option à deux conditions : qu’on puisse établir un marché « pur et parfait » à un coût raisonnable, et que l’objectif soit recherche un optimum économique (ou d’un autre objectif qui puisse être ramené facilement à celui-ci). Or, il y a des secteurs ou ces conditions ne sont jamais remplies. Dans beaucoup de cas, les marchés sont très loin des conditions qui en feraient des marchés « purs et parfaits ». Et dans certains secteurs (santé, éducation) on recherche un optimum social qui peut être très éloigné de l’optimum économique.
[« Et je peux vous assurer, n’en déplaise à Grave, que je ne suis guère « aigri » de voir certains de mes camarades d’études se faire de véritables fortunes dans le privé. » Je ne suis pas non plus “aigri”, mais amer tout de même, de voir qu’en ayant choisi (même si je suis dans le privé) la voie d’un métier que je considère comme noble, au détriment de l’argent (comme nombre de mes camarades), je n’ai pas de quoi loger correctement une famille avec enfants…]
Vous n’aviez qu’à faire comme Alceste, et « montr une chaine de charcuteries dans le monde entier, cotée en bourse »…
@Vincent
> Cela m’a surpris il y a quelques années, mais cela existe aussi au niveau associatif, chez des bénévoles ! Comme quoi le concours de plantage de couteaux dans le dos n’est pas uniquement lié à l’argent.
Au contraire, même. Dans le monde associatif, où il y a très peu d’avantages matériels à gagner, la motivation repose souvent sur l’obtention d’un statut symbolique, d’une autorité, ou d’un pouvoir de décision. Mais tout le monde ne peut pas avoir d’autorité ou de pouvoir en même temps, et certains en sont très jaloux. De plus, il n’y a pas d’équivalent de Code du Travail qui viendrait imposer un peu de stabilité dans cet équilibre des ambitions et frustrations respectives.
En réalité, une rémunération financière peut contribuer à « adoucir les moeurs », en fournissant à chacun une satisfaction qui dissuade de risquer des manoeuvres internes pour avoir plus.
> Franchement, je n’ai jamais eu la chance de lire quelque chose
> d’intelligent sur ce site. Peut-être ais-je joué de malchance ?
Peut-être… Je n’en suis pas un lecteur assidu, mais pour vous répondre, je me suis dit que j’allais lire le dernier article en date. Le voici :
https://institutdeslibertes.org/bruxelles-contre-pologne-letat-de-droit-a-geometrie-variable/
Certes, l’article est plus un plaidoyer qu’un exposé scientifique (mais en même temps, l’auteur est un littéraire et avocat, là où vous êtes un scientifique).
Certes, on y voit en filagramme une obsession antisoviétique (dont il faut admettre qu’elle est commune aujourd’hui dans le débat public).
Mais en dehors de cela, l’article est à la fois bien rédigé, bien argumenté, et intéressant, non ?
@ Vincent
[Mais en dehors de cela, l’article est à la fois bien rédigé, bien argumenté, et intéressant, non ?]
Il n’est pas vraiment « argumenté ». C’est un article typiquement « complotiste », qui attribue à la Commission européenne une intention sans apporter le moindre élément factuel pour appuyer cette affirmation, sauf le classique “à qui profite le crime”. L’auteur est d’ailleurs assez contradictoire : au début de l’article, les polonais auraient adopté ce mécanisme pour pouvoir mettre à la retraite des juges « soviétiques ». A la fin, on découvre que la Commission s’y oppose parce qu’elle craint que les juges « pro-européens » soient mis à la retraite. Doit-on conclure que les juges « soviétiques » sont en plus « pro-européens » ?
@Descartes
Certes,votre texte est rempli d’éléments innovants.
Mais plus concrètement,le Référendum Initiative Populaire ou la proportionnelle partielle sont légitimes.
Ces points figuraient sur le programme de Macron et sont sur celui des gilets jaunes.
Avec le rétablissement de l’ISF,Macron débloquerait la situations’il changeait sa nature de sa présidence,vous ne croyez pas ?
PS:une coquille à la 2ième ligne,’A départ’…
@ luc
[Mais plus concrètement, le Référendum Initiative Populaire ou la proportionnelle partielle sont légitimes. Ces points figuraient sur le programme de Macron et sont sur celui des gilets jaunes.]
Et alors ? Le scrutin majoritaire figurait dans le programme de mongénéral. Il est donc « légitime » lui aussi ? Comment deux systèmes contradictoires peuvent-ils être « légitimes » en même temps ? La légitimité est un concept qui s’applique à une autorité, pas à une mesure. Une loi, un décret ne sont ni « légitimes » ni « illégitimes ».
Chacun constate que le suffrage universel ne tient pas ses promesses (…)
@ PernArBed
Ce commentaire reprend le texte de celui que vous aviez posté le 3 décembre dernier sur un autre papier (“Gilets jaunes: l’aventure continue”) avec un petit habillage sur le début. Ceci est contraire à l’esprit de ce blog, qui n’est pas une tribune de propagande.
Ce mouvement est contradictoire, part un peu dans tous les sens, du coup chacun peut y mettre ce qu’il aimerait y voir, pour le coup je trouve que vous tombez un peu dans ce travers.
Effectivement dans cette émission, l’une des personnes a expliqué que c’était aux politiques de faire leur travail, et ça rejoint ce que vous expliquez. Mais par ailleurs de nombreux autres gilets jaunes rejettent le politique en bloc, sur le mode “tous pourris”, veulent baisser les avantages soi-disant exorbitants des députés, d’autres prônent une démocratie plus directe (pouvoir de révocation par exemple), certains ont même clairement affiché leur volonté de voir “des gilets jaunes à l’assemblée”, quand ce n’est pas “un gilet jaune à l’Elysée”. Bref si CERTAINS gilets jaunes collent à votre description, d’autres pas du tout. Objectivement nous n’avons aucun moyen pour départager ces différentes aspirations au sein des gilets jaunes, ni au sein de ceux qui les soutiennent.
Si la révolte des GJ me réjouit globalement, j’ai peur que tout ça débouche sur quelques mesures institutionnelles “pour faire le spectacle” qui ne feront qu’empirer les choses ou prolonger le statu quo.
@ tmn
[Effectivement dans cette émission, l’une des personnes a expliqué que c’était aux politiques de faire leur travail, et ça rejoint ce que vous expliquez. Mais par ailleurs de nombreux autres gilets jaunes rejettent le politique en bloc, sur le mode “tous pourris”, veulent baisser les avantages soi-disant exorbitants des députés, d’autres prônent une démocratie plus directe (pouvoir de révocation par exemple), certains ont même clairement affiché leur volonté de voir “des gilets jaunes à l’assemblée”, quand ce n’est pas “un gilet jaune à l’Elysée”.]
Je ne me souviens pas que dans cette émission aucun des présents n’ait parlé de « gilets jaunes » à l’Assemblée ou à l’Elysée. J’imagine qu’on doit pouvoir trouver des gens pour dire ça, mais c’est une position très minoritaire. La démonstration la plus évidente est le refus de la grande majorité des « gilets jaunes » sur le terrain d’élire des porte-parole. Imagine-t-on un mouvement qui n’est pas prêt à élire quelqu’un pour porter ses revendications élire quelqu’un pour gouverner à l’Elysée ?
Si la majorité des « gilets jaunes » rejetaient les institutions politiques de notre République, ils proposeraient quelque chose à mettre à la place. Or, ce n’est pas le cas. Dans leur grande majorité ils crient « Macron démission » mais ils ne critiquent pas l’institution présidentielle ». Si Macron pour eux a failli, c’est parce qu’il n’a pas fait correctement son travail de président, qui est d’écouter le peuple. Mais leur proposition n’est pas d’abolir la présidence, c’est de faire partir l’occupant de l’Elysée pour le remplacer par un autre qui les écouterait. Et même chose pour les assemblées.
Après, difficile pour les gilets jaunes de rester totalement insensibles à un discours ambiant de dégradation du politique. Mais si l’on considère la force de cette « pensée unique » antipolitique, je trouve que le mouvement est resté assez largement insensible à ses sirènes.
[Bref si CERTAINS gilets jaunes collent à votre description, d’autres pas du tout. Objectivement nous n’avons aucun moyen pour départager ces différentes aspirations au sein des gilets jaunes, ni au sein de ceux qui les soutiennent.]
Je vous ai donné plus haut quelques éléments objectifs qui militent dans mon sens. Bien sûr, on ne peut être sûr de rien, mais les indices vont dans ce sens-là.
[Si la révolte des GJ me réjouit globalement, j’ai peur que tout ça débouche sur quelques mesures institutionnelles “pour faire le spectacle” qui ne feront qu’empirer les choses ou prolonger le statu quo.]
C’est déjà en train d’arriver : la caste politico-médiatique a compris que la meilleure manière de récupérer le mouvement, c’est de le dévier des revendications économiques et sociales vers des revendications institutionnelles dont tout le monde sait qu’il s’agit de gadgets.
De ce que j’ai entendu à la radio/télé, ou auprès des manifestants de ma région avec qui j’ai discuté, ça part beaucoup plus dans tous les sens que ce que reflète votre article. Et pourtant j’aimerais que ce que vous écrivez soit vrai…
On peut d’ailleurs tout à fait inverser vos arguments : certes on trouve des GJ pour vouloir maintenir les institutions, mais ils sont sans doute minoritaires, et difficile pour eux de rester totalement insensibles au cadre existant et à “l’establishement”. Beaucoup veulent une démocratie directe, certains parlent carrément de mettre un militaire au pouvoir. Et d’ailleurs demander la démission du président, est ce vraiment respecter les institutions ?
Bref tout ça pour dire que ce mouvement non organisé est par nature récupérable et interprétable de plusieurs façons. C’est ce qui fait aussi sa force, chacun ou presque peut s’y retrouver.
Ceci dit ce matin un chroniqueur de France Inter (Thomas Legrand je crois) parlait du fait que cette “non organisation” allait entrainer l’impuissance politique du mouvement des GJ… Pour un mouvement politique impuissant, avoir fait annoncer à Macron ce qu’il a déjà annoncé, c’est quand même pas rien ! Je ne dis pas que c’est le paradis sur Terre, mais n’importe qui aurait rigolé il y a un mois à la seule évocation d’une augmentation du Smic.
@ tmn
[De ce que j’ai entendu à la radio/télé, ou auprès des manifestants de ma région avec qui j’ai discuté, ça part beaucoup plus dans tous les sens que ce que reflète votre article. Et pourtant j’aimerais que ce que vous écrivez soit vrai…]
Bien entendu. Toute analyse implique un certain degré de simplification, et donc de schématisation. Par ailleurs, lorsque j’ai écrit mon papier le mouvement était à ses débuts. Il y a eu ces derniers jours un foisonnement d’idées bien plus important qui contraste avec la relative cohésion des débuts.
[On peut d’ailleurs tout à fait inverser vos arguments : certes on trouve des GJ pour vouloir maintenir les institutions, mais ils sont sans doute minoritaires, et difficile pour eux de rester totalement insensibles au cadre existant et à “l’establishement”.]
Pourquoi « sans doute » ? Je ne connais pas d’études sérieuses qui permettent de répondre à votre question, que ce soit dans un sens ou dans un autre. Mais dans ces domaines, je pense qu’il est plus productif d’analyser les comportements plus que les discours. Et le comportement majoritaire, si je me tiens aux informations que j’ai pu glaner non pas dans les médias mais auprès des fonctionnaires et hauts fonctionnaires qui gèrent la crise, est majoritairement respectueux des institutions. Sur les ronds-points la police ou la gendarmerie ne sont que rarement agressées. Les préfets qui sont allés à la rencontre des « gilets jaunes » ont été reçus avec respect et même avec déférence. Les gilets jaunes revendiquent la démission du président, pas l’abolition de la présidence. Ils réclament la dissolution de l’Assemblée, pas sa suppression.
[Et d’ailleurs demander la démission du président, est-ce vraiment respecter les institutions ?]
Tout à fait. La présidence est une institution, le président est un homme. On peut estimer Macron indigne ou incapable d’exercer correctement sa fonction sans pour autant mettre en cause la fonction elle-même.
[Bref tout ça pour dire que ce mouvement non organisé est par nature récupérable et interprétable de plusieurs façons. C’est ce qui fait aussi sa force, chacun ou presque peut s’y retrouver.]
Au risque de me répéter : il me semble inutile d’essayer d’interpréter ce mouvement comme un mouvement revendicatif. Si on prend ce prisme, on ne peut que constater que chaque « gilet jaune » s’invente ses propres revendications, et que vous en trouverez toujours un pour dire tout et son contraire. Je soutiens toujours qu’il faut regarder ce mouvement non pas comme un mouvement revendicatif, mais comme un mouvement EXPRESSIF. Si quelque chose réunit les « gilets jaunes » ce n’est pas leurs revendications mais l’expression d’un malaise, d’une colère, d’un sentiment d’abandon, d’un appel à l’aide. Je ne sais pas ce que les « gilets jaunes » pensent de ce que serait l’organisation idéale de la République. Mais ils coïncident tous pour dire que le fonctionnement actuel ne représente pas leur intérêts, pour exiger que les institutions travaillent à la solution de leurs problèmes, pour exprimer leur angoisse devant un avenir qui semble bouché.
[Ceci dit ce matin un chroniqueur de France Inter (Thomas Legrand je crois) parlait du fait que cette “non organisation” allait entrainer l’impuissance politique du mouvement des GJ…]
Si vous lisez ce blog régulièrement, vous l’aurez lu ici bien avant !!!
[Pour un mouvement politique impuissant, avoir fait annoncer à Macron ce qu’il a déjà annoncé, c’est quand même pas rien ! Je ne dis pas que c’est le paradis sur Terre, mais n’importe qui aurait rigolé il y a un mois à la seule évocation d’une augmentation du Smic.]
