Si quelqu’un avait des doutes quant au fait que ce temps est révolu, les débats du Comité national du PCF ce week-end les ont définitivement dissipées. Le PCF est clairement devenu un parti régional, dont les organes nationaux constituent un simple forum de discussion habilité à formuler des voeux ou des invitations aux militants. Les vraies décisions sont prises ailleurs. Vous ne me croyez pas ? Relisons le texte. Laissons de côté tout le charabia “contre tout ce qui est mauvais, pour tout ce qui est bon”, le discours misérabiliste, l’antisarkozysme primaire, et allons au fait:
Le conseil national appelle les communistes à prendre leurs décisions région par région en pleine connaissance de cette offre, en appréciant les possibilités de la conduire dans chacune de leurs régions, en prenant les décisions les plus utiles pour faire avancer les objectifs qu’elle énonce.
Oui, vous avez bien lu. Le Conseil national ne “décide” rien, il ne “demande” rien aux militants communistes. Tout juste, il les appelle à “prendre leurs décisions en pleine connaissance de cette offre”. Rien de plus. C’est à eux “d’apprécier les possibilités de la conduire dans leurs régions”. Il n’y a plus de stratégie nationale, tout juste une suggestion de ce qu’on devrait faire, ou plutôt de ce qu’on pourrait faire. Si on a envie. Avec ce sens aigu de l’innovation inutile acquise pendant la “mutation”, le PCF nous introduit à une nouvelle forme de document politique: “l’offre nationale”. Qui n’est pas tout à fait une déclaration. Qui n’est pas non plus une décision. Qui n’engage personne (pas même ceux qui l’ont voté). Qui pourrait se résumer par “voilà ce que nous pensons qu’il faudrait faire, maintenant, vous faites ce que vous voulez”…
Il faut le constater, le PCF est devenu un parti fédéral. Cela pourrait être fort respectable si c’était l’aboutissement d’une véritable réflexion stratégique. Mais ce n’est pas le cas: le PCF est devenu fédéral parce que les “notables” locaux ont pris le pouvoir. Et la direction nationale est tellement tétanisée par la puissance des forces centrifuges qui menacent de déchirer le PCF qu’elle est prête à faire n’importe quoi pour sauvegarder une unité de façade. Alors que les “notables” ont clairement annoncé leurs ambitions et proposé des alliances plus ou moins “à la carte”, alors qu’on connaît même dans certaines régions leurs projets d’alliance au premier tour avec le PS, la direction nationale fait comme si de rien n’était (2). Comme si la stratégie du “Front de Gauche” pouvait être sauvée à Fabien alors qu’elle est piétinée dans les régions. Pendant que Bessac et Dionnet (c’est vous dire le niveau des conversations…) discutent avec le NPA, le PG et la galaxie alternative à Paris, dans les arrières salles des cafés enfumés de province les “notables” se partagent déjà les postes sur les listes. Comme au bon vieux Parti radical, une fois qu’il a cessé d’être “radical”…
Le PCF est devenu le mariage monstrueux du discours gauchiste et de la pratique notabiliaire. Derrière les grands discours, on retrouve rapidement les “notables” et des permanents qui ne songent qu’à leur survie personnelle et professionnelle. De profundis.
Descartes
(1) Quelque soient les défauts du système électoral en vigueur à l’époque. Il faut croire que la confiance qu’on a dans une institution dépend moins de la manière dont sont désignés ses représentants que de la manière dont ils se comportent. L’élection de Marchais avait beau être moins “démocratique” que celle de Hue ou Buffet (quoique…), les militants se sentaient largement plus écoutés par le premier que par les seconds… et ils n’avaient pas tort.
(2) C’est ce rapport de forces qui explique que “l’offre” en question soit rédigée en termes fort ambigus. Ainsi, on peut lire que:
C’est avec l’ambition à nos yeux incontournable de relever ces défis que le Parti communiste lance un appel à toutes les forces, à toutes les femmes et les hommes de gauche représentatifs des courants politiques progressistes, comme du mouvement syndical, social, associatif, issus de la ruralité comme des grandes zones urbaines et de leurs quartiers populaires, à travailler ensemble pour que puisse s’exprimer dans ces élections de la manière la plus forte et la plus claire possibles la volonté de politiques et de majorités régionales résolument engagées à gauche.
Partout où les conditions peuvent en être créées, où les forces disponibles existent, le Parti communiste propose que ce travail commun débouche, autour d’ objectifs et de projets clairs, sur la constitution de listes de Front de gauche de large rassemblement au 1er tour, qui, à partir mais très au delà des trois forces qui se sont rassemblées à l’élection européenne (Parti communiste, Parti de gauche, Gauche unitaire), permettraient de réunir toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans cette démarche.
Diable! “Toutes les forces (…) de gauche représentatives des courants progressistes” ? Mais cela pourrait parfaitement s’appliquer au PS. N’est il pas “de gauche” ? N’est-il pas “progressiste” ? Suffisamment en tout cas pour qu’on envisage une alliance avec lui au deuxième tour. Mais pourtant, au paragraphe suivant, cette démarche d’union se pose comme objectif “ouvrir un autre choix à gauche que celui porté par le PS ou Europe-Ecologie“. Comme quoi on nage en pleine ambiguïté. Le PS semble suffisamment bon pour qu’on s’allie avec lui au deuxième tour pour assurer “des majorités régionales de gauche“, mais pas assez pour le faire au 1er. Allez comprendre.