Le veau d’or est à nouveau debout

Avec tambour et trompettes, les évêques de France réunis à Lourdes ont décidé que les victimes des actes de pédophilie commis par des prêtres – actes dont les auteurs ont été et sont encore protégés par l’Eglise de la justice des hommes – seront indemnisés en espèces sonnantes et trébuchantes. L’indemnisation sera « forfaitaire », et la somme n’a pas été encore dévoilée mais devrait, sous peine de tomber dans le ridicule, être consistante. Cette indemnisation « marquera la reconnaissance du silence et des dysfonctionnements de l’Église », selon la communication officielle. Le président de la conférence des évêques de France précise que « La proposition d’une somme d’argent est nécessaire parce qu’elle marque que nous sommes engagés et que ce ne sont pas que des mots ».

Est-ce l’esprit saint qui leur a conseillé ce choix ? Ou bien plutôt un cabinet d’avocats ? On ne le sait, mais je dois dire que cette nouvelle m’attriste profondément. Pourtant, dieu sait – sans jeu de mots – que je n’ai pas de tendresse particulière pour l’église catholique. Je fais au contraire partie de ceux qui considèrent que le combat contre le cléricalisme et l’obscurantisme qui lui est inséparable est toujours d’actualité. Non, si cette nouvelle m’attriste c’est moins à cause de la déconfiture de l’église catholique que de ce qu’elle révèle sur notre société.

Qu’avons-nous dans cette affaire ? Une institution vénérable qui, pour montrer à l’opinion le sérieux de son engagement ne trouve d’autre moyen que de donner de l’argent. Les serments, les décisions, les politiques ne sont rien semble-t-il si elles ne sont pas accompagnées du vil métal. Et c’est un évêque qui le dit : « la proposition d’une somme d’argent est nécessaire » pour prouver « que ce ne sont pas que des mots ». Que les évêques réunis en concile en parlent, que le Pape et ses cardinaux prêtent serment, cela ce ne sont que des mots. Mais s’il y a de l’argent, alors là, c’est du sérieux.

Il y a dans cette affaire une logique sacrificielle. Naguère, un notable sacrifiait un taureau aux dieux, et ce sacrifice non seulement était censé plaire là-haut, mais permettait ici-bas au notable de montrer à ses concitoyens la sincérité de son engagement en fonction de la valeur du bien sacrifié. Et bien ici, c’est un peu pareil : l’église catholique montre la profondeur de sa contrition par la valeur du sacrifice qu’elle est prête à consentir.

Or, il y a dans ce retour aux sacrifices une régression. La force du christianisme a été justement de remplacer le sacrifice réel par le sacrifice symbolique. Cette substitution non seulement lui donne un avantage économique – car la logique sacrificielle impliquait une surenchère dans la destruction inutile de richesses – mais est le fondement d’une spiritualité différente qui a marqué profondément le monde occidental. Il est triste de constater que cette spiritualité cède le pas au retour du veau d’or.

Pour le marxiste que je suis, cela n’a rien d’étonnant. Deja en 1848 Marx écrivait : « Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses “supérieurs naturels”, elle [la bourgeoisie] les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du “paiement au comptant”. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ». Et bien, nous y sommes. Même l’église catholique, institution qui pourtant prétend agir dans le domaine spirituel, met de l’argent sur la table pour que sa repentance soit prise au sérieux.

Oui, même pour l’église, la dignité personnelle est devenue une simple valeur d’échange. L’église aurait pu montrer le sérieux de son engagement en sanctionnant les coupables, en ouvrant ses archives, en transmettant toute l’information dont elle dispose aux parquets, de manière à ce que la justice des hommes passe – même si « grâce à dieu » beaucoup de faits sont prescrits. Mais pourquoi entamer ce processus forcément douloureux alors qu’elle peut se racheter une conscience en allongeant quelques euros ?

A propos, cela fait combien en euros trente deniers d’argent ?

Descartes

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80 réponses à Le veau d’or est à nouveau debout

  1. Philippe Dubois dit :

    Bonjour Descartes

    Je suis catholique, tendance plutôt tradi

    Je suis en total accord avec votre billet.

    Le seul mot qui me vient pour qualifier cette initiative de l’église de France, est “pitoyable”

    Pour info, j’ai lu cette histoire, de source sûre dont je ne parviens pas à retrouver la référence.
    Un prêtre américain avait fondé dans les années 50, avec toutes les autorisations nécessaires, une “maison de repos” destinées aux prêtres ayant besoin d’une prise en charge spécifique.
    Au début, il reçut essentiellement des prêtres devenus alcooliques ou en grave dépression ou en burn-out
    Puis sont arrivés quelques prêtres à tendance pédophile (avec ou sans passage à l’acte, je ne me souviens plus)
    Le responsable de cette institution avait rédigé un rapport dans lequel il prescrivait les solutions suivantes
    – enfermer ces prêtres pédophiles dans des monastères isolés jusqu’à la fin de leur jour
    – ou les renvoyer à l’état laïc et les remettre à la justice.

    Comme de nombreuses institutions, l’Eglise a choisi de laver son linge sale sale en famille, mais sans prendre les mesures nécessaires à la non récidives des fautifs.
    On peut trouver les mêmes erreurs dans l’éducation nationale avec des enseignants suspectés simplement mutés dans une autre école.

    • Descartes dit :

      @ Philippe Dubois

      [Le responsable de cette institution avait rédigé un rapport dans lequel il prescrivait les solutions suivantes
      – enfermer ces prêtres pédophiles dans des monastères isolés jusqu’à la fin de leur jour
      – ou les renvoyer à l’état laïc et les remettre à la justice.]

      La proposition d’enfermer les prêtres pédophiles dans des monastères isolés revient à se rendre justice par sa propre main. Faut-il permettre à l’église catholique de substituer à la justice civile sa propre justice ? Ma réponse est non. Il n’y a aucune raison pour que les prêtres échappent à la loi commune. Or, c’est exactement ce que l’Eglise a fait, et continue d’ailleurs à faire lorsqu’elle le peut. Ce n’est que sous la pression de l’opinion qu’elle s’est résignée dans certains cas à transmettre à la justice les informations dont elle disposait.

      [Comme de nombreuses institutions, l’Eglise a choisi de laver son linge sale sale en famille, mais sans prendre les mesures nécessaires à la non récidives des fautifs.]

      « Nombreuses institutions » ? Je ne connais pas beaucoup d’institutions qui ait couvert des actes aussi graves pendant aussi longtemps. Et cela a été possible parce que l’Eglise, contrairement à la grande majorité des institutions civiles, exerce une emprise sur le fidèle qui s’étend à tous les domaines de la vie. Beaucoup de catholiques abusés n’ont pas osé dénoncer les faits dont ils ont été victimes pour ne pas porter tort à l’institution, beaucoup de parents n’ont pas voulu croire leurs enfants parce que « ca ne peut pas arriver ». L’argument « cela arrive partout » n’est donc pas recevable dans ce cas.

      [On peut trouver les mêmes erreurs dans l’éducation nationale avec des enseignants suspectés simplement mutés dans une autre école.]

      Le problème de l’Eglise, c’est qu’elle ne s’est pas limitée à protéger les prêtres « suspectés ». Elle a protégé les hommes d’église alors même que les faits étaient prouvés et reconnus par les intéressés eux-mêmes. Difficile donc d’excuser l’Eglise en prétendant que la même chose arrive partout. Non, la chose n’arrive pas partout, tout simplement parce qu’aucune autre institution n’a le pouvoir de réduire les victimes au silence. Je vous mets au défi de me nommer un seul enseignant qui, après de multiples viols – je ne parle pas de caresses inconvenantes, mais bien de viol au sens que donne à ce mot le Code pénal – ait écopé en tout et pour tout d’une simple mutation. Ou bien d’un recteur d’académie qui ait remercie la providence « que les faits soient prescrits ».

      • Philippe Dubois dit :

        [Faut-il permettre à l’église catholique de substituer à la justice civile sa propre justice ? Ma réponse est non.]
        Nous sommes d’accord : je ne faisais que rapporter les propositions émises par l’auteur du rapport et je ne me souviens plus si l’enfermement concernait uniquement ceux qui n’étaient pas passé à l’acte (viol)
        Il y a aussi la deuxième solution, les remettre à la justice, qui me semble également la seule acceptable.

        [« Nombreuses institutions » ? Je ne connais pas beaucoup d’institutions qui ait couvert des actes aussi graves pendant aussi longtemps.]
        Quand j’emploie l’expression : laver son linge sale en famille, cela ne concerne pas que les affaires de pédophilie, mais l’ensemble des infractions qui peuvent être commises par les membre d’une institution.

        En ce qui concerne la pédophilie, il apparaît effectivement que l’église a été particulièrement “performante”, si je puis utiliser ce terme, pour étouffer les affaires, y compris les plus graves, qui auraient dû entraîner la comparution des coupables devant la justice des hommes.

        Vous avez raison quand vous soulignez l’emprise spirituelle de ces prêtres criminels sur les familles, d’autant qu’il s’agissait souvent de ceux qui apparaissaient les plus dynamiques, les plus instruits, les plus à l’écoute.
        Vous pouvez ajouter à ceci
        – la honte souvent éprouvée par les victimes de viol (quel que soit ce viol) ou d’agressions sexuelles
        – la quasi certitude ressentie par la victime qu’elle ne sera pas crue et qu’elle sera par conséquent rejetée du groupe.
        – les victimes étaient souvent de jeunes ados en début de puberté, période très troublée de construction de soi.

        Cette emprise spirituelle est beaucoup moins prégnante chez les enseignants, ce qui permet heureusement une libération plus facile de la parole de la part des victimes

        Bref, cet immense scandale fera d’énormes dégâts et cette décision des évêques de France ne va pas dans le sens d’une vraie réparation.

        C’est Paul VI qui disait « La fumée de Satan est entrée par quelque fissure dans l’Église »

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [Quand j’emploie l’expression : laver son linge sale en famille, cela ne concerne pas que les affaires de pédophilie, mais l’ensemble des infractions qui peuvent être commises par les membres d’une institution.]

          Ce n’est pas forcément un mal. Je reconnais aux institutions un certain droit de « laver leur linge sale en famille » en matière disciplinaire. En effet, difficile pour celui qui n’est pas médecin de comprendre les contraintes, les doutes, les difficultés auxquelles un médecin est confronté dans l’exercice de son art. Et cela est vrai aussi pour les policiers, les hauts fonctionnaires, les architectes ou tout autre « corps » de la société. C’est d’ailleurs pourquoi les infractions disciplinaires sont jugées par les pairs, et non par la justice ordinaire. Mais ce droit à échapper à la justice ordinaire n’est justifié et acceptable que si le « corps » en question exerce effectivement une police interne qui administre des peines proportionnées aux fautes commises.

          Le plus intéressant dans cette affaire, c’est que si l’on entend le discours des victimes on constate que toutes se seraient contentées de sanctions internes. Il y a parmi eux beaucoup de catholiques pratiquants qui tiennent à préserver l’institution au moins autant que la hiérarchie catholique. La plupart d’entre eux n’ont eu recours à la justice ordinaire que parce que l’Eglise s’est révélée incapable de faire sa propre police, d’écarter les prêtres qui s’étaient rendus coupables d’actes condamnables et de les envoyer, comme vous le proposez, dans un monastère éloigné pour le restant de leurs jours.

          Cette affaire est pour moi lourde d’enseignements que toutes les institutions feraient bien de méditer. Le principal enseignement est qu’une institution qui ne fait pas sa propre police perd sa légitimité. Et cela est aussi vrai pour les prêtres que pour les préfets, les ingénieurs des Mines ou les médecins.

          [Bref, cet immense scandale fera d’énormes dégâts et cette décision des évêques de France ne va pas dans le sens d’une vraie réparation.]

          La « réparation » est impossible. Au lieu de rechercher une illusoire réparation, l’église ferait bien de montrer qu’elle est prête à faire la police, à écarter sans ménagements ceux qui manqueraient à l’éthique du corps et à plus forte raison lorsque le manquement est une infraction pénale.

          • Jordi dit :

            Votre article est moyen, vos commentaires excellents. J’apprécie votre fine appréciation, si rare, de la justice ordinale et de sa légitimité.

            Etant moi même catholique pratiquant et légèrement identit…radionnel, je ne peux qu’être consterné de ces fourvoiements de l’Eglise. Rien n’excuse les actes pédophiles.

            Je n’aurais pas été opposé à une justice purement interne, qui aurait su être sévère. Les pédo-prêtres auraient pu, par exemple, se racheter en s’échangeant volontairement contre des otages de Boko Haram, ou en allant faire ouvre humanitaire et barrage de leur corps en faveur des chrétiens persécutés en Egypte, ou comme aumôniers militaires dans une milice chrétienne résistant en première ligne aux nazislamistes de Syrie.

            Le fait qu’une justice ordinale veuille protéger l’institution n’est pas illégitime … si et seulement si elle rend Justice.

            Je suis d’autant plus meurtri par cette faute de jugement de l’Eglise, que je crains qu’elle ne récidive (pas sur la pédophilie, mais probablement sur un truc aussi grave). L’ Eglise a fait des erreurs. Et Vatican 2 était une occasion manquée. La technologie existe, son impact anthropologique aussi.

            Dans les années 50. l’invention de la contraception a changé le rapport au sexe, et notamment au sexe hors mariage. Le message de l’Eglise à ce sujet n’a pas su se moderniser, ou pas assez vite. D’où désaffection, crise des vocations, et pour pallier l’Eglise a bien trop abaissé son niveau d’exigence envers les prêtres. Ainsi prirent pignon sur rue les pédophiles.

            Ce n’est pas la première fois que l’Eglise rate une telle porte technologique : en 1500 l’imprimerie a modifié le rapport et l’accès au savoir, la sclérose Catholique face au monde vivant avec le progrès a généré le schisme protestant.

            En 2020-2050, face à une Terre polluée et surpeuplée, je crains que le message “Croissez et Multipliez” plutôt que le principe de contrôle de naissances (compris par Mao) et de souci écologique ne conduise l’Eglise à une troisième impasse intellectuelle majeure, qui débouchera sur une faute doctrinale et une conséquence dramatique.

            La civilisation Occidentale ne survivrait pas très longtemps à la chute de l’Eglise. Le risque est fort que nos arrières petits enfants ne le soient forcés de lever leur cul sept fois par jour en se tournant vers un boucher pédophile qui n’a apporté au monde que la guerre et la sécheresse intellectuelle la plus rétrograde.

            Si cela arrive, les aveugles en soutanes et les idiots utiles anticléricaux mais antiracistes ne comprendront leur défaite que lorsqu’elle sera consommée.

            • Descartes dit :

              @ Jordi

              [Je n’aurais pas été opposé à une justice purement interne, qui aurait su être sévère. Les pédo-prêtres auraient pu, par exemple, se racheter en s’échangeant volontairement contre des otages de Boko Haram, ou en allant faire ouvre humanitaire et barrage de leur corps en faveur des chrétiens persécutés en Egypte, ou comme aumôniers militaires dans une milice chrétienne résistant en première ligne aux nazislamistes de Syrie.]

