Jeudi, je me suis installé devant ma télévision pour regarder le grand oral de Mélenchon devant les joyeux drilles de l’émission “des paroles et des actes”. A ma droite, un petit carnet pour noter – on ne sait jamais, des fois qu’on dirait des choses intéressantes-, à ma gauche une copieuse réserve de mon chocolat préféré. Que voulez-vous, certains soignent leur chagrin en le noyant dans l’alcool, d’autres se suicident au chocolat. Deux heures et demie plus tard, avec ma réserve de chocolat presque épuisée, j’ai fini par éprouver une illumination. Après tant d’années de le regarder, j’ai fini par comprendre ce qui ne va pas dans le style Mélenchon: notre petit timonier n’écoute tout simplement pas les questions, et lorsqu’il les écoute, il n’essaye pas d’y répondre.
Mais avant de poursuivre sur cette question, un mot sur l’émission elle même. Cette émission, censée être l’émission politique phare du service public de l’audiovisuel est le degré zéro de la politique. C’est devenu “on n’est pas couché” en moins drôle et surtout en moins assumé. Au moins Rouquier et consorts ne se cachent pas de faire du divertissement avec une émission pseudo-politique où l’on exhibe les hommes politiques comme des bêtes de foire. Poujadas et consorts, au contraire, ont la prétension de faire une “vraie” émission politique où l’on parle finalement fort peu de politique et l’essentiel du temps est consacré à des questions sur l’image du candidat, sur son langage, sur sa manière de s’habiller et autres préoccupations essentielles du même genre. Les “mini-débats” sont souvent grotesques (1), les séquences “nostalgie” idiotes, et la séquence finale ou des médiacrates “jugent” le politique dépasse l’entendement, même si elle est révélatrice du rôle que la caste médiatique prétend exercer. Seule la séquence “économie” avec F. Lenglet a une certaine ténue et permet un débat qu’on puisse qualifier de sérieux.
L’affaire n’était donc pas prometteuse. Pour tirer quelque chose d’une telle émission, il faut à l’invité des nerfs d’acier et surtout un plan. Devant une meute de soi-disant journalistes qui ne se soucient que du spectacle, c’est à lui de poser une ligne et de s’y tenir, de s’adresser aux spectateurs par dessus la tête de l’interrogateur. Une émission de télévision n’est pas un dialogue avec le journaliste: le dialogue n’est qu’un prétexte pour s’adresser à un public. On a donc le droit d’agresser le journaliste, mais le faire pour se faire plaisir n’a pas de sens. Si on agresse le journaliste, il faut le faire avec un but, en pensant à l’effet que cela aura sur le public. Et Mélenchon et ceux qui l’entourent sont ont suffisamment d’expérience pour le savoir.
De là ma perplexité. La prestation de jeudi consistait essentiellement en une agression permanente et gratuite du journaliste. Celui-ci n’avait même pas la possibilité de poser sa question sans être immédiatement interrompu par un commentaire ou une diatribe de l’invité. Ce qui me pose problème n’est pas l’agression en soi: je n’ai jamais pensé que les journalistes soient des vaches sacrées à qui il serait interdit de donner des coups de pied. Mais l’agression doit servir à quelque chose, faire partie d’une logique. Lorsqu’elle est gratuite, elle donne toujours l’impression que le but de la manœuvre est de noyer le poisson, et d’empêcher un débat sérieux qui ferait apparaître la faiblesse des raisonnements. Une suspicion confirmée par la faiblesse des réponses de Mélenchon lorsque les questions se font plus précises. Et notamment sur les questions économiques.