Je crois qu’il en faut pas confondre « l’impuissance » en général et « l’impuissance politique » en particulier. Le mouvement est puissant, et le gouvernement a été obligé de lâcher du lest. Mais distribuer des pièces d’or pour calmer la foule n’est pas un changement de politique, juste une concession temporaire pour acheter la paix. Sans une idéologie et une organisation, il y a des révoltes mais jamais de révolutions. Un mouvement sans organisation peut imposer des concessions, mais ne peut pas trouver une issue « politique »…
Il me semble que la revendication d’un référendum d’initiative citoyenne (surtout pas “populaire”, malheureux, vous allez vous faire incendier!), dont j’ignore si elle émane bien des GJ ou de ceux qui tentent de récupérer le mouvement, est plutôt la manifestation d’une volonté de démocratie directe. A mon sens, ce référendum aura pour principal effet de contrarier l’action gouvernementale par des initiatives intempestives, entre autres dommages. Si les élus ne le supportent pas, ils n’auront qu’à renoncer à leurs projets et attendre les résultats des référendums pour savoir que faire.
@ xc
[Il me semble que la revendication d’un référendum d’initiative citoyenne (surtout pas “populaire”, malheureux, vous allez vous faire incendier!),]
Ah bon ? C’est quoi, la différence ?
[dont j’ignore si elle émane bien des GJ ou de ceux qui tentent de récupérer le mouvement, est plutôt la manifestation d’une volonté de démocratie directe.]
Oui. Et c’est pour cela qu’à mon avis il faut la combattre sur le principe. Parce que l’idée même de « démocratie directe » est un leurre, une illusion, un fantasme infantile. Même dans de très petites communautés, où tout le monde se connaît et où le vote directe pour chaque décision apparaît comme possible, on délègue à des représentants le soin de prendre les décisions opérationnelles, et on ne confie au vote direct que les décisions de principe ou celles qui engagent la collectivité de manière globale et irréversible.
La démocratie représentative n’est pas née de la volonté de quelques-uns de confisquer le pouvoir, comme semblent le penser certains, mais d’une simple question de division du travail. Si l’on veut que la démocratie directe ait un sens, cela suppose que les citoyens soient parfaitement informés des sujets sur lesquels ils sont appelés à voter. Or, cette parfaite information prend du temps, du travail, de l’effort. Du temps, travail et effort qui sont soustraites nécessairement à d’autres tâches dont la société et l’individu ont également besoin. Est-ce vraiment la peine que chaque citoyen investisse de son côté cet effort ? N’est plus rationnel d’appliquer à cette activité le principe de division du travail qui est un principe d’efficacité ? Si je confie au médecin le soin de décider quel médicament je dois prendre, à l’avocat le choix de la meilleure ligne de défense, à l’architecte la décision de mettre une poutre de telles ou telles dimensions pour construire ma maison, pourquoi ne confierais-je à mon représentant – à qui je demande de faire tout ce travail, ces études, ces efforts que je n’ai pas envie de faire – les décisions qui concernent la fixation de l’impôt ou la politique énergétique ?
Ce n’est pas une coïncidence si ceux qui défendent la démocratie directe sont généralement ceux qui appellent à se méfier du médecin, de l’ingénieur, de « l’expert », et qui propagent l’idée que chacun peut se soigner lui-même mieux que ne le ferait le médecin, produire son énergie mieux que ne le ferait un ingénieur, et ainsi de suite. Ces gens-là partent d’un principe de méfiance, d’une vision de la société ou chacun est seul et ne peut faire confiance à personne, et doit donc se défendre lui-même. La démocratie directe est l’autre face du « survivalisme » à l’américaine.
[A mon sens, ce référendum aura pour principal effet de contrarier l’action gouvernementale par des initiatives intempestives, entre autres dommages.]
On sait très bien en politique qu’il est plus facile de mobiliser une majorité pour dire « non » à une option que pour soutenir une politique. Les référendums d’initiative populaire ont donc toutes les chances de devenir un frein de plus dans une société qui en compte déjà trop. C’est un pas de plus sur la voie de l’impuissance du politique.
@Descartes
[Ah bon ? C’est quoi, la différence ?]
Je suppose que cette question n’est pas à prendre au pied de la lettre, mais je précise tout de même que j’ai lu nombre de commentaires insistant lourdement sur le fait que c’est bien “citoyenne”. Je me demande aussi ce que cela fait comme différence.
@ xc
[Je me demande aussi ce que cela fait comme différence.]
Je pense qu’il y a là la crainte de se retrouver du même côté de la barrière que le FN. N’oubliez pas que le référendum d’initiative populaire faisait partie des proposition de la candidate frontiste… Mais d’une façon générale, il y a le besoin de se distinguer. Le “référendum d’initiative populaire” est une idée qui tourne depuis des années, et dans notre société de communication, c’est ringard. Un nouvel emballage, ca vous change le produit…
L’amusant est que ce sont les mêmes qui insistent sur une souveraineté « populaire » soi-disant différente de la souveraineté nationale. Bref, dire blanc est vertueux à la condition que les autres disent noir.
La gauche n’est plus guère qu’une agence de com’ décentralisée à la recherche permanente de formules d’auto-valorisation, les plus creuses possibles. Du « citoyen » au « solidaire » en passant par le « participatif » (pensons à l’inénarrable « protectionnisme solidaire » de la FI), les rayons des bons sentiments ne désemplissent jamais.
@ Descartes,
Bonsoir,
[. . . . trente secondes – c’est, paraît-il, le temps maximum d’attention du téléspectateur moyen, assez proche de celui d’une mouche.]
Et pourtant ces émissions – que personnellement je ne supporte pas, tant il procure à sa présentatrice une jouissance évidente à organiser le pugilat – sont plébiscitées par la population.
La télévision – à de rares exceptions près – favorise ces jeux de cirque avec la complicité de ceux qui les regarde. Ils sont ensuite mal placés pour critiquer. Si l’on n’y met pas un sérieux bémol, l’agressivité croitra et nous aurons, juste avant la phase paroxysmique, un écran publicitaire. Zapper c’est voter ! Il ne tient qu’à chacun d’entre nous que l’audience ne tende vers zéro, face à ce genre de manifestation télévisuelle, surtout sur les chaines publiques dont une part de la vocation est d’éduquer, pas d’exciter.
[Et c’est là que les politiques sont un peu perdus, parce que depuis des années leur fonction a cessé d’être de proposer des solutions, pour devenir celle d’expliquer à leurs mandants pourquoi leurs problèmes ne peuvent être résolus, voire de les convaincre que leurs problèmes ne sont pas « le » problème]
Et c’est là que le peuple, dans toutes ses composantes, dans sa grande sagesse et son sens des réalités peut, voire doit prendre le relai en suggérant ou éventuellement en imposant que son point de vue soit pris en compte.
Le citoyen lambda que je suis, que nous sommes, ici, à priori, n’accepte justement plus d’élire, c’est à dire de propulser vers l’élite des individus qui n’en peuvent mais et qui – à part les maires peut-être – passent une partie de leur temps à intriguer, construire leurs réseaux, démolir leurs adversaires, voire leurs propres collègues, dans la seule perspective de leur réélection.
Ils ont pour « complices » objectifs une partie de l’appareil d’état qui gère la maison France à leur place, avec leur propre paradigme qui se situe à des années lumières des ressentis du peuple.
La France qui se lève tôt, qui produit, qui endure, qui rechigne maintenant et qui vient de prendre conscience de son pouvoir, loin des centres de décision où elle était cantonnée, exige que les hommes de pouvoir lui rendent des comptes non frelatés.
Ce que n’arrivent pas à comprendre ceux que les circonstances ont portés à un certain niveau de responsabilité, c’est la subversivité des réseaux sociaux.
En bien, mais aussi en mal.
Ils imaginent encore qu’ils peuvent masquer, embobiner, travestir des réalités factuelles, et qu’une excellente communication peut se substituer à une bonne explication.
Ce temps est révolu.
L’information est pervertie maintenant par une masse d’infox qui ne pourront, partiellement, être contrecarrées que par un accroissement considérable de transparence. Or, instaurer la transparence c’est accepter de se montrer nu.
Tout cela me rappelle une émission de télé « Strep-tease » close en 2012. Elle réapparait, généralisée à travers la toile, pour le pire comme pour le meilleur.
@ Marcailloux
[Et pourtant ces émissions – que personnellement je ne supporte pas, tant il procure à sa présentatrice une jouissance évidente à organiser le pugilat – sont plébiscitées par la population.]
Oui, et alors ? Au risque de m’enfoncer aux yeux de certains, je défendrai là encore une approche « aristocratique ». Si on élit des représentants qui sont « meilleurs » que nous, c’est aussi pour qu’ils tirent le reste de la population vers le haut, et non vers le bas. Et cela ne touche pas que les présentateurs – qui après tout ne sont pas des élus mais des employés d’une société dont la seule finalité dans ce monde – et dans les autres – est de faire de l’audience. Cela touche surtout les politiques, qui auraient dû collectivement défendre leur investiture en refusant de se prêter à ce jeu. En allant à ce type d’émissions, tel ou tel politicien a pu grappiller quelques voix sur le court terme, mais sur le long terme il s’est abaissé et avec lui l’ensemble de sa corporation.
[La télévision – à de rares exceptions près – favorise ces jeux de cirque avec la complicité de ceux qui les regarde.]
Mais surtout, avec la complicité de ceux qui la font. Qu’est ce qui oblige un homme politique à se prostituer et à prostituer son investiture dans une émission de variétés ou dans un jeu de massacre ? Qu’est ce qui l’empêche de dire « non, je ne fréquente que les émissions sérieuses où l’on peut vraiment exprimer des idées avec le temps et l’environnement qui s’y prêtent » ?
[Il ne tient qu’à chacun d’entre nous que l’audience ne tende vers zéro, face à ce genre de manifestation télévisuelle, surtout sur les chaines publiques dont une part de la vocation est d’éduquer, pas d’exciter.]
Sauf que si les gens avaient le comportement que vous décrivez, ils seraient déjà « éduqués » et n’auraient pas besoin de chaines publiques pour le faire. C’est là le paradoxe : dans un système de marché, la télévision montrera ce qui attire le public. Et l’animal humain est ainsi fait qu’il est attiré par les couleurs vives, par l’action, par ce qui est facile, et qu’il est repoussé par ce qui demande un effort. Une télévision qui éduque est une télévision qui va contre les forces du marché, qui invite les gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire, et leur refuse la facilité. En d’autres termes, une télévision de qualité est une notion « aristocratique ». Pour revenir à la démocratie directe : dans un référendum, qui gagnerait à votre avis ? « Touche pas à mon poste » ou « Le septième sceau » ? L’audimat a répondu pour vous… alors, dites-vous bien qu’on peut vouloir l’éducation ou qu’on peut vouloir la démocratie directe, mais pas les deux.
[Et c’est là que le peuple, dans toutes ses composantes, dans sa grande sagesse et son sens des réalités peut, voire doit prendre le relai en suggérant ou éventuellement en imposant que son point de vue soit pris en compte.]
Le peuple est sage et réaliste, mais n’est pas savant. Son « point de vue » doit être pris en compte, mais il faut un médiateur qui transforme ce « point de vue » en un projet politique. Toute la discussion actuelle oublie à mon avis la fonction maïeutique du représentant. Une fonction qui me semble être fondamentale dans une société aussi complexe que la nôtre.
[Le citoyen lambda que je suis, que nous sommes, ici, à priori, n’accepte justement plus d’élire, c’est à dire de propulser vers l’élite des individus qui n’en peuvent mais et qui – à part les maires peut-être – passent une partie de leur temps à intriguer, construire leurs réseaux, démolir leurs adversaires, voire leurs propres collègues, dans la seule perspective de leur réélection.]
Admettons. Mais qui oblige ces « citoyens lambda » d’élire ce type d’individu. Pourquoi ne peuvent-ils pas élire des citoyens honnêtes et dévoués au bien public qui consacreront tous leurs travails et leurs efforts à écouter leurs mandants et à traduire l’intérêt général dans la loi ? Réfléchissez à ce paradoxe : si comme vous le dites les « citoyens lambda » ne veulent plus élire des salauds, pourquoi continuent-ils à voter élection après élection pour eux ? Et pourquoi les candidats honnêtes, dévoués, qui ne cultivent pas des réseaux et appellent un chat un chat font des scores au mieux honorables mais sans plus ?
[Ils ont pour « complices » objectifs une partie de l’appareil d’état qui gère la maison France à leur place, avec leur propre paradigme qui se situe à des années lumières des ressentis du peuple.]
Là, j’aimerais quelques exemples concrets. En mon expérience, si on n’avait pas une fonction publique dévouée et raisonnablement honnête, qui souvent est bien plus à l’écoute du peuple que beaucoup d’élus (je pense notamment aux préfets et aux sous-préfets… qui sont aujourd’hui les meilleurs connaisseurs de la France profonde) on serait infiniment plus dans la merde qu’on ne l’est aujourd’hui. Si cet « appareil d’Etat » ne rappelait en permanence le politique aux réalités, on aurait des coupures tournantes d’électricité tous les jours.
[La France qui se lève tôt, qui produit, qui endure, qui rechigne maintenant et qui vient de prendre conscience de son pouvoir, loin des centres de décision où elle était cantonnée, exige que les hommes de pouvoir lui rendent des comptes non frelatés.]
C’est bien ce que je dis : les « gilets jaunes » ne veulent pas supprimer les « hommes de pouvoir », ils veulent que ces hommes travaillent pour eux et leur rendent des comptes. C’est l’essence d’une démocratie représentative, et non d’une démocratie directe.
[Ce que n’arrivent pas à comprendre ceux que les circonstances ont portés à un certain niveau de responsabilité, c’est la subversivité des réseaux sociaux. (…) Ils imaginent encore qu’ils peuvent masquer, embobiner, travestir des réalités factuelles, et qu’une excellente communication peut se substituer à une bonne explication. Ce temps est révolu.]