              Ca me paraît un peu extrême comme idée. Le rachat par le martyre, ça nous ramène quand même pas mal en arrière…

              [Dans les années 50 l’invention de la contraception a changé le rapport au sexe, et notamment au sexe hors mariage. Le message de l’Eglise à ce sujet n’a pas su se moderniser, ou pas assez vite. D’où désaffection, crise des vocations, et pour pallier l’Eglise a bien trop abaissé son niveau d’exigence envers les prêtres. Ainsi prirent pignon sur rue les pédophiles.]

              Je ne suis pas persuadé par ce raisonnement. Je ne crois pas que ce soit le rapport au sexe qui soit à l’origine de la crise des vocations ou la désaffection des croyants. D’ailleurs, vous remarquerez que toutes les « religions » – au sens strict du mot – sont rentrées en crise avec l’avancement de l’individualisme consumériste. Catholicisme et communisme ont vu les « vocations » fondre… tout simplement parce que la société bourgeoise n’a que faire d’une transcendance collective. Les religions qui se portent bien sont les religions individualistes (comme les évangelistes) ou les religions des pauvres qui n’ont pas accès à la consommation massive…

              [La civilisation Occidentale ne survivrait pas très longtemps à la chute de l’Eglise.]

              Je ne suis pas persuadé… La civilisation occidentale en a vu d’autres.

  2. Pour tenter d’échapper à la justice des Hommes, nous pouvons constater que l’église catholique exerce sa propre morale (surtout à géométrie variable) et essaie de l’imposer depuis des siècles. Un grand pas sera franchi lorsque le Vatican ne sera plus reconnu comme un État et que les cléricaux passeront par la case Justice, au même titre que n’importe quel citoyen d’une République laïque.

    Vous abordez la pédophilie des prêtres mais il y a aussi beaucoup à dire du blanchiment d’argent par la banque vaticane et ses liens avec la mafia.

    Il est surtout incroyable qu’au XXI ème siècle, les religions (toute marque confondue) aient autant d’auditeurs qui se soumettent à leur baratin.

    Bravo pour votre blog que je visite de temps en temps.

    Bertrand

    • Descartes dit :

      @ Bertrand BARRERE

      [Un grand pas sera franchi lorsque le Vatican ne sera plus reconnu comme un État et que les cléricaux passeront par la case Justice, au même titre que n’importe quel citoyen d’une République laïque.]

      Je ne suis pas assez connaisseur pour savoir si la transformation du Vatican en fondation plutôt qu’en Etat changerait significativement les choses. Mais pour ce qui concerne la justice, j’apporterais une nuance à votre propos. Le prêtre, comme le médecin ou le haut fonctionnaire, sont membres d’un « corps », ils sont des institutions. Or, si l’on veut maintenir une logique institutionnelle – et je pense que c’est essentiel – il faut que ces gens soient soumis à des règles qui ne sont pas tout à fait les mêmes que celles auxquelles vous et moi sommes soumis. C’est pourquoi le prêtre, le médecin ou le haut fonctionnaire sont soumis à la discipline de leur « corps », et en échange ils sont traités avec certains égards par la justice. Si demain le médecin, le prêtre, le haut fonctionnaire « passaient par la case justice au même titre que n’importe quel citoyen », quelle légitimité aurait la discipline interne du « corps » ?

      [Vous abordez la pédophilie des prêtres mais il y a aussi beaucoup à dire du blanchiment d’argent par la banque vaticane et ses liens avec la mafia.]

      Bien entendu. L’église catholique ne fait pas preuve d’un sens de l’éthique particulièrement appuyé. C’est une institution politique qui n’a pas hésité à appuyer les pires dictateurs (Franco, Videla et j’en passe) ou d’assurer la protection des anciens nazis et leurs collaborateurs après 1945, soit en mettant à leur disposition des réseaux leur permettant de fuir en Amérique Latine (comme Eichmann), soit en les cachant dans des monastères (comme Touvier). Et je ne parle pas des arrangements financiers comme les affaires du Banco Ambrosiano. Mais il y a une différence entre les crimes commis par les prêtres en tant que personnes, et ceux commis par l’Eglise en tant qu’institution.

      [Il est surtout incroyable qu’au XXI ème siècle, les religions (toute marque confondue) aient autant d’auditeurs qui se soumettent à leur baratin.]

      Souvenez-vous de la formule de Marx : « la religion, c’est l’âme d’un monde sans âme »…

      [Bravo pour votre blog que je visite de temps en temps.]

      Merci, et n’hésitez pas à intervenir, vous êtes toujours le bienvenu.

      • Philippe Dubois dit :

        [Si demain le médecin, le prêtre, le haut fonctionnaire « passaient par la case justice au même titre que n’importe quel citoyen », quelle légitimité aurait la discipline interne du « corps » ?]
        A mon avis, cette discipline interne ne doit concerner strictement que les fautes commises es-fonction, dans le cadre professionnel, comme par exemple une erreur de diagnostic chez un médecin, mais pas à une faute relative au droit commun, sans rapport avec la profession : le même médecin qui provoquerait un accident en état d’ivresse au volant.

        Pour rester dans le médical : il est certes souhaitable qu’un médecin accusé d’agression sexuelle par une patiente puisse s’expliquer d’abord devant ses pairs en arguant de gestes strictement médicaux.
        Mais si cette défense n’est pas valide, alors ce médecin doit être remis à la justice classique.

        Si la ou les victimes donnent expressément leur accord pour ne faire appel qu’à la discipline interne de l’institution, pourquoi pas en effet.

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [A mon avis, cette discipline interne ne doit concerner strictement que les fautes commises es-fonction, dans le cadre professionnel, comme par exemple une erreur de diagnostic chez un médecin, mais pas à une faute relative au droit commun, sans rapport avec la profession : le même médecin qui provoquerait un accident en état d’ivresse au volant.]

          Prenons le cas d’un médecin qui profiterait de la confiance que son statut lui donne pour escroquer des pauvres gens. S’il est jugé comme un citoyen ordinaire, alors la peine doit être celle qu’on infligerait à n’importe quel citoyen. Seulement voilà, même si le délit a été commis dans ses activités privées et sans rapport avec la fonction, son acte menace la crédibilité de la profession médicale toute entière. N’est-il pas nécessaire qu’il soit sanctionné au-delà des sanctions auxquelles des citoyens quelconques comme vous et moi sommes soumis ?

          Ainsi, par exemple, les fonctionnaires peuvent être sanctionnés par l’autorité – souvent issue du même corps qu’eux – pour des actes de la vie privée dès lors que ceux-ci sont de nature à remettre en cause l’honneur ou la neutralité du corps ou de l’administration à laquelle ils appartiennent. Mais cette sanction est administrative, et non pas judiciaire. Comme vous le voyez, le cadre de la justice ordinale et de la justice civile ne sont pas aussi disjoints l’un de l’autre que vous le pensez.

          Au fonds, l’important est que la société puisse avoir confiance dans le fait que justice sera faite. Qu’elle soit faite dans le secret d’un tribunal ordinal ou dans la publicité d’un tribunal civil est finalement un facteur secondaire. Il y a bien entendu la suspicion que le tribunal ordinal sera moins sévère qu’un tribunal ordinaire. Dans les faits, ce n’est pas nécessairement vrai : l’ordre des médecins par exemple prononce souvent des sanctions bien plus sévères que la justice, et dans certains corps de l’Etat des fautes qui devant la justice entraineraient un simple rappel à la loi peuvent briser des carrières…

          [Si la ou les victimes donnent expressément leur accord pour ne faire appel qu’à la discipline interne de l’institution, pourquoi pas en effet.]

          Personnellement, je suis partisan de l’adage qui veut que “la victime n’a pas de place dans le procès pénal”. L’infraction à la loi pénale n’est pas un crime contre une personne, mais un crime contre la société toute entière. C’est cette conception qui permet de sortir de la vengeance judiciaire. La satisfaction des victimes est donc une affaire secondaire. L’essentiel est que la société soit d’accord. Lorsque la société a confiance dans ses institutions – et que les institutions font l’effort pour mériter cette confiance – cela ne pose en général pas de problème. Pendant des lustres tout le monde a trouvé normal que les “corps” exercent une police interne et punissent leurs brebis galeuses elles mêmes en échange d’une apparente immunité par rapport à la justice. Ce n’est que récemment que la dialectique d’affaiblissement des institutions a relâché cette discipline et fait place à une méfiance qui n’est pas toujours injustifiée.

          J’ajoute que la justice “de corps” a un avantage fondamental sur la justice ordinaire: elle est rapide, et les peines sont exécutées!

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            > Ainsi, par exemple, les fonctionnaires peuvent être sanctionnés par l’autorité – souvent issue du même corps qu’eux – pour des actes de la vie privée dès lors que ceux-ci sont de nature à remettre en cause l’honneur ou la neutralité du corps ou de l’administration à laquelle ils appartiennent. Mais cette sanction est administrative, et non pas judiciaire.

            Pouvez-vous donner des exemples ? Ces sanctions administratives sont-elles plus lourdes ou plus légères que ce qu’aurait été une sanction judiciaire ?

            > J’ajoute que la justice “de corps” a un avantage fondamental sur la justice ordinaire: elle est rapide, et les peines sont exécutées!

            Elle a aussi un désavantage fondamental : le risque de fermer les yeux sur des comportements déviants, pour ne pas trop violenter le corps en question. En d’autres termes, des errements exceptionnels seront peut-être bien punis, mais si certaines fautes sont répandues – et/ou commises en haut lieu -, alors l’institution aura tendance à fermer les yeux pour éviter des tensions très fortes et des débats internes houleux.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [« Ainsi, par exemple, les fonctionnaires peuvent être sanctionnés par l’autorité – souvent issue du même corps qu’eux – pour des actes de la vie privée dès lors que ceux-ci sont de nature à remettre en cause l’honneur ou la neutralité du corps ou de l’administration à laquelle ils appartiennent. Mais cette sanction est administrative, et non pas judiciaire. » Pouvez-vous donner des exemples ?]

              Pour un exemple récent, il y a le cas du juge Le Friant, révoqué par le Conseil supérieur de la magistrature parce qu’il fréquentait le milieu interlope des cabarets à putes et des rues chaudes de Lyon. Ce qui, vous me l’accorderez, ne constitue nullement une infraction pénale.

              [Ces sanctions administratives sont-elles plus lourdes ou plus légères que ce qu’aurait été une sanction judiciaire ?]

              Elles sont de nature différente. Ainsi, une infraction financière qui devant un tribunal vous couterait de la prison avec sursis et quelques milliers d’euros d’amende peuvent, pour un haut fonctionnaire, se terminer par une mise au placard définitive et la fin d’une brillante carrière. Comment comparer les deux sanctions ?

              Dans certains cas, le corps refuse une sanction alors que la justice en a prononcé une. Le cas de Pierre Rosenberg, conservateur au Louvre qui en falsifiant une expertise à permis à l’Etat d’acquérir un tableau de premier ordre à un prix défiant toute concurrence a été condamné par les juges, mais applaudi – discrètement, of course – par ses pairs. Le fait que l’escroquerie ait été commise non pas en son propre bénéfice mais au bénéfice de l’Etat a été moins apprécié par les juges que par ses pairs.

              [« J’ajoute que la justice “de corps” a un avantage fondamental sur la justice ordinaire: elle est rapide, et les peines sont exécutées! » Elle a aussi un désavantage fondamental : le risque de fermer les yeux sur des comportements déviants, pour ne pas trop violenter le corps en question. En d’autres termes, des errements exceptionnels seront peut-être bien punis, mais si certaines fautes sont répandues – et/ou commises en haut lieu -, alors l’institution aura tendance à fermer les yeux pour éviter des tensions très fortes et des débats internes houleux.]

              Oui, c’est un risque. Sa matérialisation dépend de la conscience que l’institution a d’elle-même. Ainsi, j’ai pu voir par exemple que chez les ingénieurs des Mines on peut être très sévère avec un collègue qui s’est écarté du droit chemin. Les membres de ce corps sont très conscients que leur position est très liée à leur réputation de rigueur et de compétence, et que dans un contexte où ils sont en compétition avec d’autres corps, laisser dans la nature une brebis galeuse est un danger pour tous. Dans ce cas, les sanctions seront très discrètes – pour ne pas affaiblir le corps – mais radicales.

              C’est Napoléon qui avait bien compris le problème, et qui du coup avait favorisé l’existence de corps concurrents. Cette concurrence oblige chaque corps, pour ne pas perdre la course, à maintenir la discipline dans ses rangs.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > Pour un exemple récent, il y a le cas du juge Le Friant, révoqué par le Conseil supérieur de la magistrature parce qu’il fréquentait le milieu interlope des cabarets à putes et des rues chaudes de Lyon.

              Ah… au nom de quel principe ?

              > Oui, c’est un risque. Sa matérialisation dépend de la conscience que l’institution a d’elle-même. Ainsi, j’ai pu voir par exemple que chez les ingénieurs des Mines on peut être très sévère avec un collègue qui s’est écarté du droit chemin.

              Je suis étonné. Il y a une justice corporatiste au sein des ingénieurs des Mines ? Ingénieur n’est pas une profession règlementée, et j’imagine tout de même qu’on n’a pas retiré à cet ingénieur son diplôme.

              (et en quoi ce collègue s’était-il « écarté du droit chemin » ?)

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [« il y a le cas du juge Le Friant, révoqué par le Conseil supérieur de la magistrature parce qu’il fréquentait le milieu interlope des cabarets à putes et des rues chaudes de Lyon ». Ah… au nom de quel principe ?]

              Celui qui veut qu’un fonctionnaire s’abstienne, dans sa vie publique ou privée, de tout acte qui pourrait jeter le discrédit sur sa fonction et plus largement sur l’administration.

              [« Oui, c’est un risque. Sa matérialisation dépend de la conscience que l’institution a d’elle-même. Ainsi, j’ai pu voir par exemple que chez les ingénieurs des Mines on peut être très sévère avec un collègue qui s’est écarté du droit chemin ». Je suis étonné. Il y a une justice corporatiste au sein des ingénieurs des Mines ? Ingénieur n’est pas une profession règlementée, et j’imagine tout de même qu’on n’a pas retiré à cet ingénieur son diplôme.]

              Non, bien entendu. Mais le corps des Mines gère la carrière de ses membres, et à ce titre peut les envoyer en « bataillon disciplinaire » ou même les pousser vers la sortie en les laissant sans affectation.

              [(et en quoi ce collègue s’était-il « écarté du droit chemin » ?)]

              Dans le cas que j’avais en tête, négligence dans le contrôle d’une installation industrielle dangereuse, et soupçon que cette négligence n’était pas tout à fait accidentelle.

          • Vincent dit :

            @Descartes
            [[A mon avis, cette discipline interne ne doit concerner strictement que les fautes commises es-fonction, dans le cadre professionnel, comme par exemple une erreur de diagnostic chez un médecin, mais pas à une faute relative au droit commun, sans rapport avec la profession]]
            [N’est-il pas nécessaire qu’il soit sanctionné au-delà des sanctions auxquelles des citoyens quelconques comme vous et moi sommes soumis ?]

