Il était une fois, dans un pays lointain, un pieux musulman nommé Mohammed. Il ne se rasait pas, faisait l’aumône, célébrait comme il se doit fêtes et jeûnes. Mais il avait un petit défaut: il ne pouvait s’empêcher de regarder en permanence ce que faisaient ses voisins et de comparer leur situation à la sienne. Et voilà qu’un soir qu’il était seul dans sa maison un génie apparut devant lui et lui dit: “Pour recompenser ta piété, Allah m’envoie pour réaliser trois voeux. Mais tu dois savoir que tout ce que tu me demanderas, ton voisin l’aura en double”. Mohammed réflechit quelques secondes, et puis il dit au génie: “je voudrais un coffre rempli à ras bord d’or et de joyaux”. Et , Oh miracle!, voilà que devant lui apparaît un coffre énorme rempli d’or, de perles, de diamants, d’émeraudes”. Et à cet instant, il entend le plus grand tapage dans la maison de son voisin, et il entend celui-ci crier “Oh miracle! Allah m’envoie deux magnifiques coffres remplis d’or et de joyaux !”. Mohammed commence à réflechir à son deuxième voeu, et dit au génie: “je voudrais avoir pour moi la plus belle des femmes”. Et voilà que devant lui apparaît une femme dans la plénitude de sa beauté. Seulement, il entend son voisin crier “Allah soit loué, qui m’envoie deux femmes aussi belles que les houris du Paradis !”. Pour son troisième voeu, Mohammed réfléchit longtemps, au point que le génie lui demande: “alors, tu ne veux rien de plus, tu est comblé ?”. Et Mohammed répond: “je voudrais qu’on me coupe un testicule”. Et en entendant les cris désespérés du voisin, le génie disparaît dans un grand éclat de rire.
Il y a quelques années, un auteur argentin avait fait une distinction intéressante entre les “rebelles” et les “révolutionnaires” (1). Pour lui, la différence réside en ce que le révolutionnaire conçoit son action en fonction d’un but politique prédéfini, alors que le rebelle la conçoit en fonction d’un autre qui lui sert de contre-modèle. Il en déduisait par un raisonnement fort convaincant qu’alors que pour le révolutionnaire les moyens sont secondaires par rapport au but, pour le rebelle la hiérarchie se trouve inversée, puisque ce n’est pas tant le fait d’atteindre le but qui importe, mais le fait que cela se sache. Si cet auteur était encore vivant, il trouverait sa théorie confirmée jusqu’à l’absurde par le fonctionnement actuel de la gauche française. En trente ans, on est passé progressivement d’une gauche qui voulait “changer la vie” à travers de toute une batterie de projets – certains raisonnables, d’autres absurdes, mais qui avaient le mérite d’exister – à une gauche qui n’arrive à définir son projet que par rejet du projet des autres.
Prenons un exemple: le positionnement de François Hollande. Pendant toute sa campagne, il a construit son argumentation sur un canevas qu’on peut réduire à une seule formule: “je ne serai pas comme mon prédécesseur”. Une fois élu, cela n’a guère changé. Sa prestation à France 2 mardi dernier était presque caricaturale: chaque paragraphe commençait, explicite ou implicitement, par un “contrairement à mon prédécesseur…”. Et comme l’imitation est la meilleure des flatteries, ses ministres font de même: Manuel Valls, en prenant les rennes du ministère de l’intérieur des mains de Claude Guéant n’a guère détaillé son projet, mais a pris soin de dire qu’il serait tout le contraire de l’action de son prédécesseur. Comme si le fait de faire le contraire de l’autre constituait un programme.
Dans la gauche radicale, c’est encore pire. Chez le NPA, le nom même choisi par l’organisation annonce la couleur: alors que la plupart des partis ont au moins le soin d’indiquer ce vers quoi ils tendent (“socialiste”, “communiste”, “démocrate”, “libéral”…) le NPA adopte une démarche négative: il est “anticapitaliste”. Difficile de dire plus clairement combien sa réflexion est soumise à l’autre. Chez le Front de Gauche, ce n’est guère mieux. La démarche programmatique des débuts – dont j’ai critiqué plusieurs fois sur ce blog les faiblesses – était certainement mal conduite. Mais au lieu d’essayer de l’améliorer, elle a été progressivement abandonnée pour laisser la place à un comportement purement réactif aliéné au Front National: si le FN est contre l’Euro, il faut être pour; si le FN veut virer les immigrés, on déclare que la France n’a pas d’avenir sans eux; si le FN présente son leader à Hénin-Beaumont, il faut que le Petit Timonier se présente contre elle dans la même circonscription. Et ainsi de suite. Alors que l’Europe en général et la France en particulier s’enfoncent dans la crise, la récession, le chômage, la désindustrialisation, que le pays est en attente d’analyses, de propositions et de projets, le Front de Gauche communique sur d’obscures bagarres de colleurs d’affiches, de distributions de faux tracts, de plaintes en justice et autres joyeusetés qui passionnent certainement les militants mais qui n’intéressent personne d’autre.
Ce mode de pensée est, presque par définition, un mode de pensée aliénant. L’idéologie “libérale-libertaire” qui domine notre société depuis mai 1968 veut que la “désobéissance” soit la forme la plus éclatante de la liberté. Mais c’est faux: l’obéissance systématique et la désobéissance systématique à l’autre sont au même titre des aliénations. Dans les deux cas, c’est une conduite qui n’est pas issue d’un libre examen, mais qui se soumet – positive ou négativement – aux choix faits par quelqu’un d’autre. Lorsqu’on est “obligé” de désobéir, on est aussi aliéné que lorsque’on est “obligé” d’obéir. La liberté, c’est de faire des choix en fonction de sa propre analyse de la réalité sans être tenu – positive ou négativement – par la vision des autres. Notre image dans le miroir a beau faire lever le bras gauche quand nous levons le droit, elle n’est pas pour autant “libre”.
Je me suis toujours battu contre l’antisarkozysme primaire précisément pur cette raison: parce qu’on ne peut pas réflechir rationnellement alors qu’on se considère obligé de défendre le port de la burqua parce que le président est contre, au point que présenter une candidate voilée devient un acte de résistance. Je me suis toujours battu contre l’antisocialisme primaire d’une certaine gauche radicale parce qu’il empêche, lui aussi, de réfléchir à des comportements tactiques et stratégiques rationnels. Et de la même manière, j’ai toujours été contre la fixation que certains font sur le Front National au point de dire qu’il fait jour à minuit si Marine Le Pen a l’idée de dire qu’il y fait nuit. Les “diables de confort” nous aliènent. Et c’est précisement pourquoi on les fabrique: parce qu’ils permettent de manipuler le citoyen. Diaboliser le discours de Le Pen, c’est sanctifier le discours inverse. Or, sur un certain nombre de points, le discours inverse est le pire des deux: l’exemple de l’Euro est un exemple éclatant.
Arrêtons donc de vouloir être “rebelles” pour redevenir des “révolutionnaires”. Il nous faut concevoir et défendre un projet, et chercher à le réaliser sans nous soucier de savoir si ce projet ressemble ou non à celui de tel ou tel autre leader politique, s’il se “démarque” assez de tel ou tel parti. Il n’y a ni honte ni scandale à reprendre telle ou telle politique figurant au programme du FN, de l’UMP, du PS ou du Modem dès lors qu’on est convaincu rationnellement qu’elle va dans le sens de nos objectifs. Et de la même manière, il n’y a ni honte ni scandale à refuser telle ou telle revendication des “féministes de genre”, des syndicats, des organisations soi-disantes antiracistes dès lors qu’on est convaincu qu’elle va dans le sens inverse. J’admire le général maurrassien qui a créé le CEA, nationalisé EDF et créé la sécurité sociale. Et je regrette infiniment qu’on ne trouve pas dans la gauche française des révolutionnaires du même calibre.
Descartes
(1) Pablo Giussanni, “Montoneros, la soberbia armada”. A ma connaissance, ce texte n’est pas traduit en français.
Totalement d’accord… Et des choses me viennent en vous lisant, dans le même sens :
–> Dans l’histoire de la gauche, peut etre y a-t-il deux formes de gauche depuis Rousseau versus Diderot et Voltaire.
Le premier voulant des reformes du systeme pour equilibrer les rapports de force (lois sur la propriété, lois sur la démocratie), mais n’ayant jamais rejeté les héritages de nos pères,
comme la religion (profession de foi du vicaire savoyard), l’autorité, le patriotisme (la religion civile), ou les tradiditions (discours sur les sciences et les arts), convaincu qu’il était
que certaines regles de morales assez populaires sont aussi assez naturelles (Emile).
Les seconds rejetant tous les heritages de nos peres (religion, autorité, tradidions), mais pas tres democrates (Voltaire etait pour le despotisme eclairé), ni tres favorables a des
reformes economiques tres en faveur des pauvres.
L’opposition se poursuit : Montagnards (Robespierre) / Girondins pendant la révolution, puis par la suite certains penseurs socialistes sont fortement des heritiers de Rousseau
(Leroux, Lamenais, Jaures), d’autres beaucoup moins (Saint-Simon).
