« Dans toutes les guerres, la première victime est la vérité » Winston Churchill
Ainsi, nous sommes en guerre. Contre qui ? Contre « les barbares ». Le mot est bien passé : la formule « Etat Islamique », qui est le nom que le groupe en question s’est donné, est interdite d’antenne. Que ce soit sur les radios, sur les télévisions, dans la bouche de nos journalistes, de nos gourous ou de nos intellectuels médiatiques, on n’entend plus que ce mot : « barbares ». La guerre dans laquelle nous nous embarquons est une « guerre contre la barbarie ». C’est plus pratique pour faire taire les voix dissidentes : qui, en effet, osera défendre les « barbares » ?
Qu’on me permette ici un souvenir personnel. Dans les années 1980 – je ne saurais dire la date exacte – le Nouvel Observateur, qui était déjà à l’époque l’organe officiel de la bienpensance de gauche, avait publié plusieurs reportages d’un envoyé spécial du magazine en Afghanistan, envoyé qui avait eu le privilège – ou du moins l’affirmait-il – d’avoir partagé pendant plusieurs semaines la vie d’un groupe de moudjahidine combattant les troupes soviétiques. Si ce souvenir me revient en tête, c’est à cause de la teneur des articles. On y glorifiait la lutte contre les « infidèles ». On y racontait les tortures infligées aux soldats soviétiques faits prisonniers : émasculations, amputation des bras ou des pieds, noyade. On racontait aussi les exécutions, l’utilisation des cadavres mutilés pour effrayer les troupes peu aguerries. Et tout ça, loin de dégoûter le journaliste, était au contraire présenté sous un angle on ne peut plus positif. Dans d’autres reportages, on rendait compte des bombes dans les bazars, destruction d’écoles, exécutions sommaires… et là encore, on ne parlait pas de « terrorisme ». On faisait au contraire preuve de la plus grande bienveillance. A l’époque, personne dans la bienpensance n’avait utilisé le mot « barbarie ». Au contraire : les « barbares » étaient à l’époque reçus à Washington par le président américain Ronald Reagan, et se voyaient qualifier devant les caméras de « combattants de la liberté ». Pourtant, il semble difficile de soutenir que décapiter un journaliste serait un exemple de « barbarie », alors que mutiler un prisonnier puis de l’assassiner et finalement d’utiliser son cadavre comme épouvantail ne le serait pas. Il semble donc que la notion de « barbarie » est moins liée à la nature exacte de l’acte, mais plutôt aux intérêts qu’il sert.
La politique internationale pendant la guerre froide était une affaire de cyniques. Les américains soutenaient un Somoza ou un Pinochet, renversaient un Mossadegh ou un Allende en fonction des intérêts économiques ou stratégiques des Etats-Unis. Mais au moins on n’avait pas la prétention à l’excellence morale. Depuis les années 1980, les puissances n’assument plus la défense égoïste de leurs intérêts et justifient leurs actions au nom d’une morale présentée comme universelle. C’est le camp du « bien » contre celui du « mal ». Et bien évidemment, le « bien » peut faire des choses qui seraient considérées « barbares » si elles étaient le fait du camp du « mal ». Ainsi, par exemple, les mêmes qui aujourd’hui défendent l’intangibilité des frontières de l’Ukraine sont ceux qui hier ont bombardé la Serbie pour l’obliger à consentir au détachement d’une partie de son territoire. Ceux-la mêmes qui pratiquent l’emprisonnent des êtres humains pendant plus d’une décennie – et ce n’est pas fini – à Guantanamo sans avoir à les incriminer devant un juge, et qui confient des prisonniers à d’autres états pour y être torturés font la leçon à d’autres sur l’Etat de droit. Décapiter c’est « barbare », électrocuter sur la chaise électrique est « civilisé ». Ceux qui hier qualifiaient les terroristes de « combattants de la liberté » lorsqu’ils s’attaquaient aux troupes soviétiques crient à la « barbarie » lorsqu’ils tournent leurs armes de l’autre côté. Comment dans ces conditions se retrouver ?
Peut-être en se souvenant à quoi toute cette sémantique sert. Comme le dit le dicton anglais, dans la guerre et dans l’amour, tout est acceptable. Aucun état ne s’est jamais privé des méthodes les plus illégales, les plus horribles, les plus « barbares » lorsqu’il s’est agi de défendre ses intérêts. Mais en même temps, si les sociétés modernes arrivent à maintenir cet ordre indispensable pour atteindre un haut niveau de développement et de productivité c’est parce qu’elles arrivent à soutenir cette fiction qu’est l’Etat de droit, et à susciter chez ses citoyens des inhibitions fortes qui les empêchent de tuer une petite vieille pour lui soutirer ses économies quand ça leur chante. La question est donc comment faire coexister le gentil citoyen qui s’indigne lorsqu’une petite vieille est tuée et lorsque les droits humains sont violés avec le méchant citoyen qui admettra – ou qui ira lui même – torturer son prochain ou l’enfermer à vie sans droit et sans jugement parce que les intérêts de son pays l’exigent.
Dans une société tribale ou clanique, c’est simple : il y a « nous », les membres du clan, et « eux », les autres. « Nous », nous avons des droits. « Eux », n’en ont aucun. Tuer ou voler un membre du clan, c’est violer une loi sacrée et s’exposer à la sanction de la communauté. Tuer ou voler en dehors du clan non seulement ne vous expose à aucune sanction, mais vous pouvez compter sur le soutien du clan au cas où cela tournerait mal (1). En fait, dans ces sociétés la qualité d’être humain, en tant que sujet de droits, n’est reconnue qu’aux membres du groupe. Les autres sont réduits au statut animal : ils peuvent être volés, tués ou réduits en esclavage sans que cela donne lieu à des questionnement moraux. D’ailleurs, dans beaucoup de civilisations primitives le mot « homme » et le nom de la tribu ou du clan se confondent.
Mais tout change, si l’on peut dire, avec les Lumières. On refuse alors l’idée que seuls les membres d’un groupe seraient des êtres humains, et on proclame l’universalité des droits de l’homme. Comment expliquer, une fois qu’on a proclamé l’universalité de la liberté, de la sûreté, de la propriété et de la résistance à l’oppression admettre qu’on a le droit de bâillonner, d’emprisonner, de tuer, de torturer, de saisir la propriété ou de réprimer la révolte de « l’autre » ? Pour aller à la guerre – en dehors des guerres purement défensives – il faut donc s’éloigner de l’esprit des Lumières et déshumaniser « l’autre », le réduire au niveau de la « bête assoiffée de sang », du « barbare », bref, d’un être qui ne saurait avoir de droits. J’avais montré combien ce raisonnement se retrouve en politique chez les partisans d’une idéologie de « guerre civile » qui fleurissent à l’extrême gauche, et dont la division du monde entre « les nôtres » et « les autres » prônée par Mélenchon est un bon exemple. C’est le même mécanisme qu’on retrouve aujourd’hui dans le discours des gouvernants des grandes puissances lorsqu’il s’agit de préparer psychologiquement les populations à une guerre au moyen-orient.
Ce discours fait peut-être partie des « fictions nécessaires » (2). Mais il faut être conscients de ses effets délétères sur le long terme. D’abord, une fois qu’on donne un coup de canif au principe de l’universalité des droits de l’homme, on entre en terrain dangereux. Car tout le monde n’a pas la même définition du « barbare ». Et une fois admise l’idée qu’on puisse déshumaniser les « barbares », certains proposeront d’appliquer le même raisonnement non seulement à « l’ennemi », mais à certains groupes de la société. Nous savons ce que la déshumanisation de « l’autre » pendant la guerre de 1914-18 a rendu possible dans les années 1930 et 1940. En politique, les actes projettent de longues ombres, et on ne peut plus ensuite prétendre que cela n’a jamais eu lieu.
Mais le principal danger, c’est que la qualification de « barbare » ou de « bête assoiffée de sang » interdit tout questionnement. L’adversaire est un chien enragé qu’il faut abattre. Et un chien enragé n’a ni raisons, ni intérêts, ni histoire. On ne peut ni le comprendre, ni discuter avec lui. Cela ne sert à rien de chercher à l’inscrire dans une dynamique historique. On le tue, et le problème est résolu. On peut contempler les résultats désastreux de ce mode de pensée. Les américains nous avaient expliqué que le problème, c’était Saddam Hussein. Saddam Hussein est aujourd’hui mort, et on ne peut vraiment pas dire que cela ait amené une ère de paix et de progrès pour l’Irak. Ensuite, on nous a expliqué que le problème, c’est le « jihadisme », terme vague qui recouvre un peu n’importe quoi. Le combat contre le « jihadisme » fait rage depuis presque dix ans, et on ne voit rien avancer. Et maintenant, nous allons lancer bombes et drones contre les « barbares »…
Talleyrand avait raison : lorsqu’on se fait un trône avec baïonnettes, il est fort imprudent de s’asseoir dessus. La stratégie qui consiste à détruire les régimes et les mouvements qui ne nous plaisent pas en laissant le hasard décider du régime ou du mouvement qui remplira le vide ainsi créé a montré – c’est le moins qu’on puisse dire – ses limites. L’idéologie du « lasser-faire » libéral, dont on connaît les limites en politique intérieure, a eu des résultats désastreux lorsqu’on l’a mise en œuvre dans le plan international. De l’Afghanistan des années 1980 à l’Irak des années 2000, les grandes puissances ont cherché à affaiblir les Etats au lieu de les renforcer. Sans se rendre compte que les Etats sont, par essence, la barrière la plus efficace contre le retour à « la guerre de tous contre tous ». Saddam Hussein, Muhammar Khadafi ne sont certes pas des enfants de cœur. Mais on peut se demander si leurs peuples ont gagné quelque chose de leur renversement. Et la question vaut aussi pour ou Bachar Al-Assad. Hobbes montrait déjà que la question de savoir si le prince était bon ou mauvais était secondaire : la fonction essentielle du prince, est de concentrer le « pouvoir de nuire » de tous et d’empêcher le retour de la guerre civile. Le reste vient en complement. Lorsque l’Etat perd le monopole de la force légitime, ce sont les groupes et les « bandes » qui prennent le pouvoir. Or, un mauvais gouvernement est souvent préférable au chaos, et mieux vaut de mauvaises lois que pas de loi du tout.
Ce que les convulsions des deux dernières décennies nous enseignent, c’est que l’Etat-nation, qui nous semble chez nous une réalité institutionnelle inamovible, est en fait une institution relativement récente, et bien plus fragile qu’on ne le croit généralement. Dans beaucoup de contrées, l’Etat n’est pas encore tout à fait séparé de la personne du dirigeant, et la mort du Prince sans héritier peut provoquer – comme ce fut le cas en Europe jusqu’au XVIIIème siècle – une guerre de succession voire une partition du pays et l’effondrement de l’Etat. Or, l’effondrement de l’Etat n’est dans l’intérêt de personne. Ni des habitants du pays concerné, ni de celui des puissances qui, quelque soient leurs intérêts egoïstes, ont besoin d’interlocuteurs et ont tout intérêt à négocier avec le directeur du cirque plutôt qu’avec les lions.
Descartes
(1) On voit encore aujourd’hui dans certaines régions – Corse, Sicile – ou dans certaines communautés – Tsiganes, Roms – des restes de ce mode de fonctionnement, qui fut pendant des millénaires la structure de base des sociétés. Dans ces sociétés, le meurtre ou le vol ne sont considéré par la société des crimes que si la victime appartient au « clan ».
(2) On peut en douter. Il y a beaucoup d’exemples de combats qui n’ont pas été accompagnés par ce processus de déshumanisation. Missak Manouchian mourant « sans haine pour le peuple allemand » me semble un bon exemple. La gestion de la propagande de guerre par le gouvernement britannique pendant la deuxième guerre mondiale me paraît aussi assez significative. A ce titre, une histoire révélatrice : une anglaise s’était vu reprocher par son voisinage d’avoir traité avec gentillesse un pilote allemand abattu par la DCA en attendant l’arrivée des autorités. Elle avait répondu : « je l’ai assis dans ma cuisine et lui ai servi une tasse de thé, parce que je voudrais que si mon fils, pilote dans la RAF, était abattu sur l’Allemagne il se trouve une allemande pour l’asseoir dans sa cuisine et lui servir une tasse de thé ». Je trouve cette réponse admirable.
Excellent, les pendules sont remises à l’heure.
PS
( la pub qui surgit avec le site devient pénible…)
@lcap
Oui, j’ai découvert il y a deux jours que mon hébergeur a décidé de faire bénéficier – c’est de l’ironie, pour ceux qui n’auraient pas compris – mes lecteurs d’annonces publicitaires. Je vous jure que je ne touche pas un sou, et que je n’ai jamais donné mon accord. Cette affaire me pousse à envisager la migration de ce blog sur un autre hébergeur. Si je ne l’ai pas encore fait, c’est parce que je n’aime pas l’idée de perdre les archives de ce blog…
Je vous conseille de charger le module complémentaire "Adblock". C’est efficace et gratuit.
En Avril 2014,Hollande était près de faire bombarder les ennemis de DAECH afin de renforcer les ennemis d’Assad.
C’est l’attentisme puis le refus d’Obama qui l’a empêché de commettre cette nouvelle bévue.
Cependant durant cette période,il soutenait le même camp que Daech bombardé aujourd’hui par nos rafales.
Les avocats des djihadistes pro-DAECH qui rentrent en France ne manquent pas de le relever.
Ils expliquent l’engagement de leurs clients au côté de Daech par les propos présidentiels de Mars à Juin .
Selon eux,ces pro Daech n’avaient fait que suivre le discours radical anti-Assad tenu par Holland début 2014.
A cette époque les ‘belles âmes’ étaient du côté de Daech.
6 mois après Hollande fait bombarder Daech!comprenne qui pourra maiscomme le dit le dicton, c’est au rebond,que se reconnait le ‘Culbuto’.
Est ce un chapitre de plus du livre ‘Ces fous qui nous gouvernent’ ou un épisode supplémentaire des chroniques: la guerre est la prolongation de la politique ou la politique est la prolongation de la guerre.
Les plus anciens se souviendront que ce sont les socialistes français qui ont le plus mené de guerres coloniales alors que les guerres anti-fascistes (guerre d’Espagne et 39/45) permirent à de nombreux socialistes de montrer leur attachement profond (mais circonstancié) au pacifisme.Beaucoup d’inimitiés entre le PS et les communistes datent de ces événements.
Question: si ça s’embrase dans le Donbass,en Lybie,Mali,Centrafique,Cachemire,Mer de Chine,frontières Iraniennes rentrerons nous dans une guerre mondiale ou sommes nous y déjà ?
@ bovard
[Les avocats des djihadistes pro-DAECH qui rentrent en France ne manquent pas de le relever. Ils expliquent l’engagement de leurs clients au côté de Daech par les propos présidentiels de Mars à Juin. Selon eux, ces pro Daech n’avaient fait que suivre le discours radical anti-Assad tenu par Holland début 2014.]
L’argument ne manque pas de cohérence. Si le gouvernement déclare que les membres de tel ou tel groupe sont des « combattants de la liberté », peut-il ensuite reprocher aux français qui iraient s’enrôler dans ses files le délit de « terrorisme » au prétexte qu’il a changé d’avis ?
[Les plus anciens se souviendront que ce sont les socialistes français qui ont le plus mené de guerres coloniales alors que les guerres anti-fascistes (guerre d’Espagne et 39/45) permirent à de nombreux socialistes de montrer leur attachement profond (mais circonstancié) au pacifisme.]
Vrai. De la même manière que ce sont souvent des gouvernements de gauche qui commencent les guerres, et ceux de droite qui les terminent. La guerre du Vietnam a commencé avec les démocrates – Kennedy, Johnson – alors que c’est un républicain – Nixon – qui a accepté la négociation. C’est un socialiste – Mollet – qui envoie le contingent en Algérie, alors que c’est un « maurrassien monarchiste » qui négocie la « pais des braves ». C’est ce qu’on appelle « l’effet miroir » en politique. Lorsqu’on porte l’étiquette « gauche », les gens de gauche votent pour vous par défaut. Pour gagner, il faut conquérir les voix de droite, et donc faire un politique de droite. Lorsqu’on porte l’étiquette « droite », c’est l’inverse.
La Corse et la Sicile les deux mamelles de la contre-argumentation sont encore mises à contribution, tout comme le relativisme si commode pour ne pas, malgré tout, apparaitre comme du clan des méchants.
A part cela, le barbare est celui qui n’est pas Grec, version raciste, puis celui qui n’habite pas -encore- dans les limites de l’empire, version universaliste romaine.
L’usage actuel se rapproche du barbaresque médiéval, s’applique davantage, et avec justesse, aux sinistres individus dont la génération n’est pas si spontanée qu’il y parait.
Beaucoup savaient qu’il ne fallait pas toucher à Saddam, à Khadafy, que Assad est notre pire allié, que les soviétiques faisaient le travail pour nous, nous savons que les petro-monarchies sont adeptes du double jeu, de moins en moins dissimulé.
Mais tout ceci n’est d’aucune importance, tout comme les larmes de crocodiles des musulmans de France, "pas en mon nom" probablement, mais au nom de l’islam ! c’est l’idéologie qui est intrinsèquement mauvaise, tant que nous ne l’admettrons pas, avec la terrible angoisse qui va avec, non continuerons de reculer.
Le nouvel Obs à toujours été du coté des porteurs de valises, des pleutres, des minables, c’est l’idée même de l’action qui fait horreur à cette gauche-là, mais c’est elle qui s’est arrogée le magistère moral : tout viens de là.
@ Gérard Couvert
[La Corse et la Sicile les deux mamelles de la contre-argumentation sont encore mises à contribution,]
Je constate en tout cas que vous ne répondez pas sur le fond. Contestez-vous, oui ou non, le caractère clanique de ces sociétés ? Contestez-vous, oui ou non, qu’il existe dans ces « clans » des normes qui ont préséance sur les lois de la République ? Je ne sais pas si vous connaissez ces territoires. J’ai eu l’honneur de travailler en Corse. Et je peux vous assurer que si vous appartenez à un « clan », vous pouvez tuer père et mère et personne n’appellera les gendarmes.
[tout comme le relativisme si commode pour ne pas, malgré tout, apparaître comme du clan des méchants.]
De quel « relativisme » parlez vous ? Tout mon article est au contraire une critique du relativisme, ce relativisme qui permet de décider que griller les gens sur une chaise électrique est civilisé mais que les décapiter au couteau est « barbare ».
[A part cela, le barbare est celui qui n’est pas Grec, version raciste, puis celui qui n’habite pas -encore- dans les limites de l’empire, version universaliste romaine.]
Non. « barbare » pour les grecs était celui qui ne parlait pas grec et ne rendait culte aux dieux grecs. Ce n’était donc pas une question « raciale » mais « culturelle ». Les romains y ajoutaient une vision territoriale, considérant comme barbares les membres des peuples qui habitaient hors du « limes ».
[Beaucoup savaient qu’il ne fallait pas toucher à Saddam, à Khadafy, que Assad est notre pire allié, que les soviétiques faisaient le travail pour nous, nous savons que les petro-monarchies sont adeptes du double jeu, de moins en moins dissimulé.]
Je ne sais pas qui est ce « nous ». Mais je pense que ce « nous » exclut l’immense majorité de nos concitoyens. Quant à nos médias et nos intellectuels, le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils ne véhiculent guère la position que vous jugez aussi partagée…
[Mais tout ceci n’est d’aucune importance, tout comme les larmes de crocodile des musulmans de France, "pas en mon nom" probablement, mais au nom de l’islam ! c’est l’idéologie qui est intrinsèquement mauvaise, tant que nous ne l’admettrons pas, avec la terrible angoisse qui va avec, non continuerons de reculer.]