            La distinction entre justice pénale et acte commis dans l’exercice peut poser question. Souvenez vous d’un débat il y a 1 ou 2 ans, où il a été révélé dans le public que, dans les CHU, les personnes qui étaient sous anesthésie générale pour des examens rectaux pouvaient, possiblement, avoir des étudiants en médecine qui pratiquaient un toucher non nécessaire, puisqu’un médecin senior l’avait déjà fait avant eux.
            Certains ont voulu qualifier ça de viol devant les tribunaux. Alors que paradoxalement, il était clairement indiqué par écrit que le fait d’avoir pratiqué un toucher en stage était requis pour la validation de celui ci…

            Il s’agit d’un cas de quelque chose qui est considéré comme normal par les médecins, et qu’aucune justice du corps ne viendrait condamner. Mais où la justice peut s’en mêler par dessus.

            Est il réellement souhaitable que la Justice “normale” puisse être saisie en un tel cas ? J’en doute…

            [Ainsi, par exemple, les fonctionnaires peuvent être sanctionnés par l’autorité – souvent issue du même corps qu’eux – pour des actes de la vie privée dès lors que ceux-ci sont de nature à remettre en cause l’honneur ou la neutralité du corps ou de l’administration à laquelle ils appartiennent.]

            Et effectivement, la justice du corps peut être sévère. C’est particulièrement le cas dans l’armée.
            Par exemple ici : 3 soldats condamnés à 2 à 4 semaines d’arrêts pour avoir fumé du cannabis en dehors de leurs heures de service (si j’ai bien compris, 2 semaines pour avoir fumé, et 4 pour avoir fumé et fait entrer du cannabis dans l’enceinte militaire).
            Je crois que ce type de condamnations dépasse ce que donne la justice civile.

            https://www.lepopulaire.fr/brive-la-gaillarde-19100/actualites/des-militaires-brivistes-condamnes-pour-usage-de-stupefiants_1770158/

            Il faut savoir qu’avec une telle peine d’arrêts, ils peuvent mettre une croix sur leurs éventuelles velléités de devenir un jour militaire de carrière.

            Et quand il s’agit d’officiers, ils ont la main encore bien plus lourde. Une simple faute comme l’ébriété sur la voie publique, en civil et hors service, peut ruiner une carrière d’officier.
            J’ai connu un cas d’un jeune capitaine, issu de Saint-Cyr (ca remonte à plus de 15 ans), sur lequel il y avait une rumeur d’abus d’autorité (pas de violence particulière, mais certains abus style “cow-boy”, où il voulait un peu se la jouer comme dans des films).
            Le commandant de bataillon a réuni la trentaine de militaires concernés ds qu’il en a eu vent, hors présence de cadres, pour leur demander des précisions, qui ont confirmé les rumeurs.
            Le capitaine a été suspendu de son commandement le soir même, puis quelques semaines plus tard sanctionné d’une “interdiction d’encadrement”. Autant dire une carrière enterrée sans grandes pompes, et un capitaine qui ne passera jamais commandant, bien que cyrard.
            La justice civile n’en aura jamais entendu parler, ni les médias, ni personne. Et je trouve que c’est très bien comme ça (de toute manière, je doute qu’il aurait pu y avoir un motif d’inculpation pénale).

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [La distinction entre justice pénale et acte commis dans l’exercice peut poser question.]

              Tout à fait. Parce que certaines personnes du fait de leur appartenance à une institution peuvent accomplir légalement des actes qui seraient des crimes ou des délits s’ils étaient pratiqués par une personne quelconque. Et à l’inverse, des actes qui sont permis aux gens ordinaires sont interdits aux membres de certaines institutions.

              L’article L.229-9 qui punit les mutilations ne prévoit aucune exception pour les médecins. Une opération d’appendicite tombe en théorie sous le coup de la loi… mais il est tacitement accepté que ce n’est pas le cas, et qu’une telle « mutilation », sous réserve de respecter les dispositions du code de la santé publique, et parfaitement légitime.

              [Est il réellement souhaitable que la Justice “normale” puisse être saisie en un tel cas ? J’en doute…]

              Qu’elle « puisse » l’être me paraît indispensable, parce qu’en dernière instance le juge est le gardien des libertés. Mais le juge devrait faire preuve d’une grande prudence lorsqu’il s’agit d’une faute de ce type, particulièrement lorsque l’institution exerce une police efficace.

              [Le capitaine a été suspendu de son commandement le soir même, puis quelques semaines plus tard sanctionné d’une “interdiction d’encadrement”. Autant dire une carrière enterrée sans grandes pompes, et un capitaine qui ne passera jamais commandant, bien que cyrard.
              La justice civile n’en aura jamais entendu parler, ni les médias, ni personne. Et je trouve que c’est très bien comme ça (de toute manière, je doute qu’il aurait pu y avoir un motif d’inculpation pénale).]

              Tout à fait. Je suis d’accord avec vous sur l’importance de la police exercée par les institutions elles-mêmes sur leurs membres, généralement bien plus efficace que les procédures judiciaires.

  3. Cherrytree dit :

    @Descartes
    Déjà, avant de parler de réparation, on reconnait l’origine du mal.
    Les prêtres sont des hommes comme les autres, avec leurs besoins et leurs pulsions.
    Pourquoi la pédophilie? Tout simplement parce-que étaient (sont?) à portée de pouvoir des personnes soumises par leur âge, leur foi et celle de leur famille, leur peur, et dont le coupable pouvait être à peu près sûr du silence.
    Que l’on pose une bonne fois pour toutes la question du mariage des prêtres, que le Pape François à plusieurs fois évoquée mais qui est toujours mise sous le boisseau.

    Le célibat des prêtres date de l’origine de l’Église quand les persécutions interdisaient aux prêtres d’engager une éventuelle famille dans le danger et la mort.
    Ce danger n’existe plus, mais le célibat est resté, et, partant, la chasteté, puisqu’en principe il ne peut y avoir d’union hors des liens du mariage, du moins pour les croyants. Bien que ce dernier point soit très assoupli pour les croyants, mais j’imagine que pour les prêtres, ce soit plus difficile de zapper le sacrement de mariage.
    l’Église orthodoxe, l’Église protestante, reconnaissent le mariage des prêtres, et les catholiques sont les seuls à conserver une attitude non seulement anachronique, mais complètement à la marge de la société normale.

    • Descartes dit :

      @ Cherrytree

      [Que l’on pose une bonne fois pour toutes la question du mariage des prêtres, que le Pape François à plusieurs fois évoquée mais qui est toujours mise sous le boisseau.]

      Je ne suis pas persuadé que cela changerait quelque chose. On trouve des pédophiles aussi parmi les hommes – et les femmes, mais comme souvent cet aspect reste encore plus occulté – libres s’avoir des rapports sexuels, et je ne connais pas d’études sérieuses qui démontrent que la pédophilie ou le viol soient plus courants entre les adultes ayant choisi le célibat – car les prêtres choisissent le célibat, il ne faut pas l’oublier – que chez les hommes qui ne sont soumis à cette règle.

      [Le célibat des prêtres date de l’origine de l’Église quand les persécutions interdisaient aux prêtres d’engager une éventuelle famille dans le danger et la mort.]

      Absolument pas. Jusqu’au IVème siècle, le célibat n’est pas obligatoire. Ainsi par exemple les canons du concile d’Elvire (~306) font référence aux épouses d’ecclésiastique. Il faut attendre le concile œcuménique de Nicée (325) pour que l’interdiction soit clairement formulée. A cette époque, loin d’être « poursuivie », le christianisme était au pouvoir et la famille des prêtres ne risquait pas grande chose. L’interdiction a d’autres motifs. D’abord, elle permet de s’assurer que le prêtre se consacre exclusivement au service de l’Eglise. Mais surtout, elle résout l’épineuse question de l’héritage, et en particulier de l’héritage des titres. Si les prêtres avaient pu se marier et avoir des enfants légitimes, il aurait été difficile de leur refuser dans le droit romain l’héritage des biens et titres de leur père…

      [l’Église orthodoxe, l’Église protestante, reconnaissent le mariage des prêtres,]

      Il ne vous aura pas échappé qu’il n’existe pas une « Eglise protestante » ou une « d’Eglise orthodoxe », mais une diversité d’égliseS répondant à ces rites, chacune ayant sa propre interprétation et ses propres intérêts politiques. Si l’église catholique a pu préserver son caractère universel, c’est surtout à son organisation verticale et à sa séparation d’avec la société qu’elle le doit. Si moines et prêtres étaient des hommes comme les autres, cette universalité deviendrait impossible.

      [et les catholiques sont les seuls à conserver une attitude non seulement anachronique, mais complètement à la marge de la société normale.]

      Personnellement, je ne suis pas catholique et je me garderai bien donc de tout jugement de valeur. Cela étant dit, je ne peux que constater que dans une « société normale » individualiste et ultra-matérialiste, toute spiritualité, toute transcendance ne peut survivre que « en marge de la société normale ». Le mouvement communiste n’a pu peser sur la « société normale » que parce qu’il constituait une contre-société. Dès qu’il a voulu rentrer dans « société normale », il a cessé d’avoir un poids quelconque. Et c’est aussi vrai de l’église catholique : une institution ne se renforce pas en se laissant imposer les règles par la société, au contraire. Elle se renforce en maintenant des règles en apparence absurdes mais qui permettent justement de séparer ceux qui sont dedans et ceux qui sont dehors. Pourquoi croyez-vous que l’Islam radical ait autant de succès parmi les jeunes et soit une puissance politique, alors que l’Islam modéré, pourtant bien plus représentatif, ne pèse pas grande chose ?

  4. xc dit :

    Je suppose que les évêques ont été inspirés par ce qui se pratique en matière pénale. La victime d’une infraction peut obtenir des dommages-intérêts non seulement pour le préjudice matériel qu’elle a subi, mais aussi pour le préjudice moral. Pour avoir étudié le Droit, je sais que le principe de ce second volet a fait polémique. Peut-on, par exemple, compenser la perte d’un être cher par de l’argent ? Quoi qu’il en soit, ce type d’indemnisation est pratiqué couramment et ne donne plus lieu à débat, si ce n’est dans une affaire hors-normes comme celle qui oppose Bernard Tapie au Crédit Lyonnais (45 millions € pour le préjudice moral) où c’est plus le montant que le principe qui est en cause.

    Catholique, également, mais tendance plutôt Vatican II (je précise pour Philippe Dubois ;-)) et intégré à échelle modeste à l’activité de ma paroisse (Descartes, l’anticlérical que vous êtes devrait se poser des questions ;-)), je crois pouvoir dire que l’argent qui sera versé aux victimes pourrait bien, tôt ou tard, manquer à l’Église. Et, ce, quelles que soient les modalités de financement. Je pense donc que les évêques voient cette décision comme un vrai geste envers les victimes. Ce qui ne m’empêche pas de penser comme vous qu’ils devraient montrer qu’ils font vraiment la Police. Quand je pense que les premières grandes affaires ont éclaté du temps de Jean-Paul II, ce qui n’est déjà plus tout récent…

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Je suppose que les évêques ont été inspirés par ce qui se pratique en matière pénale. La victime d’une infraction peut obtenir des dommages-intérêts non seulement pour le préjudice matériel qu’elle a subi, mais aussi pour le préjudice moral.]

      Pas du tout, justement. Vous noterez que les dommages-intérêts accordés par la justice ne sont jamais forfaitaires. En effet, ils sont censés réparer le préjudice en vertu de l’article 1240 du Code civil (nouveau) : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cela suppose pour le juge l’obligation d’évaluer le dommage à partir des éléments de l’instance. La réparation ne peut donc être « forfaitaire ».

      La conférence épiscopale française insiste d’ailleurs dans sa communication sur le fait que cette allocation forfaitaire n’est pas une « compensation », mais qu’elle vise à démontrer l’attention que l’Eglise accorde à l’affaire. On n’est donc pas dans une logique de réparation d’un préjudice.

      [Catholique, également, mais tendance plutôt Vatican II (je précise pour Philippe Dubois ;-)) et intégré à échelle modeste à l’activité de ma paroisse (Descartes, l’anticlérical que vous êtes devrait se poser des questions ;-)),]

      Pourquoi devrais-je me poser des questions ? L’anticléricalisme n’implique pas qu’on condamne les gens qui s’investissent dans les activités de leur paroisse. L’anticléricalisme consiste à s’opposer par tous les moyens à l’invasion par les clercs de la sphère publique. Que les prêtres aident les pauvres et soulagent les malades, c’est tout à leur honneur. Mais quand ils prétendent dicter la loi, c’est là que les problèmes commencent.

      [je crois pouvoir dire que l’argent qui sera versé aux victimes pourrait bien, tôt ou tard, manquer à l’Église. Et, ce, quelles que soient les modalités de financement. Je pense donc que les évêques voient cette décision comme un vrai geste envers les victimes.]

      C’est une interprétation. Une autre interprétation est que c’est une opération de communication, un investissement qui rapporte plus qu’il ne coûte. Car les scandales de pédophilie ne sont pas neutres pour les finances de l’Eglise, qui dépendent fortement des dons et legs des fidèles. Et puis, on peut aussi penser que cette contrition publique en espèces permettra d’éviter un certain nombre de procès qui pourraient coûter bien plus cher. Les affaires sont les affaires.

      [Ce qui ne m’empêche pas de penser comme vous qu’ils devraient montrer qu’ils font vraiment la Police. Quand je pense que les premières grandes affaires ont éclaté du temps de Jean-Paul II, ce qui n’est déjà plus tout récent…]

      L’Eglise n’a pas fini avec l’héritage de Jean-Paul II. Un pape mafieux entouré par des mafieux, à qui on a beaucoup pardonné parce qu’il était du bon côté de la guerre froide. François ferait bien de faire exhumer le corps de Jean-Paul Ièr et de le faire autopsier. Comme ça, il pourrait commencer à acheter l’antidote…

      • xc dit :

        Quand j’ai écrit que les évêques sont “inspirés”, je ne voulais pas dire qu’ils ont calqué leur décision sur ce qui se fait en matière pénale, mais qu’ils se sont dit, du moins, je suppose, que si les tribunaux indemnisent le préjudice moral, l’Église peut aussi faire “quelque chose” pour ce même préjudice. Et montrer son intérêt pour les victimes peut être aussi une façon de le compenser. Bon, passons.

        Jean-Paul II ne faisait pas l’unanimité, notamment chez les Catholiques les plus progressistes, mais pour des raisons doctrinales. Je n’ai pas souvenir de l’avoir vu traiter de mafieux. A quoi pensez-vous ?

        • Descartes dit :

          @ xc

          [Jean-Paul II ne faisait pas l’unanimité, notamment chez les Catholiques les plus progressistes, mais pour des raisons doctrinales. Je n’ai pas souvenir de l’avoir vu traiter de mafieux. A quoi pensez-vous ?]

