Comme disait Georges Pompidou, « passées les bornes, il n’y a plus de limites ». C’est bien ce qui est en train d’arriver au mouvement mis en route par les militantes féministes de genre qui se sont regroupées derrière le mot-dièse #balancetonporc et #metoo. Ce dernier est d’ailleurs le plus révélateur des deux : on le traduit abusivement par « moi aussi », mais en fait son sens en anglais se rapproche plus de « et moi, et moi, et moi », pour reprendre la célèbre chanson de Dutronc.
Toutes les bornes sont en effet franchies. Vous voulez un exemple ? Voici un extrait d’un entretien donné à un vénérable quotidien du soir par Caroline de Haas, ancienne militante socialiste, en réaction aux récentes accusations concernant un ancien président du Mouvement des Jeunes Socialistes :
« Q : Dans votre vie militante, avez-vous été témoins de tels faits ? »
« R : (…) je pense que j’ai été témoin, mais je ne l’ai pas vu. C’est terrifiant. Depuis, j’ai suivi une formation sur les violences sexuelles, il y a deux ans. En quatre jours de formation, on m’a outillée et je suis devenue capable de voir et de réagir. Maintenant, je vois. Mais j’ai passé vingt ans de ma vie adulte, entre mes 15 et mes 35 ans, sans voir alors que j’ai forcément été témoin. J’ai été victime aussi. »
On nous avait dit beaucoup de choses sur les violences sexuelles. Mais on ne nous avait pas jusqu’à maintenant expliqué que celles-ci étaient ésotériques, au sens stricte du terme (1). Pendant vingt ans on peut être témoin des « violences sexuelles », on peut même en être victime, mais « sans les voir ». Pour sortir des ténèbres et voir enfin la lumière, il vous faut une « initiation » – pardon, une « formation » – pour révéler ce qui est caché, invisible au vulgum pecus.
Si le commentaire de Caroline de Haas est intéressant, c’est parce qu’il montre combien le discours du féminisme radical d’aujourd’hui dérive dangereusement vers un discours sectaire. On y trouve tous les éléments de la pensée sectaire ou presque. On y trouve la logique de forteresse assiégée par un monde « machiste » dont toutes les femmes sont victimes – même lorsqu’elles ne s’en rendent pas compte – logique qui conduit à dévaluer tout discours critique venant de l’extérieur. On y trouve l’idée que la réalité observable n’est pas la « vraie » réalité, et que cette dernière n’est révélée qu’aux initiés. Ce discours est un discours d’enfermement.
Le plus terrifiant, c’est que ce discours ne trouve aujourd’hui aucune limite. Le terrorisme intellectuel pratiqué par la « secte » est tel que personne parmi les gens qui comptent ne se risque à en dénoncer les excès. Le discours de ces « féministes radicales » peut ainsi franchir toutes les bornes, piétiner tous les principes de la République et de l’Etat de droit, la présomption d’innocence en premier, mais bien d’autres encore. Pour ne donner qu’un exemple, voici ce que déclare dans le même entretien Caroline de Haas :
« On doit aussi agir au niveau de l’éducation des jeunes. On pourrait ainsi créer un « brevet de non-violence » comme il existe le brevet de sécurité routière. Les enfants pourront mettre la pression à leurs parents !»
On peut sourire en songeant à ce que pourraient être les exigences de ce « brevet de non-violence », qui consisterait en fait à pouvoir donner les réponses « politiquement correctes » à un questionnaire. Mais c’est la dernière phrase du paragraphe qui fait froid dans le dos. Le pacte fondamental sur lequel repose l’école publique républicaine, c’est précisément le fait que l’Etat s’interdit d’introduire l’idéologie dans la salle de classe. Jules Ferry, dans sa célèbre « lettre aux instituteurs » du 17 octobre 1883, avait bien expliqué la conduite à tenir : « Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est permis d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment (…) ». L’école se doit de transmettre des connaissances objectives, tout en respectant en matière morale les choix éducatifs des parents. Ce pacte n’est pas seulement un détail : c’est lui qui fonde la confiance des parents envers l’école. Quel parent confiera avec confiance son enfant à un instituteur qui se permettrait de défaire à l’école ce que le parent entend faire à la maison ?
L’idée même que l’on pourrait utiliser l’école pour « mettre la pression sur les parents » à travers des enfants est la négation de ce pacte fondamental. C’est la destruction de l’école, parce que c’est la destruction de la confiance entre le parent et l’instituteur. Les « féministes radicales », emportées par le fanatisme, ont oublié que leur problème n’est pas nécessairement le seul problème. Comme les dragons de vertu de l’époque victorienne, elles veulent imposer une discipline sociale dans toutes les sphères de la vie, dans tous les lieux, dans tous les domaines et quelque en soit le prix. De la grammaire à l’éducation, du droit pénal aux politiques de l’emploi, aucun domaine ne doit échapper au travail du censeur. Et aucun homme politique, aucun leader d’opinion n’ose dénoncer cette nouvelle inquisition, en dehors de quelques honorables exceptions. Il est grand temps de relire « 1984 »…
Descartes
(1) Rappelons pour ceux qui ne seraient pas férus de grec ancien que le mot « ésotérique » vient du mot grec « ésoteros », qui signifie « intérieur, caché ». Ce terme était utilisé dans la Grèce antique pour qualifier connaissances cachées et accessibles seulement aux initiés, par exemple dans le cadre des Mystères.
Totalitarisme dans sa version soft ….Après le monde de Big Brother, celui de little sister?….
@Descartes,
[« mettre la pression sur les parents » ]
Il vaut se rappeler qu’au XXè siècle, tous les régimes totalitaires ont instrumentalisé la candeur des enfants pour détecter les parents mal-pensants: de là à dire que le féminisme est devenu lui aussi totalitaire, il y a un pas que je vais allègrement franchir, surtout si les harpies misandres appellent à l’imprescriptibilité des “crimes et agressions sexuelles”, qui est un véritable déni de justice…
Sinon, avec Caroline de Haas (que j’ai failli écrire “Hasse” comme le mot “haine” en allemand…) vous m’avez vraiment gâté 🙂 : c’est presque trop facile de la casser en deux, surtout quand elle fait montre d’une hypocrisie ahurissante à propos des agissements des chefs de section de la MJS: même moi, je sais que, dans les partis politiques de gauche, et plus encore chez les gauchistes, les sections militantes sont de véritables…baisodromes!
Le pouvoir étant un véritable aphrodisiaque, les militantes sont plutôt empressées d’aller voir les chefs charismatiques… Dès lors, la position de Haas qui savait sans savoir est d’un ridicule achevé (‘je pense que j’ai été témoin.e. (sic!), mais je ne l’ai pas vu’).
Je divague probablement, mais je la suspecte d’avoir elle aussi bénéficié du système “promotion canapé”, mais de la part de femmes bien placées (après tout, soyons ouverts! Sa vie privée reste bien cachée, mais vu sa haine des hommes, je la soupçonne très fortement de préférer jouer à la poupée avec d’autres femmes…). Seulement pour ce genre de féministes, il n’existe pas d’oppresseures ni de prédateur.es sexuelles (gniark, gniark…)
@ CVT
[Il vaut se rappeler qu’au XXè siècle, tous les régimes totalitaires ont instrumentalisé la candeur des enfants pour détecter les parents mal-pensants: de là à dire que le féminisme est devenu lui aussi totalitaire, il y a un pas que je vais allègrement franchir, surtout si les harpies misandres appellent à l’imprescriptibilité des “crimes et agressions sexuelles”, qui est un véritable déni de justice…]
Ma formulation était plus nuancée que la vôtre, mais in fine on aboutit à une conclusion proche. La différence est que j’attribue à l’inconscience ce que vous attribuez à la volonté. Je ne pense pas que le « féminisme radical » – ne pas confondre avec le « féminisme » tout court, car il y a des féministes qui essayent honnêtement de penser une société d’hommes et de femmes égaux – ait un projet totalitaire assumé. C’est au contraire un totalitarisme « soft », qui s’installe par défaut de vigilance – et, il faut le dire, de culture historique. Je suis sûr que Caroline de Haas serait la première surprise si on lui expliquait que son idée de « mettre la pression aux parents » à travers de l’école est un instrument totalitaire.
Même chose pour la question de la prescription. Les « féministes radicales » ne savent pas à quoi sert la prescription, et au fond cela n’a pour elles aucun intérêt. Elles n’ont aucune pensée systémique de la société. Elles réagissent sous le coup de l’indignation lorsque celui qu’ils voient comme un coupable échappe au bras séculier de la justice. Et du coup, elles sont prêtes à voir l’ensemble des principes juridiques – la prescription, la présomption d’innocence, la non-rétroactivité de la loi pénale – balayés pour réparer cette « injustice » particulière, sans se rendre compte que ce faisant elles balayent l’ensemble des garanties qui nous permettent de vivre dans une société libre.
[Sinon, avec Caroline de Haas (que j’ai failli écrire “Hasse” comme le mot “haine” en allemand…) vous m’avez vraiment gâté 🙂 : c’est presque trop facile de la casser en deux,]
Que Caroline de Haas dise des bêtises, c’est une chose. Il y aura toujours des gens pour dire n’importe quoi. Mais que le journal censé exprimer la vision des élites intellectuelles et politiques accorde à ces bêtises un quart de page sans le moindre commentaire critique, c’est une autre.
[surtout quand elle fait montre d’une hypocrisie ahurissante à propos des agissements des chefs de section de la MJS: même moi, je sais que, dans les partis politiques de gauche, et plus encore chez les gauchistes, les sections militantes sont de véritables…baisodromes!]
N’en déplaise aux dames patronnesses du néo-victorianisme ambiant, on baise beaucoup dans notre société, et dans tous les milieux. Et c’est particulièrement vrai dans le milieu politique – et encore plus dans les mouvements de jeunesse – parce que la politique c’est aussi une affaire d’exaltation, de pouvoir, de séduction… toutes choses qui sont particulièrement aphrodisiaques. Et point besoin de violence pour baiser : les petits chefs gauchistes réalisent assez vite combien le pouvoir est un instrument puissant de séduction. Combien de filles j’ai connu qui, le temps passant et les déceptions politiques venants, se sont dites « je me suis fait avoir comme une conne », voire qui s’inventent une histoire de rapports plus ou moins forcés pour ne pas avouer leur erreur…
[Dès lors, la position de Haas qui savait sans savoir est d’un ridicule achevé (‘je pense que j’ai été témoin.e. (sic!), mais je ne l’ai pas vu’).]
Je pense qu’il y a là plus que de l’hypocrisie. Il y a une position politique qui confine au religieux. C’est ce que j’ai voulu expliquer dans mon papier. Le discours de Caroline de Haas – qui est celui d’une partie des « féministes radicales – repose sur une dualité : d’un côté, il y a le monde observable, de l’autre le monde caché. Le premier est celui que chacun de nous peut observer, le second n’est accessible qu’aux initiés. Dans le monde observable, l’agression sexuelle est un phénomène marginal, un disfonctionnement social au même titre que l’agression physique. Dans le monde accessible aux initiés – ou devrais-je dire aux initiées ? – c’est un phénomène généralisé. Toutes les femmes sont « victimes », même si elles ne le savent pas. Il leur faut donc une « avant-garde initiée » qui pense pour elles et prenne leur défense.
En fait, derrière le « féminisme radical » on trouve le bon vieux gauchisme. La seule différence est qu’hier c’étaient les prolétaires dont il fallait faire le bonheur, y compris contre eux-mêmes. Il s’agissait alors de faire concurrence au PCF, qui prenait lui la peine d’écouter les prolétaires avant de les défendre. Aujourd’hui que le communisme n’est plus, le gauchisme s’est trouvé des « victimes de substitution » bien moins dangereuses : femmes, SDF, sans-papiers… mais la logique est la même : celle du bon vieux paternalisme – ou devrais-je dire « maternalisme » ?
[Je divague probablement, mais je la suspecte d’avoir elle aussi bénéficié du système “promotion canapé”,]
Allons, un peu de retenue… Je ne sais pas si Caroline de Haas a bénéficié ou non de ce genre de promotion, mais je dois avouer que la question de la « promotion canapé » m’a toujours paru paradoxale. En fait, l’existence de cette voie de promotion constitue un avantage que la société réserve aux femmes, et qu’elles sont libres de l’utiliser ou pas. Si quelqu’un peut se plaindre, ce sont plutôt les concurrents masculins qui voient la promotion leur échapper faute de pouvoir se battre à armes égales avec leur concurrent féminin… Et puis, si ma directrice m’avait convoqué pour me dire « le poste que vous convoitez est à vous si vous couchez avec moi », me serais-je senti « harcelé » ?
[Seulement pour ce genre de féministes, il n’existe pas d’oppresseures ni de prédateur.es sexuelles (gniark, gniark…)]
J’avais noté que « l’écriture inclusive » ne féminisait pas systématiquement. Les mots « patron », « exploiteur », « oppresseur » pour ne donner que trois exemples ne sont guère féminisés. Il faut ajouter effectivement « prédateur » ou « agresseur » à la liste…
@CVT
> (‘je pense que j’ai été témoin.e. (sic!), mais je ne l’ai pas vu’).
Il y a à cela une explication simple et plausible que la décence et le respect de la hauteur de la discussion m’empêchent cependant de mentionner ici…
@Descartes
Bonsoir,
Une première lecture rapide induit avec éclat la conclusion que ce qui est excessif est dérisoire. Plus l’outrance sera grande plus la baudruche se dégonflera rapidement. Finalement, ce n’est peut-être pas si mal que cette mal (. . . . .) déverse sa bile à grands flots.
Accessoirement, ces vociférations me font un peu penser aux dérives de l’islamisme radical. Un intransigeance rigide dans des dogmes, imposés comme des versets du coran, des excommunications ou des charias, des incitations des plus jeunes à quasiment prendre les armes. Là comme en islamisme, le salut viendra de la réaction de la majorité silencieuse que constitue le plus grand nombre de nos compagnes, comme, de même, l’islam ne peut évoluer vers le modernisme qu’avec la forte volonté des musulmans.
A les écouter, on pourrait facilement penser que l’agression sexuelle est un fait courant, le lot commun des femmes. Or en plusieurs dizaines d’années d’exercices au contact de population mixe, je n’ai jamais été témoin de ce que l’on pourrait appeler harcèlement. Tout au plus quelques blagues ou remarques salace, pas du meilleurs gout lorsqu’elles se réitèrent. J’ai posé la question à plusieurs femmes de mes relations et j’en conclue – dans un univers restreint certes – que cela reste des pratiques exceptionnelles qu’il faut sanctionner bien sûr. Ce que l’on confond, c’est le cas général de la population et ce qui se passe dans certains milieux, où l’ambition rivalise avec l’amertume et l’intrigue et entraine les coups bas que l’on peut imaginer.
Et puis, cette Caroline de Haas trouve là l’occasion unique de faire parler d’elle, de devenir sinon célèbre à bon compte, du moins VIP des tabloïdes nationaux, un peu de la même façon que les terroristes islamistes recherchent sans doute cette gloire, post mortem souvent, qui est assez motivante pour les pousser à tous les excès.
@ Marcailloux
[Accessoirement, ces vociférations me font un peu penser aux dérives de l’islamisme radical. Un intransigeance rigide dans des dogmes, imposés comme des versets du coran, des excommunications ou des charias, des incitations des plus jeunes à quasiment prendre les armes.]
Oui, la ressemblance m’avait moi aussi frappé, et j’en avais parlé dans le papier précédent. On pourrait croire que c’est un mouvement de balancier, qu’en réaction aux excès de la génération « libertaire » qui voulait « jouir sans entraves » vient une génération puritaine. Mais ce serait oublier que derrière le discours « libertaire » de mai 1968 se cache en fait une prétention totalitaire à faire le bonheur des gens malgré eux voire contre eux. Le discours de Caroline de Haas ne fait que reprendre le discours soixante-huitard de la « prise de conscience » : les prolétaires sont exploités mais n’ont pas conscience de cette exploitation, qui n’est visible que pour les « initiés », d’où le besoin d’une « avant-garde éclairée » qui fasse la révolution pour eux. Avec son « je voyais mais je ne voyais pas », Caroline de Haas est dans la même veine.
Le gauchisme partage avec l’islamisme le rejet de la séparation entre les sphères privée et publique, qui aboutit à l’invasion de la première par la seconde. Comme les islamistes, les gauchistes estiment légitime d’imposer des règles de comportement privé, et cela aboutit nécessairement à une pensée totalitaire. Mais cette identité d’objectifs ne doit pas faire croire à une identité des origines. L’islamisme est à mon sens la réaction d’une société qui se trouve menacée dans ses fondements par une modernité qui vient d’ailleurs. C’est un retour en arrière pour ne pas aller de l’avant. Le gauchisme, au contraire, est l’idéologie qui permet aux « classes moyennes » de prendre le pouvoir et de l’exercer en détruisant « l’ancien monde »…
[Là comme en islamisme, le salut viendra de la réaction de la majorité silencieuse que constitue le plus grand nombre de nos compagnes, comme, de même, l’islam ne peut évoluer vers le modernisme qu’avec la forte volonté des musulmans.]
Je suis moins optimiste que vous. Le « féminisme radical » ne risque pas de s’imposer comme idéologie majoritaire dans la société, du fait de cette « majorité silencieuse » qui ne dit rien mais n’en pense pas moins. Mais il a des effets destructeurs sur la pensée, et donc sur les institutions qui sont censées favoriser la création intellectuelle. Pour le dire clairement, nous assistons depuis quelques années à une « purge » de nos institutions, promotions et nominations étant contrôlées par un lobby qui n’hésite pas à utiliser les accusations de « sexisme » ou de « agression sexuelle » pour barrer la route aux candidats qui lui déplaisent. Une police de la pensée s’exerce dans nos universités, et des chercheurs qui osent mettre en cause le dogme se retrouvent barrés ou trainés devant les tribunaux.
Aujourd’hui, il y a des choses qu’on ne peut pas dire – même si elles sont vraies et prouvées – sans danger. Aujourd’hui, une cabale bien organisée peut détruire la vie d’un homme – pensez à Denis Baupin ou à Dominique Strauss-Kahn – sans que rien ne soit prouvé, sans qu’aucune défense ne soit possible. Dans un système ou accusation vaut condamnation, l’accusateur a un pouvoir énorme.
[A les écouter, on pourrait facilement penser que l’agression sexuelle est un fait courant, le lot commun des femmes. Or en plusieurs dizaines d’années d’exercices au contact de population mixe, je n’ai jamais été témoin de ce que l’on pourrait appeler harcèlement.]
Ah… mais vous n’avez pas été « initié ». Vous n’avez donc pas accès au monde caché ou toutes ces choses se passent.
[Tout au plus quelques blagues ou remarques salace, pas du meilleurs gout lorsqu’elles se réitèrent. J’ai posé la question à plusieurs femmes de mes relations et j’en conclue – dans un univers restreint certes – que cela reste des pratiques exceptionnelles qu’il faut sanctionner bien sûr.]
Mais qu’est-ce qu’on va « sanctionner », exactement ? Le mauvais goût ? Le problème des sanctions au « mauvais goût », c’est que le « goût » est une question fort subjective, et que son appréciation dépend du temps et du lieu. D’ailleurs, je note que ceux qui tiennent les discours « diversitaires » et soutiennent que chaque « communauté » doit pouvoir vivre conformément à sa culture sont bien gênés lorsqu’il s’agit des questions sexuelles…
Vouloir réglementer le « goût » avec sanction à la clé conduit immanquablement au règne de l’arbitraire et généralement au ridicule. Si je sanctionne la remarque de mauvais goût, je devrais avec la même logique sanctionner celui qui fait preuve de mauvais gout dans ses choix vestimentaires. Si j’interdits aux mécaniciens de mettre des calendriers avec des filles à poil, je dois avec la même logique interdire aux secrétaires de mettre ces horribles photos de chatons. Pourquoi le mauvais goût des uns serait permissible et celui des autres censurable ?
Moi, je m’en tiens à une distinction classique : le corps est inviolable, et par conséquent toute violence – qu’elle soit sexuelle ou pas – doit être punie. Mais je me refuse à punir les « goûts » ou les « intentions ». Pour cela, il y a d’autres instruments. A ce propos, une anecdote personnelle : j’ai été à une époque de ma vie chef d’un atelier d’électromécanique. A l’époque, il était habituel pour les mécaniciens de décorer leur banc de travail de calendriers ou des posters de femmes nues, et personne ne faisait attention. Et puis un jour on a recruté notre première femme technicienne. Croyez-vous qu’elle soit venue me voir pour exiger que les calendriers en question soient décrochés ? Pas du tout : elle a décoré son poste de travail de posters d’hommes nus. Cela a tellement choqué ses camarades de travail qu’ils sont venus me voir en délégation pour demander le décrochage des images en question. A quoi j’ai répondu que selon les traditions de l’atelier chacun était libre de décorer comme il l’entendait son coin de travail, que la hiérarchie n’avait donc pas à intervenir, et que si cela leur posait problème, ils n’avaient qu’à s’entendre entre eux pour trouver une solution. Après discussion avec la dame concernée, il a été décidé que tous les calendriers et posters seraient enlevés. Et l’affaire s’est arrêtée là. Voilà comment les choses devraient se régler entre gens civilisés.
[Et puis, cette Caroline de Haas trouve là l’occasion unique de faire parler d’elle, de devenir sinon célèbre à bon compte, du moins VIP des tabloïdes nationaux,]
« Le Monde » serait devenu un « tabloïde » ? Nous sommes tombés bien bas…
》Et puis un jour on a recruté notre première femme
technicienne. Croyez-vous qu’elle soit venue me voir
pour exiger que les calendriers en question soient
décrochés ? Pas du tout : elle a décoré son poste de
travail de posters d’hommes nus.
C’est rigolo, j’ai déjà vu exactement la même. Mais dans un bureau méthodes de chantier (gc) avec un bureau de projeteurs dans lequel une femme est arrivée.
Il n’y a pas eu de protestations, mais ils se sont arrangés pour faire en sorte de tous les rendre moins visibles pour les gens de passage…
Comme quoi un terrain d’entente raisonnable finit par arriver sans qu’il y ait besoin de moralisateur.
Extraordinaire texte,en effet.Cher Descartes,vous forcez le respect,car il est très mal vu,de tenir un discours rationnel sur cette question,de l’imaginaire paranoïaque et vengeur de de Haas,chef de meute de hyènes assumées.
Il y a 100 ans,Freud,face à ces délires,à élaboré le concept de délire hystérique,suite au refoulement de la castration féminine.C’est ce que j’ai tenté d’expliquer à ma belle soeur,de 40 ans et à ma nièce de 15 ans,
N’ai je pas fait fausse route car l’ambiance des repas de famille est devenue trés stressant?
Quels arguments apporter,face à ce dégoût de l’humanité,que ce féminisme ésotérique exprime?
n’est il pas préférable de se taire,jusqu’à ce que les ricanements de ces hyènes cesse?
@ luc
[Il y a 100 ans, Freud, face à ces délires,à élaboré le concept de délire hystérique, suite au refoulement de la castration féminine. C’est ce que j’ai tenté d’expliquer à ma belle soeur,de 40 ans et à ma nièce de 15 ans. N’ai je pas fait fausse route car l’ambiance des repas de famille est devenue trés stressant?]
Sans vouloir vous commander, j’aurais tendance à dire que ce n’est pas un sujet à traiter à table… Il y a un moment pour tout, et je pense que vous n’avez pas choisi le bon…
[Quels arguments apporter, face à ce dégoût de l’humanité, que ce féminisme ésotérique exprime?]
Je crains que malheureusement les arguments soient superflus. Comme pour le nucléaire ou l’aluminium dans les vaccins. Le meilleur argument rationnel est impuissant lorsqu’il s’affronte au désir – ou plutôt au besoin – de croire. Vous savez, les arguments de Copernic pour défendre l’héliocentrisme sont connus depuis l’antiquité…
[n’est-il pas préférable de se taire, jusqu’à ce que les ricanements de ces hyènes cesse?]
Oui et non. Même si les arguments rationnels sont impuissants à convaincre, il faut les répéter haut et fort, ne serait-ce pour empêcher que demain certain.e.s se défaussent avec l’argument « on ne savait pas que c’était faux, personne ne nous l’avait dit ». C’est ce qu’on appelle la fonction testimoniale.
@Descartes,
[En fait, derrière le « féminisme radical » on trouve le bon vieux gauchisme. La seule différence est qu’hier c’étaient les prolétaires dont il fallait faire le bonheur, y compris contre eux-mêmes. ]
Dans le fond, de quelle gauche parle-t-on? De celle de C.De Haas, qui ressemble furieusement à un libéralisme-libertaire digne de M.Thatcher, où les individus sont considérés comme des atomes (Marx parlait, en son temps, de “robinsonnades”; quant à J.Généreux, il parle plutôt de “dissociété”)? Parce que dans sa vision de l’émancipation féminine, la femme est livrée à elle-même…
Or, il me semblait que chez les socialistes historiques (qui ne sont plus de gauche on dirait…), une personne était enchâssée dans un ensemble de relations, pour ne pas dire liens, sociales, et en particulier familiales; dans le cas d’une femme, celle-ci est certes un individu libre et autonome, mais elle a également un père, possiblement des frères, des copains, et très souvent un conjoint : croyez-vous franchement que ces derniers, qui sont généralement des personnes conséquentes, approuvent les agressions sexuelles et autres attouchements commis sur les femmes, sachant que parmi celles-ci, certaines pourraient être proches, voire très chères? Dans cette histoire, les « féministes de la 3è vague » condamnent les hommes « réglos » à la double peine: ils sont montrés du doigt comme délinquants sexuels « inconscients » donc en puissance, et en plus, dans en cas crimes et délits sexuels commis sur une proche, ils n’ont même pas droit à la commisération de ses harpies: cela marque une dissolution de l’idée même de société…
Sinon, et c’est peut-être le point sur lequel je trouve C. De Haas profondément nuisible, c’est son inconséquence crasse lorsqu’elle défend publiquement des clandestins qui se permettent IMPUNEMENT des privautés sur des femmes qui marchent dans la rue (je songe à son message abject lors des « événements de Cologne du nouvel An 2016») ; “et en même temps”, comme dirait Micron, elle appelle à la sévérité la plus extrême face au « porc » que représente le mâle blanc occidental : j’ai tendance à penser que les féministes de 2017 sont d’une lâcheté extrême, car elles sont faibles avec les forts, et fortes avec les faibles…
Soit les crimes et délits sexuels sont une mauvaise chose, et par conséquent, la loi doit s’appliquer à tous, y compris aux « migrants », soit on doit laisser les gens tranquilles; l’arbitraire, le « deux poids, deux mesures », ça suffit comme ça!
@ CVT
[Dans le fond, de quelle gauche parle-t-on? De celle de C.De Haas, qui ressemble furieusement à un libéralisme-libertaire digne de M.Thatcher, où les individus sont considérés comme des atomes]
Je parle de ce qu’on appelle généralement la « gauche radicale », ou plus vulgairement « le gauchisme ». Une « gauche » libérale-libertaire qui a fait le lit de la « révolution libérale » dans les années 1980 et des néoconservateurs à la fin des années 1990. Ou était cette « gauche » lors du référendum sur le traité de Maastricht ? Divisée entre les convertis au mitterrandisme qui ont appelé à voter « oui » – les anciens trotskystes comme Mélenchon, Dray, etc. – et ceux qui ont eu l’hypocrisie de s’abstenir (LO). Et regardez qui ont été les idéologues de la galaxie néo-conservatrice, vous trouverez là aussi pas mal d’anciens trotskystes. Et il faudrait barrer le terme « anciens » : « trotskyste un jour, trotskyste toujours », comme disait mon père, paix à ses cendres…
[Dans cette histoire, les « féministes de la 3è vague » condamnent les hommes « réglos » à la double peine: ils sont montrés du doigt comme délinquants sexuels « inconscients » donc en puissance, et en plus, dans en cas crimes et délits sexuels commis sur une proche, ils n’ont même pas droit à la commisération de ses harpies: cela marque une dissolution de l’idée même de société…]
C’est le problème avec ce féminisme-là qui, en bon héritier des théories soixane-huitardes oublie qu’il existe une séparation entre le personnel et le politique. Quand Marx parle de « lutte de classes », il s’agit d’un conflit global entre groupes sociaux, et non entre individus. Dans la vision marxiste, un patron n’est pas nécessairement un salaud à titre personnel, tout comme le prolétaire n’est pas forcément un saint. Les « féministes radicales » transposent la logique marxiste de « lutte de classes » à une « guerre des sexes », mais franchissement allègrement la frontière qui sépare le personnel du politique en décrétant que TOUS les hommes sont des violeurs et TOUTES les femmes sont violées. Ce qui implique bien entendu un détachement du monde observable – parce que l’observation quotidienne contredit cette vision – en faisant de cette réalité une « réalité cachée » seule accessible à quelques élus…
[Sinon, et c’est peut-être le point sur lequel je trouve C. De Haas profondément nuisible, c’est son inconséquence crasse lorsqu’elle défend publiquement des clandestins qui se permettent IMPUNEMENT des privautés sur des femmes qui marchent dans la rue (je songe à son message abject lors des « événements de Cologne du nouvel An 2016») ; “et en même temps”, comme dirait Micron, elle appelle à la sévérité la plus extrême face au « porc » que représente le mâle blanc occidental :]
C’est la contradiction de base des féministes postmodernes : d’un côté, elles sont engagées à fond dans la logique multiculturaliste qui veut que chacun puisse vivre conformément à sa culture d’origine. De l’autre, elles affirment un rejet total de tout élément « patriarcal » ou « machiste », y compris jusqu’aux extrémités de vouloir changer la grammaire. Le problème, c’est que la plupart des « cultures d’origine » sont elles aussi « patriarcales » et « machistes », bien plus que la notre. Pour résoudre cette contradiction, les féministes postmodernes ont construit une vision idéalisée des cultures minoritaires qui, parce qu’elles ont été opprimées, ne peuvent qu’être égalitaires et empathiques… Une vision idéaliste qui se trouve prise en défaut chaque fois que la réalité frappe à la porte.
[j’ai tendance à penser que les féministes de 2017 sont d’une lâcheté extrême, car elles sont faibles avec les forts, et fortes avec les faibles…]
Je ne pense pas que le problème se pose de cette manière-là. Les féministes postmodernes sont prises dans la même contradiction que l’ensemble des postmodernes : ce sont des privilégiés qui veulent se vivre comme représentants des opprimés. Caroline de Haas se voit en défenseur des femmes contre le « patriarcat », mais aussi des immigrés contre la « culture occidentale ». Ce qui l’oblige à gérer les conflits entre les différentes catégories d’opprimés : on peut être immigré et « machiste »… et la plus simple manière de gérer ce conflit, est de rejeter la faute sur un ennemi unique : l’immigré serait « machiste » parce qu’il est opprimé par notre société occidentale, et serait donc excusé. On trouve ce même type de raisonnement chez les soixante-huitards en matière de politique pénale : le criminel n’est pas responsable de son crime, puisque c’est la société qui l’a maltraité – voir l’affaire Knobelspiess, pour ne donner qu’un exemple.
exellent l idee d utiliser les enfants pour reeduquer moralement les parents. On lui a pas dit qu Adolf et Josef avaient eut la meme idee ?
Heureusement pour l instant ce genre de delire n agite que la boboitude parisienne.
Esperons simplement que Macron ne les incorpore pas pour se refaire une image “progressiste” (un peu comme Hollande avec le mariage home au debut de son quinquennat histoire de faire “de gauche” et diversion en attendant la reprise eco (qui certes n est jamais venu mais c est une autre histoire)
@ cd
[Excellente l’idée d’utiliser les enfants pour rééduquer moralement les parents. On ne lui a pas dit qu’Adolf et Josef avaient eu la même idée ?]
Honneur à qui honneur est du : l’idée n’est ni d’Adolf, ni de Joseph. C’est l’Eglise catholique qui la première a pratiqué à grande échelle le contrôle social et la « rééducation morale » des parents en utilisant les enfants comme véhicule. On y trouve même des références à ce type d’idée dans les évangiles, c’est dire si cela ne date pas d’hier !
[Heureusement pour l’instant ce genre de délire n’agite que la boboitude parisienne.]
Etant donnée le poids de cette boboïtude dans les choix de politique éducative, cela ne me rassure guère. Cela fait déjà quelque temps que, sous couvert d’expressions rassurantes du genre « éducation à la citoyenneté » certains essayent de faire de faire sortir l’école de son rôle de lieu de transmission de la connaissance pour en faire une nouvelle église prêchant un message moralisant.
Bravo pour ce texte. Mais une petite correction .
L’approche qui consiste à s’appuyer sur les enfants pour faire pression sur les parents est un grand classique du communisme. Et il a été largement recyclé dans notre école à nous par des générations de profs militants, du SNES ou d’ailleurs.
Par contre vous ne la trouviez pas dans l’Angleterre libérale.
Je crois que vous devriez vous mettre sérieusement à la lecture des principaux auteurs.
@ Frederic_N
[Bravo pour ce texte. Mais une petite correction. L’approche qui consiste à s’appuyer sur les enfants pour faire pression sur les parents est un grand classique du communisme.]
Vous vous laissez emporter par votre obsession anticommuniste. Non, l’approche qui consiste à s’appuyer sur les enfants pour faire pression sur les parents est un « grand classique » de tous les systèmes politiques dogmatiques. S’il faut chercher une paternité à ce type de méthodes, c’est l’Eglise catholique qui peut chez nous en réclamer la primauté : c’est à travers des enfants que le curé pouvait exercer un contrôle social sur ce qui se passait dans les foyers, et passer les bons messages. Et on trouve cette idée déjà chez les évangélistes… c’est dire si ça ne date pas d’hier. Comme vous voyez, dans ce domaine les communistes n’ont été que des amateurs… ils n’ont jamais disposé d’un instrument d’espionnage aussi puissant que la confession, d’un instrument de pression aussi puissant que la promesse de damnation éternelle…
[Et il a été largement recyclé dans notre école à nous par des générations de profs militants, du SNES ou d’ailleurs.]
Vous êtes à mon avis injuste et excessif. Je ne dis pas que des profs militants n’ont pas rêvé de faire de l’école un lieu de contrôle et de moralisation. Mais ils sont très minoritaires, et surtout très étroitement tenus par la vigilance de l’institution… et des parents.
[Par contre vous ne la trouviez pas dans l’Angleterre libérale.]
J’ai l’impression que vous ne connaissez pas très bien « l’Angleterre libérale ». D’abord, le pouvoir des syndicats – le NUT pour les enseignants – est historiquement bien plus grand qu’il ne l’est chez nous, d’abord parce que la syndicalisation est pratiquement obligatoire, et d’autre part parce que c’est un syndicat unifié. Ensuite, je vous rappelle que le système scolaire britannique fait une bien plus grande part à l’enseignement privé – notamment pour les écoles de prestige – et que celui-ci est généralement confessionnel. Difficile donc de soutenir que le système respecte les choix des parents en matière de morale. Et finalement, cette idée de séparation entre le domaine de la connaissance et celui de la morale, si présent dans le système français, n’existe pratiquement pas dans les systèmes anglosaxons : le débat sur l’enseignement des théories créationnistes en est un bon exemple.
> Et finalement, cette idée de séparation entre le domaine de la connaissance et celui de la morale,
> si présent dans le système français, n’existe pratiquement pas dans les systèmes anglosaxons
Je ne l’aurais pas aussi bien dit, mais c’est un peu cela qui me gène en relisant la phrase de Ferry. Je la trouve magnifique dans son principe. Mais interprétée trop strictement, elle pourrait laisser la place à des contestations bien excessives.
Supposons qu’un père de famille considère, de bonne foi, que la loi divine est au dessus de toutes les autres. Est ce qu’il n’est néanmoins pas légitime que l’école enseigne que tout le monde doit obéissance à la loi républicaine, ce qui peut heurter ce père de famille qui considère que la priorité est l’obéissance à la loi de Dieu ?
Si un autre père de famille considère qu’il y a une hiérarchie naturelle entre les sexes / races / etc. Je veux bien admettre que, à l’époque de Ferry, c’était sans doute une opinion “normale”. Mais aujourd’hui, n’est il pas acceptable qu’un enseignant explique qu’il n’est pas possible de mettre de hiérarchie dans ce domaine ?
Enfin, dernier exemple, si un père de famille, ultralibéral convaincu (mais qui a quand même eu des enfants, on se demande pourquoi), considère que la seule chose qui compte est la satisfaction des désirs de l’individu. Il pourrait être choqué que l’Ecole vienne enseigner qu’en raison du mot “fraternité” écrit sur les frontons de nos mairies, nous sommes les “frères” de nos concitoyens, et que nous nous devons ne nous préoccuper de leur sort, et si besoin de faire preuve de charité, éventuellement via l’Etat.
Bref, la limite entre le domaine de la connaissance et celui de la morale n’est pas si stricte. On pourrait présenter les choses de manière factuelle en expliquant : En France, c’est comme cela qu’est la morale publique ; c’est comme cela que pensent les gens.
Mais encore faudrait il alors qu’il y ait un réel diagnostic partagé sur ce que sont la morale publique en France et les valeurs du pays.
Quand je vois l’importance que prennent les débats sociétaux en France (et notamment celui sur le multiculturalisme ** ), je doute que cela soit si simple.
** certains viennent nous expliquer que le débat n’a pas lieu d’être, puisque la France est – de facto- multiculturelle. Ce raisonnement est doublement spécieux, d’une part car il confond une notion politique (société où chacun appartient d’abord à une communauté) et une observation sociologique. Et aussi car le principe républicain reste que la naturalisation doit suivre l’assimilation ; le renoncement par le passé à des principes ne condamner l’existence de ces principes.
Descartes ! Allons ne faites pas celui qui ne veut pas comprendre !
Lorsque je parle de l’Angleterre libérale, je parle de celle de votre époque, enfin celle qui vous a suivi de quelques années, et .. euh.. excusez moi, mais vous a assez bien habillé pour l’hiver si je peux me permettre. Je parle des pères fondateurs de toute l’europe démocratique . Que vous retrouviez leur esprit n’est pas neutre par les temps qui courent, et croyez moi je vous en félicite. Vous vieillissez bien
1er PS : Je ne suis pas anticommuniste, car un anticommuniste ne vit que par le communisme, Hegel a déjà expliqué cela et mieux que moi. C’est vous qui vous accrochez au communisme alors que vos réflexions vous conduisent à remonter le temps et à abandonner ces oripeaux. Alors allez jusqu’au bout : un bon petit autodafé avec Rousseau au milieu, et relisez les Anglais. Vous ne vous en porterez que mieux.
Re PS Je suis incroyant , mais que je sache l’Eglise n’a jamais utilisé les enfants pour faire pression sur les parents. Vous êtes dans le domaine du Livre et il est écrit : tu respecteras ton père et ta mère .. Détruire ce commandement c’est aussi cela l’anticléricalisme des communistes
@ Vincent
[Je ne l’aurais pas aussi bien dit, mais c’est un peu cela qui me gêne en relisant la phrase de Ferry. Je la trouve magnifique dans son principe. Mais interprétée trop strictement, elle pourrait laisser la place à des contestations bien excessives. Supposons qu’un père de famille considère, de bonne foi, que la loi divine est au-dessus de toutes les autres. (…)]
Encore une fois, le commentaire de Ferry s’applique à l’enseignement de la MORALE. Or, l’exemple que vous donnez ne relève pas de cette catégorie. L’école n’a pas à prendre position sur la question de savoir quelle loi est « au-dessus » ou « au-dessous » de telle autre. Tout au plus, elle peut enseigner qu’il faut obéir à la loi civile, et cela sur la base d’un raisonnement rationnel, et non moral.
Il faut bien voir que Ferry dans sa « lettre » ne défend pas l’idée qu’il ne faudrait pas enseigner la théorie de l’évolution ou le civisme républicain sous prétexte que cela pourrait offenser un parent. Ce qu’il dit, c’est que lorsque l’école s’aventure sur le terrain de la morale, elle doit se cantonner aux principes qui font un consensus unanime.
[Mais aujourd’hui, n’est-il pas acceptable qu’un enseignant explique qu’il n’est pas possible de mettre de hiérarchie dans ce domaine ?]
S’il explique qu’il n’est pas POSSIBLE de mettre de hiérarchie dans ce domaine sur une base scientifique, il est parfaitement dans son rôle. Mais s’il enseigne qu’il est « mauvais » de mettre une telle hiérarchie, il mérite la censure. Dans le premier cas, on enseigne un savoir, dans le second, une morale.
[Enfin, dernier exemple, si un père de famille, ultralibéral convaincu (mais qui a quand même eu des enfants, on se demande pourquoi), considère que la seule chose qui compte est la satisfaction des désirs de l’individu. Il pourrait être choqué que l’Ecole vienne enseigner qu’en raison du mot “fraternité” écrit sur les frontons de nos mairies, nous sommes les “frères” de nos concitoyens, et que nous nous devons ne nous préoccuper de leur sort, et si besoin de faire preuve de charité, éventuellement via l’Etat.]
Encore une fois, si l’on enseigne aux enfants ce que signifie le mot fraternité et pourquoi il est inscrit au fronton de nos édifices publics, l’école est dans son rôle. Mais l’école n’a pas à dire si cette inscription est « bonne » ou « mauvaise ». Encore une fois, il faut distinguer le fait d’enseigner une connaissance et le fait de dicter un comportement moral.
[Bref, la limite entre le domaine de la connaissance et celui de la morale n’est pas si stricte.]
Je pense au contraire que cette limite est très facile à définir. Le domaine de la connaissance est celui où les conclusions s’appuient sur des faits et des raisonnements logiques. Celui de la morale est celui du choix libre de chaque individu. Je peux choisir librement et sans rendre compte à personne de penser qu’il est “bon” ou “mauvais” que les femmes soient juridiquement égales aux hommes. Je ne peux pas choisir librement le point cardinal ou le soleil se lève.
@ frederic_N
[Lorsque je parle de l’Angleterre libérale, je parle de celle de votre époque, enfin celle qui vous a suivi de quelques années, et .. euh.. excusez moi, mais vous a assez bien habillé pour l’hiver si je peux me permettre.]
Grossier personnage ! Vous osez insinuer que le temps présent ne serait pas « mon époque » ? Je trouve que vous m’enterrez un peu vite…
[Je parle des pères fondateurs de toute l’europe démocratique. Que vous retrouviez leur esprit n’est pas neutre par les temps qui courent, et croyez moi je vous en félicite. Vous vieillissez bien.]
Je ne vois pas très bien de qui vous voulez parler. Qui sont ces « pères fondateurs de toute l’Europe démocratique » ? Je vous rappelle que cette « Angleterre libérale » dont vous parlez n’était pas particulièrement « démocratique », bien au contraire… Il faut attendre 1918 pour voir instauré le suffrage universel masculin dans « l’Angleterre libérale » (la France Jacobine l’avait sans discontinuer depuis1848).
[1er PS : Je ne suis pas anticommuniste, car un anticommuniste ne vit que par le communisme, Hegel a déjà expliqué cela et mieux que moi.]
Je ne sais pas d’où vous avez sorti ça. Un « antilibéral » n’est pas quelqu’un qui « ne vit que par le libéralisme ». Pourquoi un « anticommuniste » devrait « ne vivre que par le communisme » ? Je trouve d’ailleurs curieux que le terme « anticommuniste » vous gêne, dans la mesure où vous ne perdez pas une seule occasion – quel que soit le sujet en discussion – pour manifester votre détestation/mépris/rejet du communisme. Faudrait assumer…
[C’est vous qui vous accrochez au communisme alors que vos réflexions vous conduisent à remonter le temps et à abandonner ces oripeaux.]
Je ne vois pas en quoi. Mes réflexions me conduisent au contraire à considérer que la pensée communiste est dans la droite ligne de la pensée progressiste…
[Alors allez jusqu’au bout : un bon petit autodafé avec Rousseau au milieu, et relisez les Anglais. Vous ne vous en porterez que mieux.]
Mais… je relis souvent les Anglais. Hobbes, sans aller plus loin, reste mon philosophe politique préféré…
[Re PS Je suis incroyant, mais que je sache l’Eglise n’a jamais utilisé les enfants pour faire pression sur les parents.]
Bien sûr que si. Elle utilisait copieusement la confession des enfants pour espionner dans la vie privée des parents, et l’enseignement moral et la catéchèse pour faire de l’enfant un propagandiste de la morale catholique dans son foyer.
[Vous êtes dans le domaine du Livre et il est écrit : tu respecteras ton père et ta mère…]
D’abord, citez correctement le commandement. Il ne fait nulle référence à un quelconque « respect ». Dans la bible hébraïque il est écrit « « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne. » (Exode 20,12). Mais le christianisme se démarque considérablement de ce commandement : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre: je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère: on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi (…) » (Mathieu, 10-34). Autrement dit, Jésus est venu séparer l’enfant de ses parents, en faire son ennemi. Celui qui aimerait plus ses parents que lui « n’est pas digne » de lui…
[Détruire ce commandement c’est aussi cela l’anticléricalisme des communistes]
Serait-il donc vrai que, comme le dit Robert Hue, Jesus était communiste ?
@Vincent
Bonjour
[Bref, la limite entre le domaine de la connaissance et celui de la morale n’est pas si stricte.]
Ce qui est, la réalité, s’exprime, se communique, généralement sous l’une des trois formes suivantes
– Les faits, que l’on constate et qui ne peuvent, en principe, être contestés.
– Les opinions, proches de la morale ou de l’éthique, induites par un système de valeurs
– Les sentiments que ressent l’individu qui observe et s’exprime sur tel ou tel sujet, produit d’une alchimie interne et singulière.
La difficulté d’établir une communication, un échange d’informations fiable, réside dans l’excès des opinions exprimées aux dépends des faits et des sentiments.
Il est souvent évoqué en matière de communication qu’elle se pratique à partir de 2/3 d’opinions le reste se partageant entre les faits et les sentiments.
Si l’on parle de fraternité, par exemple, le fait s’exprimera d’abord sur l’acception commune entre les locuteurs, du terme « fraternité » en s’appuyant sur la connaissance scientifique que peut nous apporter, par exemple le CNRTL.
L’opinion se présentera sous la forme de notre appréciation individuelle, ou collective s’il s’agit d’un porte parole, sur la notion de fraternité. Il s’agit là d’étique, de morale, de dogme à la limite.
Le sentiment est différent de ce que l’on pense du bien fondé ou du mal. Il est possible en effet que l’on aime ce que l’on considère comme un mal, ou vice versa.
Dans le cas de l’invocation des faits, l’accord pourra s’établir – en toute bonne foi – assez facilement.
Dans le cas de l’émission d’une opinion, la discussion peut-être poussée à l’extrême.
Dans le cas l’expression d’un sentiment, le respect de la personne s’impose et clôt la discussion.
Et, au cours des échanges, la confusion s’installe assez souvent de par les mélanges, les amalgames que nous produisons entre ces trois formes de communicaton.
[Autrement dit, Jésus est venu séparer l’enfant de ses parents, en faire son ennemi.]
Telle n’est pas l’interprétation faite chez les Catholiques, et je doute qu’il en soit autrement chez les autres. Vous pouvez préférer les uns aux autres sans faire de ces derniers vos ennemis. Pour dire les choses autrement, Jésus appelle à quitter le cocon familial pour “vivre sa vie”, “être soi”… Bien évidemment, le risque de ne pas être compris de son entourage existe, mais il n’est pas le but. Et ce n’est pas une spécificité du domaine religieux, j’ai souvent entendu dire que l’enseignement devait donner aux gens les moyens de s’émanciper d’un milieu d’origine jugé étouffant.
Je ne donne pas de lien, mais les commentaires en ligne ne manquent pas.
@ xc
[Telle n’est pas l’interprétation faite chez les Catholiques, et je doute qu’il en soit autrement chez les autres. Vous pouvez préférer les uns aux autres sans faire de ces derniers vos ennemis. Pour dire les choses autrement, Jésus appelle à quitter le cocon familial pour “vivre sa vie”, “être soi”… ]
Je rappelle le texte biblique : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre: je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère: on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi (…) » (Mathieu, 10-34).
Maintenant, il faudra m’expliquer comment on arrive à « interpréter » ce texte pour lui faire dire ce que vous prétendez lui faire dire. Le mot « ennemi » figure en toutes lettres, alors il est difficile d’affirmer que le texte appelle à « préférer les uns aux autres sans en faire vos ennemis ». Quand à la conclusion, elle appelle clairement à un choix entre « aimer son père et sa mère » et aimer le Christ. Quel que soit la manière dont vous tournez l’interprétation, il est difficile d’en tirer un message de paix dans les familles. Non, le sens de ce paragraphe est assez clair : celui d’une volonté de provoquer une rupture entre les générations, une volonté d’endoctriner les jeunes sans avoir à porter le poids des croyances des générations précédentes. Exactement la même logique adoptée par les mouvements de jeunesse communiste, fasciste ou hitlérienne.
Cela n’implique pas bien entendu qu’il y ait une communauté d’idées entre christianisme, fascisme, communisme ou nazisme. Simplement que les techniques de prosélytisme, qui sont intimement liées à la psyché humaine, sont les mêmes depuis des millénaires et sont utilisées indifféremment par les idéologies les plus différentes. Vous avez donc tort d’identifier communisme ou nazisme comme ayant inventé la manipulation de la jeunesse. Celle-ci a été pratiquée bien avant eux… et avec autant sinon plus de raffinement.
En fait sœur Caroline puise aux sources de notre antique tradition :
« L’âme de l’homme, exclue des joies du paradis par le péché de nos premiers parents, a perdu la lumière des choses invisibles, et s’est entièrement abandonnée à l’amour des choses visibles, et elle est devenue d’autant plus aveugle à l’égard de la contemplation intérieure, que sa dépravation l’a davantage portée à se répandre au-dehors. Car l’homme qui aurait été spirituel, même en sa chair, s’il avait voulu garder le commandement de Dieu, est devenu charnel, même en son âme, par son péché ; en sorte qu’il ne peut plus avoir de pensées que par les images que lui fournissent les choses matérielles ».
Saint Grégoire.
Allez, une devinette pour chambrer les féministes :
Quelle est l’origine du trait horizontal barrant celui oblique lorsqu’on écrit le chiffe sept ?
Moïse le visage rayonnant descendit du mont Sinaï pour donner au peuple Hébreu les tables de la loi. L’énoncé de chaque commandement déclenchait les louages du peuple d’Israël à Dieu. Puis, Moïse d’une voix claire, lut le septième « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain »
.
Alors du peuple Hébreu, une seule clameur s’élève : « NON Moïse, Non ! Barre le sept ! Barre le sept ! »
@ morel
😉
Bonsoir,
Cette histoire de brevet de non-violence me rappelle le formulaire que doivent remplir les candidats à l’entrée temporaire sur le territoire des États-Unis. À une dizaine de questions, on doit répondre si oui ou non on est consommateur ou trafiquant de drogues, lié à des entreprises terroristes ou criminelles, etc.