Car c’est sur l’économie que Mélenchon est finalement le plus faible, ce qui devrait inquiéter ses partisans à un moment où l’électorat – et surtout l’électorat populaire – met les questions économiques en tête de ses préoccupations. Or, sur les questions économiques Mélenchon a tenu un discours qui a de quoi inquiéter. Prenons par exemple la question de l’activité: Mélenchon a déroulé une explication de la crise qui fleure bon le keynésianisme le plus classique: si notre industrie est en difficulté, c’est parce qu’il n’y a pas assez de demande (2). Augmentons les salaires, et cela fera plus de demande, donc plus d’activité, donc plus de rentrées fiscales et plus de ventes pour les entreprises. Seulement voilà, ce raisonnement est parfaitement rationnel en économie fermée. Mais en économie ouverte, augmenter les salaires cela fait plus d’activité… pour les usines chinoises, coréennes, roumaines, mais pas pour les usines françaises, d’autant moins compétitives qu’on a augmenté les salaires. Une politique nationale de relance ne peut marcher que couplée avec des mesures protectionnistes qui empêchent la “fuite” de la relance vers les économies les plus compétitives.
Le raisonnement sur la dette fut encore plus faible. Mélenchon dit que la dette ne sera jamais payée, et il a en partie raison. Mais il a tort lorsqu’il imagine que cela ne concerne que des messieurs en haut de forme et fumant des cigares. Car une partie très importante de la dette est détenue par des gens comme vous et moi. Prenons un exemple: la retraite des fonctionnaires constitue dans la comptabilité de l’Etat une dette, puisque c’est une charge qu’il faudra payer dans les années qui viennent. Lorsqu’on dit que “la dette ne sera pas payée” ce qu’on est en train de dire c’est que les fonctionnaires ne toucheront pas la retraite à laquelle ils ont droit selon les textes en vigueur ? Oui, cela veut dire exactement cela. Et lorsque Mélenchon parle de payer la dette “avec l’inflation”, cela veut dire exactement la même chose: qu’on paiera à partir d’un prélèvement sur l’ensemble de la population. L’affirmation selon laquelle “la dette ne sera jamais payée” n’est donc vraie que si l’on oublie le fait que le fait de ne pas la payer revient en fait à prélever de l’argent sur les créanciers… et que ce seront eux qui en fait “paieront”. Est-ce cela que Mélenchon propose ? Et je passe sur l’idée de “moratoire sur la dette”. Que feront les retraités ?
Et enfin, sur l’Euro ce fut le bouquet. Mélenchon nous ressort toujours le même raisonnement: si la France dit “non”, le reste de l’Europe – et notamment l’Allemagne – seront si effrayés qu’ils céderont immédiatement. Un raisonnement que Mélenchon met en parallèle avec celui de la force de dissuasion nucléaire. Le problème, c’est que la dissuasion nucléaire repose sur le principe de la destruction mutuelle assurée: en l’utilisant, un pays se suicide mais provoque chez son adversaire un dommage inacceptable. Et qu’on voit mal en quoi un “non” de la France provoquerait dans le reste de l’Union un “dommage inacceptable”.
Ces faiblesses dans le raisonnement mélenchonien sont connues et ne surprendront que ceux qui veulent bien être surpris. Mais ce qui est apparu jeudi, c’est combien la tactique de l’agressivité permanente est utile pour cacher les défauts de ce raisonnement. Comme toute argumentation contraire est diabolisée immédiatement comme un “raisonnement des parfumés”, le débat est déplacé vers les motivations du journaliste et on oublie l’objection elle même. Mais cela marche de moins en moins bien. Devant Lenglet, qui pose ses questions sans crier et ne perd jamais son calme, Mélenchon est apparu fuyant et confus. Même Apparu, qui pourtant n’est pas le comble de l’intelligence, a réussi à le mettre en difficulté.
On remarquera par ailleurs que la diatribe “l’avenir de la France est dans la mer” a remplacé la diatribe “l’avenir de la France est la géothermie”…. là aussi, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une tactique. Ce sont des propositions absurdes mais comme elles ne sont pas dans la “vulgate”, les journalistes n’ont pas travaillé le sujet et hésitent de dénoncer les contre-vérités assénées par Mélenchon de crainte de se faire accrocher. Là encore, c’est la tactique qui domine totalement le fond.