          Je pense aux liens du Vatican avec Michele Sindona, considéré comme le banquier de la maffia sicilienne, et qui fut sous le pontificat de Jean-Paul II membre du conseil d’administration de l’Institut pour les oeuvres de la religion (IOR), la banque du Vatican, dirigée par Mgr Marcinkus. Je pense aussi à l’affaire du Banco Ambrosiano, lui aussi lié à la mafia sicilienne et à l’IOR. Il y a aussi les rapports du vatican avec Licio Gelli et la loge “Propaganda Due” (P2) dont étaient membres Sindona (“suicidé” mystérieusement en prison) mais aussi Calvi, le président du Banco Ambrosiano, découvert pendu sous un pont de Londres. Et finalement, on peut mentionner le soutien indéfectible prêté par Jean-Paul II à l’Opus Dei, une autre forme de mafia…

          • xc dit :

            A l’époque de Jean-Paul II, j’étais abonné à une revue catholique progressiste qui ne se privait pas de fustiger les dérives sectaires de certains mouvements d’Église, le train de vie de certains hauts ecclésiastiques, le traitement quasiment complice des affaires de pédophilie, le conservatisme du Pape, son soutien à l’Opus Dei ou à Padre Pio, mais jamais son honnêteté personnelle.
            Autant que je pouvais en juger, la revue me semblait bien informée et indépendante de la hiérarchie catholique. Je pense que si ses journalistes avaient eu des informations de nature à mettre en cause l’honnêteté du Pape lui-même, ils les auraient divulguées.

            • Descartes dit :

              @ xc

              [Autant que je pouvais en juger, la revue me semblait bien informée et indépendante de la hiérarchie catholique. Je pense que si ses journalistes avaient eu des informations de nature à mettre en cause l’honnêteté du Pape lui-même, ils les auraient divulguées.]

              Je ne sais pas à quelle revue vous faites référence, alors je peux difficilement spéculer. Il ne reste pas moins que les liens entre le Vatican de Jean-Paul II et les financiers mafieux comme Sindona et Calvi, ou le statut spécial dont a bénéficié l’Opus Dei pendant son pontificat sont suffisamment documentés pour qu’on puisse difficilement les contester. Alors, sauf à imaginer que Jean-Paul II fut tenu dans l’ignorance de ce qui se passait sous son nez – chose difficile à croire lorsqu’on sait combien il était attentif à tout contrôler – je ne vois que deux explications au silence dont vous parlez : soit la revue en question savait qu’il y avait des lignes rouges à ne pas franchir sous peine de se trouver sanctionnée, soit elle en a parlé et votre mémoire vous trahit…

  5. Kranck dit :

    Bonsoir Descartes,
    Vos commentaires à propos de Jean Paul II sont intéressants. Disposez vous de sources à ce sujet?

    • Descartes dit :

      @ Kranck

      Il y a plusieurs livres écrits sur l’affaire Sindona, sur le Banco Ambrosiano, ou bien sur les rapports entre Jean-Paul II et l’Opus Dei. sur les deux premières, je pense notamment aux travaux du juge Ferdinando Imposimato, qui enquêta su ces affaires, mais une recherche sur internet vous procurera d’autres titres.

      Pour ce qui concerne l’Opus Dei, je vous conseille l’article ci-dessus, qui contient une abondante bibliographie.
      https://www.monde-diplomatique.fr/1995/09/NORMAND/6667

  6. Advocare dit :

    Bonsoir Descartes,

    “je n’ai pas de tendresse particulière pour l’église catholique. Je fais au contraire partie de ceux qui considèrent que le combat contre le cléricalisme et l’obscurantisme qui lui est inséparable est toujours d’actualité.”

    Il semble que la démocratie d’opinions et de masse que nous connaissons ait donné naissance à un nouveau cléricalisme, celui de la classe médiatique, et celui-ci n’est pas moins pourvoyeur d’obscurantisme que l’Église d’antan. En témoigne le “débat” entre le médiocre G. Erner et le remarquable J.M. Jancovici durant l’émission de jeudi dernier sur France Culture. Si vous ne l’avez pas encore visionnée, je ne peux que vous inviter à prendre connaissance ce petit chef-d’œuvre de correction intellectuelle : https://www.youtube.com/watch?v=GoISw3KyeLs

    Comme disait Karl Kraus, “le rapport des journalistes à la vérité est le même que celui de la tireuse de carte à la métaphysique.”

    • Descartes dit :

      @ Advocare

      [En témoigne le “débat” entre le médiocre G. Erner et le remarquable J.M. Jancovici durant l’émission de jeudi dernier sur France Culture. Si vous ne l’avez pas encore visionnée, je ne peux que vous inviter à prendre connaissance ce petit chef-d’œuvre de correction intellectuelle :]

      Excellent document, en effet! On voit ce que peut la rigueur intellectuelle et le travail sérieux contre l’à-peu-près et l’amateurisme.

      • Pierre dit :

        J’ai pour ma part trouvé ce débat hautement contre-productif.
        Jancovici aurait gagné à mettre beaucoup plus d’eau dans son vin et à adopter une posture plus pédagogue, comme on explique une leçon à un enfant un peu limité.

        Attention, il a dit beaucoup de choses remarquables, le fleuron étant pour moi la remarque consistant à dire qu’on invite jamais de médecin à la radio pour parler des effets des radiations, alors que ce sont les seules personnes capables d’apporter une opinion rationnelle sur ce sujet.

        Mais globalement, son ton extrêmement péremptoire voir irrité laisse facilement imaginer, pour un auditeur lambda, un personnalité partiale dans ses jugements.

        (((On voit ce que peut la rigueur intellectuelle et le travail sérieux contre l’à-peu-près et l’amateurisme))))

        On attire pas les mouches avec du vinaigre, et agresser son auditoire n’a jamais rapporté quoi que ce soit à qui que ce soit. Sur ce ton-là, toute la rigueur intellectuelle du monde ne peut rien contre l’amateurisme “bienveillant” (dans le sens de “bienveillant avec les préjugés de ses auditeurs”)

        • Descartes dit :

          @ Pierre

          [J’ai pour ma part trouvé ce débat hautement contre-productif. Jancovici aurait gagné à mettre beaucoup plus d’eau dans son vin et à adopter une posture plus pédagogue, comme on explique une leçon à un enfant un peu limité.]

          Sur France-Inter, peut-être. Mais sur France-Culture, on peut quand même se placer à un niveau plus sérieux.

          [On n’attire pas les mouches avec du vinaigre, et agresser son auditoire n’a jamais rapporté quoi que ce soit à qui que ce soit.]

          Je ne crois pas que Jancovici ait « agressé son auditoire ». Je ne me suis pas senti particulièrement agressé, en tout cas. Il a agressé le journaliste, mais en général ça passe bien dans le public…

          • Pierre dit :

            Même si France Q n’est pas au niveau de France « nostalgie socialiste » Inter, ça n’en reste pas moins une radio à forte tendance gauche- bien-pensante. Le fait que subsistent un Finkielkraut ici ou un Brice Couturier là n’empêche pas que 95% de la grille va globalement dans le sens de vos fameuse classes intermédiaires..

            • Descartes dit :

              @ Pierre

              [Même si France Q n’est pas au niveau de France « nostalgie socialiste » Inter, ça n’en reste pas moins une radio à forte tendance gauche- bien-pensante.]

              Tout à fait. Mais le niveau intellectuel moyen des auditeurs est bien plus élevé, ce qui leur permet d’apprécier un discours moins “médiatiquement correct”.

  7. luc dit :

    Merci cher Descartes pour ce blog qui est un plus considérable ,pour notre citoyenneté.
    Mais parler du veau d’or,ici me semble totalement déconsidéré.
    le vrai problème n’est il pas le célibat des prêtres ?
    Cela fait 45 ans que ‘jE’ me pose cette question.
    Mais il est clair que l’ALIGOT ET LES BONS SENTIMENTS NE PèSENT PAS BEAUCOUP FACE AU CAPITALISME .Croyez vous que si les victimes étaient indemnisées en kg d’aligot ,égal à leur poids , les critiques vis à vis de l’église catholique cesseraient alors qu’il t a une concurrence extrême en les monothéismes actuellement ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [le vrai problème n’est il pas le célibat des prêtres ?]

      Je vois mal en quoi la question de la pédophilie serait liée au célibat des prêtres. D’abord, il faudrait se rappeler que le célibat du prêtre est un célibat CHOISI. Personne n’est obligé à devenir prêtre. Et on peut supposer que si on accepte cette contrainte, c’est qu’on trouve dans la prêtrise des compensations au désir sexuel insatisfait. D’autre part, un prêtre qui serait disposé à violer l’interdit de la chasteté peut parfaitement le faire avec une femme adulte. Pourquoi alors s’en prendre aux enfants ?

      • BolchoKek dit :

        [D’autre part, un prêtre qui serait disposé à violer l’interdit de la chasteté peut parfaitement le faire avec une femme adulte.]

        En effet. J’ai d’ailleurs le privilège d’avoir dans mon cercle familial des gens très âgés encore en vie… Et d’après leurs dires, les scandales et ragots les plus courants concernant les prêtres étaient plutôt de ce type. Des histoires de curé au bordel, mais aussi de grossesse inopportune d’une jeune fille de la localité…
        Ces choses arrivaient alors, et il est très probable à l’âge des sites de rencontre qu’elles arrivent encore.

        • Ian Brossage dit :

          @Descartes

          > Ces choses arrivaient alors, et il est très probable à l’âge des sites de rencontre qu’elles arrivent encore.

          À la différence qu’à l’âge des réseaux sociaux et des téléphones portables la probabilité d’un « outing » (d’une mise sur la place publique) de la relation honteuse est passablement plus élevée. D’autant que de nos jours, la relation ne serait plus honteuse que pour le prêtre, et non pour sa partenaire.

          • Descartes dit :

            @ Ian Brossage

            [À la différence qu’à l’âge des réseaux sociaux et des téléphones portables la probabilité d’un « outing » (d’une mise sur la place publique) de la relation honteuse est passablement plus élevée.]

            Au contraire. A l’âge des sites de rencontres, il est beaucoup plus facile de rencontrer quelqu’un hors de son village pour une relation totalement anonyme, qui réduit les risques. Il y a un demi-siècle, avec qui pouvait le prêtre établir une relation, sinon avec une femme du village, soumise à la surveillance de la communauté villageoise ?

            J’ajoute que très souvent ces relations étaient connues de la communauté, et si le prêtre était apprécié on fermait les yeux sur l’affaire tant au niveau local qu’à celui de l’évêché. Au fond, tout ce que l’Eglise demandait aux prêtres, c’est de ne pas provoquer le scandale. Tant que ce contrat était respecté, l’Eglise de France a toujours été relativement flexible au sujet de la morale sexuelle des prêtres…

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              > A l’âge des sites de rencontres, il est beaucoup plus facile de rencontrer quelqu’un hors de son village pour une relation totalement anonyme, qui réduit les risques.

              Il est un peu risqué d’envisager une relation « totalement anonyme » avec quelqu’un qui a accès à votre photo, et peut la poster sur les réseaux sociaux. Mais sinon, oui, vous avez raison.

  8. maleyss dit :

    Cher Descartes,
    Hors-sujet total : l’actualité nous offre ces temps-ci matière à réflexion ; ainsi de Mmes Zineb El Rhazoui et Julie Graziani qui ont posé, certes quelque peu maladroitement, respectivement, le problème de la reprise en main par la police des zones de non-droit, et celui de la responsabilité individuelle. Je serais très curieux d’avoir votre avis sur la question. Comptez-vous y consacrer une chronique ?

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Hors-sujet total : l’actualité nous offre ces temps-ci matière à réflexion ; ainsi de Mmes Zineb El Rhazoui et Julie Graziani qui ont posé, certes quelque peu maladroitement, respectivement, le problème de la reprise en main par la police des zones de non-droit, et celui de la responsabilité individuelle. Je serais très curieux d’avoir votre avis sur la question. Comptez-vous y consacrer une chronique ?]

      J’ai déjà consacré des chroniques aux deux sujets, qui sont très largement différentes. Je partage en grande partie la position de Zineb El Rhazoui: dans une République, le monopole de la violence légitime doit appartenir à l’Etat et à lui seul. Tolérer des zones de non-droit au prétexte qu’il faut pas faire de la peine à untel ou untel, c’est le début de la fin de l’idée républicaine elle-même. A ce propos, on peut lire l’excellent article sur Causeur à l’adresse suivante: https://www.causeur.fr/zineb-el-razhoui-jeanne-d-arc-adolescence-168793

      Par contre, je ne partage nullement le discours de Julie Graziani. Oui, nous sommes responsables des conséquences de nos choix et de nos actes. Non, nous ne sommes pas intégralement responsables de notre situation. Arnaud Lagardère ne doit pas sa fortune à ses mérites, et plus d’un fils de parents misérables est resté misérable malgré toutes ses qualités. Le discours de Graziani suppose que le monde est fondamentalement juste, et que l’effort finit toujours par payer. Et bien, ce n’est pas le cas. Bien sur, ceux qui travaillent ont plus de chances d’y arriver que ceux qui ne travaillent pas. Mais le fils d’ouvrier le plus industrieux n’a que peux de chances de finir avec la fortune d’un Arnaud Lagardère.

  9. morel dit :

    Vous parlez du « retour du veau d’or », pas faux mais cela évoque plutôt chez moi le « wergeld » cette antique coutume germanique qui visait à l’indemnisation monétaire des préjudices causés.

  10. BolchoKek dit :

    Salut Descartes,

    Aucun rapport, mais cela m’étonne de n’avoir pas vu de commentaire de ta part sur les évènements récents en Bolivie. Je pense que cela en intéresserait plus d’un d’avoir ton avis, puisque tu connais assez bien la région…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Aucun rapport, mais cela m’étonne de n’avoir pas vu de commentaire de ta part sur les évènements récents en Bolivie. Je pense que cela en intéresserait plus d’un d’avoir ton avis, puisque tu connais assez bien la région…]

      Je connais quelques pays de la région pour y avoir travaillé ou vécu: l’Argentine, le Chili, l’Uruguay, le Venezuela, ce qu’on appelle l’Amérique Latine “blanche”. Mais je connais peu les pays de l’arc “indien” (Perou, Bolivie, Equateur, Colombie). J’ai l’avantage de lire l’espagnol et je peux donc à la rigueur suivre ce qui s’écrit dans les journaux locaux, mais rien de plus. C’est pourquoi sur la Bolivie je n’ai pas d’analyse suffisamment approfondie pour faire un papier sur la question.

      Cela étant dit, je peux toujours donner mon analyse pour ce qu’elle vaut. Je pense qu’Evo Morales appartient à la tradition du “caudillisme” local, qui traduit le caractère féodal de la culture politique locale. Le “caudillo” est entouré de “caudillos locaux” qui en échange d’un soutien et d’une fidélité inconditionnelle reçoivent des postes et emplois qui leur permettent de s’enrichir sur la bête. Et à leur tour les “caudillos locaux” achètent la fidélité de “punteros” en échange d’une partie du butin. Cette pyramide féodale fait qu’il est difficile – pour ne pas dire impossible – pour le “caudillo” de quitter le pouvoir sans mettre en danger toute la pyramide qui s’est constituée en dessous de lui. La nature personnelle des fidélités fait que tant que le caudillo est vivant, il ne peut avoir d’héritier…

      Les régimes “caudillistes” passent toujours par les mêmes phases: une première phase ou pour constituer les clientèles populaires le “caudillo” redistribue la richesse aux plus pauvres. Cette première phase apparaît généralement lorsque le contexte international est très favorable et donne des réserves à distribuer. Cette phase est perçue à gauche comme généralement positive, puisqu’elle s’accompagne de distribution de pouvoir d’achat, d’investissements dans l’éducation, etc. Le problème, c’est que l’argent ainsi distribué va directement à la consommation sans que l’investissement productif permette à la production de couvrir la consommation, d’où le creusement de la dette… qui devient désastreux lorsque la conjoncture internationale se retourne et que les caisses se vident. Vient alors une phase de délitement, le régime perdant progressivement le soutien alors que la rapacité des “caudillos” et “punteros” apparaît de plus en plus insupportable. Et pour finir, vient la phase de déconfiture, ou l’économie sombre alors que le “caudillo” s’accroche au pouvoir, jusqu’au jour où il est poussé dehors.