–> Le fait de ne definir sa morale que par opposition a un grand méchant est seulement l’une des manieres de la neo-gauche de devenir incapable de choisir sa morale par soi meme en
ecoutant son coeur et sa raison. Autre maniere de ne pas s’ecouter : gommer ses regles de morales a chaque fois qu’on voit quelqu’un y contrevenir, par peur de porter un jugement moral. Par
exemple, ne pas aimer la France ni croire qu’elle doit etre respectee, par peur de critiquer tel ou tel individu qui ne la respecterait pas ; ou encore, abandonner l’ideal moral de la civilité,
par peur d’avoir sinon a critiquer tels ou tels individus se comportant de maniere incivile.
Encore une fois, dans la tradition de la gauche, il y a beaucoup de gens au temperament religieux, qui a la maniere d’un pretre ou instituteur de la IIIeme republique, ont le courage de
defendre un ideal moral, ne l’abandonnent pas si quelqu’un y contrevient, mais savent garder des certitudes et garder le cap, et dire que c’est celui qui ne se conforme pas a leur ideal
qui sort du droit chemin, et non leur ideal qui devrait se remettre en question.
–> Enfin, dans la tradition de la gauche, il y a eu dans le passé une gauche intelligente capable de sympathiser avec des gens de droite : amitié de Leroux (gauche), Sand (gauche), avec
Balzac (droite), et respect d’Hugo (gauche) pour Balzac.
Dans l’histoire de la gauche, peut etre y a-t-il deux formes de gauche depuis Rousseau versus Diderot et Voltaire.
Il est très abusif de dire que Voltaire et Diderot “rejetent tous ls héritages de nos pères”. En particulier, ni Voltaire ni Diderot ne rejetent la tradition, l’autorité ni même la religion en
tant qu’éléments d’organisation de la société. Et il est très injuste de dire que Voltaire ou Diderot n’étaient pas favorables à des réformes économiques “en faveur des pauvres”. Quant à la
démocratie, ni Voltaire ni Rousseau n’y sont très favorables, mais pour des raisons différentes: pour Rousseau, les meilleures lois sont des lois “naturelles”. Point besoin donc d’une législature
démoctratique, puisqu’il s’agit simplement de suivre la nature. Pour Voltaire et Diderot, plus réalistes, il faut un législateur. Mais ce sont aussi des hommes de leur temps, et ils voyent bien
que donner le pouvoir au peuple alors que celui-ci n’est ni éduqué ni instruit ne peut que conduire à la dictature des démagogues.
J’ai l’impression que vous avez fait le choix de Rousseau, et que vous présentez ensuite la dicotomie entre lui et Voltaire/Diderot de manière de mettre tout ce qui vous plait d’un côté, tout ce
qui vous déplait dans l’autre…
L’opposition se poursuit : Montagnards (Robespierre) / Girondins pendant la révolution, puis par la suite certains penseurs socialistes sont fortement des heritiers de Rousseau (Leroux,
Lamenais, Jaures), d’autres beaucoup moins (Saint-Simon).
Certes… mais vous mettriez les Montagnards du côté de Rousseau ou du côté de Voltaire ?
En fait, je pense que votre réflexion souffre d’une difficulté: c’est l’imprecission du terme “gauche” pour qualifier des phénomènes dans des contextes historiques différents. Vous faites de la
“gauche” une espèce d’essence qui transcende les âges. Je ne pense pas qu’on puisse classer Rousseau ou Voltaire “à gauche” (mot qui n’existait pas à leur époque, d’ailleurs). Je ne suis pas
convaincu que le terme ait le même sens dans les années 1830 et en 1920. Personnellement, je pense qu’il vaut mieux éviter les catégories de “gauche” et “droite” lorsqu’on regarde l’histoire.
Par exemple, ne pas aimer la France ni croire qu’elle doit etre respectee, par peur de critiquer tel ou tel individu qui ne la respecterait pas ; ou encore, abandonner l’ideal moral de la
civilité, par peur d’avoir sinon a critiquer tels ou tels individus se comportant de maniere incivile.
Je n’avais pas pensé à cela, mais vous avez raison: il y a dans notre société une sorte de besoin d’unité qui fait rejeter comme suspecte toute idée qui pourrait conduire à une division.
Encore une fois, dans la tradition de la gauche, il y a beaucoup de gens au temperament religieux, qui a la maniere d’un pretre ou instituteur de la IIIeme republique, ont le courage de
defendre un ideal moral, ne l’abandonnent pas si quelqu’un y contrevient, mais savent garder des certitudes et garder le cap, et dire que c’est celui qui ne se conforme pas a leur ideal
qui sort du droit chemin, et non leur ideal qui devrait se remettre en question.
Je ne peux pas souscrire à cette analyse. Le prêtre ou l’instituteur sont les agents d’une institution. L’idéal moral qu’ils défendent n’est pas le leur, c’est celui de l’institution qu’ils
représentent et au nom de laquelle ils agissent. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est l’affaiblissement des institutions qui conduit justement à remplacer des “certitudes” institutionnelles avec
des “certitudes” personnelles.
Je veux juste revenir sur votre dernière phrase car je ne crois pas que De Gaulle puisse être qualifié de Maurrassien. Car s’il a bien été élevé au sein d’une famille de droite
conservatrice, puis éduqué chez les jésuites (on est bien d’accord, il n’a pas effectué le parcours parfait avec passage chez les faucons rouges ^^), et qu’il a sans doute
lu Maurras (qui n’est pas l’auteur ayant le plus participé à sa formation intellectuelle, et là je pense à Bergson, Péguy ou encore Barrès qui ont eu une influence, me semble t-il, bien
plus grande). Il ne se rattache pas à la mouvance de l’action française et il est plutot proche, dans les années d’avant-guerre, de la démocratie chrétienne ou des chrétiens de
gauche (il est membre des amis de temps présent). Voir cet article de blog ici pour une meilleure explication de ses liens avec la mouvance personnaliste.
PS: Votre blog est génial. C’est tellement agréable de voir au milieu de milliers de sites et de blogs qui glorifient leurs leaders ou plus souvent encore qui considèrent que les autres (les
[néo/ultra/turbo]libéraux, les pro-nucléaires, les sarkozystes ou à l’envers les socialos,etc…) sont des (quasi-)idiots et que les idées des autres sont incohérentes (mais pourquoi ne
voient-ils pas la lumières et le chemin? ^^) et ne méritent pas d’être débattues. Ici on apprends à exercer son esprit critique en refusant la pensée prémachée car vous défendez
cette idée simple (mais qui n’est pas si répendue) que toute mesure politique doit être justifiée rationnellement (même ce qui est dans l’air du temps et qui ne fait pas
l’objet d’un vrai débat rationnel comme la binationalité, le nucléaire, le mariage “pour tous”) et c’est vivifiant. Bravo pour votre travail.
Je veux juste revenir sur votre dernière phrase car je ne crois pas que De Gaulle puisse être qualifié de Maurrassien (…) Il ne se rattache pas à la mouvance de l’action française et
il est plutot proche, dans les années d’avant-guerre, de la démocratie chrétienne ou des chrétiens de gauche (il est membre des amis de temps présent).
Cela dépend du moment. Dans sa jeunesse, De Gaulle se rattache bien à l’action française, et partage nombre de ses piliers idéologiques: antiparlamentarisme, nationalisme, monarchisme. La
position de De Gaulle sur ces sujets a été assez constante tout au long de sa vie, ce qui par ailleurs rend un peu artificielle la revindication de De Gaulle par les “chrétiens de gauche”. De
Gaulle participe dans l’entre-deux guerres au cercle Fustel de Coulanges, salon intellectuel de l’Action Française. André Gillois, qui fut porte-parole de De Gaulle à Londres l’affirme dans son
livre sur la base d’un certain nombre de témoignages, dont celui de Christian Pineau, que De Gaulle a même eu sa carte de l’Action Française. Peut-être que le terme “maurrassien” est un peu fort,
puisque dans la formation intellectuelle du jeune De Gaulle se croisent effectivement des figures très différentes (Maurras, Peguy, Barrès et même Jaurès). La rupture de De Gaulle avec le
maurrassisme devient d’ailleurs définitive après Munich, mais on ne peut tout de même ignorer le rôle que joue Maurras dans la formation intellectuelle du Général…
Je vous remercie beaucoup de votre “PS”. C’est très encourageant de trouver que mes lecteurs ont compris mon objectif et le partagent. En effet, avant de défendre des opinins qui me sont
personnelles je défends un principe de méthode (d’où le pseudo choisi pour animer ce blog): que toute mesure, idée, proposition doit être jugée à l’acide de l’examen rationnel. Qu’il n’y a pas de
“vérité incontestable” en politique, et que c’est le message, et non le messager, qui doit être retenu. Je vous remercie donc une fois encore et je vous encourage à intervenir dans et à partager
les réflexions de ce blog.