Descartes
(1) Faut dire que les hommes politiques acceptent n’importe quoi. Un débat entre un homme politique et un demi-mondain style Attali n’a aucun sens. Attali est un – mauvais – écrivain qui doit sa célebrité au rôle de bouffon du roi qu’il a joué dans les années 1980. Lorsqu’il eut l’opportunité de diriger une institution – la BERD – et de mettre donc en pratique ses brillantes idées ce fut un désastre. Il est l’exemple type de ces gangsters intellectuels qui donnent des conseils au monde entier mais qui ne sont pas capables de diriger un magasin de chaussures. Les hommes politiques devraient refuser le débat avec ce genre de personnage, et expliquer pourquoi.
(2) L’exemple choisi était assez révélateur: si PSA est en difficulté, c’est parce que les classes moyennes ne peuvent pas s’acheter une voiture…
Ouf ! Je pensais qu’il n’y avait que moi pour penser comme ça !
Je n’ai pas vu l’emission en direct, mais j’ai tenté de la regarder sur le blog de Melenchon. Au bout de 20 min, ca m’est devenu insupportable et j’ai quitté. Je savais que la politique rend fou,
mais là, il y a quand meme des prédispositions.
Je me suis arrêté à la séquence “volée” où l’on entend Melenchon dire “Les communistes je m’en fous”, hors de tout contexte évidemment. J’avais l’impression d’être sur Atlantico et son
“mur des cons” (à priori filmé aussi par un “journaliste” du service public). Décidemment, il y a bien quelque chose de pourri en ce royaume…
Ouf ! Je pensais qu’il n’y avait que moi pour penser comme ça !
Ne croyez pas ça! Il y a beaucoup de gens qui ne supportent plus ce style, même parmi les partisans de Mélenchon. Mais ils sont prisonniers de cette “envie de croire” qui soulève les montagnes –
et les laisse tomber sur ceux qui n’y croient pas. Cette “envie de croire” prend deux chemins: le premier est de ne retenir de l’intervention du leader bienaimé que ce qui est positif, le second
est d’attribuer tout ce qui est négatif aux “ennemis”. On aboutit donc à dire que la prestation de Mélenchon était parfaite, et que si cela n’apparaît pas ainsi c’est la faute aux journalistes.
Si tu as lu les réactions sur le blog de Mélenchon, tu auras remarqué que les premières réactions étaient plutôt réservées… et qu’elles ont été rapidement noyées sous le poids des habituelles
déclarations d’amour éternel au Petit Timonier. C’est un peu le propre du culte de la personnalité: toute critique est vécue comme une hérésie, voire une trahison.
Je me suis arrêté à la séquence “volée” où l’on entend Melenchon dire “Les communistes je m’en fous”, hors de tout contexte évidemment.
Pas tout à fait “hors contexte”. On peut discuter la déontologie d’un journaliste qui publie ainsi une conversation privée, mais la conversation était bien présentée dans un contexte: celui des
critiques des communistes envers le “style” Mélenchon. Et la conversation montrait bien combien les colères et les agressions mélenchonesques ne sont pas les réactions spontanées d’un homme
blessé, mais une stratégie de communication soigneusement pensée et préparée…
Bonjour Descartes concernant le petit ou le grand timonier je constate qu’il devient de plus en plus arrogant et de moins en moins crédible et moi aussi ça me fait sourire qu en j entend
il n y a qu’a augmenter les salaires et ça va faire redémarrer l’économie , c est d ailleurs la thèse qui est reprise dans les cours de formation syndicale actuelle . En effet c est crédible en
economie fermée mais dans des secteurs comme le textile et habillement on a vite fait de démonter l argument . On nous dit aussi il n’y a qu’a taxer les profits des placements financiers est
vraiment réalisable . votre avis la dessus ?
Mon avis, que j’ai exprimé plusieurs fois dans ce blog, est que des lors qu’on accepte le dogme de la libre circulation des biens et des capitaux, on se condamne à faire des politiques d’offre.
Toute politique qui dégrade la compétitivité-prix des activités économiques devient illusoire à long terme.
