Vaclav Havel n’est plus… rien.

Vaclav Havel est mort. On peut s’attendre, de Libération à Le Monde, sans oublier l’Humanité qui fera certainement preuve de ce zèle si caractéristique chez les nouveaux convertis qui ont peur de se voir reprocher quelque tiédeur, aux hommages dithyrambiques que la presse bienpensante réserve généralement à ces “consciences morales” qui ont fleuri si fort pendant la dernière phase de la guerre froide.

 

La tonalité de ces hommages pourrait faire penser que les personnes en question rentrent dans l’histoire. En fait, c’est tout le contraire. Jamais la formule “dernier hommage” n’a été aussi appropriée. Havel, une fois les lampions éteints, sera oublié comme il le mérite. Comment je le sais ? Mais… parce que c’est ce qui est arrivé à tous les “consciences morales” dont on s’est servi pour le combat anticommuniste. Une longue liste de littérateurs dont personne ne lit plus les oeuvres (1), de mathématiciens dont personne ne cite les travaux, de scientifiques dont l’éminente contribution est inconnue des jeunes étudiants. En un mot, des personnalités promues à la dignité de “grands intellectuels de notre temps” parce que cela était utile à un moment donné pour constituer le paravent “moral” des guerriers froids.

 

Tous ces gens n’ont qu’un destin: l’oubli. Ils furent les supplétifs dans une “sale guerre”, dans laquelle les démocraties occidentales ont souvent perdu leur âme en soutenant les régimes les plus corrompus, les dictateurs les plus sanguinaires, les régimes les plus brutaux, et tout cela au nom de la défense des libertés. On comprend qu’on n’ait pas trop envie de s’en souvenir. Pinochet, Marcos, Videla, Somoza n’ont pas été des accidents de l’histoire, pas plus que ne l’ont été le renversement d’Allende ou de Mossadegh. Toutes ces opérations, et bien d’autres, sont le revers de la médaille qui porte sur l’autre face les figures de Havel, Walesa, Solzhenitsin et consorts, et ceux-là même qui aujourd’hui applaudissent au jugement des derniers dirigeants Khmers Rouges oublient que dans les années 1980 ils ont soutenu ces mêmes Khmers Rouges lorsqu’il s’est agi d’empêcher le gouvernement cambodgien qui leur a succédé d’occuper le siège du Cambodge à l’ONU. Au prétexte que ce gouvernement, horresco referens, était soutenu par le Vietnam pro-soviétique.

 

On peut comprendre qu’aujourd’hui on prefère oublier cette époque, et Badiou n’est pas le seul qui préfère jouer les amnésiques en enfouissant sous le tapis les articles passionnés qu’il écrivit pour défendre le régime de Pol Pot (2) lorsque celui-ci fut renversé par les vietnamiens. Personne ne tient à expliquer à ses enfants qu’il a été complice – ne serait-ce que par la pensée – de la mort ou de la torture de milliers de personnes. On préfère tirer un trait sur cette époque et passer à la suite, de la même manière qu’on a effacé des mémoires les “héros” de la guerre d’Indochine. Les héros des “sales guerres”  en général n’ont pour récompense que l’oubli.

 

Mais des morts on ne dit que du bien. Ppersonne n’aura donc l’outrecuidance de rappeler combien les “consciences morales” se sont revelées incompétentes lorsqu’il s’est agi d’exercer le pouvoir. Personne n’ira creuser l’histoire de la scission de la Tchecoslovaquie. Et personne ne s’ingerrogera sur ce que les “consciences morales” pensaient de l’oeuvre d’un Franco, d’un Pinochet ou d’un Somoza. Pourtant, dans ses écrits et ses discours, Havel a eu amplement le temps de s’exprimer sur la question, lui qui a tant écrit sur la liberté… Mais force est de constater que lorsqu’il s’est agi de critiquer les dictateurs “amis”, la “conscience morale” est restée muette.

 

Descartes

 

 

(1) Connaissez vous une seule oeuvre littéraire de Vaclav Havel ? Seriez-vous en mesure de citer ne serait-ce qu’un seul titre ?

 

(2) “Kampuchéa vaincra”, Le Monde, 17/1/79 (consultable ici). A ma connaissance, l’auteur n’a jamais renié les propos qu’il tient dans cet article.

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14 réponses à Vaclav Havel n’est plus… rien.

  1. Bannette dit :

    Ah merci de ce rappel, car en apprenant sa mort, je m’étais jurée de n’acheter aucun quotidien pendant 15 jours de peur de tomber sur les louanges de cet homme très surestimé, idiot très utile du
    système de l’américanisme.

    Bien vu le fait que cet individu a été incapable de diriger ou d’avoir la carrure d’un vrai homme d’état (défaut partagé par d’autres prix nobels de la paix gnangnan).

    Je préfère une personnalité comme Gorbatchev qui n’a pas de “réussite” selon les normes du système médiatique, mais qui à mon sens, a un poids considérable dans l’histoire de la fin du
    XXième siècle :

    – Tout d’abord il est LE principal artisan/bourreau du système soviétique par la glasnost et la perestroîka ; la réécriture de l’histoire occidentalo-centrée qui veut que ce soient les
    pressions militaires US qui aient vaincu l’URSS, là où celle-ci s’est auto-dissoute, ont volontairement occulté son action personnelle ; il voulait réformer le système, il en fut le bourreau
    (involontaire, mais peu importe, ce sont les actes qui comptent) ; La réécriture de l’histoire n’a servi qu’a justifier le surarmement excessif et délirant côté US. Gorbatchev a
    senti que le système était finissant et a assumé ses actes. La responsabilité en politique, dont tu as parlé, la haute intuition face aux grands courants de l’Histoire, toutes ces qualités d’un
    vrai Homme d’Etat, moi je les retrouve chez Gorbatchev (et aucun dirigeant européen ou américain).

