L’annulation de l’article de la Loi de Finances 2013 concernant la taxe à 75% sur les revenus supérieurs au million d’euros a provoqué sur ce blog une belle discussion. Certains y voient dans la mauvaise rédaction de l’article un acte volontaire destiné précisément à le faire annuler, d’autres – et je rejoins ce point de vue – y voient le signe de l’incompétence ou la désorganisation du gouvernement et de l’administration. L’un des participants au débat a souhaité savoir un peu plus comment les normes sont élaborées, pour mieux se faire une opinion. Ne reculant devant rien lorsqu’il s’agit de faire plaisir à mes lecteurs, mais n’étant pas sûr de bien connaître ces affaires, je me suis permis de demander à un ami énarque – eh oui, je fréquente des gens bien peu recommandables – d’essayer de répondre à cette question. Il m’a écrit un petit pensum, et j’ai fait la traduction énarchique-français (1). Et comme on dit, “traduttore-traditore”. Même si j’ai demandé à mon copain de corriger le résultat, je prends sur moi toutes les erreurs qui pourraient émailler ce papier.
Comment gouverner dans un Etat de droit
Dans une dictature, tout est simple. Le Grand Homme pointe du doigt et dit “j’ai décidé que…”. Et cela suffit. Les décisions du Grand Homme n’ont pas besoin d’être cohérentes entre elles. Elles n’ont pas besoin de respecter une hiérarchie avec d’autres normes. Sa parole est loi. Mais dans un Etat de droit, ce n’est pas aussi simple. Car dans un Etat de droit – je n’ai pas dit “démocratie” – les citoyens ont des droits, qui ne peuvent être violés que dans des circonstances très particulières. Lorsque le Grand Homme dit pointe son doigt et dit “j’ai décidé que…”, il faut donc vérifier – avant que la décision devienne loi – que sa décision ne porte pas atteinte à ces droits. Et c’est là que les ennuis commencent…
C’est encore plus compliqué lorsqu’on est en démocratie. Dans une démocratie, le souverain est le peuple. Mais c’est un souverain plutôt muet, qui ne peut pas pointer le doigt ou dire “j’ai décidé que…”. Il ne s’exprime que collectivement suivant une procédure qu’il faut définir, ou bien par l’intermédiaire de délégués à qui il confère non pas la souveraineté entière, mais des compétences particulières, et notamment de faire – individuellement ou collectivement – certaines normes.
Ces contraintes se traduisent par ce qu’on appelle la “hiérarchie des normes”. Nous vivons dans un maquis de normes qui sont organisées suivant une hiérarchie, les normes inférieures devant à tout moment être conformes aux normes qui leur sont supérieures. Tout en haut de la hiérarchie, la Constitution (2), censée être issue directement de la volonté du souverain. En dessous, les traités internationaux régulièrement ratifiés (sous réserve de réciprocité de l’autre partie) et la législation dérivée des traités européens. Viennent ensuite les actes du pouvoir législatif: les Lois organiques (3) puis les Lois (il n’y a pas de hiérarchie entre les différents types de lois: lois d’orientation, de programme, de finances, ordinaires…). Et finalement les actes du pouvoir exécutif (qu’on appelle “actes réglementaires”): décrets en Conseil d’Etat, décrets simples, arrêtés.
On voit d’abord que la hiérarchie des normes reflète la légitimité par rapport au souverain: la Constitution qui est issue directement est supérieure aux actes législatifs, votés eux par un pouvoir collégial élu. Et les actes législatifs sont supérieurs aux actes réglementaires, issus eux d’un pouvoir nommé, celui du gouvernement (4). Cette hiérarchie est très contraignante: Un arrêté doit être conforme à tous les décrets en vigueur. Un décret doit être conforme à toutes les lois en vigueur. Quand on fait une loi, il suffit de vérifier qu’elle est conforme à la Constitution. Mais qui contrôle cette conformité ?
C’est là que se trouve un autre problème du droit: aucune norme, aucun texte n’est totalement explicite. Entre autres choses, parce que les normes sont écrites avec des mots, et chaque mot a ses ambiguïtés. C’est facile d’écrire que “le domicile est inviolable”. Mais qu’entend-t-on par “domicile” ? Un appartement est certainement un “domicile” pour ceux qui y vivent… mais un bateau peut-il être un “domicile” ? Une voiture ? Une caravane ? Une moto ? Au fur et à mesure que des conflits apparaissent, entre en scène l’autorité judiciaire – en France il n’y a pas de “pouvoir judiciaire” – dont la fonction est justement d’interpréter les textes normatifs. Une fois qu’une cour de justice a interprété une norme, cette interprétation devient presque partie de la norme elle même sous le nom de “jurisprudence”. Et il ne suffit pas qu’un acte donné, disons un décret, soit conforme au texte de toutes les lois en vigueur. Il faut aussi qu’il soit conforme à l’interprétation qui a été faite par la cour correspondante (5)… vous voyez tout de suite la complexité de la chose.
Mais il y a encore une complication supplémentaire: les actes normatifs sont un peu comme les tournevis. Même s’ils ont la bonne taille, vous n’arriverez pas à dévisser une vis normale avec un tournevis cruciforme. De la même manière, selon ce que vous voulez faire il vous faut choisir le bon “acte”. Si vous voulez créer un impôt ou un délit, vous ne pouvez pas le faire avec un décret, si vous voulez fixer les tarifs du gaz vous ne pouvez le faire par une Loi. Pourquoi ? Parce que l’article 34 de la constitution précise que certaines matières (la loi pénale, par exemple) sont du ressort exclusif de la loi. Pour qu’une norme soit régulière, il ne suffit donc pas qu’elle soit conforme aux normes supérieures, il faut aussi que le pouvoir qui l’émet ait la compétence pour le faire. Comme vous voyez, créer une norme sans risquer de la voir annuler n’est pas simple… c’est un boulot de professionnel.
Mettez vous dans la peau d’un ministre…
D’abord, plantons le décor. Vous êtes ministre. Et vous avez comme tout ministre un cabinet, composé de gens qui peuvent être plus ou moins compétents, mais qui ont été choisis en fonction d’un rapport de confiance avec vous et de leur positionnement politique puisqu’ils sont censés porter la politique du ministre, votre politique. Souvent on retrouve dans le cabinet un savant dosage de militants qu’on recrute par affinité politique ou pour services rendus, et d’autres, souvent fonctionnaires, qui ont une expérience dans la conduite des affaires de l’Etat. Le cabinet est hiérarchisé: a sa tête se trouve le Directeur de cabinet (“Dircab”) qui dirige l’équipe et qui souvent peut signer au nom du ministre, le Chef de cabinet (“Chefcab”) qui s’occupe des questions de logistique (déplacements du ministre, circulation des documents, agendas, etc.), viennent ensuite les “conseillers”, généralement plus expérimentés, puis les “conseillers techniques”. Cela fait une vingtaine de personnes, que vous pouvez recruter et virer à votre convenance.
Mais un ministère ne se réduit pas à un cabinet. A côté de cet organe “politique”, le ministre peut compter avec une administration qui peut compter entre quelques centaines et quelques dizaines de milliers de fonctionnaires. L’administration est elle aussi hiérarchisée: pour un gros ministère, elle compte une poignée de Directeurs généraux, une vingtaine de Directeurs, une quarantaine de Chefs de Service, plus d’une centaine de sous-directeurs, quelques centaines de chefs de bureau… et des milliers de fonctionnaires “de base”. Directeurs généraux et Directeurs sont nommés – et virés – “à discrétion” par le gouvernement, mais ce sont pratiquement toujours des fonctionnaires expérimentés et chevronnés, quelquefois – mais c’est rare et toujours très discret – marqués politiquement. En dessous, ce sont des fonctionnaires recrutés par concours et promus avec un minimum d’intervention politique et qu’on ne peut pas virer facilement. Contrairement au cabinet, l’administration du ministère est protégée donc par son statut et cela lui donne une certaine liberté de pensée et de parole dans les avis qu’elle donne au ministre.