      On a vu ce phénomène en Argentine dans les années 1944-55 avec Peron (une phase “redistributive” rendue possible par la destruction de l’Europe pendant la guerre, une phase de retournement lorsque la reconstruction européenne réduit la demande de blé et viande argentine, une phase de chute ou le désordre augmente jusqu’au jour ou les classes moyennes fatiguées appellent l’armée à intervenir pour rétablir un fonctionnement normal des institutions). On l’a vu au Venezuela de Chavez/Maduro (une phase “redistributive” permise par le pétrole cher, une phase de retournement au fur et à mesure que la baisse du prix du pétrole et la détérioration des infrastructures a rendu l’équilibre de la balance de paiements précaire, puis une phase de chute dans laquelle nous sommes toujours).

      En Bolivie, on a un phénomène analogue. Morales, qui pendant la phase “redistributive” commandait une très large majorité, s’est vu piégé par la phase de retournement lorsqu’il a voulu se maintenir au pouvoir: le référendum destiné à lui permettre un quatrième mandat vit le succès du “non”. Au lieu de tirer sa révérence, il a préféré s’accrocher d’abord en se faisant faire une décision judiciaire sur mesure, puis en organisant – ou a tout du moins en admettant – une victoire électorale obtenue par la fraude.

      Je pense donc que la “gauche radicale” a tort de crier au coup d’Etat. Elle ferait mieux de se demander pourquoi ces gouvernant supposés être “de gauche” ne forment jamais de successeurs viables, au point qu’ils sont condamnés à choisir entre se maintenir au pouvoir jusqu’à la mort, ou de partir avec le goudron et les plumes. La gauche se trompe aussi en s’imaginant que ces régimes sont “de gauche” simplement parce qu’ils prétendent s’occuper des “pauvres”. En fait, ce sont des régimes de nature féodale, dans laquelle ceux d’en haut donnent un peu à ceux d’en bas pour pouvoir gagner beaucoup eux-mêmes. Il faut dire qu’en comparaison avec la droite lationaméricaine, qui est caricaturalement réactionnaire…

      • Yoann Kerbrat dit :

        @Descartes

        Tient j’en ai profité pour lire une 40e d’article du Diplo sur Morales. Donc une réponse basé au moins la dessus.

        [Je pense donc que la “gauche radicale” a tort de crier au coup d’Etat. Elle ferait mieux de se demander pourquoi ces gouvernant supposés être “de gauche” ne forment jamais de successeurs viables]

        Est-ce si simple de sortir du “tribun” ? Surtout quand on s’appuie sur une diversité de mouvement aux contours incertains, unis derrière un personnage.

        Ce que je trouve le plus intéressant à observer c’est tout ce que Mélenchon a pris comme concept à des gens comme Morales : le mouvement, les communs (l’eau, l’électricité, etc), le discours sur le peuple, etc. Au dela du gauchiste c’est avant tout un personnage qui me semble fasciné par ces expériences. Au final il part d’expérience concrète ailleurs et s’en inspire. Etait-ce le cas au PCF de la grande époque, qui lui avait comme modèle l’URSS (et les Mao la Chine et la révolution culturelle, la CFDT et le PSU la Yougoslavie, la jeunesse 68tarde El Che) ?

        [Cette première phase apparaît généralement lorsque le contexte international est très favorable et donne des réserves à distribuer.]

        Il y a quand même des choses a prendre : nationalisations d’une part, mais aussi une certaine ouverture économique très pragmatique contre une imposition à la hauteur des enjeux sociaux (Morales dit lui même que son pays n’a pas les milliards et les compétences pour extraire certaine ressources du sol, donc l’étranger est le bienvenu – mais cela ne doit pas se faire au détriment des peuples d’une part, et d’autres part ils doivent contribuer au pays dans lequel ils font du business, donc pas de projet d’extraction et d’exportation 100% sous contrôle étranger).

        Au fond la difficulté est connu de tout pays qui exporte des ressources naturelles (du sous sol, de l’agriculture) : peu de diversification, soumis aux aléa des marchés mondiaux, en concurrence sur ces matières. La maladie Hollandaise est jamais loin pour sapé le peu d’industrie existante, et le développement d’un socle industriel parait évidemment difficile (la Chine a pu le faire, mais quand on représente 1/7e de la population mondiale on a plus a offrir pour faire venir les usines; associé a un état stratège, fort, pragmatique).

        [En fait, ce sont des régimes de nature féodale, dans laquelle ceux d’en haut donnent un peu à ceux d’en bas pour pouvoir gagner beaucoup eux-mêmes.]

        Le gouvernement Morales c’est quand même des personnages d’en bas avant tout. A la différence d’autres partis plus ouvert envers les couches moyennes.

        Et si ceux d’en haut sont content, pourquoi ils se donnent autant d’effort pour le chasser du pays ?

        • Descartes dit :

          @ Yoann Kerbrat

          [« Je pense donc que la “gauche radicale” a tort de crier au coup d’Etat. Elle ferait mieux de se demander pourquoi ces gouvernant supposés être “de gauche” ne forment jamais de successeurs viables » Est-ce si simple de sortir du “tribun” ? Surtout quand on s’appuie sur une diversité de mouvement aux contours incertains, unis derrière un personnage.]

          Quand De Gaule est parti, l’UDR s’est trouvé un nouveau candidat, Pompidou, l’a fait élire, et il a pu gouverner (et il aurait certainement terminé son mandat s’il avait vécu). Quand Chirac est parti, l’UMP a proposé un autre candidat et l’a fait élire. Et là encore le nouveau président a pu gouverner pleinement et a fini son mandat. Comme quoi, on peut sortir du « tribun ».

          Mais quand Lula est parti, sa successeur, Dima Roussef, n’a pas pu gouverner et a fini par être démise. Quand Peron est mort, le pays a sombré dans le chaos et sa vice-présidente a été renversée… La différence, c’est que ni Chirac ni De Gaulle ne se maintenaient au pouvoir par la force des fidélités personnelles d’un système pyramidal. Les fonctionnaires qui ont servi Giscard sont les mêmes qui ont servi Mitterrand, parce que leur fidélité n’est pas personnelle, elle est institutionnelle.

          Je crois qu’il est difficile pour un français, habitué à un fonctionnement hyper-institutionnel, de s’imaginer ce que c’est que de vivre dans un système où chacun – fonctionnaires compris – n’obéissent qu’à celui qui les arrose de prébendes en échange. Un système ou le juge, le policier, l’instituteur ne sont pas les serviteurs d’une institution, mais les serviteurs d’un « clan ».

          [Ce que je trouve le plus intéressant à observer c’est tout ce que Mélenchon a pris comme concept à des gens comme Morales : le mouvement, les communs (l’eau, l’électricité, etc), le discours sur le peuple, etc. Au dela du gauchiste c’est avant tout un personnage qui me semble fasciné par ces expériences.]

          Mélenchon n’est pas le seul. Le gauchisme français a toujours été fasciné par les « socialismes tropicaux ». Il faut relire « La révolution dans la révolution » de Régis Debray : en relisant cet opuscule avec le recul on comprend le pourquoi de cette fascination. Nous sommes un vieux pays, fortement institutionnalisé. Et c’est pourquoi changer les choses prend du temps. Même nos révolutions, dont nous sommes à juste titre fiers, s’inscrivent dans une continuité historique. Ce qui fascine dans l’Amérique Latine, c’est sa plasticité. Il suffit que le « caudillo » pointe du doigt et dise « je veux », pour que les choses se fassent. Et pour un révolutionnaire, c’est le rêve…

          Seulement, il faut comprendre que la force de ce système est aussi sa faiblesse. Parce qu’il suffit qu’un autre « caudillo » dise « je ne veux pas » pour que la chose se défasse. Oui, on peut faire des choses beaucoup plus facilement, mais les choses se défont beaucoup plus facilement aussi.

          [Au final il part d’expérience concrète ailleurs et s’en inspire. Etait-ce le cas au PCF de la grande époque, qui lui avait comme modèle l’URSS (et les Mao la Chine et la révolution culturelle, la CFDT et le PSU la Yougoslavie, la jeunesse 68tarde El Che) ?]

          Difficile de comparer. Pour les révolutionnaires soviétiques, la « Grande Révolution » française était le modèle. En d’autres termes, lorsque le PCF en faisait une référence jusqu’à un certain point il se regardait dans un miroir. Mais le PCF, parce qu’il était avant tout institutionnaliste, a très vite compris les limites dans l’exportabilité du modèle soviétique. Le PCF n’a jamais vraiment cru qu’on pourrait collectiviser la terre en France, et l’idée qu’il fallait définir une « voie française au socialisme » apparaît très tôt. Les soixante-huitards (maoïstes ou PSU entre eux) étaient au contraire anti-institutionnels. Et du coup étaient plus enclins à aller se chercher des exemples à imiter.

          [Il y a quand même des choses a prendre : nationalisations d’une part, mais aussi une certaine ouverture économique très pragmatique contre une imposition à la hauteur des enjeux sociaux (Morales dit lui même que son pays n’a pas les milliards et les compétences pour extraire certaine ressources du sol, donc l’étranger est le bienvenu – mais cela ne doit pas se faire au détriment des peuples d’une part, et d’autres part ils doivent contribuer au pays dans lequel ils font du business, donc pas de projet d’extraction et d’exportation 100% sous contrôle étranger).]

          Je ne dis pas le contraire. Mais le problème des régimes « caudillistes » est qu’ils construisent sur du sable. Ils nationalisent mais ensuite les entreprises nationalisées sont pillées par les « féodaux » du pouvoir. Morales a certainement été plus réaliste que Chavez, et plus conscient des limites du modèle, mais il n’en reste pas moins qu’autour du MAS s’est constitué une féodalité qui n’est pas très différente de la « boliburguesia » vénézuélienne.

          [Au fond la difficulté est connu de tout pays qui exporte des ressources naturelles (du sous sol, de l’agriculture) : peu de diversification, soumis aux aléa des marchés mondiaux, en concurrence sur ces matières.]

          Certes. Mais justement, la décennie des prix du pétrole hauts aurait permis de constituer une cagnotte et d’investir dans les infrastructures et dans la diversification de l’économie. Le problème des « caudillismos » est qu’au-delà du « caudillo » se constitue une féodalité qui ne cherche qu’à profiter de l’instant présent pour faire fortune, et qui pense qu’après eux, le déluge.

          [« En fait, ce sont des régimes de nature féodale, dans laquelle ceux d’en haut donnent un peu à ceux d’en bas pour pouvoir gagner beaucoup eux-mêmes. » Le gouvernement Morales c’est quand même des personnages d’en bas avant tout. A la différence d’autres partis plus ouvert envers les couches moyennes.]

          D’en bas à l’origine, peut-être. Mais curieusement, après dix ans de pouvoir ils se retrouvent à la tête de fortunes non négligeables. Quand je parlais des gens « d’en haut », je parlais des « grands féodaux » qui entourent le « caudillo ». Clairement, cette féodalité entre en conflit avec la bourgeoisie plus traditionnelle et les « classes moyennes ».

          • Yoann Kerbrat dit :

            @Descartes

            La question est donc la suivante : comment construire les fondations ? Pour ne pas avoir a construire sur le sable…

            La France a son histoire, et on a eu de longue date les réformes qui ont permis l’institutionnalisation du pays (disons que ça débute sous Le Bel, ça prend son essors sous Louis XIV, c’est déjà bien mûrie a la révolution Française – la noblesse faisait office a sa façon de corps de fonctionnaire en charge des territoires).

            Mais quand on est un Evo Morales, comment dépassé ce problème ? On ne choisi pas des institutions dont on va hérité, et il faut savoir formuler des alliances pour accéder au pouvoir…

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [La France a son histoire, et on a eu de longue date les réformes qui ont permis l’institutionnalisation du pays (disons que ça débute sous Le Bel, ça prend son essor sous Louis XIV, c’est déjà bien mûr a la révolution Française – la noblesse faisait office a sa façon de corps de fonctionnaire en charge des territoires).]

              Non, justement. Il y a une différence fondamentale entre l’administration féodale et l’administration par des fonctionnaires. Les seigneurs exerçaient leur charge à leur profit, les fonctionnaires reçoivent un traitement qui ne dépend pas du résultat de leur action. Le seigneur a tout intérêt à extraire du paysan autant d’impôts que possible, parce que ces impôts vont dans sa poche. Un trésorier- payeur n’a aucun intérêt personnel dans l’augmentation des impôts. Le seigneur gère son fief – et le roi son royaume – comme un bien personnel. Le fonctionnaire n’est qu’un commis.

              Le processus d’institutionnalisation de la France c’est justement une autonomie de l’Etat par rapport au domaine personnel. Ainsi, par exemple le roi pouvait au temps de la féodalité vendre librement des terrains et même des provinces entières ou diviser le royaume entre ses héritiers selon son bon plaisir, comme le ferait n’importe quel propriétaire foncier. Cette possibilité disparaît progressivement à partir du XIIème siècle. En 1318, Philippe V réforme toutes les aliénations du domaine royal. L’édit de Moulins de 1566 rend le domaine public inaliénable, et consacre donc la séparation entre les biens « de la Couronne », dont le roi n’est qu’usufruitier, et ceux qui appartiennent au roi en propre et qu’il peut vendre et acheter comme il l’entend.

              C’est précisément ce processus d’institutionnalisation qui manque en Amérique Latine, ou les « caudillos » ignorent allègrement cette séparation. Lorsque dans son émission « Allo présidente ! » Chavez distribuait emplois et subventions à ceux qui l’appelaient, il distribuait des biens publics comme si c’étaient les siens.

              [Mais quand on est un Evo Morales, comment dépassé ce problème ? On ne choisit pas des institutions dont on va hériter, et il faut savoir formuler des alliances pour accéder au pouvoir…]

              Vous avez tout à fait raison. On ne peut demander à Evo Morales de gouverner comme le ferait un président français. Mais si on ne choisit pas les institutions dont on hérite, on peut, lorsqu’on est au pouvoir, chercher à les modifier. Si nous avons en France des institutions, c’est parce que les Richelieu, les Louis XIV ou les Napoléon ont fait ce qu’ils ont pu dans les contraintes de leur époque ce qu’ils ont pu pour avancer dans la bonne direction. Ce que je reprocherai à Morales, ce n’est pas d’avoir gouverné comme un « caudillo », mais de ne pas avoir utilisé cette toute-puissance pour établir des institutions plus solides que celles qu’il a trouvé en arrivant.

