Le grand débat

Hier, comme 18 millions de nos compatriotes, je me suis installé devant ma télé pour suivre le rituel débat de l’entre-deux-tours. Mais je vous l’avoue, je commence à fatiguer. Après avoir regardé depuis deux mois des dizaines de discours, meetings, débats et commentaires de toute sorte, je commence à avoir du mal à me concentrer sur un discours que je commence à connaître par coeur. N’attendez donc pas de moi que je vous fasse un résumé détaillé de la prestation de Dupont et Dupond, je n’en ai pas le courage. Mais il y a quelques points qui méritent d’être signalés.

 

D’abord, ce genre de débat n’a aucune espèce d’intérêt. On n’y apprend absolument rien de nouveau.  Chacun des candidats se contente, lorsqu’il a la parole, de répéter ce qu’il dit depuis des mois à longueur de meetings et d’émissions télévisées, et lorsqu’il ne l’a pas  a essayer d’interrompre le raisonnement de son adversaire. Comme aucun candidat ne veut prendre des risques, aucun ne se risquera à exposer une idée nouvelle, qui n’ait dejà été “testée” sur un auditoire. C’était donc un exercice ennuyeux et pour tout dire inutile. On aurait pu aussi bien donner à chacun des gants de boxe et les regarder se taper dessus, c’aurait été aussi intéressant et nettement plus productif (1).

 

Personnellement, cela ne m’intéresse guère de savoir qui a gagné et qui a perdu. Mon diagnostic, est que François Hollande gagnera dimanche prochain, et que le débat d’hier n’avait aucune chance de changer ce résultat. Ce débat est un rituel, rien de plus. Croire qu’une mauvaise prestation de Hollande pourrait changer le vote des électeurs, c’est comme croire qu’on pourrait aller en enfer parce que le curé renverse par accident le calice. Cela fait trois mois que les électeurs voient les candidats s’égosiller dans des meetings, qu’ils les entendent s’exprimer sur tous les sujets possibles et imaginables dans des émissions télévisées. Ils ont vu Sarkozy au fenestron pendant cinq ans. Qui peut croire qu’après ça qu’ils changeront de bulletin parce qu’ils entendront un candidat dire à l’autre “vous n’avez pas le monopole du coeur” ? Que l’establishment médiatique veuille nous faire croire que ce débat est important, c’est normal. Après tout, vendre du vent c’est leur métier. Mais on n’est pas obligés de les croire: après tout, comment peut-on avoir confiance dans la démocratie si on admet qu’il suffit qu’un candidat trébuche lors d’un débat pour que l’avenir de la république change ? Non: si le nez de Cléopatre avait été crochu l’histoire aurait été la même, et si Giscard avait oublié de dire “vous n’avez pas le monopole du coeur”, il aurait gagné quand même. L’élection de Hollande et la défaite de Sarkozy tiennent à des fondamentaux lourds, et non au hasard d’un débat télévisé.

 

Je ne parlerai donc pas de la prestation de Sarkozy – que j’ai trouvé formellement très bonne – puisque cela n’a guère d’intérêt: bonne ou mauvaise, sa prestation ne changera rien. Il est par contre intéressant de décortiquer la prestation de François Hollande, puisque c’est lui qui sera bientôt aux commandes. Et je dois dire que je n’ai pas été rassuré. D’abord, j’ai retrouvé dans sa prestation ce que j’avais dejà noté dans un papier sur ce blog, à savoir, l’artificialité de son discours. Plusieurs fois – et notamment dans sa conclusion – il a débité de manière presque automatique une tirade qui de toute évidence était apprise par coeur. Il a utilisé en permanence des formules toutes faites, souvent creuses ou même absurdes (eg. “je veux défendre la seule valeur qui vaille, la jeunesse…”, comme si la “jeunesse” était une “valeur”…) comme s’il y avait des mots qu’il fallait prononcer (“jeunesse”, “avenir”, “changement”…) et que le sens du discours importait moins que sa musique. J’ai aussi retrouvé chez Hollande la tendance – tellement répandue aujourd’hui à gauche – au raisonnement ad-hoc et aux approximations dangereuses. Permettez-moi d’illustrer ce point avec un exemple: que François Hollande veuille fermer la centrale nucléaire de Fessenheim, c’est son droit. Mais comment justifie-t-il cette fermeture ? Par deux arguments: “c’est la plus vieille centrale de France” et “elle est située sur une faille sismique”.

 

Examinons ces deux arguments. Le premier est de toute évidence ad-hoc: si Fessenheim est la plus ancienne des centrales françaises, ce n’est que de quelques mois. Fessenheim 1 et 2 ont été raccordés au réséau en avril et octobre 1977. Mais Bugey 1 a été couplé neuf mois plus tard, en mai 1978. Doit-il être considéré comme “sûr” alors que Fessenheim 2 serait “dangereux” tout simplement parce qu’il a neuf mois de plus ? Le deuxième argument, celui qui concerne la sismicité du site de Fessenheim est encore plus intéressant:  En réponse, Nicolas Sarkozy lui avait demandé s’il comptait alors fermer l’ensemble des réacteurs se trouvant sur des failles sysmiques. Ce à quoi Hollande a répondu “vous en connaissez d’autres ?” comme s’il était évident qu’il n’y en avait pas. Mais Hollande se trompe: plusieurs centrales sont situés sur des failles sismiques actives: c’est le cas pour celles de la vallée du Rhône c’est à dire Tricastin et surtout Cruas, dont la sismicité est telle qu’il a fallu prévoir un sistème innovant d’amortisseurs pour garantir la tenue au séisme. Bien entendu, on ne peut pas reprocher à Hollande de ne pas être un expert. Mais on peut s’étonner qu’il soit prêt à prendre une décision d’une telle importance sans vérifier au préalable la valeur des arguments qui la justifient.

 

Dimanche, nous allons élire un président qui n’est qu’un beau costume équipé d’un magnétophone. Un président qui n’a une position personnelle sur rien, et qui se positionne toujours en fonction du rapport de forces. En trente ans de vie politique, on ne l’a jamais entendu prendre position avec passion sur quoi que ce soit. Que veut-il construire de personnel ? C’est quoi son projet, en dehors de s’installer à l’Elysée ? C’est le parfait exposant d’une génération dont l’ambition personnelle a dévoré l’ambition politique.

 

Descartes

 

 

(1) Ce genre de débat a cependant un effet amusant, que les sociologues de la communication connaissent depuis longtemps: à la fin du débat, on trouve toujours que c’est le candidat qu’on aime qui a été le meilleur. Je me souviens encore d’amis socialistes qui, après le débat de 2007, ont sabré le champagne pour célebrer l’excellente prestation de Ségolène Royal… Ce n’est que deux ou trois jours plus tard que la réalité apparait et qu’un consensus se forme sur lequel des deux candidats a mouché l’autre…

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26 réponses à Le grand débat

  1. Inquiet dit :

    (Calice et non chalice.)

    Le prochain président sera un gestionnaire. Selon moi, il agira en fonction des évenements, au jour le jour. C’est un peu ce que dit Todd (qui est plus optimiste que moi).

    Sinon, j’espère que tu n’as pas trop exagéré sur le chocolat. Moi j’ai opté pour la séance de muscu devant la télé.
    Pousser très fort comme un âne sur les bras pendant tout ce blabla, ça calme.

    PS: mes commentaires ouvrent peu le débat (contrairement à ceux des autres commentateurs) mais c’est une manière de faire un petit coucou et de souhaiter bonne continuation…

  2. xc dit :

    Une autre faute: “sismique” et non “sysmique” (2 fois).

    Sinon, tout à fait d’accord. Je n’ai pas regardé ce débat, l’interminable présentation qui en a été faite au début du JT de la 2 m’en a découragé. Comme si le débat en lui-même était le plus
    important, et non les projets qui auraient dû y être présentés. Je m’amuse en écoutant les commentaires autour de moi, effectivement, pour chaque camp, son candidat a bien été le meilleur.

    • Descartes dit :

      Une autre faute: “sismique” et non “sysmique” (2 fois).

      Merci, j’ai corrigé. Mon correcteur orthographique sera sévèrement châtié!

      Je m’amuse en écoutant les commentaires autour de moi, effectivement, pour chaque camp, son candidat a bien été le meilleur.

      Oui, c’est amusant de constater à quel point le cerveau humain est capable de bloquer les informations qui le dérangent. Il y a aussi un effet de “pardon asymétrique”: lorsque votre candidat a
      tout faux, c’est une erreur sans gravité; lorsque c’est son adversaire qui fait de même, c’est un mensonge éhonté…

       

  3. “Je ne parlerai donc pas de la prestation de Sarkozy – que j’ai trouvé
    formellement très bonne”

    C’est très discutable. D’abord sur les chiffres: ce que j’ai entendu le
    lendemain laisse supposer que Hollande était souvent plus proche de la réalité (héritage d’un passage à la Cour des comptes?) que son adversaire. Les chiffres, c’est important non? Descartes, tu
    aimes bien convoquer les chiffres et les experts, et là, soudain, on s’en fout. Etrange. Sarkozy a confondu “pénibilité” et “invalidité” sur la question des retraites, ce qui est assez
    lamentable. Et je passe sur le couplet: “les profs qui font dix-huit heures par semaine huit mois de l’année”. Je termine actuellement mes vacances de Pâques durant lesquels j’ai travaillé,
    désolé de le dire, et par conséquent M. Sarkozy, une fois de plus, a menti ou ignore ce qu’est mon métier.

     

    Hollande de son côté a livré une prestation mitigée. J’ai trouvé le début
    mauvais: on n’aurait cru la récitation d’un cours d’Education Civique (la nouvelle, celle qui diffuse le conformisme). Je n’ai pas très bien compris non plus où M. Hollande comptait faire des
    économies. Recréer des postes de policiers et de professeurs, fondamentalement je ne suis pas contre. Mais sur la maîtrise de la dette, on a bien compris qu’il espérait de nouvelles rentrées
    fiscales. Les économies cependant n’ont guère été précisées.

     

    J’ai trouvé Sarkozy, au début du moins, plus blessant et arrogant que son
    adversaire. Mon hypothèse est que, tout comme j’ai la faiblesse d’écouter très attentivement ce qui concerne ma profession, Descartes est lui très attentif au nucléaire qui est son “dada”. Il n’y
    a là aucun reproche, je suis moi-même favorable à l’énergie nucléaire, même si j’ai l’impression que Descartes minimise certains problèmes (comme le stockage des déchets). Or Nicolas Sarkozy
    s’est très bien défendu sur le dossier. J’ai trouvé l’argument: “si le nucléaire est trop dangereux, on arrête tout, sinon ce n’est pas si dangereux…” plutôt convaincant.  

     

    Les deux candidats se sont affrontés sur la question du vote des étrangers
    aux municipales. Je pense que Nicolas Sarkozy aurait dû attaquer aussi sur la question de la Charte européenne des langues régionales et de la menace qu’elle représente pour l’unité nationale. Je
    regrette un peu que cette question n’ait pas été abordée.

     

    Pour moi, ce débat n’a pas changé grand-chose: je voterai blanc aujourd’hui. Comme toi Descartes, je pense
    qu’un homme que déteste Edwy Plenel ne peut pas être complètement mauvais… Je n’aime pas la propension qu’a la gauche à manier les comparaisons douteuses, comme l’a fait Axel Kahn en
    rapprochant le meeting du Trocadéro des rassemblements de Nuremberg. Mais tout cela n’est pas suffisant pour me rallier à Sarkozy, un président qui a manqué d’un cap durant son quinquennat, qui
    n’a ni rétabli l’autorité à l’école, ni mis fin à l’insécurité, ni maîtrisé l’immigration, des sujets sur lesquels j’étais plutôt favorable à sa politique telle qu’énoncée en 2007. Sa politique
    étrangère m’a paru aussi chaotique, mal pensée, coûteuse et dont les conséquences néfastes se font sentir au Mali. Quant à Hollande, je ne lui accorde aucun crédit.

    • Descartes dit :

      “Je ne parlerai donc pas de la prestation de Sarkozy – que j’ai trouvé formellement très bonne”. C’est très discutable. D’abord sur les chiffres (…)

      Je faisais bien de la forme de sa prestation: naturalité dans l’expression, qualité du langage, précision des formules… je ne faisais pas référence au fond.

      ce que j’ai entendu le lendemain laisse supposer que Hollande était souvent plus proche de la réalité (héritage d’un passage à la Cour des comptes?) que son adversaire. Les chiffres, c’est
      important non?

      Très important. Mais sur ce point, je donnerais une mauvaise note aux deux candidats. Il y eut beaucoup d’approximations de part et d’autre, et beaucoup de mauvaise foi dans le choix des sources.
      Car presque tous les chiffres donnés par les deux candidats sont exacts, à condition de trouver la bonne source: ainsi par exemple sur le chômage, Sarkozy avait raison (chiffres du BIT) et
      Hollande aussi (chiffres Pôle Emploi).

      Sarkozy a confondu “pénibilité” et “invalidité” sur la question des retraites, ce qui est assez lamentable.

      Non. Soyons justes: Sarkozy a dit que la loi sur les retraites prenaient en compte la pénibilité en utilisant le taux d’invalidité comme indicateur (la phrase exacte, si je me souviens
      correctement, était “si on a une invalidité reconnue, c’est que le travail était pénible”. On peut discuter de la validité de l’indicateur en question, mais pas accuser Sarkozy d’avoir confondu
      les deux choses.

      Et je passe sur le couplet: “les profs qui font dix-huit heures par semaine huit mois de l’année”. Je termine actuellement mes vacances de Pâques durant lesquels j’ai travaillé, désolé de le
      dire, et par conséquent M. Sarkozy, une fois de plus, a menti ou ignore ce qu’est mon métier.

      L’obligation inscrite dans les textes estde dix-huit heures. Si, comme tu le dis, tous les profs travaillent dejà quarante heures, pourquoi résistent-ils avec ongles et dents à ce que cette durée
      soit écrite explicitement dans les textes ? Ca ne changerait rien à leur situation, puisqu’ils travaillent beaucoup dejà, et cela aurait le mérite d’être clair…

      Hollande de son côté a livré une prestation mitigée. J’ai trouvé le début mauvais: on n’aurait cru la récitation d’un cours d’Education Civique (la nouvelle, celle qui diffuse le
      conformisme).

      Tout à fait.

      Je n’ai pas très bien compris non plus où M. Hollande comptait faire des économies. Recréer des postes de policiers et de professeurs, fondamentalement je ne suis pas contre.

      Moi non plus… sauf que pour créer les 60.000 postes d’enseignants il faudra prendre des postes ailleurs (puisqu’il ne s’agissait pas, et Hollande a été clair, d’augmenter le nombre total de
      fonctionnaires). Quels sont les services de l’Etat qui seront mis à contribution ? Je pense qu’il y a bien des services qui ont de plus grands besoins aujourd’hui que l’Education Nationale.

      Mon hypothèse est que, tout comme j’ai la faiblesse d’écouter très attentivement ce qui concerne ma profession, Descartes est lui très attentif au nucléaire qui est son “dada”.

      Oui et non. Non, je n’écoute pas plus attentivement ce qui concerne le nucléaire que ce qui concerne le reste. Mais alors que beaucoup sur d’autres questions je suis souvent obligé d’accorder aux
      politiques le bénéfice du doute, ne connaissant pas le sujet en profondeur, en matière de nucléaire je vois les bêtises tout de suite…

      Par ailleurs, je pense que le nucléaire, du fait de la charge symbolique qu’il porte, est un bon thermomètre de la capacité d’un politique de penser contre le troupeau et de ne pas sacrifier le
      long terme aux impératifs électoralistes.

      Il n’y a là aucun reproche, je suis moi-même favorable à l’énergie nucléaire, même si j’ai l’impression que Descartes minimise certains problèmes (comme le stockage des déchets).

      Je ne “minimise” nullement le problème. C’est un gros problème, mais pour lequel les solutions techniques existent. Reste à les expliquer aux citoyens pour obtenir leur accord.

      Or Nicolas Sarkozy s’est très bien défendu sur le dossier. J’ai trouvé l’argument: “si le nucléaire est trop dangereux, on arrête tout, sinon ce n’est pas si dangereux…” plutôt
      convaincant.

      Hollande ne veut pas arrêter Fessenheim parce qu’elle est techniquement dangereuse, mais parce qu’il a besoin de donner des gages aux minorités agissantes. En même temps, Hollande a bien réalisé
      ce que je dis dans ces colonnes depuis longtemps: si une position antinucléaire permet de gagner des voix, elle en fait aussi perdre. Hollande a choisi, comme souvent chez lui, une position qui
      représente le baricentre des contraintes: aux ultra-écolos, on promet la fermeture de Fessenheim, aux bobos on promet la fermeture de 24 réacteurs, aux pro-nucléaires on fait remarquer que cette
      fermeture aura lieu pendant un quinquenat futur, et qu’on terminera Flamanville.