Ah ca fait quelques temps que je suis ce blog, et je voudrais aussi vous dire merci pour votre blog, car il est vraiment agréable à la fois de trouver un espace de discussion ouvert et aussi je
dois l’avouer plutôt conforme à mes propres analyses… Je ne peux qu’approuver ce que vous dites dans votre article, j’ai un membre de ma famille, et militant du PS qui a été déja traité de
“facho” (sic!) pour avoir défendu des positions sur les caméras de surveillance ou sur la délinquance qui n’est pas au goût de l’angélisme béat de certains. Et je crains que le futur soit du même
acabit, car je suis étudiant, et les AG ne sont que des parodies de démocratie, ou les anarcho-bobos scandent ( enfin, scandaient) que le gouvernement étaient des “nazis” ( sic encoren lors de
LRU), en traitant de fachos tout ceux qui essaiyaient d’amener un débat plus posé et plus correct. Quand j’ai discouru sur le fait que j’étais contre la LRU, mais aussi contre le blocage de la
fac, j’ai été comparé à Hortefeux et à Mussolini, de quoi vous dégouter singulièrement des pseudo-débat pseudo-politique à la fac…
Mais bon, je suis assez pessimiste ( vu mon pseudo aussi il ne pouvait en être autrement) sur le futur, j’ai l’impression de “revivre” la fin de la République romaine, avec le délitement de
l’idée civique au profit d’une oiseveté des citoyens qui ne sont plus que des sortes de sujets ne réclamant que le pain et des jeux. Bis repetia placent ?
Mais bon, je suis assez pessimiste ( vu mon pseudo aussi il ne pouvait en être autrement) sur le futur, j’ai l’impression de “revivre” la fin de la République romaine, avec le délitement de
l’idée civique au profit d’une oiseveté des citoyens qui ne sont plus que des sortes de sujets ne réclamant que le pain et des jeux. Bis repetia placent ?
Je partage en partie votre pessimisme. En même temps, il ne faut pas oublier que la fin d’une époque est aussi le début d’une autre, et que c’est cette autre qu’il s’agit de construire. Je n’ai
rien contre la nostalgie, à condition que ce soit une nostalgie “constructive”: il ne s’agit pas de garder le passé – c’est d’ailleurs impossible – mais de récupérer dans ce passé ce qu’il y a de
mieux pour construire l’avenir.
Le pessimisme rationnel ne doit pas nous éloigner d’un optimisme méthodologique: “préparer le meilleur et se préparer au pire”, voilà ma devise…
La fin de votre texte st très éclairante.
Il y a quelques jours j’écoutais Jean Peyrelevade à la radio. Et je me suis fait la réflexion qu’il avait de prime abord le même discours que vous sur la nécessité de résorber le déficit.
Mais en y regardant de plus prêt vos discours sont en fait très différents. Peyrelevade fait partie de ceux qui ont agi et milité pour l’euro, pour l’effacement des frontières. De ce fait, il ne
cautionne pas une politique de retour au stabilisateur automatique que représente la monnaie nationale. Par ailleurs il est toujours un fervent défenseur du libre-échange et donc refusera un
protectionnisme quel qu’il soit. La seule manière de résorber le déficit dès lors pour un Peyrelevade c’est d’agir sur la fiscalité, de baisser les charges des entreprises.
On peut donc être en accord avec des adversaires politiques sur certains points, comme la nécessité pour l’état de bien gérer son budget et de présenter des budgets équilibrés sans pour autant
partager les mêmes finalités. On peut vouloir que l’état se serre la ceinture pour pouvoir rembourser ses dettes parce qu’on est créancier et donc qu’on souhaite revoir l’argent prêté. Mais on
peut vouloir aussi que l’état se désendette, par d’autres moyens que l’austérité (ex inflation) pour pouvoir ensuite retrouver des marges de maneuvre parce qu’on se rend compte que le budget de
l’état est très contraint et qu’il a peu de libertés pour financer des investissements d’avenir.
On peut donc être en accord avec des adversaires politiques sur certains points, comme la nécessité pour l’état de bien gérer son budget et de présenter des budgets équilibrés sans pour
autant partager les mêmes finalités.
Tout à fait. Le problème, c’est que la “gauche radicale” tend à jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est encore une fois la philosophie du miroir. Puisque que les libéraux prônent une gestion
rigoureuse, il faut proposer une gestion laxiste. Ils n’arrivent pas à comprendre qu’une gestion rigoureuse est une nécessité pratique, quelque soit la politique appliquée.
Enfin, il était temps, Descartes a laissé de côté les chocolats pour manger du poisson-clown !
Ce petit apologue aussi méritait bien un petit compliment.
“Et Mohammed répond: “je voudrais qu’on me coupe un testicule”.”
Macouille de droite ou magouille de gauche ? Ah zut j’ai encore fait une faute de frappe !
Il y avait aussi Pierre Dac “Contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre!” (à chacun son niveau de références).
Allez ciao-bye les amis, vu qu’on est mal barrés , à mon tour d’aller grignoter les chocolats anti-dépresseurs…Le bonheur c’est toujours pour demain…
PS:
J’ai trouvé fondamentale l’interpellation de marc malesherbes qui pour moi n’est pas résolue:
“Ma position est la suivante: Je suis né et je réside dans une société qui ne me plaît pas (si elle plaît aux autres tant mieux pour eux). Je suis donc un passager “forcé”, et seule la force
me conduit à respecter des lois et des pratiques que je trouvent iniques”
Comme vient de le dire (hélas) Marine le Pen, lorsque des millions d’électeurs ne sont pas représentés à l’assemblée nationale, on n’est plus vraiment en démocratie.
Et sous prétexte que ça arrange bien certains bien-pensants, on fait comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et m**** !
Pour en revenir au sujet de ce billet avec lequel je suis plutôt d’accord à priori, peut-être aussi que c’est humain de savoir plus ce que l’on n’a pas envie de continuer à subir que de connaître
à l’avance les solutions-vérités absolues ?
J’avoue que je n’ai pas très bien compris la première partie de votre message. C’est gentil de faire de l’humour, encore faut-il qu’on comprenne quelque chose.
Je passe donc à votre PS. Vous reprenez à votre compte la formule de Marc Malesherbes: “Je suis né et je réside dans une société qui ne me plaît pas (si elle plaît aux autres tant mieux pour
eux). Je suis donc un passager “forcé”, et seule la force me conduit à respecter des lois et des pratiques que je trouvent iniques”.
Cette position pose deux questions intéressantes: la première est que l’Etat n’a pas véritablement les moyens d’imposer par la force le respect des lois dès lors qu’une partie importante de la
population refuserait de les appliquer. Il n’y a pas assez de prisons, assez de tribunaux, assez de policiers pour pouvoir le faire. Imaginez-vous la situation où une partie importante – disons
20% – de la population jugerait normal de prendre des marchandises dans les magasins sans payer. Que pourrait faire l’Etat ? Chaque jour il y a dans les magasins plus de 30 millions d’achats. Si
20% des clients essayait de partir sans payer, il faudrait arrêter et fouiller 6 millions de personnes par jour, puis les juger et faire exécuter les peines. C’est de toute évidence impossible.
Ce raisonnement prouve un point fondamental: si les gens appliquent les lois, ce n’est pas parce qu’ils y sont forcés. Nous appliquons les lois non pas parce que nous faisons un calcul
coût/avantage individuel (l’exemple du ticket de métro montre que ce n’est pas le cas) mais parce que nous faisons un calcul coût/avantage collectif.
L’expérience humaine a montré depuis longtemps que, selon la formule célèbre, “il vaut mieux une injustice qu’un désordre”. Le désordre, l’imprévisibilité, ont un coût. Ce n’est pas par hasard
s’il y a une corrélation entre la richesse d’une société et l’adhésion de ses citoyens au consensus qui veut que les lois doivent être appliquées même par ceux qui les trouvent “iniques”. Ce
consensus est vital pour établir une prévisibilité des comportements.
La deuxième question posée par la remarque de Marc est qu’aucun de nous n’est en fait un “passager forcé”. Nous avons tous la possibilité de devenir des Robinson Crusoé, et de vivre dans une île
déserte en marge de la société, seul lieu où nous ne serions pas soumis à des lois faites par d’autres. Le fait qu’on prefère rester dans une société qui nous “force” à appliquer ces règles
montre que cette société ne deplaît finalement pas tant que ça. En tout cas, moins que les alternatives.
Comme vient de le dire (hélas) Marine le Pen, lorsque des millions d’électeurs ne sont pas représentés à l’assemblée nationale, on n’est plus vraiment en démocratie.
Marine Le Pen fait ici une grave erreur. Les millions d’électeurs qui votent Front National sont representés à l’Assemblée Nationale. Il ne faut pas oublier qu’un député ne représente pas
seulement ceux qui ont voté pour lui. Il représente l’ensemble des citoyens de sa circonscription. Et le système marche: le FN a beau n’avoir d’élu national depuis longtemps, un certain nombre de
thèmes qui lui sont chers ont fait l’objet de législation votée par le parlement: interdiction de la burqua, législation restrictive sur l’immigration, etc.
peut-être aussi que c’est humain de savoir plus ce que l’on n’a pas envie de continuer à subir que de connaître à l’avance les solutions-vérités absolues ?