    – Il a eu une influence décisive dans la lutte contre les armes nucléaires (a-t-on oublié la peur réelle de guerre nucléaire encore en vigueur dans les années 1980 ?), oeuvrant
    patiemment avec son ministre des affaires étrangères Chevarnaze pour faire entendre raison à Bush Sr ; de plus, il a retiré ses troupes d’Afghanistan (encore une fois, quand on compare avec les
    USA post-2000, et sa lucidité à lui…). Il a totalement mérité le prix nobel de la Paix : pas un prix gnangnan donné à une Dame immaculée pour faire plaisir aux féministes et aux lectrices de
    ELLE, mais un travail de dure labeur diplomatique dans le sens noble du terme ;

    – En étant l’instrument de l’Histoire contre le système soviétique (je différencie bien ce système de l’idéal communiste), Gorbatchev nous a “privé d’un ennemi” (comme l’a dit un de ses hommes
    plein d’esprit), et nous a montré le vrai visage des américains. En laissant la place au “vainqueur” ivre de sa victoire volée à Gorby, il a acceléré l’Histoire, qui par une ironie
    cinglante, a précipité le système américaniste déchainé dans une crise financière, militaire, sociale, terrible.

    Quel homme, et tout ça en seulement 6 ans (une paille dans l’histoire de l’Humanité) d’exercice du pouvoir suprème !

    Bon, je peux paraître excessivement enthousiaste sur Gorbatchev, mais je trouve qu’il a une place particulière, et qu’il a fait montre de grandeur en prenant des décisions très difficiles, en
    n’étant pas obsédé par le qu’en dira-t-on (des commentateurs qui en général le considère comme un “perdant”, de ses proches, de ses partisans), mais parce que c’est qui devait être fait selon l’Histoire.

    Son bilan très ambigu, et son influence indirecte sur nous-mêmes (enfants du système occidentaliste-américanistes), l’ironie de l’histoire, m’impressionnent. Qu’est-ce que Vaclav a accompli à
    côté, hein ? Qu’est-il dans l’Histoire ? Et tous les gentils prix nobels médiatiques ?

    • Descartes dit :

      Je préfère une personnalité comme Gorbatchev qui n’a pas de “réussite” selon les normes du système médiatique, mais qui à mon sens, a un poids considérable dans l’histoire de la fin du
      XXième siècle :

      Bof, encore un loser… il me fait furieusement penser à Robert Hue. Un apparatchik qui a avant tout cherché à sauver sa place à n’importe quel prix, y compris le sacrifice de ses amis et de ses
      alliés.

      il voulait réformer le système, il en fut le bourreau (involontaire, mais peu importe, ce sont les actes qui comptent)

      Non, ce sont aussi les intentions qui comptent. Le fait de laisser tomber par accident un pot de fleurs sur un soldat allemand ne fait pas un résistant.

      Gorbatchev a senti que le système était finissant et a assumé ses actes.

      Gorbatchev a surtout senti que le pouvoir risquait de lui échapper, et il a pensé qu’en étant gentil avec Reagan et Thatcher – par exemple en leur cédant l’influence sur l’Europe de l’Est – il
      pourrait compter sur leur appui pour rester au pouvoir.

      La responsabilité en politique, dont tu as parlé, la haute intuition face aux grands courants de l’Histoire, toutes ces qualités d’un vrai Homme d’Etat,

      Je ne vois pas où est la “responsabilité” de Gorbatchev. A ma connaissance, il n’a jamais pris aucune, blâmant son échec sur les autres. Quant à la “haute intuition”, il n’y a aucun mérite à
      suivre le courant.

      Il a totalement mérité le prix nobel de la Paix

      Totalement. Après tout, on l’avait bien donné à Kissinger, alors pourquoi pas Gorbatchev ?

      – En étant l’instrument de l’Histoire contre le système soviétique (je différencie bien ce système de l’idéal communiste), Gorbatchev nous a “privé d’un ennemi” (comme l’a dit un de ses
      hommes plein d’esprit), et nous a montré le vrai visage des américains.

      J’imagine que le peuple russe, qui a perdu de ce fait le peu qu’il avait (dix ans d’espérance de vie depuis la chute du mur, rien que ça…) seront ravis de savoir que leur sacrifice aura servi à
      “montrer le vrai visage des américains”. Excuse moi, mais tu dis n’importe quoi. Un gouvernant n’a aucun mérite à être “l’instrument de l’Histoire”. Ce qui différentie les politiciens des hommes
      d’Etat, c’est que les premiers sont des “instruments de l’Histoire”, et les seconds la font.

