Les hypocrites du premier mai

Le 1er mai, journée des travailleurs – et des travailleuses, pour reprendre le mantra de Sophie Binet – est habituellement une journée œcuménique à gauche. Alors que 364 jours par an les insoumis, les communistes, les socialistes, les écologistes et les différents groupuscules ne perdent une occasion de se bouffer le nez, ce jour-là les divisions sont cachées sous le tapis. On minimise ce qui nous sépare, on insiste sur ce qui nous unit. Et on regrette, rituellement, que l’unité ne soit plus étroite…

Cet œcuménisme donne lieu à de bien étranges rapprochements. Ainsi, ce premier mai on a vu défiler à Dunkerque Roussel, Tondelier, Ruffin mais aussi les trois principaux candidats à la direction du parti socialiste, Faure, Vallaud et Mayer-Rossignol. Sans compter la crème des socialistes locaux, tels le sénateur du Nord Patrick Kanner. La raison ? L’annonce par Arcelor-Mittal le 23 avril dernier d’un plan de suppression d’emplois de 640 postes dans différents sites du nord de la France, dont 300 pour le site de Dunkerque, 200 à Florange, 100 en Basse-Indre et 30 à Montataire. A cela s’ajoutent 300 postes déjà supprimés à Fos-sur-Mer. Déjà fin 2024 l’entreprise sidérurgique avait annoncé l’abandon du projet de décarbonation des hauts-fourneaux de Dunkerque (1,8 Md€ d’investissements).

Que Roussel manifeste avec les travailleurs du site de Dunkerque ne devrait étonner personne. Après tout, le PCF a une longue tradition de défense de l’industrie et une grande cohérence dans ses propositions à ce sujet. Mais voir des écologistes, des socialistes, des (anciens) insoumis, cela ne peut que susciter un certain scepticisme. Parce que si Dunkerque est aujourd’hui en difficulté, c’est en grande partie du fait des politiques et des textes qu’écologistes, socialistes et insoumis ont passionnément soutenu tant au niveau national qu’européen. Vous voulez une petite liste ?

Pourquoi l’acier européen n’est pas compétitif ? Ce n’est pas tant les salaires qui pèsent sur le prix à la tonne : la sidérurgie est un domaine intensif en capital, et le coût du travail ne pèse que marginalement. Non, le problème se trouve ailleurs. D’abord, dans les contraintes environnementales, et notamment les prix du carbone. Les industriels sont tenus de couvrir leurs émissions de CO2 par des certificats d’émission, dont le prix est passé de 37 €/t en 2021 à près de 70 €/t en 2024, pour tenir compte d’objectifs de plus en plus contraignants dans la matière fixés par l’Union européenne. Mais dites moi : qui à Bruxelles a milité pour que ces objectifs soient le plus contraignants possible ? Qui a dénoncé dans l’enceinte du Parlement européen ceux qui cherchaient à protéger les industries comme des traîtres à la cause de la planète ? Les écologistes et les insoumis. Peut-être que Marine Tondelier et François Ruffin pourraient expliquer aux Dunkerquois que si leur usine ferme, c’est bon pour la planète ?

La deuxième raison est, bien entendu, le prix de l’énergie. Et là encore, on retrouve nos amis écologistes, insoumis et socialistes à l’avant-garde. Tout ce beau monde est très sensible lorsque le prix de l’énergie pour le consommateur domestique monte, parce que le consommateur domestique est en même temps un électeur. Mais lorsqu’il s’agit de penser à l’industrie, il n’y a plus personne. Et surtout, il n’y a personne lorsqu’il s’agit de penser la question sur le long terme, et non en termes de subventions. Parce qu’il n’y a pas de secret : pour que l’énergie soit compétitive, il faut qu’elle soit abondante. Ce qui suppose la construction d’infrastructures – centrales électriques et réseaux pour l’électricité, gazoducs et oléoducs pour les hydrocarbures – et des politiques d’approvisionnement diversifiées qui permettent de s’affranchir des aléas géopolitiques. Et pour couronner le tout, une politique extérieure intelligente qui nous évite des erreurs comme la guerre en Ukraine, dans laquelle nous avons triplement fauté : d’abord en poussant l’Ukraine à une adhésion à l’OTAN qui ne pouvait qu’amener à piétiner les lignes rouges fixées par Moscou, ensuite en se fixant des objectifs irréalistes au lieu de chercher une sortie de conflit réalisable, enfin en s’engageant dans une politique de sanctions qui finalement a fait plus de mal à l’Union européenne qu’à la Russie.

Or, qu’est-ce qu’on observe ? Là encore, on trouve les écologistes et les socialistes du mauvais côté de la barrière. Sur les infrastructures, ces gens-là ont été au mieux négligents, au pire destructeurs. La fermeture de Fessenheim, c’est eux. Le sabotage des permis de recherche d’hydrocarbures, c’est eux. L’obstruction de tous les projets d’infrastructures, c’est eux. Le développement à grands coups de milliards des énergies renouvelables – milliards prélevés sur la consommation d’électricité – dont on n’a pas besoin et qui déstabilisent complètement les marchés de l’électricité et demain les réseaux, c’est encore eux.

Enfin, la troisième raison, c’est la question de l’investissement. La Chine ou l’Inde disposent d’unités de production modernes, tirant parti des dernières avancées des techniques, là où la sidérurgie européenne repose sur des unités vieillissantes. Personne n’investira massivement pour moderniser Dunkerque ou Fos. Et pas seulement à cause du prix de l’énergie ou la politique environnementale. Qui prendra le risque d’investir dans un continent dont l’économie est gouvernée par une Commission pour qui le simple terme de « politique industrielle » relève de l’hérésie, et qui reste persuadée qu’en laissant faire les marchés tout s’arrangera ? Qui prendra des risques dans un continent qui restera ouvert aux quatre vents alors même que ses concurrents lui ferment ses frontières ? Le sidérurgiste chinois sait que son gouvernement réagira fermement lorsque Trump taxe son acier. Le sidérurgiste européen sait qu’après moult tergiversations, l’Union européenne n’en fera rien.