      L’argument de Sarkozy est excellent, parce qu’en pointant une contradiction logique il pointe le fait que la position hollandienne n’est pas déterminée par des considérations de politique
      énergétique, mais par un arbitrage purement électoraliste. 

      Mais tout cela n’est pas suffisant pour me rallier à Sarkozy, un président qui a manqué d’un cap durant son quinquennat, qui n’a ni rétabli l’autorité à l’école, ni mis fin à l’insécurité, ni
      maîtrisé l’immigration, des sujets sur lesquels j’étais plutôt favorable à sa politique telle qu’énoncée en 2007. Sa politique étrangère m’a paru aussi chaotique, mal pensée, coûteuse et dont les
      conséquences néfastes se font sentir au Mali. Quant à Hollande, je ne lui accorde aucun crédit.

      Je suis un peu sur ta position. Si je devais choisir entre deux discours, celui de Sarkozy me semble le moins pire. Cependant, il a dans sa personnalité un désordre qui pourrait le rendre
      dangereux pour la République.

  4. “L’obligation inscrite dans les textes estde dix-huit heures.
    Si, comme tu le dis, tous les profs travaillent dejà quarante heures, pourquoi résistent-ils avec ongles et dents à ce que cette durée soit écrite explicitement dans les textes ? Ca ne changerait
    rien à leur situation, puisqu’ils travaillent beaucoup dejà, et cela aurait le mérite d’être clair…”

    L’obligation inscrite dans les textes est une
    obligation de service et non de travail. Quelle est la différence? Le temps de service est le temps passé devant les élèves, et non le temps total passé à travailler. J’ai cru comprendre
    qu’il t’était arrivé d’intervenir, oralement, en public. Je te pose donc la question suivante: es-tu souvent arrivé devant ton public les mains dans les poches, sans avoir rien préparé? J’en
    serais fort étonné. Eh bien c’est la même chose pour nous.

     

    Maintenant, pour répondre à ta question: je ne suis pas sûr
    que tant d’enseignants refuseraient qu’on inscrive les 40h dans les textes (enfin… 35h me paraîtrait plus juste). Quelques remarques cependant: 50 à 60 % du travail s’effectuant à notre
    domicile, pour une bonne part en soirée et les week-ends, comment contrôler le temps de travail de chaque enseignant? Ce que les enseignants refusent, c’est que l’ensemble du temps de travail se
    fasse dans l’établissement. Pourquoi? Parce qu’une salle des professeurs n’est pas l’endroit idéal pour préparer un cours, tout prof te le dira. Parce que, pour travailler, il me faut manuels,
    encyclopédies, livres savants, atlas… Je ne vais pas venir sur mon lieu de travail avec ma bibliothèque. Enfin, et c’est sans doute le plus important, notre travail est très
    irrégulier. Je m’explique: certaines semaines, on peut travailler plus de 50h (plusieurs paquets de
    copies à corriger, activités et cours à préparer, réunions ou conseils de classe), d’autres à peine 30h. Et puis une partie de notre travail est difficilement quantifiable: temps passé à se tenir
    au courant des avancées de la recherche, à se tenir au courant de l’actualité (indispensable pour la géographie et l’Education Civique).

     

    Je n’ai pas dit que “tous les profs travaillaient 40h”. Je dis qu’une majorité de
    professeurs travaille en moyenne (mais c’est une moyenne) entre 35 et 40h pour 18h de service. En sachant qu’il y a une différence entre lycée et collège, que nombre de professeurs font plus de
    18h (il y a une heure supplémentaire obligatoire… et les autres, celles que la hiérarchie réussit plus ou moins à imposer) et sont professeurs principaux, une responsabilité qui peut s’avérer
    très prenante (on n’a pas attendu M. Sarkozy pour rencontrer les parents quand même). 

     

    Mais bon. François Hollande sera le prochain président. Sa victoire a été saluée
    par des “stars”: Yannick Noah, Josiane Balasko qui n’a eu de mots que pour les “sans-papiers” (les Français au chômage, on s’en fout). Et je ne parle pas des drapeaux algériens (!) brandis place
    de la Bastille…

     

    En revanche, je voudrais bien en savoir plus sur les “solutions techniques”
    concernant les déchets. J’avais cru comprendre qu’on n’avait guère d’alternative à l’enfouissement pour certains déchets. Et l’enfouissement ne paraît pas être une solution satisfaisante
    (érosion, problèmes sismiques, inflitrations). Si tu pouvais nous éclairer sur la question… 

    • Descartes dit :

      L’obligation inscrite dans les textes est une obligation de service et non de travail. Quelle est la différence? Le temps de service est le temps passé devant les élèves, et non le temps
      total passé à travailler. J’ai cru comprendre qu’il t’était arrivé d’intervenir, oralement, en public. Je te pose donc la question suivante: es-tu souvent arrivé devant ton public les mains dans
      les poches, sans avoir rien préparé? J’en serais fort étonné. Eh bien c’est la même chose pour nous.

      Jamais, bien entendu. Mais j’ai pas mal de collègues qui le font, ou bien qui resservent à chaque fois une intervention qu’ils ont préparé il y a bien des années. Et j’imagine que pour les
      professeurs, c’est la même chose. La seule obligation inscrite dans les textes, c’est l’obligation de service. Le travail de préparation, dans l’état actuel du système, n’est pas une obligation.
      Ce qui n’est pas du tout mon cas: j’ai une obligation de présence à mon travail. Que je prépare mes interventions ou que je fasse autre chose, je suis censé être là au moins trente-cinq heures
      par semaine.

      Maintenant, pour répondre à ta question: je ne suis pas sûr que tant d’enseignants refuseraient qu’on inscrive les 40h dans les textes (enfin… 35h me paraîtrait plus juste).

      En tout cas, chaque fois qu’il a été question de toucher aux obligations de présence et de travail des enseignants, ce fut la levée de boucliers chez les syndicats d’enseignants. Maintenant, si
      tu me dis que les syndicats ne représentent pas les enseignants…

      Quelques remarques cependant: 50 à 60 % du travail s’effectuant à notre domicile, pour une bonne part en soirée et les week-ends, comment contrôler le temps de travail de chaque
      enseignant?

      On le fait bien pour les professionnels qui font du télétravail. Il y a des méthodes. Mais je ne suis pas convaincu qu’on ne puisse pas faire ce travail dans les établissements scolaires.

      Ce que les enseignants refusent, c’est que l’ensemble du temps de travail se fasse dans l’établissement. Pourquoi? Parce qu’une salle des professeurs n’est pas l’endroit idéal pour préparer
      un cours, tout prof te le dira.

      On pourrait parfaitement aménager des locaux pour permettre aux professeurs de préparer leurs cours dans les établissements. Il y a des pays ou cela se fait, je ne vois pas d’impossibilité.

      Parce que, pour travailler, il me faut manuels, encyclopédies, livres savants, atlas…

      Qu’est ce qui empêche les établissements d’avoir des bibliothèques ? En plus, aujourd’hui une grande partie des textes peut être rendue disponible sur Internet (Gallica est un bon exemple).

      Je ne vais pas venir sur mon lieu de travail avec ma bibliothèque.

      Et pourquoi pas ? C’est ce que fait la grande majorité des gens. Les ingénieurs de mon service amènent leurs livres au travail ou les gardent dans leurs bureaux. Franchement, tes arguments me
      paraissent bien peu sérieux…

      Enfin, et c’est sans doute le plus important, notre travail est très irrégulier. Je m’explique: certaines semaines, on peut travailler plus de 50h (plusieurs paquets de copies à corriger,
      activités et cours à préparer, réunions ou conseils de classe), d’autres à peine 30h.

      C’est le cas de beaucoup de gens. Rien n’empêche d’annualiser le temps de travail et de compter les temps de présence avec une pointeuse, comme cela se fait dans beaucoup d’endroits, y compris
      des laboratoires de recherche et des cabines d’ingéniérie…

      Et puis une partie de notre travail est difficilement quantifiable: temps passé à se tenir au courant des avancées de la recherche, à se tenir au courant de l’actualité (indispensable pour la
      géographie et l’Education Civique).

      Là encore, cela est vrai pour un ingénieur ou un fonctionnaire quelconque, qui doivent se tenir au courant des avancées technologiques ou jurisprudentielles. Pourquoi faire un cas particulier
      pour les enseignants ?    

      Je n’ai pas dit que “tous les profs travaillaient 40h”. Je dis qu’une majorité de professeurs travaille en moyenne (mais c’est une moyenne) entre 35 et 40h pour 18h de service.

      Comment le sais-tu ? Y a-t-il des statistiques ? Comment compte-t-on ce temps ?

      En sachant qu’il y a une différence entre lycée et collège, que nombre de professeurs font plus de 18h (il y a une heure supplémentaire obligatoire… et les autres, celles que la hiérarchie
      réussit plus ou moins à imposer) et sont professeurs principaux, une responsabilité qui peut s’avérer très prenante (on n’a pas attendu M. Sarkozy pour rencontrer les parents quand même).

      Si ma mémoire ne me trompe pas, ces heures supplémentaires sont payées et ces responsabilités donnent droit à des primes. Je te rappelle que les ingénieurs et cadres, que ce soit dans le privé ou
      dans le public, ne touchent pas d’heures supplémentaires…

      Mais bon. François Hollande sera le prochain président. Sa victoire a été saluée par des “stars”: Yannick Noah, Josiane Balasko qui n’a eu de mots que pour les “sans-papiers” (les Français au
      chômage, on s’en fout). Et je ne parle pas des drapeaux algériens (!) brandis place de la Bastille…

      Oui. Et Cécile Duflot salue la victoire en parlant uniquement du mariage homosexuel. Jamais peut être cette classe moyenne boboisée a été aussi inconsciente de l’éloignement qu’il existe entre
      ses “dadas” sociétaux et les véritables problèmes.

      En revanche, je voudrais bien en savoir plus sur les “solutions techniques” concernant les déchets. J’avais cru comprendre qu’on n’avait guère d’alternative à l’enfouissement pour certains
      déchets. Et l’enfouissement ne paraît pas être une solution satisfaisante (érosion, problèmes sismiques, inflitrations). Si tu pouvais nous éclairer sur la question…

      L’enfouissement en couche géologique profonde est une solution parfaitement satisfaisante. Il ne pose aucun problème d’érosion ou de sismicité (on enfouit dans des couches qui n’ont pas bougé
      depuis des centaines de millions d’années) ni d’infiltration (on choisit des couches argileuses imperméables). Il faut aussi se souvenir que si l’enfouissement profond n’était pas une solution,
      alors on serait dans une merde noire pour tout un ensemble d’industries: que faire des déchets toxiques mercuriaux ou arsenicaux, par exemple ? Leur vie est bien plus longue que celle des déchets
      nucléaires… puisqu’elle est infinie!

      En outre, il existe d’autres solutions pour certains déchets de haute activité à vie longue: c’est la transmutation des actinides mineurs (Américium…) dans des réacteurs à neutrons rapides. Un
      programme avait été engagé… il a été arrêté suite à la fermeture de Superphénix et l’arrêt de Phénix.

  5. « Mais j’ai pas mal de collègues qui le font, ou bien qui resservent à chaque fois une intervention qu’ils ont préparé il y a bien des années. Et j’imagine que pour les professeurs, c’est la
    même chose »

    Bien sûr. On trouve toujours, dans n’importe quelle profession, des gens qui ne font pas le travail sérieusement. Mais je te l’ai dit : l’enseignement, c’est vrai, peut être une planque pour
    paresseux.

     

    « Le travail de préparation, dans l’état actuel du système, n’est pas une obligation. »

    Je crois surtout que les rédacteurs du décret de 1950 ont fait preuve d’un minimum de bon sens. Mais je m’étonne : pendant des décennies, ce temps de service n’a gêné personne. Et là,
    maintenant, on fait semblant de s’apercevoir que, mon dieu, les enseignants ne « travaillent » que 18h par semaine, 8 mois de l’année. Je te pose la question : dirais-tu qu’en
    fixant le temps de service les rédacteurs du décret de 1950 pensaient que les professeurs ne travailleraient que 18h hebdomadaires ?

     

    « Maintenant, si tu me dis que les syndicats ne représentent pas les enseignants… »

    Je ne dirai rien… Mais je n’en pense pas moins.

     

    « On pourrait parfaitement aménager des locaux pour permettre aux professeurs de préparer leurs cours dans les établissements. »

    Dans ce cas-là, oui. Mais alors il faut que la collectivité ait bien conscience du coût des travaux : il va falloir remanier les établissements, les agrandir, construire des bureaux, des
    bibliothèques, augmenter le nombre de postes informatiques… je veux bien. Je fais juste remarquer qu’en travaillant chez moi, sur mon ordinateur et mon imprimante (achetés à mes frais), en
    achetant l’essentiel des livres (hors manuels), je fais le même travail et ça coûte moins cher aux collectivités locales (puisque ce sont elles qui financent…).

     

    « Les ingénieurs de mon service amènent leurs livres au travail ou les gardent dans leurs bureaux. »

    J’ignore de combien de livres ont besoin tes ingénieurs. Pour ma part, je me vois mal amener toute la matière sur mon lieu de travail. Il me manquera toujours l’article ou la source qui pourrait
    m’éclairer. Et si je garde tout sur mon lieu de travail, alors je renonce à lire ces ouvrages par plaisir, chez moi…

     

    « Franchement, tes arguments me paraissent bien peu sérieux… »

    Les tiens ne le sont guère plus, puisque tu négliges le coût important des travaux que nécessiteraient les aménagements pour permettre aux professeurs d’effectuer un travail… qu’ils effectuent
    déjà. Dans un pays dont le déficit est chronique…

    • Descartes dit :

      Je crois surtout que les rédacteurs du décret de 1950 ont fait preuve d’un minimum de bon sens. Mais je m’étonne : pendant des décennies, ce temps de service n’a gêné personne. Et là,
      maintenant, on fait semblant de s’apercevoir que, mon dieu, les enseignants ne « travaillent » que 18h par semaine, 8 mois de l’année. Je te pose la question : dirais-tu qu’en fixant le temps de
      service les rédacteurs du décret de 1950 pensaient que les professeurs ne travailleraient que 18h hebdomadaires ?

      Non. Parce que les rédacteurs du décret de 1950 appartenaient à une génération pour laquelle la profession d’enseignant était un sacerdoce, et non un gagne-pain. Lorsque le “surmoi” d’une
      profession agit, il n’est pas nécessaire de faire des normes pour que les gens travaillent largement au delà du minimum obligatoire. Seulement voilà, les générations ont changé. Mai 68 est passé
      par là. Aujourd’hui – et cela tu le vois dans toutes les professions – les jeunes veulent une vie de famille, des loisirs… et le boulot pour eux est une obligation alimentaire. J’ai des amis
      qui me disent sans fausse honte “j’ai choisi l’enseignement pour les horaires, les vacances et la sécurité de l’emploi”. Lorsqu’on se trouve devant cette conception du métier, les règles doivent
      être claires. On ne peut plus compter sur le “surmoi” des gens…

      Ce problème se trouve d’ailleurs dans beaucoup de métiers. Regarde les médecins… jusqu’à il y a quelques années, la liberté d’installation des médecins ne s’était pas traduite par des déserts
      médicaux. Mais aujourd’hui les jeunes médécins ne veulent pas s’installer dans les zones difficiles: trop de trajets, trop de gardes, trop d’appels en dehors des heures… je me souviens d’un
      reportage ou un médecin de la vielle école partait à la retraite et il était remplace par deux jeunes médecins. Commentaire d’un collègue “l’ancien faisait plus d’heures que les deux jeunes
      réunis”. Je me souviens aussi d’un article de Jean de Kervasdoué, ancien directeur de l’Assistance Publique, commentant sur les 35 heures à l’hopital, et notant combien à son époque il ne serait
      pas venu à l’idée d’un médecin hospitalier de compter ses heures…

      « Maintenant, si tu me dis que les syndicats ne représentent pas les enseignants… » Je ne dirai rien… Mais je n’en pense pas moins.