      Bon, je peux paraître excessivement enthousiaste sur Gorbatchev,

      Tout à fait excessif, en effet.

      mais je trouve qu’il a une place particulière, et qu’il a fait montre de grandeur en prenant des décisions très difficiles

      Je ne vois pas lesquelles. A chaque pas, au contraire, il a suivi la ligne de moindre résistance. Capituler est toujours la solution la plus facile. Et l’histoire du gouvernement Gorbatchev est
      une longue suite de capitulations: devant les américains, devant les allemands, devant Eltsine…pourrais-tu donner un exemple, un seul, où il ait dit “non” ?

      Son bilan très ambigu, et son influence indirecte sur nous-mêmes (enfants du système occidentaliste-américanistes), l’ironie de l’histoire, m’impressionnent.

      Sans doute. Mais pas autant que Hitler ou Reagan.

       

       

       

       

  2. Inquiet dit :

    Encore bravo Descartes pour ton blog. Ca tombe sur ce billet, ça aurait pu tomber sur un autre (vu que je ne connais guère l’oeuvre du monsieur). Merci et continue.

  3. argeles39 dit :

    Dans les éléments à charge tu aurais pu aussi ajouter son soutien “sans réserves” à BUSH Junior au moment de l’invasion d’IRAK en 2003.

    Mais je te trouve quand même très sévère, eu égard à la répression qu’il a subit en luttant, avec beaucoup de panache, pour ses idées et contre un soit disant communisme très stalinien.

    • Descartes dit :

      Mais je te trouve quand même très sévère, eu égard à la répression qu’il a subit en luttant, avec beaucoup de panache, pour ses idées et contre un soit disant communisme très
      stalinien.

      En fait, il n’a pas “subi” grande chose, si l’on compare avec les “dissidents” chiliens, argentins, salvadoriens, indonésiens, congolais ou sud-africains qui ont eux été “disparus”, emprisonnés
      pendant des décennies, torturés et assassinés en grand nombre. En quoi consiste la “répression” subie par Havel ? Cinq ans de prison, c’est tout. 

      Mais à supposer même qu’il ait “subi la repression”, en quoi cela justifierait son silence sur Pinochet ou son soutien de l’invasion de l’Irak ? Staline a subi lui aussi la répression de la
      police politique tsariste. Faut-il lui accorder de ce fait des circonstances atténuantes ? J’ai beaucoup d’admiration pour un Manouchian qui, bien plus “reprimé” que Havel, a pu déclarer sur le
      lieu de son exécution “je meurs sans rancune pour le peuple allemand”. Je ne vois pas pourquoi on devrait admirer un homme qui n’a pas trouvé un mot pour condamner Pinochet au prétexte qu’il
      avait été “réprimé”.

       

  4. morel dit :

    Bof ! 5 ans de prison ce n’est rien…surtout que le grave déli commit par le Haval d’alors n’était que d’opinion. Seriez vous nostalgique des procès de Prague ? Qui ne sauraient excuser, bien
    entendu, les dictatures de l’ouest.

     

    • Descartes dit :

      Bof ! 5 ans de prison ce n’est rien…

      En tout cas, c’est beaucoup moins traumatisant que les vingt sept années de prison de Nelson Mandela. Et pourtant Mandela ne semble pas avoir ressenti le besoin de soutenir des dictateurs
      sanguinaires ou l’invasion et la destruction d’un pays. 

      surtout que le grave déli commit par le Haval d’alors n’était que d’opinion

      Pas vraiment: Havel avait une action politique. S’il s’était contenté d’avoir des opinions, pourquoi lui rendre hommage aujourd’hui ? Mais peu importe: ce qui était en discussion ici
      n’est pas de savoir si Havel méritait ou non d’aller en prison, mais si son passage en prison pouvait être considéré comme une circonstance attenuante à son silence concernant les dictatures “de
      droite” et son appui à l’invasion de l’Irak. Mon opinion est que non.

      Seriez vous nostalgique des procès de Prague ?

      Pas particulièrement. Et j’ai du mal à saisir le rapport: lors des Procès de Prague, en 1952, Havel avait seize ans (il est né en 1936). Son rapport avec le procès en question est donc assez
      lointain. Il faudrait arrêter ce terrorisme intellectuel qui consiste à jeter à la figure des gens les “Procès de Prague” ou les “Procès de Moscou” dès qu’on se permet de critiquer les “vaches
      sacrées” dissidentes. Pour les besoins de la “guerre froide”, on a élevé au rang de “grands écrivains” des littérateurs au mieux médiocres et on a transformé des dictateurs sanguinaires ou de
      terroristes en “combattants de la liberté”. Il serait temps de revenir sur cette époque avec un oeil un peu plus critique.

      Qui ne sauraient excuser, bien entendu, les dictatures de l’ouest.

      Une position que les Havel et les Soljenitsin, qui ont beaucoup “excusé”, ne partageaient pas. Le rappeller ferait-il de moi un “nostalgique des procès de Prague” ?

       

  5. Paul Zwilling dit :

    Je t’envoie un commentaire hors sujet, plutôt une question, et te laisse le soin de le caser où tu veux, voire de ne pas le publier.

    Je m’interroge sur ce que veut Chevenement, et jusqu’où il te semble prêt à aller. Ce qu’il souligne dans le debat – voire l’absence de debat – me semble primordial.

    Faire bouger les lignes en reintroduisant d’autres clivages que le clivage droite gauche devrait amener à un renversement des alliances. Avec qui, certes? NDA qui plafonne à 1%, Montebourg qui
    soutient sagement le candidat issu des primaires, Melenchon qui reconnait récemment la pertinence des positions du che mais qui n’en reste pas moins sur un positionnement gauchisant? Il est vrai
    que tant qu’on en est là, ce n’est pas dynamique.