Là, je vous trouve bien optimiste… Aujourd’hui, les hommes politiques ne dominent pas encore le média nouveau que sont les réseaux sociaux, et les tentatives de les utiliser à leur profit sont souvent maladroites. Mais avec le temps, la technicité viendra. Et de la même manière que le politique a embauché des communicants pour « masquer, embobiner et travestir les réalités factuelles » en utilisant les médias traditionnels, ils embaucheront des experts qui sauront faire la même chose avec les réseaux sociaux.
[L’information est pervertie maintenant par une masse d’infox qui ne pourront, partiellement, être contrecarrées que par un accroissement considérable de transparence. Or, instaurer la transparence c’est accepter de se montrer nu.]
Je pense que vous vous trompez en croyant que la transparence pourrait « contrecarrer » l’infox. D’abord, l’infox n’a rien de nouveau. C’est même vieux comme le monde : la rumeur, la calomnie apparaissent déjà dans le théâtre grec. Qu’elle soit diffusée aujourd’hui par téléphone portable et non par voix de concierge ne change pas grande chose. Mais surtout, vous avez tort de croire que la « transparence » vous aidera dans le combat contre l’infox. L’infox fonctionne parce qu’elle propage une « réalité alternative » dans laquelle les gens ont envie de croire. Les gens ont envie de croire que leurs malheurs viennent de l’influence occulte d’un complot, tout simplement parce que cela les exonère de toute responsabilité personnelle. Et contre l’envie de croire, aucune « transparence » ne sera efficace. Lorsque la réalité est moins jolie que la fiction, les gens préfèrent croire la fiction.
Prenez par exemple un domaine que je connais bien, le nucléaire. Pendant des décennies, l’industrie nucléaire a pratiqué la doctrine du « pour vivre heureux, vivons cachés ». Les informations étaient disponibles pour celui qui aurait voulu les connaître, mais elles ne faisaient l’objet d’aucune diffusion publique. Depuis une quinzaine d’années, c’est le contraire : on pratique une politique de transparence générale, avec publication systématique de tonnes de données, de documents et autres rapports que d’ailleurs personne ou presque ne lit. Et quelles sont les conséquences ? Les infox qu’on voyait circuler il y a trente ans continuent à circuler, en pire. Avant, le raisonnement était « puisqu’ils ne communiquent pas, c’est qu’ils ont quelque chose à cacher ». Aujourd’hui, le raisonnement est « puisqu’ils font autant d’efforts pour paraître transparents, c’est qu’ils ont quelque chose à cacher ».
En ce qui concerne le RIC (le référendum d’initiative citoyenne) je trouve cela très bien, et ce qui se passe en Suisse me conviendrait parfaitement. Les gens ne sont pas idiots, vont massivement à l’université, alors il est normal qu’ils puissent se prononcer sur ce qui concerne le pays. Vous dites que la Suisse est “petite”, mais cet argument est spécieux. En Suisse aussi il y a des différences de points de vue, de classe, d’ethnie etc …
De plus la participation aux “votations” Suisse n’est pas obligatoire, et, si on ne se sent pas concerné, ou compétent, on peut s’abstenir.
Ma toute petite expérience des ministères (celui de l’écologie) m’a montré que les fonctionnaires, élus, ministres ne lisent même pas les textes qu’ils sont censés écrire, qu’ils votent et signent. Car sinon comment expliquer qu”ils laissent passer des lois décrets, dont certaines parties n’ont aucun sens logique (sans parler des textes publiés au JO bourrées de fautes d’orthographes, d’impropriétés …).
Alors, je pense que nous sommes aussi compétents (ou incompétents) que ceux-ci (qui entre autre soutiennent l’euro, “notre euro” dixit JLM, sans voir que face à l’Europe du Nord cela nous condamne à la régression économique, lente certes, mais régulière).
Vous dites:
“Le problème du référendum, c’est qu’il se prête mal lorsqu’il ne s’agit pas de trancher un choix binaire, mais lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre plusieurs options.”
C’est aussi un argument spécieux. In fine il faut faire un choix entre plusieurs options possibles, entre plusieurs équilibres possibles, et c’est ce qu’un référendum peut trancher, de la même manière que l’on vote le budget annuel (quel parlementaire a seulement une vague idée du budget annuel qu’il vote. Une interrogation écrite surprise réserverait, j’en suis sûr, bien des surprises).
@ marc malesherbes
[En ce qui concerne le RIC (le référendum d’initiative citoyenne) je trouve cela très bien, et ce qui se passe en Suisse me conviendrait parfaitement.]
Etes-vous sûr d’avoir bien compris « ce qui se passe en Suisse » ? En Suisse, les référendums ne peuvent porter en principe que sur deux objets. Les « votations fédérales » permettent aux citoyens de proposer une modification de la Constitution, les « référendums facultatifs » de s’opposer à l’entrée en vigueur d’une loi. C’est tout. Il ne permet pas de voter des lois.
[Les gens ne sont pas idiots, vont massivement à l’université,]
L’un n’exclut pas l’autre.
[alors il est normal qu’ils puissent se prononcer sur ce qui concerne le pays.]
Vous parlez de ça comme si c’était une évidence. Mais cela n’a rien d’évident. A supposer même qu’ils soient tous intelligents et diplômés de l’université, ont-ils le temps et l’envie de consacrer le temps qu’il faut aux débats, à la lecture des projets de loi et des rapports, à actualiser leurs connaissances juridiques, économiques et politiques pour pouvoir « se prononcer » de manière informée ? Je ne peux que revenir à mon analogie avec le métier de l’avocat : vous seriez vous-même double prix Nobel de physique et de littérature, si vous étiez accusé d’un meurtre, iriez-vous vous défendre vous-même, ou délégueriez-vous votre représentation à un avocat ? Ce n’est pas parce qu’on est un expert dans son domaine qu’on est le meilleur défenseur de ses intérêts.
[Vous dites que la Suisse est “petite”, mais cet argument est spécieux. En Suisse aussi il y a des différences de points de vue, de classe, d’ethnie etc …]
Mais plus une communauté est installée sur un petit territoire, et plus elle tend à être homogène.
[De plus la participation aux “votations” Suisse n’est pas obligatoire, et, si on ne se sent pas concerné, ou compétent, on peut s’abstenir.]
Si j’en crois mon expérience, les gens qui s’abstiennent de voter le font pour plein de raisons, mais rarement parce qu’elles se considèrent « incompétentes »… Mais supposons que ce soit le cas. Dans cette hypothèse, la décision de la votation serait laissée aux « compétents » qui ne sont mandatés par personne. Tant qu’à faire, autant laisser la décision aux « compétents » mandatés par les électeurs, non ?
[Ma toute petite expérience des ministères (celui de l’écologie) m’a montré que les fonctionnaires, élus, ministres ne lisent même pas les textes qu’ils sont censés écrire, qu’ils votent et signent. Car sinon comment expliquer qu’ils laissent passer des lois décrets, dont certaines parties n’ont aucun sens logique (sans parler des textes publiés au JO bourrées de fautes d’orthographes, d’impropriétés …).]
La réponse est très simple. Souvent, les parties qui n’ont pas de sens logique, bourrés de fautes d’orthographe et d’impropriétés sont celles écrites par divers groupes de pression et que le ministre et son cabinet insèrent dans le texte pour faire plaisir à untel ou untel, généralement contre l’avis et au grand désespoir des fonctionnaires qui d’une part ont encore dans notre pays le sens du travail bien fait, et qui d’autre part savent que le travail de faire appliquer ces textes mal conçus et incompréhensibles retombera mécaniquement sur eux. Si vous avez fréquenté le ministère de l’écologie, vous savez de quoi je parle : les amendements soufflés par Greenpeace donnent souvent des textes particulièrement gratinés.
[Alors, je pense que nous sommes aussi compétents (ou incompétents) que ceux-ci (qui entre autre soutiennent l’euro, “notre euro” dixit JLM, sans voir que face à l’Europe du Nord cela nous condamne à la régression économique, lente certes, mais régulière).]
Qui c’est ce « nous » dont vous parlez ? Personnellement, je ne me sens pas compétent pour voter une réforme de l’hôpital public ou de l’ordonnance sur les mineurs.
[“Le problème du référendum, c’est qu’il se prête mal lorsqu’il ne s’agit pas de trancher un choix binaire, mais lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre plusieurs options.” C’est aussi un argument spécieux. In fine il faut faire un choix entre plusieurs options possibles, entre plusieurs équilibres possibles, et c’est ce qu’un référendum peut trancher, de la même manière que l’on vote le budget annuel (quel parlementaire a seulement une vague idée du budget annuel qu’il vote.]
Je vous rappelle qu’avant de voter le budget, les députés l’amendent. Comment imaginez-vous un processus d’amendements si le budget était voté par référendum ?
[Une interrogation écrite surprise réserverait, j’en suis sûr, bien des surprises).]
Pensez-vous qu’une interrogation écrite surprise sur l’ensemble des Français donnerait de meilleurs résultats ?
En Suisse les votations (referendum) federaux sont certes des modifications de la constitution mais ca ne veut pas dire que c est pas l equivalent de loi chez nous. Par ex ils ont eut des referendum pour 6 semaines de conges (perdu) ou pour l interdiction des minarets (gagné). Cette derniere est plutot de l ordre du code de l urbanisme que de la constitution mais c est comme ca que ca marche en suisse.
Il y a aussi des referendum locaux (canton ou ville). par ex pour la construction d un nouvel hopital ou les JO (inutile de dire que les JO ont ete refusé)
Et reconnaissons que ca marche nettement mieux qu en France ou on attend que la cocote minute explose et genere des emeutes
Avoir le risque d un referendum force le gouvernement a faire exactement l inverse de la france: chercher le compromis (sinon la partie adverse va collecter les signature pour une votation et vous risquez de perdre) alors qu en France on est plutot dans le clivage histoire de mobiliser ses partisans, peu importe si la mesure (voire la petite pharse nbon suvit d effet) est inefficace ou contre productive. Sarkozy etait un expert dans cette politique clivante
PS:
– la suisse est bien plus diverse que la france. 4 langues officielles, 2 mentalites bien differentes (latin/alemanique), un ecart immense entre un financier genevois protestant et un paysan catholique d Appenzell et pourtant ca marche
– si on reprend votre exemple du budget, la comparaison n est pas a l honneur de la france, ou nos brillant dirigeants n ont pas ete capable de faire un budget equilibre depuis … 74 et ou se coltine bientot 100 % du PIB de dette pour avoir des infrastructures qui se degradent, une ecole qui n apprend plus grand chose …
@ cdg
[En Suisse les votations (referendum) fédéraux sont certes des modifications de la constitution mais ça ne veut pas dire que c’est pas l’équivalent de loi chez nous.]
Si, quand même. Si mes souvenirs sont exacts, une votation ne peut créer des charges publiques. Une votation ne peut pas par exemple augmenter les salaires des fonctionnaires ou créer une subvention à telle catégorie d’associations. Elle ne peut pas créer une université.
[Et reconnaissons que ça marche nettement mieux qu’en France ou on attend que la cocote minute explose et génère des émeutes.]
« Nettement mieux » suivant quel critère ? Quelle est l’innovation sociale, politique, juridique que ce système a permis depuis qu’il existe ? Personnellement, je trouve curieuse cette idée selon laquelle un système « marche nettement mieux » du fait qu’il ne se passe jamais rien. Dans ce cas, je ne peux que conseiller l’adoption du système monégasque, qui semble marcher mieux encore. Avez-vous déjà vu une seule émeute à Monaco ?
Oui, quand vous êtes le coffre-fort de l’Europe – et son paradis fiscal – pas mal de choses qui ne marchent pas ailleurs fonctionnent très bien. Entre les riches, il y a rarement des émeutes. La Suisse est un pays très petit et très riche, divisé en communautés – les cantons – encore plus petites. Cela pousse les gens à un très fort conservatisme, parce que tout le monde du plus pauvre au plus riche a intérêt à la perpétuation du système. Et on peut alors se permettre un système de « votations ». Pourquoi à votre avis ce genre de système ne fonctionne que pour ce type de pays ? Pourquoi on ne trouve aucun grand pays qui ait adopté ce système ?
[Avoir le risque d’un referendum force le gouvernement à faire exactement l’inverse de la France: chercher le compromis (sinon la partie adverse va collecter les signature pour une votation et vous risquez de perdre) alors qu’en France on est plutôt dans le clivage histoire de mobiliser ses partisans,]
J’ai l’impression que vous prenez la cause pour la conséquence. Pour que la recherche du compromis ait un sens, il faut que ce compromis soit possible. Dans une société petite et riche, comme je vous l’ai expliqué plus haut, le compromis est simple parce que personne n’a intérêt à ce que les choses changent. Aucun Suisse ne provoquera une votation sur la fin du secret bancaire. En France, la diversité des intérêts rend ce compromis beaucoup plus aléatoire, et les conséquences beaucoup plus désastreuses. Un petit pays peut voter la fin du nucléaire sans trop de conséquences parce qu’il pourra toujours acheter de l’électricité à ses voisins. Mais dans un grand pays – et on le voit en Allemagne – cela peut coûter très cher.
[– la suisse est bien plus diverse que la France. 4 langues officielles, 2 mentalités bien différentes (latin/alémanique), un écart immense entre un financier genevois protestant et un paysan catholique d’Appenzell et pourtant ça marche]
Mais qu’est ce qui « marche » ? J’ai l’impression que nous n’avons pas tout à fait la même exigence envers le système politique. Pour vous, le fait qu’il ne se passe rien, que chacun puisse continuer dans son coin sa petite vie bourgeoise, c’est le signe que « ça marche ». Pas pour moi. D’ailleurs, si l’on suit votre raisonnement, pourquoi se contenter de copier le système politique ? Pourquoi ne pas copier aussi le système financier, et faire de la France un immense paradis fiscal ? Après tout, comme vous dites, « ça marche »…
[– si on reprend votre exemple du budget, la comparaison n’est pas à l’honneur de la France, ou nos brillant dirigeants n’ont pas été capable de faire un budget équilibre depuis … 74 et ou se coltine bientôt 100 % du PIB de dette]
J’ignorais que le « brillant » d’un dirigeant politique se mesurait à sa capacité à présenter un budget en équilibre… Je vous invite d’ailleurs à vous méfier : la présentation du budget change considérablement après 1974 du fait du vote de la loi Giscard de 1973, qui met fin au financement commode à partir de la planche à billets. L’équilibre des budgets pré-1974 était donc plus cosmétique que réel. Par ailleurs, si la dette atteint aujourd’hui des sommets, c’est en grande partie du fait de la politique de désinflation. En effet, avec une inflation de l’ordre de 5%, votre dette diminue mécaniquement de ce montant chaque année.