      Lâche !  😉

      Dans ce cas-là, oui. Mais alors il faut que la collectivité ait bien conscience du coût des travaux : il va falloir remanier les établissements, les agrandir, construire des bureaux, des
      bibliothèques, augmenter le nombre de postes informatiques…

      Lorsqu’on confronte ces coûts avec le prix des heures de travail qu’on récupère, je pense qu’on fait une bonne affaire…

      Je fais juste remarquer qu’en travaillant chez moi, sur mon ordinateur et mon imprimante (achetés à mes frais), en achetant l’essentiel des livres (hors manuels), je fais le même travail et
      ça coûte moins cher aux collectivités locales (puisque ce sont elles qui financent…).

      Si tu achêtes les livres pour travailler chez toi, pourquoi ne pourrais tu pas les acheter aussi pour travailler à l’école ? Franchement, je trouve tes arguments très “ad hoc”…

      J’ignore de combien de livres ont besoin tes ingénieurs. Pour ma part, je me vois mal amener toute la matière sur mon lieu de travail. Il me manquera toujours l’article ou la source qui
      pourrait m’éclairer. Et si je garde tout sur mon lieu de travail, alors je renonce à lire ces ouvrages par plaisir, chez moi…

      Rien ne t’empêche de les amener chez toi de temps en temps… encore une fois, je t’invite à méditer une maxime fort utile: “quand on veut faire, on trouve des moyens, quand on ne veut pas, on
      trouve des prétextes”.

  6. Désolé, mon commentaire n’était pas parvenu au complet. Voici la fin (modifiée suite à ta réponse):

     

    « Franchement, tes arguments me paraissent bien peu sérieux… »

    Désolé. J’avais pourtant essayé d’être honnête et cohérent. J’aime bien terminer ce que je commence, aussi irai-je au bout de ce débat. Après je ne t’embêterai plus. D’autant qu’il est fastidieux
    que la moitié des commentaires passe à la trappe à chaque fois.

     

    « Je te rappelle que les ingénieurs et cadres, que ce soit dans le privé ou dans le public, ne touchent pas d’heures supplémentaires… »

    Tout à fait. Et moi je te rappelle que le salaire de base diffère sensiblement… De plus, comme tu l’avais dit dans un précédent commentaire, le métier de professeur procure certains avantages, et
    parmi ceux-ci une liberté dans l’organisation du travail. C’est pourquoi le salaire de base est moins élevé que dans le privé à qualification égale. Si progressivement on nous supprime nos
    avantages (et je dis « avantage » et non « privilège »), il faudra causer revalorisation de la rémunération… Personnellement j’accepte un salaire moindre en échange de la
    liberté et de la sécurité de l’emploi. Si on m’enlève cela, je veux être payé plus… Je dois dire aussi honnêtement que la reconnaissance sociale m’importe plus que l’argent. J’échange volontiers
    une augmentation contre un peu de respect de la part du chef de l’Etat. Mon propos initial, je le rappelle, était de dire que Nicolas Sarkozy n’était pas dans le vrai en répandant l’idée que nous
    ne travaillons que 18h par semaine. Et les conséquences pour l’image de la profession (déjà que…) se font sentir jusque dans les rangs des élèves… qui nous demandent des explications.

     

    Pour le temps de travail des enseignants, une question complexe je te l’accorde, je te propose ce lien :

    ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0243.pdf

     

    Par ailleurs, je suis fils d’enseignant et depuis tout petit, j’ai vu travailler un professeur, mon père. Crois-le ou non, c’est un travail prenant. Je ne prétends pas parler de ce que je ne
    connais pas. Mais il se trouve que je connais un peu le travail d’enseignant.

     

    Merci pour les éclairages sur l’enfouissement des déchets nucléaires. J’ignorais que le procédé s’employait aussi pour des déchets chimiques… Mais pourquoi diable les écolos ne nous parlent que
    des déchets nucléaires et pas des autres ? Bizarre, bizarre…

    Mais je voudrais en savoir plus sur les couches géologiques “qui n’ont pas bougé depuis des centaines de millions d’années”, parce que ça ne me paraît pas cadrer avec ce que je sais de la
    tectonique des plaques. A quelle profondeur se trouvent ces couches? De quand date leur formation?

     

    “Lorsqu’on confronte ces coûts avec le prix des heures de travail qu’on récupère, je pense qu’on fait une bonne affaire…”

    Je ne suis pas sûr de comprendre… Tu considères que le fait que les enseignants effectuent une partie du travail chez eux représente une “perte”
    d’heures de travail pour l’employeur? Autrement dit, le boulot n’est pas fait (ou mal fait). Si c’est ce que tu veux dire, cela me paraît être une accusation grave. C’est un propos tendancieux et
    malhonnête, je le dis franchement.

     

    “quand on veut faire, on trouve des moyens, quand on ne veut pas, on trouve des prétextes”.

    • Descartes dit :

      « Je te rappelle que les ingénieurs et cadres, que ce soit dans le privé ou dans le public, ne touchent pas d’heures supplémentaires… » Tout à fait. Et moi je te rappelle que le salaire de
      base diffère sensiblement…

      Tu te trompes: beaucoup de cadres de la fonction publique touchent moins qu’un professeur. Mais quand bien même ce ne serait pas le cas, on voit mal le rapport avec le sujet en discussion. Dès
      lors que les heures supplémentaires sont payées en plus, il n’y a pas de raison de les prendre en compte pour l’obligation de service.

      De plus, comme tu l’avais dit dans un précédent commentaire, le métier de professeur procure certains avantages, et parmi ceux-ci une liberté dans l’organisation du travail. C’est pourquoi le
      salaire de base est moins élevé que dans le privé à qualification égale.

      Je ne sais pas ce que gagne un expert en langues anciennes dans le privé. Je suspecte que le salaire ne dépasse pas celui d’un professeur de Latin. Je ne vois pas non plus pourquoi tu compares
      avec les cadres du privé (qui en plus n’ont pas la sécurité de l’emploi) et non avec les cadres de la fonction publique, qui eux gagnent moins qu’un professeur, et sans avoir la “liberté” dont
      ceux derniers bénéficient.

      Si progressivement on nous supprime nos avantages (et je dis « avantage » et non « privilège »), il faudra causer revalorisation de la rémunération… Personnellement j’accepte un salaire
      moindre en échange de la liberté et de la sécurité de l’emploi.

      Je ne suis nullement favorable à ce qu’on “supprime les avantages” du métier de professeur, d’autant plus qu’une partie de ces avantages me paraît nécessaire pour avoir un enseignement de
      qualité. Mon point est qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre avec le sourire de la cremière en plus. Et que certains “avantages” ne sont supportables que s’il est fait bon
      usage: si les professeurs utilisent leur liberté horaire pour s’organiser pour améliorer leurs cours, cela sera accepté comme cela a été le cas jusqu’à maintenant. S’ils utilisent cet avantage
      pour aller faire leurs courses, cela ne sera pas accepté et les citoyens demanderont que les obligations soient précisées. D’où l’intérêt pour une corporation comme les enseignants de faire leur
      propre police. C’est la fonction du “surmoi” dont je parlais.

      Si on m’enlève cela, je veux être payé plus… Je dois dire aussi honnêtement que la reconnaissance sociale m’importe plus que l’argent. J’échange volontiers une augmentation contre un peu de
      respect de la part du chef de l’Etat.

      Je n’en doute pas. Mais toi tu appartiens à la génération ou le “surmoi” est encore puissant…

      Mon propos initial, je le rappelle, était de dire que Nicolas Sarkozy n’était pas dans le vrai en répandant l’idée que nous ne travaillons que 18h par semaine. Et les conséquences pour
      l’image de la profession (déjà que…) se font sentir jusque dans les rangs des élèves… qui nous demandent des explications.

      Je crains que parmi tes jeunes collègues il y ait plus que tu ne crois qui, entre cours et préparation, ne font pas leurs 35 heures. C’est cela qui irrite beaucoup de gens. Et je trouve sain que
      les élèves posent des questions sur cela: après tout, si l’on veut enseigner la citoyenneté, cela commence par s’intéresser à la manière dont l’argent public est dépensé.

      Pour le temps de travail des enseignants, une question complexe je te l’accorde, je te propose ce lien : ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni0243.pdf

      Le problème des chiffres données dans ce document est que pour les temps de travail totaux elles reposent sur la déclaration des enseignants. Or, leur intérêt évident est de sur-déclarer.
      J’attire aussi ton attention sur le fait que la conclusion est que les professeurs font autour de 40 heures pendant les périodes scolaires. Si l’on corrige pour tenir compte des
      vacances supplémentaires, la moyenne horaire est bien plus faible que celle d’un cadre du secteur public ou privé, dont la moyenne se situe plus près des 42h hebdomadaires.

      Par ailleurs, je suis fils d’enseignant et depuis tout petit, j’ai vu travailler un professeur, mon père. Crois-le ou non, c’est un travail prenant. Je ne prétends pas parler de ce que je ne
      connais pas. Mais il se trouve que je connais un peu le travail d’enseignant.

      Encore une fois, je n’en doute pas. Mais tes parents appartenaient à une autre génération…

      Merci pour les éclairages sur l’enfouissement des déchets nucléaires. J’ignorais que le procédé s’employait aussi pour des déchets chimiques… Mais pourquoi diable les écolos ne nous parlent
      que des déchets nucléaires et pas des autres ? Bizarre, bizarre…

      N’est ce pas ?

      Mais je voudrais en savoir plus sur les couches géologiques “qui n’ont pas bougé depuis des centaines de millions d’années”, parce que ça ne me paraît pas cadrer avec ce que je sais de la
      tectonique des plaques. A quelle profondeur se trouvent ces couches? De quand date leur formation?

      C’est variable. Pour le cas du laboratoire de Bure dans la Meuse, il s’agit de couches argileuses du callovo-oxfordien, vieilles de 160 millions d’années. Les nombreux échantillonnages ont permis
      de constater que cette couche n’avait pas “bougé” (pas au sens du déplacement tectonique de la plaque à laquelle elles appartiennent, mais dans le sens où elles ne se sont fracturées) depuis.
      Elles se trouvent à une profondeur de mille a mille cinq cents mètres. Tu peux consulter un dossier complet sur le site de l’ANDRA (ici)

      “Lorsqu’on confronte ces coûts avec le prix des heures de travail qu’on récupère, je pense qu’on fait une bonne affaire…” Je ne suis pas sûr de comprendre… Tu considères que le fait que
      les enseignants effectuent une partie du travail chez eux représente une “perte” d’heures de travail pour l’employeur?

      Non. Je pense que le faitque les enseignants restent libres de faire ou ne pas faire ce travail chez eux présente une perte considérable d’heures. Je ne suis pas convaincu que tous les
      enseignants, et notamment les plus jeunes, consacrent autant d’heures à la préparation de leurs cours que tu ne le penses…

      Autrement dit, le boulot n’est pas fait (ou mal fait). Si c’est ce que tu veux dire, cela me paraît être une accusation grave. C’est un propos tendancieux et malhonnête, je le dis
      franchement.

      Je ne vois pas en quoi il serait “mahonnête” ou “tendancieux”. Tu as affirmé toi même qu’il est impossible de connaître avec précision combien d’heures un enseignant travaille en dehors de son
      temps de présence. Pourquoi faudrait-il penser que spontanément, alors qu’aucun contrôle n’existe, les enseignants se forcent d’eux mêmes à travailler 35 heures en moyenne par semaine ? Par quel
      miraculeux mécanisme les enseignants échaperaient-ils à la tendance universelle de l’être humain à la paresse ?

      Je ne dis pas que ce soit le cas de tous. Il existe dans toutes les métiers des gens qui aiment ce qu’ils font et qui y consacrent tout leur temps. Mais c’est rarement le cas général. Il existe –
      ou plutôt existait – un certain nombre de métiers ou le “surmoi corporatif” créait une obligation bien plus pressante que n’importe quelle norme juridique: c’était le cas pour l’enseignement,
      pour la médecine, pour la haute fonction publique. Je ne suis pas persuadé que pour la génération des années 1980 ce “surmoi” soit aussi efficace qu’auparavant…

  7. “S’ils utilisent cet avantage pour aller faire leurs courses”

    Tu as le pourcentage de ceux qui le font? Ben oui, je veux bien que tu attaques mes chiffres, mais permets-moi de douter de tes suppositions.

     

    “Je crains que parmi tes jeunes collègues il y ait plus que tu ne crois qui, entre cours et préparation, ne font pas leurs 35 heures. C’est cela qui irrite beaucoup de gens.”

    Et peut-être que les gens se trompent. Les enseignants font partie de ces classes moyennes (ou classes bavardantes ai-je cru lire) que tu ne portes guère dans ton coeur. Les “gens” ne savent
    souvent pas grand-chose du métier. Parfois un de ces ignares débarque comme vacataire chez nous. Etrangement, il change vite d’idée… Mais c’est bien joli de “craindre que”. Où sont tes
    chiffres? D’où vient cette idée? Tu exiges des autres ce que tu es bien en peine de produire. Tu me livres une opinion fondée sur un préjugé. Tu m’as habitué à mieux…

     

    “Et je trouve sain que les élèves posent des questions sur cela”

    Certainement pas. Parce que les élèves en question sont ceux-là mêmes pour lesquels je passe du temps à concevoir cours et activité pour un investissement de leur part généralement très faible.
    Il est un peu fort de reprocher aux professeurs de peu travailler quand eux-mêmes ne font pas grand-chose… C’est tendance de reprocher aux autres ses propres défauts. Moi, je n’accuse personne
    dans le privé ni dans la fonction publique de “tirer sur la ficelle”.

     

    “Le problème des chiffres données dans ce document est que pour les temps de travail totaux elles reposent sur la
    déclaration des enseignants”

    Je savais que tu répondrais cela. Tu m’as demandé des chiffres, je te les fournis. Et comme les chiffres ne te
    conviennent pas, ils sont évidemment faux… Non, pas faux, mais discutables ou douteux tout du moins. Mais ta remarque est perverse, puisque vue notre organisation du travail, le temps passé au
    boulot peut difficilement se mesurer autrement qu’en interrogeant les gens… De ce fait, la suspicion pèsera toujours sur nous. Parce qu’on n’est pas contrôlé aussi étroitement que d’autres,
    beaucoup de gens s’imaginent que la majorité d’entre nous resquille.

     

    “Je ne suis pas convaincu que tous les enseignants, et notamment les plus jeunes, consacrent autant d’heures à la préparation de leurs cours que tu ne le penses…”

    Je ne te convaincrai pas de toute façon, c’est pourquoi il vaut mieux arrêter le débat. Tes préjugés se fondent peut-être sur des observations personnelles, tous les profs ne sont pas
    irréprochables, j’en conviens. Je te le dis honnêtement: tu te trompes. Beaucoup de jeunes professeurs fournissent un travail très important et s’investissent énormément, bien plus que moi (je
    travaille vite, c’est vrai, et je ne fais pas 40h toutes les semaines, je l’admets volontiers, j’ai un rythme de travail plus irrégulier que beaucoup de collègues: je peux bosser 60h une semaine
    et seulement 25 la suivante; mais le travail est fait, et sinon bien fait, du moins le mieux possible; j’ajoute que je confesse avoir peu de goût pour les “ateliers artistiques” et autres
    “projets culturels” qui prennent beaucoup de temps pour un bénéfice qui ne m’apparaît pas clairement).

     

    “Par quel miraculeux mécanisme les enseignants échaperaient-ils à la tendance universelle de l’être humain à la paresse ?”

    Peut-être parce que c’est un travail infiniment plus passionnant et stimulant que beaucoup d’autres…

    Les brebis galeuses existent, mais, crois-le ou non, l’image que tu te fais de la profession est trop négative. Le professeur sérieux est bien plus la règle que l’exception. Enfin bon, on ne va
    pas y passer la nuit.

     

    Merci pour les infos de géologie. Euh… 160 millions d’années, ça ne fait pas “des centaines de millions d’années”. 

    Bonne continuation.

    • Descartes dit :

      Tu as le pourcentage de ceux qui le font? Ben oui, je veux bien que tu attaques mes
      chiffres, mais permets-moi de douter de tes suppositions.

      Non, je ne l’ai pas. Et je ne peux pas les avoir, puisque par nature il est impossible, sauf à
      mettre un gendarme derrière chaque professeur, de savoir combien d’heures ils travaillent exactement en dehors de l’école. C’est pourquoi l’idée de les faire travailler à l’école me paraît une
      idée intéressante. Comme ça, on aurait le chiffre et il n’y aurait pas d’ambiguité. Et cela est aussi dans l’intérêt des profs: s’ils font dejà leurs 35 heures en moyenne, cela ne changera rien
      pour eux et on cessera de les suspecter… Mais curieusement, chaque fois qu’on parle de contrôler leur travail effectif, les profs protestent hautement. Ce qui tend à faire penser qu’ils ne font
      pas leurs heures.