    Le Che se contentera-t’il de s’aligner sur un Hollande qui semble pour l’instant se positionner a minima, même s’il se distancie de l’accord PS-ecolos?

    Peut-on espérer d’un changement de la donne venant de l’éclatement de la crise de l’euro dès le début de l’année?

    Penses-tu que sa proposition de referrendum sur le traité Merkel- Sarkozy puisse figurer dans le débat national? comment peut-il être relayé? La constitution l’impose-t’il?

    Je sais, çà fait pas mal de questions… Cependant, cette candidature de chevenement m’amène à me demander si il est utile de me mobiliser dans le cadre de cette campagne. Si elle est pertinente?

    • Descartes dit :

      Je m’interroge sur ce que veut Chevenement, et jusqu’où il te semble prêt à aller.

      Ce que veut Chèvenement en termes de politique est assez clair lorsqu’on lit ses livres. Mais j’imagine que ta question s’adresse plutôt à sa tactique. Et sur ce point, je ne peux pas apporter
      grande chose. Je pense que Chèvenement se rend bien compte que sa position est minoritaire, et que cela lui interdit pratiquement l’accès au véritable pouvoir. A mon avis, il cherche plutôt à
      exercer une influence sur un éventuel gouvernement de gauche, à travers la “boîte à idées” (c’est plus joli que “think tank”…) qu’est la fondation Res Publica et peut-être en participant à un
      futur gouvernement socialiste.

      Faire bouger les lignes en reintroduisant d’autres clivages que le clivage droite gauche devrait amener à un renversement des alliances.

      C’est très difficile en France du moins dans un contexte électoral. C’était dejà difficile lorsque la politique affaire de raison, et c’est devenu encore pire depuis que la politique est devenue
      affaire d’émotion.

      Peut-on espérer d’un changement de la donne venant de l’éclatement de la crise de l’euro dès le début de l’année?

      Peut-être. L’histoire montre qu’en France les jacobins n’accèdent véritablement au pouvoir qu’en période de crise. Robespierre ne serait peut-être pas arrivé au pouvoir sans l’urgence de “la
      patrie en danger”. Sans la guerre, De Gaulle serait resté un colonel intelligent jalousé et détesté par ses pairs. Sans la guerre d’Algérie, il ne serait jamais revenu au pouvoir. Mais je crains
      que Chèvenement ne soit un peu vieux pour commencer une carrière de sauveur de la patrie.

      Penses-tu que sa proposition de referrendum sur le traité Merkel- Sarkozy puisse figurer dans le débat national? comment peut-il être relayé? La constitution l’impose-t’il?

      Difficile de répondre à ta question sans avoir le texte du traité… et à mon avis on n’est pas près de l’avoir. En tout cas, la constitution n’impose nullement le référendum pour quelque chose
      que ce soit. C’est un choix éminement politique.

      Je sais, çà fait pas mal de questions… Cependant, cette candidature de chevenement m’amène à me demander si il est utile de me mobiliser dans le cadre de cette campagne. Si elle est
      pertinente?

      A mon avis, oui. Et personnellement, si Chèvenement est candidat, je me mobiliserai pour lui. Ne serait-ce que parce que c’est une rare occasion de faire circuler des idées qui me paraissent
      fondamentalement justes. Si cela permet de gagner à ces idées ne serait-ce que quelques centaines de citoyens, c’est toujours quelque chose de gagné.

  6. Alain Briens dit :

    Déception à la lecture de cet article, aussi amphigourique sur la forme que peu argumenté sur le fond, sinon avec des assertions d’une mauvaise foi risible. La première question qui vient à
    l’esprit est “pourquoi tant de haine ?”. Y-a-t-il une raison à tant de vindicte envers un homme dont le bilan est certes discutable, mais tout de même largement positif pour peu que l’on soit un
    brin honnête.

    Quelle est la raison de cette aigreur ? L’auteur aurait il cédé un jour, comme tant d’autres donneurs de leçons d’aujourd’hui, aux sirènes d’un système discrédité avec lequel Havel, justement, ne
    s’est jamais compromis, ce qui laisserait supposer que cette agression est le fruit d’une mauvaise conscience ? On dirait qu’il charge Havel des péchés de Badiou (ou de J. Daniel, ou de
    Lacouture, ou de 1000 autres intellectuels) alors que précisémment, Havel ne s’est jamais compromis et n’a jamais varié dans son attitude de refus et de résistance.

     

    Toujours est il que les arguments laissent songeurs. Havel vivait en Tchécoslovaquie. Il aurait pu, à moindre frais, se dresser contre Pinochet, Franco ou Salazar. Il n’aurait pas risqué
    grand-chose, cela aurait même certainement aidé à son avancement. Il a choisi de se dresser contre le système qui opprimait son pays : le communisme. Etrange que cela lui soit
    reproché…Soljenitsyne était-il, de son goulag, le mieux placé pour s’opposer au renversement de Mossadegh par la CIA ? Aung San Suu Kyi devrait elle prendre la tête de la croisade contre Assad,
    Kabila ou Kim-Jong-Un ? L’auteur considère t-il qu’il est plus courageux de contester un dictateur quand on est hors d’atteinte des représailles ?