Tout se joue dans l’interaction entre le politique d’une part, et l’administratif de l’autre. Le politique a l’impulsion, l’envie de faire bouger les choses. L’administration a deux choses dont le politique a besoin: la technicité pour choisir le bon type de norme et la rédiger de telle manière qu’elle ne risque pas l’annulation, et la mémoire qui lui vient d’avoir vécu sous plusieurs ministres qui ont essayé de faire des choses semblables et qui se sont plantés. Souvent, le ministre initie le processus en demandant, par l’intermédiaire d’un membre de son cabinet préposé au suivi du dossier de trouver un moyen pour atteindre un objectif (réduire le chômage ou l’échec scolaire, baisser le prix de l’électricité, aider tel ou tel copain maire en installant quelque chose sur sa commune…). Quelquefois, le ministre ou son cabinet ont déjà choisi le moyen et dans ce cas demandent à l’administration de l’expertiser. En réponse, l’administration produit généralement une note – tout se fait par écrit dans l’administration – avec plusieurs options dont on décrit les avantages et inconvénients, avec pour chacune le coût et le risque juridique (c’est à dire, celui de se voir juger non conforme par rapport à une norme supérieure).
En général, les ministres et leurs cabinets sont enthousiastes et ne voient que les avantages de la mesure proposée, et c’est pourquoi l’administration tend à insister lourdement sur les risques et les inconvénients, ce qui donne à certains ministres l’impression que l’administration cherche surtout à les empêcher d’agir. D’où la tendance à minimiser les mises en garde de l’administration, attribuées à l’immobilisme ou la frilosité de ces satanés fonctionnaires qui ne comprennent pas ‘”le changement” ou “la réforme”. A partir de la note produite par l’administration, et après plusieurs aller-retour et réunions avec différentes parties prenantes, le ministre choisit souvent une alternative et demande à l’administration de rédiger le texte (projet d’arrêté, de décret, de loi selon la mesure) en fonction de ses arbitrages, ce que l’administration fait religieusement même lorsqu’elle pense qu’ils sont absurdes, en rappelant si besoin ses réserves. Mais le ministre a toujours le pouvoir de modifier le texte ou de le garder en passant outre les mises en garde de son administration.
Les textes les plus importants (projets de loi, projets de décret en Conseil d’Etat) font l’objet d’un deuxième examen par un expert juridique. Cet expert – collectif – ce sont les “sections administratives” du Conseil d’Etat (à ne pas confondre avec la “section du contentieux”, qui est celle qui juge les conflits entre l’administration et les citoyens). Ces sections examinent les textes qui leur sont soumis et proposent des amendements qui en principe sont uniquement destinés à améliorer la qualité juridique et prévenir tout risque l’illégalité ou d’inconstitutionnalité. Certains textes réglementaires sont aussi soumis à des organismes consultatifs (le Conseil supérieur de l’Energie, le Conseil supérieur de la fonction publique, le Conseil National de l’Eau…) qui donne son avis sur le texte proposé et peut proposer des amendements sur des points de fond mais aussi sur des points juridiques. Mais en fin de compte, le dernier mot revient au politique: c’est le ministre qui a le choix de retenir ou non les amendements proposés (y compris par le Conseil d’Etat) ou de garder son propre texte.
Ensuite, la procédure est différente selon la nature des textes: les textes réglementaires sont signés par le ministre, éventuellement par plusieurs ministres si le texte touche les compétences de plusieurs d’entre eux, et par le premier ministre s’il s’agit d’un décret. Pour les projets de loi, le texte est déposé sur le bureau des assemblées et subit le débat et l’amendement parlementaire. Mais là encore le gouvernement n’est pas impuissant: le ministre peut intervenir dans le débat, et si un amendement adopté lui déplaît – ou s’il estime qu’il présente un risque d’inconstitutionnalité – il peut demander une deuxième délibération. Cela étant dit, il n’est pas rare, lorsque la majorité n’est pas disciplinée, que les députés adoptent des amendements qui rendent le texte inconstitutionnel (6) sans que le gouvernement puisse faire grande chose.
Que celui qui n’a jamais pêché…
On le voit, créer une norme ne va pas de soi. Choisir la bonne catégorie de norme, la rédiger de telle manière qu’elle ne contredise aucune norme de rang supérieur, ce n’est pas de la tarte (7). Cela nécessite de s’appuyer sur des experts de l’administration qui, parce qu’il suivent les dossiers depuis des années, connaissent par cœur non seulement les normes existantes, mais aussi les décisions des cours et tribunaux et donc l’interprétation qu’il faut donner à telle ou telle disposition. C’est un boulot de professionnel, que l’administration sait en général bien faire mais que beaucoup de ministres méprisent ou tiennent pour quantité négligeable, pour du “pinaillage” quand ce n’est pas de l’obstruction… et ce mépris les pousse à ignorer les avertissements ou à passer outre, avec les résultats qu’on sait !
Ce mépris, il se manifeste particulièrement à gauche, et encore plus dans la gauche radicale. Si vous voulez lire un texte mal écrit, prenez la “proposition de loi sur les violences faites aux femmes” déposée par Marie-George Buffet lors de la législature précédente. C’est un texte bourré – et quand je dis bourré… je suis loin du compte – d’inconstitutionnalités et de fautes juridiques évidentes. En fait, l’idée que les textes normatifs doivent être de qualité, et que la conformité de ces textes à la constitution est essentielle pour la protection des libertés est une idée assez difficile à saisir pour la “gauche radicale”. Cela se voit dans ses réactions lorsqu’une disposition considérée comme “progresiste” est annulée: on rejette la faute non pas sur le rédacteur du texte, mais sur le Conseil constitutionnel qui la censure. Voici par exemple ce qu’écrit le PCF à propos de l’annulation de la “taxe à 75%”:
Ainsi, la mesure la plus marquée de justice sociale du Projet de loi de Finances pour 2013 du gouvernement Ayrault a été purement et simplement balayée par « les sages ». Cette décision est un mauvais signal adressé au peuple de France car cette mesure avait pour ambition de taxer les revenus au delà de 1 million d’euros.(…) En prenant cette décision, le Conseil constitutionnel a fait un choix de classe indigne.
On retrouve le même type de réaction que lorsque le Conseil avait annulé l’article du code pénal sur le harcèlement sexuel, lorsque le PCF avait qualifié l’annulation d’acte “machiste” et “d’insulte aux femmes”. Mais ici comme alors le Conseil n’a fait aucun “choix de classe”. Il a constaté que le texte était mal fait, qu’il violait un principe constitutionnel et qu’il fallait par conséquent le censurer. Au lieu de jeter des tomates aux “sages”, il faudrait au contraire reconnaître que si l’on veut un jour être prêt à gouverner, il vaudrait mieux développer l’expertise…
Descartes
(1) Ne voyez surtout pas de mépris dans cette remarque. Ceux qui font fonctionner l’Etat sont des véritables techniciens, et comme toute technique l’administration a son propre langage, pas forcément très compréhensible pour monsieur tout le monde.
(2) Ou plutôt le “bloc de constitutionnalité”, qui inclut le texte de la Constitution du 4 octobre 1958, mais aussi la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, le préambule de la Constitution de 1946, et certaines lois antérieures à 1958 et considérées par le Conseil Constitutionnel comme ayant une valeur constitutionnelle.