      “Je crains que parmi tes jeunes collègues il y ait plus que tu ne crois qui, entre cours
      et préparation, ne font pas leurs 35 heures. C’est cela qui irrite beaucoup de gens.” Et peut-être que les gens se trompent.

      Peut-être. Et si les profs travaillaient à l’école au lieu de le faire à la maison, cette
      erreur serait plus facile à mettre en évidence. C’est donc l’intérêt des profs eux-mêmes que leur temps de travail soit contrôlé…

      “Le problème des chiffres données dans ce document est que pour les temps de travail totaux elles reposent sur la
      déclaration des enseignants” Je savais que tu répondrais cela. Tu m’as demandé des chiffres, je te les fournis.
      Et comme les chiffres ne te conviennent pas, ils sont évidemment faux…

      Non. Ils sont évidemment faux parce qu’ils présentent un biais. Un biais tellement évident que toi même tu l’avais vu
      avant que je te le fasse remarquer. Et pourtant, ces chiffres te conviennent…

      Mais ta remarque est perverse, puisque vue notre organisation du travail, le temps passé au boulot peut
      difficilement se mesurer autrement qu’en interrogeant les gens… De ce fait, la suspicion pèsera toujours sur nous.

      Tout à fait. C’est précisement pour cette raison qu’un meilleur contrôle du temps de travail est dans l’intérêt des
      professeurs. Cela leverait définitivement cette “suspicion” si elle est fausse, et donnerait des moyens d’agir contre les contrevenants si elle est vraie.

      Parce qu’on n’est pas contrôlé aussi étroitement que d’autres, beaucoup de gens s’imaginent que la majorité
      d’entre nous resquille.

      Tu avoueras que cette déduction a une certaine logique… Comme disait le général Peron, “l’homme est naturellement
      bon, mais il est encore meilleur quand on le surveille”.

      Les brebis galeuses existent, mais, crois-le ou non, l’image que tu te fais de la
      profession est trop négative.

      Je crains que tu te ne laisses emporter par ton optimisme naturel et par l’amour de ton métier
      (que je peux comprendre, c’est un métier que j’aurais adoré faire). Mais j’ai parmi mes connaissances beaucoup de jeunes profs, et je t’avoue que j’ai quelquefois envie de pleurer en les
      écoutant.

      Merci pour les infos de géologie. Euh… 160 millions d’années, ça ne fait pas “des
      centaines de millions d’années”.

      J’ai eu tort en effet (j’ai confondu avec un autre stockage proposé dans une structure du
      permien, qui a elle 260 millions d’années). Mais 160 millions suffisent largement pour garantir la sûreté du stockage.

  8. Inépuisable Descartes! Tu ne dors jamais!

     

    “Chaque fois qu’on parle de contrôler leur travail effectif, les profs protestent hautement. Ce qui tend à faire penser qu’ils ne font pas leurs heures”

    Ou qu’ils tiennent à leur liberté d’organisation du travail, qui, comme tu l’as rappelé, est un avantage assez appéciable.

    Mais je m’avoue vaincu: il est peut-être préférable en effet de nous faire faire 39h ou 40h (car il faut tenir compte des vacances) sur notre lieu de travail. Je ne suis pas contre. Et même,
    j’aurais mes week-end et mes vacances libres désormais. Mais bon, cela signifiera que la société renonce définitivement à faire confiance à ses professeurs. Dommage, mais si c’est le prix à payer
    pour qu’on cesse de nous critiquer.

     

    “Ils sont évidemment faux parce qu’ils présentent un biais”

    C’est une question de confiance. Considère-t-on que les gens ont un minimum d’honnêteté ou non? Moi, je leur accorde crédit. Pourquoi? Pas parce que ça m’arrange (enfin pas seulement). Mais parce
    que je me dis que le nombre de menteurs (il y en a, bien sûr) est contrebalancé par le nombre beaucoup plus grand d’enseignants qui ont répondu honnêtement au questionnaire.

     

    Le général Peron est une référence étrange… Mais chacun ses idoles. Au demeurant, sa maxime est fausse. Tout dépend comment s’opère la surveillance, mais je te signale qu’elle peut générer
    aussi un stress qui finit par nuire à la qualité du travail produit.

     

    “J’ai parmi mes connaissances beaucoup de jeunes profs, et je t’avoue que j’ai quelquefois envie de pleurer en les écoutant…”

    Et que disent-ils exactement? Je t’avoue que ça m’intéresse parce que, tu as raison, je suis peut-être un peu aveuglé par mon optimisme. Je me considère comme étant d’un naturel paresseux. Mais
    en tant que prof, j’ai le sentiment de faire mon travail, je ne compte pas les heures (bon, je suis remplaçant, j’ai un statut particulier). Quand il y a besoin de moi, je ne fais pas le mesquin
    en disant “Ah non! Mon quota d’heure est dépassé, je rentre chez moi”. Cela fait quelques années seulement que je fais ce métier, mais j’avais l’impression que cette attitude était plutôt
    répandue.

     

    Je voudrais quand même, si tu le permets, dire un mot de l’école d’avant mai 68, parce que, si je pèche par optimisme à l’égard des jeunes profs de ma génération, je crois que tu as une vision
    fantasmée de l’école d’avant mai 68. Quelques remarques:

    1) Cette école aussi avait ses ratés. Pourquoi l’ascenceur social fonctionnait-il à l’époque? Parce que l’école marchait ou parce que la conjoncture économique était favorable? Il est possible
    que le deuxième élément ait été plus déterminant que le premier.

    2) Des “vieux c… rabâchant la même chose pendant trente ans”, faudrait pas croire qu’il n’y en avait pas avant 68. Et il y en avait même peut-être plus qu’aujourd’hui.

    3) Les enseignants d’avant mai 68 travaillaient-ils plus que les profs d’aujourd’hui? Il faudrait le prouver. Mais un faisceau d’indices me laisse supposer que ce n’était pas nécessairement le
    cas. Avant 68, le cours magistral dominait, or le cours magistral est celui qui demande le moins de préparation… et celui qui a le plus de propension à produire des “vieux c… rabâchant la
    même chose”. Ensuite (là je parle plutôt pour ma matière, l’histoire-géo), la base de document à utiliser en classe était plus restreinte, les profs utilisaient les manuels, point. Avec le
    développement de la photocopieuse puis d’internet, la base de documents exploitables en classe est devenue énorme. Or chercher, collecter et sélectionner les documents dans le cadre de la mise en
    acticvité des élèves prend beaucoup de temps… Beaucoup plus que de préparer un cours magistral.

    4) Tout ça pour dire que mai 68 (pour la critique duquel je t’approuve) a fait du mal à la profession en portant atteinte à la dignité du métier et aux valeurs de la transmission (tu as très bien
    expliqué cela ailleurs, je n’y reviens pas). Mais ce n’est pas parce que l’image du professeur s’est dégradée que le professeur travaille moins. L’Education Nationale est saisie (comme d’autres)
    d’une frénésie de nouveauté: il faut sans cesse “renouveler”, “innover”, “inventer”, que dis-je, “réinventer le métier”. Ce flux incessants de nouvelles directives pèse sur le temps de travail: à
    peine a-t-on mis en place quelque chose qu’il faut parfois l’abandonner (même si ça marche!) pour se lancer dans autre chose. Cette fuite en avant, je le crains, nous fait perdre de vue
    l’essentiel: la transmission des connaissances.

    • Descartes dit :

      Ou qu’ils tiennent à leur liberté d’organisation du travail, qui, comme tu l’as rappelé, est un avantage assez appéciable.

      L’un n’empêche pas l’autre. Je connais un laboratoire de recherche où les gens sont totalement libres de leurs horaires et de l’organisation du travail. Mais ils “badgent” chaque fois qu’ils
      entrent et qu’ils sortent, et à la fin de l’année on vérifie qu’ils ont fait leurs 1600 heures…

      Mais bon, cela signifiera que la société renonce définitivement à faire confiance à ses professeurs. Dommage, mais si c’est le prix à payer pour qu’on cesse de nous critiquer.

      Je partage ta tristesse. J’aimerais bien que la société puisse faire confiance à ses professeurs. Seulement, depuis mai 1968, les professeurs ont tout fait pour trahir cette confiance. Ils ont
      sappé eux mêmes les fondations de l’institution dont ils sont les représentants. Pour qu’on puisse faire à nouveau confiance aux professeurs, il faudra restaurer l’institution. Et cela ne peut se
      faire qu’avec un minimum de contrôle, comme ce fut d’ailleurs le cas durant le dernier quart du XIXème siècle. Le prestige de l’école de la IIIème République doit aussi beaucoup aux inspecteurs
      de l’instruction publique, qui ont fait la police pour s’assurer que les brebis galeuses ne portent pas atteinte au crédit de l’institution. Car l’instruction publique dont on a la nostalgie,
      c’était aussi pour les instituteurs une discipline de fer, qui n’avait rien à voir avec la “liberté” post-68.

      C’est une question de confiance. Considère-t-on que les gens ont un minimum d’honnêteté ou non? Moi, je leur accorde crédit.

      Ce n’est pas une question d’honnêteté. Les gens peuvent très “honnêtement” avoir une perception fausse du nombre d’heures travaillées. Il y a une celèbre enquête, où l’on demandait aux gens si
      leur intelligence était supérieure à la médiane. 80% d’entre eux répondent “oui”. Ce qui, si on leur fait confiance, conduit à une évidente impossibilité logique.

      “J’ai parmi mes connaissances beaucoup de jeunes profs, et je t’avoue que j’ai quelquefois envie de pleurer en les écoutant…”Et que disent-ils exactement?

      Qu’ils ont choisi ce métier pour la sécurité de l’emploi et les vacances. Que ce n’est pas la peine de se crever le cul à préparer des trucs pour les élèves, puisque de toute manière ils s’en
      foutent. Que l’école est une prison et que les élèves ont bien raison de s’en éloigner. Que de toute manière ils seront chômeurs, alors à quoi bon apprendre les mathématiques ou
      l’histoire, on ferait mieux de leur enseigner à remplir un formulaire de l’ANPE. Et je passe sur toutes les malédictions adressées à l’institution.

      Je voudrais quand même, si tu le permets, dire un mot de l’école d’avant mai 68 (…)

      1) Cette école aussi avait ses ratés. Pourquoi l’ascenceur social fonctionnait-il à l’époque? Parce que l’école marchait ou parce que la conjoncture économique était favorable? Il est
      possible que le deuxième élément ait été plus déterminant que le premier.

      Tu connais ma théorie. L’école était l’instrument de la promotion sociale. Lorsque la croissance a ralent et les classes moyennes ont perçu l’ascenseur social comme une menace pour leurs propres
      enfants, ils ont cassé l’ascenseur. L’école de 1960 n’a pas “cessé de fonctionner” comme ascenseur social seulement parce que la situation économique a changé. L’école “d’avant” a été changée –
      et cassée – parce qu’avec son obsession de la connaissance et de la méritocratie elle menaçait les positions acquises d’une couche sociale.

      2) Des “vieux c… rabâchant la même chose pendant trente ans”, faudrait pas croire qu’il n’y en avait pas avant 68. Et il y en avait même peut-être plus qu’aujourd’hui.

      C’est bien possible. Mais cela ne me dérange nullement. Je ne suis pas un grand partisan de la rénovation pédagogique permanente. Un enseignant peut “rabâcher” le même cours et être un excellent
      enseignant. Et j’ajoute que l’on peut beaucoup travailler sans pour autant se renouveler: je me souviens d’avoir eu un professeur de français qui servait chaque année le même cours, les mêmes
      auteurs… mais qui en même temps corrigeait les devoirs qu’il demandait avec un soin extrême, rendant des copies toujours chargées de notes, de conseils, de corrections… je pense qu’il devait
      passer des heures et des heures à corriger ses copies.

      Un enseignement de qualité n’implique pas nécessairement un créativité débordante. Et ce que je demande aux professeurs, ce n’est pas de se renouveller en permanence mais de faire un enseignement
      de qualité, qui privilégie la connaissance et non de la démagogie. Le système ancien ne poussait peut-être pas les professeurs vers la créativité, mais les obligeait à diffuser un curriculum
      institutionnel qui était autrement plus riche que celui d’aujourd’hui. Et la puissance des inspections et des contrôles était beaucoup plus importante qu’elle ne l’est maintenant, ce qui
      à défaut de renouvellement, était une garantie de qualité.

      3) Les enseignants d’avant mai 68 travaillaient-ils plus que les profs d’aujourd’hui? Il faudrait le prouver. Mais un faisceau d’indices me laisse supposer que ce n’était pas nécessairement
      le cas. Avant 68, le cours magistral dominait, or le cours magistral est celui qui demande le moins de préparation… et celui qui a le plus de propension à produire des “vieux c… rabâchant la
      même chose”.

      Je ne suis pas tout à fait convaincu: un bon cours magistral demande bien plus de préparation qu’un exercice plus ou moins démago où on laisse les élèves écrire ce qui leur passe par la tête.
      Mais au delà de la forme du cours, l’enseignement pré-1968 comprenait beaucoup plus de devoirs et d’exercices à corriger avec en plus des taux d’encadrement plus faibles. C’était d’ailleurs là la
      plus grande différence entre mes professeurs formés avant et après 1968: la densité des devoirs et la qualité de la correction.

      Ensuite (là je parle plutôt pour ma matière, l’histoire-géo), la base de document à utiliser en classe était plus restreinte, les profs utilisaient les manuels, point. Avec le développement
      de la photocopieuse puis d’internet, la base de documents exploitables en classe est devenue énorme.

      Mais la facilité de diffusion aussi, et cela réduit le travail du professeur. Je me souviens d’un de mes professeurs de Mathématiques, qui écrivait à la main les exercices qu’il entendait nous
      distribuer pour pouvoir les polycopier avec un copieur à alcohol. Et qui devait donc refaire cet exercice chaque année. Le traitement de texte et la photocopie auraient sans doute réduit
      considérablement sa charge horaire…

      Mais ce n’est pas parce que l’image du professeur s’est dégradée que le professeur travaille moins. L’Education Nationale est saisie (comme d’autres) d’une frénésie de nouveauté: il faut sans
      cesse “renouveler”, “innover”, “inventer”, que dis-je, “réinventer le métier”. Ce flux incessants de nouvelles directives pèse sur le temps de travail: à peine a-t-on mis en place quelque chose
      qu’il faut parfois l’abandonner (même si ça marche!) pour se lancer dans autre chose.

      Cette frénésie tend au contraire à réduire le temps de travail des enseignants. J’en connais qui, devant une réforme, se disent que ce n’est pas la peine d’investir du temps à la prendre en
      compte puisqu’une autre viendra la remplacer dans quelques mois… certains amis à moi appellent cela “le syndrome de l’éducation nationale”.

      Cette fuite en avant, je le crains, nous fait perdre de vue l’essentiel: la transmission des connaissances.

      Objection, votre honneur: “cette fuite en avant a pour objectif de faire perdre de vue l’essentiel: la transmission des connaissances”. Rien n’est aussi dangereux qu’un peuple
      savant.

  9. “ce n’est pas une question d’honnêteté”

    Admettons. Mais si les enseignants interrogés au cours de cette enquête ont “honnêtement” gonflé leur charge hebdomadaire de travail, de combien l’ont-ils fait? S’ils ont gonflé de dix ou quinze
    heures, ce sont clairement des menteurs. La marge d’erreur plausible, si on accorde un peu de crédit aux gens interrogés, doit être de deux ou trois heures. Auquel cas, on tourne encore autour de
    36 à 37 heures par semaine…

    De plus, il s’agit d’une moyenne: certains, en effet, travaillent seulement 25h, mais cela veut dire que d’autres font 45h.

     

    Ce que tu me dis des jeunes professeurs que tu côtoies m’afflige. Ils sont représentatifs d’une catégorie de professeurs qui existe. La question est: quelle proportion représentent-ils? La vérité
    est que ni toi, ni moi ne le savons. Tu sembles penser que c’est plutôt répandu, tu as sans doute plusieurs exemples en tête. De ce que j’observe sur le terrain, je tire la conclusion que ce
    n’est pas la règle même si, encore une fois, les gens que tu cites existent. Et je le regrette. Le mépris affiché pour les élèves surtout me choque. Moi aussi, je suis confronté à des adolescents
    qui “s’en foutent” souvent. Mais je persiste à les pousser au travail, à essayer de les aider. Je ne vais pas dire que je trouve toujours la bonne formule. Mais nous sommes payés pour cela, tous
    les enseignants feraient bien de s’en souvenir.