La question est donc comment on limite la libre circulation des biens et des capitaux. J’avais proposé dans un papier sur ce blog un “protectionnisme intelligent”, dont le but est l’équilibre des
balances des échanges extérieurs, basé sur les propositions de Keynes. Mais cela suppose de récupérer la possibilité de constituer des taxes sur les importations, ce qui est anathème pour les
bonzes de Bruxelles. Une autre possibilité est l’utilisation de l’instrument monétaire, ce qui implique sortir de l’Euro.
Bonjour Descartes,
votre billet m’a incité à regarder la fin de l’émission dont la vedette était Mélenchon.
J’en suis ressorti sans aucunes perspectives.
Mélenchon se dit contre le système, mais il est en plein dans l’air du temps : postures surjouées et aucune continuité au niveau des idées. Son ego est satisfait, mais les gens ?
Car faisant un état des lieux 4 ans après la création du Parti de Gauche. A part ses affidés, de nombreuses personnes, de qualité, attirées par le projet de parti creuset en sont partis et il
reste un mouvementisme qui n’a aucune chance d’avoir le moindre écho au sein de la population.
La situation ne serait pas tragique si le PCF n’était pas dans la même veine.
Méluch’ pourra rassemblé 50000 ou 100000 personnes la semaine prochaine, son impact politique sera nul car il n’offrira aucune perspective politique.
Bonjour à vous,
“le but est l’équilibre des balances des échanges extérieurs, basé sur les propositions de Keynes”
Seulement voilà, les mélenchoniens parlent de la dette de la France mais ils oublient de parler du déficit du commerce extérieur (et ça, c’est nous qui l’avons consommé) où la facture énergétique
représente un gros pourcentage. Et si nous n’avions pas le nucléaire, ce serait pire. Tant qu’à la politique industrielle, leur seule proposition est l’exploitation de la mer. D’ailleurs à croire
les “groupies” mélenchoniennes, eux seul sont capables “d’exploiter la mer proprement” et s’il y a des contestataires, ils sont priés de rentrer dans le rang.
Seulement voilà, les mélenchoniens parlent de la dette de la France mais ils oublient de parler du déficit du commerce extérieur (et ça, c’est nous qui l’avons consommé) où la facture
énergétique représente un gros pourcentage. Et si nous n’avions pas le nucléaire, ce serait pire.
Tout à fait. Et c’est d’ailleurs toute l’ironie de la position de la “gauche radicale”: d’un côté il tempêtent contre une science économique ou la “vision financière” aurait remplacé l’économie
réelle, d’un autre côté ils brodent sur un concept purement financier (la dette) et méprisent les balances des échanges qui sont, elles, la traduction de l’état de l’économie réelle…
Oui, la dette n’est que le produit d’un problème sur l’économie réelle, à savoir, qu’on consomme plus qu’on ne produit. Et parmi les produits qu’on consomme et on ne produit pas, il y a
l’énergie. Saboter l’industrie nucléaire, qui non seulement produit plus du quart de la consommation totale d’énergie (et plus de 75% de l’électricité) française, sans compter son apport à la
balance commerciale (AREVA exporte des services et du combustible pour plus d’un milliard d’euros chaque année…), c’est de l’inconscience.
Tant qu’à la politique industrielle, leur seule proposition est l’exploitation de la mer.
Oui, après le grand numéro sur la géothermie qui devait remplacer le nucléaire, maintenant il paraît que l’avenir est dans la mer. On ne sait pas très bien comment cette conquête de la mer aurait
lieu, ni ce qu’elle apporterait, mais quand on aime, on ne demande pas de détails.