Malgré le ridicule hypocrite d’un tel formulaire, il est fortement conseillé de le prendre au sérieux : le patron d’une connaissance, en voyage d’affaires, avait eu l’idée de se moquer en cochant les mauvaises réponses… Il fut immédiatement expulsé et banni du territoire.
@ Antoine
[Cette histoire de brevet de non-violence me rappelle le formulaire que doivent remplir les candidats à l’entrée temporaire sur le territoire des États-Unis. À une dizaine de questions, on doit répondre si oui ou non on est consommateur ou trafiquant de drogues, lié à des entreprises terroristes ou criminelles, etc.]
Tout à fait. Mais on se trompe souvent sur l’objectif de ce genre de formulaires. Ce qu’il s’agit de tester, ce n’est pas si vous êtes EFFECTIVEMENT trafiquant de drogues, terroriste ou si vous avez l’intention d’assassiner le président des Etats-Unis. Ce qu’il s’agit de vérifier, c’est votre obéissance, votre discipline sociale, votre capacité à faire quelque chose de profondément idiot simplement parce que l’autorité vous le demande. Et c’est d’ailleurs pour ça que la réaction est si violente à l’égard de celui qui se permet de faire de l’humour dans ses réponses… rien de plus « un-american » que de se rebeller contre la contrainte sociale.
Le « brevet de non-violence » que propose Caroline de Haas est de même nature. Seul un.e imbécile (notez que j’ai choisi un terme invariable… j’espère que cela me sera compté quand j’aurai à me présenter devant mon\ma créateur\trice là-haut) peut imaginer qu’une épreuve scolaire permet de connaître les pensées profondes des étudiants. Les étudiants, eux, ne sont pas idiots, et comprennent très vite quelles sont les réponses qui sont attendues d’eux. Un « brevet de non-violence » sera dans les faits une épreuve de conformité. Il testera la capacité de l’étudiant à deviner quelles sont les réponses « politiquement correctes »… et à se soumettre.
Bonjour Descartes,
Message complètement hors sujet : Le dernier numéro de la revue « Le Débat » consacre quelques pages à l’énergie en Europe. Est-ce que tu pourrais faire un article pour nous présenter ton point de vue sur ces questions ?
@ stu
[Le dernier numéro de la revue « Le Débat » consacre quelques pages à l’énergie en Europe.]
Désolé, mais je n’ai pas trouvé dans le dernier numéro du “Débat” le moindre article sur cette question… Quant à ta commande, elle me semble un peu large: ce n’est pas un article que tu demandes, c’est une encyclopédie entière…
Je l’ai vu en bibliothèque, mais apparemment ce n’est pas encore paru. En tout cas, ce n’est pas encore sur cairn.
Tu peux avoir un petit aperçu ici : https://books.google.fr/books?id=rOw9DwAAQBAJ&lpg=PP1&hl=fr&pg=PT257#v=onepage&q&f=false
En espérant que cela t’inspire pour l’écriture d’un article qui ne soit pas une encyclopédie !
C’est dans le numéro 197 (novembre-décembre 2017), “Energie : que doit faire l’Europe ?”.
L’Europe de l’énergie est d’ailleurs un autre mythe à mettre en perspective. Quand on a 27 Etats avec des besoins si différents et des visions parfois très opposées du mix énergétique, à qui veut-on faire croire que l’on pourra élaborer une politique énergétique commune ?
@ stu
[En espérant que cela t’inspire pour l’écriture d’un article qui ne soit pas une encyclopédie !]
Je ne sais pas si cela m’inspirera beaucoup… mais je vais essayer de me le procurer.
Bonjour Descartes.
Concernant les féministes, je pense qu’au delà de leurs positions idéologiques, ce sont surtout d’excellentes avaleuses de subventions qui ont bien compris qu’il fallait tirer à fond sur la corde pour voir les emplois et faveurs tomber par milliers.
Par exemple, dans la pétition de Caroline de Haas qui contient ce “brevet de non-violence”, figure en tête des “mesures d’urgence” de “Doublez immédiatement les subventions des associations qui accueillent les femmes au téléphone ou physiquement et doublez le nombre de places d’accueil pour les femmes victimes.”
Il faudrait donc un Etat sacrément burné (burné.e ?) pour supprimer toutes les opportunités économiques, mais aussi symboliques, accompagnant ces idées. Vaste programme…
D’ailleurs en ce qui concerne le “brevet de non violence”, il existe déjà de manière officieuse dans les concours ou on n’échappe plus aux questions de ce genre (sic). Et gare à vous si vous osez nuancer le sujet…
@ Paul
[Concernant les féministes, je pense qu’au-delà de leurs positions idéologiques, ce sont surtout d’excellentes avaleuses de subventions qui ont bien compris qu’il fallait tirer à fond sur la corde pour voir les emplois et faveurs tomber par milliers.]
C’est un autre aspect que je n’ai pas abordé : le « féminisme de genre » – tout comme la « diversité » – est devenue une industrie, qui fait vivre de nombreuses conseillères, psychologues, « déléguées à l’égalité » et autres métiers fort novateurs. Sans compter les « départements d’études féministes » et autres créations du même genre…
Ce qui m’a toujours frappé chez les doctrinaires, c’est leur désarroi face à l’humour.
Peut-être ne l’utilisons nous pas assez.
Qu’on me comprenne bien : cette arme de préservation massive de la vie ne peut être utilisée à tout propos, des thèmes doctes méritent des joutes doctes elles-mêmes mais contre des lubies érigées en vérités éternelles ?
Faudrait-il mettre à l’index ces morceaux de réjouissante littérature rabelaisienne ? :
« Pour la braguette : feurent levées [hauts les sens !] seize aulnes un quartier d’icelluy mesmes drap, et fut la forme d’icelle comme d’un arc boutant [bouter, frapper, copuler en argot de gascogne], bien estachée joyeusement à deux belles boucles d’or, que prenoient deux crochetz d’esmail, en un chascun desquelz estoit enchassée une grosse esmeraudgde de la grosseur d’une pomme d’orange. Car (ainsi que dict Orpheus libro de lapidibus, et Pline libro ultimo) elle a vertu erective et confortative du membre naturel. L’exiture de la braguette [sic] estoit à la longueur d’une canne, deschicquetée comme les chausses, avecques le damas bleu flottant comme davant. Mais voyant la belle brodure de cantille, et les plaisans entrelatz d’orfeverie garniz de fins diamens, fins rubiz, fines turquoyses, fines esmeraugdes, et unions Persicques, vous l’eussiez comparée à une belle corne d’abondance, telle que voyez es antiquailles, et telles que donna Rhea es deux nymphes Adrastea, et Ida, nourrices de Jupiter. Toujours gualante [gailllarde], succulente, resudante, toujours verdoyante, toujours fleurissante, toujours fructifiante, plene d’humeurs, plenes de fleurs, lenes de fruictz, plene de toutes delices. Je advoue dieu s’il ne la faisoit bon veoir. Mais je vous en exposeray bien dadvantaige au livre que j’ay faict De la dignité des braguettes. D’un cas [soit cazzo, ” pine ” 3 italienne francisée] vous advertis, que si elle estoit bien longue et ample, en rien ne ressemblant les hypocriticques braguettes d’un tas de muguet [, qui ne sont plenes que de vent, au grand interest [préjudice] du sexe féminin. »
NB : les explications entre crochets sont de bien plus savant que moi.
Je reviens sur ta remarque sur le fait qu’il ne faut pas sous-estimer la nocivité de ce pseudo-féminisme post-moderne paralysant, que je partage, à cause d’un grand défi à venir dans les 2 prochaine décennies : la démographie, dont très peu de politiques ont pris la mesure (vu qu’ils sont majoritairement obsédés par le prochain sondage, là où la démographie concerne le temps long).
Excuse-moi d’avance si je suis un peu longue !
En France, on est les moins mal lotis par rapport aux autres européens, mais nous nous avançons lentement vers les mêmes problèmes. La démographie est liée intrinsèquement à la fécondité et a un impact vital sur les retraites, et les pays développés tendent vers des pyramides des âges inversées dramatiques (le Japon étant un exemple criant), que l’amélioration de la productivité n’arrive pas à compenser. Certes si hier il y avait 4 actifs/jeunes adultes pour 1 retraité, il n’y a pas forcément besoin de conserver le même rapport actif/retraité si les grains de productivité ont fortement augmenté sur 30 ans, mais si aujourd’hui il y a 25 % de retraités dans une population, qui va en s’accroissant, et que les carrières des jeunes adultes sont morcelées, ça pose un problème. La génération des 68ards part à la retraite et ne laisse pas des postes vacants qu’il suffit aux jeunes de combler, vu que l’économie du capitalisme industriel des 30 glorieuses n’est plus du tout la même que l’économie de la finance mondialisée et du dumping social. On a la même illusion que celle des 35 heures de partage malthusien du travail.
Et qu’on ait un système de retraite par capitalisation ou répartition n’est pas pour moi le débat à avoir : d’un côté on a les producteurs et de l’autre les actifs, mais le problème reste le même. J’avoue que personnellement si je suis favorable au système français par répartition, càd de solidarité intergénérationnel, c’est parce qu’il est le plus patriote dans l’esprit. Je ne dis pas que les pays anglo-saxons amoureux de la capitalisation ne le sont pas, je dis juste que les seuls qui peuvent se le permettre sont ceux dont la monnaie est une réserve de change mondiale, donc les USA : tout comme ils externalisent leur droit, leur système de retraite est externalisé vu qu’il bénéficient du privilège impérial d’émettre des dollars, et que les producteurs sont le reste du monde. Bref en gros chez eux c’est : le dollar est NOTRE monnaie et VOTRE problème. L’Euro n’est jamais devenu une monnaie de réserve mondiale, c’est le privilège impérial de l’Allemagne… Mais bon, les gestionnaires de fonds de pension US auront de plus en plus de problèmes à l’avenir pour trouver des pays gogos solvables à bonne fécondité, et j’imagine très mal les chinois (qui vont connaître un problème démographique avec la génération de l’enfant unique qui part à la retraite, et les millions de femmes manquantes) accepter de payer les retraites des américains (surtout que les chinois sont nationalistes et ont une culture confucéenne de piété filiale). En plus, leur diplomatie consiste à promouvoir des pétro-yuans convertibles en or.
Bref je préfère un système de retraite qui dépende largement de nous-mêmes : donc notre productivité et notre fécondité sur lesquelles ont peut agir politiquement si on se retrousse les manches et on l’explique clairement à nos concitoyens, plutôt que de le peser sur des pays étrangers dont on ne contrôle pas forcément l’avenir.
Si j’aborde la démographie et le poison qu’on distillé ces féministes hystériques, c’est que leur chape de plomb risque fort d’empêcher d’aborder sereinement le problème de la fécondité, avec leur paranoïa anti-patriarcale. Or la démographie ne ment pas, et les trous dans la pyramide des âges ou les hivers démographiques ne se rattrapent que par une politique nataliste très très volontariste ou par l’immigration massive. Encore une fois la France n’est pas le pire élève de l’Europe, mais nous avons des élites qui veulent absolument la transformer en Allemagne-bis ; nous avons potentiellement tous les atouts pour lui passer devant dans les 20 prochaines années : nous avons une armée compétente et professionnelle (et je subodore que Macron serait prêt à la vendre aux allemands en échange d’une tolérance budgétaire, berk !), nous avons des accès à toutes les mers par notre géographie et nos DOM-TOM, nous avons une meilleure démographie, nous avons le nucléaire (on pourrait vendre encore plus d’électricité à nos voisins), nous avons un passé assimilationniste avec nos immigrés, et même si des coups de canifs ont été portés au contrat, une grande partie l’est, nous avons surtout besoin de nous ressaisir sur ce point, et pourtant nos élites et nos bobos n’ont de yeux de Chimène que pour les excédents budgétaires de futurs vieillards sans enfants et leur sortie irrationnelle du nucléaire. Exaspérant cette absence de velléité de grandeur et cet aveuglement sur nos atouts considérables, qui nous viennent d’ailleurs de la génération pré-68ards, bref de fondations solides (même Sarko l’avait reconnu lors de la crise de 2008, notre système social et de retraite tant conspués nous a sauvés).
J’ai une amie gynécologue qui me raconte souvent combien elle est effarée de voir l’ignorance des femmes, pourtant instruites, devant la réalité biologique de la chute de potentiel de fécondité à partir de 35 ans (ce qui m’a été confirmé par d’autres gynéco). Là encore, on peut mettre cela sur le dos de ce féminisme post-moderne, qui cherche plus à se venger du passé ou un égalitarisme biologique (le fait que les hommes n’ont pas le même problème dans leur capacité à enfanter sur le critère de l’âge). Quand on y pense, le slogan un enfant quand je veux et avec qui je veux est mensonger, la réalité biologique vous rattrape avant les 40 ans. Mon amie fustige le fait qu’on élève les filles dans le mythe de l’alignement parfait des planètes pour enfanter (à savoir réunir toutes les conditions optimales : partenaire idéal + situation professionnelle enviable + problème de logement réglé + épanouissement personnel), et elle suit des patientes qui, quand elles ont la chance d’avoir les planètes alignées, tombent des nues quand mon amie leur dit qu’espérer enchaîner 3 premières grossesses entre 39 et 45 ans, c’est presque croire au Père Noël, ou alors au prix de traitements de fertilité lourds, coûteux, et avec des effets secondaires très désagréables. Quant à la GPA (une monstruosité à mes yeux), il faut rappeler que les pays riches qui l’autorisent n’ont pas vu leur taux fécondité exploser (ben oui, statistiquement, ça reste 2 femmes et 1 seul enfant, et non 2 femmes et 2 enfants).
Mon amie est favorable à ce qu’on promeuve la vingtaine comme l’âge de la maternité, et l’épanouissement personnel après 40 une fois la corvée de maternité expédiée (et en plus, ça coûte moins cher à la société que les traitements de PMA). Le problème de la vingtaine c’est qu’elle suit l’adolescence et qu’on a soif de découverte et d’expérience, mais mon amie explique souvent à des femmes pourtant en couple stable mais sans enfants : vous voulez vous amuser ou voyager OK, c’est très bien, mais le Japon ou l’Australie que vous rêvez de visiter existeront toujours quand vous aurez 45/50 ans, mais pas votre fécondité, pourquoi notre société promeut le report tardif de la maternité, et pas de l’épanouissement féminin personnel, alors que c’est le contraire qu’il faudrait faire ?
En discutant avec elle depuis des années, je me suis rendue compte qu’elle avait raison, ce féminisme qui ne veut pas lâcher du lest dans le pouvoir dans le gynécée a paradoxalement fait de la maternité une contrainte abominable, vociférera quand les problèmes démographiques avec trop de retraités et pas assez d’actifs vont clairement se poser.
Ensuite, il y a la solution de l’immigration massive, qu’a adoptée Merkel de façon totalement irresponsable : elle a promut l’immigration clandestine, déstabilisant l’Afrique du Nord et le Proche-Orient, l’Europe du Sud et des balkans, favorisant les mafias, au lieu d’ouvrir des annexes d’ambassades de l’Allemagne dans des pays ciblés, où des dossiers seraient traités sur place, les identités vérifiées, et des billets d’avions distribués, ce qui n’aurait pas conduit à la mort tous ces malheureux ou que les moins pauvres des pays pauvres vendent leurs possessions à l’usurier du coin. C’est vraiment n’importe quoi ce qu’elle a fait, en plus on en revient toujours au même problème démographique : le million et demi qu’elle a accueilli sont des hommes à au moins 85 %, or les utérus sont du côté des femmes. Ces messieurs voudront majoritairement bénéficier du regroupement familial, donc faire venir des cousines du bled, ce qui ne fera que créer des ghettos ethniques. A mon sens, elle aurait du procéder à un enlèvement des Sabines civilisé : ouvrir des annexes de ses ambassades dans des pays à peu près sûrs du genre Maroc ou Cameroun, et dire : j’ai besoin de 100 000 personnes, dont 80 000 femmes jeunes, à qui je garantirais la sécurité, la santé et la formation, mais je vous préviens, A Rome on fait comme les Romains, donc pas de regroupement familial avec des cousins, mais des mariages et des familles avec les hommes déjà dispo en Allemagne. Bien sûr ces sociétés patriarcales hésiteront un peu, mais devant la perspective d’avoir un enfant qui pourra leur envoyer des fonds régulièrement, leur traditionnalisme ou leur religiosité ne feront pas long feu. Et que les services consulaires choisissent parmi ces Sabines des femmes dont ils sentent qu’elles ont des velléités d’émancipation personnelle ou qui veulent s’occidentaliser. En France, en général les magrébines sont plus fiables que leurs coreligionnaires masculins, elles versent moins dans la délinquance. C’est la promotion du muticulturalisme et l’exhibitionnisme identitaire post-colonial par les bobos qui explique la multiplication des enfoulardées.
Merkel a fait une promotion de l’immigration à but humanitaire, alors qu’en réalité, elle cachait peut être une panique devant le futur hiver démographique (et sans doute un peu le patronat allemand qui doit trouver les immigrés de la Mittel-Europa encore trop chers). Mais il faut alors l’expliquer clairement pas seulement à son peuple, mais aussi aux immigrés : nous allons avoir un hiver démographique et nous vous invitons à le combler, il faut que vous payez les retraites de nos vieillards, et en échange vous aurez le bénéfice de vivre dans un pays stable, prospère, avec accès aux soins et aux services publics de qualités, mais pour cela il faut que vous fassiez perdurer notre discipline sociale qui seule permet à ce pays de fonctionner. Au lieu de ça, Merkel n’explique pas le deal, mais dit venez comme vous êtes, nous sommes tolérants, et nous allons nous adapter à vous, grossière erreur ! Ces clandestins viennent pour des mobiles égoïstes, ils ne se sentent aucun lien de solidarité avec les futurs vieillards allemands, leur solidarité, et c’est normal, est avec leur famille. L’humanitaire c’est pour des situations ponctuelles, et les refugiés sont sensés rentrer dans leur pays une fois la guerre terminée (en Syrie, Assad a pratiquement récupéré le contrôle de tout le territoire), or la journée portes ouvertes de Merkel ce sont en réalité des installations qui seront définitives, et non des travailleurs invités pour une durée limitée.
L’émotionnel a caché des problèmes de fond qui ne sont pas expliqués clairement de part et d’autre (pays d’accueil et immigrés entrants), et ça n’inaugure rien de bon pour l’avenir, il suffit de voir la bronca des pays de la Mittel-Europa. L’Allemagne se comporte comme un vrai vampire : elle a aspiré la richesse pécuniaire de ses voisins, mais aussi la jeunesse : ces pays qui veulent rester blancs chrétiens montrés en exemple par nos identitaires sont bien gentils, mais avec des indices de fécondité catastrophiques de l’ordre de 1,1/1,3 enfants par femmes et des jeunes qui s’expatrient, il vont s’éteindre tous seuls, que dire de la venue de Trump qui leur dit vous devez payer pour si vous voulez notre protection, vu qu’ils n’ont pas d’enfants pour avoir une armée (une petite pensée pour la Pologne férocement anti-rapprochement russe). Nous les français laïcards athéisants ont a paradoxalement une fécondité plus enviable que les pays cathos exibis comme l’Irlande, l’Italie ou la Pologne, gnark, gnark, comme quoi, pour nous ce n’est pas la résurrection du catholicisme qui nous permettra de redresser la barre au dessus des 2,1 enfants par femme, mais une politique nataliste, comme celle menée après guerre.
Notre problème c’est que notre protection sociale a été détournée pour soutenir la consommation et palier la déflation salariale (ce qui revient à subventionner l’économie chinoise, bravo les socialos), et non la natalité, voir par exemple la suppression de l’université des allocs (là encore, j’insiste sur le fait que ces féministes y ont idéologiquement contribué).
J’avoue que personnellement, payer par mes impôts pour que des femmes française puissent élever 4 à 7 enfants, je suis totalement favorable. On peut parfaitement préserver la liberté individuelle des femmes (d’avoir ou pas des enfants) tout en menant une politique nataliste. On pourrait réfléchir à revoir toute notre politique fiscale pour que les célibattants paient pour les parents, supprimer les niches fiscales pour les services à la personne dont sont friands les bobos, mais accorder des baisses d’impôts aux entreprises qui investissent dans des crèches, une TVA sociale, etc. Je suis même favorable au déremboursement de l’IVG : je ne vois pas pourquoi les lunettes ou les couronnes dentaires sont si mal remboursées si vous n’avez pas de bonne mutuelle, mais l’IVG oui. Mais là ça va hurler chez certaines…
Bref enlèvement des Sabines civilisé et politique nataliste, je vote pour ^^ !
@ Bannette
[En France, on est les moins mal lotis par rapport aux autres européens, mais nous nous avançons lentement vers les mêmes problèmes. La démographie est liée intrinsèquement à la fécondité et a un impact vital sur les retraites, et les pays développés tendent vers des pyramides des âges inversées dramatiques (le Japon étant un exemple criant), que l’amélioration de la productivité n’arrive pas à compenser.]
A mon avis, vous posez un faux problème. Ce n’est pas parce qu’on a une « pyramide inversée » que le nombre de cotisants par retraité diminue : tout dépend de l’âge de départ à la retraite. Nous vivons plus longtemps et en meilleure santé, et c’est heureux. Mais du coup, nous pouvons rallonger notre vie active… en fait, il y a trois paramètres sur lesquels on peut jouer : le rapport entre la période active et la période inactive (âge d’entrée et de sortie de la vie active), la productivité, le rapport entre le montant des retraites et celui des salaires.
[Et qu’on ait un système de retraite par capitalisation ou répartition n’est pas pour moi le débat à avoir : d’un côté on a les producteurs et de l’autre les actifs, mais le problème reste le même.]
Exactement. Du point de vue économique, les deux systèmes sont équivalents : dans les deux les retraités sont payés par un prélèvement sur l’activité. Que ce prélèvement soit un dividende ou une cotisation ne change rien.
[J’avoue que personnellement si je suis favorable au système français par répartition, càd de solidarité intergénérationnel, c’est parce qu’il est le plus patriote dans l’esprit.]
Je partage. En plus, c’est un système qui mutualise le risque, et tend donc à réduire les inégalités. Le problème de la capitalisation, c’est que votre retraite dépend des choix d’investissement faits par le gestionnaire du capital en question.
[Bref en gros chez eux c’est : le dollar est NOTRE monnaie et VOTRE problème. L’Euro n’est jamais devenu une monnaie de réserve mondiale, c’est le privilège impérial de l’Allemagne…]
D’une certaine manière, l’Euro joue le même rôle en Europe que le dollar dans le reste du monde. L’Euro est la monnaie allemande devenue monnaie de réserve européenne…
[Exaspérant cette absence de velléité de grandeur et cet aveuglement sur nos atouts considérables, qui nous viennent d’ailleurs de la génération pré-68ards, bref de fondations solides (même Sarko l’avait reconnu lors de la crise de 2008, notre système social et de retraite tant conspués nous a sauvés).]
Oui. Et cette absence de volonté de grandeur (je ne parlerai pas de « velléité » est, comme vous le dites un choix suicidaire. Comment motiver les jeunes à réaliser pleinement leurs potentialités si le seul projet de vie qui vaille est d’avoir un iPhone à vingt-cinq ans et une Rolex à cinquante ?
[Quand on y pense, le slogan un enfant quand je veux et avec qui je veux est mensonger, la réalité biologique vous rattrape avant les 40 ans.]
Effectivement. Mais le propre de notre société est de refuser la réalité. Notre société adore les paralytiques qui courent, les muets qui déclament du Shakespeare. Ne serait-ce plus simple de faire courir les muets et de laisser Shakespeare aux paralytiques, plutôt ? Mais non, chacun est poussé non pas à exploiter ses points forts, mais à essayer de faire comme si ses points faibles n’existaient pas. Et avec l’âge, c’est la même chose. Avant, chaque âge avait ses satisfactions : la jeunesse avait l’insouciance, l’âge adulte le pouvoir, la vieillesse le respect. Maintenant, on trouve des adultes qui jouent les adolescents parce qu’on se refuse à admettre que le temps passe…
[pourquoi notre société promeut le report tardif de la maternité, et pas de l’épanouissement féminin personnel, alors que c’est le contraire qu’il faudrait faire ?]
En fait, je ne crois pas que notre société « promeuve la maternité ». Plutôt le contraire : elle pousse les individus à devenir auto-centrés. L’enfant, cela vous empêche de sortir, de consommer, de faire carrière, qui a besoin de ça ? Seulement, comme vous dites, il y a un moment où le désir de maternité, qui est inscrit dans chaque femme, les rattrape. La nature elle-même les oblige à choisir.
[Nous les français laïcards athéisants ont a paradoxalement une fécondité plus enviable que les pays cathos exibis comme l’Irlande, l’Italie ou la Pologne, gnark, gnark, comme quoi, pour nous ce n’est pas la résurrection du catholicisme qui nous permettra de redresser la barre au dessus des 2,1 enfants par femme, mais une politique nataliste, comme celle menée après guerre.]
Une politique nataliste, et une confiance dans l’avenir qui ne peut venir que d’un projet collectif. C’est la combinaison de ces deux paramètres qui a permis à la France non seulement de repartir très fort après la guerre, mais surtout de maintenir cette lancée jusqu’à aujourd’hui.
[J’avoue que personnellement, payer par mes impôts pour que des femmes française puissent élever 4 à 7 enfants, je suis totalement favorable. On peut parfaitement préserver la liberté individuelle des femmes (d’avoir ou pas des enfants) tout en menant une politique nataliste.]
Bien sûr. Il faut là aussi rappeler que les femmes françaises ont été parmi les premières à travailler massivement – ce qui reste pour moi l’indicateur essentiel de l’égalité, et non le nombre de femmes député ou PDG – et cela tout en maintenant un indice de fécondité important.
[On pourrait réfléchir à revoir toute notre politique fiscale pour que les célibattants paient pour les parents,]
C’est déjà le cas, par le biais du coefficient familial.
@ Bannette, Descartes
Si vous voulez bien me permettre…
Vous citez le Japon en exemple d’une démographie faible, ce qui est avéré mais, sans prétendre connaître ce pays, de ce que j’ai pu en lire, il ne semble pas que les idéologies de genre y aient beaucoup de place.
Je crois qu’il y a aussi une particularité de ces pays vaincus (l’Allemagne en est un autre exemple) qui, ont pu échapper à des dépenses militaires du fait de leur statut et se sont en retour enrichis plus vite que d’autres.
Et puis, ne nous faisons pas d’illusion, si cette idéologie a une fonction c’est qu’elle est l’enrobage de certains intérêts : par les temps qui courent il est préférable d’exciter à la « lutte des sexes », celle des pseudos races , des « préférences sexuelles », des valides contre les handicapés plutôt que la lutte des classes caricaturée par le fameux « bolchevik couteau entre les dents ».
De ce fait, je crois constater que si toutes ces idéologies envahissent le « haut » de nos sociétés ainsi que particulièrement certaines couches , elles sont peu prégnantes « en bas ».
Cette contradiction devra aussi trouver une issue.
Pour en revenir à la démographie qui a été particulière, dans un premier temps aux pays vaincus enrichis et s’est étendue à d’autres, je crois que tout pays parvenu à un niveau d’aisance (c’est même vrai pour l’Arabie Saoudite) freine naturellement son expansion démographique. Dans ce cadre, les politiques natalistes ne peuvent avoir d’effet que sur les couches très défavorisées.
Je repose la question d’un autre fil : un pays moderne est-il condamné à une expansion infinie de sa démographie ? Je crois qu’il n’est nul besoin d’être malthusien pour constater que non.
Le vrai calcul, au niveau d’une nation, doit donc être raisonnablement économique.
La question des retraites est faussée par un rapport de force où les revenus du capital l’emportent sur ceux du travail.
C’est dans ce contexte qu’apparaît en France le discours biaisé sur la retraite par répartition ou par capitalisation.
Je regrette, les systèmes sont très loin d’être équivalents : les fonds de pensions viennent nourrir la spéculation, participent à la « bulle financière » contre le travail, la rente. Il faut choisir…
@Descartes
> En fait, je ne crois pas que notre société « promeuve la maternité ». Plutôt le contraire : elle pousse les individus à devenir auto-centrés.
En France, il y a une pression sociale assez forte sur les femmes pour avoir des enfants. N’importe quelle femme en âge d’avoir des enfants mais n’en ayant pas encore en fait l’expérience. Et il y a tout un business autour de la maternité et de la petite enfance, qui alimente cette pression sociale à des fins économiques.
Les « individus » que l’on pousse à devenir auto-centrés sont surtout les hommes. Chez les femmes, la société a plutôt tendance à valoriser des comportements conçus comme « altruistes » : par exemple, travailler dans le social, s’investir dans l’associatif, etc.
> il y a un moment où le désir de maternité, qui est inscrit dans chaque femme, les rattrape. La nature elle-même les oblige à choisir.
Le seul critère naturel qui soit en mesure de les « obliger » à choisir, c’est la perspective de la ménopause qui arrive grosso modo à un terme connu d’avance. Sinon, elles pourraient, comme les hommes (soumis eux aussi à un « désir de paternité »), repousser toujours plus la décision.
Le désir de maternité n’est pas irrépressible : sinon, toutes les femmes feraient des enfants, ce qui n’est pas le cas. Canaliser et détourner les désirs, c’est le travail de civilisation.
Quant à la question générale de relancer une politique nationaliste (que propose Bannette), je dirais que la grande question est : quel intérêt ? Si on veut accroître massivement la population française, encore faut-il expliquer pourquoi, car personnellement, les raisons m’en échappent.
@Bannette
[nous avons potentiellement tous les atouts pour lui passer devant dans les 20 prochaines années]
C’est du Attali ça. 😉
C’est son argument pour nous vendre l’UE. La France en sera le chef d’ici x années.
[nous avons une armée compétente et professionnelle]
La principale utilité d’une armée aujourd’hui est de justifier des investissements publics massifs dans un complexe militaro-industriel afin de « tirer » l’industrie de pointe d’un pays.
Ce n’est plus trop le cas en France. Nos solutions informatiques sont américaines. On n’a pas de drone. Même nos fusils sont allemands…
Avoir une armée « compétente et professionnelle » n’est donc pas en soi d’une utilité primordiale vis-à-vis de l’Allemagne.
[nous avons des accès à toutes les mers par notre géographie et nos DOM-TOM]
Ce qui aujourd’hui ne sert pas à grand chose. Peut-être un jour…
L’Allemagne a, elle, accès à une main d’œuvre de qualité et bon marché à ses frontières est. Et ça c’est tout de suite.
[nous avons une meilleure démographie]
A la lecture régulière des états-civils des naissances, permettez-moi de douter de la « chance » que ça va être.
[nous avons le nucléaire]
Et les américains la branche énergie d’Alstom. Ce qui implique potentiellement la perte de notre capacité d’une quasi-indépendance sur le plan de l’énergie électrique.
Les allemands ont du charbon et du « renouvelable ». L’un pollue et l’autre est cher mais ils ne se sont mis dans la main de personne.
[ces pays qui veulent rester blancs chrétiens montrés en exemple par nos identitaires sont bien gentils, mais avec des indices de fécondité catastrophiques de l’ordre de 1,1/1,3 enfants par femmes et des jeunes qui s’expatrient, il vont s’éteindre tous seuls]
Eux au moins peuvent penser changer ça s’ils le décident…
Et peut-être (sait-on jamais…) ces pays bénéficieront-ils un jour d’une immigration massive d’européens blancs de l’ouest.
Notons d’ailleurs que chez nous aussi, des jeunes s’expatrient. 100 000 Français quittent la France chaque année. (200 000 départs pour 100 000 retours).
[vu qu’ils n’ont pas d’enfants pour avoir une armée (une petite pensée pour la Pologne férocement anti-rapprochement russe)]
Ils pourront avoir tous les enfants qu’ils veulent, si le but est de se protéger de la Russie seul un parapluie nucléaire de tout premier ordre le permettra.
[Nous les français laïcards athéisants ont a paradoxalement une fécondité plus enviable que les pays cathos exibis comme l’Irlande, l’Italie ou la Pologne, gnark, gnark]
Le taux de fécondité irlandais est proche de celui de la France. Celui du Royaume-Uni aussi.
Rien ne permet donc de juger d’une différence due à des critères religieux. Pour Todd, par exemple, c’est le type d’organisation familiale qui est en cause.
Pour ma part, j’y vois aussi l’effet des politiques d’immigration extra-européennes de type « regroupement familial ».
[J’avoue que personnellement, payer par mes impôts pour que des femmes française puissent élever 4 à 7 enfants, je suis totalement favorable.]
Moi ça me rend dingue de me dire que mes impôts servent en partie à élever des enfants qui plus tard n’auront de Français que leur état-civil.
Que je participe de la dilution du peuple autochtone et de la disparition d’une situation où le seul peuple en France était le « peuple de France ».
@ morel
[@ Bannette, Descartes, Si vous voulez bien me permettre…]
Mais bien entendu !
[Vous citez le Japon en exemple d’une démographie faible, ce qui est avéré mais, sans prétendre connaître ce pays, de ce que j’ai pu en lire, il ne semble pas que les idéologies de genre y aient beaucoup de place.]
La démographie est dépendante de trop de facteurs pour qu’on puisse établir des rapports de cause à effet simples. On peut observer qu’en Europe les sociétés « nordiques » qui tendent fers une indifférenciation des rôles entre hommes et femmes ont des démographies plus faibles que les pays « méditerranéens » ou ces rôles restent très marqués. Mais une telle corrélation n’est pas forcément le signe d’une causalité, et il existe des sociétés ou la différentiation reste très forte – comme le Japon – et où la démographie est faible.
[Et puis, ne nous faisons pas d’illusion, si cette idéologie a une fonction c’est qu’elle est l’enrobage de certains intérêts : par les temps qui courent il est préférable d’exciter à la « lutte des sexes », celle des pseudos races , des « préférences sexuelles », des valides contre les handicapés plutôt que la lutte des classes caricaturée par le fameux « bolchevik couteau entre les dents ».]
Bien entendu. Les « classes moyennes » en France ont tout fait pour remplacer le prolétaire – dont le refus de s’embarquer dans le navire gauchiste en 1968 avait déplu – par toutes sortes de « victimes de substitution » qui avaient l’avantage de ne pas parler par elles-mêmes et qui permettaient donc aux « classes moyennes » d’en confisquer la parole. Ce furent d’abord les « taulards », puis les « immigrés », puis les « sans papiers » ou les SDF… maintenant la mode est aux femmes.
[Pour en revenir à la démographie qui a été particulière, dans un premier temps aux pays vaincus enrichis et s’est étendue à d’autres, je crois que tout pays parvenu à un niveau d’aisance (c’est même vrai pour l’Arabie Saoudite) freine naturellement son expansion démographique. Dans ce cadre, les politiques natalistes ne peuvent avoir d’effet que sur les couches très défavorisées.]
C’est le déterminant le mieux connu de la démographie. Faire des enfants est la première assurance vieillesse dans l’histoire de l’humanité. Au fur et à mesure que la société s’enrichit, que la mortalité infantile diminue et que les systèmes de mutualisation du risque vieillesse se développent, le besoin de produire de nombreux enfants disparaît et la natalité diminue.
[Je repose la question d’un autre fil : un pays moderne est-il condamné à une expansion infinie de sa démographie ? Je crois qu’il n’est nul besoin d’être malthusien pour constater que non.]
Non, bien sûr que non. Le raisonnement qui veut financer les retraites par une fuite en avant démographique ou en favorisant l’immigration est fallacieux : s’il faut augmenter de 20% la population pour que les retraites de la génération N aient une retraite digne, alors il faudrait doubler la population tous les cinq générations, et on voit bien que ce système est insoutenable. La stabilisation voire la réduction de la population est inévitable à plus ou moins longue échéance.
[Je regrette, les systèmes sont très loin d’être équivalents : les fonds de pensions viennent nourrir la spéculation, participent à la « bulle financière » contre le travail, la rente. Il faut choisir…]
Je n’ai pas dit qu’ils étaient « équivalents ». J’ai dit qu’ils étaient « équivalents du point de vue économique ». En d’autres termes, les flux de richesse nécessaires pour les alimenter sont prélevés au même endroit, et vont au même endroit. Par contre, leurs effets sur la répartition des richesses, sur la profondeur des cycles économiques, etc. n’est pas du tout la même. Pour ne donner qu’un exemple, la répartition a un effet contre-cyclique : lorsque l’économie est en bas de cycle, la répartition permet de maintenir les retraites au même niveau – quitte à creuser le déficit des régimes – et donc de maintenir la demande. En haut de cycle, les retraites n’augmentent pas et le surcroit de cotisations permet de couvrir ce déficit. Le système par capitalisation, lui, est pro-cyclique : en haut du cycle, les retraites augmentent poussant à la surchauffe, en bas du cycle elles se réduisent ce qui approfondit encore la baisse de la demande et donc de l’activité.
Les systèmes a versements fixes – comme la retraite par répartition et la sécurité sociale – sont ce que Keynes appelait des « stabilisateurs automatiques », qui tendent à réduire l’amplitude des cycles économiques. Les systèmes à versements variables sont au contraire pro-cycliques et tendent à approfondir les cycles.
@ Antoine
[En France, il y a une pression sociale assez forte sur les femmes pour avoir des enfants. N’importe quelle femme en âge d’avoir des enfants mais n’en ayant pas encore en fait l’expérience. Et il y a tout un business autour de la maternité et de la petite enfance, qui alimente cette pression sociale à des fins économiques.]
Comment se manifeste cette « pression », d’après vous ? Franchement, je ne vois pas où se trouve cette « pression sociale ». Sans aller plus loin, nos médias proposent chaque jour des personnages positifs de femmes menant de brillantes carrières – policier, gendarme, etc. – et n’ayant pas d’enfants.
[Les « individus » que l’on pousse à devenir auto-centrés sont surtout les hommes. Chez les femmes, la société a plutôt tendance à valoriser des comportements conçus comme « altruistes » : par exemple, travailler dans le social, s’investir dans l’associatif, etc.]
Pas du tout. Je crois que vous êtes victime d’une fausse perception : Mere Teresa ou Geneviève de Gaulle-Antonioz étaient des figures « altruistes », des personnalités qui ont souffert, qui se sont privées elles-mêmes pour servir les autres. Ce qu’on soulignait dans ces personnages, c’était la notion de sacrifice. Mais les comportements dits « altruistes » sont valorisés sur une base très différente aujourd’hui : les bénévoles ne « souffrent » pas, au contraire, ils insistent sur toute la « joie », le « plaisir » et les « apprentissages » qu’ils tirent de leur activité « altruiste ». En d’autres termes, on n’hésite plus à dire qu’on est « altruiste » pour se faire plaisir… et le sacrifice a disparu. On peut donc s’interroger sérieusement sur le caractère véritablement « altruiste » de ces activités.
Par ailleurs, je ne vois pas d’où tirez-vous qu’on valorise aujourd’hui chez les femmes le travail « dans le social ». Lorsqu’on souligne la réussite d’une femme aujourd’hui, on nous présente des femmes militaires ou PDG d’une entreprise du CAC40. Pas une infirmière.
[Le seul critère naturel qui soit en mesure de les « obliger » à choisir, c’est la perspective de la ménopause qui arrive grosso modo à un terme connu d’avance. Sinon, elles pourraient, comme les hommes (soumis eux aussi à un « désir de paternité »), repousser toujours plus la décision.]
C’est bien ce que je dis. Quel que soit l’effort investi pour la refuser, la réalité physique et biologique s’impose à terme.
[Le désir de maternité n’est pas irrépressible : sinon, toutes les femmes feraient des enfants, ce qui n’est pas le cas. Canaliser et détourner les désirs, c’est le travail de civilisation.]
Oui et non. Bien sûr, le désir de maternité n’est pas irrépressible au niveau individuel. Mais du point de vue collectif, c’est un déterminant puissant – et heureusement, sans quoi l’espèce humaine serait depuis longtemps disparue. Bien sûr, la civilisation canalise, codifie et détourne les désirs. Mais une société qui réussirait à abolir le désir de maternité serait bien mal barrée à court terme…
[Quant à la question générale de relancer une politique nationaliste (que propose Bannette), je dirais que la grande question est : quel intérêt ? Si on veut accroître massivement la population française, encore faut-il expliquer pourquoi, car personnellement, les raisons m’en échappent.]
Une politique nataliste ne vise pas forcément à « accroitre la population française ». Au point où nous en sommes, elle est nécessaire pour assurer le renouvellement des générations… ce qui me semble par contre un objectif louable.
@ bip
[@Bannette]
Je me permets d’intervenir dans votre discussion :
[« nous avons potentiellement tous les atouts pour lui passer devant dans les 20 prochaines années » C’est du Attali ça. 😉 C’est son argument pour nous vendre l’UE. La France en sera le chef d’ici x années.]
Il ne faut pas confondre une potentialité et un fait. Oui, je suis convaincu qu’on a les atouts. Je suis tout aussi convaincu que tant que nous resterons soumis à l’UE, nous n’aurons aucune possibilité de les mettre sur la table de jeu.
[La principale utilité d’une armée aujourd’hui est de justifier des investissements publics massifs dans un complexe militaro-industriel afin de « tirer » l’industrie de pointe d’un pays.]
C’est une fonction, mais ce n’est pas la seule. Nous vivons dans un monde oh combien ! dangereux, et la capacité de disposer de forces capables de conjurer ces dangers fait partie de l’exercice de la souveraineté et de la puissance du pays. Bien entendu, l’adaptation de la force armée aux dangers du présent, et sa capacité d’action autonome sont des paramètres essentiels à tenir en compte.
[« nous avons le nucléaire » Et les américains la branche énergie d’Alstom. Ce qui implique potentiellement la perte de notre capacité d’une quasi-indépendance sur le plan de l’énergie électrique.]
Il ne faut pas exagérer. Si la perte de nos installations industrielles et de notre savoir-faire est incontestable, elle n’a pas atteint, du moins pour le nucléaire, un niveau critique. Les américains ont racheté la branche énergie d’Alstom, mais les usines et les ingénieurs sont toujours en France.
[Les allemands ont du charbon et du « renouvelable ». L’un pollue et l’autre est cher mais ils ne se sont mis dans la main de personne.]
Oui et non. Le renouvelable allemand est en grande partie fabriqué en Chine, et l’Allemagne aurait du mal à alimenter son industrie sans le soutien des exportations d’électricité nucléaire française…
@Descartes
> Comment se manifeste cette « pression », d’après vous ? Franchement, je ne vois pas où se trouve cette « pression sociale ».
Votre question est étrange. Le sujet n’est pas comment elle se manifeste d’après moi, mais d’après les intéressées. Et là, il vous suffit de leur demander : statistiquement, une femme sans enfants de moins de 45 ans a le droit à des petites questions insistantes de la part de ses proches, de sa famille ou de ses collègues, sur le mode « alors quand est-ce que tu fais des enfants ? » ou bien « l’horloge biologique est en train de tourner, non ? ».
Que vous ne voyiez pas où se trouve cette pression sociale n’est pas très étonnant. Votre remarque me fait penser à cet article de Philippe Marlière qui ne voyait pas de problème au communautarisme (il réside au Royaume-Uni) au prétexte que personne ne forçait sa fille à mettre le voile. L’article ne le précisait pas, mais sa fille est probablement blanche (ou identifiée comme fille d’universitaire blanc), ce qui explique qu’on ne l’« embête » pas…
> les bénévoles ne « souffrent » pas, au contraire, ils insistent sur toute la « joie », le « plaisir » et les « apprentissages » qu’ils tirent de leur activité « altruiste »
Premièrement, je trouve votre comparaison largement indue. Vous comparez en effet deux personnages singuliers à des bénévoles du quotidien. Vous devriez faire une comparaison toutes choses égales par ailleurs, notamment sur le plan de l’intensité de l’engagement.
Deuxièmement, vous passez bien vite sur le « sacrifice » et les « souffrances » de Mère Teresa et de l’autre femme que vous citez ; je n’ai jamais lu d’interview de ces personnages, mais je ne serais pas étonné qu’elles disent, elles aussi, éprouver de la « joie » dans leur activité. En d’autres termes, en plaquant cette idée d’un « sacrifice » personnel sur la notion d’altruisme, je pense que vous en avez une vision romantique et déformée. Il est à peu près certain que l’altruisme a toujours été motivé, en partie sinon en totalité, par un besoin *personnel* de se consacrer aux autres, non un pur abandon de soi-même. Encore plus pour une catholique fervente chez qui se consacrer à la pauvreté doit être une sorte de chemin vers la béatitude… Chemin qui, au moins depuis François d’Assise, peut être joyeux.
> Bien sûr, le désir de maternité n’est pas irrépressible au niveau individuel. Mais du point de vue collectif, c’est un déterminant puissant – et heureusement, sans quoi l’espèce humaine serait depuis longtemps disparue.
C’est vous qui disiez « il y a un moment où le désir de maternité, qui est inscrit dans *chaque femme* [je souligne], les rattrape »… Je suis d’accord que, statistiquement, ce désir existe. De même que, statistiquement, existe un désir de paternité qui pousse les pères à rester en ménage une fois l’enfant né et prendre en charge une partie des charges liées à son existence. Mais, bizarrement, ce désir de paternité n’a pas de place dans votre discours.
> Quel que soit l’effort investi pour la refuser, la réalité physique et biologique s’impose à terme.
Je ne comprends pas de quel « effort » vous parlez pour soi-disant « refuser » une réalité physique et biologique. Les femmes qui ne veulent pas d’enfants sont bien conscientes de la réalité de la ménopause et ne cherchent nullement à « refuser » cette réalité.
@ Antoine
[Votre question est étrange. Le sujet n’est pas comment elle se manifeste d’après moi, mais d’après les intéressées.]
C’est vous – et non pas les intéressées – qui écrivez « en France, il y a une pression sociale assez forte sur les femmes pour avoir des enfants ». C’est donc à vous d’apporter les éléments qui vous permettent d’arriver à cette conclusion.
[Et là, il vous suffit de leur demander : statistiquement, une femme sans enfants de moins de 45 ans a le droit à des petites questions insistantes de la part de ses proches, de sa famille ou de ses collègues, sur le mode « alors quand est-ce que tu fais des enfants ? » ou bien « l’horloge biologique est en train de tourner, non ? ».]
Et c’est ça, votre « pression sociale » ? Franchement, si elle se réduit à des « petites questions », je trouve qu’il s’agit d’une pression sociale bien modérée, si tant est qu’on puisse considérer cela une « pression sociale ». J’ajoute que les mêmes « petites questions » sont souvent posées aux hommes vivant en couple… diriez-vous qu’il y a une « pression sociale » sur les hommes pour avoir des enfants ?
[Que vous ne voyiez pas où se trouve cette pression sociale n’est pas très étonnant. Votre remarque me fait penser à cet article de Philippe Marlière qui ne voyait pas de problème au communautarisme (il réside au Royaume-Uni) au prétexte que personne ne forçait sa fille à mettre le voile.]
Mais vous voyez bien la différence entre vos deux exemples. Dans le premier cas, des « petites questions » venant d’intimes qui continueront à vous aimer quand même, dans l’autre le risque d’être mise au ban de la communauté, de subir des agressions verbales et physiques…
On peut difficilement parler d’une « pression sociale » en France aujourd’hui pour avoir des enfants. Aujourd’hui, aucune femme n’est discriminée ou mise au ban de la communauté au prétexte qu’elle n’a pas d’enfants. La télévision et la littérature nous offrent des « modèles » positifs de femmes sans enfants.
[Premièrement, je trouve votre comparaison largement indue. Vous comparez en effet deux personnages singuliers à des bénévoles du quotidien. Vous devriez faire une comparaison toutes choses égales par ailleurs, notamment sur le plan de l’intensité de l’engagement.]
Je ne fais aucune « comparaison ». Je vous dit simplement que dans leur engagement les bénévoles d’aujourd’hui ne prennent pas pour modèle des héros sacrificiels comme Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou Mère Thérésa, et se placent plutôt dans une logique de bénévolat-plaisir. On peut donc s’interroger sur le caractère « altruiste » de cet engagement.
[Deuxièmement, vous passez bien vite sur le « sacrifice » et les « souffrances » de Mère Teresa et de l’autre femme que vous citez ; je n’ai jamais lu d’interview de ces personnages, mais je ne serais pas étonné qu’elles disent, elles aussi, éprouver de la « joie » dans leur activité.]
Possible. Mais la magnitude du sacrifice consenti est telle qu’on ne peut considérer que cette « joie » soit une véritable compensation.
[En d’autres termes, en plaquant cette idée d’un « sacrifice » personnel sur la notion d’altruisme, je pense que vous en avez une vision romantique et déformée. Il est à peu près certain que l’altruisme a toujours été motivé, en partie sinon en totalité, par un besoin *personnel* de se consacrer aux autres, non un pur abandon de soi-même.]
C’est le terme « consacrer » qui est important ici. Il y a une grande différence entre « l’altruisme » d’un Bill Gates, qui donne une partie importante de sa fortune tout en retenant assez pour vivre dans le luxe jusqu’à la fin de ses jours, et celle de Mère Theresa qui abandonne tous les plaisirs de la vie ordinaire pour aller secourir les mourants à Calcutta. On peut dire que Mère Theresa a consacré sa vie aux malades, mais diriez-vous que Gates a consacré sa fortune à aider les pauvres ?
[Encore plus pour une catholique fervente chez qui se consacrer à la pauvreté doit être une sorte de chemin vers la béatitude… Chemin qui, au moins depuis François d’Assise, peut être joyeux.]
Une psychose joyeuse n’est pas moins une psychose… encore une fois, je ne fais pas ici le procès de « l’altruisme ». Je me contente de vous faire remarquer que lorsque notre société semble valoriser des comportements « altruistes », il s’agit d’un « altruisme » très particulier, dont les récompenses ne sont pas dans l’au-delà mais bien sur ce monde.
[Je suis d’accord que, statistiquement, ce désir existe. De même que, statistiquement, existe un désir de paternité qui pousse les pères à rester en ménage une fois l’enfant né et prendre en charge une partie des charges liées à son existence. Mais, bizarrement, ce désir de paternité n’a pas de place dans votre discours.]
Parce que je ne suis pas persuadé que ce désir soit « inscrit » comme peut l’être le désir maternel. On voit bien d’ailleurs que si le réflexe maternel existe dans pratiquement tous les mammifères, dans la plupart d’entre eux il n’existe pas de rôle paternel, et le père n’a d’autre fonction que la fécondation de la femelle et la protection du groupe. On peut donc penser que le rôle paternel, contrairement au rôle maternel, est une construction sociale.
[Je ne comprends pas de quel « effort » vous parlez pour soi-disant « refuser » une réalité physique et biologique. Les femmes qui ne veulent pas d’enfants sont bien conscientes de la réalité de la ménopause et ne cherchent nullement à « refuser » cette réalité.]
Je ne suis pas persuadé que les femmes qui choisissent à vingt ans de poursuivre une carrière plutôt que de faire des enfants soient conscientes des conséquences de ce choix. Je pense au contraire qu’il est fait dans la fiction qu’il sera toujours temps de faire des enfants plus tard, et que ce “plus tard” peut être retardé indéfiniment. D’où l’angoisse lorsque les “âges dangereux” arrivent…
@Descartes
> J’ajoute que les mêmes « petites questions » sont souvent posées aux hommes vivant en couple…
Ce n’est pas mon expérience, et encore moins aux hommes vivant seuls.