C’est peut-être humain, mais c’est fort embêtant. Je ne peux résister de citer un paragraphe d’un écrivain que j’aime beaucoup, Terry Pratchett:
“Nous, les “mauvais”, nous sommes les seuls qui savent comment faire marcher les choses. Voyez vous, la seule chose que les “bons” savent bien faire, c’est renverser les “mauvais”. Et vous le
faites très bien, je vous l’accorde. Le problème, c’est que c’est la seule chose que vous sachiez bien faire. Un jour on sonne les cloches et on renverse le méchant tyran, et le
lendemain tout le monde se plaint que depuis que le méchant tyran a été renversé personne ne sort plus les poubelles. Parce que les “méchants” savent faire des plans. Cela fait partie du cahier
de charges, si l’on peut dire. Vous les “bons”, vous ne semblez pas avoir le tour de main”. (T. Pratchett, “A la garde !”)
Permettez que je nuance votre propos :
Il me semble qu’Hollande a bien « surfé » sur la vague d’anti-sarkozisme, ce en quoi vous avez raison.
Puis-je ajouter que cela ne m’aurait pas gêné outre mesure s’il s’était agi de préconiser une politique de rupture intégrant la
souveraineté populaire et ses intérêts.
Ceci ne saurait faire oublier que bien des points fondamentaux la convergence est réelle, politique économique,
U.E.
Il me semble aussi que le créneau sociétal étant déjà occupé, il ne restait plus qu’à Sarkozy qu’à se positionner en sens
inverse (souvenez-vous du début 2007…).
Je passe sur le NPA pour lequel je n’ai jamais eu de faiblesse.
Concernant le Front de Gauche, Mélenchon n’est jamais revenu quant au fonds sur sa position favorable à Maastricht, aidé en cela
par le PCF qui, entretemps, a accompli sa mue. Si « anti » il y a, je pense qu’en cette matière, relativement au FN, il s’agit d’opposer un curieux « internationalisme »
(notion dans laquelle on peut aussi plus finement déceler « inter » et « nation »…) au « nationalisme » affiché comme le mal absolu.
N’oubliez pas non plus que le choix de « Parti de Gauche »
revendique un certain héritage, dont la « lutte antifasciste » (sic) quand bien même c’est cette même gauche qui a promu la famille Le Pen, n’ayant plus pour perspective de
« changer la vie » si jamais elle l’a réellement eue.
Le reste, c’est, excusez-moi, du foutage de gueule : Saint Jean-Luc pourfendant le dragon Le Pen alors que les plans
pudiquement appelés maintenant « sociaux » se multiplient, ça ne m’intéresse pas.
La question que je pose peut vous sembler naïve : comment se sortir de ce bourbier « européen » alors que même
les grecs qui subissent l’austérité ne semblent pas être prêts au regard des résultats électoraux ?
Il me semble qu’Hollande a bien « surfé » sur la vague d’anti-sarkozisme, ce en quoi vous avez raison. Puis-je ajouter que cela ne m’aurait pas gêné outre mesure s’il s’était agi de
préconiser une politique de rupture intégrant la souveraineté populaire et ses intérêts.
Moi non plus. Mais c’est parce que nous pensons tous deux que la fin justifie les moyens, et qu’il serait légitime de manipuler les électeurs au nom de l’intérêt supérieur de la Nation. Votre
position, comme la mienne, est plutôt cynique…
Ceci ne saurait faire oublier que bien des points fondamentaux la convergence est réelle, politique économique, U.E.
Je ne suis pas totalement persuadé. Comme je l’ai dit sur ce blog, je pense que sur un certain nombre de points – en politique industrielle notamment – Sarkozy était nettement plus “national” que
Hollande.
Il me semble aussi que le créneau sociétal étant déjà occupé, il ne restait plus qu’à Sarkozy qu’à se positionner en sens inverse (souvenez-vous du début 2007…).
C’est vrai. On l’a oublié, mais Sarkozy a essayé de se placer sur le créneau sociétal en 2007 avec un discours très “politiquement correct” que la gauche n’aurait pas désavoué (mariage gay, vote
des immigrés, discrimination positive).
Concernant le Front de Gauche, Mélenchon n’est jamais revenu quant au fonds sur sa position favorable à Maastricht, aidé en cela par le PCF qui, entretemps, a accompli sa mue.
C’est cette “mue” qui est la plus remarquable, justement. En fait, sans véritable débat interne, sans qu’aucun congrès n’ait jamais pris clairement position, le PCF est passé de sa position
radicalement antimastrichienne de 1992 à une adhésion tout aussi radicale aux institutions de Maastricht en 2012. Comme quoi lorsqu’une mue idéologique correspond à un changement sociologique,
elle se fait sans solution de continuité apparente.
N’oubliez pas non plus que le choix de « Parti de Gauche » revendique un certain héritage, dont la « lutte antifasciste » (sic) quand bien même c’est cette même gauche qui a promu la famille
Le Pen, n’ayant plus pour perspective de « changer la vie » si jamais elle l’a réellement eue.
Le “parti de gauche” a pris un peu au hasard dans les gondoles du supermarché idéologique de la gauche française toute une série d’éléments contradictoires. C’est cela qui lui donne un caractère
sincrétique qui lui permet d’attirer des familles de la “gauche radicale” qui normalement ne s’adressent pas la parole. Ainsi, Mélenchon peut gloser sur l’héritage “antifasciste” et rendre
hommage à Emilienne Mopty tout en vénérant Mitterrand, l’ami de Bousquet, dont le rôle dans la repression des résistants est bien connu.
Le reste, c’est, excusez-moi, du foutage de gueule : Saint Jean-Luc pourfendant le dragon Le Pen alors que les plans pudiquement appelés maintenant « sociaux » se multiplient, ça ne
m’intéresse pas.
Tout à fait.
La question que je pose peut vous sembler naïve : comment se sortir de ce bourbier « européen » alors que même les grecs qui subissent l’austérité ne semblent pas être prêts au regard des
résultats électoraux ?
Il est très difficile d’en sortir par un acte volontaire. Le discours terroriste – “avec l’Euro c’est mauvais, mais sans l’Euro ce sera encore pire” – fonctionne, comme il a toujours fonctionné.
Pour avoir les classes moyennes avec soi, il faut les toucher là ou ça fait mal: au portefeuille. Tous les discours sur l’indépendance, la souverainété, le vivre ensemble, la cohésion sociale ne
peuvent rien contre cette simple réalité. Or, la politique aujourd’hui est dominée, dans l’ensemble des pays européens, par les classes moyennes.
J’ai tendance à être d’accord avec Todd: dans un monde idéal, les princes qui nous gouvernent devraient tirer les conclusions de la crise et préparer d’une manière concertée et organisée un
retour aux monnaies nationales avec un mécanisme de “serpent monétaire”. Une telle organisation rassurerait les marchés et les citoyens et permettrait une transition en douceur. Mais dans le
monde réel, on voit mal les élites politiques manger le chapeau qu’ils agitent depuis trente ans, et les classes moyennes accepter intelligement l’inévitable. On sortira donc de l’Euro par
accident, lorsque le système s’effondrera sous le poids de ses contradictions. Il est d’ailleurs probable que le système craque par le haut: la sortie de l’Allemagne, fatiguée d’avoir à porter le
poids de l’incurie grecque est presque aussi vraisemblable qu’une sortie de la Grèce.
Quelques remarques en passant …
“nous pensons tous deux que la fin justifie les moyens, et qu’il serait légitime de manipuler les électeurs au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.”
Je ne suis pas convaincu qu’on ait beaucoup d’occasions de réaliser “l’intérêt supérieur de la nation” en “manipulant les électeurs”. La fin justifie les moyens, certes, mais encore faut-il que
ceux-ci soient adaptés. Une politique de rupture à besoin d’un fort soutien populaire pour réussir. Pour sortir dans de bonnes conditions de l’euro, il faut pour commencer que cette rupture ne
soit pas vécue comme une catastrophe, et que des forces organisées agissent pour en faire autre chose qu’un plongeon dans la version britannique du néolibéralisme… Celà doit être préparé au
grand jour… sans préjudice des petites tactiqus qui pourront accompagner la mise en oeuvre.
“Pour avoir les classes moyennes avec soi, il faut les toucher là ou ça fait mal: au portefeuille. Tous les discours sur l’indépendance, la souverainété, le vivre ensemble, la cohésion
sociale ne peuvent rien contre cette simple réalité. Or, la politique aujourd’hui est dominée, dans l’ensemble des pays européens, par les classes moyennes”
Je persiste à trouver que tu prête aux classes moyennes une homogènéité qu’elles n’ont pas. Par exemple, les fonctionnaires viennent de subir sans broncher plusieurs années de baisse du pouvoir
d’achat ; leur portefeuille n’est pas si sensible – en revanche il soufrent du syndrôme typique de la petite bourgeoisie : l’étalage obsessionnel de la morale bourgeoise que la bourgeoisie
elle-même ne respecte plus. Ils sont ulcérés de ne pas être payés en retour de leur conformisme et le manifestent par un vote plus accentué que la moyenne pour des partis dont le discours est
lui-même plus moraliste qu’alternatif. Mais cette petite bourgeoisie là mordra peut-être la main qu’elle léchait quand les frustrations dépasseront une masse critique : elle n’a pas de programme
propre, pas de projet historique particulier et nulle solidarité substanciel avec l’euro, dès lors que celui-ci n’est plus synonyme d’endettement facile et de baisse des prix, mais de baisse des
salaires et, pour les moins protégés, de perte d’emploi. Quant auxs techniciens, aux ingénieurs, ce sont les prochaines cibles du libre-échange dérégulé.