Je ne partage nullement cette idée. L’Islam, en tant que corpus idéologique, n’est guère plus « mauvais » que le corpus du judaïsme ou du christianisme. Chacune de ces religions a fabriqué, lorsque la situation était favorable, une interprétation des textes sacrées permettant de justifier la guerre de conquête, le meurtre, la torture et autres amusements du même type. On voit ce que le judaïsme a permis de justifier en Palestine, et comment le christianisme a été utilisé par les néo-conservateurs américains pour justifier une politique agressive qui a culminé avec l’occupation de l’Irak. Et si le catholicisme est aujourd’hui en France une religion pacifique – ce qui n’est pas le cas partout, voir par exemple le rôle joué par l’Eglise argentine pendant la dictature de Videla – c’est parce qu’elle été fermement poussée dans la sphère privée par le combat acharné des anticléricaux du début du XXème siècle.
Le problème de l’Islam en France est que contrairement au catholicisme, les penseurs et théologiens de l’Islam n’ont toujours pas accepté la séparation de la loi civile de la loi religieuse, et la primauté de la première sur la seconde. C’est à mon avis dans ce processus de séparation que réside la solution. Je ne dis pas que ce soit évident ou facile, et il faudrait que les militants progressistes assument et affichent aujourd’hui envers l’Islam le même anticléricalisme intransigeant que leurs ancêtres ont affiché envers le catholicisme.
[Le nouvel Obs à toujours été du coté des porteurs de valises, des pleutres, des minables, c’est l’idée même de l’action qui fait horreur à cette gauche-là, mais c’est elle qui s’est arrogée le magistère moral : tout viens de là.]
Mais pour se racheter, ils ont soutenu l’intervention américaine en Irak. Comme quoi, ils ne sont pas si « pleutres » que ça…
Les porteurs de valise n’étaient pas des pleutres.
Pensez à Audin,Alleg,Curiel,un courage extrème,quasi-inconscient les caractérisait.Ils bravaient la légalité,la police,l’armée,la quasi-totalité des européens et risquaient la prison et la mort.
Leurs ennemis police,paras ,OAS voulait leur peau.
Quelques uns en sont morts.
Cette notion de pleutrerie comme diabolisation,m’intéresse.
Elle est une marque de l’extrême droite.
Vous reprenez avec cette accusation de ‘pleutrerie’ ( inappropriée pour des gens qui consciemment risquent leur vie), un des arguments non-pensé,automatique , infantile et caractéristiques de l’OAS ,des camelots du Roi,du FN etc. .bref de l’ectrème droite,bête et méchante.
Le Pen qui physiquement affectionne les bagarres comme celle où il a perdu un œil est lui aussi dans cette tradition stupide comme il l’a montré en coursant et mollestant une pauvre élue socialiste qui l’avait ‘traité’. .
Car à force d’avoir insulté De Gaulle de lâche,l’extrême droite s’est décridibilisée.
En effet De Gaulle qui a combattu avec fougue en 40,fut condamné à mort par Pétain,a échappé à de multiples attentats( plus d’une vingtaine),n’était pas un pleutre.
Les mots ont un sens.
Même les combattants du Daech,ou ceux,kamikazes du 11/09 ou japonais n’étaient pas des pleutres…Leurs ennemis les diabolisent mais ils sont au contraire souvent très courageux.
Quoique vous pensiez ,les porteurs de valise,clandestins,victimes de l’OAS n’étaient pas des pleutres,bien au contraire.
Il est possible ou pas que vous soyez un partisan de l’OAS (dont je ne partage pas les idées) mais Bastien Thierry n’était pas un lâche.
Pas plus que les communistes de l’affiche rouge nazie n’étaient des lâches comme le texte l’insinuait pourtant afin de les décridibiliser,eux dont..’ les noms à prononcer étaient difficiles’…
Pour changer de sujet,à propos des pubs obsevées par moi aussi, sur le blog Descartes,n’est ce pas un signe du succès ?
C’est malheureux cependant si vous changez d’hébergeur.Prévenez nous SVP à cause de la perte regrettable des archives.
J’aimerai conserver ces interventions et consulter les archives.
Je soutiens Descartes dans son projet de conserver les archives .
Plus généralement ,je le ou les remercie pour la qualité de vos ou de leurs textes .
@ bovard
[Les porteurs de valise n’étaient pas des pleutres. Pensez à Audin, Alleg, Curiel, un courage extrème, quasi-inconscient les caractérisait.]
Ni Audin ni Alleg n’étaient des « porteurs de valises ». Ce terme désigne ceux qui faisaient la liaison entre les nationalistes algériens et leurs soutiens en métropole. Audin et Alleg étaient des algériens d’origine européenne, militants du PCA.
[Cette notion de pleutrerie comme diabolisation, m’intéresse. Elle est une marque de l’extrême droite.]
Pas vraiment. L’extrême gauche est aussi très friande d’une vision du « courage viril » comme vertu révolutionnaire.
[C’est malheureux cependant si vous changez d’hébergeur.Prévenez nous SVP à cause de la perte regrettable des archives. J’aimerai conserver ces interventions et consulter les archives.
Je soutiens Descartes dans son projet de conserver les archives.]
J’y travaille, j’y travaille…
Bonjour Descartes,
"Décapiter c’est « barbare », électrocuter sur la chaise électrique est « civilisé »."
Je ne comprends pas cet argument. Comme le rappelait mon professeur de philosophie, il faut toujours distinguer "meurtre" et "exécution". Le meurtre est le fait d’un individu ou d’un groupe d’individus qui agissent en dehors du cadre des lois, l’exécution est accomplie par une autorité légitime, à savoir l’Etat. Pendant des siècles, on a décapité en France, à la guillotine pour être précis ("tout condamné à mort aura la tête tranché"): ce n’étaient pas des meurtres, mais des exécutions. L’Américain condamné à la chaise électrique a (normalement) eu un procès, il a été défendu, il a pu déposer des recours. En France, même au temps de la Terreur, il y avait un tribunal révolutionnaire, et une procédure (si bâclée soit-elle), et il y eut des acquittements (je rappelle que sur 500 000 arrestations durant les mois de la Terreur, il y a eu environ 50 000 exécutions).
Or la question qui se pose est: malgré son nom, l’Etat islamique est-il un Etat? Je pense que c’est discutable. Les journalistes occidentaux ou les soldats syriens (dont on parle moins…) décapités avaient-ils été jugés? En vertu de quelle législation? Selon quelle procédure? Ont-ils pu présenter leur défense? Même le droit religieux musulman prévoit des procédures.
La barbarie n’est pas dans la manière de tuer mais dans le contexte dans lequel la mort est donnée: est-ce par une autorité légitime? Le condamné a-t-il eu un procès? A-t-il pu se défendre? Ajoutons qu’il y a une différence entre tuer les gens pour ce qu’ils sont (occidentaux, chrétiens, yézidis…) et tuer les gens pour ce qu’ils font (espionner, commettre un crime…). Par conséquent, électrocuter sur la chaise électrique ou décapiter me paraît tout à fait "civilisé" quand le condamné à mort a été jugé conformément au droit. Je suis partisan de la peine de mort, et je ne crois pas être un "barbare".
Dans ce cadre-là, en revanche, ce qui se passe à Guantanamo ou la torture "clandestine" relève bien d’une forme de barbarie. Les actions des combattants de l’EI me semblent aussi mériter le qualificatif de "barbare" (au sens usuel du terme). De la même façon que la mort de notre compatriote en Algérie est un acte "barbare" qui ne se justifie même pas dans un contexte de guerre (l’EI utilise aussi la terreur pour asseoir son autorité).
Pour le reste, je suis bien d’accord: mieux vaut un Etat, même imparfait, que pas d’Etat. Mais il semblerait que certains géostratèges américains aient été adeptes de la théorie du "chaos constructif", comme si du néant pouvait surgir presque par magie l’ordre et l’harmonie dans la société. A croire qu’on ne lit pas beaucoup Hobbes outre-Atlantique. La "destruction créatrice" ne marche que très rarement, on le voit en Libye, en Irak, en Syrie, en Ukraine même (en chassant un Ianoukovitch élu régulièrement, les "euro-Maïdan" ont considérablement affaibli l’Etat ukrainien dont ils ont pris les rênes et on voit le résultat: l’intégrité territoriale de l’Ukraine a volé en éclat). Les Etats sont des constructions longues et difficiles, dont la légitimité n’est acceptée que dans la douleur et les épreuves. En France, n’a-t-il pas fallu les guerres féodales, les guerres de religion, les révolutions pour que l’Etat soit reconnu par tous comme le garant de la paix publique?
@nationalistejacobin
["Décapiter c’est « barbare », électrocuter sur la chaise électrique est « civilisé »."
Je ne comprends pas cet argument. Comme le rappelait mon professeur de philosophie, il faut toujours distinguer "meurtre" et "exécution". Le meurtre est le fait d’un individu ou d’un groupe d’individus qui agissent en dehors du cadre des lois, l’exécution est accomplie par une autorité légitime, à savoir l’Etat.]
Mais la question de la légitimité n’est pas aussi évidente que vous semblez le penser. Ainsi, par exemple, la mort de Ben Barka est-elle une « exécution » ou un « meurtre » ? Et celle de Ben Laden ? Dans une optique démocratique, la « légitimité » d’une autorité s’interprète en fonction de la délégation qu’elle a reçu du peuple souverain. Le pouvoir exécutif n’ayant pas reçu délégation pour prononcer des condamnations à mort, on peut soutenir que la mort de Ben Barka est un meurtre. De même, le gouvernement américain ayant agi en violation de la souveraineté d’un Etat, le Pakistan, la mort de Ben Laden devrait être considérée comme un meurtre.
Mais dans mon propos la question n’est pas la différence entre « meurtre » et « exécution », mais la qualification de « barbare » attachée à la méthode utilisée pour prendre la vie de la victime. Car c’est bien à cette méthode qu’est attaché le qualificatif « barbare » dans le discours médiatique, et non au fait de prendre la vie lui-même. Et là, il faudra m’expliquer en quoi le fait de griller un être humain à l’électricité serait-il moins « barbare » que de le décapiter au couteau.
[Or la question qui se pose est: malgré son nom, l’Etat islamique est-il un Etat? Je pense que c’est discutable. Les journalistes occidentaux ou les soldats syriens (dont on parle moins…) décapités avaient-ils été jugés? En vertu de quelle législation? Selon quelle procédure? Ont-ils pu présenter leur défense? Même le droit religieux musulman prévoit des procédures. La barbarie n’est pas dans la manière de tuer mais dans le contexte dans lequel la mort est donnée: est-ce par une autorité légitime?]
Je ne le crois pas. Après tout, Videla ou Pinochet n’étaient pas plus « légitimes » pour donner la mort que Da’esh, et les grandes puissances ont pourtant conservé des rapports extrêmement cordiaux avec ces deux régimes malgré les dizaines de milliers de morts. Si Da’esh expédiait ses ennemis d’une balle dans la tête, on ne parlerait pas de « barbarie ». C’est bien la méthode, et non la légitimité qui est en cause ici.
[Par conséquent, électrocuter sur la chaise électrique ou décapiter me paraît tout à fait "civilisé" quand le condamné à mort a été jugé conformément au droit. Je suis partisan de la peine de mort, et je ne crois pas être un "barbare".]
Cela dépend du mode d’exécution. Si l’objet de la peine de mort est de retrancher de la société une personne dangereuse ou dissuader un comportement, c’est une chose. Si le but est d’infliger de la souffrance à un être humain, c’en est une autre. Encore une fois, la « barbarie » est plus dans le mode choisi pour l’exécution que dans la question de la légitimité à l’infliger.
[Dans ce cadre-là, en revanche, ce qui se passe à Guantanamo ou la torture "clandestine" relève bien d’une forme de barbarie. Les actions des combattants de l’EI me semblent aussi mériter le qualificatif de "barbare" (au sens usuel du terme).]
Alors posons nous la question : pourquoi la « barbarie » de Guantanamo n’empêche personne de dormir, alors que celle de Da’esh justifie une croisade internationale ?
[Pour le reste, je suis bien d’accord: mieux vaut un Etat, même imparfait, que pas d’Etat. Mais il semblerait que certains géostratèges américains aient été adeptes de la théorie du "chaos constructif", comme si du néant pouvait surgir presque par magie l’ordre et l’harmonie dans la société. A croire qu’on ne lit pas beaucoup Hobbes outre-Atlantique.]
La pensée américaine est dominée par ce sentiment de méfiance-détestation envers l’Etat. Il faut rappeler que l’amendement constitutionnel qui permet aux américains de s’armer est à l’origine issu de la crainte de voir l’Etat utiliser le monopole de la force armée pour instaurer une tyrannie. Encore aujourd’hui, cette crainte est très présente dans la mentalité américaine, ou l’on voit l’Etat (en fait, le « gouvernement », car on n’utilise pas le terme « Etat ») comme une institution nuisible qui empêche l’idéal d’une société communautaire de se réaliser. Il n’est pas étonnant que dans ce contexte les néoconservateurs aient pu croire qu’en détruisant l’Etat on verrait fleurir une société ou les « communautés » joueraient le rôle central. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que sans un arbitre capable d’imposer une discipline, ces « communautés » ne pouvaient qu’entrer en conflit.
[Les Etats sont des constructions longues et difficiles, dont la légitimité n’est acceptée que dans la douleur et les épreuves. En France, n’a-t-il pas fallu les guerres féodales, les guerres de religion, les révolutions pour que l’Etat soit reconnu par tous comme le garant de la paix publique?]
Tout à fait. L’Etat est un acquis lent à construire, et plus fragile qu’on ne le croit. Raison de plus pour le défendre.
Eh bien, au milieu d’un article tout à fait correct sur l’Irak, Descartes (quelle modestie…) balance une attaque contre la lutte de classes (via Mélenchon interposé). A part ça, vous vous prétendez de gauche. Quel gâchis. Oui, il existe des travailleurs et des rentiers. Ils s’opposent, comme un locataire s’oppose à un propriétaire d’un logement. Bien sûr, ce n’est pas si simple, des travailleurs sont également (pour une part), actionnaires etc. Cette contradiction ne conduit évidemment pas à la guerre civile, mais l’avoir en tête permet au moins de mener une politique de gauche, dont il existe des variantes : réformiste ou révolutionnaire. Nier cette opposition du travail et du capital, faire peur en disant qu’elle conduit à la guerre civile, cela mène à ce qu’on appelle la collaboration de classe.
@ Gauthier Weinmann
[Eh bien, au milieu d’un article tout à fait correct sur l’Irak, Descartes (quelle modestie…) balance une attaque contre la lutte de classes (via Mélenchon interposé).]
Ah bon ? Ou donc ais-je « attaqué la lutte des classes » ? Vous feriez bien de lire avec un peu d’attention non seulement mes écrits, mais aussi ceux de Mélenchon. J’ai critiqué dans mon papier cette division du monde que fait Mélenchon entre « les nôtres » et « les autres ». Si vous relisez les textes de Mélenchon, vous remarquerez que cette division n’a rien à voir avec la « lutte des classes ». Les « nôtres » ne sont pas forcément des prolétaires, et les « autres » ne sont pas forcément les bourgeois. Ainsi, par exemple, Mélenchon a pu parler de « la condamnation de l’un des nôtres » à propos de Jerôme Kerviel, dont le rapport avec le prolétariat est plutôt lointain. Mélenchon avait aussi déclaré « on a assassiné l’un des nôtres » à propos de Choukrit Belaïd, qui était non pas un prolétaire engagé dans la lutte pour le socialisme, mas un avocat tunisien luttant pour l’instauration dans son pays d’une démocratie bourgeoise. Pour Mélenchon la division entre « les nôtres » et « les autres » est une division idéologique, et n’a rien à voir avec une question de classe. Voir dans ma critique une « attaque contre la lutte des classes » est tout simplement grotesque.
[A part ça, vous vous prétendez de gauche.]
Ou ça ? Là encore vous feriez bien de me lire avant de me critiquer. Non seulement je ne me suis jamais « prétendu de gauche », mais j’ai plusieurs fois expliqué pourquoi pour moi le concept même de « gauche » n’est plus opérationnel.
[Oui, il existe des travailleurs et des rentiers. Ils s’opposent, comme un locataire s’oppose à un propriétaire d’un logement.]
Pas vraiment. Dans le rapport entre propriétaire et locataire, il n’y a pas de production de valeur.
[Cette contradiction ne conduit évidemment pas à la guerre civile, mais l’avoir en tête permet au moins de mener une politique de gauche, dont il existe des variantes : réformiste ou révolutionnaire.]
Pardon, mais… c’est quoi, pour vous, une « politique de gauche » ? Quels sont les critères qui permettent de distinguer une « politique de gauche » et une « politique de droite » ?
[Nier cette opposition du travail et du capital, faire peur en disant qu’elle conduit à la guerre civile, cela mène à ce qu’on appelle la collaboration de classe.]
Vous prêchez un convaincu. Qu’est ce qui vous fait penser que j’ait pu jamais « nier » l’opposition entre capital et travail ?
J’ai dû louper un épisode …je ne vois aucun rapport entre vos dires et l’article de Descartes.
Par ailleurs je ne pense pas que ce soit le vrai Descartes mais cet avatar a des uppercuts qui du moins avec vous m’autorise à le déclarer gagnant par KO
[J’avais montré combien ce raisonnement se retrouve en politique chez les partisans d’une idéologie de « guerre civile » qui fleurissent à l’extrême gauche, et dont la division du monde entre « les nôtres » et « les autres » prônée par Mélenchon est un bon exemple. C’est le même mécanisme qu’on retrouve aujourd’hui dans le discours des gouvernants des grandes puissances lorsqu’il s’agit de préparer psychologiquement les populations à une guerre au moyen-orient]
Je ne savais pas que Mélenchon et l’extrême gauche étaient "partisans d’une idéologie de guerre civile". J’avoue ne pas bien comprendre où vous voulez en venir.
Tout le reste de l’article me paraît d’une sagesse bienvenue.
@ Kadhaffy
[Je ne savais pas que Mélenchon et l’extrême gauche étaient "partisans d’une idéologie de guerre civile". J’avoue ne pas bien comprendre où vous voulez en venir.]
J’ai plusieurs fois abordé cette question. L’extrême gauche construit sa vision du monde sur le postulat que les sociétés sont régies par le pur rapport de forces. En d’autres termes, que les institutions, les procédures, le droit ne sont que des simulacres pour cacher le rapport de forces entre les classes. Dans cette vision, l’ordre institutionnel ne profite qu’à une classe, la classe dominante. Violer les règles, détruire les institutions, disputer à l’Etat le monopole de la violence est donc parfaitement acceptable puisque ces règles n’existent qu’au profit des dominants. Pour ce secteur, la révolution passe nécessairement donc par la violence, par l’affrontement non seulement intellectuel et politique, mais physique.
Cette vision plonge ses racines dans l’Etat-gendarme bourgeois du XIXème siècle. Mais le monde a évolué. L’Etat n’est plus l’instrument des classes dominantes, mais est devenu le fléau de la balance qui permet aux rapports de force de se manifester pacifiquement. Cette transformation a fait reculer radicalement la violence politique et sociale, et ce recul est à l’avantage de tout le monde. Mais l’extrême gauche n’a jamais compris cette évolution, et ne s’y est donc jamais adaptée. Elle continue à prêcher la « violence révolutionnaire » à une classe ouvrière qui a parfaitement compris qu’elle est la première victime chaque fois que la paix civile est menacée. Il était d’ailleurs drôle de constater combien les classes moyennes manifestaient leur sympathie avec les émeutiers des banlieues en 2005, alors que la France populaire était bien plus réservée. Peut-être parce que c’étaient les voitures, les crèches et les bibliothèques des quartiers qui sont partis en flammes, et non celles des quartiers bobos…
Ecoutez Mélenchon, et vous retrouverez dans sa rhétorique tous les éléments de cette vision de la lutte politique comme une « guerre civile ». Pensez qu’au PG un dirigeant peut être exclu pour avoir bu un coup avec un copain marqué « à droite »…
Le rejet violent des méthodes et de l’idéologie fasciste (on peut penser que l’islamisme en est une variété dans un contexte historique précis) me parait salutaire.