> Franchement, si elle se réduit à des « petites questions », je trouve qu’il s’agit d’une pression sociale bien modérée, si tant est qu’on puisse considérer cela une « pression sociale ».
Une pression sociale bien modérée reste une pression sociale… J’ai l’impression que vous ne concevez la pression sociale que sous la forme d’une coercition physique, ce qui me semble une idée bien étrange. Si c’était le cas, on dirait simplement « coercition ».
> Mais vous voyez bien la différence entre vos deux exemples. Dans le premier cas, des « petites questions » venant d’intimes qui continueront à vous aimer quand même, dans l’autre le risque d’être mise au ban de la communauté, de subir des agressions verbales et physiques…
C’est vous qui déclariez ne pas voir cette pression sociale. Je vous proposais simplement un exemple similaire où un autre observateur prétendait ne pas « voir » une pression avérée, car elle ne s’appliquait pas sur lui… Le fait qu’une pression ne se traduise pas par des actes physiques ne fait que renfoncer, en réalité, la probabilité que vous ne la remarquiez pas.
> Je vous dit simplement que dans leur engagement les bénévoles d’aujourd’hui ne prennent pas pour modèle des héros sacrificiels comme Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou Mère Thérésa
Mais qu’est-ce que cela peut faire, honnêtement ?
> Possible. Mais la magnitude du sacrifice consenti est telle qu’on ne peut considérer que cette « joie » soit une véritable compensation.
Qui est ce « on » ? Ce n’est pas à vous de décréter ce qui est une « véritable compensation », mais à la personne qui effectue de tels actes.
> Il y a une grande différence entre « l’altruisme » d’un Bill Gates, qui donne une partie importante de sa fortune tout en retenant assez pour vivre dans le luxe jusqu’à la fin de ses jours, et celle de Mère Theresa qui abandonne tous les plaisirs de la vie ordinaire pour aller secourir les mourants à Calcutta.
Pardon, mais votre argumentation devient absolument incompréhensible. Je n’ai parlé pour ma part ni de Mère Theresa, ni de Bill Gates. Et ni Bill Gates ni l’époque contemporaine n’ont inventé la philanthropie, que je sache.
> Une psychose joyeuse n’est pas moins une psychose…
Que vient faire ici la psychose ?
> Je me contente de vous faire remarquer que lorsque notre société semble valoriser des comportements « altruistes », il s’agit d’un « altruisme » très particulier, dont les récompenses ne sont pas dans l’au-delà mais bien sur ce monde.
Merci de me le « faire remarquer », mais je ne vois pas de rapport avec notre discussion.
@ Antoine
[« J’ajoute que les mêmes « petites questions » sont souvent posées aux hommes vivant en couple… » Ce n’est pas mon expérience, et encore moins aux hommes vivant seuls.]
Faudrait que je vous présente ma mère… 😉
Je peux vous assurer, par expérience familiale, que les « petites questions » sont posées aussi aux hommes. « C’est quand que tu vas te marier ? », « c’est quand que tu me donneras des petits enfants ? » est un classique des dimanches familiaux…
[Une pression sociale bien modérée reste une pression sociale… J’ai l’impression que vous ne concevez la pression sociale que sous la forme d’une coercition physique, ce qui me semble une idée bien étrange. Si c’était le cas, on dirait simplement « coercition ».]
Oui, mais dans ce cas nous vivons dans un univers de pressions sociales. Si vous me concédez que la « pression sociale » pour la maternité est du même ordre que celle qui nous décourage de mettre les coudes sur la table ou nous force à nous laver les dents, je me tiendrai pour satisfait…
[« Je vous dit simplement que dans leur engagement les bénévoles d’aujourd’hui ne prennent pas pour modèle des héros sacrificiels comme Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou Mère Thérésa » Mais qu’est-ce que cela peut faire, honnêtement ?]
C’est toujours intéressant d’observer ces petits changements, cela nous dit beaucoup sur la société. Prenez par exemple les mutations du militantisme : hier, les militants collaient des affiches, ce qui signifie un sacrifice de son temps. Aujourd’hui, ils préfèrent payer des professionnels pour les coller et passer le temps correspondant à faire du sport, à regarder la télé, à passer du temps avec leurs enfants. Qu’est-ce que cela vous dit sur la société où nous vivons… ?
Un éminent professeur de médecine écrivait il y a quelques années sur les mutations de la profession médicale. Il se déclarait surpris du débat sur les horaires des médecins à l’hôpital, expliquant que pour les médecins de sa génération la médicine était un sacerdoce, alors qu’elle n’est aujourd’hui qu’une profession. Là encore, on voit que les notions de « sacrifice » ou de « consécration », qui viennent du domaine du sacré, ont laissé leur place à une banalisation où l’individu fait ses choix conformément à son intérêt personnel et direct.
C’est pourquoi je vous disais que lorsque notre société encourage des comportements « altruistes », comme vous le signaliez, cet encouragement est profondément ambigu. Aujourd’hui, « l’altruisme » est une manière de se servir soi-même en ayant l’air de servir les autres…
[« Je me contente de vous faire remarquer que lorsque notre société semble valoriser des comportements « altruistes », il s’agit d’un « altruisme » très particulier, dont les récompenses ne sont pas dans l’au-delà mais bien sur ce monde. » Merci de me le « faire remarquer », mais je ne vois pas de rapport avec notre discussion.]
Pourtant, c’est vous qui me « faisiez remarquer » que notre société encourage les comportements altruistes. Si vous ne voyez pas le rapport avec notre discussion, pourquoi avoir soulevé ce point ?
On aimerait en savoir un peu plus sur la « formation » reçue par Mme de Haas « il y a deux ans ».
Formation étrange qui lui aurait révélé ce qui était caché mais caché ce qui était avéré. Je fais référence aux événements de Cologne (début 2016) et à sa réaction aux harcèlements de rue à La Chapelle où elle ne préconisait « d’élargir les trottoirs » (2017).
Le plus inquiétant c’est que Mme de Haas est co-directrice d’une société proposant des services aux entreprises avec « une équipe de consultantes formatrices, expertes en matière d’égalité femmes – hommes, de diversité et de lutte contre toutes les discriminations. »
http://groupe-egae.fr/nos-solutions/des-formations-sur-mesure/
De part ma position, je peux témoigner qu’il est de plus en plus difficile d’entraver ce management par l’intoxication, de faire admettre une clause de conscience (que j’ai pu obtenir pour un « test » de personnalité inclus dans un « stage »), les salariés n’osent s’y soustraire ou « on va souffler ».
Je sais bien que nos collègues n’en ressortiront pas pour autant adeptes de ces idéologies mais la dignité due aux êtres libres ?
Oui à toutes les formations professionnelles, pas au formatage idéologique.
@ morel
[Le plus inquiétant c’est que Mme de Haas est co-directrice d’une société proposant des services aux entreprises avec « une équipe de consultantes formatrices, expertes en matière d’égalité femmes – hommes, de diversité et de lutte contre toutes les discriminations. »]
Faut bien faire bouillir la marmite… Et croyez-moi, le “féminisme radical” est un business qui rapporte.
Bonjour Descartes.
J’ai lu votre billet avec intérêt, mais aussi – pour parler franchement – avec un peu d’agacement. Je n’ai pas lu l’intégralité de l’interview de C. de Haas, n’étant pas abonné au Monde, et je ne suis pas sûr d’être entièrement avec ce qu’elle dit. L’idée notamment d’un “brevet de non-violence” me paraît discutable, mais il faudrait voir ce qu’elle entend exactement par là. Ce qu’il y a de sûr, c’est que je suis en désaccord avec plusieurs choses que vous écrivez.
1. Il n’est pas du tout absurde qu’on puisse voir sans voir, c’est-à-dire voir des comportements sans les interpréter correctement. Mark Twain a écrit qu’il a passé son enfance dans un État esclavagiste et qu’il a mis du temps avant de percevoir tout ce que l’esclavage avait de monstrueux et d’injustice. Pendant longtemps, cette institution faisait partie pour lui du décor. C’était quelque chose de normal, presque d’invisible. Je vais prendre un autre exemple. Il y a environ vingt temps, une collègue allemande m’a dit qu’elle en avait assez d’entendre régulièrement des plaisanteries sur l’Allemagne et sur les Allemands. Ce qui pouvait passer pour de l’humour aux yeux de presque tout le monde – y compris moi – était perçu par elle comme une forme de harcèlement. Et sa remarque m’a ouvert les yeux. J’ai compris que j’avais minimisé la portée de ces petites remarques censées être humoristiques, mais qui finissent rapidement par être blessantes. Je crois qu’il en est de même pour les agressions sexuelles, en tout cas les moins graves d’entre elles. Des grosses blagues salaces à longueur de journée, cela peut être très pénible pour une femme, surtout si ces blagues sont dirigées vers elle. C’est encore plus vrai pour des gestes déplacés. A la fin du western Il était une fois dans l’ouest, un des personnages du film dit à une femme (interprétée par Claudia Cardinale) quelque chose du genre : “Soit sympa avec les ouvriers qui construisent la ligne de chemin de fer. Et si, de temps en temps, l’un d’eux te met la main aux fesses, prends ça avec le sourire”. J’ai vu ce film quand j’étais enfant, puis je l’ai revu une dizaine d’années plus tard. Les deux fois, je n’ai pas vu ce qu’il peut y avoir de violent dans ce genre de propos. C’est seulement maintenant que je m’en rends compte, parce que je me mets un peu plus à la place des femmes qu’autrefois.
2. L’idée que l’État républicain s’interdit d’introduire de l’idéologie dans la salle de classe est tout bonnement faux. A l’époque de Jules Ferry, les manuels scolaires et les instituteurs inculquaient aux enfants des principes nationalistes, colonialistes, voire racistes. Aujourd’hui encore, l’école n’est pas neutre sur le plan idéologique, et ce n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise chose. Tout dépend ce qu’on appelle idéologie. Au sens large du terme, on peut considérer que les idéaux démocratiques constituent une idéologie. Or, il est clair que les professeurs sont incités à promouvoir ces idéaux en salle de classe, et à ne pas les mettre sur le même plan que des idéologies staliniennes ou fascistes ! Par ailleurs, l’idée de Jules Ferry que l’école républicaine ne doit pas enseigner quoi que ce soit qui puisse choquer un “honnête homme” est pour le moins discutable. Qu’est-ce qu’un honnête homme ? Pour Jules Ferry, il était tout à fait honnête de penser que le devoir des Européens était d’apporter la Civilisation aux sauvages et aux peuples inférieurs. Or, même à l’époque, cette idée n’allait pas de soi. De même aujourd’hui, l’idée qu’il n’y a pas – au sens scientifique – de races n’est pas encore approuvée par toutes les familles. Il en va de même pour les préjugés sexistes, qui ont encore la vie dure, y compris dans certains milieux scientifiques (cf. les travaux de la neuro-biologistes Catherine Vidal). Est-ce à dire qu’un professeur doit s’interdire d’aborder ces sujets-là ?
Pour terminer, j’aimerais réagir à un commentaire qui a comparé Caroline de Haas à Thatcher. C’est assez incroyable, comme comparaison. Le thatchérisme, aujourd’hui, il est mis en oeuvre par Macron, dans la lignée du gouvernement Valls. Les reculs énormes des droits des salariés, c’est ça le vrai thatchérisme. Or, il faut reconnaître que C. de Haas a contribué à susciter une opposition à ces attaques thatchériennes, en lançant sa pétition sur la loi travail.
@ J. GRAU
[L’idée notamment d’un “brevet de non-violence” me paraît discutable, mais il faudrait voir ce qu’elle entend exactement par là.]
Elle clarifie ce point dans l’entretien, en comparant ce « brevet de non-violence » au « brevet de sécurité routière ». D’où mon commentaire : pour avoir le brevet de sécurité routière, il suffit aux élèves de répondre correctement à un certain nombre de questions. Il n’y a ni mise en situation, ni épreuve pratique…
[Ce qu’il y a de sûr, c’est que je suis en désaccord avec plusieurs choses que vous écrivez.]
Ce n’est pas grave, ça m’arrive très souvent ! 😉
[1. Il n’est pas du tout absurde qu’on puisse voir sans voir, c’est-à-dire voir des comportements sans les interpréter correctement. Mark Twain a écrit qu’il a passé son enfance dans un État esclavagiste et qu’il a mis du temps avant de percevoir tout ce que l’esclavage avait de monstrueux et d’injustice.]
Il y a tout de même une grosse différence entre « ne pas voir » et « ne pas comprendre » (car dans votre exemple ce n’est pas une « perception » qui est en jeu, c’est une « compréhension »). Mark Twain n’avait peut-être pas COMPRIS ce que l’esclavage avait de monstrueux, mais il avait VU les esclaves. Le problème dans la réponse de de Haas, c’est qu’elle ne dit pas n’avoir pas COMPRIS les violences, elle ne les a même pas VUES.
[Pendant longtemps, cette institution faisait partie pour lui du décor. C’était quelque chose de normal, presque d’invisible.]
Encore une fois, il y a une différence entre considérer une situation comme « normale » et « ne pas la voir ». Si Caroline de Hass disait « pendant vingt ans j’ai considéré la violence masculine comme normale », je pourrais comprendre. Mais ce n’est pas ce qu’elle dit. Elle prétend « ne pas avoir vu ». Ce n’est pas du tout la même chose. Une personne qui me dit « pendant des années je n’ai pas compris pourquoi le soleil se lève à l’Est », j’admets. Une personne qui me dit « pendant des années je n’ai pas vu le soleil se lever à l’Est » est un aveugle.
[Je vais prendre un autre exemple. Il y a environ vingt temps, une collègue allemande m’a dit qu’elle en avait assez d’entendre régulièrement des plaisanteries sur l’Allemagne et sur les Allemands. Ce qui pouvait passer pour de l’humour aux yeux de presque tout le monde – y compris moi – était perçu par elle comme une forme de harcèlement. Et sa remarque m’a ouvert les yeux. J’ai compris que j’avais minimisé la portée de ces petites remarques censées être humoristiques, mais qui finissent rapidement par être blessantes.]
Là, vous posez un problème différent, qui est celui de savoir si la violence est une catégorie objective ou subjective. Peut-on qualifier un acte de « violence » objectivement ? Ou s’agit-il d’une question subjective ? Caroline de Haas, comme beaucoup de « féministes radicales » adoptent la deuxième option : la violence ne devient « visible » qu’avec une formation adéquate qui vous permet de la percevoir en tant que telle. Mais le risque de ce type de raisonnement est que vous trouverez toujours quelqu’un pour qui une plaisanterie, un texte, un commentaire est une « violence ». Si j’interdis de se moquer des « blondes » – ou des Allemands, dans votre exemple – au prétexte que ces moqueries sont « blessantes », ne dois-je pas interdire au même titre les caricatures du pape ou de Mahomet, que d’autres jugeront tout aussi « blessantes » ? Or, si on continue ainsi, c’en est fait de toute liberté de parole et d’expression…
Admettre ces « blessures », c’est le prix que nous payons pour vivre dans une société libre. Oui, j’ai le droit de « blesser » les Allemands ou les « blondes » avec mes plaisanteries, et eux ont en échange le droit de me « blesser » avec leurs commentaires. Quant à la loi, elle doit interdire d’infliger des blessures « objectives », c’est-à-dire, celles qui peuvent être caractérisées sans faire appel à la subjectivité de la victime : un coup de couteau est une violence INDEPENDAMENT de la perception de la victime.
[Je crois qu’il en est de même pour les agressions sexuelles, en tout cas les moins graves d’entre elles. Des grosses blagues salaces à longueur de journée, cela peut être très pénible pour une femme, surtout si ces blagues sont dirigées vers elle.]
Oui. Et pour certains hommes, être commandé par une femme est « pénible ». Si nous faisons droit aux revendications des premières, pourquoi refuserions-nous de faire droit aux revendications des seconds ? Une société dans laquelle on interdit ce que telle ou telle catégorie de la population trouve « pénible » devient très vite une prison.
[C’est encore plus vrai pour des gestes déplacés. A la fin du western Il était une fois dans l’ouest, un des personnages du film dit à une femme (interprétée par Claudia Cardinale) quelque chose du genre : “Soit sympa avec les ouvriers qui construisent la ligne de chemin de fer. Et si, de temps en temps, l’un d’eux te met la main aux fesses, prends ça avec le sourire”. J’ai vu ce film quand j’étais enfant, puis je l’ai revu une dizaine d’années plus tard. Les deux fois, je n’ai pas vu ce qu’il peut y avoir de violent dans ce genre de propos.]
Moi je ne le vois toujours pas. Je peux voir ce qu’il y a de « sexiste » dans ce propos. Mais où est la « violence » ? Si vous me dites « si une femme te touche la bite, prends ça avec le sourire » vous commettez une « violence » à mon encontre ? J’ai l’impression que nous ne donnons pas au mot « violence » le même sens. Pourriez-vous me donner votre définition ?
[2. L’idée que l’État républicain s’interdit d’introduire de l’idéologie dans la salle de classe est tout bonnement faux.]
Vous avez raison. Il y a un mot qui a sauté dans mon commentaire, et là où j’ai écrit « idéologie » il faut lire « idéologie morale ». Il est impossible de faire de l’éducation sans idéologie, tout simplement parce que l’éducation est en elle-même une idéologie. Comme disait Roger Scruton, l’éducation suppose qu’il y a une personne qui sait, une personne qui ne sait pas, et un contenu qui mérite d’être transmis de l’une à l’autre. Or, comment déterminer quel contenu mérite d’être transmis sans une « idéologie » qui vous serve de cadre ?
[Par ailleurs, l’idée de Jules Ferry que l’école républicaine ne doit pas enseigner quoi que ce soit qui puisse choquer un “honnête homme” est pour le moins discutable.]
J’insiste : Jules Ferry n’applique ce principe qu’à l’enseignement MORAL. Il ne s’agit donc pas de « ne pas enseigner quoi que ce soit qui puisse choquer un honnête homme » mais de rien enseigner dans le domaine de la morale qui puisse choquer un honnête homme.
[Qu’est-ce qu’un honnête homme ? Pour Jules Ferry, il était tout à fait honnête de penser que le devoir des Européens était d’apporter la Civilisation aux sauvages et aux peuples inférieurs.]
Pardon, mais cela n’a rien de « malhonnête » aujourd’hui. Il y a des gens qui pensent tout à fait « honnêtement » qu’il y a des races inférieures. L’honnêteté n’a rien à voir avec la vérité. L’honnête homme de Jules Ferry est l’homme qui accepte les règles de la vie en société, rien de plus.
[Or, même à l’époque, cette idée n’allait pas de soi. De même aujourd’hui, l’idée qu’il n’y a pas – au sens scientifique – de races n’est pas encore approuvée par toutes les familles. Il en va de même pour les préjugés sexistes, qui ont encore la vie dure, y compris dans certains milieux scientifiques (cf. les travaux de la neuro-biologistes Catherine Vidal). Est-ce à dire qu’un professeur doit s’interdire d’aborder ces sujets-là ?]
Encore une fois, s’il s’agit d’enseigner la biologie, bien sûr que non. « La science ne se soucie de plaire ou de déplaire », et le savoir scientifique doit être enseigné sans restriction. Mais le raisonnement de Ferry ne s’applique qu’à l’enseignement MORAL. Et l’Etat n’a pas à intervenir en matière morale.
[Pour terminer, j’aimerais réagir à un commentaire qui a comparé Caroline de Haas à Thatcher.]
Personne à ma connaissance n’a tenté une telle comparaison. Personnellement, je pense que ce serait faire beaucoup d’honneur à Caroline de Haas. Ce qui a été dit par un intervenant est que la gauche dont se réclame Caroline de Haas pratique une idéologie « libérale-libertaire » qui « ressemble furieusement » à celle de Thatcher. Ce qui n’est pas tout à fait faux.
[Le thatchérisme, aujourd’hui, il est mis en oeuvre par Macron, dans la lignée du gouvernement Valls.]
Pas vraiment. Il faut arrêter avec cette logique manichéenne qui veut que tous les gens qui nous déplaisent se ressemblent. Non, ni Macron ni Valls ne sont « thatchériens ». Je vous rappelle que le thatchérisme fut farouchement nationaliste et anti-européen, et que Thatcher a refusé – avec grand courage – d’adhérer à l’Euro. Pensez-vous que ce soit la voie choisie par Macron ou Valls ?
Tous les libéraux ne sont pas identiques, et il y a entre eux des différences aussi grandes qu’entre les staliniens et les trotskystes, qui tous deux se disent marxistes. Thatcher n’a rien à voir avec Macron ou Valls.
[Les reculs énormes des droits des salariés, c’est ça le vrai thatchérisme.]
Oui, mais on a vu des reculs énormes des droits des salariés de la main des socialistes aussi. Pensez à Schröder… diriez-vous que c’était un « thatchérien » ?
A,l’occasion du 100 ième anniversaire,de nombreux textes,des pro-URSS,étrille,le pcf sur le thème de sa sempiternelle ‘trahison eurocommuniste’.Toujours aussi intéressants,ces textes font naître chez moi quelques bémols au sujet de la dichotomie Est/Ouest évoquée par Krystyna Hawrot,sur le site Histoire et société.En résumé,l’URSS aurait toujours soutenu,le pcf,qui serait bien ingrat aujourd’hui.
Rappelons tout d’abord que Lénine,coe Trotsky,et Staline se sont opposé à Jean Jaurès,trop humaniste à leurs yeux..
Ainsi à la fin des années 40,la guerre civile grecque a été impactée par les accords de Yalta et la non intervention de l’URSS au coté des communistes grecs.
Idem,pour l’Indonésie en 1964,ou le Guatemala et d’autres exemples encore.
Concernant la ‘moraline’ distillée par Krystyna Hawrot,il existe maints exemples ou des soviétiques du PCUS,ont fait preuve d’un total mépris,vis à vis des communistes d’autres pays,c’est bien pour ça que le partis communiste marxiste d’inde a été fondé et une myriade d’autres organisations dans les années 50,60,70 comme les tupamaros,et guévaristes en tous genres.Y compris Castro,au début qui ne se disait pas prosoviétique comme le mouvement des non alignés,d’ailleurs,et même Mao et le PCC!
Il existe aussi des contres exemples de solidarité pro-soviétique,extraordinaire en France,comme les manifestations(celle contre Ridway la peste,par exemple) pour le désarmement nucléaire,ou l’espionnage militant au profit de l’URSS.
Le commerce par troc,à la Doumengue,ou les festivals de la jeunesse(de Krivine à Chirac) relèvent aussi de la solidarité prosoviétique.L’escadrille Normandie Nieyman,est le seul cas de troupes occidentales engagées sur les fronts de l’est au côté des soviétiques,avec les républicains espagnols réfugiés.
Chez moi,certaines mariées,ont été chassée de leur famille pour s’être uni à des communistes prosoviétique.Un de mes Oncles a failli se faire assassiner par son beau père,sous le prétexte qu’un prosoviétique n’était pas français.A cause de elur solidarité dans leurs journaux,attitudes publiques,conversations,les communistes étaient considérés comme ennemis de la France(membre de l’OTAN)!Uniquement parcequ’ils avaient des liens étroits avec les pays du pacte de Varsovie,dont l’URSS.
Le pcf faisait la promotion des revues comme ,’l’URSS’,’les nouvelles de Moscou’,La revue internationale,’études soviétiques’.Toutes le fédérations jusquà la fin des années 80,étaient abonnées à ces revues,et de nombreux militants dont moi.
N’oublions pas Guy Mollet qui disait ce que 3/4 des gens pensaient,’les communistes ne sont pas de gauche ,ils sont à l’est’.Les communistes étaient appelés ‘les Moscoutaires’.
Et dans les années trente,la droite a martelé le slogan,plutôt Hitler que le front populaire et son chef Staline!
Alors,il faut raison garder et faire une part équilibrée à chaque parti.
Personne n’oublie le sacrifice des soviétiques contre les nazis et le fait que notre liberté leur est due.
Je fais partie,avec mes enfants,du régiment immortel qui rend hommage,chaque 9/05 aux soviétiques.
Mais c’est parce que je ne suis pas un menteur que je peux affirmer que sans les soviétiques,Hitler n’aurait pas été battu,comme,j’affirme aussi que l’URSS a eu une politique de raison d’état (compréhensible d’une certaine façon..),où les communistes ne comptaient pas,comme au Congo,en Iran et en Amérique du sud,entre autre…
Alors restons communistes,solidaires et lucides sans chercher à savoir qui doit être le parti guide,mais est ce d’actualité?
@ luc
[A l’occasion du 100 ième anniversaire, de nombreux textes des pro-URSS étrillent le pcf sur le thème de sa sempiternelle ‘trahison eurocommuniste’.]
Autant j’ai toujours considéré que l’eurocommunisme était une erreur – ou plutôt, qu’il traduisait la prise de pouvoir des « classes moyennes » sur le mouvement communiste – autant les gardiens du temple autoproclamés genre Bleitrach m’énervent. Ils illustrent à la perfection la formule de Talleyrand : « ils n’ont rien oublié, et rien appris ».
Le pire, c’est que ces gens-là refont les batailles d’hier, au lieu de consacrer leur temps et leur intelligence à penser les batailles d’aujourd’hui. Savoir si le léninisme contenait en germe le stalinisme ou si celui-ci est une « perversion » de celui-là est un sujet fort intéressant d’un point de vue historique, mais politiquement ce débat – et les excommunications qui vont avec – n’ont plus aucun intérêt. Mieux vaut se consacrer à penser quel pourrait être un projet communiste à proposer à nos concitoyens ici et maintenant.
[Rappelons tout d’abord que Lénine comme Trotsky et Staline se sont opposé à Jean Jaurès trop humaniste à leurs yeux.]
Mal pouvait Staline s’opposer à Jaurès : quand Staline commence à acquérir une certaine notoriété, Jaurès est mort et enterré. Quant aux autres, je ne me souviens pas que « Lénine se soit opposé à Jaurès parce qu’il était trop humaniste à ses yeux ». Lénine était un politicien russe qui faisait de la politique dans la réalité russe. Jaurès était un politicien français travaillant dans une réalité française.
[Concernant la ‘moraline’ distillée par Krystyna Hawrot, il existe maints exemples ou des soviétiques du PCUS ont fait preuve d’un total mépris vis à vis des communistes d’autres pays c’est bien pour ça que le partis communiste marxiste d’inde a été fondé et une myriade d’autres organisations dans les années 50,60,70 comme les tupamaros et guévaristes en tous genres. Y compris Castro, au début qui ne se disait pas prosoviétique comme le mouvement des non alignés,d’ailleurs,et même Mao et le PCC!]
Vous confondez beaucoup trop de choses. D’abord, le PCUS est une organisation politique, qui pratiquait une politique d’Etat. Il aurait manqué à ses devoirs s’il n’avait pas défendu les intérêts de cet Etat. Tout comme les différents partis communistes ont toujours défendu d’abord leurs intérêts nationaux. D’où un certain nombre de conflits. Mais je ne vois pas ce que vient faire le « mépris » là dedans. Ensuite, si les « tupamaros » ou les « guevaristes » se sont fondés, cela n’a rien à voir avec un quelconque « mépris » du PCUS. Tout comme le mouvement castriste à Cuba, ces mouvements se sont constitués sur la base d’une jeunesse de « classe moyenne » séduite par les idées romantiques du tiers-mondisme, et qui en pratique – comme les gauchistes français d’ailleurs – ne concevait le prolétariat que comme une masse de manœuvre pour prendre le pouvoir et l’exercer au service de ses intérêts. C’est pourquoi ces mouvements ont été farouchement anticommunistes dès le départ. Si Castro a viré sa cuti et s’est finalement inscrit dans le camp soviétique, c’est par réalisme géopolitique, et non par adhésion.
@ Descartes,
Bonsoir,
[. . . . . Mieux vaut se consacrer à penser quel pourrait être un projet communiste à proposer à nos concitoyens ici et maintenant.]
Comment faut-il interpréter cette assertion ô, sans aucun doute, éminemment pertinente ?
Tout d’abord, il serait nécessaire de définir, pour les années 2020 et plus ce que pourrait représenter le communisme pour des sociétés occidentales qui ont accédé depuis longtemps à un niveau de vie matériel élevé, comparé au reste du monde.
La simple dénonciation des turpitudes de nos sociétés libérales (quoique . . . ) et capitalistes ne peut en rien constituer un programme et encore moins un projet.
Ne peut-on pas imaginer que la psychologie des occidentaux a évolué, depuis deux siècles, de telle manière que la période au cours de laquelle le communisme aurait pu s’instaurer est révolue. Le mouvement qui pousse l’individu à de plus en plus d’individualisme est probablement sans réversibilité possible.
Il ne s’agit pas, consciemment ou inconsciemment, d’envisager une société calquée sur les modèles du passé et ainsi considérer que ce sont des processus imposés. Les conditions de leur avènement sont devenues obsolètes et condamnent leurs laudateurs à mijoter éternellement dans un maelstrom morbide.
Si nous, citoyens, attendons des partis politiques actuels un projet de société idéalisée, produit in fine par un groupe de cerveaux déconnectés du peuple avec l’atomisation définitive des mentalités, nous nous condamnons à courir, tel Sisyphe, après le roc de nos illusions. Peut-être Sisyphe eut été mieux inspiré en consentant à changer de rocher. Et, de plus, peut-on demeurer heureux dans l’échec perpétuel sans le recours en une croyance transcendantale qui est de moins en moins de mise dans notre nature d’occidental mondialisé ?
Un phénomène, lié à Internet pour le grand public, donc datant de moins de 20 ans, est celui des blogs et réseaux sociaux, qui donnent accès pour le plus grand nombre à la possibilité de recevoir comme d’émettre une infinité d’informations et d’opinions qui altèrent considérablement l’audibilité des messages que pouvaient émettre les « autorisés » médiatiques, institutionnels et politiques. Ceci est un fait, et pouvons-nous imaginer un retour en arrière ? Non, bien sûr, en tout cas pas sans des bouleversements sociaux colossaux. Il faut faire avec et, si possible – ça l’est probablement – en faire un outil d’élaboration d’une démocratie nouvelle et moderne dans le sens où cette modernité consiste en une anticipation des effets du progrès.
Je ne sais combien de « blog de Descartes » ou similaires existent en France. Je n’en connais pas et je me désole qu’il n’y en est pas des dizaines, car ce sont des lieux propices à la construction d’une nouvelle citoyenneté. Et cela peut aussi constituer un observatoire dont peuvent et doivent s’inspirer profondément ceux qui prétendent nous diriger. E.Macron s’est probablement instruit de ce que pense le peuple hors les intermédiaires institutionnels pour arriver à imposer des réformes sans susciter de mouvement populaire important. Ce n’est sans doute pas suffisant et cela peut cependant ouvrir la voie à une nouvelle façon de gouverner. Et c’est au citoyen le devoir de s’emparer de cette opportunité pour exprimer dans le détail son opinion.
Le terme de « communisme » trop chargé d’histoire et de blocages psychologique est probablement à réformer. Peut importe le mot, mais l’idée du lien, du commun, de l’universel, de l’humain est à développer en exergue dans un projet de société qui va bien au delà de mesures techniques et ponctuelles que l’on nous présente depuis belle lurette.
La démocratie telle qu’on la conçoit depuis quelques siècles en occident n’est – elle pas arrivée au bout de ses capacités à servir de modèle aux sociétés avancées ?
@ Marcailloux
[Tout d’abord, il serait nécessaire de définir, pour les années 2020 et plus ce que pourrait représenter le communisme pour des sociétés occidentales qui ont accédé depuis longtemps à un niveau de vie matériel élevé, comparé au reste du monde.]
Je ne vois pas très bien ce que le « niveau de vie matériel élevé » vient faire là. Un projet communiste, c’est un projet qui met fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, c’est-à-dire, au régime dans lequel certains, par le simple fait de posséder le capital, peuvent prélever sur les autres une partie de la valeur produite par leur travail.
Un projet communiste a un sens aussi longtemps que les travailleurs seront exploités. Ce n’est pas une question de « psychologie » ou de « niveau de vie ». C’est une pure question de mode de production. Nous ne sommes pas au temps de Zola ou de Dickens, mais l’exploitation demeure.
[Si nous, citoyens, attendons des partis politiques actuels un projet de société idéalisée, produit in fine par un groupe de cerveaux déconnectés du peuple avec l’atomisation définitive des mentalités, nous nous condamnons à courir, tel Sisyphe, après le roc de nos illusions.]
Je ne saisis pas trop le sens de cette remarque. Un « projet » a toujours un double aspect : une société « idéalisée » qui sert de référence, d’objectif vers lequel il faut tendre, et une politique réaliste à mettre en œuvre ici et maintenant pour aller dans ce sens. Je ne vois pas comment vous comptez mobiliser les citoyens en leur proposant un « ça me suffit » qui n’aurait pas un peu de souffle, un peu de grandeur…
[Un phénomène, lié à Internet pour le grand public, donc datant de moins de 20 ans, est celui des blogs et réseaux sociaux, qui donnent accès pour le plus grand nombre à la possibilité de recevoir comme d’émettre une infinité d’informations et d’opinions qui altèrent considérablement l’audibilité des messages que pouvaient émettre les « autorisés » médiatiques, institutionnels et politiques.]
Vous croyez ? Personnellement, je trouve que ces blogs et autres réseaux sociaux ou l’on peut lire finalement tout et son contraire sont déjà en train de perdre leur pouvoir de prescription pour devenir une sorte de « bruit » aléatoire. Le fait est qu’on continue à investir des sommes colossales pour acheter les fréquences de la TNT. Pensez-vous que ceux qui font ces investissements se trompent en consacrant de telles sommes pour s’approprier des médias devenus « inaudibles » ?
[Ceci est un fait, et pouvons-nous imaginer un retour en arrière ? Non, bien sûr, en tout cas pas sans des bouleversements sociaux colossaux. Il faut faire avec et, si possible – ça l’est probablement – en faire un outil d’élaboration d’une démocratie nouvelle et moderne dans le sens où cette modernité consiste en une anticipation des effets du progrès.]
Je ne vois pas très bien comment faire pareille chose. La toile est finalement une grande machine produisant des contenus aléatoires. Comment une telle logique pourrait produire une décision démocratique ?
[Je ne sais combien de « blog de Descartes » ou similaires existent en France. Je n’en connais pas et je me désole qu’il n’y en est pas des dizaines, car ce sont des lieux propices à la construction d’une nouvelle citoyenneté. Et cela peut aussi constituer un observatoire dont peuvent et doivent s’inspirer profondément ceux qui prétendent nous diriger.]
Vous êtes trop gentil. Mais à supposer même que ce blog soit un lieu propice à la construction d’une nouvelle citoyenneté, vous ne pouvez que constater avec moi qu’il reste une expérience marginale. Et cela ne me surprend pas : le type de démarche que je propose et que je défend est une démarche exigeante, qui demande un travail de lecture et de réflexion. Un travail que beaucoup de gens n’ont pas envie de faire, et c’est leur droit. L’obstacle principal à cette « nouvelle citoyenneté » que vous proposez, c’est qu’elle contient le germe d’une contradiction : beaucoup de gens n’ont pas envie de faire l’effort que suppose la participation à la vie de la cité.
[Le terme de « communisme » trop chargé d’histoire et de blocages psychologique est probablement à réformer.]
Je ne suis pas d’accord. Il n’y a pas de mot en politique qui n’ait une charge symbolique. Faut-il « réformer » le mot République parce qu’il est « chargé » par l’aventure coloniale ? Non, je ne le crois pas. Il ne faut pas confondre la politique et le marketing. Faire de la politique, c’est aussi assumer une filiation, avec ses lumières et ses ombres…
[La démocratie telle qu’on la conçoit depuis quelques siècles en occident n’est – elle pas arrivée au bout de ses capacités à servir de modèle aux sociétés avancées ?]
Je ne comprends pas ce que veut dire « la démocratie telle qu’on la conçoit depuis quelques siècles en occident ». Vous avez l’air de croire qu’il existe une conception unique de la démocratie, qui serait universellement partagée en occident depuis quelques siècles. Ce n’est pas le cas : il existe beaucoup de conceptions de la démocratie…
@ Descartes,
Bonjour,
[Je ne vois pas très bien ce que le « niveau de vie matériel élevé » vient faire là.]
Une population bénéficiant d’une certaine prospérité matérielle sera plus préoccupée à protéger ce qu’elle possède qu’à songer à faire une révolution – même froide – et devoir partager sur des bases nouvelles.
La notion et les syndromes de « l’avantage acquis » ont la vie solidement ancrée dans l’inconscient commun. Les Français ne sont plus un peuple aventureux et s’ils contestent régulièrement les richesses ou fortunes acquises par le travail, le culot, la prise de risque, le talent, ils sont bien plus modérés quant aux fortunes transmises par le simple hasard de la naissance.
[Un projet communiste a un sens aussi longtemps que les travailleurs seront exploités.]
Vous semblez appliquer là, mécaniquement, les préceptes du marxisme qui représentaient sans doute la réalité du XIXème siècle en Europe. Celui qui ne détient pas la décision finale aura toujours le sentiment d’être exploité quelque part. Et pensez vous que dans les « démocraties » communistes que nous avons en référence, l’exploitation du peuple et des travailleurs par une nomenklatura vivant et s’enrichissant grassement quelquefois, est une illusion ?
Immense exemple de la Chine actuellement.
Si l’on suppose que le détenteur d’un capital est légitime dans sa possession, il me paraît naturel que ce moyen nécessaire à la production de richesse, mis à la disposition d’une entité économique qu’est l’entreprise, soit rémunéré par le simple fait que ce capital peut être entièrement perdu du jour au lendemain si son affectation n’est pas judicieuse alors que généralement le travailleur sera rémunéré pour son travail, même si celui ci ne donne pas satisfaction. Et dans ce dernier cas, ce travailleur éventuellement licencié, bénéficiera d’allocations de chômage.
Eternel débat que celui, finalement, des modalités de la répartition de la richesse produite, au bénéfice de tous les acteurs.
Ne pensez vous pas, par exemple, que d’une certaine façon, le fait que d’innombrables travailleurs jonglent avec des règlements – et les transgressent quelquefois – et ainsi se maintiennent en sous emploi, volontairement, et sont plus avantagés financièrement que des travailleurs assidus qui pour des rémunérations similaires ou à peine supérieures assument les efforts, les contraintes, les débours que leur imposent une activité de salarié. N’est ce pas là une forme d’exploitation des uns par des autres de la même classe sociale.
Pour moi, être en démocratie communiste serait de vivre dans un régime tendant fortement à rémunérer équitablement tous les acteurs contribuant à la production de richesse, avec un mode d’évaluation le plus simple possible afin que l’immense majorité des citoyens soit en mesure d’en comprendre et accepter l’équité et la légitimité.
Le niveau de complexité et d’imbrication de nos règles socioéconomiques favorise bien trop les petits malins, détenteurs de capital financier, intellectuel, relationnel, psychique (j’entends par là une grande capacité de culot et de transgression des règles légales ou/et éthiques) ne manquent jamais d’exploiter à leur seul profit et ainsi s’octroyer une part indue de la richesse commune.
La seule question qui vaille, il me semble, est de savoir si l’homme, dans le cours de son évolution, a, génétiquement, le potentiel pour accéder à cette société dont on ne peut qu’espérer l’avènement, relevant toutefois de l’utopie.
Si ce n’est pas le cas, alors construisons un système qui tient compte du réel et considérons que le marxisme n’est qu’une analyse théorique de ce réel indépassable.
Le spectacle historique des sociétés dites socialistes ou communistes ne donne jamais que la même trajectoire qui va du rêve partagé d’une société plus équitable à la captation des richesses par l’oligarchie des gouvernants ou de leur entourage.
Finalement, notre pays, dans lequel plus de la moitié de la richesse produite est redistribuée au peuple, est plus proche du communisme que la plupart de ces pays qui se disent socialistes ou communistes.
[Je ne vois pas comment vous comptez mobiliser les citoyens en leur proposant un « ça me suffit » qui n’aurait pas un peu de souffle, un peu de grandeur…]
Vous me prêtez des ambitions de démiurge. Je ne compte en rien mobiliser qui que ce soit, n’en ayant ni la compétence, ni la force, ni la motivation.
Ce « ça me suffit » que vous évoquez est justement ce que je déplore des gouvernants successifs que nous avons élus, y compris E. Macron, même si je lui reconnais une certaine énergie et un savoir faire qui porte quelques fruits.
Mais ce n’est pas à eux que s’adresse mon opprobre, mais à nous tous, car c’est nous qui les élisons et donc acceptons implicitement ce « ça me suffit » que vous raillez. Le « bruit aléatoire » que vous invoquez plus loin dans votre réponse, il appartient, et là est leur noble mission, aux intellectuels – dans lesquels je vous inscrits – de l’ordonner, de le rendre cohérent au service de ce projet collectif qui nous fait défaut. C’est à vous, élite éclairée, de vous engager avec les moyens médiatiques disponibles, afin de fédérer les consciences.
Si je parle d’élite, ce n’est pas dans le but de flatter bassement qui que ce soit, c’est pour bien distinguer ceux qui sont capables de produire des idées, des concepts rationnels et applicables, de ceux qui ne recherchent qu’un auditoire inféodé ou subjugué par des propos lénifiants voire dithyrambiques.
L’actualité de ces dernières semaines nous montre à quel point l’opinion, même sur des sujets dérisoires, peut être mobilisée en masse. L’outil internet permet ce qui était matériellement très difficile ou couteux il y a seulement quelques années.
Il y a là une forme nouvelle de communication et de diffusion des idées qui peut prendre le relai des modes opératoires classiques des partis.
[L’obstacle principal à cette « nouvelle citoyenneté » que vous proposez, c’est qu’elle contient le germe d’une contradiction : beaucoup de gens n’ont pas envie de faire l’effort que suppose la participation à la vie de la cité. ]
Encore une fois, je n’ai pas l’ambition de proposer. Sinon j’en expliquerais les modalités, les résultats escomptables, les opportunités, ce qui est hors de mes capacités. Je me contente d’imaginer vers quoi pourrait tendre la société qui ne me concernera plus dans quelques années, et qui sera celle que construiront essentiellement mes petits enfants.
Si « beaucoup de gens n’ont pas envie de faire l’effort que suppose la participation à la vie de la cité », il n’est pas nécessaire d’atteindre une majorité de volontaires pour entrainer, à terme le plus grand nombre, l’histoire nous le démontre souvent, en bien ou en mal.
Mais il faut aussi essayer de comprendre pourquoi les gens ne sont pas particulièrement motivés. On en viendra, j’en suis persuadé, à la place de l’éthique, des valeurs, des mentalités qui sont sous jacentes de notre société.
Je vais citer un cas très récent d’altération de l’étique citoyenne. J’habite une petite ville dont l’ancien maire, devenu député du PS, ligne Emmanuelli au départ puis Aubry, ayant voté contre le budget il y a 10 jours, se prostitue en idiot utile du gouvernement pour des raisons probablement pas très avouables de la part de ce dernier. Pour ce député, le son du hochet maroquiné y a pourvu. Il vient d’être nommé Secrétaire d’État à la Fonction publique. Manière astucieuse de faire passer des pilules aux fonctionnaires concernés.
Le signal donné est tout autant lamentable que délétère. Nous atteignons là, le degré zéro de la morale politique. Ce non événement a le seul mérite de nous donner un point de repère de l’indignité de ce qu’on appelle nos élites.
Comme maire, s’il n’a pas fait, semble –t-il de grosses bêtises, il n’a cependant pas cassé trois pattes à un canard, les impôts locaux frisant depuis des années des sommets à donner le vertige, sans qu’il n’y ai eu de démarche radicale pour freiner cette dérive. J’espère profondément qu’aux prochaines élections il ira tester les services de Pole emploi et qu’il devra changer du métier d’apparatchik.
[Je ne comprends pas ce que veut dire « la démocratie telle qu’on la conçoit depuis quelques siècles en occident ». Vous avez l’air de croire qu’il existe une conception unique de la démocratie, . . . . . ]
Je n’ai, malgré ma science politique très limitée, pas la naïveté d’associer dans une similitude quelconque la politique de la RDA et la République italienne. La démocratie en occident est, depuis deux siècles environ, protéiforme. Or cela ne veut pas dire que toutes les possibilités aient été épuisées et qu’il reste à établir des modes de fonctionnement plus adaptés encore à notre époque. Personnellement je ne suis pas indifférent à un mode d’élection avec une teinte de suffrage de type censitaire, ne serait ce qu’en accord avec vos propos sur le renoncement de « beaucoup à faire un effort pour participer à la vie de la cité ».
N’étant ni Napoléon ni Macron, je me contente d’imaginer, d’espérer, d’évoquer.
@ Marcailloux
[Une population bénéficiant d’une certaine prospérité matérielle sera plus préoccupée à protéger ce qu’elle possède qu’à songer à faire une révolution – même froide – et devoir partager sur des bases nouvelles.]
L’histoire semble vous donner tort. Pensez par exemple à la Révolution française : c’est la bourgeoisie naissante, qui avait atteint une « certaine prospérité matérielle » qui est le véritable moteur de la Révolution. Les Danton, les Robespierre, les Marat, les Mirabeau ne sont pas des miséreux. Ce sont des gens éduqués, largement au-dessus de la moyenne en termes de niveau de vie. Et pourtant ils se sont lancés dans une révolution…
Vous semblez oublier qu’au-dessus des intérêts individuels, il y a les intérêts de classe. L’avocat Robespierre avait peut-être intérêt à rester dans son étude d’avocat à protéger ce qu’il possédait plutôt que de risquer la guillotine. Et pourtant. Il faut croire que, au moins collectivement, les hommes font une calcul de ce qu’ils ont à perdre et de ce qu’ils ont à gagner, plutôt que de songer bêtement à protéger ce qu’ils ont déjà conquis. Par ailleurs, vous oubliez que le niveau de vie n’est pas une donnée gravée dans le marbre, et que quelquefois une révolution vise bien à préserver un niveau de vie qui s’érode du fait des insuffisances du régime existant.
[La notion et les syndromes de « l’avantage acquis » ont la vie solidement ancrée dans l’inconscient commun. Les Français ne sont plus un peuple prise de risque, le talent, ils sont bien plus modérés quant aux fortunes transmises par le simple hasard de la naissance.]
Je ne suis pas persuadé, loin de là. Quand quatre millions de citoyens sortent dans la rue après l’attentat de Charlie Hebdo, en prenant pour cela un risque personnel non négligeable, je me dis qu’il reste encore chez nous une grande capacité à s’enflammer quand quelque chose en vaut la peine. Je ne crois par contre pas à la naissance d’un projet par génération spontanée : s’il n’y a pas une élite pour proposer un projet susceptible d’intéresser les gens, ceux-ci se replieront naturellement sur la défense de leur petit pré carré.
[« Un projet communiste a un sens aussi longtemps que les travailleurs seront exploités. » Vous semblez appliquer là, mécaniquement, les préceptes du marxisme qui représentaient sans doute la réalité du XIXème siècle en Europe.]
Rien de « mécanique » là-dedans. Seulement, pour moi le mot « communisme » a un sens bien précis : c’est le processus qui abolit l’exploitation. Le problème dans le débat sur le « communisme » est que beaucoup de gens donnent à ce mot un sens vague, qui tient essentiellement de la prise de position morale. Personnellement, je ne crois pas à la réalité d’une société idéale où tous les hommes seront frères, où la propriété sera abolie, ou l’état dépérira parce qu’on n’aura plus besoin de structure répressive. Abolir l’exploitation du travail humain, donner au travailleur la valeur qu’il produit, c’est déjà pour moi une grande ambition. Après, on verra.
[Celui qui ne détient pas la décision finale aura toujours le sentiment d’être exploité quelque part.]
Là encore, l’exploitation est une réalité objective, qui a une définition économique précise. La question des « sentiments » ne m’intéresse pas.
[Et pensez vous que dans les « démocraties » communistes que nous avons en référence, l’exploitation du peuple et des travailleurs par une nomenklatura vivant et s’enrichissant grassement quelquefois, est une illusion ?]
D’une part, je ne vois pas à quelle « démocratie communiste » vous faites allusion. A ma connaissance, aucun régime réel ne s’est considéré comme ayant construit le communisme, même si cela restait l’objectif ultime. Ensuite, oui, je pense que les « socialismes réels » n’ont pas aboli l’exploitation, ils l’ont beaucoup, beaucoup réduite. Quand on compare les écarts de revenu en URSS et ceux qu’on peut observer chez nous à la même époque, la conclusion est claire. J’ajoute que la démonstration est encore plus convaincante si l’on prend les écarts de patrimoine.
[Immense exemple de la Chine actuellement.]
La Chine n’a rien aujourd’hui d’un pays communiste, ni même socialiste. C’est un capitalisme d’Etat. Franchement, je trouve très drôle la manière comme la Chine est considérée « communiste » ou « capitaliste » selon ce que l’on veut démontrer.
[Si l’on suppose que le détenteur d’un capital est légitime dans sa possession, il me paraît naturel que ce moyen nécessaire à la production de richesse, mis à la disposition d’une entité économique qu’est l’entreprise, soit rémunéré par le simple fait que ce capital peut être entièrement perdu du jour au lendemain si son affectation n’est pas judicieuse alors que généralement le travailleur sera rémunéré pour son travail, même si celui-ci ne donne pas satisfaction.]
La théorie de la « rémunération du risque » ne tient pas, et la démonstration est facile à faire : si le revenu du capital rémunérait le risque, alors au niveau global les cas où le capital est perdu devraient être strictement compensés par les cas contraires. Et le système serait globalement équilibré, sans accumulation possible. Or, comme le capital s’accumule et se multiplie, il faut bien admettre qu’il est rémunéré bien au-dessus du risque pris…
Par ailleurs, si vous rémunérez le risque chez le capitaliste, pourquoi ne pas rémunérer le même risque chez le travailleur ? Or, rien ne garantit que le travailleur sera rémunéré, même si son travail donne satisfaction. Si l’entreprise fait faillite, il se peut que les salaires ne soient pas payés.
[Et dans ce dernier cas, ce travailleur éventuellement licencié, bénéficiera d’allocations de chômage.]
Je vous rappelle que les allocations chômage sont versées dans le cadre d’un mécanisme d’assurance. Le travailleur paye une prime mensuelle pour couvrir ce risque. Rien n’empêche le capitaliste d’assurer son capital, en payant une prime pour cela…
Non, la justification de la rémunération du capital par le « risque » pris ne tient absolument pas la route. Une justification plus rationnelle est celle de la rémunération de la renonciation à consommer. En effet, le capitaliste, lorsqu’il investit dans une entreprise, renonce temporairement à consommer son bien. Cette renonciation a un prix. Et c’est sur la base de ce raisonnement que les régimes socialistes existants justifiaient la rémunération des dépôts d’épargne. Mais là encore, le prix de la renonciation ne justifie pas la rémunération faramineuse que reçoit le capital dans une société comme la notre…
[Ne pensez-vous pas, par exemple, que d’une certaine façon, le fait que d’innombrables travailleurs jonglent avec des règlements – et les transgressent quelquefois – et ainsi se maintiennent en sous-emploi, volontairement, et sont plus avantagés financièrement que des travailleurs assidus qui pour des rémunérations similaires ou à peine supérieures assument les efforts, les contraintes, les débours que leur imposent une activité de salarié. N’est-ce pas là une forme d’exploitation des uns par des autres de la même classe sociale.]
