En groupe en ligue en procession
En bannière en slip en veston
Il est temps que je le confesse
A pied à cheval et en voiture
Avec des gros des p'tits des durs
Je suis de ceux qui manifestent
Avec leurs gueules de travers
Leurs fins de mois qui sonnent clair
Les uns me trouvent tous les vices
Avec leur teint calamiteux
Leurs fins de mois qui sonnent creux
D'autres trouvent que c'est justice
Jean Ferrat
D’habitude, « je suis de ceux qui manifestent ». Si un jour on accorde une pension à ceux qui ont servi leur pays en battant le pavé pour défendre une cause, je devrais être bien loti. Avant que mon parti ne me quitte – car c’est lui qui m’a quitté, et non l’inverse – j’étais même connu pour ça. J’étais de ceux qui non seulement répondaient « présent » chaque fois que le PCF ou la CGT demandaient leur présence, mais aussi pour imprimer les tracts, conduire la camionnette, préparer les sandwichs, vendre les merguez et mettre leur pratique des arts martiaux au service du service d’ordre. Oui, je pourrais raconter des choses sur ce qu’était une manifestation à cette époque bénie où chaque camarade était un frère.
Mais trêve de nostalgie. Le 12 avril, comme souvent ces derniers temps, je n’ai pas pu. Pas par « aquabonisme », non. Je crois profondément à l’utilité des choses inutiles. Une manifestation aujourd’hui ne changera rien à la politique des puissants, me dit-on. C’est probablement vrai. Mais manifester, ce n’est pas que ça. C’est aussi un témoignage, un mode d’expression, un moment de fraternité. Rien que pour cela, j’ai envie d’y aller. Mais pas cette fois. Pourquoi ? Parce que si manifester est une manière d’exprimer un point de vue, encore faut-il avoir un point de vue à exprimer. C’est pourquoi je ne vais jamais aux manifestations du genre « jour de colère ». Cela ne m’intéresse pas de me joindre à une meute de mécontents qui n’ont en commun que leur mécontentement. Je n’ai pas envie de perdre une demie journée de mon temps libre pour participer à une manifestation dont le seul message cohérent est « je suis pas content, na ! ».
Le problème des manifestations ces derniers temps, de droite comme de gauche d’ailleurs, c’est qu’elles n’expriment rien sauf un mécontentement général. Cela tient au fait que ceux qui les appellent sont prêts, pour réunir un maximum de gens, à réunir des gens dont les revendications sont totalement différentes, voire contradictoires. Vous voulez un exemple ? Prenez le site internet de la « manif du 12 avril » (1). En tête du site, on peut lire « Maintenant ça suffit ! Marchons contre l’austérité, pour l’égalité et le partage des richesses ». Passons vite sur cette expression « maintenant ça suffit », qui laisserait penser que jusque hier « ça ne suffisait pas » alors que la politique d’austérité a bientôt deux ans, et concentrons nous sur le deuxième membre de la phrase. On en déduit que les marcheurs expriment leur rejet de « l’austérité », et proposent « l’égalité et le partage des richesses ». Soit. Ce sont des nobles principes, quoique un peu généraux, particulièrement parce qu’on ne précise pas quelles sont les richesses qu’on entend « partager » et à qui elles appartiennent. Le problème, c’est que si on va plus bas sur le site on retrouve l’appel suivant : « Retraite, Nucléaire, Chômage, Europe Libérale, TVA, Hollande, ca suffit ! ». Doit on conclure que les marcheurs exprimeraient pêle-mêle leur détestation de la retraite ( !?), du nucléaire, de la TVA, du chômage, de l’Europe libérale et de Hollande (le raton laveur semble avoir été oublié) ? Plus bas, on rajoute quelques items à la liste : on découvre que la marche du 12 avril est aussi convoquée par le « mouvement des objecteurs de croissance » et « antiprod » pour protester cette fois-ci « contre le productivisme ». Et plus bas encore, la liste à la Prévert continue : « sécurité alimentaire, gaz de schiste, emploi, santé & retraites, eau & énergie, liberté & vie privée, services publics, culture & production artistique, enseignement… » le tout sous la bannière « non au TAFTA ». Là encore plane l’ombre du raton laveur.
Et alors moi, pauvre citoyen, comment savoir ce que j’exprime lorsque je vais battre le pavé avec tous ces gens ? Et-ce que ma présence à la manif sera comptée comme un vote contre le TAFTA ? Contre le chômage ? Ou au contraire contre le productivisme, le nucléaire et/ou les gaz de schiste ? Comment pourrais-je m’intégrer dans une manifestation qui est appelée pour rejeter ce à quoi je suis attaché sous prétexte qu’elle rejette aussi ce que je n’aime pas ?
Si l’on a envie de critiquer les politiques d’austérité – et elles le méritent – alors autant faire une manifestation sur ce seul sujet, au lieu de tomber dans la logique des manifs du style « jour de colère ». Pourquoi faut-il mélanger austérité et nucléaire, chômage et « objection de croissance », Hollande et gaz de schiste ? Parce qu’on a peur que le rejet de l’austérité à lui seul n’attire pas assez de monde ? Parce qu’il faut chercher à séduire les différentes « clientèles » de la gauche radicale et que pour cela le seul moyen est de reprendre leurs marottes ?
On pourrait pourtant penser que le sujet de « l’austérité » serait suffisant pour sortir les gens sur le pavé. Ce n’est pas le cas, et cela pour une raison simple. Les gens sont beaucoup plus intelligents et pragmatiques que les leaders politiques – et les militants – ne l’imaginent. Ils comprennent fort bien que le mécontentement n’arrive à changer les choses que lorsqu’il se condense autour d’une option possible. Or, la « gauche radicale » est incapable de proposer une option crédible. Rejeter l’austérité bruxelloise c’est bien. Mais dès lors qu’on s’interdit la sortie de l’Euro, quelles sont les options ? La proposition de « désobéir » aux directives européennes en supposant que l’Union en resterait là est puérile. Comme est puérile l’idée de « réquisitionner la Banque de France pour qu’elle prête à l’Etat à taux nul ». Pour prêter il faut de l’argent, et la Banque de France, n’en a pas. Contrairement à la Réserve Fédérale ou la Banque d’Angleterre, elle ne peut pas en émettre, sauf évidement à faire du faux monnayage. Et il faut vraiment être sot pour croire que l’Union Européenne admettrait sans rien faire que la France n’applique pas les traités ou émette illégalement des euros sans l’autorisation de la BCE.
Par ailleurs, croire que l’on peut durablement dépenser plus que ce qu’on produit est une tromperie. Cela ne veut pas dire que ceux qui répètent comme des perroquets que « la France vit au-dessus de ses moyens » aient raison. « La France », lorsqu’il s’agit de « vivre », n’existe pas. « La France » est une abstraction. Ceux qui « vivent » au-dessus ou au-dessous de leurs moyens, ce sont les Français. Et les Français ne constituent pas un tout homogène. Il y a certainement des couches sociales – la bourgeoisie, mais aussi la grande majorité des classes moyennes – qui vivent « au-dessus de leurs moyens » ou du moins au-dessus de la richesse qu’elles produisent, et des couches qui vivent très largement en-dessous. Et à supposer même qu’on vive « au-dessus de ses moyens », la réponse est-elle de réduire les dépenses ou au contraire d’accroître les « moyens » ? Là encore, la réponse n’est pas évidente.
Tout cela mérite qu’on fasse travailler des gens dessus. Qu’on organise des conférences et des débats. Et qu’on produise à la fin une analyse claire et des propositions réalistes et crédibles. Ce serait infiniment plus productif que de sortir quelques dizaines de milliers de clampins sur les boulevards parisiens pour crier leur détestation de François Hollande sous la conduite des mêmes leaders qui, il y a deux ans, les ont appelés à voter pour lui. Et qui le referont la prochaine fois, tant il est vrai que les gens qui n’ont pas de retour critique sur leurs erreurs ne peuvent que les répéter.
Aussi longtemps que l’action sera préférée à la réflexion, aussi longtemps qu’on se refusera à travailler le fond des sujets, « there is no alternative ».
Descartes
(1) 12avril2014.fr
["Aussi longtemps que l’action sera préférée à la réflexion, aussi longtemps qu’on se refusera à travailler le fond des sujets, « there is no alternative »."]
Allez, je me lance : au plan économique, je crois qu’idéalement, la solution passe par l’idée de produire français au maximum, de telle sorte, en tout cas, que l’ensemble de la population trouve à s’employer. Cela pousserait les entreprises, par ailleurs, à rechercher des gains de productivité, en vue de compenser le renchérissement du coût des produits, dès lors que ceux-ci ne seraient plus fabriqués par des demi-esclaves du tiers-monde. Ces gains de productivité seraient, du reste, favorisés par la disparition du chômage, qui rendrait socialement acceptable la flexibilité qu’ils impliquent. Il se pourrait même, d’ailleurs, si ces gains étaient suffisamment importants, qu’ils nous permettent, in fine, de relancer nos exportations, sans pour autant toucher à notre "modèle social". Quant aux grandes industries stratégiques, nécessitant une certaine taille critique de niveau mondial, il faudrait rechercher des coopérations, imaginer des systèmes dérogatoires, avec en tout cas un soutien actif de l’État.
@dsk
[Allez, je me lance : au plan économique, je crois qu’idéalement, la solution passe par l’idée de produire français au maximum, de telle sorte, en tout cas, que l’ensemble de la population trouve à s’employer.]
Admettons. Mais produire français, cela implique une autre distribution de la richesse. Parce que même si le travailleur français est plus productif en moyenne que le travailleur chinois, par le biais des salaires plus élevés il retire plus de valeur. Ce qui laisse moins de valeur pour le capitaliste. Or, la rémunération du capital est fixée par le marché international – du moins aussi longtemps que nous restons en économie ouverte – puisque le capitaliste est libre, si son revenu est supérieur en Chine, d’y transférer son capital. Pour maintenir la rémunération du capital tout en payant plus les ouvriers, il n’y a qu’une solution : vendre le produit plus cher. En d’autres termes, reprendre de la valeur sur le consommateur.
Conclusion : pour produire français, il faut soit obliger le capital à accepter une rémunération plus faible, ce qui suppose limiter sa mobilité, soit obliger le consommateur à payer plus. La première possibilité implique un bouleversement total de notre économie avec une sortie de l’UE. La seconde revient à transférer de la richesse depuis ceux qui consomment le plus – les clases moyennes – vers ceux qui produisent plus, c’est-à-dire, les couches populaires que tu veux mettre au travail…
[Cela pousserait les entreprises, par ailleurs, à rechercher des gains de productivité, en vue de compenser le renchérissement du coût des produits, dès lors que ceux-ci ne seraient plus fabriqués par des demi-esclaves du tiers-monde.]
Sauf que, même en faisant de gros efforts de productivité, tu n’arriveras pas aux coûts de production chinois ou indiens. Comment fais-tu pour obliger le consommateur de payer plus dans un système concurrentiel ?
[Il se pourrait même, d’ailleurs, si ces gains étaient suffisamment importants, qu’ils nous permettent, in fine, de relancer nos exportations, sans pour autant toucher à notre "modèle social".]
Faux pas rêver, camarade… sauf dans certaines industries très particulières, la technologie dont nous disposons est aussi accessible aux pays de bas salaires. Ils auront donc une productivité équivalente à la notre, plus les salaires bas. Croire qu’on peut par on ne sait quel miracle payer de bons salaires et être compétitif sur le marché international, c’est croire au père Noël.
Il n’y a pas à tortiller: revenir au plein emploi implique in fine un transfert de niveau de vie depuis les classes moyennes vers les couches populaires. C’est pour cela que c’est si difficile à faire, et que tous les partis politiques, y compris ceux qui se prétendent "révolutionnaires" tournent autour du pot.
@ Decartes
["Sauf que, même en faisant de gros efforts de productivité, tu n’arriveras pas aux coûts de production chinois ou indiens. Comment fais-tu pour obliger le consommateur de payer plus dans un système concurrentiel ?"]
Je mets des droits de douane sur les produits indiens ou chinois.
["Faux pas rêver, camarade… sauf dans certaines industries très particulières, la technologie dont nous disposons est aussi accessible aux pays de bas salaires. Ils auront donc une productivité équivalente à la notre, plus les salaires bas. Croire qu’on peut par on ne sait quel miracle payer de bons salaires et être compétitif sur le marché international, c’est croire au père Noël."]
C’est vrai. Mais mon raisonnement était qu’à moyen/long terme, dans un environnement économique mondial où l’on cède peut-être un peu trop à la facilité de rechercher les bas salaires, une stratégie axée sur les gains de productivité pourrait se révéler gagnante, tout au moins dans certains secteurs. Quoi qu’il en soit, je ne conçois ceci, en quelque sorte, que comme la "cerise sur le gâteau". Il est bien évident qu’il est nécessaire, avant toutes choses, de faire un choix entre notre "modèle social" et notre "compétitivité mondiale". Le mien est clair : je veux bien rouler en Trabant si, en contrepartie, le chômage disparaît en France.
["Il n’y a pas à tortiller: revenir au plein emploi implique in fine un transfert de niveau de vie depuis les classes moyennes vers les couches populaires. C’est pour cela que c’est si difficile à faire, et que tous les partis politiques, y compris ceux qui se prétendent "révolutionnaires" tournent autour du pot."]
Entièrement d’accord. Il faut être bien conscient qu’il y aurait pas mal de perdants, les classes moyennes, mais aussi certains secteurs économiques.
@ dsk
[« Sauf que, même en faisant de gros efforts de productivité, tu n’arriveras pas aux coûts de production chinois ou indiens. Comment fais-tu pour obliger le consommateur de payer plus dans un système concurrentiel ? ». Je mets des droits de douane sur les produits indiens ou chinois.]
En d’autres termes, je sors de l’Union Européenne. Parce qu’il ne faut pas se faire d’illusions, on ne pourra pas « désobéir aux traités » sans se faire sanctionner lourdement. C’est là le problème : le plein emploi de nos ressources et la logique de libre-échange qui est au cœur de l’UE sont incompatibles. On peut avoir l’une ou l’autre, mais pas les deux. Or, une partie non négligeable de la population française – la plus riche et la plus éduquée, en plus – tire de gros bénéfices du libre-échange. Et l’autre partie a été gavée depuis des années du discours « c’est l’UE ou le chaos ».
Toute politique globale de plein emploi dans la zone euro est condamnée à l’échec. Elle peut temporairement réussir dans un pays comme l’Allemagne, qui a une inflation intrinsèque faible et qui peut donc jouer de l’effet euro pour gagner de la compétitivité sur ses voisins. Mais ces gains ne peuvent qu’être temporaires. Un jour la Chine commencera à fabriquer des machines-outils, et lorsque le différentiel de prix sera suffisant les clients se détourneront de la « qualité allemande » pour acheter chinois comme tout le monde.
[Il est bien évident qu’il est nécessaire, avant toutes choses, de faire un choix entre notre "modèle social" et notre "compétitivité mondiale". Le mien est clair : je veux bien rouler en Trabant si, en contrepartie, le chômage disparaît en France.]
Moi aussi. Et il ce n’est pas une question de générosité désintéressée, mais d’intérêt bien compris. Le plein emploi, c’est une société moins stressée, c’est moins d’inquiétude pour l’avenir de mes enfants, c’est moins de violence, c’est moins de marginalisation, c’est des immigrés assimilés… et je suis prêt à renoncer à beaucoup de choses pour vivre dans une telle société plutôt que dans la jungle et dans « la guerre de tous contre tous » qui est, au fond, le projet des libéraux. On en revient toujours à Hobbes : c’est pour éviter cette guerre permanente et ses incertitudes que les hommes on fait société.
Cela ne veut pas dire qu’il faille fermer les frontières. La théorie des « avantages comparatifs » de Ricardo n’est pas tout à fait fausse, et le commerce international peut se faire au bénéfice des deux parties. A condition de le réguler de telle manière que chaque pays – c’est-à-dire, chaque unité au sein de laquelle il existe des mécanismes de solidarité inconditionnelle – vende autant qu’il n’achète. J’avais essayé de dessiner un mécanisme de « protectionnisme intelligent » qui permettait d’arriver à ce résultat.
Euh… "aquoibonisme" , pas "aquabonisme", de "à quoi bon".
http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/aquoibonisme
"du moins aussi longtemps que nous restons en économie ouverte"
Existe-t-il des économies "non ouvertes" et qui fonctionnent ?
Par "qui fonctionnent", j’entends où les inégalités ne sont pas criantes et où les gens sont "heureux" d’y vivre.
Ce n’est pas une provocation, juste une question.
@ BJ
[Existe-t-il des économies "non ouvertes" et qui fonctionnent ? Par "qui fonctionnent", j’entends où les inégalités ne sont pas criantes et où les gens sont "heureux" d’y vivre.]
Si l’économie avait le pouvoir de rendre les gens « heureux », cela se saurait. Mais si l’on se tient aux indicateurs économiques, oui, il existe des économies « non ouvertes » qui fonctionnent. D’ailleurs, l’ouverture des économies est un phénomène récent : pendant la plus grande partie de l’histoire, le protectionnisme a été la stratégie économique de tous les princes, rois et nations. Lorsque David Ricardo énonce les premières théories rigoureuses expliquant les avantages du libre-échange, c’est presque un révolutionnaire. Le premier accord général concernant l’abaissement des droits de douane est le GATT de 1947. Pour ne parler que la France, nous avons maintenu des droits de douane et le contrôle des changes jusqu’aux années 1980. A votre avis, quand la France a été plus « inégalitaire » et les français plus « heureux ». Avant ou après ?
La plupart des économies mondiales restent d’ailleurs partiellement fermées. Les USA pratiquent une politique protectionniste sectoriellement, avec des outils comme la « Buy American Act » qui oblige les administrations publiques à acheter des produits et services produits aux Etats-Unis. Tous les BRICS pratiquent un protectionnisme sourcilleux.
@ Descartes & dsk,
"je veux bien rouler en Trabant si, en contrepartie, le chômage disparaît en France."
"et je suis prêt à renoncer à beaucoup de choses pour vivre dans une telle société plutôt que dans la jungle"
Eh bien moi, désolé, je ne suis pas prêt à rouler en Trabant, ni surtout à supporter le délai nécessaire en RDA pour se procurer un tel véhicule… Acheter une voiture fabriquée en France, de bonne qualité, payée plus cher qu’une voiture d’importation coréenne, soit. Mais si pour avoir la paix sociale, il faut revenir au niveau de vie des années 50 et 60, ça me paraît beaucoup demander.
Quand tu écris, Descartes, "être prêt à renoncer à beaucoup de choses", pourrais-tu être plus explicite? A quoi précisément? Et, de manière générale, quels sont les sacrifices auxquels les classes moyennes devraient consentir, selon toi, pour que la situation des couches populaires s’améliorent? Comme il me semble que j’en suis, et que justement en ce moment je cherche à devenir propriétaire d’un logement (le rêve d’un membre des classes moyennes… mais pas seulement), la question m’interpelle.
Ce qui me fait un peu peur, je dois l’avouer, dans ta critique systématique des classes moyennes, c’est que j’ai l’impression que tu prônes un nivellement par le bas. Au fond, à te lire, on se demande si les membres des classes moyennes ne devraient pas tous aller vivre dans des HLM en étant payés au SMIC, pendant que les ouvriers revanchards se paieraient de belles villas. Je caricature, bien sûr, et je me fais l’avocat du diable, mais c’est un peu l’impression que j’ai en te lisant.
C’est pourquoi, je te pose la question: où précisément veux-tu attaquer le "capital" des classes moyennes? S’agit-il par exemple de taxer l’épargne (et laquelle précisément), d’augmenter les impôts sur le revenu, de réduire l’afflux de produits d’importation bon marché? Admettons que tu sois au pouvoir demain: quelles seraient les grandes lignes de ton projet pour "faire payer" les classes moyennes?
Par ailleurs, je ne sais pas si cette question a été abordée, mais si les classes moyennes sont globalement aisées et éduquées, n’y a-t-il pas un risque accru, dans un monde globalisé, de "fuite" des classes moyennes vers d’autres pays d’Europe ou d’Amérique du Nord?
@ nationalistejacobin
[Eh bien moi, désolé, je ne suis pas prêt à rouler en Trabant, ni surtout à supporter le délai nécessaire en RDA pour se procurer un tel véhicule… Acheter une voiture fabriquée en France, de bonne qualité, payée plus cher qu’une voiture d’importation coréenne, soit. Mais si pour avoir la paix sociale, il faut revenir au niveau de vie des années 50 et 60, ça me paraît beaucoup demander.]
La « Trabant » était une image. Je ne crois pas qu’on aie besoin de revenir aussi loin. On part d’un PIB français qui est très largement supérieur à ce qu’il était dans les années 1950 et 1960, et l’objectif d’une politique de protectionnisme intelligent et de sortie de l’Euro est de stimuler la croissance, et non pas de provoquer une récession. Le gâteau à partager est donc bien plus gras qu’il ne l’était en RDA, où l’on partait d’une productivité beaucoup plus faible.
Il ne s’agit pas de réduire le niveau de vie moyen, mais bien de procéder à une redistribution du gâteau, ce qui implique que la bourgeoisie et les classes moyennes y perdent et que les couches populaires y gagnent. Et en tant que membre éminent des classes moyennes, je déclare que je suis prêt aux sacrifices…
[Quand tu écris, Descartes, "être prêt à renoncer à beaucoup de choses", pourrais-tu être plus explicite? A quoi précisément? Et, de manière générale, quels sont les sacrifices auxquels les classes moyennes devraient consentir, selon toi, pour que la situation des couches populaires s’améliore?]
Comme tu le sais, je suis un défenseur acharné de la liberté individuelle. Et je laisse donc à chacun choisir ses sacrifices. Si certains préfèrent renoncer aux livres plutôt que de renoncer à changer la voiture tous les cinq ans, libre à eux. Mais les classes moyennes vivent aujourd’hui largement au dessus des moyens du pays. Sans les mettre à contribution, je vois mal comment on peut changer quoi que ce soit.
[Comme il me semble que j’en suis, et que justement en ce moment je cherche à devenir propriétaire d’un logement (le rêve d’un membre des classes moyennes… mais pas seulement), la question m’interpelle.]
Si pour toi devenir propriétaire est important, il faudra renoncer à autre chose…
[Ce qui me fait un peu peur, je dois l’avouer, dans ta critique systématique des classes moyennes, c’est que j’ai l’impression que tu prônes un nivellement par le bas. Au fond, à te lire, on se demande si les membres des classes moyennes ne devraient pas tous aller vivre dans des HLM en étant payés au SMIC, pendant que les ouvriers revanchards se paieraient de belles villas. Je caricature, bien sûr, et je me fais l’avocat du diable, mais c’est un peu l’impression que j’ai en te lisant.]
Je suis désolé si cela te donne cette impression, qui n’a rien à voir avec ma pensée. Il ne s’agit pas de « niveler par le bas », mais au contraire, de remettre en route la machine qui améliore sur le long terme le niveau de vie de tous. Pour redémarrer la machine, il faut récupérer de la richesse pour financer l’investissement et pour mettre tout le monde au travail, et cette richesse il faut aller la chercher chez ceux qui se la sont accaparée, c’est-à-dire, la bourgeoisie et les classes moyennes. Cela implique, à court terme au moins, de serrer la ceinture de ces catégories, qui aujourd’hui vivent à crédit.
[C’est pourquoi, je te pose la question: où précisément veux-tu attaquer le "capital" des classes moyennes? S’agit-il par exemple de taxer l’épargne (et laquelle précisément), d’augmenter les impôts sur le revenu, de réduire l’afflux de produits d’importation bon marché? Admettons que tu sois au pouvoir demain: quelles seraient les grandes lignes de ton projet pour "faire payer" les classes moyennes?]
Il y a plusieurs voies pour mettre les classes moyennes – et la bourgeoisie, cela va de soi – à contribution. La première est bien entendu, avec la sortie de l’Euro, une politique d’inflation modérée de l’ordre de 3-4%. C’est-à-dire, une inflation suffisante pour « euthanasier les rentiers » selon la formule de Keynes. Ensuite, une politique de « protectionnisme intelligent » qui réduit l’afflux de produits importés bon marché. Mettre fin aux subventions à certains services auxquels seules les classes moyennes ont accès : l’université conçue comme garderie, les événements culturels à 400 € la place… et finalement, le retour à la méritocratie permettant au moins partiellement de « rebattre les cartes » à chaque génération… comme tu vois, si j’étais demain au pouvoir je ne tiendrai pas trois jours !
[Par ailleurs, je ne sais pas si cette question a été abordée, mais si les classes moyennes sont globalement aisées et éduquées, n’y a-t-il pas un risque accru, dans un monde globalisé, de "fuite" des classes moyennes vers d’autres pays d’Europe ou d’Amérique du Nord?]
Tout à fait. C’est pourquoi il faut un grand doigté dans les mesures. Il faut que les classes moyennes, même si on leur reprend une partie du gâteau, en conservent suffisamment pour rester attachées à notre « modèle français ». C’est pourquoi je ne toucherais pas à certaines allocations – comme les allocations familiales – qui sont accordées sans conditions de ressources, ni à la sécurité sociale, malgré le fait que les classes moyennes l’utilisent proportionnellement beaucoup plus que les autres.
Encore une fois, il ne s’agit pas dans mon esprit d’exterminer les classes moyennes, ni même de les niveler à on ne sait pas trop quelle « moyenne ». Seulement de leur reprendre une partie du revenu national qu’elles se sont accaparées et qui aujourd’hui est nécessaire pour remettre la machine en route.
@Descartes,
[Mais les classes moyennes vivent aujourd’hui largement au dessus des moyens du pays. Sans les mettre à contribution, je vois mal comment on peut changer quoi que ce soit.]
J’ai beaucoup de mal à comprendre cette affirmation: si on pense "vivre à crédit", ce sont plutôt les classes populaires, poussées à la consommation ,et drastiquement limitées par la hausse des salaires, qui sont victimes de surendettement. A l’inverse, les classes moyennes et supérieures y ont peu recours…
Dans le cas où vous ne parleriez pas de surendettement, expliquez-moi comment les classes moyennes vivent au-dessus de leur moyens: pensez-vous à l’ensemble des loisirs "bobo", aux "city-trips" et autres excursions à l’étranger très bon marché, du fait de l’euro cher, ou bien à la possibilité de s’acheter des voitures allemandes pour un prix assez voisin des voitures françaises? En gros, j’ai l’impression que vous faites un parallèle entre le comportement des classes moyennes et celui des PIIGS avant la crise de euro, avec de l’argent facile au départ, et par la suite, une crise économique sans précédent?
Enfin, vos propos semblent contredire l’affirmation selon laquelle les Français seraient prêts à payer plus cher leur produits s’ils étaient fabriqués en France. Le patriotisme a ses limites, on dirait…
@ CVT
[J’ai beaucoup de mal à comprendre cette affirmation: si on pense "vivre à crédit", ce sont plutôt les classes populaires, poussées à la consommation ,et drastiquement limitées par la hausse des salaires, qui sont victimes de surendettement. A l’inverse, les classes moyennes et supérieures y ont peu recours…]
Il ne faut pas regarder que l’endettement privé. Lorsque l’Etat emprunte pour subventionner des universités pléthoriques devenues des garderies pour les enfants des couches moyennes, par exemple, on peut dire que ces couches « vivent à crédit ». Sur le crédit public, bien entendu. Or, il y a beaucoup de mécanismes par lesquels l’Etat – et la sécurité sociale aussi – subventionnent des services qui s’adressent très préférentiellement aux classes moyennes, et qui, lorsqu’on les additionne, finissent par coûter très cher aux budgets publics. Qui sont, il faut le rappeler, financés partiellement par l’emprunt.
[En gros, j’ai l’impression que vous faites un parallèle entre le comportement des classes moyennes et celui des PIIGS avant la crise de euro, avec de l’argent facile au départ, et par la suite, une crise économique sans précédent?]
Le parallèle n’est pas mal trouvé. L’expérience a montré que les classes moyennes ont en fait un horizon temporel très court, et qu’elles ont tendance à profiter du moment présent sans trop se soucier du payement des factures. On a pu l’observer en Argentine, par exemple, ou les classes moyennes ont soutenu un système qui leur permettait de vivre très largement au dessus des moyens du pays pendant dix ans (la « décennie Ménem », du nom du président d’alors) ce qui ne pouvait que conduire à une catastrophe, celle de 2001. En France, cela prend une forme différente : on bouffe les investissements. Ainsi, par exemple, on a maintenu les prix de l’électricité artificiellement bas du fait de notre parc nucléaire amorti, sans faire les provisions pour son renouvellement. Le jour ou nos vieux réacteurs passeront l’arme à gauche, on va le sentir passer dans les tarifs.
[Enfin, vos propos semblent contredire l’affirmation selon laquelle les Français seraient prêts à payer plus cher leur produits s’ils étaient fabriqués en France. Le patriotisme a ses limites, on dirait…]
« Les Français », ça n’existe pas. Certains français seront prêts, d’autres pas. En fonction de leur perception de leurs intérêts à court, moyen et long terme. C’est là où le rôle du politique est essentiel. Qui d’autre peut expliquer au consommateur qu’il est aussi producteur, et que si son intérêt de consommateur est de voir baisser les étiquettes, son intérêt de producteur est que les activités restent en France ? Qui d’autre peut dégager de la foule d’intérêts particuliers un intérêt général qui, je suis convaincu, est aujourd’hui d’établir un « protectionnisme intelligent » ?