Il en est autrement de son utilisation à des fins …
Cette notion même de barbarie est fonction de biens de contextes historiques, géographique etc…
La propagande de guerre américaine alimente la vision de « guerre propre » :
http://www.youtube.com/watch?v=-b5sVan14Iw&list=UUNEEHeS9Y2yFVLbWGeHhbYA&feature=player_embedded
Images mises en ligne par le Pentagone, simple, ludique comme un jeu vidéo non ?
« Les américains soutenaient un Somoza ou un Pinochet, renversaient un Mossadegh ou un Allende en fonction des intérêts économiques ou stratégiques des Etats-Unis. ».
La même chose se pratiquait aussi côté soviétiques
@ morel
[Le rejet violent des méthodes et de l’idéologie fasciste (on peut penser que l’islamisme en est une variété dans un contexte historique précis) me parait salutaire.]
Je ne pense pas qu’il faille galvauder les mots. Avant de qualifier l’islamisme de « fascisme », il faudrait montrer qu’il existe entre les deux mouvements une véritable filiation. Je n’ai jamais vu aucune démonstration convaincante dans ce sens. Le fascisme est un mouvement politique surgi dans un contexte très particulier – celui de l’après guerre de 1914-18 – ou la bourgeoisie avait besoin d’une idéologie capable de faire la pièce à l’énorme attraction qu’exerçait sur les classes populaires la révolution bolchevique. Le fascisme fut avant tout cela, une idéologie de substitution. L’islamisme, lui, se développe dans un contexte totalement différent et pour des raisons qui n’ont aucun rapport. Le fait qu’il puisse, ici ou là, utiliser des arguments ou des méthodes semblables à celles utilisées par les fascistes naguère ne suffit pas à en faire des « fascistes ».
[La propagande de guerre américaine alimente la vision de « guerre propre » :]
Oui, et c’est une vision très dangereuse. Elle enlève à la décision de déclencher une guerre sa dimension tragique. Il n’y a qu’à voir la réaction à la mort de Hervé Gourdel : au délà du drame personnel, nous découvrons brusquement que dans une guerre il y a des gens qui meurent, et que ces gens ne sont pas forcément dans le camp d’en face.
[« Les américains soutenaient un Somoza ou un Pinochet, renversaient un Mossadegh ou un Allende en fonction des intérêts économiques ou stratégiques des Etats-Unis. ». La même chose se pratiquait aussi côté soviétiques]
Et bien non. Si l’on peut trouver beaucoup d’exemples de dictateurs soutenus par les américains au nom de la démocratie, on trouve très peu d’exemples de régimes ultralibéraux soutenus au nom du socialisme. L’URSS a, comme les USA, pratiqué une politique de puissance. Mais pas tout à fait la même. Le soutien des soviétiques à un régime déterminé était bien plus étroitement lié à une communauté d’idéologie, et les soviétiques furent en général très réticents à l’heure de soutenir des gouvernements qui proclamaient un crédo anti-socialiste ou anti-communiste au prétexte que c’étaient « les ennemis de mes ennemis ». Les américains, par contre, on soutenu des dictateurs terroristes – comme Franco, Pinochet ou Somoza – ou des « fous de dieu » comme les Talibans au seul motif qu’ils étaient anticommunistes, et tout ça au nom de la « défense de la démocratie ».
Bonjour Descartes,
Lecteur assidu depuis plus d’un an déjà, je tenais à vous féliciter pour la qualité de vos articles, même si je suis quelquefois en désaccord avec certains, je les trouve toujours parfaitement construit et argumenté, dépourvus de toute afféterie stylistique et intellectuellement stimulant. J’ai beaucoup appris en vous lisant.
Ma question est la suivante: pensez-vous que la démocratie soit vraiment un concept applicable et exportable en dehors du monde occidental, dans des contrées où les systèmes religieux, sociaux et familiaux sont radicalement différents ? Bref le Moyen-Orient (et on pourrait étendre cela à une bonne partie de l’Afrique) est-il vraiment fait pour un système d’organisation politique de démocratie libérale ? Ne se pourrait-il pas que la démocratie ne soit que le meilleur système que pour l’occident ?
Et enfin petite question bonus qui n’a pas grand-chose à voir (quoique..) (si vous y avez déjà répondu dans un article précédent, vous pouvez m’y renvoyez), on qualifie souvent le FN d’anti-républicain, je ne comprends jamais ce qu’on entends par cela et mes recherches sur internet ne m’ont pas plus avancés. Sauriez-vous pourquoi le FN serait anti-républicain et pas les autres partis ? Personnellement je n’ai pas compris pourquoi.
@ Roman
[Lecteur assidu depuis plus d’un an déjà, je tenais à vous féliciter pour la qualité de vos articles, même si je suis quelquefois en désaccord avec certains, je les trouve toujours parfaitement construit et argumenté, dépourvus de toute afféterie stylistique et intellectuellement stimulant. J’ai beaucoup appris en vous lisant.]
Merci. Comme je le dis souvent, c’est agréable de se sentir encouragé dans le travail que j’essaye de faire à travers de ce blog. En retour, n’hésitez pas à participer.
[Ma question est la suivante: pensez-vous que la démocratie soit vraiment un concept applicable et exportable en dehors du monde occidental, dans des contrées où les systèmes religieux, sociaux et familiaux sont radicalement différents ?]
La question que vous posez est très complexe. Déjà, peut-on dire que la démocratie soit un concept opérationnel dans des sociétés claniques comme la Corse ou la Sicile, ou le pouvoir est en fait exercé par des réseaux occultes auxquels les autorités politiques, en théorie élues, sont en fait soumises ?
Il y a dans l’idée de démocratie deux idées essentielles. La première est l’idée de la souveraineté populaire. Lorsque la Révolution française grave dans le marbre « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément » elle ne fait qu’établir le principe fondamental de la démocratie. En démocratie, l’autorité ne peut provenir ni d’une source transcendante, ni du rapport de forces. Elle ne peut émaner que d’une délégation consentie par la Nation.
Difficile donc de parler de « démocratie » dans des sociétés ou l’idée de Nation n’est pas encore constituée. Car la démocratie implique la conviction dans le corps politique d’un destin commun, et donc d’un consensus pour accepter comme légitime la décision prise collectivement. Dès lors que cette idée n’existe pas, que chaque groupe ne pense qu’à son destin à lui et se fout de ce qui arrive aux autres, comment pourrait-il accepter pacifiquement des décisions qui ne vont pas dans le sens de son intérêt étroit ?
Le problème, c’est qu’on confond souvent la démocratie comme structure – ce dont je viens parlé – et la démocratie comme procédure. Beaucoup de commentateurs pensent que la démocratie se réduit au fait que les autorités sont élues dans des élections libres et ouvertes. Mais cela ne suffit pas : la démocratie, ce n’est pas seulement la manière d’élire les dirigeants, c’est la manière dont les normes et les décisions sont élaborées et surtout mises en œuvre. Une société ou le président élu ne peut gouverner qu’aussi longtemps qu’il ne touche pas les intérêts de telle ou telle communauté ou groupe est-elle véritablement « démocratique » ?
[Bref le Moyen-Orient (et on pourrait étendre cela à une bonne partie de l’Afrique) est-il vraiment fait pour un système d’organisation politique de démocratie libérale ? Ne se pourrait-il pas que la démocratie ne soit que le meilleur système que pour l’occident ?]
Encore une fois, le « système » démocratique – c’est-à-dire, le volet procédural – n’est rien s’il n’existe pas derrière un consensus quant à l’application des normes que ces procédures fabriquent. En ce sens, la démocratie n’est pas possible dans beaucoup de pays du monde parce que la Nation et l’Etat, qui sont les deux préalables à un fonctionnement démocratique, n’existent pas vraiment. Il ne faut pas oublier qu’avant d’accéder à la démocratie, nos vieux pays occidentaux sont passés par des phases non-démocratiques qui ont permis la constitution des Etats et des Nations. La même chose vaut pour les autres.
[Et enfin petite question bonus qui n’a pas grand-chose à voir (quoique..) (si vous y avez déjà répondu dans un article précédent, vous pouvez m’y renvoyez), on qualifie souvent le FN d’anti-républicain, je ne comprends jamais ce qu’on entends par cela et mes recherches sur internet ne m’ont pas plus avancés. Sauriez-vous pourquoi le FN serait anti-républicain et pas les autres partis ? Personnellement je n’ai pas compris pourquoi.]
En France, l’extrême droite a été pendant très longtemps anti-républicaine. Et ce n’est pas ses adversaires qui l’ont ainsi qualifié, c’est elle-même qui le déclarait. Ainsi, par exemple, dans les publications d’extrême droite on désignait la République sous le terme méprisant de « la gueuse », et on appelait au remplacement du système républicain, fondé sur la délibération collective, par un régime autoritaire et personnalisé. Relisez la prose de droite des années 1930 et du début des années 1940, et vous verrez cette opposition entre la République honnie et le régime « vertical » dirigé par un véritable « Chef », se développer pour aboutir au langage de la « révolution nationale » sous Vichy.
Après 1945, l’extrême droite a conservé pendant très longtemps cette rhétorique. Même si dans les faits la République est devenue une réalité incontestable – seule une poignée d’indécrottables croient encore au retour à la monarchie – l’extrême droite a continué à vouer aux gémonies l’ensemble des valeurs républicaines, opposant les « hiérarchies naturelles » à l’égalité, la « discipline » et le « culte du chef » à la liberté, le « choc des civilisations » à la fraternité. La matrice du FN a repris ces thèmes, en y ajoutant une bonne pincée de rébellion contre les autorités républicaines héritée de l’OAS. En ce sens, on peut dire que le FN était jusqu’à une date récente une organisation « anti-républicaine ».
Je dis « une date récente » parce que le FN a changé radicalement de posture ces dernières années. D’abord, il rejette toute référence à la violence politique et aspire publiquement à la conquête du pouvoir par les urnes et à l’exercice du pouvoir conquis dans le cadre de la légalité républicaine. Ensuite, il se pose en parti « comme les autres », participant à la délibération collective et acceptant le résultat de cette délibération. Enfin, il a changé radicalement de position quant à la vision de l’Etat, dont il admet aujourd’hui le caractère neutre.
Bonjour,
Je demande ce qu’est devenue l’ONU ?
Pourquoi une coalition dirigée par les USA, qui peut apparaitre comme le "grand Satan" ?
Lors de la première guerre du golfe, c’était aussi une "coalition" comprenant des états arabes. N’étaient-ce pas des faire-valoir ?
La situation actuelle au Moyen-Orient résulte en (grande) partie de la deuxième guerre du golfe menée par les USA. Cette coalition peut aisément être perçue comme une continuation.
Le terme de "barbares" permet de rallier bien des états ayant des enjeux différents et probablement contradictoires. Dans une guerre supposée et présentée comme destinée à être longue, ces contradictions surgiront. Qui restera
@ Paul
[Je demande ce qu’est devenue l’ONU ?]
Je ne comprends pas très bien votre question. L’ONU reste ce qu’elle a toujours été : un forum diplomatique. C’est une organisation qui permet de réunir des gens autour d’une table pour discuter. Et comme tous les forums diplomatiques, l’ONU peut résoudre des conflits quand les parties sont d’accord pour avancer mais ne sait pas comment faire. L’ONU n’a pas été conçue pour être le gendarme du monde.
[Pourquoi une coalition dirigée par les USA, qui peut apparaitre comme le "grand Satan" ?]
Parce que les USA veulent y aller, et ont besoin précisément de cette fiction de « coalition » pour ne pas trop s’exposer diplomatiquement. Mais dans les faits, tout le monde sait que c’est une fiction. Dans une véritable « coalition », les décisions sont prises en commun. L’exemple classique étant les alliés pendant la seconde guerre mondiale, qui se sont réunis plusieurs fois à Yalta, à Téhéran, à Potsdam afin de discuter et de décider des opérations militaires et des buts de guerre. Rien de tel dans les « coalitions » américaines depuis 1945 : à chaque fois, les américains se sont réservé les décisions, le commandement des opérations et l’autorité politique.
[Lors de la première guerre du golfe, c’était aussi une "coalition" comprenant des états arabes. N’étaient-ce pas des faire-valoir ?]
Cela avait commencé bien avant : depuis la guerre de Corée les américains ont à chaque fois caché les interventions américaines derrière la rhétorique de la « coalition ». C’était aussi le cas au Vietnam, et pendant les deux guerres du golfe. A chaque fois, le but est cosmétique.
[La situation actuelle au Moyen-Orient résulte en (grande) partie de la deuxième guerre du golfe menée par les USA. Cette coalition peut aisément être perçue comme une continuation.]
Et la perception serait justifiée. En fait, l’histoire vient de plus loin : On paye les bêtises faites par Reagan dans les années 1980, lorsqu’il décida de soutenir les « moudjahidines » antisoviétiques en passant par le Pakistan et de pousser l’Irak à faire la guerre à l’Iran. Ces interventions ont créé d’une part les conditions de l’explosion de l’Etat afghan puis de la prise de pouvoir des Talibans, de l’autre l’affaiblissement de l’Etat irakien. L’erreur suivante fut d’envoyer les mauvais signaux à Saddam Hussein, qui ont abouti à l’occupation du Koweit, puis le revirement de politique envers le régime irakien qui culmine avec la deuxième guerre du Golfe. Cette suite d’erreurs a complètement déstabilisé et appauvri la région et ouvert la porte aux extrémistes.
[Le terme de "barbares" permet de rallier bien des états ayant des enjeux différents et probablement contradictoires.]
Et dont certains ne sont guère moins « barbares » que les « barbares » qu’ils dénoncent. Il n’y a qu’à voir le régime de quasi-esclavage auquel sont soumis les travailleurs étrangers au Quatar… mais comme disait un président américain parlant de Somoza : « c’est un fils de pute, mais c’est notre fils de pute ».
Bonjour.
Je crois que c’est la première fois que vous écrivez une note sur un sujet international, même si vous ne prenez pas clairement position dans cet article et que vous proposez plutôt une réflexion de fond, comme souvent. Est-ce que vous avez fait le choix, à la création de ce blog, de n’aborder que la politique intérieur ? Je ne me rappelle pas avoir lu une ligne sur les conflits récents, Ukraine, Gaza, Blabla… Est-ce que vous estimez ne pas avoir votre avis à donner sur la politique extérieure de la France ? La géopolitique en général ? Peut-être pensez-vous ne pas avoir suffisamment de clés en main ?
Quoi qu’il en soit, votre comparaison entre la décapitation et la chaise électrique n’est pas sans me rappeler la dernière "polémique" (TM), le dernier "dérapage" (TM), de Dieudonné. Dans une vidéo récente, il a rappelé que la décapitation, dont a été victime "Feu Folley" (vidéo soumise à une controverse au niveau du tournage d’ailleurs puisqu’elle aurait été tournée en studio, cf un article de l’Express, un reportage de CBS aux USA et un autre sur une chaine allemande je crois, de quoi encourager les théories du complot les plus folles… les bédouins terroristes, ils se prennent pour Spielberg maintenant…le comble), a aussi été utilisé à l’époque de la révolution (et après) et qu’elle représentait alors le Progrès, la fin de l’ancien régime, la justice populaire ! Bien entendu, il avait aussi rajouté un commentaire sur des photos d’africains décapités par des militaires (Portugais à priori, il avait d’abord dit Français avant de se faire reprendre dans les commentaires) au temps des colonies, en rappelant la fameuse phrase de J. Ferry sur les races supérieures et les races inférieures. Là encore, la décapitation était synonyme de Progrès, de civilisation. La ficelle de la repentance est grosse, et je suis persuadé que cette dernière remarque ne vous surprendra pas puisque je sais que vous condamnez – à juste titre – la concurrence victimaire et la culture de la repentance que Dieudonné met souvent en avant alors qu’il est supposé la dénoncer.
Enfin, tout ceci n’était que de l’humour noir, de la provocation pour montrer que les barbares d’aujourd’hui utilisent des procédés que nous avons utilisé pour la civilisation, pour le Progrès. C’était jadis, okay, maintenant chez nous mettre une gifle ou une mauvaise note est devenu barbare, mais quand même. La vidéo était donc juste un moyen pour dire que l’Occident jouait un peu vite les vierges effarouchées. Alors voilà, il a pris tout le système médiatique sur la théière et une plainte a été déposée pour "apologie d’acte terroriste", au moment même – par le plus grand des hasards – ou les peines vont être renforcées pour ce motif.
Aussi, Hervé Gourdel, innocent, a été assassiné par des jihadistes. Catastrophe ! Cataclysme ! Prime-Time ! Ouragan ! Cotillons ! Branle-bas de combat ! 24h de silence ! Drapeaux en berne pour Noël ! Cependant, quand des civils meurent à cause des bombardements de la coalition pétrodollarigène… Vesse… à peine une brève dans les médias… pas tellement nos oignons après tout… Notez que je trouve ça parfaitement normal, qu’on s’enflamme quand un compatriote se fait zigouiller, mais une telle disproportion dans les médias à la botte du mondialisme, du métissage et des Droits de l’Homme appliqués à la planète entière… merdre alors !
Les droits de l’Homme, l’esprit des Lumières, il n’en reste qu’une mauvaise soupe tiède pour dégénérés en manque de spiritualité, un Christianisme dévoyé, universaliste et humanitaire, tout juste bon à justifier des bombardements et des renversements de régimes "autoritaires" pour l’avènement de la génialissime, sérénissime, enculissime démocratie d’opinion et de marchés.
Si on m’avait demandé mon avis à moi… mais j’aurais soutenu B. El Assad immédiatement. Pas de révolution "colorée", pas de jihad. Seulement, le mec à libéré des jihadistes en masse paraît-il, amnistie 100%, tout le monde dehors ! à vos flingues et vos corans ! Il a bien encouragé la merde le type, et puis alors on veut maintenant nous convaincre qu’il achète du pétrole à l’État Islamique. Décidément, il est taquin Bachar. C’est un tel merdier l’étranger, la géopolitique, on l’imp
Ah au fait, où en est BHL ? On l’attend toujours sur le front en Irak, avec ses fioles d’amphétamines, son Talmud expliqué au nuls, sa kalashnikov et ses myriatonnes de photographes au train, qu’il montre l’exemple au lieu de se pavaner à coups de millions sur les plateaux télé pour sa pièce de théâtre indigeste de niaiseries ou pour s’exprimer en Ukraine au nom de la France…
C’est un tel merdier l’étranger, la géopolitique, on a l’impression de se faire rouler dans la farine de tous les côtés. Se faire une opinion c’est naviguer en radeau sur les chutes du Niagara, faire le Vendée Globe avec des palmes et un tuba, submergés qu’on est d’informations contraires et re-contraires, d’experts et de re-experts, de mensonges et de re-mensonges.
Ah, je suis fâché tout rouge ! Je comprends que vous évitiez les sujets internationaux ! (non)
Aller, après toutes ces âneries, bonne journée Descartes.
@ Courtial des Pereires
[Je crois que c’est la première fois que vous écrivez une note sur un sujet international, même si vous ne prenez pas clairement position dans cet article et que vous proposez plutôt une réflexion de fond, comme souvent. Est-ce que vous avez fait le choix, à la création de ce blog, de n’aborder que la politique intérieur ?]
