Soixante millions d’orphelins

Depuis mai 2007, la France avait un père. Pour certains, un père protecteur. Pour d’autres, un père fouettard. Mais au delà des désaccords, les français de droite et de gauche coïncidaient à l’heure d’investir le personnage en question de la toute puissance associée depuis Freud à la figure paternelle. Omniprésent, il était derrière toute décision, toute action, tout scandale. Omniscient, rien ne pouvait rien ignorer de ce qui se faisait ou ne se faisait pas. Il était donc à la fois cause et responsable de tout.

Les français ont toujours investi la fonction présidentielle de la toute-puissance symbolique. Selon leur personnalité, les occupants de l’Elysée ont plus ou moins assumé ce rôle paternel. De Gaulle fut un père protecteur, Chirac un père bienveillant, Mitterrand un père manipulateur et pervers. Mais aucun n’a occupé le rôle singulier qui est celui de Sarkozy. Peut-être parce que, quelque fussent leurs différences, les figures qui l’on précédé ont assumé le premier des rôles d’un père, celui de rassurer. Sarkozy, par son agitation permanente, ses changements brusques d’humeur et de politique, déroute. Et s’il y a une chose qu’on ne supporte pas chez un père, c’est qu’il soit imprévisible.

Cette singularité peut-elle expliquer que Sarkozy soit devenu le réceptacle d’une haine irrationnelle, primaire, sans aucun rapport avec ses actes réels ? C’est une question qui mérite d’être abordée. Et de ce point de vue “l’affaire des affiches” mérite qu’on s’y attarde.

Chapitre I: Le drame se noue. Le président-candidat invite ses partisans à un meeting électoral le 1er mai dont le prétexte serait de fêter le “vrai travail”. Immédiatement, la “gauche radicale” s’enflamme: elle dénonce la “récupération politique” de ce qui à l’origine était une journée de lutte des travailleurs par la droite, qu’elle compare aux tentatives de récupération que le régime de Vichy tenta entre 1940 et 1942. En cela, elle fait deux erreurs. La première est que contrairement à ce que croit la “gauche radicale”, la droite gaulliste n’a jamais été tout à fait absente de la tradition du 1er mai. Ainsi, par exemple, le 1er mai 1950 De Gaulle organise un rassemblement à Bagatelle sur le thème du travail. Et son discours peut difficilement être taxé de “pétainiste” (1). La deuxième erreur est que l’expression “vrai travail” ne figure nulle part dans le discours pétainiste. Pétain n’a jamais cherché à établir une catégorie de “vrais travailleurs” qu’il aurait opposé au “faux travail”. Au contraire: le discours pétainiste est d’abord un discours d’unité contre les “divisions qui nous ont fait tant de mal”.

Chapitre II: Le scandale. Deux affiches attribuées au régime de Vichy et dans lesquelles l’expression “la fête du vrai travail” figure en tête commencent à circuler sur les réseaux sociaux. Elles sont en fait des faux. Des véritables affiches de cette époque ont été trafiquées pour remplacer “la fête du travail” par “la fête du vrai travail” :

Petain 1

Petain-2.jpg

L’occasion est évidement belle, et on n’hésite pas à s’en servir. Les affiches trafiquées sont publiées sur le site de l’Humanité (elles seront retirées, sans explication ni excuses, lorsqu’on découvrira qu’elles sont fausses). Jean-Luc Mélenchon, dans un entretien avec un journaliste, y fait référence. Personne ne semble s’interroger sur le non-sens historique que de telles affiches représenteraient si elles étaient authentiques (2). Il est vrai que la culture historique de la “gauche radicale” est à éclipses, et surtout qu’elle est fondée plus sur la glorification – ou la diabolisation, c’est selon – de certains personnages et situations que sur une analyse nuancée des faits. Le régime de Vichy était l’incarnation du mal – tout comme Sarkozy – on est prêt à croire n’importe quoi, pourvu que cela corresponde à ses préjugés. La référence permanente “Sarkozy=Pétain” cache en fait une profonde ignorance de ce que Pétain était et représentait.

Chapitre III: Le silence. On aurait pu imaginer que ceux qui fort imprudemment se sont faits l’écho de ce qu’il faut bien appeler une manipulation auraient eu à cœur de présenter leurs excuses. Que nenni. On se retrouve ramené, comme toujours, au même raisonnement que dans l’affaire de Bruay-en-Artois: le notaire était coupable non pas parce qu’il était l’assassin, mais parce qu’il était notaire. L’important n’est pas la vérité des faits, mais une méta-vérité construite en fonction des objectifs révolutionnaires. Ici, une manipulation qui aurait du être rejetée avec la dernière vigueur devient acceptable (ou du moins vous dispense de présenter des excuses) dès lors que la cible – Sarkozy – est un ennemi de la classe ouvrière.

Churchill disait que la première victime de toutes les guerres est la vérité. Qu’on puisse accepter de véhiculer un mensonge “pour la bonne cause” montre à quel point la vision de guerre civile reste prégnante dans notre vie politique. On savait que la falsification et la rumeur étaient le fond de commerce de certaines officines (3). Qu’un journal comme l’Humanité et que le candidat présidentiel du Front de Gauche s’en fassent l’écho, et qu’ils n’estiment pas nécessaire de présenter des excuses ensuite doit nous interroger. Non seulement sur ce qu’ils sont prêts à faire, mais surtout sur ce qu’ils sont prêts eux-mêmes à croire. Qu’un Mélenchon, dont la culture historique n’est plus à démontrer, donne crédit à une falsification aussi évidente sans même mettre en route son détecteur de bobards montre encore une fois à quel point l’envie de croire reste le plus puissant artefact qu’on ait inventé à  l’heure d’abolir le sens critique.

Dans quelque jours Sarkozy aura quitté le pouvoir. Nous n’aurons plus un père omniscient et tout-puissant sur lequel décharger nos haines et nos frustrations. Il faudra alors réaliser que si la pluie tombe, ce n’est pas la faute à Sarkozy. Il nous faudra faire le deuil et nous chercher un autre diable de confort. Nous seront alors soixante millions d’orphelins.

Descartes

(1) Le discours est disponible ici, et je résiste pas à la tentation de citer un paragraphe, parce qu’il montre combien à l’époque on pouvait énoncer une idée juste dans un style magnifique: “Un jour, la machine a paru. Le capital l’a épousée. Le couple a pris possession du monde. Dès lors, beaucoup d’hommes, surtout les ouvriers, sont tombés sous sa dépendance. Liés aux machines quant à leur travail, au patron quant à leur salaire : ils se sentent moralement réduits et matériellement menacés. Et voilà la lutte des classes ! Elle est partout, aux ateliers, aux champs, aux bureaux, dans la rue, au fond des yeux et des âmes. Elle empoisonne les rapports humains, affole les États, brise l’unité des nations, fomente les guerres”.

(2) Comme le remarque Alain-Gerard Slama, dans “le siècle de monsieur pétain”, le régime de la “Révolution Nationale” reposait sur un mirage d’unité. Le pétainisme est d’abord un unanimisme, une communion qui n’exclut personne – en dehors des catégories situées hors de la communauté: politiciens, franc-maçons, juifs – autour de la figure du Maréchal. Dans ces conditions il aurait été irrationnel de diviser le corps social en opposant le “vrai” et “faux” travail. Un minimum de culture historique aurait du amener les commentateurs à conclure qu’il ne pouvait s’agir que de faux documents. 

(3) Il n’est pas étonnant que bien de ces affaires finissent toujours par tourner autour du site Médiapart dirigé par Edwy Plenel – gauchiste un jour, gauchiste toujours – spécialiste dans ce genre de manœuvre. Qu’il soit du devoir du journaliste de publier certains documents avant que leur authenticité ait pu être vérifiée, c’est discutable. Mais que cette publication tombe comme par hasard entre les deux tours d’une élection présidentielle est une coïncidence qui mérite d’être signalée. Ce genre d’affaire me donnerait d’ailleurs très envie de voter pour Nicolas Sarkozy: un homme tellement détesté par Plenel ne peut pas être tout à fait mauvais.

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25 réponses à Soixante millions d’orphelins

  1. Bannette dit :

    Je dirais que Sarkozy a jeté de l’huile sur le feu avec des proches ou conseillers douteux comme Hortefeux ou Buisson, et son côté adolescent jouisseur et m’as-tu-vu ; par contre, quand
    il écoutait des conseillers intelligents et cultivés (Guaino), il pouvait reprendre des vaches sacrées de la gauche (Mocquet, Jaurès, que les socialistes n’osent même plus citer) et rabaisser ses
    adversaires politiques avec une certaine morgue.

    Il est vrai que si Sarko n’est pas réélu, avec une figure (j’ose pas écrire “personnalité”) mielleuse comme Hollande, toute cette fureur aura du mal à prendre (à moins d’avoir Valls comme
    ministre ?), et que Marine Le Pen n’ayant pas le pouvoir, je ne vois pas qui pourrait en être le réceptacle. Même si Hollande faisait passer des énormités (genre privatiser certains des services
    publics qui nous restent ?), il ne recevra pas la moitié de la fureur qu’a suscitée Sarko.

    J’ose juste espérer que dans cette période qui s’ouvre où la tension baissera de plusieurs crans, certains vont mettre à profit cette relative acalmie pour réfléchir à un vrai projet
    socialiste et républicain.

  2. Jean-Mi41 dit :

    “Cette singularité peut-elle expliquer que Sarkozy soit devenu le réceptacle d’une haine irrationnelle, primaire, sans aucun rapport avec ses actes réels ?”

    Haine n’est peut être pas le terme approprié, quant à irrationnelle, rien n’est moins sûr !

    N’as tu jamais rencontré par exemple un môme turbulent et capricieux, en un mot odieux que tu aurais qualifié de “tête à claques” ? Ben moi c’est l’effet que ça finit par me faire et ce n’est pas
    irrationnel ni sans aucun rapport avec ses actes réels.

    Quand on voit

    -un président qui vient d’être élu et qui a la responsabilité la plus élevée d’un pays se conduire comme un gamin, en plein sommet avec d’autres chefs d’état, (le “poète” qui en a dit la vérité a
    été …taclé)

    – qui passe outre à un non à un référendum (acte qualifié de haute trahison par une experte en droit constitutionnel),

    – qui veut faire des référendums mais uniquement quand ça l’arrange c’est à fdire au cas où les institutions ne l’avantagent pas, et il fera comme pour celui de 2005 si le résultat est non !

    – qui dit une chose le lundi et son contraire le vendredi, quand ce n’est pas contradictoire dans le même discours, (exemple parmi tant d’autres, lancer des polémiques clivantes pour ensuite dire
    qu’il faut se rassembler)

    – qui fait accuser ses adversaires de populisme alors que lui même reprend leurs thèmes par simple opportunisme,

    – qui utilise l’argument des difficultés des gens qui se rendent à leur travail pour instaurer un service minimum alors qu’il se démasque en faisant la boulette de dire “maintenant quand il y a
    une grève, personne ne s’en aperçoit “, sous entendu tout le monde s’en tape

    – qui en règle générale utilise des réflexions de bon sens supposées favoriser les  intérêts des petites gens et des français en général mais qui en fait ne servent qu’à justifier les
    cadeaux destinés aux plus favorisés (exemples: ne pas taxer les revenus de plus de x% d’impots, sauf que le seuil de dépenses vitales est énorme pour les pauvres alors qu’ insignifiant et même
    n’a pas de sens pour les riches, dire que celui qui travaille doit toucher plus que celui qui est sans emploi, ce qui parait logique, sauf que son idée n’est pas d’augmenter les revenus des
    travailleurs à moins qu’ils travaillent comme des esclaves, mais de baisser les ressources des plus défavorisés…

    – qui déclare je ne ferai qu’un mandat puis repousse tout le monde pour rester en place, faut croire qu’il y voit son intérêt !