@Descartes,
[En France, cela prend une forme différente : on bouffe les investissements. Ainsi, par exemple, on a maintenu les prix de l’électricité artificiellement bas du fait de notre parc nucléaire amorti, sans faire les provisions pour son renouvellement. Le jour ou nos vieux réacteurs passeront l’arme à gauche, on va le sentir passer dans les tarifs.]
alors là, je vous suis totalement! C’est à l’heure actuelle, ma plus grande préoccupation pour l’avenir du pays, qui me rend franchement pessimiste pour les années à venir: le fait qu’on est sur le point d’acheter de dilapider les infrastructures et autres inventions dont nous avons hérités des Trente Glorieuses! Je songe à des choses comme le TGV (dont certains commencent à se plaindre de son coup), les télecoms (les PTT étaient l’un des centres de recherche de pointe dans le monde avant la scission puis la privatisation de l’administration), et vous parliez du nucléaire. Effectivement, depuis la fin des années 80 et du choix de l’Europe, nous n’investissons plus dans l’innovation, et cela se reflètent au niveau universitaire: les jeunes d’aujourd’hui fuient les études scientifiques, donc l’innovation, pour des plaisirs plus immédiats (commerce, finance, communication, etc…).
Vous en parliez dans votre post précédent, mais c’est là que l’interprétation que vous aviez faite du lapsus de la mère Le Branchu prend tout son sens: après moi, le déluge!
@ CVT
[Effectivement, depuis la fin des années 80 et du choix de l’Europe, nous n’investissons plus dans l’innovation, et cela se reflètent au niveau universitaire: les jeunes d’aujourd’hui fuient les études scientifiques, donc l’innovation, pour des plaisirs plus immédiats (commerce, finance, communication, etc…).]
Je partage votre inquiétude. Depuis les années 1980, les dépenses d’investissement que ce soit dans la recherche ou dans les infrastructures ont été la variable d’ajustement pour ne pas toucher la sacro-sainte consommation, qui est en grande partie la consommation des classes moyennes. Et cela, comme vous le signalez, se reflète autant au niveau des choix collectifs que des choix individuels.
Un des problèmes est qu’on est passé d’une vision sociale aristocratique à une vision purement bourgeoise. Contrairement aux aristocraties – que ce soit celles du sang, de l’argent ou du mérite – le monde bourgeois a un horizon de temps très court. Et c’est encore plus vrai pour les classes moyennes. Je ne saurais pas dire pourquoi. Peut-être parce que leur statut économique est précaire, et dépend d’un « capital immatériel » dont la valeur peut être réduite à néant par les mutations économiques et sociales. Mais le fait observable est que là où les aristocraties accumulaient de l’investissement, la bourgeoisie moderne et les classes moyennes privilégient essentiellement la satisfaction immédiate de leurs désirs. La vision aristocratique faisait de chaque homme le gardien d’un patrimoine, qu’il importait d’agrandir et de transmettre intact à ses successeurs. La vision bourgeoise que les classes moyennes ont adoptée est plutôt de jouir du patrimoine pendant qu’il est temps, et après nous le déluge.
L’opposition entre « républicains » et « démocrates » est en fait une opposition entre ceux qui ont – comme vous et moi – une vision aristocratique de la politique et ceux qui en ont une vision bourgeoise. Entre ceux qui préfèrent le gouvernement « des meilleurs » et ceux qui s’inclinent plutôt pour le gouvernement le de tous. Entre ceux qui voient l’individu comme un moment s’inscrivant dans une histoire (celle d’une institution, une lignée, une nation) et ceux qui voient l’individu comme un être détaché de toute responsabilité que ce soit vers le passé ou vers le futur. Eh oui, nous sommes des dinosaures, mon cher… et ce qui est pire, des dinosaures capables de concevoir leur propre disparition…
@ Descartes
["Je mets des droits de douane sur les produits indiens ou chinois."] ["En d’autres termes, je sors de l’Union Européenne."]
Cela va sans dire. Incidemment, je finis par me demander si ce slogan, quelque peu hermétique pour le non-européiste que je suis, "l’Europe c’est la paix", ne recouvrirait pas inconsciemment, chez ceux qui le récitent, autre chose que ce qu’ils en disent généralement. N’auraient-ils pas plutôt en tête, au fond : "l’Europe c’est la paix, car c’est la fin de la lutte des classes, grâce à la victoire définitive du capitalisme et de son idéologie, le libéralisme" ?
["Toute politique globale de plein emploi dans la zone euro est condamnée à l’échec. Elle peut temporairement réussir dans un pays comme l’Allemagne, qui a une inflation intrinsèque faible et qui peut donc jouer de l’effet euro pour gagner de la compétitivité sur ses voisins. Mais ces gains ne peuvent qu’être temporaires. Un jour la Chine commencera à fabriquer des machines-outils, et lorsque le différentiel de prix sera suffisant les clients se détourneront de la « qualité allemande » pour acheter chinois comme tout le monde."]
A moins qu’alors, les allemands n’acceptent d’être payés comme des chinois, comme tout le monde… Figurez-vous que je commence à me demander sérieusement si nous ne ferions pas mieux de nous inspirer de l’exemple de nos amis suisses. Je vous mets en lien ci-dessous un article du Point, duquel il ressort que seule 9% de la population y touche un salaire mensuel inférieur à 4000 FS, soit 3250 €, et que le salaire médian y est de 4845 €. Quant au taux de chômage, il y est de 3%…
http://www.lepoint.fr/economie/si-la-suisse-avait-un-smic-il-serait-de-3-240-euros-22-04-2014-1815083_28.php
Alors je sais, vous allez me ressortir la fameuse réplique d’Orson Welles dans le Troisième Homme : "L’Italie, sous les Borgia, a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage… Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. Quant à la Suisse, elle a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? … Le coucou suisse !". Eh bien, je vous répondrai que vous faîtes preuve là d’helvétophobie primaire. La Suisse est un petit pays modeste, certes, mais qui a, depuis toujours, parfaitement adapté sa stratégie en conséquence. Or, que nous répètent sans arrêt les europhiles ? La France, dans la "mondialisation" serait elle aussi, justement, devenue trop petite. Toutefois, leur grande contradiction est que précisément, ils ne s’y résignent pas. Ils pensent qu’en se fondant dans l’Europe, la France pourra ainsi retrouver, en quelque sorte, une "taille critique" lui permettant de préserver son statut de puissance dominante, qu’ils ne veulent à aucun prix, en réalité, abandonner. Le résultat, nous l’avons sous les yeux : nos classes populaires son jetées dans la misère, tandis que pendant ce temps, nos "classes moyennes" font leur beurre en bradant nos technologies et nos savoir-faires à nos sympathiques concurrents des pays dits "émergents". Alors décidément, n’en déplaise à Orson Welles, moi je dis : Vive la Suisse !
["J’avais essayé de dessiner un mécanisme de « protectionnisme intelligent » qui permettait d’arriver à ce résultat."]
Tout d’abord, auriez-vous l’obligeance de m’expliciter le passage suivant, issu de votre texte "Pour un protectionnisme inteligent", que je ne parviens pas à bien comprendre :
"La principale beauté de ce système tient au fait qu’il est généralisable: dans la mesure où il vise à ce que la balance de chaque pays soit équilibrée, il peut être mis en place par chaque pays sans que cela gêne les autres. En d’autres termes, il échappe à l’objection selon laquelle des taxes à nos frontières provoqueraient chez nos partenaires commerciaux une réponse symétrique, puisque la réponse symétrique est non seulement légitime, mais souhaitée."
En quoi pourrions nous souhaiter que nos partenaires taxent leurs importations ?
D’autre part, votre proposition ne me semble toucher en rien au caractère éventuellement déloyal de certaines importations en provenance de pays à bas coûts salariaux. Or, n’y aurait-il pas une distinction à opérer de ce point de vue ? En effet, si avec un tel système, notre balance serait certes équilibrée, nos industries, ou ce qu’il en reste, ne continueraient-elles pas à déménager sous d’autres cieux ?
@ dsk
[Figurez-vous que je commence à me demander sérieusement si nous ne ferions pas mieux de nous inspirer de l’exemple de nos amis suisses. Je vous mets en lien ci-dessous un article du Point, duquel il ressort que seule 9% de la population y touche un salaire mensuel inférieur à 4000 FS, soit 3250 €, et que le salaire médian y est de 4845 €. Quant au taux de chômage, il y est de 3%…]
Vous voulez dire devenir un paradis fiscal ? C’est un idée… mais cela ne marche que pour des petits pays. On n’a pas besoin de 60 millions d’habitants pour gérer l’argent des autres.
[« La principale beauté de ce système tient au fait qu’il est généralisable: dans la mesure où il vise à ce que la balance de chaque pays soit équilibrée, il peut être mis en place par chaque pays sans que cela gêne les autres. En d’autres termes, il échappe à l’objection selon laquelle des taxes à nos frontières provoqueraient chez nos partenaires commerciaux une réponse symétrique, puisque la réponse symétrique est non seulement légitime, mais souhaitée ». En quoi pourrions nous souhaiter que nos partenaires taxent leurs importations ?]
Je pars du postulat – l’idée est de Keynes, notez-le bien – que toute situation dans laquelle certains pays ont des balances des échanges excédentaires et d’autres déficitaires est une situation instable. L’idéal est donc de mettre en œuvre des mécanismes qui ramèneraient toutes les balances à l’équilibre. Or, l’objectif de la taxation « intelligente » que je propose est bien de ramener la balance des échanges à l’équilibre, puisque la taxe perçue serait calculée de manière à corriger tout déséquilibre. Nous avons intérêt, du point de vue de la stabilité internationale, que tous les pays fassent de même pour aboutir à un système international ou chaque pays aurait pour objectif d’importer exactement autant qu’il exporte. Toute hausse de la productivité se traduirait donc dans une augmentation du niveau de vie de sa population…
[D’autre part, votre proposition ne me semble toucher en rien au caractère éventuellement déloyal de certaines importations en provenance de pays à bas coûts salariaux. Or, n’y aurait-il pas une distinction à opérer de ce point de vue ? En effet, si avec un tel système, notre balance serait certes équilibrée, nos industries, ou ce qu’il en reste, ne continueraient-elles pas à déménager sous d’autres cieux ?]
Non. La délocalisation industrielle repose sur la libre circulation. La raison est que si j’ai envie de produire là où les salaires sont les plus bas, j’ai envie de vendre les produits là où les salaires sont les plus hauts. Avec mon système, le produit que je délocalise sera grevé d’une taxe, d’autant plus grande que la balance est déséquilibrée. En d’autres termes, plus je délocalise et moins les produits que je ré-importe seront compétitifs par rapport aux produits fabriqués localement. La taxe annule l’avantage de la délocalisation.
>Nous avons intérêt, du point de vue de la stabilité internationale, que tous les pays fassent de même pour aboutir à un système international ou chaque pays aurait pour objectif d’importer exactement autant qu’il exporte. Toute hausse de la productivité se traduirait donc dans une augmentation du niveau de vie de sa population…<
C’est entre autres ce que proposait la Charte de La Havane, non ?
@ Descartes
["Vous voulez dire devenir un paradis fiscal ? C’est un idée… mais cela ne marche que pour des petits pays. On n’a pas besoin de 60 millions d’habitants pour gérer l’argent des autres."]
Et pourquoi pas ? Tout plutôt que de devoir rouler en Trabant ! Plus sérieusement, je ne pense pas que l’on puisse réduire la Suisse à un simple paradis fiscal. Le secteur bancaire n’y emploie que 146.000 personnes, et si l’on y ajoute les emplois "indirects" et "induits", cela ne fait jamais que 313.000 personnes, soit 6,6 % des emplois (v. lien ci-dessous p.14). Quoi qu’il en soit, mon évocation du cas suisse n’avait d’autre but que de pointer cette contradiction essentielle, à mon avis, des européistes : tandis qu’ils nous expliquent que nous devrions être "réalistes" et admettre que la France serait devenue trop petite dans la mondialisation, ils refusent eux-mêmes une telle réalité, en s’imaginant que par le truchement de l’Europe, la France pourrait tout de même conserver son statut de puissance mondiale dominante. Pour ma part, je pense et qu’il faut être véritablement réaliste, ce qui implique que nous renoncions à la chimère européiste, et que nous trouvions, tout comme la Suisse, notre propre modèle qui nous permette de vivre désormais "petit" mais bien.
http://www.swissbanking.org/fr/20120815-all-rz_bedeutung_schweizer_bankensektor-nko.pdf
["Nous avons intérêt, du point de vue de la stabilité internationale, que tous les pays fassent de même pour aboutir à un système international ou chaque pays aurait pour objectif d’importer exactement autant qu’il exporte."]
Admettons. Mais notre intérêt, de notre point de vue strictement national, n’est-il pas que les autres pays s’ouvrent sans restrictions à nos exportations ?
["Avec mon système, le produit que je délocalise sera grevé d’une taxe, d’autant plus grande que la balance est déséquilibrée."]
Imaginons que je produise des chaussettes en France pour 1 million d’euros. Je délocalise au Swaziland. Ceci contribuera de façon négligeable au déséquilibre de la balance française. Le surplus de taxe que ma décision de délocalisation engendrera sera, par conséquent, lui-même négligeable, tandis que mes profits, eux, seront substantiellement plus élevés, non?
@ BolchoKek
[« Nous avons intérêt, du point de vue de la stabilité internationale, que tous les pays fassent de même pour aboutir à un système international ou chaque pays aurait pour objectif d’importer exactement autant qu’il exporte. Toute hausse de la productivité se traduirait donc dans une augmentation du niveau de vie de sa population » C’est entre autres ce que proposait la Charte de La Havane, non ?]
Tout a fait. Je dois dire que lorsque j’ai réfléchi à mon « protectionnisme intelligent », je suis parti des réflexions de Keynes, l’un des pères de la Charte de La Havane de 1948. C’est lui qui dès 1938 a défendu l’idée que le commerce international devait être régulé de manière à éviter que des pays se trouvent en position de déficit structurel, ce qui implique qu’aucun ne doit être non plus en position d’excédent structurel.
@ dsk
[Plus sérieusement, je ne pense pas que l’on puisse réduire la Suisse à un simple paradis fiscal. Le secteur bancaire n’y emploie que 146.000 personnes, et si l’on y ajoute les emplois "indirects" et "induits", cela ne fait jamais que 313.000 personnes, soit 6,6 % des emplois (v. lien ci-dessous p.14).]
Oui… mais quelle partie de la valeur ajoutée ? Quel est le poids en termes d’apport au budget des cantons et au budget fédéral ?
[Quoi qu’il en soit, mon évocation du cas suisse n’avait d’autre but que de pointer cette contradiction essentielle, à mon avis, des européistes : tandis qu’ils nous expliquent que nous devrions être "réalistes" et admettre que la France serait devenue trop petite dans la mondialisation, ils refusent eux-mêmes une telle réalité, en s’imaginant que par le truchement de l’Europe, la France pourrait tout de même conserver son statut de puissance mondiale dominante.]
Je crains que vous ne soyez très – trop – optimiste. Je ne crois pas que les européistes tiennent à un quelconque rôle de puissance mondiale pour la France, ou même pour l’Europe. Je pense au contraire qu’ils n’aspirent qu’à jouir paisiblement d’un bonheur provincial en laissant aux autres – c’est à dire aux américains – le soin des affaires du monde. Seulement, les européistes savent que ce discours ne passerait pas en France. Que les français ont un surmoi universaliste et qu’un discours de repli laisserait un vide que les affreux « populistes » ne manqueraient pas de combler. On a donc construit un discours de « Europe puissance » qui viendrait prolonger la puissance française pour faire accepter par les français leur ravalement au rang de province su sacre empire romain germanique.
[« Nous avons intérêt, du point de vue de la stabilité internationale, que tous les pays fassent de même pour aboutir à un système international ou chaque pays aurait pour objectif d’importer exactement autant qu’il exporte. » Admettons. Mais notre intérêt, de notre point de vue strictement national, n’est-il pas que les autres pays s’ouvrent sans restrictions à nos exportations ?]
Si c’est sans contreparties, certainement. Mais c’est une utopie.
D’une manière générale, nous avons plus intérêt à avoir un petit morceau d’un gros gâteau que l’inverse. Un système international qui permet un commerce équilibré pour tous apporte des bénéfices généraux qui à terme sont plus intéressants que les bénéfices qu’on pourrait tirer d’un guerre permanente pour conquérir les marchés des autres avec pour contrepartie la m^me guerre chez nous.
["Avec mon système, le produit que je délocalise sera grevé d’une taxe, d’autant plus grande que la balance est déséquilibrée."]
[Imaginons que je produise des chaussettes en France pour 1 million d’euros. Je délocalise au Swaziland. Ceci contribuera de façon négligeable au déséquilibre de la balance française. Le surplus de taxe que ma décision de délocalisation engendrera sera, par conséquent, lui-même négligeable, tandis que mes profits, eux, seront substantiellement plus élevés, non?]
Le « surplus de taxe » que vous engendrerez sera égal à 1 million d’euros, puisque la logique est précisément que la taxe couvre le déséquilibre. Bien sur, ce surplus sera étalé sur l’ensemble des produits importés, et vous en déduisez que vos chaussettes payeront finalement une partie négligeable. Seulement, de la même manière que votre million est étalé, les milliards de déséquilibre du aux autres importantions seront eux aussi étalés, et donc payés par vos chaussettes. In fine, l’ensemble des « délocalisés » payera l’ensemble du déficit.
Le but de mon mécanisme n’est pas d’empêcher les délocalisations. Il y a des cas où les délocalisations sont salutaires, puisqu’elles permettent de produire là ou la production est plus efficiente. Comme je l’avais expliqué dans mon papier sur le protectionnisme intelligent, je ne récuse pas la théorie des avantages comparatifs. Mais en introduisant une contrainte qui oblige à équilibrer la balance extérieure, je m’assure que les bénéfices tirés de l’exploitation des avantages comparatifs soient équitablement repartis.
@ Descartes
["Oui… mais quelle partie de la valeur ajoutée ? Quel est le poids en termes d’apport au budget des cantons et au budget fédéral ?"]
Je crois que vous avez une grande partie de la réponse en page 15 du document dont je vous ai fourni le lien : "L’analyse d’impact menée par BAKBASEL révèle qu’outre les CHF 32,4 milliards de contribution fiscale directe du secteur bancaire, ce dernier fournit une création de valeur brute de CHF 17 milliards aux autres branches. Ainsi l’effet de création de valeur effective du secteur bancaire s’est monté à environ CHF 49,4 milliards en 2011. 9,3% de la création de valeur brute totale de l’économie du pays ont donc été réalisés par les activités du secteur bancaire, dont 6,1% de manière directe et 3,2% de manière indirecte."
["Je crains que vous ne soyez très – trop – optimiste. Je ne crois pas que les européistes tiennent à un quelconque rôle de puissance mondiale pour la France, ou même pour l’Europe. Je pense au contraire qu’ils n’aspirent qu’à jouir paisiblement d’un bonheur provincial en laissant aux autres – c’est à dire aux américains – le soin des affaires du monde."]
Il faut bien voir que la "mondialisation", dont l’Europe n’est jamais que l’une des manifestations, paraît offrir une sorte de promotion à une partie de nos "élites", qui se gargarisent désormais de jouer un rôle planétaire, que ce soit dans les multinationales du CAC 40 ou dans les multiples organismes internationaux, tels la Commission européenne, l’OMC, le FMI etc. En ce sens, ils n’ont pas tort, de leur point de vue, d’estimer que la fusion de la France dans des ensembles plus vastes permet de "peser" dans la mondialisation. Sauf qu’il ne s’agit pas de la France, mais d’une petite partie de ses élites, qui n’est plus vraiment française…
{"Un système international qui permet un commerce équilibré pour tous apporte des bénéfices généraux qui à terme sont plus intéressants que les bénéfices qu’on pourrait tirer d’un guerre permanente pour conquérir les marchés des autres avec pour contrepartie la m^me guerre chez nous."]
D’accord, mais il faut être au moins deux pour faire la paix.
[" Seulement, de la même manière que votre million est étalé, les milliards de déséquilibre du aux autres importantions seront eux aussi étalés, et donc payés par vos chaussettes. In fine, l’ensemble des « délocalisés » payera l’ensemble du déficit."]
Non, justement. Il me semble que dans votre système, les "délocalisés" ne payeront pas plus que les importateurs parfaitement loyaux et utiles, qui nous font, eux, réellement bénéficier de leurs "avantages comparatifs".
@ dsk
[Non, justement. Il me semble que dans votre système, les "délocalisés" ne payeront pas plus que les importateurs parfaitement loyaux et utiles, qui nous font, eux, réellement bénéficier de leurs "avantages comparatifs".]
Je n’avais pas bien compris votre question. Oui, tout à fait. Je ne vois aucune raison par ailleurs de faire une différence entre les « importateurs loyaux » et les délocaliseurs. Dans la mesure ou la balance extérieure est équilibrée, toute délocalisation est nécessairement remplacée par une autre activité. Et quel est le problème si des productions qui peuvent être plus efficacement faites ailleurs partent pour être remplacées par des productions qui peuvent être faites plus efficacement chez nous ?
@ Descartes
["Je ne vois aucune raison par ailleurs de faire une différence entre les « importateurs loyaux » et les délocaliseurs."]
La raison que je vois est que l’on risque alors d’encourager les "mauvais". Ceux qui, actuellement, sont soumis à une saine concurrence de la part d’importateurs loyaux, pourront s’abriter derrière la taxe pour relâcher leurs efforts de compétitivité, voire même pour augmenter indûment leurs prix.
Ce que vous décrivez est, me semble-t-il, le problème de Mélenchon sinon dès l’origine, du moins rapidement. On a l’impression d’un happening permanent, de manifs « monstres » en meetings ; de formules lapidaires au buzz. Vous reprochez, à juste titre, la liste « raton laveur » mais dans cette agitation quelle peut être la place de la réflexion ? Celle dont on a justement besoin pour établir un plan raisonné, des propositions crédibles susceptibles à terme d’être « l’idée qui devient une force ».
Mon expérience me dicte que le flou dans la revendication (et le 12 c’était bien pire…) ne peut ni la faire avancer moins encore aboutir.
@ morel
[Ce que vous décrivez est, me semble-t-il, le problème de Mélenchon sinon dès l’origine, du moins rapidement. On a l’impression d’un happening permanent, de manifs « monstres » en meetings ; de formules lapidaires au buzz.]
Je partage votre diagnostic. Le projet de « parti creuset » qui devait travailler les sujets de fond et proposer une alternative a laissé très vite la place, pour des questions tactiques de court terme à mon avis, à l’activisme médiatique et le « happening permanent ». Pour réussir sa tentative d’OPA sur le PCF, Mélenchon s’est convaincu que les moyens du PG ne suffiraient pas, et qu’il lui fallait à titre personnel acquérir une « surface médiatique » qui le rende incontournable. La campagne présidentielle devait lui en donner les moyens. Le problème, c’est que cela a renforcé l’esprit « groupusculaire » que le PG a hérité de la « gauche socialiste » puis de PRS. Le PG est ainsi devenu une autocratie ou toute contestation de la parole du Chef, même constructive et bienveillante, est impossible. Les cofondateurs du PG qui avaient un quelconque poids politique – Généreux, Dolez – ont disparu un à un de la scène pour être remplacés par des gens sans poids ni relevance. Imaginez-vous Martine Billard contredire le Chef ?
Aujourd’hui, c’est la fuite en avant. Sans véritable implantation dans la vie sociale, sans réseau d’élus, sans véritables instances de base, le PG identifié à Mélenchon est comme une bicyclette : si elle s’arrête, elle tombe. Il lui faut donc « faire le buzz » périodiquement pour ne pas tomber dans l’oubli. D’où la tendance à monter en épingle le moindre petit incident pour essayer de faire parler de soi.
[Vous reprochez, à juste titre, la liste « raton laveur » mais dans cette agitation quelle peut être la place de la réflexion ? Celle dont on a justement besoin pour établir un plan raisonné, des propositions crédibles susceptibles à terme d’être « l’idée qui devient une force ».]
Aucune, malheureusement. La réflexion conduit nécessairement à chercher une cohérence, et donc à exclure les choix qui sont étrangers à cette cohérence. Un parti qui réfléchit ne peut mettre dans la rue en même temps les pro- et les anti-nucléaires, ceux qui demandent une relance et ceux qui vomissent le « productivisme ». Ce n’est tout simplement pas possible. Pour maintenir la fiction que tout ces gens pourraient demain faire partie du même projet politique, il faut abolir le sens critique, et donc la réflexion.
Pas par « aquabonisme » dites vous ! Pourtant ça y ressemble bougrement. À moins que ce ne soit l’âge qui apporte la sagesse.
« Aussi longtemps que l’action sera préférée à la réflexion » dites-vous encore. Mais ou voyez-vous que manifester soit une « action » ? C’est tout au plus une façon de parler un peu plus fort, de crier, de « gueuler » si vous préférez. Crier n’est pas agir !
Les actions ce sont les choses qui changent le résultat. Par exemple, l’action que les parlementaires de gauche ont oublié de faire, ç’aurait été de voter un véritable contrôle des élus par le peuple. Une véritable possibilité de référendum d’initiative populaire, par exemple.
Manifester, ce n’est ni une action ni une réflexion : « les chiens aboient la caravane passe ».
Pour ce qui est du conglomérat des mécontents, effectivement, ça n’a pas un grand avenir. Et ceux qui vous lisent vous imaginent mal défiler sous une bannière antinucléaire ou anti productiviste, même écrit en tout petit dans un coin, et même si sur la même bannière on pouvait lire « a bas la dictature rampante des classes moyennes inféodées au grand capital ».
Quand à l’absence effective de réflexion, là vous avez raison. Un bon exemple fut l’avènement de Hollande et de son équipe : arrivés aux manettes sans analyse, sans programme, sans plan d’action.
Et votre blog contribue modestement, (le blog est modeste hein, pas l’auteur ! parce que quand on choisit Descartes comme pseudo, on est tout sauf modeste), contribue donc à alimenter la réflexion, en particulier la réflexion sur l’Europe, l’euro.
Les prochaines élections européennes vont peut-être, je l’espère, nous montrer à quel point les citoyens sont fatigués du déficit de démocratie qui sévit en « Europe ». Et pas seulement les « manifestants » patentés du PCF (j’ai failli écrire de l’ex-PCF), des amis de Mélenchon ou de Marine Le Pen. Mais bien les citoyens « dits modérés ».
@ v2s
[Pas par « aquabonisme » dites vous ! Pourtant ça y ressemble bougrement. À moins que ce ne soit l’âge qui apporte la sagesse.]
Non, pas vraiment. Si l’âge apportait la sagesse, cela se saurait. Les vieux paraissent sages parce comme disait je ne sais plus qui, « les anciens donnent des bons conseils pour se consoler de ne plus pouvoir donner des mauvais exemples ». Mais si cela ressemble à de « l’aquabonisme », cela n’en est pas. Je continue à croire à la possibilité de changer les choses, et je continue à investir mes maigres forces. Seulement, je suis probablement plus sélectif que je ne l’étais quand j’avais moins d’expérience…
[« Aussi longtemps que l’action sera préférée à la réflexion » dites-vous encore. Mais ou voyez-vous que manifester soit une « action » ? C’est tout au plus une façon de parler un peu plus fort, de crier, de « gueuler » si vous préférez. Crier n’est pas agir !]
Ma formule faisait référence à une vieille technique utilisée par les dirigeants des groupuscules gauchistes pour manipuler leurs ouailles. Dès qu’un militant commence à réfléchir – et on sait que réfléchir, c’est commencer à désobéir – on lui fait la leçon sur le thème « assez parlé, il faut agir » et on l’envoie coller des affiches, distribuer des tracts, battre le pavé et toutes sortes de saines activités qui l’empêcheront de céder à la tentation de penser par lui-même. Cette méthode avait été brocardée dans une formule célèbre de mai 1968 : « assez d’actes, nous voulons des mots ».
Bien sur que « crier n’est pas agir », si l’on entend par « agir » avoir une action sur le réel. Mais si crier n’est pas agir, crier peut donner l’illusion d’agir. Et les illusions sont importantes en politique. De la même manière que les animaux ont toute une panoplie de méthodes pour donner l’illusion à leurs prédateurs qu’ils sont plus grands et plus forts qu’ils ne le sont réellement, Mélenchon et les siens cachent leur totale incapacité à peser sur le réel par une agitation permanente qui leur permet d’occuper le terrain médiatique.
[Les actions ce sont les choses qui changent le résultat. Par exemple, l’action que les parlementaires de gauche ont oublié de faire, ç’aurait été de voter un véritable contrôle des élus par le peuple. Une véritable possibilité de référendum d’initiative populaire, par exemple.]
Ce n’est pas moi qui ira leur reprocher. Vous ne trouverez pas en moi la moindre sympathie pour les « référendums d’initiative populaire » et encore moins pour l’idée d’un « véritable contrôle des élus » et tout autre gadget destiné – en théorie – à rapprocher le citoyen des décisions et qui aboutit – en pratique – à la toute-puissance des lobbies et des groupes de pression.