    Havel n’était pas le “supplétif” de quiconque mais un citoyen tchécoslovaque vivant dans un pays opprimé qui s’est dressé courageusement, sur place, contre l’oppression. Dans tout l’article,
    l’auteur semble regretter qu’il n’ait fait “que” 5 ans de prison et, dans un parallèle amusant avec la concurrence victimaire, juge de la qualité de l’action d’un homme en fonction de la férocité
    de la répression qui s’est abattue sur lui…ce qui serait largement suffisant pour discréditer l’action d’un Charles de Gaulle…ou porterait au pinacle l’Ayatollah Khomeiny, torturé sous le
    régime du Shah.

    “Connaissez vous une seule oeuvre littéraire de Vaclav Havel ? Seriez-vous en mesure de citer ne serait-ce qu’un seul titre ?” Argument plus que faiblard…Havel est un dramaturge tchèque
    contemporain…qui connait “ne serait-ce qu’un seul” dramaturge tchèque contemporain ? Ou letton ? Ou birman ? Ou coréen ? Apparemment, Havel est connu, apprécié et joué dans son pays…déjà pas
    si mal. L’auteur ne voit même pas qu’il achève de discréditer ses assertions en vouant aux mêmes gémonies Soljenistsyne dont la gloire littéraire reste immense après sa mort. Suivre la même
    logique devrait pourtant conduire à porter aux nues le Zek.

    On peut juger sévèrement le bilan d’Havel à la tête de l’état tchécoslovaque…pour ma part, je porterais plutôt la scission à son crédit…permettre aux peuples qui n’ont plus envie (ou qui
    n’ont jamais eu envie) de vivre ensemble de divorcer, sans effusion de sang, me parait louable. L’auteur regrette t-il l’Autriche-Hongrie, l’empire Ottoman, l’URSS ? Une petite nostalgie pour
    l’Anschluss ?

    Bon enfin voilà, c’est souvent bien, mais alors là c’est non !

     

     

    • Descartes dit :

      Déception à la lecture de cet article, aussi amphigourique sur la forme que peu argumenté sur le fond, sinon avec des assertions d’une mauvaise foi risible.

      Oh… j’attire votre attention sur le fait que vous affirmez que mes “assertions sont d’une mauvaise foi risible” sans donner le moindre argument. C’est pourquoi lorsque vous qualifiez mon
      article de “peu argumenté”, je ne peux que sourire…

      La première question qui vient à l’esprit est “pourquoi tant de haine ?”.

      Haine ? Au contraire: pourquoi irais-je hair un médiocre qui ne fut que l’instrument de forces bien plus puissantes que lui ? Je pourrais hair peut-être Thatcher ou Regan… mais Havel ?

      Y-a-t-il une raison à tant de vindicte envers un homme dont le bilan est certes discutable, mais tout de même largement positif pour peu que l’on soit un brin honnête.

      En général, lorsqu’on a recours aux commentaires du genre “vous serez d’accord avec moi si vous êtes un brin honnête”, c’est qu’on n’a pas d’argument sérieux à faire valoir. Je ne vois pas en
      quoi le “bilan” de Havel serait “positif”. Après tout, il n’a pas fait grande chose.

      L’auteur aurait il cédé un jour, comme tant d’autres donneurs de leçons d’aujourd’hui, aux sirènes d’un système discrédité avec lequel Havel, justement, ne s’est jamais compromis,

      Je vois… après le gambit du “si vous êtes un brin honnête vous serez d’accord avec moi”, on arrive à la technique de la suspicion…

      Non, je ne me suis jamais “compromis” ni avec le “système discrédité” avec lequel Havel ne s’est pas compromis, ni avec le “système discrédité” avec lequel il s’est compromis. Vous semblez
      pardonner facilement les amitiés réactionnaires de Havel…

      On dirait qu’il charge Havel des péchés de Badiou (ou de J. Daniel, ou de Lacouture, ou de 1000 autres intellectuels) alors que précisémment, Havel ne s’est jamais compromis

      Vraiment ? Vous trouvez que applaudir Bush et l’intervention en Irak n’est pas un “compromis” ? Je pense que votre adoration pour Havel vous égare…

      Havel vivait en Tchécoslovaquie. Il aurait pu, à moindre frais, se dresser contre Pinochet, Franco ou Salazar. Il n’aurait pas risqué grand-chose, cela aurait même certainement aidé à son
      avancement.

      Certainement pas… en se dressant contre Pinochet, Franco ou Salazar, il aurait peut être réussi à être bien vu du Parti, mais certainement pas au point d’être président de la Tchecoslovaquie.
      En les épargnant, il l’a été…

      Je trouve curieux votre raisonnement. Si je comprends bien, nous devons admirer l’homme qui, pour contredire l’affreux régime communiste, sympathisa avec Franco, Salazar ou Pinochet.

      Il a choisi de se dresser contre le système qui opprimait son pays : le communisme.

      “The worst treason is to do the right thing for the wrong reason” (Bacon) (“la pire trahison est de faire une bonne chose pour une mauvaise raison”).

      Etrange que cela lui soit reproché…Soljenitsyne était-il, de son goulag, le mieux placé pour s’opposer au renversement de Mossadegh par la CIA ?