     

    Ta théorie sur mai 68 ne me convainc que partiellement. Oui mai 68 a fait du mal à l’institution… Et même aux institutions en général (le PCF en sait quelque chose non?). Mais dans les années
    60, des milliers de jeunes sortaient sans diplôme ni qualification du système scolaire, et ils trouvaient un emploi parce que la demande de main d’oeuvre dans des secteurs peu qualifiés et la
    conjoncture économique leur offraient aussi plus de perspectives que par la suite.

     

    “Un enseignant peut “rabâcher” le même cours et être un excellent enseignant”

    Non, aujourd’hui, ce n’est pas vrai. Je peux comprendre que tu gardes le souvenir attendri de tes vieux professeurs. Moi aussi. Mais si je suis d’accord avec toi pour reconstruire une école digne
    de ce nom, il ne pourra pas s’agir de refaire exactement ce qu’il y avait avant 68. Le progrès technologique a quand même changé la donne. Tous les nouveaux outils ne sont pas à rejeter. Il faut
    en faire un usage raisonnable qui surtout évite la logique du “gadget”, dans laquelle tombent trop de collègues à mon avis.

     

    “ce que je demande aux professeurs”

    Le problème est là: ce que tu demandes à la corporation est en flagrante contradiction avec les textes et directives officielles. Alors? Que dois-je faire? Mon coeur me dit que je devrais faire
    ce que conseille Descartes, mais la prudence me souffle qu’il vaut mieux obéir à la hiérarchie… Et ma conscience est écartelée. J’en suis réduit à un compromis bancal.

     

    “Un bon cours magistral demande bien plus de préparation qu’un exercice plus ou moins démago où on laisse les élèves écrire ce qui leur passe par la tête”.

    Tu fais parfois la remarque à tes intervenants qu’ils feraient mieux de ne pas parler de ce qu’ils ne connaissent pas. Sans vouloir t’offenser, peut-être devrais-tu t’appliquer à toi-même cette
    sage résolution. En lisant l’ensemble de ta réponse, j’ai eu comme l’impression que, sans rire, tu m’expliquais gentiment comment travaillent “vraiment” les enseignants. L’es-tu toi-même? Non.
    Est-il suffisant de se baser sur quelques brebis galeuses pour appréhender un métier? Non. Je crois surtout que ta vaste culture (dont je ne doute pas) et ta grande expérience politique,
    professionnelle, etc (que j’admire, je le dis franchement) te conduisent quand même à t’imaginer que dans tous les domaines tu peux faire la leçon à autrui, comme un “expert”. Avec parfois un
    brin de condescendance. Je ne te donnerai pas de leçon sur la fission nucléaire ni sur les intrigues byzantines du Front de Gauche, car je connais mes limites. Peut-être as-tu un peu oublié les
    tiennes…

    Je vais t’expliquer en quelques mots en quoi consistent les “exercices démago” que tu incrimines, car je m’en voudrais de laisser passer une telle sottise. Ces exercices, j’ai appris à les faire
    à l’IUFM quand j’étais stagiaire. Les autres stagiaires ont reçu la même formation que moi. Le principe est le suivant: à partir d’un ensemble de documents soigneusement choisis (et mis à leur
    portée le cas échéant), les élèves doivent d’abord extraire des connaissances grâce à une série de questions. Dans un deuxième temps, une fois les informations essentielles dégagées et comprises,
    il s’agit de les articuler dans un texte cohérent qui fera office de cours. C’est un travail exigeant, qui demande de la rigueur, de la concentration, et qui est conforme aux directives. Il n’est
    pas question de laisser s’exprimer quelque “génie créatif” que ce soit. A certains égards, c’est plus ambitieux que de réciter par coeur, même si apprendre est nécessaire.

    Je confirme qu’élaborer un tel travail (qu’on appelle étude de cas en géo) est plus long (en collège) que de faire un cours magistral illustré de documents pris ici ou là. En lycée, c’est un peu
    différent. Ce qui ne veut pas dire que le cours magistral ne demande aucune préparation.

     

    “L’enseignement pré-1968 comprenait beaucoup plus de devoirs et d’exercices à corriger”

    C’est possible, encore que tu n’étais pas à l’école avant 1968. Tu te bases donc sur les méthodes de certains de tes vieux professeurs si j’ai bien compris. Mais admettons. Aujourd’hui, le fait
    est que les parents viennent hurler qu’il y a trop de travail à la maison. Pour obtenir que le cours soit relu d’une fois sur l’autre, c’est parfois la croix et la bannière. Dans ma matière, pour
    parler de ce que je connais, les chapitres durent trois ou quatre heures, ce qui fait en moyenne un devoir tous les dix jours. Là où je te rejoins, c’est pour dire que le temps de correction a
    probablement diminué. Les exigences aussi… Hélas.

     

    “Mais la facilité de diffusion aussi, et cela réduit le travail du professeur”.

    Non, puisque la matière à traiter est plus importante. On traite plus de données, tout simplement, mais le temps de travail ne se réduit pas nécessairement.

     

    “Cette frénésie tend au contraire à réduire le temps de travail des enseignants”.

    C’est faux. Beaucoup de directives ne sont pas “facultatives” comme tu fais semblant de le croire. Les troisièmes doivent passer une épreuve d’ “histoire des arts” obligatoire. Crois-tu qu’on
    peut dire: “oh! non, ce sera supprimé l’an prochain, je ne le fais pas”? Tu rêves. Et tu t’exagères un peu la liberté des professeurs. Nous avons entraîné les élèves entre midi et deux, et siéger
    dans des jurys pendant trois jours où ils sont venus nous présenter leur oeuvre. Franchement, je ne suis pas fan de cette lubie, mais c’est obligatoire. Tout comme il est obligatoire de compléter
    le “Livret de compétence” nécessaire à l’obtention du brevet des collèges. Et petit à petit, l’institution rajoute ces petites choses… Venir nous dire que ça allège la charge de travail, je
    suis désolé, ce n’est pas vrai.

     

    Cela étant, tu m’as écrit que tu rêvais de faire ce métier? Rejoins-nous! Ainsi tu te rendras compte par toi-même, car évidemment rien ne t’oblige à me croire sur parole. J’ai quelques collègues
    qui viennent du privé, où ils étaient cadres. Ils confessent en général que la charge de travail supporte la comparaison, en période scolaire. Bien sûr, les vacances restent l’avantage
    indétrônable.

     

    “Rien n’est plus dangereux qu’un peuple savant”

    Ah bon? Savants, les Français de 1789? Les Russes de 1917? Plus qu’aujourd’hui? Je ne parierai pas. En revanche, je me demande si nous ne vivons pas dans la société la plus instruite qu’est
    connue l’humanité. Et tu vois le monde trembler, toi?

    • Descartes dit :

      Admettons. Mais si les enseignants interrogés au cours de cette enquête ont “honnêtement” gonflé leur charge hebdomadaire de travail, de combien l’ont-ils fait? S’ils ont gonflé de dix ou
      quinze heures, ce sont clairement des menteurs.

      Quand on évalue soi même son temps de travail, on peut faire de bonne foi des erreurs très importantes. Je me souviens quand on a mis en place la pointeuse dans mon service – les gens l’avaient
      demandé eux mêmes parce qu’ils étaient convaincus qu’on les volait sur les heures supplémentaires – il y a eu beaucoup de surprises, agréables et désagréables…

      Ils sont représentatifs d’une catégorie de professeurs qui existe. La question est: quelle proportion représentent-ils? La vérité est que ni toi, ni moi ne le savons.

      Tout à fait. Seule une étude statistique pourrair répondre à ta question. Mais cela apporte de l’eau à mon moulin: il faut plus de contrôle, pour que les citoyens voient bien que les
      fonctionnaires qu’ils payent avec leurs impôts travaillent dur. Les honnêtes n’ont rien à craindre du contrôle, puisqu’ils travaillent dejà proprement. Seules les brebis galeuses auraient quelque
      chose à craindre. Mais on peut se demander pourquoi, si comme tu le crois les brebis galeuses sont une minorité, l’immense majorité des professeurs résiste tout contrôle. Il doit bien y avoir une
      raison…

      Le mépris affiché pour les élèves surtout me choque. Moi aussi, je suis confronté à des adolescents qui “s’en foutent” souvent. Mais je persiste à les pousser au travail, à essayer de les
      aider. Je ne vais pas dire que je trouve toujours la bonne formule. Mais nous sommes payés pour cela, tous les enseignants feraient bien de s’en souvenir.

      Tout à fait d’accord. Je me méfie d’ailleurs des professeurs qui ne veulent enseigner qu’aux élèves intéressés et motivés. C’est un peu comme un médecin qui ne voudrait soigner que les gens en
      bonne santé. C’est auprès des élèves qui ont du mal que le professeur peut faire une différence.

      Mais dans les années 60, des milliers de jeunes sortaient sans diplôme ni qualification du système scolaire, et ils trouvaient un emploi parce que la demande de main d’oeuvre dans des
      secteurs peu qualifiés et la conjoncture économique leur offraient aussi plus de perspectives que par la suite.

      Il est certain que le fils d’ouvrier qui sortait sans diplôme c’était moins un drame parce que même sans diplôme il pouvait toujours travailler à l’usine comme papa. Mais on parlait de
      l’ascenseur social, pas de la reproduction sociale. Et aller à l’usine comme papa ne constitue pas une promotion sociale. Or, si avant la majorité des fils d’ouvrier sortait sans diplôme, le fils
      d’ouvrier qui s’acrochait était pris en charge par l’institution et avait des chances d’aller à Polytechnique. Aujourd’hui, qu’il s’accroche ou pas, l’institution ne l’aide plus. Et ce n’est pas
      un hasard si depuis les années 1970 la proportion de fils d’ouvriers dans les grandes écoles diminue constamment.

      Tous les nouveaux outils ne sont pas à rejeter.

      Pas tous, non. Mais la plupart des “nouveaux outils” n’apportent pas grande chose et constituent une distraction. Je veux bien qu’on me traite de vieux croûton, mais je continue à penser qu’on
      apprend plus en utilisant une règle à calcul qu’une calculette électronique.

      Mon coeur me dit que je devrais faire ce que conseille Descartes, mais la prudence me souffle qu’il vaut mieux obéir à la hiérarchie…

      Loin de moi l’idée de t’appeler à désobéir à l’institution… quand j’écris “ce que je demande aux professeurs”, j’entends par là ce que je mettrais dans les textes si demain il était dans mon
      pouvoir de les modifier.

      En lisant l’ensemble de ta réponse, j’ai eu comme l’impression que, sans rire, tu m’expliquais gentiment comment travaillent “vraiment” les enseignants. L’es-tu toi-même? Non.

      Si. J’enseigne à des jeunes adultes. Mais bon, cela est une autre histoire. Et non, je ne me permettrais pas d’avoir une opinion si je n’avais pas eu l’opportunité moi même d’enseigner.

      En lisant l’ensemble de ta réponse, j’ai eu comme l’impression que, sans rire, tu m’expliquais gentiment comment travaillent “vraiment” les enseignants. (…) Je ne te donnerai pas de leçon
      sur la fission nucléaire ni sur les intrigues byzantines du Front de Gauche, car je connais mes limites. Peut-être as-tu un peu oublié les tiennes…

      Ah bon ? Ainsi “tu ne me donnerais pas de leçon sur la fission nucléaire” ? Pourtant, je me souviens distinctement d’avoir lu sous ta plume un paragraphe me reprochant de sous-estimer les
      problèmes posés par les déchets nucléaires… aurais-je mal lu ?

      En tout cas, à ce commentaire je crois avoir répondu poliment, en te fournissant les informations qui te manquaient, et sans utiliser l’argument d’autorité du genre “tu crois que dans tous les
      domaines tu peux faire la leçon… etc.”. Si quelqu’un ici a oublié ses limites, c’est toi: les limites de la gentillesse. Pour un professionnel de l’enseignement, tu manques singulièrement de
      pédagogie.

      Ce qui ne veut pas dire que le cours magistral ne demande aucune préparation.

      C’est précisement mon point. Si les exercices pédagogiques auxquels tu fais référence demandent du travail, préparer un cours magistral de manière à capturer l’attention d’un public forcément
      hétérogène, exposer un raisonnement de telle manière que les plus lents puissent suivre et les plus rapides ne s’ennuient pas, c’est un véritable défi.

      Aujourd’hui, le fait est que les parents viennent hurler qu’il y a trop de travail à la maison. Pour obtenir que le cours soit relu d’une fois sur l’autre, c’est parfois la croix et la
      bannière.

      Et qui a eu l’idée d’associer les parents au fonctionnement de l’Ecole ?

      Beaucoup de directives ne sont pas “facultatives” comme tu fais semblant de le croire.

      Qu’arrive-t-il à ceux qui ne les mettent pas en oeuvre ? J’ai un ami enseignant qui n’a jamais mis en oeuvre les directives sur la “méthode globale”. Et il ne lui est absolument rien arrivé. J’ai
      aussi des amis qui ont refusé d’appliquer les nouvelles directives sur l’évaluation, et aucune sanction n’a été prise. Je veux bien que cela dépende beaucoup de la nature des directives, et que
      celles qui concernent des examens sont difficiles à ne pas appliquer sous peine de mettre les élèves en difficulté. Mais la liberté reste très large…

      Cela étant, tu m’as écrit que tu rêvais de faire ce métier? Rejoins-nous!

      Si on avait plusieurs vies… malheureusement, dans celle-ci j’ai passé l’âge pour passer les concours. 

      Ah bon? Savants, les Français de 1789? Les Russes de 1917?

      Non. Et c’est pour cela que les premiers ont eu besoin d’un Napoleon, et les deuxièmes d’un Staline… s’ils avaient été savants, ils auraient été infiniment plus dangereux! 😉

       

  10. laaaaaa dit :

    “D’abord, ce genre de débat n’a aucune espèce d’intérêt”

    Certes pour quelqu’un comme vous qui ” a regardé depuis des mois des dizaines de discours….” les arguments énoncés devaient manquer de sel. Néanmoins je ne crois pas que nous devions faire
    l’économie de ce « grand débat ». Et ce pour plusieurs raisons.

    La première semblera peut-être triviale. Voici : ne semblez-vous pas surprenant que des candidats pour un même poste ne se rencontrent qu’une seule fois et seulement à la fin de la compétition.
    Me direz-vous, les participants à un concours ne se connaissent souvent pas. Mais une élection présidentielle a ceci de particulier que les postulants passent à peu près autant de temps à vanter
    leurs qualités qu’à dénigrer l’autre. Comment feindre l’ignorance ?

    Le deuxième argument me vient alors que je suis dans la lecture d’un livre de Raymond Aron, Introduction à la philosophie politique, dans lequel il définit la démocratie comme un système de
    concurrence pacifique en vue de l’exercice du pouvoir. S’il y a concurrence, avec son lot de coup de bas et de mauvaise foi – Hollande reprochant à Sarkozy d’avoir appuyé DSK pour sa nomination à
    la présidence du FMI m’a interloqué mais il y a mille contres exemples -, s’il y a des candidats portés par des idées mais aussi des ambitions très personnelles, il n’y a pas de guerre et il me
    semble conforme à l’esprit républicain que les candidats s’affrontent face à face avec des mots, non en usant de la violence physique comme dans une guerre. A cet égard voir une poignée de main
    entre les deux hommes m’aurait plu. Je ne crois pas que ce soit incompatible avec des échanges vifs, même si ce vœu peut sembler naïf.

    Par ailleurs je trouve lassant de voir les seconds couteaux se battre à coup “éléments de langage” élaborés par des spin doctors plus au fait de techniques de marketing qu’en histoire des idées
    politiques. Ce débat, à défaut d’apporter de la nouveauté comme vous le relever justement, a le mérite de nous montrer enfin un affrontement entre les deux personnes qui attirent le plus notre
    attention. Ce dernier point me semble particulièrement important étant donné la personnalisation du pouvoir qui caractérise la politique actuelle, due au facteur que nous connaissons bien : mode
    de suffrage, la médiatisation de la vie publique, professionnalisation,… L’intense préparation préalable n’est certes pas compatible avec la prise de risque mais l’ambiance solennelle tranche
    nettement avec les émissions habituelles coupées par la publicité et des sujets, ou comiques divers, comme sur Canal + à 19h.

    N’oubliez pas par ailleurs que peu de gens consacrent autant de temps que vous à suivre la politique et les questions de société. Vous pouvez le regretter mais c’est comme cela. Ce débat propose
    – enfin ! – une confrontation directe mais aussi une synthèse fort utile pour la plupart des citoyens, dont je fais partie.