Mais cette Union européenne, celle de la « concurrence libre et non faussée » et des frontières ouvertes, n’est pas venue de nulle part. Elle a été forgée au fil de traités comme celui de Maastricht… et là encore, où étaient les dirigeants écologistes, socialistes, insoumis ? Et bien, tous comme un seul homme du côté du « oui » à ce qu’ils qualifiaient à l’époque de « compromis de gauche ». Et même si certains d’entre eux peuvent à l’occasion – pour des raisons électorales – critiquer la construction européenne, ni les écologistes, ni les socialistes, ni les insoumis d’ailleurs, ne sont prêts à rompre avec la construction européenne, fatalement néolibérale.

Il n’est pas non plus inutile de rappeler comment on en est arrivé à mettre la sidérurgie européenne dans les mains de l’empire Mittal. En 2001, trois gros sidérurgistes européens Aceralia (Espagne), Usinor-Sacilor (France) et Arbed (Belgique-Luxembourg) pour créer un « champion européen », Arcelor. Seulement voilà, la Commission – et les Allemands – veille à la concurrence, et pour donner son accord à la fusion exige la vente d’un certain nombre d’unités de production et limite sa part de marché. Fin du rêve du « champion européen ». C’est une entreprise de taille plus modeste et donc plus vulnérable qui sort du processus, et qui fera l’objet d’une OPA hostile de Mittal en 2006, que les actionnaires d’Arcelor finissent par accepter, et à laquelle ni la Commission, ni les gouvernements concernés ne feront obstacle. Et comme l’OPA est financée par un endettement très important, on voit difficilement comment l’entreprise pourrait supporter les investissements nécessaires pour rester dans la course. Là encore, qui était aux commandes lorsque Arcelor fut créée ?

C’est pourquoi voir socialistes et écologistes défiler à Dunkerque a quelque chose de grotesque. La politique à l’âge postmoderne permet aux politiciens de se battre contre les conséquences des politiques mises en œuvre sans avoir à assumer leur contribution. On se souvient comment la gauche rassemblée, qui ne jure que par la réduction de la consommation d’hydrocarbures, s’était trouvée unie pour manifester contre la fermeture de la raffinerie de Petite Couronne, pourtant la conséquence logique de leurs propositions. « Dieu se rit des prières qu’on luy fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer », écrit Bossuet. S’il dit vrai, alors le Dieu à qui socialistes et écologistes adressent leurs prières aujourd’hui doit avoir mal au ventre à force de rire. Contrairement aux travailleurs d’ArcelorMittal Dunkerque qui, eux, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.

On ne le répétera jamais assez: l’essence de la démocratie, c’est la responsabilité des gouvernants, c’est l’obligation qui leur est faite d’assumer les conséquences de leurs décisions. Et cela suppose un minimum de mémoire, pour pouvoir mettre en rapport les discours de nos leaders aujourd’hui avec leurs actes d’hier. Ceux qui ont coulé notre industrie à Bruxelles ne devraient pas pouvoir se faire passer pour les premiers défenseurs des emplois industriels à Dunkerque ou ailleurs.

Descartes

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27 réponses à Les hypocrites du premier mai

  1. Evariste dit :

    Très juste Descartes! On ne peut faire fi de la responsabilité historique des acteurs politiques. .ï

  2. Sami dit :

    J’ai écrit un long laïus, mais je me suis rendu compte que je ne faisais que répéter mes sempiternelles litanies pessimistes quant à la situation politique actuelle.
    Donc, je vous en épargne cette fois-ci l’épreuve ! 😀 Merci encore pour cette analyse claire, simple, évidente, éclairante (sauf dans la tête de nos politiques toutes tendances confondues)

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Donc, je vous en épargne cette fois-ci l’épreuve !]

      Ne vous censurez pas. La répétition a aussi une fonction pédagogique…

  3. MJJB dit :

    [« Dieu se rit des prières qu’on luy fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer »]
     
    Que fait Dieu, lorsqu’on atteint le but que l’on s’est fixé, et que l’on fait croire que l’on s’afflige de ce qu’intérieurement, on jubile d’avoir obtenu ? L’hypocrisie ne se situe pas forcément là où on l’attend…

  4. tmn dit :

     
     
    [On ne le répétera jamais assez: l’essence de la démocratie, c’est la responsabilité des gouvernants, c’est l’obligation qui leur est faite d’assumer les conséquences de leurs décisions. Et cela suppose un minimum de mémoire, pour pouvoir mettre en rapport les discours de nos leaders aujourd’hui avec leurs actes d’hier.]
     
    Certes mais les médias devraient avoir pour rôle de solliciter cette mémoire, en expliquant comme vous le faites dans votre article le lien entre les décisions d’hier et les événements actuels. On ne peut pas dire qu’ils ne jouent leur rôle…
     

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [Certes mais les médias devraient avoir pour rôle de solliciter cette mémoire, en expliquant comme vous le faites dans votre article le lien entre les décisions d’hier et les événements actuels. On ne peut pas dire qu’ils ne jouent leur rôle…]

      Tout à fait. Notre système politico-médiatique est construit pour vivre l’instant présent. Au point qu’on regarde les leaders politiques comme s’ils avaient toujours été ce qu’ils sont aujourd’hui, comme si leur trajectoire n’avait aucun intérêt explicatif de leurs comportements présents – ou dans l’anticipation de leurs comportements futurs. Le cas de Mélenchon est d’ailleurs emblématique: les journalistes et les politiciens – même ceux qui lui sont acquis – parlent de lui comme s’il avait toujours été un gauchiste radical, oubliant qu’il fut pendant deux décennies un élu discipliné du Parti socialiste mitterrandien. Maastricht, connais pas…

  5. Toubib dit :

    Un politique assumer les conséquences de ses décisions !!!!!!!!!!!!
    Vous rêvez …….

    • Descartes dit :

      @ Toubib

      [Un politique assumer les conséquences de ses décisions !!!!!!!!!!!! Vous rêvez …….]