    – aussi bling-bling suivi de comédie de fausse modestie, totalitaire et je pourrais en rajouter  des tonnes encore

    en bref un énorme décalage entre le baratin et les  desseins réels de ce manipulateur de haut niveau qui reconnaissons lui au moins cette ” qualité” sait si bien  présenter ses salades,
    formation d’avocat oblige, à défaut d’études en économie.

    La connerie prêtée au Français moyen a ses limites, c’est peut-être pour cela qu’il te semble que ceux-ci lui vouent une haine, je dirais plutôt un dégout qui à mon avis n’est pas du tout
    irrationnel.

    “Ce genre d’affaire me donnerait d’ailleurs très envie de voter pour Nicolas Sarkozy”

    Effectivement, après avoir quand même bien torpillé le Front de Gauch(ist)e et ses diables de confort, l’avenir nous dira si c’était une bonne chose ou pas, nous avons compris que cela te
    titillait depuis quelques temps de lui apporter ton soutien voire ton suffrage, tu es libre de te lâcher dimanche prochain dans le secret de l’isoloir des urnes  et nous n’avons pas à te
    juger !

    • Descartes dit :

      Haine n’est peut être pas le terme approprié,

      Je pense au contraire que “haine” est le terme approprié. Quand un commentateur humoristique à la radio fait un sketch ou son “rêve” est de voir l’avion transportant Sarkozy s’écraser, quel
      calificatif te vient à l’esprit ? Lorsqu’on en arrive à falsifier des documents pour pouvoir le peindre en Pétain ? J’ai eu des discussions mémorables avec des amis (notamment du monde
      enseignant): dès qu’on parle de Sarkozy, rien n’est trop terrible, trop cruel comme chatiment.  Lorsque Sarkozy aura quitté le pouvoir et que le débat autour de sa personne aura perdu de son
      acuité, il sera intéressant de se pencher sur ce qui a toutes les caractéristiques d’une “haine de classe”.

      N’as tu jamais rencontré par exemple un môme turbulent et capricieux, en un mot odieux que tu aurais qualifié de “tête à claques” ?

      Certainement. Mais lorsque le “môme turbulent” devient la cause de tous les malheurs du foyer, lorsqu’on lui attribue une sorte d’omniscience dans le mal, il faut se dire que le problème n’est
      pas chez le môme mais dans nos têtes.

      -un président qui vient d’être élu et qui a la responsabilité la plus élevée d’un pays se conduire comme un gamin, en plein sommet avec d’autres chefs d’état, (le “poète” qui en a dit la
      vérité a été …taclé)

      Franchement, cela me paraît un motif bien faible pour souhaiter la mort à quelqu’un. D’ailleurs, cet exemple montre l’ambiguïté des sentiments des français envers leur président: lorsqu’il se
      comporte comme un monarque, lorsqu’il applique rigoureusement le protocole de la présidence, il est accusé d’être rétrograde, monarchique, ringard, loin du peuple. Mais qu’il s’avise de se
      comporter “comme tout le monde”, et on l’accusera vite fait de s’être “comporte comme un gamin”.

      Je ne vois d’ailleurs pas qui est le “poète” à qui tu fais allusion. Comment sais-tu qu’il a dit “la vérité” ?

      – qui passe outre à un non à un référendum (acte qualifié de haute trahison par une experte en droit constitutionnel),

      Faut arrêter de dire n’importe quoi (là encore, inventer à Sarkozy des crimes imaginaires fait partie de l’expression de cette haine à laquelle je faisais référence plus haut). Sarkozy n’a
      nullement “passé outre à un référendum”, il a signé un nouveau traité (qui n’a pas, lui, valeur constitutionnelle) et l’a fait ratifier par la voie parlementaire, en plein accord avec la
      Constitution. D’ailleurs, il n’aurait pas pu le faire sans les voix de quelques députés du PS, qui ont voté le texte au Congrès. Comme le PS ne les a jamais sanctionné, qu’il compte les
      réinvestir aux prochaines législatives, j’en déduit qu’il en assume la responsabilité. Pourquoi attribuer toute la faute à Sarkozy ?

      – qui veut faire des référendums mais uniquement quand ça l’arrange c’est à fdire au cas où les institutions ne l’avantagent pas, et il fera comme pour celui de 2005 si le résultat est non
      !

      En général, tous les présidents ont fait des référendums uniquement lorsque cela les arrangeait. Pourquoi reprocher la chose seulement à Sarkozy ?

      – qui dit une chose le lundi et son contraire le vendredi, quand ce n’est pas contradictoire dans le même discours, (exemple parmi tant d’autres, lancer des polémiques clivantes pour ensuite
      dire qu’il faut se rassembler)

      Là encore, il n’est pas le seul. Pourquoi lui réserver le reproche ?

      – qui fait accuser ses adversaires de populisme alors que lui même reprend leurs thèmes par simple opportunisme,

      Idem. On dirait que tu viens de découvrir la politique française. Tu sais, il y en a eu des présidents et des chefs de gouvernement depuis 1870. Tous ont fait peu ou prou ce que tu reproches à
      Sarkozy. Et personne n’en a fait continûment le procès, comme s’il s’agissait de quelque chose d’exceptionnel. Alors, il faudrait que tu te poses la question: pourquoi ce qu’on a supporté chez
      les autres nous est insupportable chez lui ? Pourquoi on a supporté ce menteur de Mitterrand pendant 14 ans, temps pendant lequel il a fait infiniment beaucoup plus de mal ? Pourquoi le
      bling-bling façon Tapie était “de gauche” et parfaitement tolérable, alors que le bling-bling de droite mérite la peine de mort ? Pourquoi les “affaires” Pellat ou URBA-GRACCO sont des détails,
      alors que l’affaire Bettencourt mérite la défénestration ?

      – qui utilise l’argument des difficultés des gens qui se rendent à leur travail pour instaurer un service minimum alors qu’il se démasque en faisant la boulette de dire “maintenant quand il y
      a une grève, personne ne s’en aperçoit “, sous entendu tout le monde s’en tape

      Je te rappelle que les premières restrictions au droit de grève dans les services publics ont été apportés par le décret Duraffour sous la présidence de François Mitterrand. Là encore, pourquoi
      ce qui était admirable chez l’un est insupportable chez l’autre ?

      (…) en bref un énorme décalage entre le baratin et les  desseins réels de ce manipulateur de haut niveau qui reconnaissons lui au moins cette ” qualité” sait si bien  présenter
      ses salades, formation d’avocat oblige, à défaut d’études en économie.

      Ce que tu n’expliques toujours pas, c’est pourquoi ce réquisitoire, qui aurait pu être adressé en bien pire aux prédécesseurs de Sarkozy (et surtout à Mitterrand, d’ailleurs), ne l’a pas été.
      Pourquoi on a toléré des choses infiniment pires chez les autres sans pour autant les haïr, alors qu’on ne le supporte pas chez Sarkozy.

      Je vais te risquer mon hypothèse. Le crime que les classes moyennes intellectuelles – car ce sont elles qui façonnent l’opinion – ne pardonnent pas à Sarkozy est d’être un
      parvenu. Ses prédécesseurs avaient beau être des menteurs, des escrocs, des traîtres même, ils avaient pour eux au moins une chose: ils avaient de la classe. Ils avaient lu les
      bons livres, ils invitaient à leur table les bonnes relations, ils correspondaient à l’idée que se font les classes bavardantes de ce que doit être un président de la République. On pouvait bien
      entendu railler le protocole quasi-monarchique d’un De Gaulle ou d’un Mitterrand, cela fait partie du jeu. Mais derrière les railleries, derrière cete fausse demande de “proximité”, les français
      sont quand même attachés àun président hiératique, lointain, oraculaire, bref, qui “fait président”.

      Comme disait Goethe, “quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves”. Avec Sarkozy, les classes bavardantes ont eu le président de leur rêve: un président familier, qui méprise le
      protocole et les formes. Un président infiniment plus “populaire” et “moderne” dans ses goûts, dans ses lectures, dans ses comportements, que n’importe lequel de ses prédécesseurs. Un président
      qui part en vacances chez un ami quand cela lui chante, quelque soit l’image que cela puisse donner. Qui trouve un petit boulot à son fils comme le ferait n’importe qui d’entre nous. En un mot,
      un homme qui oublie qu’il est président de la République, qui assume sa fonction comme si c’était un banal poste de direction générale d’une entreprise quelconque.

      La connerie prêtée au Français moyen a ses limites, c’est peut-être pour cela qu’il te semble que ceux-ci lui vouent une haine, je dirais plutôt un dégout qui à mon avis n’est pas du tout
      irrationnel.

      J’attire ton attention sur le fait que 47% des électeurs s’apprêtent à voter pour lui. Il est donc difficile de parler d’un “dégoût des français moyens”. Contrairement à ce que beaucoup dans les
      classes bavardantes pensent, Sarkozy n’est pas aussi détesté qu’on le croit chez les bobos. Et surtout, il n’est pas détesté par les raisons que tu penses: l’électorat populaire lui reproche
      essentiellement de ne pas avoir tenu ses promesses (“travailler plus pour gagner plus”, tu t’en souviens). Et non d’avoir mis les pieds sur la table lors des sommets internationaux ou de n’avoir
      pas lu la Princesse de Clèves…

      Effectivement, après avoir quand même bien torpillé le Front de Gauch(ist)e et ses diables de confort,(…)

      Tu surestimes considérablement mon pouvoir… si quelqu’un d’aussi isole et seul que moi peut, avec pour seul instrument la plume, “torpiller” le Front de Gauche, c’est que celui-ci doit être
      bien faible…

      nous avons compris que cela te titillait depuis quelques temps de lui apporter ton soutien voire ton suffrage,

      Qui c’est, “nous” ? Tu utilises le pluriel de majesté maintenant ? Non, “vous” avez mal compris. Cela ne me “titille” nullement. Mais j’avoue que mon premier réflexe est de juger les hommes à
      partir des ennemis qu’ils se font. Et je me dis qu’un homme qui est détesté à ce point par l’ensemble de la bienpensance ne peut pas être totalement mauvais. Mais ce qui me paraît plus important
      est de comprendre pourquoi cette bienpensance, qui bavait à l’idée de lécher les bottes de Mitterrand, en arive à haïr son successeur.

      tu es libre de te lâcher dimanche prochain dans le secret de l’isoloir des urnes  et nous n’avons pas à te juger !

      Je te prie de croire que j’exercerait mon droit de vote dimanche avec la plus parfaite liberté, comme je l’ai toujours fait.