    Je dois reconnaître par ailleurs que la lecture de vos récents articles et le rythme de vos publications récentes moins denses que d’habitude m’a fait craindre que vous arrêtiez la tenue de cet
    excellent blog. Ceci à point tel que cela m’amené à vous écrire pour la première fois. J’aurai déploré ne plus vous lire car votre rigueur et la pertinence de vos argumentations m’impressionnent.
    Mes conversations sont aujourd’hui souvent nourries de vos idées. Si cette lassitude, que je comprends, n’est que passagère et n’est que le résultat de cette campagne, désormais derrière nous,
    tant mieux.

    Finalement c’est peut être là le véritable objet de mon commentaire. Si je veux des débats entre les hommes politiques, j‘aime aussi ceux entre les citoyens, et je souhaite qu’ils soient de
    qualité.

    • Descartes dit :

      La première semblera peut-être triviale. Voici : ne semblez-vous pas surprenant que des candidats pour un même poste ne se rencontrent qu’une seule fois et seulement à la fin de la
      compétition.

      Non, pourquoi ? L’important est que chacun puisse exposer ses arguments aux français. C’est ensuite à ces derniers de choisir. En fait, la seule raison qui pour moi justifie cette rencontre est
      d’obliger les partisans de l’un à écouter ce que dit l’autre, et viceversa. Mais c’est un argument faible: l’expérience prouve que les gens ferment les oreilles dès que ce n’est pas leur champion
      qui cause.

      Il n’y a pas de guerre et il me semble conforme à l’esprit républicain que les candidats s’affrontent face à face avec des mots, non en usant de la violence physique comme dans une guerre. A
      cet égard voir une poignée de main entre les deux hommes m’aurait plu. Je ne crois pas que ce soit incompatible avec des échanges vifs, même si ce vœu peut sembler naïf.

      Ok, mais alors on est dans l’ordre du symbole, et non de du débat politique et de la confrontation d’idées. S’il faut mettre face à face les concurrents pour montrer au peuple que même lorsqu’on
      s’oppose sur les idées on peut rester courtois, pourquoi pas. Mais soyons conscients qu’il s’agit d’autre chose que d’enrichir le débat d’idées.

      Je dois reconnaître par ailleurs que la lecture de vos récents articles et le rythme de vos publications récentes moins denses que d’habitude m’a fait craindre que vous arrêtiez la tenue de
      cet excellent blog.

      J’avoue que l’ennui de la répétitivité de la campagne m’a donné à un certain moment l’impression de me répéter moi même, ce qui est très désagréable. A quoi bon écrire un papier si l’on a
      l’impression d’écrire pour la n-ième fois la mêmechose ? Mais j’imagine que dès que le nouveau gouvernement sera en place, il donnera de quoi alimenter les commentaires…

      Finalement c’est peut être là le véritable objet de mon commentaire. Si je veux des débats entre les hommes politiques, j‘aime aussi ceux entre les citoyens, et je souhaite qu’ils soient de
      qualité.

      Je partage tout à fait votre envie de débat, et si je souffre de quelque chose depuis que j’ai quitté le militantisme actif, c’est de manquer de lieu de débat.

  11. Pardon de revenir ainsi à notre débat, mais le temps m’a manqué pour te répondre jusqu’à présent.

     

    “Il doit bien y avoir une raison…”

    Oui, il y en a une, et tu la connais: l’immense majorité des enseignants ne fait pas grand-chose, une fois ses dix-huit heures terminées, télé et tiercé. Je pensais à toi, l’autre jour, tandis
    que j’étais en salle des profs. Je regardais le planning des prochaines réunions (souvent inutiles, je te l’accorde, mais pas facultatives), les fiches demandant des profs pour encadrer la sortie
    chorale, la sortie théâtre, le voyage scolaire au Louvre… J’entendais les collègues se demander si les heures d’histoire des arts seraient payées. Car contrairement aux heures sup à l’année,
    les heures sup ponctuelles ne sont pas systématiquement payées. Or elles sont très nombreuses. Et je me suis dit: “j’aimerais bien que Descartes soit là, pour voir un peu ce qu’est notre
    quotidien”. Parce qu’il y a le décret de 1950, et il y a la réalité. 

    L’autre raison pourrait être que, pour des questions d’amour-propre, une profession déjà assez décriée vivrait mal un contrôle qui serait vu comme une énième marque de défiance. De plus, comme tu
    l’as dit, la liberté d’organisation du travail est un des avantages du métier. Elle peut aussi s’expliquer par la fatigue nerveuse engendrée par une heure devant les élèves, et qui fait qu’au
    bout de quatre heures de cours d’affilé on est vanné. Comme un comédien après sa représentation.

     

    “Et ce n’est pas un hasard si depuis le milieu des années 70, la proprtion de fils d’ouvriers dans les grandes écoles diminue”

    Non, ce n’est pas un hasard, mais je ne suis pas sûr que la cause que tu retiens suffise à expliquer le phénomène. D’abord, le nombre d’ouvriers, ou du moins leur proportion dans la population
    active, a pu baisser en France. Ensuite, les classes moyennes se sont développées comme tu l’as déjà souligné. Or, indépendamment de l’école, tu ne pourras jamais empêché que le fils d’un
    ingénieur ait un accès facilité au savoir par rapport à un fils d’ouvrier. Quand dans un foyer, il y a une grande bibliothèque avec tous les grands classiques, et que dans un autre il n’y a
    quasiment pas de livre, cela fait une différence. Quand dans une famille, on emmène régulièrement les enfants visiter musée, bibliothèques, monuments, et dans une autre non, ça fait une
    différence. De manière générale, je crois que la concurrence est devenue plus rude à tous égards. Tous les enfants de la classe moyenne ne font pas de brillantes études, tous ne finissent pas à
    Polytechnique ou à Centrale. Il y en a aussi qui végètent… ou qui redescendent. Pour prendre un exemple, je suis le premier, depuis quatre générations, qui ne se soit pas élevé dans la société:
    je suis prof, comme mon père. Et nous sommes un certain nombre, issus de la classe moyenne, à faire aussi bien que nos parents, mais difficilement mieux. Lorsque j’étais étudiant, le nombre de
    places diminuait partout: à Normale Sup, au Capes, à l’agrégation…

    Là où je te rejoins, c’est pour dire que la baisse des exigences, réelle et regrettable, de l’institution scolaire aggrave et amplifie ce déséquilibre. L’école a le devoir de réduire le
    déséquilibre, mais il est illusoire de croire qu’elle peut combler l’intégralité du fossé. Par ailleurs, pour peu que les enfants d’ouvriers soient un peu moins nombreux alors que ceux des
    classes moyennes sont nettement plus nombreux que dans les années 70, cela a aussi un effet. Mais je crois que l’idée selon laquelle “les classes moyennes ont détruit l’ascenseur social” est un
    peu réductrice. Avec la fin des Trente Glorieuses, il est possible que l’ascenseur se soit grippé tout seul.

     

    “aurais-je mal lu?”

    Oui, tu as mal lu. J’avais écrit précisément “j’ai l’impression que”. Une impression n’est pas une certitude, tu en conviendras. Impression que tu as par ailleurs dissipée, et je t’en remercie.

     

    “Si quelqu’un a oublié les limites ici, c’est toi: les limites de la gentillesse.”

    Je ne vois pas bien ce que la “gentillesse” vient faire ici. Pas plus que toi, je ne suis quelqu’un de gentil. Quand tu m’expliques qu’il est probable qu’une bonne partie des profs ne fiche pas
    grand-chose, ce n’est pas de la “gentillesse”. Quand tu me parles des “exercices démago laissant parler la créativité de l’élève”, exercices qui ont existé mais qui ne sont plus d’actualité au
    moins depuis les années 90, du moins en collège, ce n’est pas de la “gentillesse”. Mais je ne te demande pas d’être gentil. La franchise me suffit. D’autre part, tu mets en cause, et c’est ton
    droit, ma profession, permets-moi de contester tes affirmations ou tes suppositions. Et de m’interroger sur ta légitimité.

    Je sais bien qu’il y a des profs qui se fichent de l’enseignement. Mon devoir est de défendre l’honneur de ceux qui, et ils sont très nombreux, donnent de leur temps et de leur énergie pour ce
    métier. Je ne peux pas laisser insinuer que le “refus de tout contrôle” signifie que majoritairement nous ne faisons pas sérieusement le travail.

    Tu m’as écrit par ailleurs aimer les “débats épicés”. Maintenant, tu me reproches de ne pas être “gentil”. Faudrait savoir. Je t’accorde qu’il est plus agréable de lire des louanges. mais un
    débat suppose un minimum de franchise, je crois. En revanche, si tu penses que j’ai été discourtois, je tiens à te présenter mes excuses. Mais gentillesse et politesse ne sont pas la même chose.

     

    “Pour un professionnel de l’enseignement, tu manques singulièrement de pédagogie”

    Ce qui n’est pas ton cas… Mais je l’admets bien volontiers, je fais encore partie des “jeunes professeurs” dont la technique laisse à désirer. Je pourrais répondre à cela que déduire ma
    pédagogie de notre échange est un peu léger. Mais je note que tu associes la pédagogie à la gentillesse, je l’associe plutôt à l’exigence. Question de point de vue.

     

    “Et qui a eu l’idée d’associer les parents au fonctionnement de l’école?”

    Les classes moyennes. Mais pas pour détruire l’ascenseur social, du moins pas seulement. En fait, le niveau de qualification allant croissant dans le pays, les parents diplômés se sont de plus en
    plus crus autorisés à intervenir dans l’enseignement prodigué à leurs enfants. Du temps où les enseignants faisaient partie de l’élite diplômée, on ne se serait pas permis. Mais aujourd’hui,
    beaucoup d’élèves ont des parents aussi ou plus diplômés que nous. Et certains pensent qu’ils sont donc “qualifiés” pour intervenir. Les professeurs ne font plus partie de la minorité la plus
    diplômée.

     

    Concrètement, parce que j’essaie de comprendre, en te lisant, ce que tu appelles de tes voeux pour notre pays, quelle contribution réclames-tu aux classes moyennes? Si j’ai bien compris, tu veux
    les mettre à l’effort pour améliorer le sort des classes populaires. Quelle forme doit prendre cet effort? S’agit-il d’augmenter les impôts directs? S’agit-il de réduire les salaires? De taxer la
    consommation?

    • Descartes dit :

      Pardon de revenir ainsi à notre débat, mais le temps m’a manqué pour te répondre jusqu’à présent

      Ne t’excuse pas, c’est un plaisir de reprendre le débat.

      “Il doit bien y avoir une raison…” Oui, il y en a une, et tu la connais: l’immense majorité des enseignants ne fait pas grand-chose, une fois ses dix-huit heures terminées, télé et
      tiercé.

      J’avoue ne pas très bien comprendre ta réponse. Je rappelle le commentaire complet auquel tu répondais: “Mais on peut se demander pourquoi, si comme tu le crois les brebis galeuses sont une
      minorité, l’immense majorité des professeurs résiste tout contrôle. Il doit bien y avoir une raison..”. Si comme tu le dis “l’immense majorité” des enseignants ne consacre que dix-huit
      heures par semaine à son travail, alors un renforcement des obligations et du contrôle me semble tout à fait justifiée…

      Je pensais à toi, l’autre jour, tandis que j’étais en salle des profs. Je regardais le planning des prochaines réunions (souvent inutiles, je te l’accorde, mais pas facultatives), les fiches
      demandant des profs pour encadrer la sortie chorale, la sortie théâtre, le voyage scolaire au Louvre…

      Juste une question: les “fiches” en question constituent une obligation ? Ou bien un appel à volontaires ? Et l’encadrement des sorties en question est-il compris dans les obligations de service,
      ou est-il payé en supplément ? S’il s’agit de travail volontaire et payé en supplément, alors l’argument est hors sujet: on parlait ici des obligations des enseignants, pas de ce
      qu’ils peuvent faire en supplément s’ils en ont envie. J’attire ton attention sur le fait que dans beaucoup d’entreprises et d’administrations on fait des heures supplémentaires.
      Seulement, les heures supplémentaires ne commencent qu’une fois l’obligation de présence de 35 heures satisfaite, et non de la 18ème heure. Et elles ne sont pas “volontaires”, mais peuvent être
      imposées par l’employeur.

      J’entendais les collègues se demander si les heures d’histoire des arts seraient payées. Car contrairement aux heures sup à l’année, les heures sup ponctuelles ne sont pas systématiquement
      payées.

      C’est le cas dans beaucoup d’entreprises et d’administrations. Et ne parlons pas de celles où des accords au cas par cas font qu’on paye une heure supplémentaire pour deux réalisées… réveillez
      vous, camarades professeurs: il y a en dehors des écoles un vaste monde où les gens travaillent dans des conditions bien plus dures. Ce sont ces gens qui payent les salaires des fonctionnaires
      avec leurs impôts, et ils ont le droit de constater que les fonctionnaires travaillent autant d’heures qu’eux.

      Parce qu’il y a le décret de 1950, et il y a la réalité. 

      Certainement. Et s’il y avait plus de contrôle, cette “réalité” serait bien mieux documentée, et les contribuables pourraient constater que cette “réalité” n’est pas si rose qu’on le dit – du
      moins je l’espère… pourquoi refuser le contrôle, alors ?

      L’autre raison pourrait être que, pour des questions d’amour-propre, une profession déjà assez décriée vivrait mal un contrôle qui serait vu comme une énième marque de défiance.

      Je comprends cette réaction, mais j’avoue que j’ai du mal à sympathiser. Peut-être parce que j’ai fait l’essentiel de ma carrière dans des fonctions qui sont soumises à un contrôle permanent, et
      que dans mon métier on est au contraire fier de pouvoir dire que si nous faisions incorrectement notre travail, cela se saurait immédiatement.

      De plus, comme tu l’as dit, la liberté d’organisation du travail est un des avantages du métier.

      Je ne suis pas contre. Au contraire, je trouve qu’il faut garantir aux enseignants une large liberté dans l’organisation de leur travail. Mais cette liberté ne doit pas être l’alibi pour les
      fainéants. C’est d’ailleurs l’intérêt des professeurs consciencieux que de ne pas être confondus avec les autres, et le contrôle devrait permettre de séparer le bon grain de l’ivraie. Encore une
      fois, le contrôle que je propose n’est pas l’opposé de la liberté: il s’agit de vérifier que les obligations contenues dans le statut sont satisfaites, pas de dire aux enseignants comment ils
      doivent organiser leur travail.

      Elle peut aussi s’expliquer par la fatigue nerveuse engendrée par une heure devant les élèves, et qui fait qu’au bout de quatre heures de cours d’affilé on est vanné. Comme un comédien après
      sa représentation.

      Je te prie de croire que les opérateurs de centrale nucléaire, après huit heures de surveiller un réacteurs, sont eux aussi passablement vannés. Cela ne les empêche pas de pointer.

      Non, ce n’est pas un hasard, mais je ne suis pas sûr que la cause que tu retiens suffise à expliquer le phénomène. D’abord, le nombre d’ouvriers, ou du moins leur proportion dans la
      population active, a pu baisser en France.

      Il a certainement baissé, mais bien moins que ne le fait penser une lecture superficielle des statistiques, beaucoup de travaux “ouvriers” ayant été requalifiés en emplois de “service” du fait de
      la grille statistique de l’INSEE peu adaptée au phénomène d’externalisation. Mais même en prenant les chiffres de l’INSEE, l’effondrement est patent.

      Or, indépendamment de l’école, tu ne pourras jamais empêché que le fils d’un ingénieur ait un accès facilité au savoir par rapport à un fils d’ouvrier. Quand dans un foyer, il y a une grande
      bibliothèque avec tous les grands classiques, et que dans un autre il n’y a quasiment pas de livre, cela fait une différence.

      Sans doute. Je ne suis pas un idéaliste, et je réalise tout à fait que dans une société inégalitaire on ne peut pas demander à l’école d’effacer complètement les inégalités qui sont dans la
      structure même de notre société. Mais sans aller jusque là, une école peut être plus ou moins égalitaire. L’école pré-1968 était inégalitaire, mais donnait des possibilités de promotion sociale
      relativement importantes. Albert Camus n’a pas eu de bibliothèque avec les grands classiques chez lui, mais a eu un instituteur qui considérait comme son devoir de compenser, avec les moyens dont
      il disposait, ce manque. L’école post-68 a cessé de donner ces opportunités.

      Tous les enfants de la classe moyenne ne font pas de brillantes études, tous ne finissent pas à Polytechnique ou à Centrale. Il y en a aussi qui végètent… ou qui redescendent.