      Çà m’arrive, ça m’arrive…

  6. COUVERT Jean-Louis dit :

    Je suis sidéré lorsque je pense à tout (personnes, organismes, pays) ce qui cherche à nous détruire depuis des décennies, mais, je suis fier de voir que note beau pays, tout blessé qu’il soit n’est pas encore moribond ! Hélas, avec les dirigeants qu’ON s’est donnés et avec les politiques, hommes et femmes qu’ON a élus, je crains que la fin ne soit très proche ! Suis-je un parano pessimiste ?

    • Descartes dit :

      @ COUVERT Jean-Louis

      [Je suis sidéré lorsque je pense à tout (personnes, organismes, pays) ce qui cherche à nous détruire depuis des décennies, mais, je suis fier de voir que note beau pays, tout blessé qu’il soit n’est pas encore moribond ! Hélas, avec les dirigeants qu’ON s’est donnés et avec les politiques, hommes et femmes qu’ON a élus, je crains que la fin ne soit très proche ! Suis-je un parano pessimiste ?]

      Je ne suis pas, vous le savez, d’un naturel pessimiste, et j’ai tendance à voir les qualités plutôt que les défauts, les opportunités plutôt que les désastres. Mais je dois dire que depuis que Bayrou est installé à Matignon, j’ai moi aussi un coup de blues. Contrairement à ce qu’on nous raconte tous les jours, le problème n’est pas la paralysie des institutions, mais le fait que nos dirigeants politique s’en accommodent. On a beaucoup rigolé de ce pauvre Chirac et de sa dissolution en 1997, ou de ce pauvre De Gaulle et son référendum de 1969. Mais dans les deux cas, c’était de la vraie politique comme on aimerait la voir plus souvent : dans ces deux cas, il s’agissait d’agir pour éviter le blocage des institutions, quitte à donner le pouvoir à l’opposition. Tout le contraire de la dissolution de 2024, où l’ensemble de la classe politique s’est finalement entendue pour que tout continue comme avant – car qu’est-ce que le « front républicain » allant de la droite à l’extrême gauche, sinon la préférence pour la continuité ?

      Je ne sais si « la fin est proche », mais ce qu’on peut observer tous les jours, c’est que nos institutions tournent au ralenti, et que l’ensemble de la classe politico-médiatique se satisfait parfaitement de cette situation, où chacun trouve son intérêt. De LR au PS en passant par le « bloc central », la priorité n’est pas de gouverner le pays, mais de se trouver un chef capable de « gagner ». « Gagner » pour faire quelle politique ? On n’en sait rien. Probablement la même qu’on conduit depuis trente ou quarante ans avec les résultats que l’on sait. Quelle importance ? Ce qui est vital pour eux, c’est de soutenir le bon cheval, celui qui ne les oubliera pas à l’heure de distribuer postes et prébendes. Du côté de LFI, on se frotte les mains : la paralysie ne peut que servir leur stratégie de « bordélisation ». Et du côté du RN, la décapitation judiciaire ouvre la porte à une forme de « normalisation » qui remplit d’espoir ceux qui voudraient rompre avec le social-souverainisme et en faire un parti de droite « bourgeois ».

      Et pendant ce temps, on voit triompher la politique du chien crevé au fil de l’eau. On ne traite pas les problèmes, on s’adapte à eux. Ainsi, on découvre qu’une école primaire déménage dans de nouveaux locaux pour s’éloigner du « point de deal » de la cité. Oui, vous avez bien lu : ce n’est pas les dealers qu’on force à déménager – par exemple, dans une prison – mais l’école du quartier. Et parents et élus sont ravis, comme si on avait résolu le problème. Et comme on a renoncé à traiter les véritables questions, la politique se réduit à lancer de temps en temps des ballons d’essai, des petites phrases, pour voir si on arrive à intéresser l’opinion. Alors qu’on peine à mettre des enseignants dans les classes, des médecins devant les patients, que les infrastructures se dégradent, que les usines ferment avec leurs cortèges de licenciements, que le « point de deal » devient une institution dans beaucoup de quartiers au même titre que l’école ou la poste, à l’Elysée on parle de réformer les rythmes scolaires, à Matignon, d’un « référendum sur le budget », au Palais Bourbon on s’étripe sur la fin de vie. Tout ça tombe bien entendu à plat, parce que les priorités des citoyens ne sont pas là. Plus que de savoir comment on débranchera la grand-mère, les gens se demandent comment se soigner, comment trouver du travail, comment faire pour que le « point de deal » proche de chez eux ne leur pourrisse la vie.

      Malheureusement, je crois de moins en moins qu’on puisse faire l’économie d’une crise. Le système politique est tellement bloqué, ceux qui le pilotent ont tellement intérêt à ce que rien ne change, qu’il paraît illusoire de penser qu’une solution puisse sortir du système lui-même. La question est de savoir par quel côté l’ensemble va finir par craquer. Est-ce par une crise financière qui nous conduirait à ne plus pouvoir payer les dettes ? Par une explosion communautaire qui nous rapprocherait de la guerre civile ? Par l’élection d’un Donald Trump à la française ?

      • Vincent dit :

        [Et comme on a renoncé à traiter les véritables questions, la politique se réduit à lancer de temps en temps des ballons d’essai, des petites phrases, pour voir si on arrive à intéresser l’opinion.]

        Ma députée distribuait des tracts devant l’école cette semaine. Je l’ai sous les yeux. 4 pages A4.
        Page 1 : pour un réveil démocratique (en résumé : Trump est méchant, Marine le Pen, aussi, attention attention !)
         
        Page 2 :
        – Une proposition de Loi pour faire en sorte de faire valider par le Parlement les actes pris par un gouvernement démissionnaire (c’est bien, mais ça n’est pas au cœur des problèmes du pays…)
        – La proposition de Loi contre des déserts médicaux, dont elle se félicite (qui aura un effet inverse à l’objectif recherché, tout le monde le sait mais peu importe)
         
        Page 3 :
        – une protestation contre la baisse du nombre de postes dans les écoles primaires (sachant qu’il y a une baisse du nombre d’élèves)
        – Autocongratulation pour avoir introduit le non consentement au viol dans le code pénal (ce qui est une aberration d’un point de vue juridique, mais passe…)
        – Un peu d’actualité locale
        Page 4 : la députée et son équipe.
         