“On sortira donc de l’Euro par accident, lorsque le système s’effondrera sous le poids de ses contradictions. Il est d’ailleurs probable que le système craque par le haut: la sortie de
l’Allemagne, fatiguée d’avoir à porter le poids de l’incurie grecque est presque aussi vraisemblable qu’une sortie de la Grèce.”
C’est bien possible, mais ni certain ni satisfaisant. Car celà suppose que ton hypothèse d’un soutien indéfectible des “classes moyennes” au système soit avérée, or les dégâts de l’euro les
touchent désormais de plein fouet. Les rentiers se cramponnent à leur magot, mais jusqu’à preuve du contraire les “classes moyennes” sont plutôt endettées et donc intéressées à une certaine
inflation. Une sortie contrainte de l’euro ne serait pas non plus satisfaisante si elle laisse aux affaires le même personnel politique, qui n’aura rien de plus pressé que de poursuivre la même
politique par d’autres moyens…
Dernière remarque : l'”incurie grecque” est opportunément agitée par les eurocrates depuis trois ans, mais elle n’est pour rien dans le mécanisme qui les ruine. Quant à l’Allemagne, elle a gonflé
sans faire la fine bouche ses excédents avec l’endettement grec ; le vrai problème pour elle est qu’elle a besoin de débouchés pour son industrie vu les effets de sa “rigueur” sur son marché
intérieur… mais ces débouchés ne peuvent venir que des déficits d’autres pays, qui doivent donc s’endetter… or l’Allemagne ne veut pas contribuer à payer leurs dettes, et “les marchés” ne
veulent pas les laisser s’endetter davantage. C’est la quadrature du cercle.
Je ne suis pas convaincu qu’on ait beaucoup d’occasions de réaliser “l’intérêt supérieur de la nation” en “manipulant les électeurs”.
Presque tout le temps, je pense. S’il avait fallu attendre pour faire les choses d’avoir convaincu rationnellement les électeurs que c’était la chose à faire, on y serait encore.
Une politique de rupture à besoin d’un fort soutien populaire pour réussir.
Certes. Mais cela ne nous dit pas grande chose sur la manière dont ce “fort soutien populaire” pourrait être acquis…
Pour sortir dans de bonnes conditions de l’euro, il faut pour commencer que cette rupture ne soit pas vécue comme une catastrophe, et que des forces organisées agissent pour en faire autre
chose qu’un plongeon dans la version britannique du néolibéralisme… Celà doit être préparé au grand jour… sans préjudice des petites tactiqus qui pourront accompagner la mise en oeuvre.
Complètement d’accord avec la première partie… mais je ne suis pas sur que la préparation “au grand jour” soit indispensable. De toute manière, je ne me fais guère d’illusion, comme je l’ai dit
dans une autre réponse: on sortira de l’Euro en catastrophe, parce qu’il est illusoire de voir nos élites politiques – ou ce qui en porte le nom – et nos classes moyennes dire “Messieurs, l’Euro
est mort, et si nous ne le comprennons pas nous mourrons avec lui”. Ils persisteront au contraire à essayer de sauver l’Euro “à tout prix” jusqu’à la catastrophe. Dans ces conditions, la
préparation de la sortie ne peut être que secrète.
Je persiste à trouver que tu prête aux classes moyennes une homogènéité qu’elles n’ont pas. Par exemple, les fonctionnaires viennent de subir sans broncher plusieurs années de baisse du
pouvoir d’achat
Et qu’est ce qui te fait penser que “les fonctionnaires” en général appartiennent aux classes moyennes ? Si j’ai été très précis en essayant de définir les classes moyennes, c’est justement pour
leur donner cette “homogénéité” en termes d’intérêts qui en fait une catégorie intéressante en termes d’analyse politique. Mais les policiers, les pompiers ou les agents de l’Equipement ne sont
pas dans les “classes moyennes”. Quant aux fonctionnaires qui appartiennent aux classes moyennes (hauts fonctionnaires, professeurs…) j’aimerais voir des chiffres sur cette prétendue “baisse du
pouvoir d’achat”…
Ils sont ulcérés de ne pas être payés en retour de leur conformisme et le manifestent par un vote plus accentué que la moyenne pour des partis dont le discours est lui-même plus moraliste
qu’alternatif.
Seulement lorsque le “moralisme” en question concorde avec leurs intérêts bassement matériels…
Mais cette petite bourgeoisie là mordra peut-être la main qu’elle léchait quand les frustrations dépasseront une masse critique : elle n’a pas de programme propre, pas de projet historique
particulier et nulle solidarité substanciel avec l’euro, dès lors que celui-ci n’est plus synonyme d’endettement facile et de baisse des prix, mais de baisse des salaires et, pour les moins
protégés, de perte d’emploi.
Tout à fait. C’était précisement mon point. Les classes moyennes se tourneront contre l’Euro du jour ou celui-ci cessera de servir leurs intérêts. Mais ce n’est pas demain la veille: comme dans
la métaphore de l’homme qui jette ses amis aux crocodiles, les classes moyennes ont encore pas mal de monde à jeter à la gueule du reptile avant d’être dévorés eux mêmes…
Car celà suppose que ton hypothèse d’un soutien indéfectible des “classes moyennes” au système soit avérée,
“Indéfectible”, non… mais ce soutien restera entier aussi longtemps que le système sera plus avantageux pour les classes moyennes que n’importe laquelle de ses alternatives. Et la bourgeoisie
est prête à faire quelques petits sacrifices pour qu’il en soit ainsi. Je pense qu’il suffira de quelques mois de gouvernement Hollande pour s’en apercevoir.
or les dégâts de l’euro les touchent désormais de plein fouet.
Pourrait-on avoir quelques exemples ?
Les rentiers se cramponnent à leur magot, mais jusqu’à preuve du contraire les “classes moyennes” sont plutôt endettées et donc intéressées à une certaine inflation.
Pas vraiment. Leurs rentes dépassent et de très loin leurs dettes. Voir liquefier le prix de ses remboursement n’est pas très utile si l’on voit en même temps se liquéfier le prix du bien qu’on a
acheté avec le crédit…
Dernière remarque : l'”incurie grecque” est opportunément agitée par les eurocrates depuis trois ans, mais elle n’est pour rien dans le mécanisme qui les ruine.
N’exagére pas, tout de même: Si les grecs payaient ponctuellement les impôts qu’ils doivent, la situation de la Grèce ne serait pas tout à fait la même. Les grecs ne sont pas “ruinés” uniquement
par le mécanisme de l’Euro.
Quant à l’Allemagne, elle a gonflé sans faire la fine bouche ses excédents avec l’endettement grec ; le vrai problème pour elle est qu’elle a besoin de débouchés pour son industrie vu les
effets de sa “rigueur” sur son marché intérieur… mais ces débouchés ne peuvent venir que des déficits d’autres pays, qui doivent donc s’endetter… or l’Allemagne ne veut pas contribuer à payer
leurs dettes, et “les marchés” ne veulent pas les laisser s’endetter davantage. C’est la quadrature du cercle.
Là on est d’accord. Dans une construction européenne qui pénalise la croissance, l’enrichissement des uns ne peut venir que de l’appauvrissement des autres.
Lire un billet sur votre est très souvent pour moi gage d’instruction.
La distinction, que vous portez à ma connaissance entre « rebelles » et « révolutionnaires », est intéressante et, dans ma pratique, les quelque fois où j’ai pris une position
« rebelle », cela a été inefficient et les conséquences difficile à gérer par la suite.
Il est vrai que les politiques de gauche après l’abandon de toute référence idéologique et d’un travail intellectuel de qualité ne peuvent que prendre des positions politiques « anti »
ou des postures médiatiques et dans ces deux domaines JLM n’est pas le plus mauvais.
J’amènerai à votre réflexion sur le désert idéologique de la gauche cette citation de Manuel Valls en ouverture d’un livre de J-C Michéa « Le socialisme, au 19ème siècle, a été inventé pour
remplacer le capitalisme. Or, nous devons assumer pleinement l’économie de marché. Je préfère parler de la gauche » France-Soir, 19 mai 2008.
P.S. : Du grand JLM sur France 3 ce jour, une pensée pour Mitterand et se définissant anti-capitaliste.
P.S. : Du grand JLM sur France 3 ce jour, une pensée pour Mitterand et se définissant anti-capitaliste.
On aura tout vu…
Le problème se situe peut-être en amont, la gauche n’a-t-elle pas simplement disparu? On conserve de vieilles étiquettes mais les classes moyennes et les vieux, et leur conformisme, dominent
totalement la vie idéologique. Chevènement s’exprime depuis longtemps. Le rationnel est là mais il attire peu de militants, il suscite même beaucoup de haine. Dire à un militant aliéné
qu’il l’est ne le convainc pas. La gauche ne veut pas.