              C’est un peu cela le problème de certains « caudillos » latino-américains – mais pas tous, il y a des exceptions. Richelieu, Louis XIV, Napoléon, De Gaulle ont chacun su mettre des limites à leur toute-puissance, en créant des institutions qui contenaient en germe cette limitation. Ils ne l’ont pas fait par grandeur d’âme, mais parce qu’ils ont compris que l’abandon du pouvoir absolu offrait en contrepartie une plus grande stabilité et des moyens renforcés. Mieux vaut être le roi constitutionnel d’un pays riche et puissant que le roi absolu d’un pays en proie à la guerre civile. C’est ce principe fondamental que les « caudillos » latino-américains n’ont pas assimilé.

          • Yoann Kerbrat dit :

            @Descartes

            Une autre question : la voie Française au socialisme, c’était quoi les grandes idées ?

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Une autre question : la voie Française au socialisme, c’était quoi les grandes idées ?]

              L’idée force était que le mode de construction du socialisme en URSS ne pouvait pas constituer un modèle, et que chaque pays devait trouver un chemin en fonction de son histoire politique, économique et institutionnelle. C’était la rupture avec un courant plus sectaire qui soutenait l’application mécanique du modèle soviétique partout dans le monde. Le plus amusant est qu’on associe cette idée de “modèle national” à l’anti-stalinisme, alors que cette conception “nationaliste” est intimement liée au contraire au stalinisme, là où le trotskysme proposait un modèle unique.

              A partir de cette idée d’adaptation aux conditions nationales, le PCF considérait que l’expérience historique et institutionnelle du peuple français et son niveau d’éducation rendait possible une transition au socialisme par la voie démocratique, et qu’il fallait jouer le jeu des institutions, présenter des candidats aux élections, et éventuellement exercer le pouvoir. Cela paraît une évidence aujourd’hui, mais il fallut un long combat idéologique pour convaincre les partisans du “grand soir” armé que leur projet n’avait aucune chance d’aboutir dans un pays comme le notre…

            • Yoann Kerbrat dit :

              @Descartes

              [Cela paraît une évidence aujourd’hui]

              J’en parlerais aux gilets jaunes. Plus sérieusement, considérant l’échec du Mitterrandisme, je me demande si on ne devrait pas plutôt prôner un modèle mixte entre révolution et voie électorale (le premier pour appuyer le second, les institutions étant peuplées de techno ça ne joue pas en notre faveur, sans parler du rapport de force dans les institutions capitalistes).

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [J’en parlerais aux gilets jaunes.]

              Je ne vois pas très bien quelle « révolution » font les gilets jaunes. C’est Lénine je crois qui disait que la colère fait des révoltes, mais jamais de révolutions. Parce qu’une révolution suppose non seulement qu’on exprime un rejet, mais qu’on soit capable de définir un projet.

              [Plus sérieusement, considérant l’échec du Mitterrandisme, je me demande si on ne devrait pas plutôt prôner un modèle mixte entre révolution et voie électorale (le premier pour appuyer le second, les institutions étant peuplées de techno ça ne joue pas en notre faveur, sans parler du rapport de force dans les institutions capitalistes).]

              Je n’arrive pas à comprendre ce rejet des « technos ». Les technocrates ont cela de particulier qu’ils ne sont intéressés que par la technique. Et une technique, ça peut servir des projets politiques très différents. Les maréchaux qui ont gagné pour Staline la deuxième guerre mondiale étaient pour beaucoup des « technos » de l’art militaire formés dans les académies tsaristes. Faire des « technos » l’ennemi, comme si la technique définissait un projet politique, c’est se tromper de cible.

              Le problème de votre « modèle mixte », c’est sa cohérence. Le démocratie « électorale » repose sur un consensus : celui de tous les groupes sociaux pour accepter collectivement le verdict des urnes. Ceux qui sont battus si plient à la discipline qui consiste à laisser gouverner celui qui a gagné l’élection. Or, votre « révolution » rompt forcément ce consensus, puisqu’elle amène à mettre au pouvoir non pas celui qui a gagné l’élection, mais celui que la rue désigne. Comment les deux pourraient coexister ?

            • Yoann Kerbrat dit :

              [Je n’arrive pas à comprendre ce rejet des « technos »]

              Disons que les “techno” ont tendance a vouloir gouverner en dehors des décisions démocratiques prisent par le peuple (je connais bien le profil). Et ils ont tendance a suivre leur idéologie (néolibéral), donc ils seraient enclin a refuser de mettre en place les décisions prisent par un gouvernement de gauche (si les fonctionnaires refusent de mettre en place le contrôle des capitaux on fait quoi ?).

              [ Ceux qui sont battus si plient à la discipline qui consiste à laisser gouverner celui qui a gagné l’élection.]

              J’imagine déjà le patronat accepter de nouveau critère de gestions des entreprises, des droits nouveaux pour les employés. J’imagine les banques et le monde de la finance accepté de laisser la main au peuple et à la démocratie.

              Pour le dire autrement : je ne pense pas le socialisme possible par voie purement réformiste. Entre les lacunes de l’état, une opposition franche au socialisme dans les institutions, et une opposition ferme dans les entreprises…

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Disons que les “techno” ont tendance a vouloir gouverner en dehors des décisions démocratiques prisent par le peuple (je connais bien le profil). Et ils ont tendance a suivre leur idéologie (néolibéral), donc ils seraient enclin a refuser de mettre en place les décisions prisent par un gouvernement de gauche (si les fonctionnaires refusent de mettre en place le contrôle des capitaux on fait quoi ?).]

              Pourriez-vous donner un exemple précis ou l’on ait pu observer une telle obstruction ? Notre histoire a montré plutôt le contraire : les « technocrates » ont servi tous les régimes, au point qu’on leur a reproché de ne pas avoir des principes. Pensez au nombre de techniciens qui ont servi le front populaire, le gouvernement de Vichy puis celui de la libération…

              [J’imagine déjà le patronat acceptant de nouveaux critère de gestions des entreprises, des droits nouveaux pour les employés. J’imagine les banques et le monde de la finance accepté de laisser la main au peuple et à la démocratie.]

              En 1945, le patronat a bien accepté la création de la sécurité sociale, la nationalisation du crédit, de l’électricité et du gaz, de la régie Renault. En 1981, les patrons ont bien accepté la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures, les nationalisations…

              [Pour le dire autrement : je ne pense pas le socialisme possible par voie purement réformiste. Entre les lacunes de l’état, une opposition franche au socialisme dans les institutions, et une opposition ferme dans les entreprises…]

              J’avoue que la dichotomie entre « réformiste » et « révolutionnaires » ne m’a jamais convaincu. Le choix des instruments politiques n’est pas une question théorique, mais découle de l’analyse d’une situation concrète.

            • Yoann Kerbrat dit :

              @Descartes

              [Pourriez-vous donner un exemple précis ou l’on ait pu observer une telle obstruction ?]

              Peut être que les temps ont changé. Mais disons que les ingénieurs ayant passé le concours et intégré la fonction publique pour devenir les petites mains des ministères de l’agriculture et de l’environnement voient les choses de la façon suivante : “les politiciens ne savant pas quelles sont les bonnes décisions, donc a moi de les guider… ”

              [En 1945, le patronat a bien accepté la création de la sécurité sociale, la nationalisation du crédit, de l’électricité et du gaz, de la régie Renault. En 1981, les patrons ont bien accepté la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures, les nationalisations…]

              Il n’y a plus de PCF armé, plus de peur rouge, plus d’URSS, plus besoin de se cacher derrière une démocratie assez fonctionnelle…

              81 ils se laissent faire, mais ça ne dure que 3 ans. A peine.

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Peut être que les temps ont changé. Mais disons que les ingénieurs ayant passé le concours et intégré la fonction publique pour devenir les petites mains des ministères de l’agriculture et de l’environnement voient les choses de la façon suivante : “les politiciens ne savant pas quelles sont les bonnes décisions, donc a moi de les guider… ”]

              Vous parliez des « technos » empêchant le politique de gouverner. Ici, vous revenez à une position plus rationnelle en parlant des « technos » qui prétendent « guider » les gouvernants. Vous admettrez que c’est tout de même une correction importante. Je constate en tout cas que vous ne trouvez pas d’exemple ou les « technos » aient imposé une décision au politique et empêché ce dernier de gouverner.

              Les « technos » parlent du haut de leur savoir. Il est donc parfaitement logique qu’ils se placent sur le plan de la rationalité et soient persuadés de proposer la « bonne décision », et de vouloir guider le politique dans cette direction-là. Je dirais même qu’un « techno » qui ne se place dans cette logique manque à ses devoirs. Mais de l’autre côté, le politique est libre d’abord de choisir les « technos » à qui il fait confiance, et libre aussi de ne pas suivre leur avis.

              [81 ils se laissent faire, mais ça ne dure que 3 ans. A peine.]

              Ah bon ? Et après, ils ont fait quoi ? Ce ne sont pas les patrons qui ont empêché Delors ou Mitterrand de faire une politique favorable aux couches populaires par un coup d’Etat, que je sache. C’est Mitterrand qui entre la rupture avec le SME et l’austérité a choisi la deuxième solution.

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes

        Merci pour ta réponse. Il est assez déprimant de voir que tant d’années après s’être débarrassés du joug colonial, les pays d’Amérique du sud sont restées au final des viceroyautés sans roi, avec une économie basée sur l’exportation de produits peu transformés, et une politique qui tourne autour de la répartition de la rente.

        [Je connais quelques pays de la région pour y avoir travaillé ou vécu: l’Argentine, le Chili, l’Uruguay, le Venezuela, ce qu’on appelle l’Amérique Latine “blanche”. Mais je connais peu les pays de l’arc “indien” (Perou, Bolivie, Equateur, Colombie).]

        Excuse-moi, mais le Venezuela fait-il vraiment partie de “l’Amérique latine blanche” ? J’ai toujours eu l’impression que le Venezuela, au moins culturellement, était en quelque sorte au croisement des anciennes colonies “indiennes” et de l’espace caribéen – ce n’est pas à mon avis un hasard si le sport national y est le baseball et non le football, comme à Cuba et à Saint-Domingue.

        D’ailleurs, pendant que j’y suis, on ne t’a pas encore lu sur la situation au Chili non plus…

        • Descartes dit :

          @ BolchoKek

          [Merci pour ta réponse. Il est assez déprimant de voir que tant d’années après s’être débarrassés du joug colonial, les pays d’Amérique du sud sont restés au final des viceroyautés sans roi, avec une économie basée sur l’exportation de produits peu transformés, et une politique qui tourne autour de la répartition de la rente.]

          Je ne dirais pas des « viceroyautés ». Mais ce sont des sociétés qui fonctionnent plus ou moins sur des rapports qui restent féodaux. L’Etat méritocratique est en fait une institution étrangère, qui n’a jamais réussi à s’acclimater pleinement. Lorsqu’Alain Rouquié a essayé de fonder un équivalent de l’ENA en Argentine, il s’est trouvé avec tous les partis politiques contre lui. Recruter les fonctionnaires par concours, vous n’y pensez pas ! A la fin, il fut proposé que chaque parti politique désignerait un nombre d’admis à proportion de son poids électoral…

          [Excuse-moi, mais le Venezuela fait-il vraiment partie de “l’Amérique latine blanche” ?]

          Ça se discute. C’est le moins « indien » des pays « blancs », ou le plus « blanc » des pays indiens. Mais personnellement je le place parmi les pays « blancs », dans le sens ou même si une partie de la population est d’origine indienne, elle est totalement assimilée au mode de vie occidental, et ne conserve guère une culture séparée, ce qui n’est pas le cas au Pérou, par exemple.

          [D’ailleurs, pendant que j’y suis, on ne t’a pas encore lu sur la situation au Chili non plus…]

          L’explosion chilienne et une explosion beaucoup plus classique, dans un pays dominé par une oligarchie toute-puissante. Depuis l’époque Pinochet, il existait un pacte implicite entre les classes intermédiaires et cette oligarchie – c’est d’ailleurs ce pacte qui avait permis d’organiser le coup d’Etat qui avait porté Pinochet au pouvoir. C’est ce pacte que Piñera a rompu, notamment en poussant la privatisation de la santé et de l’éducation supérieure… toujours un sujet sensible pour les classes intermédiaires.

          • BolchoKek dit :

            @ Descartes

            [Depuis l’époque Pinochet, il existait un pacte implicite entre les classes intermédiaires et cette oligarchie – c’est d’ailleurs ce pacte qui avait permis d’organiser le coup d’Etat qui avait porté Pinochet au pouvoir. C’est ce pacte que Piñera a rompu, notamment en poussant la privatisation de la santé et de l’éducation supérieure… toujours un sujet sensible pour les classes intermédiaires.]

            Puis-je te presser dans ce sens ? Pour toi c’est finalement une révolte des classes intermédiaires ?
            J’avais eu l’impression que le mécontentement allait un peu plus loin, et touchait aussi les classes populaires, les autres, la grande masse des mineurs, des camionneurs et des fermiers… J’avoue que s’il est un “socialisme tropical” dont je suis coupable, c’est celui d’Allende. Il est mort des décennies avant que je naisse, mais son dernier discours à la radio au peuple chilien est l’une des plus belles choses que j’aie entendu dans ce registre :

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Puis-je te presser dans ce sens ? Pour toi c’est finalement une révolte des classes intermédiaires ?]

              Sans doute. En Amérique Latine, il faut bien chercher pour trouver un changement de gouvernement qui se soit fait contre l’avis des classes intermédiaires. Souvent, ce sont elles qui appellent à cor et à cri les interventions militaires. Il y a même une expression locale, « golpear à la puerta de los cuarteles » (« frapper à la porte des casernes »). L’appui des classes intermédiaires – du moins de certains secteurs, parce que les classes intermédiaires dans ces pays sont profondément divisées – est un enjeu essentiel dans ces pays.

              Le pouvoir des classes intermédiaires en Amérique latine est sans commune mesure avec celui qu’elles ont en France. Si en France les classes intermédiaires détiennent l’essentiel du capital intellectuel, en Amérique Latine elles en ont un monopole absolu. En France, un fils d’ouvrier peut accéder à l’université et même à une grande école, alors qu’au Chili il a de la chance s’il complète les études secondaires.

              [J’avais eu l’impression que le mécontentement allait un peu plus loin, et touchait aussi les classes populaires, les autres, la grande masse des mineurs, des camionneurs et des fermiers…]

              Oui et non. Les classes intermédiaires craignent par-dessus tout la masse populaire, et tolèrent les « caudillos » à défaut de les soutenir aussi longtemps que le « caudillo » semble avoir le contrôle de la foule. C’est lorsque le « caudillo » semble devoir perdre le contrôle que les classes intermédiaires se tournent vers ceux qui semblent capables de maintenir l’ordre, par la force si nécessaire. Mais lorsque la masse est tranquille et ne semble pas menaçante, les classes intermédiaires n’hésitent pas à l’utiliser comme « masse de manœuvre » pour abattre un gouvernement qui menace ses intérêts. Les mineurs, les camionneurs, les fermiers sont mécontents depuis longtemps. Pourquoi manifestent-ils aujourd’hui, juste au moment où Piñera touche aux intérêts des couches intermédiaires ? Parce que le mécontentement ne suffit pas pour sortir les gens dans la rue, il faut pour cela une idéologie.