        Voilà, un beau tract 4 pages A4 en couleur, qui ne traite d’absolument aucun sujet important :
        – rien sur la désindustrialisation
        – rien sur les prix de l’énergie
        – rien sur les questions de sécurité
        – rien sur la communautarisation
        – rien sur l’absence totale de contrôle des frontières
        – aucune prise de position sur les questions de libre échange, alors même que la question se pose avec Trump
        – rien sur l’effondrement du niveau scolaire et les établissements publics du secteur qui deviennent des zones, alors même qu’il y avait 1/2 page pour parler d’école,
        – rien sur la politique étrangère, alors qu’il y a tout de même quelque sujets
        – rien non plus sur la crise démocratique actuelle, à part parler de la condamnation de Marine le Pen, et de crier au loup du danger Trump
        – Rien sur les enjeux autour de la Justice (trop d’autonomie, pas assez, trop sévère, pas assez, etc.)
        – Enfin, naturellement, pas un mot sur les enjeux européens
         
        Bref, on ne peut pas mieux illustrer votre propos. Comment faire un prospectus politique de 4 pages en n’abordant aucun sujet authentiquement politique !

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Ma députée distribuait des tracts devant l’école cette semaine. Je l’ai sous les yeux. 4 pages A4. (…)]

          Là, je vous trouve bien trop sévère. Chaque médium a sa propre logique. Un tract, ce n’est pas une revue théorique ou un texte programmatique. C’est un document simple prévu pour une lecture rapide, et destiné à informer d’une action en cours ou prévue, d’une question qui mérite une alerte immédiate. Un bon tract n’aborde jamais une question de fond – sauf lorsqu’il s’agit d’une invitation à un débat ou une conférence sur cette question.

          Si j’avais quelque chose à reprocher au tract que vous évoquez, c’est son caractère attrape-tout. Son but n’est pas d’accompagner une action, mais de mettre en valeur un bilan en donnant à chacun quelque chose à quoi s’identifier. Ce n’est pas là la fonction d’un tract, et je ne pense pas que ce genre de document soit politiquement très efficace…

          [Bref, on ne peut pas mieux illustrer votre propos. Comment faire un prospectus politique de 4 pages en n’abordant aucun sujet authentiquement politique !]

          Comme je le dis plus haut, je ne pense pas que ce soit une bonne « illustration ». Un tract n’est pas un document dans lequel on aborde des problèmes de fond, mais un objet qui cherche à mobiliser les gens pour une action concrète. D’ailleurs, dans les écoles du Parti on vous enseignait naguère qu’un tract devait avoir UN sujet, celui sur lequel on voulait concentrer l’action, et non un chapelet d’idées plus ou moins liées. On fait un tract pour alerter la population sur un texte qui passe bientôt au conseil municipal, pour l’appeler à manifester contre la fermeture d’une usine. On ne fait pas un tract « contre le capitalisme ». Pour cela, il y a d’autres média plus efficaces…

          Pour moi, ce qui illustre le mieux la « dépolitisation de la politique » c’est la hiérarchie des textes discutés à l’Assemblée et les annonces des ministres. On accorde 15 jours de débat en plénière au texte sur la « fin de vie », alors que le texte qui règle la politique énergétique de la nation pour les dix prochaines années mérite un après midi devant un hémicycle vide. La ministre de l’éducation prend la peine de faire une conférence de presse non pour parler des difficultés de recrutement ou de la chute catastrophique du niveau, mais pour annoncer un plan pour avoir « 50% de femmes dans les formations scientifiques ». Tout se passe comme si le monde politique s’était résigné à son incapacité à s’attaquer aux problèmes de fond, et voulait donner l’illusion d’une activité en discutant des symboles.

  7. Baruch dit :

    Souvenir de lycée: en 1964 je crois, notre professeur de géographie avant la première partie du bac, nous avait parlé du “développement de la métallurgie” et d’un très grand projet de liaison fluviale entre Dunkerque et Fos sur mer qui devrait permettre la liaison entre le nord de l’Europe et la Méditerranée .
    Plusieurs années plus tard je me souviens d’une campagne féroce d’abandon de ce projet “pharaonique” et destructeur de” biodiversité”, et du” patrimoine architectural” de la citadelle de Besançon autour de laquelle aurait dû passer . La meneuse de la campagne était Dominique Voynet.
    L’union entre PS et écologistes se fit entre autres sur l’abandon de cette infrastructure.
    C’est depuis d’ailleurs que tout le monde pense sérieusement que les écolos sont “de gauche” !
    Je ne me souviens plus de la date de cet abandon définitif, mais je pense que tout cela a eu à voir avec
    le renoncement à l’industrie en France , la liquidation du travail ouvrier , de la fierté ouvrière et que production et producteur sont devenus des gros mots .

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [Souvenir de lycée: en 1964 je crois, notre professeur de géographie avant la première partie du bac, nous avait parlé du “développement de la métallurgie” et d’un très grand projet de liaison fluviale entre Dunkerque et Fos sur mer qui devrait permettre la liaison entre le nord de l’Europe et la Méditerranée.]

      Vous faites référence au canal « du Rhin au Rhône », qui relie les deux bassins et permet effectivement d’aller « de Dunkerque à Fos ». C’est un projet très ancien : on trouve déjà l’idée chez Colbert et Vauban, qui y voient un moyen d’intégrer économiquement les régions frontalières conquises par la France de Louis XIV. Les premiers travaux sont réalisés entre 1784 et 1832 pour aboutir à un canal de petit gabarit (péniche de 10 tonnes). Entre 1882 et 1924, il est mis au « gabarit Freyssinet », c’est-à-dire, pour les péniches de 300 tonnes. Mais ce gabarit devient très insuffisant après la guerre, d’où le projet dans les années 1960 de le mettre au gabarit « européen » pour des péniches de 5000 tonnes. Une partie des travaux est réalisé, mais le projet est finalement abandonné en 1997 sur intervention de Dominique Voynet, ce qui exclut finalement tout usage industriel de la voie d’eau, qui ne sert aujourd’hui qu’au tourisme. Un bel exemple de la manière dont on abandonne progressivement chez nous l’industrie au profit d’une forme de « muséification » du pays. Le « musée des antiquailles » dont parlait Marc Bloch dans « l’étrange défaite »…

      [L’union entre PS et écologistes se fit entre autres sur l’abandon de cette infrastructure. C’est depuis d’ailleurs que tout le monde pense sérieusement que les écolos sont “de gauche” !]