Nos « brillants dirigeants », comme vous dites, n’ont fait que ce que les Français – et surtout les « classes intermédiaires » leur ont demandé de faire : maintenir à tout prix leur niveau de vie par l’emprunt. Alors, je doute qu’un système de « votations » aurait changé grande chose…
Une votation ne peut pas augmenter le salaire des fonctionnaires mais peut creer un salaire minimum ou un revenu de base (les 2 ont ete perdu mais c est en theorie possible). Une votation peut couper les subventions publiques a un projet dont les gens ne veulent pas (les JO cette annee) ou decider de subventionner les paysans qui ne coupent pas les cornes des vaches (referendum perdu d il y a quelques semaines).
Il y a evidement du bon et du moins bon dans le systeme des votations mais ca peut etre un instrument utile pour impliquer la population, pour faire remonter des idees qui n ont aucune chance de passer le barrage des elus & conseillers (par ex le referendum gagne pour limiter les derives des remunerations des dirigeants) ou pour bloquer au contraire les delires due a l ego de nos dirigeants (JO de paris)
La suisse est en effet un petit pays riche. Il est en effet plus facile de gerer la richesse que la pauvrete. Mais ne pensez vous pas que si la suisse est un pays riche c est aussi grace a ses institutions stables ? Et que les votations font partie de cette stabilite en evitant d avoir des emeutes sporadiques comme en France. On suisse comme vous dite s il ne se passe rien car le pays evolue lentement et sans a coup. en France, c est par des emeutes/revolutions quand la cocote minute explose. Pas sur que ca soit la meilleure methode. Non seulement les destructions ont un cout mais en plus ca contribue a polariser la societe et a generer des affrontements internes (qui n iront pas tous jusqu a des affontement de type chouannerie mais si 20-30 % vous sont radicalement hostiles vous allez devoir au minimum muscler vos forces de police et depenser pas mal d Energie de facon sterile pour le pays)
Un dirigeant n est pas brillant uniquement car il limite le deficit budgetaire mais si on fait le bilan de nos dirigeants si intelligents et subtils (comme l a dit un depute LREM) on voit mal dans quel domaine nous sommes brillants: deficit budgetaires persistants, chomage massif, declin industriel. Sur le plan diplomatique ou militaire nous sommes un pays de 2eme ordre. Sur le plan educatif on va bientot avoir des bacheliers analphabetes 😉 Sur le plan scientique ou culturel (bon ca ne depend pas directement de l Etat d avoir un Picasso ou Einstein meme si c est difficile d avoir des prix nobel si vous considerez la recherche comme une variable d ajustement du budget) nous sommes la aussi loin des premiers.
PS: https://www.nationmaster.com/country-info/stats/Economy/GDP-per-capita-in-1950
En 1950, au niveau du PIB par habitant, la suisse est seconde, le Venezuela 4eme la France 11eme la RFA 14 eme.
Grace a ses “brillants” dirigeants la France en maintenant 38eme derriere la RFA, la belgique ou la GB. Bon on peut se contenter en se disant que le Venezuela est loin derriere ;-(
@ cd
[Une votation ne peut pas augmenter le salaire des fonctionnaires mais peut créer un salaire minimum ou un revenu de base (les 2 ont été perdus mais c’est en théorie possible).]
Oui, mais pas en fixer le montant…
[Il y a évidemment du bon et du moins bon dans le système des votations mais ça peut être un instrument utile pour impliquer la population, pour faire remonter des idées qui n’ont aucune chance de passer le barrage des élus & conseillers (par ex le referendum gagne pour limiter les dérives des rémunérations des dirigeants) ou pour bloquer au contraire les délires dus à l’ego de nos dirigeants (JO de paris)]
Tout système a du bon et du mauvais. La question qu’il faut se poser est pourquoi ce genre de procédure n’existe que dans des petit pays riches et divisés en communautés homogènes. Il doit bien y avoir une raison… Et je pense qu’elle est relativement simple : plus un pays est grand et hétérogène, plus il est facile d’obtenir une majorité « contre » à peu près n’importe quoi. Ce qui veut dire qu’une procédure de ce type aboutit vite à la paralysie.
Personnellement, le référendum d’initiative populaire me gêne profondément pour une raison simple : pour moi, l’essence de la démocratie est la responsabilité des gouvernants devant les gouvernés. Et c’est pourquoi le pire poison de la démocratie est l’impuissance du gouvernant, parce qu’on ne peut être responsable de ce qu’on ne contrôle pas. Or, une politique est un ensemble et doit se juger globalement. Si les électeurs ont le pouvoir de donner des coups de canif à telle ou telle mesure du projet du gouvernant, comment celui-ci pourrait être tenu responsable ? Prenons une exemple précis : imaginons que par le biais d’un référendum les électeurs rétablissaient le code du travail dans sa version d’avant la loi Penicaud. Qu’auriez-vous à répondre si Macron affirmait qu’il ne peut être tenu responsable de la dérive du chômage, puisque les électeurs l’ont privé de l’instrument qui devait servir à le réduire ?
Je pense que l’équilibre proposé à l’origine de la Vème République était le bon : le peuple peut toujours s’opposer – par la pétition, par la manifestation, par la grève – à une mesure donnée, et c’est alors au gouvernant de choisir. Soit il pense que c’est une mesure secondaire, et il y renonce, soit il pense qu’elle est fondamentale pour l’atteinte de ses objectifs, et alors il peut appeler au référendum – ou à la dissolution – ce qui revient à dire au peuple « cette mesure est pour moi essentielle, alors si vous n’en voulez pas, il vous faut rejeter l’ensemble de ma politique ». Dans cette logique, c’est le gouvernement qui reste responsable, puisque c’est lui qui fait le choix.
A la rigueur, j’accepterais le référendum d’initiative populaire à une condition : que le président soit constitutionnellement obligé de prendre position sur le fait d’engager ou non sa responsabilité sur la mesure en question. S’il engage sa responsabilité et que le résultat lui est contraire, il doit démissionner puisque les électeurs ont mis en cause une mesure qu’il juge essentielle.
[La suisse est en effet un petit pays riche.]
Il est surtout divisé en communautés très homogènes. Ça aide beaucoup aussi.
[Il est en effet plus facile de gérer la richesse que la pauvreté. Mais ne pensez-vous pas que si la suisse est un pays riche c’est aussi grâce à ses institutions stables ?]
Non, je ne le pense pas. D’abord, la Suisse n’a pas toujours été riche. Ses institutions étaient déjà très stables au XVIIIème siècle, et les Suisses étaient quand même obligés de s’engager dans les armées des puissances européennes comme mercenaires pour échapper à la misère. Ensuite, vous trouverez d’autres pays (pensez par exemple à certaines îles du pacifique ou l’on trouve encore des monarchies coutumières dont les racines sont multiséculaires) qui sont désespérément pauvres. A côté, vous trouvez Singapour ou Hong-Kong, dont les institutions sont instables et qui pourtant sont extrêmement riches.
Non, la Suisse est riche parce que les grandes puissances européennes – ou plus précisément les couches les plus riches de ces pays – avaient besoin d’un coffre-fort qui leur permette de mettre leur argent à l’abri des convulsions qui ont secoué le continent depuis le début du XIXème siècle. C’est pourquoi la neutralité suisse a été respectée par tous, y compris par les nazis qui pourtant n’étaient pas particulièrement portés sur le respect des traités. La Suisse, petit pays enclavé et n’ayant guère d’intérêt stratégique, a profité de cette conjoncture. La stabilité des institutions ne joue dans cette affaire qu’un rôle secondaire par rapport à la continuité de la législation bancaire et fiscale.
[Et que les votations font partie de cette stabilité en évitant d’avoir des émeutes sporadiques comme en France.]
Je pense que vous confondez la cause et la conséquence. C’est parce que la société suisse n’est pas traversée par des conflits qui pourraient provoquer des émeutes que les votations fonctionnent, et non pas l’inverse. Quand on sait que personne ne posera les questions qui fâchent (abolition du secret bancaire, par exemple…) on peut se permettre d’autoriser toutes sortes de votations sur les bêtes à cornes.
[En suisse comme vous dite s’il ne se passe rien car le pays évolue lentement et sans a coup. en France, c’est par des émeutes/révolutions quand la cocote minute explose. Pas sûr que ça soit la meilleure méthode.]
Pas sûr non plus que ce soit la moins bonne. Et surtout, qu’on puisse l’appliquer dans un pays qui n’a pas l’avantage d’être un paradis fiscal…
[Non seulement les destructions ont un cout mais en plus ça contribue à polariser la société et a générer des affrontements internes (qui n’iront pas tous jusqu’à des affrontements de type chouannerie mais si 20-30 % vous sont radicalement hostiles vous allez devoir au minimum muscler vos forces de police et dépenser pas mal d’Energie de façon stérile pour le pays)]
Permettez-moi de m’étonner que vous présentiez le consensus mou comme l’idéal des institutions politiques. Je ne partage nullement votre vision. Pour moi, la polarisation et le conflit sont inévitables dans une société diverse et démocratique, d’autant plus que la lutte des classes est là. Bien sûr, quand on est très riche, on peut se permettre le luxe d’acheter la paix sociale – comme on l’a fait en France d’ailleurs pendant les « trente glorieuses ».
[Un dirigeant n’est pas brillant uniquement car il limite le déficit budgétaire mais si on fait le bilan de nos dirigeants si intelligents et subtils (comme l’a dit un députe LREM) on voit mal dans quel domaine nous sommes brillants: déficit budgétaires persistants, chômage massif, déclin industriel.]
Quand même, depuis 1974 on a inventé le TGV et construit un réseau à grande vitesse, on a réalisé un programme nucléaire dans des conditions qui en font un succès unique au monde. Et je pourrais donner pas mal d’autres exemples beaucoup moins connus mais tout aussi exceptionnels. Ne nous flagellons pas, nous savons faire plein de choses. Si on est dans la merde aujourd’hui, ce n’est pas parce que nos dirigeants ne sont pas « brillants », mais parce qu’ils ont choisi une politique de déclin national qui va dans le sens des intérêts d’une classe.
[Sur le plan diplomatique ou militaire nous sommes un pays de 2eme ordre.]
Vous n’exagérez pas un petit peu ? Nous restons quand même une puissance nucléaire, ayant des capacités de projection. Il n’y a pas beaucoup de pays qui ont cette capacité. Au-delà des vraies difficultés qui sont notre lot, le pays garde quand même un héritage qui n’est nullement négligeable.
[Sur le plan éducatif on va bientôt avoir des bacheliers analphabètes 😉. Sur le plan scientifique ou culturel (bon ça ne dépend pas directement de l’Etat d’avoir un Picasso ou Einstein même si c’est difficile d’avoir des prix Nobel si vous considérez la recherche comme une variable d’ajustement du budget) nous sommes là aussi loin des premiers.]
Faudrait tout de même pas exagérer dans la flagellation. Nous avons régulièrement des prix Nobel de physique ou de chimie, des médailles Fields. Nos bacheliers n’ont certainement pas un niveau satisfaisants, mais si vous voyagez un peu vous verrez que ce n’est guère mieux ailleurs – je dis souvent que les Français qui râlent devraient voyager un peu plus… Quant aux Picasso ou aux Einstein, je ne vois pas beaucoup de géants de cette dimension dans les autres pays.
[En 1950, au niveau du PIB par habitant, la suisse est seconde, le Venezuela 4eme la France 11eme la RFA 14 eme. Grace a ses “brillants” dirigeants la France en maintenant 38eme derriere la RFA, la belgique ou la GB. Bon on peut se contenter en se disant que le Venezuela est loin derriere ;-(]
Là, vous êtes vraiment de mauvaise foi. En 1950, l’Allemagne sort à peine de la guerre, beaucoup des pays pétroliers (Arabie Saudite, Irak, Quatar…) ne sont pas encore indépendants, et le système financier n’a pas l’importance qu’il a aujourd’hui. Du coup, pour faire une comparaison valable, il faudrait enlever de la liste les paradis fiscaux et les pays producteurs de pétrole. Faisons l’exercice : si l’on croit le FMI (http://statisticstimes.com/economy/countries-by-projected-gdp-capita.php) la France occupe la 21ème place, et non la 38ème DEVANT la Grande Bretagne (23ème). Des pays qui sont devant elle, huit (Suisse, Luxembourg, Islande, Macao, Irlande, Singapour, San Marino, Hong Kong) sont des paradis fiscaux, et deux (Norvège, Quatar) doivent l’essentiel de leur richesse au gaz et au pétrole, domaine dans lequel nous pouvons difficilement être concurrentiels. Il reste donc seulement onze pays avec lesquels nous pouvons nous comparer…
Je n’ai rien à dire de bien original, si ce n’est que c’est la meilleure analyse du mouvement GJ que j’ai lue. Ça remet un peu les neurones en place, dans ce malstrom de confusions politiques (tout est dit et son contraire, souvent pour brouiller les pistes…).
Merci donc…
@ Sami
Merci à vous, c’est toujours encourageant de voir ses écrits appréciés.
Le mouvement GJ n’a bien évidement pas reçu de solutions mais un mois après ses débuts avec la durée et d’autres facteurs, le nombre de ses acteurs est en reflux.
Il a surpris les partis et syndicats existants. Il a posé directement le problème du politique au-delà de certains aspects revendicatifs parfois confus.