On pourrait en discuter. J’aurais tendance à dire que c’est un mécanisme qui permet à certains travailleurs d’être moins fortement exploités que d’autres, parce que je ne suis pas convaincu que même ceux qui « jonglent avec les règlements » soient rémunérés in fine conformément à la valeur que leur travail produit. Mais plus profondément, je vous ferais remarquer que, contrairement aux capitalistes, ces travailleurs utilisent les « trous » dans les réglementations faites par d’autres. Le rapport de forces ne leur permet pas de peser effectivement pour que les règlements soient à leur avantage. Ils se contentent de profiter d’un effet d’aubaine. A l’inverse, les capitalistes ont le pouvoir d’imposer des règlements qui les arrangent. C’est pourquoi la fraude commise par le chômeur et celle commise par l’utilisateur de paradis fiscaux n’est pas de la même nature. Dans le premier cas, le chômeur utilise un « trou » qu’il n’a pas créé. Dans l’autre, le capitaliste utilise une réglementation qui a été construite pour lui permettre de faire ce qu’il fait.
[Pour moi, être en démocratie communiste serait de vivre dans un régime tendant fortement à rémunérer équitablement tous les acteurs contribuant à la production de richesse, avec un mode d’évaluation le plus simple possible afin que l’immense majorité des citoyens soit en mesure d’en comprendre et accepter l’équité et la légitimité.]
Il ne vous reste plus qu’à définir ce que vous entendez par « rémunérer équitablement », et le tour est joué. Bon courage…
Pour pouvoir parler d’une rémunération « équitable », il vous faut définir quels sont les principes de l’équité. Est-ce « équitable » qu’un travailleur doive céder une partie de la valeur qu’il produit à une tierce personne du seul fait que celle-ci détient un titre de propriété ? Pour moi, non, et c’est pourquoi le communisme est le système qui abolit l’exploitation. Mais pour vous, il semblerait que c’est parfaitement « équitable »…
[Le spectacle historique des sociétés dites socialistes ou communistes ne donne jamais que la même trajectoire qui va du rêve partagé d’une société plus équitable à la captation des richesses par l’oligarchie des gouvernants ou de leur entourage.]
Oui, enfin, comme je vous l’ai dit plus haut, cette « captation » était bien moins forte que dans les sociétés capitalistes. C’était donc un pas dans la bonne direction. Le problème, c’est que ces sociétés n’ont pas réussi à concilier la baisse du taux d’exploitation avec un haut niveau de productivité. Ce sera pour la prochaine fois.
[Finalement, notre pays, dans lequel plus de la moitié de la richesse produite est redistribuée au peuple (…)]
Pardon, mais c’est qui, « le peuple » ?
[(…) est plus proche du communisme que la plupart de ces pays qui se disent socialistes ou communistes.]
Je ne sais pas. Quel était le pourcentage de la richesse produite qui était « redistribuée au peuple » en URSS ?
[Je vais citer un cas très récent d’altération de l’étique citoyenne. J’habite une petite ville dont l’ancien maire, devenu député du PS, ligne Emmanuelli au départ puis Aubry, ayant voté contre le budget il y a 10 jours, se prostitue en idiot utile du gouvernement pour des raisons probablement pas très avouables de la part de ce dernier. Pour ce député, le son du hochet maroquiné y a pourvu. Il vient d’être nommé Secrétaire d’État à la Fonction publique.]
Mais ce que vous décrivez n’est en rien nouveau. En fait, ce serait plutôt un retour aux sources de la IIIème et IVème Républiques, quand les « combinaisons de couloir » faisaient des gouvernements qui voyaient souvent la carpe et le lapin s’asseoir côte à côte dans les bancs du gouvernement. L’éthique citoyenne n’a jamais reposé au cours de notre histoire dans les politiques. Elle a reposé dans quelques très rares « hommes d’Etat » – dont De Gaulle est peut-être le dernier exemple – capables de s’extraire de la médiocrité, et dans nos élites administratives et techniques qui assurent la continuité d’un Etat raisonnablement efficace et honnête. Et il faut ajouter que notre classe politique a tout fait pour saboter les « hommes d’Etat », ces empêcheurs de magouiller en rond – et les renvoyer à leurs chères études.
Ce qui est inquiétant aujourd’hui, ce n’est pas tant le retour du monde politique vers le « marais » de l’avant 1958 que l’affaiblissement de l’appareil administratif et technique de l’Etat qui permettait d’en limiter les excès.
[N’étant ni Napoléon ni Macron, je me contente d’imaginer, d’espérer, d’évoquer.]
Ni vous ni moi ne sommes Napoléon… mais je n’oublie jamais ce que disait l’empereur des français : « chaque soldat a dans sa giberne un bâton de maréchal »…
@ Descartes
Bonjour,
[ L’histoire semble vous donner tort. Pensez par exemple à la Révolution française : c’est la bourgeoisie naissante, qui avait atteint une « certaine prospérité matérielle » qui est le véritable moteur de la Révolution. ]
L’histoire est écrite, généralement par des lettrés issus des classes bourgeoises ou assimilées. Il est naturel que l’on nous la présente à travers le prisme des vainqueurs.
Des causes structurelles se sont combinées à des causes conjoncturelles.
La bourgeoisie n’était pas à mon avis – mais là je me range derrière celui d’historiens – le moteur, mais peut-être le pilote, par son niveau d’éducation et son niveau de frustration lié à son écartement des élites politiques de la nation par une monarchie de droit divin.
Si les bourgeois n’avaient pas surfé sur un mécontentement profond de la population, suite à des famines, des jacqueries (plusieurs milliers au XVIIIème siècle), des guerres meurtrières pour le peuple, nous aurions eu droit, probablement, à une simple révolution de palais.
En 1789, ce qui ne représentait ni la noblesse, ni le clergé, ni la bourgeoisie, le peuple prolétaire en quelque sorte, correspondait à plus de 90% de la population. Les bourgeois 5% environ. Vous les voyez partir en révolution contre la monarchie ?
[[[ La notion et les syndromes de « l’avantage acquis » ont la vie solidement ancrée dans l’inconscient commun. Les Français ne sont plus un peuple prise de risque, le talent, ils sont bien plus modérés quant aux fortunes transmises par le simple hasard de la naissance .]]]
Ce n’est pas ce que j’ai écris, je rappelle précisément mon propos qui n’avait rien à voir, d’ailleurs, avec les manifestations d’indignation suite à l’attentat de Charly Hebdo.
« La notion et les syndromes de « l’avantage acquis » ont la vie solidement ancrée dans l’inconscient commun. Les Français ne sont plus un peuple aventureux et s’ils contestent régulièrement les richesses ou fortunes acquises par le travail, le culot, la prise de risque, le talent, ils sont bien plus modérés quant aux fortunes transmises par le simple hasard de la naissance. »
Dans ce paragraphe, je souhaitais souligner que les Français ont maintenant moins l’esprit de conquête que celui de défense, voire de défaite.
Et en ce qui concerne ce fameux risque personnel non négligeable, lors des manifestations pour Charly Hebdo, permettez-moi de le nuancer. Deux millions de personnes à Paris et le double pour la France entière, je ne vois pas, en dehors du fantasme qui consiste à se faire peur de sa propre ombre, le risque réel que pouvait courir tel ou tel manifestant.
Aller à trois ou quatre devant une mosquée le vendredi avec un panneau exigeant la répression du salafisme, oui, là vous courrez des risques réels.
[Une justification plus rationnelle est celle de la rémunération de la renonciation à consommer]
Votre renonciation, qu’il faut en effet considérer, ne vous expose pas, en principe à la perte du capital, mais simplement à un report de disponibilité. Si la renonciation a un prix, le risque en a un autre qui peut se cumuler avec le précédent.
Si dans un pays communiste, l’État fait une grosse bourde dans un investissement, au lieu que ce soit un capitaliste qui perde le coût de cet investissement, c’est l’ensemble des citoyens qui le perd. Ces citoyens qui acceptent ce risque le font dans l’espoir de bénéficier d’un retour sur investissement, sous une forme ou sous une autre. Si l’investissement est productif de richesse, il produira un supplément au compte de résultat qui sera redistribué à la communauté. Je ne vous apprends évidemment rien, mais s’il s’agit d’un seul citoyen qui, sur les biens qu’il risque, opère de la même façon, là vous criez à l’injustice.
La question qui doit se poser est la légitimité des biens personnels acquis.
Ce qu’en fait leur possesseur doit rester un choix personnel garanti par la liberté constitutionnelle.
[ Il ne vous reste plus qu’à définir ce que vous entendez par « rémunérer équitablement », et le tour est joué. Bon courage…]
Je ne suis pas certain que ce soit si difficile. Ce qui l’est par contre, c’est de le faire accepter et d’en imposer les conséquences à toute une nation.
Lorsque G. Marchais proclamait selon lui – je cite l’esprit, et de mémoire- : « Tout ce qui dépasse, dans les revenus 20 fois, le SMIG, je le taxe à 100% », c’était bien établir déjà, sinon une répartition équitable des revenus, déjà une limitation dans leur volume.
Rien n’empêchait alors d’établir des grilles de rémunérations en fonction de différents critères, comme dans les entreprises, pour établir ce que chacun doit gagner en fonction des critères retenus. Il y a de l’utopie là dedans, j’en ai bien conscience, mais ne me dites pas que cela est techniquement impossible.
Et cette politique n’aurait rien d’égalitariste.
[Pour pouvoir parler d’une rémunération « équitable », il vous faut définir quels sont les principes de l’équité. Est-ce « équitable » qu’un travailleur doive céder une partie de la valeur qu’il produit à une tierce personne du seul fait que celle-ci détient un titre de propriété ? Pour moi, non, et c’est pourquoi le communisme est le système qui abolit l’exploitation. Mais pour vous, il semblerait que c’est parfaitement « équitable »]
Annoncez alors clairement que vous êtes contre le droit de propriété.
Pour moi, il est équitable de rémunérer quelqu’un qui accepte, pour qu’une entreprise puisse disposer des financements indispensables à son fonctionnement, de prendre le risque de tout perdre (donnez moi le nom d’une compagnie d’assurance et le montant de la cotisation, qui accepte de couvrir le risque financier d’un investisseur).
Où cela coince, c’est le niveau de rémunération qui est quelquefois accordé aux investisseurs, mais pas le principe, que ce soit un investisseur institutionnel, l’État, ou un particulier.
[ Pardon, mais c’est qui, « le peuple » ?]
Ben ! c’est vous et moi et nous tous citoyens. Ça vous étonne ?
Je ne vais pas vous faire l’affront de vous décrire ce qui revient en services, allocations, salaires, indemnités, prises en charge, accès aux équipements et structures, protections diverses dont chacun à des titres divers peut avoir accès.
Puisque vous prenez l’exemple de l’URSS, qui ne semble pas avoir énormément évolué avec l’avènement de la Russie, quand il n’y a pas grand chose à partager, c’est toujours l’oligarchie en place qui se sucre et le reste est partagé parmi le peuple. Ce qui restait (ou qui maintenant reste) en URSS n’était pas grand chose. Nous ne sommes heureusement pas dans la même situation en France.
Que je sache, F. Pinault n’a pas un accès privilégié à la sécu, aux routes, à l’enseignement public, etc ….
[ mais je n’oublie jamais ce que disait l’empereur des français : « chaque soldat a dans sa giberne un bâton de maréchal »]
Eh bien là c’est un parfait exemple de démagogie et ou de populisme.
Napoléon pensait-il une seule seconde à la réalité de ces balivernes. Avec ces harangues, des centaines de milliers de braves types sont allés crever sur les champs de bataille au service d’ambitieux sans limite.
Pour ce qui est de la démarche citoyenne, je me contenterai d’un galon d’officier subalterne, entre ceux qui ont vocation à faire bouger le système et ceux qui – ils sont l’immense majorité – sont relativement détachés de ces enjeux et se contentent de manifester leur opinion à l’occasion des scrutins électoraux.
[ L’histoire semble vous donner tort. Pensez par exemple à la Révolution française : c’est la bourgeoisie naissante, qui avait atteint une « certaine prospérité matérielle » qui est le véritable moteur de la Révolution. ]
L’histoire est écrite, généralement par des lettrés issus des classes bourgeoises ou assimilées. Il est naturel que l’on nous la présente à travers le prisme des vainqueurs.
Des causes structurelles se sont combinées à des causes conjoncturelles.
La bourgeoisie n’était pas à mon avis – mais là je me range derrière celui d’historiens – le moteur, mais peut-être le pilote, par son niveau d’éducation et son niveau de frustration lié à son écartement des élites politiques de la nation par une monarchie de droit divin.
Si les bourgeois n’avaient pas surfé sur un mécontentement profond de la population, suite à des famines, des jacqueries (plusieurs milliers au XVIIIème siècle), des guerres meurtrières pour le peuple, nous aurions eu droit, probablement, à une simple révolution de palais.
En 1789, ce qui ne représentait ni la noblesse, ni le clergé, ni la bourgeoisie, le peuple prolétaire en quelque sorte, correspondait à plus de 90% de la population. Les bourgeois 5% environ. Vous les voyez partir en révolution contre la monarchie ?
[[[ La notion et les syndromes de « l’avantage acquis » ont la vie solidement ancrée dans l’inconscient commun. Les Français ne sont plus un peuple prise de risque, le talent, ils sont bien plus modérés quant aux fortunes transmises par le simple hasard de la naissance .]]]
Ce n’est pas ce que j’ai écris, je rappelle précisément mon propos qui n’avait rien à voir, d’ailleurs, avec les manifestations d’indignation suite à l’attentat de Charly Hebdo.
« La notion et les syndromes de « l’avantage acquis » ont la vie solidement ancrée dans l’inconscient commun. Les Français ne sont plus un peuple aventureux et s’ils contestent régulièrement les richesses ou fortunes acquises par le travail, le culot, la prise de risque, le talent, ils sont bien plus modérés quant aux fortunes transmises par le simple hasard de la naissance. »
Dans ce paragraphe, je souhaitais souligner que les Français ont maintenant moins l’esprit de conquête que celui de défense, voire de défaite.
Et en ce qui concerne ce fameux risque personnel non négligeable, lors des manifestations pour Charly Hebdo, permettez-moi de le nuancer. Deux millions de personnes à Paris et le double pour la France entière, je ne vois pas, en dehors du fantasme qui consiste à se faire peur de sa propre ombre, le risque réel que pouvait courir tel ou tel manifestant.
Aller à trois ou quatre devant une mosquée le vendredi avec un panneau exigeant la répression du salafisme, oui, là vous courrez des risques réels.
[Une justification plus rationnelle est celle de la rémunération de la renonciation à consommer]
Votre renonciation, qu’il faut en effet considérer, ne vous expose pas, en principe à la perte du capital, mais simplement à un report de disponibilité. Si la renonciation a un prix, le risque en a un autre qui peut se cumuler avec le précédent.
Si dans un pays communiste, l’État fait une grosse bourde dans un investissement, au lieu que ce soit un capitaliste qui perde le coût de cet investissement, c’est l’ensemble des citoyens qui le perd. Ces citoyens qui acceptent ce risque le font dans l’espoir de bénéficier d’un retour sur investissement, sous une forme ou sous une autre. Si l’investissement est productif de richesse, il produira un supplément au compte de résultat qui sera redistribué à la communauté. Je ne vous apprends évidemment rien, mais s’il s’agit d’un seul citoyen qui, sur les biens qu’il risque, opère de la même façon, là vous criez à l’injustice.
La question qui doit se poser est la légitimité des biens personnels acquis.
Ce qu’en fait leur possesseur doit rester un choix personnel garanti par la liberté constitutionnelle.
[ Il ne vous reste plus qu’à définir ce que vous entendez par « rémunérer équitablement », et le tour est joué. Bon courage…]
Je ne suis pas certain que ce soit si difficile. Ce qui l’est par contre, c’est de le faire accepter et d’en imposer les conséquences à toute une nation.
Lorsque G. Marchais proclamait selon lui – je cite l’esprit, et de mémoire- : « Tout ce qui dépasse, dans les revenus 20 fois, le SMIG, je le taxe à 100% », c’était bien établir déjà, sinon une répartition équitable des revenus, déjà une limitation dans leur volume.
Rien n’empêchait alors d’établir des grilles de rémunérations en fonction de différents critères, comme dans les entreprises, pour établir ce que chacun doit gagner en fonction des critères retenus. Il y a de l’utopie là dedans, j’en ai bien conscience, mais ne me dites pas que cela est techniquement impossible.
Et cette politique n’aurait rien d’égalitariste.
[Pour pouvoir parler d’une rémunération « équitable », il vous faut définir quels sont les principes de l’équité. Est-ce « équitable » qu’un travailleur doive céder une partie de la valeur qu’il produit à une tierce personne du seul fait que celle-ci détient un titre de propriété ? Pour moi, non, et c’est pourquoi le communisme est le système qui abolit l’exploitation. Mais pour vous, il semblerait que c’est parfaitement « équitable »]
Annoncez alors clairement que vous êtes contre le droit de propriété.
Pour moi, il est équitable de rémunérer quelqu’un qui accepte, pour qu’une entreprise puisse disposer des financements indispensables à son fonctionnement, de prendre le risque de tout perdre (donnez moi le nom d’une compagnie d’assurance et le montant de la cotisation, qui accepte de couvrir le risque financier d’un investisseur).
Où cela coince, c’est le niveau de rémunération qui est quelquefois accordé aux investisseurs, mais pas le principe, que ce soit un investisseur institutionnel, l’État, ou un particulier.
[ Pardon, mais c’est qui, « le peuple » ?]
Ben ! c’est vous et moi et nous tous citoyens. Ça vous étonne ?
Je ne vais pas vous faire l’affront de vous décrire ce qui revient en services, allocations, salaires, indemnités, prises en charge, accès aux équipements et structures, protections diverses dont chacun à des titres divers peut avoir accès.
Puisque vous prenez l’exemple de l’URSS, qui ne semble pas avoir énormément évolué avec l’avènement de la Russie, quand il n’y a pas grand chose à partager, c’est toujours l’oligarchie en place qui se sucre et le reste est partagé parmi le peuple. Ce qui restait (ou qui maintenant reste) en URSS n’était pas grand chose. Nous ne sommes heureusement pas dans la même situation en France.
Que je sache, F. Pinault n’a pas un accès privilégié à la sécu, aux routes, à l’enseignement public, etc ….
[ mais je n’oublie jamais ce que disait l’empereur des français : « chaque soldat a dans sa giberne un bâton de maréchal »]
Eh bien là c’est un parfait exemple de démagogie et ou de populisme.
Napoléon pensait-il une seule seconde à la réalité de ces balivernes. Avec ces harangues, des centaines de milliers de braves types sont allés crever sur les champs de bataille au service d’ambitieux sans limite.
Pour ce qui est de la démarche citoyenne, je me contenterai d’un galon d’officier subalterne, entre ceux qui ont vocation à faire bouger le système et ceux qui – ils sont l’immense majorité – sont relativement détachés de ces enjeux et se contentent de manifester leur opinion à l’occasion des scrutins électoraux.
@ Marcailloux
[« L’histoire semble vous donner tort. Pensez par exemple à la Révolution française : c’est la bourgeoisie naissante, qui avait atteint une « certaine prospérité matérielle » qui est le véritable moteur de la Révolution. » L’histoire est écrite, généralement par des lettrés issus des classes bourgeoises ou assimilées. Il est naturel que l’on nous la présente à travers le prisme des vainqueurs.]
Là, je ne vous comprends pas. Vous voulez dire que la Révolution française fut une révolution prolétarienne et paysanne, mais que la bourgeoisie en a falsifié la vraie nature en écrivant l’histoire de manière à la faire apparaître comme une révolution bourgeoise ?
[La bourgeoisie n’était pas à mon avis – mais là je me range derrière celui d’historiens – le moteur, mais peut-être le pilote, par son niveau d’éducation et son niveau de frustration lié à son écartement des élites politiques de la nation par une monarchie de droit divin. Si les bourgeois n’avaient pas surfé sur un mécontentement profond de la population, suite à des famines, des jacqueries (plusieurs milliers au XVIIIème siècle), des guerres meurtrières pour le peuple, nous aurions eu droit, probablement, à une simple révolution de palais.]
Non. Une révolution de palais peut changer les têtes, mais ne change pas le système. Or, l’ambition de la bourgeoisie allait bien plus loin : il s’agissait de changer non seulement les ministres, mais le mode de production. Ou plutôt de consacrer dans les structures politiques un changement de mode de production qui était déjà en cours. Mais lorsque je dis que la bourgeoisie a été le moteur de la Révolution, je ne pense pas seulement à son poids numérique. Même si les bourgeois étaient minoritaires, la Révolution s’est faite dans le but d’instaurer un régime bourgeois. Les paysans, les ouvriers qui ont envoyé les aristocrates à la lanterne n’aspiraient pas à la collectivisation des moyens de production, mais à une vie « bourgeoise ».
Mais pour revenir à notre discussion, vous aviez soutenu que « Une population bénéficiant d’une certaine prospérité matérielle sera plus préoccupée à protéger ce qu’elle possède qu’à songer à faire une révolution ». La bourgeoisie de 1789, toute minoritaire qu’elle fut, fournit un excellent contre-exemple.
[Et en ce qui concerne ce fameux risque personnel non négligeable, lors des manifestations pour Charly Hebdo, permettez-moi de le nuancer. Deux millions de personnes à Paris et le double pour la France entière, je ne vois pas, en dehors du fantasme qui consiste à se faire peur de sa propre ombre, le risque réel que pouvait courir tel ou tel manifestant.]
Imaginez le carnage qu’aurait pu faire dans les manifestations une petite équipe portant des ceintures d’explosifs ou des armes automatiques. Rétrospectivement, c’était de la folie.
[« Une justification plus rationnelle est celle de la rémunération de la renonciation à consommer » Votre renonciation, qu’il faut en effet considérer, ne vous expose pas, en principe à la perte du capital, mais simplement à un report de disponibilité. Si la renonciation a un prix, le risque en a un autre qui peut se cumuler avec le précédent.]
Je vous le répète : la rémunération du risque est neutre, puisqu’elle ne fait que compenser la perte en cas d’échec en prélevant sur les cas de succès. Si on ne rémunérait que le risque, alors un portefeuille diversifié devrait avoir un revenu nul. Or, on peut constater que les capitalistes s’enrichissent globalement. On peut donc conclure qu’on rémunère autre chose que le risque…
J’ajoute que le « report de disponibilité » a un prix parce qu’étant mortels, la consommation de demain n’a pas le même prix que celle d’aujourd’hui. Qui nous garantit que nous serons vivants pour consommer demain ce que nous avons renoncé à consommer aujourd’hui ?
[Si dans un pays communiste, l’État fait une grosse bourde dans un investissement, au lieu que ce soit un capitaliste qui perde le coût de cet investissement, c’est l’ensemble des citoyens qui le perd.]
Tout à fait. Et si l’Etat fait un bon investissement, c’est l’ensemble des citoyens qui y gagne. Si le capital était rémunéré au risque, le revenu moyen d’un investissement devrait être nul. C’est le fondement de la théorie de l’assurance.
[Ces citoyens qui acceptent ce risque le font dans l’espoir de bénéficier d’un retour sur investissement, sous une forme ou sous une autre.]
Mais encore une fois, la « juste » rémunération du capital, celle qui couvre le risque, donne une espérance de gain nulle !
[Si l’investissement est productif de richesse, il produira un supplément au compte de résultat qui sera redistribué à la communauté. Je ne vous apprends évidemment rien, mais s’il s’agit d’un seul citoyen qui, sur les biens qu’il risque, opère de la même façon, là vous criez à l’injustice.]
Mais pas du tout ! Je serai ravi de voir le capital rémunéré au niveau du risque qu’il prend. Seulement, je vous le répète, la rémunération calculée sur le risque devrait donner GLOBALEMENT une rémunération nulle, les cas de gain couvrant exactement les cas de perte.
J’ai l’impression que vous avez du mal à voir le raisonnement. Imaginons un jeu de roulette. J’ai un capital que je peux mettre soit sur le rouge, soit sur le noir (imaginons qu’il n’y a pas de zéro, pour simplifier). Quelle serait la « juste rémunération » de mon capital, calculée sur le risque que je prends ? Et bien, si on calcule sur le risque, j’ai une probabilité de 50% de perdre mon capital, la rémunération « juste » étant donc de doubler la mise, puisque cette rémunération annule le risque : en jouant indéfiniment, la perte sera nulle. Mais le gain, lui aussi, sera nul dans ce cas.
Si on rémunérait seulement le risque de l’investisseur, alors l’espérance de gain serait globalement nulle. Or, ce n’est pas le cas : les revenus du capital sont invariablement positifs, sans quoi il n’y aurait pas d’accumulation. Il faut donc conclure qu’on rémunère autre chose que le simple risque.
[La question qui doit se poser est la légitimité des biens personnels acquis. Ce qu’en fait leur possesseur doit rester un choix personnel garanti par la liberté constitutionnelle.]
C’est une tautologie. Il suffit dans votre optique de décréter « illégitime » telle ou telle possession pour la soustraire au « choix personnel ».
[« Il ne vous reste plus qu’à définir ce que vous entendez par « rémunérer équitablement », et le tour est joué. Bon courage… » Je ne suis pas certain que ce soit si difficile.]
Eh bien, j’attends votre définition des critères qui rendraient une rémunération « équitable ». Si ce n’est pas si difficile, vous devriez pouvoir le faire en quelques paragraphes…
[Lorsque G. Marchais proclamait selon lui – je cite l’esprit, et de mémoire- : « Tout ce qui dépasse, dans les revenus 20 fois, le SMIG, je le taxe à 100% », c’était bien établir déjà, sinon une répartition équitable des revenus, déjà une limitation dans leur volume.]
Peut-être, mais je ne vois pas où est la règle d’équité. Pourquoi 20 et pas 19 ou 21 ?
[Annoncez alors clairement que vous êtes contre le droit de propriété.]
Mais… pas du tout. Je considère au contraire le droit de propriété comme fondamental pour le fonctionnement de toute société. Ce qui me gêne, c’est que la propriété donne lieu à une rémunération prélevée sur le travail des autres.
[Pour moi, il est équitable de rémunérer quelqu’un qui accepte, pour qu’une entreprise puisse disposer des financements indispensables à son fonctionnement, de prendre le risque de tout perdre]
Il est parfaitement équitable de rémunérer le risque… A CONDITION DE LE REMUNERER AU NIVEAU DU RISQUE. Comme je vous l’ai montré plus haut, c’est loin d’être le cas. Autrement, il n’y aurait pas d’accumulation du capital, les gains compensant exactement les pertes…
[(donnez moi le nom d’une compagnie d’assurance et le montant de la cotisation, qui accepte de couvrir le risque financier d’un investisseur).]
Ce serait une liste fort longue. Toutes les grandes banques et compagnies d’assurance le font. Ce sont les fameux CDS ( « default crédit swaps ») qui permettent d’assurer un prêt contre le défaut de l’emprunteur. Et encore une fois, les primes sont calculées en fonction de la théorie de l’assurance : les sommes payés aux perdants étant exactement compensées par les primes payées par les gagnants…
[« Pardon, mais c’est qui, « le peuple » ? » Ben ! c’est vous et moi et nous tous citoyens. Ça vous étonne ?]
Oui, ça m’étonne beaucoup. Parce que vous écrivez « finalement, notre pays, dans lequel plus de la moitié de la richesse produite est redistribuée au peuple ». Or, si « le peuple » c’est « nous tous citoyens », il inclut les capitalistes, et c’est donc la TOTALITE de la richesse qui est « redistribuée au peuple »… a moins que vous pensiez qu’une partie de celle-ci est reversée aux martiens ?
[Je ne vais pas vous faire l’affront de vous décrire ce qui revient en services, allocations, salaires, indemnités, prises en charge, accès aux équipements et structures, protections diverses dont chacun à des titres divers peut avoir accès.]
Ce qui m’étonne, c’est que vous ayez oublié dans votre longue liste les dividendes, les jetons de présence, les revenus de spéculation… ne sont-ils pas, eux aussi, versés « au peuple » entendu comme « nous tous citoyens » ? Non, dans votre développement, vous séparez le « nous tous citoyens » en deux parties, « le peuple » (qui reçoit services, allocations, salaires, indemnités, etc.) et quelque chose d’autre, dont vous ne donnez pas le nom, qui recevrait dividendes, jetons de présence, etc. C’est cette dichotomie qui m’a poussé à vous demander « c’est quoi, le Peuple »…
[Que je sache, F. Pinault n’a pas un accès privilégié à la sécu, aux routes, à l’enseignement public, etc]
De facto ou de jure ? De jure, non, parce que notre système est bâti sur l’idée d’égalité devant la loi, et cette fiction doit être préservée. De facto, bien entendu que Pinault a un accès privilégié à la médecine, au transport, à l’enseignement. Parce que dans notre société capitaliste c’est l’argent qui donne le statut, et non la loi.
[« mais je n’oublie jamais ce que disait l’empereur des français : « chaque soldat a dans sa giberne un bâton de maréchal » » Eh bien là c’est un parfait exemple de démagogie et ou de populisme.]
Je ne le crois pas. Je pense plutôt qu’il formulait le crédo de l’élite bourgeoise dans une phase ou celle-ci se constituait sur un fondement méritocratique. Les maréchaux de Napoléon dans beaucoup de cas étaient des simples soldats que leurs mérites ont portés au plus haut grade, et ce fut le cas aussi dans l’administration civile de la période napoléonienne.
[Napoléon pensait-il une seule seconde à la réalité de ces balivernes.]
Je pense que vous commettez le péché d’anachronisme. Napoléon y croyait parce qu’à son époque cela reposait sur une réalité. L’abolition des privilèges de sang a fait qu’on pouvait commencer petit caporal et finir empereur.
@Descartes
> Si le capital était rémunéré au risque, le revenu moyen d’un investissement devrait être nul. C’est le fondement de la théorie de l’assurance.
J’ai l’impression qu’il y a un malentendu sur la « rémunération du risque »… La rémunération du risque veut dire qu’un investissement plus risqué doit offrir une espérance de gain plus élevée qu’un investissement moins risqué. Sinon, l’aversion au risque aidant, tout le monde se reporterait sur les investissements peu risqués, et les investissements risqués ne trouveraient jamais preneur. En fait, la « rémunération du risque » n’est que le produit des mécanismes de marché qui équilibrent le « prix » de l’investissement en fonction de l’offre et de la demande…
Vous-même, si un placement risqué (par exemple acheter de la dette grecque) vous promet la même espérance de gain que le livret A, choisirez-vous le placement risqué ?
Quant au mécanisme assurantiel, vous savez comme moi qu’il y a des compagnies d’assurance fort prospères… Elles ne sauraient l’être, si leurs gains étaient rigoureusement équilibrés par leurs pertes. Les compagnies d’assurance fournissent un service recherché : elles délivrent d’un risque en échange d’une rémunération pour elles (c’est-à-dire d’une espérance de gain négative pour le souscripteur). Le fait que les humains soient prêts à payer un tel service est la preuve de l’existence de l’aversion au risque.
@ Descartes
Bonsoir
[Imaginez le carnage qu’aurait pu faire dans les manifestations une petite équipe portant des ceintures d’explosifs ou des armes automatiques. Rétrospectivement, c’était de la folie.]
Mais pour l’individu lambda, qu’il soit la victime parmi 100 lors d’une manifestation de 2 millions de personnes ou la victime seule sur un marché local, c’est exactement la même chose.
Et des occasions de marchés locaux, de rassemblements divers et variés, non contrôlés, non protégés de plusieurs centaines de personnes, il y en a des milliers en France tous les jours. Alors, on peut détourner de temps en temps les yeux de Paris et de ses risques particuliers.
[Si on ne rémunérait que le risque, alors un portefeuille diversifié devrait avoir un revenu nul.]
Je ne vois pas sur quoi se fonde ce raisonnement. En matière boursière, on n’est pas pas un système de vases communicants. Les pertes des uns ne sont pas compensées par un gain systématique des autres. Que se passe-t-il à votre avis lors d’un crash boursier ?
[C’est le fondement de la théorie de l’assurance.]
Entre les rentrées de cotisations et les sorties pour sinistre, il y a un gap qui sert à financer les coûts de gestion, les primes de réassurance, les taxes, les dividendes éventuels pour rémunérer le risque pris par celui qui, en cas de mauvaises estimations par les actuaires, pourrait voir la valeur du capital investit diminuer.
Je tiens à souligner que je n’ai pas d’action dont je suis directement porteur. Je ne défends pas les actionnaires par principe, mais si, par hypothèse je désirais créer une entreprise et qu’un financier achète une partie du capital de 1 million d’euros dont j’aurais besoin, il me semble légitime de payer le risque lié au fait que je sois incompétent, que je fasse preuve d’une malchance inouïe, que je sois malhonnête, etc. Si je réussis, il est logique qu’il attende un supplément de rémunération en partage de cette réussite. Les salariés, eux, normalement, auront été rémunérés pour le travail qu’ils auront accompli.
Ce n’est pas le principe qui est condamnable, mais l’ampleur du niveau de rémunération du capital.
[la rémunération calculée sur le risque devrait donner GLOBALEMENT une rémunération nulle, les cas de gain couvrant exactement les cas de perte.]
Peut-être, si le capital était détenu par une seule personne dans le monde, et encore cela n’a rien d’évident. Si tel était le cas, supposons qu’un terrible cataclysme détruise une grande partie des richesses productives de la planète. Que devient le capital du seul capitaliste ?
[J’ai l’impression que vous avez du mal à voir le raisonnement. Imaginons un jeu de roulette.]
C’est amusant, j’ai la même impression à votre égard, sans vouloir le moins du monde vous offenser. Je suppose que votre raisonnement est le produit du dogme marxiste, et là dessus, je ne suis pas de taille à vous contredire. Mais là il s’agit d’opinion et de sens de l’équité qui diffèrent. Pour la roulette, je pense que votre raisonnement est simpliste, car en économie, vous le savez bien, on n’est pas dans un système fermé avec une réponse de type et/ou. À la roulette c’est rouge OU noir, point barre.
Que je sache, le prix Nobel de la roulette n’est pas justifié, tant le principe de fonctionnement est simple et évident.
[ Eh bien, j’attends votre définition des critères qui rendraient une rémunération « équitable ». Si ce n’est pas si difficile, vous devriez pouvoir le faire en quelques paragraphes…]
Eh bien, je m’y engage, cela pourrait faire l’objet de débats plus ouverts entre les contributeurs de ce blog. Cependant, ne bénéficiant pas de votre dextérité de rédaction et souhaitant bien peser mes termes, je vous demande quelques jours pour vous présenter mon point de vue le plus clairement possible.
[ Oui ça m’étonne beaucoup. Parce que . . . . . . . reversée aux martiens ]
J’admire votre agilité rhétorique. J’aurais du préciser : en plus des rémunérations normalement dues pour le travail réalisé. Si vous étiez boxeur, on n’aurait pas intérêt à baisser la garde d’un seul centimètre.
@ Descartes, Marcailloux,
Cette discussion me semble importante et permettez que j’y apporte mon point de vue :
L’idée commune veut que le capital soit rémunéré en tant que facteur de production, ce qui expliquerait le profit.
En guise de gageure, j’ai coutume à dire que si je laisse des billets, des titres de propriété sur la table, ils ne feront jamais de petits, Soit, me dira t-on mais si j’investis ces derniers dans une entreprise ?
Pour choquer mon interlocuteur, je dirais « pas plus ! » .
L’argent est un intermédiaire qui en lui-même est incapable de créer de la valeur. Pire, l’argent tend à vivre sa propre vie de…marchandise : on peut spéculer sur ou avec mais sans générer de véritable valeur.
Mais me dira-t-on il faut de l’argent pour monter cette entreprise ? Oui en ce que l’argent, équivalent général, est représentatif d’une valeur qu’il n’a pas en lui-même.
En clair, cette valeur ne peut provenir que d’une autre source : le travail qui, seul, est capable de la produire.
Premier développement, développerai plus tard, dès que possible.
@ Antoine
[J’ai l’impression qu’il y a un malentendu sur la « rémunération du risque »… La rémunération du risque veut dire qu’un investissement plus risqué doit offrir une espérance de gain plus élevée qu’un investissement moins risqué.]
Je pense qu’il y a une erreur involontaire dans la phrase qui précède. Un investissement plus risqué doit offrir une PROMESSE de gain plus élevé, mais l’espérance – au sens mathématique du terme – d’un investissement est indépendante – à l’appétence au risque près – du risque. En effet, l’espérance de gain est définie comme la somme des produits de la probabilité d’un gain par le montant de celui-ci.
Maintenant, la question n’est pas seulement de savoir si les investissements plus risqués doivent promettre des rémunérations plus élevées – ce que toute personne sensée admettra comme logique – mais de combien doit être cette rémunération. Si le dividende ne payant QUE le risque, il serait logique que l’investissement sans risque entraine une rémunération nulle. Pour un investissement donné, il faudrait donc la calculer de telle manière qu’elle annule statistiquement le risque (en d’autres termes, que les cas de perte compensent exactement les cas de gain). Or, une telle rémunération rendrait l’accumulation impossible… contrairement à ce qu’on observe en pratique. Il faut donc admettre que la rémunération effectivement servie est très supérieure à celle qui correspondrait à la simple rémunération du risque…
[Quant au mécanisme assurantiel, vous savez comme moi qu’il y a des compagnies d’assurance fort prospères… Elles ne sauraient l’être, si leurs gains étaient rigoureusement équilibrés par leurs pertes.]
Je crois que vous faites erreur. Il y a des compagnies d’assurance fort prospères… mais elles font essentiellement leurs bénéfices hors du domaine de l’assurance pure. La meilleure preuve est qu’il fleurit dans notre pays des mutuelles d’assurance, qui par définition ne peuvent faire du bénéfice. Et qui offrent des primes équivalentes à celles des compagnies d’assurance…
En fait, si les compagnies d’assurances sont quelquefois florissantes, c’est parce que le poids financier que leur donne le secteur assurantiel leur permet de faire des affaires lucratives dans le domaine bancaire (ce qu’on appelle la « bancassurance »).
@ Marcailloux
[Mais pour l’individu lambda, qu’il soit la victime parmi 100 lors d’une manifestation de 2 millions de personnes ou la victime seule sur un marché local, c’est exactement la même chose.]
Sauf que le terroriste sera plus encouragé à tirer dans une foule dense, où il peut faire de nombreux morts. Et que par ailleurs tirer sur les manifestations qui ont suivi le massacre de Charlie Hebdo aurait eu un sens politique qu’on ne retrouve pas dans un marché local… La police ne s’est d’ailleurs pas trompée : il y avait bien plus de policiers dans les manifestations en question qu’on n’en trouve dans les marchés locaux…
[« Si on ne rémunérait que le risque, alors un portefeuille diversifié devrait avoir un revenu nul. » Je ne vois pas sur quoi se fonde ce raisonnement.]
C’est simple. Si le revenu du capital rémunère le risque pris par l’investisseur, un investissement sans risque devrait avoir un rendement nul. Or, investir sur un portefeuille totalement diversifié revient à parier sur la croissance, et la croissance de long terme a toujours été positive, et cela depuis cinq siècles. Un tel investissement est donc sans risque… et pourtant il aurait une rémunération positive.
[En matière boursière, on n’est pas pas un système de vases communicants. Les pertes des uns ne sont pas compensées par un gain systématique des autres. Que se passe-t-il à votre avis lors d’un crash boursier ?]
Et bien… on consomme une partie – mais une partie seulement – des gains constitués pendant les périodes de vaches grasses. Si on ne rémunérait que le risque, alors le cours historique de la bourse devrait en moyenne rester constant, les gains des périodes fastes étant perdus à chaque crash. Or, l’histoire montre le contraire : l’espérance de gain à long terme a TOUJOURS été positive, alors qu’elle devrait être nulle si seul le risque était couvert…
[Je tiens à souligner que je n’ai pas d’action dont je suis directement porteur. Je ne défends pas les actionnaires par principe, mais si, par hypothèse je désirais créer une entreprise et qu’un financier achète une partie du capital de 1 million d’euros dont j’aurais besoin, il me semble légitime de payer le risque lié au fait que je sois incompétent, que je fasse preuve d’une malchance inouïe, que je sois malhonnête, etc.]
Certes. Mais aucun capitaliste ne vous prêtera l’argent si vous ne payez QUE le risque. En effet, si la rémunération ne couvre que le risque, alors en faisant mille investissements semblables au votre le capitaliste se retrouverait avec un gain nul (puisque les cas de gain couvriront exactement les cas de perte). Pourquoi investir dans ce cas, puisque à l’arrivée vous ne retrouvez que votre capital de départ ?
Non, le capitaliste cherchera à couvrir son risque. Mais il demandera une rémunération supérieure à celui-ci. Et c’est cette sur-rémunération qui représente un prélèvement injustifié sur votre travail.
[Les salariés, eux, normalement, auront été rémunérés pour le travail qu’ils auront accompli.]
Pas tout à fait. Il faudra prélever là-dessus la sur-rémunération du capitaliste, sur-rémunération qui n’est justifié par rien d’autre que le simple rapport de force que sa possession du capital lui assure. Ce qui veut dire que les travailleurs ne seront rémunérés que pour une partie du travail qu’ils auront accompli, le reste allant au capitaliste.
[« J’ai l’impression que vous avez du mal à voir le raisonnement. Imaginons un jeu de roulette. » C’est amusant, j’ai la même impression à votre égard, sans vouloir le moins du monde vous offenser. Je suppose que votre raisonnement est le produit du dogme marxiste, et là dessus, je ne suis pas de taille à vous contredire.]
Je ne sais pas ce que c’est le « dogme marxiste ». Il n’y a rien de « dogmatique » dans le marxisme, au contraire. Mais dans le cas présent, mon raisonnement n’est nullement lié au « marxisme », mais à la théorie de l’assurance, théorie libérale s’il en est. Et cette théorie montre de façon fort rigoureuse que la rémunération des investissements au risque conduit à une compensation des gains par les pertes, et donc à un bilan global équilibré. Or, l’observation quotidienne montre au contraire un processus d’accumulation, ce qui suppose que le bilan global soit positif. Il vous faut donc admettre que la rémunération du capital n’est pas SEULEMENT une rémunération du risque. Il y a une sur-rémunération par rapport à celui-ci. Maintenant, si vous vous demandez comment cette sur-rémunération est produite, le marxisme peut vous proposer une explication. Mais son existence n’a rien à voir avec un quelconque « dogme marxiste ».
[Mais là il s’agit d’opinion et de sens de l’équité qui diffèrent. Pour la roulette, je pense que votre raisonnement est simpliste, car en économie, vous le savez bien, on n’est pas dans un système fermé avec une réponse de type et/ou. À la roulette c’est rouge OU noir, point barre.]
J’ai simplifié le raisonnement en faisant appel à la roulette pour illustrer mon propos. En pratique, les configurations sont plus complexes, et la sommation devient une intégrale, mais le raisonnement est exactement le même : si vous ne rémunérez que le risque, alors les gains compenseront les pertes et le gain sur le long terme sera nul.
[Eh bien, je m’y engage, cela pourrait faire l’objet de débats plus ouverts entre les contributeurs de ce blog. Cependant, ne bénéficiant pas de votre dextérité de rédaction et souhaitant bien peser mes termes, je vous demande quelques jours pour vous présenter mon point de vue le plus clairement possible.]
Accordé !
@ Descartes,
Bonjour et grand merci au soin et au temps que vous apportez à la rédaction de vos réponses.
[ Eh bien, j’attends votre définition des critères qui rendraient une rémunération « équitable ». Si ce n’est pas si difficile, vous devriez pouvoir le faire en quelques paragraphes…]
« « Eh bien, je m’y engage, cela pourrait faire l’objet de débats plus ouverts entre les contributeurs de ce blog. Cependant, ne bénéficiant pas de votre dextérité de rédaction et souhaitant bien peser mes termes, je vous demande quelques jours pour vous présenter mon point de vue le plus clairement possible. » »
[Accordé]
Ça n’aura pris, finalement, que quelques heures
Tout d’abord, je tiens à bien différencier ce qui relève de l’opinion, la conviction, l’aspiration personnelle et ce qui pourrait constituer, pratiquement, un projet de société quant aux critères à adopter pour la répartition des richesses produites dans un pays.
C’est tout de même à partir des premières que doit, dans une société démocratique, s’élaborer le second. Dans la perspective présente, je consens volontiers, par mon témoignage, à jouer le rôle de « candide utile » à défaut d’idiot, candide mais cependant lucide.
Deux principes fondamentaux m’inspirent :
– Celui de l’écart maximum que l’on peut éthiquement admettre entre la valeur de la production d’un individu « standard », notion à préciser et la valeur de la contribution des plus performants de la société, au regard de l’utilité générale.
– Celui de la limitation de cumul ou d’accaparement des richesses par un individu ou un groupe d’individus, au moyen de l’héritage, de la pratique des affaires, de la spéculation ou de tout autre moyen y compris la simple chance au jeu de loto.
Deux principes subsidiaires complètent les deux précédents, c’est d’abord celui de la liberté absolue de l’usage des disponibilités dans les limites fondamentalement établies, c’est ensuite une incitation radicale à l’occupation d’une fonction d’utilité collective.
Au sujet de cette incitation radicale, nous avions eu, il y a quelques mois, dans le débat sur le revenu universel, de nombreux échanges qui m’ont conduit à un travail assez long d’approfondissement, sur une trentaine de pages, très difficile à synthétiser dans un commentaire sans y laisser demeurer exagérément les faiblesses, et que j’ai finalement renoncé à exposer.
Comment établir un écart éthiquement admissible ?
C’est possible à l’issu d’un large débat national au terme duquel, par référendum, le peuple pourrait se prononcer sous condition, par exemple d’une majorité des deux tiers ou des trois quarts, à partir de deux ou trois grilles de rétribution de référence qui présenteraient la synthèse des options présentées au cours des débats.
L’application se réalisant à partir des références adoptées et par l’examen de la proximité de situation au regard de critères objectifs, eux mêmes débattus publiquement.
Personnellement je considère que la rémunération matérielle que peut recevoir un individu par rapport à la rémunération médiane ne devrait pas excéder 12 à 15 fois cette valeur. En net d’impôts s’entend. Mais ceci est tout à fait arbitraire et nous abordons là le domaine de la philosophie.
Il existe des méthodes d’évaluation des fonctions, donc des rémunérations, applicables dans les entreprises et les institutions en général. Ces méthodes peuvent s’appliquer à toutes les activités contributives de création de richesse. Elles s’appuient sur des grilles multicritères tenant compte des niveaux de qualification mis en œuvre, des responsabilités, de l’autonomie, de la dangerosité, de la pénibilité, du degré d’utilité collective, des aléas divers, etc . . .
Quelle limitation de cumul de richesses adopter ?
Là encore, c’est le débat national qui doit trancher, avec les mêmes conditions de majorité que précédemment. Cependant, en partant du patrimoine moyen des ménages, qui est en France d’environ 270 000 euros soit 135 000 euros par membre dans un ménage « standard » adopter un plafond de 5 fois ces valeurs me paraît réalisable, à terme d’une période de mise en œuvre sur 10 ou 20 ans.
Avec un patrimoine maximum de 1 500 000 € par ménage, et souvent les revenus qui vont avec, il y aura toujours des riches et des pauvres, mais les aberrations seraient rabotées.
Que des individus consomment ou investissent ou même spéculent, si le produit de leur action est bridé par les conditions précédemment évoquées, cela me semble sauvegarder l’idée de liberté inscrite dans notre devise.
Parallèlement, un transfert de propriété des moyens de production vers les salariés sur des critères de mérite à débattre là aussi, me paraît une voie nécessaire à la possibilité des mesures évoquées. Simplement, si l’entreprise devient moins performante, les salariés actionnaires verront leur patrimoine diminuer, sans indemnité compensatrice.
Il serait alors plus facile d’aligner les rémunérations du secteur public sur celles du secteur privé, l’avantage capitalistique des uns compensant l’avantage de sécurité de l’emploi des autres.
Quant au débat national auquel je fais référence, afin de limiter toutes les formes de démagogie, je verrais bien un système de suffrage de type censitaire qui attribuerait le pouvoir de voter ces grandes réformes à un collège très élargi des citoyens impliqués dans l’action citoyenne.
Ce collège pourrait être constitué d’un électeur sur vingt environ et serait composé par des citoyens recueillant donc au moins 15 signatures d’autre citoyens, un peu à la manière des candidats à la présidence de la république. Il regrouperait des personnes qui font preuve d’une implication et/ou d’une compétence réelle à se positionner dans le débat national.
Ce corps électoral correspondrait à environ 2,5 millions électeurs.
Il ne s’agit pas d’une nostalgique aspiration à une nouvelle nuit du 4 aout. La violence et la force doivent être mesurées à l’aune des conditions socioéconomiques qui sont les nôtres. Ne pas élaborer de perspectives chargées d’espérance possibles expose notre société à des soubresauts, des extravagances incontrôlées et aventureuses.
Adopter, par la puissance de la volonté démocratiquement exprimée, cette nouvelle donne, ouvrirait un large espace ou le matérialisme financier ne serait plus le principal critère des décisions publiques. Cette course effrénée à l’argent, sans s’évaporer, régresserait pour laisser place à plus de culture, plus de relationnel, plus d’humanisme essentiel.
@ morel
[Cette discussion me semble importante et permettez que j’y apporte mon point de vue :
L’idée commune veut que le capital soit rémunéré en tant que facteur de production, ce qui expliquerait le profit. En guise de gageure, j’ai coutume à dire que si je laisse des billets, des titres de propriété sur la table, ils ne feront jamais de petits,]
Il y a une confusion dans votre propos : les billets, les titres de propriété ne sont pas du « capital ». Le « capital », ce sont les machines, les matières premières, les bâtiments consacrés à la production. L’argent n’est qu’un « équivalent », un bien qui peut se transformer en capital, mais il ne constitue pas du capital par lui même. Lorsqu’on parle de « rémunérer le capital », ce sont les outils, les machines, les matières premières, les bâtiments qu’on rémunère. Pas l’argent.
(En clair, cette valeur ne peut provenir que d’une autre source : le travail qui, seul, est capable de la produire.]
Oui. Et il ne faut pas oublier aussi que le capital n’est autre chose que du travail accumulé.
@ Marcailloux
[Comment établir un écart éthiquement admissible ? C’est possible à l’issu d’un large débat national au terme duquel, par référendum, le peuple pourrait se prononcer sous condition, par exemple d’une majorité des deux tiers ou des trois quarts, à partir de deux ou trois grilles de rétribution de référence qui présenteraient la synthèse des options présentées au cours des débats.]