C’est quand même fou cette histoire de relance de la demande globale dans un système de libre-échange et dans un contexte où de nombreux pays ont un rapport productivité/salaires manifestement
supérieur à celui de la France (ou de l’Allemagne…). Même Rocard et Larrouturou, dans leur dernier bouquin, admettent volontiers que cette “fuite” limite dangereusement l’effet d’une augmentation
de la dépense publique (et de même l’effet d’une augmentation des salaires, car dans leur texte ils font un lien entre les deux). Donc tout le monde a compris. Tout le monde a compris que sans
sortir de l’UE et de l’euro, on ne peut rien faire. A part des plans sur la comète (que font les deux auteurs précités) à base de grandes négociations européennes totalement fantasmatiques.
Tout le monde a compris que sans sortir de l’UE et de l’euro, on ne peut rien faire.
Je n’irai pas jusque là. Mais il est clair que sans un abandon du libre-échange intégral, il n’y a aucune marge de manoeuvre. On peut imaginer – avec beaucoup d’imagination, je te l’accorde – une
modification des traités pour permettre le “protectionnisme intelligent” que j’avais proposé. Ou bien une sortie de l’Euro sans sortie de l’UE.
Comme toujours, c’est un plaisir de vous lire.
J’aimerais avoir votre opinion sur un autre sujet : Guaino. Comme vous (il me semble) je l’apprécie et il semble avoir quelques ambitions présidentielles. Las ! je le vois mal y réussir ; je
crois d’ailleurs que son principal problème est un certain manque de hauteur/recul (notamment par rapport à Sarkozy) qui me fait craindre que comme Debré en son temps il tombe dans l’arène sans
pouvoir se dégager du pair. Certains de ses actes dernièrement, contre le juge gentil et sur le mariage, peuvent d’ailleurs apparaître relativement ridicules à première vue (je pense à la
conjugaison du “passage en force” et de l’attaque contre le juge qui lui valent d’être considéré comme attaquant les institutions et déclaré de factieux par Valls, ou tout du moins d’une emphase
trop exagérée et ridicule) . Votre analyse m’intéresserait donc grandement.
J’aimerais avoir votre opinion sur un autre sujet : Guaino. Comme vous (il me semble) je l’apprécie et il semble avoir quelques ambitions présidentielles. Las ! je le vois mal y réussir
;
Je ne crois pas qu’il ait véritablement des “ambitions présidentielles”. Je pense qu’il est suffisamment lucide pour comprendre qu’il n’a pas en lui cet instinct politique qui fait un président à
la mode gaullienne. C’est d’ailleurs la clé pour comprendre ses rapports avec Nicolas Sarkozy. Il y a entre ces deux là une fascination réciproque. Autant Sarkozy admire chez Guaino
l’intelligence, la culture, la capacité d’analyse, autant Guaino est fasciné par le côté “bête politique” de Sarkozy. Chacun admire chez l’autre les qualités qu’il est très conscient de ne pas
posséder. Tout ce que Guaino a écrit sur Sarkozy – et notamment son dernier livre – peut être compris à cette lumière.
Votre remarque sur le “manque de hauteur/de recul” de Guaino par rapport à Sarkozy va tout à fait dans ce sens. La situation, vous le dites a juste titre, n’est pas très différente à celle de
Debré dans ses rapports avec mongénéral. En même temps, Guaino a un problème que Debré n’avait pas: alors que dans les années 1960 on ne manquait pas d’hommes politiques à la stature
présidentielle, on en manque cruellement aujourd’hui. Guaino se trouve donc dans une impasse: d’un côté, il est conscient de ne pas avoir la stature que doit avoir pour lui un président, d’un
autre il est aussi conscient que personne d’autre ne l’a non plus.
Bonsoir Descartes,
je pense la même chose que vous sur à peu près toutes les critiques que vous faites au fond des propos de Mélenchon. Mais sur la relance keynésienne, le problème n’est pas que dans l’ouverture de
l’économie. Un pays comme les USA, dont l’économie est moins ouverte (échanges extérieurs / PIB) que celle de la France, en premier lieu de par la taille continentale de ce pays, pourrait obtenir
de bons résultats d’une relance, en théorie. Et certains vantent actuellement la “reprise” américaine, avec ses mirifiques 2% de croissance…qui n’en sont que 1% une fois la croissance de la
population retirée . C’est mieux que la zone euro et son 0%, mais c’est payé d’un déficit à 8% du PIB. Le problème de la croissance est donc plus profond qu’une carence de la demande ou même que
la question du protectionnisme ou de l’euro – dont on ne pourra pas m’accuser d’être partisan.