[Manifester, ce n’est ni une action ni une réflexion : « les chiens aboient la caravane passe ».]
Les chiens qui ont aboyé lors de la manifestation pour l’école libre de 1983 ont tout de même arrêté net la caravane. Ce fut aussi le cas des manifestations contre la réforme Devaquet ou celles contre le CPE, pour ne prendre que des exemples relativement explicites…
Descartes écrit:
"Ma formule faisait référence à une vieille technique utilisée par les dirigeants des groupuscules gauchistes pour manipuler leurs ouailles. Dès qu’un militant commence à réfléchir – et on sait que réfléchir, c’est commencer à désobéir – on lui fait la leçon sur le thème « assez parlé, il faut agir » et on l’envoie coller des affiches, distribuer des tracts, battre le pavé et toutes sortes de saines activités qui l’empêcheront de céder à la tentation de penser par lui-même."
Je confirme. C’est exactement le fonctionnement du PG depuis le début. Pile-poil. 🙂
Je souscris à votre réponse sur la description du fonctionnement impulsée par Mélenchon. J’y ajouterais, pour ma part, une sorte de foi en son volontarisme charismatique qui le conduit à courtiser le PCF puis en ménage avec ce dernier, le NPA puis EELV (y compris Cohn-Bendit à l’époque dont le seul mérite est d’afficher clairement la couleur…) puis la « gauche » du PS puis, puis ? (toujours le mouvement ?)
Vous m’aviez avancé dans un billet qu’il était un homme de plus de 60 ans, donc pressé. Il y a du vrai mais je ne peux m’empêcher de penser, qu’au-delà de l’alliance de l’eau et du feu, il s’imagine que la situation est « mure » pour balayer les anciennes représentations politiques, serait-ce donc cela le parti creuset ? J’espère que mes propos ne vous semblent pas trop confus.
Concernant votre discussion économique avec dsk : j’ai lu des études économiques sérieuses relatives à la relocalisation : toutes concluent qu’elle ne peut être que partielle et, de plus, la partie relocalisée pour être pérenne doit faire l’objet de gains de productivité tels, souvent via l’automatisation, que l’emploi en résultant s’avère assez maigre. Je me hâte de souligner que les auteurs de ces études avaient pour postulat que les règles économiques actuelles étaient constantes.
Il serait, de mon avis, intéressant de modéliser avec d’autres paramètres (vous évoquez la sortie de l’UE). Travail d’experts indispensable.
Votre seconde hypothèse me laisse perplexe : outre que j’ai toujours du mal avec votre notion de classe moyenne (je suis toujours méfiant à l’égard de la nouveauté), il faudrait alors chiffrer la part de plus-value captée par celles-ci pour en vérifier l’exactitude. De plus, il me semble que, crise aidant, des couches plus favorisées commencent à être à leur tour, atteintes.
@ morel
[Je souscris à votre réponse sur la description du fonctionnement impulsée par Mélenchon. J’y ajouterais, pour ma part, une sorte de foi en son volontarisme charismatique qui le conduit à courtiser le PCF puis en ménage avec ce dernier, le NPA puis EELV (y compris Cohn-Bendit à l’époque dont le seul mérite est d’afficher clairement la couleur…) puis la « gauche » du PS puis, puis ? (toujours le mouvement ?)]
N’oubliez jamais que Mélenchon a appris la tactique politique à l’école Mitterrand. Comment Mitterrand est-il arrivé au pouvoir ? En amalgamant tous les mécontents que la droite avait faits au cours de ses vingt années de pouvoir. Qu’avaient en commun les trotskystes de l’OCI – d’où viennent Mélenchon et Jospin – et la « deuxième gauche » venue tout droit des cabinets de Chaban-Delmas comme Delors ? Entre le PSU autogestionnaire et le PCF jacobin ? Entre les radicaux de gauche bouffeurs de curés et les démocrates-chrétiens comme Rocard ? Rien, si ce n’est une détestation de la droite giscardienne.
Ce genre de position nécessite la capacité de soutenir un discours suffisamment ambigu pour que chacun puisse croire que le mouvement va dans sa direction. Et une capacité à reprendre les marottes de chaque courant sans que la contradiction soit trop visible. C’est ce que fait Mélenchon, en reprochant les jours impairs au PCF sa soi-disant bienveillance envers le PS pour ensuite les jours pairs faire des mamours à EELV malgré sa participation au gouvernement. Tu peux être sur qu’il ne tient pas le même langage lorsqu’il rencontre Besancenot que lorsqu’il discute avec Cohn-Bendit.
Mais ce genre de position nécessite surtout une fermeture totale du débat, et cela pour une raison simple : dès qu’on commence à discuter, les fissures apparaissent, les divergences éclatent, les oppositions se révèlent. Mélenchon, Billard, Laurent et Besancenot peuvent s’embrasser sur les tribunes, mais s’ils s’asseyaient pour écrire un véritable programme économique, à dessiner une véritable politique énergétique, par exemple, ils ne pourraient que constater les différences irréconciliables. Et on ne peut pas faire sur toutes les questions comme on a fait sur le nucléaire dans le programme présidentiel de Mélenchon, c’est-à-dire, résoudre le problème par un « grand débat suivi d’un référendum ».
Le débat de fond oblige de sortir de l’ambiguïté. Et Mélenchon garde toujours en tête la devise machiavélienne que son maître Mitterrand avait fait sienne : « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ».
[Vous m’aviez avancé dans un billet qu’il était un homme de plus de 60 ans, donc pressé. Il y a du vrai mais je ne peux m’empêcher de penser, qu’au-delà de l’alliance de l’eau et du feu, il s’imagine que la situation est « mure » pour balayer les anciennes représentations politiques, serait-ce donc cela le parti creuset ? J’espère que mes propos ne vous semblent pas trop confus.]
Un peu… 😉 Mais je vais faire comme si j’avais compris, quitte à prendre le risque de répondre à côté. J’ai été frappé par l’existence d’une sorte de « démon de midi » chez les politiques. Prenez par exemple Mitterrand parlant de « rupture avec le capitalisme ». Pensez-vous que Mitterrand aurait utilisé une telle expression dans les années 1940, 1950 ou même 1960 ? Je ne le crois pas. Aussi longtemps qu’il était « jeune », il a défendu au contraire ses idées, qui étaient celles d’un homme de centre-droit voire, sur certaines questions, de droite. Mais l’âge venant, il a compris que sa seule possibilité de décrocher la timbale, c’était « à gauche toute ». Mitterrand n’est pas le seul dans cette position. On retrouve beaucoup d’hommes politiques intransigeants sur leurs convictions pendant la première partie de leur carrière, et qui vers les 60 ans s’aperçoivent qu’il ne leur reste plus longtemps s’ils veulent arriver aux plus hautes places, et qui sont prêts du coup à toutes les compromissions. Le jeune Khouchner aurait-il accepté d’être ministre de Sarkozy ? J’en doute.
Mélenchon est un peu dans cette situation. Il restera au PS plus de trente ans. Il ne l’a pas quitté ni lors du « tournant de la rigueur » de 1983, ni lors des scandales des la fin des années 1980, ni lors de la ratification du traité de Maastricht ni du « pacte de stabilité » de Bruxelles. Il s’accommode parfaitement des guerres intestines qui suivent la défaite de 1993, il y soutiendra l’expérience de la « gauche plurielle » et sera même ministre de Lionel Jospin. Le désastre de 2002 ne le fera pas partir, pas plus que la position du PS pour le « oui » au référendum sur le TCE en 2005 ou la campagne démente – et je pèse mes mots – de Ségolène Royal en 2007. Et tout à coup, en 2008, il quitte le parti socialiste avec armes et bagages. Pourquoi à votre avis ? Le parti socialiste n’a pas véritablement changé entre 2005 et 2008. Pourquoi alors qui était parfaitement tolérable jusqu’à alors est tout à coup devenu insupportable ?
Ce n’est pas le PS qui a changé, mais Mélenchon. Après la défaite de 2007 les socialistes sont persuadés – à tort, les faits l’ont montré – que Sarkozy en a pour dix ans. A 58 ans, Mélenchon est donc convaincu qu’il sera hors jeu lorsque le PS reviendra au pouvoir, si tant est qu’il revienne un jour. La tentation de jouer le court terme plutôt que le long terme est donc irrésistible : sa position minoritaire ne lui permettra pas de jouer au PS un rôle de premier plan, alors que le PCF lui offre la possibilité d’être candidat à la présidence de la République. Je ne pense pas que Mélenchon puisse croire vraiment qu’il y a une fenêtre d’opportunité pour « balayer les anciennes représentations politiques ». C’est tout juste un choix personnel de carrière.
[Concernant votre discussion économique avec dsk : j’ai lu des études économiques sérieuses relatives à la relocalisation : toutes concluent qu’elle ne peut être que partielle et, de plus, la partie relocalisée pour être pérenne doit faire l’objet de gains de productivité tels, souvent via l’automatisation, que l’emploi en résultant s’avère assez maigre. Je me hâte de souligner que les auteurs de ces études avaient pour postulat que les règles économiques actuelles étaient constantes. Il serait, de mon avis, intéressant de modéliser avec d’autres paramètres (vous évoquez la sortie de l’UE). Travail d’experts indispensable.]
Tout a fait. Au-delà des modélisations fines, le problème est en fait très simple : la liberté des échanges tend à privilégier le facteur de production qui a la plus forte mobilité, puisqu’il peut aller là où il est le mieux rémunéré. C’est pourquoi on assiste à un transfert massif des revenus du travail – qui est par nature peu mobile – vers le capital dont la mobilité est quasi-infinie. Pour que le capital « relocalise », toujours dans un contexte de libre circulation, il faut lui offrir une rentabilité au moins équivalente à celle offerte par les pays à faible coût de main d’œuvre. Et cela n’est possible que de deux manières : soit en alignant les salaires et conditions de travail sur les pays les plus « rentables », soit en automatisant à un niveau tel que la main d’œuvre soit une partie faible du coût de production. Toutes les autres solutions nécessitent peu ou prou une restriction de la liberté de circulation, explicite ou implicite.
[Votre seconde hypothèse me laisse perplexe : outre que j’ai toujours du mal avec votre notion de classe moyenne (je suis toujours méfiant à l’égard de la nouveauté), il faudrait alors chiffrer la part de plus-value captée par celles-ci pour en vérifier l’exactitude. De plus, il me semble que, crise aidant, des couches plus favorisées commencent à être à leur tour, atteintes.]
Je suis conscient que pour donner à ma théorie sur les classes moyennes une certaine consistance il reste beaucoup de travail à faire, notamment sur le plan statistique. Je n’ai ni le temps, ni les instruments pour le faire. J’attends qu’on me mette au placard ou bien à la retraite pour entreprendre ce travail.
J’aurais tendance à dire que la part de plus-value captée par les classes moyennes est significative. Elles se content de récupérer la valeur qu’elles produisent, plus une « prime » que leur accorde la bourgeoisie pour qu’elles se tiennent tranquilles. Si cette « prime » était trop importante, la bourgeoisie n’aurait aucun intérêt à leur accorder. On peut donc estimer la plus-value transférée à l’intérêt que représente pour la bourgeoisie cette alliance dans une économie mondialisée : le fait d’avoir une « base arrière » sûre, un gouvernement qui soutient ses efforts pour conquérir des marchés…
C’est pourquoi la situation des classes moyennes est précaire, et que ces classes sont hantées par la perspective du déclassement. Et c’est pourquoi de temps en temps les classes moyennes s’offrent un « happening » – comme en 1968 ou en 1981 – pour rappeler à la bourgeoisie leur pouvoir de nuisance. Mais à chaque fois, le but n’est pas de changer la société, mais de renégocier l’alliance avec la bourgeoisie.
Peut-être sommes nous à l’aube d’un tel moment. La construction technocratique de l’Europe a réduit l’importance pour la bourgeoisie de « tenir » la politique nationale, et donc l’intérêt d’acheter l’appui des classes moyennes. Cela risque de faire baisser la « prime », et donc le niveau de vie de ces couches sociales… peut-être que cette fois-ci le « happening » prendra la forme de l’Europe-bashing ?
@Descartes,
[N’oubliez jamais que Mélenchon a appris la tactique politique à l’école Mitterrand. Comment Mitterrand est-il arrivé au pouvoir ? En amalgamant tous les mécontents que la droite avait faits au cours de ses vingt années de pouvoir. Qu’avaient en commun les trotskystes de l’OCI – d’où viennent Mélenchon et Jospin – et la « deuxième gauche » venue tout droit des cabinets de Chaban-Delmas comme Delors ? Entre le PSU autogestionnaire et le PCF jacobin ? Entre les radicaux de gauche bouffeurs de curés et les démocrates-chrétiens comme Rocard ? Rien, si ce n’est une détestation de la droite giscardienne.]
Qu’est-ce que ces gens avaient en commun? Comme Mitterrand, leur exécration des gaullistes et des communistes. Bref, la détestation de ce qui ont voulu défendre un certain patriotisme, et comme par hasard, ceux qui étaient visés par les manifestations de mai 68.
Ne pas oublier que tout ce que Mitterrand a pu faire entre l’avènement du Programme Commun et le départ des communistes du gouvernement Mauroy en 84 n’a servi qu’affaiblir le PCF au profit du PS. "Tonton" n’a pas hésité à faire appel aussi bien aux trotskistes qu’à l’extrême-droite pour arriver à ses fins: détruire le PCF et diviser durablement les gaullistes…
@ CVT
[Qu’est-ce que ces gens avaient en commun? Comme Mitterrand, leur exécration des gaullistes et des communistes.]
Pas tout à fait, puisque le PCF et les gaullistes de gauche ont voté pour lui. Non, j’insiste : le seul élément commun entre tous les groupes qui ont soutenu Mitterand en 1981 c’était la détestation de la droite.
Bien entendu, dans un rassemblement aussi hétéroclite, il fallait bien qu’il y ait des cocus. Les cocus, ce furent les jacobins en général et les communistes en particulier. Qui ont payé le lourd prix de leur aveuglement – aveuglement qui, à l’époque, je ne partageais pas, moi qui aurais voté Giscard malgré les consignes de mon Parti si j’avais eu le droit de vote. Si en 1981 le PCF avait été capable de sortir du manichéisme droite/gauche, il aurait réalisé qu’avec le genre d’alliés que Mitterrand traînait derrière lui, il ne pouvait qu’être trahi.
@Descartes,
[Qui ont payé le lourd prix de leur aveuglement – aveuglement qui, à l’époque, je ne partageais pas, moi qui aurais voté Giscard malgré les consignes de mon Parti si j’avais eu le droit de vote. Si en 1981 le PCF avait été capable de sortir du manichéisme droite/gauche, il aurait réalisé qu’avec le genre d’alliés que Mitterrand traînait derrière lui, il ne pouvait qu’être trahi]
Pardonnez-moi, mais vous détestiez Mitterrand à ce point-là? Giscard ne valait pas beaucoup mieux que lui, d’après moi. Et surtout, quand bien même il a été le président le plus social de la Vè République, cela s’est fait à son corps défendant, car il était profondément libéral, et surtout, européïste, donc anti-français. Jean Monnet avait reconnu en lui son véritable fils spirituel. Et donc, vous auriez pu voter pour Giscard?
J’étais un enfant à l’époque, mais je me rappelle de l’atmosphère qui régnait en France lors de l’élection de Mitterrand: un vrai changement d’époque, comme j’en avais rarement vu dans ma vie, avec une fraternité affichée PS-PCF qui fleurait bon le Programme Commun. Il fallait être sacrément lucide pour ne pas être influencé par une telle atmosphère positive, du moins le croyait-on…
[Si en 1981 le PCF avait été capable de sortir du manichéisme droite/gauche, il aurait réalisé qu’avec le genre d’alliés que Mitterrand traînait derrière lui, il ne pouvait qu’être trahi.]
Franchement, je ne suis pas sûr que cela aurait changé quoi que ce fut. Les communistes étaient dans la même situation que Mélenchon en 2012, à savoir condamnés à voter Mitterrand, même sans consigne de vote de la part du PCF. Sans compter que même Chirac avait également appelé à voter Mitterrand en sous-main: je dirais que c’est probablement cette manoeuvre qui a coûté la présidence à Giscard…
Sinon, j’aurai au moins appris quelque chose sur vous: vous n’étiez pas encore naturalisé en 1981?
@ CVT
[Pardonnez-moi, mais vous détestiez Mitterrand à ce point-là?]
Non. A cette époque, je ne le « détestais » pas encore. Après tout, il ne m’avait encore rien fait. Seulement, j’étais déjà un grand lecteur, et à l’époque je me passionnais pour l’histoire de la IVème République. Et connaissant les faits d’armes et les fréquentations du personnage, j’avais du mal à comprendre comment des gens intelligents et soi-disant « de gauche » pouvaient faire confiance à un gangster polititque de ce calibre. Que voulez-vous, j’étais jeune et inexpérimenté, et ce n’est que plus tard que j’ai compris combien le désir de croire peut abolir tout sens critique.
La détestation, puis la haine, est venue plus tard. Quand j’ai pu contempler ses oeuvres…
[Giscard ne valait pas beaucoup mieux que lui, d’après moi.]
Comme disait Clemenceau, de deux maux je vote pour le plus bête. Avec Giscard, la droite aurait été forte au pouvoir et la gauche forte dans la rue, ce qui est en France le meilleur état des choses. Avec Mitterrand, le PCF a été laminé et la politique de droite a pu se déployer sous les oripeaux de la gauche.
[Et surtout, quand bien même il a été le président le plus social de la Vè République, cela s’est fait à son corps défendant, car il était profondément libéral, et surtout, européïste, donc anti-français. Jean Monnet avait reconnu en lui son véritable fils spirituel. Et donc, vous auriez pu voter pour Giscard?]
Oui. Encore une fois, je suis un pragmatique. A défaut de pouvoir voter pour celui en qui j’ai confiance, je vote pour celui qui fera le moins de mal. Giscard, au-delà de ses propres opinions, aurait du gouverner « à son corps défendant » sous la pression d’une gauche ou le PCF avait du poids et des syndicats. Mitterrand, qui connaissait parfaitement le réflexe pavlovien « tout sauf la droite » de la gauche française, n’avait à craindre aucune réaction de ce côté-là.
[J’étais un enfant à l’époque, mais je me rappelle de l’atmosphère qui régnait en France lors de l’élection de Mitterrand: un vrai changement d’époque, comme j’en avais rarement vu dans ma vie, avec une fraternité affichée PS-PCF qui fleurait bon le Programme Commun. Il fallait être sacrément lucide pour ne pas être influencé par une telle atmosphère positive, du moins le croyait-on…]
Que voulez-vous, mon expérience politique a commencé dans le pays de mon enfance par une situation un peu équivalente. Là aussi les gens dansaient dans les rues célébrant le retour d’un homme politique, en oubliant son passé sombre et ses états de service. Là aussi, l’enthousiasme avait aboli tout sens critique. L’affaire s’est terminée par un bain de sang. Depuis, je me suis toujours méfié de ce genre de situation d’enthousiasme excessif. Quant à la « fraternité affichée PS-PCF », elle était bien peu « fraternelle » depuis la rupture du Programme Commun en 1978.
[« Si en 1981 le PCF avait été capable de sortir du manichéisme droite/gauche, il aurait réalisé qu’avec le genre d’alliés que Mitterrand traînait derrière lui, il ne pouvait qu’être trahi ». Franchement, je ne suis pas sûr que cela aurait changé quoi que ce fut. Les communistes étaient dans la même situation que Mélenchon en 2012, à savoir condamnés à voter Mitterrand, même sans consigne de vote de la part du PCF.]
Je n’en suis pas persuadé. En 1981 le PCF avait suffisamment d’autorité sur son électorat pour faire battre Mitterrand. Mais cela aurait demandé une préparation longue et un discours très pragmatique que le PCF n’a pas eu la clairvoyance ou le courage d’assumer. Mais à supposer même qu’il fut forcé de faire voter Mitterrand, rien ne l’obligeait à rentrer au gouvernement. Un « soutien critique » – comme en 1936 – aurait été beaucoup moins coûteux.
[Sinon, j’aurai au moins appris quelque chose sur vous: vous n’étiez pas encore naturalisé en 1981?]
C’est cela, ou bien je n’étais pas encore majeur…
Descartes : [Il n’y a pas à tortiller: revenir au plein emploi implique in fine un transfert de niveau de vie depuis les classes moyennes vers les couches populaires. C’est pour cela que c’est si difficile à faire, et que tous les partis politiques, y compris ceux qui se prétendent "révolutionnaires" tournent autour du pot.]
Vous persistez à utiliser des mots comme « classes moyennes » que vous opposez à « couches populaires ».
Mais si ces mots ont eu un sens dans la France des siècles passés, aujourd’hui, ces mots souffrent d’un cruel manque de définition. Voire, ce qui revient au même, d’un excès de définitions, chacun ayant la sienne.
Un prof, un salarié de banque ou d’assurance, un chauffeur livreur, un agent SNCF, un employé communal ou une infirmière, un technicien ou un ingénieur vous affirmeront tous qu’ils appartiennent à la « classe moyenne ». Toute personne qui n’est ni fortunée, ni exclue, se dit être de la classe moyenne et elle n’a pas tord !.
Pour autant, beaucoup se revendiquent volontiers de leurs origines populaires.
De plus, la plupart de ces membres des classes moyennes ont eux-mêmes, dans leur propre famille, de jeunes chômeurs. J’ai failli mettre « jeunes » entre guillemets, tant les exemples que j’ai autour de moi concernent des personnes qui ne sont plus vraiment très jeunes : Des hommes ou des femmes de 30, 40 voire 45 ans, fils ou filles de salariés ou retraités, ni pauvres ni « nantis », qui ont cessé de travailler depuis 3 .. 4 ou 5 ans, vivant « petitement » des aides sociales, chômage puis RSA, de petits job au noir, profitant des petits cadeaux de leur famille et parfois d’un toit chez les parents ou d’une colocation à 6 dans un appartement.
Que signifie aujourd’hui « couches populaires » ? Qui sont les pauvres ? Des immigrés de la 1ère , seconde ou 3ème génération, peu ou pas intégrés, souffrant des suites de leur exclusion scolaire. Et aussi des femmes seules, élevant un ou deux enfants et pratiquant des boulots à temps partiel, des CDD, de l’intérim dans les métiers de caissières, de vendeuses, du nettoyage … mais pas dans la production.
Vous continuez de parler des « travailleurs » comme s’il s’agissait toujours d’ouvriers qui assurent la production. Or, si tous les français sont bien des consommateurs, bien peu sont encore des producteurs. Les salariés payés au SMIC, ou un peu au dessus, travaillent dans les commerces, les services, les mairies, les hôpitaux, les banques, voire l’éducation nationale ou d’autres administrations. Ils estiment appartenir à la classe moyenne et on ne voit pas bien en quoi réduire leur train de vie ferait rouvrir les usines de production en France. Sauf à nous replier complètement sur nous-mêmes, à réinventer la société de pénurie du 18ème siècle et à renoncer à tout le confort et la sécurité acquis depuis des décennies.
Quant à savoir si un repli protectionniste sur nous-mêmes nous ramènerait la croissance et la prospérité, il suffit d’observer ce qui est arrivé aux derniers pays fermés comme la Corée du Nord, ou l’Albanie pour se dire qu’aucun français, pas même ceux qui souffrent, ne souhaiterait adopter un tel système.
@ v2s
[Vous persistez à utiliser des mots comme « classes moyennes » que vous opposez à « couches populaires ». Mais si ces mots ont eu un sens dans la France des siècles passés, aujourd’hui, ces mots souffrent d’un cruel manque de définition. Voire, ce qui revient au même, d’un excès de définitions, chacun ayant la sienne.]
J’ai donné une définition, et il va de soi que lorsque j’utilise l’expression, je le fais dans ce sens. Les définitions des autres ne me concernent pas.
[Un prof, un salarié de banque ou d’assurance, un chauffeur livreur, un agent SNCF, un employé communal ou une infirmière, un technicien ou un ingénieur vous affirmeront tous qu’ils appartiennent à la « classe moyenne ».]
90% des gens « affirment » être plus intelligents que la moyenne, ce qui de toute évidence est une impossibilité. Ce que les gens « affirment » ne change en rien ce qu’ils sont.
[Toute personne qui n’est ni fortunée, ni exclue, se dit être de la classe moyenne et elle n’a pas tord !.]
Comment savez-vous qu’elle « na pas tort » puisque vous soutenez par ailleurs ne pas savoir ce qu’être « classe moyenne » veut dire, au vu de la multiplicité des définitions ? Faut savoir ce que vous voulez : ou bien le mot « manque cruellement de définition », et alors vous ne pouvez pas savoir si ceux qui prétendent être « classe moyenne » ont raison ou tort, ou alors vous pensez qu’ils ont raison, ce qui suppose que le mot ait une définition claire.
[De plus, la plupart de ces membres des classes moyennes ont eux-mêmes, dans leur propre famille, de jeunes chômeurs.]
Encore une fois, comme le savez vous ? Puisque vous déclarez que l’expression « classe moyenne » n’a pas de définition, comment décidez vous qui est « membre » et qui ne l’est pas avant de comptabiliser le nombre de leurs proches qui sont au chômage ? Une fois encore, vous commencez par m’expliquer que « classe moyenne » manque de définition, et ensuite vous raisonnez comme si vous en aviez une. Peut-être pourriez-vous l’expliciter, comme ça on pourrait mieux vous comprendre. De ce qui précède je déduis que pour vous la définition de « classe moyenne » est purement subjective : est membre des classes moyennes tout individu qui s’affirme tel.
[Que signifie aujourd’hui « couches populaires » ? Qui sont les pauvres ?]
Ces questions suggèrent que vous assimilez les « couches populaires » aux « pauvres ». Ce n’est certainement pas mon cas. Justement, j’ai essayé de donner des termes « classes moyennes » et « couches populaires » une définition qui soit de nature économique, et non pas sociologique ou subjective. Pour moi, les « couches populaires » sont celles qui vendent leur force de travail et touchent en échange un salaire qui est inférieur à la valeur produite – c’est-à-dire que leur employeur extrait de la plus-value. Je ne fais là que reprendre la caractérisation que Marx a donnée en son temps du prolétariat. Et les « classes moyennes » sont celles qui ont suffisamment de capital pour avoir un pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’intégralité de la valeur produite, mais pas assez pour extraire de la plus-value chez les autres.
Les « couches populaires » ne se confondent donc pas avec les « pauvres ». On peut être exploité et cependant avoir un bon niveau de vie.
[Vous continuez de parler des « travailleurs » comme s’il s’agissait toujours d’ouvriers qui assurent la production. Or, si tous les français sont bien des consommateurs, bien peu sont encore des producteurs.]
Je ne parle que très rarement de « travailleurs », et jamais dans le sens que vous indiquez. Par ailleurs, TOUS les travailleurs « sont des producteurs ». Sinon, pourquoi leurs patrons les payent-ils ? S’il n’y a pas de production de valeur, d’où sort le salaire ? C’est vous qui avez une vision archaïque de la « production ». On produit de la valeur dans une manufacture, lorsqu’on produit un bien matériel. Mais on produit aussi de la valeur lorsqu’on « produit » un service utile.
[Ils estiment appartenir à la classe moyenne et on ne voit pas bien en quoi réduire leur train de vie ferait rouvrir les usines de production en France.]
Ce n’est pas parce qu’ils « estiment » quelque chose que c’est une vérité. Je vous le répète, 90% de nos concitoyens « estiment » être plus intelligents que la moyenne. Diriez-vous que c’est vrai ?
[Sauf à nous replier complètement sur nous-mêmes, à réinventer la société de pénurie du 18ème siècle et à renoncer à tout le confort et la sécurité acquis depuis des décennies.]
Qui c’est, « nous » ? Pensez-vous par exemple que les couches populaires aient gagné ou perdu « le confort et la sécurité » depuis l’ouverture à la « concurrence libre et non faussée » dans les années 1980 ? Vous oubliez je pense que le libre-échange intégral dans lequel nous baignons n’est pas très ancien. Les transformations économiques qui nous ont sortis de la « société de pénurie du 18ème siècle » ont eu lieu dans un contexte de protectionnisme, et non de libre-échange.
[Quant à savoir si un repli protectionniste sur nous-mêmes nous ramènerait la croissance et la prospérité, il suffit d’observer ce qui est arrivé aux derniers pays fermés comme la Corée du Nord, ou l’Albanie pour se dire qu’aucun français, pas même ceux qui souffrent, ne souhaiterait adopter un tel système.. ]
Mais pourquoi donner en exemple de protectionnisme l’Albanie et la Corée du Nord, et non pas les Etats-Unis, par exemple ? Avez-vous entendu parler de la « Buy American Act » ?
Personne ne propose aujourd’hui que la France devienne une économie autarcique, totalement fermée aux échanges. La proposition aujourd’hui est un protectionnisme qui permette d’équilibrer notre balance des échanges, ce qui en bon français revient à dire « ne pas consommer plus que nous ne produisons ». Je vous recommande de relire – ou de lire – mon papier sur le « protectionnisme intelligent »…
[Ce n’est certainement pas mon cas. Justement, j’ai essayé de donner des termes « classes moyennes » et « couches populaires » une définition qui soit de nature économique, et non pas sociologique ou subjective.]