      Pas encore, heureusement: malgré tous les efforts des post-soixantehuitards, les grandes écoles restent les temples de la méritocratie et résistent pied à pied toutes les tentatives, fort
      nombreuses, d’affaiblir l’idée de recrutement par concours pour lui substituer les recrutements “sur dossier” ou “par passerelle” qui permettent aux enfants des classes moyennes nuls d’accèder
      quand même aux diplômes prestigieux. Et d’ailleurs, il faut constater qu’au niveau Bac+5, il y a encore plus d’enfants d’ouvriers à Centrale ou Polytechnique qu’à l’Université, qui pourtant a un
      mode de recrutement “démocratique”…

      En pratique, aujourd’hui tous les enfants des classes moyennes se voient garantir un diplôme universitaire. Cela ne leur garantit bien entendu pas une promotion, mais les protège contre la
      “redescente”. Connais-tu beaucoup de fils de professeurs qui redeviennent caissier de supermarché ou ouvrier du bâtiment ?

      Pour prendre un exemple, je suis le premier, depuis quatre générations, qui ne se soit pas élevé dans la société: je suis prof, comme mon père. Et nous sommes un certain nombre, issus de la
      classe moyenne, à faire aussi bien que nos parents, mais difficilement mieux.

      Les paysans qui, après avoir fréquenté l’école de la IIIème République choisissent de reprendre la ferme de leurs parents ne se sont pas non plus “élévés dans la société”. La promotion sociale
      n’a jamais été un droit, tout au plus une possibilité. Et si au lieu de choisir l’enseignement tu étais allé dans la banque, probablement tu gagnerais bien plus que ton père à son âge.

      Lorsque j’étais étudiant, le nombre de places diminuait partout: à Normale Sup, au Capes, à l’agrégation…

      Bien sur. Après la période d’expansion des “trente glorieuses”, est venue une période de contraction. Et c’est précisement parce que les places sont devenues plus rares que les classes moyennes
      ont fait ce qu’il faut pour que les enfants des couches modestes ne viennent pas concurrencer ses propres enfants pour les prendre.

      Là où je te rejoins, c’est pour dire que la baisse des exigences, réelle et regrettable, de l’institution scolaire aggrave et amplifie ce déséquilibre. L’école a le devoir de réduire le
      déséquilibre, mais il est illusoire de croire qu’elle peut combler l’intégralité du fossé.

      Tout à fait d’accord.

      Mais je crois que l’idée selon laquelle “les classes moyennes ont détruit l’ascenseur social” est un peu réductrice. Avec la fin des Trente Glorieuses, il est possible que l’ascenseur se soit
      grippé tout seul.

      NON. L’ascenseur ne s’est pas “grippé tout seul”, il a été sciemment et consciencieusement détruit. On a noyé depuis 1968 les enfants des couches populaires sous un double discours. Le premier
      est le discours de la “confiance en soi”: la connaissance n’est pas importante, ce qui importe c’est que l’enfant se sente “bien”, qu’il se sente “réconnu”. Et puis, l’école, les diplômes, est-ce
      bien important ? Et on vous fait défiler la liste des “personnalités” qui ont raté les études et qui malgré ça gagnent des montagnes de fric. Le deuxième discours est celui de la résignation: de
      toute manière, la société est méchante, raciste, sexiste, et vous finirez chômeur quoi que vous fassiez. Ces deux discours convergent vers la même conclusion: l’effort, la discipline, le savoir
      ne servent à rien.

      La fin des “trente glorieuses” est bien entendu déterminante dans cette affaire. Pas parce qu’elle aurait “grippé l’ascenseur social” mais parce qu’elle l’a rendu dangereux pour les classes
      moyennes. Dans un contexte d’expansion, il y avait de la place pour tout le monde et on pouvait “promouvoir” les pauvres sans qu’ils prennent la place des enfants des classes moyennes. Avec la
      fin des trente glorieuses, l’appel d’air a disparu. Avec un nombre de places fixes, chaque promotion doit avoir comme contrepartie une dégradation…

      Je ne vois pas bien ce que la “gentillesse” vient faire ici. Pas plus que toi, je ne suis quelqu’un de gentil. Quand tu m’expliques qu’il est probable qu’une bonne partie des profs ne fiche
      pas grand-chose, ce n’est pas de la “gentillesse”.

      Je n’ai jamais dit ça. Je me suis contenté de dire que dans la mesure où il y a une suspicion qu’il en soit ainsi, il faut des mécanismes de contrôle pour rétablir la vérité. Et je me suis
      interrogé même sur les raisons pour lesquelles les professeurs refusent ce contrôle, puisqu’en grande majorité ils respectent leurs obligations… Que tu me fasses dire des choses que je n’ai pas
      dites et qu’ensuite tu réagisses violemment à tes propres inventions, c’est là ou je trouve que tu manques de “gentillesse”.

      Quand tu me parles des “exercices démago laissant parler la créativité de l’élève”, exercices qui ont existé mais qui ne sont plus d’actualité au moins depuis les années 90, du moins en
      collège, ce n’est pas de la “gentillesse”.

      Ces exercices existent encore. Et je ne suis pas le seul parent à s’en être plaint. Qu’ils ne constituent plus un “phare” de la pensée ministérielle n’implique pas qu’ils aient disparu. Je te
      renvoie par ailleurs aux textes de Brighelli qui les décrit par le menu.

      Mais je ne te demande pas d’être gentil. La franchise me suffit.

      Et bien, tu vois, je suis un peu plus exigeant que toi. Je trouve que la gentillesse entre personnes civilisées (ce qui n’exclut pas la franchise) embellit le monde. Mais je sais que je suis très
      “vieux jeu”…

      D’autre part, tu mets en cause, et c’est ton droit, ma profession, permets-moi de contester tes affirmations ou tes suppositions. Et de m’interroger sur ta légitimité.

      Je te reconnais tout à fait le premier droit, mais pas le second. Je pense que le débat gagne en intérêt et en tenue lorsqu’on se contente de “contester les affirmations ou les suppositions” sur
      le fonds, en évitant de rentrer sur des querelles de “légitimité”. Lorsque tu déclares que les déchêts nucléaires “posent problème”, je me contente d’essayer de t’expliquer pourquoi à mon avis tu
      te trompes… mais je ne te demande pas ton diplôme d’ingénieur atomiste avant de te répondre. En tant que citoyen et qu’être rationnel, tu as toute “légitimité” pour questionner le réel.

      Mon devoir est de défendre l’honneur de ceux qui, et ils sont très nombreux, donnent de leur temps et de leur énergie pour ce métier.

      Leur “honneur” n’a jamais été en cause. Si l’on rentre dans la logique de “l’honneur”, on renonce à la discussion rationnelle. En plus, la question discutée n’était pas si les professeurs
      faisaient ou non leur travail, mais s’il était légitime ou non de les contrôler. Je ne vois pas en quoi cela pourrait porter atteinte à leur “honneur”…

      Tu m’as écrit par ailleurs aimer les “débats épicés”. Maintenant, tu me reproches de ne pas être “gentil”. Faudrait savoir. Je t’accorde qu’il est plus agréable de lire des louanges.

      Je n’en demande pas tant. Mais on peut être “épicé” sur les arguments, utiliser toutes les ressources du sarcasme, sans pour autant rentrer dans l’attaque personnelle ou contester la légitimité
      de l’autre. C’est en cela que réside la “gentillesse” à laquelle je t’appelle.

      Les classes moyennes. Mais pas pour détruire l’ascenseur social, du moins pas seulement. En fait, le niveau de qualification allant croissant dans le pays, les parents diplômés se sont de
      plus en plus crus autorisés à intervenir dans l’enseignement prodigué à leurs enfants.

      Mais avec quel but, et pourquoi ? Que craignaient-ils, si ce n’est que leurs bambins perdent la course à l’échalotte en se faisant doubler par les enfants des “pauvres” ?

      Concrètement, parce que j’essaie de comprendre, en te lisant, ce que tu appelles de tes voeux pour notre pays, quelle contribution réclames-tu aux classes moyennes? Si j’ai bien compris, tu
      veux les mettre à l’effort pour améliorer le sort des classes populaires.

      Tu poses une question très complexe, à laquelle je n’ai pas vraiment de réponse. Toute proportion gardée, je suis un peu comme Marx: un bon analyste de ce qui est, mais sans nécessairement être
      capable de définir ce qui devrait être.

      En tout cas, c’est mon avis que la prise du pouvoir par les classes moyennes a un effet néfaste pour l’ensemble du tissu social, parce que les intérets économiques de ces couches conduisent à des
      politiques “libérales-libertaires” qui sont en train de réduire à néant l’ensemble des institutions qui assurent la cohésion sociale et le “vivre ensemble”. Cependant, les couches moyennes sont
      une réalité économique et elles ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Il s’agit donc de leur disputer le pouvoir – et d’abord le pouvoir idéologique – pour permettre à d’autres politiques
      de voir le jour.

      Or, pour leur disputer le pouvoir il faut trouver une base sociologique sur laquelle s’appuyer. Aujourd’hui, seules les couches populaires peuvent jouer ce rôle. Mais cela suppose qu’on les aide
      à prendre conscience que, contrairement à ce que clame la “gauche radicale”, les politiques dont les couches populaires souffrent ne sont pas imposées par des méchants “riches”, mais par une
      alliance des riches et des classes moyennes. C’est en ce sens que les discours du genre “peuple-classe” sont dangereux. La “gauche radicale” fait miroiter l’illusion d’une alliance des couches
      populaires et des classes moyennes alors que ces dernières sont dejà alliées avec les “riches”…

       

  12. “J’avoue ne pas très bien comprendre ta réponse”

    Elle était ironique…

     

    Pour te répondre: les fiches en question constituent un appel à volontaire, et non une obligation. L’encadrement des sorties est compris dans les obligations de service si la sortie a lieu durant
    des heures de service normales. Dans le cadre d’une sortie qui a lieu en dehors ou qui dépasse le cadre horaire (sortie théâtre un soir, voyage qui demande un départ à 7h et un retour à 21h), les
    heures passées en plus du service ne sont pas rémunérées. L’usage est de considérer que cela fait partie du travail, mais à ma connaissance les textes ne le précisent pas de manière explicite. Ce
    qui n’est nullement choquant. Attention, je n’ai pas demandé à ce que toutes les heures soient systématiquement payées. Juste que les honnêtes gens se souviennent que, précisément, beaucoup
    d’entre nous ne comptent pas leurs heures lorsqu’il le faut… Pour les réunions, il en va différemment: elles sont obligatoires et non-rémunérées. Certains chefs d’établissement en font peu,
    d’autres beaucoup. J’ajoute que les réunions parents-professeurs, contrairement aux conseils de classe, ne sont pas payées non plus. Et je passe sur les réunions des commissions diverses et
    variées. Dans un établissement modeste, tout le monde ou presque se retrouve inscrit dans une “commission”. Cela ne sert pas à grand-chose souvent, mais c’est “chronophage” comme on dit chez
    nous.

     

    “réveillez-vous camarades professeurs”

    Tu te méprends cher Descartes. Je n’ai jamais prétendu que mon métier était le plus mal loti. Je dis juste qu’il y a des salariés du privé ou du public qui en bavent plus, c’est vrai… et il y
    en a peut-être d’autres qui en bavent un peu moins!

     

    “Et ne parlons pas de celles où des accords au cas par cas font qu’on paye une heure supplémentaire pour deux réalisées”

    Justement. Veux-tu que je te parle de mon collègue qui passe des heures à entretenir le réseau informatique de l’établissement, à dépanner les postes de la salle info, à installer les nouveaux
    postes, et qui aura, peut-être, quelques heures sup payées à la fin de l’année, si l’établissement a encore de l’argent? Très souvent, une heure sup est payée pour deux ou trois effectuées
    réellement. Encore une fois, je ne demande ni augmentation, ni médaille, ni même décompte mesquin du temps passé à bosser. Juste faire comprendre que oui, nous avons des avantages, mais par
    ailleurs nous sommes logés à même enseigne que d’autres salariés.

     

    Mais le contrôle, je l’ai dit, je n’y suis pas hostile. Serait-il possible de contrôler le travail fait à domicile, sur son ordinateur, y compris les week-ends? Existe-t-il des méthodes
    efficaces? Ce serait intéressant. Je suppose qu’il y a des moyens, puisque des salariés font du télétravail.

     

    “Je te prie de croire que les opérateurs de centrale nucléaire […] sont eux aussi vannés”

    Je ne dis pas le contraire. Mais je fais remarquer que gérer un groupe de 25 gamins pendant une heure, ça peut être un peu plus fatigant qu’une heure assis derrière un bureau à trier des papiers,
    ce que font, désolé de le dire, certains salariés du public comme du privé. Même si tout travail a sa part de pénibilité. Je connais des salariés du privé, qui font leur 35h, qui rentrent le soir
    moins fatigués que moi. Ils ont pourtant passé plus de temps sur leur lieu de travail… Je ne les taxe pas de paresse, je me contente de constater. Excuse-moi mais il y a aussi des entreprises
    privés et d’autres services publics où le déroulement du travail est “cool”, même si c’est loin d’être la règle. Il est vrai que le salaire est aussi moins intéressant.

     

    “Il est possible que l’ascenseur se soit grippé tout seul. NON.”

    Pourquoi? Puisque le nombre de places disponibles diminue, il y a forcément engorgement. Si certains étages sont trop pleins, comment y accéder. Un exemple: le besoin en professeur a diminué ses
    dernières années. C’est un débouché en moins, y compris pour les enfants d’ouvriers (qui sont quand même assez nombreux dans ma profession).

     

    “Que tu me fasses dire des choses que je n’ai pas dites”

    Quand tu écris: “l’immense majorité des professeurs résiste à tout contrôle. Il doit bien y avoir une raison…”, excuse-moi de te dire que je perçois un certain sous-entendu du style “s’ils
    refusent tout contrôle, c’est qu’il y a anguille sous roche, beaucoup n’ont pas bonne conscience”… Maintenant je te pose la question franchement: peux-tu m’assurer la main sur le coeur que ce
    sous-entendu est totalement absent de ta formulation?

     

    “Ces exercices existent encore”.

    Mais ils ont régressé. Et on ne peut que s’en réjouir.

     

    “Connais-tu beaucoup de fils de professeurs qui redeviennent caissier de supermarché ou ouvrier du bâtiment?”

    Oh non! Par contre, j’en connais beaucoup qui deviennent des nuisibles et des improductifs, c’est-à-dire des saltimbanques, des “artistes”, tu vois le genre. Ils mènent une vie de bohème genre
    “peace and love”, grattent une guitare dans un hangar ou se prennent pour le futur Picasso. Tout cela aux frais de papa-maman, bien sûr. Ben oui: à force de dévaloriser le travail, l’école, la
    transmission, etc, il y a beaucoup d’enfants de la classe moyenne qui se laissent gagner par l’idéologie de “l’accomplissement de soi” par “le libre exercice de son génie créatif”… Tu vois,
    l’idéologie que tu dénonces est à double tranchant pour les classes moyennes. A force de dénigrer l’effort, même leurs rejetons se laissent gagner par la paresse intellectuelle.

     

    “Je trouve que la gentillesse entre personnes civilisées embellit le monde”

    C’est joliment dit. Je te présente mes excuses pour m’être montré… disons un peu abrupt. Je me suis laissé emballé par ce débat, je le reconnais.

     

    “Lorsque tu déclares que les déchets nucléaires posent problème, j’essaie de te montrer pourquoi tu te trompes”

    Non, tu as essayé de m’expliquer qu’il y avait des solutions satisfaisantes, nuance. Mais en soi, la radioactivité de certains déchets est un problème. Comme la durée de vie de certains déchets
    chimiques.

     

    Merci en tout cas pour ces éclairages.

    • Descartes dit :

      “J’avoue ne pas très bien comprendre ta réponse” Elle était ironique…

      En d’autres termes, tu évites la question. Je la répose donc: “si selon toi l’immense majorité des professeurs fait plus de 35 heures par semaine, pourquoi craignent ils autant un système de
      contrôle qui permettrait de le vérifier ?”

      Pour te répondre: les fiches en question constituent un appel à volontaire, et non une obligation.

      Elles sont donc en dehors de cette discussion. Ceux qui veulent en font, ceux qui ne veulent pas en font pas. Nous revenons au point de départ: en dehors des 18h de présence, il n’y a aucune
      autre obligation. Chacun fait ce qu’il veut. Tu comprendras qu’une telle “liberté” puisse choquer des gens obligés de travailler 35 heures par semaine, qu’ils le veulent ou pas, plus des heures
      supplémentaires qui, dans l’industrie, sont obligatoires.