En fait, j’ai déjà abordé une ou deux fois des sujets internationaux. Si je ne le fais que très rarement, c’est parce que sur ces sujets il est un peu trop facile de dériver sur le mode « café du commerce ». Je suis capable, avec un minimum d’éléments factuels, d’analyser l’actualité française parce que je connais les acteurs, je connais leur histoire… alors que pour parler de l’actualité de l’Ukraine ou de Gaza, je ne peux que me fier aux journaux, et je n’ai pas besoin de vous dire combien ce que disent les journaux est peu fiable.
J’essaye – à vous de me dire si j’y arrive – de ne pas tomber dans le « café du commerce » ou dans la prise de position moralisante. Or, pour les raisons que j’ai exposé ci-dessus, il est très difficile de parler des questions internationales, lorsqu’on n’est pas un expert, sans tomber dans l’un ou l’autre de ces travers. C’set pourquoi, lorsque j’aborde un sujet international, je le fais avec la plus grande prudence… et j’essaye de poser les problèmes sans prendre position. Faut rester modeste.
[Quoi qu’il en soit, votre comparaison entre la décapitation et la chaise électrique n’est pas sans me rappeler la dernière "polémique" (TM), le dernier "dérapage" (TM), de Dieudonné.]
Objection, votre honneur. Je n’ai pas « comparé » in abstracto la décapitation et la chaise électrique. J’ai souligné que ceux qui ont recours à l’une des méthodes sont qualifiés de « barbares » et pas les autres. Mais la conclusion – implicite mais à mon avis claire – de ma réflexion était que les deux méthodes sont barbares, et que si nous avons tort quelque part, c’est lorsque nous tolérons la chaise électrique sans réagir. Dieudonné, lui, tire la conclusion inverse : il nous conteste le droit de dénoncer l’exécution de Folley au prétexte que nous – et quand je dis « nous » je pense à cette civilisation occidentale que Dieudonné dénonce – n’aurions pas dénoncé la guillotine.
Par ailleurs, il y a une différence objective entre la guillotine de la Révolution ou de la République, et la décapitation des prisonniers par EI. Sans même avoir recours à l’argumentation morale contre la peine de mort – que je ne partage pas forcément – l’exécution capitale instituée par la Révolution ou la République avait pour objectif la défense de la société. Il s’agissait d’écarter définitivement de celle-ci les individus qui, par leur comportement, pouvaient porter atteinte à l’ordre social ou politique. Ce n’est pas du tout le cas pour ce qui concerne EI, qui ne justifie pas ces exécutions par des arguments de nature pénale. Les personnes assassinées ne menacent pas le régime instauré par l’EI : dans le cas d’Hervé Gourdel, assassiné à des milliers de kilomètres de l’Etat en question, c’est une évidence. Les exécutions dont parle Dieudonné étaient des actes de politique pénale. On peut débattre longuement pour savoir s’ils étaient justes ou injustes, mais leur motivation était claire. On ne guillotinait pas les gens pour faire plaisir au président de la République. Et on les tuait de la manière la plus douce possible, parce que le but n’était pas le spectacle de la souffrance. Tout le contraire des agissements d’EI.
[Enfin, tout ceci n’était que de l’humour noir, de la provocation pour montrer que les barbares d’aujourd’hui utilisent des procédés que nous avons utilisé pour la civilisation, pour le Progrès.]
C’était précisément mon point. La « barbarie » ne réside pas dans les méthodes, mais dans les buts que ces méthodes poursuivent. Toutes les méthodes que l’occident dénonce comme « barbares », il les a utilisées dans le passé.
[La vidéo était donc juste un moyen pour dire que l’Occident jouait un peu vite les vierges effarouchées.]
Ne jouez pas les ingénus. Dieudonné et ses amis n’ont que faire de l’analyse historique. Ils sont dans une logique de propagande. Oui, c’est vrai, l’occident utilise l’accusation de « barbarie » comme instrument de propagande. Mais en cela, il n’est pas tout seul : ainsi, Dieudonné lui même dénonce chaque fois qu’il le peut les exécutions, les tortures et autres « barbaries » des colonisateurs blancs, mais est d’une timidité de violette lorsqu’il s’agit d’évoquer les « barbaries » que les noirs africains se sont fait entre eux. Car pour peu, on oublierait que les peuples africains n’étaient pas particulièrement modérés lorsqu’ils avaient l’opportunité de massacrer leurs voisins ou les réduire à l’esclavage.
C’est pourquoi je n’accepte pas que vous me compariez avec Dieudonné. Sa position, c’est de dire « les barbares ne sont pas ceux qu’on nous dit », et partant de là de choisir ses « barbares ». Ma position est qu’il n’y a pas à proprement parler de « barbares ». C’est une catégorie qu’on sort aujourd’hui pour des raisons de propagande mais qui ne fait qu’obscurcir les faits.
[Aussi, Hervé Gourdel, innocent, a été assassiné par des jihadistes. Catastrophe ! Cataclysme ! Prime-Time ! Ouragan ! Cotillons ! Branle-bas de combat ! 24h de silence ! Drapeaux en berne pour Noël ! Cependant, quand des civils meurent à cause des bombardements de la coalition pétrodollarigène…]
Quand le civil qui meurt est un français, lui aussi a droit au « prime time ». Il ne faut pas tout confondre : il est trivial de dire que nous sommes plus sensibles à la mort des gens qui nous ressemblent qu’à celle des autres. C’est peut-être triste, mais c’est comme ça. En apprenant la mort d’Hervé Gourdel, on se dit que c’aurait pu être vous et moi. Quand on apprend la mort d’un gazaoui, on n’a pas cette réaction. Cela étant dit, il est évident qu’une partie du battage autour de la mort de Gourdel doit beaucoup aux besoins de la propagande de guerre. En particulier, je trouve moi aussi excessif de mettre les drapeaux en berne. La mort d’Hervé Gourdel est certainement terrible, mais il n’est tout de même pas mort pour la France.
[Les droits de l’Homme, l’esprit des Lumières, il n’en reste qu’une mauvaise soupe tiède pour dégénérés en manque de spiritualité, un Christianisme dévoyé, universaliste et humanitaire, tout juste bon à justifier des bombardements et des renversements de régimes "autoritaires" pour l’avènement de la génialissime, sérénissime, enculissime démocratie d’opinion et de marchés.]
C’est pas faux…
[Si on m’avait demandé mon avis à moi… mais j’aurais soutenu B. El Assad immédiatement. Pas de révolution "colorée", pas de jihad.]
En Syrie comme ailleurs on a fait un peu trop de morale et pas assez de (real)politique. Il n’est pas interdit de soutenir une rébellion lorsqu’on pense que celle-ci a des chances de gagner et de gouverner mieux que le gouvernement en place. Mais soutenir une rébellion faible, divisée, sans véritable « tête », c’est s’embarquer dans un processus hasardeux qui affaiblit les institutions en place sans pour autant faire surgir de nouvelles. A ce jeu, l’Etat se fragmente, se dilue, et dans le vide résultant fleurissent toutes sortes d’aventuriers.
[Ah au fait, où en est BHL ? On l’attend toujours sur le front en Irak, avec ses fioles d’amphétamines, son Talmud expliqué au nuls, sa kalashnikov et ses myriatonnes de photographes au train, qu’il montre l’exemple au lieu de se pavaner à coups de millions sur les plateaux télé pour sa pièce de théâtre indigeste de niaiseries ou pour s’exprimer en Ukraine au nom de la France…]
BHL se fait vieux, lui aussi… au delà du troisième lifting, il est déconseillé de se balader sur les théâtres de conflit. L’assurance du chirurgien ne vous couvre plus, voyez vous…
[C’est un tel merdier l’étranger, la géopolitique, on a l’impression de se faire rouler dans la farine de tous les côtés.]
Pas du tout. Il y a deux principes majeurs qui rendent la politique internationale parfaitement compréhensible. La première, c’est que « un état n’a pas d’amitiés, il n’a que des intérêts ». La seconde, c’est la formule de Ben Gourion : « les états choisissent toujours la politique la plus raisonnable… après avoir essayé toutes les autres ». La véritable difficulté, c’est d’avoir accès aux faits. C’est un peu ce que je disais au début de ce commentaire : lorsqu’on parle de politique nationale, la possibilité de raconter n’importe quoi est limité par le fait que chacun de nous a une connaissance directe de ce qui se passe dans notre pays et de son histoire. Quand il s’agit de politique internationale, on peut raconter à peu près n’importe quoi sans que le test de cohérence nous ramène à la réalité. C’est d’ailleurs pourquoi on trouve beaucoup plus de « gourous » dans les questions internationales que dans les autres. Si BHL avait raconté sur la politique française la moitié des conneries qu’il a raconté sur la Bosnie, il serait dix fois plus ridicule qu’il ne l’est.
Vous êtes trop catégorique sur Dieudonné selon moi. Je n’entends pas modifier d’un iota votre vision du personnage, mais je pense que vous exagérez et qu’il serait plutôt sur la ligne du "il n’y a pas de barbares" comme vous-même. J’ai compris sa vidéo dans ce sens là de mon côté, et je pense que bien d’autres spectateurs ont saisi la même chose. Je ne crois pas non plus qu’il nierait que les africains se sont joyeusement massacrés et réduits en esclavage pendant des siècles sans intervention de l’Homme blanc. J’avoue que c’est l’aspect de Dieudonné que j’apprécie le moins, le fait qu’il ait toujours tendance à en rajouter dans le côté victimisation sur l’esclavage, etc. Cependant, il y a quelques mois le CRAN voulait taper au porte monnaie de l’État pour obtenir des dédommagements par rapport à la traite négrière et Dieudonné s’est clairement foutu de leurs poires (ouf, j’ai évité la banane…). Passons là-dessus, vous n’avez rien à voir avec Dieudo ça c’est entendu, mais vous m’y avez fait penser quand même :).
Je vois que je n’étais pas loin en vous posant les questions que je vous ai posé. J’avais ce pressentiment, que vous mettiez plus ou moins volontairement l’international de côté par manque de précision. Il y a de quoi faire sur le net remarquez, propagande de tous les côtés. Personnellement, la politique étrangère de la France me touche beaucoup plus que la politique intérieure. Dans les commentaires des grands sites d’informations "certifiés conformes" – parce que les autres de la "dissidence", "réinfosphère" et autre "branlettosphère" c’est une évidence – il y a énormément d’utilisateurs (dont certains viennent des sites sus-moqués bien sûr) qui sont plutôt en faveur d’un rapprochement avec la Russie, d’un dialogue avec B. El Assad, qui condamnent fortement Israël, etc. Toutefois, cela me désole que ces gens ne soient absolument pas représentés par la politique extérieure de notre pays. Cela m’ennuie que des Russes par exemple puisque avoir un apriori négatif sur la France par "reductio ad Hollandum / Fabiusum", essentialisme de bas étage. Je fréquente beaucoup de forums internationaux et les vannes sur la France et les aprioris ça y va. Enfin bref, voilà que je pleurniche comme une fillette maintenant, pas jojo !
Oh, tenez, une petite information au passage. Je suis tombé l’autre jour sur le site d’un libanais syndicaliste qui s’est fendu il y a un moment déjà d’un article sur votre blog. Il vous fait un procès en maréchalisme (FN en fait) et en sarkozysme (cf article que vous avez écrit lors de sa défaite, comme quoi on ne pourra plus tout lui foutre sur le dos). Pensez-vous ! Le drapeau Français et la citation patriotique en latin par dessus le marché ! Comme vous cherchez ! Il savait plus où il était le mec, incapable de raccorder deux neurones ! Et les clichés sur la vraie-gauche alors !? Y a plus de respect monsieur le philosophe !? Il en profite d’ailleurs pour donner votre supposée identité. Il n’y mentionne toutefois pas votre adresse, votre plat préféré ni votre numéro de téléphone. Curieux… et dommage, j’aurais aimé vous envoyer des SMS :p.
P.S : Je n’avais pas relu mon message précédent écrit à la hâte, pardon pour les fautes et l’erreur de copier / coller.
@ Courtial des Pereires
[Vous êtes trop catégorique sur Dieudonné selon moi. Je n’entends pas modifier d’un iota votre vision du personnage, mais je pense que vous exagérez et qu’il serait plutôt sur la ligne du "il n’y a pas de barbares" comme vous-même.]
Je persiste à penser que vous vous trompez. Dieudonné est dans une vision manichéenne, avec les « bourreaux » d’un côté, et les « victimes » de l’autre. Et lui, bien évidemment, du côté des « victimes ». Et cette qualité est pour lui essentielle : pas plus les noirs ne peuvent échapper à leur condition de « victimes » que les blancs à leur condition de « bourreaux ». Tout le contraire de la vision universaliste à laquelle j’adhère, qui en déclarant que tous les hommes « naissent libres et égaux en droit » acceptent qu’ils sont tous potentiellement capables des mêmes crimes comme des mêmes vertus.
Pour Dieudonné, les « barbares » sont bien identifiés. Pire, leur caractère de « barbares » n’est pas contingente, mais essentielle.
[Je ne crois pas non plus qu’il nierait que les africains se sont joyeusement massacrés et réduits en esclavage pendant des siècles sans intervention de l’Homme blanc.]
Je pense au contraire qu’il le nierait. Et qu’il accuserait de « racisme » tous ceux qui auraient le mauvais goût de le rappeler. Rappellez vous du scandale provoqué par l’excellent livre de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau (« Les traites négrières », Gallimard, 2004). Ce travail d’une rare érudition a provoqué la colère de la France « diversitaire ». Son crime ? Replacer la traite négrière « occidentale » dans le contexte plus général des traites négrières vers l’espace arabo-musulmane (dit « orientale ») et celles intra-africaines. Et démontrer, avec des arguments fort convaincants, que la traite négrière n’était nullement un « génocide », et que loin de vouloir exterminer leur marchandise les négriers faisaient des efforts considérables pour la transporter dans les meilleures conditions pour pouvoir la valoriser.
Cette démonstration lui valut non seulement d’être accusé de « racisme », mais d’être poursuivi pour « négation de crime contre l’humanité » en application de la « Loi Taubira » du 23 mai 2001 qui qualifie la traite négrière de « crime contre l’humanité ». La plainte sera retirée devant la violence des réactions de la communauté universitaire, mais Christiane Taubira elle même déclarera que le fait qu’un enseignant universitaire enseigne de telles thèses « pose problème ».
Dieudonné est très proche des logiques du CRAN ou des associations qui ont déposé la plainte contre Pétré-Grenouilleau. Il reste dans la logique d’une Afrique idyllique dont le bonheur fut brisé par l’arrivée de l’homme blanc.
[Cependant, il y a quelques mois le CRAN voulait taper au porte monnaie de l’État pour obtenir des dédommagements par rapport à la traite négrière et Dieudonné s’est clairement foutu de leurs poires (ouf, j’ai évité la banane…).]
Oui, mais pour de mauvaises raisons. Le CRAN critique depuis longtemps Dieudonné pour des raisons tactiques. Alors que Dieudonné tend à opposer les « victimismes » noir et juif, le CRAN est plutôt dans la logique d’un « front commun des victimes » contre l’Etat. D’où les critiques du CRAN contre Dieudonné pour se démarquer de lui, et en réponse les attaques de Dieudonné contre le CRAN. Mais dans les discours des uns et des autres, on retrouve la même vision idyllique et pastorale des « gentils » noirs opprimés par les « méchants » blancs. La question des exploitations intra-africaines n’est jamais posée ni par l’un, ni par l’autre.
[Personnellement, la politique étrangère de la France me touche beaucoup plus que la politique intérieure.]
Là encore, ma réflexion personnelle me conduit à être d’accord avec De Gaulle : la « grande » France n’est elle même que quand elle pense le monde. Il faut penser la politique extérieure et la politique intérieure dans une continuité. J’ai plusieurs fois critiqué ici cette « petite France » qui croit que les « territoires » – terme que la novlangue que nos élites politico-médiatiques ont inventé pour désigner l’infâme superposition de structures locales que nous ont légué trente ans de décentralisation – sont l’alpha et l’oméga de la politique.
[Oh, tenez, une petite information au passage. Je suis tombé l’autre jour sur le site d’un libanais syndicaliste qui s’est fendu il y a un moment déjà d’un article sur votre blog (…)]
Je ne vois pas de qui il peut s’agir… faudrait indiquer le lien !
Aaaah, mais voici ! Voici !
http://www.jacques-toutaux.pro/article-le-blog-descartes-de-sarkozy-au-fn-119183794.html
@ Courtial des Pereires
Ah, vous parlez de celui-là… oui, je l’avais vu en son temps. Pas très intéressante comme critique.
Prenant très au sérieux,les pbs de guerre,je vous soumets à votre sagacité, ce texte trouvé sur un site: ‘ Tunisie secret’..
‘Le jeudi 2 octobre 2014, le parlement turc a validé la demande des Frères musulmans au pouvoir dans ce pays de mener des actions militaires en territoires syrien et irakien. Pour entrainer l’adhésion du puissant voisin iranien et principal allié de la Syrie, le frère musulman Erdogan invoque l’intérêt de tous les pays de la région d’éradiquer le cancer daeshien. Il est vrai que Daesh, dernier monstre sorti des laboratoires américain et israélien, constitue une menace réelle sur l’Iran, la Turquie, l’Arabie Saoudite et évidemment les deux principales victimes que sont la Syrie et l’Irak.
Conscient du danger, le régime islamiste turc veut employer les gros moyens avec l’aval et le soutien logistique de l’OTAN dont il est membre. Déjà en guerre par procuration contre la Syrie depuis plus de trois ans, Erdogan ne désespère pas de faire d’une pierre deux coups : éliminer Daesh et faire tomber le régime de Bachar Al-Assad. Très impliquée dans la destruction de la Syrie et le soutien au djihadisme terroriste autant que le Qatar, la Turquie islamiste cherche à présent à se prémunir de Daesh tout en poursuivant son objectif stratégique qu’elle partage avec son allié objectif Israël : la destruction puis la partition de la Syrie et de l’Irak.
Selon l’agence iranienne IRIB, l’ambassadeur d’Iran en poste à Moscou s’est entretenu, vendredi dernier, avec le représentant de Poutine, pour le Moyen-Orient, des derniers développements liés à l’Irak et à la Syrie. Au menu des discussions, la Syrie, l’Irak, le terrorisme qui les frappent, et les tentatives américaines de recomposer le Moyen-Orient. Les deux parties ont convenu de leurs convergences de vue et de positions, au sujet de ces dossiers, et ont réaffirmé que toute action militaire contre Daesh devrait se faire dans le cadre du Conseil de sécurité et des lois internationales.
Moscou et Téhéran n’ont cessé de critiquer, ces trois dernières années, le soutien des Etats Unis et de l’Occident aux « révolutionnaires » en Syrie, le qualifiant de facteur d’alimentation et de propagation du terrorisme islamiste. Après Hassan Rohani, le président iranien, qui a condamné ce soutien au terrorisme dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, le ministre des Affaires étrangères russe, Lavrov, a mis en garde contre les politiques occidentales, au Moyen-Orient, « qui ne font qu’étendre le terrorisme ». Certains observateurs politiques évoquent, à travers les concertations irano-russes, des préparatifs en vue de faire avorter les nouvelles ruses occidentales.
Combien de temps va encore durer l’alliance « sacrée » entre la Russie, l’Iran et la Syrie ? Plusieurs analystes se posent la question. S’il n’est plus possible d’imaginer un quelconque fléchissement du soutien russe à l’égard de la Syrie, rien n’est certain du côté iranien. Depuis l’arrivée d’Hassan Rohani au pouvoir, l’hypothèse d’un revirement iranien n’est pas totalement exclue pour deux principales raisons : la levée de l’embargo sur l’Iran qui étouffe l’économie iranienne à cause du dossier nucléaire, et la convergence ponctuelle de certains intérêts iraniens et qataris.