      Peut-être pas. Mais rien ne l’obligeait, une fois sorti de son Goulag, de faire l’éloge de Pinochet. Et pourtant il l’a fait. Ce qui rend légitimes des questions quant aux raisons pour lesquelles
      il s’est “dressé contre le communisme” et sur son image de “combattant de la liberté”. C’est d’ailleurs le problème que j’ai voulu traiter dans mon article: la plupart des dissidents furent des
      médiocres dont les motivations étaient loin d’être toujours kosher, et auxquels une intellectualité complaisante et disposant de tous les moyens mis à sa disposition par les “guerriers froids”
      ont bâti une image de “combattants de la liberté” et de génie qui ne correspond en rien à la réalité.

      Aung San Suu Kyi devrait elle prendre la tête de la croisade contre Assad, Kabila ou Kim-Jong-Un ?

      J’ignorais que Aung San Suu Kyi était présidente de la Birmanie…

      Havel n’était pas le “supplétif” de quiconque mais un citoyen tchécoslovaque vivant dans un pays opprimé qui s’est dressé courageusement, sur place, contre l’oppression.

      Pas de musique de violons ? Quel dommage… ça aide toujours à créer l’ambiance lorsqu’on raconte un conte de fées…

      Dans tout l’article, l’auteur semble regretter qu’il n’ait fait “que” 5 ans de prison et, dans un parallèle amusant avec la concurrence victimaire, juge de la qualité de l’action d’un homme
      en fonction de la férocité de la répression qui s’est abattue sur lui…

      Dans tout l’article, l’auteur ne mentionne pas une seule fois le fait que Havel ai fait de la prison. Vous devriez lire avec attention avant d’écrire n’importe quoi.

      Si j’ai fait référence aux années passées par Havel en prison, ce n’est pas dans l’article, mais en réponse à un commentaire et seulement pour faire remarquer qu’il est difficile de considérer
      comme circonstance attenuante pour son soutien à Bush lors de la guerre d’Irak le fait qu’il ait été victime de la représsion dans sa jeunesse. Je faisais simplement remarquer que d’autres
      figures ont été bien plus sevèrement reprimées, et qu’elles ont su conserver toute leur humanité.

      “Connaissez vous une seule oeuvre littéraire de Vaclav Havel ? Seriez-vous en mesure de citer ne serait-ce qu’un seul titre ?” Argument plus que faiblard…Havel est un dramaturge tchèque
      contemporain…qui connait “ne serait-ce qu’un seul” dramaturge tchèque contemporain ?

      Personnellement, j’aime la littérature tchèque, et je connais pas mal d’auteurs: Jaroslav Jacek (“le brave soldat Schveik”, personnage qui a été repris par Brecht), Karel Kapec (“la guerre des
      salamandres”), Julius Fucik (“Reportage au pied de la potence”, écrivain communiste, résistant, fusillé par les nazis) et bien sur Franz Kafka. Si Havel était un sommet de la littérature
      mondiale, comme l’est Kafka, alors il est étonnant que personne ne soit capable (sans regarder wikipédia, je veux dire) de citer l’une de ses oeuvres ou l’un de ses personnages…

      Apparemment, Havel est connu, apprécié et joué dans son pays…déjà pas si mal.

      Qu’en savez vous ?

      L’auteur ne voit même pas qu’il achève de discréditer ses assertions en vouant aux mêmes gémonies Soljenistsyne dont la gloire littéraire reste immense après sa mort.

      Je n’ai pas voué Soljenitsyne “aux mêmes gémonies”. Je l’ai voué à des gémonies légèrement différentes. Contrairement à Havel, Sojenitsyne fut un grand écrivain de fiction dans sa jeunesse. “Le
      chêne et le veau”, “Un jour dans la vie d’Ivan Denissovitch” sont des sommets de la littérature. Vous apportez ici d’ailleurs la réfutation à votre propre argument sur la dimension littéraire
      d’Havel. Comment se fait-il qu’on connaisse les titres de l’oeuvre de Soljenitsyne, alors qu’on est incapable de citer un seul titre de Havel ?

      Par ailleurs, vous n’êtes certainement pas sans savoir que Soljenistyne a fait l’éloge du général Pinochet… mais j’oublie que le rappeller pourrait sérieusement “achever de discréditer mes
      assertions”, n’est ce pas ?

      On peut juger sévèrement le bilan d’Havel à la tête de l’état tchécoslovaque…pour ma part, je porterais plutôt la scission à son crédit…

      Dites, cet homme admirable et parfait, a-t-il dans sa vie commis une seule erreur, fait une seule chose qu’on puisse lui reprocher ?

      Votre discours montre bien comment on a construit Havel en icône: il est un saint, et par conséquence il ne peut faire le mal. Tous ses gestes sont interprétés sous le jour le plus favorable.
      S’il n’a pas su maintenir son pays uni, cela prouve que c’est un grand homme. S’il embrasse Bush sur la joue, cela prouve qu’il est un combattant de la liberté. Et ainsi de suite.

      Une petite nostalgie pour l’Anschluss ?