Votre réponse contient une contradiction : une proposition ne devient pas « éthique » simplement parce qu’une majorité de gens – quel que soit cette majorité – vote pour elle. Lorsque je vous demande quelle répartition serait pour vous « éthique », ce que je vous demande est d’énoncer la règle qui vous semble acceptable A VOUS. Seriez-vous prêt à admettre comme « éthique » le résultat du vote que vous proposez QUEL QUE SOIT le résultat ? Une répartition qui réserverait 90% de la richesse à 10% de la population serait elle « éthiquement admissible » du simple fait que trois quarts des citoyens votent pour elle ?
[Personnellement je considère que la rémunération matérielle que peut recevoir un individu par rapport à la rémunération médiane ne devrait pas excéder 12 à 15 fois cette valeur.]
Pourquoi « 12 à 15 » et pas « 13 à 16 » ou « 11 à 14 » ? Encore une fois, ma question n’est pas la fourchette, mais les principes qui permettent de la considérer comme légitime.
[Il existe des méthodes d’évaluation des fonctions, donc des rémunérations, applicables dans les entreprises et les institutions en général. Ces méthodes peuvent s’appliquer à toutes les activités contributives de création de richesse. Elles s’appuient sur des grilles multicritères tenant compte des niveaux de qualification mis en œuvre, des responsabilités, de l’autonomie, de la dangerosité, de la pénibilité, du degré d’utilité collective, des aléas divers, etc . . .]
Je ne vois pas très bien à quelles « méthodes d’évaluation » vous faites allusion ; Pouvez-vous donner un exemple ?
[adopter un plafond de 5 fois ces valeurs me paraît réalisable,]
Réalisable certainement. Mais pourquoi 5 et pas 6 ou 4 ? Quel est le raisonnement qui vous permet d’aboutir à décider que 5 c’est « éthique », et que 6 ne l’est pas ?
[Quant au débat national auquel je fais référence, afin de limiter toutes les formes de démagogie, je verrais bien un système de suffrage de type censitaire qui attribuerait le pouvoir de voter ces grandes réformes à un collège très élargi des citoyens impliqués dans l’action citoyenne. Ce collège pourrait être constitué d’un électeur sur vingt environ et serait composé par des citoyens recueillant donc au moins 15 signatures d’autre citoyens, un peu à la manière des candidats à la présidence de la république.]
Ou comme les députés, qui après tout ne sont que des citoyens qui ont recueilli « au moins » un certain nombre de « signatures » appelés « bulletins de vote »… je vous assure, le fait que vous puissiez trouver quinze citoyens pour signer pour vous prouve que vous êtes populaire, mais ne garantit en rien que vous êtes « impliqué dans l’action citoyenne ». Mais la plus sérieuse critique que je ferais à votre proposition est qu’encore une fois une question éthique ne peut être réglée par un vote.
Désolé, pas le temps d’élaborer en ce moment mais :
– « Il y a une confusion dans votre propos : les billets, les titres de propriété ne sont pas du « capital ». Le « capital », ce sont les machines, les matières premières, les bâtiments consacrés à la production. ».
Non, j’ai voulu partir de l’idée assez commune qui part de l’accumulation d’un pécule financier, pour « monter » une entreprise, plus tard, donc achat de ce que vous décrivez plus la force de travail. L’insistance, sur ce stade imaginé comme premier, sans doute maladroite, que l’argent, le titre de propriété, en eux-mêmes ne peuvent engendrer du profit.
« L’argent n’est qu’un « équivalent »
Je l’ai précisé aussi.
« un bien qui peut se transformer en capital, mais il ne constitue pas du capital par lui même. Lorsqu’on parle de « rémunérer le capital », ce sont les outils, les machines, les matières premières, les bâtiments qu’on rémunère. Pas l’argent. »
L’autre aspect, sur un autre marché, c’est le capital financier qui peut engendrer du profit (dont l’origine est ailleurs) sans engendrer de valeur. Effectivement, partant de l’argent et des titres de propriété, j’ai délaissé l’aspect industriel.
Pour ce dernier, s’agissant du travail « mort », du travail déjà cristallisé, il y a (bâtiments, machines, système informatique,,,) les amortissements, Pour les marchandises et pour les salaires le coût du marché, dans nos sociétés, pondéré par les réglementations (tarifs publics ou réglementation sociale).
Cet ensemble décrit le coût de production,
Mon idée, pour tenter de revenir aux catégories simples, c’est de dire : vous avez l’argent, achetez des locaux, machines etc. mais pas plus que le ce facteur premier, les suivants acquis par cet « équivalent » ne peuvent engendrer de valeur, pour cela, il n’y a que la mise en œuvre de ces moyens par le travail pour y réussir.
La vente au coût de production, comme chacun sait ne peut engendrer de profit, la solution ne peut venir que du travail, marchandise particulière, comme vous le savez.
J’arrête là. Mon propos était surtout que chacun se comprenne bien quitte à être en désaccord,
Il me semble que c’est la pierre de fond d’achoppement avec notre ami (qu’il soit assuré que ce terme n’a rien de péjoratif pour ma part) , Marcailloux.
Pour le reste, on a tellement reculé qu’on ne parle plus guère de ces choses là.
@ Descartes,
Bonjour,
[Une répartition qui réserverait 90% de la richesse à 10% de la population serait elle « éthiquement admissible » du simple fait que trois quarts des citoyens votent pour elle ?]
L’éthique, contrairement à la morale, est relative. Elle ne prétend pas dire ce qui est bien ou ce qui est mal mais à recommander l’adoption de ce qui est bon et l’abandon de ce qui est mauvais.
Si je place la décision démocratique au dessus de toute valeur, alors je devrai considérer comme bonne et admettre la répartition que vous évoquez et qui, à titre personnel, me répugne.
Concernant mon éthique personnelle dans le domaine de la répartition, je me suis exprimé là-dessus dans mon dernier commentaire.
Dans des sociétés où l’argent est une réalité qui s’impose comme source de pouvoir, de satisfaction matérielle, de confort et de sécurité, entre autres, il me semble strictement impossible, comme les pulsions sexuelles, de les annihiler. Encadrer leur usage par des règles qui relèvent de la morale collective comme de l’éthique individuelle, assure au plus grand nombre, ce qu’on appelle en démocratie une majorité simple ou qualifiée, des conditions relationnelles peu ou prou acceptables.
[Pourquoi « 12 à 15 » et pas « 13 à 16 » ou « 11 à 14 » ? Encore une fois, ma question n’est pas la fourchette, mais les principes qui permettent de la considérer comme légitime.]
Pourquoi pas, en effet ? Pensez vous que les décisions prises par les gouvernants quels qu’ils soient, sont le produit d’un calcul scientifique incontestable.
J’ai l’exemple sous mes yeux, chaque jour, comme des millions de Français, de vitesses limitées sur la route, de manière complètement incohérente. Des sections dangereuses à 90 km/h suivies de sections moins dangereuses, de manière évidente, limitées à 60km/h.
Où est la rationalité ?
Vous parlez de légitimité alors que je parle d’éthique. Vous amorcez là une dérivation sémantique qui peut aboutir par itérations aux règles imposées à la démocratie dégénérée par la quasi oligarchie qui est la notre.
Ce qui est bon ou mauvais l’est au regard de ce que les gens considèrent comme bon ou mauvais pour la communauté à partir de critères devant être considérés comme objectifs.
Qu’est-ce, à mon sens, qu’un critère objectif ? C’est un critère basé sur les faits, les réalités constatées sans lien direct avec l’idée de légitimité ou de morale. Il se décrit et se mesure, se quantifie.
Une fourchette de gain deviendra légitime lorsqu’une grande majorité de participants à une communauté la considérera représentative de leur éthique de répartition des richesses. Ensuite, l’adoption de la position du curseur devient secondaire et toujours sujette à débat dans le cadre de l’esprit originel.
Puisque vous me demandez les principes qui pour moi seraient à retenir, je peux les résumer en :
– Le principe de réalité qui fait que l’homme a une part naturelle de vénalité qu’il faut satisfaire si on veut mobiliser son énergie créatrice.
– Le principe d’équité qui impose que soit plus rémunéré celui qui produit le plus de richesse bénéfique à la collectivité selon une échelle établie sur des critères acceptés comme objectif par la majorité.
– Le principe de solidarité qui conduit à considérer que les ressortissants d’une même communauté se doivent de partager le produit de leur travail en respect du principe d’équité.
– Le principe de réciprocité, implique le devoir pour chacun de participer à la création des richesses qu’il consomme, ceci dans la mesure de ses moyens.
Chacun de ces principes doit, pour être appliqué, faire l’objet d’une valorisation à partir de critères précisément décrits et étalonnables.
Sur le principe de réalité, considérant qu’un égalitarisme absolu serait contre productif – mais c’est simplement mon avis, qu’il n’est pas possible de démontrer sans une expérimentation à grande échelle – un « encadrement » de 12 à 15 me paraît pouvoir satisfaire, à terme le désir de certains des plus performants de posséder plus que d’autres des biens matériels pour ce que cela leur apporte en sentiment de pouvoir, de reconnaissance, de confort, de sécurité . . .
La société a intérêt à leur consentir ces biens matériels en échange de ce qu’ils sont susceptibles de produire. C’est là que l’éthique peut prendre le dessus sur la morale.
Cependant cette valeur est tout à fait arbitraire et si 60 ou 70% des citoyens estiment la même chose, cette règle sera l’éthique de cette société, quoi qu’en pensent les 30 ou 40 % ne partageant pas cet avis. Rechercher une échelle qui fait encore plus largement consensus est encore plus souhaitable, c’est pourquoi un large débat national est nécessaire pour éclairer les citoyens sur les enjeux de la question.
Sur le principe d’équité, il ne me semble pas juste, par exemple, que celui qui travaille 20h reçoive le même salaire que celui qui travaille 30 h. Ceci vaut bien sûr pour la qualification, la responsabilité, la charge mentale, physique, environnementale, le risque, l’expérience, la fiabilité, etc . . . .Et c’est dans la grille qui va de 1 à 15 par exemple (je la trouve encore très large) que toutes les fonctions d’une même communauté peuvent être évaluées et donc rémunérées matériellement. Il est aussi souhaitable que soient considérées les rémunérations non matérielles. Cependant j’estime qu’une égalité trop prononcée risque de dissuader les plus entreprenants et ainsi diminuer considérablement la capacité de production de la collectivité.
Sur le principe de solidarité son respect est nécessaire au lien social et facilite le consensus sur la question de la répartition, mais aussi pour l’acceptation des devoirs qui incombent à tout citoyen d’un pays. La solidarité contribue aussi largement à maintenir un sentiment de sécurité, car chacun sait qu’il peut compter sur son prochain ou sur la communauté si son intégrité physique ou matérielle est en danger. Il implique, cependant, le principe de réciprocité. La solidarité sans la réciprocité, c’est la charité, excepté les cas où le bénéficiaire n’est absolument pas en mesure de contribuer à la production de richesses.
C’est pourquoi, je suis opposé au revenu universel inconditionnel et pourquoi entre autres, je prône un large dispositif qui incite fortement à ce que le plus grand nombre participe à la création de richesses qu’ils sont amenés à consommer.
[Je ne vois pas très bien à quelles « méthodes d’évaluation » vous faites allusion ; Pouvez-vous donner un exemple ?]
La classification des fonctions, dans les entreprises particulièrement, est une préoccupation qui date du lendemain de la première guerre mondiale. Elle s’inscrit dans le domaine plus large de la gestion des compétences associées aux ressources humaines.
Le cadre d’une entreprise, même multinationale est plus simple, plus concret que celui d’un pays. Mais, néanmoins, chacun occupe dans la communauté nationale une fonction, en quelque sorte, si on pose le postulat que tout le monde est, d’une façon ou d’une autre utile à la nation.
Hormis les actifs, dont on peut analyser la fonction qu’ils occupent aux fins d’évaluation, même les inactifs présentent, en principe une fonctionnalité qui peut s’évaluer à partir de critères objectifs. Un enfant est un futur producteur en cours de préparation et de formation. A ce titre il constitue un investissement pour la nation, à condition, bien sûr, qu’il suive un cursus éducatif régulier. Un retraité est, même si l’on ne tient pas compte des activités bénévoles qu’il assure, une mémoire utile au lien social et surtout un créancier vis à vis de la nation qu’il a contribué à perpétuer, à développer ou à défendre.
Concernant les méthodes d’évaluation, de nombreux spécialistes dans le cadre de l’Américan Management Association au début, en Europe des organisations comme la Cégos, Centor, Hay, Cort, des gens comme Elliot Jaques puis Milox, Boquillon, Jardillier, Corbin et bien d’autres se sont penchés sur la valorisation des fonctions dans l’entreprise. Ces méthodes se sont révélées fiables et, à partir de grilles précises, intervient largement une estimation humaine pour un grand nombre de critères. Une littérature abondante a été réalisée sur le sujet et continue probablement de l’être.
Les accords Parodi, au lendemain de la seconde guerre mondiale ont intégrés ces méthodes de classification dans la mise en place des conventions collectives. Ambroise Croizat succéda à Parodi pour prendre en charge ce dossier.
Détailler l’architecture de ces méthodes est hors sujet, bien entendu, elles s’appuient sur différentes théories, unicritérielles au départ, puis multicritérielles ensuite.
Cet usage généralisé des méthodes d’évaluation peut se décliner à tous les secteurs de la société, avec, évidemment une adaptation aux conditions particulières de l’exercice des activités ne relevant pas d’entreprises traditionnelles. Seule une faible minorité de fonctions présenterait de très fortes difficultés d’évaluation, notamment ce qui touche aux arts.
[ . . . . je vous assure, le fait que vous puissiez trouver quinze citoyens pour signer pour vous prouve que vous êtes populaire, mais ne garantit en rien que vous êtes « impliqué dans l’action citoyenne ». Mais la plus sérieuse critique que je ferais à votre proposition est qu’encore une fois une question éthique ne peut être réglée par un vote.]
Celui, à quelques exceptions près, qui après s’être déclaré candidat – un peu au même titre qu’un représentant du personnel dans une entreprise – recueille le mandat de 15, 20 ou 30, peu importe, de ses collègues quotidiens, démontre par là qu’il a sans doute une certaine popularité, mais surtout qu’il possède la confiance de gens qui le connaissent. Il lui est accordé là une autorité concrète et concentrée, en lien direct avec le peuple et d’un niveau supérieur à celui d’un citoyen de base. Ce même citoyen de base, si cela le tente, peut accéder à cette reconnaissance par son simple engagement et son travail pour acquérir ce minimum de compétence qui justifie l’autorité que ses collègues lui confèrent.
Ce procédé me paraît constituer un rempart assez solide face aux populismes et à la démagogie de tous bords qui par nature s’appuient sur l’ignorance. Sélectionner une personne sur 15 ou 30 qui d’une façon ou d’une autre se distingue par un effort intellectuel, sans se détacher de la base (un député, représentant environ 100 000 électeurs et se trouve ainsi loin des citoyens), permet de relever le niveau de conscience d’un collège électoral sans pour autant constituer une distorsion vis à vis de l’idée de peuple.
Et je m’aperçois là, à mon grand étonnement que je suis en train de proposer la création d’une sorte de soviet. Pour palier le risque de désignation par simple « popularité », il est toujours possible d’instaurer des filtres.
Quant à l’éthique, qui, au départ, est plus individuelle que collective, elle est l’expression de ce que l’on estime bon – et non pas forcément bien – pour soi, accessoirement pour les autres.
Cette éthique peut se partager et s’ajuster à l’occasion de grands débats, et devient donc une éthique collective qui deviendra légitime par les règles voire les lois qui seront adoptées par la majorité, éventuellement qualifiée.
Ce long commentaire peut paraître utopique et naïf, j’en ai tout à fait conscience. Il a cependant une fonction de catharsis. Je souhaite par là même, de façon un peu provocatrice, inciter au débat de fond. C’est ce qui manque, à mon avis dans notre société. Nous sommes les spectateurs impassibles d’une glaciation politique qui est sans doute le signe d’une relative satisfaction des individus.
@ morel
[« Il y a une confusion dans votre propos : les billets, les titres de propriété ne sont pas du « capital ». Le « capital », ce sont les machines, les matières premières, les bâtiments consacrés à la production. ». Non, j’ai voulu partir de l’idée assez commune qui part de l’accumulation d’un pécule financier, pour « monter » une entreprise, plus tard, donc achat de ce que vous décrivez plus la force de travail.]
Justement, il faut faire la distinction entre le titre et la chose. Un bâtiment, c’est du capital (à condition d’être utilisé pour la production). Un titre de propriété n’est qu’un objet administratif, un témoignage de la propriété de ce capital. Il ne faut pas confondre l’un avec l’autre. Et de la même manière un « pécule financier » n’est qu’un ensemble de titres, échangeables pour du capital, et non le capital lui-même.
Cette distinction est très importante. Par exemple, lorsqu’on dit qu’en cas de révolution les capitalistes pourraient émigrer emportant leur capital, on commet une erreur grave : les capitalistes peuvent emporter dans leurs poches les TITRES, ils ne peuvent pas emporter les matières premières, les bâtiments, les machines. En d’autres termes, la fuite des capitalistes avec leurs titres de propriété est totalement indifférente au processus de production.
[L’insistance, sur ce stade imaginé comme premier, sans doute maladroite, que l’argent, le titre de propriété, en eux-mêmes ne peuvent engendrer du profit.]
Parce que « en eux-mêmes » ils n’ont aucun rôle dans la production. L’argent et le titre de propriété ne sont que des titres, des certificats qui témoignent de la propriété. Confondre le titre et le capital, c’est comme confondre le diplôme et les connaissances qu’il est censé certifier.
[Pour le reste, on a tellement reculé qu’on ne parle plus guère de ces choses là.]
Tout à fait. La “gauche radicale”, toutes tendances confondues, méprise totalement la formation théorique de ses militants. C’est même assumé lorsqu’un Mélenchon affirme que son mouvement est orienté exclusivement “vers l’action”. Or, c’était dans les formations d’économie politique que les militants apprenaient à réfléchir d’une façon construite et comprenaient l’importance de disposer de concepts rigoureusement définis.
@ Marcailloux
[Si je place la décision démocratique au dessus de toute valeur, alors je devrai considérer comme bonne et admettre la répartition que vous évoquez et qui, à titre personnel, me répugne.]
Mais placez-vous la décision démocratique au-dessus de toute valeur ? Moi pas. Je vous accorderais tout au plus que ce qui a été décidé « démocratiquement » doit avoir force de loi, tout simplement parce que toutes les alternatives sont pires. Mais de là à considérer qu’une telle décision est « bonne » simplement parce qu’elle est démocratique… non, pas vraiment.
[Pourquoi pas, en effet ? Pensez vous que les décisions prises par les gouvernants quels qu’ils soient, sont le produit d’un calcul scientifique incontestable.]
Non, mais ici on ne parle pas des « décisions prises par des gouvernants », mais de ce que serait une décision « éthique ». Vous dites considérer qu’un rapport « de 12 à 15 » remplirait les conditions pour être considéré conforme à votre éthique. Mais quid d’un rapport « de 13 à 16 » ? « de 14 à 17 » ? A quel moment le rapport cesserait d’être « éthique » et pourquoi ?
[J’ai l’exemple sous mes yeux, chaque jour, comme des millions de Français, de vitesses limitées sur la route, de manière complètement incohérente. Des sections dangereuses à 90 km/h suivies de sections moins dangereuses, de manière évidente, limitées à 60km/h. Où est la rationalité ?]
Encore une fois, la question n’était pas celle de la « rationalité », mais celle de « l’éthique ».
[Ce qui est bon ou mauvais l’est au regard de ce que les gens considèrent comme bon ou mauvais pour la communauté à partir de critères devant être considérés comme objectifs.]
Je refuse à la communauté le droit de dire ce qui est « bon ou mauvais ». La communauté peut tout au plus dire ce qui est permis, ce qui est interdit, ce qui est obligatoire. Mais « bon ou mauvais » est un jugement purement individuel. C’est là tout mon point. Vous pouvez faire voter les gens pour fixer un rapport entre les rémunérations, mais il n’y a aucune raison pour que le résultat de ce vote soit « éthique ».
[Qu’est-ce, à mon sens, qu’un critère objectif ? C’est un critère basé sur les faits, les réalités constatées sans lien direct avec l’idée de légitimité ou de morale. Il se décrit et se mesure, se quantifie.]
Encore une fois, ce débat ne portait pas sur la question de savoir si un critère est « objectif », mais si le choix d’un critère déterminé était conforme à « l’éthique ».
[Une fourchette de gain deviendra légitime lorsqu’une grande majorité de participants à une communauté la considérera représentative de leur éthique de répartition des richesses.]
Mais comment saurez-vous qu’une fourchette donnée est « représentative de l’éthique » des électeurs, et non de leurs intérêts ? Sauf à supposer – ce qui serait un point de vue ultra-matérialiste – que l’éthique n’est que le reflet des intérêts de ceux qui la portent…
[Puisque vous me demandez les principes qui pour moi seraient à retenir, je peux les résumer en :
– Le principe de réalité qui fait que l’homme a une part naturelle de vénalité qu’il faut satisfaire si on veut mobiliser son énergie créatrice.]
Mais est-ce si réel que ça ? On peut se le demander, particulièrement lorsqu’on constate que des gens peuvent faire preuve d’une énergie et d’une créativité considérable dans des contextes où leur survie est très aléatoire, par exemple. Si les gens étaient aussi « vénaux » que vous le dites, ils ne seraient jamais allés aux tranchées. Pensez aussi aux martyrs laïcs : où est la récompense qui pourrait satisfaire la « vénalité », seule selon vous capable de mobiliser « l’énergie créatrice » de l’être humain ?
On peut être matérialiste sans être bêtement matérialiste. Oui, au niveau collectif nous sommes guidés par l’intérêt. Mais cela n’est pas forcément vrai au niveau individuel. Et puis, l’intérêt ne se réduit pas à la « vénalité ». Le prestige et la reconnaissance – individuels, mais aussi celui d’une lignée, d’un clan, d’une cité, d’une nation – peut être aussi un moteur puissant.
[- Le principe d’équité qui impose que soit plus rémunéré celui qui produit le plus de richesse bénéfique à la collectivité selon une échelle établie sur des critères acceptés comme objectif par la majorité.]
En d’autres termes, une répartition reconnue par 51% des citoyens serait par essence conforme au principe d’équité ? J’attire votre attention sur le fait que la répartition actuelle de la richesse et des rémunérations est approuvé par une large majorité des citoyens – puisque ceux qui proposent une répartition différente sont aujourd’hui ultra-minoritaires. Nous vivons donc déjà dans le paradis équitable que vous proposez…
Encore une fois, un « principe » ne peut dépendre d’une « acceptation par la majorité ».
[- Le principe de solidarité qui conduit à considérer que les ressortissants d’une même communauté se doivent de partager le produit de leur travail en respect du principe d’équité.]
Là, je n’ai pas compris. C’est quoi « le produit de leur travail » ? Si je me tiens à l’interprétation ricardienne de la valeur, toute valeur est produite par le travail. C’est bien celle-là que vous retenez ?
[Sur le principe de réalité, considérant qu’un égalitarisme absolu serait contre productif – mais c’est simplement mon avis, qu’il n’est pas possible de démontrer sans une expérimentation à grande échelle – un « encadrement » de 12 à 15 me paraît pouvoir satisfaire, à terme le désir de certains des plus performants de posséder plus que d’autres des biens matériels pour ce que cela leur apporte en sentiment de pouvoir, de reconnaissance, de confort, de sécurité . . .]
Vous mélangez des considérations de principe avec des considérations pragmatiques. Si j’ai bien compris, du point de vue éthique vous seriez pour un « égalitarisme absolu », que vous écartez cependant du fait qu’il serait « irréaliste ». Mais en chemin vous laissez tomber la question de la justification de votre position éthique. En d’autres termes, pourquoi pensez-vous que l’égalitarisme absolu serait une bonne chose s’il était réalisable ?
[La classification des fonctions, dans les entreprises particulièrement, est une préoccupation qui date du lendemain de la première guerre mondiale. Elle s’inscrit dans le domaine plus large de la gestion des compétences associées aux ressources humaines. (…)]
Oui, mais la « classification des fonctions », dans une entreprise, est considérablement facilitée par le fait que l’objectif unique de l’entreprise est connu : c’est faire gagner de l’argent à ses actionnaires. La « classification des fonctions » se fait donc à cette aune et à elle seule. C’est déjà plus difficile pour les fonctions à l’intérieur de l’Etat, parce que les objectifs sont multiples et changeants. Et c’est carrément impossible au niveau de la société, puisqu’il n’y a pas de véritable « objectif » à ce niveau.
[Celui, à quelques exceptions près, qui après s’être déclaré candidat – un peu au même titre qu’un représentant du personnel dans une entreprise – recueille le mandat de 15, 20 ou 30, peu importe, de ses collègues quotidiens, démontre par là qu’il a sans doute une certaine popularité, mais surtout qu’il possède la confiance de gens qui le connaissent.]
Pas nécessairement. Pensez par exemple à l’élection de la Cicciolina à la chambre de députés en Italie. Combien d’italiens à votre avis lui faisaient « confiance » pour diriger l’Etat italien ? L’histoire est pleine de gens qui ont obtenu le soutien d’une partie de leurs concitoyens du simple fait de leur popularité, sans que la « confiance » joue le moindre rôle.
[Ce procédé me paraît constituer un rempart assez solide face aux populismes et à la démagogie de tous bords qui par nature s’appuient sur l’ignorance. Sélectionner une personne sur 15 ou 30 qui d’une façon ou d’une autre se distingue par un effort intellectuel, sans se détacher de la base (un député, représentant environ 100 000 électeurs et se trouve ainsi loin des citoyens), permet de relever le niveau de conscience d’un collège électoral sans pour autant constituer une distorsion vis à vis de l’idée de peuple.]
Ce que vous proposez a été proposé par un politologue britannique il y a quelques années : c’est un système étagé de suffrage indirect. Si chaque « grand électeur » est désigné par une dizaine de mandants, cela fera plusieurs millions de « grands électeurs » au premier niveau. Pour éviter le phénomène d’éloignement, de démagogie, etc. il vous faudra refaire cela au deuxième niveau pour désigner des « grands grands électeurs », puis au troisième etc. jusqu’à arriver à une assemblée d’une taille raisonnable. Pour passer de l’ensemble du corps électoral à une assemblée de 500 députés il vous faudra 5 niveaux…
@ Descartes,
Bonjour,
[Ce que vous proposez a été proposé par un politologue britannique il y a quelques années : c’est un système étagé de suffrage indirect.]
« Proposez » est un peu excessif.
Non, je suggère un examen de ce qui pourrait donner le sentiment, et aussi la capacité, aux citoyens d’être plus près du législatif. C’est en fait une simple variante du collège des grands électeurs qui désigne les sénateurs.
Nous avons environ 43 millions d’électeurs en France. Combien, estimez-vous, ont une connaissance élémentaire – qu’il faudrait caractériser par ailleurs – des enjeux de notre société ?
Des personnes comme vous, très engagées intellectuellement, formées et informées de la chose publique, il y en a quelques milliers, au plus quelques dizaines de milliers, et encore – à écouter l’indigence intellectuelle de politiques qui passent à la télé – je m’interroge sur le nombre.
Des personnes, comme, par exemple, la plupart des participants à votre blog, mais aussi d’élus, syndicalistes, membres actifs d’associations, qui se sentent très concernées et font l’effort de consacrer beaucoup de temps à s’informer et réfléchir, j’estime – à la louche – ce nombre à quelques millions, entre 2 et 5 peut-être.
Des personnes qui, des affaires de la nation ont une vision partielle, approximative voire embryonnaire, ou même qui sont indifférentes constituent le reste. C’est à dire près de 40 millions de citoyens. D’ailleurs, on retrouve parmi ces derniers l’essentiel de l’abstention qui a tendance à croitre dans notre pays.
Quelle possibilité avons-nous de relier le citoyen lambda à ceux qui sont censés nous diriger ?
Le système parlementaire actuel ne donne entière satisfaction, et de loin, ni aux parlementaires ni aux citoyens.
En instaurant un intermédiaire composé d’électeurs, à priori, éclairés, ce qui n’exclut pas évidemment, sur le nombre, certaines aberrations, en exigeant de ceux là un minimum de connaissances de la chose publique et en leur demandant, pour ceux qui seraient volontaires, d’obtenir un certain nombre de « mandats », vous obtenez un maillon productif d’idées, de propositions, de débats, d’indicateurs d’opinion. On pourrait en attendre la dynamisation du débat politique tout en limitant les effets de la démagogie et du populisme, qui inlassablement polluent les débats ou simplement influence la doxa.
Ce collège de « délégués électeurs » seraient, sans exclusive pour autant, être les interlocuteurs naturels des députés et sénateurs ainsi que des partis dont le rôle des uns et des autres à sérieusement besoin d’un coup de lifting. Cette fonction serait évidemment bénévole.
Vous auriez là quelque 2 millions de citoyens engagés éthiquement dans une démarche de progrès et de projets. Même si quelques énergumènes arrivent à passer au travers des mailles du filet, ils ne doivent pas pour autant, comme on le constate trop fréquemment, être exposés comme l’archétype de ce collectif.
Il n’y a donc, dans cette hypothèse, que cet unique stade intermédiaire d’un collège renouvelable, variable en nombre, ouvert à tous, lieu de débat et d’éducation populaire et politique, permettant des référendum plus fréquents sur des sujets sociétaux ou autres.
Je pose là, d’évidence la question de la légitimité démocratique des citoyens d’un pays. Or si nous voulons (le peuple) faire obstacle à la confiscation des pouvoirs par une certaine « oligarploutocratie », il est indispensable de constituer des divisions citoyennes correctement formées, concernées, organisées et informées.
Petit retour sur la question de l’éthique.
C’est une affaire individuelle, cependant, au contact d’autrui elle peut évoluer vers une éthique plus collective en partant du principe que quelque chose est bon pour moi si et surtout si c’est aussi bon pour mon prochain.
Avoir une éthique et n’en pas douter, à tout le moins ne pas la relativiser, n’est pas très cartésien.
@ Marcailloux
[Non, je suggère un examen de ce qui pourrait donner le sentiment, et aussi la capacité, aux citoyens d’être plus près du législatif. C’est en fait une simple variante du collège des grands électeurs qui désigne les sénateurs.]
Mais avez-vous l’impression que le système électoral applicable aux élections au sénat « donne le sentiment et la capacité aux citoyens d’être plus près du législatif » ?
Dans les réflexions sur les moyens pour améliorer notre démocratie, on se polarise pour des raisons historiques compréhensibles sur la question du pouvoir législatif. On oublie souvent que le « pouvoir viril », pour paraphraser Marx, c’est le pouvoir exécutif. Or, si tous les partis, toutes les personnalités politique sont des idées sur le rôle et la composition souhaitable pour le législatif, la question de l’exécutif – et de ses rapports avec l’administration – est totalement absente du débat. Or, c’est là à mon avis que tout se joue. Un pouvoir législatif fort est, l’histoire l’a amplement montré, une recette pour l’impuissance, tout simplement parce qu’un pouvoir législatif fort implique un exécutif faible. Or, c’est l’exécutif qui met en œuvre les politiques décidées par le législatif.
[Nous avons environ 43 millions d’électeurs en France. Combien, estimez-vous, ont une connaissance élémentaire – qu’il faudrait caractériser par ailleurs – des enjeux de notre société ?]
A mon avis, plus qu’on ne le pense habituellement. Mais la question a se poser est à mon avis toute autre. Si une majorité de nos concitoyens « n’a pas une connaissance élémentaire des enjeux de notre société », c’est du à quoi ? A ce que les gens sont idiots ? A la conspiration de ceux qui ont cette connaissance pour ne pas la partager ? Ou plus banalement, au fait qu’une majorité de nos concitoyens a sagement décidé qu’elle n’avait pas envie de consacrer le temps et l’effort nécessaires pour acquérir cette connaissance, qu’elle avait mieux à faire, et qu’elle préfère déléguer le travail de prendre les décisions à des représentants choisis par elle ?
Il y a là un point fondamental. Si je crois au libre choix des citoyens, je dois être prêt à accepter que le citoyen « choisisse » de ne pas s’engager dans les affaires de la cité, qu’il délègue le pouvoir à ceux qu’il estime les plus qualifiés pour l’exercer. Autrement, on tombe dans la traditionnelle tentation de faire le bonheur des gens malgré eux.
[Quelle possibilité avons-nous de relier le citoyen lambda à ceux qui sont censés nous diriger ?]
Mais plus fondamentalement, quelle légitimité avons nous à « essayer de relier » des gens qui ne veulent pas être « reliés » ? Faut-il faire une éducation politique obligatoire comme on a fait un enseignement primaire obligatoire ?
[Le système parlementaire actuel ne donne entière satisfaction, et de loin, ni aux parlementaires ni aux citoyens.]
Je ne sais pas pour les parlementaires. Mais je ne vois pas les citoyens sortir massivement dans la rue pour réclamer une réforme de la Constitution. Ayant l’opportunité de voter pour différents partis politiques, ils ne donnent pas leur voix à ceux qui proposent une telle réforme. Lorsqu’une personne se trouve dans une situation et ne fait aucun effort pour la changer, il est difficile d’affirmer que cette situation « ne lui donne satisfaction, et de loin ». Je pense qu’il faut arrêter de croire que les sondages révèlent la véritable opinion des gens. Je pense comme vous que le système parlementaire actuel ne donne « entière satisfaction » à personne, mais que ce serait le cas de n’importe quel autre système qu’on mettrait à la place. Et que les gens sont suffisamment pragmatiques pour savoir que dans le monde réel on choisit entre des solutions qui sont toutes « insatisfaisantes ».
[En instaurant un intermédiaire composé d’électeurs, à priori, éclairés, ce qui n’exclut pas évidemment, sur le nombre, certaines aberrations, en exigeant de ceux là un minimum de connaissances de la chose publique et en leur demandant, pour ceux qui seraient volontaires, d’obtenir un certain nombre de « mandats », vous obtenez un maillon productif d’idées, de propositions, de débats, d’indicateurs d’opinion.]
Ca eut existé, comme disait l’autre. Ces « électeurs à priori éclairés » vous les trouviez dans les partis politiques. Et ce sont ces militants qui sortaient dans la rue chercher des « mandats » pour les candidats qu’ils sélectionnaient. Le rôle que vous voulez confier à vos « grands électeurs », ce sont les militants des partis – c’est-à-dire, des gens qui étaient prêts à consacrer du temps et de l’effort aux problèmes de la cité – qui le remplissaient.
[C’est une affaire individuelle, cependant, au contact d’autrui elle peut évoluer vers une éthique plus collective en partant du principe que quelque chose est bon pour moi si et surtout si c’est aussi bon pour mon prochain.]
En d’autres termes, vous seriez ravi de donner votre portefeuille à un voleur, puisque cela étant bon pour le voleur, le serait pour vous ? Vous voyez bien qu’une telle éthique conduit paradoxalement à une société de profiteurs…
@ Descartes
Bonsoir,
[En d’autres termes, vous seriez ravi de donner votre portefeuille à un voleur, puisque cela étant bon pour le voleur, le serait pour vous ? Vous voyez bien qu’une telle éthique conduit paradoxalement à une société de profiteurs…]
Eh bien je vais probablement vous étonner, et je vous demande de me croire sur parole.
Il y a entre deux et trois mois, je me suis fais voler mon portefeuille.
Après enquête et mure réflexion, j’en suis arrivé à découvrir – c‘était ma conviction intime – que le voleur kleptomane était quelqu’un que je côtoie régulièrement, un notable local à particule, sans besoins financiers.
Une dizaine de jours après les faits, je lui ai fais comprendre, sans lui dire, que je savais que c’était lui car j’en avais quasiment la preuve.
L’après midi même, le portefeuille m’était restitué par une voie détournée avec, bien entendu tous les papiers et l’argent qu’il contenait.
J’aurais pu déposer plainte, lui dire ouvertement que je savais que c’était lui, alerter notre environnement commun de ses turpitudes.
Qu’avais-je à y gagner ?
Il aurait pu nier, contester mes arguments et j’aurais pris le risque d’un scandale dans lequel les deux antagonistes étaient perdants, sans pour autant avoir la moindre garantie de la restitution du portefeuille car ça aurait alors pris valeur d’aveux, donc d’humiliation pour son auteur.
Il s’agit très probablement d’un kleptomane. C’est plus fort que lui. Je ne juge pas, je constate et déduis.
Finalement cet homme, avec lequel je continue d’avoir des contacts fréquents, me montre discrètement sa gratitude, par son comportement, à mon égard, sans que la moindre accusation n’ait été formulée.
L’éthique, en l’occurrence, qui a été la mienne est une éthique de la modération associée à une éthique de la réflexion.
Faire valoir mes droits avec véhémence ne me donnait pas la certitude d’une restitution et m’exposait à donner le spectacle d’un déclencheur de scandale, qui d’une façon ou d’une autre m’aurait couté bien plus cher.
Vous estimerez que c’est de la duplicité, voire de la lâcheté. Je vous rétorquerai que c’est du stoïcisme au sens où l’a instauré Épictète.
Et cette attitude – qui n’est pas toujours la mienne – nous a fait aboutir à une relation gagnant gagnant avec mon voleur.
Brassens, dont je pense que vous l’appréciez, n’a – t – il pas écrit « Stances à un cambrioleur » ?
PS : à vous de juger si cette évocation personnelle est pertinente dans les commentaires du blog. Sa censure ne me froisserait pas.
@ Marcailloux
[« En d’autres termes, vous seriez ravi de donner votre portefeuille à un voleur, puisque cela étant bon pour le voleur, le serait pour vous ? Vous voyez bien qu’une telle éthique conduit paradoxalement à une société de profiteurs… » (…) Il y a entre deux et trois mois, je me suis fais voler mon portefeuille. Après enquête et mure réflexion, j’en suis arrivé à découvrir – c‘était ma conviction intime – que le voleur kleptomane était quelqu’un que je côtoie régulièrement, un notable local à particule, sans besoins financiers. Une dizaine de jours après les faits, je lui ai fais comprendre, sans lui dire, que je savais que c’était lui car j’en avais quasiment la preuve. L’après midi même, le portefeuille m’était restitué par une voie détournée avec, bien entendu tous les papiers et l’argent qu’il contenait.]
Vous m’expliquez que vous rêvez d’une « une éthique plus collective en partant du principe que quelque chose est bon pour moi si et surtout si c’est aussi bon pour mon prochain ». Très bien. Le fait que votre « voleur kleptomane » garde votre portefeuille devrait donc être bon pour vous, puisque c’est bon pour lui. Et pourtant vous avez fait en sorte qu’il vous le retourne. Vous n’êtes pas très cohérent, dans cette affaire…
[L’éthique, en l’occurrence, qui a été la mienne est une éthique de la modération associée à une éthique de la réflexion.]
Possible, mais certainement pas une éthique fondée sur le « principe que quelque chose est bon pour moi si et surtout si c’est aussi bon pour mon prochain »…
[Faire valoir mes droits avec véhémence ne me donnait pas la certitude d’une restitution et m’exposait à donner le spectacle d’un déclencheur de scandale, qui d’une façon ou d’une autre m’aurait couté bien plus cher.]
C’est donc un calcul économique qui a dirigé votre choix, et non un principe éthique…
[Vous estimerez que c’est de la duplicité, voire de la lâcheté. Je vous rétorquerai que c’est du stoïcisme au sens où l’a instauré Épictète.]
Pas vraiment. C’eut été du « stoïcisme » si le portefeuille ne vous avait pas été rendu. Mais dès lors que vous avez récupéré votre propriété, c’est un simple calcul d’efficacité : vous avez maximisé vos gains au moindre coût.
@ Descartes
Bonjour,
[Et pourtant vous avez fait en sorte qu’il vous le retourne. Vous n’êtes pas très cohérent, dans cette affaire…]
Je me suis probablement mal fait comprendre.
Si l’évocation de cette péripétie m’a parue susceptible d’être évoquée, c’est parce que, justement, j’avais fait le deuil de mon portefeuille et, à mon grand étonnement je n’en avais pas plus pris ombrage que cela.
Je trouve ce collègue plus pénalisé que moi par cette anomalie mentale et ne souhaitais vraiment qu’une chose, celle qu’il sache que je n’étais pas dupe. J’ai eu le sentiment que je percevais là le fruit de pas mal d’années d’efforts pour adhérer pleinement à un certain stoïcisme. Nos propres pulsions s’y opposent généralement et je considère comme un progrès de les endiguer.
Peut-être n’est ce que la conséquence de la vieillesse. Elle nous conforte dans la notion du relatif.
@ Marcailloux
[Si l’évocation de cette péripétie m’a parue susceptible d’être évoquée, c’est parce que, justement, j’avais fait le deuil de mon portefeuille et, à mon grand étonnement je n’en avais pas plus pris ombrage que cela.]
Et bien, sans vouloir vous offenser, je trouve que votre « deuil » un peu suspect, d’autant plus qu’il est rétrospectif et que vous avez bien recouvré votre bien. Je me demande si vous seriez aussi bienveillant si vous n’aviez pas retrouvé le voleur, si le portefeuille avait disparu pour de bon, et si en sus d’avoir perdu votre argent durement gagné à la sueur de votre front, vous aviez perdu des heures en préfecture ou à la mairie pour faire refaire vos papiers.
Mais surtout, on voit immédiatement qu’une société ne peut être fondée sur l’universalisation d’une telle bienveillance, sauf à favoriser le développement du parasitisme.
@ Descartes,
Bonsoir,
[Mais surtout, on voit immédiatement qu’une société ne peut être fondée sur l’universalisation d’une telle bienveillance, sauf à favoriser le développement du parasitisme.]
Bien sûr, je partage votre opinion sur ce sujet. Je précise tout de même, et j’en étais le premier étonné, que je n’escomptais pas vraiment le retour du portefeuille (après 10 jours) et que j’avais déjà engagé mes changements de papiers. Fatalisme ?, indifférence sénile ?, stoïcisme accomplit ?
Je voulais néanmoins souligner que le hasard ou l’âge ou, ce que j’espère, une démarche à caractère philosophique est favorable au bien être général.
Notre société est un maelström de suspicions, de procès d’intention, de noirs soupçons. Chacun s’emploi à sauvegarder son bien avec une énergie quelquefois démesurée.
Bien sûr, les crapules existent, cependant elles ne représentent qu’une minorité. Il ne me paraît pas propice au bien être que de se barricader, truffer son domicile d’alarmes.
Le climat compte autant que les faits, même plus. Rien ne me paraît plus idiot que d’être angoissé par le risque terroriste et, par exemple, marcher sur le bord droit d’une route passante, dos aux véhicules, comme on le voit souvent. Le risque de mourir est cent fois plus grand.
Les gouvernants y sont pour beaucoup dans l’atmosphère, l’ambiance générale d’un pays.
Si nous prenons l’exemple de E.Macron, il est surprenant de voir sa cote de popularité se redresser alors qu’il administre des purges budgétaires qui, habituellement, font descendre les gens dans la rue. C’est probablement dû à une attitude bienveillante depuis sa candidature.
Il démontre que l’on peut être directif, autoritaire et cependant affable.
@ Marcailloux
[Je voulais néanmoins souligner que le hasard ou l’âge ou, ce que j’espère, une démarche à caractère philosophique est favorable au bien-être général.]
C’est discutable. Si pardonner au voleur entraine la multiplication des vols, on peut difficilement dire que le « bien-être général » y gagne. Je pense au contraire que l’attitude « stoïque » permet d’augmenter le bien-être individuel. Se résigner à l’inévitable évite bien des angoisses. Mais on peut difficilement dire que cela favorise le bien-être général. Les sociétés qui ont érigé la résignation en principe sont souvent des sociétés bloquées.
[Notre société est un maelström de suspicions, de procès d’intention, de noirs soupçons. Chacun s’emploie à sauvegarder son bien avec une énergie quelquefois démesurée.]
Eh oui. Mais c’est cette énergie employée à sauvegarder son bien et à l’accroitre qui a permis à l’homme de sortir de la caverne et d’entrer dans le gratte-ciel. L’avidité est peut-être un grand péché, mais c’est aussi le moteur de l’histoire. Et ne me dites pas qu’on était plus heureux du temps de la caverne, vous savez que ce n’est pas vrai. En fait, le « stoïc » est un égoïste : il reste calme pendant que les autres se démènent, mais jouit des fruits de leur activité…
[Bien sûr, les crapules existent, cependant elles ne représentent qu’une minorité. Il ne me paraît pas propice au bien être que de se barricader, truffer son domicile d’alarmes.]
Mais… les crapules seraient-elles toujours une minorité si nous ne trouffions pas nos domiciles d’alarmes et de portes blindées, et s’il n’y avait pas de policiers pour les arrêter ? Voilà toute la question…
[Le climat compte autant que les faits, même plus. Rien ne me paraît plus idiot que d’être angoissé par le risque terroriste et, par exemple, marcher sur le bord droit d’une route passante, dos aux véhicules, comme on le voit souvent. Le risque de mourir est cent fois plus grand.]
Là, par contre, je suis d’accord avec vous : la gestion des risques et leur hiérarchisation tant dans les politiques publiques que dans les affaires privées est très loin d’être rationnelle. Nous prenons quotidiennement des risques bêtement, pour nous mobiliser contre des risques inexistants. La personne qui bourre l’atmosphère de son appartement de déodorants d’intérieur et qui ensuite manifeste pour empêcher qu’on lui installe un compteur Linky est totalement à côté de la plaque.
[Si nous prenons l’exemple de E.Macron, il est surprenant de voir sa cote de popularité se redresser alors qu’il administre des purges budgétaires qui, habituellement, font descendre les gens dans la rue. C’est probablement dû à une attitude bienveillante depuis sa candidature.]
Des purges, oui, mais rien de très différent de ce que proposaient ses prédécesseurs et ses concurrents. Par ailleurs, je ne vois pas très bien en quoi son attitude serait plus « bienveillante » que celle de Hollande, par exemple. Je dirais même le contraire : Macron n’est guère « bienveillant », il n’hésite pas à qualifier durement les gens qui s’opposent à lui (fainéants, illettrés…) et ne cède jamais un pouce de terrain lorsqu’il se fixe un objectif. Hollande, lui, était véritablement un président « bienveillant », cherchant dans chaque situation une synthèse qui pourrait contenter un peu tout le monde – tactique qui lui avait très bien réussi au PS.
La popularité de Macron tient précisément à ce qu’il n’est PAS un président bienveillant. C’est le premier depuis Mitterrand à avoir compris que les français ne veulent pas un président-copain, mais un président-père. Et que la fonction paternelle implique d’abord et avant tout l’autorité. Même s’il sacrifie un peu à l’air du temps compassionnel et « victimiste », Macron se distingue notablement de l’ensemble de ses prédécesseurs. Il ne lance pas des « grands débats nationaux » et autres « états généraux », il se positionne dans une logique où l’exécutif a un projet et l’applique, logique qui n’est pas sans rappeler celle de De Gaulle. Quand il reçoit des mécontents, il ne négocie pas, il explique des décisions prises.
Personnellement, je n’ai rien à rapprocher au « style » Macron. Il est, de tous les présidents que j’ai connus, le plus proche de l’esprit originel de la Vème République. La question pour moi est surtout la politique que ce « style » porte. Et sur ce point, malheureusement, il n’y a pas d’opposition : les uns parce qu’on sait qu’ils feraient à peu près la même chose – ou pire – s’ils étaient à sa place, les autres parce qu’ils proposent des utopies irréalisables. Et lorsque je pense à Mélenchon, je le range dans la première catégorie.
@ Descartes
Bonjour,
[En fait, le « stoïc » est un égoïste : il reste calme pendant que les autres se démènent, mais jouit des fruits de leur activité…]
Est ce que cela veut dire qu’il reste inactif ? Eh bien non, pas forcément en tout cas et souvent bien plus efficace que ces braillards qui manifestent systématiquement contre ce qui est pour et pour ce qui est contre. Ne pas confondre l’action et l’agitation.
Non, je ne suis pas d’accord quand vous dites « le stoïc est un égoïste ». Il ne l’est en tout cas pas par nature. Un des principes majeurs du stoïcisme peut se traduire par : « agit sur ce qui dépend de toi et renonce face à ce qui est inéluctable » (j’abrège un peu)
Vous même dénoncez l’attitude de Mélanchon, dans un commentaire récent et qui le soupçonnez, s’il arrivait au pouvoir de renoncer à faire autre chose que ses prédécesseurs. Il n’est pas pour autant un adepte du stoïcisme.
Pensez vous qu’il ne faille pas se « démener » pour tenir le débat avec vous sur des sujets qui font question ? :-))
René Descartes n’a –t –il pas déclaré : « il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde » ?
[La popularité de Macron tient précisément à ce qu’il n’est PAS un président bienveillant. . . . . . . Quand il reçoit des mécontents, il ne négocie pas, il explique des décisions prises. ]
On peut toujours avoir un débat sémantique sur l’acception du terme « bienveillant »
Une forme de bienveillance, pour un leader politique, c’est de respecter ses administrés, leur dire franchement ce que l’on pense. C’est aussi respecter ses adversaires et s’abstenir d’attaques ad hominem, de petites phases désobligeantes, ne pas mettre leur légitimité en doute etc . . .
C’est en quoi, sur la forme, je partage votre avis, il est là pour gouverner, il gouverne.
Sur le fond, j’attend de ses adversaires qu’ils en fassent autant, qu’ils débattent et s’opposent sur la politique menée, les décisions prises, les méthodes employées et c’est très loin d’être le cas. Les Français apprécient, et c’est bien ainsi.
On prend depuis bien trop longtemps les Français pour des cons en imaginant qu’ils vont être convaincus, parce que l’on dénonce l’incapacité de l’adversaire, que cela fait de nous quelqu’un de compétent.
@ Marcailloux
[Non, je ne suis pas d’accord quand vous dites « le stoïc est un égoïste ».]
Je n’y peux rien : la philosophie stoïcienne n’a que faire des notions de « bien commun »…
[Il ne l’est en tout cas pas par nature. Un des principes majeurs du stoïcisme peut se traduire par : « agit sur ce qui dépend de toi et renonce face à ce qui est inéluctable » (j’abrège un peu)]
Un peu trop à mon avis. Vous avez raison de dire que la règle fondamentale du stoïc est bien de distinguer les choses sur lesquelles on peut agir et celles qui sont inéluctables. Mais vous oubliez au passage quelle est la FINALITE de cette distinction. Et cette finalité est bien le bonheur individuel, sans aucune référence à une notion collective.
[Vous même dénoncez l’attitude de Mélanchon, dans un commentaire récent et qui le soupçonnez, s’il arrivait au pouvoir de renoncer à faire autre chose que ses prédécesseurs. Il n’est pas pour autant un adepte du stoïcisme.]
Certainement pas. Mais on peut difficilement accuser Mélenchon d’avoir une vision « égoïste ». Au contraire : à chaque fois il cherche à justifier ses actes – même ceux qui sont motivés par son propre intérêt – en les présentant comme indispensables au bien commun.
[René Descartes n’a –t –il pas déclaré : « il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde » ?]