              [J’avoue que s’il est un “socialisme tropical” dont je suis coupable, c’est celui d’Allende. Il est mort des décennies avant que je naisse, mais son dernier discours à la radio au peuple chilien est l’une des plus belles choses que j’aie entendu dans ce registre :]

              Celui d’Allende n’est pas vraiment un « socialisme tropical ». La conception de l’Etat et de l’exercice du pouvoir mise en œuvre par Allende doit plus à la tradition socialiste européenne qu’à la logique « caudilliste » latino-américaine. C’est pour cela que la figure d’Allende parle plus aux français que celles de Vargas, de Peron, de Lula ou de Chavez. Son dernier discours – magnifique – en est une parfaite illustration: il aurait parfaitement pu être prononcé par un leader français. Lorsque vous le comparez à la rhétorique d’un Fidel Castro, par exemple, vous voyez la différence.

  11. cd dit :

    Après tout l’Eglise a longtemps soutiré de l’argent aux pauvres pécheurs sous forme d’indulgences en leur promettant une place au paradis. N’est-il pas normal qu’étant elle même pécheresse elle se rachète en espèces sonnantes et trébuchantes ? Cela reste dans la même logique financière.

    A part ça j’apprécie beaucoup votre blog que je suis depuis déjà quelques années.

    • Descartes dit :

      @ cd

      [A part ça j’apprécie beaucoup votre blog que je suis depuis déjà quelques années.]

      Merci beaucoup de cet encouragement. Se sentir apprécié me donne envie de continuer…

  12. Vincent dit :

    Quand j’ai vu passer cette histoire d’indemnisation forfaitaire, ma réaction a été un peu différente : Voici ce que c’était :
    Je me suis dit que ça n’avait aucun sens à priori, et je me suis demandé quelle pouvait être l’utilité pour l’Eglise d’annoncer qu’elle verserait, si on peut dire, de l’argent aux victimes de prêtres.
    Je me suis dit qu’une raison pouvait être de faire passer aux prêtres le message : “si vous faites ce genre de chose, non seulement vous prenez un risque pénal pour vous même, comme avant, mais en plus, vous allez nuire à l’institution, qui sera obligée de payer pour vos conneries.”
    Et peut-être, l’attachement à l’institution aidant, cela pourrait aider certains prêtres à mieux se contrôler.

    Mais si une institution comme l’Eglise en est à devoir en appeler à l’argument financier pour dissuader ses prêtres, c’est que cette institution est totalement dénaturée, puisque les conséquences morales pour l’institution semblent moins importantes que les conséquences financières…
    Et du coup, on rejoint un peu votre point.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je me suis dit que ça n’avait aucun sens à priori, et je me suis demandé quelle pouvait être l’utilité pour l’Eglise d’annoncer qu’elle verserait, si on peut dire, de l’argent aux victimes de prêtres.]

      La réponse est, je crois, explicite dans les éléments de langage de l’épiscopat : en sacrifiant une somme d’argent, l’église démontre à la société que son repentir est vrai, qu’il ne s’agit pas « que de mots ». Ce faisant, l’église reconnaît que l’argent est devenu la mesure de toute chose, le seul patron universel. On mesure l’authenticité d’un repentir à la quantité d’argent que vous êtes prêt à y consacrer.

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes

        [Ce faisant, l’église reconnaît que l’argent est devenu la mesure de toute chose, le seul patron universel. On mesure l’authenticité d’un repentir à la quantité d’argent que vous êtes prêt à y consacrer.]

        Je pense que c’est une preuve donnée aux mauvaises langues que l’Église sait se moderniser : plus de “frisson”, rien que du “paiement au comptant”. C’est tout à fait dans l’ère du siècle.
        Ironie mise à part, moi qui suis un affreux léniniste athée fornicateur issu d’une longue lignée de catholiques très fervents, j’éprouve surtout de la pitié pour ce genre de fait. Je voudrais vouloir pendre le dernier curé avec les tripes du dernier aristocrate, mais… Je ne puis. Je n’y ai pas le cœur. Quand je vois l’État de l’Église et de la monarchie britannique, je me dis qu’en cette époque néolibérale, les figures réactionnaires ne sont plus ce qu’elles sont. Elles attirent surtout ma pitié. L’église catholique que je respecte, c’est plus celle de Lefebvre, celle qui condamne l’adultère à la damnation éternelle et le syndicalisme à des siècles de purgatoire, celle qui décrète ce que l’on doit faire et ne pas faire. Le feu de l’enfer ! La damnation éternelle ! Le salut des âmes ! Ça, ça a de la gueule… Mais cette bande de véreux qui couvrent des pédophiles sous une idéologie Bisounours, je me sentirais franchement mal de les détester. Je ne déteste déjà pas le parlement européen…
        Je pense qu’il faut reconnaitre un certain mérite à un adversaire pour le détester – je veux dire, le haïr. Or, l’Église ne fait que dilapider l’héritage moral, intellectuel et politique qui est le sien, ce qui n’a aucun mérite. Tu as un jour dit que tu haïssais Mitterrand, et que c’était peut-être le seul homme que tu détestais vraiment. Mais n’est-ce pas parce qu’il était lui-même plein de mérites qu’il était détestable à tes yeux ?

        • Descartes dit :

          @ BolchoKek

          [Je pense que c’est une preuve donnée aux mauvaises langues que l’Église sait se moderniser : plus de “frisson”, rien que du “paiement au comptant”. C’est tout à fait dans l’air du siècle.]

          Tout à fait. Je ne sais pas si l’on peut parler de « modernité », mais en tout cas c’est la preuve que l’Eglise sait percevoir l’air du temps, et se mettre à son diapason.

          [L’église catholique que je respecte, c’est plus celle de Lefebvre, celle qui condamne l’adultère à la damnation éternelle et le syndicalisme à des siècles de purgatoire, celle qui décrète ce que l’on doit faire et ne pas faire. Le feu de l’enfer ! La damnation éternelle ! Le salut des âmes ! Ça, ça a de la gueule… Mais cette bande de véreux qui couvrent des pédophiles sous une idéologie Bisounours, je me sentirais franchement mal de les détester. Je ne déteste déjà pas le parlement européen…]

          « If I thought there was some god who really did care two hoots about people, who watched ’em like a father and cared for ’em like a mother… well, you wouldn’t catch me sayin’ things like “There are two sides to every question,” and “We must respect other people’s beliefs.” You wouldn’t find me just being gen’rally nice in the hope that it’d all turn out right in the end, not if that flame was burning in me like an unforgivin’ sword. And I did say burnin’, Mister Oats, ‘cos that’s what it’d be. You say that you people don’t burn folk and sacrifice people any more, but that’s what true faith would mean, y’see? Sacrificin’ your own life, one day at a time, to the flame, declarin’ the truth of it, workin’ for it, breathin’ the soul of it. That’s religion. Anything else is just… is just bein’ nice. And a way of keepin’ in touch with the neighbors. » (1) (Terry Pratchett, “Carpe Jugulum”).

          [Or, l’Église ne fait que dilapider l’héritage moral, intellectuel et politique qui est le sien, ce qui n’a aucun mérite. Tu as un jour dit que tu haïssais Mitterrand, et que c’était peut-être le seul homme que tu détestais vraiment. Mais n’est-ce pas parce qu’il était lui-même plein de mérites qu’il était détestable à tes yeux ?]

          Je n’utiliserais pas le terme « mérites » qui implique un jugement de valeur. Mais je ne le haïrais probablement pas s’il avait été un imbécile. C’est effectivement son intelligence, son génie tactique et stratégique qui le rendent haïssable.

          (1) « Si je croyais qu’il y a un dieu quelque part qui se préoccupe ne serait-ce qu’un peu des gens, qui les regarde comme un père et s’inquiète d’eux comme un mère… et bien, vous ne m’entendriez pas dire des choses du genre « plusieurs points de vue sont possibles » ou « nous devons respecter les croyances des autres ». Vous ne me verriez pas être sympa dans l’espoir que tout s’arrangera à la fin, pas si la flamme brulait en moi comme une épée. Et j’ai dit « brûler », monsieur Oats, parce que c’est cela qu’elle ferait. Vous me dites que vos fidèles ne brûlent plus les gens et ne font plus de sacrifices. Mais c’est cela qui fait la vrai foi, voyez-vous ? Sacrifier votre propre vie, un jour à la fois, à la flamme. Proclamant que la vérité, c’est elle. Travaillant pour elle. Respirant son âme. C’est ça, la religion. Tout le reste… c’est juste être gentil. Et un moyen de garder le contact avec les voisins ».

          • Kranck dit :

            Une citation adaptée…
            Par curiosité, vous les avez lu en anglais d’emblée ou avez vous d’abord eu sous les yeux la traduction- par ‘ailleurs remarquable- de Couton ?

            • Descartes dit :

              @ Kranck

              [Par curiosité, vous les avez lu en anglais d’emblée ou avez vous d’abord eu sous les yeux la traduction- par ‘ailleurs remarquable- de Couton ?]

              J’ai découvert Pratchett en anglais… et j’ai continué à le lire en cette langue. Le texte fourmille de jeux de mots qui se perdent dans la traduction, aussi bonne soit-elle, et c’est le cas pour celle de Couton. J’ajoute qu’il faudrait pour le lecteur français une version annotée. Il y a en effet dans le texte quantité de références culturelles qui n’ont rien d’évident pour celui qui n’a pas une culture anglaise!

              Je profite pour recommander la lecture de l’oeuvre de Pratchett à tous les lecteurs de ce blog. Ses bouquins paraissent légers, mais ils abordent souvent des sujets complexes avec une profondeur étonnante.

  13. luc dit :

    Mes encouragements , à vrai dire ma reconnaissance , vont à l’égard de votre travail , de votre patrimoine immatériel et aussi à la qualité de votre style ,ouvert , exigeant mais toujours enclin à la contreverse de qualité
    Ah ! Ce sujet de la pédophilie dans l’église catholique ?
    Pourquoi pas la pédophilie chez les Inuits , les grecs ,les prètres orthodoxes ?
    Pourquoi pas la pédophilie dans les boccages normands ?
    La pédophilie dans les écoles coraniques ,la pédophilie en Tha¨landes ?La pédophilie chez les komsomols ? chez les traiders ?
    Existe t l des pédophiles chez les pasteurs protestants ? chez les moines bouidtses?chez les rabbins ?chez les imamns ?
    La pédophilie chez les djihadistes de Daech,ou al quaïda ?
    Les soldatesque iranienne , française , ou états-unienne , sont elles exemptes de pédophiles?et les autres soldatesques?et internet ?
    Dans le fond n’est ce pas toute la problématique de la sexualité et des retenues obligatoires qu’elle requiert ,qui ne sont plus posées dans la noosphère actuelle?
    La psychanalyse qui nourrissait les débats dans les années 70,pourquoi a t elle disparue , e la sphére culturel ,médiatique et des institutions d’éducation populaire?
    Submergés par internet , les consommateurs actuels de fantasmes délurés mis en image , que sont devenus les adultes,et parfois des enfants,ont ils les moyens de comprendre et juguler leurs pulsons parfois criminelles ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Ah ! Ce sujet de la pédophilie dans l’église catholique ? Pourquoi pas la pédophilie chez les Inuits, les grecs, les prêtres orthodoxes ?]

      Peut-être parce que l’influence dans notre société des Inuits, des grecs ou des prêtres orthodoxes est très limitée. Mais aussi parce que l’Eglise catholique est une institution qui joue dans notre société un rôle qui reste important. D’ailleurs, vous noterez que la pédophilie dans les milieux de l’éducation nationale a elle aussi fait l’objet de réactions médiatiques, à la mesure de l’importance de l’école comme institution dans notre société.

      [Dans le fond n’est-ce pas toute la problématique de la sexualité et des retenues obligatoires qu’elle requiert, qui ne sont plus posées dans la noosphère actuelle?]

      Effectivement, il y a dans la couverture médiatique et institutionnelle de la pédophilie un acharnement qui traduit le néo-victorianisme ambiant. Après la libération sexuelle qui a suivi mai 1968, nous sommes venus à un néo-puritanisme dans lequel tout ce qui a trait au sexe excite une pensée fantasmatique. Les dénonciations permanentes de viol ou de pédophilie doivent être comprises dans ce contexte.

      J’avais je crois raconter cette anecdote personnelle, mais je vais la répéter : quand j’étais adolescent, la personne chargée de l’entretien des vestiaires du club sportif ou j’allais avait une certaine attirance pour les enfants. Il avait tendance à glisser sa main sur leurs fesses, ou de les prendre dans ses bras d’une façon un peu appuyée. Nous, on n’aimait pas trop ça, mais je ne peux pas dire que cela m’ait traumatisé outre-mesure. Aurais-je du dénoncer le fait à mes parents ? Je n’en suis pas persuadé, et je me demande même si mes parents auraient fait quelque chose, par exemple, entrepris une action auprès du club, ou essayé de le faire renvoyer. A l’époque, on considérait la chose comme certes inconvenante, mais ma foi pas de quoi fouetter un chat. Je ne parle pas bien entendu de viol, mais juste d’une pédophilie « modérée ». De même, il y avait un pervers pépère dans notre quartier qui venait regarder la sortie de l’école. Il offrait des bonbons aux enfants. Nos parents le savaient, et nous avaient interdit de lui parler ou de s’approcher de lui. Mais personne je crois n’avait songé de le dénoncer à la police, ou d’exiger qu’il soit emprisonné. Il faisait partie de la vie, et les gens avaient envers lui plus de pitié que de hargne.

      Le plus effrayant dans ce néo-puritanisme, c’est qu’il abolit toute prise de distance, toute bienveillance, tout humour. Il nous invite à voir partout un danger, à imaginer que toute expérience est forcément traumatique. Une main aux fesses, une mauvaise note, une plaisanterie peuvent ruiner notre vie… J’aurais tendance à voir dans ce néo-puritanisme un déplacement : dans une société qui multiplie la violence économique (précarité, chômage…) la peur de cette violence trouve comme ce puritanisme comme exutoire. Il est plus facile – et moins dangereux pour le système – de dénoncer le « pervers » Polanski que le patron qui multiplie les emplois précaires…

  14. luc dit :

    Une ambiguïté subsiste chez moi ,à LA RELECTURE , de la discussion passionnante , de ce fil dialectique ci- dessus .
    Oui,une question me taraude .
    Si l’institution ‘église catholique’ décide de dédommager les victimes de ses prêtres , l’église ne doit elle pas être félicité,puisque les coupables passeront obligatoirement devant la justice de toutes les façons,(Nul n’échappe à la loi,Dura Lex,sed lex..) ?
    Est ce moi qui n’ai pas compris ,que l’église demande à ce que les victimes ne portent pas plainte,en contre partie de ces dédomagements ,au quel cas je condamne cette pratique infâme ou vous qui ne vous rendez pas compte du geste de l’église qui reconnaissant le préjudice après avoir dénoncé les prêtres coupables et les avoir fait condamner par la justice,manifeste une reconnaissance suplémentaire à celle de la justice,aux victimes en leur allouant un dédommagement auquel l’église n’est pas tenue par la loi,puisque la justice est passée normalement ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Si l’institution ‘église catholique’ décide de dédommager les victimes de ses prêtres, l’église ne doit-elle pas être félicitée, puisque les coupables passeront obligatoirement devant la justice de toutes les façons (nul n’échappe à la loi, Dura Lex, sed lex..) ?]