Avec la décroissance d’un mouvement , il reste toujours les éléments les plus motivés dont des militants, ceux qui étaient là dès le début et ceux qui sont venus se greffer, De leur côté les états majors de partis cherchent lors de ce tournant à avancer leurs mots d’ordre et de ce point de vue, je constate que celui de referendum d’initiative citoyenne était commun dans les programmes de RN, DLF et LFI, peut-être pas sous cette appellation donc je ne pense pas que cette mise en avant procède de la seule « gauche radicale ».
Ce n’est, en tout état de cause, pas ce que nous avons pu entendre des GJ tant qu’ils étaient plus nombreux dans l’action.
Et si je ne me suis jamais inscrit dans les thèses dites de « récupération », mon expérience me dicte que l’on agite un gadget (la répartition des richesses est-elle si différente dans les pays admettant ce type de vote ?) au lieu du « sonnant et trébuchant » sans parler d’un changement radical de politique économique et sociale.
@ morel
[Le mouvement GJ n’a bien évidement pas reçu de solutions mais un mois après ses débuts avec la durée et d’autres facteurs, le nombre de ses acteurs est en reflux.]
Pour rester dans mon analyse, je dirai que c’est logique pour un mouvement « expressif » : une fois qu’il a dit ce qu’il avait à dire, il a rempli son objectif. Rester sur les ronds-points quelques semaines de plus n’apportera pas grande chose une fois que le message est passé, et je pense qu’il l’est.
[Il a surpris les partis et syndicats existants. Il a posé directement le problème du politique au-delà de certains aspects revendicatifs parfois confus.]
Il a fait bien plus que les surprendre : il leur a fait PEUR. Et je souligne ce mot, parce qu’il me parait essentiel. Pour la première fois depuis très longtemps j’ai vu à la télévision les élites politico-médiatiques exprimer un véritable sentiment de peur devant un mouvement populaire. C’était drôle chez certains comme Daniel Cohn-Bendit et ses amis qui exprimaient il y a quelques mois la nostalgie du lanceur de pavés sur les CRS, et qui tout à coup se mettent à expliquer que la violence contre la police c’est mal, que les institutions sont sacrées. C’était plus sérieux dans la bouche d’autres dirigeants politiques. Même les populistes comme Mélenchon ou MLP sont restés d’une prudence de Sioux. Pour moi, cette unanimité dans la réaction, ce consensus dans lequel aucun parti ne s’est franchement détaché confirme pour moi l’analyse que je propose d’une domination complète du champ politique par les « classes intermédiaires ». Malgré leurs différences cosmétiques, à l’heure des choix ils ont peur des mêmes choses…
« Il a fait bien plus que les surprendre : il leur a fait PEUR »
Relativement à mon propos, cela concerne les partis, les syndicats c’est autre chose. Je plaide pour que de vrais enseignements soient tirés.
J’avoue mon grand énervement lorsque j’entends parler du RIC ou RIP (du pareil au même) dont le principal effet serait de confisquer la parole des couches populaires au profit des classes bavardantes pour lesquelles il est bien plus facile de pérorer à perte de vue sur la « démocratie » que d’accéder aux revendications exprimées,
La technique des « tables rondes », « groupes de travail », « commissions d’enquête » n’est pas nouvelle pour noyer le poisson.
@ morel
[« Il a fait bien plus que les surprendre : il leur a fait PEUR » Relativement à mon propos, cela concerne les partis, les syndicats c’est autre chose. Je plaide pour que de vrais enseignements soient tirés.]
C’est vrai que la demande des GJ s’adresse bien plus au politique qu’au syndical. J’aimerais aussi que cette affaire serve d’électrochoc pour que les partis politiques et les syndicats – et plus largement l’ensemble des institutions, y compris les institutions médiatiques – se posent des questions et fassent un peu d’introspection. La politique de Macron a fait exploser la bombe, mais il faut admettre que ce sont les politiques de ces trente dernières années qui ont fourni l’explosif. Aucun parti, aucun syndicat ne sort indemne, puisqu’aucun n’a vu venir l’explosion.
[J’avoue mon grand énervement lorsque j’entends parler du RIC ou RIP (du pareil au même) dont le principal effet serait de confisquer la parole des couches populaires au profit des classes bavardantes pour lesquelles il est bien plus facile de pérorer à perte de vue sur la « démocratie » que d’accéder aux revendications exprimées]
Tout à fait. Pour ceux qui en douteraient, l’écoute pendant une semaine de France Inter devrait les détromper.
[La technique des « tables rondes », « groupes de travail », « commissions d’enquête » n’est pas nouvelle pour noyer le poisson.]
Vous avez oublié les « grands débats »… moi j’avais un patron qui fonctionnait comme ça. Quand ça grondait dans le service, il organisait une grande réunion ou tout pouvait se dire. Et après avoir laissé tout le monde déblatérer pendant trois heures, quand les gens étaient fatigués, il prenait la parole et disait « je pense, après avoir entendu tout le monde, que nous sommes d’accord pour faire… » et là il exposait le programme qu’il avait préparé avant la réunion. Et tout le monde disait « quel bon chef, qui écoute ses troupes… ».
« Aucun parti, aucun syndicat ne sort indemne »
Nous sommes bien d’accord et il appartient en premier lieu aux adhérents et particulièrement aux responsables de se livrer à une analyse sérieuse (laissons le mea culpa aux curés).
« Vous avez oublié les « grands débats »…quel bon chef, qui écoute ses troupes… »
Exactement cela. Les airs de pipeau sont incontestablement agréables lorsqu’on ne souhaite que de la musique légère…
A propos du « discours de l’impuissance » que vous évoquez dans votre note, à défaut d’être nouveau, il revient périodiquement chez les classes dominantes.
Un exemple, d’une autre époque, avec Casimir Perier banquier et Président du Conseil après l’écrasement de la révolte des canuts de 1831 : « Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a de remèdes pour eux que la patience et la résignation. »
@ morel
[Un exemple, d’une autre époque, avec Casimir Perier banquier et Président du Conseil après l’écrasement de la révolte des canuts de 1831 : « Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a de remèdes pour eux que la patience et la résignation. »]
Aujourd’hui on remplace “la patience et la résignation” par “une solution européenne”, ce qui en pratique revient au même.
le mouvement des Gilets Jaunes a beaucoup d’aspects.
Entre autre il montre la coupure entre deux France : celle des banlieues sensibles, celle des revenus moyens.
Pratiquement pas de manifestation dans les banlieues dites sensibles (autrement dit chez les immigrés et leurs descendants). Le cas du 93 est emblématique: pratiquement aucun regroupement !
On pourrait dire qu’il y en a qui ont marre de travailler dur, de payer et de vivre chichement, et d’autres qui vivent assez bien de la redistribution sociale que paient les premiers, ainsi que des trafics divers. On peut également dire que la pauvreté assistée n’incline pas à la révolte. On dépend trop de l’argent distribué, des multiples assistances.
Bien que cela n’ait jamais été dit, je me demande si un jour les revenus moyens prendront conscience que leurs impôts sont largement destinés à aider les immigrés et leurs descendants (je sais qu’officiellement l’immigration cela rapporte, mais c’est encore une “fake news” officielle et bien pensante *). D’ailleurs le gouvernement le pense implicitement lorsqu’il a rajouté dans les axes de réflexion nationale l’immigration.
Ce n’est pas le seul problème, l’euro en étant un autre de plus grande importance, ainsi que nos dirigeants peu efficaces.
* par exemple je n’ai jamais vu pris en compte le coût policier engendré par les trafics, le terrorisme, venant quasiment toujours de la population immigrée et de leurs descendants. Sans parler de l’école, des hôpitaux, des logements sociaux etc …
@ marc.malesherbes
[Entre autre il montre la coupure entre deux France : celle des banlieues sensibles, celle des revenus moyens.]
Pourquoi « celle des revenus moyens » ? Beaucoup de « gilets jaunes » ont des revenus largement inférieurs au revenu moyen. Du point de vue du revenu, je ne pense pas que les « gilets jaunes » soient mieux placées que les habitants des « banlieues sensibles ». Mais à cette précision près, je suis d’accord avec vous : les « banlieues sensibles » n’ont que peu ou pas bougé. Il serait très intéressant de comprendre pourquoi.
Peut-être faut-il voir un effet du déclencheur de cette fronde. Les « gilets jaunes » sont sortis dans la rue excités d’abord par une suite d’agressions contre les automobilistes. Non seulement une campagne insidieuse et permanente assimilant l’automobiliste à un assassin de la planète, mais des mesures concrètes comme la baisse des vitesses limités à 80 km/h, le durcissement du contrôle technique, les interdictions de circuler en zone urbaine pour les anciens véhicules, et finalement l’augmentation très importante du prix des carburants. Or, aucun de ces éléments ne touche vraiment les habitants des « banlieues sensibles ».
Il y a un deuxième élément qui a son importance. Les « banlieues sensibles » sont intégrées en général à une métropole. Elles sont intégrées à une économie « mondialisée » (faut bien que les bobos de centre-ville trouvent leur cannabis quelque part) dont ils ont les références culturelles. Ce qui n’est pas le cas de la France périphérique. Les banlieues ne subissent donc pas le retrait massif des services publics qui affectent la France périphérique. Alors que cette dernière voit les petites lignes de chemin de fer ou les bus se raréfier ou fermer, les banlieues voient au contraire leurs transports en commun se densifier en permanence. Dans la France périphérique, on ferme des classes, des trésoreries, des tribunaux, des sous-préfectures. Pas dans les banlieues, qui sont généralement démographiquement dynamiques.
[Pratiquement pas de manifestation dans les banlieues dites sensibles (autrement dit chez les immigrés et leurs descendants). Le cas du 93 est emblématique: pratiquement aucun regroupement !
On pourrait dire qu’il y en a qui ont marre de travailler dur, de payer et de vivre chichement, et d’autres qui vivent assez bien de la redistribution sociale que paient les premiers, ainsi que des trafics divers. On peut également dire que la pauvreté assistée n’incline pas à la révolte. On dépend trop de l’argent distribué, des multiples assistances.]
Il y a de ça aussi. La « France périphérique » appelle le politique au secours. Les « banlieues sensibles » n’ont aucune envie, au contraire, d’une intervention politique qui pourrait perturber le « bizness »…
[Bien que cela n’ait jamais été dit, je me demande si un jour les revenus moyens prendront conscience que leurs impôts sont largement destinés à aider les immigrés et leurs descendants]
Je pense que c’est mal poser le problème. La redistribution ne touche pas que les immigrés, et le Corse coûte plus cher par tête de pipe au trésor public que le descendant d’immigré. C’est cette solidarité inconditionnelle qui fait la cohésion d’une nation. Si on commence à limiter cette solidarité à certaines catégories de français, on est mal barrés.
[D’ailleurs le gouvernement le pense implicitement lorsqu’il a rajouté dans les axes de réflexion nationale l’immigration.]
J’avoue que je me suis posé beaucoup de questions sur l’inclusion de cette thématique dans le débat lancé par Macron, et encore plus sur le rétropédalage qui a suivi immédiatement, et qui a conduit le Premier ministre à contredire non seulement le président, mais le compte rendu officiel du Conseil des ministres, rien de moins. Il parait que cette thématique ne sera pas un thème à part entière, mais sera abordée dans la rubrique « débat démocratique », ce qui est pour le moins étrange… je me demande si on ne s’apprête pas à nous ressortir le vote des immigrés…
Rien de nouveau ?? citation :
« La source de tous nos maux, c’est l’indépendance absolue où les représentants se sont mis eux-mêmes à l’égard de la nation sans l’avoir consultée.
Ils ont reconnu la souveraineté de la nation, et ils l’ont anéantie.
Ils n’étaient de leur aveu même que les mandataires du peuple, et ils se sont faits souverains, c’est-à-dire despotes, car le despotisme n’est autre chose que l’usurpation du pouvoir souverain.
Quels que soient les noms des fonctionnaires publics et les formes extérieures du gouvernement, dans tout État où le souverain ne conserve aucun moyen de réprimer l’abus que ses délégués font de sa puissance et d’arrêter leurs attentats contre la constitution de l’État, la nation est esclave, puisqu’elle est abandonnée absolument à la merci de ceux qui exercent l’autorité.
Et comme il est dans la nature des choses que les hommes préfèrent leur intérêt personnel à l’intérêt public lorsqu’ils peuvent le faire impunément, il s’ensuit que le peuple est opprimé toutes les fois que ses mandataires sont absolument indépendants de lui.
Si la nation n’a point encore recueilli les fruits de la révolution, si des intrigants ont remplacé d’autres intrigants, si une tyrannie légale semble avoir succédé à l’ancien despotisme, n’en cherchez point ailleurs la cause que dans le privilège que se sont arrogés les mandataires du peuple de se jouer impunément des droits de ceux qu’ils ont caressés bassement pendant les élections. »
Robespierre, 29 juillet 1792.
@ Momond
[Rien de nouveau ?? citation : « (…) Quels que soient les noms des fonctionnaires publics et les formes extérieures du gouvernement, dans tout État où le souverain ne conserve aucun moyen de réprimer l’abus que ses délégués font de sa puissance et d’arrêter leurs attentats contre la constitution de l’État, la nation est esclave, puisqu’elle est abandonnée absolument à la merci de ceux qui exercent l’autorité. »]
Magnifique discours, d’une précision toute robespierrienne. C’est pourquoi la République ne peut reposer simplement sur l’élection, et que le pouvoir de l’élu s’y exerce toujours ad referendum de la volonté populaire. C’est pourquoi les discours selon lesquels manifestations et grèves seraient illégitimes lorsqu’elles s’exercent contre un projet voté par les élus est absurde. Le droit de manifestation, de pétition, de grève et in fine celui de la résistance à l’oppression tiennent leur légitimité du raisonnement exposé par Robespierre : ce sont les moyens ultimes que le peuple a pour « réprimer les abus » de ses représentants.