  3. Jean-Mi41 dit :

    “Quand un commentateur humoristique à la radio fait un sketch ou son “rêve” est de voir l’avion transportant Sarkozy s’écraser, quel calificatif te vient à l’esprit ?(…)Franchement, cela
    me paraît un motif bien faible pour souhaiter la mort à quelqu’un.(…) dès qu’on parle de Sarkozy, rien n’est trop terrible, trop cruel comme chatiment. (…) Pourquoi les “affaires”
    Pellat ou URBA-GRACCO sont des détails, alors que l’affaire Bettencourt mérite la défénestration ? “

    Excuses-moi, mais çette “peine de mort” que je ne partage pas et je ne suis certainement pas le seul, je l’avais pas lue dans ton texte de base, à moins d’avoir raté une ligne …  !
    Attention aux généralisations hâtives !

    “Lorsqu’on en arrive à falsifier des documents pour pouvoir le peindre en Pétain ?  (…) Je ne vois d’ailleurs pas qui est le “poète” à qui tu fais allusion. Comment sais-tu
    qu’il a dit “la vérité” ?

    Le “poète” était une métaphore (aîe je prends encore des risques en utilisant des termes au dessus de mon niveau de culture) dans le rappel de “le poète a dit la vérité, il doit être exécuté”,
    en fait je pensais que tu aurais compris qu’il s’agissait d’un journaliste bien connu qui a changé de fonction et si je pense qu’il a dit une vérité c’est parce qu’en voyant la retransmission
    des images TV, cela m’a aussi choqué de la même façon, mais c’est vrai qu’on pourra toujours prétendre le contraire. J’ai quand-même l’intime conviction que “little big man” devrait
    penser à consulter un psy.

    “- qui passe outre à un non à un référendum”

      ” Pourquoi attribuer toute la faute à Sarkozy ?”

    Pas toute la faute, mais son énorme part de responsabilité tout simplement parcequ’il en a été le commanditaire !

    “Pourquoi reprocher la chose seulement à Sarkozy ?”

    Objection votre honneur, j’en ai autant à adresser pour tous ” 3615 qui n’en veut” en tous lieux et en tous temps !

    “Je vais te risquer mon hypothèse. Le crime que les classes moyennes intellectuelles – car ce sont elles qui façonnent l’opinion – ne pardonnent pas à Sarkozy est d’être un
    parvenu.”

    Ah encore un de tes diables de confort: les classes moyennes ! Mais je suis quelque peu d’accord avec toi sauf que ce sont surtout les politiques issus de “la haute” qui le méprisent ainsi !

    J’attire ton attention sur le fait que 47% des électeurs s’apprêtent à voter pour lui. Il est donc difficile de parler d’un “dégoût des français moyens”.

    Référons-nous plutôt aux résultats du premier tour, ce serait plus honnête , non ? Mais je reconnais qu’il ne manque pas d’arguments, dommage que ce ne soit que manipulation et opportunisme
    !

      “l’électorat populaire lui reproche essentiellement de ne pas avoir tenu ses promesses (“travailler plus pour gagner plus”, tu t’en souviens)”

    D’accord avec ça si on rajoute immigration et sécurité !

    ” Et non d’avoir mis les pieds sur la table lors des sommets internationaux ou de n’avoir pas lu la Princesse de Clèves…” si ce n’était que cela, ça ne serait pas rédhibitoire, voire
    à la limite bien vu par certains …

    Effectivement, après avoir quand même bien torpillé le Front de Gauch(ist)e et ses diables de confort,(…)

    “Tu surestimes considérablement mon pouvoir… si quelqu’un d’aussi isole et seul que moi peut, avec pour seul instrument la plume, “torpiller” le Front de Gauche, c’est que celui-ci doit
    être bien faible…”  Que nenni mon bon, la plume peut être ravageuse, et avec internet on n’est plus seul, mais pour l’ensemble, l’un n’empêche pas l’autre, j’ai de très gros doutes
    quant à l’avenir du FdeG !

    “nous avons compris que cela te titillait depuis quelques temps de lui apporter ton soutien voire ton suffrage,” Qui c’est, “nous” ? Tu utilises le pluriel de majesté maintenant ?”

    Que nenni encore monseigneur, point de signe de majesté ici, je voulais simplement parler de tes fidèles lecteurs.

    Non, “vous” avez mal compris. Cela ne me “titille” nullement.

    Ah que je suis satisfait, mon ignoble provocation a fonctionné au dela de toute espérance…. gniac gniac gniac (rire sardonique).

    de toute façon, c’est cuit !

    Bien cordialement

    • Descartes dit :

      Le “poète” était une métaphore (…)

      Ca, j’avais compris…

      dans le rappel de “le poète a dit la vérité, il doit être exécuté”, en fait je pensais que tu aurais compris qu’il s’agissait d’un journaliste bien connu qui a changé de fonction

      Qui ça ? Franchement, je ne vois pas qui est ce journaliste “bien connu” qui aurait été contraint à changer de fonction pour avoir “dit la vérité” sur le “comportement de gamin” de Sarkozy dans
      un sommet international. Pourrais-tu être plus précis ?

      Ah encore un de tes diables de confort: les classes moyennes ! Mais je suis quelque peu d’accord avec toi (…)

      Faudrait savoir… si c’est un “diable de confort”, ce n’est pas très cohérent ensuite d’être d’accord avec moi…

      sauf que ce sont surtout les politiques issus de “la haute” qui le méprisent ainsi !

      Les hommes politiques – qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition – n’ont que très rarement exhibé pour Sarkozy le genre de haïne-mépris dont ont fait preuve les représentants du monde
      culturel et enseignant, pour ne donner qu’un exemple.

      Référons-nous plutôt aux résultats du premier tour, ce serait plus honnête , non ?

      Non. Au premier tour, on vote pour celui qui nous plait, au second on élimine celui qui nous déplait. S’il s’agit de mesurer le “dégoût”, c’est le deuxième tour qui est le plus révélateur, et non
      le premier.

      Que nenni mon bon, la plume peut être ravageuse, et avec internet on n’est plus seul, mais pour l’ensemble, l’un n’empêche pas l’autre, j’ai de très gros doutes quant à l’avenir du FdeG
      !

      Mois aussi, mais pas du fait de ma “plume ravageuse”. Franchement, je suis peut-être trop modeste, mais je n’ai jamais cru que ma plume puisse déplacer les montagnes. Tout au plus de semer
      quelques graines de débat dans le cerveau de mes lecteurs…

       

  4. Pablito Waal dit :

    Faut arrêter de dire n’importe quoi (là encore, inventer à Sarkozy des crimes imaginaires fait partie
    de l’expression de cette haine à laquelle je faisais référence plus haut). Sarkozy n’a nullement “passé outre à un référendum”, il a signé un nouveau traité (qui n’a pas, lui, valeur
    constitutionnelle) et l’a fait ratifier par la voie parlementaire, en plein accord avec la Constitution.

     

    Là, je ne vous suis pas. Je ne me risquerai pas sur la querelle juridique : oui, en soi, la
    ratification du Traité de Lisbonne par voie parlementaire est légale. Mais le contenu du texte est très proche du Traité de Rome rejeté par le peuple français en mai 2005. Cette proximité a été
    reconnu par Giscard d’Estaing lui-même (ayant présidé la convention qui a préparé le Traité de Rome), avec cette différence que le texte lisboète ne prétendait plus remplacer et unifier mais
    modifier les traités antérieurs, et qu’il n’avait plus de valeur constitutionnelle. Il n’en reste pas moins que cette ratification a annulé en grande partie l’effet du vote de 2005. Sarkozy
    s’était à l’époque justifié en disant que le nouveau texte reprenait des parties de l’ancien qui ne faisaient pas débat (au nom de quoi l’assurait-il?).

     

    Je pense que ce n’est pas sur le terrain du droit qu’il faut affronter les européistes. Juridiquement, ils
    sont quasiment inattaquables, parce qu’ils disposent des meilleurs experts, et surtout qu’ils avancent toujours selon la méthode des petits pas, des “solidarités de fait” (selon l’expression de
    Schuman en 1950) dont l’euro est la principale réalisation. Et quand bien même ils commettraient des impairs, les sujets sont bien trop complexes pour alerter la majorité de la population.
    C’est politiquement qu’il faut les combattre, en montrant l’inanité des justifications du projet fédéraliste européen, et en s’opposant à tout nouveau traité, quelque soit le mode de
    ratification. Et, s’il faut faire appel au droit, c’est pour montrer, comme le fait Magali Pernin sur son blog (http://contrelacour.over-blog.fr/), que le droit européen bloque de fait l’essentiel des projets des candidats aux élections françaises, et qu’il rend donc caduque
    notre liberté politique. De ce point de vue, l’impulsion donnée par N.Sarkozy au Traité de Lisbonne est coupable, et mérite de lui faire perdre l’élection.

     

    D’ailleurs, il n’aurait pas pu le faire sans les voix de quelques députés du PS, qui ont voté le texte
    au Congrès. Comme le PS ne les a jamais sanctionné, qu’il compte les réinvestir aux prochaines législatives, j’en déduit qu’il en assume la responsabilité. Pourquoi attribuer toute la faute à
    Sarkozy ?

     

    Le PS est bien évidemment tout aussi coupable. Mais en faisant perdre Sarkozy, on fait comprendre au PS
    que la politique des cinq dernières années a été sanctionnée et que le même sort peut attendre le gouvernement PS s’il prend des initiatives similaires. Si Sarkozy est réélu, on félicite la
    politique accomplie, et le PS, battu, sera incité à s’inspirer davantage du vainqueur.

     

    Voilà pourquoi, sans la moindre haine pour un président à qui je ne souhaite que de longues vacances en
    Floride, je ferai Dimanche un vote de “sortie du sortant”.

     

     

    • Descartes dit :

      Là, je ne vous suis pas. Je ne me risquerai pas sur la querelle juridique : oui, en soi, la
      ratification du Traité de Lisbonne par voie parlementaire est légale. Mais le contenu du texte est très proche du Traité de Rome rejeté par le peuple français en mai 2005.

      J’imagine que par “Traité de Rome” vous entendez le “traité constitutionnel européen”. Bien que signé à
      Rome, le TCE n’est en général pas appelé ainsi pour éviter la confusion avec le Traité de Rome de 1957. 

      Il est exact que le texte du traité de Lisbonne n’est pas très éloigné de celui du TCE. Cependant, les
      différences sont tout à fait fondamentales: le mot “constitution”, qui figurait dans le titre de l’un, a disparu de l’autre. Cela paraît un détail, mais cela change tout. Avec le TCE, on aurait
      pu réduire à néant la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui donne à la constitution française pré-éminence sur les textes européens, puisqu’on pouvait valablement invoquer le fait qu’en
      ratifiant le TCE, le souverain avait bien voulu se donner un texte de niveau constitutionnel. Avec le traité de Lisbonne, il n’y a pas d’ambiguïté: c’est un traité comme les autres, et donc
      soumis à la hiérarchie des normes définie par le Conseil.

      Un décret peut dire la même chose qu’une loi, mais cela ne le rend pas égal à la loi. Il ne suffit pas, en
      droit, de comparer la lettre de deux textes, il faut aussi comparer leur niveau. Et de ce point de vue, Lisbonne n’est pas équivalent au TCE.

      Il n’en reste pas moins que cette ratification a annulé en grande partie l’effet du vote de
      2005.