      Lorsqu’on est à court d’arguments, le point Goodwin n’est jamais très loin…

  7. VDanjou dit :

    J’ai quelques remarques à apporter à l’article.
    J’avoue ne pas avoir lu Havel. Mais ne pas connaître un auteur et son oeuvre en fait-il un mauvais écrivain ? De fait, malheureusement, qui connaît de nos jours Jaroslav Hašek ou Bohumil Hrabal en France ? Pourtant, ce sont d’excellents écrivains tchèques, comme vous le remarquez vous-mêmes pour le premier.
    D’autre part, je ne partage pas l’argument selon lequel ne rien avoir dit sur Pinochet ou Franco aurait été à mettre à son discrédit. Il avait me semble-t-il d’autres chats à fouetter, comme signer la Charte 77 (qu’il n’a d’ailleurs pas été le seul à signer : nombreux ont été les philosophes, les dramaturges et romanciers tchèques, inconnus en “Occident” à y apposer leur signature)… Quant à la guerre en Irak et le soutien que lui a apporté Havel, ce fut effectivement une erreur que l’ensemble des dirigeants des pays d’Europe centrale et orientale ont commise et qui s’explique sans doute par l’alliance traditionnelle post-1991 entre les pays de l’ancien bloc de l’Est et les Etats-Unis d’Amérique (ce qui n’est en rien excusable mais… compréhensible).
    En outre, le fait d’accuser Soljenitsyne d’avoir joué les “héros de la liberté” me paraît être une contre-vérité. Tel fut en effet le cas pour ses thuriféraires “occidentaux” mais aucunement pour lui-même. Celui-ci, emprisonné dans un camp du Goulag, a en effet développé une pensée que l’on pourrait qualifier de “réactionnaire” (terme nullement péjoratif à mes yeux, mais je peux comprendre que cela soit le cas pour vous), pensée proclamée haut et fort durant son séjour dans le Vermont et après son retour dans la Russie poutinienne. Il faut, pour cela, lire son magistral discours prononcé à Harvard en 1978, publié aux Belles Lettres il y a peu sous le titre “Le déclin du courage”, où il met dos à dos l’Occident décadent et l’Union soviétique “totalitaire” (je mets des guillemets car je sais que vous ne partagez pas cette thèse). Mais liberté et réaction ne me paraissent pas toujours antinomiques. Tout est une question de définition et de contexte historique.
    Je note, enfin, qu’il n’est nullement question dans l’article, du bien-fondé de leur “dissidence”… Et, j’ajouterai l’oubli de grands noms, préjudiciable, à l’instar de Milan Kundera, que l’on peut difficilement qualifier d’écrivain médiocre… Il est également à noter que tous ne coururent pas sur les plateaux de télévision, dans la mesure où ils furent exécutés par le pouvoir communiste ou torturés jusqu’à ce que mort s’ensuive (Vassili Grossman, Varlam Chalamov, Iouri Dombrovski et bien sûr, Jan Patočka). Est en effet habituellement désigné comme dissident un personnage construit médiatiquement en “Occident” pour décrédibiliser les puissances communistes. Or, si l’on prend son véritable sens, les personnages cités précédemment, bien souvent inconnus ou peu lus, en sont la quintessence et donnent une noblesse à un mot galvaudé par BHL et consorts.

    • Descartes dit :

      @ VDanjou

      [J’ai quelques remarques à apporter à l’article.]

      Les remarques sont ici toujours les bienvenues…

      [J’avoue ne pas avoir lu Havel. Mais ne pas connaître un auteur et son oeuvre en fait-il un mauvais écrivain ?]

      Je ne crois pas avoir écrit que c’était un mauvais écrivain. La question posée dans mon papier n’est d’ailleurs pas celle-là. Le fait est que personne aujourd’hui ne le lit, que ses pièces ne sont pas montées. Ce qui est tout de même étrange pour quelqu’un qui, il y a vingt on trente ans, était présenté comme le Shakespeare tchèque. Et comme je le signalais par ailleurs, il n’est pas le seul à connaître cette mésaventure : des dizaines d’écrivains, de scientifiques, de philosophes présentés comme des « grands intellectuels » dont la contribution éminente à l’histoire de leur discipline était mise en avant sont tombés dans l’oubli complet dès que l’effondrement de l’URSS les a rendus inutiles. J’ajoute que cela ne concerne pas que les dissidents « de l’est ». Cela concerne aussi les dissidents « de l’ouest », ceux qui après en avoir été membres crachaient sur les partis communistes occidentaux : les Kriegel, les Robrieux… qui se souvient d’eux aujourd’hui ?

      [De fait, malheureusement, qui connaît de nos jours Jaroslav Hašek ou Bohumil Hrabal en France ?]

      Jaroslav Hasek est régulièrement publié en France (les dernières éditions datent de 2010), et il a créé un prototype, celui du bon soldat Chvéik, bien connu en particulier à travers de Brecht. Même chose pour Hrabal, qui continue à être édité. Par contre, si vous cherchez l’œuvre littéraire de Havel – pas ses écrits politiques – vous ne retrouverez guère de réédition après la fin des années 1990…

      [D’autre part, je ne partage pas l’argument selon lequel ne rien avoir dit sur Pinochet ou Franco aurait été à mettre à son discrédit. Il avait me semble-t-il d’autres chats à fouetter, comme signer la Charte 77 (qu’il n’a d’ailleurs pas été le seul à signer : nombreux ont été les philosophes, les dramaturges et romanciers tchèques, inconnus en “Occident” à y apposer leur signature)…]

      J’ignorais que signer la Charte 77 fut un travail à plein temps… Comment expliquer son silence après avoir fini de signer, silence qui s’est prolongé bien après la chute du mur, et jusqu’à son décès ? Etonnant quand même, qu’un homme si attaché à la défense des droits de l’homme n’ait pas trouvé du temps dans sa retraite pour aborder la question des régimes dictatoriaux mis en place et soutenus jusqu’au bout par l’ensemble du camp occidental, non ?