Les bonnes âmes pleurent sur le danger que les populistes présentent pour la démocratie. Ils oublient que si les populismes ont tant de succès, c’est parce que, comme le disait Robespierre, depuis trente ans « les mandataires du peuple se sont joués impunément des droits de ceux qu’ils ont caressés bassement pendant les élections. ». De ce point de vue, je trouve remarquable le discours d’hier de Theresa May, soutenant qu’un deuxième référendum sur le Brexit entrainerait un dommage irréparable pour les institutions politiques britanniques. Une position courageuse, qui contraste fortement avec l’irresponsabilité des dirigeants qui dans d’autres pays ont refait des référendums ou contourné leurs résultats lorsque le vote ne leur convenait pas. Nos institutions n’ont pas fini de payer le prix du contournement du référendum de 2005, qui a convaincu pas mal de Français que le vote ne sert à rien.
Si la nation n’a point encore recueilli les fruits de la révolution, si des intrigants ont remplacé d’autres intrigants, si une tyrannie légale semble avoir succédé à l’ancien despotisme, n’en cherchez point ailleurs la cause que dans le privilège que se sont arrogés les mandataires du peuple de se jouer impunément des droits de ceux qu’ils ont caressés bassement pendant les élections. »
En fait la situation est encore pire que celle décrite par Robespierre , puisque nous avons laissé les pouvoir a des gens qui n’ont même pas besoin de nous caresser bassement pendant les élections : la commission de Bruxelles..
@ JMP
[En fait la situation est encore pire que celle décrite par Robespierre, puisque nous avons laissé les pouvoir a des gens qui n’ont même pas besoin de nous caresser bassement pendant les élections : la commission de Bruxelles…]
Jusqu’à un certain point. En fait, la Commission n’a pas de véritables moyens de contrainte sur un pays comme la France. Son « pouvoir » est conditionné au fait que les gens qui sont élus appliquent ses décisions. Ce n’est bien entendu pas le cas pour un pays comme la Grèce…
Une composante dans le mouvement des GJ que j’ai cru discerner : le désir d’avoir du travail (à temps plein) mais aussi celui de pouvoir vivre de son travail. La solution proposée d’augmenter la prime d’activité, c’est à dire d’accorder une aide sociale plus importante, ne répond pas à cette demande : cela rappelle le revenu universel de B. Hamon, dont on sait quel succès électoral il a eu !
Dire à quelqu’un que son travail à temps plein ne mérite pas d’avoir un revenu suffisant pour vivre est insultant. Dire que une grande proportion de la population vivra d’aides sociales sent le “panem et circenses” et évoque la fin de l’histoire, en passant par la décadence et la chute de notre monde.
D’ailleurs, qui va financer cette augmentation de la prime d’activité ? les classes immédiatement supérieures ? celles auxquelles on voudrait que ses enfants accèdent ? la baisse des services publiques ?
@ cathmic
[Dire à quelqu’un que son travail à temps plein ne mérite pas d’avoir un revenu suffisant pour vivre est insultant.]
Le problème est que c’est la pure vérité. Du moins si par « vivre » vous entendez « avoir le niveau de vie considéré aujourd’hui comme digne ». Oui, dans toute société il y a des individus dont la productivité au travail n’est pas suffisante pour atteindre ce niveau. Traditionnellement, dans des sociétés ou la productivité moyenne était faible, ce problème ne touchait que les personnes malades ou handicapés. C’est la solidarité sociale – organisée généralement par les institutions religieuses – qui se chargeait de transférer vers ces populations suffisamment de valeur pour leur permettre une vie digne. Mais dans notre société ou la productivité moyenne et le niveau de vie sont très élevés, le problème touche une part de plus importante de la population. Cette frange de la population ne pourra bénéficier d’une hausse du niveau de vie concomitante avec le reste de la société que si des transferts permanents et inconditionnels sont organisés.
Est-ce que dire cela est « humiliant » pour les intéressés ? Peut-être, mais c’est la réalité. Et le fait de déguiser cette réalité porte avec lui un grand danger : si les plus productifs consentent un transfert vers les moins productifs, ils attendent quelque chose en retour, ne serait-ce qu’une reconnaissance symbolique. En déguisant les transferts, en maintenant l’illusion que ces gens retirent leur revenu exclusivement de la valeur qu’ils produisent, on vide de sens toute reconnaissance.
[Dire que une grande proportion de la population vivra d’aides sociales sent le “panem et circenses” et évoque la fin de l’histoire, en passant par la décadence et la chute de notre monde.]
Encore une fois, tout se joue autour de la productivité. Pour éviter de se retrouver à subventionner une part toujours plus grande de la population – avec les difficultés sociales et démocratiques que cela implique, parce qu’un citoyen qui dépend des aumônes pour sa subsistance n’est pas un véritable citoyen – la seule formule est de veiller à ce que la productivité augmente au même rythme pour toutes les couches de la société. Ce qui suppose favoriser les emplois à forte valeur ajoutée, d’investir dans la recherche, dans la formation, dans les équipements productifs plutôt que les « petits boulots » de services à la productivité faible.
Je ne suis pas sure que tous ceux qui ont de la peine à boucler les fins de mois soient non/peu productifs. Ces petites villes de la ruralité qui se meurent avaient souvent il n’y a pas longtemps des petites industries manufacturières, qui se sont réimplantées à l’est ou en Asie alors qu’elles étaient rentables. Mon village de montagne avait une petite usine de fabrication de matériel électrique (interrupteurs etc.) en sous traitance pour une grande marque française, où les femmes travaillaient : maintenant, elles font de l’aide à domicile.
Pour tout dire, je ne sais plus quel travail est productif dans notre société : les communiquants, les contrôleurs de gestion, les comptables,les intermittents du spectacle, les publicitaires, … ? ce n’est pas parce qu’un travail est correctement rémunéré qu’il est productif.
Quand il a été décidé que la France se spécialiserait dans les services (0 usines), un éditorialiste avait remarqué que cela menait à 20% d’emplois hautement qualifiés et 80% d’emplois de services à la personne, et donc que dire qu’il fallait augmenter la formation et la durée de formation pour tous était peu cohérent (je crois que c’était François de Closets – comme quoi il lui est arrivé de dire des choses intelligentes).
On a formé … et on a créé des postes pour éviter la révolte des classes moyennes constatant que leurs enfants diplômés n’avaient pas de travail (la décentralisation a permis de caser pas mal de diplômés de type “gestion des entreprises et des administrations” .. oui, je suis jacobine).
Il aurait fallu pousser les formations techniques et scientifiques … mais la désindustrialisation combinée à la demande des entreprises de formations immédiatement utilisables donc très spécialisées, ainsi que les salaires dans les voies scientifiques et techniques ont rendu ces carrières peu tentantes.
@ cathmic
[Je ne suis pas sure que tous ceux qui ont de la peine à boucler les fins de mois soient non/peu productifs. Ces petites villes de la ruralité qui se meurent avaient souvent il n’y a pas longtemps des petites industries manufacturières, qui se sont réimplantées à l’est ou en Asie alors qu’elles étaient rentables.]
La question n’est pas tant la productivité du travail comme le rapport entre la productivité et le salaire. Pourquoi ces usines ont-elles été réimplantées à l’est ou en Asie ? Parce qu’elles sont encore plus rentables là-bas. Et pourquoi sont-elles plus rentables ? Parce que le rapport entre le salaire payé à l’ouvrier et la valeur qu’il produit est beaucoup plus favorable.
Si on veut pouvoir payer de bons salaires, il faut que la productivité le permette. Aucun employeur sensé ne prendra un salarié qui rapporte moins qu’il ne coûte.
[Pour tout dire, je ne sais plus quel travail est productif dans notre société : les communiquant, les contrôleurs de gestion, les comptables, les intermittents du spectacle, les publicitaires, … ? ce n’est pas parce qu’un travail est correctement rémunéré qu’il est productif.]
Mais alors, pourquoi à votre avis des gens payent très cher des travailleurs qui ne produisent rien ?
[Il aurait fallu pousser les formations techniques et scientifiques … mais la désindustrialisation combinée à la demande des entreprises de formations immédiatement utilisables donc très spécialisées, ainsi que les salaires dans les voies scientifiques et techniques ont rendu ces carrières peu tentantes.]
Le problème des carrières scientifiques et techniques est qu’elles demandent un très fort investissement au départ et que cet investissement n’est rentable qu’à long terme. Et dans un contexte aussi incertain pour tout ce qui est industrie ou recherche que celui qui est le nôtre aujourd’hui, on peut comprendre qu’un étudiant n’ait pas envie de faire ce pari là.
“pourquoi à votre avis des gens payent très cher des travailleurs qui ne produisent rien ”
1) Il est tres difficile de mesurer la production de certains postes. Qu est ce que produit un publicitaire ? un acheteur ? (par ex on vait dans une des mes ex societe un acheteur tres efficace, il achetait vraiment au moins cher. resultat, on recevait les produits avec du retard et du materiel de 2eme ordre. Pour le service achat c etait un gain (on a paye moins cher). pour la societe entiere une perte vu que le service ou j etais etait moins efficace (et la perte etait bien superieur ou gain). Mais ca ne se voyait pas directement car 2 budgets differents
2) demandez vous pourquoi tant de societes sponsorisent des “people”. Est ce rentable ou simplmenet l instinct gregaire des dirigeants. comme a une certaine epoque chaque PDG se devait d avoir une strategie 2.0 ou IoT …
“Le problème des carrières scientifiques et techniques est qu’elles demandent un très fort investissement au départ et que cet investissement n’est rentable qu’à long terme”. Je dirait que c est meme pas rentable du tout si vous restez en France. Le declin industriel, le mepris pour la technologie de la part des dirigeants (si vous voulez faire carriere en France il faut quitter la technique et faire du management ou de la finance) et les SSII (vente d inge a la journee) font que la profession n a qu un avenir limité. Mieux vaut faire medecine ou finance (c est pas pour rien qu il y a plus de polytechnicien dans les salles de marches que dans les usines ou laboratoires)
@ cdg
[“Pourquoi à votre avis des gens payent très cher des travailleurs qui ne produisent rien ”
1) Il est très difficile de mesurer la production de certains postes. Qu’est-ce que produit un publicitaire ? un acheteur ? (par ex on voit dans une des mes ex-sociétés un acheteur très efficace, il achetait vraiment au moins cher. Résultat, on recevait les produits avec du retard et du matériel de 2eme ordre. Pour le service achat c’était un gain (on a paye moins cher).]
Faut pas exagérer. Il y a des indicateurs de performance pour chaque poste aujourd’hui. Que produit un publicitaire ? Et bien, on regarde quelle est la courbe de ventes avant et après son intervention. Si cela ne change rien, alors vous pouvez le licencier le cœur léger. Même chose pour l’acheteur : vous calculez d’un côté ce qu’il a fait gagner sur les factures d’achat, et ce qu’il a fait perdre du fait des retards et des défauts de qualité. Aujourd’hui, dans une usine moderne, tous ces paramètres sont mesurables et mesurés par les services méthodes.
[2) demandez-vous pourquoi tant de sociétés sponsorisent des “people”. Est-ce rentable ou simplement l’instinct grégaire des dirigeants. Comme à une certaine époque chaque PDG se devait d’avoir une stratégie 2.0 ou IoT …]
Il y a bien entendu des effets de mode. Mais la sponsorisation des « people » à l’échelle de l’économie, ce n’est vraiment pas grande chose. Lorsqu’on analyse les phénomènes économiques, il faut se concentrer sur ce qui pèse, et pas sur les questions marginales. Oui, les salaires des « stars » du rock sont probablement disproportionnés par rapport à la valeur créée. Mais pour le 99,99% des travailleurs, ce n’est pas le cas.
[“Le problème des carrières scientifiques et techniques est qu’elles demandent un très fort investissement au départ et que cet investissement n’est rentable qu’à long terme”. Je dirais que c’est même pas rentable du tout si vous restez en France.]
Ce n’est pas tout à fait vrai. Pour le moment, centraliens, polytechniciens, mineurs et normaliens gagnent très décemment leur vie, et on peut faire de belles carrières avec des salaires très raisonnables à la clé dans ces domaines. Mais il est vrai que le même effort investi à faire de la communication ou de la finance payent bien mieux.
[Si on veut pouvoir payer de bons salaires, il faut que la productivité le permette.] Et vice versa : un coût du travail bas ne pousse pas à augmenter la productivité par la mécanisation.
[[Pour tout dire, je ne sais plus quel travail est productif dans notre société : les communiquant, les contrôleurs de gestion, les comptables, les intermittents du spectacle, les publicitaires, … ? ce n’est pas parce qu’un travail est correctement rémunéré qu’il est productif.]]
[Mais alors, pourquoi à votre avis des gens payent très cher des travailleurs qui ne produisent rien ?]
Vous supposez donc que les patrons ne se trompent jamais et que le marché (du travail) est parfait.
[Le problème des carrières scientifiques et techniques est qu’elles demandent un très fort investissement au départ et que cet investissement n’est rentable qu’à long terme.]
Es-ce un jour rentable financièrement ? comparez les salaires des managers et celui des experts scientifiques dans l’industrie … et j’ai été 40 ans enseignant-chercheur dans une école d’ingénieurs.
Au fait, j’ai oublié de vous remercier de vos textes qui me donnent toujours à réfléchir, en particulier récemment l’articulation entre démocratie représentative et mandat non impératif.
@ cathmic
[« Si on veut pouvoir payer de bons salaires, il faut que la productivité le permette. » Et vice versa : un coût du travail bas ne pousse pas à augmenter la productivité par la mécanisation.]
Vrai. C’est pourquoi il faut entretenir cette dialectique : il faut que les travailleurs profitent des gains de productivité, et à l’inverse il ne faut pas que les salaires augmentent plus vite que celle-ci.
[« Mais alors, pourquoi à votre avis des gens payent très cher des travailleurs qui ne produisent rien ? » Vous supposez donc que les patrons ne se trompent jamais et que le marché (du travail) est parfait.]