      C’est que la gauche a changé. C’est d’ailleurs très amusant de voir cette évolution dans les symboles. En 1974, l’affiche de François Mitterrand, candidat unique de la gauche, le représentait avec pour fond un pylône électrique, avec le slogan « la France moderne ». Un septennat plus tard, en 1981, l’affiche le représentait avec pour fond un paisible petit village, et le slogan était devenu « la force tranquille ». En 1997, la « gauche plurielle » s’est constituée sur l’abandon des grands projets : renoncement au canal Rhin-Rhône, fermeture de Superphénix… la gauche, qui en France a été traditionnellement progressiste, positiviste, moderniste, rationaliste, est devenue réactionnaire.

      [Je ne me souviens plus de la date de cet abandon définitif, mais je pense que tout cela a eu à voir avec le renoncement à l’industrie en France, la liquidation du travail ouvrier, de la fierté ouvrière et que production et producteur sont devenus des gros mots.]

      En fait, c’est légèrement postérieur. En France, les projets d’infrastructure – peut-être parce qu’ils étaient souvent portés par les corps techniques de l’Etat – ont mieux résisté que l’appareil industriel privé, beaucoup plus sensible à la conjoncture. Alors que l’hécatombe industrielle date de la fin des années 1970 et du début des années 1980, l’abandon des grands projets d’infrastructure n’ont été actés que dans les années 1990 et au-delà. Mais les deux abandons font partie du même processus, celui qui amène les classes intermédiaires à intégrer le bloc dominant, ce qui en retour marginalise les couches populaires et la culture ouvrière.

  8. Axelzzz dit :

    Il est sain de rappeler certains à leurs incohérences (coupables) – merci pour cela.
    L’incohérence du discours écolo est me semble t il particulièrement grave. Par exemple, le choix de la désindustrialisation est de la France serait donc bon pour la planète selon ces personnes. J’avoue que ce niveau d’incompréhension du fonctionnement d’un système économique global me stupéfait. Comment croire que délocaliser en Chine (par exemple) une industrie profondément énergivore va améliorer les conditions climatiques? Un peu comme à l’époque du pacifisme utopique de l’époque du flower power: l’important c’est qu’il y ai moins d’armes et de dénoncer les soldats qui tuent. Commençons par supprimer notre armée peu importe ce que feront les autres pays ou empires… 
    Or cette incapacité à penser au-delà d’un sentiment de culpabilité à l’échelle de son petit jardin est exactement à l’opposé de la notion de climat qui n’a de sens qu’à l’échelle globale. En somme ces écolos luttent pour accentuer du moins marginalement le problème climatique. Au nom de quoi le font ils ? D’une morale ? pas vraiment. Plutôt pour se payer le plaisir de dénoncer les actions des autres. La diabolisation de la production comme cache sexe de leur propre impuissance. Une forme de nihilisme qui confine à l’idiotie, comme en son temps les religions les moins éclairées.  
    Je suis par contre en désaccord quant à la présentation de la guerre en Ukraine: ‘nous’ n’avons pas poussé à l’adhésion à l’OTAN – certainement pas la France, ni l’Allemagne, et encore moins les gauches françaises – , il n’y a bien que dans le narratif des services Russes que les sanctions ne font plus de mal à l’Europe qu’à la Russie. J’arrête là, ce point n’étant pas le coeur du sujet (loin de là) – j’avoue que le trouver ainsi mentionné alors que manifestement vous n’en êtes pas spécialiste, teinte votre propos d’une posture partisane qui le dessert.
    Axelzzz

    • Descartes dit :

      @ Axelzzz

      [L’incohérence du discours écolo est me semble t il particulièrement grave. Par exemple, le choix de la désindustrialisation est de la France serait donc bon pour la planète selon ces personnes. J’avoue que ce niveau d’incompréhension du fonctionnement d’un système économique global me stupéfait. Comment croire que délocaliser en Chine (par exemple) une industrie profondément énergivore va améliorer les conditions climatiques ?]

      Tout à fait. L’écologisme a réussi à pousser la gauche à renoncer à contester sérieusement le capitalisme, tout en imaginant qu’avec un peu de volontarisme on peut échapper à ses règles de fer. On veut la libre concurrence, et en même temps on impose en France en particulier et ne Europe en général des règles « écologiques » qui ne peuvent aboutir qu’à la délocalisation des activités les plus polluantes…

      [Or cette incapacité à penser au-delà d’un sentiment de culpabilité à l’échelle de son petit jardin est exactement à l’opposé de la notion de climat qui n’a de sens qu’à l’échelle globale. En somme ces écolos luttent pour accentuer du moins marginalement le problème climatique. Au nom de quoi le font ils ? D’une morale ? pas vraiment. Plutôt pour se payer le plaisir de dénoncer les actions des autres.]

      Pardon : cela leur permet surtout d’échapper à la culpabilité. Ils appartiennent à la classe qui pille la planète, et en même temps ils sont du « bon » côté de l’histoire parce qu’ils ont fait voter au Parlement européen la neutralité carbone pour 2050…

      [Je suis par contre en désaccord quant à la présentation de la guerre en Ukraine: ‘nous’ n’avons pas poussé à l’adhésion à l’OTAN – certainement pas la France, ni l’Allemagne, et encore moins les gauches françaises – ,]

      Bien sur que si. L’Allemagne et la France ont laissé l’Ukraine inscrire cet objectif dans leur constitution, sans jamais dire clairement qu’ils utiliseraient leur véto pour empêcher cette adhésion, et en encourageant en sous-main les gouvernements ukrainiens à maintenir leur cap. L’Allemagne et la France ont aussi poussé à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union europenne, alors que les traités européens font de l’OTAN le pilier de la défense européenne… Il est vrai que l’Allemagne et la France n’ont pas, publiquement, soutenu l’Ukraine dans cette voie. Mais en matière de politique internationale, l’ambigüité sert souvent à cacher ses véritables orientations.

