Décentralisation à la française

Comme beaucoup de situations limites, l’épidémie du Covid-19 révèle jusqu’à l’absurde la dégradation de nos institutions. Un exemple criant a été fourni ces jours-ci par Valérie Pécresse, président de la région Ile-de-France. En cause, sa gestion à la tête du vénérable Syndicat des transports de l’Ile de France, mieux connu sous la marque « Ile de France mobilités » (IDFM) qu’il a adopté en 2017. Il parait que « mobilités » fait nettement plus moderne que « transports ». Et puis, « syndicat », c’est un mot tellement laid…

En fait, IDFM ne transporte personne : le Syndicat ne fait que concéder la tâche de transporter les usagers à des transporteurs, qui peuvent être privés – c’est le cas pour un certain nombre de lignes de bus de banlieue – ou publics, tels la SNCF et la RATP. Le Syndicat empoche les tickets et abonnements puis paye les transporteurs.

Aujourd’hui, « Ile de France mobilités » va mal. La faute à l’épidémie, qui a provoqué pour les quatre derniers mois une baisse massive de la fréquentation des transports en commun de la région. Et moins de fréquentation, cela veut dire bien moins de tickets et d’abonnements achetés. Or, même si le service a été réduit, avec moins de trains et moins de bus, les frais fixes continuent à courir. IDFM se retrouve alors avec un gros déficit à couvrir, estimé à 2,6 milliards d’euros.

Dans un pays normal, ce serait à la Région de couvrir ce déficit. Après tout, dans le cadre de la décentralisation les régions ont fait des pieds et des mains pour obtenir la compétence d’autorité organisatrice des transports, autrement dit, le pouvoir de faire tous les choix qui concernent l’organisation et la tarification des transports publics. Et dans une démocratie, avec les pouvoirs viennent les responsabilités. Si les régions ont le pouvoir de dimensionner leur dispositif de transports et d’en fixer les tarifs, il est normal que ce soit à elles d’équilibrer les budgets. Mais la France n’est pas un pays normal. C’est un pays ou les élus locaux veulent les pouvoirs mais pas les responsabilités. En application de cette règle absurde, Valérie Pécresse à déclaré que IDFM ne paiera pas les transporteurs publics, SNCF et RATP. Hors de question d’augmenter les tarifs, ou de réduire les investissements ou les services pour réduire les coûts. C’est donc l’Etat, ce pélé, ce galeux, qui va devoir payer, sauf à accepter que métros et bus s’arrêtent.

Autrement dit, après avoir expliqué qu’il ne fallait surtout pas que l’ensemble des citoyens français aient, représentés par l’Etat, leur mot à dire sur l’organisation des transports dans la région Ile de France, les élus régionaux décident que c’est à l’ensemble des citoyens français d’en payer l’ardoise. Une illustration de ce principe fondamental qu’on devrait frapper au fronton de toutes les mairies, conseils départementaux et régionaux, juste en dessous de la devise de la République : « Pouvoir sans responsabilité ».

Mais pourquoi l’Etat cède au chantage, pourquoi ne laisse-t-il pas les choses prendre leur cours et les transports s’arrêter, au lieu de couvrir l’ardoise ? Pourquoi ne pas laisser la RATP et la SNCF trainer la Région devant les tribunaux pour l’obliger à payer les frais prévus dans le contrat de concession, comme cela se ferait en Allemagne ou aux Etats-Unis, ces deux pays fédéraux qu’on nous présente en exemple à tout bout de champ ?

Mais nous ne sommes pas en Allemagne ou aux Etats-Unis. En France, l’Etat tire sa légitimité de la confiance qu’ont les citoyens dans sa capacité à préserver l’intérêt général et à le protéger des frasques des « barons » locaux. S’il venait à déclarer que le transport des franciliens n’est pas son problème, qu’il n’est pas là pour couvrir les défaillances des « barons », il se détruirait lui-même. Valérie Pécresse – mais aussi les autres « barons », parce que vous ne trouverez pas un seul conseiller régional d’Ile-de-France pour dire que ce n’est pas à l’Etat de payer – sait donc qu’elle joue sur du velours. Il y a zéro chances que l’Etat dénonce son bluff en arrêtant les transports.

Parce que c’est l’Etat et non les collectivités locales qui sont vus par les citoyens comme garant des services publics qu’il est soumis au chantage permanent d’élus locaux qui prétendent tout décider, mais qui se lavent les mains dès que les choses se gâtent. Et comme les élus savent parfaitement que l’Etat ne peut pas, en France, laisser tomber une collectivité, cela permet tous les abus. Souvenez-vous il n’y a pas si longtemps quand l’Etat avait du couvrir les pertes de collectivités qui avaient souscrit imprudemment des emprunts toxiques. Mais insinuez seulement que l’Etat devrait avoir plus de pouvoirs de contrôle puisqu’il couvre les dégâts, et on vous accusera d’être un indécrottable jacobin.

Le pouvoir décentralisé, en France, est un pouvoir irresponsable. Une irresponsabilité que les élus locaux cultivent soigneusement, comme en témoigne les lois successives qui cherchent à protéger les élus des responsabilités civiles et pénales attachées à leur fonction. Cette irresponsabilité vient aussi du fait que la demande de décentralisation vient plus des élus locaux que des citoyens. Et du coup, alors que les élus locaux demandent et obtiennent chaque fois plus de pouvoirs, les citoyens placent toujours la responsabilité chez l’Etat central. Si demain les transports parisiens s’arrêtaient faute de financement, qui serait cloué au pilori ? Valérie Pécresse ou Emmanuel Macron ?

Descartes

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42 réponses à Décentralisation à la française

  1. Bernard Gilleron dit :

    J’ai passé une plompe à rédiger un commentaire mais il a disparu

    • Descartes dit :

      @ Bernard Guilleron

      [J’ai passé une plompe à rédiger un commentaire mais il a disparu]

      Je n’ai rien reçu… je ne peux que vous donner un conseil maintes fois répété sur ces colonnes: rédigez vos commentaires sur le traitement de texte de votre choix, ce qui vous permettra de le sauvegarder, puis une fois achevé vous pouvez le transférer par copier-coller sur l’encadré réservé aux commentaires…

  2. CVT dit :

    @Descartes
    [Une illustration de ce principe fondamental qu’on devrait frapper au fronton de toutes les mairies, conseils départementaux et régionaux, juste en dessous de la devise de la République : « Pouvoir sans responsabilité ».]

    “Le pouvoir sans responsabilité”, ça ne vous rappelle le fameux slogan 68-ard “Jouir sans entraves”?
    A dire vrai, n’est-ce pas le vrai symbole même de notre époque? On veut des droits créances, i.e. des droits sans les devoirs afférents; ou bien un droit d’usage des biens sans droit de propriété (cf location de vélos, pour les bobos…), ou encore des politiques de quotas (diversité, parité, etc…), qui veulent l’égalité des résultats dès qu’il s’agit de se répartir les postes de pouvoir…
    Mais j’y pense: à partir du moment où le pouvoir n’implique désormais plus aucune responsabilité, il devient alors très difficile de refuser aux “minorités opprimées” l’égalité des résultats pour les postes de pouvoir, qui autrefois étaient dits “à responsabilité”, puisque quelle que soit la personne nommée/promue, elle sera irresponsable.
    L’ennui, c’est que qui dit irresponsabilité dit déni de démocratie, voire déni de justice…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [“Le pouvoir sans responsabilité”, ça ne vous rappelle le fameux slogan 68-ard “Jouir sans entraves”?]

      Tout à fait. Ce sont deux facettes de la même pensée infantile, toujours très vivace. Pensez à ce secrétaire national du PCF qui affirmait qu’il fallait revenir au principe de plaisir et oublier le principe de réalité… Oui, la « jouissance sans entraves » ou le « pouvoir sans responsabilité » reposent tous deux sur l’oubli volontaire du fait que nos actes ont des conséquences.

      [A dire vrai, n’est-ce pas le vrai symbole même de notre époque ? On veut des droits créances, i.e. des droits sans les devoirs afférents ; ou bien un droit d’usage des biens sans droit de propriété (cf location de vélos, pour les bobos…), ou encore des politiques de quotas (diversité, parité, etc…), qui veulent l’égalité des résultats dès qu’il s’agit de se répartir les postes de pouvoir…]

      Je ne crois pas qu’il faille tout mélanger. Il y a d’un côté le problème de la responsabilité, qui implique une prise de conscience que le pouvoir d’agir nous rend comptables des conséquences de nos agissements. De l’autre, une volonté de confort qui suppose déléguer l’entretien des objets que nous utilisons (usage sans propriété). Et enfin, l’utilisation de l’égalité de résultats comme prétexte pour conquérir des positions de pouvoir. Faut-il lier toutes ces choses ? Je ne le pense pas.

      [L’ennui, c’est que qui dit irresponsabilité dit déni de démocratie, voire déni de justice…]

      Déni de démocratie, certainement, parce que pour moi la démocratie est inséparable de la responsabilité. La délégation du pouvoir à un élu alors devient dangereuse dès lors qu’on ne peut mettre en jeu sa responsabilité pour l’usage qu’il en fait. C’est d’ailleurs ce qui me désole chez les partisans de la VIème République… en organisant la dilution du pouvoir, ils rendent toute mise en cause de la responsabilité impossible.

  3. Fabien dit :

    Bonjour Descartes,

    Merci pour ce billet et les autres, c’est toujours un plaisir de venir sur votre blog lire vos analyses et les discussions qui suivent en commentaires.

    [Cette irresponsabilité vient aussi du fait que la demande de décentralisation vient plus des élus locaux que des citoyens. Et du coup, alors que les élus locaux demandent et obtiennent chaque fois plus de pouvoirs, les citoyens placent toujours la responsabilité chez l’État central. Si demain les transports parisiens s’arrêtaient faute de financement, qui serait cloué au pilori ?]

    Je comprends tout à fait votre argument qui dit qu’une fois la situation de chantage installée par les barons locaux, l’État n’a d’autre choix que de plier. Ma question va peut être vous sembler naïve, mais qu’est qui oblige l’État à laisser cette situation s’installer si le rapport de force est en sa faveur?
    Pourquoi l’État, en cédant aux demandes des élus locaux, accepte t il de se placer dans une situation dans laquelle il ne peut que perdre? Alors qu’en plus, selon vous, il est légitime devant les citoyens.

    Pourquoi ne pas justement profiter de la faillite de l’IDFM pour re-centraliser la gestion des transports? Si les barons mouftent, l’État a exactement ce qu’il lui faut pour les clouer au pilori.

    F

    • Descartes dit :

      @ Fabien

      [Merci pour ce billet et les autres, c’est toujours un plaisir de venir sur votre blog lire vos analyses et les discussions qui suivent en commentaires.]

      A mon tour de vous remercier pour les encouragements. C’est important pour moi de voir que le travail que j’investis sur ce blog est recompensé.