(3) Les lois organiques sont celles qui sont prévues explicitement dans la constitution. Elles précisent en général le fonctionnement des pouvoirs publics. Exemple: la “loi organique relative aux lois de finances” qui définit la procédure de préparation et de vote des lois définissant les budgets de l’Etat.
(4) Car le pouvoir exécutif réside dans le Premier ministre (“qui détermine et conduit la politique de la Nation”, dit la Constitution) et non pas dans le président de la République, dont le pouvoir se réduit juridiquement à la nomination “aux hauts emplois civils et militaires de l’Etat” y compris du premier ministre (qu’il ne peut révoquer une fois nommé) et des ministres, la dissolution de l’assemblée et la déclaration de l’Etat d’urgence de l’article 16.
(5) Pour les actes législatifs, c’est le Conseil constitutionnel qui vérifie leur conformité à la constitution. Pour les actes réglementaires, ce sont les Tribunaux administratifs, les Cours administratives d’Appel et le Conseil d’Etat qui déterminent leur conformité aux normes supérieures.
(6) Le cas des “cavaliers” est typique: il arrive souvent que des députés profitent du débat d’une loi pour y introduire des amendements qui plaisent à leurs électeurs mais qui n’ont aucun rapport avec la loi en question. Le Conseil constitutionnel censure sans pitié ce genre d’ajouts, appelés “cavaliers législatifs”…
(7) Et encore, je n’ai parlé ici que du problème de légalité. Non seulement la norme doit être conforme aux normes de rang supérieur, mais elle doit être applicable. Il y a beaucoup de textes qui, tout en étant parfaits du point de vue juridique, se révèlent à l’usage inapplicables soit parce qu’ils sont trop complexes, soit parce qu’on ne dispose pas en pratique des données nécessaires pour les mettre en exécution…
Merci pour cet exposé qui nous explique les arcanes de la création d’une loi.
Il ne fait que renforcer ce que je pense : le gouvernement savait sa loi anticonstitutionnelle, puisque l’administration l’avait prévenu. En passant outre, il savait donc qu’elle serait retoquée.
C’était à mes yeux un moyen facile de donner un gage de bonne volonté à son électorat le plus à gauche, lui permettant ainsi de dire “vous voyez, on a essayé, mais c’est impossible”.
La réaction du PCF est exactement celle attendue par ailleurs, puiqu’elle ne met pas en cause la compétence ni la volonté du gouvernement. Il parle de “choix de classe”. La droite parle
d’incompétence – c’est son boulot – et l’électorat PS en pense… pas grand chose à mon avis.
Il ne fait que renforcer ce que je pense : le gouvernement savait sa loi anticonstitutionnelle, puisque l’administration l’avait prévenu. En passant outre, il savait donc qu’elle serait
retoquée.
Si tu tires cette conclusion, c’est que tu n’as pas compris mon commentaire. C’est bien plus compliqué que ça. Le droit n’est pas une science exacte, et l’administration ne peut dire que telle ou
telle disposition seront annulées. Seulement qu’il existe un risque plus ou moins grande qu’elle le soient. C’est au ministre de choisir s’il entend courir ce risque ou pas. Le
problème, c’est qu’aujourd’hui les ministres ne font pas vraiment confiance à l’expertise de leurs administrations. Comme l’administration – et c’est son rôle – joue souvent les empêcheurs de
tourner en rond, montrant sans pitié les faiblesses des mesures que le ministre a envie de mettre en oeuvre, les ministres ont rapidement l’impression que l’administration est “frileuse” ou pire,
qu’elle sabote sa politique en faisant de l’obstruction. D’où la tentation de passer outre.
Imagine toi que tu est ministre, tu mets à l’étude ta mesure phare, celle qui te tient le plus à coeur, et l’administration te répond “c’est impossible, ce sera annulé”. Tu n’aurais pas, toi
aussi, envie de tenter le sort, de montrer que “lorsqu’il y a la volonté, tout devient possible” ? Dans le temps, les ministres avant d’y aller prenaient la peine de consulter les experts de
leurs partis respectifs, qui pouvaient jouer ainsi le rôle de contrepoids à l’administration. Mais aujourd’hui, les partis politiques tendent à mépriser l’expertise et n’ont pas, sauf quelques
exceptions, d’experts capables de guider le politique.
C’était à mes yeux un moyen facile de donner un gage de bonne volonté à son électorat le plus à gauche, lui permettant ainsi de dire “vous voyez, on a essayé, mais c’est impossible”.
A votre avis, est-ce que ce genre de “moyen” convaincra l’électorat “le plus à gauche” ? J’ai du mal à le croire, et les socialistes le savent eux aussi.
Constitution et droit européen
Ilo me semble que désormais les décisions de justice européenne (il y a deux cours indépendantes selon les sujets, je crois) s’imposent à nous, même quand elles concernent des “interprétations
constitutionnelles”, et qu’elle sont donc “de fait” de niveau équivalent à nos textes constitutionels. Cela d’autant plus, qu’imprégnées de droit anglo-saxon, ces cours s’estiment comme
producteurs de droit (et non simples interprêtes de la loi).
Votre analyse sur ce point ?
nb: je ne parle pas des souverainetés constitutionnelles que nous avons régulièrement déléguées à l’europe (en faisant en général les modifications constitutionnelles ad’hoc)
Ilo me semble que désormais les décisions de justice européenne (il y a deux cours indépendantes selon les sujets, je crois) s’imposent à nous, même quand elles concernent des
“interprétations constitutionnelles”,
Je pense que vous faites erreur. Aucune cour européenne ou internationale n’a compétence pour interpréter la Constitution. Dans la mesure où ces cours tirent leurs pouvoirs d’un traité, elles ne
peuvent examiner que les normes placées dans la hiérarchie en dessous des traités, c’est à dire, les lois et les actes réglementaires. Mais pas la Constitution, qui est au dessus des traités. La
jurisprudence du Conseil Constitutionnel est sans ambigïté à ce sujet, et a rejeté toujours les tentatives de la Cour de Luxembourg qui prétend, elle, que le droit européen est
supra-constitutionnel.
C’est pourquoi il est si important que le TCE ait été rejeté, et pourquoi le traité de Lisbonne, même s’il reprend beaucoup de ses dispositions, ne le remplace pas. Le TCE, de par son mode de
ratification, aurait pu être considéré comme ayant rang constitutionnel. Pas le traité de Lisbonne.
nb: je ne parle pas des souverainetés constitutionnelles que nous avons régulièrement déléguées à l’europe (en faisant en général les modifications constitutionnelles ad’hoc)
Soyons précis: la souveraineté est indélégable par essence. Ce que nous avons délégué, c’est des compétences. La différence est extrêmement importante: si nous avions délégué la souveraineté,
alors nous ne pourrions juridiquement plus jamais la reprendre. Le peuple français a beau avoir délégué à la Commission ou au Parlement européen tel ou tel pouvoir, il peut le reprendre par le
simple acte de dénonciation des traités européens.
Bonjour Descartes,
merci pour votre explication sur l’élaboration d’un texte de loi, elle est très instructive.