      La question pour moi n’est pas de mettre la chose au crédit ou au discrédit de Havel. La question est de comprendre comment on a pu nous faire passer pour défenseurs des droits de l’homme des gens qui en fait ne défendaient que les droits de certains hommes, alors que ceux d’autres hommes étaient sacrifiés à leur combat. Les années 1980 ont produit en masse ce genre de pompeux cornichons donnant des leçons de « liberté » et de « tolérance » au monde entier – leçons relayées complaisamment par les médias aux ordres – mais tournant le dos à ces Pinochets et ces Somozas qu’on ne saurait voir mais qui étaient finalement bien utiles à la « cause ».

      [Quant à la guerre en Irak et le soutien que lui a apporté Havel, ce fut effectivement une erreur que l’ensemble des dirigeants des pays d’Europe centrale et orientale ont commise et qui s’explique sans doute par l’alliance traditionnelle post-1991 entre les pays de l’ancien bloc de l’Est et les Etats-Unis d’Amérique (ce qui n’est en rien excusable mais… compréhensible).]

      Il n’y eut là aucune « erreur ». Les Havel, comme autres dirigeants d’Europe orientale, savaient parfaitement qui les avait faits rois, et qui avait le pouvoir de les défaire. Qu’est ce que vous croyez, que l’aide et le soutien fourni pendant les années de guerre froide l’a été gratuitement ? Bien sur que non : notez bien qu’aucune des « figures » de la dissidence n’a jamais exprimé la moindre critique de la politique extérieur américaine… une coïncidence, sans aucun doute.

      [En outre, le fait d’accuser Soljenitsyne d’avoir joué les “héros de la liberté” me paraît être une contre-vérité. Tel fut en effet le cas pour ses thuriféraires “occidentaux” mais aucunement pour lui-même. Celui-ci, emprisonné dans un camp du Goulag, a en effet développé une pensée que l’on pourrait qualifier de “réactionnaire” (terme nullement péjoratif à mes yeux, mais je peux comprendre que cela soit le cas pour vous), pensée proclamée haut et fort durant son séjour dans le Vermont et après son retour dans la Russie poutinienne.]

      L’un n’empêche pas l’autre. On peut être « réactionnaire » et se présenter comme un « héros de la liberté ». Vous-même l’admettez, puisque vous écrivez que liberté et réaction ne sont pas incompatibles…

      [(…) l’Union soviétique “totalitaire” (je mets des guillemets car je sais que vous ne partagez pas cette thèse).]

      D’où sortez-vous que je ne partage pas cette thèse ? Le régime soviétique était bien « totalitaire », puisqu’il ne reconnaissait pas l’existence d’une sphère privée. Je ne crois pas avoir jamais écrit autre chose. Ce que je dis par contre, c’est que le simple fait d’être « totalitaire » n’en fait pas d’un régime le diable incarné. Il y a beaucoup de régimes plus ou moins « totalitaires ». Les Etats-Unis, sur beaucoup de points, ont du mal à admettre l’existence d’une sphère privée… voir l’affaire Lewinsky !

      [Je note, enfin, qu’il n’est nullement question dans l’article, du bien-fondé de leur “dissidence”…]

      Ce n’est pas le but. Je me contente de constater un fait : la propagande occidentale a fabriqué une image du « dissident intellectuel » présenté comme un « grand » de son domaine, et on constate qu’une fois la guerre finie, tous ces « grands intellectuels » se révèlent des écrivains médiocres, des scientifiques de second rang vite oubliés. Vous pouvez ensuite m’expliquer que ce mensonge était justifiée par le « bien fondé de leur dissidence », mais c’est une autre question. La question que je pose est celle du mensonge lui-même.

      [Et, j’ajouterai l’oubli de grands noms, préjudiciable, à l’instar de Milan Kundera, que l’on peut difficilement qualifier d’écrivain médiocre…]

      On peut tout aussi difficilement le qualifier de « dissident »… Kundera n’a jamais eu d’activité politique en Tchécoslovaquie… sauf en tant que membre du Parti communiste.

      [Il est également à noter que tous ne coururent pas sur les plateaux de télévision, dans la mesure où ils furent exécutés par le pouvoir communiste ou torturés jusqu’à ce que mort s’ensuive (Vassili Grossman, Varlam Chalamov, Iouri Dombrovski et bien sûr, Jan Patočka).]

      Je vous conseille de vérifier vos sources : sur les quatre noms que vous proposez, les deux premiers n’ont pas été « torturés jusqu’à ce que mort s’ensuive » et encore moins « exécutés ». Grossman est mort libre d’un cancer des reins en 1964, Chalamov meurt lui en 1984 à l’âge fort vénérable de 75 ans. Ces deux écrivains ont eu des démêlées avec le régime, ils ont connu la prison et la mise à l’écart. Mais ils n’ont pas été torturés à mort, et ils n’ont pas été exécutés. Je trouve votre erreur très révélatrice de la manière dont le discours de guerre froide s’est construit…

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