      [Je comprends tout à fait votre argument qui dit qu’une fois la situation de chantage installée par les barons locaux, l’État n’a d’autre choix que de plier. Ma question va peut-être vous sembler naïve, mais qu’est qui oblige l’État à laisser cette situation s’installer si le rapport de force est en sa faveur ?
      Pourquoi l’État, en cédant aux demandes des élus locaux, accepte-t-il de se placer dans une situation dans laquelle il ne peut que perdre ? Alors qu’en plus, selon vous, il est légitime devant les citoyens.]

      C’est toute la complexité et la perversité du système. Le roi de France a construit sa légitimité en constituant une protection contre les excès et l’irresponsabilité des « barons » locaux. C’est cette légitimité qui lui permet de lever l’impôt et qui fait que l’autorité de ses intendants est reconnue. Mais une fois cet équilibre créé, il est très difficile au roi de ne pas faire ce qu’on attend de lui sans perdre sa légitimité. Si le roi se lave les mains devant les exactions d’un seigneur, les gens accepteront toujours de payer l’impôt ?

      Pour les Français, l’Etat est le garant de la continuité des services publics. Si demain il venait à faillir à cette mission, il perdrait toute autorité. C’est pourquoi l’Etat ne peut pas laisser tomber un territoire même pour faire un exemple. Ce serait se tirer une balle dans le pied. Et les élus le savent, ce qui leur permet toutes les imprévisions, toutes les aventures, sachant qu’en dernière instance ce n’est pas à eux que les citoyens demanderont des comptes en cas de défaillance, mais à l’Etat.

      C’est là tout le problème : on a décentralisé les pouvoirs, alors que la mentalité des citoyens reste résolument centralisatrice. Il n’y a qu’à voir la réaction des gens lorsque deux collectivités prennent des décisions différentes : c’est tout de suite « pourquoi on est obligé et pas eux » ? On veut que les décisions soient prises « en proximité », à condition que tout le monde prenne la même.

      • Fabien dit :

        @Descartes

        [Pour les Français, l’État est le garant de la continuité des services publics. Si demain il venait à faillir à cette mission, il perdrait toute autorité. C’est pourquoi l’Etat ne peut pas laisser tomber un territoire même pour faire un exemple. Ce serait se tirer une balle dans le pied. Et les élus le savent, ce qui leur permet toutes les imprévisions, toutes les aventures, sachant qu’en dernière instance ce n’est pas à eux que les citoyens demanderont des comptes en cas de défaillance, mais à l’Etat.

        C’est là tout le problème : on a décentralisé les pouvoirs, alors que la mentalité des citoyens reste résolument centralisatrice.]

        Je me suis mal fait comprendre. Je comprends bien la logique de ne pas “se tirer une balle dans le pied”, mais si les élus le savent forcement l’État le sait aussi. Et dans ce cas pourquoi s’engage t’il dans la voie de la décentralisation si il sait le chantage qui l’attend?

        Ce qui me pose problème d’un point de vue logique, c’est que selon vous il y a un des élus mais peu de citoyens qui veulent cette décentralisation. Sauf que cette décentralisation est faite par l’État élu par ces mêmes citoyens. Ils ont sûrement leurs raison, mais dans ce cas difficile de les plaindre.

        • Descartes dit :

          @ Fabien

          [Ce qui me pose problème d’un point de vue logique, c’est que selon vous il y a un des élus mais peu de citoyens qui veulent cette décentralisation. Sauf que cette décentralisation est faite par l’État élu par ces mêmes citoyens. Ils ont sûrement leurs raisons, mais dans ce cas difficile de les plaindre.]

          J’imagine que lorsque vous écrivez « l’Etat élu par… » vous entendez « le gouvernement élu par… ». Il ne faut pas oublier que, dans le rapport de forces actuel, le champ politique est complètement dominé par les classes intermédiaires et par la bourgeoisie. Or, ce « bloc dominant » a un intérêt évident à l’affaiblissement de l’Etat central, puisque c’est la seule institution capable de tenir tête au capital et à organiser une certaine redistribution. C’est pourquoi depuis le milieu des années 1970, lorsque ce bloc se constitue, il organise les transferts de compétences soit vers l’Union européenne, soit vers les collectivités locales. Et peu importe ce que votent les Français : aux décentralisations de droite succèdent les décentralisations de gauche, aux capitulations devant l’UE de la gauche succèdent celles de la droite.

          Ce n’est qu’à l’occasion des mouvements sociaux, quand les couches populaires s’expriment, qu’on voit revenir la vision jacobine. L’exemple le plus étonnant est celui des Gilets Jaunes, un mouvement qui pas un instant ne s’est adressé aux institutions locales, mais toujours au pouvoir central. N’est ce pas étonnant qu’alors qu’on nous explique que notre cadre de vie est déterminé essentiellement par l’UE et par l’action des collectivités locales les mouvements sociaux continuent à ignorer l’une et les autres ?

          • Fabien dit :

            @Descartes

            [J’imagine que lorsque vous écrivez « l’Etat élu par… » vous entendez « le gouvernement élu par… ».]

            Oui vous avez raison, j’aurais du dire le gouvernement et non l’État dans ce contexte.

            [Il ne faut pas oublier que, dans le rapport de forces actuel, le champ politique est complètement dominé par les classes intermédiaires et par la bourgeoisie.]

            Je me doutais que vous alliez invoquer cet argument, qui est cohérent mais qui a pour effet de déplacer la formule de “beaucoup d’élus mais peu de citoyens” vers “une minorité de citoyens domine le champ politique”.
            Car si je me réfère à vos autres articles vous estimez la proportion des classes intermédiaires à environ 20% de la population. La bourgeoisie étant négligeable électoralement, on arrive bien à une situation ou moins d’1 francais sur 4 parvient à imposer ses interets politiques aux 3 autres, depuis au moins 40 ans donc.

            Ainsi :
            [Et peu importe ce que votent les Français : aux décentralisations de droite succèdent les décentralisations de gauche, aux capitulations devant l’UE de la gauche succèdent celles de la droite.]

            Pourriez vous donner plus de détails sur ce que vous entendez par “dominer le champ politique”, dans un contexte ou 20% des citoyens rafle la mise alors que le Président est élu au scrutin majoritaire à deux tours?
            Il me semble que c’est le point faible de votre analyse, ou en tout cas le point qui me pose le plus de problème à acquiecer.

            • Descartes dit :

              @ Fabien

              [Car si je me réfère à vos autres articles vous estimez la proportion des classes intermédiaires à environ 20% de la population. La bourgeoisie étant négligeable électoralement, on arrive bien à une situation ou moins d’1 Français sur 4 parvient à imposer ses intérêts politiques aux 3 autres, depuis au moins 40 ans donc.]

              Vous oubliez je pense un point fondamental : le rapport de force entre les groupes sociales qui est déterminant est le rapport ECONOMIQUE et non le rapport NUMERIQUE. Depuis que le suffrage universel existe dans notre pays, combien de fois les élections ont conduit au pouvoir un parti ouvrier ? La réponse est simple : JAMAIS. TOUS les gouvernements issus des élections ont été des gouvernements bourgeois, alors que la bourgeoisie est largement minoritaire. Bien entendu, les rapports de force n’ont pas toujours été les mêmes : il y a eu des moments dans l’histoire ou les partis ouvriers ont, en s’appuyant sur un rapport de force moins défavorable qu’il n’est aujourd’hui, réussi à arracher des concessions très importantes, à prendre des parcelles non négligeables de pouvoir.

              Comment expliquer cette domination ? Il y a plusieurs théories, mais celle que je trouve la plus convaincante est celle fondée sur la question des compétences. Les couches populaires sont parfaitement conscientes que mettre un incompétent à la barre c’est bien plus dangereux que de mettre un bourgeois. Le problème est donc de trouver des gens qui aient la compétence pour gouverner, et qui une fois arrivés au pouvoir défendent les intérêts des couches populaires.

              C’est pour cette raison que les partis ouvriers se sont dotés de systèmes de formation permettant de préparer leurs militants à l’exercice du pouvoir. Et cela marchait : le PCF a ainsi réussi à former des militants d’origine ouvrière qui, lorsqu’ils ont occupé des postes ministériels, ont été reconnus pour leur compétence. Mais malgré cela, le PCF n’a jamais réussi à convaincre de sa capacité à exercer le pouvoir suprême… et vous noterez aussi que la première chose que les classes intermédiaires ont fait lorsqu’elles ont pris le pouvoir dans les partis ouvriers, c’a été de détruire les systèmes de formation qui permettaient à des militants ouvriers de contester leur hégémonie…

              [Pourriez-vous donner plus de détails sur ce que vous entendez par “dominer le champ politique”, dans un contexte ou 20% des citoyens rafle la mise alors que le Président est élu au scrutin majoritaire à deux tours?]

              Quand je parle de « dominer le champ politique », j’entends avoir le contrôle des compétences : de la compétence à gouverner, de la compétence à fabriquer des idées. On ne fait pas une révolution si on est incapable de la penser. Si tous ceux qui ont les instruments pour penser sont du même côté, ceux d’en face n’ont aucune chance.

  4. Luc dit :

    Invraisemblable mais pourquoi l’état ne demande t il pas des sanctions devant les tribunaux à l’encontre de Valérie Pècresse ?
    Celle ci justifie ses émoulements conséquents par ses importantes responsabilité.
    Qu’elle assume devant les tribunaux,ou est ce le règne des oligarques
    depuis tant de décennies que l’état n’exerce plus ses responsabilités ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Invraisemblable mais pourquoi l’état ne demande t il pas des sanctions devant les tribunaux à l’encontre de Valérie Pècresse ?]

      Parce que c’est “aujourd’hui pour toi, demain pour moi”. La plupart des ministres et des personnages influents sont aussi des élus locaux. Vous imaginez le maire de Prades, qui a succédé au maire du Havre, ou bien le ministre de l’Intérieur maire de Turcoing qui a succédé au maire de Forcalquier lui même successeur du maire de Lyon, allant devant les tribunaux pour préserver les intérêts de l’Etat dans un conflit avec une collectivité locale ?

  5. Christine Berger dit :

    Entièrement d’accord. La décentralisation a fait consensus auprès des élus parce que c’était entériner le retour du bon vieux clientélisme à l’ancienne et des petits seigneurs locaux avec leurs coûteux caprices que personne ne paierait, n’est-ce pas, puisque c’était tout le monde . Il avait fallu des centaines d’années pour obtenir une certaine unité qu’on a mise à la poubelle en érigeant en exemple des pays où cette unité avait tout juste un siècle (et encore vaut-il sans doute mieux ne pas trop gratter la surface). Quant au coût de l’opération….

    • Vincent dit :

      [en érigeant en exemple des pays où cette unité avait tout juste un siècle (et encore vaut-il sans doute mieux ne pas trop gratter la surface).]

      L’exemple est l’Allemagne, notamment.
      Quand j’ai expliqué à des allemands que, non seulement, tous les français avaient les mêmes jours fériés, mais que les périodes de vacances scolaires étaient décidées au niveau national, avec des rotations pour que tout monde soit à égalité, ils ont écarquillé les yeux d’une manière amusante !

      Chez eux, les congés sont différents, les jours fériés aussi, chaque land fait à peu près ce qu’il veut, et ça leur semble naturel.