      Quel rapport ? Ce n’est pas parce que l’Eglise décide de s’acheter une conscience en offrant une somme forfaitaire aux victimes des prêtres pédophiles – on verra d’ailleurs quel sera le processus pour déterminer qui est vraiment une « victime » et qui ne l’est pas – que l’Eglise fera en sorte de dénoncer à la justice les faits dont elle a connaissance, et qu’elle fournira toutes les informations permettant à celle-ci de condamner les coupables.

      Cette « indemnisation » – qui n’en est pas une, puisqu’elle est forfaitaire – ressemble plutôt à une justice alternative : les victimes iront voir l’Eglise, et contre une indemnisation s’abstiendront de porter plainte estimant que justice a été faite. Parce que si l’affaire passe en justice, c’est le juge qui détermine s’il y a lieu à indemniser et le montant de l’indemnisation, et non l’Eglise.

  15. Vincent dit :

    Rien à voir, mais puisque ce site est souvent très critique avec nos chers responsables politiques, et leur obsession du paraitre, je me permets de vous conseiller la lecture des quelques articles d’enquête de France Inter sur un des plus éminents spécimens : cette chère Ségolène (liens en fin de message). En résumé, elle a créé une fondation qui semble plus destiné à communiquer sur des projets réalisés par d’autres qu’à faire quoi que ce soit de concret ; et elle néglige totalement son poste d’ambassadeur pour les pôles au profit de sa propre mise en scène.

    Néanmoins, je ne peux m’empécher de rapprocher la sortie actuelle (mi Novembre) de ces informations du fait qu’elle a régulièrement laissé entendre dans les médias qu’elle pourrait être un recours pour 2022 entre Août et fin Septembre cette année. Est ce que, si elle l’avait moins ramené sur le sujet, ces histoires ne seraient pas restées dissimulées ?

    https://www.franceinter.fr/politique/enquete-sur-les-moyens-publics-du-quai-d-orsay-utilises-par-segolene-royal
    https://www.franceinter.fr/politique/l-agenda-singulier-de-l-ambassadrice-segolene-royal
    https://www.franceinter.fr/politique/laponie-quand-segolene-royal-veut-absolument-faire-du-chien-de-traineau
    https://www.franceinter.fr/politique/projets-inacheves-rares-mecenes-a-quoi-sert-la-fondation-de-segolene-royal

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [En résumé, elle a créé une fondation qui semble plus destiné à communiquer sur des projets réalisés par d’autres qu’à faire quoi que ce soit de concret ; et elle néglige totalement son poste d’ambassadeur pour les pôles au profit de sa propre mise en scène.]

      Sur son poste d’ambassadeur pour les pôles… il faut arrêter l’hypocrisie. Tout le monde sait que ce poste est une sinécure destinée à permettre à des politicards en manque de continuer à disposer d’un secrétariat et à se déplacer. Il n’y a qu’à voir qui ont été les titulaires du poste : Michel Rocard et Ségolène Royal, deux personnalités dont le parcours est totalement vierge de toute préoccupation pour les questions polaires. Si on voulait un ambassadeur qui fasse un boulot d’ambassadeur, autant prendre un diplomate de carrière.

      [Néanmoins, je ne peux m’empécher de rapprocher la sortie actuelle (mi Novembre) de ces informations du fait qu’elle a régulièrement laissé entendre dans les médias qu’elle pourrait être un recours pour 2022 entre Août et fin Septembre cette année. Est ce que, si elle l’avait moins ramené sur le sujet, ces histoires ne seraient pas restées dissimulées ?]

      Probablement. Quand on vous donne un poste pour vous faire fermer votre gueule, il faut tenir sa part du contrat…

      • Vincent dit :

        [Sur son poste d’ambassadeur pour les pôles… il faut arrêter l’hypocrisie. Tout le monde sait que ce poste est une sinécure destinée à permettre à des politicards en manque de continuer à disposer d’un secrétariat et à se déplacer.]

        D’après ce que j’en ai lu, je dirais plutôt que c’est une sinécure destinée à permettre à des politicards en pré-retraite de continuer à pouvoir avoir l’impression de jouer un rôle sur la scène internationale, mais dans un domaine où les enjeux sont suffisamment limités pour qu’on puisse les laisser libres.
        La contrepartie est effectivement le devoir de réserve de tous les ambassadeurs.

        Ici, elle ne joue absolument pas le jeu, puisqu’elle semble n’en avoir rien à faire, et elle oublie son devoir de réserve. Forcément, ça ne colle pas.

        [Si on voulait un ambassadeur qui fasse un boulot d’ambassadeur, autant prendre un diplomate de carrière.]

        Vu la performance de S.Royal il semblerait que certains souhaitent qu’on aille effectivement vers un diplomate de carrière pour ce poste, ce qui indiquerait que ce n’est pas réellement un emploi fictif.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Si on voulait un ambassadeur qui fasse un boulot d’ambassadeur, autant prendre un diplomate de carrière. » Vu la performance de S.Royal il semblerait que certains souhaitent qu’on aille effectivement vers un diplomate de carrière pour ce poste, ce qui indiquerait que ce n’est pas réellement un emploi fictif.]

          Il est « fictif » au sens qu’on ne demande à celui qui l’occupe libre de faire à peu près ce qu’il veut, sans lui demander rien. Mais il est vrai que la question polaire donne de quoi faire, et que faire travailler une personnalité de haut niveau sur les questions polaires n’est pas injustifié. Mais dans ce cas vaudrait mieux choisir quelqu’un que le sujet intéresse !

      • Vincent dit :

        J’en profite pour vous citer une perle récente de cette même Mme Royal :

        « J’ai un point commun avec Macron, celui des gens qui bossent, qui maîtrisent leurs sujets et ne font pas d’embrouilles »

        No comment…

  16. Simon dit :

    Cher Descartes,
    Pour une fois, permettez-moi un peu de Schadenfreude, non pas sur l’Eglise, mais sur votre article et commentaires.
    [François ferait bien de faire exhumer le corps de Jean-Paul Ièr et de le faire autopsier. Comme ça, il pourrait commencer à acheter l’antidote…]
    Je ne pensais pas vous lire défendant le Grand Komplot, j’attends avec impatience des citations de Coquery-Vidrovitch
    [Je fais au contraire partie de ceux qui considèrent que le combat contre le cléricalisme et l’obscurantisme qui lui est inséparable est toujours d’actualité.] (et les commentaires sur la Raison).
    Aujourd’hui, l’abandon de la raison (même sans majuscule) est très marqué, y compris à l’Université. C’est amusant de voir que l’Eglise est une des dernières institutions, avec les académies scientifiques, à défendre la raison, alors que le principe de non-contradiction est allégrement abandonné ailleurs, et que la seule phrase où j’entends le mot raison est pour l’opposer à la religion. En parlant de lutte contre le cléricalisme et d’obscurantisme, un beau symbole me semble être Marlène Schiappa. Laquelle se livre à la sorcellerie (je ne vois pas comment caricaturer, c’est difficile d’aller au delà de South Park) et essaie de faire valoir des lois sur la blasphème avec comme objet la sodomie, visiblement faisant partie du nouveau sacré (https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/injures-dans-les-stades-de-foot-marlene-schiappa-explique-par-la-semantique-pourquoi-le-terme-encule-est-inadmissible-1183935.html ). Il n’y a guère que les prêtres de Priape qui ne peuvent pas se moquer de nous.

    De manière plus constructive, une question à se poser est l’origine de cette crise de la pédophilie dans l’Eglise. J’ai une proposition mais dont j’ignore la valeur (si ce n’est qu’elle est trop floue et générale) : la crise est venue de l’interaction entre une structure fermée, habituée à laver son linge sale en famille, et de l’ouverture aux valeurs du Monde dans la fin des années 60. La caserne avec des officiers lisant Foucault et non Foucaud. Une structure fermée peut être propice aux abus mais est normalement couplée à des règles assez strictes et assez appliquées. Le fait d’y insérer du jouir sans entrave a pu provoquer des abus en série. Un exemple me semble être l’église belge, qui a combiné une structure fermée et très hiérarchique, et une ouverture totale au Monde : la ruine de cette église a été quasiment totale, et les scandales terribles.

    Un dommage collatéral de cette crise est les fausses dénonciations. Le phénomène que vous pointez dans votre dernier billet existe aussi pour les prêtres, et je connais ainsi un prêtre, qui fut directeur d’un institut pour garçon, qui, voyant le début du déballage sur la pédophilie de certains prêtres misérables, a tenu à faire en sorte qu’il puisse toujours prouver son innocence. Ainsi, il a pris des précautions fortes (porte du bureau toujours ouverte, ne jamais recevoir chez lui un ancien élève), ce qui lui a permis de prouver son innocence dans deux cas de fausse accusation : chacun savait que son bureau était ouvert, et quand l’accusateur a dis que les faits avait eu lieu dans l’appartement de fonction, il était incapable de décrire les lieux faute d’y être jamais rentré (l’autre cas était plus simple, les faits étaient matériellement impossible sur la date, car il n’était pas directeur de l’institut l’année des faits dénoncés).

    Une question dont l’oubli m’étonne (mais cela n’est pas l’objet du billet) est celle de l’effondrement de l’Eglise en Europe : je n’ai quasiment rien trouvé sur ce sujet, alors que ce sujet mériterait sans doute plus de thèses que le fait se demander si je suis un animal (thèse en cours à Paris 8).

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [« François ferait bien de faire exhumer le corps de Jean-Paul Ièr et de le faire autopsier. Comme ça, il pourrait commencer à acheter l’antidote… » Je ne pensais pas vous lire défendant le Grand Komplot, j’attends avec impatience des citations de Coquery-Vidrovitch.

      Pas besoin d’un « Grand Komplot » pour glisser un peu de strychnine dans le thé du Pape. Il n’empêche que la mort rapide de Jean-Paul Ier « dans son sommeil » et le refus catégorique du Vatican de toute autopsie permettant de déterminer les causes exactes de la mort d’un Pape qui avait manifesté son désir de mettre de l’ordre dans les finances du Vatican méritent qu’on se pose quelques questions… Quant à la référence à Coquery-Vidrovitch, j’avoue que le sens m’échappe…

      [Aujourd’hui, l’abandon de la raison (même sans majuscule) est très marqué, y compris à l’Université. C’est amusant de voir que l’Eglise est une des dernières institutions, avec les académies scientifiques, à défendre la raison, alors que le principe de non-contradiction est allégrement abandonné ailleurs, et que la seule phrase où j’entends le mot raison est pour l’opposer à la religion.]

      J’avoue que je vois mal en quoi l’Eglise défendrait aujourd’hui la Raison. Pourriez-vous être plus précis ? Je trouve très difficile, personnellement, de concilier le dogme de la Trinité avec une vision rationnelle du monde…

      [En parlant de lutte contre le cléricalisme et d’obscurantisme, un beau symbole me semble être Marlène Schiappa.]

      La pensée de Schiappa – et d’une bonne partie des féministes de genre – est une pensée magique. Le meilleur exemple en est cette idée qu’il faut « croire à la parole des femmes » violées ou battues, tout en admettant que celles-ci ne disent pas nécessairement la vérité. Ces dames nous appellent à un acte de foi : croire sans savoir si c’est vrai. Pire : elles sont prêtes à envoyer un innocent au bûcher (médiatique) sur le fondement de cette foi.

      [De manière plus constructive, une question à se poser est l’origine de cette crise de la pédophilie dans l’Eglise. J’ai une proposition mais dont j’ignore la valeur (si ce n’est qu’elle est trop floue et générale) : la crise est venue de l’interaction entre une structure fermée, habituée à laver son linge sale en famille, et de l’ouverture aux valeurs du Monde dans la fin des années 60. La caserne avec des officiers lisant Foucault et non Foucaud. Une structure fermée peut être propice aux abus mais est normalement couplée à des règles assez strictes et assez appliquées. Le fait d’y insérer du jouir sans entrave a pu provoquer des abus en série. Un exemple me semble être l’église belge, qui a combiné une structure fermée et très hiérarchique, et une ouverture totale au Monde : la ruine de cette église a été quasiment totale, et les scandales terribles.]

      C’est une interprétation très intéressante !

      [Une question dont l’oubli m’étonne (mais cela n’est pas l’objet du billet) est celle de l’effondrement de l’Eglise en Europe : je n’ai quasiment rien trouvé sur ce sujet, alors que ce sujet mériterait sans doute plus de thèses que le fait se demander si je suis un animal (thèse en cours à Paris 8).]

      Il y a quand même pas mal de travaux sur cette question. Mais je ne sais pas si on peut parler d’un effondrement spécifique à l’église. C’est l’ensemble des institutions, l’idée même d’institution, qui s’effondre. Je ne suis pas persuadé que les gens soient moins croyants qu’il y a cinquante ans. Après tout, nous avons toujours autant besoin de croire que la mort n’est pas la fin de tout, qu’une vie éternelle nous attend, nous et les gens qu’on aime, et c’est ce besoin de consolation qui est au fondement de la croyance. Mais ceux qui croient aujourd’hui le font en dehors d’une expression institutionnalisée.

      • Vincent dit :

        [Je ne suis pas persuadé que les gens soient moins croyants qu’il y a cinquante ans.]

        Mais si vous demandez dans la rue à des gens s’ils sont croyants, il y aura un effondrement. Il y a autant de croyances, sans doute, mais là où le bat blesse, c’est que, il y a un siècle, un catholique croyant savait que sa religion n’était qu’une croyance.
        Aujourd’hui, un militant pro biodynamie ou je ne sais pas quoi d’autre n’a pas l’impression d’être un croyant…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Je ne suis pas persuadé que les gens soient moins croyants qu’il y a cinquante ans. » Mais si vous demandez dans la rue à des gens s’ils sont croyants, il y aura un effondrement. Il y a autant de croyances, sans doute, mais là où le bat blesse, c’est que, il y a un siècle, un catholique croyant savait que sa religion n’était qu’une croyance. Aujourd’hui, un militant pro biodynamie ou je ne sais pas quoi d’autre n’a pas l’impression d’être un croyant…]

          Je ne suis pas persuadé qu’il y a un siècle les catholiques « savaient » que leur religion n’était qu’une croyance. Il est toujours très difficile de savoir ce que les gens croient vraiment, au fond d’eux. Mais je pense que le moteur essentiel de la croyance, c’est le besoin de consolation. La religion donne une réponse à la question du sens de notre existence, et nous console de la mort – la nôtre mais aussi celle des gens qu’on aime. Nous croyons parce que nous avons BESOIN de croire. Et cela est aussi vrai aujourd’hui qu’il y a cinquante ans. C’est pourquoi je pense que l’immense majorité d’entre nous « croit » d’une façon très élémentaire qu’il y a une vie après la mort, par exemple. Comment expliquer sinon qu’on continue à considérer un cadavre comme un être auquel on rend des hommages, et non comme un morceau de viande ?

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