Sinon, ce qui me motive à commenter, c’est votre étonnement. Il n’y a rien de surprenant dans le fait que Mélenchon n’écoute pas les questions et n’y réponde pas. C’est une stratégie de
communication qu’on m’a également enseignée (à défaut que j’aie l’occasion de la pratiquer) dans le milieu politique : répondre aux questions qu’on vous pose, c’est être dominé par
l’intervieweur. Peut importe que cela soit irrespectueux pour le journaliste et déroutant pour le public, il faut apparaître dominant donc désinvolte, et ne pas prendre le risque de ne pas
pouvoir déballer le discours prévu même si hors-sujet par rapport aux questions.
Mais sur la relance keynésienne, le problème n’est pas que dans l’ouverture de l’économie. Un pays comme les USA, dont l’économie est moins ouverte (échanges extérieurs / PIB) que celle de la
France, en premier lieu de par la taille continentale de ce pays, pourrait obtenir de bons résultats d’une relance, en théorie.
L’exemple américain doit être traité avec précaution. Contrairement aux autres pays, les Etats-Unis peuvent financer par l’émission monétaire non seulement leurs dépenses intérieures, mais aussi
les dépenses extérieures. En poussant jusqu’au bout, on peut dire que la dette n’est pas pour les Etats-Unis un problème, puisqu’il suffit d’imprimer le bon montant de dollars pour la payer.
L’économie américaine est donc la seule qu’on puisse relancer par la consommation sans craindre les effets de la dégradation de la balance des échanges extérieurs…
Le problème de la croissance est donc plus profond qu’une carence de la demande
Oui et non. Le problème de la croissance est essentiellement une question de demande. Mais d’ou vient le problème de demande ? Il y a pour une part un manque de demande “keynésien”, qu’on
pourrait réparer par une injection de monnaie – du moins si on était en économie fermée – mais il y a une part du manque de demande qui traduit un problème beaucoup plus profond: celui de la
répartition de la richesse créée. Si je concentre la richesse sur une petite partie de la population, même si cette population consomme énormément elle sera incapable de générer suffisament de
demande.
Sinon, ce qui me motive à commenter, c’est votre étonnement. Il n’y a rien de surprenant dans le fait que Mélenchon n’écoute pas les questions et n’y réponde pas. C’est une stratégie de
communication qu’on m’a également enseignée
Que Mélenchon ne réponde pas aux questions, cela n’a rien de surprenant. Comme vous le dites, c’est une stratégie de communication fort raisonnable, que d’autres leaders politiques ont pratiqué
avec succès avant lui. La règle en communication politique c’est d’aller à un entretien avec un discours construit, et le sortir quelque soient les questions du journaliste. Là où Mélenchon
commet une erreur, c’est de ne pas écouter les questions. Une écoute plus attentive lui permettrait de placer son discours – à supposer qu’il en eut un – intelligement. Et
accessoirement, de comprendre comment le cerveau du journaliste fonctionne et de mieux le manipuler. Mélenchon parle à longueur de réunions du “judo mental”, mais oublie que la différence entre
un bon et un mauvais judoka est la capacité à “sentir” son adversaire et anticiper ses mouvements…
Peut importe que cela soit irrespectueux pour le journaliste et déroutant pour le public,
Etre irrespectueux pour le journaliste… pourquoi pas (même si personnellement je ne pense pas qu’on gagne grand chose à être irrespectueux gratuitement). Mais dérouter le public ? Jamais. C’est
le public qui constitue votre cible, c’est à lui que vous vous adressez. Si vous le déroutez, vous perdez le contact avec lui.