      Accessoirement, les 3 poumons économiques (Munich, Franckfort, Hambourg), ainsi que les grosses régions de Stuttgart et de la Ruhr, qui sont l’ensemble des régions dynamiques économiquement forment un arc qui va du Nord-Ouest au Sud en suivant plus ou moins le Rhin… Leur capitale, Berlin, est complètement au Nord-Est, à l’opposé. Au milieu de la région la plus pauvre du pays. Du coup, il est assez naturel de ne pas se tourner vers Berlin pour demander de financer des choses en périphérie (puisque c’est la périphérie qui est riche).

      Je serais curieux de savoir ce que diraient des présidents de région si on leur disait que, dorénavant, ce serait à eux de décider :
      – quand se faire l’orientation (fin de CM2, fin de 5ème ? Fin de 3ème ?)
      – si l’orientation se fait sur dossier, sur examen, ou sur proposition du conseil de classe ?
      – combien de filières il faut organiser à chaque étape de la scolarité, et sur quels critères (en Allemagne, il y a couramment en fin de CM2 : Gymnasium / Realschule / Hauptschule ; mais certains Länder ont un système différent).
      – quels doivent être les programmes scolaires ?
      – combien d’années dure la scolarité jusqu’au bac ?
      – quelles sont les filières du bac et comment se fait l’évaluation ?
      – sur quels critères se fait l’orientation post-bac ?
      – et naturellement, de financer tout uniquement sur leurs ressources prélevées régionalement…

      Sur toutes ces questions, pour ne prendre que l’exemple de l’école, il faudrait que les élus / français soient prêts à accepter que les réponses données seront différentes dans les différentes régions. Et que donc, un bac aquitain ne sera pas équivalent à un bac breton ou alsacien (certains les passeront à 18 ans, et d’autres à 19, d’ailleurs).

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [Chez eux, les congés sont différents, les jours fériés aussi, chaque land fait à peu près ce qu’il veut, et ça leur semble naturel.]

        Tout à fait. Comme leur semble parfaitement « naturel » que les Länder riches aient d’excellents hôpitaux, alors que les Länder pauvres offrent à leurs citoyens une attention médicale de seconde zone. Et qu’on suspecte les allemands venus de Länder pauvres qui s’installent dans un Länd riche d’être des « profiteurs ». Ce qu’on n’imaginerait pas en France. Personnellement, je préfère notre modèle.

        [Je serais curieux de savoir ce que diraient des présidents de région si on leur disait que, dorénavant, ce serait à eux de décider : (…)]

        Ils seraient ravis. Tant qu’il s’agit de « décider », tout va bien. C’est si vous leur dites qu’il faudrait supporter l’impopularité de prélever l’impôt pour payer tout ça qu’ils seraient déjà moins allants…

        [Sur toutes ces questions, pour ne prendre que l’exemple de l’école, il faudrait que les élus / français soient prêts à accepter que les réponses données seront différentes dans les différentes régions. Et que donc, un bac aquitain ne sera pas équivalent à un bac breton ou alsacien (certains les passeront à 18 ans, et d’autres à 19, d’ailleurs).]

        Je vois mal les Français accepter pareille chose… On le voit bien avec la pandémie : dès qu’on prend une mesure dans un territoire, la question immédiate c’est « pourquoi c’est interdit chez moi et pas ailleurs » ? Les français, pour le meilleur ou pour le pire, ont la passion de l’égalité. Le plus drôle d’ailleurs est que les citoyens des pays “décentralisés” que nous prenons comme modèle… sont souvent envieux du notre. Combien de fois j’ai entendu des britanniques louer l’uniformité du droit par rapport au droit différentié en Grande Bretagne qui n’enrichit que les avocats ? Quant à notre système de diplôme unique national…

        • Vincent dit :

          [Ils seraient ravis. Tant qu’il s’agit de « décider », tout va bien. C’est si vous leur dites qu’il faudrait supporter l’impopularité de prélever l’impôt pour payer tout ça qu’ils seraient déjà moins allants…]

          Je ne pense pas. Si vous regardez le thème que j’ai pris, et qu’il faut décider de faire -ou non- des classes de niveaux. De maintenir la carte scolaire. De décider des programmes, des devoirs à la maison, etc. Il s’agit de sujets tellement clivants qu’ils préféreraient certainement éviter d’avoir à se mouiller. Et chercheraient à ce qu’il y ait une harmonisation entre les régions pour éviter le “dans la région d’à coté, blablabla…”

          Et si vous regardez surtout le dernier point (comment financer tout ça), vous les achèveriez…

          [Je vois mal les Français accepter pareille chose… On le voit bien avec la pandémie : dès qu’on prend une mesure dans un territoire, la question immédiate c’est « pourquoi c’est interdit chez moi et pas ailleurs » ? Les français, pour le meilleur ou pour le pire, ont la passion de l’égalité]

          Je pense également qu’une réelle décentralisation serait extrèmement minoritaire dans les urnes, si la question était réellement posée. Y compris en Corse ou en Bretagne.
          Même en Alsace, à priori la région dans laquelle le fonctionnement avait le plus de chance de marcher, un timide pas a été envisagé par référendum, et le “non” l’a emporté. (*)

          Et ça n’est pas non plus mon souhait.
          Mais je voulais signifier que, pour moi, mieux vaut encore un système à l’allemande, inégalitaire et assumé comme tel, qu’un système de barons irresponsables, qui ne servent qu’à distribuer des subventions pour obtenir du poids politique, se servir de ce poids politique pour monnayer des soutiens contre davantage de subventions. Je caricature sans doute, mais j’avoue mal voir ce qui fonctionnerait moins bien si tout était administré par des préfets.
          Et cela permettrait des économies considérables au passage.

          (*) Au passage, on peut se demander pourquoi l’Alsace avait été choisie : c’était LA région dans laquelle le référendum avait une chance de passer, LA région dans laquelle la population a une mentalité qui permettrait de fonctionner à l’Allemande, et une des rares régions de province suffisamment riche pour pouvoir gagner à une autonomie accrue.
          L’idée était donc de faire une expérimentation, comme c’était présenté, pour pouvoir montrer les résultats merveilleux 5 ans plus tard, et justifier ainsi une généralisation, dont on savait d’avance qu’elle aurait échoué.
          Manque de pot, à mon grand étonnement, et à mon grand plaisir, le “non” a gagné !

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Je ne pense pas. Si vous regardez le thème que j’ai pris, et qu’il faut décider de faire -ou non- des classes de niveaux. De maintenir la carte scolaire. De décider des programmes, des devoirs à la maison, etc. Il s’agit de sujets tellement clivants qu’ils préféreraient certainement éviter d’avoir à se mouiller.]

            Je n’avais pas bien compris votre point. Mais vous avez raison : lorsque les élus locaux demandent plus de compétences, ils visent essentiellement les domaines ou l’on peut facilement acheter des clientèles sans faire des mécontents. Les sujets ou chaque décision vous fait perdre autant d’électeurs que vous en gagnez sont soigneusement évités…

            [Mais je voulais signifier que, pour moi, mieux vaut encore un système à l’allemande, inégalitaire et assumé comme tel, qu’un système de barons irresponsables, qui ne servent qu’à distribuer des subventions pour obtenir du poids politique, se servir de ce poids politique pour monnayer des soutiens contre davantage de subventions. Je caricature sans doute, mais j’avoue mal voir ce qui fonctionnerait moins bien si tout était administré par des préfets.]

            Je suis moins extrême que vous : le couple préfet/maire est je pense une construction brillante, d’ailleurs plébiscitée par nos concitoyens. Le préfet apporte le regard du technicien détaché des intérêts des différents groupes, le maire a la connaissance approfondie de ses administrés. Laisser aux maires une certaine initiative dans le cadre fixé par l’Etat et sous le contrôle des préfets permet une adaptation intelligente aux réalités locales.

            [Au passage, on peut se demander pourquoi l’Alsace avait été choisie : c’était LA région dans laquelle le référendum avait une chance de passer, LA région dans laquelle la population a une mentalité qui permettrait de fonctionner à l’Allemande, et une des rares régions de province suffisamment riche pour pouvoir gagner à une autonomie accrue.]

            C’est justement cette mentalité « à l’Allemande » qui a fait échouer le référendum. Les citoyens du Haut-Rhin ont perçu la création d’un département/région unique comme une prise de pouvoir par ceux du Bas-Rhin. Ceux de Colmar n’avaient aucune envie d’être gouvernés par Strasbourg. C’est la contradiction fondamentale dans la logique des européistes français : ils appellent en même temps « plus de proximité » pour casser l’Etat central, et à « moins de proximité » pour constituer des régions euro-compatibles.

        • Vincent dit :

          [Et qu’on suspecte les allemands venus de Länder pauvres qui s’installent dans un Länd riche d’être des « profiteurs ». Ce qu’on n’imaginerait pas en France. Personnellement, je préfère notre modèle.]

          Et tout est fait pour bien faire sentir que la solidarité n’a rien d’évidente.
          Quand vous touchez votre fiche de paie en Allemagne, il y a les impots déduits à la source, et il y a une ligne “solidarité avec les nouveaux Bundesländer”, soit l’ex RDA, qui est explicitement prélevée sur les contribuables d’Allemagne de l’Ouest, pour aider ceux de l’Est. Impôt qui a vocation à disparaître, et un fait un peu râler dans l’Ouest, car, maintenant, ça fait presque 30 ans, et cet impôt qui devait être temporaire ne devrait plus avoir lieu d’être…

          Ça m’amuserait bien de voir, en France, une ligne sur les feuilles de paie, qui soit positive dans certaines régions, et négatives dans d’autres, au titre de la péréquation régionale…

          • Descartes dit :

            @ Vincent

            [Ça m’amuserait bien de voir, en France, une ligne sur les feuilles de paie, qui soit positive dans certaines régions, et négatives dans d’autres, au titre de la péréquation régionale…]

            C’est totalement impossible chez nous. Parce qu’inscrire une telle ligne impliquerait nier l’égalité entre les citoyens en les divisant entre ceux qui sont « créditeurs » et ceux qui sont « débiteurs ». Or, le principe même de la citoyenneté française est que les citoyens sont unis par des liens de solidarité qui ne sont pas réductibles à un simple aspect comptable.

  6. cdg dit :

    Pecresse joue aussi sur le fait que ne pas payer implique de perturber Paris si les transports s arretent. Si on aurait la meme situation a lyon, je suis sur que l etat n hesiterai pas a jouer l epreuve de force. Les TV, les medias ou le gros des decideurs (public ou privé) sont a paris et pas sur qu on ait beaucoup d echo d une paralysie des TCL et surtout pas avec la meme tonalité

    Donc du coup, quasiment tous nos decideurs sont d accord pour faire payer les provinciaux (il me semble d ailleurs que seul le metro parisien est subventionné par l etat. celui de lyon ou marseille n ont pas cet honneur).