Et bien, justement non, vous nous donnez une définition des classes moyennes bien peu objective, puisque vous écrivez :
[les « classes moyennes » sont celles qui ont suffisamment de capital pour avoir un pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’intégralité de la valeur produite, mais pas assez pour extraire de la plus-value chez les autres]
Dites-moi, puisque vous croyez « votre » classe moyenne définie de façon parfaitement objective, ou classez vous, par exemple, les 600000 infirmiers et infirmières ? Ont-ils « suffisamment » de capital matériel ou intellectuel ? Comment quantifiez vous « objectivement » ce capital « suffisant » ?
Concernant les couches populaires, vous dites :
[Pour moi, les « couches populaires » sont celles qui vendent leur force de travail et touchent en échange un salaire qui est inférieur à la valeur produite.]
Ça c’est plutôt la définition que vous nous aviez donné de travailleurs exploités, mais admettons que ce soit désormais votre définition des « couches populaires ».
Alors la question est la même que pour vos « classes moyennes » : selon vos critères « objectifs », dites nous si les 600000 infirmières sont plutôt « classe moyennes » ou plutôt « couches populaires ». Quid des instituteurs ? Des professeurs ? Des agents EDF ? Des agents SNCF ? Reçoivent-ils un salaire inférieur ou supérieur à la valeur qu’ils « produisent » ? Comment établissez vous de façon « objective » la valeur produite par un secrétaire de mairie, un pompier, un policier, une femme de ménage, une caissière de supermarché ? Et comment pouvez-vous dire si leur salaire est supérieur ou inférieur à cette valeur, si vous ne pouvez pas la quantifier ?
Parce que je vous rappelle que pour vous, [Il n’y a pas à tortiller: revenir au plein emploi implique in fine un transfert de niveau de vie depuis les classes moyennes vers les couches populaires].
Donc il faut être clair, ce transfert de niveau de vie, nécessaire pour revenir au plein emploi, doit-il, ou pas, concerner les catégories que j’ai citées plus haut. Pourquoi un professeur qui gagne 2000 euros par mois devrait réduire son niveau de vie, quand une infirmière qui en gagne 1800 pourrait, elle le conserver ? Alors que l’un comme l’autre achètent leurs T-shirts made in Bengladesh 5,90 euros chez Décathlon ou chez Carrefour.
@ v2s
[Et bien, justement non, vous nous donnez une définition des classes moyennes bien peu objective, puisque vous écrivez : « les « classes moyennes » sont celles qui ont suffisamment de capital pour avoir un pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’intégralité de la valeur produite, mais pas assez pour extraire de la plus-value chez les autres »]
Cette définition peut vous déplaire, elle pourrait même être insuffisante ou contradictoire… mais la seule chose dont on peut être sûr est qu’elle est parfaitement « objective », puisqu’elle est fondée sur des critères certes difficiles à mesurer, mais qui sont factuels et non pas liés à une « opinion ».
[Dites-moi, puisque vous croyez « votre » classe moyenne définie de façon parfaitement objective, ou classez vous, par exemple, les 600000 infirmiers et infirmières ? Ont-ils « suffisamment » de capital matériel ou intellectuel ? Comment quantifiez vous « objectivement » ce capital « suffisant » ?]
Encore une fois, je crains que vous confondiez « objectif » avec « exact » ou « suffisant ». Une défintion « objective » est une définition qui est fondé sur des critères factuels, à l’opposition d’une définition « subjective », qui est dépendante d’une opinion. Ainsi, par exemple, la définition du « pays avec le plus grand territoire » est parfaitement objective, alors que « la plus belle chanson du monde » ne peut être que subjective.
Ensuite, je n’ai pas à classer « les 600.000 infirmiers et infirmières » (êtes vous sûr du chiffre), puisqu’il n’y a aucune raison pour qu’ils appartiennent toutes et tous au même groupe social. Certains et certaines ont suffisamment de capital, d’autres pas. D’ailleurs, une bonne partie d’entre eux et elles ne sont pas salariés et salariées, mais exercent comme professionnels libéraux. Ceux-là peuvent être classés sans hésiter dans les classes moyennes, puisque personne n’extrait de la plus-value de leur travail…
[Concernant les couches populaires, vous dites : « Pour moi, les « couches populaires » sont celles qui vendent leur force de travail et touchent en échange un salaire qui est inférieur à la valeur produite ». Ça c’est plutôt la définition que vous nous aviez donné de travailleurs exploités, mais admettons que ce soit désormais votre définition des « couches populaires ».]
Sur le fond, vous avez raison. Pour avoir les « couches populaires » il faudrait additionner aux travailleurs exploités les populations qui vivent de manière permanente d’allocations de solidarité. Mais cette population est relativement peu nombreuse et son poids politique est quasi nul.
[Alors la question est la même que pour vos « classes moyennes » : selon vos critères « objectifs », dites nous si les 600000 infirmières sont plutôt « classe moyennes » ou plutôt « couches populaires ». Quid des instituteurs ? Des professeurs ? Des agents EDF ? Des agents SNCF ? Reçoivent-ils un salaire inférieur ou supérieur à la valeur qu’ils « produisent » ? Comment établissez vous de façon « objective » la valeur produite par un secrétaire de mairie, un pompier, un policier, une femme de ménage, une caissière de supermarché ? Et comment pouvez-vous dire si leur salaire est supérieur ou inférieur à cette valeur, si vous ne pouvez pas la quantifier ?]
Pour répondre à votre question par une mesure directe, il faudrait faire un travail statistique qui dépasse mes possibilités. Admettons même qu’une réponse directe – c’est-à-dire par mesure de la valeur créée – soit impossible. Est-ce que pour autant la défintion cesse d’être « objective » ? Non. Est-elle pour autant utile ? Je pense que oui. Parce que cette définition permet de faire des hypothèses et par ce biais caractériser les groupes sociaux par une voie indirecte.
Je prends un exemple pour illustrer le raisonnement. Puisque les « classes moyennes » se distinguent par le fait que ses membres disposent d’un capital suffisant pour négocier individuellement leurs rémunérations de manière à récupérer la valeur produite, on peut supposer que les membres des « classes moyennes » auront tendance à préférer une méthode de fixation des salaires négociée, alors que les « travailleurs exploités », qui savent qu’ils n’ont pas ce pouvoir de négociation individuel, préféreront des grilles fixées par négociations collective. Maintenant, utilisons cette hypothèse pour interpréter une observation réelle : regardons chez les agents EDF ou ceux de la SNCF quels sont les groupes favorables au maintien des « grilles », et ceux favorables aux salaires négociés. Cela vous permet indirectement de déduire qui se trouve du côté « classes moyennes » et qui est plutôt du côté « couches populaires »…
Il y a en économie beaucoup de concepts qui ne peuvent être quantifiés en pratique, mais qui servent à construire des théories qui, testées à partir d’observations, permettent indirectement de les valider. La théorie de la valeur de Ricardo reprise par Marx en est un excellent exemple. Personne n’a jamais dit comment on fait pour mesurer pratiquement la « valeur » d’un bien…
[Donc il faut être clair, ce transfert de niveau de vie, nécessaire pour revenir au plein emploi, doit-il, ou pas, concerner les catégories que j’ai citées plus haut.]
Certaines oui, d’autres non. Mais je trouve curieux qu’on puisse parler des « agents EDF » ou de ceux de la SNCF comme s’il s’agissait de blocs homogène. Tous les agents EDF ne gagnent pas la même chose, et d’ailleurs leurs salaires ne sont pas fixés par le même mécanisme. En bas, c’est la grille et la promotion à l’ancienneté. En haut, c’est la négociation et l’avancement au choix.
[Pourquoi un professeur qui gagne 2000 euros par mois devrait réduire son niveau de vie, quand une infirmière qui en gagne 1800 pourrait, elle le conserver ? Alors que l’un comme l’autre achètent leurs T-shirts made in Bengladesh 5,90 euros chez Décathlon ou chez Carrefour.]
Je ne comprends pas la question. Si le professeur et l’infirmière achètent des T-shirts made in Bangladesh à 5,90 euros, et demain avec une politique protectionniste ils achètent des T-shirts made in France à 9,60 euros, tous deux perdront du pouvoir d’achat… Ceux qui gagneront le pouvoir d’achat perdu par le professeur et l’infirmière sont les travailleurs français qui fabriqueront les T-shirts en question plutôt que de goûter au chômage… vous voyez donc un transfert ou les classes moyennes seront plutôt perdantes et les couches populaires plutôt gagnantes.
Affirmer qu’une répartition en catégories peut être tout à fait objective bien que basée sur des données non mesurables relève du tour de passe-passe dialectique.
Passons, et arrêtons-nous sur votre affirmation :
[vous voyez donc un transfert ou les classes moyennes seront plutôt perdantes et les couches populaires plutôt gagnantes].
Pour que les Tshirts à 6 euros made in Bangladesh soient remplacés par des Tshirts à 10 euros made in France, il faudrait d’abord que des français au chômage acceptent de se remettre derrière des machines à coudre, ce qui n’est pas gagné ! Précisément à cause du fait que le plus grand nombre estime désormais appartenir à la classe moyenne et ne se rêve plus en ouvrier d’usine. (souvenez vous du slogan des années 60:"Non à l’avenir d’OS")
Ensuite, la perte de pouvoir d’achat induite dans l’augmentation du prix des produits manufacturés du fait qu’ils seraient made in France, impacterait toute la société et prioritairement les bas salaires. Un médecin ou un ingénieur seront beaucoup moins pénalisés par l’augmentation des prix des vêtements ou des téléviseurs qu’un smicard ou un chômeur.
Enfin, vous posez comme une évidence le fait que ces chômeurs, qui se remettraient à produire, seraient, par définition, issus des « couches populaires », et que donc, le chômage aujourd’hui ne toucherait pas les classes moyennes, ni eux, ni leurs enfants. Or c’est faux, le chômage touche toutes les couches de la société.
Si ce n’est une éventuelle satisfaction intellectuelle qu’il y aurait chez vous à réécrire une déclinaison contemporaine du marxisme, je ne parviens pas à comprendre pourquoi vous éprouvez le besoin de redéfinir les classes moyennes en les associant à un capital réel ou supposé.
Ce que vous dites des classes moyennes est juste, pertinent, pas besoin de changer la définition.
Par exemple, vous dites que la classe moyenne cherche à protéger sa progéniture en torpillant l’école de l’égalité des chances. Vous avez raison, mais cette volonté se retrouve chez tous les membres de la classe moyenne, même chez ceux qui n’ont pas n’ont pas « ce pouvoir de négociation individuel » qui vous sert de critère de sélection.
La pratique qui consiste à contourner la carte scolaire pour mettre ses enfants dans des écoles ou ils auront plus de chances de réussir, est une pratique que l’on retrouve dans toute la classe moyenne, sans exception, que ce soit chez les médecins et les ingénieurs ou chez les profs et les fonctionnaires, qu’ils aient ou non ce fameux « pouvoir de négociation individuel » qui vous sert à les placer dans uns case ou dans une autre.
La société française souffre de blocages et la classe moyenne en porte largement la responsabilité. Le renforcement, l’augmentation extraordinaire, en pourcentage de la population totale, du nombre de membres de cette classe moyenne ne fait qu’augmenter son impact négatif sur la société.
Je ne vois pas en quoi le marxisme et le capital auraient quelque chose à voir avec les conséquences négatives de la monté en puissance des classes moyennes.
@v2s
[Affirmer qu’une répartition en catégories peut être tout à fait objective bien que basée sur des données non mesurables relève du tour de passe-passe dialectique.]
Mais ce n’est pas ce que j’ai dit. Ce que j’ai dit, c’est que les données en question ne sont pas mesurables DIRECTEMENT. Je vais vous donner un exemple historique : en 1846, l’astronome Le Verrier déclare avoir découvert une nouvelle planète (celle qui deviendra Neptune). Pourtant il ne l’a pas observée directement. Il a simplement observé que l’orbite d’une planète connue, Uranus, présentait des irrégularités, et montré par la calcul que ces irrégularités pouvaient s’expliquer si l’on postulait l’existence d’une planète encore inconnue, dont il a pu calculer la masse et l’orbite. Mais tout cela, sans observation directe. Diriez-vous que l’existence d’Uranus est « subjective » ?
Ce que je propose, c’est un raisonnement similaire. Si je considère qu’il existe une classe sociale qui occupe une certaine place dans le mode de production, je peux déduire qu’elle aura certains comportements. En observant les comportements des différents groupes, je peux déduire s’ils appartiennent ou non à la classe en question.
[Pour que les Tshirts à 6 euros made in Bangladesh soient remplacés par des Tshirts à 10 euros made in France, il faudrait d’abord que des français au chômage acceptent de se remettre derrière des machines à coudre, ce qui n’est pas gagné !]
Qu’est ce qui vous fait dire ça ? Pourriez-vous indiquer les données « objectives » qui supportent votre affirmation ? Parce que personnellement, j’observe le contraire. Lorsqu’on ferme une usine comme Lejaby, les ouvrières ne dansent pas la ronde en disant « chouette, on va être au chômage ». Au contraire, elles se battent pendant des mois pour pouvoir « se remettre derrière les machines à coudre ». Et c’est vrai dans toutes les usines de main d’œuvre. Que ce soit un abattoir à poulets, une fonderie, une usine textile, ce que vous voulez, les travailleurs ne demandent qu’une chose, rester « derrière les machines ». Vous croyez vraiment que chez nous les travailleurs préfèrent le chômage ?
[Précisément à cause du fait que le plus grand nombre estime désormais appartenir à la classe moyenne et ne se rêve plus en ouvrier d’usine. (souvenez vous du slogan des années 60:"Non à l’avenir d’OS")]
Pourtant, aucune usine ne signale des problèmes aujourd’hui pour recruter de la main d’œuvre faiblement qualifiée. Vous ouvrez un poste et vous avez tout de suite des centaines de candidats. Il y a des difficultés pour recruter dans certains métiers qualifiés (soudeurs par exemple), mais pour recruter « des OS », aucun problème. Les français refusaient de devenir OS dans les années 1960, parce que dans une économie à forte croissance, ils avaient d’autres opportunités. Mais tout cela c’est le passé. Aujourd’hui, proposez un poste d’OS et vous ne manquerez pas de candidats.
[Ensuite, la perte de pouvoir d’achat induite dans l’augmentation du prix des produits manufacturés du fait qu’ils seraient made in France, impacterait toute la société et prioritairement les bas salaires.]
Non. Lorsqu’on regarde les profils de consommation, on observe que les « bas salaires » sont ceux qui achètent le moins des produits importés. D’abord, parce que pour les ménages modestes les dépenses contraintes (logement, électricité, eau, assurances) sont prédominantes, ensuite parce que leurs autres dépenses sont plus « localisées » que celles des classes moyennes. Un ouvrier a beaucoup moins de chances de prendre des vacances à l’étranger qu’un cadre supérieur…
[Un médecin ou un ingénieur seront beaucoup moins pénalisés par l’augmentation des prix des vêtements ou des téléviseurs qu’un smicard ou un chômeur.]
Bien sur que non. Un médecin ou un ingénieur changent leurs vêtements et de téléviseur beaucoup plus souvent que le smicard ou le chômeur, sans compter sur toute une gamme d’équipements audiovisuels qu’un smicard n’achètera jamais.
[Enfin, vous posez comme une évidence le fait que ces chômeurs, qui se remettraient à produire, seraient, par définition, issus des « couches populaires », et que donc, le chômage aujourd’hui ne toucherait pas les classes moyennes, ni eux, ni leurs enfants. Or c’est faux, le chômage touche toutes les couches de la société.]
Mais là encore, pas de manière égale. Toutes les enquêtes montrent par exemple que les non-diplômés ont une probabilité beaucoup plus forte de se trouver au chômage. Or, il est beaucoup plus rare de trouver des non-diplômés chez les fils d’ouvriers que chez les enfants des cadres supérieurs. Il y a aussi des puissants effets de réseau qui permettent aux classes moyennes de trouver des emplois à leurs enfants et qui sont inaccessibles à l’ouvrier. Le recul du chômage bénéficierait à tous, mais beaucoup plus fortement aux couches populaires. Je persiste donc…
[Si ce n’est une éventuelle satisfaction intellectuelle qu’il y aurait chez vous à réécrire une déclinaison contemporaine du marxisme, je ne parviens pas à comprendre pourquoi vous éprouvez le besoin de redéfinir les classes moyennes en les associant à un capital réel ou supposé.]
Justement parce que les outils d’analyse du marxisme sont extrêmement puissants. Mais ils sont inutilisables aujourd’hui parce que le mode de production a évolué et que les catégories que Marx avait lui-même établi sont en partie obsolètes. Il faut donc, pour pouvoir utiliser ces outils d’analyse, en définir de nouvelles. Or, pour que des catégories sociales soient pensables dans l’univers marxiste, il faut les relier à leur place dans le mode de production, et donc au rapport capital-travail.
[Ce que vous dites des classes moyennes est juste, pertinent, pas besoin de changer la définition.]
Eh non, justement. Et vous le dites vous-même plus haut, lorsque vous mettez en doute les transferts entre couches sociales tels que je les décris. Ces transferts n’existent que si vous définissez les « classes moyennes » à ma manière.
[Par exemple, vous dites que la classe moyenne cherche à protéger sa progéniture en torpillant l’école de l’égalité des chances. Vous avez raison, mais cette volonté se retrouve chez tous les membres de la classe moyenne, même chez ceux qui n’ont pas n’ont pas « ce pouvoir de négociation individuel » qui vous sert de critère de sélection.]
Si vous ne voulez pas de ma définition, il faut me dire laquelle vous retenez. Lorsque vous dites « cette volonté se retrouve chez tous les membres de la classe moyenne », de qui parlez vous ? Qui sont les « membres de la classe moyenne » à laquelle s’applique votre affirmation ? Les ouvriers qualifiés ? Les smicards ? Les cadres ? Les agents EDF ? Tous ceux qui « se déclarent être dans les classes moyennes » ?
Non, je n’ai pas vu les ouvriers, les smicards, les petits commerçants, les agents EDF manifester pour « torpiller l’école de l’égalité des chances ». Je ne les ai pas non plus vu adhérer aux théories soixante-huitardes sur l’école « structure représsive de l’Etat », vouloir l’abolition des notes, de la discipline, du catéchisme républicain. Au contraire. Par contre, j’ai entendu ces théories dans la bouche des professeurs universitaires, des cadres supérieurs… encore un exemple de caractérisation indirecte.
[La pratique qui consiste à contourner la carte scolaire pour mettre ses enfants dans des écoles ou ils auront plus de chances de réussir, est une pratique que l’on retrouve dans toute la classe moyenne, sans exception, que ce soit chez les médecins et les ingénieurs ou chez les profs et les fonctionnaires, qu’ils aient ou non ce fameux « pouvoir de négociation individuel » qui vous sert à les placer dans uns case ou dans une autre.]
L’envie de le faire est universelle. Mais la « pratique » ? Non. Parce que pour réussir à contourner, il vous faut un certain « pouvoir de négociation individuel », des réseaux, une connaissance du système, c’est-à-dire, un « capital ». La différentiation entre les « classes moyennes » et les ouvriers n’est pas une différentiation morale. Tout le monde veut la réussite de ses enfants, et tout le monde est prêt à marcher sur la tête des autres pour cela. Mais certains ont le moyen de le faire, et d’autres pas.
[Je ne vois pas en quoi le marxisme et le capital auraient quelque chose à voir avec les conséquences négatives de la monté en puissance des classes moyennes.]
On ne peut pas se contenter de constater un phénomène, il faut comprendre son pourquoi. C’est là que « le marxisme et le capital » peuvent nous aider.
Dans votre débat avec V2s vous ecrivez successivement :
« Pour moi, les « couches populaires » sont celles qui vendent leur force de travail et touchent en échange un salaire qui est inférieur à la valeur produite – c’est-à-dire que leur employeur extrait de la plus-value. Je ne fais là que reprendre la caractérisation que Marx a donnée en son temps du prolétariat. Et les « classes moyennes » sont celles qui ont suffisamment de capital pour avoir un pouvoir de négociation qui leur permet de récupérer l’intégralité de la valeur produite, mais pas assez pour extraire de la plus-value chez les autres.
Les « couches populaires » ne se confondent donc pas avec les « pauvres ». On peut être exploité et cependant avoir un bon niveau de vie. »
puis :
« Si le professeur et l’infirmière achètent des T-shirts made in Bangladesh à 5,90 euros, et demain avec une politique protectionniste ils achètent des T-shirts made in France à 9,60 euros, tous deux perdront du pouvoir d’achat… Ceux qui gagneront le pouvoir d’achat perdu par le professeur et l’infirmière sont les travailleurs français qui fabriqueront les T-shirts en question plutôt que de goûter au chômage… vous voyez donc un transfert ou les classes moyennes seront plutôt perdantes et les couches populaires plutôt gagnantes. »
votre définition des classes moyenne est certainement intéressante , mais est-elle vraiment pertinente pour expliquer l’opposition entre ceux qui sont favorables_ ou au moins non hostiles_ a «l’Europe » ( au sens de construction ultralibérale ) et ceux qui en on souffert ? dans votre 2ème citation vous parlez d’un professeur et d’une infirmière : ils correspondent a votre définition, mais surtout ils représentent des catégories qui , par statut ou par type d’activité _ ou les 2_ ne sont pas délocalisables ; on peut prendre d’autres exemples :
Entre un électricien d’entretien qualifié , employé dans une collectivité territoriale , par exemple , ou dans un arsenal , et un autre ( ex) employé chez PSA a Aulnay , la différence est elle dans le rapport a la plusvalue ou dans le risque de se retrouver au chômage ?
Entre un ingénieur dans le textile ( le peu qu’il en reste..) et un ingénieur chez Matra armement ou chez Dassault ou Thales : même question
La libre circulation intégrale des hommes et des capitaux pronée par L’europe de Bruxelle a provoqué la disparition de pans entiers de notre industrie : textile,confection, bonnetterie, électroménager, meubles, chaussures, agroalimentaire, et j’en passe… donc sacrifice de milliers d’ouvriers, oui, mais aussi de techniciens, ingénieurs, cadres… et petits entrepreneurs : tous, dans quelle catégorie ?? la seule que je discerne les réunissant, c’est celle d’avoir travaillé dans des secteurs délocalisables
@ JMP
[votre définition des classes moyenne est certainement intéressante , mais est-elle vraiment pertinente pour expliquer l’opposition entre ceux qui sont favorables_ ou au moins non hostiles_ a «l’Europe » ( au sens de construction ultralibérale ) et ceux qui en on souffert ? dans votre 2ème citation vous parlez d’un professeur et d’une infirmière : ils correspondent a votre définition, mais surtout ils représentent des catégories qui , par statut ou par type d’activité _ ou les 2_ ne sont pas délocalisables ;]
Oui et non. Les « statuts » ne sont pas faits par hasard. De la même manière que les règles européennes permettent d’amener des travailleurs roumains payés « à la roumaine » dans les chantiers, on aurait pu autoriser le détachement d’infirmières ou de professeurs. Seulement voilà, les classes moyennes savent se défendre et ceux qui ont construit l’Europe, tout libéraux qu’ils sont, ont fait très attention à ne pas trop se mettre à dos les classes moyennes en touchant leurs statuts. Si vous regardez comment s’est faite la construction européenne, vous remarquerez qu’on a cassé les « statuts » partout où ils protégeaient de la délocalisation les couches populaires. Mais on a touché avec beaucoup de parcimonie les « statuts » des classes moyennes : à quand la « concurrence libre et non faussée » chez les pharmaciens, par exemple ?
[Entre un électricien d’entretien qualifié, employé dans une collectivité territoriale, par exemple , ou dans un arsenal , et un autre ( ex) employé chez PSA a Aulnay , la différence est elle dans le rapport a la plus-value ou dans le risque de se retrouver au chômage ?
Entre un ingénieur dans le textile ( le peu qu’il en reste..) et un ingénieur chez Matra armement ou chez Dassault ou Thales : même question.]
Je ne sais pas s’il y a une différence significative dans le rapport à l’Europe libérale entre l’ouvrier d’entretien d’une collectivité locale ou dans un arsenal et un employé de PSA. Pour les deux, l’Europe est un danger : pour le premier, parce qu’elle cherche à « casser » les statuts protecteurs, pour le second parce qu’elle favorise la délocalisation. Mais en dernière instance, tout se ramène au revenu, et donc à la plus-value. Si l’on accepte un salaire de misère – c’est-à-dire, à céder suffisamment de plus-value à son employeur – on arrive toujours à trouver du travail. L’existence d’un salaire minimum et des allocations chômage brouille la perception de cette réalité mais, in fine, elle est toujours là.
[La libre circulation intégrale des hommes et des capitaux pronée par L’europe de Bruxelle a provoqué la disparition de pans entiers de notre industrie : textile,confection, bonnetterie, électroménager, meubles, chaussures, agroalimentaire, et j’en passe… donc sacrifice de milliers d’ouvriers, oui, mais aussi de techniciens, ingénieurs, cadres…]
Mais alors, comment expliquer que le chômage ait explosé chez les ouvriers, soit plus faible chez les techniciens, quasi inexistant chez les ingénieurs et cadres ? Comment expliquer que le revenu ouvrier ait baissé alors que le revenu des cadres monte légèrement et celui des cadres supérieurs part en flèche ? Il faut croire que les « sacrifices » en question sont bien mal repartis… En fait, la « libre circulation » n’est pas mauvaise pour tout le monde. Elle a fait disparaître l’industrie, mais a permis la création de nouvelles activités qui – c’est une coïncidence, certainement – offrent des opportunités aux classes moyennes. Les ingénieurs, les cadres qui étaient restés sur le carreau du fait de la désindustrialisation – ou bien leurs enfants, car il faut regarder ces questions d’un point de vue intergénérationnel – ont pu profiter de ces nouvelles activités. Les enfants des ouvriers, non.
[et petits entrepreneurs : tous, dans quelle catégorie ?? la seule que je discerne les réunissant, c’est celle d’avoir travaillé dans des secteurs délocalisables]
Il ne faut pas regarder seulement la perte de l’emploi. Dans toute société dynamique, il est normal que certaines activités disparaissent pour être remplacées par d’autres. La question n’est donc pas seulement la perte de l’emploi, mais la possibilité de trouver un autre. Un ingénieur travaillant dans un secteur « délocalisable » a des possibilités de reconversion – du fait du "capital immatériel" qu’il possède – que n’a pas l’ouvrier. La désindustrialisation des années 1980 fut une catastrophe pour le monde ouvrier, alors que les cadres l’ont traversée sans dommage. Ce sont d’ailleurs ces cadres qui ont voté Mitterrand en 1988… et la ratification de Maastricht en 1992.
Bonjour,
Manifestement, les interventions de vos commentateurs concentrent depuis maintenant plusieurs années, leurs objections sur l’utilisation du terme "classe moyenne" qui est la votre. Ceci est un fait et donc parfaitement objectif.
La raison de ces différentes contestations réside dans l’ambiguïté ( machiavélienne ou non ?) qu’entretient cette thèse.
Longtemps perturbé par cette approche et cependant sensible à une intuition de sa pertinence, je me permets de me glisser dans le débat en présentant quelques remarques à ce sujet.
– Le terme de "moyenne" est trop identifié à une quantité mesurable, donc chiffrable, et il entretien la confusion chez des esprits cartésiens qui ressentent un besoin irrépressible de quantification.
– La définition semble s’appliquer à des citoyens dans leur globalité – plutôt même dans leur totalité personnelle, une fois pour toutes ou presque – alors que les comportements individuels sont faits d’une mosaïque d’actions, de décisions, de situations qui varient d’un instant à l’autre de la journée ainsi que tout au cours de l’existence professionnelle.
– Le fait de relever de l’application d’une grille plutôt que de bénéficier de la possibilité de négocier individuellement n’est en rien un inconvénient pour certaines professions ( exemple: les salariés du Sénat ou de l’Assemblée Nationale pour ne citer qu’un cas, par rapport à un ingénieur du textile qu’évoque JMP) Vous savez bien que le pouvoir de nuisance collective de certaines professions est bien plus efficace que la capacité d’un individu lambda isolé. Une masse de citoyens alterne entre l’appartenance à une classe sur une période de quelques mois ou années et l’appartenance à une autre classe la période suivante.
– La notion de " classe rentière" me paraît plus parlante. Elle désignerait des situations acquises et conservées durablement et caractérisées par un bilan nettement positif entre la contribution de son impétrant à la création de richesse et les rémunérations qu’il en retire sous toutes leurs formes.
Le malentendu persistant dans votre blog sur l’utilisation de ce concept pollue, à mes yeux, une bonne partie des débats avec des intervenants de qualité. Votre dialectique est devenue, sur ce point, inopérante.
Le moment d’un approfondissement même limité à quelques pages, n’est-il pas venu ?
@ Marcailloux
[- Le terme de "moyenne" est trop identifié à une quantité mesurable, donc chiffrable, et il entretien la confusion chez des esprits cartésiens qui ressentent un besoin irrépressible de quantification.]