J’ai deux observations à faire:
– la première porte sur l’ajout d’une nouvelle tranche d’imposition à 75%: comme je m’en étais étonné la dernière fois, cela ne me semble pas insurmontable d’un point de vue technique, vu que
cela correspond à l’amendement d’un texte existant! Pour schématiser, ça n’est qu’une modification de barème! Comment ce changement aussi mineur techniquement peut-il être rejeté pour vice de
forme? L’explication la plus simple est évidemment l’ignorance crasse du droit fiscal par ceux qui ont écrit le texte, et qui ont mésestimé les recommendations des spécialistes…
-deuxième remarque, qui n’a strictement rien à voir avec le sujet de la super-tranche à 75%. C’est à propos de la pratique des cavaliers, et là je vise un amendement au projet de loi sur le
mariage unisexe (et abusivement dit “pour tous”). Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris le texte final, mais il semble que la PMA va être ajoutée au texte de loi par les députés, et non par le
gouvernement lui-même! On reconnaît là toute la patte de F.Hollande, grand spécialiste de la défausse, mais surtout, le véritable objectif du mariage “pour tous” apparaît plus clairement: cette
loi n’est que le prétexte pour légaliser sans débat (ou quasiment…) l’adoption, la PMA et bientôt, pour des raisons de parité, la GPA pour les couples unisexes! A ce titre, le thème du mariage
a bien servi de cavalier pour légaliser de manière subreptice des pratiques illégales de procréation par des couples qui sont par définition infertiles! C’est une illustration parfaite des
méfaits des cavaliers! Pour moi, avant de proposer un amendement, voire une loi, il faudrait d’abord justifier de sa pertinence, et rejeter A PRIORI tout texte insuffisamment motivé, ou pour
lequel le véritable objectif n’est pas explicité.
– la première porte sur l’ajout d’une nouvelle tranche d’imposition à 75%: comme je m’en étais étonné la dernière fois, cela ne me semble pas insurmontable d’un point de vue technique, vu que
cela correspond à l’amendement d’un texte existant! Pour schématiser, ça n’est qu’une modification de barème!
Non, justement. Le choix du gouvernement a été non pas de créer une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu (qui du coup aurait été soumise à toutes les autres règles et exceptions qui touchent
cet impôt) mais de créer une imposition tout à fait nouvelle. Et en particulier, il a choisi de calculer cet impôt sur le revenu de chaque individu, et non du foyer fiscal.
Cela pose un problème vis à vis d’un principe constitutionnel, celui de l’égalité devant les charges publiques. Ce principe n’implique pas que tout le monde paye la même chose, mais admet des
contributions différentes à conditions que la différence soit fondée sur les différences capacités contributives. Sur cette base, l’impôt sur le revenu est conforme à la Constitution, puisqu’il
est progressif en fonction des ressources du ménage. Le problème dans la contribution à 75% c’est qu’elle n’est pas fondée sur cette base: une personne qui gagne 1.000.000 € par mois avec dix
personnes à charge n’a pas la même capacité contributive qu’une personne qui n’en aurait aucune. Le Conseil a donc estimé qu’une taxe progressive fondée sur les ressources individuelles constitue
une rupture d’égalité.
C’est à propos de la pratique des cavaliers, et là je vise un amendement au projet de loi sur le mariage unisexe (et abusivement dit “pour tous”). Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris le
texte final, mais il semble que la PMA va être ajoutée au texte de loi par les députés, et non par le gouvernement lui-même!
Ce n’est pas à strictement parler un “cavalier”: la loi sur le mariage peut déterminer quels sont les droits des personnes mariées sans que cela soit considéré comme n’ayant pas de rapport avec
la loi. Si la loi énonce que les couples mariés quelque soit le sexe des époux auront droit à la PMA, la disposition a bien sa place.
Pour moi, avant de proposer un amendement, voire une loi, il faudrait d’abord justifier de sa pertinence, et rejeter A PRIORI tout texte insuffisamment motivé, ou pour lequel le véritable
objectif n’est pas explicité.
Et qui juge si la motivation est “suffisante” ?
Bonjour,
Un grand merci pour ce travail de qualité qui montre à quel point vous avez le sens aiguisé du service public ( du service de votre public en l’occurrence) et le besoin inextinguible d’enseigner,
ce dont nous sommes nombreux à bénéficier.
Vous écrivez : …. « Nous vivons dans un maquis de normes qui sont organisées suivant une hiérarchie,…. » , le terme de maquis – je vous cite : chaque mot a ses ambiguités – est
par définition une complication inextricable.
Or comment peut on prétendre gouverner sans agir prioritairement sur la simplification des normes. N’y a t-il pas, en France, une duplicité généralisée de la part des gouvernants et de
l’administration qui consiste à se satisfaire ad vitam éternam et vivre des fruits amers de ce maquis dans lequel chacun, peu ou prou, trouve son compte.
Ne taxez pas ces propos de fantasme du grand complot, j’ai conscience qu’ il n’y a certainement pas la moindre volonté délibérée et organisée à tout cela. Mais chacun déplore la lourdeur,
l’inéfficacité des nos normes ( en tout cas de beaucoup d’entre elles ) et ceux là mêmes qui on la charge de simplifier n’agissent que dans le sens de la complexification.
Un exemple significatif et symboliquement parlant : le taux d’alcoolémie toléré pour les usagers de la route. On envisagerait de le réduire à 0,2 gr/l, voire à 0, alors que l’on n’est pas en
mesure de le faire appliquer à son taux actuel. Même chose pour le permis à points alors que l’on ne met pas en œuvre le contrôle des conducteurs sans permis, etc, etc…..
Des dizaines, voire des centaines de milliers de fonctionnaires sont censés faire respecter des normes, mais compte tenu de la quasi impossibilité matérielle de les faire appliquer, on se
retrouve devant une efficience d’une partie de la fonction publique bien en dessous de ce que l’on pourrait en attendre.
Sont-ce les élus qui vont avoir le courage de tailler dans le vif, et de facto renoncer à toute réélection ( ce qui pose la question de la pertinence de l’élection unique), ou la haute
administration dont les émoluments de ses titulaires est sans doute fonction des effectifs dont ils ont la responsabilité ?
Je stoppe là mon développement pour laisser le relais à mes collègues commentateurs sur d’autres points. Cependant, et justement parce qu’il s’agit de maquis, il serait très intéressant que
soient décrites par vous ( mais j’imagine que votre pudeur ou votre devoir de réserve vous l’interdit) ou par d’autres commentateurs témoins, les distorsions, les interprétations fallacieuses,
les transformations tendancieuses contre lesquelles les cabinets de ministères ne font ni le poids en compétence, ni le poids en effectif et en capacité d’usure.
Or comment peut on prétendre gouverner sans agir prioritairement sur la simplification des normes. N’y a t-il pas, en France, une duplicité généralisée de la part des gouvernants et de
l’administration qui consiste à se satisfaire ad vitam éternam et vivre des fruits amers de ce maquis dans lequel chacun, peu ou prou, trouve son compte.
Ce n’est pas la faute des “gouvernants” et encore moins de “l’administration”. Les français ont la passion de l’égalité, et l’égalité suppose des normes, qui garantissent à chaque fois que chacun
d’entre nous a exactement ce à quoi il a droit, et pas plus. Contrairement aux pays anglosaxons, où les gens supportent bien que les normes soient générales et qu’on laisse à l’autorité une
grande latitude pour les appliquer, les français exigent – nous n’avons jamais perdu notre peur de l’arbitraire – que les normes soient précises et qu’elles s’adaptent finement à chaque
situation. C’est cela qui fait que notre droit est si complexe.
Bonjour,
merci pour ce très précieux article.
Bonne année 2013.
blog trés intéressant!
Merci!
Merci, c’est très intéressant.
Mme Buffet n’ayant pas à sa disposition d’administration, le fait que sa proposition contienne des erreurs n’est il pas compréhensible ? Peut être serait-il dans ce cas plus raisonnable de ne pas
déposer quelquechose d’aussi formalisé… Mais c’est compliqué, car d’un autre côté je vois aussi l’intérêt de déposer une proposition de loi quand on est dans l’opposition, afin de montrer “ce
qu’on ferait”.
Mme Buffet n’ayant pas à sa disposition d’administration, le fait que sa proposition contienne des erreurs n’est il pas compréhensible ?