Certes. Mais il ne vous a certainement pas échappé que Descartes est mort depuis bientôt cinq siècles (ce qui semble donner raison à Alphonse Allais lorsqu’il en concluait que « quand on est mort, c’est pour longtemps »). Descartes était issu d’une société où « l’ordre du monde » était vu comme voulu par dieu et donc immuable. Soutenir à son époque qu’il valait mieux changer l’ordre du monde lui aurait valu le bûcher, ou tout au moins de très sérieux ennuis. Tout ce qu’on peut dire, c’est que Descartes n’a pas suivi dans sa pratique philosophique le conseil qu’il donne dans les « méditations ». S’il avait préféré changer ses désir que l’ordre du monde, il ne serait pas mort en exil…
[On peut toujours avoir un débat sémantique sur l’acception du terme « bienveillant »
Une forme de bienveillance, pour un leader politique, c’est de respecter ses administrés, leur dire franchement ce que l’on pense. C’est aussi respecter ses adversaires et s’abstenir d’attaques ad hominem, de petites phases désobligeantes, ne pas mettre leur légitimité en doute etc . . .]
Dans ce cas, on peut difficilement qualifier Macron de « bienveillant ». On peut difficilement soutenir que traiter les syndicalistes de « fainéants » ne constitue pas une expression « désobligeante » ni ne remet en cause leur « légitimité »… Quant à dire à des citoyens « la meilleure façon d’avoir un beau costume est d’aller bosser », j’avoue que j’ai du mal à voir de la « bienveillance » là dedans.
On peut effectivement avoir un long débat sémantique sur le concept de « bienveillance ». Mais à minima, on peut s’accorder sur le fait qu’elle exige une écoute de l’autre, une tolérance aux opinions divergentes, une capacité à changer d’avis. Macron ne semble montrer aucune de ces qualités.
[C’est en quoi, sur la forme, je partage votre avis, il est là pour gouverner, il gouverne.]
Tout à fait, et c’est sa force devant une opinion habituée à un monde politique dont l’opinion varie en fonction des sondages et qui n’assume jamais ses responsabilités. Les français préfèrent voir à l’Elysée un père fouettard qui sait où il va qu’un gentil papa gâteau qui dit « oui » à tout le monde et ensuite ne fait pas grande chose. Cela étant dit, on va voir combien de temps Macron pourra tenir cette posture exigeante. L’aéroport de NDDL sera un très bon test de sa capacité à trancher et à assumer les conséquences. Il ne faut pas non plus oublier que si les français aiment être gouvernés, ils aiment aussi de temps en temps s’offrir un petit régicide…
[Sur le fond, j’attend de ses adversaires qu’ils en fassent autant, qu’ils débattent et s’opposent sur la politique menée, les décisions prises, les méthodes employées et c’est très loin d’être le cas.]
Le problème, c’est qu’il est difficile de s’opposer lorsqu’on représente des couches sociales dont les intérêts sont servis par la politique poursuivie par le gouvernement. Dans un tel contexte, on en est réduit à une surenchère qui est généralement stérile ou bien à la défense de certaines « niches ».
Bonjour Descartes,
En parlant d’ésotérisme… Ce petit article devrait vous plaire. Au Royaume-Uni, une majorité des compagnies de distribution d’eau admettent que leurs techniciens utilisent parfois des… bâtons de sourcier :
https://medium.com/@sallylepage/in-2017-uk-water-companies-still-rely-on-magic-6eb62e036b02
Comme le dit l’article (en anglais) : « Soyons honnête, au Royaume-Uni, on n’a pas besoin de creuser beaucoup pour trouver de l’eau, quel que soit l’endroit où on se place. Nous sommes tous pré-câblés avec le biais de confirmation, donc nous nous rappelons toutes les fois où la divination a fonctionné, oublions toutes les fois où elle a échoué, et ignorons à quel point il est facile de trouver de l’eau même sans avoir recours à un bâton de sourcier. »
Avec aussi une explication intéressante de la façon dont la méthode « fonctionne ».
@ Antoine
[Nous sommes tous pré-câblés avec le biais de confirmation,]
A ce propos, je vous recommande le livre de Charpak “devenez sorciers, devenez savants”. Il est rempli d’exemples de ce type de “biais” qui permettent de faire croire à de la magie là où ce n’est que de la pure logique…
@Descartes
Merci beaucoup pour votre recommandation, j’en prends note !
Article intéressant notamment sur le caractère ésotérique auquel je n’avais jamais prêter attention.
Est-ce que ce n’est pas une dérive communautaire généraliser qui favoriserait l’apparition de gourou et de secte, pas seulement au sein des féministes?
Sur le sujet communautaire l’actualité est riche avec l’affaire des réunions non mixtes du syndicat SUD qui n’a pas l’air d’être soutenus par les médias et aussi la grande affaire du moment l’affrontement entre Charlie-Hebdo et Médiapart.
Est-ce que vous pensez Descartes que cet affrontement va avoir un impact durable sur la gauche et donc sur la vie politique française quelque soit le vainqueur? Il est possible que l’on assiste à une explosion de la F.I Les partisans du PIR et leur opposants au sien de la FI se radicalise, il suffit de lire les commentaires sur le facebook de Mélanchon.
@ jo2
[Est-ce que ce n’est pas une dérive communautaire généralisée qui favoriserait l’apparition de gourou et de secte, pas seulement au sein des féministes?]
Non, je ne crois pas que les deux phénomènes soient connectés. Je pense que si on voit fleurir les « gourous », c’est en réponse à un phénomène de déception générale. Les hommes ont besoin de croire : de croire qu’ils sont protégés, de croire que leur avenir sera heureux, de croire qu’ils peuvent contrôler leurs évènements. Or, ces trente dernières années ont mis à mal cette confiance. On a systématiquement affaibli les institutions qui assuraient la protection des gens, on a craché sur tout ce qui pouvait ressembler à un projet d’avenir collectif, on a montré aux gens que quel que soit leur vote les politiques pratiquées étaient les mêmes. Comment pourraient-ils croire ?
Et puis, dans ce désert de ruines, apparaissent des hommes « neufs » qui promettent la construction d’un monde meilleur ou tout le monde sera gagnant… comment ne pas être séduit ?
[Sur le sujet communautaire l’actualité est riche avec l’affaire des réunions non mixtes du syndicat SUD qui n’a pas l’air d’être soutenus par les médias]
Je trouve au contraire que les médias ont été d’une remarquable discrétion sur cette affaire, qui rappelle – en pire – l’affaire de la candidate voilée présentée par le NPA. Et qui montre combien le gauchisme est la négation des idées des Lumières et de la République en général. Elle montre aussi le désarroi d’une « gauche » qui ne sait à quel saint se vouer, et qui sous prétexte d’antiracisme adopte les pires clichés racistes.
[et aussi la grande affaire du moment l’affrontement entre Charlie-Hebdo et Médiapart.]
Pour ceux qui auraient oublié qui est Plenel, il faut relire « la face cachée du Monde ».
[Est-ce que vous pensez Descartes que cet affrontement va avoir un impact durable sur la gauche et donc sur la vie politique française quelque soit le vainqueur?]
Non. Je pense que cet affrontement est un symptôme d’une transformation qui a déjà eu lieu. Les « classes moyennes » ont pris le pouvoir juchés sur une idéologie « libérale-libertaire », et dégagent systématiquement tous ceux qui n’y adhèrent pas.
[Les « classes moyennes » ont pris le pouvoir juchés sur une idéologie « libérale-libertaire », et dégagent systématiquement tous ceux qui n’y adhèrent pas.]
Dans l’affrontement entre Médiapart et Charlie, j’ai l’impression que les médias prennent position en faveur de Charlie qui m’apparaît dans ce dossier moins libéral-libertaire que Médiapart.
Un point à rajouter sur l’affaire Sud93, ce qui est aussi désastreux c’est l’image que ça va donner des fonctionnaires et des syndicats, déjà qu’elle n’est pas brillante dans le public, ça ne vas pas l’améliorer.
@ jo2
[Dans l’affrontement entre Médiapart et Charlie, j’ai l’impression que les médias prennent position en faveur de Charlie qui m’apparaît dans ce dossier moins libéral-libertaire que Médiapart.]
Je n’ai pas du tout la même impression que vous. J’ai au contraire l’impression nette que la caste politico-médiatique – qui porte largement le message des « classes moyennes » – a plutôt pris position du côté de Médiapart. Bien entendu, ils le font avec des gants, d’une part parce que le massacre de 2015, en faisant de Charlie une « victime » l’a rendu jusqu’à un certain point intouchable, et que les médias – qui ont en leur temps condamné la publication par Charlie de caricatures du Prophète – ont beaucoup de choses à se faire pardonner. Mais il ne reste pas moins que la petite musique distillée par « Libération » ou dans les pages « Idées » du « Monde » reste assez largement islamo-gauchiste.
[Un point à rajouter sur l’affaire Sud93, ce qui est aussi désastreux c’est l’image que ça va donner des fonctionnaires et des syndicats, déjà qu’elle n’est pas brillante dans le public, ça ne vas pas l’améliorer.]
Je doute fort que l’opinion identifie les excités de SUD à l’ensemble de la fonction publique. Mais il est à mon avis révélateur qu’un syndicat bien marqué « gauche radicale » et qui plus est implanté dans le milieu enseignant se fasse porteur des théories « racialistes ». Et que des personnalités de la « gauche radicale » puissent défendre ce genre de fonctionnement sans se faire rappeler à l’ordre par leurs organisations. Voici par exemple la réaction de Danielle Obono, députée de la « France insoumise » :
« La non-mixité (1) n’est pas dangereuse dans le sens où c’est une pratique qui répond, à un moment donné, à des besoins d’une catégorie. Je reviens à l’exemple des mouvements féministes. Les personnes qui sont victimes de violence sur un certain nombre de questions vont avoir besoin de dire qui’il va falloir qu’on puisse discuter en se sentant en confiance. Du coup, il faut le faire avec des personnes avec lesquelles on s’identifie, comme partageant le même type de problèmes. Dans ce cas-là, c’est plus un outil pédagogique pour pouvoir libérer la parole plus facilement ». On peut se demander ce que Mme Obono aurait pensé s’il y avait été proposé des tables rondes strictement réservées aux enseignants « blancs » ou « catholiques ». Après tout, n’ont-ils pas eux aussi droit de se retrouver entre gens « qui partagent le même type de problèmes » pour pouvoir « parler en confiance » ?
Mme Obono a par ailleurs déploré la réaction de Jean-Michel Blanquer. « Malheureusement, peut-être que le ministre devrait se renseigner un peu plus. Dans les mouvements sociaux, dans l’histoire, ce sont des formes qui existent pour répondre à des besoins », a-t-elle déclaré. On serait curieux de connaître « dans l’histoire » quels sont les « mouvements sociaux » qui ont eu recours à ce type d’apartheid, et à quoi ils ont abouti…
En tout cas, j’attends avec impatience la réaction du gourou de la “France insoumise” aux propos de Danielle Obono… quelque chose me dit qu’on va être déçus.
(1) Il s’agit ici de « non-mixité » ethnique, puisque le reproche fait à SUD 93 éducation est d’avoir proposé dans une formation des tables rondes « non mixtes » réservées aux enseignants « racisés ».
Bonjour cher Descartes.
Je me permet un hors-sujet partiel pour vous demander votre opinion sur un certain nombre de faits pas-si-divers de la vie politique de ces dernieres semaines.
Ne manquant jamais une occasion pour “allumer” les classes moyennes, dont selon vous E.Macron et son gouvernement serait le repésentant, comment situez-vous ces différents événements:
– E.Macron signifiant à une dame Marocaine sans papiers qu’elle doit retourner dans son pays si elle n’est pas menacée, devant caméras à l’occasion du discours aux restos du coeur
– E.Philippe précisant lors de l’interview d’hier à Mediapart, à propos des agressions sexuelles, que la présomption d’innocence n’était pas à la carte, et qu’il fallait prendre les dénonciations avec des pincettes
– L’attitude du gouvernement sur le nucléaire, qui, bien que tenu à des postures de façade, se montre nettement moins dogmatique quant à la sortie du nucléaire que ses prédécesseurs (Hulot annonçant un report sine-die de l’objectif 50% de la part du nucléaire)
– J.M.Blanquer menant la réforme de l’APB avec l’introduction d’un sélection masquée pour l’entrée à l’université,
-A.Buzyn menant au pas de charge la loi inscrivant le caractère obligatoire de 8 vaccins supplémentaires,
etc.
En gros, un ensemble de réformes et de paroles plus ou moins assumées mais qui globalement, vont clairement à contre-courant de l’idéologie des classes moyennes dont ce gouvernement serait sensé être le porte parole…
@ Pierre
[Ne manquant jamais une occasion pour “allumer” les classes moyennes, dont selon vous E.Macron et son gouvernement serait le représentant, comment situez-vous ces différents événements:]
Soyons précis. Non, je n’ai jamais dit que E. Macron soit « le représentant » des « classes moyennes ». C’est beaucoup plus compliqué que cela. Macron était le candidat du « bloc dominant », celui des « classes moyennes » mais aussi de la bourgeoisie. Et s’il y a entre ces deux groupes une alliance d’intérêts, il y a aussi entre eux des contradictions.
Maintenant, venons-en aux évènements que vous avez sélectionné :
[- E.Macron signifiant à une dame Marocaine sans papiers qu’elle doit retourner dans son pays si elle n’est pas menacée, devant caméras à l’occasion du discours aux restos du cœur]
Bravo. Seulement, est-ce que cette dame a quitté notre territoire ? Est-ce que le président a pris les mesures pour que son excellente remarque soit suivie d’effet ? Non ? Alors cela pose un problème de décalage entre le discours et les faits. E. Macron tient un discours qui correspond à la tradition républicaine – la loi doit être respectée – et qui va dans le sens des intérêts des couches populaires. Mais ce sont les faits, et non les promesses, qui comptent.
[- E.Philippe précisant lors de l’interview d’hier à Mediapart, à propos des agressions sexuelles, que la présomption d’innocence n’était pas à la carte, et qu’il fallait prendre les dénonciations avec des pincettes]
Excellent commentaire. Mais quels sont les effets ? A-t-il pris des mesures pour vérifier que dans la pratique les victimes de dénonciation soient protégées ? Comme dans l’exemple antérieur, on attend des intellectuels qu’ils disent des vérités, mais d’un homme politique on attend des actes. Or, les actes ne suivent pas les bonnes paroles.
[- L’attitude du gouvernement sur le nucléaire, qui, bien que tenu à des postures de façade, se montre nettement moins dogmatique quant à la sortie du nucléaire que ses prédécesseurs (Hulot annonçant un report sine-die de l’objectif 50% de la part du nucléaire)]
Même remarque : le discours est bon… mais qu’est-ce que cela change dans les faits ? Est-ce que le gouvernement va tirer les conclusions et lancer le « grand carénage » du part existant et la construction des EPR nécessaires pour maintenir la capacité nucléaire à terme ? Encore une fois, le langage change, mais les faits restent les mêmes : la dame marocaine sans-papiers reste dans le territoire, la présomption d’innocence est allègrement violée y compris dans les médias publics, et notre capacité nucléaire va s’éteindre doucement faute des décisions indispensables. Alors, le changement du discours est un (petit) progrès. Mais cela ne me conduit pas à voir une contradiction entre la politique du gouvernement et les intérêts des « classes moyennes ».
[- J.M.Blanquer menant la réforme de l’APB avec l’introduction d’un sélection masquée pour l’entrée à l’université,]
Là, par contre, on ne peut contester qu’il y a un changement. Blanquer a déjà lancé plusieurs révisions qui, si elles vont jusqu’au bout, pourraient remettre en cause les intérêts des « classes moyennes ». Il va être intéressant d’observer si Macron est aussi ferme dans ce domaine qu’il l’a été pour remettre en cause les intérêts des couches populaires… les paris sont ouverts. Personnellement, je crains qu’avec toute sa bonne volonté – et avec son incontestable compétence technique – Blanquer se trouvera politiquement bloqué quand il s’agira de trancher dans le vif. Même « masquée », la sélection sera battue en brèche par les « classes moyennes » et envoyée aux oubliettes…
(((Bravo. Seulement, est-ce que cette dame a quitté notre territoire ?(…) Mais ce sont les faits, et non les promesses, qui comptent.)))
Pas totalement d’accord. Dans notre monde hyper-médiatique où s’est installé le culte de la « petite phrase », je crois que les mots comptent beaucoup. Et je pense qu’il est beaucoup plus compliqué pour un homme politique de dire que de faire.
On peut reprocher ce qu’on veut à E.Macron mais pour moi il fait preuve d’un courage que je n’a pas vu depuis belle lurette de la part de nos dirigeants. Et appeler un chat un chat (ou un illettré un illettré, un alcoolique un alcoolique, un sans-papier expulsable un sans papier expulsable, etc.) c’est déjà un préalable indispensable à la résolution de tout problème.
Par ailleurs, je crois que Macron sonde l’opinion avec ce style d’interventions. Et, incroyable, on est en train de voir que les gens… sont content qu’on arrête de les prendre pour les cons avec du discours bienpensant « de gauche ». Ce n’est faute de la part des médias d’avoir tenté de faire partir en feu de broussailles chacune des interventions de ce style, mais jusque là ça a fait long feu.
Personnellement, je dis qu’on doit toujours garder l’oeil ouvert et vigilant, mais je suis étonnamment optimiste.
Sur le nucléaire, dans les faits, ça change que le leader médiatique du mouvement écologique a commencé un mouvement vers la raison, à savoir que d’admettre que l’urgence actuelle est de stopper nos émissions de CO2, et que c’est impossible sans le nucléaire. Et de repousser une échéance, absurde et intenable, mais qui était tout de même réelle, a plus tard sans date fixe.
Et devinez quoi, personne (à part un pourcentage marginal de la population) ne s’insurge.
La question c’est: pourquoi jusque là l’opinion publique de ce que vous appelez les « classes moyennes » se focalisait sur des positions irréalistes et nuisible ? Parce qu’on leur mentait. Parce que la gauche en particulier, mentait comme elle respirait, pour survivre. Et que l’opinion les croyait parce que c’était tellement plus « désirable »….
Seulement maintenant qu’on est face à un discours de vérité, que tout le monde accepte ou presque, y compris la majorité des idéalistes de gauche qui savent bien, au fond, qu’on les berçait d’illusions, les gens sont prêt à faire des sacrifices sur leurs utopies antinucléaires, anti-frontières etc.
Donc à mon avis, les « mots » ont une importance capitale, et surtout, je puise un espoir immense dans le fait que chacun de ces mots qui « aurait dû » susciter un soulèvement indigné dans le pays des « classes moyennes », soient acceptés à leur juste valeur: du bon sens.
@ Pierre
[Pas totalement d’accord. Dans notre monde hyper-médiatique où s’est installé le culte de la « petite phrase », je crois que les mots comptent beaucoup. Et je pense qu’il est beaucoup plus compliqué pour un homme politique de dire que de faire.]
Je n’ai pas dit que les mots ne comptent pas. Ce que je dis, c’est qu’il ne faut pas confondre les mots et les faits. Quelquefois, les mots annoncent une action. Et quelquefois, ils servent plutôt à la remplacer : on dit ce qu’on n’a aucune intention de faire pour donner l’illusion qu’on fait. Je pense qu’une partie du discours « raisonnable » de Macron joue ce rôle.
[On peut reprocher ce qu’on veut à E. Macron mais pour moi il fait preuve d’un courage que je n’a pas vu depuis belle lurette de la part de nos dirigeants. Et appeler un chat un chat (ou un illettré un illettré, un alcoolique un alcoolique, un sans-papier expulsable un sans papier expulsable, etc.) c’est déjà un préalable indispensable à la résolution de tout problème.]
Personne à ma connaissance ne met en doute le courage de Macron, même si on peut considérer que le véritable courage consiste non pas à affronter ses adversaires, mais ses amis. Quand Macron fera une déclaration de nature à déplaire aux patrons, aux « classes moyennes » supérieures, je lui reconnaîtrai un véritable courage. Par ailleurs, si le courage est indispensable pour faire un homme d’Etat, ce n’est pas une condition suffisante.
Appeler un chat un chat est certainement un préalable. Le problème, c’est lorsque la fermeté du ton est utilisée pour déguisé l’absence d’actes, et que du coup on reste aux préalables. Ce qui, comme vous le dira tout sexologue qui se respecte, est particulièrement frustrant.
[Par ailleurs, je crois que Macron sonde l’opinion avec ce style d’interventions. Et, incroyable, on est en train de voir que les gens… sont content qu’on arrête de les prendre pour les cons avec du discours bienpensant « de gauche ».]
Là, je suis à 100% d’accord avec vous. Les politiques appliquent depuis trente ans les règles du marketing plutôt que celles de la pédagogie. Il ne s’agit pas d’éduquer l’électeur, mais de lui dire ce qu’il veut entendre – ou ce qu’on pense qu’il veut entendre, ce qui n’est pas la même chose. Et à force d’avoir pratiqué cette solution de facilité, on a fini par détruire la crédibilité du discours politique. J’ai toujours pensé que la franchise et la rigueur chez un homme politique peut lui faire perdre des voix sur le court terme, mais sur le long terme reste la meilleure politique.
[Sur le nucléaire, dans les faits, ça change que le leader médiatique du mouvement écologique a commencé un mouvement vers la raison, à savoir que d’admettre que l’urgence actuelle est de stopper nos émissions de CO2, et que c’est impossible sans le nucléaire. Et de repousser une échéance, absurde et intenable, mais qui était tout de même réelle, a plus tard sans date fixe.]
Mais vous remarquerez que si le délai est révisé, l’objectif reste le même. En d’autres termes, on oublie 2025, mais on ne prend aucune décision positive, faisant confiance au système pour continuer à tourner cahin-caha et sans impulsion politique.
[Seulement maintenant qu’on est face à un discours de vérité, que tout le monde accepte ou presque, y compris la majorité des idéalistes de gauche qui savent bien, au fond, qu’on les berçait d’illusions, les gens sont prêt à faire des sacrifices sur leurs utopies antinucléaires, anti-frontières etc.]
Ca, c’est l’explication optimiste. L’explication pessimiste est que ces gens n’ont en rien renoncé, mais qu’ils savent que Macron n’y changera rien. Pourquoi se mobiliser pour obliger Hulot à revenir à 2025 puisqu’on a gagné sur le principal: la sortie du nucléaire à moyen terme ?
(((Quand Macron fera une déclaration de nature à déplaire aux patrons, aux « classes moyennes » supérieures, je lui reconnaîtrai un véritable courage.)))
On sera assez vite fixé je pense. Par exemple avec le projet de loi qui prévoit une gestion tripartite des fonds dédiés à la formation professionnelle. Syndicats de patrons comme de travailleurs étant vent debout contre ce principe qui mettrait de fait un terme aux « us-et-coutumes » de la gestion de ces fonds. Par ailleurs, la réforme de l’assurance chômage ou la mise en place d’un bonus-malus concernant les CDD sont aussi des sujets sur lesquels on va vite voir si la politique de Macron est à sens unique.
Pour les déclarations promptes à déplaire aux classes moyennes, encore faudrait-il que l’opinion des classes moyennes soit aussi cristallisée que vous le pensez. Personnellement j’ai un doute là-dessus (mon coté optimiste). Il y aura toujours des « jusqu’au-boutistes » mais… Il y a un coté potentiellement positif à cette hyper-personnification du pouvoir. Car si les classe moyennes ont confiance en Macron, je crois qu’il peut être suffisamment habile pour les emmener où il veut. Et c’est là qu’à mon avis son discours prend de l’importance. Car je ne crois pas au coté « machiavélique » du personnage. A mon avis, il dit ce qu’il pense, calibré comme il faut, quand il faut, mais je ne crois pas qu’il fasse des déclarations « contre-nature ».
((( Le nucléaire: Mais vous remarquerez que si le délai est révisé, l’objectif reste le même. En d’autres termes, on oublie 2025, mais on ne prend aucune décision positive, faisant confiance au système pour continuer à tourner cahin-caha et sans impulsion politique.)))
Je crois surtout que Macron a oublié d’être con sur ce coup-là. Et qu’il arrive à poser le pied sur la ligne jaune du tolérable (pour les classes moyennes) sans provoquer de levées de bouclier, là où d’autres, en fonçant tête baissée, se seraient retrouvés face à un mur de protestations. Et de fait, en avançant par petit pas, la ligne jaune recule, recule… Alors certes, pas de décision positive, mais putain, si on m’avait dit qu’il arriverait à ruiner l’opposition bobo-écolo avec cette habilité en moins de 6 mois….
Et puis, zut quoi, la carte Hulot, c’est quand même un chef d’oeuvre. Au rythme où on est parti, il va réussir à lui faire dire que les éoliennes sont un gouffre à pognon qui ne règle aucune problématique et que le photovoltaïque est un désastre écologique… Alors ce ne sont peut-être que des mots, peut être que Hulot va se faire désavouer par les verts (la belle affaire…) mais sur ces questions, les gens écoutent 100 fois plus N.Hulot que n’importe quelle Eva Joly ou autre Y.Jadot…
(((L’explication pessimiste est que ces gens n’ont en rien renoncé, mais qu’ils savent que Macron n’y changera rien.)))
Wait and see.
J’ai de mon coté l’impression que les actes suivront. Doucement, sans trop de heurts, mais qu’ils suivront.
La politique européenne va être un bon indicateur également. Avec Merkel en situation de faiblesse, Macron peut voir le verre à moitié vide, mais aussi à moitié plein: une Merkel affaiblie (certains diront que c’est une oxymore) c’est une opportunité sans précédent pour la France de reprendre le leadership en Europe. Pour quoi faire me direz-vous ? Je n’en sais rien. Mais pour aller où vous voulez aller, c’est toujours mieux d’être aux commandes de l’appareil que simple passager.
Sans compter que l’instant est également idéal pour redonner à la France sa place dans le jeu diplomatique au moyen-orient, et qu’on voit une vraie volonté aussi de ce coté là (ça nous change de la diplomatie belliqueuse des deux précédents). Cependant, après le volet « Sunnite » de ces derniers jours, j’attends avec impatience de voir le volet « Chiite » programmé début 2018 avec une hypothétique visite en Iran, qui marquerait le véritable retour diplomatique de la France en tant qu’interlocuteur des deux camps à la fois.
@ Pierre
[On sera assez vite fixé je pense. Par exemple avec le projet de loi qui prévoit une gestion tripartite des fonds dédiés à la formation professionnelle. Syndicats de patrons comme de travailleurs étant vent debout contre ce principe qui mettrait de fait un terme aux « us-et-coutumes » de la gestion de ces fonds.]
J’avoue que je ne connais rien à cette question, alors j’ai du mal à voir quels sont les intérêts que cette réforme va servir.
[Par ailleurs, la réforme de l’assurance chômage ou la mise en place d’un bonus-malus concernant les CDD sont aussi des sujets sur lesquels on va vite voir si la politique de Macron est à sens unique.]
On verra… mais les premiers signes ne sont guère encourageants.
[Pour les déclarations promptes à déplaire aux classes moyennes, encore faudrait-il que l’opinion des classes moyennes soit aussi cristallisée que vous le pensez. Personnellement j’ai un doute là-dessus (mon coté optimiste).]
Je n’ai pas très bien compris ce que vous voulez dire ici. Qu’est ce que vous entendez par « cristallisée » ?
[Il y a un coté potentiellement positif à cette hyper-personnification du pouvoir. Car si les classe moyennes ont confiance en Macron, je crois qu’il peut être suffisamment habile pour les emmener où il veut. Et c’est là qu’à mon avis son discours prend de l’importance.]
Je doute fort que Macron puisse, comme le flûtiste de Hamelin, nous débarrasser des « classes moyennes » en jouant du pipeau. Les « classes moyennes » ont en Macron une confiance toute relative. On voit dans les sondages combien cette confiance est fragile. Et puis, rien ne prouve que Macron le veuille… après tout, il vient lui-même de ces « classes moyennes »…
[Car je ne crois pas au coté « machiavélique » du personnage. A mon avis, il dit ce qu’il pense, calibré comme il faut, quand il faut, mais je ne crois pas qu’il fasse des déclarations « contre-nature ».]
Je pense que vous serez très déçu…
[Je crois surtout que Macron a oublié d’être con sur ce coup-là. Et qu’il arrive à poser le pied sur la ligne jaune du tolérable (pour les classes moyennes) sans provoquer de levées de bouclier, là où d’autres, en fonçant tête baissée, se seraient retrouvés face à un mur de protestations. Et de fait, en avançant par petit pas, la ligne jaune recule, recule… Alors certes, pas de décision positive, mais putain, si on m’avait dit qu’il arriverait à ruiner l’opposition bobo-écolo avec cette habilité en moins de 6 mois…]
Certes… mais à quoi cela sert de « ruiner l’opposition bobo-écolo » si c’est pour reprendre la même politique ? Parce que pour le moment, il n’y a que le discours qui a changé. Hulot n’a pas dit « on fera autre chose que nos prédécesseurs ». Il dit : « on fera la même chose, mais avec un discours de vérité ». En d’autres termes, avec Hollande on disait « on fermera en 2025 » alors qu’en réalité on fermera en 2035. Avec Macron, on fermera toujours en 2035, mais on le dit. En quoi cela pourrait gêner les « classes moyennes » ?
Sur le nucléaire, Macron a piétiné les illusions d’une partie des « classes moyennes », mais pas leurs intérêts. Quand il commencera à piétiner ces derniers… on verra.
[Et puis, zut quoi, la carte Hulot, c’est quand même un chef d’oeuvre. Au rythme où on est parti, il va réussir à lui faire dire que les éoliennes sont un gouffre à pognon qui ne règle aucune problématique et que le photovoltaïque est un désastre écologique…]
Peut-être. Mais arrivera-t-il à fermer le robinet des subventions qui alimente le « gouffre à pognon » ? Non ? Alors nous avons un problème. Parce que le discours de vérité de Hulot vous donnera, à vous et à moi, une satisfaction morale. Mais rien de plus…
[La politique européenne va être un bon indicateur également. Avec Merkel en situation de faiblesse, Macron peut voir le verre à moitié vide, mais aussi à moitié plein: une Merkel affaiblie (certains diront que c’est une oxymore) c’est une opportunité sans précédent pour la France de reprendre le leadership en Europe. Pour quoi faire me direz-vous ? Je n’en sais rien. Mais pour aller où vous voulez aller, c’est toujours mieux d’être aux commandes de l’appareil que simple passager.]
Oui, mais dans le cas présent ce n’est pas moi qui est aux commandes, c’est Macron. Et je ne suis pas persuadé de vouloir aller là où il veut aller. Cela vous console, vous, de penser que l’Euro est l’œuvre d’un Français – Jacques Delors – plutôt que d’un Allemand ?
[Sans compter que l’instant est également idéal pour redonner à la France sa place dans le jeu diplomatique au moyen-orient, et qu’on voit une vraie volonté aussi de ce coté là (ça nous change de la diplomatie belliqueuse des deux précédents).]
C’est un volet sur lequel j’ai tendance à donner quitus à Macron de son action, qui renoue avec une vision réaliste des rapports internationaux. Comme vous voyez, je ne tombe pas dans le travers d’un anti-macronisme primaire…
@ Descartes
Bonjour,
[C’est un volet sur lequel j’ai tendance à donner quitus à Macron de son action, qui renoue avec une vision réaliste des rapports internationaux. Comme vous voyez, je ne tombe pas dans le travers d’un anti-macronisme primaire…]
Un peu juste comme argument. L’immense majorité des acteurs politique fait, peu ou prou, bloc depuis des dizaines d’ années avec le pouvoir en place et celui qui déroge à la règle est généralement discrédité par l’opinion.
Si votre anti-macronisme n’est certes pas primaire – rien en vous ne semble l’être – l’usage du terme “j’ai tendance” ne mange pas de pain et vous permet une volte face à chaque instant.
Mais n’est ce pas la marque de tout bon éditorialiste ?
[- E.Philippe précisant lors de l’interview d’hier à Mediapart, à propos des agressions sexuelles, que la présomption d’innocence n’était pas à la carte, et qu’il fallait prendre les dénonciations avec des pincettes]
Un propos de bon sens. Mais tout le monde n’est pas aussi prudent:
http://www.vududroit.com/2017/11/harcelement-macron-tweets/#jp-carousel-2078
Toubon ne me semblait pas une lumière, mais là, je reste bouche bée.
@ xc
[Toubon ne me semblait pas une lumière, mais là, je reste bouche bée.]
Je doute que ce soit Jacques Toubon qui écrit les tweets sur le compte du Défenseur des Droits, mais il est vrai que celui auquel vous faites référence est croquignolet. Voici le texte complet :
« En cas de harcèlement sexuel, c’est à l’auteur des faits de démontrer devant la justice qu’il n’y a pas eu harcèlement. Le Défenseur des Droits soutient les victimes et enquête pour les aider à gagner »
Ces deux phrases sont un véritable festival de non-sens. D’abord, « en cas de harcèlement sexuel » il est assez évident que « l’auteur des faits » peut difficilement « démontrer » qu’il n’y a pas eu harcèlement. Il eut fallu écrire « devant une accusation de harcèlement sexuel » et « l’auteur présumé des faits » pour que la première phrase ait une quelconque cohérence.
Quant à l’idée que le Défenseur des Droits soit là pour « soutenir les victimes », cela fait froid au dos. Quelqu’un devrait expliquer au « défenseur des droits » que les auteurs d’une infraction ont eux aussi des droits, et que le Défenseur est tenu par son statut de les défendre au même titre que ceux des victimes. Le Défenseur des droits n’a d’ailleurs aucune compétence pour déterminer qui est « victime » et qui ne l’est pas. Dans un litige, il est tenu de défendre les droits des deux parties.
En route vers un avenir radieux :
http://www.leparisien.fr/paris-75/conseil-de-paris-quand-le-groupe-eelv-veut-des-journees-du-matrimoine-et-du-patrimoine-23-11-2017-7410372.php
Parisiens dites merci aux esprits éclairés qui ont (même avec légère nuance) approuvé !
@ morel
[conseil-de-paris-quand-le-groupe-eelv-veut-des-journees-du-matrimoine-et-du-patrimoine-]
Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites.
Devant ce genre de trucs, je suis plus serein avec un Macron aux manettes qu’avec un Hamon, un Mélenchon ou un Hollande. Faut être conscient que ce genre de délire relève d’une poignée de tarés illuminés qui n’ont aucune résonnance hors du milieu médiatique qu’on veut bien leur accorder.
Franchement, vaut mieux en rire, et si on veut se rassurer, en discuter autour de soi. Les esprits sont beaucoup plus apaisés sur toutes ces questions que ce qu’on voudrait nous faire croire à Paris.
@ Pierre
[Devant ce genre de trucs, je suis plus serein avec un Macron aux manettes qu’avec un Hamon, un Mélenchon ou un Hollande.]
Je ne sais pas… Mélenchon aux manettes, ce serait probablement Mitterrand bis. Quelques mois de « bruit et de fureur », suivis d’un « tournant de la rigueur » et d’un retour aux bonnes vieilles politiques sociales-libérales avec le même discours « réaliste » qui aboutit invariablement au « je veux bien mais je peux point ». Relisez ce que disait Mitterrand dans les années 1970, et vous verrez exactement le même type de « radicalité » que porte aujourd’hui Mélenchon. Et on voit d’ailleurs ce dernier bénéficier de la même amnésie dont a bénéficié en son temps son illustre maître : en 1980, tout le monde avait oublié – ou faisait semblant d’oublier – que Mitterrand avait été l’homme de la Francisque et de l’Algérie Française, l’ami de Bousquet et des hommes de l’OAS. Aujourd’hui, on oublie de la même manière que Mélenchon fut le fidèle soutien du « tournant de la rigueur » et de l’Europe de Maastricht. Je crois que c’est Thierry Pfister (dans sa « lettre ouverte à la génération Mitterrand qui marche à côté de ses pompes ») qui le premier avait parlé de cette incroyable amnésie…
Quant à Hollande ou Hamon… oui, vous avez peut-être raison. Macron, au-delà de son projet et de ses engagements, a redonné au moins un certain lustre à la fonction présidentielle. Ce n’est plus la politique du chien crevé au fil de l’eau, la girouette qui tourne en fonction du vent de l’opinion. On peut accuser Macron de mal gouverner, mais on ne peut pas l’accuser de ne pas gouverner.
[Franchement, vaut mieux en rire, et si on veut se rassurer, en discuter autour de soi. Les esprits sont beaucoup plus apaisés sur toutes ces questions que ce qu’on voudrait nous faire croire à Paris.]
Oui, mais que de moyens et d’intelligences gâchés…
Et vous diriez ça aux victimes de la violence sexuelle?
@ non
[Et vous diriez ça aux victimes de la violence sexuelle?]
Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. C’est quoi ce “ça” auquel vous faites référence ? A l’étrange idée propagée par Caroline de Haas selon laquelle on peut ne pas “voir” des violences pendant vingt ans, jusqu’à ce que une formation de quatre jours vous dise où il faut regarder ? Oui, je dirais “ça” sans problème aux “victimes de violence sexuelle”. Et je suis persuadé qu’elles seraient tout à fait d’accord avec moi, parce qu’elles auront expérimenté le fait qu’on n’a pas besoin d’une quelconque “formation” pour percevoir la violence dont on est victime.
Mais d’une manière plus générale, je m’interroge sur le but de votre question. Mettons que je vous réponde “non, je ne dirais pas ça aux victimes de la violence sexuelle pour ménager leur détresse”. Et alors ? Cela n’implique pas que ce que je dit ne soit pas la vérité, non ?
Cher Descartes,
Merci pour ce billet, qui met en exergue un point que je n’avais pas vu (non faute de formation, mais faute de lecture des tribunes de Mme de Haas). Il y a cinq ans, les médias et les ministres nous expliquaient que la théorie du genre n’existait pas. Effectivement, il n’existe pas de théorie du genre, mais des études de genres basées sur la théorie queer… qui correspond exactement à ce qui était appelé théorie du genre. Les suites logiques de cette théorie sont soit effrayantes, soit hilarantes selon le point de vue. Une thèse en cours, avec financement, par une ancienne élève de l’ENS, à Paris VIII, porte ainsi sur le fait que si l’homme peut être une femme, un homme peut être un chat : http://www.legs.cnrs.fr/spip.php?article166
(rien que l’intitulé du laboratoire laisse songeur, Laboratoire d’Etudes de Genre et de Sexualité)
Cette thèse a permis une mirifique publication https://commentsensortir.files.wordpress.com/2015/12/css-2_2015_morin_le-tranimal-est-politique.pdf avec des points tels que “le corps humain existe-t-il” et “L’imbrication de l’humain et de l’animal au niveau organique conduit logiquement à la désontologisation de l’espèce, et à appréhender l’humaineté comme un système normatif.”
Cela pour dire que féminisme de genre procède à la fois, comme vous l’avez dis, de l’ésotérisme et de l’appât du gain, mais aussi probablement de problèmes mentaux chez des individus doté d’une intelligence supérieure, capables de bâtir un système les coupant totalement de la réalité.
Bien cordialement,
Simon
@ Simon
[Les suites logiques de cette théorie sont soit effrayantes, soit hilarantes selon le point de vue. Une thèse en cours, avec financement, par une ancienne élève de l’ENS, à Paris VIII, porte ainsi sur le fait que si l’homme peut être une femme, un homme peut être un chat :]
C’est qu’une fois qu’on se place hors de la réalité, tout est permis. S’il nous est permis de décider de notre « genre » sans tenir compte de la réalité biologique, pourquoi serait-il interdit de choisir son espèce ? Si nous acceptons qu’on peut être un homme dans un corps de femme, pourquoi ne pas admettre qu’on puisse être un tamanoir dans un corps humain ?
Cela étant dit, il ne faut pas prendre ces travaux trop au sérieux. C’est un peu comme les spéculations de Cyrano de Bergerac – le vrai, pas celui de Rostand – sur le voyage à la Lune. C’est un jeu intellectuel, rien de plus. Toutes ces élucubrations n’ont aucun effet significatif sur la réalité.
[Cette thèse a permis une mirifique publication (…) avec des points tels que “le corps humain existe-t-il” et “L’imbrication de l’humain et de l’animal au niveau organique conduit logiquement à la désontologisation de l’espèce, et à appréhender l’humanité comme un système normatif.”]
De ce point de vue, on ne fait que reprendre le discours général de la philosophie postmoderne : la réalité n’existe pas, elle n’est qu’un récit – et donc un système normatif. J’ajoute que la publication en question est un festival d’ignorance. Ainsi, on trouve ce paragraphe :
« Comme la plupart des articles traitant de Stalking Cat, celui du Daily Mail insiste sur trois aspects de sa transformation. Premièrement, elle est reliée à ses origines Natives Américaines, plus précisément huronnes : c’est lors d’une discussion avec un médecin/gardien des traditions huron que Stalking Cat a été inspirée et incitée à suivre « la voie du tigre » ; ce faisant, elle dit honorer des mœurs très anciennes »
L’auteur ne relève pas une erreur pourtant évidente : il n’y a pas de tigres dans les Amériques. La « voie du tigre » ne peut donc pas être reliée à une quelconque « racine Native Américaine » ou « honorer des mœurs très anciennes » en Amérique. Si « Stalking Cat » a « suivi la voie du tigre » en croyant honorer ses racines, il s’est trompé et a été trompé par un « médecin/gardien des traditions » qui les garde fort mal. Ou alors l’article du Daily Mail raconte n’importe quoi, et dans ce cas il devrait être utilisé avec des pincettes.
En fait, il y a derrière tout ça une racine commune : le déni de réalité. Et ce déni fabrique une forme de toute-puissance : nous pouvons choisir notre genre, notre âge, notre espèce. Nous ne sommes pas déterminés par un monde physique, réel, qui s’impose à nous. Le problème, c’est que le fait de perdre le contact avec la réalité et de vivre dans un monde ou notre volonté est toute-puissante a un nom, et ce nom est « psychose »…
Je trouve également cette remarque très intéressante.
2 observations dessus :
– Pour un esprit un peu terre à terre, ces chercheurs ont simplement une démonstration par l’absurde de l’inanité de la théorie du genre (même si je doute fort que tel était leur objectif )
– l’objectif réellement poursuivi, si je le comprends bien, est de montrer que la distinction entre les espèces est une construction arbitraire. Et, probablement, dans la lignée des deconstructeurs, il faudra deconstruire cette construction…
Ce qui est amusant, c’est qu’une fois de plus, ces gens réussissent, dans leurs délires, à rejoindre ce qui n’était que desparodies humoristiquesgrossières.
Je pense ici à :
South Park saison 9, épisode 1.
@ Vincent
[- Pour un esprit un peu terre à terre, ces chercheurs ont simplement une démonstration par l’absurde de l’inanité de la théorie du genre (même si je doute fort que tel était leur objectif )]
Le mot « recherche » est ici un abus de langage. Parler de « recherche » en matière de « théorie du genre » c’est un peu comme parler de « recherche » en théologie. La « théorie du genre » n’est pas une théorie scientifique, soumise à une possibilité de réfutation par l’expérience. C’est un dogme destiné à justifier une posture politique. Elle n’est susceptible d’aucune confirmation ou réfutation expérimentale parce qu’elle interprète l’expérience de manière à s’auto-justifier.
[- l’objectif réellement poursuivi, si je le comprends bien, est de montrer que la distinction entre les espèces est une construction arbitraire. Et, probablement, dans la lignée des deconstructeurs, il faudra deconstruire cette construction…]
Effectivement, la « théorie du genre » fait partie du grand mouvement postmoderne de « déconstruction » venu des Etats-Unis. Ce mouvement est issu d’une génération qui n’a jamais voulu renoncer à la toute-puissance infantile. Et pour conserver cette toute-puissance, elle s’est convaincu que la réalité n’est qu’une « construction arbitraire », et qu’elle peut donc être mise de côté. Ainsi, on a vu fleurir des théories qui prétendent que la science n’est qu’un « discours », que le sexe n’est qu’une « construction », et ainsi de suite. L’aboutissement de cela est l’homme-dieu, qui peut choisir non seulement son genre, mais aussi de défier les lois de la physique.
[Ce qui est amusant, c’est qu’une fois de plus, ces gens réussissent, dans leurs délires, à rejoindre ce qui n’était que des parodies humoristiques grossières.]
Oui, parce que le déni de réalité aboutit à la folie, et la folie est soit comique, soit tragique… c’est d’ailleurs pour cette raison que les post-modernes n’ont pas le moindre sens de l’humour.
Hors sujet : questions/réponses à Jean-Luc Mélenchon qui, pour moi, hors toute polémique, met en relief l’impasse qu’il représente (je n’évoquerais pas le vieux faux débat droite/gauche) :
http://www.leparisien.fr/politique/melenchon-il-ne-faut-pas-compter-sur-les-fantomes-de-l-ancienne-gauche-24-11-2017-7411653.php#xtor=AD-1481423553
@ morel
[Hors sujet : questions/réponses à Jean-Luc Mélenchon qui, pour moi, hors toute polémique, met en relief l’impasse qu’il représente (je n’évoquerais pas le vieux faux débat droite/gauche) :]
Mélenchon – je suis en train d’écouter en direct la « convention » des insoumis, ça donne envie de se flinguer – a réuni autour de lui l’ensemble de la « gauche radicale ». Le problème, c’est que cette gauche est complètement hors-jeu. Elle s’amuse à s’indigner, mais ne propose pas grande chose de réaliste. Comme elle ne cherche jamais à comprendre pourquoi le monde est comme il est, elle reste au niveau d’une assemblée générale universitaire en rêvant d’un monde impossible.
Je ne soutiens pas Mélenchon mais je trouve qu’il y a des choses intéressantes qui se passe au sein de la France Insoumise.
Elle a réussi à capter un électorat plus populaire avec un discourt souverainiste. En témoigne la polémique qu’il y a eu lieu sur “l’ismamo-gauchisme” et le recadrage de Mélenchon auprès d’Obono et de Garrido.
Elle reste néanmoins prisonnière de ces deux électorats et je ne sais pas si ils sont compatibles entre eux.
@ Laurent
[Je ne soutiens pas Mélenchon mais je trouve qu’il y a des choses intéressantes qui se passe au sein de la France Insoumise.]
Cela dépend du sens que vous donnez au mot « intéressantes ». Ce qui se passe au sein de la FI est certainement digne d’être observé par quiconque s’intéresse aux questions politiques, ne serait-ce que pour essayer de comprendre comment la tribu gauloise qu’est la « gauche radicale », si « libertaire » dans sa logique, accepte d’être embrigadée dans un mouvement sans statuts, sans instances démocratiques, soumise à la volonté omnipotente d’un seul homme. Maintenant, si pour vous « intéressant » est synonyme de « porteur d’espoir », c’est une toute autre affaire…
[Elle a réussi à capter un électorat plus populaire avec un discourt souverainiste.]
J’aimerais bien que quelqu’un m’explique en quoi le discours de la FI serait « souverainiste ». Dans sont programme, on proclame que l’idéal serait un « plan A » consistant à réformer les institutions européennes pour les rendre plus « démocratiques », MAIS SANS JAMAIS METTRE EN CAUSE LEUR CARACTERE SUPRANATIONAL. Une sortie des institutions supranationales n’est envisagée que dans un « plan B » qu’on ne déclencherait qu’en dernière extrémité, et seulement si le « plan A » échouait.
Cette construction n’a rien de « souverainiste ». Le souverainisme implique presque par définition le rejet de toute institution supranationale, c’est-à-dire, de toute institution ayant le pouvoir d’obliger ou de contraindre les nations. Or, l’idéal de la FI est bien une Europe supranationale – même si elle est très différente de l’UE actuelle. Ce n’est donc pas un projet « souverainiste ».
Par ailleurs, lorsque vous écrivez que la FI « a réussi à capter un électorat plus populaire », il faut comprendre « plus populaire » que quoi, exactement ?
[En témoigne la polémique qu’il y a eu lieu sur “l’islamo-gauchisme” et le recadrage de Mélenchon auprès d’Obono et de Garrido.]
D’abord, je ne vois pas très bien en quoi la polémique sur l’islamo-gauchisme « témoignerait » du fait que la FI a un projet souverainiste. Ensuite, je n’ai pas souvenir que Mélenchon ait « recadré » Obono ou Garrido. Pourriez-vous donner une référence ?
Je te rejoins que JLM ne veut absolument pas sortir de l’UE et est dans ce cadre pas souverainiste. Cependant lors de sa campagne il a sorti les vieux oripeaux de la France éternelle et il a su parler de solidarité et de protection des travailleurs, là où le Front National s’est enfermé dans un économisme pur. De nombreux intellectuels dit souverainiste, comme Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Regis Debray lui ont d’ailleurs apporté leurs voix. Pour avoir discuté avec des militants de la FI, je les ai trouvé beaucoup plus sensé de ce à quoi je m’attendais, même si je ne prétend pas qu’ils sont représentatif. Lors des dernières polémiques, Mélenchon a préféré ménagé la chèvre et le choux, mais Garrido a été dissocié du mouvement pour d’autres raisons, et on entend beaucoup moins Obono, ce qui est entre nous une très bonne nouvelle. J’aimerai bien par ailleurs connaître ton avis sur l’affaire qui a opposé Médiapart et Charlie Hebdo.
@ laurent
[Je te rejoins que JLM ne veut absolument pas sortir de l’UE et est dans ce cadre pas souverainiste.]
Ni dans ce cadre, ni dans aucun autre. Pendant trente ans Mélenchon a été fidèle à la vision mitterrandienne d’une Europe fédérale. En 1992, il a appelé à voter « oui » à Maastricht au nom d’une idée de l’Europe franchement supranationale mais qui serait en même temps sociale et protectrice. Et il est toujours dans la même logique : n’ayant pas admis que l’Europe de ses rêves est tout simplement irréalisable, il croit toujours qu’une « réforme » de l’UE qui s’approcherait de cet idéal est possible. D’où son insistance sur le « plan A », le « plan B » n’étant là que pour faire plaisir à une partie de son électorat.
[Cependant lors de sa campagne il a sorti les vieux oripeaux de la France éternelle (…)]
Pourriez-vous donner un exemple ? De quels « oripeaux » parlez-vous ?
[et il a su parler de solidarité et de protection des travailleurs (…)]
Oui, comme Mitterrand en 1981. On sait ou cela nous a mené.
[là où le Front National s’est enfermé dans un économisme pur.]
Là encore, j’aimerais que vous illustriez cette affirmation par un exemple. Franchement, le FN peut être accusé de beaucoup de péchés, mais celui « d’économisme » n’est pas celui qui me vient à l’esprit.
[De nombreux intellectuels dit souverainiste, comme Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Regis Debray lui ont d’ailleurs apporté leurs voix.]
Je ne voudrais pas être méchant, mais je me souviens que Todd en son temps a jugé que le candidat Hollande pourrait être l’homme qui sortirait la France de l’Euro, et que Régis Debray a apporté en son temps sa voix à Maastricht. Comme exemples de clairvoyance, on a fait mieux. Qu’un certain nombre de souverainistes – comme Sapir – se soient convaincus faute de mieux que Mélenchon pouvait être leur champion, c’est un fait. Mais cela ne fait pas de Mélenchon un « souverainiste ».