      [il n’y a bien que dans le narratif des services Russes que les sanctions ne font plus de mal à l’Europe qu’à la Russie.]

      La Russie est aujourd’hui en croissance, l’Allemagne en récession. Ce sont là des faits, pas une quelconque « narrative ». Le fait est que l’Union européenne est plus dépendante de la Russie que la Russie de l’Europe : la Russie nous vendait du gaz que nous ne trouvons pas facilement ailleurs au même prix, alors que l’Europe ne fabrique guère de choses dont la Russie ne puisse s’en passer.

  9. giorgio novi dit :

    nota: pour moi et je l,est vecue la desintrulisarion as commencé en france avec la fermeture des mines de charbon du nord pas de calais et la liquidation de usinor dans le valenciennois et denain en 1979! le cauchemar commencé!

    • Descartes dit :

      @ giorgio novi

      [nota: pour moi et je l,est vécue la desindustrialisation as commencé en France avec la fermeture des mines de charbon du nord pas de calais et la liquidation de Usinor dans le valenciennois et Denain en 1979! le cauchemar commencé!]

      On pourrait aussi mentionner le textile, et surtout la machine outil, dont l’hécatombe date du milieu des années 1970. Mais la question est beaucoup plus complexe que la simple question du maintien de ces industries. Le charbon était condamné, tout simplement parce qu’il était rationnel d’abandonner un certain nombre d’usages pour lesquels il était hautement polluant et pouvait raisonnablement être remplacé par des alternatives. Le problème n’est pas tant qu’on a arrêté des “vieilles” industries, c’est qu’on n’a pas su les remplacer par des industries plus modernes. Qu’on fabrique des semi-conducteurs plutôt que du charbon, des machines-outil à commande numérique plutôt que des tours manuels, ce ne serait pas un problème. Le problème, c’est qu’on a laissé mourir les “vieilles” industries sans rien y mettre à la place…

  10. cdg dit :

    On retrouve ici les tetes de turcs habituelle de l auteur, l UE et le PS/ecologiste et l absolution du PCF qui est pourtant leur allié a chaque election. Bon on ne va pas changer Descartes surtout si certaines critiques sont fondées (par ex les ecologistes veulent moins de pollution tout en refusant de dire que ca implique une chute du niveau de vie)
     
    Par contre il faut quand meme signaler dans le cas de l acier qu on a une surproduction : https://www.usinenouvelle.com/article/la-chine-veut-reduire-la-cadence-sur-l-acier-en-surproduction.N2228505
    Donc il faut forcement des fermetures de sites. Je sais que l auteur me dira qu il faut fermer les usines chinoises pour preserver les francaises (d apres l article de l usine nouvelle les chinois ferment deja des usines). Seul probleme d une politique protectionniste : la france exporte plus d acier qu elle en importe (https://www.businesscoot.com/fr/etude/le-marche-de-l-acier-france)
    Donc si on bloque les importations on va forcement perdre nos exportations et donc devoir fermer certaines usines …
    PS : il y a differentes gammes d acier, ca va de l acier pas cher pour ferrailler le beton aux aciers speciaux bien plus cher (par ex pour les roulements a billes). Si la France reussit a etre exportatrice nette c est grace aux seconds. Je suis pas sur que depenser l argent du contribuable pour subventionner la fabrique de fer a beton et fermer les usines d acier speciaux qui vendent a l export soit une si bonne idee

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [On retrouve ici les tetes de turcs habituelle de l auteur, l UE et le PS/ecologiste (…)]

      On ne prête qu’aux riches… cela étant dit, je constate que vous ne contestez pas la réalité des faits que j’évoque.

      [(…) et l’absolution du PCF qui est pourtant leur allié a chaque election.]

      Je ne pense avoir « absous » du PCF de rien du tout. J’ai été très critique du PCF dans beaucoup de papiers. Mais je sais rendre honneur à qui honneur est dû. Pour ce qui concerne la question de l’industrie ou du nucléaire, il faut reconnaître au PCF une certaine cohérence. Reconnaissance d’autant plus nécessaire que cette cohérence devient rare, et qu’elle implique pour le PCF d’aller contre le courant, ce qui lui a coûté historiquement pas mal de voix.

      [Bon on ne va pas changer Descartes surtout si certaines critiques sont fondées (par ex les ecologistes veulent moins de pollution tout en refusant de dire que ca implique une chute du niveau de vie)]

      Autrement dit, vous voudriez me changer MEME si mes critiques « sont fondées » ? Dont acte…

      [Par contre il faut quand meme signaler dans le cas de l acier qu on a une surproduction : (…)]

      Reste à definir que est ce « on » qui « a une surproduction » d’acier…

      [Donc il faut forcement des fermetures de sites. Je sais que l’auteur me dira qu’il faut fermer les usines chinoises pour préserver les françaises (…).]

      Ce qui est reposant avec vous, c’est que vous faites les réponses à ma place…

      [Seul problème d’une politique protectionniste : la France exporte plus d’acier qu’elle en importe (…) Donc si on bloque les importations on va forcement perdre nos exportations et donc devoir fermer certaines usines …]

      Absolument pas. Si on pratique une politique protectionniste, nous exporterons peut-être moins d’acier. Mais nous importerons aussi moins de pièces de voitures, qu’il deviendra rentable de fabriquer chez nous… et qui demanderont plus d’acier. Et puis, pour fabriquer ces pièces il nous faudra des machines outil et des outillages qui eux aussi seront fabriqués chez nous, et qui demandent des aciers particulièrement fins. Autrement dit, le protectionnisme nous fera perdre des exportations d’acier, mais augmentera la demande intérieure d’acier…

      Je vous rappelle que l’objectif d’un « protectionnisme intelligent » n’est pas de produire un excédent global, mais d’arriver à l’équilibre des échanges extérieurs. Et qu’il faut donc évaluer ses effets GLOBALEMENT, et non pas secteur par secteur…