    Quant au pouvoir sans responsabilité, c est a tous les niveaux. Pecresse se defausse sur l etat pour eviter soit une paralysie ou de faire payer ses electeurs. Mais combien de nos ministres vont se défausser sur l UE ? La faute n est pas à Pecresse qui n est qu une politicienne prete à tout (elle a largué Fillon dont elle était proche en pensant que Juppe allait gagner les primaires LR …) mais au fait qu aucun dirigeant de l etat n est pret a relever le gant et de la mettre face a ses responsabilités

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Pecresse joue aussi sur le fait que ne pas payer implique de perturber Paris si les transports s’arrêtent. Si on aurait la même situation à Lyon, je suis sûr que l’Etat n’hésiterai pas à jouer l’épreuve de force.]

      Pouvez-vous donner un exemple, un seul, qui justifie votre « assurance » ? Vous aurez beaucoup de mal à en trouver. Par contre, les exemples contraires sont légion. Prenez par exemple les effondrements de bâtiments à Marseille. Le gouvernement aurait pu laisser la mairie se débrouiller, d’autant plus que la municipalité était tenue par l’opposition. Et pourtant, c’est l’Etat qui a pris les choses en main, qui a assuré le relogement. Vous voulez un autre exemple ? Lorsque Jean-Michel Boucheron quitte en 1989 la mairie d’Angoulême en laissant la municipalité en faillite avec un trou de 160 MF, c’est l’Etat qui a casqué pour maintenir les services publics et les Angoumoisins n’ont pas trop souffert… Et ça a été la même chose pour les « emprunts toxiques » souscrits par des municipalités partout dans le pays… sauf justement à Paris ! Je trouve donc que votre commentaire sent l’antiparisianisme primaire, mais n’a guère d’appui dans la réalité.

      [Les TV, les médias ou le gros des décideurs (public ou privé) sont à paris et pas sûr qu’on ait beaucoup d’écho d’une paralysie des TCL et surtout pas avec la même tonalité]

      Vous croyez ? A votre avis, à quoi Darmanin est plus sensible ? Au fonctionnement des transports parisiens ou ceux de la région Hauts de France ? Même question pour Le Drian avec la Bretagne, ou bien Collomb avec Rhône-Alpes. Contrairement à ce que vous semblez croire, les « grands décideurs publics » sont essentiellement des provinciaux. Combien de parisiens s’asseyent aujourd’hui à la table du Conseil des ministres ?

      [Donc du coup, quasiment tous nos décideurs sont d’accord pour faire payer les provinciaux (il me semble d’ailleurs que seul le métro parisien est subventionné par l’Etat. Celui de Lyon ou Marseille n’ont pas cet honneur).]

      C’est discutable. Le métro de Lyon ou de Marseille sont subventionnés par les agglomérations respectives, qui elles-mêmes sont financées en très grande partie par les dotations de l’Etat. Or, si l’Ile de France est largement contributrice nette au budget de l’Etat, ce n’est pas le cas de Lyon et encore moins de Marseille. On peut donc dire que c’est la région Ile-de-France qui paye en partie pour les services publics de Lyon ou de Marseille.

      [Quant au pouvoir sans responsabilité, c’est a tous les niveaux. Pecresse se défausse sur l’Etat pour eviter soit une paralysie ou de faire payer ses électeurs. Mais combien de nos ministres vont se défausser sur l’UE ?]

      Aucun, à ma connaissance, parce que l’UE ne donne pas de l’argent aussi facilement que cela. Si demain l’Etat français déclare qu’il ne paiera pas la dette de la SNCF, je vois mal l’UE se précipitant pour sauver notre compagnie ferroviaire… Vous confondez la « défausse » qui consiste à rejeter la faute sur l’autre, et la « défausse » qui consiste à faire payer l’autre.

      [La faute n’est pas à Pecresse qui n’est qu’une politicienne prête à tout (elle a largué Fillon dont elle était proche en pensant que Juppe allait gagner les primaires LR …) mais au fait qu’aucun dirigeant de l’Etat n’est prêt à relever le gant et de la mettre face à ses responsabilités]

      En partie, oui. Lorsque Pécresse refuse d’honorer les contrats de concession de la SNCF et la RATP, les directeurs généraux de ces entreprises pourraient parfaitement la trainer devant les tribunaux et l’obliger à casquer. Seulement, pour cela il faudrait une décision politique… et les politiciens appelés à la prendre sont eux-mêmes élus locaux…

      • Vincent dit :

        Sur la question de savoir qui touche le plus de subventions pour faire fonctionner les réseaux ferrés, je peux vous donner la réponse : ce sont les TER.

        En nombre de passagers, le métro parisien, le RER, et le transilien réunis, regroupent 82% de l’ensemble des voyages annuels en France, contre seulement 11% pour l’ensemble des TER de toutes les régions.

        Si on regarde en passagers.km, on est à 51% pour l’IdF, contre 10% pour l’ensemble des TER (les TGV, quasiment pas subventionnés, représentent 38%).

        En gros, les transports parisiens, représentent, selon l’indicateur, 5 à 8 fois plus de services rendus que l’ensemble des TER.

        En subventions : 2.6 milliards pour la région parisienne ; 3 milliards pour les TER (les subventions y représentent le triple du revenu de la vente des billets).

        Et il faut ajouter à cela, comme le fait remarquer Descartes, le fait que la région parisienne subventionne la province, et que donc les parisiens payent leur propre réseau, et subventionnent les TER.

        PS : dans mes chiffres, j’ai fait 2 grosses approximations :
        – je n’ai pas pris en compte les métros de province (Toulouse, Lyon, Rennes…)
        – j’ai compté uniquement le métro pour la RATP (pas les bus ni les tramways) au niveau des nombres de passagers transportés et passagers.km, mais j’ai mis la totalité de la subvention RATP, y compris la part qui revient aux bus et tramways, ce qui ne fait qu’aggraver le différentiel…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Sur la question de savoir qui touche le plus de subventions pour faire fonctionner les réseaux ferrés, je peux vous donner la réponse : ce sont les TER.]

          Vos chiffres sont conformes à l’intuition. Il faut ici rappeler que les transports parisiens profitent de la densité de la région. Le réseau du métro et du RER est très développé, certes, mais on trouve suffisamment de monde pour les remplir même dans les heures creuses. Les métros ou bus de province circulent souvent à vide une grande partie de la journée (ou ne circulent pas en dehors des heures de pointe). Et du coup, l’amortissement des infrastructures se fait sur un nombre de voyages beaucoup plus faible. Or il est difficile d’augmenter les billets proportionnellement sans que les gens se détournent des transports en commun. Il est donc logique que la subvention aux transports locaux augmente lorsque la densité diminue.

          • Vincent dit :

            [Vos chiffres sont conformes à l’intuition. (…) Il est donc logique que la subvention aux transports locaux augmente lorsque la densité diminue.]

            Tout à fait d’accord. Il est logique que les TER coûtent plus cher, vu leur faible taux de remplissage. Et vu le taux (généralement élevé) de remplissage des TGV, il est logique que ceux ci ne coûtent pas cher en subventions.

            Je m’étais amusé à aller chercher ces chiffres en écoutant moults politiciens et journalistes expliquer qu’il fallait arrêter avec les TGV, que les TGV coûtaient une fortune, qu’il valait mieux investir dans les trains du quotidien, les TER.
            Mon intuition était que, en dehors de l’investissement initial, ce raisonnement était foireux. Et c’est vrai, il l’est totalement :
            – non seulement, les TGV ne sont quasiment pas subventionnés,
            – mais en plus, on leur demande de payer des péages pour rembourser le coût de construction de la ligne, ce qu’on ne demande à aucune autre infrastructure ferroviaire (TER ou métro).

            En réalité, le constat -au demeurant réel- fait par ces politiques, était que la rentabilité des nouvelles lignes de TGV était très faible (de l’ordre de 3% de l’investissement), contre plus de 15% pour les premières. La rentabilité se comprend comme, si on réfléchit un peu, ce que rapportent annuellement les TGV par rapport à l’investissement initial. Ce qui veut dire qu’il y a déjà un bénéfice d’exploitation !

            Dans le cas des TER, qui ont un investissement initial négligé, et qui ne rapportent que 25% de leur coût de fonctionnement, j’aimerais qu’ils m’expliquent quelle est leur rentabilité…

            Pour compléter sur les ordres de grandeur, les subventions au TER pendant 5 ans permettraient de financer à 100% la ligne de LGV centre (dessertes de Orléans, Blois, Bourges, Nevers, Vichy, Clermont-Ferrand, Roanne, et Lyon), ce qui n’est pas négligeable en matière d’aménagement du territoire.

            Du coup, ceux qui disent qu’on sacrifie les TER au profit des TGV, comme on l’entend souvent, soit parlent pour répéter des slogans sans réfléchir, soit de foutent du monde.

            Ne vous méprenez pas, je ne conteste pas le maintien des lignes de TER. Mais je suis énervé par ceux qui contestent des projets comme ceux du grand paris ou des lignes de TGV en répétant comme un mantra “il vaudrait mieux réouvrir des TER dans les petites gares de province”…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Je m’étais amusé à aller chercher ces chiffres en écoutant moults politiciens et journalistes expliquer qu’il fallait arrêter avec les TGV, que les TGV coûtaient une fortune, qu’il valait mieux investir dans les trains du quotidien, les TER.]

              C’est un raisonnement malthusien classique, qui repose sur l’idée que l’argent disponible pour des investissements est contingenté. En fait, ce n’est pas le cas : lorsqu’un investissement est rentable, on trouve toujours des investisseurs pour le financer. C’est pour cette raison que les investissements dans les TGV « rentables » (comme c’est le cas pour la ligne PLM ou le Thalys) ne font nullement de l’ombre aux TER…

              [– mais en plus, on leur demande de payer des péages pour rembourser le coût de construction de la ligne, ce qu’on ne demande à aucune autre infrastructure ferroviaire (TER ou métro).]

              Je crois me souvenir que les TER eux aussi payent le péage. Le péage ferroviaire est la conséquence de l’ouverture à la concurrence : dès lors que les trains des différents opérateurs vont circuler sur les mêmes voies, il faut organiser le partage du coût d’entretien de ces voies entre les opérateurs. Pour le métro c’est bien entendu différent, puisqu’on n’envisage pas de faire partager le réseau à plusieurs opérateurs.

              [En réalité, le constat -au demeurant réel- fait par ces politiques, était que la rentabilité des nouvelles lignes de TGV était très faible (de l’ordre de 3% de l’investissement), contre plus de 15% pour les premières. La rentabilité se comprend comme, si on réfléchit un peu, ce que rapportent annuellement les TGV par rapport à l’investissement initial. Ce qui veut dire qu’il y a déjà un bénéfice d’exploitation !]

              Bien entendu. C’est la loi des rendements décroissants. Mais dès lors que l’exploitation d’une ligne permet de rembourser l’investissement et de payer les coûts d’exploitation, que demande le peuple ?