Compréhensible peut-être, mais pas excusable. Si le texte n’avait que des petites erreurs, ou si au contraire il n’avait que des défauts subtils, on pourrait l’ignorer. Mais le texte en question
contient des aberrations telles que son inconstitutionnalité devrait être évidente pour n’importe quel étudiant de première année de droit. Et si les députés n’ont pas toute une administration à
leurs ordres, ils ont quand même à disposition un corps particulier de fonctionnaires qui sont les “administrateurs de l’Assemblée Nationale” pour les aider. Et en dernière instance, leur parti
devrait avoir un groupe d’expertise capable de les assister.
Je sens que vous allez me trouver trop sevère, alors permettez-moi de vous donner quelques exemples. J’ai extrait du texte cinq fragments d’articles qui, tous, sont affligés d’une
inconstitutionnalité. Saurez-vous découvrir en quoi elle consiste ? Les réponses à la fin de ma réponse…
“Article 31: (…) Aucune mesure d’éloignement du territoire n’est applicable aux femmes étrangères qui sont engagées dans une procédure civile ou pénale en rapport avec une situation de
violence (…)”
“Article 38: (…) Ainsi, l’aide juridictionnelle est accordée sans condition de régularité du séjour en France aux femmes étrangères victimes de violences”
“Article 45: Une circulaire permettra l’extension de ces mesures aux ressortissantes algériennes”
“Article 80: Il sera crée un secrétariat d’Etat du Gouvernement contre les violences à l’encontre des femmes, rattaché au Premier ministre (…)”
“Article 83: Le gouvernement mettra en place, au sein de la Police nationale, des unités spécialisées dans la prévention de la violence à l’encontre des femmes (…)”
Non, si ce texte est bourré d’erreurs ce n’est pas parce que M-G Buffet & Co. n’ont pas les moyens de le faire corriger, mais parce qu’ils ne considèrent pas le fait de déposer un texte de
qualité comme ayant de l’importance. Il leur manque, si l’on me pardonne l’expression, l’amour du travai bien fait. Et malheureusement, ce manque de rigueur, cette tolérance pour l’à-peu-près se
traduit, lorsque ces gens ont un peu de pouvoir, dans des cafouillages comme ceux que nous voyons aujourd’hui.
Voici les réponses à l’exercice proposé…
Article 31: la mesure établit une discrimination fondée sur le sexe, puisque les mesures d’éloignement sont supprimées pour les “femmes étrangères engagées dans une procédure pour violences” mais
ne sont pas supprimées pour les hommes qui seraient eux aussi engagés dans une telle procédure. (violation du principe d’égalité devant la loi, article 1 de la Cosntitution)
Article 38: Même chose. L’aide juridictionnelle serait donnée aux femmes sans condition de régularité du séjour, alors qu’elle serait refusée aux hommes dont le séjour serait irrégulier.
Article 45: “Ces dispositions” ne peuvent se référer qu’aux dispositions de l’article précédent. Or, une “circulaire” (qui est une simple lettre signée du ministre et donnant aux fonctionnaires
des instructions) ne peut “étendre” une mesure législative… (violation de l’article 34 de la Constitution, qui réserve le domaine de la Loi au Parlement)
Article 80: La création d’un “secrétariat d’Etat du gouvernement” (???) n’est pas une compétence du législateur. Le pouvoir exécutif est libre de s’organiser comme il l’entend, et c’est donc le
Premier ministre par décret qui décide de créer des ministères et des secrétariats d’Etat et de leurs compétences (violation du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et de l’article
34 qui définit le domaine de la Loi)
Article 83: Même problème. Le Parlement ne peut, dans une loi, enjoindre le gouvernement de faire telle ou telle chose qui appartient à son domaine réservé. C’est le pouvoir exécutif qui fixe
l’organisation des services publics, et notamment celui de la Police Nationale…
J’ajoute que je n’ai relevé, pour ce petit exercice, que les inconstitutionnalités. Je m’étais amusé lors du dépot de la loi à faire l’analyse complète des erreurs de droit qu’elle contenait. Il
y en avait vingt pages…
Une toute petite remarque sur une toute petite phrase: “et oui je fréquente des gens bien peu recommandables” dites vous des énarques.
Je trouve que ce type de lieux communs sur l’ENA, est malheureux, pour avoir fréquenté quotidiennement pendant des années des gens sortis de cette école tout à fait compétents et
dévoués au service public, je trouve dommage de répéter (même avec le grain de sel de l’ humour ) cette platitude.
l’ENA, a été créée à la Libération et a été un modèle d’école pour former les administrateurs de l’Etat, son projet porté par les gaullistes, le CNR dans son ensemble était un projet de
démocratisation de l’administration ( et pas seulement un projet “technique” comme l’avait été l’Ecole d’Uriage sous l’état français), Administration dont le recrutement jusqu’alors, même s’il
avait des aspects de très haute tenue, était cependant peu formalisé et ne touchait que certains milieux. Le projet prenait en compte une ouverture à des couches entières jusque là exclues de
l’administration de la République. Les premières promotions, France Combattante par exemple, comportaient des gens nés dans des couches sociales qui n’avaient jamais “produit ” de telles
compétences et n’avaient pu accéder à de telles responsabilités. Pendant bien des années l’ENA a été un modèle, envié de bien des pays, de formation de la haute administration, dont la
finalité était le service public, et pas seulement de “dire le droit”pour le profit de leur caste d’origine.
Je sais bien que les analyses de Bourdieu dans” la noblesse d’Etat” montrent qu’il y a depuis déjà longtemps une sorte d’endogamie des “élites” dans ce recrutement. Mais je crois aussi que
l’accusation de formatage, de laboratoire de l’idéologie dominante , est controuvée, la preuve, les analyses que votre ami apporte et qui montrent la haute technicité requise , l’expertise
et la valeur de cette haute administration, au service du gouvernement émanation du vote démocratique, quelque soit ce gouvernement.
Ceci pour dire que les énarques ne font pas que se partager le gâteau, que l’inégalité devant l’éducation est un problème très général, et que j’ai plus confiance dans les grands corps de l’Etat
recrutés par concours, que par cooptation et copinage sans filtre.
Une toute petite remarque sur une toute petite phrase: “et oui je fréquente des gens bien peu recommandables” dites vous des énarques. Je trouve que ce type de lieux communs sur l’ENA,
est malheureux,
Je pense que sous ma plume il n’y avait pas de doute que ma formule était ironique, et qu’elle avait pour but de se moquer de la tendance des gens à gauche à cracher sur cette institution. Je
partage bien entendu votre point de vue sur les énarques: je travaile et j’ai beaucoup travaillé à leur contact, et dans leur immense majorité ce sont des gens curieux, compétents, cultivés et,
cerise sur le gâteau, avec un sens profond du service public et un grand dévouement. Bien sur, comme dans n’importe quel autre milieu professionnel, on trouve des imbéciles et des pompeux. Mais
plutôt moins qu’ailleurs.
Il ne faut pas oublier aussi qu’on tend à juger les énarques à partir de ceux qui atteignent une célébrité médiatique, c’est à dire, ceux qui font de la politique ou tournent autour des médias.