En effet, beaucoup ignorent qu’outre l’exploitation commune du gaz et du pétrole, le Qatar est le seul émirat par lequel transitent toutes les opérations financières et bancaires de l’Iran depuis sa mise sous embargo par l’Occident sous les injonctions d’Israël et de son puissant lobby aux Etats-Unis et en Europe.
C’est avec toutes ces considérations tactiques et stratégiques que le petit calife d’Istanbul et grand chef de la secte des Frères musulmans va devoir jongler pour s’attaquer militairement à la Syrie. Pour Recep Tayyip Erdogan, c’est la quadrature du cercle !’
@ Paul
[Prenant très au sérieux les pbs de guerre, je vous soumets à votre sagacité, ce texte trouvé sur un site: ‘ Tunisie secret’..]
Ma « sagacité » doit être en vacances… je ne trouve à cet article le moindre intérêt. En dehors d’un rappel assez ennuyeux de faits bien connus, avec une petite tendance – traditionnelle dans la presse arabe – de mêler Israël à n’importe quoi (en quoi Daesh serait sorti des « laboratoires israéliens » ?).
Accessoirement, évitez de recopier de longs articles extraits du net. Les commentaires de ce blog sont réservés à l’échange d’idées personnelles, et non à afficher des textes piqués ici ou là. Si vous trouvez un texte intéressant, autant le partager en publiant un lien.
Bonjour,
une question sur un événement "anecdotique".
J’ai entendu que le gouvernement allait supprimer (ou a supprimé) les bourses qui étaient données aux élève qui avaient la mention "très bien" au bac.
Il me semble que cela va bien dans le sens de l’abandon progressif de la méritocratie républicaine, pour en revenir à la traditionnelle pratique du piston. On est aidé avant tout par sa famille (son clan) pour atteindre les postes importants.
De plus cela va bien dans l’idéologie du caractère stigmatisant des "bonnes" notes pour ceux qui n’en ont pas.
Je ne serai pas surpris que dans quelques années on donne des bourses à ceux qui ont eu des mauvaises notes aux bac. Officiellement parce que c’est pas leur faute, mais celle de leur "milieu". Ce sont des "victimes". De plus cela aurait l’avantage d’encourager les élèves des milieux moins favorisés à ne pas travailler pour avoir la bourse de compensation. Le rêve, car cela diminuerait la concurrence pour les postes qui demandent de savoir lire et écrire, et les milieux dirigeants savent bien que c’est nécessaire, et sauront inciter leurs enfants, bourse ou pas, à travailler à l’école.
J’aimerai savoir comment vous voyez cette question.
Merci.
@ marc.malesherbes
[J’ai entendu que le gouvernement allait supprimer (ou a supprimé) les bourses qui étaient données aux élève qui avaient la mention "très bien" au bac.]
Elles devaient être supprimées pour la rentrée 2013, mais devant les protestations le gouvernement avait décidé d’accorder un an de sursis au dispositif. La suppression était inscrite en loi de finances 2014, et appliquée à la rentrée universitaire.
[Il me semble que cela va bien dans le sens de l’abandon progressif de la méritocratie républicaine,]
Comment osez vous ! Au contraire, c’est une mesure « de gauche », prise par un gouvernement de gauche, et destinée à mettre fin à une discrimination sociale éhontée. Comment tolérer qu’on donne 1800 € aux étudiants méritants aux ressources modestes, alors que les rejetons des classes moyennes qui ne foutent pas un pan n’ont rien ? D’ailleurs, voici ce que déclare notre ministre de l’Education Nationale – si, si – Najat Vallaud-Belkacem, commentant la disparition des bourses :
« Notre devoir c’est de permettre au plus grand nombre d’étudiants de démontrer le leur de mérite (…) Depuis trois rentrées, c’est 450 millions de plus pour les bourses, avec beaucoup plus de boursiers, et 130.000 boursiers de plus qui viennent des classes moyennes ».
C’est clair, n’est ce pas ? Le but, ce n’est pas d’aider les étudiants méritants à aller le plus loin possible quelque soient leurs ressources. C’est de saupoudrer les crédits pour que tout le monde ait quelque chose, et surtout, surtout, qu’il y ait « plus de boursiers qui viennent des classes moyennes ». J’avoue que j’ai la honte quand j’apprends que le seul parti à avoir pris clairement position au niveau national contre l’abolition des bourses au mérite est le FN…
Encore une fois, on voit le fonctionnement des classes moyennes : le but n’est pas seulement de bien éduquer ses enfants, c’est aussi d’empêcher que les enfants des autres puissent devenir, grâce au soutien de la collectivité, des concurrents de leurs propres enfants.
[Je ne serai pas surpris que dans quelques années on donne des bourses à ceux qui ont eu des mauvaises notes aux bac. Officiellement parce que c’est pas leur faute, mais celle de leur "milieu". Ce sont des "victimes".]
Et puis, ils présentent l’avantage de ne pas venir concurrencer les classes moyennes dans leurs fiefs. Aider le mauvais élève d’Aubervilliers à devenir un bon maçon grâce à l’apprentissage – le dernier dada pédagogique de nos élites – ne menace pas le fils de famille. Aider le fils d’immigré méritant à devenir polytechnicien… cela fait une place de moins pour celui-là.
[J’aimerai savoir comment vous voyez cette question.]
Comme vous suivez ce blog depuis longtemps, je pense que vous connaissez ma position. Une société définit récompenses et punitions en fonction des comportements qu’elle entend encourager ou au contraire décourager. Une société qui récompense l’effort et le mérite pousse ses citoyens à se dépasser. Et une société ou les citoyens cherchent à se dépasser, à devenir plus cultivés, plus savants, plus efficaces, plus ouverts, est une société meilleure. Une société qui récompense la paresse, l’irresponsabilité, l’ignorance, la déviance est une société qui cultive des comportements qui, en dernière instance, l’appauvrissent et la rendent moins agréable à vivre.
Que la collectivité aide les plus faibles, quoi de plus normal. Mais cette aide ne devrait jamais être inconditionnelle. Si la collectivité aide l’un de ses membres, elle a droit en retour d’exiger certains comportemnts de celui qui la reçoit. Que le chômeur qui cherche du travail, qui fait tous les efforts raisonnables pour en trouver et qui n’y arrive pas bénéficie de la solidarité de tous, je suis 100% pour. Mais au nom de quel principe devrions nous aider celui qui ne fait aucun effort ? Qu’on donne des bourses à ceux qui passent leurs journées à étudier, 100% d’accord. Mais pourquoi devrait-on en accorder à ceux qui ne foutent rien ?
L’idée méritocratique est inséparable de la République. Dès lors qu’il n’y a plus de Dieu pour nous menacer de l’enfer, comment encourager la vertu et combattre le vice si la société ne réserve les récompenses aux premiers et les punitions aux seconds ?
Je vous prie de bien vouloir m’excuser de cette réponse tardive motivée par des impératifs indépendants de ma bonne volonté.
Concernant le comparatif USA/URSS, j’avais en tête votre phrase :
« La politique internationale pendant la guerre froide était une affaire de cyniques. Les américains soutenaient un Somoza ou un Pinochet, renversaient un Mossadegh ou un Allende en fonction des intérêts économiques ou stratégiques des Etats-Unis. »
Et il ne me semblait pas abusif de « renvoyer le miroir ». Le tout étant affaire de zone d’influence.
Sur l’islamisme et le fascisme : pour être franc, je souhaitais lancer un ballon d’essai pour avoir votre opinion.
Si je crois qu’on doit manier avec prudence cette notion, je ne suis pas sûr qu’on doive restreindre la définition du fascisme à une étroite période historique.
A cette phase de réflexion, je ne sais pas trancher. Beaucoup d’éléments vont dans ce sens : « guide » (Iran, Hezbollah), idéologie de « l’homme nouveau » ou élu (la différence tient plus au fait que celui-ci ne soit pas inscrit dans le « sang » mais dans une autre idéologie ne me semble pas si fondamental). Ajoutons à cela la base sociale petite bourgeoise (rôle du bazar en Iran par ex ) ; le prolétariat embryonnaire ou non n’est pas acteur de ce mouvement et il s’exerce objectivement contre ses intérêts (qui peut imaginer un vrai syndicalisme dans ce contexte ?). La violence dont ils n’ont pas le monopole et aussi l’idéologie « totalitaire ».
Concernant la différence : réaction suite à la mise en échec des nationalismes arabes.
Rapide résumé, qu’en pensez-vous ?
@ morel
[Je vous prie de bien vouloir m’excuser de cette réponse tardive motivée par des impératifs indépendants de ma bonne volonté.]
Vous êtes tout excusé. J’avoue que j’ai moi aussi beaucoup de travail en ce moment, et pas beaucoup de temps pour consacrer à ce blog.
[Et il ne me semblait pas abusif de « renvoyer le miroir ». Le tout étant affaire de zone d’influence.]
Mais vous voyez bien qu’il y a des différences de taille. L’URSS a essentiellement soutenu des régimes avec lesquels elle avait un affinité idéologique. Dans sa « zone d’influence », l’URSS a appliqué aux autres les mêmes logiques qu’elle appliquait chez elle. Il n’y avait pas de différence fondamentale entre les conceptions juridiques, politiques, sociales, économiques ou militaires mises en œuvre dans l’URSS même et celles imposées en RDA ou à Cuba.
Le cas est très différent pour les USA : il y a une opposition totale entre les principes mis en œuvre à l’intérieur, avec un attachement sourcilleux à la démocratie, la liberté, l’état de droit, et les principes imposés aux pays de la zone d’influence. Le régime de Honecker ressemble beaucoup à celui de Brezhnev. Diriez-vous que le régime de Pinochet ou de Somoza ressemblait à celui de Nixon ou de Reagan ?
C’est pourquoi le « miroir » que vous renvoyez est biaisé. Si la guerre froide était affaire de cyniques, ce cynisme ne s’est pas du tout manifesté de la même manière. L’URSS a créé dans sa zone d’influence un système idéologiquement cohérent, alors que la zone d’influence américaine a vu naître un système dual : démocratie et droits de l’homme pour les « riches », dictatures et corruption pour les autres.
[Sur l’islamisme et le fascisme : pour être franc, je souhaitais lancer un ballon d’essai pour avoir votre opinion. Si je crois qu’on doit manier avec prudence cette notion, je ne suis pas sûr qu’on doive restreindre la définition du fascisme à une étroite période historique.]
Dans ce cas, il faudrait proposer une définition : qu’est ce que vous appelez précisément « fascisme » une fois détaché de son contexte historique ?
[A cette phase de réflexion, je ne sais pas trancher. Beaucoup d’éléments vont dans ce sens : « guide » (Iran, Hezbollah), idéologie de « l’homme nouveau » ou élu (la différence tient plus au fait que celui-ci ne soit pas inscrit dans le « sang » mais dans une autre idéologie ne me semble pas si fondamental). Ajoutons à cela la base sociale petite bourgeoise (rôle du bazar en Iran par ex ) ;]
Dans le sens ou vous l’énoncez, le Vatican serait un pays « fasciste ». On y trouve le « guide », on y trouve la même vision d’un « homme nouveau » à travers la rédemption, une base sociale petite bourgeoise…
Sortir le « fascisme » de son contexte pour ne retenir que quelques caractéristiques – celles qui vous arrangent – permet de qualifier de « fasciste » presque tout. Je vous rappelle que l’une des caractéristiques du fascisme historique est sa fascination pour la technique et pour la modernité. Pensez-vous qu’on trouve cela chez les islamistes ?
Non, l’islamisme n’a rien de « fasciste ». C’est une idéologie réactionnaire, au sens qu’elle pense trouver toutes les réponses dans le passé et refuse toute idée de modernité. C’est une idéologie totalitaire, au sens qu’elle ignore toute séparation entre sphère publique et sphère privée. C’est une idéologie holiste, au sens qu’elle ne conçoit l’individu que comme un rouage de la communauté. Mais ce n’est pas un « fascisme ». L’idéologie fasciste est avant tout une idéologie moderniste.
USA/URSS : qu’il y ait eu des différences, je suis loin de le nier. Vous en citez une et ne vous en fait pas procès. Il reste que l’intervention dans les affaires intérieures des pays dans leur « zones d’influences » respectives est un fait historique avéré.
Islamisme et fascisme : je note bien des similitudes et m’interroge, je n’affirme pas. Je reste prudent car la méthode est empirique.
« Dans le sens ou vous l’énoncez, le Vatican serait un pays « fasciste ». On y trouve le « guide », on y trouve la même vision d’un « homme nouveau » à travers la rédemption, une base sociale petite bourgeoise… »
Seulement si l’on omet une partie des critères que j’énonce qui sont solidaires. L’état du Vatican ne forme pas des bandes armées exerçant la violence.
« l’une des caractéristiques du fascisme historique est sa fascination pour la technique et pour la modernité. Pensez-vous qu’on trouve cela chez les islamistes ? »
Sans prétendre tout savoir, je note que le paganisme « vieux germain » était bien en vue chez les nazis et leur détestation des « arts dégénérés ».
Par ailleurs pensez-vous que l’EI combat avec les armes du temps du « prophète » ? L’utilisation –atroce – de moyens modernes audiovisuels entre autres ?
Sur un autre plan, la recherche de la maitrise de la technologie nucléaire par l’Iran ?
Un discours résolument réactionnaire peut fort bien s’allier à la recherche des techniques les plus modernes.
Bon courage pour votre travail et, sans désintérêt de ma part, la réponse peut attendre.
@ morel
[USA/URSS : qu’il y ait eu des différences, je suis loin de le nier. Vous en citez une et ne vous en fait pas procès. Il reste que l’intervention dans les affaires intérieures des pays dans leur « zones d’influences » respectives est un fait historique avéré.]
Bien entendu. L’intervention dans les affaires intérieures des pays est une constante de l’histoire depuis que les états existent. Je vous mets au défi de donner un exemple, un seul, d’Etat qui ne soit pas intervenu dans les affaires d’un autre alors qu’il aurait eu la possibilité et l’intérêt à le faire…
Cependant, ces interventions revêtent des formes différentes qui reflètent non seulement les doctrines de chaque pays, mais aussi la conception que chaque pays se fait des droits de l’homme. Prenons un exemple : les américains ont recours à la méthode des « assassinats ciblés ». Que nous dit cette doctrine de l’idée que se font les Etats-Unis des droits de l’homme « non américain » par opposition aux droits de « l’homme américain » ? Dans la vision universaliste française, serait-il concevable de proclamer publiquement le droit de l’Etat a exécuter toute personne qu’il estime dangereuse, pourvu qu’elle n’ait pas de passeport français ?
[« l’une des caractéristiques du fascisme historique est sa fascination pour la technique et pour la modernité. Pensez-vous qu’on trouve cela chez les islamistes ? ». Sans prétendre tout savoir, je note que le paganisme « vieux germain » était bien en vue chez les nazis et leur détestation des « arts dégénérés ».]
Le paganisme « vieux germain » n’était pas une réaction contre la modernité, mais un outil de combat contre les églises, et notamment l’église catholique. Il n’a jamais empêché les nazis d’admirer la modernité, et en particulier de doter leur armée des toutes dernières avances technologiques. S’ils ont rejeté « l’art dégénéré », ce n’est pas pour prôner un retour au classicisme, mais au contraire pour créer une « nouvelle modernité » conforme au modèle nazi. L’architecture de Speer, la sculpture de Breker, le cinéma de Reifenstahl ne sont nullement tournés vers le passé (comme a pu l’être le « réalisme socialiste » ).
[Par ailleurs pensez-vous que l’EI combat avec les armes du temps du « prophète » ?]
EI sacrifie à la modernité quand il n’a pas d’autre choix. Combattre avec des épées, des arcs et des flèches n’est tout simplement pas possible aujourd’hui. Mais dans tous les domaines ou EI a le choix, il propose résolument un retour vers le passé. Plus profondément, sa symbolique est puisée dans le passé. Lorsque Hitler s’est choisi un titre, ce fut « führer ». Il n’a pas été chercher parmi les titres germaniques du moyen-âge. Lorsque Mussolini chercha le sien, ce ne fut pas « César » ou « Imperator », mais « duce », un terme moderne, qu’il choisit. Le chef d’EI, au contraire, s’est proclamé « Calife »…
Le fascisme est une idéologie profondément moderne. Il prône une « révolution » qui va vers l’avant, pas vers l’arrière. Et c’est d’ailleurs pourquoi il a rapidement suscité la méfiance des partis réactionnaires, qui ont pour objectif au contraire de préserver le statu-quo, voire de revenir au passé. Pour le dire d’une manière provocatrice, De Gaulle le défenseur de l’armée mécanisée et de la modernisation de la France était a bien des égards plus proche du « fascisme » que le réactionnaire Pétain, attaché au petit village, aux métiers d’antan et aux hiérarchies séculaires.
[L’utilisation – atroce – de moyens modernes audiovisuels entre autres ?]
Je crois qu’il y a ici une confusion. Le fait d’utiliser les moyens modernes qu’une société mondialisée met à notre portée ne suffit pas pour être « moderniste ». On peut écrire les textes les plus réactionnaires sur un ordinateur. Le « fascisme » n’était pas « moderniste » seulement parce qu’il équipait ses chars et ses avions des dernières innovations, mais parce qu’il avait pour objectif, pour vision, une société « nouvelle » qui ne reprenait en rien la logique des sociétés anciennes. Le but de Mussolini, ce n’était pas de ressusciter l’Italie du XIXème siècle ou l’empire romain. Au delà de la symbolique, le fascisme se tournait vers l’avenir, et non vers le passé. EI n’est pas du tout dans cette optique. S’ils utilisent des armes et des moyens modernes, leur vision de la société qu’ils veulent construire est extrêmement archaïque.
[Un discours résolument réactionnaire peut fort bien s’allier à la recherche des techniques les plus modernes.]
Bien entendu. Mais le discours des régimes « fascistes » n’a jamais été « résolument réactionnaire ». Au contraire.
"S’ils ont rejeté « l’art dégénéré », ce n’est pas pour prôner un retour au classicisme, mais au contraire pour créer une « nouvelle modernité » conforme au modèle nazi. "
C’est très discutable. Johann Chapoutot a écrit un livre fort intéressant sur "le national-socialisme et l’Antiquité", où il montre que le nazisme puise aussi aux sources classiques de l’Antiquité gréco-romaine. D’ailleurs, l’inspiration antique est présente dans différentes oeuvres de Breker ou de Speer. Cela n’empêche pas qu’il s’agisse d’un classicisme "modernisé", réinterprété à l’aune de l’idéologie nazie. Mais en terme d’art, le nazisme est moins "moderniste" que le fascisme italien par exemple, qui fait une place au mouvement futuriste (tout en se réclamant quand même de l’Antiquité romaine, soit dit en passant).
"Le paganisme « vieux germain » n’était pas une réaction contre la modernité, mais un outil de combat contre les églises, et notamment l’église catholique."
C’est également discutable. Le néopaganisme (le terme convient mieux) "vieux germain" se nourrit aussi du romantisme allemand, qui n’est pas précisément un courant intellectuel très moderniste. Il y a aussi une dimension réactionnaire et passéiste dans le nazisme, parce que le nazisme intègre des éléments du nationalisme allemand "traditionnel", même s’il s’en distingue sur d’autres points. Le nazisme et le fascisme sont en réalité très ambivalents vis-à-vis de la modernité.
@ nationalistejacobin
[C’est très discutable. Johann Chapoutot a écrit un livre fort intéressant sur "le national-socialisme et l’Antiquité", où il montre que le nazisme puise aussi aux sources classiques de l’Antiquité gréco-romaine.]