[Pour avoir discuté avec des militants de la FI, je les ai trouvé beaucoup plus sensé de ce à quoi je m’attendais, même si je ne prétends pas qu’ils sont représentatif.]
On ne doit pas fréquenter les mêmes… ou alors on n’a pas tout à fait le même niveau d’attente.
[Lors des dernières polémiques, Mélenchon a préféré ménagé la chèvre et le choux, mais Garrido a été dissocié du mouvement pour d’autres raisons, et on entend beaucoup moins Obono, ce qui est entre nous une très bonne nouvelle.]
Je vous trouve bien optimiste… dans le cas de Garrido, il s’est passé quelque chose que personne n’avait vraiment pointé avant les élections législatives. Alors que tous les membres de la garde rapprochée de Mélenchon ont eu droit à une circonscription, Garrido n’a pas été candidate. On aurait pu penser qu’il s’agissait d’un choix personnel, mais sa rupture avec la FI a peine quelques semaines après l’élection semblent indiquer qu’il y a eu un conflit plus profond. Etant donné le fonctionnement sectaire de la FI, nous ne le saurons probablement jamais…
En ce qui concerne Obono, j’avoue que je ne suis pas trop ce qui se passe sur tweeter. Mais il y a dans notre système un effet d’accoutumance : la première fois qu’un politique dit une énormité, ça fait la une. Mais quand cela devient une habitude, plus personne ne remarque.
[J’aimerai bien par ailleurs connaître ton avis sur l’affaire qui a opposé Médiapart et Charlie Hebdo.]
J’ai une antipathie profonde pour Edwy Plenel. C’est un homme qui aime le pouvoir, et qui est prêt à n’importe quelle bassesse pour l’avoir. Il faut relire « La face cachée du Monde » de Péan et Cohen pour se souvenir ce que furent les turpitudes du couple Plenel-Colombani lorsque le premier dirigeait la rédaction du Monde et le deuxième le journal. Depuis, Plenel a créé Médiapart, ce journal de caniveau qui prétend se faire passer pour l’épitomé du « vrai » journalisme, et donne des leçons de vertu à la terre entière tout en étant systématiquement du côté ou la soupe est la meilleure.
Charlie Hebdo n’est pas non plus ma tasse de thé en termes journalistiques, mais il faut leur reconnaître le courage d’avoir défendu leurs opinions envers et contre tous. Et si leur côté « anar » m’énerve, je pense qu’ils ont compris bien plus profondément les dangers du modèle communautariste que Plenel ou la « gauche radicale ».
Je vous remercie de votre réponse.
Je commencerai par vous répondre sur le FN. Je parlais bien sûr de la ligne Philippot qui en voulant se dédiaboliser à oublier de parler des valeurs qui constituait le FN. Le souverainiste ne peut se résumer à l’indépendance du pays et il faut aussi savoir parler d’identité, de nation, de socle commun qui fonde la solidarité. A ces questions notre brave Philippot s’est contenté d’apporté des réponses techniques. Sur ce plan là, Mélenchon a été plus malin en reprenant une vision de l’histoire de France, et en revendiquant l’héritage de la commune et de la révolution française. Il a fait chanter la marseillaise lors de ces réunions et agiter le drapeau français. Je pense que les français ont envies de renouer avec leurs passés.
Pour l’affaire Edwy Plenel/Charlie Hebdo, vous ne m’avez pas répondu sur le fond. J’y voyais une nouvelle ligne de fracture de la gauche ou un règlement de compte, mais où les aboutissements m’échappent. J’attendrai d’en savoir plus pour me prononcer.
@ Laurent, Descartes
Puis-je vous conseiller la lecture de cette interview récente de JL Mélenchon fort éclairante pour sa position envers l’UE ?
https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0301004330722-jean-luc-melenchon-je-suis-un-independantiste-francais-2137436.php
Son amour nouveau pour le terme “indépendance” est à rapprocher de ses félicitations aux “natio” corses :
https://www.marianne.net/politique/election-territoriale-en-corse-les-etonnantes-felicitations-de-melenchon-aux-nationalistes
@ laurent
[Je commencerai par vous répondre sur le FN. Je parlais bien sûr de la ligne Philippot qui en voulant se dédiaboliser à oublier de parler des valeurs qui constituait le FN. Le souverainiste ne peut se résumer à l’indépendance du pays et il faut aussi savoir parler d’identité, de nation, de socle commun qui fonde la solidarité. A ces questions notre brave Philippot s’est contenté d’apporté des réponses techniques. Sur ce plan là, Mélenchon a été plus malin en reprenant une vision de l’histoire de France, et en revendiquant l’héritage de la commune et de la révolution française. Il a fait chanter la marseillaise lors de ces réunions et agiter le drapeau français. Je pense que les français ont envies de renouer avec leurs passés.]
Parce que vous trouvez que dans les meetings du FN on ne chante pas « La Marseillaise » et on n’agite pas le drapeau français ? J’ai l’impression que vous avez une vision un peu réductrice du discours du FN. Philippot était relativement discret dans sa référence à l’identité française, de nation, de socle commun parce que ces questions sont tellement constitutives de l’image du FN qu’il n’était point besoin d’insister là-dessus. C’est d’ailleurs pour cela que lorsque dans les meetings du FN on chante « La Marseillaise » et on agite le drapeau tricolore, personne n’est surpris.
Pour Mélenchon, c’est une tout autre histoire. De par sa trajectoire personnelle et de l’électorat qu’il vise, l’hymne et le drapeau national ne sont pas des évidences. Alors, quand il décide de les y inclure, cela se voit. On voit bien d’ailleurs que dans son discours « identitaire », Mélenchon se tient prudemment à des références historiques acceptables par cette « gauche radicale » qu’il courtise. Il fait référence à la commune, à la Révolution, mais se garde bien de parler de Napoléon, de Colbert ou de Richelieu.
[Pour l’affaire Edwy Plenel/Charlie Hebdo, vous ne m’avez pas répondu sur le fond.]
Je n’ai pas été très clair, alors. Cette affaire révèle bien une ligne de fracture, mais cette ligne de fracture n’est pas nouvelle, celle qui sépare une gauche héritière des Lumières d’une autre gauche romantique et « libérale-libertaire ». Ce qui est plus extraordinaire, c’est la transformation de « Charlie », qui fut en son temps à l’avant-garde de la gauche romantique et libertaire, en exposant de la gauche illuministe. Comme pour Voltaire, cette transformation s’est faite sur le sujet du droit au blasphème…
@ morel
[Puis-je vous conseiller la lecture de cette interview récente de JL Mélenchon fort éclairante pour sa position envers l’UE ? (…)]
Merci, en effet, elle est très éclairante. Probablement l’élément le plus révélateur est sa comparaison du « plan B » avec la dissuasion nucléaire. En d’autres termes, une arme qui ne sera jamais utilisé, qui n’est là que pour faire accepter le « plan A ». Mélenchon confirme donc dans cet entretien mon analyse: son véritable projet, celui qu’il voudrait voir mis en oeuvre, c’est bien le « plan A ». Le déclenchement du « plan B » serait comme le déclenchement de la force de dissuasion, c’est à dire, un échec politique.
J’ajoute que Mélenchon prononce une autre formule très révélatrice de son éloignement de tout « souverainisme ». Il s’agit de la phrase suivante: « Dans les années 1990, je militais pour un vrai fédéralisme. J’appelais à une constituante européenne. Mais j’ai réalisé, en 2005 [lors du référendum sur la constitution européenne, NDLR], que cette voie était impossible ». Notez bien que si Mélenchon a renoncé à défendre un « vrai fédéralisme », ce n’est pas parce qu’il ne l’estime plus SOUHAITABLE, mais parce qu’il ne l’estime pas POSSIBLE. Or, cette distinction est très importante, parce qu’elle montre que l’objectif européen de Mélenchon est toujours une Europe fédérale. Il n’y a que la « voie » pour y parvenir qui a changé.
[Son amour nouveau pour le terme “indépendance” est à rapprocher de ses félicitations aux “natio” corses :]
J’avoue que je n’ai toujours pas compris sa réaction.
[Parce que vous trouvez que dans les meetings du FN on ne chante pas « La Marseillaise » et on n’agite pas le drapeau français ? J’ai l’impression que vous avez une vision un peu réductrice du discours du FN. Philippot était relativement discret dans sa référence à l’identité française, de nation, de socle commun parce que ces questions sont tellement constitutives de l’image du FN qu’il n’était point besoin d’insister là-dessus. C’est d’ailleurs pour cela que lorsque dans les meetings du FN on chante « La Marseillaise » et on agite le drapeau tricolore, personne n’est surpris.]
Lors de sa dernière campagne, j’ai trouvé Marine Le Pen moins virulente. On était loin de « l’umps » de 2012.
[Pour Mélenchon, c’est une tout autre histoire. De par sa trajectoire personnelle et de l’électorat qu’il vise, l’hymne et le drapeau national ne sont pas des évidences. Alors, quand il décide de les y inclure, cela se voit. On voit bien d’ailleurs que dans son discours « identitaire », Mélenchon se tient prudemment à des références historiques acceptables par cette « gauche radicale » qu’il courtise. Il fait référence à la commune, à la Révolution, mais se garde bien de parler de Napoléon, de Colbert ou de Richelieu. ]
On est bien d’accord. Je trouve dommage qu’il n’aille pas plus loin. Je voudrai que la gauche puisse se réconcilier avec la nation.
[Je n’ai pas été très clair, alors. Cette affaire révèle bien une ligne de fracture, mais cette ligne de fracture n’est pas nouvelle, celle qui sépare une gauche héritière des Lumières d’une autre gauche romantique et « libérale-libertaire ». Ce qui est plus extraordinaire, c’est la transformation de « Charlie », qui fut en son temps à l’avant-garde de la gauche romantique et libertaire, en exposant de la gauche illuministe. Comme pour Voltaire, cette transformation s’est faite sur le sujet du droit au blasphème… ]
Je ne vois pas très bien ce que vous appelez la gauche illuministe, mais je suis heureux de voir que les lignes évoluent.
Morel, merci pour vos articles. Il n’y a rien de très nouveau, Mélenchon ne fait que reprendre ce qu’il disait pendant sa campagne, en étant beaucoup plus sévère envers l’UE. J’espère que la réalité des faits va le rattraper.
« J’avoue que je n’ai toujours pas compris sa réaction. »
Même si je ne faisait pas d’illusion sur Mélenchon, j’avoue que je le pensais beaucoup plus républicain sur le régionalisme et l’indépendantisme.
A ce stade, j’en reste au constat qui éclaire singulièrement sur ce qu’il appelle le « dégagisme »…
Selon l’article, il doit rencontrer les « natio », a suivre…
NB : ces derniers ivres de leur « victoire » exigent des « négociations » en mettant en avant comme
revendications jugées « essentielles » : co-officialité du corse et statut de « résident » contraire à la République et à la constitution et… la libération des « emprisonnés politiques » dont les assassins du préfet Erignac. Basta !
Je reviens sur ma réponse sur le Fn, je n’ai pas été assez clair. Dans sa volonté de se construire une légitimité, Marine Le Pen a gommé toute les aspérités, allant jusqu’à se présenter sur son prénom. Beaucoup d’anciens du Fn le lui ont reproché, ne reconnaissant pas leur vieux parti.
@ laurent
[Lors de sa dernière campagne, j’ai trouvé Marine Le Pen moins virulente. On était loin de « l’umps » de 2012.]
Sans aucun doute. C’était dans la logique de la « mutation » que Philippot cherchait à imprimer : en finir avec les débordements poujadistes et faire du FN une organisation tenant un discours raisonnable et rationnel. Malheureusement, le naturel qu’il a cherché à chasser est revenu au galop à la première opportunité.
[On est bien d’accord. Je trouve dommage qu’il n’aille pas plus loin. Je voudrai que la gauche puisse se réconcilier avec la nation.]
Le PCF l’avait tenté en son temps, lorsque Thorez parlait « du mariage du drapeau rouge et du drapeau tricolore », suivant en cela Marx qui n’avait pas hésité à rejeter le manichéisme des socialistes utopiques pour qualifier la bourgeoisie de « classe révolutionnaire ». Mais la tradition anarcho-syndicaliste est trop puissante en France pour que la gauche puisse sortir d’une vision manichéenne de l’histoire.
[Je ne vois pas très bien ce que vous appelez la gauche illuministe, mais je suis heureux de voir que les lignes évoluent.]
« Illuministe » est l’adjectif utilisé pour qualifier à ceux qui adhèrent à l’idéologie des Lumières.
Merci pour vos réponses. Elles ont pu m’éclairer. Pour l’instant je ne vois aucun parti politique capable de s’opposer à Macron. Ils sont trop divisés pour pouvoir l’emporter. Espérons que le paysage politique français se reconstitue dans le bon sens. Je continue à vous suivre avec intérêt sur votre blog.
@ morel
[Même si je ne faisait pas d’illusion sur Mélenchon, j’avoue que je le pensais beaucoup plus républicain sur le régionalisme et l’indépendantisme.]
C’est du moins le discours qu’il a toujours tenu. C’est pourquoi je trouve bizarre qu’il se mette du côté des indépendantistes, et que j’aimerais comprendre ses motivations. J’avoue que je n’ai pas d’explication… sauf peut-être que son tropisme « contestataire » le conduit souvent à prendre position pour « petits » contre les « grands ». Hier ce réflexe l’a conduit à faire du « petit » Kerviel le novel héros du prolétariat. Aujourd’hui, ce sont les « petits » indépendantistes contre le méchant Etat. Il faut ajouter que la victoire des indépendantistes se traduit mécaniquement par une contreperformance des forces alliées au PCF. Encore une opportunité pour Mélenchon de savourer une défaite de son ennemi héréditaire…
Il y a, bien évidement, un côté triomphal relatif à la liste PCF + ex-insoumis (voir le long développement à ce sujet dans le paragraphe de fin du billet 🙂
https://melenchon.fr/2017/12/04/le-lendemain-de-lemission/
mais je ne pense pas que cela soit suffisant pour expliquer son attitude
J’avais exprimé dans un billet précédent que JLM pensait probablement que le moment politique était celui du « débalayage » des anciennes formations politiques.
Ma réflexion me conduit à le raccorder à son « dégagisme » et le fait de promouvoir un « mouvement » plutôt qu’un parti (même s’il peut y trouver d’autres avantages, mais ce n’est pas mon sujet de réflexion).
Dans le billet cité : « Le dégagisme en Corse, c’est eux qui l’incarnent, à l’évidence. » eux = les « nationalistes ». En quelque sorte, un mouvement souhaitable/inévitable qui s’est traduit là-bas de cette façon.
Suite dans le billet : « Et c’est un dégagisme positif. Car il a un contenu, un projet de dépassement de la situation actuelle. Il génère localement un enthousiasme et un optimisme fédérateur. Car le dégagisme n’est pas toujours vide de contenu comme le rabâchent les esprits superficiels qui exècrent tout ce qui sort du cadre prévu. Je me réjouis d’avoir eu ce dialogue amical avec les députés autonomistes à Paris. Il m’a permis, ainsi qu’à mes collègues du groupe parlementaire, de prendre la mesure de ce qui s’engageait sur place dans les rangs autonomistes. J’ai su qu’ils réclament l’autonomie dans le cadre de la Constitution et de la République. Et je n’y vois pas d’inconvénients. En tous cas moins que dans le déni. »
Applaudir au « mouvement » de « renversement de table » nécessairement investi d’un contenu « positif » quitte à la parer de couleurs républicaines, ce qu’il n’est assurément pas, il est le contraire.
Voilà ma tentative d’explication, certes sans doute imparfaite.
Qu’en pensez-vous ?
@ laurent
[Dans sa volonté de se construire une légitimité, Marine Le Pen a gommé toute les aspérités, allant jusqu’à se présenter sur son prénom. Beaucoup d’anciens du Fn le lui ont reproché, ne reconnaissant pas leur vieux parti.]
C’est vrai. Mais si elle avait gommé certaines aspérités (le centrage obsessionnel sur l’immigration, la mise au rencart d’un certain nombre de symboles dont la « flamme » et le nom du parti,etc.) on ne peut lui reprocher d’avoir omis les références à la nation, le drapeau national, « La Marseillaise ». L’expérience « social-souverainiste » du FN, dont Philippot était l’animateur le plus visible, était une expérience de rupture, et comme toute rupture elle troublait des habitudes et menaçait des intérêts établis.
Comme toute expérience révolutionnaire, elle était sous la menace permanente d’une restauration. Que la restauration ait eu lieu ne lui enlève cependant pas ni son caractère révolutionnaire, ni son utilité. Beaucoup de militants du FN ont découvert qu’on pouvait défendre un certain nombre de valeurs nationales tout en restant attaché à une tradition sociale et républicaine. Et cela pourrait donner des choses intéressantes plus tard. Il faudra aussi garder un œil sur « Les Patriotes », même si pour le moment cela ressemble un peu trop à une expérience groupusculaire.
@ morel
[Dans le billet cité : « Le dégagisme en Corse, c’est eux qui l’incarnent, à l’évidence. » eux = les « nationalistes ». En quelque sorte, un mouvement souhaitable/inévitable qui s’est traduit là-bas de cette façon.]
Oui, mais soyons logiques : si Mélenchon est prêt à considérer favorablement tous ceux qui a un moment donné incarnent ce « mouvement souhaitable/inévitable », il devrait avoir la même réaction envers le Front National, qui lui aussi doit son succès en grande partie au réflexe « dégagiste »… Il est d’ailleurs remarquable de noter que Mélenchon est tout disposé à discuter avec le « nationalisme » Corse, celui qui demande la « préférence corse » à travers de l’officialité de la langue, le statut de résident ou la « corsisation des emplois ». Curieusement, ceux qui demandent la même chose au niveau de la France entière sont diabolisés par lui. Curieux, non ?
[Suite dans le billet : « Et c’est un dégagisme positif. Car il a un contenu, un projet de dépassement de la situation actuelle. Il génère localement un enthousiasme et un optimisme fédérateur. Car le dégagisme n’est pas toujours vide de contenu comme le rabâchent les esprits superficiels qui exècrent tout ce qui sort du cadre prévu (…) ».]
Donc, notez bien : le « dégagisme » de la « préférence corse » est « positif ». Dont acte.
[« (…) Je me réjouis d’avoir eu ce dialogue amical avec les députés autonomistes à Paris. Il m’a permis, ainsi qu’à mes collègues du groupe parlementaire, de prendre la mesure de ce qui s’engageait sur place dans les rangs autonomistes. J’ai su qu’ils réclament l’autonomie dans le cadre de la Constitution et de la République. Et je n’y vois pas d’inconvénients. En tous cas moins que dans le déni. »]
Mélenchon a du mal comprendre. Parce que les « autonomistes » a qui il a parlé demandent la co-officialité de la langue corse, et un « statut de résident », deux choses impossibles « dans le cadre de la Constitution ». Dans sa volonté de se présenter comme le fédérateur de toutes les oppositions, Mélenchon prend ses désirs pour des réalités.
[Applaudir au « mouvement » de « renversement de table » nécessairement investi d’un contenu « positif » quitte à la parer de couleurs républicaines, ce qu’il n’est assurément pas, il est le contraire.
Voilà ma tentative d’explication, certes sans doute imparfaite. Qu’en pensez-vous ?]
Je pense que, comme je l’ai dit plus haut, Mélenchon est prêt à tout pour se poser en fédérateur de toutes les oppositions. Et dans cette quête, il est prêt à dire – et à faire dire par ses acolytes – tout et son contraire, quitte à assumer les contradictions. Il y a Obono pour les « indigènes », et il y a Raffin pour les intello-bobo. Il y a le « plan A » pour les fédéralistes et le « plan B » pour les souverainistes. Il y a les discours jacobins un jour et les embrassades avec les autonomistes corses le suivant…
Là encore, pour comprendre Mélenchon il faut étudier Mitterrand. Car c’est de lui que le gourou a appris à jouer sur les ambiguïtés pour séduire les uns sans perdre les voix des autres.
« Oui, mais soyons logiques : si Mélenchon est prêt à considérer favorablement tous ceux qui a un moment donné incarnent ce « mouvement souhaitable/inévitable », il devrait avoir la même réaction envers le Front National, qui lui aussi doit son succès en grande partie au réflexe « dégagiste »… Il est d’ailleurs remarquable de noter que Mélenchon est tout disposé à discuter avec le « nationalisme » Corse, celui qui demande la « préférence corse » à travers de l’officialité de la langue, le statut de résident ou la « corsisation des emplois ». Curieusement, ceux qui demandent la même chose au niveau de la France entière sont diabolisés par lui. Curieux, non ? »
Bon, je ne suis pas dans la tête de Mélenchon mais j’essaie de comprendre « sa » logique au risque de me tromper d’où besoin d’échange.
Je crois que pour lui, le FN appartient au « vieux monde » donc à « dégager », le vote FN n’est pas un vote qui « génère un enthousiasme et un optimisme fédérateur » mais le fait d’aigris et de passéistes rageurs. A contrario, les « natio » corses drainent un public enthousiaste à l’université de Corte ou du pseudo syndicat STC.
Pour le reste, je crois qu’il sait lire les « revendications » des descendants du FNLC mais tient à les rendre « présentables », pense t-il que ce n’est qu’une étape du moment où le processus de « renversement de table » est en route ? Je ne sais.
« Je pense que, comme je l’ai dit plus haut, Mélenchon est prêt à tout pour se poser en fédérateur de toutes les oppositions. Et dans cette quête, il est prêt à dire – et à faire dire par ses acolytes – tout et son contraire, quitte à assumer les contradictions. Il y a Obono pour les « indigènes », et il y a Ruffin pour les intello-bobo. Il y a le « plan A » pour les fédéralistes et le « plan B » pour les souverainistes. Il y a les discours jacobins un jour et les embrassades avec les autonomistes corses le suivant… »
Pas faux non plus mais tant Obono que Ruffin ou Simeoni et Talamoni sont inscrits dans les « valeurs » d’une certaine vue idéologique de « gauche » : « anti-colonialisme », « intellectualisme-bobo », « droits des peuples à disposer d’eux-mêmes » et autres à leur sauce.
Enfin puisque JLM doit rencontrer les deux larrons corses, je lui suggère d’emmener sa spécialiste ès colonies, Obono, le dialogue sera fructueux (ah, j’oubliais, les corses ne sont pas des « racisés malgré le maure sur le drapeau !).
@ morel
[Je crois que pour lui, le FN appartient au « vieux monde » donc à « dégager », le vote FN n’est pas un vote qui « génère un enthousiasme et un optimisme fédérateur » mais le fait d’aigris et de passéistes rageurs. A contrario, les « natio » corses drainent un public enthousiaste à l’université de Corte ou du pseudo syndicat STC.]
Pour ce qui concerne l’appartenance au « vieux monde », il faut vraiement beaucoup de bonne volonté pour imaginer que les indépendantistes corses font partie du « nouveau monde ». Leurs dirigeants, Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni sont tous deux descendants de grandes familles comptant parmi elles de nombreux élus (sénateurs, maires) et hommes politiques, et arpentent depuis des décennies les couloirs de la politique corse, dans la plus vieille tradition clanique.
Pour ce qui concerne « l’enthousiasme et l’optimisme fédérateur », le nationalisme corse est aussi « passéiste » que celui du FN. On y retrouve le même « victimisme » aigri, et si on trouve plus d’enthousiasme chez les nationalistes corses que chez les supporteurs du FN, c’est que chez les Corses l’Etat tolère l’usage des armes et des explosifs contre les cibles des nationalistes, chose qui n’est pour le moment pas accordé au FN…
[Pour le reste, je crois qu’il sait lire les « revendications » des descendants du FNLC mais tient à les rendre « présentables »,]
C’est bien là le problème…
[Pas faux non plus mais tant Obono que Ruffin ou Simeoni et Talamoni sont inscrits dans les « valeurs » d’une certaine vue idéologique de « gauche » : « anti-colonialisme », « intellectualisme-bobo », « droits des peuples à disposer d’eux-mêmes » et autres à leur sauce.]
Oui. Mais il est utile de savoir que Mélenchon adhère – ou du moins essaye de récupèrer – cette « certaine vue idéologique de gauche », bien loin de son discours.
[Enfin puisque JLM doit rencontrer les deux larrons corses, je lui suggère d’emmener sa spécialiste ès colonies, Obono, le dialogue sera fructueux (ah, j’oubliais, les corses ne sont pas des « racisés malgré le maure sur le drapeau !).]
Remarquez, il pourra toujours entretenir ses interlocuteurs sur la manière dont les « racisés » sont traités sur l’Ile. Je suis sûr qu’ils auront des choses passionnantes à dire…
Descartes, Là où je me suis trompé, c’est que je n’ai pas vu que le souverainiste contient une composante identitaire, basé sur le respect de l’état et de ses institutions. Mais c’est une identité « à minima », qui organise le vivre ensemble, mais ne dit rien sur les valeurs sur lesquelles elle va se baser. On peut faire gréer à Mr Philippot d’avoir débarrassé le FN d’éléments trop poujadistes et de l’avoir préparé à prendre le pouvoir, même si il n’a pas su trouver un bon équilibre entre son électorat du Sud et son électorat de l’Est. Son avenir reste très incertain. Je ne pense pas que son mouvement est en mesure de peser seul. Après quelle stratégie il va adopter, va-t-il se tourner vers NDA, qui est plus partie vers une union des droites, où va-t-il retourner vers la gauche d’où il venait, je ne suis pas capable de le dire.
@ laurent
[Descartes, Là où je me suis trompé, c’est que je n’ai pas vu que le souverainiste contient une composante identitaire, basé sur le respect de l’état et de ses institutions.]
Si l’on prend « souverainisme » au sens moderne du terme, sans aucun doute. Depuis la Révolution française – mais on trouve déjà cette idée chez Hobbes – la souveraineté repose sur un contrat collectif. La souveraineté implique l’existence d’une collectivité politiquement constituée. Or, parler de collectivité pose la question de savoir quelles sont les règles qui permettent de considérer un individu membre de cette collectivité. Et c’est précisément cela l’identité collective : l’ensemble des éléments qui font de nous les membres – ou les non-membres – d’une collectivité.
Dans la conception héritée de la Révolution française, la souveraineté réside essentiellement dans la nation. Il est donc fondamental de définir quels sont les éléments qui font d’un individu particulier un membre de cette nation, avec les droits et les obligations qui s’y rattachent. Après, on peut discuter à l’infini sur les éléments en question : le respect de l’Etat et de ses institutions ? Oui, certainement, car on voit mal comment une nation qui n’aurait pas la capacité de se donner des institutions capables de matérialiser la volonté commune pourrait survivre. Mais il y a une infinité d’autres éléments : une filiation symbolique, une langue, une façon de vivre ensemble (ce que Finkielkraut appelle une « civilité »).
[Mais c’est une identité « à minima », qui organise le vivre ensemble, mais ne dit rien sur les valeurs sur lesquelles elle va se baser.]
Une identité individuelle peut se fonder sur des « valeurs ». Mais pas une identité nationale. Il y a en France des républicains et des royalistes. Il y a des bigots et des librepenseurs. Il y a des jacobins et des girondins. Il y a des racistes et des « diversitaires ». Fonder une identité nationale sur des « valeurs » devrait vous conduire logiquement à refuser la qualité de « français » à une large partie des habitants de la France… Par ailleurs, cela conduirait à d’étranges révisions rétroactives. Après tout, les droits de l’homme ne font partie de l’histoire de France que depuis deux siècles… faut-il refuser la qualité de français à tous ceux qui ne les ont pas connu ?
Non, l’identité nationale ne se construit pas sur des « valeurs ». Elle se construit à partir des éléments qui vous permettent de voir dans votre concitoyen un autre vous-même, envers qui vous vous reconnaissez des obligations de solidarité inconditionnelle réciproque, et cela alors même que vous ne partagez pas les mêmes « valeurs ».
Descartes, Vous avez raison de distinguer l’identité aux valeurs.
L’identité est ce qui nous constitue, les éléments qui déterminent notre personnalité. On ne peut pas lui apposer de valeurs. Dire si tel identité est supérieur ou inférieur à une autre est un non-sens. Elle est neutre par essence. Définir une identité commune est plus difficile. Elle suggère une communauté de mode de vie, de façon de pensée, de langue, etc…, qui rend la coexistence possible. La souveraineté est le contrat social qui lie l’individu à cette collectivité, et fait qu’il s’y reconnaît des droits et des devoirs.
Les valeurs relèvent plutôt du champ politique. Elles sont plus subjectives et font partie du champ de croyance de chacun. Les individus se reconnaissent dans tel groupe, dans tel camp politique selon leurs propres valeurs. On peut ainsi dire qu’il y a des valeurs de droite et des valeurs de gauche. Les militants des Républicains refusent de faire alliance avec le Fn car selon eux, ils ne partagent pas les mêmes valeurs.
Dire si tel objet relève du champ de domaine de l’identité ou des valeurs est parfois difficile. Lors du débat sur le mariage pour tous, les militants de droite considéraient l’affiliation et la famille traditionnel comme faisant partie de leur identité et refusaient qu’on y touche. La gauche arguait que aujourd’hui avec les familles recomposées et l’éclatement de la cellule familiale, les liens de parentés étaient beaucoup plus divers et on devait accepter qu’un enfant pouvait avoir qu’un seul parent ou plusieurs mères et plusieurs pères à la fois.
@ laurent
[L’identité est ce qui nous constitue, les éléments qui déterminent notre personnalité.]
C’est surtout ce qui nous différentie. Ce qui me permet de dire que moi c’est moi, et que l’autre c’est l’autre, et que nous sommes des personnes distinctes. Ca à l’air d’une tautologie, mais cela n’a rien d’évident. Le jeune enfant, par exemple, ne comprend pas cette différence. Il ne conçoit pas que l’autre puisse avoir des jouets ou même des sentiments qui ne sont pas les siens. L’idée que les autres ne sont pas comme nous et que leurs affaires ne sont pas les nôtres n’apparaît qu’au bout de plusieurs années de civilisation… Et matière d’identités collectives, c’est la même chose.
[Définir une identité commune est plus difficile. Elle suggère une communauté de mode de vie, de façon de pensée, de langue, etc…, qui rend la coexistence possible.]
Je ne parlerais pas « d’identité commune », qui suppose une identité individuelle partagée par tous les membres d’une collectivité, mais « d’identité collective », qui est autonome par rapport à l’identité individuelle. Ainsi, nous avons plusieurs identités « emboîtées » : une identite individuelle qui nous permet de nous constituer comme différents des autres, une identité familiale qui nous permet de nous constituer comme membres d’une famille différente des autres, une identité nationale qui nous permet de nous constituer comme membres d’une nation différente des autres, une identité humaine qui nous permet de nous constituer comme membres d’une espèce différente des autres… Mais j’insiste sur un point important : ces identités ne sont pas « multiples », elles sont « emboîtées » et donc hiérarchisées. On ne peut avoir deux identités concurrentes de même rang – par exemple appartenir à deux familles ou à deux nations – sans risque de schizophrénie…
[La souveraineté est le contrat social qui lie l’individu à cette collectivité, et fait qu’il s’y reconnaît des droits et des devoirs.]
Ne confondons pas. Le « contrat social » nous constitue en membres d’une collectivité, avec des droits et des devoirs. Mais la souveraineté, c’est autre chose : c’est le fait pour une collectivité constituée de ne reconnaître d’autre loi que la sienne.
[Dire si tel objet relève du champ de domaine de l’identité ou des valeurs est parfois difficile.]
J’avoue que je ne vois pas la difficulté. Les « valeurs » relèvent d’une qualification des comportements, d’un jugement moral. D’un côté les choses qui sont moralement permises et même encouragées, de l’autre celles qui sont moralement découragées ou même interdites. L’identité est une question de comportements, c’est-à-dire de ce qu’on fait effectivement indépendament de tout jugement. Ainsi, la « fidélité conjugale » est une « valeur » de notre société, alors même que la tendance à l’adultère ferait partie de notre « identité »….
[Lors du débat sur le mariage pour tous, les militants de droite considéraient l’affiliation et la famille traditionnel comme faisant partie de leur identité et refusaient qu’on y touche. La gauche arguait que aujourd’hui avec les familles recomposées et l’éclatement de la cellule familiale, les liens de parentés étaient beaucoup plus divers et on devait accepter qu’un enfant pouvait avoir qu’un seul parent ou plusieurs mères et plusieurs pères à la fois.]
Mais le débat portait non pas sur des « valeurs » – est-il « bon » ou « mauvais » qu’un enfant ait plusieurs mères ou pères – mais sur le fait de savoir s’il fallait sanctionner socialement une telle structure familiale en étendant le mariage – qui est une institution – à ce type de couples. La structure de la famille telle qu’elle existe dans la réalité fait partie de « l’identité » d’une société – c’est clairement quelque chose qui différentie les sociétés les unes des autres.
Votre exemple permet d’illustrer la différence qu’il y a entre le travail du moraliste et celui du législateur. Le premier pense en termes de “bon” ou “mauvais”, le deuxième en termes de ce qui est souhaitable ou possible. La morale condamne toujours l’adultère, alors que la loi ne l’incrimine plus…
[C’est surtout ce qui nous différentie. Ce qui me permet de dire que moi c’est moi, et que l’autre c’est l’autre, et que nous sommes des personnes distinctes. Ca à l’air d’une tautologie, mais cela n’a rien d’évident. Le jeune enfant, par exemple, ne comprend pas cette différence. Il ne conçoit pas que l’autre puisse avoir des jouets ou même des sentiments qui ne sont pas les siens. L’idée que les autres ne sont pas comme nous et que leurs affaires ne sont pas les nôtres n’apparaît qu’au bout de plusieurs années de civilisation… Et matière d’identités collectives, c’est la même chose.]
L’identité se définit par rapport à un autre, qui est distinct de nous. Cela ne nous dit pas comment elle se construit. Je sais que je suis différent d’un frère, d’un ami, d’un oncle ou d’une tante, car je n’ai pas les mêmes comportements, la même apparence, etc… mais cette identité est, indépendamment de moi. On a tous une personnalité propre, un mode de fonctionnement différent, mais on ne peut connaître cette essence, à part à contrario par rapport aux autres. L’altérité, c’est quand on reconnaît que l’autre existe indépendamment de soi, et que l’on lui doit quand même le respect.
[Je ne parlerais pas « d’identité commune », qui suppose une identité individuelle partagée par tous les membres d’une collectivité, mais « d’identité collective », qui est autonome par rapport à l’identité individuelle. Ainsi, nous avons plusieurs identités « emboîtées » : une identite individuelle qui nous permet de nous constituer comme différents des autres, une identité familiale qui nous permet de nous constituer comme membres d’une famille différente des autres, une identité nationale qui nous permet de nous constituer comme membres d’une nation différente des autres, une identité humaine qui nous permet de nous constituer comme membres d’une espèce différente des autres… Mais j’insiste sur un point important : ces identités ne sont pas « multiples », elles sont « emboîtées » et donc hiérarchisées. On ne peut avoir deux identités concurrentes de même rang – par exemple appartenir à deux familles ou à deux nations – sans risque de schizophrénie…]
Cette question peut être complexe, notamment dans le cas de binationaux qui appartiennent à deux cultures différentes, mais généralement ils doivent faire un arbitrage pour savoir laquelle est la plus importante pour eux.
[J’avoue que je ne vois pas la difficulté. Les « valeurs » relèvent d’une qualification des comportements, d’un jugement moral. D’un côté les choses qui sont moralement permises et même encouragées, de l’autre celles qui sont moralement découragées ou même interdites. L’identité est une question de comportements, c’est-à-dire de ce qu’on fait effectivement indépendament de tout jugement. Ainsi, la « fidélité conjugale » est une « valeur » de notre société, alors même que la tendance à l’adultère ferait partie de notre « identité »….]
La question est sur quel objet doit se porter la politique. Doit-il rester sur la gestion d’un « bien commun », qu’il soit matériel ou immatériel, ou doit-il s’emparer des questions de sociétés. Ces questions sont bien souvent complexe car par exemple sur l’immigration, le politique doit définir ce qu’est être français, en sachant que la droite et la gauche n’ont pas la même acceptation. Est ce que c’est le fait de respecter les mêmes normes et les mêmes règles, alors on ne peut parler d’identité collective. Comme disait un comique sur France 2 après l’émission sur Mélenchon, je suis français je paye mes impôts. Ou est ce que c’est tout un référentiel à une histoire, des traditions, une culture, que l’on a tous en commun. C’est un des reproches que faisaient les militants du Front National à Philippot, parler de valeurs est bien plus clivant, mais aussi plus mobilisateur que parler de souveraineté, qui ne relève pas de clivage partisan.
[Mais le débat portait non pas sur des « valeurs » – est-il « bon » ou « mauvais » qu’un enfant ait plusieurs mères ou pères – mais sur le fait de savoir s’il fallait sanctionner socialement une telle structure familiale en étendant le mariage – qui est une institution – à ce type de couples. La structure de la famille telle qu’elle existe dans la réalité fait partie de « l’identité » d’une société – c’est clairement quelque chose qui différentie les sociétés les unes des autres.
Votre exemple permet d’illustrer la différence qu’il y a entre le travail du moraliste et celui du législateur. Le premier pense en termes de “bon” ou “mauvais”, le deuxième en termes de ce qui est souhaitable ou possible. La morale condamne toujours l’adultère, alors que la loi ne l’incrimine plus…]
Le débat, au delà de la reconnaissance d’une situation de fait, que le modèle de la famille traditionnelle n’est pas la norme partout et qu’il peut exister d’autres systèmes familiaux, portait aussi sur la question de l’affiliation. Les opposants aux mariages pour tous considéraient que l’enfant devait rester le fruit d’un homme et d’une femme, et qu’il est bon pour sa construction psychique de connaître ses origines. Ils combattaient également la PMA et la GPA qui sont pour eux le contraire d’un progrès, une régression. Ces deux procédés si ils sont bien souvent possibles (à condition d’avoir l’argent pour), ne sont pas souhaitables. Les domaines de la morale et de la politique s’entrecoupent bien souvent.
@ laurent
[L’identité se définit par rapport à un autre, qui est distinct de nous. Cela ne nous dit pas comment elle se construit. Je sais que je suis différent d’un frère, d’un ami, d’un oncle ou d’une tante, car je n’ai pas les mêmes comportements, la même apparence, etc… mais cette identité est, indépendamment de moi.]
Ici, il faut faire attention au sens des mots, parce que la question est très subtile. Votre identité est bien « subjective ». Ce ne sont pas les comportements, l’apparence etc. qui font une identité, c’est la conscience que vous en avez. En ce sens, elle « dépend de vous ». Par contre, elle n’est pas « arbitraire », c’est-à-dire, vous ne pouvez pas la changer par une simple opération de la volonté. On ne « choisit » pas son identité, elle se construit à travers d’une histoire et d’une filiation.
[L’altérité, c’est quand on reconnaît que l’autre existe indépendamment de soi, et que l’on lui doit quand même le respect.]
Que vient faire le « respect » la dedans ? L’identité implique la reconnaissance qu’il existe un « autre » en dehors de moi. Le fait de le respecter ou de le mépriser ne fait rien à l’affaire.
[Cette question peut être complexe, notamment dans le cas de binationaux qui appartiennent à deux cultures différentes, mais généralement ils doivent faire un arbitrage pour savoir laquelle est la plus importante pour eux.]
Non, les binationaux « n’appartiennent pas à deux cultures ». Ils ont individuellement LEUR culture, qui est une culture composite. Un double national franco-algérien n’est pas culturellement français les jours pairs et culturellement algérien les jours impairs. Il est une synthèse des deux tous les jours. C’est à mon avis là que le discours « diversitaire » sur la « multiplicité des cultures » nie l’unité de la psyché humaine, et favorise une pensée schizophrène…
[La question est sur quel objet doit se porter la politique. Doit-il rester sur la gestion d’un « bien commun », qu’il soit matériel ou immatériel, ou doit-il s’emparer des questions de sociétés.]
En bon partisan des Lumières, je penche résolument pour la première réponse. Il faut une stricte séparation entre la sphère privée et la sphère publique. La société n’est légitime à faire des normes que dans la mesure où celles-ci sont nécessaires au bien commun. Mais elle n’a pas à réglementer les comportements privés. Or, la plupart des « questions de société » sont en fait des questions morales touchant ces comportements.
[Ces questions sont bien souvent complexe car par exemple sur l’immigration, le politique doit définir ce qu’est être français, en sachant que la droite et la gauche n’ont pas la même acceptation.]
La politique doit définir ce qu’est un « français » en droit, c’est-à-dire, qui est soumis aux obligations et concomitamment bénéficie des droits attachés à la condition de « français ». Mais elle n’a pas à dire ce qu’est un « français » du point de vue spirituel ou culturel. C’est là un terrain d’opinion.
[Est ce que c’est le fait de respecter les mêmes normes et les mêmes règles, alors on ne peut parler d’identité collective.]
Votre définition n’a pas de sens : de quelles « normes » et « règles » parlez-vous ? Du droit positif ? Des normes de politesse ? Dire « être français c’est respecter un ensemble de normes » n’a de sens que si vous délimitez le domaine des normes à respecter. Et c’est à que le problème commence…
Personnellement, je définis la nation comme la collectivité dont les membres sont liés par des liens de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Ce n’est donc pas le fait d’obéir aux mêmes normes qui caractérise le fait d’être français, mais l’adhésion à ce contrat. Ensuite, on peut se demander quels sont les éléments qui permettent cette adhésion. Une filiation historique, une langue partagée ? Certainement. Une forme de rapports sociaux, une « politesse » ? Aussi. Une ressemblance physique ? Ca aide certainement, mais des hommes sont morts pour a France – une manifestation éclatante de solidarité inconditionnelle et impersonnelle – tout en ayant la peau noire ou le nez crochu. Mais tous ces éléments ne sont pas constitutifs de l’identité elle-même, ce ne sont que les facteurs qui permettent de la constituer.
[C’est un des reproches que faisaient les militants du Front National à Philippot, parler de valeurs est bien plus clivant, mais aussi plus mobilisateur que parler de souveraineté, qui ne relève pas de clivage partisan.]
Certainement. Mais il faut choisir : le but est de « cliver » pour se faire plaisir, ou de gouverner le pays ? Si c’est de gouverner, une logique rassembleuse est bien plus productive qu’une logique clivante. Le projet de Philippot était gaullien en ce qu’il visait l’exercice réel du pouvoir, là ou les traditionnalistes du FN sont contents de gérer leur petit fonds de commerce électoral.
[Le débat, au-delà de la reconnaissance d’une situation de fait,]
Les institutions n’ont pas à « reconnaître une situation de fait ». Des gens de même sexe s’aiment ? Rien ne les empêche de vivre ensemble le reste de leur âge si ça leur chante. Cela n’est discuté par personne. Dans la sphère privée, chacun fait ce qu’il veut. La question est de savoir si la société doit INSTITUTIONNALISER cette « situation de fait ». Rien ne l’y oblige. Après tout, les cambriolages sont une « situation de fait » dans notre société, et personne ne propose de les rendre légaux, ou de donner au cambrioleur un droit légal sur son butin.
[que le modèle de la famille traditionnelle n’est pas la norme partout et qu’il peut exister d’autres systèmes familiaux,]
Je ne comprends pas très bien le rapport avec la question du mariage pour tous. Tout le monde « reconnaît » qu’il existe d’autres modèles de famille différents de notre « famille traditionnelle » : la polygamie, par exemple, figure déjà dans la Torah. De ce point de vue, le débat sur le « mariage pour tous » n’a rien apporté de bien nouveau.
Je pense que vous faites erreur dans votre interprétation. Ce qui était en cause dans le débat de la loi sur le « mariage pour tous » est le sens de l’institution même du mariage. Posez-vous la question : pourquoi la société s’est sentie obligée d’institutionnaliser l’union entre deux personnes ? Pourquoi ne laisse-t-on pas la décision de vivre ensemble sous un même toit en partageant biens et obligations à un simple contrat privé passé devant notaire et régi par le simple droit des contrats ? Tout simplement parce qu’il fallait protéger le mécanisme qui permet à la société de se reproduire, matériellement et socialement. Parce qu’il fallait protéger les intérêts de la génération à venir, alors qu’un contrat civil ne protège que les intérêts des contractants. L’institution du mariage est donc intimement liée à la question de la reproduction et de la filiation. Etendre cette institution a des couples qui par définition n’ont pas la capacité de se reproduire n’a donc pas de sens.
Mais nous vivons dans une société ou les individus n’acceptent pas la moindre limitation à leur volonté. C’est pourquoi on nous donne en exemple des amputés des jambes qui courent le marathon et des manchots qui jouent du piano – alors que la logique voudrait que ce soit l’inverse. Ces exemples deviennent emblématiques parce qu’ils représentent la capacité individuelle à refuser la réalité. Et de la même manière, les couples homosexuels veulent à tout prix être reconnus « comme les autres » alors précisément qu’ils sont différents.
[portait aussi sur la question de l’affiliation. Les opposants aux mariages pour tous considéraient que l’enfant devait rester le fruit d’un homme et d’une femme, et qu’il est bon pour sa construction psychique de connaître ses origines.]
Regardez comment vous-même formulez la question. La question n’est pas de savoir si l’enfant « doit rester le fruit d’un homme et une femme ». L’enfant EST le fruit d’un homme et d’une femme. C’est une réalité biologique. L’enfant né par PMA ou GPA reste le fruit d’un homme et d’une femme, qu’on le veuille ou non. L’idée qu’un enfant pourrait être le fruit de deux hommes ou de deux femmes est une fiction, une négation du réel. Quant à la question de « connaître ses origines », elle n’est pas l’objet du débat.
[Ils combattaient également la PMA et la GPA qui sont pour eux le contraire d’un progrès, une régression. Ces deux procédés si ils sont bien souvent possibles (à condition d’avoir l’argent pour), ne sont pas souhaitables. Les domaines de la morale et de la politique s’entrecoupent bien souvent.]
Encore une fois, je ne vois pas où ils s’entrecoupent. La politique doit se poser la question de savoir si une société ou la PMA et la GPA seront autorisées sera plus prospère, plus forte, plus agréable à vivre que l’inverse. La question « morale » lui est indifférente.
@ Descartes
[Ici, il faut faire attention au sens des mots, parce que la question est très subtile. Votre identité est bien « subjective ». Ce ne sont pas les comportements, l’apparence etc. qui font une identité, c’est la conscience que vous en avez. En ce sens, elle « dépend de vous ». Par contre, elle n’est pas « arbitraire », c’est-à-dire, vous ne pouvez pas la changer par une simple opération de la volonté. On ne « choisit » pas son identité, elle se construit à travers d’une histoire et d’une filiation.]
Je vous rejoins sur la nuance que vous y apporter.
J’ai poursuivie mes recherches sur l’identité. En gros il faut distinguer l’identité personnelle, qui est la représentation que je fais de moi, à l’identité sociale, qui correspond à la place que j’occupe dans la société. L’identité nationale rejoindrai la seconde définition. A cela viendra s’ajouter l’identité nucléaire, qui est la persistance de mon être dans le temps.
J’ai aussi trouvé l’idée d’identité politique de Jacques Sapir. Pour lui, ce serait l’ensemble des modalités qui rendent le combat politique possible. Ces modalités font aussi partie de notre culture. Je te mets quelques articles, où il saurait s’expliquer mieux que moi :
https://russeurope.hypotheses.org/6128
http://russeurope.hypotheses.org/5275
Je le rejoindrai assez dans ces analyses, mêmes si dans sa volonté d’unifier les différents courants du souverainisme, il ne prend pas suffisamment en considération certains aspects saillants.
[Que vient faire le « respect » la dedans ? L’identité implique la reconnaissance qu’il existe un « autre » en dehors de moi. Le fait de le respecter ou de le mépriser ne fait rien à l’affaire.]
La phrase exacte est «que je lui doit le même respect qu’à moi-même». La reconnaissance de l’autre comme un être singulier est un préalable pour éviter le conflit. L’humain a que trop tendance a exterminer tout ce qui est différent de lui. Le respect peut aussi consister en une stricte neutralité, mais je dois faire attention à ne pas enfreindre son espace personnel. Dans cette définition je m’opposais à l’idée que l’autre est un autre moi-même, ce qui n’a aucun sens.
[Non, les binationaux « n’appartiennent pas à deux cultures ». Ils ont individuellement LEUR culture, qui est une culture composite. Un double national franco-algérien n’est pas culturellement français les jours pairs et culturellement algérien les jours impairs. Il est une synthèse des deux tous les jours. C’est à mon avis là que le discours « diversitaire » sur la « multiplicité des cultures » nie l’unité de la psyché humaine, et favorise une pensée schizophrène…]
Je trouve cette analyse pertinente.
[En bon partisan des Lumières, je penche résolument pour la première réponse. Il faut une stricte séparation entre la sphère privée et la sphère publique. La société n’est légitime à faire des normes que dans la mesure où celles-ci sont nécessaires au bien commun. Mais elle n’a pas à réglementer les comportements privés. Or, la plupart des « questions de société » sont en fait des questions morales touchant ces comportements.
Personnellement, je définis la nation comme la collectivité dont les membres sont liés par des liens de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Ce n’est donc pas le fait d’obéir aux mêmes normes qui caractérise le fait d’être français, mais l’adhésion à ce contrat. Ensuite, on peut se demander quels sont les éléments qui permettent cette adhésion. Une filiation historique, une langue partagée ? Certainement. Une forme de rapports sociaux, une « politesse » ? Aussi. Une ressemblance physique ? Ca aide certainement, mais des hommes sont morts pour a France – une manifestation éclatante de solidarité inconditionnelle et impersonnelle – tout en ayant la peau noire ou le nez crochu. Mais tous ces éléments ne sont pas constitutifs de l’identité elle-même, ce ne sont que les facteurs qui permettent de la constituer.]
J’ai remarqué que vous étiez un «laicard». Pour moi, la nation ne doit pas résulter que d’un simple contrat. Elle doit aussi contenir une symbolique, qui agrège les membres d’une communauté. Les français se retrouvent autour de l’idée d’universalisme. Cette construction peut résulter autour d’un mythe, qui ne correspond pas toujours à la réalité, mais qui a le mérite de lier les individus. Régis Debray insistait sur l’importance du sacré, qui ne se décrète pas mais doit faire consensus au sein de la population. Je conçoit les risques de cette vision des choses, qui peut aboutir à un ethnocentrisme ou à des idées trop simplistes, mais bien faite, elle permet de jeter un cadre pour que des individus se construisent.
@ laurent
[J’ai poursuivie mes recherches sur l’identité. En gros il faut distinguer l’identité personnelle, qui est la représentation que je fais de moi, à l’identité sociale, qui correspond à la place que j’occupe dans la société. L’identité nationale rejoindrai la seconde définition.]
Je pense qu’il y a deux concepts bien différents, même si le mot utilisé est le même. D’un côté, il y a l’identité individuelle, c’est-à-dire, le processus qui nous permet de nous constituer comme personne en nous séparant des autres. De l’autre côté, il y a l’identité collective, qui est le processus par lequel nous nous reconnaissons membres d’une collectivité différente des autres collectivités. Même si les deux notions sont souvent confondues, les ressorts de l’une et de l’autre sont très différents.