      Je ne vois pas en quoi. Le but du vote de 2005 était en grande partie d’empêcher la constitutionnalisation
      d’une politique économique. Cet objectif est largement atteint, et la ratification du traité de Lisbonne n’y change rien.

      Je pense que ce n’est pas sur le terrain du droit qu’il faut affronter les européistes.

      Je ne suis pas d’accord. Il faut les affronter sur tous les terrains, dont celui du droit. Empêcher la
      constitutionnalisation des institutions européennes et de leurs politiques a été une conquête fondamentale. Ne nous laissons pas enfumer par les anti-européistes en peau de lapin qui expliquent
      que tout le mal vient de Lisbonne. Ce n’est pas vrai: sans le traité de Lisbonne, on en serait resté à Maastricht et Bruxelles, qui ne sont guère meilleurs.

      Juridiquement, ils sont quasiment inattaquables, parce qu’ils disposent des meilleurs experts, et
      surtout qu’ils avancent toujours selon la méthode des petits pas, des “solidarités de fait” (selon l’expression de Schuman en 1950) dont l’euro est la principale réalisation.

      Non. L’Euro marque justement l’abandon de la méthode des “petits pas”. Ce fut la première tentative de
      s’écarter de la méthode Monnet-Schumann pour y aller franco en codifiant et constitutionnalisant les choses. Voulant faire trop vite, les fédéralistes ont réveillé le dragon eurosceptique, avec
      les résultats qu’on connait.

      C’est politiquement qu’il faut les combattre, en montrant l’inanité des justifications du projet
      fédéraliste européen, et en s’opposant à tout nouveau traité, quelque soit le mode de ratification.

      Je n’aime pas ces combats d’arrière garde, qui rappelent trop le ni-ni mitterrandien. Ou bien on pense que
      l’Euro est une bonne chose, et alors il faut des nouveaux traités pour le faire marcher, ou bien on pense que c’en est une mauvaise, et il faut de nouveaux traités (ou à minima dénoncer les
      anciens) pour y mettre un terme. Mais on ne peut pas en rester aux institutions de Maastricht.

      Le PS est bien évidemment tout aussi coupable. Mais en faisant perdre Sarkozy, on fait comprendre au
      PS que la politique des cinq dernières années a été sanctionnée et que le même sort peut attendre le gouvernement PS s’il prend des initiatives similaires.

      Tu veux dire que dans cinq ans on pourrait voter Sarkozy – ou l’un de ses successeurs – pour faire lui
      faire comprendre que s’il fait la même politique il pourrait être sanctionné dans dix ans ? Franchement, tu crois que ça va faire peur à quelqu’un ? En faisant perdre Sarkozy, on ne transmet
      aucun message au PS, si ce n’est que la politique qu’ils ont fait pendant les cinq dernières années a payé.

      Soyons sérieux: en matière européenne, la politique faite par Sarkozy n’est pas pire que celle qu’on fait
      les socialistes chaque fois qu’ils en ont eu l’opportunité. Diaboliser Sarkozy au nom de Lisbonne tout en louant Mitterrand malgré Maastricht n’est qu’une illustration de cette sorte de haine
      irrationnelle dont je parlais dans mon papier.

      Voilà pourquoi, sans la moindre haine pour un président à qui je ne souhaite que de longues vacances
      en Floride, je ferai Dimanche un vote de “sortie du sortant”.

      La question n’est pas là. Comme disait Bacon, la pire trahison est de faire une bonne chose pour une
      mauvaise raison. Il y a beaucoup d’excellentes raisons de renvoyer Sarkozy à ses études. Pourquoi en inventer des mauvaises ?

  5. Trubli dit :

    Sarkozy a commis une erreur tactique, celle de porter un discours qui divise. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un “père” de la nation. On attend de lui plutôt qu’il nous rassure, qu’il prenne de la
    hauteur et non pas qu’il se comporte en premier ministre. Depuis le passage au quinquennat notre régime s’américanise un peu trop à mon goût. D’ailleurs Asselineau avait fait la remarque à un
    journaliste le questionnant sur Hadopi. Il lui avait rétorqué qu’il a un avis sur la question, mais que c’est une problématique du niveau du 1er ministre. Le président est là pour donner les
    grandes orientations, et indiquer où il veut que le pays soit dans 5  à 10  ans et même au-delà.

    Mais peut-on reprocher à Sarkozy d’être hyper-actif, de s’occuper de tout quand la présidence de Chirac a été marquée par l’indolence. Déclarer le cancer grand cause nationale, comme le fit
    Chirac, avec ça on ne froisse personne.

    • Descartes dit :

      Sarkozy a commis une erreur tactique, celle de porter un discours qui divise. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un “père” de la nation.

      Oui. On s’est sérieusement affronté dans son entourage, entre Pierre Charon, partisan d’un discours “clivé” pour aller chercher les électeurs du FN, et Henri Guaino partisan, lui, d’un discours
      de “rassembleur”. Sarkozy a beaucoup hésité, et on peut d’ailleurs dans ses discours reconnaître la “patte” de l’un et de l’autre dans ses discours, où l’on passe assez brusquement d’une envolée
      du genre “père de la nation” à un paragraphe clivant ou l’on vomit telle ou telle catégorie.

      Le problème de Sarkozy est qu’il est resté candidat même après son élection. Il ne s’est que très tardivement “présidentialisé”, et encore. Beaucoup de gens – dont moi, d’ailleurs – pensions en
      2007 qu’après son élection il allait délaisser les habits du candidat et “habiter” la fonction en prenant une ligne plus “unitaire”. Il n’en a rien été…

      On attend de lui plutôt qu’il nous rassure, qu’il prenne de la hauteur et non pas qu’il se comporte en premier ministre.

      Tout à fait. C’est la logique même de la diarchie à la tête de l’exécutif qui est au coeur de la constitution de la Vème République. Comme le disait De Gaulle: “Occupez-vous de cela, Pompidou.
      Moi, je m’occupe de la France…”. Mais la Vème a été mortellement blessée en mai 1986, et le quinquenat l’a achévée. Nos présidents, quelque soit leur bonne volonté, ne pourront plus se
      détacher des détails du quotidien comme avaient pu le faire De Gaulle, Pompidou, Giscard ou Mitterrand durant sa première présidence.

       

  6. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    Je pense que vous êtes décidément bien malicieux et que vous prenez un malin plaisir à taquiner vos lecteurs 😉

    Par votre pratique du “qui aime bien châtie bien”, vos critiques sont souvent dirigées vers les commentaires bienpensants de “la gauche”, à laquelle vous semblez encore très attaché. Et
    finalement peu sur ce qui était visé par ces mêmes commentaires: la présidence de Sarkozy et la gouvernance de la droite. Du coup, cela explique les commentaires de certains lecteurs qui vous
    accusent à demi-mot d’être une taupe sakozyste (pas forcément dans ce billet… j’ai le souvenir d’un commentaire de Filoche à votre égard vous qualifiant d’un revers de main méprisant de
    “libéral” – un grand moment).

    Du coup, que pensez-vous de l’initiative sarkozyste de faire un rassemblement le 1er mai ? Les syndicats ne représentent-ils qu’eux-même et faire une autre fête de travail est-il tout à fait
    justifiable voire normal, ou est-ce une tentative grossière de diviser et de cliver ? Quid de l’utilisation du terme de “vrai travail” ?

    Pour ma part, je trouve que la manifestation du 1er mai ne mérite pas une telle polémique. Pitié, parlons du fond… mais peut-être qu’on se rendrait compte que les deux candidats sont d’accord
    sur beaucoup et que si Sarkozy est le diable, que penser d’Hollande ? Mais l’utilisation de terme “vrai travail” avait de quoi… choquer. Car s’il existe un vrai travail c’est bien qu’il existe
    un faux. Et qu’une partie des travailleurs ne travaillent pas “pour de vrai”, ce sont des faignants (statistiques ?), des assistés, etc. Et c’est cette division entretenue voire provoquée entre
    les Français que je trouve bien peu républicaine.

    • Descartes dit :

      Je pense que vous êtes décidément bien malicieux et que vous prenez un malin plaisir à taquiner vos lecteurs 😉

      Enfin quelqu’un qui me comprend… 😉

      Du coup, que pensez-vous de l’initiative sarkozyste de faire un rassemblement le 1er mai ?

      Je n’en pense rien. C’est une pure affaire tactique: Sarkozy ne fait qu’appliquer une règle bien connue des publicitaires: il faut occuper le terrain (ou pour le dire en “moderne”, il faut faire
      le “buzz”). On ne peut se permettre de laisser une seule journée les médias parler d’autre chose que de vous. Hollande fait d’ailleurs exactement la même chose, avec son hommage “personnel” à
      Pierre Bérégovoy à Nevers qui se transforme en meeting transmis intégralement sur les chaînes nationales. Vous remarquerez d’ailleurs que si tout le monde a accusé Sarkozy de “récupérer” le 1er
      mai au Trocadéro, personne n’a accusé Hollande de faire de même à Nevers…

      Les syndicats ne représentent-ils qu’eux-même et faire une autre fête de travail est-il tout à fait justifiable voire normal, ou est-ce une tentative grossière de diviser et de cliver ?

      Comme je l’ai expliqué plus haut, je ne crois pas que le but de Sarkozy fut de “diviser et cliver”, mais seulement d’occuper le terrain. Quant aux syndicats, il y a là un débat complexe que la
      gauche n’a toujours pas reglé depuis que le PCF a renoncé à la doctrine de la “courroie de transmission”. Ou bien on s’en tient à la vision selon laquelle les syndicats “représentent les intérêts
      moraux et matériels” des travailleurs, ce qui les oblige à la neutralité politique, soit on admet – ce qui serait plutôt ma position – que la défense du monde du travail ne peut être
      “apolitique”, ce qui implique que les syndicats sont des acteurs politiques et donc des “courroies de transmission” d’organisations politiques. 

      Franchement, comment pensez-vous qu’un syndicaliste CGT qui vote Sarkozy (ou Le Pen) peut ressentir la position de son syndicat ?

      Quid de l’utilisation du terme de “vrai travail” ?

      Je pense que c’est une faute. Si l’on parle de “vrai travail”, alors cela implique qu’il existe un “faux travail”. Quel peut être l’intérêt pour Sarkozy d’introduire cette notion ?

      Car s’il existe un vrai travail c’est bien qu’il existe un faux. Et qu’une partie des travailleurs ne travaillent pas “pour de vrai”, ce sont des faignants (statistiques ?), des assistés,
      etc.

      Je vais vous dire le fond de ma pensée. C’est une pure déduction psychologique, à partir de ce que je connais du caractère de Sarkozy, et je n’ai pas d’autres éléments pour justifier mon point de
      vue, mais enfin, j’ai le droit moi aussi de temps en temps à dire des bêtises. Je pense que lorsque Sarkozy parle implicitement de “faux travail”, il ne pense nullement aux chômeurs, aux assistés
      ou aux fainéants. A mon avis, il pense plutôt à certaines couches moyennes qui se prétendent “prolétarisées” et ont la prétension de parler au nom des travailleurs…

      Et c’est cette division entretenue voire provoquée entre les Français que je trouve bien peu républicaine.