Mais ceux-ci représentent une toute petite minorité. L’immense majorité des énarques sont en poste dans les ambassades, les préfectures, les ministères, les tribunaux et cours adminstratives…
et ne font que très rarement parler d’eux alors qu’ils sevent avec devouement la Nation. Je n’ai pas connu un seul énarque qui fait ses 35 heures… et j’ai connu plusieurs préfets qui se
considèrent en service 24 heures sur 24.
l’ENA, a été créée à la Libération et a été un modèle d’école pour former les administrateurs de l’Etat, son projet porté par les gaullistes, le CNR dans son ensemble était un projet de
démocratisation de l’administration
Il faut souligner que le projet était autant porté par les gaullistes que par les communistes. Sa création est proposée par la “Mission provisoire de réforme de l’administration” présidée par un
certain Maurice Thorez (bien oublié aujourd’hui, même par ses soi-disant héritiers…) qui rédigera aussi le premier statut des fonctionnaires. C’est sur cette proposition que l’ENA sera créée
par l’ordonnance du 9 octobre 1945 qui porte la signature de De Gaulle mais aussi celle de Thorez. Et c’est ce dernier qui mettra effectivement en place l’institution, en tant que vice-président
du conseil chargé de la fonction publique, après la démission de De Gaulle en janvier 1946. On ne peut donc pas vraiment dire que ce fut un projet “de droite”…
Le projet prenait en compte une ouverture à des couches entières jusque là exclues de l’administration de la République. Les premières promotions, France Combattante par exemple, comportaient
des gens nés dans des couches sociales qui n’avaient jamais “produit ” de telles compétences et n’avaient pu accéder à de telles responsabilités.
Ce qui ne faisait que réproduire le modèle des autres “Grandes Ecoles” de la Révolution et de l’Empire. On glose beaucoup sur “l’injustice” du recrutement de ces organismes, oubliant un peu vite
que même s’i elles donnent un avantage certain aux couches plus “bourgeoises”, les “grandes écoles” avec leur recrutement par concours donnent des opportunités de promotion sociale bien plus
importantes que le système universitaire. En effet, on trouve à peine 8 à 10% de fils d’ouvriers et d’employés à l’ENA ou à Polytechnique. Mais du fait de l’impitoyable sélection à l’entrée, ces
10% deviennent effectivement des polytechnicies ou des énarques, et on la même carrière “de droite” que leurs collègues “bourgeois”. A l’Université, vous trouverez bien 30% de fils d’ouvriers en
sociologie… mais combien arriveront jusqu’au mastère ? Et au doctorat ? Et ensuite, comment feront-ils pour trouver des postes dans un milieu ou tout se fait par le réseau familial et
professionnel souvent hérité ?
Pendant bien des années l’ENA a été un modèle, envié de bien des pays, de formation de la haute administration, dont la finalité était le service public, et pas seulement de “dire le
droit”pour le profit de leur caste d’origine.
Et il le reste. Ayant beaucoup voyagé pour motif professionnel, je peux vous dire que les qualités de notre fonction publique (compétence, loyauté, honnéteté) nous sont largement enviées à
l’étranger. Comme souvent en France, on crache un peu vite sur ce qu’on a sans se rendre compte de sa valeur.
Je sais bien que les analyses de Bourdieu dans” la noblesse d’Etat” montrent qu’il y a depuis déjà longtemps une sorte d’endogamie des “élites” dans ce recrutement.
Ces analyses m’ont toujours fait rigoler. Avec lui, tout à coup, l’intellectualité germanopratine a découvert que nous vivons dans une société capitaliste hiérarchisée, qui tend à se reproduire.
C’est quand même un peu la découverte de l’eau chaude. Mais si le travail de Bourdieu connut un tel retentissement, c’est qu’il était utile, dans l’ambiance où les classes moyennes voulaient
faire éclater le modèle issu de la Résistance pour lui substituer un modèle libéral. L’argument de “l’endogamie des élites” a été utilisé pour crucifier un système qui, tout en étant jusqu’à un
certain point endogame, permettait quand même un niveau important de promotion social. Et une fois crucifié, on lui a substitué un système qui est encore plus “endogame”. Il n’y a qu’à voir les
efforts déployés pour supprimer le classement de sortie à l’ENA et lui substituer une distribution des postes par “entretiens d’embauche”… sous le prétexte fort “égalitaire” de mieux adapter le
poste proposé aux profils des candidats. Gageons qu’avec ce système le candidat dont les parents sont tous deux dans un “Grand Corps” aura beaucoup moins de difficulté à suivre la voie paternelle
que s’il avait du conquérir cet accès par ses notes…
Ceci pour dire que les énarques ne font pas que se partager le gâteau, que l’inégalité devant l’éducation est un problème très général, et que j’ai plus confiance dans les grands corps de
l’Etat recrutés par concours, que par cooptation et copinage sans filtre.
Nous sommes bien d’accord.
Je m’étais amusé lors du dépot de la loi à faire l’analyse complète des erreurs de droit qu’elle contenait. Il y en avait vingt pages…
Drôle de façon de s’amuser… quoique, si je me permets un éloge de Buffet, l’effort a été fait de ne pas rédiger le texte dans le jargon Parti post-communiste kafkaïen habituel… j’étais
dernièrement dans une réunion de fédé avec je ne sais quelle apparatchik-e qui nous a débité un flot d’expressions tautologiques telles que je les ai de suite notées… Le rythme était
insoutenable ; j’ai fini par avoir des cloques sur la main. Et moi qui pensais avoir esquivé médecine… Le jeune et frais militant que je suis en serait ressorti traumatisé s’il avait espéré un
quelconque apport théorique de ce genre de réunion. En attendant, j’ai bien ri.
Allez, comme on est en période de fêtes, je ne manque pas de vous livrer le florilège des dernières formules émanant du CN – c’est qu’à l’oral, comme au bac, on se lache dans les
potentialités :
“possibilité de potentialité majoritaire/être en révélation critique d’amplification de rupture/forces de potentialité/processus qui tutoie l’idée d’un projet(hoho)/faire sens
d’exigence d’un projet/ émergence de demandes de propositions…”
“Je m’étais amusé lors du dépot de la loi à faire l’analyse complète des erreurs de droit qu’elle contenait. Il y en avait vingt pages…” Drôle de façon de s’amuser…
Pourquoi ? Je vous assure que c’est un texte très amusant, et en plus très révélateur de la manière de penser d’un certain féminisme moderne. Le chapitre sur les réformes dans l’éducation (qui
instaure une véritable “police de la pensée”) et celui sur le droit pénal (qui va jusqu’à créer toute une hiérarchie de juridictions paralèlles, de la correctionnelle jusqu’à la cour d’Assises,
destinée exclusivement à juger tout acte de violence dont la victime est une femme, ce qui revient en pratique à créer un système judiciaire séparé) valent la peine d’être lues…
quoique, si je me permets un éloge de Buffet, l’effort a été fait de ne pas rédiger le texte dans le jargon Parti post-communiste kafkaïen habituel… j’étais dernièrement dans une réunion de
fédé avec je ne sais quelle apparatchik-e qui nous a débité un flot d’expressions tautologiques telles que je les ai de suite notées…
C’est ce que je vous disais: mieux vaut s’en amuser… et en plus, le spectacle est gratuit. Le PCF a toujours eu sa “langue de bois”. Mais avant, celle-ci était au moins mise au service d’un
projet et d’une vision du monde qui avait sa cohérence. Aujourd’hui, on se rend vite compte que c’est un discours qui tourne à vide, autour de trois ou quatre “bonnes intentions”…
Allez, comme on est en période de fêtes, je ne manque pas de vous livrer le florilège des dernières formules émanant du CN – c’est qu’à l’oral, comme au bac, on se lache dans les
potentialités :”possibilité de potentialité majoritaire/être en révélation critique d’amplification de rupture/forces de potentialité/processus qui tutoie l’idée d’un projet(hoho)/faire sens
d’exigence d’un projet/ émergence de demandes de propositions…”
Comme disait le regretté Raymond Devos, ces gens manient la langue de bois de main de maître… Les discours de Laurent, Dartigolles & Co. sont dejà vaseux, mais le plus terrible sont les
cadres intermédiaires qui s’échinent à faire comme les “grands” et en font trop. A quand la compilation d’un “bêtisier militant” ?