              [Dans le cas des TER, qui ont un investissement initial négligé, et qui ne rapportent que 25% de leur coût de fonctionnement, j’aimerais qu’ils m’expliquent quelle est leur rentabilité…]

              Pour répondre à votre question, il faut aller sur la question de la concurrence entre les différents modes de transport. En pratique, tous les modes de transport sont subventionnés : quand vous prenez votre voiture, en dehors du réseau autoroutier vous roulez sur des routes entretenues par l’impôt. Cette gratuité de l’utilisation du réseau routier constitue une subvention. Si demain, on facturait aux automobilistes le vrai prix du km, et qu’on facturait aux usagers des transports en commun le vrai prix au km, le chemin de fer serait compétitif. Mais comme on ne facture pas aux automobilistes le coût complet, le faire pour les usagers des transports ferrés rendrait le train peu compétitif, et provoquerait un report massif sur la route.

              Les TER ne peuvent être rentables parce que leur concurrent, la voiture, est largement subventionné.

              [Du coup, ceux qui disent qu’on sacrifie les TER au profit des TGV, comme on l’entend souvent, soit parlent pour répéter des slogans sans réfléchir, soit de foutent du monde.]

              Vous savez, si les gens réfléchissaient avant de parler, on parlerait beaucoup moins… et on éviterait beaucoup de bêtises. Les gens qui tiennent ce discours observent simplement que les investissements dans les LGV ont augmenté alors que les investissements dans le reste du réseau ont dramatiquement régressé. Et ils en déduisent un mécanisme de vases communicants, dans lequel on aurait déshabillé Pierre pour habiller Paul. Ce n’est bien entendu pas le cas : pour un projet rentable, on trouve toujours l’argent, et c’est pourquoi les investissements dans les LGV ont cru. Mais lorsqu’un projet est non rentable, il faut compter sur des subventions, et l’argent pour les subventions manque. Et c’est pourquoi les investissements dans les lignes ordinaires ont diminué. L’erreur consiste à croire que si on n’avait pas fait les LGV, l’argent qui y a été investi aurait basculé sur le réseau ordinaire.

              [Ne vous méprenez pas, je ne conteste pas le maintien des lignes de TER. Mais je suis énervé par ceux qui contestent des projets comme ceux du Grand Paris ou des lignes de TGV en répétant comme un mantra “il vaudrait mieux réouvrir des TER dans les petites gares de province”…]

              Ces gens ont internalisé le discours malthusien. La dépense publique est limitée, et il faut donc choisir entre le TGV et les « petites gares de province ». Mais ce malthusianisme est purement idéologique. L’histoire a montré que lorsque la main d’œuvre et le capital sont abondants, et qu’on a plusieurs projets rentables, on peut les financer tous en même temps. Et on ne me dira pas qu’aujourd’hui, avec des taux d’intérêt négatif et cinq millions de chômeurs, c’est le capital ou la main d’œuvre qui manquent…

            • Vincent dit :

              @Descartes

              [[– mais en plus, on leur demande de payer des péages pour rembourser le coût de construction de la ligne, ce qu’on ne demande à aucune autre infrastructure ferroviaire (TER ou métro).]

              Je crois me souvenir que les TER eux aussi payent le péage.]

              Oui. Mais les péages ne payent QUE les coûts d’exploitation. On ne demande pas de rémunération allant au delà, pour la rémunération du capital immobilisé.

              [Bien entendu. C’est la loi des rendements décroissants. Mais dès lors que l’exploitation d’une ligne permet de rembourser l’investissement et de payer les coûts d’exploitation, que demande le peuple ?]

              Voilà exactement le raisonnement que je tiens. Et quand on voit en plus :
              – les externalités positives en matière d’aménagement et d’équilibre des territoires,
              – les externalités positives grace au report de circulation des voitures (accidents, pollution, embouteillages),
              – la qualité du service rendu aux habitants…

              Je me dis que, même si ça ne payait que les coûts d’exploitation, c’est déjà pas mal…
              Après, quand on [je] dis que ça paye le coût de financement, c’est vrai, modulo les subventions accordées par l’UE, l’Etat, les régions, etc. Mais dans tous les cas, à part peut être le tronçon (stupide) de LGV Rhin-Rhone, les LGV payent leur coût d’exploitation et une partie de leur investissement initial.

  7. Simon dit :

    Cher Descartes,
    Sur cet exemple précis, vous me semblez un peu dur : les pertes ne sont pas imputables à une mauvaise gestion de la région (il n’y a pas eu de projet pharaonique, comme un doublement du tunnel Châtelet-Gare du Nord, et la chambre régionale des comptes a plutôt validé la gestion de la région), mais aux conséquences de l’épidémie et plus précisément du confinement imposé/décidé par l’Etat. Dans ces conditions, que la région envoie la facture à l’Etat ne me choque pas, et me semble plutôt logique. D’autant plus que les régions ne peuvent s’endetter que pour les dépenses d’investissements, et l’impact d’une épidémie peut difficilement passer comme un investissement.
    Je reprends les arguments issus de cette source : http://transportparis.canalblog.com/archives/2020/06/22/38379906.html

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [Sur cet exemple précis, vous me semblez un peu dur : les pertes ne sont pas imputables à une mauvaise gestion de la région]

      Admettons. Mais les pertes ne sont pas non plus imputables à une mauvaise gestion de l’Etat. Pourquoi dans ces conditions ce serait à l’Etat de payer, et non à la Région ?

      [mais aux conséquences de l’épidémie et plus précisément du confinement imposé/décidé par l’Etat. Dans ces conditions, que la région envoie la facture à l’Etat ne me choque pas, et me semble plutôt logique.]

      Dans ce cas, il faut accepter la même « logique » pour l’ensemble des acteurs privés et publics qui ont subi des pertes du fait de la décision de confinement « imposé/décidé par l’Etat ». L’Etat doit-il compenser tous les dommages causés par ses décisions, quand même bien elles seraient prises dans l’intérêt public ? Lorsque l’Etat interdit de fumer dans les lieux fermés, doit-il compenser les pertes des fabricants de cigarettes ? Lorsque l’Etat interdit l’utilisation d’un insecticide toxique, doit-il compenser les pertes de son fabriquant – et celles des paysans qui voient le rendement baisser ?

      Cette question a été longuement discutée par les juristes. Vous voyez bien si vous rentrez dans cette logique, vous créez des effets d’aubaine et rendez toute politique publique impossible. La jurisprudence du Conseil d’Etat nous dit que la compensation est due dès lors que le préjudice est « direct, anormal, certain et spécial ». Dans la mesure où le confinement a causé un dommage à presque tout le monde, difficile de prétendre qu’il s’agirait d’un préjudice « spécial »…

      [D’autant plus que les régions ne peuvent s’endetter que pour les dépenses d’investissements, et l’impact d’une épidémie peut difficilement passer comme un investissement.]

      La solution est simple : il faut augmenter le prix des billets. Bien sûr, c’est douloureux. Mais il faut arrêter de croire que l’épidémie n’aura pas un effet sur les finances de chacun d’entre nous. La crise aura un coût, et on ferait mieux de discuter comment ce coût sera reparti plutôt que de faire semblant en essayant de transférer le coût aux autres. Je ne trouverais pas scandaleux par ailleurs que la Région demande à l’Etat un secours temporaire pour permettre d’étaler cette hausse… mais décider qu’on ne paye plus et que l’Etat n’a qu’à se débrouiller, ce n’est pas normal.

      [Je reprends les arguments issus de cette source : (…)]

      C’est le site de la Région… mais je retiens un paragraphe : « la Région considère que les franciliens n’ont pas à payer les conséquences de la situation ». On aimerait bien que la Région nous dise qui devrait « payer pour les conséquences de la situation »…

    • Vincent dit :

      @Simon

      [les pertes ne sont pas imputables à une mauvaise gestion de la région (…), mais aux conséquences de l’épidémie et plus précisément du confinement imposé/décidé par l’Etat.]

      C’est pour moi le cœur de l’argumentation.
      Pour tous ceux qui se réfèrent au “modèle” allemand, là bas, ce sont les Länder qui ont décidé eux mêmes de savoir si il fallait confiner, de quelle manière, etc.

      En France aussi, il y a des maires qui ont décidé de politiques plus strictes que le gouvernement, donc il n’est pas aberrant que ce type de décisions puisse être laissées à des élus locaux.

      En résumé, on pourrait dire qu’on est au milieu du gué : ils ne sont pas responsables d’édicter le confinement, donc ils renvoient la responsabilité à ceux qui l’ont édicté.
      Ce qui signifie qu’il faudrait :
      – soit que l’Etat reprenne la main sur les transports,
      – soit que les régions prennent la main sur les arbitrages à donner concernant les mesures de confinement éventuel. Et donc aussi, potentiellement, mettre en place des “frontières” physiques entre les régions qui n’ont pas les mêmes politiques sanitaires.

      Est ce que les français seraient prêts à cette dernière alternative ???

      Je souhaite ardemment que la question de la décentralisation soit réellement pensée, et qu’il y ait des packages complets et cohérents qui soient mis à 100% sur le dos de l’état, ou de n’importe quelle collectivité locale. Mais que toutes les conséquences en soient tirées, et surtout que la décision soit prise par référendum. Je ne doute pas que les français souhaiteraient un retour à l’Etat. Mais je serais prêt à une autre solution. Le pire étant l’entre deux, comme l’article le souligne très bien : le pouvoir sans responsabilité.

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [En France aussi, il y a des maires qui ont décidé de politiques plus strictes que le gouvernement, donc il n’est pas aberrant que ce type de décisions puisse être laissées à des élus locaux.]

        Les maires ont en France un pouvoir de police général. Ils peuvent donc parfaitement « prendre des décisions » d’interdiction de rassemblements ou d’obligation de porter des masques ou toute autre mesure destinée à préserver « la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques », selon la formule consacrée. Seulement, de telles décisions sont fort impopulaires et provoquent immédiatement des réactions du genre « pourquoi moi et pas les autres » ? Alors, les élus sont ravis que ce soit le Préfet qui prenne le rôle du père fouettard.

        Personnellement, je pense qu’il faudrait faire des choix. Ou bien on OBLIGE les élus locaux à prendre leurs responsabilités, à prendre les décisions et à en payer le coût en supportant l’impopularité de prélever l’impôt – ou de supporter une faillite – et on aura alors une « vraie décentralisation », ou alors on accepte l’idée que les élus locaux sont subordonnés au pouvoir central. Si la première solution était choisie, j’en serais désolé parce que je n’ai pas envie de vivre dans un pays qui n’est plus qu’une mosaïque de baronnies, mais au moins cela aurait le mérite de la clarté.

        [En résumé, on pourrait dire qu’on est au milieu du gué : ils ne sont pas responsables d’édicter le confinement, donc ils renvoient la responsabilité à ceux qui l’ont édicté.]

        [– soit que les régions prennent la main sur les arbitrages à donner concernant les mesures de confinement éventuel. Et donc aussi, potentiellement, mettre en place des “frontières” physiques entre les régions qui n’ont pas les mêmes politiques sanitaires. Est ce que les français seraient prêts à cette dernière alternative ???]

        Non, certainement pas. C’est bien là le problème : la décentralisation « partielle » est voulue par les élites « baroniales », alors que les Français veulent surtout des règles uniformes appliquées par un pouvoir efficace et capable de repartir avec justice les charges entre tous leurs concitoyens.

  8. Descartes avance une thèse, son opinion, avec à l’appui un seul et unique exemple. Est-ce si révélateur d’une vérité ?