Bonjour à vous,
La Friederich Ebert Stiftung, fondation allemande liée au SPD, vient de publier un document analysant les scénarii futurs possibles pour la zone Euro, dans le cadre d’un projet intitulé Scenario
Team Eurozone 2020. Jacques Sapir fait l’analyse des 4 scénarii retenus par cette fondation.
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article3447
Dans le tableau très instructif, nous voyons que la position de Mélenchon, à savoir, Merkel défend ses retraités, est fausse puisque seul la sortie de l’euro pour les retraités et épargnants
allemands leur est favorable (retour au Mark). De plus il emploie l’argument de la retraite par capitalisation allemande !
« Pour ne pas avoir compris cette situation, pour ne pas avoir fait une analyse par catégorie sociale et par groupe ayant une représentativité symbolique importante, un Jean-Luc
Mélenchon tient des discours insensés où il prétend, contre toutes les évidences, que l’Allemagne « veut » sortir de l’Euro les pays qui sont ses principaux clients…Ce
que l’Allemagne veut avant tout éviter c’est d’avoir à contribuer massivement à l’économie de la zone Euro ».
Nous comprenons maintenant pourquoi au PS, il y a débat et même frictions. Sans lire dans le « marc à café », nous pouvons nous attendre de la part du PS à une « vente aux
enchères » de notre pays. Tenant compte de « Ce que l’Allemagne veut… », avec lequel je suis tout à fait d’accord, Hollande tournera t-il le dos aux Allemands
pour mieux se mettre dans la gueule du « loup américain et … israélien»? Dans tous les cas, il ne se tournera pas du coté des BRICS. Restera t-il « le c.. entre 2 chaises »
comme l’a si bien fait la SFIO dans le passé ? Dans quel cas, la France devient une « pauvre…Nation » et je donne pas cher de son poste au conseil de sécurité à l’ONU.
Politique fiction?
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La Friederich Ebert Stiftung, fondation allemande liée au SPD, vient de publier un document analysant les scénarii futurs possibles pour la zone Euro, dans le cadre d’un projet intitulé
Scenario Team Eurozone 2020. Jacques Sapir fait l’analyse des 4 scénarii retenus par cette fondation.
Excellent article. Je trouve Sapir de plus en plus potable…
Nous comprenons maintenant pourquoi au PS, il y a débat et même frictions. Sans lire dans le « marc à café », nous pouvons nous attendre de la part du PS à une « vente aux
enchères » de notre pays.
Je n’ai pas compris votre raisonnement.
Hollande tournera t-il le dos aux Allemands pour mieux se mettre dans la gueule du « loup américain et … israélien»?
Que vient faire Israel là dedans ?
L’extrême-gauche n’a jamais aimé penser et argumenter, parce qu’elle a partie profondément liée avec la démagogie. Le Pcf, même quand il avait un style aux antipodes de celui de Mélenchon,
n’argumentait pas : il aboyait, plutôt. C’était particulièrement vrai pendant la période stalinienne, mais c’était vrai aussi à la fin du XXème siècle.
Si bien que la nullité argumentative de ces émissions convient tout à fait à l’extrême-gauche. Un peu dans le même genre, Michel Onfray a publié ds le Monde il y a quelques jours une tribune
libre sur l’engagement au Mali, très hostile à cet engagement. Elle était largement incompréhensible. Erreur d’Onfray ? Il ne m’a pas semblé. Son but est de manifester un refus global, pas
d’argumenter sur les politiques possibles. De ce point de vue, un certain confusionnisme est un efficace refus révolutionnaire du dialogue ; et l’obscurité du texte
facilitait l’irresponsabilité – qui est un des traits de l’attitude démagogique.
L’extrême-gauche n’a jamais aimé penser et argumenter, parce qu’elle a partie profondément liée avec la démagogie.