Bonjour Descartes continuez dans vos explications très enrichissantes , je fais moi même du droit a mon niveau et je connais un nombre important de textes relatifs au droit du travail
mals écrits qui ont ouverts nombre de porte a jurisprudence ! a bientôt
Bonjour Descartes,
merci d’avoir corrigé mon ignorance sur les intentions du gouvernement à propos de ce nouvel impôt (puisque c’est bien de cela qu’il s’agissait). Toutefois, ça n’enlève rien à la pertinence de
mon propos, et c’est même plus grave: comment ceux qui ont rédigé le texte, pouvaient ignorer qu’en droit fiscal, la loi ne reconnaît pas les individus, mais uniquement les ménages (ou le foyer
fiscal)?
Sinon, concernant la question sur les cavaliers, je pense que la motivation d’une loi doit apparaître clairement, afin de pouvoir être examinée, puis validée par les deux chambres (j’avais pensé
au Conseil d’Etat, un peu comme en Belgique, mais je pense que le législateur doit garder la main…) avant de procéder à l’examen du texte sur le fond. Même si ça retarde un peu la procédure et
qu’au final, ça n’empêche pas vraiment la promulgation du texte, on saura au moins si la raison de modifier ou de créer une loi est valable, et surtout quel problème est résolu. Du moins, grâce à
la publicité du débat, chacun pourra en être juge…
C’est une idée “en l’air”, je rêve tout haut mais j’en ai plus qu’assez de ces changements de loi qui créent une inflation de textes législatifs qui rendent le droit inapplicable, faute de moyens
et également de volonté politique. Cela évitera aussi ces phénomènes du bout-en-train tels que la question du mariage unisexe, faux-nez de la légalisation de l’adoption par des homosexuels: en
effet, sans l’adoption, ni la PMA et ni la GPA, le mariage dit “pour tous” ne sera jamais qu’un renommage du PACS…
comment ceux qui ont rédigé le texte, pouvaient ignorer qu’en droit fiscal, la loi ne reconnaît pas les individus, mais uniquement les ménages (ou le foyer fiscal)?
Ils pouvaient l’ignorer parce que ce n’est pas vrai ! En droit fiscal, une taxe peut avoir pour assiette le revenu de la personne (eg. la CSG) ou bien le revenu du ménage. Le problème est que la
jurisprudence a déterminé qu’une taxe “plate” peut parfaitement être fondée sur le revenu de la personne, mais qu’une taxe progressive devait avoir pour assiette le revenu du
foyer fiscal. L’erreur des rédacteurs de l’article censuré a été de croire qu’on pouvait traiter la taxe à 75% comme une taxe “plate”, alors qu’elle est progressive.
je pense que la motivation d’une loi doit apparaître clairement, afin de pouvoir être examinée, puis validée par les deux chambres (…) avant de procéder à l’examen du texte sur le
fond.
Cela se fait dejà par le biais de la “motion d’irrécevabilité”. A l’ouverture des débats sur un texte (que ce soit en commission ou en plenière) un député peut présenter une “motion
d’irrécevabilité” s’il estime que le texte est mal fait, qu’il est inutile où qu’il présente des failles sérieuses. La motion est discutée et votée en priorité, et si elle est adoptée le texte
est considéré comme rejeté. Il existe aussi une “motion d’inconstitutionnalité” qui peut être présenté dans les mêmes conditions. C’est ce qu’on appelle les “motions préalables”.
J’ai pensé à ce que vous aviez écrit concernant la conscience instinctive des intérêts de classe en lisant ceci.
A noter également, l’opinion des tranches d’âge ; il faut vraiment être malhonnête pour continuer à présenter les nations souveraines comme des vieilleries et l’Europe comme l’avenir…
J’ai pensé à ce que vous aviez écrit concernant la conscience instinctive des intérêts de classe en lisant ceci.
Pourquoi “instinctive” ? Il n’y a rien “d’instinctif” là dedans. C’est au contraire parfaitement rationnel: ce sont ceux dont les politiques libérales de l’UE ont le plus dégradé non seulement
les conditions de vie mais aussi la perspective qui sont les plus négatifs sur la monnaie unique. Ces gens, me direz vous, ne comprennent rien aux mécanismes monétaires et ne sont pas capables
“rationnellement” à faire le lien entre l’Euro et leurs malheurs. C’est vrai. Mais ces gens-là ne sont pas pour autant des imbéciles. Ils ont entendu d’un côté les partisans de l’Euro qui leur
ont expliqué que grâce à l’Euro l’UE allait connaître le paradis sur terre. Et ils ont entendu les adversaires de l’Euro qui leur ont expliqué qu’à cause de l’Euro on allait connaître de
profondes crises avec un chômage massif et une croissance rachitique. Dix ans plus tard, les gens n’ont pas besoin de connaître la théorie de la monnaie pour se dire que l’analyse des adversaires
de l’Euro a donné des prédictions bien plus exactes que celle des partisans de la monnaie unique…
bonsoir Descartes , rien a voir avec le sujet mais j aimerais connaître votre point de vue sur ce qui circule sur la toile concernant l’islande et leur révolution; mythe ou réalité ! merci
Je dois avouer mon ignorance. Je n’ai pas eu pour le moment d’études sérieuses publiées sur le cas islandais. J’ai vu les textes enthousiastes d’un certain nombre “d’alter” expliquant que c’était
le nouvel exemple à suivre – un peu comme Porto Alegre et son “budget participatif” l’ont été à la fin des années 1990. Et comme je n’aime pas commenter sans avoir un minimum de documentation, je
crains ne pas pouvoir vous aider. Cela étant dit, si vous connaissez un bon document sur la question, je vous promet de le lire et de vous dire ce que j’en pense.
Le seul message que j’aurais est celui de la prudence: l’Islande est une économie de 300.000 habitants, isolée, à 81% autosuffisante pour son énergie (grace aux ressources hydrauliques et
géothermiques importantes), habitée par une population culturellement homogène et socialement très disciplinée. Quelque soient les leçons qu’on tire de l’expérience islandaise, les généraliser à
des pays plus de cent fois plus peuplés, fortement hétérogènes, avec des économies fortement interconnectées à celles de leurs voisins, dépendants pour leur approvisionnement énergétique, parait
pour le moins osé…
Sans vouloir être méchante, je n’ose imaginer le nombre de lois retoquées par le Conseil Constitutionnel qu’un gouvernement du Front de Gauche aurait présentées (désobéïssance
européenne et tout le tralala). Bien évidemment, ç’eut été de la faute du CC qui est de droite, et non des partisans/courtisans de JLM qui croient “yakafokon”.
Je me souviens d’un atelier législatif du FdG ; l’animateur/instigateur du projet de loi était étudiant en droit. En fait, beaucoup dans l’équipe de campagne ou d’argumentaires le sont. Je
suis tout à fait pour donner leur “chance aux jeunes” (je suis pas encore tout à fait vieille^^) mais quand on prépare un programme politique, et qu’on a la prétention de gouverner, on doit avoir
conscience de la gravité, voire de la solennité de ce qu’on veut présenter pour améliorer la vie de ses concitoyens. Or ce caractère grave est totalement absent de leur psyché : révolution
citoyenne à la cool, tout le monde peut participer et aurait les bagages pour. Désolée mais un étudiant en droit, aussi assidu et sérieux soit-il, n’est pas un législateur.