    Par esprit de contradiction, j’énonce la thèse contraire : l’« irresponsabilité de l’Etat » vis-à-vis des collectivités territoriales. Et j’apporte quant à moi 2 exemples concordants.

    1) Les masques.

    Dans son « adresse aux Français du 13 avril » le Président de la République E. Macron, devant des millions de Français à la télévision, s’engage : « l’Etat à partir du 11 mai en lien avec les maires devra permettre à chaque Français de se procurer un masque grand public. »

    Or, le 15 avril, tous les maires de France recevaient des courriers des Préfets qui les enjoignaient ainsi, rappelant par ailleurs les propos du chef de l’Etat : « je compte sur vous et votre engagement afin de fabriquer et faire fabriquer des masques grand public » !

    Cet épisode est contraire à la libre administration des communes. C’est un transfert de charges, en pleine crise, l’Etat a refilé la « patate chaude » aux communes.

    2) Le RSA.
    Le transfert du revenu de solidarité active aux Départements ne s’est pas accompagné des financements étatiques nécessaires. Normalement, en vertu des lois de décentralisation, l’Etat doit compenser les dépenses correspondantes par l’attribution de ressources équivalentes sous forme de « dotations de compensation ». Or, on ne peut que dénoncer le transfert de charges partiellement compensées. Les revalorisations successives n’ont pas été accompagnées de hausse de la dotation.

    Pour les exécutifs des Départements, il n’y plus qu’à aller au terme de longues procédures judiciaires. La décision récente du tribunal administratif de Paris démontre l’irresponsabilité de l’Etat. Le TA a imposé le paiement rétroactif des compensations dues par l’Etat pour le transfert de charges de revenu de solidarité active depuis 2004. On parle pour les Départements normands requérants de dizaines de millions d’euros chacun. A l’échelle de la France, c’est 4 milliards qui font défaut, suite aux hausses du RSA entre 2013 et 2017.

    • Descartes dit :

      @ Gautier Weinmann

      [Descartes avance une thèse, son opinion, avec à l’appui un seul et unique exemple. Est-ce si révélateur d’une vérité ?]

      A partir de combien d’exemples jugeriez-vous ma démonstration convaincante ? Si je cite cet exemple, c’est plus à titre d’illustration que pour appuyer une démonstration.

      [Par esprit de contradiction, j’énonce la thèse contraire : l’« irresponsabilité de l’Etat » vis-à-vis des collectivités territoriales.]

      Par esprit de contradiction, je ne peux que noter que votre thèse et la mienne ne sont pas contradictoires. Reconnaître l’Etat irresponsable ne change rien à l’irresponsabilité des collectivités.

      [Or, le 15 avril, tous les maires de France recevaient des courriers des Préfets qui les enjoignaient ainsi, rappelant par ailleurs les propos du chef de l’Etat : « je compte sur vous et votre engagement afin de fabriquer et faire fabriquer des masques grand public » ! Cet épisode est contraire à la libre administration des communes.]

      Absolument pas. La formule « je compte sur vous pour » est une simple suggestion qui ne vaut pas injonction, et la collectivité est tout à fait libre de faire ou non ce que le préfet demande. Le principe constitutionnel de libre administration – « dans le cadre de la loi », précision que beaucoup de partisans de la décentralisation oublient un peu vite – interdit au préfet d’obliger les collectivités à faire ce que la loi ne prévoit pas. Il ne leur interdit pas de formuler une suggestion.

      J’ajoute que la loi a prévu que le maire a la responsabilité de la préservation de la salubrité publique (art L. 2212-2 du CGCT), et qu’à ce titre on pourrait soutenir que le préfet se contente de rappeler aux maires leurs obligations « dans le cadre de la loi ».

      [C’est un transfert de charges, en pleine crise, l’Etat a refilé la « patate chaude » aux communes.]

      Non plus. Ni le président de la République, ni le préfet n’ont exigé que les masques fournis par les collectivités soient gratuits. Les collectivités auraient parfaitement pu vendre les masques ainsi fabriqués pour rentrer dans leurs frais.

      [2) Le RSA. Le transfert du revenu de solidarité active aux Départements ne s’est pas accompagné des financements étatiques nécessaires.]

      Un intéressant exemple, en effet. Pourquoi les élus départementaux ont-ils demandé à cor et à cri le transfert du RSA à leurs services ? Après tout, ils ne fixent pas les montants, ni les conditions d’attribution (qui sont uniformes sur le territoire). S’ils l’ont fait, c’est parce qu’ils ont vu l’intérêt que les allocataires reçoivent leur chèque avec une lettre du président du Conseil départemental, leur donnant l’illusion que c’est le département (et non l’Etat) qui paye. Et c’était de la pub gratuite, puisque c’est bien l’Etat qui devait payer.

      Après, que l’Etat ait traîné des pieds pour payer, et qu’il n’ait pas compensé les différentes augmentations, on peut le comprendre. Quand vous sortez les sous pour que quelqu’un d’autre empoche les bénéfices, ça finit par énerver.

      Mais vous avez raison, et la solution au problème que vous posez est simple : l’Etat doit reprendre l’ensemble des compétences qu’il finance. Comme ça, tout serait clair.

  9. CVT dit :

    @Descartes,
    totalement hors-sujet, mais je pense que ce post va vous réchauffer le coeur😊.

    C’est déjà un peu ancien, mais Jean-Marc Jancovici a signalé à notre attention la contribution de deux scientifiques allemands initialement anti-nucléaire mais qui viennent de tourner casaque:
    – lien linkedIn: https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_deutsche-klimastrategie-stoppt-den-atomausstieg-activity-6712046611817607168-VsiO?lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_job_details%3BgnErKWDcS8GQShCji7vJzQ%3D%3D
    – article original (auf Deutsch, pour les germanophones): https://www.zeit.de/2020/30/deutsche-klimastrategie-atomausstieg-co2-emissionen-bundesregierung

    Pour ceux qui n’auraient pas LinkedIn, voici le commentaire de JM Jancovici qui résume également la teneur de l’article:
    «  Dans une tribune publiée cet été dans Die Zeit, deux chercheurs allemands, tous deux ayant été antinucléaires une partie de leur vie, appellent le gouvernement allemand à prolonger le nucléaire en service, et à supprimer une capacité équivalente de centrales à lignite, ce qui permettrait, disent-ils, de supprimer 10% des émissions de CO2 allemandes (alors que la suppression du nucléaire ne fera rien gagner sur ce plan).
    L’article contient un raisonnement à base d’ordres de grandeur et d’état de l’art de la technique qui conduit les auteurs à conclure que l’Allemagne ne peut pas compter sur uniquement des sources intermittentes et du stockage (quelle que soit la modalité) pour s’en sortir, et que cette affaire ne fera qu’un gagnant : Poutine et son gaz (car la “sortie du charbon” ne sera pas totalement décarbonée : il y a explicitement du gaz prévu en remplacement d’une partie).
    A quand l’équivalent en France, à savoir des ex-antinucléaires prenant la plume pour dire que, au vu du contexte climatique, ils ont changé d’avis, et ils ne considèrent plus la baisse de l’atome à 50% comme la première priorité de la politique énergétique, au sens des milliards utilisés ?»

    Le chemin est encore long, mais si les mêmes nos voisins d’Outre-Rhin s’aperçoivent de l’absurdité de l’arrêt du nucléaire en l’état actuel de l’absence d’alternative viable, alors tous les espoirs sont permis pour les benêts anti-nucléaires français écoutent la voix de leurs vrais maîtres…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [C’est déjà un peu ancien, mais Jean-Marc Jancovici a signalé à notre attention la contribution de deux scientifiques allemands initialement anti-nucléaire mais qui viennent de tourner casaque:
      (…) A quand l’équivalent en France, à savoir des ex-antinucléaires prenant la plume pour dire que, au vu du contexte climatique, ils ont changé d’avis, et ils ne considèrent plus la baisse de l’atome à 50% comme la première priorité de la politique énergétique, au sens des milliards utilisés ?]

      On a connu en France aussi des scientifiques plutôt marqués comme « écologistes » et qui ont fini par comprendre qu’il faut hiérarchiser les problèmes, et que le rapport entre les risques liés au nucléaire et ses avantages en termes environnementaux mais aussi stratégiques est très favorable.

      Pour ce qui est des militants écologistes, c’est beaucoup plus rare. Il est toujours plus facile de changer d’avis lorsque celui-ci est rationnel que de renier une croyance religieuse.

      [Le chemin est encore long, mais si les mêmes nos voisins d’Outre-Rhin s’aperçoivent de l’absurdité de l’arrêt du nucléaire en l’état actuel de l’absence d’alternative viable, alors tous les espoirs sont permis pour les benêts anti-nucléaires français écoutent la voix de leurs vrais maîtres…]

      Vous noterez que les exemples donnés par Jancovici concernent des scientifiques, et non des militants. En France, le problème se pose très différemment, parce que le militantisme écologique est marginal dans le monde scientifique.

  10. Alexandre dit :

    Encore un exemple illustrant ce recours bien pratique à l’Etat de la part des élus locaux :
    https://www.francebleu.fr/infos/politique/la-maire-de-colomiers-envoie-la-facture-du-covid-a-emmanuel-macron-1600273407

    • Descartes dit :

      @ Alexandre

      [Encore un exemple illustrant ce recours bien pratique à l’Etat de la part des élus locaux : (…)]

      Un très bel exemple en effet. Mais qui illustre parfaitement l’explication du pourquoi du rôle central que joue l’Etat dans notre imaginaire politique et civique. Alors que toutes les autres institutions politiques profitent de la première occasion pour se défausser des problèmes sur quelqu’un d’autre, l’Etat central a été traditionnellement la seule institution qui ne se défausse jamais. C’est d’ailleurs, dans notre imaginaire politique, étroitement lié à la question de la souveraineté: être souverain, c’est ne pas être soumis à d’autres règles que l’on ne fait soit même, et par conséquent s’interdire de rejeter les responsabilités sur les autres. L’entité souveraine est à la fois parfaitement libre de ses choix, et donc parfaitement responsable de ceux-ci.

      C’est d’ailleurs pourquoi, lorsque certains dirigeants nationaux ont cherché à se défausser (souvenez vous du “l’Etat ne peut pas tout” de Jospin) leurs discours sont très mal passés dans l’opinion – qu’elle soit de gauche ou de droite, d’ailleurs. Pour les Français, un Etat qui se défausse est un état qui se délégitime lui-même.

  11. Jordi dit :

    Pas grand chose à rajouter

    La décentralisation pourrait fonctionner, mais ca n’arrangerait pas ceux qui bénéficient du système actuel. Supprimer la clause de compétence générale (qui permet aux collectivités locales de financer leurs lubies et de diluer leurs responsabilités) et confier aux collectivités locales des ressources propres et la responsabilité de dépenses choisies (soit exactement l’inverse d’un RSA dont le cout est fixé par l’Etat) serait sans doute une bonne idée.