Mais les esprits cartésiens ont raison ! Seulement, dans l’état où sont aujourd’hui les sciences humaines, une quantification précise est difficile. Le problème n’est pas nouveau, et déjà du temps de Marx on avait critiqué la théorie de la valeur de Marx-Ricardo parce qu’il n’y avait pas de méthode pour mesurer précisément la « valeur ». Et cependant, le fait de faire une différence entre « valeur » et « prix » s’est révélé fécond en économie, même si on est toujours impuissant pour mesurer directement la « valeur » d’un bien.
[- La définition semble s’appliquer à des citoyens dans leur globalité – plutôt même dans leur totalité personnelle, une fois pour toutes ou presque – alors que les comportements individuels sont faits d’une mosaïque d’actions, de décisions, de situations qui varient d’un instant à l’autre de la journée ainsi que tout au cours de l’existence professionnelle.]
Peut-être. Mais quelque puissent être les variations individuelles, le fait est que certains groupes ont un comportement global qu’on peut décrire statistiquement.
[- Le fait de relever de l’application d’une grille plutôt que de bénéficier de la possibilité de négocier individuellement n’est en rien un inconvénient pour certaines professions ( exemple: les salariés du Sénat ou de l’Assemblée Nationale pour ne citer qu’un cas, par rapport à un ingénieur du textile qu’évoque JMP) Vous savez bien que le pouvoir de nuisance collective de certaines professions est bien plus efficace que la capacité d’un individu lambda isolé.]
Oui. Et c’est pourquoi certaines catégories de salariés « exploités » gagnent plus que d’autres. Mais vous remarquerez que les mille salariés les mieux payés de ce pays ont tous obtenu leur salaire à travers une négociation individuelle. Ce qui tend à montrer que si le pouvoir de nuisance collectif permet d’arracher de bons salaires, le « capital immatériel » peut donner une capacité de négociation bien meilleure… et à ma connaissance, aucun de ces salariés n’a jamais exprimé une préférence pour que son salaire soit fixé en référence à une « grille ».
[Une masse de citoyens alterne entre l’appartenance à une classe sur une période de quelques mois ou années et l’appartenance à une autre classe la période suivante.]
Pourriez-vous donner un exemple ?
[- La notion de " classe rentière" me paraît plus parlante. Elle désignerait des situations acquises et conservées durablement et caractérisées par un bilan nettement positif entre la contribution de son impétrant à la création de richesse et les rémunérations qu’il en retire sous toutes leurs formes.]
Mais justement, la « rente » implique un capital. Si vous admettez l’existence d’une « classe rentière », vous devez éclaircir ou se trouve le capital qui lui permet de toucher une telle rente…
[Le malentendu persistant dans votre blog sur l’utilisation de ce concept pollue, à mes yeux, une bonne partie des débats avec des intervenants de qualité. Votre dialectique est devenue, sur ce point, inopérante. Le moment d’un approfondissement même limité à quelques pages, n’est-il pas venu ?]
Vous voulez me faire bosser ? Bon, ok, dès que j’ai quelques jours de vacances, je m’y mets…
@Descartes,
[Manifestement, les interventions de vos commentateurs concentrent depuis maintenant plusieurs années, leurs objections sur l’utilisation du terme "classe moyenne" qui est la votre]
J’ai entendu un jour quelqu’un qui faisait exactement la même description que vous des classes moyennes. Cette personne avait parlé de "néo-petite bourgeoisie", au sens des petits bourgeois de Marx, mais avec la morale hédoniste à la place de la morale conservatrice catholique, et la richesse intellectuelle en lieu et place de la richesse en capitale.
Pour ma part, je crois que je vais adopter ce vocable, il me paraît plus explicite.
@ Marcailloux et Descartes
>Le malentendu persistant dans votre blog sur l’utilisation de ce concept pollue, à mes yeux, une bonne partie des débats avec des intervenants de qualité. Votre dialectique est devenue, sur ce point, inopérante. Le moment d’un approfondissement même limité à quelques pages, n’est-il pas venu ?<
Je tiens à préciser que même sans une définition très solide, chacun a une idée assez commune de ce qu’est la classe moyenne. Tenez, ayant pour une fois accès à la télévision, l’autre soir je regardais l’émission "Zemmour et Naulleau" sur Paris Première, qui recevait dans sa première partie Laurent Wauquiez. Celui-ci s’est apparemment fendu d’un livre à-demi eurosceptique. Ne l’ayant pas lu, je m’abstiendrai de juger du fond, bien que sa prestation m’ait donné une furieuse impression d’un "Mélenchon de droite", qui rejette uniquement ce qui lui déplaît dans l’Europe (1). Mais passons, ce qui m’a fasciné est certains de ses arguments. De mémoire, il expliquait que "les grandes oubliées de tous les discours politiques sont les classes moyennes qui payent le gros des impôts et seront les cibles prochaines d’autres augmentations d’impôt", horrible non ? Outre le fait que ceux qui ont un peu traîné dans diverses réunions savent que l’on en parle tout le temps et pour les mêmes raisons, cela m’a réchauffé le cœur de voir que Wauquiez utilisait les mêmes arguments que nos petites sections communistes.
Le problème parallèle est en fait que l’on parle de moins en moins des couches populaires sans les associer aux classes moyennes – et je ne parle pas uniquement de l’UMP et du PS même le FN fait cela. Bien sûr, il existe des nuances : pour un discours type LCR/NPA, on y adjoindra tout un sous-prolétariat type "précaires", pour un discours type LO, on s’imaginera une classe ouvrière comme celle de "L’assomoir" ou de "Germinal", avec des analyses d’un autre temps.
Le résultat est que la sur-représentation politique de la classe moyenne a comme pendant une sous-représentation du "prolétariat", des "travailleurs" et de leurs intérêts de classe défendus de façon autonome. A mon avis, les deux s’articulent à un certain degré.
>Vous voulez me faire bosser ? Bon, ok, dès que j’ai quelques jours de vacances, je m’y mets…<
Je veux bien t’aider, en fonction de ma capacité… Mais je trouverais étonnant que quelques universitaires n’aient pas écrit là dessus.
(1) Disponible apparemment ici :
http://news360x.fr/zemmour-naulleau-18-avril-2014/
@ CVT
[J’ai entendu un jour quelqu’un qui faisait exactement la même description que vous des classes moyennes.]
Vous avez noté le nom ? Les royalties, ce n’est pas fait pour les chiens ! 😉
Plus sérieusement : je ne prétend pas à une totale originalité. Je sais qu’il y a plusieurs penseurs marxistes qui ont proposé des définitions proches. Tous ont le même souci que moi : permettre l’analyse marxiste de la société d’aujourd’hui en constituant une description de notre société en termes de classes, et non simplement en termes de groupes sociologiques.
[Cette personne avait parlé de "néo-petite bourgeoisie", au sens des petits bourgeois de Marx, mais avec la morale hédoniste à la place de la morale conservatrice catholique, et la richesse intellectuelle en lieu et place de la richesse en capitale.]
Le terme importe peu en théorie. Mais en pratique, je préfère celui de « classe moyenne » parce qu’il est plus provocateur. Si je m’étais contenté de parler de « néo-petite bourgeoisie », personne n’aurait tiqué. Mais parler des « classes moyennes », ça attire l’œil et l’oreille, d’une part parce que beaucoup de mes lecteurs appartiennent eux-mêmes aux classes moyennes et se reconnaissent comme tels – alors qu’ils ne se reconnaîtraient probablement pas dans la « néo-petite bourgeoisie » – et d’autre part parce qu’il est de bon ton aujourd’hui de verser sa larme sur le triste sort des « classes moyennes », et que dire donc que les classes moyennes vont très bien merci suscite l’intérêt de la polémique.
Vous voyez bien la richesse du débat sur le concept de « classe moyenne » sur ce blog. Pensez-vous que si j’avais parlé de « néo-petite bourgeoisie » le débat aurait été aussi riche ? Permettez-moi d’en douter.
[Pour ma part, je crois que je vais adopter ce vocable, il me paraît plus explicite.]
Mais beaucoup moins « vendeur" lorsqu’il s’agit de provoquer le débat…
@ BolchoKek
[qui recevait dans sa première partie Laurent Wauquiez. Celui-ci s’est apparemment fendu d’un livre à-demi eurosceptique.]
C’est fou le nombre de livres et d’articles « à demi eurosceptiques » qui sont publiés ces derniers temps. Il y a quelques années, les mêmes auraient été excommuniés et envoyés au bûcher par leurs petits camarades. Aujourd’hui, pas de réaction. Les rats songeraient-ils à quitter le navire qui coule ?
[Ne l’ayant pas lu, je m’abstiendrai de juger du fond, bien que sa prestation m’ait donné une furieuse impression d’un "Mélenchon de droite", qui rejette uniquement ce qui lui déplaît dans l’Europe (1).]
C’est le problème avec la désidéologisation de la politique : on ne voit pas les choses comme un tout cohérent, ou chaque élément a une raison d’être par rapport aux autres, mais comme un ensemble d’éléments disjoints ou l’on peut choisir comme dans un menu. Cela conduit à des raisonnements du genre « l’Allemagne a un excédent de sa balance commerciale parce qu’elle est compétitive, donc, si nous étions tous compétitifs nous serions tous en excédent ». Ce qui de toute évidence absurde. Si l’Allemagne est en excédent c’est bien parce que quelqu’un d’autre est en déficit. Quelque soient les efforts de compétitivité, certains seront toujours plus compétitifs que d’autres. Les plus compétitifs auront des excédents, les moins seront déficitaires. C’est mécanique.
[Mais passons, ce qui m’a fasciné est certains de ses arguments. De mémoire, il expliquait que "les grandes oubliées de tous les discours politiques sont les classes moyennes qui payent le gros des impôts et seront les cibles prochaines d’autres augmentations d’impôt", horrible non ? Outre le fait que ceux qui ont un peu traîné dans diverses réunions savent que l’on en parle tout le temps et pour les mêmes raisons, cela m’a réchauffé le cœur de voir que Wauquiez utilisait les mêmes arguments que nos petites sections communistes.]
« Horrible » ? Non, prévisible. Les couches populaires ont quitté l’Histoire. Fatiguées des alternances qui changent les têtes mais pas les politiques, elles s’abstiennent ou votent protestataire. Ce sont les classes moyennes qui occupent le champ politique, ce sont elles qui choisissent lequel des deux « partis de gouvernement » aura le fauteuil pour cinq ans, ce sont elles qui font et défont les gouvernements. Comment s’étonner dans ces conditions que les hommes politiques ne parlent que de ses malheurs avec un ton compatissant et cherchent à la caresser dans le sens du poil ? Et cela est aussi vrai à droite qu’à gauche, à l’UMP et au PCF.
[Je veux bien t’aider, en fonction de ma capacité… Mais je trouverais étonnant que quelques universitaires n’aient pas écrit là dessus.]
En fait, je n’ai pas trouvé grande chose d’écrit sur ces questions. Mais il est vrai qu’une caractérisation économique des classes moyennes ne peut qu’aboutir à des conclusions « politiquement incorrectes ».
[ Une masse de citoyens alterne entre l’appartenance à une classe sur une période de quelques mois ou années et l’appartenance à une autre classe la période suivante.]
Pourriez-vous donner un exemple ?
Bien qu’éprouvant quelques réticences à parler de mon cas personnel, je vais tenter, pour l’alimentation du débat, de le décrire à titre d’exemple, dans la perspective d’une qualification d’appartenance à telle ou telle classe.
Fils unique d’une famille de cinq enfants dans le milieu ouvrier de la métallurgie, j’ai très tôt joui du premier principe de notre république: la Liberté. Choyé par l’amour sincère de mes parents, ma jeunesse, jusqu’à 16 ans révolus, s’est déroulée au gré des hasards de la rue d’une petite ville industrielle de province. Ma première grande découverte, le jour de la réception de mon bulletin scolaire de fin d’année a été d’ordre mathématique: le principe d’Egalité selon lequel, comme dans toute équation bien posée, le résultat des rares efforts scolaires, s’est traduit par un zéro qui obérait implacablement toute possibilité de poursuivre des études qui ne brillaient déjà pas par les perspectives qu’elles offraient à leur terme.
C’est ainsi que du jour au lendemain, je fus promu par une mutation sans délai, des délices de l’oisiveté à l’impérieuse nécessité d’assumer désormais ma subsistance. Promu ipso facto OS 1 car étant assez bon bricoleur, spécialiste en modèles réduits, j’échappais ainsi à la qualification humiliante de manœuvre-balai. Régulièrement pratiquée à l’époque(fin des années 50)en guise de bon accueil au sein des PME elle procédait à l’intronisation de nombreux enfants de la classe ouvrière dans un monde où seul, le troisième grand principe de la république, la Fraternité restait à leur disposition.
Après les instants de sidération vécus et occasionnés par 50 heures de travail hebdomadaires au fond d’un atelier enfumé, baigné des vapeurs toxiques de trichloéthylène, rabroué par un patron méprisant et découvrant cependant une fraternité de misère, je n’ai eu, dès lors, de cesse d’échapper à cet entonnoir de vie que je ressentais me conduire inexorablement à une mort existentielle.
Je n’étais plus qu’un outil.
Ce choc a constitué à l’époque la plus grande chance de mon parcours. J’en ai gardé toutefois un regard et un attachement définitivement emphatique vis à vis de la classe ouvrière que je ne confondrais pas avec la classe populaire.
Quinze ans ont passé, dont je vous épargnerai des détails, sinon de vous dire que les loisirs, les vacances, les flirts et sorties propres à la jeunesse furent proscrits de mon vocabulaire. Préparant, en autodidacte, une kyrielle de diplômes, tout en assurant la cinquantaine d’heure de travail en entreprise qui était la norme à l’époque, au travers d’emplois évolutifs dans plusieurs entreprises, j’ai réussi au concours d’entrée d’une école d’ingénieur au titre de la formation continue. Deux ans de scolarité accélérée, en congé individuel de formation à mes frais,(qui correspondaient en fait à trois années scolaires, m’ont permis d’accéder à un rêve d’excellence que constituait dans mon milieu, le titre d’ingénieur.
Nous étions alors en 1976, en plein dans la tourmente des chocs pétroliers. Avec l’effondrement des entreprises du secteur relatif à l’expérience de mes vingt années d’activité professionnelle. J’évoluais en statut et régressais simultanément en sécurité d’emploi.
S’en sont suivies plusieurs années au cours desquelles il a fallu composer avec les circonstances, alternant des emplois ou activités assez variées, de peu à très rémunératrices, sans autre assurance du lendemain que celle garantie par la volonté de "s’en sortir".
De quelle classe relevais-je à cette époque ?
J’ai eu alors l’opportunité de constituer un patrimoine qui à servi de socle aux acquis ultérieurs, tout en restant dans une honnête moyenne.
Dans les années 80 et 90, répondant à mon goût pour les relations humaines et l’organisation, renforcé par une formation type MBA entrouvrant les portes d’accès à une classe de dirigeant en entreprise, j’ai assuré les fonctions de consultant ou de DRH. Les niveaux de rémunérations (4 à 5 Smic)ne permettaient néanmoins qu’une aisance relative.
Etais-je alors un privilégié, d’autant que ma dernière fonction de DRH s’est brutalement interrompue, lors du changement de l’actionnaire principal du groupe industriel qui m’employait, au motif pas même dissimulé que je prêtais plus d’attention et d’intéret, dans les CE que je présidais ou les CCE auxquels je participais, aux propos de la CGT qu’à ceux de la CFE-CGC.
Ma fin de carrière, chargé de mission (consultant) pendant 3 ans par le Ministère du travail, me positionnait entre les Inspecteurs du travail et les Directeurs Départementaux.
J’ai eu l’occasion , en cette circonstance, de constater ne pas être admis ,véritablement, parmi les cadres Inspecteurs notamment. Sans qu’il ne me soit fait la moindre remarque, cette dichotomie à fleur de peau m’a semblé très particulière à la fonction publique.
Voilà, j’en ai terminé de mon épanchement qui ne vise qu’à rendre plus concret nos discussions sur ces notions de classe.
Sans problème de fin de mois maintenant et protégé financièrement par un patrimoine se situant dans la moyenne des ménages français, je dispose d’un acquis intellectuel, obtenus par mes seuls efforts.
J’ai le sentiment d’avoir été exposé pratiquement toute ma vie professionnelle aux aléas de l’économie, et suis tout à fait prêt à faire un effort équitable de solidarité. Je ne me sens en rien un prédateur de la richesse nationale, alors que, souvent, vos allégations tendraient à me faire douter.
Je voudrais ajouter que la distinction me paraît plus accentuée à Paris qu’en province pour des raisons d’affichage propres aux grandes agglomérations.
Enfin, sur le strict plan matériel, il serait juste de comparer, par exemple, la rémunération totale d’un fonctionnaire, d’activité et de retraite, tout au long de sa vie, à celle d’un salarié du privé dont la pension est quelquefois très inférieure au salaire moyen d’activité. Plus la période de retraite est longue, plus ce différentiel prend de l’importance.
Quand je parle de rente, j’inclus aussi cette dimension de rémunération différée. On ne tient non plus pas compte de la valeur du risque imposé (avec tous les dommages collatéraux qu’il implique) aux salariés du privé, qu’on ne peut, en toute justice, obérer.
Je présume que le débat est loin d’être clos, il mérite un approfondissement qui selon toute vraisemblance, peut être alimenté par les commentateurs honnêtes et sincères de ce blog. Pour ma part, je suis prêt à participer constructivement, dans la limite de mes faibles moyens, à l’émergence d’une approche pertinente de la représentation sociale de ce que vous nommez classe moyenne.
[Mais justement, la « rente » implique un capital. Si vous admettez l’existence d’une « classe rentière », vous devez éclaircir ou se trouve le capital qui lui permet de toucher une telle rente…]
Il y a déjà le capital génétique. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne et une société socialiste à le devoir de pallier, autant que faire se peut, ces écarts à la naissance. Comment ? Par une politique d’éducation différenciée qui permet aux enfants défavorisés de réduire de déficit d’aptitudes par un soutien renforcé.
Il y a ensuite le capital environnemental. L’environnement de l’enfant puis de l’adolescent est constitué d’une multitude d’éléments très différents les uns des autres: la nature des campagnes ou l’effervescence de la ville, l’entourage familial et la richesse culturelle qui la caractérise, le milieu dans lequel il se développe avec le tissu de relations et d’expériences qui s’offrent à lui, l’information dont il dispose, etc….
L’intervention d’un "despote éclairé" s’avère alors nécessaire.
Nécessaire pour imposer contre vents et marées un ensemble de dispositifs permettant à chacun de compenser les manques ressentis et constatés dans le développement de son éducation. Ces dispositifs sont pour la plupart à construire à reconstruire ou à recadrer s’ils existent déjà avec une mission de service publique d’éducation populaire contractée dans le cadre d’un cahier des charges précis et maintenus dans le temps qu’au seul regard des résultats.
Quel est, à mes yeux ce "despote éclairé" ?
Il peut s’agir d’un homme (j’embrasse aussi, dans ce terme, toutes les femmes, comme disait un certain…..), mais, hormis telle ou telle situation exceptionnelle qu’on ne peut raisonnablement pas souhaiter, cela me semble peu probable et pour tout dire pas souhaitable car dangereux au plus haut degré.
Ce peut être un groupe influent comme un parti, cependant il sera taxé inéluctablement d’ambitions conquérantes et se verra ipso facto contré par une opposition frontale et il n’a que peu de chances d’accéder au pouvoir dans des conditions socio-économiques relativement paisibles.
Ce peut être aussi un mouvement d’une élite non inféodée à une position partisane et capable de mobiliser les média, des couches intermédiaires de la société, pour créer un large mouvement d’opinion œuvrant dans le sens d’une réforme profonde de nos habitudes de comportement. Mais quel est l’intérêt qui fédérera et animera une telle alliance objective ? L’intérêt national devant la perspective de décrépitude du pays serait-il assez puissant ?
Le capital que je nommerai institutionnel. Souvent conséquent du patrimoine environnemental avec ses accès privilégiés à des réseaux d’influence, il se caractérise par sa propension à octroyer à une oligarchie et ses protégés, les fonctions et expériences les plus porteuses d’avenir. Je vais donner là un exemple:
Entre deux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, l’un dans la botte issu d’un milieu modeste et l’autre, dans la "chaussette" avec l’appui de son milieu très introduit et influent, le premier se verra très souvent confié des situations d’exécution et l’autre des situations d’état major où les opportunités sont multiples et faciles. J’en ai été très souvent le témoin.
Il y a enfin le capital matériel avec deux catégories principales: celui qui est possédé sous toutes les formes possibles et celui promis et garanti par les règles en vigueur dans notre société.
Le capital possédé a fait l’objet de nombreuses publications. Je n’y reviens donc pas.
Celui promis est bien plus discret et heurterait, à le publier de trop nombreuses susceptibilités. Cela va des prestations sociales généreusement distribuées sans exigence de la moindre contrepartie à des rentes de situation pas toujours équitablement justifiées.
Notre pays est un pays qui n’a pas encore opéré sa mue en matière de privilèges. Le 5 août n’est qu’une date à l’affiche de nos manuels d’histoire. L’égalité s’offre des méandres insoupçonnés.
@Descartes,
pour le nom de l’inventeur du concept de "néo-petite bourgeoisie", il s’agit de l’urbaniste Jean-Pierre Garnier. Voici l’un de ses textes, vous verrez: j’ai cru que c’était vous qui l’aviez rédigé :-):
http://raumgegenzement.blogsport.de/2010/09/23/jean-pierre-garnier-gentrification-une-notion-importee-et-importune-1
Maintenant, il ne s’agit que d’une réactualisation du concept marxiste de petite bourgeoisie intellectuelle.
Egalement, je suis tombé récemment sur un article de Renaud Camus (oui, l’apôtre du Grand Remplacement: c’est aussi un écrivain…) parlant de mai 68, et ça m’avait également beaucoup marqué: en bon descendant de la grande bourgeoisie, il affirme que cet évènement a marqué la victoire de la petite bourgeoisie sur la grande. Venant d’un homme dit de droite, la remarque m’avait à l’époque surpris. Et quelque temps plus tard, avec nos discussions sur les classes moyennes, elle prit tout d’un coup son sens. Comment se fait-il que des personnes censées être des adversaires idéologiques arrivent quasiment aux mêmes conclusions?
@Descartes,
[C’est fou le nombre de livres et d’articles « à demi eurosceptiques » qui sont publiés ces derniers temps. Il y a quelques années, les mêmes auraient été excommuniés et envoyés au bûcher par leurs petits camarades. Aujourd’hui, pas de réaction. Les rats songeraient-ils à quitter le navire qui coule ?]
C’était aussi mon avis au départ, mais je me demande dans quelle mesure ce type de démarche n’agit pas comme une sorte de vaccin pour renforcer les défenses immunitaires du système européiste. Je m’explique: un vaccin contient toujours une souche morte ou très affaiblie de la maladie contre laquelle on veut se protéger.
Et bien, c’est pareil pour ces démagogues européistes qui se réveille euro-sceptique un matin (pas trop longtemps avant des élections, tout de même…): on introduit des demi-mesures anti-UE pour atténuer des oppositions plus radicales aux idées européistes. Par exemple, Wauquier proteste contre les méfaits de l’UE, mais milite pour rester dans l’euro, qui est quasiment la mère de toutes les batailles idéologiques européistes. C’est très bien joué comme tactique, et c’est redoutable car le système fini par s’habituer à la critique.
A l’image de Wauqier, de Mélenchon ou encore de Larroutourou ou du Modem, c’est maintenant contre ce genre de discours ultra-démagogique qu’il faut lutter, sachant que le discours euro-béat est déjà discrédité.
@Marcailloux
[Bien qu’éprouvant quelques réticences à parler de mon cas personnel, je vais tenter, pour l’alimentation du débat, de le décrire à titre d’exemple, dans la perspective d’une qualification d’appartenance à telle ou telle classe.]
Je l’ai dit plusieurs fois ici, je préfère ne mas commenter des exemples personnels. Il est difficile en effet de regarder d’une manière neutre et dépassionné un exemple tiré de notre propre vie, et je ne voudrais surtout pas vous offenser par mégarde.
[(…) J’ai eu alors l’opportunité de constituer un patrimoine qui à servi de socle aux acquis ultérieurs, tout en restant dans une honnête moyenne.]
Ce que vous racontez s’apparente à ce que Marx appelait « l’accumulation primitive ». C’est ainsi que la bourgeoisie s’est constituée : lorsque la productivité augmente et que la production dépasse les besoins impératifs, certains individus renoncent à consommer le surplus et préfèrent l’accumuler pour l’investir. C’est ainsi que se constitue le capital. La seule différence est que dans votre cas le capital accumulé est autant matériel qu’immatériel, et que s’il est suffisant pour vous permettre de négocier un certain niveau de revenu, il n’est pas suffisant pour vous permettre de faire travailler les autres et d’en extraire de la plus-value. Vous êtes né ouvrier, vous mourrez « classe moyenne ».
Vous avez eu la chance – comme moi, d’ailleurs – de vivre à une période où l’économie en croissance rendait cette accumulation, et donc cette promotion sociale possible. Aujourd’hui, ce serait beaucoup plus difficile.
[Les niveaux de rémunérations (4 à 5 Smic)ne permettaient néanmoins qu’une aisance relative.]
« Relative » ? Vous exagérez. 5 fois le SMIC vous mettent dans le meilleur décile en termes de revenu…
[Etais-je alors un privilégié, d’autant que ma dernière fonction de DRH s’est brutalement interrompue,]
Vous confondez privilège et stabilité. Je pourrais vous donner plusieurs dizaines d’exemples de PDG de grandes entreprises multinationales qui ont été remerciés brutalement du jour au lendemain. Et pourtant on peut difficilement contester qu’ils font partie des « privilégiés »…
[J’ai le sentiment d’avoir été exposé pratiquement toute ma vie professionnelle aux aléas de l’économie, et suis tout à fait prêt à faire un effort équitable de solidarité. Je ne me sens en rien un prédateur de la richesse nationale, alors que, souvent, vos allégations tendraient à me faire douter.]
Il ne faut pas en faire une question personnelle. Je veux bien croire qu’au niveau des choix personnels vous soyez prêt à « faire un effort équitable de solidarité » de la même manière que vous pouvez trouver des capitalistes scandalisés par la condition ouvrière et prêts à faire un effort pour l’améliorer. Mais au-delà des choix individuels, il reste que statistiquement les classes moyennes, dans leur ensemble, ne sont pas prêtes à faire ce type « d’effort », et qu’elles se sont même inventées une idéologie qui justifie cette position. Que vous et moi ne la partagions pas n’implique pas qu’elle n’existe pas. Ce que vous appelez mes « allégations » ne s’appliquent jamais aux individus. Je n’ai jamais dit que TOUS les membres des classes moyennes sans exception soient des salauds, tout comme je trouverais ridicule d’affirmer, comme le font certains marxistes du dimanche, que TOUS les capitalistes sont des salauds. Il n’empêche que vous et moi appartenons à une classe prédatrice, une classe qui collectivement a arraché des privilèges dont nous profitons, que nous le voulions ou pas. Je ne dis pas qu’il nous faut pour autant faire pénitence. Mais il faut en avoir conscience.
[Enfin, sur le strict plan matériel, il serait juste de comparer, par exemple, la rémunération totale d’un fonctionnaire, d’activité et de retraite, tout au long de sa vie, à celle d’un salarié du privé dont la pension est quelquefois très inférieure au salaire moyen d’activité. Plus la période de retraite est longue, plus ce différentiel prend de l’importance.]
Bien entendu. Mais vous seriez surpris à mon avis. Le salarié du privé part à la retraite avec 50% du salaire calculé sur les vingt meilleures années, primes comprises. Le fonctionnaire part avec 75% de son salaire calculé sur les six derniers mois… mais sans compter les primes. Or, pour un fonctionnaire les primes peuvent représenter plus de la moitié de sa rémunération. En fin de compte, lorsqu’on calcule les taux de remplacement, ils sont assez proches dans le prive et dans la fonction publique. J’ajoute qu’a égalité de qualification et de responsabilité, les salaires sont souvent plus faibles dans la fonction publique que dans le privé, et que l’effet est d’autant plus fort que vous êtes haut dans la pyramide.
[Quand je parle de rente, j’inclus aussi cette dimension de rémunération différée. On ne tient non plus pas compte de la valeur du risque imposé (avec tous les dommages collatéraux qu’il implique) aux salariés du privé, qu’on ne peut, en toute justice, obérer.]
J’imagine que vous parlez du « risque » de licenciement. Et bien sur qu’on prend en compte ce risque. A égalité de responsabilité, les salaires sont plus faibles dans le public que dans le privé. Et c’est encore plus net pour les hauts fonctionnaires, par exemple. Avez-vous une idée de combien gagne un préfet, par exemple ?
[Pour ma part, je suis prêt à participer constructivement, dans la limite de mes faibles moyens, à l’émergence d’une approche pertinente de la représentation sociale de ce que vous nommez classe moyenne.]
Vous savez que votre participation est très appréciée. Et si vous ne le saviez pas, je vous le dis !
Descartes "Avez-vous une idée de combien gagne un préfet, par exemple ?"