C’est vrai. Mais une chose est d’avoir des « sources classiques », et un autre de vouloir revenir aux temps classiques. La Révolution française, elle aussi, alla chercher ses références dans la république romaine et dans le classicisme. Mais cette recherche n’a jamais été « réactionnaire », au sens qu’elle ne visait pas à retourner la société aux modes de fonctionnement et d’organisation classiques. La République française reprend les symboles et les références classiques mais dans l’optique de construire quelque chose de nouveau, et non de revenir à quelque chose d’ancien. Et c’est aussi vrai pour le fascisme.
["Le paganisme « vieux germain » n’était pas une réaction contre la modernité, mais un outil de combat contre les églises, et notamment l’église catholique." C’est également discutable.]
Tout est discutable. Mais je conseille la lecture de la bonne biographie de Heinrich Himmler : on voit bien dans ce personnage combien le néopaganisme était en fait un substitut, dans un pays qui restait fort religieux, aux « religions officielles ». Par ailleurs, si beaucoup de nazis furent néo-païens, ce ne fut jamais le cas de Hitler. On ne trouve dans aucun de ses discours, dans aucun de ses écrits le moindre discours néo-païen, et les biographes de Himmler notent d’ailleurs que celui-ci cachait à son Führer bien aimé son intérêt pour ces questions, parce que Hitler considérait que tout cela n’était que de la « foutaise ».
[Le néopaganisme (le terme convient mieux) "vieux germain" se nourrit aussi du romantisme allemand, qui n’est pas précisément un courant intellectuel très moderniste.]
C’est tout à fait exact. Mais il ne faudrait pas confondre le néo-paganisme du récit – comme on le trouve chez Wagner – et une véritable croyance néo-païenne. Hitler admirait la tétralogie, mais il n’a jamais rendu culte à Wotan.
[Il y a aussi une dimension réactionnaire et passéiste dans le nazisme, parce que le nazisme intègre des éléments du nationalisme allemand "traditionnel", même s’il s’en distingue sur d’autres points. Le nazisme et le fascisme sont en réalité très ambivalents vis-à-vis de la modernité.]
Précisément parce qu’il intègre des éléments qui viennent du romantisme allemand, le nazisme présente des traits très différents de ceux du fascisme. Hitler est l’inventeur de l’écologie politique, avec sa « Natuurschutzgesetz » (« loi de protection de la nature ») de 1933. Ce culte de la nature, caractéristique du romantisme allemand, ne se retrouve pas dans le fascisme italien.
"Mais une chose est d’avoir des « sources classiques », et un autre de vouloir revenir aux temps classiques."
Tout à fait d’accord. Et l’exemple de la Révolution française, en effet, est le bon: s’inspirer de l’ancien, pour faire du neuf. Je pense d’ailleurs que c’est une démarche très saine. Par exemple, il est significatif que la Convention, qui a repris ce terme antique de "République", attaché à Rome, vote l’abolition de l’esclavage, alors que les sociétés grecques et romaines, que les hommes de la Révolution étudient avec passion, sont esclavagistes. Les révolutionnaires ont voulu prendre ce qu’il y avait de "bon" dans ce passé, en l’occurrence des modèles de vertu civique. Je me méfie beaucoup des gens qui veulent tout changer en rejetant en bloc tout ce qui a existé avant. La tradition nous inscrit dans une filiation que je crois nécessaire. C’est pourquoi le communisme m’a toujours paru suspect, même s’il faut constater qu’il s’est "coulé" dans les histoires nationales des pays où il s’est implanté. Je suis frappé de voir que, durant la guerre, dans ses discours (notamment celui du 7 novembre 1941 qui suffit à mes yeux à faire de lui un grand homme d’Etat) et ses affiches, Staline convoque les grandes figures de l’histoire russe (en plus de Lénine).
Je visitais il y a quelques mois la Bulgarie, et je fus frappé par le nombre de monuments, de statues, d’inscriptions à la gloire de la nation et des héros de l’histoire bulgare (anté-communiste s’entend) dont le régime communiste couvrit le pays (et quand je dis "couvrit", il faut presque le prendre au sens littéral…). J’ignore s’il en fut de même dans tous les pays communistes, mais c’est très impressionnant. Il est vrai que les Bulgares n’ont pas connu l’équivalent de la Révolution de 17, mais leur lutte de libération nationale au XIX° leur a fourni un vaste panthéon de "combattants de la liberté" opposés à l’oppresseur, ici l’Ottoman plutôt que le bourgeois capitaliste.
"Tout est discutable."
Ben… oui. C’est ce qui fait le charme d’un débat entre gens bien élevés, non?
"Hitler admirait la tétralogie, mais il n’a jamais rendu culte à Wotan."
Bien sûr. D’ailleurs, parmi les nazis, je ne pense pas qu’Hitler ait été le plus réactionnaire, loin de là.
"le nazisme présente des traits très différents de ceux du fascisme."
Oui. Et je trouve qu’on assimile trop facilement les deux, au "bénéfice" (si j’ose dire) du nazisme, ce qui fait oublier ce qui me semble être un point important: le fascisme est finalement très moderniste dans un pays où les structures archaïques sont encore très fortes, alors que le nazisme a un côté plus réactionnaire dans un pays socialement et économiquement plus moderne.
@nationalistejacobin
[Tout à fait d’accord. Et l’exemple de la Révolution française, en effet, est le bon: s’inspirer de l’ancien, pour faire du neuf. Je pense d’ailleurs que c’est une démarche très saine. Par exemple, il est significatif que la Convention, qui a repris ce terme antique de "République", attaché à Rome, vote l’abolition de l’esclavage, alors que les sociétés grecques et romaines, que les hommes de la Révolution étudient avec passion, sont esclavagistes. Les révolutionnaires ont voulu prendre ce qu’il y avait de "bon" dans ce passé, en l’occurrence des modèles de vertu civique. Je me méfie beaucoup des gens qui veulent tout changer en rejetant en bloc tout ce qui a existé avant.]
Tout à fait d’accord. « Du passé faisons table rase » est une jolie formule poétique, mais ceux qui l’ont prise au pied de la lettre – si tant est que ce soit possible – ont abouti généralement à des catastrophes. Nous sommes avant tout des animaux historiques, et la civilisation n’est que l’accumulation d’expériences. L’idée que ces expériences pourraient être caduques, que nous pourrions faire sans, équivaut à un retour en arrière. Michel Simon, dans un film dont j’ai oublié le titre, dit qu’un conservateur est celui qui veut garder ce qu’il y a de pire dans le passé. Je pense qu’il a raison : être progressiste, c’est construire l’avenir sur ce qu’il y a de mieux dans le passé.
[La tradition nous inscrit dans une filiation que je crois nécessaire. C’est pourquoi le communisme m’a toujours paru suspect, même s’il faut constater qu’il s’est "coulé" dans les histoires nationales des pays où il s’est implanté. Je suis frappé de voir que, durant la guerre, dans ses discours (notamment celui du 7 novembre 1941 qui suffit à mes yeux à faire de lui un grand homme d’Etat) et ses affiches, Staline convoque les grandes figures de l’histoire russe (en plus de Lénine).]
Il y a beaucoup de « communismes ». Si vous pensez aux mouvements collectivistes pré-marxistes (que ce soit les « levellers » britanniques et leurs avatars, ou les proches de Baboeuf et de l’anarcho-syndicalisme en France, pour ne donner que deux exemples) il y a une tentation forte à penser qu’on peut rompre toute filiation avec le passé. Mais ce n’est pas le cas du communisme « marxiste », qui est essentiellement et fondamentalement historiciste. La vision de Marx est avant tout une vision historique, qui place le communisme comme l’aboutissement d’une longue évolution dont toutes les étapes sont, d’une certaine manière, nécessaires. Si les partis communistes de tradition marxiste-léniniste ont souvent repris une rhétorique tendant à faire « table rase du passé » pour pouvoir concurrencer le discours des autres fractions de la gauche radicale, dans les actes – et cela leur a été beaucoup reproché – ils se sont coulés assez rapidement dans l’histoire et les institutions de leurs pays respectifs.
[Je visitais il y a quelques mois la Bulgarie, et je fus frappé par le nombre de monuments, de statues, d’inscriptions à la gloire de la nation et des héros de l’histoire bulgare (anté-communiste s’entend) dont le régime communiste couvrit le pays (et quand je dis "couvrit", il faut presque le prendre au sens littéral…). J’ignore s’il en fut de même dans tous les pays communistes, mais c’est très impressionnant.]
D’une manière générale, ce fut le cas. Les gouvernements des démocraties populaires, comme ceux issus de la révolution française, ont cherché rapidement à construire un « roman national », piochant sélectivement dans leur propre histoire les figures susceptibles d’incarner les valeurs qu’elles entendaient défendre. Cette sélection ne s’est pas faite au hasard : ainsi, par exemple, le régime soviétique a fait d’Alexandre Nievsky ou d’Ivan le Terrible des héros – le premier comme image du souverain qui mobilise le peuple en défense des frontières du pays, le second étant l’image du roi qui met au pas les « notables » locaux qui pillent le peuple en centralisant l’Etat – alors qu’il vouait aux gémonies la figure de Pierre le Grand, le souverain qui tourne le dos à son peuple pour lui préférer les idées et les modes de vie venues de l’occident. En France, nous avons fait la même chose : nous avons nos rois centralisateurs (Louis XIII avec Riochelieu, Louis XIV) et nos défenseurs des frontières (Vercingétorix).
Bonjour,
J’avoue que cette manie de traiter l’actualité internationale uniquement sous le prisme émotionnel (et le terrorisme intellectuel qui va avec si on cherche à prendre du recul et donc du temps) m’exaspère au plus haut point et j’ai “l’impression” que ça s’est accentuée dans les années 2000. M’irrite particulièrement le business de l’humanitaire, et ces innombrables people “engagés” qui s’expriment à l’ONU et sont souvent les idiots utiles (quand ils ne sont pas des idéologues conscients) du malheur de certaines populations.
J’ai un ami libanais qui m’a dit que les sociétés irakienne et syrienne (sous Saddam et Assad donc) étaient parmi les plus “hétérogènes” des pays arabophones (comme le Liban d’ailleurs), elles sont des mosaïques de communautés, et que seul un pouvoir autoritaire pouvait conserver le rapport de forces dans le statut quo et empêcher qu’ils se tapent dessus. La masse populaire s’accommodait des Saddam et des Assad père et fils. C’est une connerie diplomatique monumentale de faire exploser les pouvoirs centraux comme ce fut le cas en Irak (et comme on l’encourage en Syrie), encourager le ressentiment entre les diverses sectes, promettre des soutiens à telle ou telle communauté soi-disant plus éclairée que d’autres (par exemple l’arlésienne de l’Etat Kurde), etc. Il ne croit pas un instant à un soulèvement populaire en Syrie lors des mouvements qu’on a pu observer en 2011/2012 : il pense plutôt à des revendications d’une certaine communauté ou de clans particuliers ; le rôle de la diplomatie internationale aurait dû d’encourager Assad à accorder une petite part du gâteau si le clan/communauté en question a un poids démographique ou économique plus important que par le passé. Comme tu le dis, l’accès à des informations crédibles et non pas idéologiquement biaisées est difficile.
D’ailleurs dans cette affaire syrienne, je trouve que la position de la diplomatie russe était la plus rationnelle, conforme à ses intérêts (pas de déstabilisation régionale), tout en étant conforme aux intérêts du peuple syrien (pas de cohortes de réfugiés). Chercher à identifier les “rebelles”, amener à la table les éléments les moins hystériques parmi lesdits rebelles à discuter avec Assad, ne pas se précipiter à fournir des armes à tout “combattant de la liberté” autoproclamé, ç’aurait dû être la nôtre aussi. Dans les médias, c’est caricaturé comme soutien unilatéral d’un méchant (Poutine) à un autre méchant (Assad) ricanant dans leurs côtés comme des méchants de dessins-animés. Or les russes ont raison quand ils se méfient de ces rebelles, ils préfèrent traiter avec des gens qu’ils connaissent (Assad et en fait les cadres du Baath derrière lui) et qui sont moins susceptibles de mauvaises surprises, que des gens qui n’ont jamais gouverné, qui ne s’entendent pas entre eux, dont on ne sait pas trop d’où ils viennent ni comment ils sont financés.
Je n’arrive pas à comprendre cette hystérisation, quand en plus arrive la énième crise avec ces gens de EIIL qui revendiquent un califat jusqu’en… Syrie. Or qui pourrait les combattre efficacement sur son sol et empêcher leur extension ? L’armée syrienne régulière. Donc d’un côté on peint Assad (au pouvoir depuis 2000) en nouveau Hitler, on déstabilise le pays et affaiblit son gouvernement, et d’un autre on s’émeut de l’avancée de ces “barbares” qui ont profité de la déstabilisation et l’éclatement des autorités irakiennes. A chaque fois, les bras m’en tombent : entre amateurisme, hystérie, court-termisme, idéologisation, vassalité envers une autre puissance, quel triste spectacle que notre politique étrangère !
Cria cuervos y te sacaran los ojos. Merci pour tes conneries de Reagan !
@ Bannette
[M’irrite particulièrement le business de l’humanitaire, et ces innombrables people “engagés” qui s’expriment à l’ONU et sont souvent les idiots utiles (quand ils ne sont pas des idéologues conscients) du malheur de certaines populations.]
Ceux qui ont des intentions pures – et il y en a – illustrent généralement à merveille le dicton selon lequel le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Pour les autres… c’est de la pure manipulation.
[J’ai un ami libanais qui m’a dit que les sociétés irakienne et syrienne (sous Saddam et Assad donc) étaient parmi les plus “hétérogènes” des pays arabophones (comme le Liban d’ailleurs), elles sont des mosaïques de communautés, et que seul un pouvoir autoritaire pouvait conserver le rapport de forces dans le statut quo et empêcher qu’ils se tapent dessus.]
Oui. Et on sait cela depuis Hobbes. Au départ, si chacun de nous cède son « pouvoir de nuire » à un Prince pour qu’il nous gouverne tous ce n’est pas parce que ce Prince est particulièrement bon, ou parce que nous sommes d’accord avec lui, mais parce que nous comprenons que le pire des princes vaut mieux que le chaos. Ensuite, nous pouvons inventer des moyens pour rendre ce Prince meilleur (par exemple, en l’élisant au suffrage universel tous les cinq ans au lieu d’avoir un prince héréditaire), mais il faut toujours se souvenir qu’à l’origine le but de l’affaire est de passer d’une société ou tout le monde peut tuer qui il veut à une société ou un seul a le pouvoir de tuer. Ce qui n’est pas un mince progrès.
Les sociétés tribales du moyen-orient n’ont pas construit d’eux mêmes l’Etat-nation. Ils l’ont reçu en cadeau. Et comme toute chose qu’on ne construit pas soi même, l’adhésion à cette invention importée est particulièrement fragile. C’est pourquoi les occidentaux jouent aux apprentis sorciers chaque fois qu’ils agissent pour affaiblir un Etat. Ils obtiennent alors le résultat prévisible : les sociétés en question reviennent à leur état historique antérieur, c’est à dire, a se diviser en clans, en communautés et en tribus qui se font la guerre en permanence. Avec des armes modernes, malheureusement.
[La masse populaire s’accommodait des Saddam et des Assad père et fils.]
Plus que ça : elle leur rendait culte. Elle les remerciait chaque matin de les protéger de la guerre de tous contre tous.
[Il ne croit pas un instant à un soulèvement populaire en Syrie lors des mouvements qu’on a pu observer en 2011/2012 : il pense plutôt à des revendications d’une certaine communauté ou de clans particuliers ; le rôle de la diplomatie internationale aurait dû d’encourager Assad à accorder une petite part du gâteau si le clan/communauté en question a un poids démographique ou économique plus important que par le passé.]
Ou pas. Assad a montré qu’il est parfaitement capable de juger des équilibres de son propre pays. La communauté internationale est mal placée pour expliquer aux dirigeants d’un pays comment il devrait gouverner. Surtout parce que ses leçons sont rarement désintéressées.
[D’ailleurs dans cette affaire syrienne, je trouve que la position de la diplomatie russe était la plus rationnelle,]
Probablement parce que les russes, qui ont eu leur propre guerre civile, connaissent mieux que personne le prix du chaos.
[Or les russes ont raison quand ils se méfient de ces rebelles, ils préfèrent traiter avec des gens qu’ils connaissent (Assad et en fait les cadres du Baath derrière lui) et qui sont moins susceptibles de mauvaises surprises, que des gens qui n’ont jamais gouverné, qui ne s’entendent pas entre eux, dont on ne sait pas trop d’où ils viennent ni comment ils sont financés.]
Tout à fait. La politique russe reste très marqué par l’école « réaliste », celle de Kissinger et de Gromyko. Contrairement aux politiques occidentaux, les politiciens russes ne se voient pas en envoyés de Dieu sur terre pour faire triompher la Vérité et la Justice.
[Or qui pourrait les combattre efficacement sur son sol et empêcher leur extension ? L’armée syrienne régulière. Donc d’un côté on peint Assad (au pouvoir depuis 2000) en nouveau Hitler, on déstabilise le pays et affaiblit son gouvernement, et d’un autre on s’émeut de l’avancée de ces “barbares” qui ont profité de la déstabilisation et l’éclatement des autorités irakiennes.]
Le propre de l’école « réaliste » était sa capacité à hiérarchiser les maux et à choisir le moindre. Comme les « réalistes » son des cyniques, ils savent que la perfection n’est pas de ce monde, et qu’il faut bien faire avec ce qu’on a. Le problème des « idéologues » qui ont remplacé les « réalistes », c’est qu’ils ne peuvent soutenir que le Vrai et le Bien. Or, dans cette affaire difficile de trouver un côté qui puisse se prétendre blanc comme neige…
[Mince j’ai oublié : je trouve très paradoxale l’observation que ce sont souvent les “bobos engagés cosmopolites peace and love” qui encouragent la partition de pays (comme l’éclatement de l’ex-Yougoslavie).]
En quoi ça vous étonne ? L’idéologie « libérale-libertaire » s’est construit contre toutes les institutions, et d’abord, contre l’Etat. Leur idéal, c’est de remplacer l’Etat-nation par un « Etat-région » qui ne s’occupe que de ses petites questions internes.
[La position progressiste ne serait-elle pas plutôt à encourager les gens qui ne se ressemblent pas à former une communauté de destin, au-delà de leurs divergences confessionnelles ? J’en reviens à l’observation de mon pote libanais dont le pays est muticonfessionnel, et renvoie chacun à sa communauté pour traiter les questions de divorces. Il est oh combien admiratif du génie français qu’est la laïcité…]
Cet esprit râleur qui fait leur charme empêche souvent les français d’apprécier à sa juste valeur leur héritage. Il faudrait envoyer plus souvent les jeunes français à l’étranger, goûter aux charmes des sociétés communautaires et des coupures d’électricité. La laïcité et EDF y gagneraient beaucoup…
Mince j’ai oublié : je trouve très paradoxale l’observation que ce sont souvent les “bobos engagés cosmopolites peace and love” qui encouragent la partition de pays (comme l’éclatement de l’ex-Yougoslavie). La position progressiste ne serait-elle pas plutôt à encourager les gens qui ne se ressemblent pas à former une communauté de destin, au-delà de leurs divergences confessionnelles ? J’en reviens à l’observation de mon pote libanais dont le pays est muticonfessionnel, et renvoit chacun à sa communauté pour traiter les questions de divorces. Il est oh combien admiratif du génie français qu’est la laïcité…
D’accord en partie avec Descartes(je suis enseignant):’Cet esprit râleur qui fait leur charme empêche souvent les français d’apprécier à sa juste valeur leur héritage. Il faudrait envoyer plus souvent les jeunes français à l’étranger, goûter aux charmes des sociétés communautaires et des coupures d’électricité. La laïcité et EDF y gagneraient beaucoup…’
Cependant,l’esprit râleur ne doit pas être confondu avec l’esprit déséquilibré, surchauffé par les images non-stop venant des TV en Syrie.