    En matière de voirie, d’écoles, de collèges, de lycées, de transports en commun régionaux, les départements et/où les régions pourraient avoir une certaine autonomie à condition d’être responsables devant leurs électeurs. Ca éviterait les sempiternelles querelles d’instituteurs recrutés à Créteil et passant vingt ans à tenter d’obtenir une mutation à Montpellier.

    La décentralisation à la Française est un échec qui a surtout créé des barons locaux et du clientélisme politique. Il faudrait soit l’améliorer, soit la supprimer.

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [La décentralisation pourrait fonctionner, mais ca n’arrangerait pas ceux qui bénéficient du système actuel. Supprimer la clause de compétence générale (qui permet aux collectivités locales de financer leurs lubies et de diluer leurs responsabilités) et confier aux collectivités locales des ressources propres et la responsabilité de dépenses choisies (soit exactement l’inverse d’un RSA dont le cout est fixé par l’Etat) serait sans doute une bonne idée.]

      Le problème de financer les collectivités sur des ressources propres est qu’un tel financement fait disparaître la solidarité entre les territoires. Quelle que soit la manière dont vous définissez l’assiette et le taux des taxes locales, vous aurez de très grandes disparités de ressources entre les différentes collectivités. Le financement par dotation d’Etat distribuée non pas en fonction des ressources mais en fonction des besoins permet des transferts entre collectivités riches et collectivités pauvres.

      Personnellement, je ne vois pas d’inconvénient à ce que les collectivités financent leurs lubies avec leur argent – cela me paraît au contraire foncièrement démocratique. Ce qui est plus gênant, c’est que les collectivités financent leurs lubies avec l’argent des autres. J’aurais tendance à distinguer la question des services publics considérés comme essentiels à l’aménagement du territoire et à l’égalité entre les citoyens, qui devraient être payés par l’Etat et gérés par celui-ci ou par les collectivités au nom de l’Etat et avec un encadrement strict, et les services accessoires, que les collectivités pourraient gérer librement et payer avec l’argent prélevé localement. Que les collectivités décident de l’organisation de la fête locale, cela ne me gêne pas. Qu’elles décident des schémas de transport ferroviaire et routier, c’est déjà plus gênant.

      [En matière de voirie, d’écoles, de collèges, de lycées, de transports en commun régionaux, les départements et/où les régions pourraient avoir une certaine autonomie à condition d’être responsables devant leurs électeurs.]

      Quand on dépense de l’argent qui vient d’ailleurs, on n’est jamais véritablement « responsable ». Vos électeurs seront ravis d’être invités tous les soirs au restaurant s’ils ne sont pas appelés à régler la note.

      [Ca éviterait les sempiternelles querelles d’instituteurs recrutés à Créteil et passant vingt ans à tenter d’obtenir une mutation à Montpellier.]

      Je ne vois pas très bien comment vous pouvez éviter ces « querelles ». Si ceux qui veulent vivre à Montpellier doivent se faire recruter à Montpellier, et ceux qui se font recruter à Créteil doivent rester toute leur vie à Créteil, vous n’aurez pas beaucoup de candidats à Créteil et vous en aurez trop à Montpellier. Comment faites-vous pour résoudre ce déséquilibre ? Soit vous laissez le marché fixer la paye (qui du coup sera supérieure à Créteil qu’à Montpellier, avec tous les effets pervers que vous pouvez imaginer) soit vous prenez l’excès de candidats de Montpellier et vous les affectez à Créteil en attendant qu’un poste se libère à Montpellier. Aujourd’hui, on utilise les deux méthodes : on a mis des primes pour rendre plus attractifs les postes à Créteil, et ceux qui tiennent à descendre à Montpellier attendent qu’un poste se libère.

  12. Jordi dit :

    [Le problème de financer les collectivités sur des ressources propres est qu’un tel financement fait disparaître la solidarité entre les territoires. Quelle que soit la manière dont vous définissez l’assiette et le taux des taxes locales, vous aurez de très grandes disparités de ressources entre les différentes collectivités. Le financement par dotation d’Etat distribuée non pas en fonction des ressources mais en fonction des besoins permet des transferts entre collectivités riches et collectivités pauvres.]

    Quels tranferts ? Quels besoins ? Pourquoi un prof célibataire de Chalons-sur-Saone a t’il l’une des plus belles maisons de la ville pendant que son collègue parisien se tape 1h30 de RER chaque matin depuis son appart en coloc pourri ?

    Et puis la préréquation regionale, pourquoi pas, mais asumons la jusqu’au bout. Les travailleurs corses devront dont être parqués deux fois pas WE dans leur bagnoles, pendant deux heures à cause de controles routiers incessants, par solidarité envers les bouchons lyonnais. On leur versera un seau d’eau froide sur la gueule toutes les heures, par solidarité envers le climat des bretons. Et ils devront être enfermés en groupes compacts dans des containers en métal une heure matin et soir chaque jour en solidarité avec les galériens de la ligne 13. Ca leur apprendra à vivre sur l’île de Beauté.

    De façon plus sérieuse, le niveau de péréquation entre territoires est un débat légitime et complexe. Mais les exemples canadiens, australiens, russes ou teutons montrent que un niveau élevé de péréquation régionale n’est pas incompatible avec une très forte décentralisation politique et administrative.

    [Personnellement, je ne vois pas d’inconvénient à ce que les collectivités financent leurs lubies avec leur argent – cela me paraît au contraire foncièrement démocratique. Ce qui est plus gênant, c’est que les collectivités financent leurs lubies avec l’argent des autres. J’aurais tendance à distinguer la question des services publics considérés comme essentiels à l’aménagement du territoire et à l’égalité entre les citoyens, qui devraient être payés par l’Etat et gérés par celui-ci ou par les collectivités au nom de l’Etat et avec un encadrement strict, et les services accessoires, que les collectivités pourraient gérer librement et payer avec l’argent prélevé localement. ]

    Oui. J’ajouterais même un petit twist : laisser au contribuable local la possibilité de verser ses impots locaux à l’état central, afin que la région fasse quelques efforts pour montrer à l’assujetti qu’elle fait un bon usage de ses deniers.

    [Que les collectivités décident de l’organisation de la fête locale, cela ne me gêne pas. Qu’elles décident des schémas de transport ferroviaire et routier, c’est déjà plus gênant.]

    Un lecture attentive de mon commentaire vous aura permis de noter les mentions de voirie et de transport en communs régionaux. On ne parle là ni des autoroutes, ni des TGV. La rénovation des routes départementales, leur passage à quatre voies et la densité des cars de ramassage scolaire, par contre …

    [Quand on dépense de l’argent qui vient d’ailleurs, on n’est jamais véritablement « responsable ». Vos électeurs seront ravis d’être invités tous les soirs au restaurant s’ils ne sont pas appelés à régler la note.]

    Je suis moi aussi favorable au suffrage censitaire. Ca nous fait un point commun.

    –>> Ca éviterait les sempiternelles querelles d’instituteurs recrutés à Créteil et passant vingt ans à tenter d’obtenir une mutation à Montpellier. —

    [Je ne vois pas très bien comment vous pouvez éviter ces « querelles ». Si ceux qui veulent vivre à Montpellier doivent se faire recruter à Montpellier, et ceux qui se font recruter à Créteil doivent rester toute leur vie à Créteil, vous n’aurez pas beaucoup de candidats à Créteil et vous en aurez trop à Montpellier. Comment faites-vous pour résoudre ce déséquilibre ? Soit vous laissez le marché fixer la paye (qui du coup sera supérieure à Créteil qu’à Montpellier, avec tous les effets pervers que vous pouvez imaginer) soit vous prenez l’excès de candidats de Montpellier et vous les affectez à Créteil en attendant qu’un poste se libère à Montpellier. Aujourd’hui, on utilise les deux méthodes : on a mis des primes pour rendre plus attractifs les postes à Créteil, et ceux qui tiennent à descendre à Montpellier attendent qu’un poste se libère.]

    Il ne vous aura pas échappé que les conditions de vie et de travail peuvent différer entre Montpellier et Créteil. Les concours “régionaux” aussi. Du coup, le marché et la méritocratie feront parfaitement le job, envoyant les candidats les plus frugaux et/ou les plus talentueux dans les terres de feu Georges Frêche, et laisant les plus vénaux ou ceux trop mal classés pour obtenir leur premier choix à Créteil, libres d’accepter les salaires méditarannéens ou de se hisser au niveau d’exigeance occitan.

    P.S : pour la clarté et la lisibilité des échnages, il serait pratique d’avoir une convetion adoubée en ces lieux de quote (les [] semblent s’être imposés ici avec bonheur) et de double quote (uniquement les passages strictement nécessaires à la compréhension du propos). Vous serait-il gré de disposer de la convention pertinente de double quote en vos terres ?

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [Quels tranferts ? Quels besoins ? Pourquoi un prof célibataire de Chalons-sur-Saone a t’il l’une des plus belles maisons de la ville pendant que son collègue parisien se tape 1h30 de RER chaque matin depuis son appart en coloc pourri ?]

      J’avoue que je ne vois pas très bien le rapport. Le prof célibataire de Chalons sur Saône a peut-être une très belle maison. Mais a-t-il accès à un hôpital, à collège, à un lycée, à des routes de qualité dans les mêmes conditions que son collègue parisien ? S’il ne pouvait compter que sur la base fiscale locale, la réponse serait probablement « non ». Heureusement, il y a des transferts entre les collectivités « riches » et les collectivités « pauvres » qui permet aux Chalonnais de bénéficier sinon du même niveau de service que les Parisiens, au moins d’un service de bon niveau.

      [Et puis la péréquation régionale, pourquoi pas, mais assumons la jusqu’au bout. Les travailleurs corses devront dont être parqués deux fois pas WE dans leur bagnoles, pendant deux heures à cause de controles routiers incessants, par solidarité envers les bouchons lyonnais.]

      Je suis étonné qu’un libéral comme vous fasse une telle proposition. Je ne vois pas les voisins du Boulevard Saint-Germain ou même ceux de Saint-Denis vendre leurs appartements pour s’installer en Corse (ce serait plutôt l’inverse). Il faut donc croire que les avantages de vivre en Ile de France compensent très largement les inconvénients que vous citez, sans quoi les gens partiraient. On peut donc conclure que la péréquation est assez équilibrée, avec un niveau de vie « tout compris » proche dans les différentes régions…

      [De façon plus sérieuse, le niveau de péréquation entre territoires est un débat légitime et complexe. Mais les exemples canadiens, australiens, russes ou teutons montrent qu’un niveau élevé de péréquation régionale n’est pas incompatible avec une très forte décentralisation politique et administrative.]

      Pourriez-vous être plus explicite ? Je vois mal où est le « niveau élevé de péréquation régionale » au Canada, en Australie ou chez les Teutons. Quant à la Russie, parler de « décentralisation politique » me semble pour le moins exagéré…

      [Oui. J’ajouterais même un petit twist : laisser au contribuable local la possibilité de verser ses impots locaux à l’état central, afin que la région fasse quelques efforts pour montrer à l’assujetti qu’elle fait un bon usage de ses deniers.]