Le PS qui est sensé avoir plus l’habitude de gouverner vit lui le reflux des djeunz qui ont une telle gourmandise dans le pouvoir qu’ils viennent d’acquérir (voir la bobo Duflot, qui est la
caricature de cette mentalité), une telle foi dans leur seul volontarisme, qu’ils sont pathétiques quand ils se fracassent dans le mur de la réalité. Sarko avait aussi des
ministres incompétents recrutés pour la galerie et la com’ (Dati : femme check ; issue de l’immigration check ; jeune check), mais si ses lois sont passées, c’est qu’il s’est assuré
qu’une équipe d’anonymes rédacteurs les rédigent dans les formes.
Sans vouloir être méchante, je n’ose imaginer le nombre de lois retoquées par le Conseil Constitutionnel qu’un gouvernement du Front de Gauche aurait présentées (désobéïssance
européenne et tout le tralala). Bien évidemment, ç’eut été de la faute du CC qui est de droite, et non des partisans/courtisans de JLM qui croient “yakafokon”.
Eh oui… mais je pense que le problème est là bien plus profond qu’un simple manque de technique juridique. Les condamnations recurrentes du “Conseil constitutionnel qui est de droite” chaque
fois que celui-ci annule une disposition qui leur tient à coeur montre que la “gauche radicale” n’a toujours pas assimilé ce qu’est l’Etat de droit et ses mécanismes. Elle se place toujours dans
une vision gauchiste où tout rapport de forces se manifeste “à nu”, et ne comprend pas que l’intérêt du droit est justement de permettre aux rapports de force de se manifester avec un minimum de
violence.
L’existence d’une loi et de procédures pour la modifier est la garantie que n’importe qui ne peut faire n’importe quoi simplement parce qu’il a eu 51% dans les urnes. Que le CC annule aujourd’hui
une disposition qui nous tient à coeur peut être frustrant, mais demain ce même mécanisme permettra d’annuler une dispositions que nous jugeons scélérate. Et si nous mêmes nous contestons
aujourd’hui la crédibilité du gendarme, comment demain pourrions nous demain – lorsqu’il aura annulé une disposition scélérate – défendre sa légitimité ?
Cette incompréhension est grave parce qu’elle crée un fossé entre la “gauche radicale” et les couches populaires. Alors que la première est tout feu tout flamme et considère l’Etat de droit comme
une aimable plaisanterie au mieu, comme un mensonge destiné à préserver la domination des “riches” au pire, l’électorat populaire au contraire est attaché à l’Etat de droit parce qu’il comprend
très bien que si les rapports de force se manifestaient “à nu” elle serait le premier à y laisser des plumes, contrairement aux compères de la “gauche radicale” qui, comme le disait Vian
“déclarent la guerre mais n’y vont pas…” en allant aux manifestations où la police – comme en 1968 – fait tout ce qu’il faut pour minimiser le nombre de morts et de blessés.
En fait, il y a dans la “gauche radicale” une erreur fondamentale sur la nature de l’Etat. Elle en reste à l’analyse marxiste classique qui faisait de l’Etat l’instrument des classes dominantes.
Mais l’Etat a beaucoup changé depuis 1948: de l’Etat-gendarme destiné à protéger les riches, il est devenu l’Etat-providence gérant les systèmes de protection et de solidarité commune. Il n’est
plus aujourd’hui le serviteur des classes dominantes, mais le fléau de la balance des rapports de force et l’institution qui permet à ceux-ci de s’exprimer pacifiquement.
Je me souviens d’un atelier législatif du FdG ; l’animateur/instigateur du projet de loi était étudiant en droit. En fait, beaucoup dans l’équipe de campagne ou d’argumentaires le sont.
Je suis tout à fait pour donner leur “chance aux jeunes” (je suis pas encore tout à fait vieille^^) mais quand on prépare un programme politique, et qu’on a la prétention de gouverner, on doit
avoir conscience de la gravité, voire de la solennité de ce qu’on veut présenter pour améliorer la vie de ses concitoyens.
Tout à fait. Il y a un sens “tragique” à la politique, que la génération de 68 avait reçu mais n’a pas transmis. Et cela fait maintenant défaut aux jeunes qui veulent se lancer dans la politique.
L’envoi de “brigades de clowns” (désolé, je ne me souviens pas le nom exacte qu’on leur a donné) à Hénin-Beaumont pendant la campagne législative fut une grave erreur. Faire de la politique un
“happening” est une insulte au citoyen.
Désolée mais un étudiant en droit, aussi assidu et sérieux soit-il, n’est pas un législateur.
Je pense que ce n’est pas une question de compétence technique, mais une question d’attitude. Un étudiant de droit, assidu et sérieux, a tous les éléments techniques pour être un législateur.
Mais être un législateur nécessite bien plus que technique. Nécessite de prendre conscience d’abord que le travail législatif s’inscrit dans une histoire longue, que les lois qui existent ont
généralement une raison d’être qui se perd quelquefois dans le passé et qu’il est naïf de croire qu’on peut “du passé faire table rase” en trois coups de cuillère à pot. Paraphrasant Montesquieu,
être législateur c’est prendre conscience que “on ne touche aux lois qu’avec des mains tremblantes”. Etre législateur, c’est prendre conscience ensuite que la norme qu’on écrit est générale, et
qu’elle a donc vocation à s’appliquer à tous. Qu’on ne peut donc pas faire une règle sans se demander quels seront les effets de celle-ci dans tous les contextes, et non seulement dans celui
qu’on vise. Porter atteinte à une liberté ou un droit aujourd’hui, c’est ouvrir la porte, créer un précédent à ce qu’on y porte atteinte à un autre demain…
Sarko avait aussi des ministres incompétents recrutés pour la galerie et la com’ (Dati : femme check ; issue de l’immigration check ; jeune check), mais si ses lois sont passées,
c’est qu’il s’est assuré qu’une équipe d’anonymes rédacteurs les rédigent dans les formes.
Et surtout, Sarko et son équipe avaient une certaine conscience de leurs limites, qui faisait qu’ils écoutaient ces “anonymes rédacteurs” quand ceux-ci leur disaient que telle ou telle chose
était inconstitutionnelle. Cela n’a pas évité certaines erreurs (annulation des dispositions sur la “taxe carbone”… tiens, je ne me souviens pas qu’à l’époque le PCF ait dénoncé les Sages comme
“suppôts de la bourgeoisie”…), mais en a beaucoup réduit la portée. L’annulation de la loi Duflot est peut-être la meilleure illustration de cette croyance dans le “volontarisme” que vous
dénoncez: la loi était entachée d’une telle violation de procédure (elle avait été votée en plenière d’abord et discuté en commission ensuite) qu’elle ne pouvait qu’être annulée.
Bonsoir Descartes,
Je veux vous dire bravo pour vôtre blog, que je lis très régulièrement car il est de très grande qualité.
Mais si je commente ce papier c’est afin de vous suggérer le thème d’un futur article : la Technocratie. Vous semblez bien connaître ce “milieu”. Il me semble donc intéressant d’entendre ce que
vous pensez du rôle qui doit être le sien ou des caractéristiques d’un bon technocrate.
Je suis sûr que cela intésserait (entre autre) les jeunes qui lisent vôtre blog et qui veulent justement s’orienter vers une carrière de technocrate
Je veux vous dire bravo pour vôtre blog, que je lis très régulièrement car il est de très grande qualité.
Merci, des commentaires comme le votre m’aident à continuer.
Mais si je commente ce papier c’est afin de vous suggérer le thème d’un futur article : la Technocratie.
Je note la commande… 😉
J’avais écrit il y a déjà quelque temps un article sur ce sujet. Mais j’ai bien envie d’en écrire un noveau, et l’importance du problème le justifie. Alors attendez-vous à en voir un très
bientôt…
Je suis sûr que cela intésserait (entre autre) les jeunes qui lisent vôtre blog et qui veulent justement s’orienter vers une carrière de technocrate
“Technocrate” n’est pas une carrière, c’est un sacerdoce… 😉