      [Si la France réussit à être exportatrice nette c’est grâce aux seconds. Je ne suis pas sûr que dépenser l’argent du contribuable pour subventionner la fabrique de fer a béton et fermer les usines d’aciers spéciaux qui vendent à l’export soit une si bonne idée]

      Le problème, c’est qu’avec la libre concurrence on ferme les unes et les autres. Parce que ne vous faites aucune illusion, les chinois nous concurrencent non seulement sur les aciers de base, mais aussi sur les aciers fins. Les chinois ne sont pas idiots, ils ont eux aussi compris l’intérêt à développer ce type de produit…

      • cdg dit :

        [Si on pratique une politique protectionniste, nous exporterons peut-être moins d’acier. Mais nous importerons aussi moins de pièces de voitures, qu’il deviendra rentable de fabriquer chez nous… et qui demanderont plus d’acier. Et puis, pour fabriquer ces pièces il nous faudra des machines outil et des outillages qui eux aussi seront fabriqués chez nous, et qui demandent des aciers particulièrement fins. Autrement dit, le protectionnisme nous fera perdre des exportations d’acier, mais augmentera la demande intérieure d’acier…]
        Ca reste quand meme a prouver. Supposons qu on supprime toutes les importations de voitures. On va donc produire plus de voiture en France (mais pas tellement plus car le prix des voitures sera nettement plus elevé, pas tant parce que les mechants capitalistes veulent se gaver mais tout simplement parce qu il faudra repartir le cout de l usine et de la R&D sur bien moins de voitures et qu une usine qui fait 10000 est plus productive que 2 usines a 5000)
        Par contre il faudra faire une croix sur l export. On ne vendra plus de voiture a l exportation (soit a cause de mesure de retorsion soit parce que nos voitures 100% made in france sont trop cheres). Et on vendra aussi moins de composants (par ex NTN fabrique des roulement a bille en France et devra faire une croix sur ses ventes a l export)
        Autrement dit on produira plus de tole pour faire des portieres, moins d acier a roulement car on aura perdu l export, le tout pour fabriquer des voitures qui seront plus cheres … Pas evident qu on soit gagnant
         
        PS : Pour les machines outils ou certains composants on sait meme plus les produire en France ou on a jamais su (la robotique ou les processeurs) : c est meme pas une question de prix
         

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [« Si on pratique une politique protectionniste, nous exporterons peut-être moins d’acier. Mais nous importerons aussi moins de pièces de voitures, qu’il deviendra rentable de fabriquer chez nous… et qui demanderont plus d’acier. Et puis, pour fabriquer ces pièces il nous faudra des machines outil et des outillages qui eux aussi seront fabriqués chez nous, et qui demandent des aciers particulièrement fins. Autrement dit, le protectionnisme nous fera perdre des exportations d’acier, mais augmentera la demande intérieure d’acier… » Ça reste quand même à prouver.]

          Bien entendu. Il y a un calcul à faire. Mon but n’était pas de conclure, mais de vous montrer qu’il y a des boucles de rétroaction dans tous les sens qui font qu’on ne peut pas se contenter d’une description aussi schématique que celle que vous exposez. Les politiques protectionnistes jouent autant sur les importations que sur les importations, et c’est pourquoi il faut un « protectionnisme intelligent », qui vise à l’équilibre des échanges, et non à l’autarcie.

          [Supposons qu on supprime toutes les importations de voitures.]

          Mais pourquoi « toutes » ? Je le répète : l’objectif du protectionnisme que je propose n’est pas l’autarcie, mais l’équilibre de la balance des échanges. Il ne s’agit pas d’interdire « toutes » les importations, mais de créer des barrières qui équilibrent les échanges, et dans la mesure du possible de conserver chez nous les productions considérées comme stratégiques. Vous noterez que je n’ai jamais contesté l’intérêt des avantages comparatifs…

          [On va donc produire plus de voiture en France (mais pas tellement plus car le prix des voitures sera nettement plus elevé,]

          Le prix ABSOLU, c’est possible. Mais pas nécessairement le prix relatif. Parce que plus de voitures produites, c’est moins de chômeurs, donc moins de cotisations chômage à payer par l’affreux capitaliste, qui pourra donc baisser le prix de ses voitures d’autant. Et puis, plus de gens au travail c’est plus de salaires payés, et donc plus de demande de voitures…

          [PS : Pour les machines outils ou certains composants on sait meme plus les produire en France ou on a jamais su (la robotique ou les processeurs) : c est meme pas une question de prix]

          Et bien, même si « on ne sait plus », on peut apprendre. On n’est pas plus idiots que les autres. Bien entendu, pendant cet « apprentissage » il faut protéger le secteur, parce qu’autrement aucun de ceux qui se lanceront dans ce domaine ne survivra assez longtemps pour compléter son apprentissage. On a « appris » à faire des réacteurs nucléaires, on peut « apprendre » à faire des tours et des fraiseuses.

          Quant à l’idée qu’on n’a « jamais su »… c’est inexact. On a produit en France des processeurs et des automates programmables – Télémecanique fut en son temps même leader dans ce champ.

  11. Denis W dit :

    Bonjour Descartes,
    Merci pour ce billet très juste auquel on aurait pu ajouter l’exemple terrible de Vencorex, entreprise de la chimie grenobloise, productrice de sel pour l’aéronautique, la défense et le nucléaire et qui vient d’être sacrifiée sur l’autel de la guerre impérialiste en Ukraine, de la libéralisation du marché de l’électricité et de la libre circulation du capital à l’échelle mondial (reprise par un groupe chinois moyennant le licenciement de 400 salariés).
    Vous parlez d”erreur” pour la guerre en Ukraine, vous évoquez des choix politiques idéologiques (écologie). J’aimerais avoir votre avis : nos politiques européens sont-ils de doux rêveurs, des naïfs aveuglés par leur bien pensance (fût elle coupable), leur volonté idéaliste de sauver l’Ukraine et la planète ? Si ce n’est pas le cas, qu’est ce qui pousse réellement selon vous, les dirigeants européens (les Macron, Scholl, Scholz, Von Der Leyen…) à sacrifier le capitalisme industriel européen sur la branche duquel ils sont pourtant assis ?
    Y a t-il encore plus de profits à faire en le sacrifiant ?
    Bien à vous,
     

    • Descartes dit :

      @ Denis W

      [Merci pour ce billet très juste auquel on aurait pu ajouter l’exemple terrible de Vencorex, entreprise de la chimie grenobloise, productrice de sel pour l’aéronautique, la défense et le nucléaire et qui vient d’être sacrifiée sur l’autel de la guerre impérialiste en Ukraine, de la libéralisation du marché de l’électricité et de la libre circulation du capital à l’échelle mondial (reprise par un groupe chinois moyennant le licenciement de 400 salariés).]