Non, je suppose que les patrons ne se trompent pas souvent, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Je veux bien que sur une minorité de cas pathologiques pour des raisons diverses les patrons payent des employés qui n’apportent rien à l’entreprise. Mais je soutiens que dans le cas général, les patrons ne lâchent pas aussi facilement leur argent. Quant à la « perfection » du marché, elle ne joue ici aucun rôle : même sur un marché « imparfait », les acheteurs ne payent pas pour des choses qui ne leur apportent rien.
[Es-ce un jour rentable financièrement ? comparez les salaires des managers et celui des experts scientifiques dans l’industrie … et j’ai été 40 ans enseignant-chercheur dans une école d’ingénieurs.]
Qu’un investissement soit plus rentable qu’un autre n’implique que cet autre ne soit pas, lui aussi, rentable.
[Au fait, j’ai oublié de vous remercier de vos textes qui me donnent toujours à réfléchir, en particulier récemment l’articulation entre démocratie représentative et mandat non impératif.]
Merci, c’est ce genre d’encouragements qui m’aident à continuer !
Voici un article récent qui fait écho directement à votre article : Des ONG qui portent plainte contre les Etats (en l’occurrence la France) pour les forcer à agir et à faire leur boulot de diriger le pays :
https://actu.orange.fr/france/climat-des-ong-vont-attaquer-la-france-en-justice-pour-inaction-CNT000001bbh33/photos/des-manifestants-pendant-la-marche-pour-le-climat-a-lyon-le-8-decembre-2018-97007bb40d54b2ac34d2ab3b5b54500e.html
Naturellement, je pense que cela va vous faire sourire un peu jaune de voir que ces gens réclament ont au final la interprétation que vous de ce qui ne va pas aujourd’hui.
Mais je sais que vous allez répondre qu’ils regardent la poutre, etc. Puisque ce sont ici pour l’essentiel les mêmes qui cherchent à mettre en demeure l’Etat d’atteindre ses objectifs, qui cherchent par ailleurs à lui couper tous les moyens d’actions, et à leur mettre une pression médiatique intenable dès qu’il bouge un doigt…
@ Vincent
[Voici un article récent qui fait écho directement à votre article : Des ONG qui portent plainte contre les Etats (en l’occurrence la France) pour les forcer à agir et à faire leur boulot de diriger le pays :]
Le boulot des politiques est aussi de savoir quand ne pas faire une politique absurde au prétexte qu’on a fait semblant de souscrire dans un raout diplomatique. Les ONG ne cherchent pas à ce que les politiques « fassent leur boulot de diriger le pays », mais à faire pression pour que les politiques fassent ce qu’elles veulent.
[Naturellement, je pense que cela va vous faire sourire un peu jaune de voir que ces gens réclament ont au final la interprétation que vous de ce qui ne va pas aujourd’hui.]
C’est exactement le contraire. Les ONG soutiennent que les hommes politiques doivent tenir leurs promesses (remarquez, seulement lorsqu’elles sont d’accord avec elles, parce qu’aucune ONG à ma connaissance n’a demandé que Macron tienne ses promesses de construire des EPR…). Moi, je dis exactement le contraire : les hommes politiques doivent écouter le peuple et le guider, sans se sentir liés par quelque promesse que ce soit lorsqu’ils estiment que ce n’est pas dans l’intérêt de la nation de la tenir. Et le seul juge est le peuple lui-même.
@Descartes
> Le boulot des politiques est aussi de savoir quand ne pas faire une politique
> absurde au prétexte qu’on a fait semblant de souscrire dans un raout diplomatique.
Comme moi, vous considérez que les traités internationaux ont essentiellement pour but d’éviter les conflits entre les Etats, et que ce qui se passe chez nous nous regarde au premier chef.
Mais il faut reconnaitre à ces ONG qu’elles ne sont pas isolées avec leur interprétation juridiquement contraignante des traités internationaux, qui est de plus en plus acceptée dans tous les domaines !
> Les ONG ne cherchent pas à ce que les politiques « fassent leur boulot de diriger le
> pays », mais à faire pression pour que les politiques fassent ce qu’elles veulent.
Oui, bien sûr. Comme les gilets jaunes, qui veulent que l’Etat réindustrialise le pays et arrête de délaisser les zones périphériques. Et qui considèrent donc que c’est le boulot de l’Etat de faire ça.
Les premiers ont la légalité de la lettre des traités internationaux, les seconds ont la légitimité du peuple.
> Les ONG soutiennent que les hommes politiques doivent tenir leurs promesses
> (remarquez, seulement lorsqu’elles sont d’accord avec elles, parce qu’aucune
> ONG à ma connaissance n’a demandé que Macron tienne ses promesses de
> construire des EPR…).
Là encore, les ONG ne diffèrent pas de tout le monde. Chacun essaye de rappeler aux politiques les promesses qui l’intéressaient. Mais la démarche, ici, est juridique.
Dommage que la France n’ait pas signé un traité international interdisant de délaisser les zones périphériques 🙂
> Moi, je dis exactement le contraire : les hommes politiques doivent écouter le
> peuple et le guider, sans se sentir liés par quelque promesse que ce soit lorsqu’ils
> estiment que ce n’est pas dans l’intérêt de la nation de la tenir. Et le seul juge est
> le peuple lui-même.
Quand vous dites cela, vous dites effectivement exactement l’inverse. Mais je m’amusais que deux visions de la politique diamétralement opposées (je pense ne pas être loin de la réalité en écrivant cela) puisse se rejoindre sur des formules assez similaires : “on attend des politiques qu’ils fassent leur boulot”…
@ Vincent
[Comme moi, vous considérez que les traités internationaux ont essentiellement pour but d’éviter les conflits entre les Etats, et que ce qui se passe chez nous nous regarde au premier chef.]
Les traités sont d’abord des actes politiques, et non des contrats juridiques. Et en matière politique, « salus populo suprema lex esto ». Je vous renvoie à la réflexion de De Gaulle concernant le traité de Rome : «C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non. Quand on est couillonné, on dit : « Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp ! Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça».
[Mais il faut reconnaitre à ces ONG qu’elles ne sont pas isolées avec leur interprétation juridiquement contraignante des traités internationaux, qui est de plus en plus acceptée dans tous les domaines !]
« De plus en plus acceptée » par qui, s’il vous plait ? Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas de la première puissance mondiale, par exemple… ni même par les institutions européennes, qui se sont assis confortablement sur le traité de Maastricht quand la France et l’Allemagne sont sortis des sacro-saints critères de convergence… non, le discours sur le caractère juridiquement contraignant des traités est un discours idéologique. Il est porté par ceux qui cherchent à organiser l’impuissance du politique, en transférant les décisions à des institutions non élues – autorités indépendantes, institutions européennes, juges…
[Oui, bien sûr. Comme les gilets jaunes, qui veulent que l’Etat réindustrialise le pays et arrête de délaisser les zones périphériques. Et qui considèrent donc que c’est le boulot de l’Etat de faire ça.
Les premiers ont la légalité de la lettre des traités internationaux, les seconds ont la légitimité du peuple.]
Et bien, si l’on se tient à la conception républicaine, c’est dans le peuple que réside la souveraineté. Pas dans la lettre des traités.
[Quand vous dites cela, vous dites effectivement exactement l’inverse. Mais je m’amusais que deux visions de la politique diamétralement opposées (je pense ne pas être loin de la réalité en écrivant cela) puisse se rejoindre sur des formules assez similaires : “on attend des politiques qu’ils fassent leur boulot”…]
Formulé ainsi, c’est un truisme. Qui en effet attend que les politiques ne fassent PAS leur boulot ? Pour que cela ait un sens, il faut préciser quelle conception on a du « boulot » en question. Ce que j’ai fait d’ailleurs…
@Vincent
> Puisque ce sont ici pour l’essentiel les mêmes qui cherchent à mettre en demeure l’Etat d’atteindre ses objectifs
Je ne savais pas que l’objectif de l’État était de mettre en place la transition énergétique, financer les renouvelables, etc. Je croyais que c’étaient les citoyens, par leur choix électoraux, qui contribuaient à la définition des objectifs pour les années à venir. Et force est de constater que ces citoyens n’ont pas élu les dirigeants de ces ONG à la tête de l’État.
En fait ces ONG suivent le même schéma que la construction européenne : celui qui voudrait imposer aux gouvernements et aux États des objectifs gravés dans le marbre de traités et d’accords divers, négociés de préférence loin des électorats et imposés juridiquement au peuple souverain (qui ne l’est alors plus beaucoup).
On retrouve ce genre d’absurdités chez Mélenchon et le PG qui pestaient contre la « règle d’or » budgétaire européenne, mais plaidaient pour l’adoption d’une « règle verte » avec le même pouvoir contraignant.
Enfin, si jamais l’idée du gouvernement des « experts » venait à s’imposer au détriment de la démocratie, il vaudrait mieux qu’il s’agisse de véritables experts, spécialistes expérimentés des sujets sur lesquels ils délibèrent, plutôt que des militants en général incompétents et dédaignant le débat technique et scientifique. Bref, tout sauf des ONG.
@ Antoine
[En fait ces ONG suivent le même schéma que la construction européenne : celui qui voudrait imposer aux gouvernements et aux États des objectifs gravés dans le marbre de traités et d’accords divers, négociés de préférence loin des électorats et imposés juridiquement au peuple souverain (qui ne l’est alors plus beaucoup).]
Tout à fait. Les ONG suivent cette détestable tendance qui consiste à faire du juge un arbitre dans le champ politique. Une tendance qui est la négation de la souveraineté nationale telle qu’elle a été théorisée par les révolutionnaires de 1789, et qui veut que le juge soit là pour appliquer la loi telle que les représentants du peuple l’ont faite, et non des « principes » qu’il serait libre de dégager à sa convenance. Pendant de très longues années la doctrine juridique française considérait qu’une loi énonçant des objectifs – ce qu’on appelait les lois de programmation – n’avait pas de caractère normatif et qu’un acte qui leur était contraire n’était pas pour autant nul.
[On retrouve ce genre d’absurdités chez Mélenchon et le PG qui pestaient contre la « règle d’or » budgétaire européenne, mais plaidaient pour l’adoption d’une « règle verte » avec le même pouvoir contraignant.]
Pas tout à fait. LFI propose d’insérer la « règle verte » dans la Constitution française. Il s’agirait donc d’un acte du peuple souverain, ce qui n’est pas le cas de la « règle d’or » européenne. Mais sur le fond vous avez raison : l’idée d’introduire dans la Constitution de plus en plus de règles qui ne concernent pas l’organisation des institutions ou la protection des libertés publiques mais qui ont pour objet de limiter la liberté du législateur (Charte de l’environnement, « règle verte »…) posent pour moi un sérieux problème.
[Enfin, si jamais l’idée du gouvernement des « experts » venait à s’imposer au détriment de la démocratie, il vaudrait mieux qu’il s’agisse de véritables experts, spécialistes expérimentés des sujets sur lesquels ils délibèrent, plutôt que des militants en général incompétents et dédaignant le débat technique et scientifique. Bref, tout sauf des ONG.]
Tout à fait. Les ONG sont néfastes à la démocratie. Ce sont des organisations qui prétendent représenter le peuple alors qu’elles n’ont d’autre légitimité que médiatique.
@Descartes
“La démocratie représentative n’est pas née de la volonté de quelques-uns de confisquer le pouvoir, comme semblent le penser certains, mais d’une simple question de division du travail. Si l’on veut que la démocratie directe ait un sens, cela suppose que les citoyens soient parfaitement informés des sujets sur lesquels ils sont appelés à voter. Or, cette parfaite information prend du temps, du travail, de l’effort. Du temps, travail et effort qui sont soustraites nécessairement à d’autres tâches dont la société et l’individu ont également besoin. Est-ce vraiment la peine que chaque citoyen investisse de son côté cet effort ? N’est plus rationnel d’appliquer à cette activité le principe de division du travail qui est un principe d’efficacité ? Si je confie au médecin le soin de décider quel médicament je dois prendre, à l’avocat le choix de la meilleure ligne de défense, à l’architecte la décision de mettre une poutre de telles ou telles dimensions pour construire ma maison, pourquoi ne confierais-je à mon représentant – à qui je demande de faire tout ce travail, ces études, ces efforts que je n’ai pas envie de faire – les décisions qui concernent la fixation de l’impôt ou la politique énergétique ?”
L’efficience de la division du travail est précisément l’argument de Platon (dans La République) pour rejeter la démocratie. Du coup, comment fonder la démocratie ? Vous avez je crois écrit quelque part que sa légitimité ne reposait pas sur le fait que le peuple était plus à même pour prendre les bonnes décisions (même réduite à la décision de décider de ses gouvernants), mais sur le fait que les décisions, bonnes ou mauvaises, finissent par peser sur ledit peuple (il est donc intéressé ou incité à ne pas se tromper). Pourtant, ce fondement semble insuffisant, car il existe toutes sortes de personnes qui subissent des décisions (coercitives) sans qu’on y trouve un fondement pour justifier qu’ils leur soient accordés un pouvoir de décision “en dernière instance” (par exemple: les enfants, les malades mentaux, les prisonniers). Pourriez-vous développez votre idée ?
@ Johnathan R. Razorback
[L’efficience de la division du travail est précisément l’argument de Platon (dans La République) pour rejeter la démocratie.]
Ca fait un moment que je n’ai pas relu « La République ». Je ne me souviens pas que l’efficience de la division du travail soit un argument utilisé par Platon, et d’ailleurs j’ai du mal imaginer un raisonnement utilitariste chez cet auteur… pourriez-vous être plus précis ?
[Du coup, comment fonder la démocratie ? Vous avez je crois écrit quelque part que sa légitimité ne reposait pas sur le fait que le peuple était plus à même pour prendre les bonnes décisions (même réduite à la décision de décider de ses gouvernants), mais sur le fait que les décisions, bonnes ou mauvaises, finissent par peser sur ledit peuple (il est donc intéressé ou incité à ne pas se tromper).]