      Cela ne marche que si l’Etat peut se substituer à la région, ce qui semble pour le moins complexe. En fait, vous voudriez instaurer une sorte de « concurrence » entre l’Etat central et les collectivités, en donnant au citoyen le choix d’acheter ses services chez l’un ou l’autre…

      [« Quand on dépense de l’argent qui vient d’ailleurs, on n’est jamais véritablement « responsable ». Vos électeurs seront ravis d’être invités tous les soirs au restaurant s’ils ne sont pas appelés à régler la note. » Je suis moi aussi favorable au suffrage censitaire. Ca nous fait un point commun.]

      Oh oui ! Réservons le vote à ceux qui produisent de la valeur par leur travail. Ceux qui touchent des rentes, dont l’argent « vient d’ailleurs » (du travail des autres, pour être précis) devraient être exclus du vote. D’accord ?

      [P.S : pour la clarté et la lisibilité des échnages, il serait pratique d’avoir une convetion adoubée en ces lieux de quote (les [] semblent s’être imposés ici avec bonheur) et de double quote (uniquement les passages strictement nécessaires à la compréhension du propos). Vous serait-il gré de disposer de la convention pertinente de double quote en vos terres ?]

      La convention adoptée jusqu’ici est que la citation va entre crochets, et s’il faut mettre une citation antérieure elle va entre guillemets : [« commentaire N-1 » commentaire N]

      • Jordi dit :

        [J’avoue que je ne vois pas très bien le rapport. Le prof célibataire de Chalons sur Saône a peut-être une très belle maison. Mais a-t-il accès à un hôpital, à collège, à un lycée, à des routes de qualité dans les mêmes conditions que son collègue parisien ? S’il ne pouvait compter que sur la base fiscale locale, la réponse serait probablement « non ». Heureusement, il y a des transferts entre les collectivités « riches » et les collectivités « pauvres » qui permet aux Chalonnais de bénéficier sinon du même niveau de service que les Parisiens, au moins d’un service de bon niveau.]

        Il y a des enseignants partout en France, qui font peu ou prou le même métier et reçoivent strictement le même salaire monétaire. En fonction du coût local de la vie, un prof est plus moins riche suivant la localité ou il exerce. Ainsi les enseignants ruraux sont relativement bien payés (et appartiennent clairement aux classes supérieures locales) là ou les enseignants célibataires parisiens galèrent franchement.

        Pour le reste je suis content qu’on puisse avoir des services publics décents à Chalons, y compris via une solidarité nationale.

        [Je suis étonné qu’un libéral comme vous fasse une telle proposition.]

        J’étais légèrement ironique. Mais mon idée était que certes une certaine péréquation est souhaitable, mais que point trop n’en faut. Notamment parce que la richesse relative francilienne, qui est ponctionnée pour financer cette redistribution, est partiellement obtenue par des sacrifices en termes de qualité de vie auxquels les bienheureux résidents corses échappent.

        [Je ne vois pas les voisins du Boulevard Saint-Germain ou même ceux de Saint-Denis vendre leurs appartements pour s’installer en Corse (ce serait plutôt l’inverse). Il faut donc croire que les avantages de vivre en Ile de France compensent très largement les inconvénients que vous citez, sans quoi les gens partiraient. On peut donc conclure que la péréquation est assez équilibrée, avec un niveau de vie « tout compris » proche dans les différentes régions…]

        C’este une vision optimiste. Mon impression personnelle et plutôt que les opportunités professionnelles se concentrent sur Paris, et que ceux qui peuvent dégoter un bon job en province sont très bien lotis tandis que leurs voisins rament. Au final, le bonheur moyen s’équilibre.

        [Pourriez-vous être plus explicite ? Je vois mal où est le « niveau élevé de péréquation régionale » au Canada, en Australie ou chez les Teutons. Quant à la Russie, parler de « décentralisation politique » me semble pour le moins exagéré…]

        J’ai peut-être une certaine sympathie pour la Russie alors que vous aimiez l’URSS. Mais ma lecture de commentateurs russes m’a donné cette impression de très forte décentralisation en Russie, qui se traduit par des gouverneurs de chaque oblast tout puissants, et une très forte péréquation régionale pour payer partout des services publics de niveau russe alors que les zones productives sont très concentrées sur les deux métropoles et les gisements (gaziers, pétroliers, … ). Concernant l’Allemagne, mes collègues allemands m’en ont beaucoup parlé. Une recherche google peut proposer cet article, un peu ancien mais pertinent : https://www.atlantico.fr/decryptage/645340/ce-que-revele-l-exemple-des-lander-allemands–la-solidarite-europeenne-oui–mais-a-condition-que-droits-riment-avec-devoirs-isabelle-mouilleseaux

        Sur le Canada et l’Australie, j’ai un peu la flemme de creuser, mais je me base sur des conversations avec des (ex)résidents, et ca me semble un article prometteur : https://lactualite.com/lactualite-affaires/pourquoi-le-quebec-recoit-il-des-milliards-en-perequation/ ou ca : https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9r%C3%A9quation_f%C3%A9d%C3%A9rale_au_Canada

        [En fait, vous voudriez instaurer une sorte de « concurrence » entre l’Etat central et les collectivités, en donnant au citoyen le choix d’acheter ses services chez l’un ou l’autre…]

        Bingo ? Mon point était plus franco-français : je souhaite laisser au contribuable mécontent de la gestion locale la possibilité de la sanctionner en faisant remonter ses impôts à Paris (qui seront du coup dépensés pour tous les français plutôt que dilapidés par une collectivité locale certes plus proche mais surtout vue comme inefficace)

        [<>
        Oh oui ! Réservons le vote à ceux qui produisent de la valeur par leur travail. Ceux qui touchent des rentes, dont l’argent « vient d’ailleurs » (du travail des autres, pour être précis) devraient être exclus du vote. D’accord ? )

        Pourquoi ce fétichisme du travail ? Les rentiers payent des impôts et contribuent à ce titre au bien commun. Alors que la valeur travail, qui peut consister à creuser puis reboucher un trou, crée fort peu de richesses toute seule.

        • Descartes dit :

          @ Jordi

          [Il y a des enseignants partout en France, qui font peu ou prou le même métier et reçoivent strictement le même salaire monétaire.]

          Le même métier, mais pas le même travail. Ce n’est pas la même chose d’enseigner à Rennes, devant une classe d’élèves bénéficiant d’un héritage culturel et stimulés et disciplinés par leurs parents, et enseigner à La Grande Borne, à des élèves qui ne comprennent pas bien le français, qui ne savent pas qui est Molière et qui sont encouragés à se méfier du professeur lorsqu’il enseigne que le monde n’a pas été créé par Allah.

          [En fonction du coût local de la vie, un prof est plus moins riche suivant la localité où il exerce. Ainsi les enseignants ruraux sont relativement bien payés (et appartiennent clairement aux classes supérieures locales) là où les enseignants célibataires parisiens galèrent franchement.]

          Le prof rural est certainement plus respecté par la communauté. Mais quand il a envie d’aller à l’Opéra, à un grand musée, à une bibliothèque de qualité, à un cours ou une conférence donnée par un intellectuel de bon niveau, il lui faut prendre le TGV. Encore une fois, le salaire et le respect ne sont pas les seules choses qui font la qualité de vie. Franchement, si on me donne le choix d’enseigner à Paris ou à Pau, je sais ce que je choisirais.

          [J’étais légèrement ironique. Mais mon idée était que certes une certaine péréquation est souhaitable, mais que point trop n’en faut. Notamment parce que la richesse relative francilienne, qui est ponctionnée pour financer cette redistribution, est partiellement obtenue par des sacrifices en termes de qualité de vie auxquels les bienheureux résidents corses échappent.]

          Mais justement, pour un libéral comme vous force est de constater que les avantages de vivre en région parisienne dépassent les inconvénients, sans quoi les gens fuiraient la région parisienne en masse pour s’installer par exemple en Corse afin de bénéficier de tous les avantages que vous détaillez « en termes de qualité de vie ». Or, c’est l’inverse qu’on constate : les gens sont prês à payer des sommes totalement disproportionnées pour vivre à Paris. Ne faut-il pas conclure que les « sacrifices » dont vous parlez ne sont rien à côté des avantages ?

          [C’est une vision optimiste. Mon impression personnelle et plutôt que les opportunités professionnelles se concentrent sur Paris, et que ceux qui peuvent dégoter un bon job en province sont très bien lotis tandis que leurs voisins rament. Au final, le bonheur moyen s’équilibre.]

          Mais… les « opportunités professionnelles » ne font-elles pas partie de la qualité de vie ?

          [« Pourriez-vous être plus explicite ? Je vois mal où est le « niveau élevé de péréquation régionale » au Canada, en Australie ou chez les Teutons. Quant à la Russie, parler de « décentralisation politique » me semble pour le moins exagéré… » J’ai peut-être une certaine sympathie pour la Russie alors que vous aimiez l’URSS. Mais ma lecture de commentateurs russes m’a donné cette impression de très forte décentralisation en Russie, qui se traduit par des gouverneurs de chaque oblast tout puissants,]

          Sur le papier, oui. Et c’est d’ailleurs un héritage de l’URSS. Mais en pratique, lorsqu’un gouverneur ne fait pas ce que le gouvernement central veut, il lui arrive des bricoles.
          [Concernant l’Allemagne, mes collègues allemands m’en ont beaucoup parlé. Une recherche google peut proposer cet article, un peu ancien mais pertinent :]

          Si je crois cet article, la TOTALITE des transferts de péréquation en Allemagne n’atteint pas 8 Md€, et de ce montant la ville de Berlin à elle seule absorbe plus de 3 Md€. Quand on compare aux chiffres français, cela fait légèrement ridicule.

          [« En fait, vous voudriez instaurer une sorte de « concurrence » entre l’Etat central et les collectivités, en donnant au citoyen le choix d’acheter ses services chez l’un ou l’autre… » Bingo ? Mon point était plus franco-français : je souhaite laisser au contribuable mécontent de la gestion locale la possibilité de la sanctionner en faisant remonter ses impôts à Paris (qui seront du coup dépensés pour tous les français plutôt que dilapidés par une collectivité locale certes plus proche mais surtout vue comme inefficace)]

          Oui, mais cela suppose que les collectivités locales et l’Etat offrent les mêmes services. Imaginez que les routes soient entretenues par le département. Si vous décidez de donner vos impôts à l’Etat plutôt qu’au département, il y aura moins d’argent pour les routes quoi qu’il arrive… votre système ne marche que si l’Etat et le département ont TOUS DEUX la possibilité d’entretenir les routes. Vous voyez tout de suite le problème…

          [« Oh oui ! Réservons le vote à ceux qui produisent de la valeur par leur travail. Ceux qui touchent des rentes, dont l’argent « vient d’ailleurs » (du travail des autres, pour être précis) devraient être exclus du vote. D’accord ? » Pourquoi ce fétichisme du travail ?]

          Aucun « fétichisme » : le problème, c’est qu’il n’y a que le travail qui produise de la valeur. Cela donne au travail un rôle tout à fait capital en économie.

          [Les rentiers payent des impôts]

          En d’autres termes, on leur donne la montre et ils ont la gentillesse de nous donner l’heure… comme c’est sympa.

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