J’ai trouvé çà daté de 2010: http://www.ladepeche.fr/article/2010/06/29/863923-les-tres-bons-bonus-des-prefets.html – 8000 € par mois en moyenne. Normal pour ce niveau de responsabilité, mais pas scandaleusement inférieur à ce qui se fait dans le privé.
@ Marcailloux
[Il y a déjà le capital génétique. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne et une société socialiste à le devoir de pallier, autant que faire se peut, ces écarts à la naissance. Comment ? Par une politique d’éducation différenciée qui permet aux enfants défavorisés de réduire de déficit d’aptitudes par un soutien renforcé.]
Le « capital génétique », qui était fondamental dans les sociétés fondées sur le muscle, devient pratiquement négligeable dans des sociétés dominées par le cerveau. Si la taille et la force physique dépendent fortement d’un capital génétique, nous naissons avec un potentiel cérébral assez proche. La raison est que contrairement à la force musculaire, le potentiel intellectuel ne dépend pas de la taille de l’organe, ni même de la quantité de neurones, mais de la nature des interconnections entre elles. Et les interconnections dépendent plus des expériences vitales que du patrimoine génétique. Il y a bien entendu des enfants qui naissent avec des handicaps ou avec des capacités extraordinaires. Mais ils sont relativement rares.
[Il y a ensuite le capital environnemental. L’environnement de l’enfant puis de l’adolescent est constitué d’une multitude d’éléments très différents les uns des autres: la nature des campagnes ou l’effervescence de la ville, l’entourage familial et la richesse culturelle qui la caractérise, le milieu dans lequel il se développe avec le tissu de relations et d’expériences qui s’offrent à lui, l’information dont il dispose, etc…. ]
Oui. C’est ainsi que le « capital immatériel » se transmet d’une génération à l’autre. Et cette transmission permet de parler de « capital ».
[L’intervention d’un "despote éclairé" s’avère alors nécessaire. Nécessaire pour imposer contre vents et marées un ensemble de dispositifs permettant à chacun de compenser les manques ressentis et constatés dans le développement de son éducation. Ces dispositifs sont pour la plupart à construire à reconstruire ou à recadrer s’ils existent déjà avec une mission de service publique d’éducation populaire contractée dans le cadre d’un cahier des charges précis et maintenus dans le temps qu’au seul regard des résultats.]
Je ne comprends pas pourquoi il vous pour cela un « despote éclairé ». Un « despote » peut être nécessaire lorsqu’il s’agit de passer outre des coalitions d’intérêts particuliers qui s’opposent à l’intérêt général. Mais dans le cas présent, je ne vois pas le besoin.
[Mais quel est l’intérêt qui fédérera et animera une telle alliance objective ?]
Telle est la question. La seule question, en fait.
[Entre deux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, l’un dans la botte issu d’un milieu modeste et l’autre, dans la "chaussette" avec l’appui de son milieu très introduit et influent, le premier se verra très souvent confié des situations d’exécution et l’autre des situations d’état major où les opportunités sont multiples et faciles. J’en ai été très souvent le témoin.]
Cela dépend en fait de la tradition « méritocratique » ou non de chaque milieu. Dans le milieu des ingénieurs, par exemple, un polytechnicien du corps des mines reste « corpsard » quelque soient ses origines, et le fils d’ouvrier aura les mêmes opportunités que le fils de bourgeois. Dans d’autres milieux – la médecine, le notariat – les réseaux familiaux sont prédominants.
[Notre pays est un pays qui n’a pas encore opéré sa mue en matière de privilèges. Le 5 août n’est qu’une date à l’affiche de nos manuels d’histoire.]
Faut pas trop exagérer. Quelques années d’expatriation m’ont guéri définitivement de cette idée que « c’est mieux ailleurs ». En matière d’abolition des privilèges, nous n’avons rien à
Envier ni à l’Angleterre, ni à l’Allemagne…
@ CVT
[pour le nom de l’inventeur du concept de "néo-petite bourgeoisie", il s’agit de l’urbaniste Jean-Pierre Garnier. Voici l’un de ses textes, vous verrez: j’ai cru que c’était vous qui l’aviez rédigé :-): http://raumgegenzement.blogsport.de/2010/09/23/jean-pierre-garnier-gentrification-une-notion-importee-et-importune-1%5D
Non, je n’aurais pas pu l’écrire. Cette idée de superposer au couple « exploiteur-exploité » celui de « dirigeant-dirigé », que l’auteur reprend chez les théoriciens de « socialisme et barbarie » est très éloigné de mon analyse.
[Egalement, je suis tombé récemment sur un article de Renaud Camus (oui, l’apôtre du Grand Remplacement: c’est aussi un écrivain…) parlant de mai 68, et ça m’avait également beaucoup marqué: en bon descendant de la grande bourgeoisie, il affirme que cet évènement a marqué la victoire de la petite bourgeoisie sur la grande. Venant d’un homme dit de droite, la remarque m’avait à l’époque surpris. Et quelque temps plus tard, avec nos discussions sur les classes moyennes, elle prit tout d’un coup son sens. Comment se fait-il que des personnes censées être des adversaires idéologiques arrivent quasiment aux mêmes conclusions?]
Mais nous n’arrivons pas aux mêmes conclusions. Je n’ai jamais pensé que mai 1968 marque « la victoire de la petite bourgeoisie sur la grande ». Je pense que mai 1968 marque un renversement de l’alliance dominante : le « gaullo-communisme », qui était un pacte entre la bourgeoisie industrielle et la classe ouvrière, a été remplacé au pouvoir par l’alliance entre la bourgeoisie devenue de plus en plus financière et les classes moyennes. Ce n’est pas du tout la même chose. Camus regrette la société pré-1968 en ce qu’elle avait d’aristocratique, et confond cette aristocratie avec la « grande bourgeoisie ». Mais il fait erreur : l’aristocratie universitaire qui avait fait l’âge d’or de l’université française n’était pas issue de la « grande bourgeoisie ». Et lorsqu’elle est balayée par les classes moyennes, ce n’est pas « la grande bourgeoisie » qui est balayée, c’est l’aristocratie du mérite.
@ CVT
[C’était aussi mon avis au départ, mais je me demande dans quelle mesure ce type de démarche n’agit pas comme une sorte de vaccin pour renforcer les défenses immunitaires du système européiste. Je m’explique: un vaccin contient toujours une souche morte ou très affaiblie de la maladie contre laquelle on veut se protéger.]
Je ne le crois pas un instant. Je pense plutôt que les hommes politiques ont compris que « l’idéal européen » est devenu invendable. Et ils quittent le navire qui coule, tout simplement. Je ne crois pas que cela va renforcer le système européiste. Le risque serait plutôt que si demain se constituait une majorité eurosceptique, elle soit conduite non pas par ceux qui ont eu raison depuis le début, mais par des convertis de la dernière heure dont la conversion n’est qu’une question d’opportunité.
["Avez-vous une idée de combien gagne un préfet, par exemple ?". J’ai trouvé çà …) 8000 € par mois en moyenne. Normal pour ce niveau de responsabilité, mais pas scandaleusement inférieur à ce qui se fait dans le privé.]
Je vous renvoie à ce site fort intéressant: http://www.journaldunet.com/business/salaire/classement/metiers/salaires-banque. Vous trouverez des tableaux de moyennes salariales pour différentes professions. Selon ce site, un directeur d’usine de moins de 500 personnes gagne en moyenne 9200 €. Un avocat d’affaires en cabinet en moyenne 10.000 €. Un directeur des achats dans un groupe industriel, en moyenne 13.000 €. Pensez-vous vraiment qu’au vu de ces chiffres un préfet, qui dirige une "petite entreprise" de plusieurs centaines de fonctionnaires, qui signe chaque jour des textes juridiques dont il est personnellement responsable, qui signe au nom de l’Etat toutes sortes d’actes financiers pour des dizaines de millions d’euros, et qui en plus est garant de la tranquillité, la salubrité et la sécurité publique en temps normal comme en temps de crise n’est pas, à niveau de responsabilité équivalent, fortement sous-payé par rapport au privé ? Et les préfets ne sont qu’un exemple. C’est vrai pour la plupart des fonctionnaires sur des postes de responsabilité. Sur le même site vous constaterez qu’un directeur d’hôpital gagne en moyenne 3.500 €…
bonsoir Descartes je fais la même analyse concernant les manifs de la CGT ou on ne se reconnais plus du tout , ça ressemble de plus en plus a des manifs anniversaires avec des revendications complétement déconnectées de la réalité style Europe sociale , ça devient décourageant pour les militants qui se rendent compte qu’on est orchestrer par les Europhiles
@ bernard
[je fais la même analyse concernant les manifs de la CGT ou on ne se reconnais plus du tout , ça ressemble de plus en plus a des manifs anniversaires avec des revendications complétement déconnectées de la réalité style Europe sociale , ça devient décourageant pour les militants qui se rendent compte qu’on est orchestrer par les Europhiles]
« Orchestré » c’est beaucoup dire. Cela suppose qu’il y ait quelque part un chef d’orchestre « europhile » qui connaît la partition. Je ne pense pas que ce soit le cas. C’est malheureusement beaucoup plus sérieux : la gauche n’a plus d’idéologie. Elle n’a plus la capacité de proposer une explication rationnelle du monde. Et sans idéologie, la politique n’est plus qu’une question de marketing. C’est comme lorsqu’on vend un savon ou une bière : il s’agit de trouver la formule capable d’attirer le plus de monde et d’en repousser le moins. Et n’importe quel publicitaire vous le dira : le mieux, c’est choisir des formules « plastiques », dans lesquelles la cible – pardon, le citoyen – peut lire ce qu’il veut. Que veut dire « parce que je le vaut bien » ? Tout et son contraire. Que veut dire « l’Europe sociale » ? A peu près la même chose.
Les partis politiques et les syndicats sont hantés aujourd’hui par le souci de ne pas déplaire. Il leur faut, pensent-ils, apparaître comme des organisations accueillantes, ouvertes, permettant à chacun et à chacune de se « réaliser ». C’est peut-être Robert Hue qui le mieux a théorisé cette logique avec son « parti-outil », censé n’avoir aucune idée propre mais servir comme « outil » pour que les « citoyens et citoyennes » fassent avancer les leurs. Il ne faut donc offenser personne, et donc surtout ne pas faire de choix ou établir des hiérarchies. Chacun sa marotte, et toutes les marottes se valent.
Salut Descartes
Je n’étais même pas allé voir sur le site de cette manif. C’est plutôt pire que ce que j’aurais imaginé… Mais d’un autre côté, ça ne me surprend pas beaucoup. En tout cas le gauchisme anti-productiviste de cette « gauche radicale » est vraiment un drame.
@Joe Liqueur
J’avoue que ça me fait mal au cœur de voir le PCF dans cette galère. Que voulez-vous, on ne guérit pas de sa jeunesse…
Descartes :
[Vous voulez me faire bosser ? Bon, ok, dès que j’ai quelques jours de vacances, je m’y mets…]
BolchoKek :
[Je veux bien t’aider, en fonction de ma capacité… Mais je trouverais étonnant que quelques universitaires n’aient pas écrit là dessus.]
CVT :
[Cette personne avait parlé de "néo-petite bourgeoisie", au sens des petits bourgeois de Marx]
Bien sûr, Descartes, ou d’autres théoriciens, universitaires ou non, peuvent bien s’échiner à montrer que la « classe moyenne », ou la « néo petite bourgeoisie » sert les intérêts du « grand capital ». Bien sûr si on se donne pour but de faire vivre coûte que coûte la théorie de la lute des classes, avec une petite dose de mauvaise foi appuyée sur un grand talent de polémiste, on doit arriver à faire vivre sur le papier à peu prés n’importe quelle théorie.
Mais pour quoi faire ? A quoi ça peut bien servir de tordre le bras à la réalité, ou pire de la nier ?
Le monde à profondément changé ! Profondément !
La société française, celle du temps de Zola et Germinal, et même la société de l’entre deux guerre et du front populaire, cette société là appartient à l’histoire et n’a plus grand-chose à voir avec celle ou nous vivons.
La différence majeure, c’est précisément que les couches populaires ont massivement glissé dans les classes moyennes.
A la sortie de la seconde guerre, dans mon département agricole, nous avions un tout petit noyau de notables, que l’on pouvait qualifier de « petite bourgeoisie », des notaires, des propriétaires terriens rentiers, des patrons de quelques petites industries. Tout en les méprisant ostensiblement, ces bourgeois faisaient cause commune avec quelques « nouveaux riches » qui avaient fait fortune dans la charcuterie, l’élevage de cochons ou le commerce avec les colonies.
La classe moyenne, composée par l’instituteur, le receveur des postes, l’ingénieur des ponts et chaussées … n’étaient guère plus nombreuse que les bourgeois, petits ou grands. Les autres, tous les autres, formaient les bataillons des classes populaires, ultra majoritaires.
60 ans plus tard, on constate un formidable nivellement, et la quasi-disparition des classes populaires. Grâce aux retombées cumulées des trente glorieuses, de la croissance économique et des progrès techniques, tout le monde a pu adopter le même style de vie.
Certes avec des nuances, selon le revenu réel de chacun, mais le même style de vie quand même. L’instit, le chef de rayon chez Intermarché, ou l’aide soignante à l’hôpital rouleront en 206 ou en Golf, quand l’architecte ou le chef comptable rouleront en Audi ou en C5, mais il s’agit bien de différences mineures.
Tout le monde se retrouvera en congés, 5 semaines par an (+ les RTT !). L’infirmière et le chef de rayon ne pourront s’offrir « que » la thalasso à Djerba (331 euros la semaine, en ½ pension, voyage compris !) ou les deux semaines tout compris à Cuba ou à Saint Domingue, alors que l’architecte ou le patron de PME iront plutôt à Rio ou aux Seychelles, mais ça ne fait aucune différence, les uns et les autres ont bien la même vie, appartiennent bien à la même société, à la même classe.
Ce monde ou nous vivons n’a plus rien à voir avec le monde de Zola et de Germinal. Évidemment, des nuances existent à l’intérieur de la classe moyenne, et on peut ainsi parler de classe moyenne basse ou haute.
Mais il reste que la classe moyenne couvre désormais le spectre de la société toute entière, à l’exception notoire des « très riches » qui vivent dans des sphères internationales et qui sont guère visibles et d’un sous prolétariat composé d’exclus : principalement les immigrés non intégrés, les femmes seules et sans qualification, et quelques autres qui, ensemble, si on en croit les statistiques, ne représenteraient que 12 à 15 % de la population.
Insignifiante il y a 60 ans, la classe moyenne est désormais ultra majoritaire. D’ailleurs, on peut légitimement supposer que quasiment 100% des lecteurs de ce blog appartiennent à cette classe moyenne.
Faut-il, dans ces conditions, continuer à théoriser sur la lute des classes ?
PS : Pardon, Descartes, nous nous sommes éloigné des manifs « fourre-tout » qui était l’objet de votre billet, mais si je peux me permettre, « c’est vous qu’avez commencé ».
@v2s
[Bien sûr, Descartes, ou d’autres théoriciens, universitaires ou non, peuvent bien s’échiner à montrer que la « classe moyenne », ou la « néo petite bourgeoisie » sert les intérêts du « grand capital ». Bien sûr si on se donne pour but de faire vivre coûte que coûte la théorie de la lute des classes, avec une petite dose de mauvaise foi appuyée sur un grand talent de polémiste, on doit arriver à faire vivre sur le papier à peu prés n’importe quelle théorie.]
Je crois vous l’avoir déjà dit une fois, mais vous m’obligez à le répéter : avant de critiquer la théorie marxiste, vous feriez bien de l’étudier, au lieu de répéter les bobards qu’on peut trouver dans les médias.
Il ne s’agit pas de « faire vivre coûte que coûte la théorie de la lutte des classes ». Mais la « théorie » en question est un outil d’analyse magnifique, qui permet de comprendre comment le capitalisme s’est développé entre le XVIIème siècle et la première moitié du XXème. A tel point que même les économistes « bourgeois » l’ont adopté, quelquefois sans le dire, souvent en le disant. Le problème, c’est que les « classes » ont-elles même changé. Le « prolétariat », dont le nom vient d’ailleurs du fait que sa seule richesse était constitué de sa « proles », c’est-à-dire, de ses enfants, n’est plus le même. La « lutte des classes » lui a permis d’arracher toute une série de choses, et aujourd’hui en plus de sa « proles » il a en propre la promesse d’une retraite, la protection sociale, une voiture, quelquefois un logement. Par ailleurs un groupe qui du temps de Marx était marginal, la « petite bourgeoisie », est devenue une couche plus vaste et surtout plus puissante du fait du développement des technologies et donc du capital immatériel. Et finalement la bourgeoisie est devenu bien plus « anonyme » et moins aristocratique qu’elle ne l’était il y a un siècle. On ne peut donc pas continuer à penser la « lutte des classes » comme on pouvait la penser au XIXème siècle. Il faut regarder comment s’opposent les intérêts des classes telles qu’elles existent aujourd’hui.
[Mais pour quoi faire ? A quoi ça peut bien servir de tordre le bras à la réalité, ou pire de la nier ? Le monde à profondément changé ! Profondément !]
Oui. C’est exactement ce que j’ai dit plus haut. Mais ce n’est pas parce que le monde a « profondément changé » que les théories anciennes deviennent fausses. Le théorème de Pythagore est aujourd’hui utilisé pour calculer des objets que Pythagore n’avait même pas imaginé. Et personne ne dit « jetons à la poubelle le théorème de Pythagore parce que le monde a profondément changé »…
[La différence majeure, c’est précisément que les couches populaires ont massivement glissé dans les classes moyennes.]
Comment le savez vous, puisque vous dites vous-même ne pas avoir une définition de ce que sont les « classes moyennes » ? Je vous rappelle que j’attends toujours que vous proposiez votre définition…
[La classe moyenne, composée par l’instituteur, le receveur des postes, l’ingénieur des ponts et chaussées … n’étaient guère plus nombreuse que les bourgeois, petits ou grands. Les autres, tous les autres, formaient les bataillons des classes populaires, ultra majoritaires.
60 ans plus tard, on constate un formidable nivellement, et la quasi-disparition des classes populaires. Grâce aux retombées cumulées des trente glorieuses, de la croissance économique et des progrès techniques, tout le monde a pu adopter le même style de vie.]
Attendez… pour vous, le fait d’appartenir aux classes moyennes est une question de « style de vie » ? Quels sont les éléments de « style de vie » qui vous placent dans les classes moyennes ?
[L’instit, le chef de rayon chez Intermarché, ou l’aide soignante à l’hôpital rouleront en 206 ou en Golf, quand l’architecte ou le chef comptable rouleront en Audi ou en C5, mais il s’agit bien de différences mineures.]
« Mineures » dites vous ? Mais alors, pourquoi l’architecte dépense tant d’efforts et d’argent pour faire des études, et ensuite travaille des horaires de dingue ? Alors qu’avec un bac (c’est suffisant pour être chef de rayon chez Intermarché) il pourrait avoir le même style de vie, et en plus en travaillant moins…
Je crois que vous sous-estimez les différences de niveau de vie. Je connais des architectes, et je connais des chefs de rayon chez Casino (c’est un peu mieux que chez Intermarché, me dit-on). Et je peux vous assurer que leur « style de vie » n’a rien à voir. Pour commencer, lorsque vous êtes architecte vous avez bien peu de chances de vivre dans une banlieue paumée, ce qui n’est pas tout à fait le cas d’un chef de rayon…
[Tout le monde se retrouvera en congés, 5 semaines par an (+ les RTT !). L’infirmière et le chef de rayon ne pourront s’offrir « que » la thalasso à Djerba (331 euros la semaine, en ½ pension, voyage compris !) ou les deux semaines tout compris à Cuba ou à Saint Domingue, alors que l’architecte ou le patron de PME iront plutôt à Rio ou aux Seychelles, mais ça ne fait aucune différence, les uns et les autres ont bien la même vie, appartiennent bien à la même société, à la même classe.]
Mais alors, pourquoi l’architecte a-t-il si peur que son fils devienne chef de rayon ? Il doit bien y avoir une raison… Tiens, juste par curiosité, combien gagne pour vous un chef de rayon à Intermarché ? Combien de mois de salaire représente un mois à Djerba à 331 € la semaine ? Encore une fois, je pense que vous n’avez pas d’idée du niveau des différences sociales dans notre société.
[Ce monde ou nous vivons n’a plus rien à voir avec le monde de Zola et de Germinal.]
Certainement. Mais il n’a rien à voir non plus avec le monde irénique que vous décrivez. Allez faire un petit tout dans les villages industriels du nord de la France ou les banlieues comme Aulnay-Sous-Bois, et vous verrez que le « style de vie » n’est pas aussi uniforme que vous le croyez
[Mais il reste que la classe moyenne couvre désormais le spectre de la société toute entière,]
Encore une fois, comment pouvez-vous le savoir puisque vous déclarez ne pas avoir de définition de ce qu’est la « classe moyenne » ? J’attends toujours votre définition…
[D’ailleurs, on peut légitimement supposer que quasiment 100% des lecteurs de ce blog appartiennent à cette classe moyenne.]
Oh non… ici vous ne trouverez que des aristocrates…
[Faut-il, dans ces conditions, continuer à théoriser sur la lute des classes ?]
Aussi longtemps que personne n’aura proposé un instrument d’analyse qui soit meilleur, oui.
[PS : Pardon, Descartes, nous nous sommes éloigné des manifs « fourre-tout » qui était l’objet de votre billet, mais si je peux me permettre, « c’est vous qu’avez commencé ».]
Ne vous excusez pas, la richesse du débat gagne aussi avec le « hors sujet »…
[« Mineures » dites vous ? Mais alors, pourquoi l’architecte dépense tant d’efforts et d’argent pour faire des études, et ensuite travaille des horaires de dingue ? Alors qu’avec un bac (c’est suffisant pour être chef de rayon chez Intermarché) il pourrait avoir le même style de vie, et en plus en travaillant moins…]
Avoir le même style de vie ne veut pas dire avoir exactement la même chose, point par point.
En 2014, un architecte bosse 50H par semaine et parvient à s’échapper une semaine aux Seychelles, son congénère chef de rayon à Intermarché bosse aussi 50H par semaine et parvient à s’échapper une semaine à Djerba.
Du temps de Zola, ou même du temps du front populaire, un ouvrier était condamné à bosser jusqu’à la maladie ou la mort sans jamais se reposer. On voit bien la différence. Comment pouvez-vous ne pas admettre qu’il n’y ait un nivellement ?
Chaque parent fera « tout » pour que sa progéniture n’ait, tout d’abord, pas à manquer de quoi que ce soit et, ensuite, n’ait pas à trimer « trop » dur pour s’offrir le plus de biens de consommation possible, ceux dont il jouit lui-même, plus ceux qui le tentent et qu’il ne peut pas se payer. C’est peut-être même l’un des principaux moteurs qui a poussé les classes populaires à venir grossir massivement la classe moyenne. Et c’est aussi aujourd’hui l’un des moteurs qui propulse, à l’échelle de la planète, des milliards d’individus dans la classe moyenne occidentalisée et mondialisée.
[Tiens, juste par curiosité, combien gagne pour vous un chef de rayon à Intermarché ? Combien de mois de salaire représente un mois à Djerba à 331 € la semaine ?]
Question simple, réponse simple :
Un chef de rayon à Carrefour ou Casino gagne entre 1900€ et 2100 € net par mois. Multiplié par 13 mois. Plus des primes d’objectif. Ce qui représente, hors primes, environ 120€, net de charges sociales, par jour de travail. Une semaine à Djerba à 331 € la semaine, lui coûte donc un peu moins de 3 jours de travail.
Que pouvait s’offrir un contremaître en 1930 avec 3 jours de travail ? 3 jours de mauvaise nourriture pour lui et sa famille. Vous le sentez mieux le nivellement ?
[Encore une fois, je pense que vous n’avez pas d’idée du niveau des différences sociales dans notre société.] Affirmation gratuite … et fausse. J’ai derrière moi 45 ans de vie de travail, dans le privé, dans une bonne douzaine de boîtes différentes, toujours à des postes opérationnels, dans des équipes de production. J’ai de grands enfants, salariés certains dans le privé certains dans le public. Je suis entouré d’une immense famille, ou se retrouvent des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, des cadres, des profs … Je me tiens très au courant de l’actualité, je suis plutôt curieux de tout comprendre, (ma présence sur ce blog en atteste) … bref, je ne dirais pas que « je n’ai pas d’idée du niveau des différences sociales dans notre société ». Si je parle de nivellement, c’est précisément parce que j’ai pu l’observer.
[[D’ailleurs, on peut légitimement supposer que quasiment 100% des lecteurs de ce blog appartiennent à cette classe moyenne.] Descartes : [Oh non… ici vous ne trouverez que des aristocrates…]]
Votre réponse en forme de pirouette me laisse supposer que vous n’êtes pas bien loin de partager mon estimation.
@ v2s
[Avoir le même style de vie ne veut pas dire avoir exactement la même chose, point par point.
En 2014, un architecte bosse 50H par semaine et parvient à s’échapper une semaine aux Seychelles, son congénère chef de rayon à Intermarché bosse aussi 50H par semaine et parvient à s’échapper une semaine à Djerba.]
Et un ouvrier bosse 50h à la chaîne et parvient à s’échapper une semaine dans la ferme de ses parents en creuse. Tous ont le même « style de vie », quoi…
[Du temps de Zola, ou même du temps du front populaire, un ouvrier était condamné à bosser jusqu’à la maladie ou la mort sans jamais se reposer. On voit bien la différence.]
Ben pas vraiment. Les « chefs de rayon » et les architectes, du temps de Zola, n’avaient pas eux non plus de congés payés. Ils avaient, là aussi, « le même syle de vie » que les ouvriers. Finalement, si l’on suit votre raisonnement, déjà à l’époque tout le monde était « classe moyenne »…
[Comment pouvez-vous ne pas admettre qu’il n’y ait un nivellement ?]
Pour la raison que j’ai expliqué ci-dessus. Vous confondez l’absolu et le relatif. Il y a eu un déplacement vers le haut de l’ensemble de la société, et tout le monde, riches et pauvres, ont profité. Mais ce déplacement d’ensemble n’est pas synonyme de « nivellement ». Il est vrai que la piramide sociale s’est aplatie avec une réduction des inégalités entre les années 1940 et les années 1980. Mais depuis la fin des années 1980 les inégalités ont recommencé à se creuser et il n’est pas évident qu’entre l’architecte et le « chef de rayon » la distance soit aujourd’hui plus faible qu’elle ne l’était en 1930…
[Chaque parent fera « tout » pour que sa progéniture n’ait, tout d’abord, pas à manquer de quoi que ce soit et, ensuite, n’ait pas à trimer « trop » dur pour s’offrir le plus de biens de consommation possible, ceux dont il jouit lui-même, plus ceux qui le tentent et qu’il ne peut pas se payer.]
Vous mettez « tout » entre guillemets. Pourquoi ?
[« Tiens, juste par curiosité, combien gagne pour vous un chef de rayon à Intermarché ? Combien de mois de salaire représente un mois à Djerba à 331 € la semaine ? » Question simple, réponse simple : Un chef de rayon à Carrefour ou Casino gagne entre 1900€ et 2100 € net par mois. Multiplié par 13 mois. Plus des primes d’objectif]
Ils sont très bien payé, chez vous, les chefs de rayon. J’ai un ami qui est chef de rayon chez Casino. J’a vu sa fiche de paye : 2000 € net, sur douze mois, primes comprises. Et à ce que l’on m’a dit, à Intermarché c’est encore moins bien payé.
[Ce qui représente, hors primes, environ 120€, net de charges sociales, par jour de travail. Une semaine à Djerba à 331 € la semaine, lui coûte donc un peu moins de 3 jours de travail. Que pouvait s’offrir un contremaître en 1930 avec 3 jours de travail ? 3 jours de mauvaise nourriture pour lui et sa famille. Vous le sentez mieux le nivellement ?]
Ben pas vraiment. Pour parler de « nivellement » il faudrait savoir ce que pouvait se payer en 1930 un architecte avec 3 jours de travail, et ce qu’il peut se payer aujourd’hui.
[« Encore une fois, je pense que vous n’avez pas d’idée du niveau des différences sociales dans notre société ». Affirmation gratuite … et fausse. J’ai derrière moi 45 ans de vie de travail, dans le privé, dans une bonne douzaine de boîtes différentes, toujours à des postes opérationnels, dans des équipes de production. J’ai de grands enfants, salariés certains dans le privé certains dans le public. Je suis entouré d’une immense famille, ou se retrouvent des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, des cadres, des profs … (…).]
Et alors ? Si les années d’expérience professionnelle et le fait d’être entouré d’une immense famille suffisait à donner une bonne connaissance des donnés statistiques, on pourrait s’économiser le budget de l’INSEE et vous confier le soin de publier les indices. Quelque soit l’expérience que vous ou moi pouvons avoir, quelque soit la taille de notre famille, nous n’avons qu’une vision très partielle de la société. Il n’y a que les données statistiques qui font foi. Et les chiffres nous disent que les différences sociales ont tendance à se creuser, et non à s’aplatir.
@v2s
[Votre réponse en forme de pirouette me laisse supposer que vous n’êtes pas bien loin de partager mon estimation.]