J’ai une hypothèse pour le PS, il a changé nos vies, il a bouleversé notre société. Mon hypothèse est qu’aujourd’hui, il aurait terminé son projet historique, le refus des girondins de la
grande révolution et se contente de jeter l’anathème sur ce qui n’est pas comme lui. L’Europe et la différence ne sont pas des projets en opposition à Le Pen mais bien leur création. Le PS ayant
pour la première fois gouverné longtemps, il a rejoint sa nature profonde girondine. Le discours de gauche est pour les périodes d’opposition, la pratique est un projet hiérarchisant. Le PS
est fort dans les régions de système familial souche, que l’on retrouve partout en Allemagne, et on ne demande pas à la gauche allemande de nous faire rêver. Le PS baigne dans son inconscient et
il faudrait une volonté formidable pour en sortir. Moi, qui suis de l’espace girondin, je pourrai répéter exactement ce que disent beaucoup de militants de ce type de gauche, haine de la France,
des classes populaires et du catholicisme, européisme, amour de la différence avec un mépris arrogant du contradicteur, à l’allemande, je suppose. Les gens de l’,espace jacobin ne
parviennent pas à imaginer cela.
L’intérêt est de comprendre pourquoi la gauche a disparu là où l’on a soutenu la révolution française.
Le problème se situe peut-être en amont, la gauche n’a-t-elle pas simplement disparu?
Je dirais plutôt qu’elle n’a jamais existé, au sens qu’on veut lui donner aujourd’hui. Il n’existe pas une “essence” de gauche qui serait ouverte, tolérante, antisexiste, antiraciste, défenseur
des pauvres et des opprimés. Il fut un temps où la gauche était bourgeoise (contre les aristocraties), il fut un temps où elle fut colonialiste (d’un colonialisme qui amenait aux autres les
bienfaits de la République).
Le rationnel est là mais il attire peu de militants, il suscite même beaucoup de haine.
C’est logique. Le rationnel – ce que Slama appelle “le surmoi républicain” – est un éternel reproche pour ceux qui voudraient jouir tranquilement de leur confort. La grandeur a un prix, que les
classes moyennes n’ont pas envie de payer.
Tout d’abord, merci de cette distinction rebelle/révolutionnaire, qui est très pertinente.
Je ne peux que te rejoindre sur ce constat amer de l’incapacité de la gauche à réfléchir sur un modèle positif, et non en
opposition face aux autres. Elle se plaint d’être toujours sur la défensive, mais c’est de sa faute si elle est incapable d’anticiper les évènements (les effets de la financiarisation, Le libre
échange, la formation de bulles, alors qu’intellectuellement parlant, les spécialistes savent comment elles se forment car elles n’ont rien de nouveau), parce qu’elle a laissé tomber le travail
d’analyse rigoureuse. Aucun des courants “alter” apparus et médiatisés dans les années 1990 n’a pu se concrétiser, déjà qu’entre eux ils sont très divers.
Une autre chose qui m’exaspère avec les militants gauchistes, c’est leur prétention à être les héritiers des grandes figures du
passé qui se sont distinguées dans la lutte contre le fascisme. J’en peux plus de ces manifestations antiracistes, affiches, tracts ou pancartes PS/Front de Gauche/EELV/NPA où on crie « haro
sur le fascisme ». Un peu de modestie que diable, c’est facile de naître 50 ans plus tard et de bénéficier des retombées des luttes du passé, et de se l’arroger, quand soi-même on ne peut
pas dire ce qu’on aurait fait à la place des Bloch, Manouchian, Moquet, Aubrac et compagnie. Cette hypertrophie dans la communication anti-raciste est totalement contre-productive car les gens
ressentent bien qu’ils ne sont pas dans la société décrite par l’auteur de “L’Etrange défaite”. On en revient à cette obsession anti-FN qui fait bien ricaner Marine. Leur refus d’analyser sereinement les raisons de
son succès au lieu de crier au loup est du à leur incapacité à sonder le réel.
Une autre chose qui m’exaspère avec les militants gauchistes, c’est leur prétention à être les héritiers des grandes figures du passé qui se sont distinguées dans la lutte contre le
fascisme.
Des figures qu’on “lisse” d’ailleurs pour faire disparaître convenablement toute aspérité risquant de faire de la peine au “politiquement correct”. Par exemple, on oublie de rappeller que la
plupart des résistants communistes étaient des fieffés staliniens, de ceux que les mêmes gauchistes qui se prétendent leurs héritiers ont trainé dans la boue pendant quarante ans.
Dans d’autres cas, c’est de l’ignorance pure: le cas d’Emilienne Mopty est d’ailleurs révélateur: Mélenchon continue à répéter (par exemple ici) que “Emilienne Mopty aussi était mère. Les nazis l’ont torturée et
décapitée pour avoir organisé une marche de solidarité avec les mineurs en 1941, grève contre l’occupant, pour les rations et la paie”. Ce qui est parfaitement faux: même si elle a bien
participé aux mouvements de solidarité avec les mineurs, elle est arrêtée, torturée et décapitée pour des actes de résistence bien plus sérieux: “Dès l’été 1941, Emilienne Mopty devient
l’agent de liaison de Charles Debarge, organisateur de l’Organisation Spéciale (FTP en avril 1942) dans le département du Pas-de-Calais. Pour lui et ses compagnons, elle transporte des armes et
des explosifs, cherche des refuges. Elle est arrêtée une première fois en janvier 1942, mais elle est relâchée huit jours plus tard, faute de preuves. Trois mois plus tard, le 14 mai, les
gendarmes (français) l’arrêtent à nouveau, mais elle s’évade le soir même par la lucarne des toilettes de la gendarmerie. Elle vit dès lors dans l’illégalité et rejoint le groupe Debarge.. Son
mari est arrêté et déporté en Allemagne. Emilienne partage la vie des francs-tireurs, sillonnant le Bassin Minier, en dépit des recherches incessantes de toutes les polices. Fin septembre 1942,
elle reçoit mission de se rendre près de la citadelle d’Arras, dans le but d’attaquer un peloton d’exécution dans les fossés.. Mais elle est trahie et au rendez-vous se trouve la Gestapo. Les
Allemands, connaissant le rôle qu’elle joue chez les FTP veulent la faire parler, la livre à leurs tortionnaires : elle subit des traitements atroces ; son corps, bientôt, n’est plus qu’une
plaie. Traduite devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur d’Arras, elle est condamnée à mort. Le 18 juin 1943 à 19 h 30, Emilienne Mopty est décapitée dans la cour de la prison”
(Estager Jacques, Ami entends-tu ? La Résistance
populaire dans le Nord-Pas-de-Calais. Messidor, Editions sociales, 1986).
J’en peux plus de ces manifestations antiracistes, affiches, tracts ou pancartes PS/Front de Gauche/EELV/NPA où on crie « haro sur le fascisme ». Un peu de modestie que diable, c’est facile
de naître 50 ans plus tard et de bénéficier des retombées des luttes du passé, et de se l’arroger, quand soi-même on ne peut pas dire ce qu’on aurait fait à la place des Bloch, Manouchian,
Moquet, Aubrac et compagnie.
Tout à fait. Et c’est sans parler ces militants qui t’expliquent avec tout le sérieux du monde que la France de Sarkozy est un “pays fasciste” et que nous y vivions sous une “dictature”. que
voulez-vous, c’est un peu comme les soixante-huitards: on peut se donner l’illusion d’avoir affronté les SS en jetant quelques pavés sur les CRS…
Cette hypertrophie dans la communication anti-raciste est totalement contre-productive car les gens ressentent bien qu’ils ne sont pas dans la société décrite par l’auteur de “L’Etrange
défaite”.
Bien entendu. A la longue, le ridicule finit par tuer.
Après mon 1er commentaire, vu que tu
abordes l’obsession monomaniaque des gauchistes face au FN, me permets-tu de faire une digression sur l’immigration ?
En discutant avec les gauchistes et les bobos qui ont une stupéfiante manie de s’indigner dès qu’on parle
immigration, j’ai toujours trouvé qu’ils n’ont que des préjugés à propos des naturalisés et des immigré, au moins aussi forts que ceux contre lesquels ils s’opposent. Sauf que leurs préjugés sont
« positifs » et bienpensants.
Etant moi-même issue d’une famille d’ouvriers immigrés, j’ai toujours été stupéfaite par leur méconnaissance
totale des français issus de l’immigration ou des étrangers vivant en France. Les gauchistes qui distribuent des tracts titrés « C’est pas les immigrés qu’il faut chasser, mais les riches du
CAC 40 ! » (mais qu’est-ce que ces slogans sont débiles !) ou « régularisation de tous les sans papiers ! » à des passants d’origine étrangère, croient-ils
sincèrement que ceux-ci vont voter pour eux ???