Exemple:Tout cet été jusqu’à Hier il faisait 28° dans le Sud où les gens roulent toujours aussi mal!
J’avais réussi à éviter jusque là les algarades,mais il y a 3 semaines,un déséquilibré m’a agressé (‘sans coups’) en me chippant 100e à après avoir provoqué un accident où j’étais en tort.100 e pour éviter un malus!
Sa plaque était fausse lorsque j’ai consulté la Maif. .
Un autre m’a pris en covoiturage par blabla.car depuis Paris en roulant au gas oil agricole,sans avoir dormi la nuit précédents.
Je voulais limiter les frais .J’allais à la fête de l’huma (grand cru) où j’ai dépensé pas mal en bouquins etc..
Il est tombé en panne d’essence avec ses voyageurs dont moi,au bord du périph à 22H.Quel stress!
du Maghreb,de
La dérégulation favorise la misère d’où est issue cette délinquance.la prison mais ils n’ont pas l’amour de la France car ils n’ont pas d’argent.
Alors,Oui,favorisons les voyages,pour que les ‘râleurs’ voient qu’en France , nous sommes au Top.
Mais pas d’illusions,de complaisances!
Ces voyages ne résoudront pas tout ,car l’intégration sociale est très difficile: pour une multitude de raisons.
Le chômage est la cause essentielle des déséquilibres.
Je suis un peu hors sujet,certes.. Mais,Il a suffit que vous évoquiez ‘l’esprit râleur français’ pour que j’en rajoute.Je comprends que vous ne ne fassiez pas de commentaires à ce qui relève du fait divers.Nous ne vivons pas dans un monde ‘d’agrégatifs en esprit patriotique’..
Surtout lorsque la France est en guerre contre 3 puissances dites ‘islamistes’,référence déplacée à une religione ctoplasmique pratiquée par 10 millions de compatriotiques pour beaucoup déboussolés.
Reconnaissez qu’il y a de quoi ‘râler’ même si aucune véritable réponse simple ne peut m’être apportée..
@ bovard
[Exemple:Tout cet été jusqu’à Hier il faisait 28° dans le Sud où les gens roulent toujours aussi mal!
J’avais réussi à éviter jusque là les algarades,mais il y a 3 semaines,un déséquilibré m’a agressé (‘sans coups’) en me chippant 100e à après avoir provoqué un accident où j’étais en tort.]
Attendez… si vous étiez en tort, ce n’est donc pas lui qui a « provoqué l’accident »…
[Un autre m’a pris en covoiturage par blabla.car depuis Paris en roulant au gas oil agricole, sans avoir dormi la nuit précédents. Je voulais limiter les frais (…). Il est tombé en panne d’essence avec ses voyageurs dont moi,au bord du périph à 22H.Quel stress!]
Comme disent les anglais, « you get what you pay for » (« vous en avez ce que vous payez »). Si l’on veut payer son voyage moins cher, alors il faut accepter quelques désagréments et quelques risques en plus…
[Ces voyages ne résoudront pas tout, car l’intégration sociale est très difficile: pour une multitude de raisons.]
Le problème touche bien plus les français « de souche » que les autres. Ce n’est donc pas une question « d’intégration ».
[Le chômage est la cause essentielle des déséquilibres.]
Le chômage est certainement LE problème de nos sociétés. Tout simplement parce que le travail joue un rôle d’intégration et de légitimation sociale pour lequel nous n’avons pas de véritable alternative. La « société du loisir » est un mythe.
NB: faites un petit effort pour relire vos commentaires. Ils sont parsemés de bouts de phrase – des erreurs de copier-coller ? – et de phrases incomplètes qu’on a du mal à comprendre…
Je vous l’ai signifié dès le début de cet échange, le rapprochement islamisme/fascisme n’est pour moi qu’une hypothèse car il ne me semble pas inutile de caractériser ce phénomène politique.
Il est entendu que le contexte de 2014 ne saurait être celui de 1933, le Moyen-Orient n’étant pas non plus l’Europe d’où, si l’hypothèse se révélait fructueuse, des différences nécessaires et donc un néofascisme (l’histoire ne repasse pas deux fois les mêmes plats et les différences ont existé entre l’Allemagne et l’Italie).
J’ai noté des similitudes. Vous m’avez objecté « la modernité » argument sérieux que nationalistejacobin a fort bien nuancé.
Autre similitude qui ne doit pas être détachée des autres : l’expansionnisme par la guerre.
S’agissant du néo-paganisme : effectivement Hitler c’est plus compliqué : « Si le Christ est présenté comme un aryen qui voulait libérer sa terre du péril juif, Paul est assimilé à celui qui a judaïsé le christianisme (théorie plus que discutable dans la réalité historique et théologique) avec pour objectif d’abattre l’Empire romain. « Saul Paul eut une illumination : on pouvait mettre à bas l’Empire romain en diffusant la doctrine d’égalité de tous les hommes devant un Dieu unique » (Hitler le 21 octobre 1941, p. 381). »
http://anabases.revues.org/639
Il reste que le néo-paganisme était bien représenté dans le mouvement nazi.
Toujours la question : quelle caractérisation claire de ce mouvement politique réactionnaire ?
@morel
[Je vous l’ai signifié dès le début de cet échange, le rapprochement islamisme/fascisme n’est pour moi qu’une hypothèse car il ne me semble pas inutile de caractériser ce phénomène politique.]
Permettez moi d’élargir la réflexion. Quelle est l’utilité aujourd’hui de faire un rapprochement entre l’islamisme et le fascisme ? Quelle est l’utilité de cette hypothèse ? Entre deux mouvements, on peut toujours trouver des points communs. Mais cette recherche n’a une utilité que si elle permet, à partir de l’examen de ces points communs, de tirer des conclusions sur leur évolution. En d’autres termes, mettre une Peugeot et une Renault dans la catégorie « voitures » a une utilité parce qu’on peut en déduire que l’une comme l’autre auront besoin d’huile, d’essence et qu’on leur change les pneus de temps en temps. Mais quel intérêt peut il y avoir à rapprocher une Peugeot et une locomotive sous prétexte que tous deux se déplacent sur des roues et ont des phares à l’avant et des feux rouges à l’arrière ?
La question de savoir si l’islamisme peut on non être qualifié de « fascisme » est une question qui intéresse avant tout la propagande. Elle sert – ou non – à étendre à l’islamisme le rejet qui accompagne le mot « fascisme ». Mais cela ne nous aide pas à comprendre un mouvement qui, même s’il présente des caractères communs avec le fascisme – mais aussi avec le communisme, avec le capitalisme, et avec un paquet de « ismes » – n’a ni les origines, ni les structures, ni le contexte du fascisme. L’histoire du fascisme ne nous éclaire en rien sur l’évolution probable des mouvements islamistes. Si l’on tient à faire des parallèles, c’est plutôt vers les guerres de religion qu’on devrait se tourner…
[Autre similitude qui ne doit pas être détachée des autres : l’expansionnisme par la guerre.]
Certes, mais avec cet argument, on pourrait rattacher l’islamisme autant qu’à l’idéologie coloniale.
[Il reste que le néo-paganisme était bien représenté dans le mouvement nazi.]
Pas plus que dans la société allemande de l’époque en général. Ce néo-paganisme n’a pas été inventé par les nazis : on le retrouve déjà dès la fin du XIXème siècle chez les romantiques allemands. Wagner a ressuscité ces idées néo-païennes dans son œuvre alors qu’Hitler était encore au berceau. J’ajoute que ce néo-paganisme existe encore aujourd’hui, sous des formes diverses dont l’écologisme radical, particulièrement bien représenté en Allemagne. Il me semble donc injuste d’associer aux nazis un élément qui en fait appartient à la culture nationale de l’Allemagne.
[Toujours la question : quelle caractérisation claire de ce mouvement politique réactionnaire ?]
J’imagine que vous faites référence à l’islamisme. Et la question que vous posez est pour moi la véritable question. Chercher des références dans l’histoire européenne récente ne peut qu’obscurcir la perspective. Si l’on veut comprendre ce qui se passe, il faut aller plutôt chercher les références dans l’histoire de la région et des peuples qui sont en lice. Prenons un exemple : le chef d’EI, Al Baghdadi, se proclame « calife ». Quelle est exactement la signification de ce geste ? Quelle résonance a-t-il dans la tête des gens qui l’entourent, des gens à qui il s’adresse, des peuples de la région ? A quelle continuité historique cherche-t-il à se rattacher ? Ces questions sont beaucoup plus intéressantes que de savoir si on peut rattacher le titre de « calife » à celui de « duce » ou de « führer ».
Ces analyses dépassent et de loin mes compétences et mes connaissances. Si je m’embarquais là dedans, je ne pourrais que dire des bêtises. Tout au plus peut-on faire ici quelques remarques générales. Il y a par contre un mouvement qu’il est plus intéressant à regarder, et c’est l’islamisme en France. Car dans cette question, nous sommes dans un contexte que nous connaissons, et nous pouvons donc faire des rapprochements pertinents.
L’Islamisme est le chant du cygne d’une religion qui n’a jamais voulu accepter d’être cantonnée dans la sphère privée, mais qui se trouve poussée dans cette direction par la roue de l’Histoire. C’est un mouvement qui répond au conflit qui apparaît lorsque la sécularisation des sociétés, poussée par la mondialisation de l’économie capitaliste, affaiblit le contrôle que les communautés exercent sur leurs membres, contrôle qui s’exerce en particulier à travers d’un cadre traditionnel dont la religion fait partie. Pour reprendre la formule de Marx, lorsque le capitalisme rompt les rapports « idylliques » entre seigneur et vassal pour leur substituer « le paiement au comptant ».
Bien entendu, cela prend des formes différentes dans les différents pays. En France, la politique d’assimilation avait pendant longtemps imposé la « séparation de l’Eglise et de l’Etat » à l’Islam, et personne ne s’en portait plus mal. Depuis que cette position a été abandonnée, les organisations « communautaires » profitent du vide ainsi créé pour prendre le pouvoir.
["L’Islamisme est le chant du cygne d’une religion qui n’a jamais voulu accepter d’être cantonnée dans la sphère privée, mais qui se trouve poussée dans cette direction par la roue de l’Histoire. C’est un mouvement qui répond au conflit qui apparaît lorsque la sécularisation des sociétés, poussée par la mondialisation de l’économie capitaliste, affaiblit le contrôle que les communautés exercent sur leurs membres, contrôle qui s’exerce en particulier à travers d’un cadre traditionnel dont la religion fait partie…
Bien entendu, cela prend des formes différentes dans les différents pays. En France, la politique d’assimilation avait pendant longtemps imposé la « séparation de l’Eglise et de l’Etat » à l’Islam, et personne ne s’en portait plus mal. Depuis que cette position a été abandonnée, les organisations « communautaires » profitent du vide ainsi créé pour prendre le pouvoir."]
Vaste sujet ! Et approche intéressante, mais:
-dire que l’islamisme est "le chant du cygne" [de l’Islam?] est un peu rapide(ment) optimiste. Pour le moment, il me parait plutôt progresser -tant dans les pays musulmans qu’en Europe.
– quant à la foi dans "la roue de l’Histoire", j’aimerais vous croire, mais la fin (pour l’instant!) du communisme "horizon indépassable" me fait douter, comme "la "fin de l’Histoire" de Fukuyama…
Votre dernière phrase citée ci-dessus me semble aussi un peu contraire à la thèse du "chant du cygne".
Je ne sais plus qui disait: "l’Histoire est violente et elle n’a pas de sens", formulation provocatrice certes, mais pas dépourvue de réalisme à l’échelle d’une vie d’homme ( ou de plusieurs). La roue de l’Histoire est souvent cahotante -et violente.
@ Albert
[-dire que l’islamisme est "le chant du cygne" [de l’Islam?] est un peu rapide(ment) optimiste. Pour le moment, il me parait plutôt progresser -tant dans les pays musulmans qu’en Europe.]
Je n’ai pas dit le contraire. Mais cette « progression » est condamnée par l’histoire. Comme la contre-reforme ou la restauration monarchique, ce sont des sursauts réactionnaires qui cherchent a s’opposer au cours de l’histoire et finissent par être broyés par elle.
[- quant à la foi dans "la roue de l’Histoire", j’aimerais vous croire, mais la fin (pour l’instant!) du communisme "horizon indépassable" me fait douter, comme "la "fin de l’Histoire" de Fukuyama…]
Croyez-vous vraiment qu’un véritable retour à la théocratie soit possible ?
[Je ne sais plus qui disait: "l’Histoire est violente et elle n’a pas de sens", formulation provocatrice certes, mais pas dépourvue de réalisme à l’échelle d’une vie d’homme ( ou de plusieurs). La roue de l’Histoire est souvent cahotante -et violente.]
Attention, je n’ai pas dit que le développement actuel de l’islamisme soit un phénomène dont on puisse se désintéresser. Non, c’est un phénomène dangereux et qu’il importe de combattre. Mais il faut le combattre en comprenant bien de quoi il s’agit : non pas un véritable retour d’une conception religieuse de la société, mais une réaction violente à la sécularisation que le développement de l’économie capitaliste impose.
Laissons de côté les comparaisons qui ressortent de l’intuition qui est parfois féconde mais mérite d’être étayée par d’autres plus solides et je ne m’inscris pas en faux lorsque vous évoquez le matérialisme historique.
Par contre, est-il anormal d’être révulsé par les agissements de ces groupes ? Ce qui n’implique aucunement, en ce qui me concerne, de fermer les yeux sur l’épandage de défoliant sur le Vietnam qui à cette heure continue à faire des victimes (d’où ma remarque antérieure sur la propagande de « guerre propre »). Mais un crime ne saurait servir de justification à un autre.
« L’Islamisme est le chant du cygne d’une religion qui n’a jamais voulu accepter d’être cantonnée dans la sphère privée, mais qui se trouve poussée dans cette direction par la roue de l’Histoire »
Je ne sais, nombre d’ « islamologues » nous content depuis l’apparition de ce phénomène historique – et c’est à ce titre qu’il mérite d’être étudié – la fin de l’islamiste (ex : Kepel, non exclusif). On peut aussi percevoir une aggravation…Il aura nécessairement un terme qui me semble prématuré de situer dans l’immédiat.
Seconde remarque : aucune religion n’a « accepté d’être cantonnée dans la sphère privée » du moins spontanément. La contrainte est nécessaire mais n’est efficiente qu’avec une majorité démocratique. J’ai en mémoire une interview de M. Pena Ruiz à qui l’on objectait que les musulmans pouvaient se sentir stigmatisés par l’interdiction du port du voile à l’école qui rappelait que les catholiques ont sans doute eu le même sentiment lors de la séparation des églises et de l’état avec le résultat que l’on connait aujourd’hui.
Pour aller plus loin, je pense que la France n’a pas à envoyer son armée dans cette galère moyen-orientale largement créée par les Etats-Unis aidés ultérieurement par certains pays du Golfe, au premier chef l’Arabie saoudite.
@morel
[Par contre, est-il anormal d’être révulsé par les agissements de ces groupes ?]
Bien entendu, il est « normal » d’être révulsé. Mais la « révulsion » appartient à la sphère de l’affectif, et non du rationnel. Je soutiens que la politique étrangère – comme l’intérieure, d’ailleurs – doit être d’abord fondée sur la compréhension rationnelle des phénomènes. Or, l’affectif, lorsqu’il est mal placé, peut rendre toute action rationnelle impossible.
[« L’Islamisme est le chant du cygne d’une religion qui n’a jamais voulu accepter d’être cantonnée dans la sphère privée, mais qui se trouve poussée dans cette direction par la roue de l’Histoire » Je ne sais, nombre d’ « islamologues » nous content depuis l’apparition de ce phénomène historique – et c’est à ce titre qu’il mérite d’être étudié – la fin de l’islamiste (ex : Kepel, non exclusif). On peut aussi percevoir une aggravation…]
Mon propos n’était pas de dire qu’il faut négliger le phénomène. C’est souvent lorsqu’un animal est blessé à mort qu’il est le plus dangereux, puisqu’il n’a plus rien à perdre. Et c’est un peu ce qui arrive aujourd’hui à l’islamisme. Mon point était plutôt de noter que l’islamisme n’annonce pas le début d’une nouvelle ère d’expansion pour l’islam, mais reflète plutôt la crainte de certains secteurs de se voir politiquement marginalisés par la sécularisation des sociétés.
[Seconde remarque : aucune religion n’a « accepté d’être cantonnée dans la sphère privée » du moins spontanément. La contrainte est nécessaire mais n’est efficiente qu’avec une majorité démocratique.]
Je suis d’accord avec vous sur le premier point. Pas nécessairement avec le second. Le mouvement qui a réussi à confiner le catholicisme dans la sphère privée a commencé il y a très longtemps, et s’est poursuivi avec des « majorités » plus ou moins démocratiques. La loi de 1905 est l’aboutissement d’une longue histoire, et non son commencement. J’ajoute que la séparation des l’églises et de l’Etat n’a été politiquement possible que parce qu’on a fait une petite entorse aux « majorités démocratiques » en excluant les femmes du vote, sans quoi la chambre de 1905 aurait été sans aucun doute cléricale.
[J’ai en mémoire une interview de M. Pena Ruiz à qui l’on objectait que les musulmans pouvaient se sentir stigmatisés par l’interdiction du port du voile à l’école qui rappelait que les catholiques ont sans doute eu le même sentiment lors de la séparation des églises et de l’état avec le résultat que l’on connaît aujourd’hui.]
Tout à fait. Et d’ailleurs, l’Eglise catholique a tout fait à l’époque pour renforcer chez les catholiques ce sentiment de persécution et de discrimination. Tout comme l’Islam le fait aujourd’hui. Il a fallu aux « laïcards » une très grande intelligence politique pour réussir en quelques années à persuader une population majoritairement catholique que leurs actes visaient a donner à chacun plus de liberté, et non à imposer un athéisme d’Etat. De ce point de vue, il est intéressant de comparer la gestion de la morale scolaire par Buisson ou Ferry avec celle de Lang ou de Vallaud-Belkacem.
[Pour aller plus loin, je pense que la France n’a pas à envoyer son armée dans cette galère moyen-orientale largement créée par les Etats-Unis aidés ultérieurement par certains pays du Golfe, au premier chef l’Arabie saoudite.]
Tout à fait d’accord. Nous n’avons rien à gagner, et beaucoup à perdre.
@ Descartes,
"C’est souvent lorsqu’un animal est blessé à mort qu’il est le plus dangereux, puisqu’il n’a plus rien à perdre. Et c’est un peu ce qui arrive aujourd’hui à l’islamisme. Mon point était plutôt de noter que l’islamisme n’annonce pas le début d’une nouvelle ère d’expansion pour l’islam"
Pardon, mais sur quoi repose ce raisonnement? Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer avec certitude que l’islam n’est pas au "début d’une nouvelle expansion"? Avez-vous des chiffres, des études? Je pense que vous cédez à une vision téléologique de l’histoire, comme si l’islam et les sociétés musulmanes devaient connaître la sécularisation que les sociétés européennes ont connue. Mais il y a eu dans le monde musulman des mouvements nationalistes, "progressistes" et de tendance laïque, relativement puissants jusque dans les années 70 (le Baath notamment). Pourtant, le fait est que ces nationalistes arabes de tendance laïque n’ont cessé de perdre du terrain depuis la révolution islamique de 79 et la montée du salafisme grassement alimenté par l’Arabie Saoudite et le Qatar.