Je ne partage pas votre analyse. L’extrême-gauche n’a jamais aimé penser et argumenter parce qu’elle pratique une idéologie ad-hoc: ce n’est pas l’analyse de la réalité qui amène à décider des
comportements, on choisit les comportements et on construit une “réalité virtuelle” qui permet de les justifier. En 1968 on a construit une théorie de “convergence des ouvriers et des étudiants”
pour se persuader que les ouvriers n’attendaient rien d’autre que la venue des étudiants venus les “libérer”. Et quand les ouvriers ont – fort prudemment – fermé les grilles pour protéger l’outil
de travail, l’extrême-gauche a inventé une nouvelle théorie, celle des “bureaucrates” de la CGT et du PCF qui empêchaient le rêve de se réaliser.
Le Pcf, même quand il avait un style aux antipodes de celui de Mélenchon, n’argumentait pas : il aboyait, plutôt. C’était particulièrement vrai pendant la période stalinienne, mais c’était
vrai aussi à la fin du XXème siècle.
Je pense que tu ne connais pas très bien le PCF. Loin “d’aboyer”, le PCF était au contraire très argumentatif. Trop, quelquefois. Je te rappelle que le PCF “stalinien” et même jusqu’à la fin du
XXème siècle avait une éditoriale (les Editions Sociales) dont plusieurs collections étaient consacrées à la publications de textes philosophiques et historiques, et qu’il avait plusieurs revues
théoriques (les Cahiers du Communisme, La Pensée…). Pourquoi faire lire les militants de la philosophie, de la théorie marxiste, de l’histoire si l’on cherche seulement à “aboyer” ?
Contrairement aux autres pays, les Etats-Unis peuvent financer par l’émission monétaire non seulement leurs dépenses intérieures, mais aussi les dépenses extérieures. En poussant jusqu’au
bout, on peut dire que la dette n’est pas pour les Etats-Unis un problème, puisqu’il suffit d’imprimer le bon montant de dollars pour la payer.
Si tu me permets une petite remarque, je trouve que tu ne parles pas beaucoup du dollar sur ton blog, justement. Le fait de pouvoir “exporter sa dette” est un avantage indéniable ; sauf qu’on
exporte bien vers quelque part, au final…
La plupart des échanges se faisant en dollar, le sujet ne saurait manquer d’importance !
Si tu me permets une petite remarque, je trouve que tu ne parles pas beaucoup du dollar sur ton blog, justement. Le fait de pouvoir “exporter sa dette” est un avantage indéniable ; sauf qu’on
exporte bien vers quelque part, au final…
Plus que la dette, les américains ont exporté leur inflation. Mais si je n’en parle pas beaucoup, c’est que je ne vois pas l’intérêt. Le fait est que le dollar est la monnaie des échanges
internationales, et cela que cela nous plaise ou pas. On peut trouver cela injuste, on peut trouver cela scandaleux… mais pour le moment, nous n’avons aucun moyen de changer la donne. Et je ne
suis pas trop porté à perdre du temps à condamner ce que je ne peux pas changer.
On peut trouver cela injuste, on peut trouver cela scandaleux… mais pour le moment, nous n’avons aucun moyen de changer la donne.
Certes. Mais ma remarque portait plutôt sur un aspect pédagogique, en fait. Dans plusieurs de tes articles, tu parles des échanges. Il me semble que la place du dollar, toute particulière à ce
niveau depuis la guerre, mérite un petit éclaircissement. Si d’aventure tu te sentais d’écrire un nouvel article du genre de ta suite de “Discours de la méthode”, le commerce mondial me paraît un
sujet à débroussailler… mais peut-être ai-je manqué un épisode !
Je prends note de la commande…
Si ma mémoire est bonne, à un moment il parle d’un futur nouveau parti dans le FdG avec des négociations en cours. Une idée sur qui est l’heureux élu ? Et plus généralement qu’est-ce que gagnent des groupuscules à rejoindre le FdG ?
Qu’est ce qu’ils gagnent ? De la visibilité, des tribunes, et avec un peu de chance (ou du moins c’est ce qu’ils espèrent) des élus. Crois-tu que la mère Autain aurait eu la possibilité de prononcer un discours devant 40.000 personnes si le PCF ne se sentait obligé à donner une tribune à la FASE ?