      Je pense qu’il ne faut pas exagérer. Autant la création de faux clivages me paraît odieuse, autant gommer les véritables clivages dans une sorte de fausse unanimité est un projet totalitaire. Je
      vais vous conseiller une fois de plus le livre d’Alain-Gérard Slama “Le Siècle de Monsieur Pétain”. Dans ce livre, vous trouverez expliquée bien mieux que je peux le faire sa théorie.
      Schématiquement, la République est une manière de gérer les conflits, et non de les effacer. Au contraire, les projets comme la Révolution Nationale cherchent à gommer ces différences dans un
      perpétuel appel à une “unité” factice et au rejet des différents hors du corps national.

  7. Pablito Waal dit :

    J’imagine que par “Traité de Rome” vous entendez le “traité
    constitutionnel européen”. Bien que signé à Rome, le TCE n’est en général pas appelé ainsi pour éviter la confusion avec le Traité de Rome de 1957. 

    C’est bien de ce traité que je parlais, la révocation du Traité de Rome de 1957 n’étant pas à l’ordre du
    jour…

     

    Il n’en reste pas moins que cette ratification a annulé en grande
    partie l’effet du vote de 2005.

    Je ne vois pas en quoi. Le but du vote de 2005 était en grande
    partie d’empêcher la constitutionnalisation d’une politique économique. Cet objectif est largement atteint, et la ratification du traité de Lisbonne n’y change rien.

    Vous prenez votre propre opinion du « Non » du 29 mai 2005, ainsi que la direction du PCF
    essayait de le faire : le Non était orienté contre un traité « libéral » (alors qu’ailleurs, au Royaume-Uni, il était considéré généralement comme pas assez libéral), et surtout
    pas « anti-européen ». On fait ainsi complètement l’impasse sur une partie des votes Non, qui n’étaient pas « anti-libéraux » mais purement souverainistes (notamment le non de
    droite, sans lequel le oui gagnait). Je ne sais pas si cette fraction du vote était majoritaire dans le Non, mais en tout cas mon vote en faisait partie. J’aurais voté non à tout traité européen
    prolongeant la construction de l’édifice supranational, même d’un centimètre (ne serait-ce que pour ne pas confirmer l’UE telle qu’elle était en 2005). Le traité de Lisbonne n’était certes pas
    constitutionnel, mais il accroissait les compétences des institutions de l’UE, le champ de la majorité qualifiée, et, comme le disait VGE en 2007 :

     

    « Mais [malgré tous les défauts du traité de Lisbonne du
    point de vue eurofédéraliste], regardons dans la boîte : les outils sont bien là, tels que les avaient soigneusement élaborés la Convention européenne, des outils innovants et
    performants : la Présidence stable, la Commission réduite et recentrée, le Parlement législateur de plein droit, le Ministre des Affaires étrangères en dépit de sa casquette trop étroite, la
    prise de décisions à la double majorité, celle des Etats et celle des citoyens, et la charte des droits fondamentaux la plus avancée de notre planète. Le jour où des femmes et des hommes, animés
    de grandes ambitions pour l’Europe, décideront de s’en servir, ils pourront réveiller, sous la cendre qui le recouvre aujourd’hui, le rêve ardent de l’Europe unie. »

     

    Tout est dit : l’Europe politiquement Unie, c’est ce contre quoi j’ai voté le 29 mai 2005, et je
    n’étais sans doute pas le seul. Quelles qu’aient été les motivations des autres nonistes, le texte du TCE était donc caduc. Il est impossible de dire quelle fraction du texte pouvait être reprise
    ou pas sans l’avis du peuple. Le référendum est un outil compliqué, et à mon sens seule une nouvelle expression du peuple peut annuler une précédente issue, du moins si question traite bien du
    même sujet. C’est ce qui s’est passé en Irlande pour le Traité de Lisbonne, même si le fait de faire voter deux fois à deux ans d’intervalle deux textes très proches relève plus de la stratégie
    d’usure de l’électorat que de l’esprit démocratique. Quand Chavez perdit un référendum sur une constitution, il en reprit une partie concernant la présidence et fit un nouveau référendum (gagné).
    La Constitution française n’est pas ainsi, et c’est dommage. Mais ce n’est pas parce que la Constitution permet quelque chose qu’il est honorable de le faire. Le Droit n’est pas la morale.

     

     

    Je pense que ce n’est pas sur le terrain du droit qu’il faut
    affronter les européistes.

    Je ne suis pas d’accord. Il faut les affronter sur tous les
    terrains, dont celui du droit. Empêcher la constitutionnalisation des institutions européennes et de leurs politiques a été une conquête fondamentale.

    Ma phrase signifiait qu’il est inutile d’affronter les européistes en cherchant la faille juridique qui
    permettrait d’annuler une procédure de traité. Mais j’ai clairement parlé de refuser les traités, qu’ils soient constitutionnels ou pas.

     

    Ne nous laissons pas enfumer par les anti-européistes en peau de
    lapin qui expliquent que tout le mal vient de Lisbonne. Ce n’est pas vrai: sans le traité de Lisbonne, on en serait resté à Maastricht et Bruxelles, qui ne sont guère meilleurs.

    Je ne dis pas que tout le mal vient de Lisbonne. Mais accepter un traité européen, c’est toujours donner
    son appui à l’existence de l’Union Européenne, sous une forme ou une autre, peu importe que les traités antérieurs fussent peu ragoûtants.

     

    Non. L’Euro marque justement l’abandon de la méthode des “petits
    pas”. Ce fut la première tentative de s’écarter de la méthode Monnet-Schumann pour y aller franco en codifiant et constitutionnalisant les choses. Voulant faire trop vite, les fédéralistes ont
    réveillé le dragon eurosceptique, avec les résultats qu’on connait.

    • Descartes dit :

      On fait ainsi complètement l’impasse sur une partie des votes Non, qui n’étaient pas
      « anti-libéraux » mais purement souverainistes (notamment le non de droite, sans lequel le oui gagnait). Je ne sais pas si cette fraction du vote était majoritaire dans le Non, mais en
      tout cas mon vote en faisait partie. J’aurais voté non à tout traité européen prolongeant la construction de l’édifice supranational, même d’un centimètre (ne serait-ce que pour ne pas confirmer
      l’UE telle qu’elle était en 2005).

      Mon point n’a aucun rapport avec les raisons pour lesquelles les électeurs ont rejeté le traité. C’est une
      question purement objective: le rejet du TCE ne modifie en rien le caractère libéral de la
      construction européenne, puisque le TCE n’introduisait, du point de vue du texte, aucun élément vraiment nouveau dans la construction européenne. Tout les éléments libéraux du TCE étaient dejà
      contenus dans les traités précédents. Le rejet ou la ratification du TCE si celui-ci avait été un traité ordinaire n’aurait donc pratiquement rien changé. C’est parce que le TCE était un traité constitutionnel que son rejet ou sa ratification n’étaient pas indifférents. Le rejet a privé l’Europe d’une constitution, et cela
      reste vrai après Lisbonne. On ne peut donc pas dire que le traité deLisbonne “annule l’effet du vote de 2005” puisque le seul effet de ce vote subsiste.

      Tout est dit : l’Europe politiquement Unie, c’est ce contre quoi j’ai voté le 29 mai 2005, et je
      n’étais sans doute pas le seul.

      Et l’Europe n’est pas aujourd’hui plus “politiquement unie” qu’elle ne l’était au soir du 29 mai
      2005. Au delà du discours de VGE cherchant à sauver quelque chose du naufrage, les faits sont là:
      Lisbonne n’a pas fait une Europe plus “politiquement unie” que Maastricht.

      Le référendum est un outil compliqué, et à mon sens seule une nouvelle expression du peuple peut
      annuler une précédente issue, du moins si question traite bien du même sujet.

      C’est bien la logique retenue par la plupart des constitutionnalistes. Mais encore une fois, la question
      posée en 2005 était schématiquement “voulez-vous une constitution pour l’Europe ?”. A cette question le peuple a répondu “non”, et cette porte ne pourrait être réouverte que par un nouveau
      référendum. Mais déduire du référendum de 2005 l’impossibilité de reprendre quelque article du TCE sous quelque forme que ce soit me paraît aller trop loin.

      J’ai l’impression que votre message est incomplet…

  8. Pablito Waal dit :

    En effet, le texte était incomplet. Je vous donne la suite avant de répondre à quoi que ce soit.

    Non. L’Euro marque justement l’abandon de la méthode des “petits
    pas”. Ce fut la première tentative de s’écarter de la méthode Monnet-Schumann pour y aller franco en codifiant et constitutionnalisant les choses. Voulant faire trop vite, les fédéralistes ont
    réveillé le dragon eurosceptique, avec les résultats qu’on connait.

     

    Sur ce point comme par la suite, je pense que vous surestimer largement la puissance politique de
    l’euroscepticisme (sauf dans les pays comme le Royaume-Uni, la Suède ou la République Tchèque…des pays hors euro). Le sentiment anti-européen s’est développé ces dernières années. Mais
    politiquement, nous sommes encore très faibles, à peine organisés. Il se peut très bien que l’euro survive encore des années, et donc rien ne prouve que les fédéralistes soient allés « trop
    vite ». Au contraire, leur but est justement de tirer parti de la crise de l’euro pour réclamer un gouvernement économique européen. C’est bien une politique progressive, aboutissant au fait
    accompli.

     

    C’est politiquement qu’il faut les combattre, en montrant
    l’inanité des justifications du projet fédéraliste européen, et en s’opposant à tout nouveau traité, quelque soit le mode de ratification.

    Je n’aime pas ces combats d’arrière garde, qui rappelent trop le
    ni-ni mitterrandien. Ou bien on pense que l’Euro est une bonne chose, et alors il faut des nouveaux traités pour le faire marcher, ou bien on pense que c’en est une mauvaise, et il faut de
    nouveaux traités (ou à minima dénoncer les anciens) pour y mettre un terme. Mais on ne peut pas en rester aux institutions de Maastricht.

     

    Là encore, vous surestimez notre force. Dans l’état actuel du rapport de force politique, tout traité
    européen ira vers plus d’euro et de fédéralisme. Nous ne pouvons donc actuellement que diffuser nos idées tout en bloquant les traités.

     

    Tu veux dire que dans cinq ans on pourrait voter Sarkozy – ou
    l’un de ses successeurs – pour faire lui faire comprendre que s’il fait la même politique il pourrait être sanctionné dans dix ans ? Franchement, tu crois que ça va faire peur à quelqu’un
    ?

    Non, dans cinq ans, on sanctionne le sortant, sauf brusque et inespéré changement de politique. Et son
    remplaçant sera sanctionné cinq ans plus tard s’il suit le même chemin. En sachant que si tous les sortant sont sortis, il n’y a plus de ligne à suivre pour se faire réélire. Si un président est
    réélu, ses adversaires tenteront de s’en inspirer.

     

    En faisant perdre Sarkozy, on ne transmet aucun message au PS, si
    ce n’est que la politique qu’ils ont fait pendant les cinq dernières années a payé.

    Donc qu’il est payant d’être dans l’opposition ? Leur but, ce n’est pas d’être au pouvoir, non ?
    Inutile de me dire que je suis naïf, je sais bien qu’il apparaît souvent « confortable » d’être dans l’opposition, de gérer des régions (qui contrôlent 1% du PIB contre plus de 20% à
    l’Etat et près de 30 à la Sécu…). Mais le but d’une formation politique, c’est in fine le pouvoir, et si possible durablement.