Quand Kepel explique qu’on assiste à une "réislamisation" dans les quartiers, parmi une jeunesse née et élevée en France, dans une société laïque et sécularisée, quand le rigorisme séduit une partie de cette jeunesse, je ne vois pas que l’on puisse qualifier ce phénomène de "chant du cygne". En êtes-vous convaincu ou voulez-vous seulement le croire au nom d’un "optimisme méthodologique" (le même qui vous pousse, par exemple, à nous expliquer que les jeunes "Français" en partance pour le djihad agissent malgré tout dans un cadre mental rationnel très "français") ?
Je fais d’ailleurs remarquer que, dans un pays comme la France (et c’est vrai pour ses voisins), l’islam est de facto "en expansion" depuis la deuxième moitié du XX° siècle: il y a davantage de musulmans en France en 2014 qu’en 1970, il y a davantage de mosquées, davantage de femmes voilées dans les rues, davantage de boucheries hallal, etc. Non seulement les effectifs des musulmans ont cru en valeur absolue, mais aussi en valeur relative. Je veux bien passer pour le paranoïaque xénophobe de service mais, tout de même, si cette augmentation numérique et cette visibilité croissante ne s’apparentent pas à une forme d’ "expansion", est-il indiscret de vous demander quel sens vous donnez au mot "expansion"?
"De ce point de vue, il est intéressant de comparer la gestion de la morale scolaire par Buisson ou Ferry avec celle de Lang ou de Vallaud-Belkacem."
Pourriez-vous préciser ce point? D’abord de quel Buisson parlez-vous? Patrick Buisson? Et s’agit-il de Jules Ferry ou de Luc Ferry? Pour les deux autres (en particulier notre actuelle ministre), je vois ce que vous voulez dire. Mais concernant Buisson ou Ferry, quelle est leur "gestion de la morale scolaire"?
Plus généralement, je pense que les "minorités" (et parmi elles, les musulmans) profitent largement d’une idéologie qui valorise systématiquement l’Autre, la différence, la diversité, la pluralité… Songez donc! Dans une formation pour les enseignants, on nous conseille des ouvrages comme "les enfants immigrés: une chance pour l’école en France", ou on nous assène une véritable prédication (je ne vois pas d’autre mot) en faveur de l’ "école inclusive", dans laquelle chacun est invité à cultiver son particularisme, et à le présenter aux autres (sous-entendu: les Français de souche ou issus d’une immigration ancienne et complètement acculturés) pour les aider à "s’ouvrir l’esprit". Et je passe sur l’éloge appuyé du "biculturalisme" qui favorise l’apprentissage et la réussite scolaire, ce qui certes peut être vrai… quand les parents immigrés avaient accès à la culture dans leur pays d’origine, ce qui est loin d’être toujours le cas.
@ nationalistejacobin
[« C’est souvent lorsqu’un animal est blessé à mort qu’il est le plus dangereux, puisqu’il n’a plus rien à perdre. Et c’est un peu ce qui arrive aujourd’hui à l’islamisme. Mon point était plutôt de noter que l’islamisme n’annonce pas le début d’une nouvelle ère d’expansion pour l’islam ». Pardon, mais sur quoi repose ce raisonnement? Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer avec certitude que l’islam n’est pas au "début d’une nouvelle expansion"?]
« Avec certitude », rien. Il n’y a guère de choses certaines dans ce monde, en dehors du fait que le temps passe et que nous devons mourir un jour. Et encore. Mais si l’on observe la dynamique des sociétés, on observe qu’elles vont dans la direction d’une plus grande sécularisation. Et les modèles théoriques dont nous disposons montrent tous que ce mouvement va se poursuivre. Cela tient à deux éléments fondamentaux : le progrès des connaissances, qui permet d’expliquer les phénomènes observables sans l’intervention d’un dieu – ce qui conduit au déisme ; et le phénomène d’enrichissement des sociétés qui conduit à l’individualisation et donc à la substitution des religions constitués et ayant un véritable pouvoir prescripteur par des pratiques spirituelles « à la carte ».
Voilà ce qui m’amène à conclure que l’islam, en tant que religion, n’est pas à l’aube d’une nouvelle expansion, mais qu’elle lutte plutôt le dos au mur la menace que constitue la sécularisation. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si de plus en plus les religions constituées coïncident dans leurs revendications, et qu’on voit de plus en plus souvent des imams, des rabbins et des curés ensemble sur les mêmes estrades.
[Je pense que vous cédez à une vision téléologique de l’histoire, comme si l’islam et les sociétés musulmanes devaient connaître la sécularisation que les sociétés européennes ont connue.]
Pas du tout : je pense effectivement que les sociétés musulmanes connaîssent et connaîtront à l’avenir une sécularisation croissante. Mais cette conclusion ne dérive pas d’un raisonnement « téléologique », mais d’un raisonnement purement matérialiste. La sécularisation des pays de tradition islamique ne vient pas parce que ce serait un destin de l’humanité, mais parce que les conditions matérielles du capitalisme l’imposent. Le capitalisme ne peut s’empêcher de révolutionner les rapports sociaux, de « noyer les frissons de l’extase sacrée dans les eaux froides du calcul égoïste », pour reprendre la formule du Manifeste. Ce mouvement de sécularisation peut connaître des hauts et des bas, des avances et des reculs, tout comme ce fut le cas pour la sécularisation des sociétés européennes. Mais au fur et à mesure que les rapports sociaux de nature féodale seront remplacés par les rapports capitalistes, la religion ne peut que perdre son rôle politique. Cette transformation me semble inévitable. Bien entendu, sécularisation ne veut pas dire laïcisation. Nous avons un bon exemple dans les Etats-Unis de société capitaliste avancée ou la religion continue à jouer un rôle en tant qu’idéologie. Mais on ne peut dire que la hiérarchie religieuse y joue un grand rôle ou détienne un grand pouvoir.
[Mais il y a eu dans le monde musulman des mouvements nationalistes, "progressistes" et de tendance laïque, relativement puissants jusque dans les années 70 (le Baath notamment). Pourtant, le fait est que ces nationalistes arabes de tendance laïque n’ont cessé de perdre du terrain depuis la révolution islamique de 79 et la montée du salafisme grassement alimenté par l’Arabie Saoudite et le Qatar.]
Comme je vous l’ai dit, la sécularisation des sociétés n’est pas un mouvement linéaire, il y a des progrès et des reculs. Mais globalement et sur le long terme, la direction est claire. La laïcité « importée » qui était celle du Baath, de Nasser ou du FLN a montré ses limites. Pour des raisons économiques, elle n’est pas allé en parallèle avec un véritable développement industriel et social qui lui donne une base matérielle solide. Ces pays sont restés, en profondeur, aux rapports de nature féodale qui font le lit des religions.
[Quand Kepel explique qu’on assiste à une "réislamisation" dans les quartiers, parmi une jeunesse née et élevée en France, dans une société laïque et sécularisée, quand le rigorisme séduit une partie de cette jeunesse, je ne vois pas que l’on puisse qualifier ce phénomène de "chant du cygne". En êtes-vous convaincu ou voulez-vous seulement le croire au nom d’un "optimisme méthodologique" (le même qui vous pousse, par exemple, à nous expliquer que les jeunes "Français" en partance pour le djihad agissent malgré tout dans un cadre mental rationnel très "français") ?]
Entendons nous bien. Lorsque je qualifie ce phénomène de « chant du cygne », cela veut dire qu’il s’agit d’un combat d’arrière garde alors que la guerre est perdue. Mais je ne diminue en rien la dangerosité su problème, ni le fait qu’il faut s’en occuper sérieusement. Même si à l’échelle des tems historiques la vision théocratique a perdu la partie, à l’échelle de notre vie d’homme elle peut encore faire d’énormes dégâts.
Les religions relèvent la tête parce que le capitalisme, dans son expansion, a arasé toutes les institutions qui pouvaient faire sens. Notre formidable enrichissement nous permet de vivre dans une société d’individus-îles, chacun entouré d’innombrables objets en permanence renouvelés censés faire notre bonheur. Mais la consommation, fut-elle heureuse, ne donne pas un « sens » à notre vie. Or, parce que nous sommes des êtres finis, nous ne pouvons éviter de nous poser cette question : que restera de nous quand nous serons partis pour le grand voyage d’où personne ne revient. A cette question, à laquelle les églises ont une réponse toutefaite, le capitalisme de grand papa tout comme les utopies socialistes répondaient « il restera vos œuvres ». Mais le capitalisme d’aujourd’hui, avec sa mécanique constante d’oubli de ce qu’il y avait avant, n’a plus de réponse. Les institutions qui assuraient une certaine transcendance n’existent plus. C’est dans cet espace que s’engouffrent les religions. Et elles s’engouffrent d’autant plus facilement qu’elles sont implantés dans des couches sociales ou la mémoire est finalement la plus fragile, la présence institutionnelle la plus faible, et où la consommation organise la substitution permanente des repères. C’est-à-dire, dans les quartiers.
Mais vous voyez bien que cette « réislamisation » est en fait un retour à la religiosité « par défaut ». C’est l’incapacité de notre société à proposer des institutions laïques qui « fassent sens » qui crée le vide que les religions essaient de remplir. Il n’y a pas là de quoi constituer une base politique qui permettrait à cette « réislamisation » de jouer un rôle politique majeur.
[Je fais d’ailleurs remarquer que, dans un pays comme la France (et c’est vrai pour ses voisins), l’islam est de facto "en expansion" depuis la deuxième moitié du XX° siècle: il y a davantage de musulmans en France en 2014 qu’en 1970, il y a davantage de mosquées, davantage de femmes voilées dans les rues, davantage de boucheries hallal, etc.]
Je ne sais pas s’il y a aujourd’hui « davantage de musulmans » qu’en 1970. Pour l’affirmer, il faut d’abord savoir ce qu’on appelle un « musulman », et cela nous amènerait à une question assez compliquée. S’il s’agit de pratique religieuse, c’est un mouvement qui touche toutes les minorités : la communauté juive est aujourd’hui beaucoup plus « pratiquante » qu’il y a cinquante ans, et il y a aujourd’hui plus de synagogues qu’à l’époque. Pourtant, parler « d’expansion » de la communauté juive me parait pour le moins rapide. Ce qui est incontestable, c’est que la pratique religieuse est aujourd’hui plus « agressive » chez les musulmans qu’il y a quarante ans. Mais là encore, c’est aussi le cas de toutes les « minorités » : c’est vrai pour les juifs, c’est vrai aussi pour les autres « communautés » régionales, ethniques, sexuelles ou sociales. Faut-il voir dans la multiplication des mosquées, des femmes voilées et des boucheries hallal la manifestation d’une nouvelle religiosité, ou du réveil des démons communautaires ? Je penche plutôt pour la seconde hypothèse.
[« De ce point de vue, il est intéressant de comparer la gestion de la morale scolaire par Buisson ou Ferry avec celle de Lang ou de Vallaud-Belkacem. » Pourriez-vous préciser ce point? D’abord de quel Buisson parlez-vous? Patrick Buisson? Et s’agit-il de Jules Ferry ou de Luc Ferry?]
Je pense que le contexte était assez clair : je parle bien entendu de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson. Ce que je voulais dire, c’est que la République, lors de la mise en place de cette institution fondamentale de la laïcité qu’est l’Ecole, avaient défini clairement les lignes rouges du « vivre ensemble » à ne pas dépasser. L’Ecole n’était pas là pour dire aux gens ce qu’ils devaient croire, elle était là pour leur dire ce qu’ils devaient savoir. Et lorsqu’elle s’aventurait dans le domaine moral, elle devait le faire avec une infinie prudence et n’imposer que ce qui faisait consensus. Tout cela est parfaitement cohérent avec une conception qui respecte la sphère privée.
A l’inverse, l’école de Lang et de Vallaud-Belkacem efface la barrière entre la sphère publique et la sphère privée. Elle se mêle d’imposer une conception du bien et du mal, de prescrire les comportements privés. Elle prend position sur des questions qui ne sont pas en rapport au savoir, mais qui relèvent de la liberté d’opinion de chacun. L’exemple le plus éclatant est celui des « ABCD de l’égalité », mais il y en a d’autres.
[Plus généralement, je pense que les "minorités" (et parmi elles, les musulmans) profitent largement d’une idéologie qui valorise systématiquement l’Autre, la différence, la diversité, la pluralité… Songez donc! Dans une formation pour les enseignants, on nous conseille des ouvrages comme "les enfants immigrés: une chance pour l’école en France", ou on nous assène une véritable prédication (je ne vois pas d’autre mot) en faveur de l’ "école inclusive", dans laquelle chacun est invité à cultiver son particularisme, et à le présenter aux autres (sous-entendu: les Français de souche ou issus d’une immigration ancienne et complètement acculturés) pour les aider à "s’ouvrir l’esprit". Et je passe sur l’éloge appuyé du "biculturalisme" qui favorise l’apprentissage et la réussite scolaire, ce qui certes peut être vrai… quand les parents immigrés avaient accès à la culture dans leur pays d’origine, ce qui est loin d’être toujours le cas.]
C’est exactement ce que j’ai voulu dire plus haut… nous sommes d’accord sur ce point. L’Ecole ne doit pas devenir un lieu d’endoctrinement.
Une dernière remarque si vous me le permettez :
« En France, la politique d’assimilation avait pendant longtemps imposé la « séparation de l’Eglise et de l’Etat » à l’Islam, et personne ne s’en portait plus mal. Depuis que cette position a été abandonnée, les organisations « communautaires » profitent du vide ainsi créé pour prendre le pouvoir. »
Comment peut-il en être autrement alors qu’un défunt haut baron voulait appeler sa région la Septimanie, ses pairs de Bretagne cultivant la « celtitude » ceux de Corse…
Il s’agit d’élus de la République, du moins théoriquement. A chacun son pré carré et on s’étonne ensuite « des territoires perdus de la République ».
« Dans l’est du territoire, comme ailleurs, la toile d’araignée de routes, puis de voies ferrées, centrée sur Paris, s’est affirmée. Agent de l’intégration nationale, facteur du primat de la métropole parisienne sur la hiérarchie urbaine, l’Etat aménageur, jusqu’à la fin du XXè siècle, a retissé le territoire, gommant les spécificités locales – processus compensé (ou caché) par la célébration de la diversité des lieux.
L’une des formes les plus discrètes et les plus durables de cette dynamique d’homogénéisation a été la similitude du maillage administratif, départemental en particulier, et surtout le caractère menu de ses mailles : communes minuscules (donc innombrables), petits départements et même, encore récemment, régions taillées court au regard des standards européens ; rien qui ne pût faire trop d’ombre au niveau étatique. Peu de sociétés ont poussé aussi loin que la France le primat d’une seule échelle géographique. »
Christian Grataloup géographe.
Intéressant, non ?
@ morel
[Une dernière remarque si vous me le permettez :]
Non seulement je vous le permets… mais ne vous sentez pas obligé à en faire « la dernière »…
[Comment peut-il en être autrement alors qu’un défunt haut baron voulait appeler sa région la Septimanie, ses pairs de Bretagne cultivant la « celtitude » ceux de Corse… Il s’agit d’élus de la République, du moins théoriquement. A chacun son pré carré et on s’étonne ensuite « des territoires perdus de la République ».]
Précisément. C’est toute la difficulté à mon sens. La République laïque se donne un objectif : celui de construire une « communauté de destin » au-delà des différences régionales, religieuses, ethniques, communautaires. On ne dira jamais combien cet objectif est follement ambitieux, et nécessite un combat chaque jour renouvelé. Chaque fois que ce combat faiblit, chaque fois que nos élites ont été incapables de proposer un projet commun mobilisateur, cela s’est terminé dans un désastre. Par malheur, notre génération est condamné à vivre un de ces moments de notre histoire…
« Dans l’est du territoire, comme ailleurs, la toile d’araignée de routes, puis de voies ferrées, centrée sur Paris, s’est affirmée. Agent de l’intégration nationale, facteur du primat de la métropole parisienne sur la hiérarchie urbaine, l’Etat aménageur, jusqu’à la fin du XXè siècle, a retissé le territoire, gommant les spécificités locales – processus compensé (ou caché) par la célébration de la diversité des lieux. (…) Peu de sociétés ont poussé aussi loin que la France le primat d’une seule échelle géographique. »
Christian Grataloup géographe.
Intéressant, non ?]
Extrêmement intéressant. Je partage totalement cette description, à laquelle j’ajoute – je l’ai plus longuement expliqué ailleurs – un élément fondamental, celui du brassage des populations obtenu par le biais de l’école, de la conscription, de la carrière nationale des fonctionnaires…
Ce que Grataloup ne dit pas, et qui me semble fondamental, est combien cette organisation de l’espace et de la population a été essentiel dans la construction d’un « vivre ensemble » totalement original en Europe et même dans le monde. Un « vivre ensemble » aujourd’hui en danger, en grande partie du fait des apprentis sorciers de la décentralisation.
A propos de la sécularisation, Marcel Gauchet décrit le christianisme comme étant la religion de sortie de la religion: elle n’est plus le principe d’organisation de la société. Peut-on en espérer autant du dialogue que nous pourrions avoir avec l’Islam de France ?
@ Paul
[A propos de la sécularisation, Marcel Gauchet décrit le christianisme comme étant la religion de sortie de la religion: elle n’est plus le principe d’organisation de la société. Peut-on en espérer autant du dialogue que nous pourrions avoir avec l’Islam de France ?]
Aucune cléricature ne renonce de bonne grâce au pouvoir de régler le comportement public et privé des gens. Pour que le christianisme cesse d’être le principe d’organisation de la société, il a fallu un combat acharné. Ce combat est tout aussi nécessaire lorsqu’il s’agit de l’islam. Nos grands parents croassaient au passage des curés en soutane et des bonnes sœurs en cornette. Il faudrait que nous fassions de même lorsque nous voyons passer des femmes voilées de noir ou des hommes en djellaba et turban.
Le problème est qu’une partie de nos élites – et de nos élites « de gauche », hélas ! – ont tellement joué de la corde anti-colonialiste sur le mode victimiste qu’elles ont du mal à sortir aujourd’hui de cette logique. Et on retrouve ceux-là mêmes qui hier se scandalisaient – à juste titre – que l’Etat finance les messes lors de la visite du Pape exiger aujourd’hui que ce même Etat finance les lieux de culte musulman au prétexte que ces derniers sont « discriminés ». Comme si la loi de 1905 ne s’appliquait pas aux cultes pratiqués par les « victimes ».
Les islamistes jouent fort cyniquement de la « culpabilité de l’homme blanc » pour installer leur religion dans la sphère publique. Ils ont bien compris que rares sont ceux qui oseront les affronter de peur d’encourir l’accusation de « racisme » ou de « discrimination ».
Il me semble que, globalement, cette discussion réunit un certain consensus, avec des nuances ça et là.
Je voudrais seulement insister sur ceci:
-Le "chant du cygne" et l’échelle historique n’empêchent pas d’être très inquiets pour le court et moyen terme -et c’est là qu’est l’essentiel concrètement, au niveau de la "vraie vie". Il est donc vital pour nous de combattre les avancées de l’islamisme, de façon démocratique certes, mais néanmoins déterminée.
-Or, comme vous le dites dans votre dernière phrase, un tel combat est vite classé aujourd’hui dans la case "racisme"(horreur absolue ) ou "discrimination" (horreur absolue en second). Et la peur -la terreur- est installée chez la plupart des hommes (et femmes) politiques, sans même parler des "merdias" ! J’ai demandé en vain à N. Dupont-Aignan de jouer cartes sur table et d’aider à l’émergence d’un débat public.
Ceci n’est pas très rassurant pour l’avenir de nos enfants et petits-enfants…