Jean-Luc Mélenchon et la Realpolitik du PCF

La saga de la “gauche de la gauche” s’est encore enrichie d’un chapitre. On savait que les négociations étaient difficiles entre le PCF, ses alliés du “Front de Gauche”, le NPA et les divers groupuscules “alternatifs” pour arrêter une position commune pour les élections régionales. Dans ce contexte, le PCF semble avoir particulièrement peu apprécié que Jean-Luc Mélenchon ait ramené sa fraise sur FR3 ce week-end pour annoncer qu’il envisageait de se présenter en tête de liste dans la région Ile-de-France. D’où le communiqué mi-vengeur mi-gêné publié lundi (1), mettant bien les points sur les “i”.

Il faut dire que Jean-Luc Mélenchon exagère. Alors qu’il existe des différences qui semblent irréconciliables entre le PCF et le NPA quant à la position à prendre vis-à-vis du PS, Mélenchon avait cru pouvoir résoudre le problème en proposant tout simplement de “faire comme si”, en reportant la discussion jusqu’après le premier tour; ou bien en déguisant les désaccords sous des formulations astucieuses, qui permettent de présenter un refus sous forme d’une acceptation sous conditions – conditions qui bien entendu sont impossibles à remplir. On se souviendra que le “Front de Gauche” avait été construit sur ce type de stratégie, puisqu’on avait décidé d’exclure du programme présenté aux électeurs tous les sujets qui fâchent (nucléaire, souveraineté, etc.). A l’époque, cela avait provoqué la rupture avec le MRC, qui avait défendu – à mon avis à juste titre – l’idée qu’il est inutile d’aller devant les électeurs pour leur parler de généralités en cachant les véritables débats sous le tapis. A l’époque, cela n’avait pas gêné le PCF. Pourquoi exiger la clarté aujourd’hui ?

La réponse est évidente: la candidature européenne du front de gauche était candidature de témoignage, sans aucune chance de partage du pouvoir au Parlement européen. Ce n’est pas le cas dans les élections régionales, où le PCF a de nombreux élus sortants et des positions de pouvoir à préserver. Or, ce sont les élus qui contrôlent le PCF, et non l’inverse. Depuis l’abolition du “centralisme démocratique” – en fait, de toute discipline interne – les élus ont pris le contrôle des affaires. Ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse, puisqu’ils apportent, en reversant leurs indemnités et par le biais du financement public des partis, l’essentiel des ressources financières. Ce sont eux, là encore, qui ont la main sur le robinet des prébendes, des postes et des subventions. Ce sont eux qui ont la visibilité médiatique. Et ce sont eux qui ont bien compris que pour garder leur siège, mieux vaut la sécurité des alliances avec le PS (et quelquefois le centre…) que des aventures avec le NPA et un ramassis d’alternatifs qui souvent ne représentent qu’eux mêmes.

Il faut une grande dose d’ingénuité pour imaginer que dans ces conditions le PCF pourrait s’embarquer dans une remise an cause de ses alliances sur le plan local. Peu importe au fonds la décision qui sera prise par le Comité National du PCF réuni le we prochain. Au final, chaque “notable” local fera comme il lui plaira, allant s’il le faut à des listes communes avec le PS dès le premier tour. On verra même ça et là des “personnalités indépendantes”, au délicat fumet centriste, apparaître sur les listes régionales comme on en a vu lors des dernières municipales. Au niveau national, bien entendu, la direction aura le souci de maintenir les apparences tout en prenant acte de la diversité des alliances au plan local. “Ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs”.

On comprend alors l’inquiétude de Jean-Luc Mélenchon, qui joue son va-tout politique. Le PG est soumis à de fortes tendances gauchistes qui menacent d’en faire un groupuscule de plus. Le positionnement original du PG était de se situer entre le PS et le PCF, entre culture de gouvernement et culture tribunitienne. De plus en plus, il tend au contraire à se placer entre le PCF et le NPA, position difficile qui le conduira tôt ou tard à devoir choisir son camp entre ces deux organisations. On lui souhaite bien du plaisir…

Jean-Luc Mélenchon semble croire que ses rapports personnels privilegiés avec Marie George Buffet garantissent une relation fluide avec le PCF. Il se trompe: Il y a une nouvelle génération d’apparatchiks – les Dionnet, les Bessac, les Laurent, les Dartigolles – pour qui Marie-George, c’est le passé. Et qui préparent dejà l’avenir, ou plutôt leur avenir. Et leur avenir, c’est de se trouver un bon siège d’élu local, une opération dont le succès dépend bien évidement du bon vouloir du PS. Voilà pourquoi tout ce petit monde devient très nerveux lorsqu’il s’agit d’entamer un débat sur les alliances qui pourrait conduire à une remise en cause, aussi symbolique soit-elle, de la traditionnelle “union de la gauche” sur le plan local.

Descartes

(1) Consultable ici. Il faut signaler ici la sur-réaction des émissaires du PCF, les ineffables Brigitte Dionnet et Patrice Bessac: alors que dans son intervention télévisée Jean-Luc Mélenchon présente son éventuelle candidature comme une possibilité en répondant à la question du journaliste, il semble que le PCF ait vu une tentative de lancer une telle candidature. Il est vrai que dans le climat de sauve-qui-peut qui règne au PCF, la réaction peut se comprendre.

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2 réponses à Jean-Luc Mélenchon et la Realpolitik du PCF

  1. “Le PG est soumis à de fortes tendances gauchistes”

    Spéculation….

    • Descartes dit :

      Et bien, pas tout à fait… il n’y a qu’à voir les positions prises par le PG sur un certain nombre de sujets (le nucléaire en est peut-être le meilleur exemple)…

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