      N-ième chapitre d’une longue histoire…

      [Vous parlez d”erreur” pour la guerre en Ukraine, vous évoquez des choix politiques idéologiques (écologie). J’aimerais avoir votre avis : nos politiques européens sont-ils de doux rêveurs, des naïfs aveuglés par leur bien pensance (fût elle coupable), leur volonté idéaliste de sauver l’Ukraine et la planète ? Si ce n’est pas le cas, qu’est ce qui pousse réellement selon vous, les dirigeants européens (les Macron, Scholl, Scholz, Von Der Leyen…) à sacrifier le capitalisme industriel européen sur la branche duquel ils sont pourtant assis ?]

      Je ne crois pas au machiavélisme en politique. La plupart des politiciens agissent par conviction, parce qu’ils arrivent à se convaincre eux-mêmes que ce qu’ils font est le mieux pour l’humanité (alors que souvent c’est le mieux pour la classe sociale qu’ils représentent). On peut parler « d’erreur » dans le sens où les choix qu’ils ont fait ne sont pas les meilleurs pour faire avancer les objectifs qu’ils proclament. Au départ, le but était de la présence internationale et la sécurité de l’UE, et de défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on aboutit au résultat inverse : l’UE est sortie de l’histoire – les affaires du monde se discutent maintenant entre les Russes et les Américains – et ne semble plus pouvoir compter sur le parapluie américain. Sans compter sur le fait que l’envolée des prix de l’énergie pousse les principales économies européennes dans la récession. L’Ukraine n’est pas près de récupérer son intégrité territoriale.

      • Denis W dit :

        Je vous remercie de votre réponse. Je reste très perplexe quant au fait que les Macron, Von Der Leyen et consorts aient quoi que ce soit à cirer du sort de l’Ukraine, des ukrainiens, de leur intégrité territoriale et de leur souveraineté. Preuve en est  leur jusqu’au boutisme guerrier dont il est impossible de ne pas voir aujourd’hui, même avec la meilleure imbécilité du monde, qu’il est purement et simplement un sacrifice de la population ukrainienne et de son territoire. Bien sûr il y a des idiots utiles, qui peuvent sincèrement croire à la cause, mais pas au delà d’un certain niveau de responsabilités selon moi.D’ailleurs, l’Ukraine n’étant ni un pays de l’UE, ni un pays de l’OTAN, on ne voit pas pourquoi nos élites européennes auraient plus de compassion pour l’intégrité territoriale de celle ci que pour celle de la Serbie qu’on a démembré à coups de bombes, (sans parler de la Lybie ou de la Palestine).Angela Merkel et François Hollande, en avouant publiquement que les accords de Minsk n’avaient jamais eu pour objet d’être apliqués, mais seulement de donner à l’armée ukrainienne le temps de se renforcer, n’ont-ils pas fait preuve d’un machiavélisme des plus assumés ?Bien à vous

        • Descartes dit :

          @ Denis W

          [Je vous remercie de votre réponse. Je reste très perplexe quant au fait que les Macron, Von Der Leyen et consorts aient quoi que ce soit à cirer du sort de l’Ukraine, des ukrainiens, de leur intégrité territoriale et de leur souveraineté. Preuve en est que leur jusqu’au boutisme guerrier dont il est impossible de ne pas voir aujourd’hui, même avec la meilleure imbécilité du monde, qu’il est purement et simplement un sacrifice de la population ukrainienne et de son territoire.]

          Je pense que vous simplifiez à l’excès. Bien sûr, l’establishment européen défend ses intérêts, et le sort de l’Ukraine, sa souveraineté ou son intégrité territoriale ne sont que des prétextes. On a pu voir combien ces « principes sacrés » étaient mis sous le tapis lorsque l’OTAN a bombardé la Serbie pour obtenir qu’elle abandonne l’une de ses provinces, le Kossovo. Comme quoi, l’adhésion des élites européennes aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale dépendent beaucoup du contexte.

          Cela étant dit, comme le dit le dicton chinois, celui qui chevauche un tigre a du mal à descendre de selle. Après avoir pendant deux ans – et quelques dizaines de milliers de morts – proclamé qu’aucune solution qui ne laisserait l’Ukraine intègre et souveraine n’était acceptable, il devient très difficile de dire publiquement le contraire. D’où les contorsions en cours, où l’on parle de « négociations » tout en disant qu’il n’y a rien à « négocier », puisque seul le retour au statu quo ante est acceptable. Après avoir diabolisé Poutine, on ne peut rien lui concéder. C’est pourquoi les européens se sont mis dans une situation impossible, qui d’une certaine manière les condamne à l’échec. Parce qu’à la fin, la paix se fera, et elle se fera à des conditions que les européens ont proclamé par avance inacceptables.

          Reste la question de savoir jusqu’à quel point les politiques au plus haut niveau croient ce qu’ils disent. Contrairement à vous, je les pense beaucoup moins cyniques, parce que beaucoup plus capables de s’auto-convaincre de ce qui les arrange sur le moment, quitte plus tard à admettre que les faits ne correspondaient pas à leur discours.

  12. Denis W. dit :

    En fait, je crois que nous sommes d’accord.
    Cyniques ou pas, machiavéliques ou niais, les dirigeants actuels de l’UE savent, consciemment ou non, qu’il en va de leur intérêt personnel et de classe que la guerre se maintienne, plutôt qu’une paix survienne qui révèlerait rétrospectivement, leurs mensonges et/ou bêtise.
    Bien à vous,

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