     

    Soyons sérieux: en matière européenne, la politique faite par
    Sarkozy n’est pas pire que celle qu’on fait les socialistes chaque fois qu’ils en ont eu l’opportunité.

    Jamais dit le contraire. J’ai aussi dit qu’il fallait continuer le combat anti-fédéraliste, et le duel ne
    sera peut-être plus PS-UMP…

     

    Diaboliser Sarkozy au nom de Lisbonne tout en louant Mitterrand
    malgré Maastricht n’est qu’une illustration de cette sorte de haine irrationnelle dont je parlais dans mon papier.

    C’est bien mal me connaître que de m’accuser de louer Mitterrand…

     

    Il y a beaucoup d’excellentes raisons de renvoyer Sarkozy à ses
    études.

    Pourriez-vous m’en citer quelques-unes ?

     

    • Descartes dit :

      Sur ce point comme par la suite, je pense que vous surestimer largement la puissance politique de
      l’euroscepticisme

      Je ne le crois pas. Je pense qu’on a longtemps été intoxiqués par une propagande europhile qui s’appuyait
      sur une idée d’inévitabilité. La construction européenne était un train que rien ni personne ne pouvait arrêter. Cette propagande a fini par fabriquer un sentiment de fatalisme et d’impuissance
      chez les eurosceptiques qu’il faut secouer. Le référendum de 2005 a beaucoup contribué a décomplexer les eurosceptiques. Et il ne faut pas se cacher les énormes pas qui ont été faits depuis lors.
      Que deux candidats de second tour à l’élection présidentielle aient un discours d’où la construction européenne est pratiquement absente, que l’un se sente obligé de proclamer qu’il rénégociera
      un traité et que l’autre proclame son intention de désobéir si l’Europe ne va dans son sens nous paraît aujourd’hui naturel, alors qu’il y a quelques années cela paraissait impossible. Il y a
      vingt ans, les partis “de gouvernement” dans tous les pays européens étaient d’accord pour avoir une commission “forte” présidée par un poids lourd comme Jacques Delors. Aujourd’hui,
      ils s’entendent tous pour neutraliser la présidence de l’Union et le “ministère des affaires étrangères”
      crées en grande pompe par le traité de Lisbonne en les confiants a des personnalités sans relief. Je ne sais pas si cela traduit la force des eurosceptiques ou autre chose, mais le fait est que
      l’impulsion pour la construction fédéraliste a clairement disparu.

      Mais politiquement, nous sommes encore très faibles, à peine organisés.

      C’est vrai, malheureusement. Mais même si l’organisation manque, la puissance du sentiment est telle
      qu’elle oblige le monde politique à évoluer.

      Il se peut très bien que l’euro survive encore des années, et donc rien ne prouve que les fédéralistes
      soient allés « trop vite ».

      Je ne partage pas: clairement, le débat sur le traité de Maastricht et la ratification “limite” du traité
      a paralysé le mouvement suivant, celui qui devait créer l’union budgétaire nécessaire au fonctionnement de l’Euro. Faire le premier pas avant de s’assurer de pouvoir donner le second, c’est
      “aller trop vite”…

      Au contraire, leur but est justement de tirer parti de la crise de l’euro pour réclamer un
      gouvernement économique européen.

      Ils essayent, bien sur. Mais de toute évidence, cela ne marche pas. La solidarité budgétaire n’est pas à
      l’ordre du jour. 

      Non, dans cinq ans, on sanctionne le sortant, sauf brusque et inespéré changement de politique. Et son
      remplaçant sera sanctionné cinq ans plus tard s’il suit le même chemin. En sachant que si tous les sortant sont sortis, il n’y a plus de ligne à suivre pour se faire réélire. Si un président est
      réélu, ses adversaires tenteront de s’en inspirer.

      En d’autres termes, si l’on reconduit Sarkozy le fédéraliste les politiciens s’inspireront de lui, et si
      on le sanctionne et on élit Hollande les politiciens s’inspirerons de ce dernier… qui est lui aussi fédéraliste. Dans ces conditions, je ne vois pas l’intérêt de choisir…

      “En faisant perdre Sarkozy, on ne transmet aucun message au PS,
      si ce n’est que la politique qu’ils ont fait pendant les cinq dernières années a payé”. Donc qu’il est payant d’être dans l’opposition ?

       

      Depuis quand “être dans l’opposition” est une politique ? Ce sont les électeurs qui vous placent dans
      l’opposition, ce n’est pas une décision politique. Non, ce qui est payant, c’est par exemple de contribuer à la ratification du traité de Lisbonne, même lorsqu’on est dans l’opposition. Si le PS
      avait empêché la ratification, croyez-vous que Hollande serait aujourd’hui en position de gagner ?

       

      “Il y a beaucoup d’excellentes raisons de renvoyer Sarkozy à ses études”. Pourriez-vous m’en citer quelques-unes ?

       

      Bien entendu. Son instabilité. Son incapacité d’articuler une ligne politique et de s’y tenir.
      Son obsession avec les politiques du chiffre. Sa vision de l’Etat comme une entreprise qu’il s’agit de
      “manager” avec les mêmes critères qu’une entreprise privée. Son désintérêt pour les questions de l’éducation et de la culture. Ca vous suffit ?

       

  9. JMP dit :

     

    Dans votre réponse au commentaire No 6, vous écrivez :

     

    Je vais vous dire le fond de ma pensée. C’est une pure déduction psychologique, à partir de ce que je connais du caractère de Sarkozy, et je n’ai pas d’autres éléments pour justifier mon
    point de vue, mais enfin, j’ai le droit moi aussi de temps en temps à dire des bêtises. Je pense que lorsque Sarkozy parle implicitement de “faux travail”, il ne pense nullement aux chômeurs, aux
    assistés ou aux fainéants. A mon avis, il pense plutôt à certaines couches moyennes qui se prétendent “prolétarisées” et ont la prétention de parler au nom des
    travailleurs…

     

    Vous répondez souvent a vos commentateurs que vous vous méfiez des interprétations psychologique et vous avez sans doute
    raison ; en l’occurrence, il me semble que vous mobilisez Sarkozy au service d’une détestation

    que vous exprimez souvent à l’égard de » certaines
    couches moyennes qui se prétendent “prolétarisées” et ont la prétention de parler au nom des travailleurs… « 

    pour avoir écouté Sarkozy au moment ou il prononçait cette formule, et compte tenu du public auquel il s ‘adressait
    et de la réaction d’enthousiasme rageur qui l’a accueillie , je crois plutôt que, au delà d’une référence impliquant effectivement les chômeurs, les assistés , il voulait signifier que le
    « vrai travail », pour lui , ce sont les entrepreneurs en général, par opposition aux salariés : ceux qui non seulement travaillent, mais prennent des risques personnels sur leur
    argent, leur patrimoine, etc ; et il ya certainement une sorte de revanche, dans cette expression, pour cette catégorie sociale , car il faut bien admettre aussi que de l’autre coté, dans le
    langage syndical et politique de gauche( et singulièrement d’extrème gauche ) , la dénomination de « travailleurs » a toujours sous entendu uniquement les salariés ( ouvriers employés
    et cadres) , a l’exaspération _ justifiée_des entrepreneurs petits , moyens ou grands

    a cette occasion, la faute de Sarkozy est a mon sens de céder a une tentation polémique politicienne , en se faisant le
    champion d’une catégorie ( classe?) au lieu d’élever le débat .

    Je n’ai pas la prétention d’affirmer que mon interprétation est moins psychologique que la votre ; je vous livre
    mon ressenti ; et une nouvelle fois, merci pour votre blog roboratif

    • Descartes dit :

      Merci de votre réponse. Je me méfie en effet des interprétations psychologiques, et c’est pourquoi j’avais pris beaucoup de précautions de langage. Il est très difficile d’imaginer ce que Sarkozy
      avait dans la tête lorsqu’il a utilisé cette expression, et votre interprétation vaut la mienne. Par contre, il est clair que cette expression a été comprise par ceux qui l’ont entendu de manière
      fort différente en fonction des fantasmes et des détestations de chacun…

  10. Pablito Waal dit :

    A vous lire, j’ai vraiment l’impression que le traité de Lisbonne ne servait absolument à rien, était
    purement cosmétique. On a donc réamendé un texte, fait signer 27 chefs de gouvernements ou d’Etats et voter autant de parlements, et deux fois le peuple irlandais, juste pour faire plaisir à
    Sarkozy et sécher les larmes de VGE ? VGE, dans le texte que je citai, ne disait pas que l’Europe est aujourd’hui plus unie qu’hier, mais que les outils pour y parvenir ont été créés. Et
    c’est à cela que servait le traité. Et le faire revenait donc à entailler sérieusement le vote des français et néerlandais de 2005.

     

    Mais encore une fois, la question posée en 2005 était
    schématiquement “voulez-vous une constitution pour l’Europe ?”.

    Pas tout à fait. La question à laquelle les électeurs ont répondu le 29 mai 2005 était exactement :
    « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ? » ce qui
    signifie que c’est bien à un traité particulier que l’on faisait référence. Ce qui était en jeu était autant le contenu du texte (repris dans Lisbonne) que sa constitutionnalité.

     

    Je suis tout à fait d’accord avec le fait que la présidentielle de 2012 montre un faible enthousiasme des
    européistes, qui prouve que le référendum de 2005 a laissé des traces. Et c’était, pour ma part, ce que je répondais en 2005 aux abstentionnistes et à ceux qui ne voulaient pas militer pour le
    non sous prétexte que ça ne servirait à rien, que les européistes nous feraient revoter (ils n’en ont même pas pris la peine en fait) : l’effet politique et la légitimité démocratique sortie
    du vote du 29 mai 2005 sont toujours là. Mais ce qu’il faut avoir en tête, c’est que les européistes sont des bêtes à sang froid, et peuvent demeurer très longtemps en cachant leurs intentions,
    voire en se cachant tout court. Après l’échec de la CED en 1954, il leur a fallu des décennies pour reparler d’Europe de la défense. Mais ils n’oublient pas ni n’abandonnent. Et ça peut valoir
    aussi pour le gouvernement économique. En Irlande, le contexte de crise de 2009 a aidé à faire passer Lisbonne au second vote. L’acceptation d’un saut vers plus de fédéralisme en cas de crise (et
    nous y sommes toujours) est toujours possible.

     

    Depuis quand “être dans l’opposition” est une politique
    ?

    C’était ironique de ma part : le PS n’a pas eu de politique depuis 10 ans, puisqu’il n’avait pas de
    pouvoir national, hormis dans des collectivités aux marges limitées. Et il ne s’agit pas vraiment d’un choix, mais plutôt d’une ineptie stratégique, tant en 2002 qu’en 2007. Donc il n’est pas
    possible de dire que l’élection de Hollande serait une félicitation adressée à la politique du PS. On ne peut pas mettre en symétrie une réélection de Sarkozy – qui serait inévitablement clamée
    par la droite sur toutes les ondes comme étant une adhésion à une politique en œuvre depuis dix ans, et l’adoubement d’une « méthode Sarko »- et une élection de Hollande – qui serait
    avant tout un vote anti-Sarkozy. C’est d’ailleurs ce que confirme une étude (Ipsos) à la sortie du premier tour, Hollande étant le « grand » candidat qui recueille la plus faible part
    d’électeurs adhérant à son projet, et la plus forte proportion de votes contre le pouvoir en place (plus forte que chez Marine Le Pen). Du point de vue des politiciens, de droite comme de gauche,
    une victoire de Hollande ne sacrerait en rien une « méthode Hollande », puisqu’il n’y en a pas : rappelons nous qu’il y a un an jour pour jour, Hollande était un détail du PS, et
    que ce candidat n’a pas de bilan politique à part la gestion d’un département faiblement peuplé, et des années d’opposition subie au niveau national.