Votre supposition est erronée. Je n’ai aucune donnée qui me permette de connaître la position sociale de mes lecteurs. Dans ces conditions, je ne fais pas de "suppositions".
Un euro fort, ça n’a pas que des inconvénients. Un retraité français, payé en euros, est autant avantagé qu’un retraité allemand. Il bénéficie d’un mark fort .. euh pardon d’un euro fort.
Avec vos euros forts, visiter le reste du monde vous semble vraiment très abordable.
Je reviens d’Asie du Sud-est.
J’ai sans doute un comportement « un petit peu » atypique, car au lieu de me précipiter, comme la classe moyenne mondialisée occidentale, chinoise, indienne ou sud-américaine, sur les plages paradisiaques de Bally et de Phuket, ou de visiter les restes des temples d’Angkor, je suis allé me perdre dans la population laborieuse de Kalimantan, nom donné à la partie indonésienne de l’île de Bornéo.
Le long du fleuve Barito, dans les années 70, il y a quelques décennies, des touristes occidentaux fortunés venaient observer, depuis leurs bateaux, les orangs-outans et les oiseaux extraordinaires, ou même les derniers descendants des peuplades primitives, qu’on disait cannibales.
En moins de 40 ans, plus un seul orang-outan ! Plus un seul oiseau extraordinaire et plus seul un indigène !
En 40 ans, la seconde plus grande forêt primaire de la Terre, coupée pour produire le bois de nos terrasses et de nos salons de jardin, brûlée pour rendre la terre cultivable, a fait place à des plantations de palmiers à huile à perte de vue. On n’est pas près de manquer de barres chocolatées !
Sur le fleuve, une succession de convois de barges, de 8 à 15000 tonnes chacune, transportent le charbon extrait dans des mines à ciel ouvert, vers un terminal en mer, près de Banjarmasin, la ville à l’embouchure du fleuve.
Là, chaque semaine, 1 million de tonnes de charbon est chargé sur des navires à destination de la Chine et de ses centrales électriques.
L’argent du charbon retombe sur les populations qui sont venus profiter de cet eldorado. Indonésiens, malais, chinois … la « classe moyenne » croît à vue d’œil.
On se croirait en Europe pendant les trente glorieuses.
Partout des entreprises individuelles de construction de bâtiments, d’extraction de sable, de construction navale, de transport fluvial … fleurissent le long des berges du fleuve, où les villages se succèdent sur des centaines de kilomètres, pour former un continuum urbain de plusieurs centaines de milliers d’habitants.
L’eau potable, tirée traditionnellement du fleuve, manque. Les concentrations dans l’eau, de métaux lourds, d’hydrocarbures, de poussières de charbon et de rejets d’eaux usées, rendent l’eau du fleuve impropre à la consommation humaine.
Comme dirait Descartes, « si un jour ça pose un problème, on trouvera une solution ».
J’ai du mal à croire que je suis bien à Bornéo, cette île du bout du monde que mes profs de géo me décrivaient comme une « terra incognita ».
J’ai vu une mine de charbon gigantesque. A titre de comparaison, elle avait approximativement les dimensions du plus grand lac de France, le lac du Bourget : Un trou de 18 km de long, 3 km de large et 250 m de profond. Les rejets de terre et d’une boue qui ne sèche jamais, couvrent une étendue encore plus grande que le trou.
Comme dirait Descartes, « si un jour ça pose un problème, on trouvera une solution ».
Et bien les cadres de ces mines de charbon, ingénieurs formés dans les universités de Djakarta, puis dans les écoles européennes, américaines ou australiennes passent, eux aussi, leur mois de vacances à Phuket, à Bally et même visitent … Paris et la France ou La Scandinavie.
La classe moyenne mondialisée croît, et surtout vit, se distrait, en résumé consomme les ressources de la Terre, plus vite qu’elles ne peuvent se régénérer.
Mais comme dirait Descartes, « si un jour ça pose un problème, on trouvera une solution ».
@ v2s
[Un euro fort, ça n’a pas que des inconvénients. Un retraité français, payé en euros, est autant avantagé qu’un retraité allemand.]
« Avantagé » par rapport à quoi ?
[Avec vos euros forts, visiter le reste du monde vous semble vraiment très abordable.]
Tout à fait. C’est pourquoi les classes sociales qui ont la possibilité de voyager adorent l’Euro. Mais je vous assure qu’à Hénin-Beaumont, l’immense majorité des gens ne trouvent pas le reste du monde « vraiment très abordable ». Je me demande pourquoi…
[Je reviens d’Asie du Sud-est. J’ai sans doute un comportement « un petit peu » atypique, car au lieu de me précipiter, comme la classe moyenne mondialisée occidentale, chinoise, indienne ou sud-américaine, sur les plages paradisiaques de Bally et de Phuket (…)]
« Bally » ? Vous êtes sur ?
[(…) ou de visiter les restes des temples d’Angkor, je suis allé me perdre dans la population laborieuse de Kalimantan, nom donné à la partie indonésienne de l’île de Bornéo.]
Et vous leur parliez dans quelle langue ?
[Le long du fleuve Barito, dans les années 70, il y a quelques décennies, des touristes occidentaux fortunés venaient observer, depuis leurs bateaux, les orangs-outans et les oiseaux extraordinaires, ou même les derniers descendants des peuplades primitives, qu’on disait cannibales. En moins de 40 ans, plus un seul orang-outan ! Plus un seul oiseau extraordinaire et plus seul un indigène !]
C’est très dommage pour les « touristes occidentaux fortunés », qui semble-t-il étaient ceux qui en profitaient le plus. Il faudrait demander aux « derniers descendants des peuplades primitives » s’ils préféraient vivre dans la jungle au milieu des orangs-outangs ou bien dans une maison en dur avec l’eau et l’électricité. Je crains que vous ne soyez victime de ce syndrome qu’on appelle « exotisme ». Oui, en tant que « touriste » on peut regretter la disparition des lions en Provence ou des serpents venimeux en Inde. Mais je ne suis pas sur que les gens qui y vivent partagent ce genre de regret.
[En 40 ans, la seconde plus grande forêt primaire de la Terre, coupée pour produire le bois de nos terrasses et de nos salons de jardin]
Si vous couvrez vos terrasses de bois exotique et vous achetez des salons de jardin de ce même bois, ne venez pas pleurer après.
[brûlée pour rendre la terre cultivable]
Les orangs-outangs et les oiseaux extraordinaires sont très jolis à regarder, mais ils ne nourrissent pas son homme. Que vouliez vous que les gens fassent, qu’ils regardent leurs enfants crever de faim pendant que les « riches touristes occidentaux » admirent la forêt ?
[L’argent du charbon retombe sur les populations qui sont venus profiter de cet eldorado. Indonésiens, malais, chinois … la « classe moyenne » croît à vue d’œil.]
Etant donné l’appréciation que vous avez montré pour les « classes moyennes » dans vos autres messages, j’imagine que cela doit vous rendre très heureux.
[L’eau potable, tirée traditionnellement du fleuve, manque. Les concentrations dans l’eau, de métaux lourds, d’hydrocarbures, de poussières de charbon et de rejets d’eaux usées, rendent l’eau du fleuve impropre à la consommation humaine. Comme dirait Descartes, « si un jour ça pose un problème, on trouvera une solution ».]
Et il a raison, comme vous le montrez vous-même. Dans la mesure où tous ces gens ne meurent pas de soif, il faut admettre qu’ils ont bien trouvé quelque chose à boire pour remplacer l’eau du fleuve. Non ?
[J’ai vu une mine de charbon gigantesque. A titre de comparaison, elle avait approximativement les dimensions du plus grand lac de France, le lac du Bourget : Un trou de 18 km de long, 3 km de large et 250 m de profond. Les rejets de terre et d’une boue qui ne sèche jamais, couvrent une étendue encore plus grande que le trou.]
Un spectacle magnifique, donc… c’est drôle, les gens regardent le cratère du Vesuve ou de l’Etna, et s’extasient. Dans l’Arizona, on fait des centaines de kilomètres pour admirer le cratère laissé par un météorite. Mais si le cratère a été fait par les mains de l’homme, alors tout à coup il est sale, dégueulasse, sans intérêt.
[Comme dirait Descartes, « si un jour ça pose un problème, on trouvera une solution ».]
Certainement.
[Et bien les cadres de ces mines de charbon, ingénieurs formés dans les universités de Djakarta, puis dans les écoles européennes, américaines ou australiennes passent, eux aussi, leur mois de vacances à Phuket, à Bally et même visitent … Paris et la France ou La Scandinavie.]
Oui. Ils ont les mêmes possibilités que les « riches touristes occidentaux ». Vous devriez être content pour eux, au lieu de prendre le ton du prophète de l’apocalypse. Après tout, ils ne font que ce que vous faites vous-même : vous êtes allé visiter Bornéo, eux ils viennent visiter Paris.
[La classe moyenne mondialisée croît, et surtout vit, se distrait, en résumé consomme les ressources de la Terre, plus vite qu’elles ne peuvent se régénérer.]
Et après vous allez me reprocher d’accuser ces pauvres classes moyennes de tous les pêchés… après tout, je leur reproche bien moins que vous. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi vous leur reprochez ce que vous faites vous-même. A votre avis, lorsque vous prenez un avion pour aller à Bornéo, vous êtes en train de consommer les ressources de la Terre plus vite qu’elles ne se régénèrent ? Ou pas ?
[Mais comme dirait Descartes, « si un jour ça pose un problème, on trouvera une solution ».]
C’est ce que l’espèce humaine a fait depuis qu’elle a domestiqué le feu. Et cela ne lui a pas si mal réussi…
Ne pas être allé à « Bally » vous fait « flipper », v2s !
à propos de Corinne Morel Darleux
Bonjour,
je quitte (apparemment) la discussion sur les classes moyennes…pour vous questionner sur Corinne Morel Darleux.
Habitant la région Centre, j’ai vu qu’elle y était tête de liste Front de Gauche (en raison sans doute de ses mérites que vous avez maintes fois soulignés. Cela confirme donc votre analyse: la qualité n’est pas la caractéristique promue au sein du PG).
Elle est donc en train de se constituer, à la trentaine, un "capital politique". Cela lui fait-il désormais participer à la classe "moyenne" ou à celle des "exploiteurs" ?
Pour l’anecdote, son premier tract sur la région centre (http://www.lespetitspoissontrouges.org/public/europeennes-2014/fdg-Tract-GrandMassifCentral.pdf) est super autocratique / machiste: on y voit une belle photo ou le conducator "JL Mélenchon" côtoie affectueusement sa protégée. Bien sûr, elle n’a pas choisie Mme Billard co-présidente, ou les deux …
Vous me direz que mes propos sont mal intentionnés: elle veut simplement dire à ses électeurs potentiels qu’elle est du Parti de Gauche, dont le membre le plus connu est JL Mélenchon.
Elle a d’ailleurs choisi de ne mettre aucun des logos des partis constituant le Front de gauche. Je vous signale qu’"autrefois" les candidats mettaient sur leurs affiches les logos des partis les soutenant, et non les frimousses de leurs leaders, y compris au PCF.
Je me demande si, à terme, le Parti de Gauche ne vise pas à reprendre le logo Front de gauche pour son usage propre. Il en a la possibilité, car c’est lui qui a déposé ce logo à l’INPI. Il a commencé à le faire à Paris avec M Billard, qui a mis le logo alors qu’elle ne faisait pas liste commune avec le PCF. Ce serait une jolie entourloupe vis à vis du PCF (vraiment nul, il n’a même pas déposé le logo le premier, alors qu’il en est l’initiateur, à ma connaissance).
à propos de Corinne Morel Darleux (suite)
j’ai oublié de faire remarquer que sur son premier tract son co-listier, un candidat PCF, n’est nul part mentionné.
Sans doute parce qu’elle pense qu’un membre du PCF, ce n’est pas porteur, et que cela pourrait lui porter ombrage. Ou encore, témoignage de la lutte entre le PG et le PCF. Pour le PG, l’idéal serait un PCF vassal, puis réduit à l’intégration au PG.
Quand on pense à l’influence respective du PCF et du PG en région centre, cela démontre de la part de cette dame un bel appétit.
@marc malesherbes
[je quitte (apparemment) la discussion sur les classes moyennes…pour vous questionner sur Corinne Morel Darleux.]
Vous savez, je ne connais cette dame qu’à travers ses œuvres. La seule chose que je sais d’elle, c’est qu’elle a lu certains de mes billets commentant ses écrits, et qu’elle a dit de bien méchantes choses à mon propos, avec des mots que je rougirais de reproduire ici…
[Habitant la région Centre, j’ai vu qu’elle y était tête de liste Front de Gauche (en raison sans doute de ses mérites que vous avez maintes fois soulignés. Cela confirme donc votre analyse: la qualité n’est pas la caractéristique promue au sein du PG). Elle est donc en train de se constituer, à la trentaine, un "capital politique". Cela lui fait-il désormais participer à la classe "moyenne" ou à celle des "exploiteurs" ?]
Le « capital politique » ne vous fait pas changer de classe, vous savez… En fait, Corinne Morel-Darleux n’est qu’une professionnelle de plus de la politique groupusculaire. Je ne résiste pas à reproduire sa notice biographique sur wikipédia, écrite à ne pas douter – du moins si l’on juge par le style lyrique et par les inexactitudes évidentes qu’elle contient – par l’intéressée elle-même :
Née le 1er octobre 1973, Corinne Morel Darleux débute sa carrière en tant qu’animatrice de séminaires stratégiques pour les grandes entreprises du CAC 40, telles que Sanofi, EDF, Total. Indignée par le milieu dans lequel elle évolue par expérience, elle décide de démissionner de son poste, et s’engage alors en politique. Ses services rendus à la ville des Lilas en Seine-Saint-Denis, au sujet du service éducatif, l’amènent à adhérer en premier lieu au Mouvement Utopia, puis au Parti socialiste, afin d’y défendre la nécessité d’une radicalité écologique, sociale, et économique, notamment lors du congrès de 2008. Un an plus tard, elle choisit de rejoindre le Parti de gauche, fraîchement créé par Jean-Luc Mélenchon, séduite par l’alliance au sein du parti d’un potentiel révolutionnaire, et d’un versant écologiste [Réf. manquante] . Aujourd’hui, elle cherche à tisser des liens entre son parti, le Parti de Gauche, et Europe Écologie Les Verts. Elle est à l’initiative des assises pour l’écosocialisme, qui tiennent lieu environ une fois par an, et qui réunissent l’ensemble de la Gauche radicale. À l’issue de la première édition, le Parti de Gauche adopte un manifeste pour l’écosocialisme, qui devient par ailleurs l’appellation officielle de son idéologie[Réf. manquante] .
On remarquera quelques petites inexactitudes (lorsque CMD « débute sa carrière », EDF est un établissement public, et non une « entreprise du CAC40 ») et les nombreuses « ref manquante »…
[Pour l’anecdote, son premier tract sur la région centre (…)]
Le plus drôle, dans ce tract, c’est la personnalisation de la figure de la tête de liste. Alors qu’il s’agit d’une élection à la proportionnelle, il n’y a dans le tract qu’une seule photo, la sienne. Dans le texte, un seul profil est commenté, la sien, avec un luxe de détails sur ses titres et honneurs (« secrétaire national du parti de gauche », « membre du bureau exécutif du parti de la gauche européenne » à l’initiative, on insiste, du « réseau écosocialiste européen ») de la candidate. Des ses colistiers nous ne saurons rien, sauf – petite concession – du second de liste, François Dumon, dont la biographie se limite apparemment au fait qu’il est « du PCF ». Et pour couronner le tout, à la fin du tract on donne l’adresse… du blog personnel de la candidate tête de liste !
[(…) on y voit une belle photo ou le conducator "JL Mélenchon" côtoie affectueusement sa protégée. Bien sûr, elle n’a pas choisie Mme Billard co-présidente, ou les deux …]
Ou même Laurent, Piquet ou les autres. Le point que tu soulèves est très révélateur. La logique aurait voulu de mettre sur le tract une photo de l’ensemble des colistiers. On aurait pu à la rigueur prendre une photo de la candidate tête de liste avec l’ensemble des dirigeants des partis composant le Front de Gauche. Mais CMD a préféré être prise en photo toute seule avec le « parrain » Mélenchon, qui n’est après tout qu’un dirigeant parmi d’autres du Front de Gauche, à égalité avec Pierre Laurent, Christian Piquet, Clémentine Autain. Il n’est ni le chef du Front, ni même son porte-parole, poste qui lui a été explicitement refusé.
Alors, a quel titre apparaît-il sur le tract de CMD comme « parrain » de la liste ? Vaste question, n’est ce pas ?
[Vous me direz que mes propos sont mal intentionnés: elle veut simplement dire à ses électeurs potentiels qu’elle est du Parti de Gauche, dont le membre le plus connu est JL Mélenchon.]
Mais voyons… ce tract montre une fois de plus le comportement groupusculaire du PG, réduit à n’être qu’une machine de promotion de la personne du Petit Timonier.
[Je me demande si, à terme, le Parti de Gauche ne vise pas à reprendre le logo Front de gauche pour son usage propre. Il en a la possibilité, car c’est lui qui a déposé ce logo à l’INPI.]
Je ne cris pas que la question du logo soit fondamentale. Les français ne sont pas cons, et ils ne votent pas pour un logo. Ce que Mélenchon essaye de faire, c’est de relancer l’OPA sur le PCF par d’autres moyens. On répétera donc que le Front de Gauche est un véritable parti, dont Mélenchon est bien entendu le chef. C’est pourquoi on efface les noms des partis dans les affiches, et on y fait figurer Mélenchon comme s’il était le véritable « chef ». L’idée est qu’à force de répéter, les gens finiront par s’habituer et in fine accepter la situation.
[Quand on pense à l’influence respective du PCF et du PG en région centre, cela démontre de la part de cette dame un bel appétit.]
Oui, mais peu de discernement. Je ne crois pas que cette façon de faire lui attire la coopération des militants communistes ni le vote de ses électeurs.
@Marcailloux et @Descartes
Le texte de Marcailloux sur l’exemple de sa propre vie, et la réponse apportée par vous, Descartes m’avaient échappés !
Ils sont pourtant d’un grand intérêt pour qui tente de comprendre vos convictions et vos intentions.
Ils mettent en évidence certaines contradictions qui m’ont toujours gêné sur ce blog.
Vous nous expliquez volontiers que le marxisme et la lute des classes ne sont « que » de formidables outils, magnifiquement opérationnels pour comprendre l’économie, comme le serait le théorème de Pythagore pour comprendre la géométrie. Soit.
En complément, vous nous expliquez également volontiers qu’il ne faut voir dans cette théorie aucun jugement moral, je ne retrouve pas la citation exacte, mais vous nous dites en substance « Marx n’est pas un moraliste, c’est un économiste et accessoirement un historien » Soit.
Alors l’ambiguïté vient de la double signification des termes utilisés dans le lexique.
Un exemple, le terme « exploité » : si le terme « exploité » ne signifie que : « individu qui retire une rémunération inférieure à la valeur de son travail », alors, je veux bien être profondément exploité pour autant que la valeur de mon travail soit suffisamment grande pour que le petite part que l’on m’accordera soit encore largement suffisante pour vivre, consommer, m’enrichir, me distraire, voire même gaspiller … tout à ma guise !
Mais malheureusement, le sens commun du verbe « exploiter » est bien différent, il signifie « tirer partie d’une personne ou d’une situation de façon abusive ». Et là, incontestablement, les mots « de façon abusive » introduisent une notion morale. Dire que les classes populaires sont « exploitées », c’est affirmer, ou au moins sous-entendre, qu’elles sont victimes de classes prédatrices, comme, par exemple, la bourgeoisie, la néo-petite bourgeoisie ou la classe moyenne.
De même, dans votre réponse à Marcailloux, vous dites, Descartes :
[Vous êtes né ouvrier, vous mourrez « classe moyenne »…. Je veux bien croire qu’au niveau des choix personnels vous soyez prêt à « faire un effort équitable de solidarité » … Il n’empêche que vous et moi appartenons à une classe prédatrice, une classe qui collectivement a arraché des privilèges dont nous profitons, …. Je ne dis pas qu’il nous faut pour autant faire pénitence.]
Et bien heureusement qu’en plus il ne faut pas faire pénitence ! Sinon, ce serait carrément du catholicisme pur et dur !
Et si Marcailloux et beaucoup d’autres, (dont vous, Descartes, probablement), n’avaient fait que défendre leurs intérêts au jour le jour, acquis, jour après jour, ce que vous appelez abusivement des privilèges, au prix d’efforts personnels, de choix personnels, de renoncements personnels. C’est leur droit, c’est leur liberté ! Et il faudrait en plus qu’ils s’en excusent ? Qu’ils s’en repentent ?
Non, décidément, ce raisonnement n’est pas clair. Est-ce que pour vous Descartes, la lute des classes impliquerait que l’on choisisse une fois pour toute d’être un laissé pour compte, un exclu, un « exploité » ? Toute tentative de s’extraire à sa condition serait donc une trahison, passible du peloton d’exécution ?
Non, rien n’est jamais acquis, et rien n’est jamais gravé dans la pierre. On peut toujours choisir de prendre un chemin ou un autre, de prendre des risques, de sacrifier un moment de sa vie, par exemple pour faire des études, et en retirer éventuellement des avantages matériels plus tard. Il peut aussi arriver qu’on fasse les mauvais choix et que notre vie devienne très difficile.
Vous affirmez qu’il n’y a pas de jugement moral, mais en vous lisant au fil des commentaires, on comprend pourtant bien que, pour vous, le monde se divise en bons et en méchants. Et que les bons sont, une fois pour toute, les classes populaires.
Et le plus surprenant, c’est que vous semblez regretter que, massivement, les classes populaires s’arrachent à leur condition pour rejoindre les classes moyennes. Ce qui devrait vous réjouir vous attriste au point que vous allez parfois jusqu’à nier cette évolution.
En somme pour vous, Marx c’est un peu comme Jésus :
« Heureux les exploités, le royaume de Dieu leur est ouvert ».
@ v2s
[Alors l’ambiguïté vient de la double signification des termes utilisés dans le lexique.
Un exemple, le terme « exploité » : si le terme « exploité » ne signifie que : « individu qui retire une rémunération inférieure à la valeur de son travail », alors, je veux bien être profondément exploité pour autant que la valeur de mon travail soit suffisamment grande pour que le petite part que l’on m’accordera soit encore largement suffisante pour vivre, consommer, m’enrichir, me distraire, voire même gaspiller … tout à ma guise !]
Pas de problème. J’imagine que quand vous découvrez qu’un pickpocket vous a pris votre portefeuille avec quelques centaines d’euros, votre première réaction est de vous dire que cela ne vous dérange pas, puisque la « petite part » de biens qui vous restent est largement suffisante pour vivre et consommer, n’est ce pas ? Dans ce cas, vous êtes très minoritaire. La plupart des gens trouvent détestable que des gens puissent vivre sans travailler en prélevant une partie de la richesse produite par leur travail. Mais si cela ne vous gêne pas de savoir que quelqu’un s’offre une vie de luxe et d’oisiveté – peut-être matériellement meilleure que la votre – sur votre dos, c’est votre droit.
[Mais malheureusement, le sens commun du verbe « exploiter » est bien différent, il signifie « tirer partie d’une personne ou d’une situation de façon abusive ». Et là, incontestablement, les mots « de façon abusive » introduisent une notion morale.]
Pas du tout. C’est vous qui introduisez un dimension morale en décrétant que « abuser » c’est « mal ». L’exploiteur « tire parti » de l’exploité en profitant d’un rapport de forces qui lui permet de prélever sur lui une partie de la valeur qu’il produit. Dire cela est une constatation factuelle, et n’implique aucun jugement de « bien » ou « mal ».
[Dire que les classes populaires sont « exploitées », c’est affirmer, ou au moins sous-entendre, qu’elles sont victimes de classes prédatrices, comme, par exemple, la bourgeoisie, la néo-petite bourgeoisie ou la classe moyenne.]
C’est une réalité. Le rapport d’exploitation est lié à un rapport de force. De la même manière que vous donnez votre portefeuille à l’homme qui vous menace de son arme, vous laissez une partie de la valeur que vous produisez au patron qui vous menace du chômage. C’est aussi simple que ça.
[Et si Marcailloux et beaucoup d’autres, (dont vous, Descartes, probablement), n’avaient fait que défendre leurs intérêts au jour le jour, acquis, jour après jour, ce que vous appelez abusivement des privilèges, au prix d’efforts personnels, de choix personnels, de renoncements personnels. C’est leur droit, c’est leur liberté ! Et il faudrait en plus qu’ils s’en excusent ? Qu’ils s’en repentent ?]
Bien sur que non. Je ne crois avoir jamais parlé de « excuses » ni de « repentir ».
[Non, décidément, ce raisonnement n’est pas clair. Est-ce que pour vous Descartes, la lute des classes impliquerait que l’on choisisse une fois pour toute d’être un laissé pour compte, un exclu, un « exploité » ? Toute tentative de s’extraire à sa condition serait donc une trahison, passible du peloton d’exécution ?]
Bien sur que non. Encore une fois, vous m’attribuez des idées ou des affirmations qui ne sont pas les miennes pour ensuite mieux les diaboliser. Je n’ai jamais parlé de « excuses » ni de « repentir ». Je n’ai jamais jugé les « tentatives de s’extraire de sa condition », et je n’ai jamais dit que la « lutte des classes » – concept que de toute évidence vous ne comprenez pas et ne cherchez pas à comprendre – implique une quelconque résignation à sa condition. Je n’ai donc pas à défendre des idées qui ne sont pas les miennes.
[Non, rien n’est jamais acquis, et rien n’est jamais gravé dans la pierre. On peut toujours choisir de prendre un chemin ou un autre, de prendre des risques, de sacrifier un moment de sa vie, par exemple pour faire des études, et en retirer éventuellement des avantages matériels plus tard.]
Non, on ne peut pas « toujours ». Nous avons la possibilité de faire des choix, mais dans des limites qui ne sont ni aussi larges, ni aussi uniformes que vous ne le pensez. Certains ne peuvent pas « sacrifier un moment de leur vie pour faire des études », tout simplement parce qu’ils ont des bouches à nourrir, et ne peuvent pas attendre « plus tard » pour toucher les avantages matériels. Certains ne peuvent pas « prendre des risques » parce que leurs réserves sont si faibles qu’en cas d’échec la sanction est la mort.
Votre logique est une logique qui culpabilise les pauvres et excuse les riches. Si le pauvre est pauvre, c’est qu’il n’a pas su « prendre les risques » ou « sacrifier un moment de sa vie ». Si le riche est riche, c’est qu’il a eu le mérite de faire ces deux choses. Mais les choses ne sont pas si simples. Il est plus facile de « prendre des risques » quand papa est là pour vous repêcher en cas d’échec.
[Vous affirmez qu’il n’y a pas de jugement moral, mais en vous lisant au fil des commentaires, on comprend pourtant bien que, pour vous, le monde se divise en bons et en méchants.]
En lisant avec attention, non. Je passe au contraire mon temps à me battre contre cette idée. Encore une fois, je vous prie de ne pas plaquer vos idées sur moi.
[Et le plus surprenant, c’est que vous semblez regretter que, massivement, les classes populaires s’arrachent à leur condition pour rejoindre les classes moyennes.]
Comment pourrais-je « regretter » un fait que je crois inexistant ? Faudrait être cohérent : la moitié du temps vous me reprochez de refuser d’accepter que tout le monde rejoint les classes moyennes, l’autre moitié vous me reprochez de regretter qu’il en soit ainsi… une petite incohérence, ne trouvez-vous pas ? J’ajoute que dans votre commentaire relatant votre voyage à Bornéo, c’était vous qui « regrettiez » l’extension des classes moyennes, pas moi…
[En somme pour vous, Marx c’est un peu comme Jésus : « Heureux les exploités, le royaume de Dieu leur est ouvert ».]
Ce serait plutôt l’inverse, non ?
@ v2s
Vous qui avez «sans doute un comportement « un petit peu » atypique » et avez la curiosité et l’ouverture d’esprit adéquates, je ne peux résister à porter à votre connaissance :
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/indonesie-fronde-ouvriere-dans-le-nouvel-atelier-du-monde_1080299.html
@ Descartes
Votre hypothèse « classes moyennes » me chiffonne. Permettez-moi quelques remarques :
Le marqueur d’appartenance de classe est la propriété ou non de moyens de production. Ce critère reste valide. Mais toute société ne réside pas dans un schéma, entre le « patron » (physique ou conseil d’administration) et l’ouvrier, il y a toujours eu diverses catégories ou couches qui représentent des graduations entre les deux pôles précités.
Marx évoque aussi le lumpen prolétariat, son analyse est loin d’être simpliste mais concentrée sur les deux classes essentielles antagoniques.
Nos sociétés ont connu la diminution drastique des catégories traditionnelles de la petite bourgeoisie : commerçants, artisans, paysans submergés par la dynamique d’un capital plus fort qu’eux qui poursuivait sa concentration et s’ouvrait des marchés nouveaux.
C’est au cours de ce processus que ce sont développées certaines couches, les fameux « ingénieurs/techniciens ». Il serait difficile de dire que les dites-couches n’existaient pas auparavant il me semble que la différence avec le passé consiste en leur nombre (quantité qui deviendrait qualité ?) et donc, sans doute leur poids (aidé par une position sociale confortable).