J’ai déjà essayé de leur parler de « nous » et des discussions et thèmes que nous pouvons
avoir :
– Le fait que le naturalisé, d’origine immigrée, ou étranger perçoit le sans papier comme un
concurrent ;
– Qu’il n’y a pas forcément de solidarité inconditionnelle entre l’immigré intégré et le clandestin ;
– La concurrence et, pour reprendre ton expression, la “philosophie du
miroir” entre
les familles d’origine étrangère qui vont en vacances dans le pays d’origine, et la famille autochtone ;
– Que les immigrés intégrés de 1ère et 2ème génération sont en général sensibles aux thèmes
généralement marqués comme “réacs” par les bobos et les gauchistes, comme la sécurité ; Sarkozy dans sa période « non aux rassemblements de voyous dans les halls » ou
Chevènement à propos des « sauvageons » ont plus de chance de se faire entendre que ceux qui trouvent des excuses aux émeutiers de 2005 ;
– Que les associations hyper médiatisées type NPNS, SOS Racisme et j’en passe, suscitent une grande méfiance (justifiée à
mon goût) ;
– Là je vais peut être atteindre le point Godwin mais je rajouterais : tous les aspirants immigrés et les clandestins
ne viennent pas forcément de régions misérables ou de familles pires que chez Zola ou Dickens, une partie d’entre eux ont les moyens de subsister dans le pays d’origine (si on se réfère au niveau
de vie du pays quitté). J’ai dit une partie, je n’ignore pas les sorts des noyés en méditerranée ou ailleurs, mais quand un Mélenchon parle du
courage de celui qui s’est arraché à sa terre d’origine et a tout quitté pour que la famille restée puisse acheter du pain, son lyrisme confine au cabotinage.
C’est absolument impossible de parler de tout cela avec les militants de gauche, ou même de suggérer un
contrôle de l’immigration sans passer pour une facho.
Que ce soit dans ma famille ou toutes celles que je connais, tous les thèmes que je viens d’énumérer
reviennent souvent dans les discussions. J&rsq
Après mon 1er commentaire, vu que tu abordes l’obsession monomaniaque des gauchistes face au FN, me permets-tu de faire une digression sur l’immigration ?
Mais certainement… toute disgression est la bienvenue si elle est intelligente…
En discutant avec les gauchistes et les bobos qui ont une stupéfiante manie de s’indigner dès qu’on parle immigration, j’ai toujours trouvé qu’ils n’ont que des préjugés à propos des
naturalisés et des immigré, au moins aussi forts que ceux contre lesquels ils s’opposent. Sauf que leurs préjugés sont « positifs » et bienpensants.
Le gauchisme se caractérise par le besoin de poser les conflits sociaux en termes moraux. Pour le marxiste, le conflit entre exploiteurs et exploités est un conflit d’intérêts. Mais il n’a pas un
caractère moral: il y des patrons honnêtes, humains et bons pères de famille, et des ouvriers dépravés, violents et malhonnêtes. Et cela ne change rien au fait que les premiers empochent une
partie de la valeur produite par le second. La légitimité de l’ouvrier pour réclamer la valeur qu’il produit ne vient pas de sa supériorité morale.
Pour le gauchiste, au contraire, il faut une justification morale: le patron est forcément malhonnête, cynique et cupide. Et par symmétrie, l’ouvrier est nécessairement honnête, travailleur et
désintéressé. Seulement, les gauchistes ont été très déçus par les prolétaires, qui en Mai 1968 étaient plus intéressés par les augmentations de salaire que par la révolution maoïste, et qui sont
globalement restés fidèles au PCF haï. C’est pourquoi le gauchisme a graduellement transféré toutes les vertus qu’il prêtait au prolétaire à d’autres groupes plus déclassés et donc plus faciles à
manipuler: l’immigré ou encore mieux le “sans papiers”…
Etant moi-même issue d’une famille d’ouvriers immigrés, j’ai toujours été stupéfaite par leur méconnaissance totale des français issus de l’immigration ou des étrangers vivant en France. Les
gauchistes qui distribuent des tracts titrés « C’est pas les immigrés qu’il faut chasser, mais les riches du CAC 40 ! » (mais qu’est-ce que ces slogans sont débiles !) ou « régularisation de tous
les sans papiers ! » à des passants d’origine étrangère, croient-ils sincèrement que ceux-ci vont voter pour eux ???
Etant moi-même fils de parents étrangers, je partage tout à fait ton sentiment. Je me souviens d’ailleurs d’un épisode révélateur: lorsqu’un ministre – de droite, forcément de droite – proposa
dans les années 1990 d’imposer aux nouveaux naturalisés la prestation d’un serment à la République, mes parents ont été très étonnés et même un peu offensés par les cris d’orfraie des bobos
français “de souche” proclamant qu’il s’agissait d’une mesure “vexatoire”. Pour mon père, c’était tout le contraire: quand il avait été naturalisé, il avait beaucoup souffert du fait que la
République n’ait organisé aucune cérémonie pour marquer le coup.
J’ai déjà essayé de leur parler de « nous » et des discussions et thèmes que nous pouvons avoir (…)
Tout à fait d’accord avec toi. La discussion est impossible: ces gens se sont fait une représentation mentale idéale de l’immigré, et ne sont pas prêts à prendre les réalités en compte.
Bonjour Descartes,
Je comprend bien vos (pertinentes) critiques sur le fonctionnement de tels ou tels partis.
Mais est-ce que votre critique ne porte pas, au fond, sur la manière dont est organisée notre démocratie d’opinion plutôt que sur les partis en eux même qui ne font qu’utiliser ce cadre au
maximum de leur avantage ?
Par exemple, j’ai l’impression que vous avez une certaine affection pour Marchais et le PCF de l’époque. Pourtant, ce dernier n’usait-il pas de propos que vous qualifieriez de “gauchistes”
aujourd’hui ? “Au dessus de 4 millions je prend tout”, etc.
On peut toujours rêver de voir émerger un parti dont les préoccupations électorales ne sont pas la préoccupation n°1…
Mais est-ce que votre critique ne porte pas, au fond, sur la manière dont est organisée notre démocratie d’opinion plutôt que sur les partis en eux même qui ne font qu’utiliser ce cadre au
maximum de leur avantage ?
D’une certaine manière, vous avez raison. C’est la manière dont fonctionne notre démocratie qui pousse les partis à se comporter comme ils le font. Cela étant dit, on n’est pas obligé de suivre
le courant, on peut aussi se battre contre lui, ce que la “gauche radicale” a renoncé à faire.
Par exemple, j’ai l’impression que vous avez une certaine affection pour Marchais et le PCF de l’époque. Pourtant, ce dernier n’usait-il pas de propos que vous qualifieriez de “gauchistes”
aujourd’hui ? “Au dessus de 4 millions je prend tout”, etc.
Cela ne me viendrait pas à l’idée de qualifier de “gauchiste” un tel propos. On peut reprocher beaucoup de choses à Marchais et le PCF des années 1960-70, mais certainement pas de “gauchisme”.
“Cela ne me viendrait pas à l’idée de qualifier de “gauchiste” un tel propos.”A
h bon ? Pourtant à bien des égards cela me fait penser à des rodomontades style “l’argent il y en a”, “les capitalistes peuvent payer”, ou le fameux rapport d’1 à 20 pour les salaires. Ici ça y
ressemble: pourquoi pas pas 4,5 millions ou 3,5? Etc.
Pas vraiment. Les rodomontades du genre “l’argent il y en a” et “les capitalistes peuvent payer” sont des affirmations gratuites. Et comme elles ne sont jamais accompagnées d’une démonstration
sérieuse, deviennent des pétitions de principe. Proposer qu’on “prenne tout au delà de 4 millions” est une proposition d’action, bonne ou mauvaise, mais qui reste toujours possible. Ce qui est
vrai aussi du rapport de 1 à 20 pour les salaires, qui n’est pas véritablement une mesure “gauchiste”.
Une mesure peut être absurde ou contre-productive sans pour autant être “gauchiste”. Le “gauchisme” en économie consiste à penser qu’on peut proposer une redistribution des richesses sans
s’occuper de la manière dont ces richesses sont produites.
Ah mince, mon commentaire N° 11 a été coupé hier. Je te propose de le développer.
En fait, je développais, au vue de mes constats personnels, le paragraphe sur le cliché de l’immigré qui
s’est arraché à une vie misérable que je conteste, et d’autre part l’endogamie.
Les français d’origine immigrée ou étrangers qui retournent annuellement dans son pays d’origine en vacances
est en général qualifié de “vacanciers” par les autochtones. Du fait de la conversion de la monnaie, ceux-ci peuvent acquérir un bien immobilier bien plus rapidement que l’autochtone dont le pater
familias a souvent travaillé toute une vie pour offrir une vie décente à sa famille, et depuis une génération, c’est une tendance qui s’est accélérée, générant de l’envie et de la convoitise
entre émigré et autochtone, ce dernier se comparant sans cesse avec le vacancier et souhaitant obtenir tout aussi vite. Quand je dis qu’une partie des aspirants à l’émigration a tout à fait les
moyens de vivre dans son pays (en se référant au niveau de vie du pays d’origine), je parle de ceux dont les comportements ont été influencés par la façon de vivre des vacanciers qu’il voit
chaque année, et le développement des modes de vie diffusés par la multiplication des chaines de télévision. On peut rajouter à cela ceux dont les enfants ne veulent pas reprendre la petite
exploitation familiale du fait que l’agriculture est considérée comme peu prestigieuse, qui voit dans ces pays pauvres, des familles embaucher des journaliers car les enfants ne veulent pas faire
ce travail. Bref, ces évolutions sociologiques ne rentrent pas en compte dans la tête du bobo défenseur autoproclamé de l’immigré misérable.