     

    Bien entendu. Son instabilité. Son incapacité d’articuler une
    ligne politique et de s’y tenir. Son obsession avec
    les politiques du chiffre. Sa vision de l’Etat comme une entreprise qu’il s’agit de “manager” avec les mêmes critères qu’une entreprise privée. Son désintérêt pour les questions de l’éducation et
    de la culture. Ca vous suffit ?

    Merci. Je vous approuve sur les questions de chiffres, notamment le non-remplacement bête et méchant d’un
    fonctionnaire sur deux plutôt qu’une politique de priorités différenciées entre les actions de l’État. Pour ma part, Nicolas Sarkozy est aussi un président incarnant l’abandon de toute ligne
    nationale (même Chirac avait su s’opposer aux USA), ayant participé ou provoqué des guerres douteuses (Côte d’Ivoire, maintien en Afghanistan ; je suis plus partagé sur la Libye, mais je
    déplore l’obscurité des motivations de cet engagement), et auteur d’une régression démocratique inédite. La dernière fois qu’un rejet de référendum avait été contredit par l’action
    gouvernementale, c’était au sujet de la décentralisation. Mais entre le référendum de 1969 et la décentralisation de 1982, il y a eu 13 ans et un changement de majorité politique. Et on restait
    dans le cadre national, donc plus facilement réversible. Pas tout à fait la même situation que Lisbonne…

    • Descartes dit :

      A vous lire, j’ai vraiment l’impression que le traité de Lisbonne ne servait absolument à rien, était
      purement cosmétique.

      Je n’irai pas aussi loin. Le traité de Lisbonne était nécessaire pour permettre aux institutions
      européennes de fonctionner à 27. En particulier, en introduisant de nouvelles règles de majorité au sein du Conseil il permet d’éviter certains blocages. Il organise aussi une procédure de
      co-décision avec le Parlement Européen plus rationnelle que l’ancienne. Mais du point de vue des principes qui régissent les politiques européennes (libre circulation, monnaie unique, supériorité
      du droit européen sur les droits nationaux, etc.) il ne change rien. Il ne fait que reprendre ce
      qui était dans les traités antérieurs. C’est, on pourrait dire, un traité technique.

      Pour schématiser, on pourrait dire que le TCE avait pour but non pas d’énoncer de nouvelles règles, mais
      de donner hiérarchie constitutionnelle aux anciennes. Dès lors que cet élément a disparu, le traité de Lisbonne n’ajoute pas grand chose, si ce n’est sur le plan procédural, aux anciens.

      On a donc réamendé un texte, fait signer 27 chefs de gouvernements ou d’Etats et voter autant de
      parlements, et deux fois le peuple irlandais, juste pour faire plaisir à Sarkozy et sécher les larmes de VGE ?

      D’une certaines manière. En dehors des points techniques que j’ai mentionné – et qui ont leur importance –
      le but politique du traité de Lisbonne était de donner l’illusion que la construction européenne continuait comme avant, que le TCE n’était qu’une péripétie. En politique, les symboles sont
      importants.

      VGE, dans le texte que je citai, ne disait pas que l’Europe est aujourd’hui plus unie qu’hier, mais
      que les outils pour y parvenir ont été créés. Et c’est à cela que servait le traité.

      Et ces outils sont… ?

      Pas tout à fait. La question à laquelle les électeurs ont répondu le 29 mai 2005 était
      exactement : « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe ? » ce qui signifie que c’est bien à
      un traité particulier que l’on faisait référence. Ce qui était en jeu était autant le contenu du texte (repris dans Lisbonne) que sa constitutionnalité.

      Vous avez une interprétation extraordinairement rigide de l’acte référendaire. En 1946, les français ont
      rejeté par référendum la première constitution de la IVème République. Cette constitution contenait, en particulier, un préambule reprenant la Declaration des droits de l’homme de 1789. Si je
      suis votre raisonnement, je dois conclure que puisque les français ont rejeté le “contenu du texte”, la Déclaration a donc été rejetée par le peuple français. Ce qui, si l’on suit la règle qui
      empêche de soumettre le même texte à référendum deux fois aurait du empêcher d’inclure la référence à la Déclaration dans le texte de la seconde constitution de la IVème…

      Ce qui est soumis à référendum est un texte et son contexte. Contrairement au processus législatif, où
      l’existence du droit d’amendement permet de présumer que le parlement adopte ou rejete chaque disposition, le processus référendaire implique un examen du texte en bloc. Du coup, on ne peut
      présumer qu’un vote négatif implique le rejet de toutes les dispositions contenues dans le texte. C’est pour cette raison qu’on peut soumettre à référendum un texte dejà rejeté dès lors qu’il est
      partiellement amendé, ou qu’on peut reprendre des dispositions d’un texte rejeté dans une norme de moindre hiérarchie.

      Je trouve d’ailleurs curieux que ceux qui – notamment dans la “gauche radicale” – critiquent la “trahison
      du vote référendaire des français” que constitue à leurs yeux le traité de Lisbonne soient les premiers à défendre les lois de décentralisation de 1983, qui elles aussi “trahissaient” le vote
      référendaire de 1969. Mais il est vrai que la “gauche radicale” n’a jamais eu une très bonne mémoire…

      Mais ce qu’il faut avoir en tête, c’est que les européistes sont des bêtes à sang froid, et peuvent
      demeurer très longtemps en cachant leurs intentions, voire en se cachant tout court.

      Tout à fait. Le ventre d’ou est sortie la bête immonde de Maastricht est toujours fécond, et la vigilance
      est toujours nécessaire. Mais s’il ne faut pas sur-estimer nos succès, il ne faut pas non plus les sous-estimer, au risque de décourager ceux qui combattent le fédéralisme. Il faut garder vivant le souvenir de 2005 parce que c’est
      l’illustration du fait qu’on peut les battre, que le fédéralisme n’est ni “fatal” ni “inévitable”.

      C’était ironique de ma part : le PS n’a pas eu de politique depuis 10 ans, puisqu’il n’avait pas
      de pouvoir national, hormis dans des collectivités aux marges limitées.

      Ce n’est pas parce qu’on n’est pas au pouvoir qu’on n’a pas de politique. L’opposition n’a pas
      le pouvoir, mais elle a un pouvoir. Le PS aurait pu empêcher la
      ratification du traité de Lisbonne. Il ne l’a pas fait, et cela est un choix. Je trouve que vous êtes bien indulgent en pensant qu’il s’agit d’une simple “ineptie
      stratégique”… 

      Donc il n’est pas possible de dire que l’élection de Hollande serait une félicitation adressée à la
      politique du PS.

      Au risque de vous decevoir, je vous répondrai que les politiques se foutent éperdument d’être “félicités”.
      Etre élus leur suffit largement. Et le fait que leurs électeurs votent pour eux dans l’enthousiasme ou au contraire qu’ils le fassent parce qu’ils n’ont guère d’alternative leur est parfaitement
      indifférent. Une stratégie qui vous fait élire est bonne, une stratégie qui vous fait battre est mauvaise. C’est aussi simple que ça. Si Hollande est élu, le PS en tirera comme conclusion qu’il
      faut continuer sur la même voie. Si Hollande est battu, qu’il faut changer de stratégie.

      On ne peut pas mettre en symétrie une réélection de Sarkozy – qui serait inévitablement clamée par la
      droite sur toutes les ondes comme étant une adhésion à une politique en œuvre depuis dix ans, et l’adoubement d’une « méthode Sarko »- et une élection de Hollande – qui serait avant
      tout un vote anti-Sarkozy.

      Mais qui sera, lui aussi, clamée par le PS sur toutes les ondes comme étant une adhésion à la politique de
      Hollande. Croyez-vous vraiment que le soir du 7 mai Martine Aubry dira à la télé “bon, on a gagné, mais ce n’est pas parce que les français aiment notre programme, c’est parce qu’ils haïssent
      Sarkjozy” ? Soyons sérieux…

      La logique de l’élection présidentielle est “au premier tour on choisit, au second on élimine”. Les
      présidents ont toujours été élus (avec la possible exception de De Gaulle) non pas parce qu’ils étaient plus aimés que leur opposant, mais parce qu’ils étaient moins détestés. Et Hollande ne fera
      pas exception à la règle.

      Du point de vue des politiciens, de droite comme de gauche, une victoire de Hollande ne sacrerait en
      rien une « méthode Hollande », puisqu’il n’y en a pas

      Au contraire: il y a bien une “méthode Hollande”: elle consiste à capitaliser les faiblesses de
      l’adversaire plutôt qu’à construire un projet propre. Elle consiste à construire le discours non pas pour maximiser son pouvoir d’attraction, mais pour minimiser son pouvoir de répulsion sur tel
      ou tel électorat. C’est cette “méthode” qui risque d’être sacrée. Et je ne serais pas étonné si dans les prochaines années l’ensemble des partis “de gouvernement” adoptait de plus en plus cette
      méthode… 

      Pour ma part, Nicolas Sarkozy est aussi un président incarnant l’abandon de toute ligne nationale
      (même Chirac avait su s’opposer aux USA), ayant participé ou provoqué des guerres douteuses (Côte d’Ivoire, maintien en Afghanistan ; je suis plus partagé sur la Libye, mais je déplore
      l’obscurité des motivations de cet engagement),

      Je partage partiellement vos critiques sur la politique internationale et notamment la réintégration de
      l’OTAN et une certaine soumission à la politique américaine. Je ne partage pas par contre votre oposition à l’intervention en Côte d’Ivoire.

      (…) et auteur d’une régression démocratique inédite.

      Je ne vois pas très bien en quoi consiste cette “régression”… pourriez-vous être plus explicite ?

      Mais entre le référendum de 1969 et la décentralisation de 1982, il y a eu 13 ans et un changement de
      majorité politique.

      Et alors ? A partir de combien d’années peut on considérer un votre référendaire comme caduc ? J’ajoute
      que le vote de 1969 a été “trahi” bien avant, avec la création des conseils régionaux en 1972. Dans cette affaire, on a fait d’ailleurs quelque chose qui ressemble assez à la procédure
      TCE-Lisbonne: la constitutionnalisation ayant été rejetée, on est passé par un texte de moindre hiérarchie.

  11. Pablito Waal dit :

     

    Le traité de Lisbonne était
    nécessaire pour permettre aux institutions européennes de fonctionner à 27. En particulier, en introduisant de nouvelles règles de majorité au sein du Conseil il permet d’éviter certains
    blocages. Il organise aussi une procédure de co-décision avec le Parlement Européen plus rationnelle que l’ancienne. Mais du point de vue des principes qui régissent les politiques européennes
    (libre circulation, monnaie unique, supériorité du droit européen sur les droits nationaux, etc.) il ne change rien.