Je retrouve là l’argument d’un libéral… 😉
Dans mon esprit, ce n’est pas le fait qu’il soit « intéressé » ou « incité à ne pas se tromper » (deux arguments utilitaristes) qui fonde la légitimité du suffrage universel, mais plutôt un principe de liberté : comment pourrais-je être libre, si je suis contraint à subir les conséquences des décisions prises en dehors de moi ? Le raisonnement qui est valable pour les individus l’est aussi au niveau du collectif : ceux qui sont membres de la collectivité sont légitimes à participer aux décisions qui engagent celle-ci.
[Pourtant, ce fondement semble insuffisant, car il existe toutes sortes de personnes qui subissent des décisions (coercitives) sans qu’on y trouve un fondement pour justifier qu’ils leur soient accordés un pouvoir de décision “en dernière instance” (par exemple: les enfants, les malades mentaux, les prisonniers).]
Le fait que quelqu’un soit LEGITIME à prendre une décision le concernant n’implique pas qu’ils soit CAPABLE de le faire. Ainsi, par exemple, un malade est certainement légitime à accepter ou refuser les soins. Mais que dire du malade qui est dans le coma, et n’a donc aucun moyen de faire connaître sa volonté, ou même s’il en a une ? A ce moment, il faut adapter le principe et la réalité. Si le coma est réversible, les médecins sont tenus à faire ce qui, dans leur opinion, préserve au mieux l’intérêt du malade, et cela en consultation avec ceux qui sont censés le mieux le connaître et donc pouvoir imaginer quelle serait sa volonté s’il était en état de l’exprimer. Cela n’implique pas que le malade soit illégitime pour prendre des décisions, seulement qu’il n’a pas la capacité de le faire.
Eh bien, la même chose concerne les enfants ou les malades mentaux : ce n’est pas leur légitimité à prendre des décisions qui est en cause, mais leur capacité de prendre une décision informée au mieux de leurs intérêts. C’est la question du discernement. Pour ce qui concerne les condamnés à certaines peines, le cas est différent. Pour eux, c’est bien leur légitimité à participer à la décision qui est remise en cause. Ayant commis des actes particulièrement graves, ils sont séparés de la collectivité politique, ils ne sont plus membres de celle-ci, avec les droits et privilèges qui y sont attachés, et parmi eux celui de participer aux décisions collectives.
Bonjour et merci pour vos billets que je trouve passionnants.
Une remarque sur les votations fédérales en Suisse. C’est vrai qu’elles ne peuvent proposer que des modifications de la constitution, mais il me semble qu’on peut mettre ce qu’on veut dans la constitution helvétique.
https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20181125/initiative-vaches-a-cornes.html
Je dirais que la distinction entre norme légale et constitutionnelle est hiérarchique et non matérielle. La constitution helvétique n’est pas un texte technique fixant l’organisation des pouvoirs publics comme l’imaginent les constitutionnalistes français.
@ VIO59
[Bonjour et merci pour vos billets que je trouve passionnants.]
Merci à vous, ce genre d’encouragements sont le combustible qui alimente la machine !
[Une remarque sur les votations fédérales en Suisse. C’est vrai qu’elles ne peuvent proposer que des modifications de la constitution, mais il me semble qu’on peut mettre ce qu’on veut dans la constitution helvétique.]
On peut mettre beaucoup de choses, mais pas « ce qu’on veut ». On imagine mal donner par exemple valeur constitutionnelle à une disposition financière.
[Je dirais que la distinction entre norme légale et constitutionnelle est hiérarchique et non matérielle.]
Sur cette question, la doctrine fait une distinction entre ce qui relève du pouvoir constituant, du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire. Pour Kelsen, le père du droit constitutionnel moderne, le pouvoir constituant est « la compétence de la compétence », en d’autres termes, le constituant fixe la répartition des compétences entre les autres organes, et par voie de conséquence les libertés publiques (c’est-à-dire, les domaines dans lesquels les autres pouvoirs ne peuvent intervenir). Mais le texte constitutionnel ne peut inclure des dispositions de nature législative (comme par exemple des mesures budgétaires) ou bien réglementaires (par exemple, l’organisation d’un ministère).
[La constitution helvétique n’est pas un texte technique fixant l’organisation des pouvoirs publics comme l’imaginent les constitutionnalistes français.]
Mais elle respecte assez les principes dégagés par Kelsen.
Bonaparte réduisit l’impuissance du politique et certains blocages sociaux, ce n’était pas un 2 Décembre mais un peu avant dans l’année, son neveu, un 2 Décembre aussi remplaça la légalité par la légitimité, en fait l’inverse de Macron.
@ Gérard Couvert
[son neveu, un 2 Décembre aussi remplaça la légalité par la légitimité, en fait l’inverse de Macron.]
Le second empire est une période souvent boudée par les historiens politiques. Il serait peut-être intéressant d’y revenir à la lumière de la situation actuelle, et notamment de cette opposition entre une démocratie de plus en plus “directe”, “transparente”, “ouverte” mais qui in fine organise l’impuissance du politique, et des projets populistes qui proposent des pouvoirs forts, au prix éventuellement d’une plus grande centralisation et d’une moindre transparence.
Je suis frappé personnellement par l’accent mis, dans le débat sur les institutions, sur les “freins” plutôt que sur les “accélérateurs”. On trouve des dizaines de textes proposant le référendum révocatoire, d’augmenter les pouvoirs de contrôle des citoyens ou des assemblées, de nouvelle sanctions pour l’élu qui s’écarte du droit chemin. On porte aux nues le “référendum d’initiative populaire” qui est en fait une machine à dire “non”, car il est toujours plus facile de recueillir une majorité pour rejeter un projet que pour en proposer un. Le fait le plus révélateur probablement est qu’on trouve des dizaines de réflexions sur l’organisation du pouvoir législative, mais pratiquement aucune sur la manière de réformer le pouvoir exécutif, qui est pourtant celui chargé de la conception et mise en œuvre des politiques…
C’est d’ailleurs un glissement général de la société: les jeunes diplômés plébiscitent les fonctions de contrôle et boudent celles ou il faut “faire”. Une présidente du jury d’entrée à l’ENA avait remarqué que, interrogés sur les fonctions qui les intéresseraient, les candidats étaient pratiquement unanimes pour souhaiter aller vers les corps chargés du contrôle des politiques publiques. Et cette présidente de remarquer qu’avant de contrôler les politiques en question, il fallait bien les faire !
@Descartes
> C’est d’ailleurs un glissement général de la société: les jeunes diplômés plébiscitent les fonctions de contrôle et boudent celles ou il faut “faire”.
N’est-ce pas tout simplement parce que c’est beaucoup plus confortable et sans risque ? Dans l’ambiance actuelle, personne ne vous reprochera, par exemple, d’invoquer le « principe de précaution » à n’importe quel propos : même si vos décisions ont en réalité de lourdes externalités négatives. Vous pourriez même y gagner une médaille de « lanceur d’alerte » décernée par les plus brillants journalistes (comme Élise Lucet).
@ Antoine
[N’est-ce pas tout simplement parce que c’est beaucoup plus confortable et sans risque ?]
Oui et non. Il fut un temps dans ce pays où les belles carrières et les récompenses étaient réservées à ceux qui « faisaient ». Je vais vous raconter une anecdote personnelle : quand j’étais un jeune ingénieur dans mon premier poste, j’avais un patron qui avait la cinquantaine, et qui avait donc été formé dans « le monde d’avant » 1980. La pire critique dans sa bouche envers un collègue c’était « mais lui, qu’est-ce qu’il a construit dans sa vie » ? Pour lui, le prestige et la compétence se jugeait aux œuvres… C’est d’ailleurs à partir des années 1980 que les grands corps techniques de l’Etat (corps des Ponts, des Mines) perdent leur prestige, au profit des corps de contrôle et autres inspections générales…
[Vous pourriez même y gagner une médaille de « lanceur d’alerte » décernée par les plus brillants journalistes (comme Élise Lucet).]
C’est une très bonne illustration. Aujourd’hui, le héros est le « lanceur d’alerte », celui qui trouve un scandale, pas celui qui construit.
Une petite réflexion en passant : avant de proposer des techniques électives ou d’organiser de grands débats sur la démocratie, il ne serait pas inutile de s’interroger sur ce qui entrave l’action publique, une piste : les critères de convergence de Maastricht par ex mais curieusement à ce sujet, il y a moins de bavards.
@ morel
[Une petite réflexion en passant : avant de proposer des techniques électives ou d’organiser de grands débats sur la démocratie, il ne serait pas inutile de s’interroger sur ce qui entrave l’action publique, une piste : les critères de convergence de Maastricht par ex mais curieusement à ce sujet, il y a moins de bavards.]
Il faut bien comprendre que tous ces débats sur les « techniques électives » et autres « référendums d’initiative populaire » ne sont que de la poudre aux yeux. La meilleure preuve en est qu’on retrouve parmi les grands partisans de ces débats les mêmes qui depuis trente ans ont organisé l’impuissance du politique. Qui peut imaginer un seul instant que ces gens-là soient motivés par le désir de voir la volonté du peuple triompher ?
Nous venons d’en avoir un exemple concret concernant l’Europe. A la suite d’une proposition émise par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne (26 septembre 2017) une consultation a eu lieu. En France, les 1 082 consultations citoyennes ont réunis plus de 70 000 participants. Au total, 97 des 101 départements français ont participé aux consultations citoyennes. Voici ce qu’il en ressort (extrait du résumé) :
04 décembre 2018 – Consultations citoyenne sur l’Europe organisée par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) source : cndp debatpublic.fr .
«Les consultations portent une vision peu positive des institutions de l’UE, perçues comme opaques, complexes, rigides et surtout peu démocratiques. (…) Les citoyens se sentent ainsi dépossédés de leur Union politique et perdent confiance en elle, tout comme à l’échelle nationale ils perdent confiance en leurs représentants politiques, qui semblent eux-mêmes avoir une confiance limitée en l’UE.
Toujours est-il que les propositions faites vont toutes dans le sens d’un rapprochement entre citoyens et institutions et d’une démocratie plus forte : participation citoyenne aux décisions, réforme de la Justice, réforme des institutions pour donner plus de poids au Parlement, mieux contrôler la Commission et repenser le rôle du Conseil, etc».
….17 ans plus tôt
15 décembre 2001 – Déclaration de Laeken (Belgique) sur l´avenir de l´Union européenne — source : Bulletin n° 12/2001 de l’Union européenne.
«En résumé, le citoyen demande une approche communautaire claire, transparente, efficace et menée de façon démocratique. (…) L’Union doit devenir plus démocratique, plus transparente et plus efficace. Et elle doit relever trois défis fondamentaux: Comment rapprocher les citoyens, et en premier lieu les jeunes, du projet européen et des institutions européennes? Comment structurer la vie politique et l’espace politique européen dans une Europe élargie? Comment faire de l’Union un facteur de stabilisation et un repère dans le monde nouveau, multipolaire? ».
Rien ne change sur le FOND. Toujours les mêmes aspirations des peuples européens. Toujours la même démarche des Technocrates. A petits pas, à coups de cliquet successifs, l’Union européenne supranationale, fédérale, se met en place !
@ PenArBed
[04 décembre 2018 – Consultations citoyenne sur l’Europe organisée par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) source : cndp debatpublic.fr .]
J’avoue que la lecture du rapport de la CNDP m’a procuré des moments de franche rigolade. Les conclusions de l’exercice étaient tellement téléphonées que j’aurais pu moi-même écrire le rapport avant le débat – ce qui aurait pu économiser de précieux deniers publics. Le plus amusant, est que la CNDP qualifie cet exercice de « expérience inédite de démocratie participative ». Vous pensiez que la démocratie est le régime ou le peuple GOUVERNE ? Vous avez tort, la démocratie est maintenant le régime ou le peuple DEBAT…
Très drôle aussi la conclusion à laquelle arrive la CNDP : « Les citoyens réunis lors de ces consultations, bien que très critiques sur la conduite des politiques publiques, n’envisagent pas la résolution des grands défis mondiaux en dehors du cadre européen ». Cette conclusion est en fait contenue dans l’objectif du débat : « L’enjeu consiste à libérer la parole, sans a priori, pour entendre ce que les citoyens aiment ou n’aiment pas en Europe, ce qu’ils espèrent, ce qu’ils craignent, ce qu’ils proposent ». Il n’était donc pas question de se placer « en dehors du cadre européen » : l’enfermement dans ce cadre était une donnée de départ du débat. La question posée était « comment on fait dans l’UE » et non pas « est-ce qu’il faut une UE ».
L’exercice était biaisé dès le départ. On sait depuis belle lurette que les participants à ce type de débat sont dans leur immense majorité issus des « classes intermédiaires » dont les intérêts sont intimement liés à la construction européenne. Les conclusions de l’exercice reflètent donc ce biais sociologique. Pour ne donner qu’une illustration, le mot « chômage » n’apparaît dans le corps du rapport que trois fois, et toutes les trois dans le chapitre « immigration » pour conditionner les quotas d’accueil au « taux de chômage ». En d’autres termes, la restitution du débat ne fait pas apparaître le chômage comme un problème important auquel l’Europe pourrait s’attaquer… sans commentaire !
« Qui peut imaginer un seul instant que ces gens-là soient motivés par le désir de voir la volonté du peuple triompher ? »
En tous cas, pas les partisans de l’UE. Voir les referendum avec revote obligatoire jusqu’à ce que le résultat soit conforme ou le passage vers une assemblée plus correcte politiquement que le peuple.
Autre exemple récent non évoqué par nos artisans « démocrates » : celui à propos de Notre Dame des Landes…
@ morel
[Autre exemple récent non évoqué par nos artisans « démocrates » : celui à propos de Notre Dame des Landes…]
Tient, c’est là un exemple intéressant qu’on devrait rappeler à certains thuriféraires du “référendum citoyen”…