D’un autre côté, on peut souligner que la petite bourgeoisie de l’ancien temps fournissait une base sociale nécessaire au régime économique, rôle qui échoit actuellement aux nouvelles catégories.
Laborieux mais besoin de faire le point.
@ morel
[Votre hypothèse « classes moyennes » me chiffonne. Permettez-moi quelques remarques :
Le marqueur d’appartenance de classe est la propriété ou non de moyens de production.]
Je pense que cette description est trop restrictive, justement. Je dirais plutôt que ce qui caractérise une classe social est le rapport qu’elle entretien avec les moyens de production. La propriété est un rapport possible, mais il y a d’autres rapports : l’usufruit, par exemple. Les individus qui ont un accès permanent à un moyen de production – même s’ils n’en sont pas propriétaires – peuvent être décrits comme formant une classe.
[Ce critère reste valide. Mais toute société ne réside pas dans un schéma, entre le « patron » (physique ou conseil d’administration) et l’ouvrier, il y a toujours eu diverses catégories ou couches qui représentent des graduations entre les deux pôles précités.]
C’est là que, je le pense, réside une erreur fréquente. Il n’y a pas de « degrés » dans le rapport avec les moyens de production. Il n’y a pas le bourgeois d’un côté, le prolétaire de l’autre, et entre les deux des groupes qui seraient « 75% bourgeois et 25% prolétaires ». C’est la nature du rapport qu’on entretient avec le moyen de production, et non pas son degré, qui fait la question de classe. C’est pourquoi le terme « petit bourgeois » est trompeur. Un « petit bourgeois » n’est pas un bourgeois petit. Il diffère du bourgeois par nature, et non par degré.
[Marx évoque aussi le lumpen prolétariat, son analyse est loin d’être simpliste mais concentrée sur les deux classes essentielles antagoniques.]
Oui, parce qu’en son temps c’était le conflit entre ces deux classes qui permettait à lui seul de décrire la dynamique sociale, les autres groupes étant réduits en nombre et auxiliaires de l’une ou de l’autre classe (plutôt de l’une, d’ailleurs…). Mais le développement des sociétés après 1945 a constitué un troisième acteur social, les classes moyennes, dont le poids est trop important pour pouvoir les traiter comme un phénomène marginal.
[Il serait difficile de dire que les dites-couches n’existaient pas auparavant il me semble que la différence avec le passé consiste en leur nombre (quantité qui deviendrait qualité ?) et donc, sans doute leur poids (aidé par une position sociale confortable).]
Il n’y a pas que ça. La complexification de la société a donné à ces couches un pouvoir qu’elles n’avaient pas auparavant. Il y a cent ans, une entreprise industrielle pouvait tourner avec des autodidactes et des bricoleurs. Aujourd’hui, c’est impossible. Les normes de productivité sont telles qu’il faut pour les atteindre des machines complexes et donc les gens capables de les faire tourner à plein. Hier on pouvait faire tourner une administration avec des agents tuberculeux. Aujourd’hui, pour que les gens soient productifs, il nous faut un système de santé performant.
@ Descartes,
Bonjour,
[………les classes moyennes, dont le poids est trop important pour pouvoir les traiter comme un phénomène marginal.]
Vous ne pouvez décemment parler de "poids" sans au moins, préalablement,présenter le début du commencement de pré-chiffrage de ce que cela représente dans la société française. A partir de combien de personnes ce n’est plus un phénomène marginal ?.
Je pense, et m’en réjoui, que la discussion sur cette notion de classe moyenne ( j’accroche de plus en plus sur cette qualification de "moyenne", mais passons….), n’en est qu’à son début.
Je voudrais souligner qu’il y a probablement une différence considérable entre la théorie marxiste élaborée il y a plus d’un siècle, au regard d’une société présentant un déterminisme de classe important, et la société mondialisée qui est la notre, où tout est en permanence en mouvement, susceptible de retournements, où rien n’est véritablement figé pour l’immense majorité des individus, même si globalement les statuts collectifs évoluent moins vite que les statuts individuels.
Marx a écrit dans le cadre d’une société relativement statique. A vous, Descartes, de la décrire dans le cadre du mouvement brownien qui est le notre.
Ce n’est pas une mince affaire.
@ Marcailloux
[Vous ne pouvez décemment parler de "poids" sans au moins, préalablement, présenter le début du commencement de pré-chiffrage de ce que cela représente dans la société française.]
Bien sur que si. Encore une fois, on peut estimer le poids d’un phénomène par ses effets indirects. Je n’ai pas besoin de mesurer la masse du soleil pour déduire qu’elle est beaucoup plus importante que celle de notre planète. Il me suffit de constater que ce sont les planètes qui tournent autour du soleil, et non l’inverse.
Lorsque je constate que le discours politique est dominé par les intérêts, les lubies et les peurs des classes moyennes, que les gouvernements depuis trente ans tremblent chaque fois que celles-ci grognent, on peut se dire que leur poids est considérable sans avoir à passer par un chiffrage précis.
[A partir de combien de personnes ce n’est plus un phénomène marginal ?]
A partir du moment ou un groupe pèse lourdement sur la décision politique, on peut dire que ce n’est plus un phénomène marginal. L’effectif n’a aucune espèce d’importance. Les « deux-cents familles » n’étaient que deux-cents…
[Je voudrais souligner qu’il y a probablement une différence considérable entre la théorie marxiste élaborée il y a plus d’un siècle, au regard d’une société présentant un déterminisme de classe important, et la société mondialisée qui est la notre, où tout est en permanence en mouvement, susceptible de retournements, où rien n’est véritablement figé pour l’immense majorité des individus, même si globalement les statuts collectifs évoluent moins vite que les statuts individuels.]
Mais ce « mouvement » n’a rien de nouveau. L’époque de Marx, qui voyait des paysans quitter les structures économiques archaïques de la campagne pour devenir ouvriers dans les villes et le remplacement des aristocraties du sang ou du crucifix par celle de l’argent, était aussi « en mouvement » que la notre. Par certains côtés, notre société est bien plus figée que celle de 1848.
[Marx a écrit dans le cadre d’une société relativement statique.]
Encore une fois, je pense que vous avez une vision erronée de l’histoire de la deuxième moitié du XIXème siècle…
[A vous, Descartes, de la décrire dans le cadre du mouvement brownien qui est le notre.]
C’est gentil à vous de me comparer à Marx… mais enfin, « non sumus digni »…
[J’imagine que quand vous découvrez qu’un pickpocket etc … n’est ce pas ?]
Votre exemple ironique manque totalement de pertinence.
Je ne risque pas de « découvrir » que quelqu’un m’a dérobé ma part de valeur produite, puisque vous nous expliquez régulièrement que [ (dans) la théorie de la valeur de Ricardo reprise par Marx … personne n’a jamais dit comment on fait pour mesurer pratiquement la « valeur » d’un bien…].
Puisque personne n’a jamais dit comment mesurer la valeur d’un bien, a fortiori la valeur d’un service comme celui d’une infirmière ou d’un prof de math, comment pouvez affirmer qu’un prof de math payé 1800€ net appartient à la classe moyenne et donc, selon vous, accapare une trop grande partie de la valeur qu’il génère, alors qu’une infirmière, payée elle aussi 1800€, serait, elle, exploitée au prétexte que son salaire découle d’une grille préétablie. On est en plein brouillard !
[Certains ne peuvent pas « sacrifier un moment de leur vie pour faire des études », tout simplement parce qu’ils ont des bouches à nourrir, et ne peuvent pas attendre « plus tard » pour toucher les avantages matériels]
Ça fait quand même quelques décennies que l’école est gratuite et obligatoire pendant 10 ans, de 6 à 16 ans !
Au-delà, elle n’est pas obligatoire mais reste gratuite (vous le déplorez d’ailleurs dans votre expression « université garderie »). En France, celui qui veut étudier peut le faire plus facilement que dans la plus part des autres pays dans le monde.
De plus, et nous en avons déjà beaucoup discuté (en vain !), vous refusez de voir qu’il existe en France 1000 façons d’échapper à la misère et de rejoindre la classe moyenne, sans pour autant faire d’études supérieures.
Mais, et je crois l’avoir souvent reconnu, je suis d’accord pour dire, avec vous, que les classes moyennes torpillent l’institution de l’école républicaine et participent au blocage de la société. Pas besoin pour comprendre ça, et pour le combattre, d’introduire des notions invérifiables de capital réel ou immatériel qui, je crois l’avoir montré plus haut avec mon exemple des infirmières et des profs de math ne repose absolument sur aucune donnée, ni aucune statistique.
Personne ne dit qu’il ne faille pas continuer d’aider les 12 à 15% de français pauvres. Ce sont, principalement les femmes élevant seules leurs enfants et les immigrés non intégrés. Les autres, tous les autres, ont la possibilité de s’en sortir et la plupart s’en sortent.
Vous évoquez souvent vos séjours professionnels à l’étranger pour pointer le fait que La France est plutôt dans le peloton de tête en matière de liberté, de justice, de démocratie. Alors, allez au bout de vos observations comparatives et admettez que La France fait partie des pays au monde parmi les plus égalitaires, parmi ceux ou on retrouve le moins de laissés pour compte.
Ce qui vous chagrine en réalité, c’est précisément la quasi-disparition de la classe ouvrière. Si lute des classes il y a eu, alors le combat cessa faute de combattants. La lute des classes a vécu parce que les classes populaires ont massivement rejoint les classes moyennes.
Il existe encore, dans le monde, beaucoup de travailleurs vraiment exploités, au Vietnam au Bangladesh, en Afrique … mais chez nous ?
[la moitié du temps vous me reprochez de refuser d’accepter que tout le monde rejoint les classes moyennes, l’autre moitié vous me reprochez de regretter qu’il en soit ainsi… une petite incohérence, ne trouvez-vous pas ?]
Aucune incohérence, au contraire. C’est effectivement parce que la disparition des classes populaires vous dérange dans votre raisonnement, que refusez, avec plus ou moins de bonne foi, d’admettre la réalité de ce mouvement massif des classes populaires vers les classes moyennes.
[J’ajoute que dans votre commentaire relatant votre voyage à Bornéo, c’était vous qui « regrettiez » l’extension des classes moyennes, pas moi…]
Le fait que vous mettiez « regrettiez » entre guillemets, pourrait laisser croire que vous me citez. Or jamais, relisez bien, jamais, je n’ai regretté la monté des classes moyennes en Indonésie ou ailleurs dans le monde.
L’amélioration continue du niveau de vie des 7 milliards de terriens, se traduit logiquement par la croissance exponentielle des classes moyennes et je trouve ça très bien !
Le désir d’améliorer ses conditions de vie et celles de sa progéniture est un moteur puissant de l’amélioration des conditions de vie des hommes.
Ce que je regrette, et je sais que nous sommes pour le coup profondément en désaccord, c’est que faute d’une prise de conscience mondiale et d’une gouvernance mondiale, cette amélioration se fasse sans respecter les limites de notre planète et accélère l’anthropocène.
Que voulez-vous, chacun sa marotte, vous c’est la lute des classes, moi c’est l’anthropocène.
@ v2s
[Votre exemple ironique manque totalement de pertinence.]
Ah bon ? Vous trouvez ? Et bien moi pas. Vous aviez déclaré que cela ne vous dérangeait pas que quelqu’un vous « exploite » – c’est-à-dire, prélève une partie de la valeur que vous produisez par votre travail – à condition que ce qui vous reste vous permette de vivre agréablement. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi vous vous formaliseriez qu’un voleur « prélève » sur vous quelques billets. Après tout, ce n’est pas cela qui vous empêchera de vivre agréablement, n’est ce pas ? Comme vous le voyez, mon exemple est parfaitement pertinent.
[Je ne risque pas de « découvrir » que quelqu’un m’a dérobé ma part de valeur produite, puisque vous nous expliquez régulièrement que [ (dans) la théorie de la valeur de Ricardo reprise par Marx … personne n’a jamais dit comment on fait pour mesurer pratiquement la « valeur » d’un bien…].
Et alors ? Vous n’avez pas besoin de mesurer la distance qui vous sépare de la lune pour savoir qu’elle est très grande… Que l’on ne puisse pas mesurer une grandeur n’empêche ni de l’estimer approximativement, ni de constater qu’elle existe. Même si la mesure pratique de la valeur d’un bien pose des difficultés, ce n’est pas pour autant qu’elle est indéfinie. Ricardo propose de considérer que la valeur d’un bien est le temps de travail nécessaire pour la produire. Marx propose d’utiliser une mesure différente, celle du « temps socialement nécessaire ».
Par ailleurs, vous n’avez pas besoin de mesurer la valeur produite pour constater que le capitaliste extrait une partie de celle produite pour le travailleur. Il vous suffit de constater que le capitaliste empoche chaque mois de la valeur sans avoir à travailler. Or, comme seul le travail produit de la valeur, il faut bien que la valeur empochée par le capitaliste vienne du travail de quelqu’un…
[Puisque personne n’a jamais dit comment mesurer la valeur d’un bien, a fortiori la valeur d’un service comme celui d’une infirmière ou d’un prof de math, comment pouvez affirmer qu’un prof de math payé 1800€ net appartient à la classe moyenne et donc, selon vous, accapare une trop grande partie de la valeur qu’il génère, alors qu’une infirmière, payée elle aussi 1800€, serait, elle, exploitée au prétexte que son salaire découle d’une grille préétablie. On est en plein brouillard !]
Je ne vois pas très bien ce que la « grille » vient faire là dedans. Le fait d’avoir un salaire fixé par une grille ne dit rien sur le fait que quelqu’un appartienne ou pas aux « clases moyennes ». J’ai l’impression que vous avez mal lu mon commentaire. Ce qui peut être un signe de l’appartenance à ces classes, c’est l’attachement plus ou moins grand qu’un salarié a pour cette méthode de fixation des rémunérations, dans la mesure ou plus un travailleur a un pouvoir de négociation élevé, moins la fixation du revenu par une grille lui est favorable.
[« Certains ne peuvent pas « sacrifier un moment de leur vie pour faire des études », tout simplement parce qu’ils ont des bouches à nourrir, et ne peuvent pas attendre « plus tard » pour toucher les avantages matériels ». Ça fait quand même quelques décennies que l’école est gratuite et obligatoire pendant 10 ans, de 6 à 16 ans !]
Mais dans ce cas, de quel « sacrifice » parlez vous ? Il n’y a aucun « sacrifice » à faire pour faire des études avant 16 ans, puisqu’on n’a pas le choix. Lorsque vous parlez de « faire des sacrifices pour faire des études », il est évident que vous parlez des études qu’on fait lorsqu’on a dépassé l’age de l’obligation scolaire.
[Au-delà, elle n’est pas obligatoire mais reste gratuite]
Gratuite, peut-être. Mais elle ne couvre pas la perte de revenu que vous auriez si vous travailliez au lieu d’étudier. Et il y a encore dans cette planète beaucoup des gens qui à 16 ans doivent partir à l’usine pour faire vivre leur famille.
[En France, celui qui veut étudier peut le faire plus facilement que dans la plus part des autres pays dans le monde.]
C’est vous qui avez parlé de « sacrifier un moment de sa vie pour faire des études ». Et maintenant vous m’expliquez qu’il n’y a aucun sacrifice à faire ? Il faudrait vous décider…
[De plus, et nous en avons déjà beaucoup discuté (en vain !), vous refusez de voir qu’il existe en France 1000 façons d’échapper à la misère et de rejoindre la classe moyenne, sans pour autant faire d’études supérieures.]
Conclusion : les misérables – car cela vous a échappé peut-être, mais il en reste quelques millions en France – ne doivent leur misère qu’à eux mêmes. Autrement, ils auraient déjà saisi les « 1000 façons » d’y échapper. Tiens, ce discours me rappelle quelque chose…
[Mais, et je crois l’avoir souvent reconnu, je suis d’accord pour dire, avec vous, que les classes moyennes torpillent l’institution de l’école républicaine et participent au blocage de la société.]
Dans la mesure où vous n’avez toujours pas dit ce que vous mettiez derrière le terme « classes moyennes », il est difficile de savoir… je vous rappelle qu’après avoir rejeté ma définition, vous avez toujours refusé d’en proposer une…
[Pas besoin pour comprendre ça, et pour le combattre, d’introduire des notions invérifiables de capital réel ou immatériel]
Effectivement. On peut choisir de continuer de parler de « classes moyennes » sans jamais préciser ce que cette notion recouvre, ce qui permet de dire tout et n’importe quoi. Mais si on veut être un petit peu rigoureux, alors il faut introduire des notions un peu plus complexes…
[qui, je crois l’avoir montré plus haut avec mon exemple des infirmières et des profs de math ne repose absolument sur aucune donnée, ni aucune statistique.]
Vous n’avez rien démontré du tout, si ce n’est la faiblesse de votre position. Vous avez décidé qu’une infirmière et un professeur payés 1800 € font partie des classes moyennes. Pourquoi ? Mystère. Est-ce qu’un ferrailleur qui gagne 1800€ fait partie des classes moyennes ? Un dealer ? Un petit commerçant ? Un patron de PME ? Un rentier ? On ne le sait pas. Dans la mesure ou vous ne proposez aucun critère pour décider qui est et qui n’est pas, tout est possible.
[Personne ne dit qu’il ne faille pas continuer d’aider les 12 à 15% de français pauvres.]
C’est vous qui le dites. C’est à eux de « faire le sacrifice » et utiliser l’une des « 1000 façons d’échapper à la misère et de rejoindre les classes moyennes » qui existent selon vous. S’ils sont trop fainéants pour el faire, pourquoi faudrait-il les aider ? Il va falloir vous décider : si la promotion sociale est aussi facile que vous le dites, alors ceux qui ne sont pas devenus membres des classes moyennes sont nécessairement fautifs.
[Ce sont, principalement les femmes élevant seules leurs enfants et les immigrés non intégrés. Les autres, tous les autres, ont la possibilité de s’en sortir et la plupart s’en sortent.]
Une petite ballade à Liévin ou à Hénin-Beaumont vous ferait le plus grand bien. Vous verriez qu’il y a beaucoup de français « de souche » qui n’élèvent pas seuls leurs enfants, et qui pourtant ne s’en sortent pas.
[Vous évoquez souvent vos séjours professionnels à l’étranger pour pointer le fait que La France est plutôt dans le peloton de tête en matière de liberté, de justice, de démocratie.]
Non. Je vous mets au défi de trouver un seul écrit de moi affirmant pareille chose. Encore une fois, je ne vous permets pas de m’attribuer des discours qui ne sont pas les miens.
[Alors, allez au bout de vos observations comparatives et admettez que La France fait partie des pays au monde parmi les plus égalitaires, parmi ceux ou on retrouve le moins de laissés pour compte.]
Je l’ai écrit plusieurs fois sur ce blog, justement. C’est l’héritage du « gaullo-comunisme ». Mais je dois dire que depuis sa mise à mort au début des années 1970, c’est de moins en moins vrai. Laissez aux « libéraux-libertaires » encore deux décennies, et nous serons devenus des « bons européens », aussi inégalitaires qu’ailleurs.
[Ce qui vous chagrine en réalité, c’est précisément la quasi-disparition de la classe ouvrière.]
Ah bon ? Elle a disparu ? Pas selon l’INSEE en tout cas…
[« J’ajoute que dans votre commentaire relatant votre voyage à Bornéo, c’était vous qui « regrettiez » l’extension des classes moyennes, pas moi… ». Le fait que vous mettiez « regrettiez » entre guillemets, pourrait laisser croire que vous me citez. Or jamais, relisez bien, jamais, je n’ai regretté la monté des classes moyennes en Indonésie ou ailleurs dans le monde.]
Nos lecteurs peuvent relire votre commentaire sur votre voyage à Bornéo. Je les laisse juge du fait de savoir si dans votre texte le développement des classes moyennes locales était vu avec joie ou avec regret.
[L’amélioration continue du niveau de vie des 7 milliards de terriens, se traduit logiquement par la croissance exponentielle des classes moyennes et je trouve ça très bien !]
Ah bon. J’avais cru que toute votre diatribe sur la disparition des orangs-outangs et des « oiseaux extraordinaires », sur l’exploitation du charbon et l’empoisonnement du fleuve qui permettait le développement de cette classe moyenne était une critique. Mais si maintenant vous dites que tout cela était au contraire un chant de louange envers les classes moyennes, soit.
Les élucubrations de v2s deviennent fatigantes, et j’admire la patience de descartes à répondre. La dernière bêtise proférée : les études seraient gratuites. Je rêve, là ! Passé le bac (mais que peut-on faire avec juste le bac ?), ça coute bonbon, plusieurs milliers d’euros par an (frais de scolarité, hébergement, voiture quasi obligatoire pour les stages, etc). Et ce, malgré les bourses qui heureusement existent. En résumé, mes deux enfants ne peuvent suivre des études supérieures (et encore, pas très supérieures, 3 ans seulement) uniquement parce que j’ai eu l’idée ET les moyens d’en mettre à gauche en prévision de cette période. Les enfants de parents modestes n’ont aucune chance de pouvoir assumer des études post-bac à leurs enfants.
@ BJ
[La dernière bêtise proférée : les études seraient gratuites. Je rêve, là ! Passé le bac (mais que peut-on faire avec juste le bac ?), ça coute bonbon, plusieurs milliers d’euros par an (frais de scolarité, hébergement, voiture quasi obligatoire pour les stages, etc). Et ce, malgré les bourses qui heureusement existent.]
En fait, les études ont un double coût : un coût direct – frais d’inscription, livres, hébergement – et un coût indirect, qui est le manque à gagner par rapport à la situation où le jeune aurait un emploi salarié. Tous les deux doivent être pris en compte. Dans le monde ouvrier, il était habituel de voir les jeunes arrêter les études dès qu’ils atteignaient l’âge de travailler tout simplement parce que leur revenu était nécessaire pour les faire vivre, eux et leurs familles.
[En résumé, mes deux enfants ne peuvent suivre des études supérieures (et encore, pas très supérieures, 3 ans seulement) uniquement parce que j’ai eu l’idée ET les moyens d’en mettre à gauche en prévision de cette période. Les enfants de parents modestes n’ont aucune chance de pouvoir assumer des études post-bac à leurs enfants.]
Ou alors dans des conditions difficiles : l’étudiant doit travailler pour payer ses études, et donc consacrer à celles-ci moins de temps et d’effort.
@BJ
[Les élucubrations de v2s deviennent fatigantes]
Mais oui BJ, mieux vaudrait effectivement que je vous laisse entre nostalgiques du communisme, comme c’est un petit club intimiste, l’ambiance y sera plus feutrée.
[La dernière bêtise proférée : les études seraient gratuites. Je rêve, là !]
Dans le tableau que vous trouverez dans le lien ci-joint
http://www.touteleurope.eu/actualite/le-cout-des-etudes-superieures-en-europe.html
vous constaterez que, parmi les pays Européens La France se retrouve dans le peloton de tête (pas la première partout, mais toujours dans le peloton de tête) sur les quatre critères retenus :
Frais d’inscription maxi. en 1er cycle : 177euros
Frais d’inscription maxi. en 2e cycle : 245 euros
Bourses sur critères sociaux : 4 600 euros / an
Bourses au mérite : 6 102 euros / an
De plus, je me souviens que quand mes enfants faisaient leurs études supérieures (un prof d’histoire, un prof des écoles, un docteur en économie) les allocations familiales étaient maintenues aux familles dont les enfants majeurs poursuivaient des études. Et les étudiants eux-mêmes touchaient l’allocation de logement, y compris pour les logements universitaires.
Aucun n’a eu de véhicule avant son premier job, tous ont bossé un peu pendant l’année universitaire, beaucoup pendant les grandes vacances (Mac Do, cours de soutien scolaire, baby-sitting)
Alors on peut toujours hurler à l’injustice en rêvant d’un monde idéal ou toutes les études seraient 100% gratuites et ou les étudiants recevraient sans condition de ressuscite ni de revenus familial une allocation mensuelle, mais ce monde là n’existe pas et je ne pense pas qu’il faille le souhaiter.
Il me semble, par contre, qu’on pourrait économiser l’argent public en n’acceptant gratuitement dans des campus subventionnés, un nombre important d’étudiants mais un nombre strictement limité à ceux qui auraient réellement montré le niveau requis pour réussir ces études. Sur la base du dossier scolaire et des résultats à un concours. L’argent public serait ainsi utilisé pour former des élites et non pour occuper la jeunesse en retardant son entrée dans la vie active.
@ v2s
[vous constaterez que, parmi les pays Européens La France se retrouve dans le peloton de tête (pas la première partout, mais toujours dans le peloton de tête) sur les quatre critères retenus :
Frais d’inscription maxi. en 1er cycle : 177euros
Frais d’inscription maxi. en 2e cycle : 245 euros
Bourses sur critères sociaux : 4 600 euros / an
Bourses au mérite : 6 102 euros / an]
Je ne sais pas d’où sortent ces chiffres, mais ils sont de toute évidence faux. Allez à Paris-Dauphine vous inscrire en Master, et vous verrez si vous y arrivez pour 245 €. Je me demande si le site indiqué ne confond pas « maxi » et « moyen »… Et encore une fois, vous oubliez le coût plus important des études : le coût de remplacement du salaire. Un jeune payé au SMIC gagne quelque 14000 € par an.
Mais le débat sur le coût des études supérieures est à mon avis biaisé. Les études ont un coût – celui des professeurs, des locaux, des moyens pédagogiques – et ce coût est payé par quelqu’un. La question n’est donc pas tant de savoir combien on paye de frais d’inscription, mais combien on paye en général, qui paye pour qui, et quelle est la rentabilité de l’investissement que le pays consent.
A mon avis, il faut penser ces choses-là globalement. Si l’on a une université sélective, c’est-à-dire, qui prend les meilleurs, on peut se permettre d’avoir des frais d’inscriptions quasi nuls et même, comme le faisaient les anciennes écoles normales, de payer les élèves en échange d’un engagement de servir. Une université sélective, c’est une université qui ouvre son enseignement à des étudiants qui en tireront le meilleur profit, et c’est donc un investissement très rentable. On peut donc le faire payer par l’Etat, avec une contribution symbolique – voire négative – des usagers.
Par contre, une université non-selective est un très mauvais investissement, puisqu’elle dispense son enseignement à un public hétérogène dont une bonne partie n’a ni le niveau, ni quelquefois l’envie d’apprendre indispensable pour en tirer le meilleur profit, et qui utilise l’université comme garderie pour retarder l’entrée dans la vie active. Dans ces conditions, on se demande pourquoi la collectivité nationale devrait payer un système qui lui rapporte si peu. Dans ce cas, je suis pour des frais de scolarité importants, quitte à corriger par des bourses au mérite pour permettre aux étudiants méritants sans moyens d’accéder aux enseignements.
En d’autres termes, ou bien on sélectionne par l’argent, ou bien on sélectionne par le mérite. Mais un système qui ne sélectionne pas fonctionne « à caisse ouverte », et cela n’est ni rationnel, ni tenable. N’en déplaise aux classes moyennes, qui sont celles qui profitent le plus du système de garderie gratuite.
[Alors on peut toujours hurler à l’injustice en rêvant d’un monde idéal ou toutes les études seraient 100% gratuites et ou les étudiants recevraient sans condition de réussite ni de revenus familial une allocation mensuelle, mais ce monde là n’existe pas et je ne pense pas qu’il faille le souhaiter.]
Je suis d’accord. Le mieux à mon sens serait une université gratuite et très sélective. Et qui dans certains domaines au moins offrirait des bourses en échange d’un engagement de servir. Je crains par contre qu’un tel système soit politiquement impossible : les classes moyennes supportent une part importante de la charge fiscale, et il faut leur donner quelques retours symboliques, autrement elles deviennent méchantes. Les allocations familiales sans condition de ressources et l’université-garderie sont deux de ces « retours »…
« mais il y a d’autres rapports : l’usufruit, par exemple. Les individus qui ont un accès permanent à un moyen de production – même s’ils n’en sont pas propriétaires – peuvent être décrits comme formant une classe. »
Pourriez-vous préciser ?
« Il n’y a pas de « degrés » dans le rapport avec les moyens de production. Il n’y a pas le bourgeois d’un côté, le prolétaire de l’autre, et entre les deux des groupes qui seraient « 75% bourgeois et 25% prolétaires ».
Ce n’est pas ce que j’ai voulu exprimer. C’est pourquoi je signale par ailleurs, l’existence du lumpen prolétariat. Le rapport se situe à l’appropriation de la plus-value.
[« mais il y a d’autres rapports : l’usufruit, par exemple. Les individus qui ont un accès permanent à un moyen de production – même s’ils n’en sont pas propriétaires – peuvent être décrits comme formant une classe. » Pourriez-vous préciser ?]
Je pense par exemple aux droits anciens de glanage ou de ramassage du bois. Plus près de nous, certains droits d’usage de ressources communes (énergie hydraulique) ou les concessionnaires à titre gratuit du domaine public. Toutes catégories qui disposent gratuitement d’un moyen de production sans en être les propriétaires. Je vous accorde que dans le système capitaliste avancé ou nous vivons cette organisation de la production est devenue marginale, mais elle a un intérêt théorique.