      L’encadrement des sorties est compris dans les obligations de service si la sortie a lieu durant des heures de service normales. Dans le cadre d’une sortie qui a lieu en dehors ou qui dépasse
      le cadre horaire (sortie théâtre un soir, voyage qui demande un départ à 7h et un retour à 21h), les heures passées en plus du service ne sont pas rémunérées.

      C’est la même chose que dans l’industrie: si tu pars en mission, les heures de transport ne sont pas comptées comme heures supplémentaires.

      Pour les réunions, il en va différemment: elles sont obligatoires et non-rémunérées.

      Qu’est-ce que cela représente en charge horaire moyenne ? Qu’arrive-t-il à ceux qui ne viennent pas ?

      Dans un établissement modeste, tout le monde ou presque se retrouve inscrit dans une “commission”. Cela ne sert pas à grand-chose souvent, mais c’est “chronophage” comme on dit chez
      nous.

      Cela représente quelle charge horaire, en moyenne ?

      Tu te méprends cher Descartes. Je n’ai jamais prétendu que mon métier était le plus mal loti. Je dis juste qu’il y a des salariés du privé ou du public qui en bavent plus, c’est vrai… et il
      y en a peut-être d’autres qui en bavent un peu moins!

      En termes horaires, j’ai du mal à imaginer lesquels. Mais c’était pas là mon point. J’insiste encore une fois. Je ne dis pas que les profs travaillent trop ou pas assez. Je dis simplement qu’il
      faudrait que ce travail soit contrôlée, de manière que le citoyen-contribuable puisse vérifier que les fonctionnaires qu’il paye avec ses impôts travaillent raisonnablement. Pour tous les autres
      fonctionnaires, il y a un contrôle des horaires. Pourquoi les enseignants devraient y échapper ?

      Justement. Veux-tu que je te parle de mon collègue qui passe des heures à entretenir le réseau informatique de l’établissement, à dépanner les postes de la salle info, à installer les
      nouveaux postes, et qui aura, peut-être, quelques heures sup payées à la fin de l’année, si l’établissement a encore de l’argent?

      Pas la peine. Dans toute corporation, il y a toujours des êtres qui s’investissent à fond dans leur métier sans compter ni leur temps ni leurs efforts. Ceux-là n’ont rien à craindre d’un
      contrôle, puisqu’ils font largement plus que leurs obligations. Mais ces gens sont l’exception, pas la règle. Et je suis sur que tu pourras sans difficulté me citer, à côté de cette “rara avis”,
      quelques collègues qui en font le stricte minimum.

      Mais le contrôle, je l’ai dit, je n’y suis pas hostile. Serait-il possible de contrôler le travail fait à domicile, sur son ordinateur, y compris les week-ends? Existe-t-il des méthodes
      efficaces? Ce serait intéressant. Je suppose qu’il y a des moyens, puisque des salariés font du télétravail.

      Et s’il n’y a pas de moyens, pourquoi ne pas compter un temps de présence dans un lieu aménagé spécialement pour le travail ?

      Pourquoi? Puisque le nombre de places disponibles diminue, il y a forcément engorgement. Si certains étages sont trop pleins, comment y accéder.

      Si le nombre de places diminue, alors toutes choses égales par ailleurs il deviedra plus difficile pour tout le monde d’en obtenir une. Mais il n’y a aucune raison que
      proportionnellement elles deviennent moins accessibles aux fils d’ouvrier qu’au fils de médécin. Or, c’est ce qu’on observe. Ce n’est donc pas l’effet d’une simple diminution du
      nombre de places: certains ont mis en place des mécanismes pour s’assurer que les places vont à leurs enfants.

      Un exemple: le besoin en professeur a diminué ses dernières années. C’est un débouché en moins, y compris pour les enfants d’ouvriers (qui sont quand même assez nombreux dans ma
      profession).

      Pourquoi la simple réduction du nombre de places au concours devrait changer la répartition des postes entre les différentes couches sociales ?

      Quand tu écris: “l’immense majorité des professeurs résiste à tout contrôle. Il doit bien y avoir une raison…”, excuse-moi de te dire que je perçois un certain sous-entendu du style “s’ils
      refusent tout contrôle, c’est qu’il y a anguille sous roche, beaucoup n’ont pas bonne conscience”…

      Je t’ai posé la question, et tu as utilisé toi même l’ironie pour éviter de répondre. Je te la repose donc: à ton avis, pourquoi refusent-ils le contrôle, s’il n’y a pas “anguille sur roche” ?

      Maintenant je te pose la question franchement: peux-tu m’assurer la main sur le coeur que ce sous-entendu est totalement absent de ta formulation?

      Quand je te l’ai posée, il n’y avait pas de sous-entendu. Mais vu que tu ne proposes aucune explication rationnelle pour cette opposition, je me prends à douter…

      “Ces exercices existent encore”. Mais ils ont régressé. Et on ne peut que s’en réjouir.

      Certes. Mais je te rappelle que tu avais qualifié mon commentaire de “sottise”. Maintenant tu acceptes que de tels exercices existent bien, même s’ils ont regressé.

      Tu vois, l’idéologie que tu dénonces est à double tranchant pour les classes moyennes. A force de dénigrer l’effort, même leurs rejetons se laissent gagner par la paresse intellectuelle.

      Malheureusement, les classes moyennes sont championnes pour faire prendre en charge leurs conneries par l’ensemble de la société. Ces “artistes” seront pris en charge par le statut des
      intermittents et par les subventions du ministère de la culture…

      C’est joliment dit. Je te présente mes excuses pour m’être montré… disons un peu abrupt. Je me suis laissé emballé par ce débat, je le reconnais.

      Tu est tout excusé, l’incident est clos.

  13. “Pourquoi craignent-ils autant un système de contrôle qui permettrait de le vérifier?”

    Je ne sais pas s’ils le craignent. Ceux qui en font beaucoup ne sont pas contre. Je t’ai dit ce que j’en pensais: le contrôle, même pour la bonne cause, est souvent vécu comme un affront. 

     

    “Qu’est-ce que cela représente en charge horaire moyenne?”

    Difficile à dire, ça dépend des établissements. Dans un bahut où règne la “réunionite”, ça peut aller jusqu’à deux ou trois heures hebdomadaires pour les collègues les plus sollicités. Mais c’est
    irrégulier. De plus, certaines réunions demandent une concertation préalable, parfois la rédaction d’un document.

     

    “Qu’arrivent-ils à ceux qui ne viennent pas?”

    Remarque désobligeante du chef d’établissement, pénalité sur la note administrative qui nuit à l’avancement, risque de ne pas voir ses souhaits pris en compte pour l’emploi du temps de l’année
    suivante (et si tu savais comme certains tiennent à leur mercredi matin ou leur vendredi après-midi, libre s’entend!)… Un chef d’établissement a des moyens de pression, faut pas croire. Mais,
    je te l’accorde, on ne risque pas le licenciement sec. Tout simplement parce que les textes ne sont pas très clairs, évoquant de vagues mais nécessaires “implications dans le fonctionnement de la
    communauté éducative”. Cela laisse la porte ouverte à bien des interprétations. C’est le problème chez nous: il y a beaucoup d’implicite. 

     

    “En termes horaires, j’ai du mal à imaginer lesquels”

    Je te demande pardon mais, pour avoir fait un stage d’une semaine dans une entreprise industrielle, j’ai quand même noté qu’il y a parfois un certain écart entre le temps de présence et le temps
    de travail effectif. Dans certains bureaux, il arrive qu’on ne compte pas le temps passer à papoter… 

     

    “Et s’il n’y a pas de moyens, pourquoi ne pas compter un temps de présence dans un endroit aménagé?”

    Pourquoi pas. Mais, dans ce cas, si une semaine il y a plus de copies à corriger, celles du brevet blanc, par exemple, et qu’arrivé 17h le vendredi, je n’ai pas fini au bout de mes 40h de
    présence, nous sommes bien d’accord que ça attendra le lundi… Idem si la séquence pour le lundi suivant n’est pas finie. Je pense honnêtement que le problème vient de l’irrégularité du travail:
    en septembre-octobre, on travaille en général plus qu’en mai-juin. Il n’y a pas trois paquets de copies par semaine, ce serait trop beau, il y a des semaines avec un et d’autres avec cinq paquets
    de copies. Mais je me permets de te poser la question: en quoi est-ce gênant que je corrige mes copies et que je prépare mes cours le week-end? Après tout, le travail est fait puisque les élèves
    récupèrent leurs copies et qu’un cours leur est dispensé. On parle de temps de travail, mais l’important, est-ce le temps précisément comptabilisé ou est-ce le fait que le boulot soit fait? Les
    élèves ont un cours, des devoirs corrigés et notés, une leçon à apprendre à la maison. Ce que veulent les gens, c’est vérifier le temps de travail des profs ou que leurs gamins reçoivent un
    enseignement? Je te fais remarquer que le temps de présence n’est pas nécessairement un indice probant de la qualité du travail effectué… Si on nous met 40h dans les établissements et que, par
    ailleurs, on nous demande de concevoir des QCM (rigole pas, ça va venir… j’en ai mal au coeur) ou les exercices bêbêtes que tu évoquais, qu’est-ce que cela changera?

     

    D’autre part, je voudrais savoir une chose: disons que nous sommes tous à 40h dans notre établissement avec chacun un bureau. Et qui va vérifier que le prof est bien en train de taper un cours?
    Ce que je me demande, c’est si ta méthode ne va pas permettre à des petits malins de continuer à faire le minimum. Ou bien est-ce qu’un inspecteur viendra toutes les demi-heures? J’ai vu dans une
    entreprise les gens pointer. Mais une fois qu’ils avaient pointé, ils n’étaient pas tous immédiatement à leur poste de travail à bosser comme des forçats… Parfois ils mettaient 5 mn pour
    arriver, parfois 15… Je songe à une solution: le cahier de texte numérique. Jusqu’à présent, on se contente de mettre le plan du cours et quelques indications, parce que l’outil n’est pas très
    pratique (pour une pièce jointe il y a 50 % de risque de bug si elle dépasse trois pages…). Pourquoi ne pas améliorer l’outil afin de nous permettre d’y déposer toutes nos séquences, devoirs,
    activités? Le cahier numérique est accessible pour les parents. Ils pourront vérifier qu’on ne se tourne pas les pouces une fois rentrés chez nous.

     

    “Pourquoi la simple réduction du nombre de place devrait changer la répartition des postes entre les différentes couches sociales?”

    Parce que les enfants des milieux culturellement favorisés partent avec un bonus, indépendamment de l’école. Et ce bonus prend d’autant plus de valeur que la compétition est sévère. Avant, le
    mérite suffisait. De plus en plus, il faut le mérite… et quelques moyens financiers derrière.

     

    “Malheureusement les classes moyennes sont très douées pour faire payer leurs conneries à l’ensemble de la société”

    Enfin une partie des classes moyennes. Je connais bien des membres de la classe moyenne qui n’ont guère de tendresse pour les saltimbanques que je t’ai décrits. Moi le premier.

    • Descartes dit :

      “En termes horaires, j’ai du mal à imaginer lesquels” Je te demande pardon mais, pour avoir fait un stage d’une semaine dans une entreprise industrielle, j’ai quand même noté qu’il y a
      parfois un certain écart entre le temps de présence et le temps de travail effectif. Dans certains bureaux, il arrive qu’on ne compte pas le temps passer à papoter… 

      Oui, enfin, il faut beaucoup papoter pour passer des 35 heures reglementaires aux 18 heures des professeurs… bien entendu, l’entreprise c’est pas le goulag et les gens ne travaillent pas tout
      le temps à la schlague. Mais d’expérience – et j’ai fait beaucoup d’entreprises dans ma vie – en général ça bosse assez sérieusement. Et dans le privé, en dernière instance, c’est le patron qui
      juge. S’il n’est pas content de ta prestation, c’est la porte. S’il est content de te voir perdre la moitié de ton temps à papoter, c’est son problème, après tout, c’est lui qui paye. Ce n’est
      pas la même chose dans le public: notre “patron” est le contribuable, et il a le droit d’exiger des agens qu’ils fassent leur travail.

      Pourquoi pas. Mais, dans ce cas, si une semaine il y a plus de copies à corriger, celles du brevet blanc, par exemple, et qu’arrivé 17h le vendredi, je n’ai pas fini au bout de mes 40h de
      présence, nous sommes bien d’accord que ça attendra le lundi…

      Pas nécessairement: il y a des métiers ou le travail est irrégulier, et pour ces métiers on annualise souvent le temps de travail. Si une semaine tu fais plus de tes 40 heures, la semaine suivant
      tu en fais moins. Aussi longtemps qu’à la fin de l’année tu as fait tes 1600 heures, tout va bien…

      On parle de temps de travail, mais l’important, est-ce le temps précisément comptabilisé ou est-ce le fait que le boulot soit fait? Les élèves ont un cours, des devoirs corrigés et notés, une
      leçon à apprendre à la maison. Ce que veulent les gens, c’est vérifier le temps de travail des profs ou que leurs gamins reçoivent un enseignement?

      L’important, bien entendu, c’est que le travail soit fait et que les enfants reçoivent un bon enseignement. Moi je veux bien qu’on contrôle les profs non pas au temps passé mais aux résultats
      obtenus. Je doute cependant que dans le métier on arrive à se mettre d’accord sur des indicateurs de résultat acceptables par le citoyen-contribuable… dans ces conditions, on se trouve obligé à
      contrôler une obligation de moyens, c’est à dire, du temps passé. Ce n’est pas l’idéal, mais je ne vois pas d’autre solution.

      Il fut un temps où l’institution scolaire était respectée de tous. En ce temps-là, l’idée que les enseignants – les “hussards noirs de la République” – faisaient tout ce qui était dans leur
      pouvoir pour transmettre le savoir aux élèves était acceptée comme une évidence. Il y avait aussi probablement à cette époque des fainéants et des tire-au-flanc, mais l’institution même, par le
      biais de l’Inspection mais aussi la pression des collègues, faisait sa propre police. A cette époque-là, on n’avait pas besoin de “contrôler” le temps de travail des enseignants, puisque la
      qualité de leur travail faisait consensus.

      Ce temps est fini. Aujourd’hui, l’institution a été saccagée par les soixante-huitards et leur successeurs post-modernes. Et du coup, il n’y a plus consensus sur la qualité du travail des
      enseignants (et ce que je dis pourrait être étendu à bien d’autres agents de la fonction publique). Quoi que toi et moi puissions penser, il y a beaucoup de gens là dehors qui sont persuadés que
      les enseignants sont des bons à rien qui choisissent le métier pour avoir des vacances longues et qui foutent le minimum. C’est triste, mais c’est comme ça. Si l’on veut revaloriser
      l’institution, il faut que celle-ci fasse la police, et surtout qu’elle le montre. Je me fous de savoir si les préjugés des gens sont justifiés ou pas. S’ils le sont, il faut faire la chasse au
      tire-au-flanc et l’obliger à bosser. S’ils ne le sont pas, il faut montrer que c’est le cas. Dans les deux cas, il faut du contrôle.

      “Pourquoi la simple réduction du nombre de place devrait changer la répartition des postes entre les différentes couches sociales?” Parce que les enfants des milieux culturellement favorisés
      partent avec un bonus, indépendamment de l’école.

      Mais c’était le cas aussi pendant les “trente glorieuses”. Pourquoi à l’époque les fils d’ouvriers arrivaient quand même à Polytechnique en plus grand nombre qu’aujourd’hui ? Réponse: parce
      qu’ils avaient la chance d’avoir des instituteurs et des professeurs qui les détectaient, qui les encourageaient, qui faisaient ce qu’il faut pour leur donner leur opportunité dans la vie. Et
      crois-moi, je parle par expérience personnelle.

      (d’ailleurs, le nombre d’élèves par promotion à Polytechnique est aujourd’hui plus grand qu’il y a trente ans, difficile donc d’invoquer la raréfaction des places comme argument…).

      Et ce bonus prend d’autant plus de valeur que la compétition est sévère. Avant, le mérite suffisait. De plus en plus, il faut le mérite… et quelques moyens financiers derrière.

      Paradoxalement, notre système de sélection est peu sensible aux “moyens financiers”. Les enfants d’enseignants, par exemple, restent sur-représentés dans le succès scolaire, alors que les
      professeurs – du moins si je crois ce qu’ils disent – ne gagnent pas des sommes mirobolantes…

      Non, si les fils d’ouvrier ne bénéficient plus de l’ascenseur social, cela n’a rien à voir avec les “moyens financiers”.

       

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