Beaucoup d’immigrés que je connais découragent ceux dont la famille projette d’envoyer ses enfants immigrer,
pour des raisons diverses : ils ne veulent pas aider à l’installation, avoir des bouches en plus à nourrir, ne veulent pas de concurrence au travail de la part des clandestins,
etc.
Par ailleurs, j’avais entendu un député dont je ne me rappelle plus le nom ni la couleur politique contester
le regroupement familial inconditionnel, et trouver anormal que des naturalisés ou immigrés choisissent encore très majoritairement un conjoint du pays d’origine, au lieu de quelqu’un en France.
Bien évidemment, pieuse indignation de la part de vous-savez-qui, hurlant au “flicage de
l’amour”, à la
lepénisation des esprits sur le discours sur la “5ème colonne”, ou à la remise en cause des
libertés individuelles avec condamnation de la Cour des Droits de l’Homme (pour ceux qui veulent faire sérieux).
Je ne me rappelle pas de la proposition du député en question, mais il pointe le débat sur l’endogamie. Vu
qu’intellectuellement, je suis totalement acquise à l’assimilation, pour moi la République ne doit pas encourager l’endogamie. Le regroupement familial était pour moi justifié pour ceux arrivés
dans les années 1960/1970 pour travailler et qui étaient déjà mariés à l’étranger, et voyaient leur famille une ou deux fois par an. Mais quand on arrive à la 3ème génération avec
grands parents, parents et enfants qui ont toujours vécu en France, et dont les derniers descendants ramènent un époux ou une épouse de l’étranger, ce n’est plus du regroupement familial. La
suggestion du député en question est tout à fait légitime à mon sens, et bien que je n’y connaisse absolument rien en droit, je pense que légalement, on peut tout à fait limiter l’endogamie, sans
toucher aux principes de liberté individuelle. On ne peut pas se positionner contre le communautarisme ou la ghettoïsation, et se scandaliser quand quelqu’un se montre en désaccord avec les
comportements endogames dans certaines cultures.
En conclusion, on peut parler rationnellement d’immigration en se basant sur les évolutions sociologiques, et
proposer des limitations à l’immigration légale et clandestine sans être inhumaine. Et au contraire de ce qu’on pourrait penser, les immigrés ou naturalisés en France le comprennent en
général. Je ne prétends pasque mes observations sont objectives, mais je pense en savoir plus que les bobos. Face aux réactions hystériques des gauchistes qui se prennent pour des Don
Quichotte, même Marine Le Pen a pu parfois mettre de l’eau dans son vin. Il serait temps que la gauche fasse de même.
Ah mince, mon commentaire N° 11 a été coupé hier. Je te propose de le développer.
J’insiste lourdement: n’utilisez pas de texte formaté sur Over-blog. Apparament, certains caractères spéciaux ne passent pas et les messages sont coupés…
Les français d’origine immigrée ou étrangers qui retournent annuellement dans son pays d’origine en vacances est en général qualifié de “vacanciers” par les autochtones.
Et c’est d’autant plus vrai que le pays d’accueil est plus “assimilationniste”. Un immigrant indien peut vivre en Angleterre au sein de sa communauté, se marier au sein de sa communauté, envoyer
ses enfants à l’école dans sa communauté et retourner en Inde sans avoir véritablement “changé”. C’est beaucoup plus difficile pour un immigrant en France, dont les enfants sont nécessairement
scolarisés dans le système français.
Bref, ces évolutions sociologiques ne rentrent pas en compte dans la tête du bobo défenseur autoproclamé de l’immigré misérable.
Tout à fait. La vision “bobo” de l’immigration s’appuie sur une vision idéalisée de l’immigré dans le pays d’accueil, et sur une vision tout aussi idéalisée de sa situation dans le pays
d’origine.
Je ne me rappelle pas de la proposition du député en question, mais il pointe le débat sur l’endogamie. Vu qu’intellectuellement, je suis totalement acquise à l’assimilation, pour moi la
République ne doit pas encourager l’endogamie.
Tout à fait d’accord. C’est d’ailleurs la vision traditionnelle des Républicains: la République s’est construite en France contre toutes les endogamies. Si nous n’avons pas en France de
véritables séparatismes régionaux, c’est parce que la République a eu l’intelligence d’organiser le brassage des populations, à travers de toute une série de mécanismes: le service militaire (la
règle était que personne ne faisait son service dans sa région d’origine), la nomination nationale des fonctionnaires (professeurs, préfets, directeurs des services déconcentrés sont nommés sur
liste nationale, et non dans leur région d’origine), la centralisation des études (lycée dans les préfectures, universités dans les grandes villes), la repression des dialectes locaux… tout à
été fait pour obliger les gens à sortir de chez eux. Avant d’être assimilationniste envers ses immigrés, la République a été assimilationniste envers ses propres minorités intérieures.
Depuis que les “libéraux-libertaires” ont établi leur hégémonie idéologique à la fin des années 1960, la vision républicains sont devenus minoritaires, voire marginaux. Et l’assimilationnisme
avec eux.
En conclusion, on peut parler rationnellement d’immigration en se basant sur les évolutions sociologiques, et proposer des limitations à l’immigration légale et clandestine sans être
inhumaine. Et au contraire de ce qu’on pourrait penser, les immigrés ou naturalisés en France le comprennent en général.
Je dirais même plus: ce sont les naturalisés et les immigrés en situation régulière qui le comprennent le mieux. Parce qu’ils savent que l’endogamie et le communautarisme freinent
une assimilation à laquelle ils aspirent. Mais il faut aussi comprendre que la France fait en ce moment tout pour décevoir cette aspiration à l’assimilation: il devient très difficile d’aimer un
pays qui ne s’aime pas lui même, et dont les “élites” ne perdent une opportunité pour dénigrer la qualité de Français.
Bonjour. Je viens d’envoyer un courriel sur la posture de Mélénchon à un ami journaliste. J’en ai fait copie aux camarades du PCF Bassin d’Arcachon ayant pensé que le texte sur Emilienne
Mopty venait d’eux. Voici le texte de ce courriel.
Salut .
Michèle fait des remarques très justes que je te soumets. Les partis de gauche (et d’extrême gauche) , aujourd’hui, sont contraints ( par la conjoncture politique, en particulier le très bas
niveau de culture historique et politique …) de parler au second degré. Ils doivent donner des explications nécessairement intellectuelles, “compliquées” qui ne peuvent pas atteindre leur but
ou très très minoritairement. Or l’écrasante majorité des gens ne comprennent en quelque sorte que le premier degré, le sens “littéral”. C’est la raison profonde pour laquelle nous ne nous
faisons pas comprendre. Le PCF savait pratiquer la dialectique existant entre les deux niveaux: parler au premier degré, mais associer ce premier discours à une politique d’explications
argumentées et à une formation des masses de façon à ce qu’elles puissent ensuite accéder au 2eme degré, à la compréhension de la réalité. Jacques Estager – que j’ai bien connu – savait bien
pratiquer cette dialectique et me l’a souvent expliqué pour savoir pratiquer un journalisme efficace. Autant Mélenchon est audible quand il fait un meeting avec des convaincus (ses grands
meetings nationaux) autant il est inaudible sur le terrain d’une élection comme une législative – et de plus très fragile – face à Le Pen: il ne peut pas l’attaquer autrement qu’en répétant à
l’envi: c’est une sale facho! Il prétendait la contraindre à se prononcer sur le smic à 1700 €, les retraites etc. Elle n’a pas sourcillé et demande la même chose, car ça ne l’engage pas. Puis
elle répond du tac au tac: le facho c’est toi, tu veux m’exterminer. Méluche est réduit au recours à la justice, ce qui va le déconsidérer et être totalement inopérant vu les délais… Bref tu
suis notre regard. Pour préciser, s’il s’était attaqué à JPK, il aurait pu tenir un discours au premier degré puis dans un deuxième temps donner les explications. Grave erreur de casting!
Après de fait plus de20 ans d’existence, le PRCF ne progresse pas, mais régresse. Sans parler de LO ou de NPA qui sont dans le même cas. Et les groupes communistes, marxistes lénininistes,
maoïstes, trotskistes etc se multiplient à l’envi sans percer. Un des aspects de cette impuissance est là. Sans doute Mélenchon en est conscient, mais, ça ne l’a pas empêché de sombrer dans le
piège.
Je me permet de faire copie de ce courrier à des camarades d’ailleurs, dont je trouve la démarche très très intéressante, en particulier un camarade du PCF du Bassin d’Arcachon dans le très bon
blog du PCF Bassin d’Arcachon publie une intéressante analyse du militantisme d’Emilienne Mopty et la façon dont sa mémoire a été récupérée et de fait trahie.
Amicalement. “