    Le Traité de Lisbonne valide l’élargissement (sur lequel nous n’avons jamais été consultés, pas depuis
    1972 en tout cas) de l’UE et lui permet de fonctionner. Cette motivation faisait déjà partie des arguments donnés pour le TCE dès 2004. Il fait donc partie de ce qui est rejeté. Et à titre
    strictement personnel, ce n’est pas le contenu plus ou moins libéral qui me gène, mais la progression institutionnelle de l’Union Européenne. Je prefère une France souveraine et libérale à une
    Europe supranationale et socialiste.

    Quant aux outils invoqués dans ma dernière réponse, ce sont ceux listés par VGE dans la citation que j’en
    ai fait.

     

    En 1946, les français ont rejeté par
    référendum la première constitution de la IVème République. Cette constitution contenait, en particulier, un préambule reprenant la Declaration des droits de l’homme de 1789. Si je suis votre
    raisonnement, je dois conclure que puisque les français ont rejeté le “contenu du texte”, la Déclaration a donc été rejetée par le peuple français.

    Vous comparez des situations fort distinctes. Le cas que vous évoquez s’est
    réglé cinq mois plus tard, avec l’approbation référendaire du second projet de constitution ouvrant la Quatrième République en octobre 1946. La France, au lendemain de la WWII, ne pouvait rester
    sans constitution. Alors qu’en 2005-2008, nous pouvions vivre sans TCE ni Traité de Lisbonne. Mais, effectivement, vu qu’un référendum ne permet pas ou difficilement l’amendement, c’est un outil
    rigide.

     

    Et alors ? A partir de combien
    d’années peut on considérer un votre référendaire comme caduc ?

    Cela fait partie des choses qu’on ne peut chiffrer de façon non arbitraire,
    mais dont on sait qu’elles existent et sont nécessaires. Un peu comme la durée d’une période de deuil, pour comparaison. L’idéal (et ça aurait pu concerner la décentralisation de 1982) est de
    répondre à un référendum par un référendum. Mais j’ai quand même donné deux différences sur le cas de la décentralisation, entre 1969 et 1982 (décentralisation plus réelle qu’en 1972), outre le
    temps : le changement de majorité politique (qui ne suffit pas en soi à annuler un référendum), et surtout le fait qu’il s’agisse d’une politique nationale, donc bien plus facilement
    réversible qu’un traité international, fut-il non constitutionnel.

    La ratification du traité de Lisbonne est donc bien la
    « régression
    démocratique inédite » que j’évoquais.

     

    Sur la motivation du vote de dimanche :

    « Au risque de vous
    décevoir, je vous répondrai que les politiques se foutent éperdument d’être “félicités”. Etre élus leur suffit largement. »

    La
    félicitation en question signifie la validation politique du PS (ou de l’UMP), c’est-à-dire que leur ligne politique leur permet d’être élus et réélus (ce que cherchent en général les
    gouvernants, c’est être élu et si possible réélu une fois).

    « Et le fait que leurs électeurs votent pour eux
    dans l’enthousiasme ou au contraire qu’ils le fassent parce qu’ils n’ont guère d’alternative leur est parfaitement indifférent. »

    Qu’une fraction importante des électeurs se mettent à faire de la sortie du
    sortant systématique ne peut leur être indifférent.

    • Descartes dit :

      Le Traité de Lisbonne valide l’élargissement (sur lequel nous n’avons jamais été consultés, pas depuis
      1972 en tout cas) de l’UE et lui permet de fonctionner. Cette motivation faisait déjà partie des arguments donnés pour le TCE dès 2004. Il fait donc partie de ce qui est rejeté.

      Le traité de Lisbonne ne valide nullement “l’élargissement”. A chaque fois, l’entrée d’un nouvel état a été “validée” par une modification des traités. Par ailleurs, il est osé de prétendre que
      les électeurs qui ont voté “non” entendaient rejeter l’élargissement: si le réferendum avait porté exclusivement sur cette question, croyez-vous vraiment que le “non” l’aurait emporté ? Qu’une
      majorité de français aurait entendu refuser à l’Espagne l’entrée de l’Union ? Je ne le crois pas un instant.

      Quant aux outils invoqués dans ma dernière réponse, ce sont ceux listés par VGE dans la citation que
      j’en ai fait.

      Je m’excuse d’être borné, mais je ne vois pas de quels “outils” il s’agit.

      Le cas que vous évoquez s’est réglé cinq mois plus tard, avec l’approbation référendaire du second
      projet de constitution ouvrant la Quatrième République en octobre 1946.

      Certes. Mais ce règlement a été possible parce qu’on a soumis à nouveau au peuple français des éléments que celui-ci avait rejeté. Si je suis votre raisonnement, le deuxième projet
      constitutionnel n’aurait pas du faire référence à la Déclaration des Droits de L’Homme, puisque le peuple avait rejeté le premier projet où cette référece figurait… C’était cela mon point: si
      l’on suppose que le rejet réferendaire d’un texte vaut rejet explicite de toutes et de chacune de ses dispositions, on arrive à des situations impossibles.

      L’idéal (et ça aurait pu concerner la décentralisation de 1982) est de répondre à un référendum par un
      référendum.

      Mais je vous rappelle que la logique réferendaire empêche de soumettre à un deuxième réferendum un texte dejà rejeté par réferendum. Et qu’appliquée selon votre raisonnement, cette logique
      obligerait à exclure du texte soumis toutes les dispositions contenues dans le texte rejeté…

      La ratification du traité de Lisbonne est donc bien la « régression démocratique inédite » que j’évoquais.

       

      Je ne suis toujours pas convaincu. D’autant plus que la “majorité politique” qui a ratifié Lisbonne
      n’était pas la même, puisqu’elle incluait quelques députés socialistes…

       

      La félicitation en question signifie la validation politique du PS (ou de l’UMP), c’est-à-dire que
      leur ligne politique leur permet d’être élus et réélus

       

      Dans ce cas, le PS sera certainement “félicité” par les électeurs dimanche…

       

      Qu’une fraction importante des électeurs se mettent à faire de la sortie du sortant systématique ne
      peut leur être indifférent.

       

      Au contraire: c’est ce qu’il y a de mieux pour eux. Faites un raisonnement Rawlsien: si vous étiez un
      politicien, que préfériez vous ? Qu’un parti soit assuré de rester au pouvoir trente ans condamnant l’autre à l’opposition, ou bien l’assurance qu’ils alterneront au pouvoir tous les cinq ans
      ?

  12. Pablito Waal dit :

    Sur Lisbonne et la pratique du référendum :

    Je pense que vous n’avez pas saisi la critique que je porte à la ratification de Lisbonne en Février 2008 et à ce qui s’est passé en Irlande en 2008-2009. Quand on perd un référendum, on a le
    droit de représenter une version amendée du projet à un autre référendum, mais en acceptant un délai large, de plusieurs années au moins, pourquoi pas plus d’une législature (c’est impossible à
    chiffrer de façon non arbitraire).

    Ou alors, si on veut agir plus rapidement, on procède par parties. Comme cité plus haut, Chavez l’a fait pour quelques amendements de sa constitution rejetée en décembre 2007 par les
    vénézuéliens, mais qui ont approuvé ces amendements sur la présidence en mars 2009. Et il n’y avait là qu’une petite partie du projet constitutionnel remis sur la table. Pas vraiment comparable
    avec la situation irlandaise de 2008-2009, où l’ensemble d’un projet de traité, certes amendé, a été re-soumis aux irlandais un an à peine plus tard. C’est, je le maintiens, une stratégie d’usure
    antidémocratique dans l’esprit. L’Irlande pouvait continuer à vivre sans le traité de Lisbonne. Et le reste de l’Union aussi, le mieux étant à mon sens qu’il n’y ait pas d’Union.

    Le cas du référendum de mai 1946 est, je le répète, particulier parce que le pays ne pouvait rester sans constitution, au lendemain de Vichy, de la Libération et du Gouvernement, comme son nom
    l’indique, Provisoire de la République Française. Et, si vous vouliez faire voter la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen isolément, c’était possible.

    Sur la sortie du sortant :

    Au contraire: c’est ce qu’il y a de mieux pour eux. Faites un raisonnement Rawlsien: si vous étiez un politicien, que préfériez vous ? Qu’un parti soit assuré de rester au pouvoir trente ans
    condamnant l’autre à l’opposition, ou bien l’assurance qu’ils alterneront au pouvoir tous les cinq ans ?

    Vous adoptez le point de vue d’un politicien qui n’a que des intérêts carriéristes, et pas de convictions. Hollande en fait certainement partie. Mais pas tous. Mon but n’est pas d’enquiquiner les
    politiciens pour le plaisir (que l’alternance augmente statistiquement les chances de l’un d’entre eux d’être élu ne me gène donc pas), mais pour les empêcher de développer leurs convictions par
    une action de long terme, puisque je sais que leurs convictions sont mauvaises. Donc je privilégie des politiciens à la Hollande plutôt que quelqu’un qui pourrait, par exemple, vouloir « relancer
    la construction européenne ».

    En sachant que le vote n’est, pas, heureusement, ma seule façon d’agir en politique.

    • Descartes dit :

      on a le droit de représenter une version amendée du projet à un autre référendum, mais en acceptant un délai large, de plusieurs années au moins

      Pourtant, vous considérez tout à fait normal qu’on ait présenté une “version amendée” du premier projet constitutionnel de 1946 une deuxième fois. Si je suivais votre raisonnement, il aurait
      fallu proposer une constitution ne contenant aucune des dispositions du projet contesté… 

      Le cas du référendum de mai 1946 est, je le répète, particulier parce que le pays ne pouvait rester sans constitution

      Mais rien n’empêchait de présenter un projet de constitution ne reprenant pas les dispositions du premier projet… Par exemple, une constitution présidentielle ne reprenant pas les objectifs du
      CNR…

      Et, si vous vouliez faire voter la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen isolément, c’était possible.

      Beh non, du moins si l’on suit votre logique: la Déclaration avait été rejetée par référendum, puisqu’elle était réferencée dans le projet rejeté. Il aurait fallu attendre “plusieurs années”
      avant de pouvoir la remettre dans la Constitution…

      Vous adoptez le point de vue d’un politicien qui n’a que des intérêts carriéristes, et pas de convictions.

      C’est peut-être une déformation professionnelle, mais après avoir fréquenté un certain nombre de politiques, j’ai cessé de croire au Père Noël.

      Donc je privilégie des politiciens à la Hollande plutôt que quelqu’un qui pourrait, par exemple, vouloir « relancer la construction européenne ».

      “Quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves…”

       

  13. John Doe dit :

    La faute “de” Sarkozy, et non pas la faute “à” Sarkozy.

    • Descartes dit :

      On est laid à Nanterre,
      C’est la faute à Voltaire,
      Et bête à Palaiseau,
      C’est la faute à Rousseau.

      Je ne suis pas notaire,
      C’est la faute à Voltaire,
      Je suis petit oiseau,
      C’est la faute à Rousseau.

      Joie est mon caractère,
      C’est la faute à Voltaire,
      Misère est mon trousseau,
      C’est la faute à Rousseau.

      Je suis tombé par terre,
      C’est la faute à Voltaire,
      Le nez dans le ruisseau,
      C’est la faute …

      Victor Hugo, “Les Misérables”

      Et si c’est bon pour Hugo, c’est bon pour moi…

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