[A cela viendra s’ajouter l’identité nucléaire, qui est la persistance de mon être dans le temps.]
Je n’ai pas compris ce que vous voulez dire.
[J’ai aussi trouvé l’idée d’identité politique de Jacques Sapir. Pour lui, ce serait l’ensemble des modalités qui rendent le combat politique possible.]
Vous me trouverez pinailleur, mais ce que Sapir appelle « l’identité politique » est en fait l’un des éléments d’une identité collective. C’est a manière dont les membres de la collectivité règlent collectivement leurs conflits, un élément de la culture politique.
[La phrase exacte est «que je lui doit le même respect qu’à moi-même». La reconnaissance de l’autre comme un être singulier est un préalable pour éviter le conflit. L’humain a que trop tendance a exterminer tout ce qui est différent de lui.]
Je pense que vous tombez ici victime d’un lieu commun. Non, l’humain n’a pas tendance « à exterminer tout ce qui est différent de lui », au contraire. Pratiquement toutes les civilisations humaines, pour ne donner qu’un exemple, ont des règles interdisant l’inceste et favorisant l’exogamie. L’humain, comme tous les animaux, a tendance à exterminer tout ce qui lui fait concurrence. C’est la loi de l’évolution qui veut ça. Mais la « différence » n’est pas un paramètre.
Encore une fois, l’identité – le fait de se reconnaître différent des autres – et le respect sont deux notions qui n’ont rien à voir.
[Dans cette définition je m’opposais à l’idée que l’autre est un autre moi-même, ce qui n’a aucun sens.]
Et bien, je ne suis pas d’accord. Pourquoi lorsqu’il y a un cyclone à Saint Martin ou une inondation à Toulouse je trouve parfaitement normal qu’on consacre le trésor commun à aider les victimes, alors que je n’ai pas la même réaction si le cyclone a lieu à Haiti, si l’inondation a lieu à Düsseldorf ? Qu’est ce qui fait que le sort du marseillais m’émeut plus que celui de l’haïtien ? La raison, c’est que je peux m’identifier avec le marseillais, que je peux m’imaginer à sa place. C’est en ce sens qu’il est un « autre moi-même ».
[J’ai remarqué que vous étiez un «laicard».]
Cela dépend du sens que vous donnez au mot « laïcard ». Je suis un défenseur intransigeant d’un système institutionnel laïque – c’est-à-dire, d’un système qui sans prendre position sur les questions de croyance, fonctionne sans aucune référence à une puissance surnaturelle. Pour moi, les croyances de nature religieuse ou spirituelle sont une affaire privée, et qui doit être fermement bannie de la sphère publique. Par contre, je ne fais pas la confusion entre religion et culture, et je ne trouve pas qu’il soit positif ou progressiste de chercher à occulter le rôle que les institutions religieuses ont joué dans notre histoire. Je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’on joue une cantate de Bach dans une mairie ou qu’on exhibe des tableaux aux motifs religieux au Louvre. Ces objets ont cessé d’avoir un contenu religieux et font partie de notre héritage culturel, dont jouissent tous les citoyens quelque soient leurs croyances. Vous savez, parmi les plus grands interprètes de Bach il y a beaucoup de juifs…
[Pour moi, la nation ne doit pas résulter que d’un simple contrat. Elle doit aussi contenir une symbolique, qui agrège les membres d’une communauté.]
L’un ne contredit pas l’autre. Lorsqu’on parle de « contrat » comme fondement de la nation il ne s’agit pas d’un contrat au sens commercial du terme. Si ce terme est apparu, c’est pour différentier deux théories politiques. Pour faire vite, la notion médiévale de la souveraineté reposait sur une logique religieuse. Dieu avait séparé les différents peuples, et leur avait donné des chefs – la noblesse – et des pasteurs – le clergé – pour les guider. Et puis Hobbes apparut, et dit : « non, si les gens suivent un prince et obéissent ses lois, c’est parce que celui-ci leur assure en échange protection, non seulement contre l’extérieur, mais contre leurs voisins ». En d’autres termes, il s’agit d’un accord donnant-donnant entre le prince et le sujet, d’où le terme de « contrat ».
Mais il est évident que ce contrat est une abstraction. En pratique, cette adhésion se manifeste à travers d’un appareil symbolique très complexe qui permet de corporiser cette abstraction, de lui donner une consistance. Dans certains pays, on fait prononcer aux enfants un « serment d’allégeance » à l’école, qui manifeste une adhésion « volontaire » à ce contrat.
[Les français se retrouvent autour de l’idée d’universalisme. Cette construction peut résulter autour d’un mythe, qui ne correspond pas toujours à la réalité, mais qui a le mérite de lier les individus.]
Je vous trouve bien idéaliste Les français se retrouvent d’abord autour d’une sociabilité, qui leur est très particulière et qui n’existe nulle part ailleurs. C’est à travers d’un rapport à la nourriture, au sexe, au plaisir en général que les français se retrouvent et se reconnaissent. Une fois le ventre plein, oui, les français se retrouvent autour d’un universalisme profondément laïc – il faut aller vivre à l’étranger pour voir à quel point la psyché française fait abstraction de dieu…
[Régis Debray insistait sur l’importance du sacré, qui ne se décrète pas mais doit faire consensus au sein de la population.]
Je partage tout à fait la vision de Debray sur ce point.
@ laurent
[Je pense qu’il y a deux concepts bien différents, même si le mot utilisé est le même. D’un côté, il y a l’identité individuelle, c’est-à-dire, le processus qui nous permet de nous constituer comme personne en nous séparant des autres. De l’autre côté, il y a l’identité collective, qui est le processus par lequel nous nous reconnaissons membres d’une collectivité différente des autres collectivités. Même si les deux notions sont souvent confondues, les ressorts de l’une et de l’autre sont très différents.]
Attention, l’identité de l’individu est constitué de son identité personnelle, la liste de ses attributs, et de la place qu’il occupe dans la société, son identité sociale. L’identité nucléaire est le fait qu’un être reste le même à travers le temps, qu’un arbre reste un arbre, une voiture une voiture, etc… quel que soit les modifications qu’on y apporte. Rien de plus.
Je n’ai pas parlé de l’identité collective car cela nous mènera à un autre débat, est-ce qu’un groupe peut se faire une représentation objective de lui-même, où est ce que c’est un agrégat d’individu possédant des caractéristique communes.
[Vous me trouverez pinailleur, mais ce que Sapir appelle « l’identité politique » est en fait l’un des éléments d’une identité collective. C’est a manière dont les membres de la collectivité règlent collectivement leurs conflits, un élément de la culture politique.]
Il semble avoir une lecture marxiste de l’histoire, comme quoi une identité politique sera la convergence des luttes de classes qui formeront la société. Il ne parle pas suffisamment d’autres critères, qui seront l’ethnicité, la géographie, la religion…
[Je pense que vous tombez ici victime d’un lieu commun. Non, l’humain n’a pas tendance « à exterminer tout ce qui est différent de lui », au contraire. Pratiquement toutes les civilisations humaines, pour ne donner qu’un exemple, ont des règles interdisant l’inceste et favorisant l’exogamie. L’humain, comme tous les animaux, a tendance à exterminer tout ce qui lui fait concurrence. C’est la loi de l’évolution qui veut ça. Mais la « différence » n’est pas un paramètre.
Encore une fois, l’identité – le fait de se reconnaître différent des autres – et le respect sont deux notions qui n’ont rien à voir.]
Je parlais de l’altérité, qui implique la reconnaissance de l’autre. Je peux prendre l’exemple de deux combattants qui si ils luttent pour des idées opposés, peuvent reconnaître la valeur de l’autre et son droit à l’exprimer. L’affronter à armes égales est même le signe d’une reconnaissance de l’autre.
[Et bien, je ne suis pas d’accord. Pourquoi lorsqu’il y a un cyclone à Saint Martin ou une inondation à Toulouse je trouve parfaitement normal qu’on consacre le trésor commun à aider les victimes, alors que je n’ai pas la même réaction si le cyclone a lieu à Haiti, si l’inondation a lieu à Düsseldorf ? Qu’est ce qui fait que le sort du marseillais m’émeut plus que celui de l’haïtien ? La raison, c’est que je peux m’identifier avec le marseillais, que je peux m’imaginer à sa place. C’est en ce sens qu’il est un « autre moi-même ».]
On ne va pas partir sur l’empathie, déjà que vous me refusez le mot respect. Quand je reconnais l’autre, ce n’est pas le fait d’avoir des caractéristiques communes qui détermine cette reconnaissance, mais le fait que l’autre aussi à une volonté propre, qu’il soit capable de juger de ses actes. On partage bien sûr cette composante, mais je peux très bien reconnaître quelque chose avec qui je n’ai aucune autre caractéristique commune.
[L’un ne contredit pas l’autre. Lorsqu’on parle de « contrat » comme fondement de la nation il ne s’agit pas d’un contrat au sens commercial du terme. Si ce terme est apparu, c’est pour différentier deux théories politiques. Pour faire vite, la notion médiévale de la souveraineté reposait sur une logique religieuse. Dieu avait séparé les différents peuples, et leur avait donné des chefs – la noblesse – et des pasteurs – le clergé – pour les guider. Et puis Hobbes apparut, et dit : « non, si les gens suivent un prince et obéissent ses lois, c’est parce que celui-ci leur assure en échange protection, non seulement contre l’extérieur, mais contre leurs voisins ». En d’autres termes, il s’agit d’un accord donnant-donnant entre le prince et le sujet, d’où le terme de « contrat ».
Mais il est évident que ce contrat est une abstraction. En pratique, cette adhésion se manifeste à travers d’un appareil symbolique très complexe qui permet de corporiser cette abstraction, de lui donner une consistance. Dans certains pays, on fait prononcer aux enfants un « serment d’allégeance » à l’école, qui manifeste une adhésion « volontaire » à ce contrat.]
Je crois que l’on ne sera pas d’accord sur le terme nation, mais c’est tout à fait normal. Si la droite et la gauche s’entendent sur l’existence de la nation, ils ne mettent pas la même acceptation derrière. On retourne à notre point de départ. La politique ne serait pas l’idée que l’on partage les mêmes croyances, mais l’établissement d’un consensus sur un certain nombre de règles qui rendent possible la vie en société. Ce consensus varient au travers du temps et peut être l’aboutissement de luttes violentes. Des notions comme la laïcité, la démocratie font aussi partie de ce consensus.
@ laurent
[Attention, l’identité de l’individu est constitué de son identité personnelle, la liste de ses attributs, et de la place qu’il occupe dans la société, son identité sociale. L’identité nucléaire est le fait qu’un être reste le même à travers le temps, qu’un arbre reste un arbre, une voiture une voiture, etc… quel que soit les modifications qu’on y apporte. Rien de plus.]
Là, je ne vous suis plus. L’identité d’un individu n’est pas un caractère objectif. Ce n’est pas votre langue, votre culture, vos « attributs », votre position dans la société qui fait votre identité. C’est la PERCEPTION que vous en avez. L’identité est une PERCEPTION de votre rapport aux autres, et non une réalité objective. Prenez par exemple la langue : pour une population qui est en contact avec d’autres qui parlent des langues différentes, la langue est souvent un élément de l’identité. Mais pour une communauté qui n’est en contact qu’avec des communautés qui parlent la même langue, ce n’est pas le cas.
Quant à l’idée qu’un être reste « le même à travers le temps », je ne vois pas très bien l’utilité du concept. D’autant plus que les êtres ne restent pas « les mêmes » au cours du temps. Un arbre reste certainement un arbre, mais un bébé ne reste pas un bébé.
[Je n’ai pas parlé de l’identité collective car cela nous mènera à un autre débat, est-ce qu’un groupe peut se faire une représentation objective de lui-même, où est ce que c’est un agrégat d’individu possédant des caractéristique communes.]
Une représentation ne peut jamais être « objective » : elle n’existe que dans a tête de ceux qui y adhèrent. Et oui, il est clair qu’une collectivité peut se faire une représentation d’elle-même. Nous adhérons tous à une « représentation » du Français (qui aime la bonne chère et la bagatelle) même lorsqu’elle ne correspond pas à nos inclinations personnelles.
[Il semble avoir une lecture marxiste de l’histoire, comme quoi une identité politique sera la convergence des luttes de classes qui formeront la société. Il ne parle pas suffisamment d’autres critères, qui seront l’ethnicité, la géographie, la religion…]
Pas tout à fait. Pour les marxistes – et d’une manière générale, pour les matérialistes – les représentations sont dialectiquement liés aux rapports de production. Il ne s’agit pas de nier l’importance de l’ethnicité, de la géographie, de la religion, mais de comprendre que la manière dont ces éléments sont intégrés à une identité est dialectiquement liée au rapport de classes. Les maitres d’esclaves blancs n’avaient pas le même rapport à leur couleur de peau que les esclaves noirs…
[Je parlais de l’altérité, qui implique la reconnaissance de l’autre. Je peux prendre l’exemple de deux combattants qui si ils luttent pour des idées opposés, peuvent reconnaître la valeur de l’autre et son droit à l’exprimer. L’affronter à armes égales est même le signe d’une reconnaissance de l’autre.]
Mais vous le dites vous-même : deux combattants luttant pour des idées opposées PEUVENT reconnaître la valeur de l’autre… ou pas. Et le fait de ne pas le reconnaître ne fait pas obstacle à « l’altérité ».
[On ne va pas partir sur l’empathie, déjà que vous me refusez le mot respect. Quand je reconnais l’autre, ce n’est pas le fait d’avoir des caractéristiques communes qui détermine cette reconnaissance, mais le fait que l’autre aussi à une volonté propre, qu’il soit capable de juger de ses actes. On partage bien sûr cette composante, mais je peux très bien reconnaître quelque chose avec qui je n’ai aucune autre caractéristique commune.]
Mais je répète la question : pourquoi je « reconnais » à l’habitant de Marseille le droit de recevoir de l’aide provenant de la bourse commune, et pas à l’habitant de Düsseldorf ? Pourtant, l’un et l’autre ont comme vous dites « une volonté propre, la capacité de juger de ses actes ». Alors, pourquoi mon « empathie » va à l’un plutôt qu’à l’autre ?
[Je crois que l’on ne sera pas d’accord sur le terme nation, mais c’est tout à fait normal. Si la droite et la gauche s’entendent sur l’existence de la nation, ils ne mettent pas la même acceptation derrière.]
Je vous fais amicalement observer que je vous ai proposé ma définition. Quelle est la vôtre ?
@Descartes,
Je vais essayer d’être clair.
Pour l’identité, je vous faisais juste part du résultat de mes recherches. Peut-être me suis je mal exprimé. On peut très bien rester sur la définition de représentation que je me fais de moi-même. Le reste ne fait que nous embrouiller.
[Mais vous le dites vous-même : deux combattants luttant pour des idées opposées PEUVENT reconnaître la valeur de l’autre… ou pas. Et le fait de ne pas le reconnaître ne fait pas obstacle à « l’altérité ».]
Là je ne vous suis pas. Pour vous l’identité c’est ce qui nous différencie des autres, qui fait de nous des êtres singuliers. La reconnaissance de notre différence implique la reconnaissance de l’autre. Et l’altérité c’est ce qui fait que l’on est semblable, que l’autre est un autre moi. Pouvez-vous me reprécisez votre raisonnement ?
Je définie la nation comme un groupe d’individu qui se reconnaît dans un même corps, et qui partage une unité politique, une unité de mode de vie, et une unité de croyance. Je ne parle pas de croyance sur des bases religieuses, mais sur le fait de partager des idéaux communs. Je peux prendre l’exemple de grecs qui sont prêt à se sacrifier pour la prospérité de leurs cités. On a discuté de l’aspect symbolique. Si je vous suis bien le symbole c’est ce qui vient sacraliser le contrat, le rendre tangible. Ça peut être une fête nationale, une équipe de football, un hymne commun. J’ai l’impression que pour vous une nation est une base sur lequel viennent se fédérer des individus et où ils décident de s’organiser en sociétés, de se créer des instances communes. Dites-moi si j’ai bien exprimé votre idée. Je pense au contraire qu’un contrat est sans cesse à renouveler, et une société doit décider de buts communs, d’objectifs qui viennent à nouveau fédérer les membres de cette nation.
Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre dans les prochains jours. Je vous souhaite de bonnes fêtes de Noël !
@ laurent
[« Mais vous le dites vous-même : deux combattants luttant pour des idées opposées PEUVENT reconnaître la valeur de l’autre… ou pas. Et le fait de ne pas le reconnaître ne fait pas obstacle à « l’altérité » ». Là je ne vous suis pas. Pour vous l’identité c’est ce qui nous différencie des autres, qui fait de nous des êtres singuliers. La reconnaissance de notre différence implique la reconnaissance de l’autre.]
Oui. Mais la « reconnaissance de l’autre » n’implique nullement « la reconnaissance DE LA VALEUR de l’autre ». Or c’est cela que vous aviez écrit. J’ai l’impression que vous jouez sur l’ambiguïté du mot « reconnaissance ». « Reconnaître » l’autre au sens d’admettre qu’il est un être autonome et séparé de nous n’implique pas lui reconnaître une quelconque « valeur », ou lui montrer un quelconque respect.
[Et l’altérité c’est ce qui fait que l’on est semblable, que l’autre est un autre moi. Pouvez-vous me reprécisez votre raisonnement ?]
Je ne me souviens pas d’avoir dit que « l’altérité c’est ce qui fait qu’on est semblable ». Au contraire, l’altérité est le fait justement que l’autre est un autre – et cela indépendamment de ma perception. Ce que j’ai dit, c’est que l’identité collective se construit à partir d’une « exception » à l’identité individuelle, qui fait que l’autre membre de la collectivité n’est pas tout à fait un « autre ».
[Je définie la nation comme un groupe d’individu qui se reconnaît dans un même corps, et qui partage une unité politique, une unité de mode de vie, et une unité de croyance. Je ne parle pas de croyance sur des bases religieuses, mais sur le fait de partager des idéaux communs.]
Je crains que cette définition soit un peu trop « idéaliste » et conduise à beaucoup de contradictions. Avec votre logique, jusqu’à 1918 les Alsaciens étaient membres de la collectivité nationale allemande. Ils partageaient « le mode de vie », ils faisaient partie de la même « unité politique » et leurs valeurs n’étaient pas si différents que cela…
Non seulement les « modes de vie » ne sont pas uniformes sur le territoire français, mais surtout ils ne sont pas forcément très différents de ceux pratiqués de l’autre côté de nos frontières. Difficile donc de bâtir sur ce fondement une « identité », puisqu’il ne nous différentie pas. Même chose par rapport aux « idéaux communs » : quels sont les « idéaux » partagés par les citoyens français et qu’on ne trouverait pas chez les citoyens des autres pays ? Quant à « faire partie de la même unité politique », c’est une question purement contingente : les guerres et les révolutions ont déplacé les frontières politiques. Ce déplacement serait-il suffisant pour faire entrer ou sortir des populations de la collectivité nationale ?
Reste la question de « se reconnaître dans un même corps ». Mais cela veut dire quoi, exactement ? Jean-Guy Talamoni, par exemple, déclare ne pas se « reconnaître » dans le corps qu’est la République française ? Doit-on le considérer comme étranger ?
[Je peux prendre l’exemple de grecs qui sont prêt à se sacrifier pour la prospérité de leurs cités.]
Décidez-vous. Vous parlez de « se reconnaître dans un même corps », de « partager des idéaux », d’une « unité de mode de vie ». Et ici vous me donnez un exemple qui n’a aucun rapport ni avec un « corps », ni avec des « idéaux », ni avec le « mode de vie », mais avec la disponibilité à faire des sacrifices pour le bien de la collectivité – ce qui revient à une logique de solidarité inconditionnelle…
[On a discuté de l’aspect symbolique. Si je vous suis bien le symbole c’est ce qui vient sacraliser le contrat, le rendre tangible. Ça peut être une fête nationale, une équipe de football, un hymne commun. J’ai l’impression que pour vous une nation est une base sur lequel viennent se fédérer des individus et où ils décident de s’organiser en sociétés, de se créer des instances communes. Dites-moi si j’ai bien exprimé votre idée.]
Tout à fait. Je reste sur un logique typiquement hobbesienne de la nation.
[Je pense au contraire qu’un contrat est sans cesse à renouveler, et une société doit décider de buts communs, d’objectifs qui viennent à nouveau fédérer les membres de cette nation.]
Qu’une collectivité – quelle qu’elle soit d’ailleurs – ait besoin en permanence de démontrer l’avantage qu’il y a à en être membre, c’est une évidence. Autrement, pourquoi les gens y resteraient ? La « solidarité inconditionnelle » qui pour moi caractérise la nation n’est en rien naturelle. C’est une structure qui bénéficie à chaque individu, et ce bénéfice doit être rendu évident sans quoi les gens cesseront de faire l’effort. Mais cela n’implique pas que le « contrat » lui-même soit « sans cesse à renouveler » comme le pensait Renan, et cela pour une raison qui tient à ce que la solidarité entre les citoyens a un caractère intertemporel. Si celui qui en vertu du « contrat » a reçu l’aide de la collectivité quand il était enfant peut s’en affranchir devenu adulte, il y a un problème…
[Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre dans les prochains jours. Je vous souhaite de bonnes fêtes de Noël !]
Merci beaucoup, je vous souhaite vous aussi de belles fêtes avec ceux qui vous sont chers.
@ Descartes
[Oui. Mais la « reconnaissance de l’autre » n’implique nullement « la reconnaissance DE LA VALEUR de l’autre ». Or c’est cela que vous aviez écrit. J’ai l’impression que vous jouez sur l’ambiguïté du mot « reconnaissance ». « Reconnaître » l’autre au sens d’admettre qu’il est un être autonome et séparé de nous n’implique pas lui reconnaître une quelconque « valeur », ou lui montrer un quelconque respect.]
On arrive sur trois notions du mot altérité :
l’individuation implique la reconnaissance d’un autre que moi. Je ne peux savoir que je suis un être singulier que par différentiation avec les autres.
Je peux me reconnaître aussi en l’autre car nous partageons quelques traits, quelques similarités. En cela je peux me dire que je ne suis pas si différent des autres et cela peut créé des liens, des solidarités. On peut parler en ce sens d’identité collective.
Je peux reconnaître l’autre indépendamment de moi en déclarant qu’il a aussi une conscience propre et que même si nous ne partageons pas nos idées ou nos mode de vie, je peux reconnaître en l’autre le droit de les exprimer.
La notion d’identité collective, quoique imparfaite, est la plus apte à fonder une communauté.
[Je crains que cette définition soit un peu trop « idéaliste » et conduise à beaucoup de contradictions. Avec votre logique, jusqu’à 1918 les Alsaciens étaient membres de la collectivité nationale allemande. Ils partageaient « le mode de vie », ils faisaient partie de la même « unité politique » et leurs valeurs n’étaient pas si différents que cela…
Non seulement les « modes de vie » ne sont pas uniformes sur le territoire français, mais surtout ils ne sont pas forcément très différents de ceux pratiqués de l’autre côté de nos frontières. Difficile donc de bâtir sur ce fondement une « identité », puisqu’il ne nous différentie pas. Même chose par rapport aux « idéaux communs » : quels sont les « idéaux » partagés par les citoyens français et qu’on ne trouverait pas chez les citoyens des autres pays ? Quant à « faire partie de la même unité politique », c’est une question purement contingente : les guerres et les révolutions ont déplacé les frontières politiques. Ce déplacement serait-il suffisant pour faire entrer ou sortir des populations de la collectivité nationale ?]
Je me rend compte en me relisant que j’ai une idée très jacobine de la nation, très unificatrice. J’associe la nation a un corps politique, qui doit découler de modes de vies communs. Hors dans l’histoire on a vu des nations qui ne répondait pas à ce critère. Le peuple juif s’est considéré pendant 2000 ans comme une nation, alors qu’il n’avait plus de territoire et on ne peut pas dire qu’il avait une organisation politique. Reste la défense d’un bien commun, ce qui se rapproche bien plus de votre définition.
[Tout à fait. Je reste sur une logique typiquement hobbesienne de la nation.]
Dans l’interprétation de Hobbes, les habitants se regroupent en collectivités car ils ont intérêt à le faire, soit par souci de protection, soit qu’ils sont plus efficace réuni. Ce contrat implique le sacrifice de leurs libertés individuelles dans un ensemble commun. Ils y consentent parce qu’ils considèrent qu’ils en ont plus à y gagner. Mais cela ne découle pas de soi. Signent-ils ce contrat parce qu’ils pensent qu’ils peuvent réaliser leurs aspirations personnelles dans le cadre de cette communauté ? Où consentent-ils à cet abandon parce qu’ils adhèrent à un projet commun qui leur semble supérieur ? Les communautés du moyen-age adhéraient à un salut collectif, dans le cadre d’une religion, ce qui leurs a permis de fonder la civilisation chrétienne. Le philosophe Michel Onfray constate que les civilisations actuelles ne proposent plus de réalisations collectives mais valorisent les revendications personnelles.
[Qu’une collectivité – quelle qu’elle soit d’ailleurs – ait besoin en permanence de démontrer l’avantage qu’il y a à en être membre, c’est une évidence. Autrement, pourquoi les gens y resteraient ? La « solidarité inconditionnelle » qui pour moi caractérise la nation n’est en rien naturelle. C’est une structure qui bénéficie à chaque individu, et ce bénéfice doit être rendu évident sans quoi les gens cesseront de faire l’effort. Mais cela n’implique pas que le « contrat » lui-même soit « sans cesse à renouveler » comme le pensait Renan, et cela pour une raison qui tient à ce que la solidarité entre les citoyens a un caractère intertemporel. Si celui qui en vertu du « contrat » a reçu l’aide de la collectivité quand il était enfant peut s’en affranchir devenu adulte, il y a un problème…]
L’adhésion à ce contrat doit être sans cesse renouveler par les citoyens. Ça peut passer par exemple par un patriotisme économique. Le contrat ne va pas de soi et implique que les membres s’y sentent impliquer. Cela passe par les règles de vie en commun, mais aussi par la participation de chacun à la vie collective.
Cela ne dit rien sur ce contrat qui lie les membres d’une communauté. Les liens de solidarité dont chaque membre bénéficie sont comme vous le disiez intemporel, et toujours valable quels que soit les conditions. Peut on pour autant renégocier les termes du contrat ? Ils s’appliquent de manière irréfutable sur chaque membre, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas le droit de participer quant à leurs élaborations. Chacun doit se sentir concerné par l’intérêt général, et peut avoir son mot à dire pour le préserver.
@ laurent
[Je peux me reconnaître aussi en l’autre car nous partageons quelques traits, quelques similarités. En cela je peux me dire que je ne suis pas si différent des autres et cela peut créé des liens, des solidarités. On peut parler en ce sens d’identité collective.]
Non. Les liens, les solidarités créent une COLLECTIVITE, mais ne suffisent pas à créer une « identité collective ». Nous nous étions mis d’accord que « l’identité » est ce qui nous permet de nous concevoir comme des individus autonomes, distincts de l’autre. Par analogie, « l’identité collective » est la conscience qui permet à la collectivité de se reconnaître comme autonome et distincte des autres collectivités. Vous hésitez toujours à reconnaître que l’identité est un caractère SUBJECTIF. Une collectivité peut être singulière sans avoir pour autant CONSCIENCE de sa singularité. L’identité réside dans la conscience.
[Je peux reconnaître l’autre indépendamment de moi en déclarant qu’il a aussi une conscience propre et que même si nous ne partageons pas nos idées ou nos mode de vie, je peux reconnaître en l’autre le droit de les exprimer.]
Et je peux tout aussi bien déclarer qu’il a une conscience propre, et lui refuser le droit d’exprimer ses idées. Le fait de lui refuser cette expression n’a rien à voir avec la question de l’identité.
[Je me rend compte en me relisant que j’ai une idée très jacobine de la nation, très unificatrice. J’associe la nation a un corps politique, qui doit découler de modes de vies communs. Hors dans l’histoire on a vu des nations qui ne répondait pas à ce critère. Le peuple juif s’est considéré pendant 2000 ans comme une nation, alors qu’il n’avait plus de territoire et on ne peut pas dire qu’il avait une organisation politique. Reste la défense d’un bien commun, ce qui se rapproche bien plus de votre définition.]
Je ne crois pas que votre vision soit « jacobine », au contraire : pour les jacobins, la souveraineté résidait « essentiellement » dans la nation, ce qui montre que la nation préexiste aux institutions politiques. Oui, l’avantage de ma conception de la nation est de lui conserver un caractère contractuel tout en permettant d’expliquer sa stabilité dans le temps.
[Dans l’interprétation de Hobbes, les habitants se regroupent en collectivités car ils ont intérêt à le faire, soit par souci de protection, soit qu’ils sont plus efficace réuni. Ce contrat implique le sacrifice de leurs libertés individuelles dans un ensemble commun. Ils y consentent parce qu’ils considèrent qu’ils en ont plus à y gagner. Mais cela ne découle pas de soi. Signent-ils ce contrat parce qu’ils pensent qu’ils peuvent réaliser leurs aspirations personnelles dans le cadre de cette communauté ? Où consentent-ils à cet abandon parce qu’ils adhèrent à un projet commun qui leur semble supérieur ?]
Je pense qu’ils signent essentiellement pour la première raison. Ils sacrifient « leur pouvoir de nuire » à leurs voisins en échange de l’assurance que leurs voisins n’auront pas le pouvoir de leur nuire. Le fondement du contrat se trouve là. Mais ce contrat est dynamique : une fois que cette solidarité très élémentaire est établie, elle devient progressivement de plus en plus complexe. Si les premières institutions de l’Etat visent à la défense contre l’ennemi extérieur et le maintien de l’ordre public, on découvre progressivement qu’elles peuvent aussi nous protéger contre d’autres risques : la maladie, les catastrophes naturelles, la pauvreté, la vieillesse… et on passe de l’Etat-gendarme à l’Etat-providence. En d’autres termes, on découvre que cette structure bâtie au départ pour assurer une forme de solidarité inconditionnelle très limitée est très efficiente à l’heure de conduire des projets collectifs.
[Les communautés du moyen-age adhéraient à un salut collectif, dans le cadre d’une religion, ce qui leurs a permis de fonder la civilisation chrétienne. Le philosophe Michel Onfray constate que les civilisations actuelles ne proposent plus de réalisations collectives mais valorisent les revendications personnelles.]
Oui, mais c’est très récent. La Sécurité sociale, Concorde, les grands barrages ou le programme électronucléaire ont été des « projets collectifs » et valorisés comme tels sans qu’on ait besoin pour cela du cadre religieux. Je pense que ceux qui, comme Gauchet, associent l’individualisme actuel et la perte du sentiment religieux se trompent. Ce qui est en cause, c’est plutôt la remise en cause de la notion de solidarité inconditionnelle à la manière hobbesienne. Il y a une frange de la nation, la frange la plus riche, qui n’a plus besoin des autres pour assurer sa prospérité et sa sécurité. Cette frange tend donc à se détacher, à s’individualiser. Et comment voulez-vous avoir des « projets collectifs » alors que les élites censées les impulser se sentent parfaitement capables de réussir individuellement ?
[L’adhésion à ce contrat doit être sans cesse renouveler par les citoyens. Ça peut passer par exemple par un patriotisme économique.]
Encore une fois, il ne faut pas confondre la réalité et le symbole. Que le citoyen soit appelé à REAFFIRMER sans cesse son adhésion à ce contrat par des actes symboliques est certainement nécessaire. Mais il est inconcevable que l’adhésion elle-même soit « renouvelée » en permanence, et cela pour la raison que je vous ai exposée. Le « contrat » dont on parle est intertemporel : à certaines périodes de notre vie nous sommes bénéficiaires de la solidarité inconditionnelle des autres, à d’autres périodes nous payons pour elle. En d’autres termes, à certaines périodes de notre vie nous avons intérêt à nous affranchir du « contrat » qui nous lie à nos concitoyens. Et si nous permettons à chacun de le faire, c’en est fini de la solidarité inconditionnelle qui est le fondement de la nation.
[Cela ne dit rien sur ce contrat qui lie les membres d’une communauté. Les liens de solidarité dont chaque membre bénéficie sont comme vous le disiez intemporel, et toujours valable quels que soit les conditions. Peut on pour autant renégocier les termes du contrat ?]
Si on ne peut pas les « renégocier », si on ne peut pas sortir du contrat, alors votre appel à un « renouvellement sans cesse » n’a pas de sens…
Oui, on peut « renégocier » le contrat. Mais parce que le contrat est intertemporel, la renégociation n’est pas simple. Car pour qu’elle soit équilibrée, il faut prendre en compte non seulement ce que l’individu reçoit et donne à un instant donné, mais ce qu’il a reçu et donné dans le passé et au cours des générations qui se sont succédées.
[Ils s’appliquent de manière irréfutable sur chaque membre, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas le droit de participer quant à leurs élaborations. Chacun doit se sentir concerné par l’intérêt général, et peut avoir son mot à dire pour le préserver.]
Et que fait-on à ceux qui ne se conforment pas à leur devoir « de se sentir concernés par l’intérêt général » ?
@ Descartes
[Non. Les liens, les solidarités créent une COLLECTIVITE, mais ne suffisent pas à créer une « identité collective ». Nous nous étions mis d’accord que « l’identité » est ce qui nous permet de nous concevoir comme des individus autonomes, distincts de l’autre. Par analogie, « l’identité collective » est la conscience qui permet à la collectivité de se reconnaître comme autonome et distincte des autres collectivités. Vous hésitez toujours à reconnaître que l’identité est un caractère SUBJECTIF. Une collectivité peut être singulière sans avoir pour autant CONSCIENCE de sa singularité. L’identité réside dans la conscience.]
Ok ce qui fait l’identité collective est non seulement les liens qui relient les membres du groupe, mais aussi la reconnaissance par les individus de ce groupe de sa singularité. Cette singularité fait que les individus qui la composent se sentent distincts des autres groupe et privilégient les relations au sein de ce groupe.
[Je pense qu’ils signent essentiellement pour la première raison. Ils sacrifient « leur pouvoir de nuire » à leurs voisins en échange de l’assurance que leurs voisins n’auront pas le pouvoir de leur nuire. Le fondement du contrat se trouve là. Mais ce contrat est dynamique : une fois que cette solidarité très élémentaire est établie, elle devient progressivement de plus en plus complexe. Si les premières institutions de l’Etat visent à la défense contre l’ennemi extérieur et le maintien de l’ordre public, on découvre progressivement qu’elles peuvent aussi nous protéger contre d’autres risques : la maladie, les catastrophes naturelles, la pauvreté, la vieillesse… et on passe de l’Etat-gendarme à l’Etat-providence. En d’autres termes, on découvre que cette structure bâtie au départ pour assurer une forme de solidarité inconditionnelle très limitée est très efficiente à l’heure de conduire des projets collectifs.]
Une nation est donc un ensemble d’individus qui se regroupent pour sauvegarder leurs intérêts particuliers. C’ est l’intérêt de tous qui assure mon intérêt personnel. Ce regroupement peut être aussi vu comme une limitation de ma liberté individuelle car il la subordonne. Un membre peut par exemple décider de s’enrichir, mais cet enrichissement ne doit pas se faire au dépend des autres contractants. Ils acceptent donc de faire passer leurs réalisations personnelles dans le cadre de ce groupe, et ce faisant ils peuvent aussi accepter que cette réalisation contribuent à l’intérêt de tous. Ce sacrifice peut être vu comme une limitation de ma liberté, mais aussi comme une possibilité d’assembler plusieurs membres dans la réalisation d’un objectif commun, car dans certain cas, il doit passer par l’accord des autres participants.
[Oui, mais c’est très récent. La Sécurité sociale, Concorde, les grands barrages ou le programme électronucléaire ont été des « projets collectifs » et valorisés comme tels sans qu’on ait besoin pour cela du cadre religieux. Je pense que ceux qui, comme Gauchet, associent l’individualisme actuel et la perte du sentiment religieux se trompent. Ce qui est en cause, c’est plutôt la remise en cause de la notion de solidarité inconditionnelle à la manière hobbesienne. Il y a une frange de la nation, la frange la plus riche, qui n’a plus besoin des autres pour assurer sa prospérité et sa sécurité. Cette frange tend donc à se détacher, à s’individualiser. Et comment voulez-vous avoir des « projets collectifs » alors que les élites censées les impulser se sentent parfaitement capables de réussir individuellement ?]
Ce contrat limite les libertés de ces membres et peuvent donc leur être préjudiciable. J’ai parfois plus intérêt à m’en affranchir et à chercher mon propre bien. Mais ce contrat fait aussi que je bénéficie de la solidarité et la protection de ce groupe. Hors cette frange assure son bien-être au détriment des autres membres et ils peuvent se voir alors exclure du groupe. Ils sont peut-être plus efficace individuellement mais ils peuvent s’attendre alors à une riposte populaire.
@ laurent
[Ok ce qui fait l’identité collective est non seulement les liens qui relient les membres du groupe, mais aussi la reconnaissance par les individus de ce groupe de sa singularité. Cette singularité fait que les individus qui la composent se sentent distincts des autres groupes et privilégient les relations au sein de ce groupe.]
Exactement. Ainsi, par exemple, on peut dire qu’un groupe totalement isolé n’a pas d’identité collective. Comment le pourrait-il, puisqu’il n’a pas conscience de l’existence d’un autre groupe qui serait différent ? On peut comparer l’identité à une frontière : c’est la ligne qui sépare un « dedans » d’un « dehors ». Et pour qu’il y ait frontière, il faut qu’il y ait deux territoires différents.
[Une nation est donc un ensemble d’individus qui se regroupent pour sauvegarder leurs intérêts particuliers.]
Cela dépend du sens que vous donnez à l’expression « intérêts particuliers ». Si vous prenez les « intérêts particuliers » au sens intertemporel, la réponse est oui. Si vous le prenez dans le sens instantané, la réponse est non. Pour illustrer cette distinction somme toute assez subtile, prenez le cas d’une guerre comme celle de 1914-18. Le citoyen appelé aux tranchées en 1914 avait toutes les chances de ne pas revenir. Son « intérêt particulier » A CE MOMENT LA n’était certainement pas d’appartenir à la nation, puisque cette appartenance l’obligeait à risquer son propre anéantissement. Par contre, si l’on prend la question sous l’angle intertemporel, le fait de devoir aller à la guerre apparaît comme un risque, qui doit être balancé avec les opportunités de gain que l’individu retire de son appartenance à la nation.
[C’est l’intérêt de tous qui assure mon intérêt personnel.]
Je dirais plutôt qu’il s’agit d’un pacte dans lequel chacun y gagne quelque chose – mais pas forcément la même.
[Ce regroupement peut être aussi vu comme une limitation de ma liberté individuelle car il la subordonne. Un membre peut par exemple décider de s’enrichir, mais cet enrichissement ne doit pas se faire au dépend des autres contractants.]
Il est clair que si l’un des contractants est perdant sur tous les tableaux, il n’a aucun intérêt à rester dans le contrat. Mais cela n’implique pas que certains contractants ne puissent pas s’enrichir « aux dépens » des autres. Dans le « contrat » national, tout le monde y gagne, mais certains gagnent plus que d’autres… il suffit pour que le système soit stable que ce que chacun gagne vaille la liberté qu’il perd.
[Ils acceptent donc de faire passer leurs réalisations personnelles dans le cadre de ce groupe, et ce faisant ils peuvent aussi accepter que cette réalisation contribuent à l’intérêt de tous. Ce sacrifice peut être vu comme une limitation de ma liberté, mais aussi comme une possibilité d’assembler plusieurs membres dans la réalisation d’un objectif commun, car dans certain cas, il doit passer par l’accord des autres participants.]
Avant de rentrer dans ces considérations, vous avez besoin de définir ce qu’est « l’intérêt de tous ». S’agit-il de « l’intérêt général » ? De l’agrégation des intérêts individuels ? La nation n’implique pas une communauté d’objectifs…
[Ce contrat limite les libertés de ces membres et peuvent donc leur être préjudiciable. J’ai parfois plus intérêt à m’en affranchir et à chercher mon propre bien. Mais ce contrat fait aussi que je bénéficie de la solidarité et la protection de ce groupe. Hors cette frange assure son bien-être au détriment des autres membres et ils peuvent se voir alors exclure du groupe.]
Ca ne les gêne pas : ils n’ont pas besoin de la solidarité et de la protection des autres. C’est là le problème : En quoi la Catalogne a besoin du reste de l’Espagne ? En quoi les « classes moyennes » ont besoin des couches populaires ?
@ Descartes
[Cela dépend du sens que vous donnez à l’expression « intérêts particuliers ». Si vous prenez les « intérêts particuliers » au sens intertemporel, la réponse est oui. Si vous le prenez dans le sens instantané, la réponse est non. Pour illustrer cette distinction somme toute assez subtile, prenez le cas d’une guerre comme celle de 1914-18. Le citoyen appelé aux tranchées en 1914 avait toutes les chances de ne pas revenir. Son « intérêt particulier » A CE MOMENT LA n’était certainement pas d’appartenir à la nation, puisque cette appartenance l’obligeait à risquer son propre anéantissement. Par contre, si l’on prend la question sous l’angle intertemporel, le fait de devoir aller à la guerre apparaît comme un risque, qui doit être balancé avec les opportunités de gain que l’individu retire de son appartenance à la nation.]
Dans les deux cas je pense qu’il avait intérêt à se battre pour la nation. Il est clair que ma sécurité personnel ne peut être assuré si celle du groupe est menacé. J’ai donc intérêt à privilégier la sécurité du groupe, en sachant que seul je ne pourrai me défendre. On voit donc que mon intérêt personnel est subordonné à celui du groupe et il dépend en grande partie de lui.
[Il est clair que si l’un des contractants est perdant sur tous les tableaux, il n’a aucun intérêt à rester dans le contrat. Mais cela n’implique pas que certains contractants ne puissent pas s’enrichir « aux dépens » des autres. Dans le « contrat » national, tout le monde y gagne, mais certains gagnent plus que d’autres… il suffit pour que le système soit stable que ce que chacun gagne vaille la liberté qu’il perd.]
Je rectifie. Un des membres peut s’enrichir au dépend des autres à condition que ça bénéficie à l’ensemble de la communauté. Au Moyen-Age les seigneurs locaux ponctionnaient une grande partie des récoltes des paysans. Ils l’acceptaient car ce faisant ils étaient assuré d’être mieux protégé.
[Avant de rentrer dans ces considérations, vous avez besoin de définir ce qu’est « l’intérêt de tous ». S’agit-il de « l’intérêt général » ? De l’agrégation des intérêts individuels ? La nation n’implique pas une communauté d’objectifs…]
Comme je l’ai dit précédemment, l’intérêt particulier est conditionné par l’intérêt général du groupe. J’ai donc intérêt à titre individuel à ce que le groupe soit le plus puissant et le plus prospère possible car ainsi mon intérêt particulier est le mieux défendu. Mais la nation doit reconnaître à chacun le droit de suivre ses propres objectifs à condition que ça ne nuit pas au groupe.
[Ca ne les gêne pas : ils n’ont pas besoin de la solidarité et de la protection des autres. C’est là le problème : En quoi la Catalogne a besoin du reste de l’Espagne ? En quoi les « classes moyennes » ont besoin des couches populaires ?]
Cette question entraîne beaucoup d’autres considérations. Si la maison de mon voisin est en feu, quel est pour moi l’intérêt de l’aider à l’éteindre en sachant que la mienne n’est pas menacée. Je peux me dire que je m’assure ainsi la solidarité de mon voisin en cas de coup dur. Mon voisin doit aussi se sentir lié à moi par une identité commune. Je peux aussi me dire que ainsi je contribue à la prospérité du groupe et qu’il sortira ainsi plus fort et plus cohérent. Dans certain cas mon intérêt personnel me dira que j’ai intérêt à la laisser brûler. Qu’est ce qui m’en empêche. Soit je me dis que l’intérêt du groupe passe avant le mien, soit je me dis que ça pourrait créer un précédent qui nuira à la cohésion du groupe.
@ Laurent
[Dans les deux cas je pense qu’il avait intérêt à se battre pour la nation. Il est clair que ma sécurité personnelle ne peut être assurée si celle du groupe est menacée. J’ai donc intérêt à privilégier la sécurité du groupe, en sachant que seul je ne pourrai me défendre.]
Certes. Mais si je suis mort, la question de savoir si ma sécurité personnelle est ou non assurée n’a plus vraiment beaucoup d’importance. C’est ce paradoxe-là que je voulais pointer : si la seule raison de notre adhésion à la nation était la sauvegarde de nos intérêts personnels ici et maintenant, personne n’aurait intérêt à aller vers une mort certaine ou même probable. Et pourtant nous savons que des gens l’ont fait. Pour résoudre ce paradoxe, il faut admettre que notre adhésion à la nation est fondée sur un « contrat » qui ne concerne pas seulement le présent, mais qui a un effet intertemporel. Lorsque je signe le « contrat », j’accepte le RISQUE de devoir un jour, peut-être, sacrifier ma vie en échange des bénéfices que j’en tire. Dans une logique instantanée, il serait absurde de reconduire ce « contrat » alors que le risque en question est devenu une certitude.
[Comme je l’ai dit précédemment, l’intérêt particulier est conditionné par l’intérêt général du groupe.]
Mais encore une fois, « l’intérêt général » n’est pas « l’intérêt de tous ». Il est de « l’intérêt général » que les voleurs aillent en prison, mais ce n’est certainement pas l’intérêt du voleur. C’est parce qu’elle ne comprend pas la subtilité qu’une partie de la gauche tombe dans le communautarisme. Parler dans une collectivité de « l’intérêt de tous » revient à créer un unanimisme artificiel, occultant le fait que dans toute collectivité il y a une pluralité d’intérêts, certains étant d’ailleurs contradictoires avec d’autres. L’idée « d’intérêt général », bien plus subtile, reconnaît cette diversité et la nécessité d’un compromis et d’une hiérarchisation des intérêts : celui du propriétaire passe devant celui du voleur…
[Mais la nation doit reconnaître à chacun le droit de suivre ses propres objectifs à condition que ça ne nuit pas au groupe.]
Pourquoi ? Quelle est la nature de ce « devoir » de reconnaissance ?
[« Ca ne les gêne pas : ils n’ont pas besoin de la solidarité et de la protection des autres. C’est là le problème : En quoi la Catalogne a besoin du reste de l’Espagne ? En quoi les « classes moyennes » ont besoin des couches populaires ? » Cette question entraîne beaucoup d’autres considérations. Si la maison de mon voisin est en feu, quel est pour moi l’intérêt de l’aider à l’éteindre en sachant que la mienne n’est pas menacée.]
Aucun. Et c’est d’ailleurs pourquoi vous ne le faites pas. Autrement, vous sortiriez toutes les nuits éteindre des incendies. Vous payez des professionnels pour le faire, et vous le faites parce que vous savez que votre maison pourrait demain être concernée.
@ Descartes
[Certes. Mais si je suis mort, la question de savoir si ma sécurité personnelle est ou non assurée n’a plus vraiment beaucoup d’importance. C’est ce paradoxe-là que je voulais pointer : si la seule raison de notre adhésion à la nation était la sauvegarde de nos intérêts personnels ici et maintenant, personne n’aurait intérêt à aller vers une mort certaine ou même probable. Et pourtant nous savons que des gens l’ont fait. Pour résoudre ce paradoxe, il faut admettre que notre adhésion à la nation est fondée sur un « contrat » qui ne concerne pas seulement le présent, mais qui a un effet intertemporel. Lorsque je signe le « contrat », j’accepte le RISQUE de devoir un jour, peut-être, sacrifier ma vie en échange des bénéfices que j’en tire. Dans une logique instantanée, il serait absurde de reconduire ce « contrat » alors que le risque en question est devenu une certitude.]
Si je vous suis bien pour vous le contrat a un effet irréversible, et dès lors que le contractant le signe il s’engage a respecter les clauses quels qu’elles-soient ?
[Mais encore une fois, « l’intérêt général » n’est pas « l’intérêt de tous ». Il est de « l’intérêt général » que les voleurs aillent en prison, mais ce n’est certainement pas l’intérêt du voleur. C’est parce qu’elle ne comprend pas la subtilité qu’une partie de la gauche tombe dans le communautarisme. Parler dans une collectivité de « l’intérêt de tous » revient à créer un unanimisme artificiel, occultant le fait que dans toute collectivité il y a une pluralité d’intérêts, certains étant d’ailleurs contradictoires avec d’autres. L’idée « d’intérêt général », bien plus subtile, reconnaît cette diversité et la nécessité d’un compromis et d’une hiérarchisation des intérêts : celui du propriétaire passe devant celui du voleur…]
Il est clair qu’on ne peut pas parler d’une unanimité d’opinions, les intérêts des individus sont souvent complexes et contradictoires. Quand vous parlez d’intérêt général, prenez vous en compte un intérêt de la nation, qui dépasse les sommes de ses parties, et qui sous-entend une entité commune, une identité commune, ou comme vous le dites vous-mêmes juste un arrangement qui essaye de prendre en compte les différentes positions en vue d’un compromis.
@ Laurent
[Si je vous suis bien pour vous le contrat a un effet irréversible, et dès lors que le contractant le signe il s’engage a respecter les clauses quels qu’elles-soient ?]
Pas tout à fait. Le « contrat » qui nous lie à la nation n’est pas « irréversible », mais il n’est pas non plus possible de le dénoncer sans frais à chaque instant. C’est d’ailleurs le cas pour tout contrat : dès lors que j’ai accepté le paiement, je suis obligé de livrer. Et si je refuse de livrer, alors il me faut rendre le paiement, avec quelquefois un dédommagement en sus. Et de la même manière, si j’ai accepté que mes concitoyens payent pour ma santé et mon éducation pendant mon enfance et ma prime jeunesse, je ne peux décemment dénoncer le contrat lorsque le moment est venu de livrer la contrepartie…
[Il est clair qu’on ne peut pas parler d’une unanimité d’opinions, les intérêts des individus sont souvent complexes et contradictoires. Quand vous parlez d’intérêt général, prenez vous en compte un intérêt de la nation, qui dépasse les sommes de ses parties, et qui sous-entend une entité commune, une identité commune, ou comme vous le dites vous-mêmes juste un arrangement qui essaye de prendre en compte les différentes positions en vue d’un compromis.]
Les deux sont intimement liés. Parler d’un « intérêt général », c’est définir un intérêt qui porte atteinte aux intérêts particuliers. Il est clair que l’intérêt général résulte d’un compromis. Mais pour que les intérêts particuliers lésés acceptent ce compromis, il faut cette « solidarité inconditionnelle » – désolé d’insister sur ce terme, mais pour moi il est essentiel – qui caractérise une collectivité constituée. En d’autres termes, l’intérêt général est un compromis rendu acceptable par l’idée de solidarité inconditionnelle.
@ Descartes
[Les deux sont intimement liés. Parler d’un « intérêt général », c’est définir un intérêt qui porte atteinte aux intérêts particuliers. Il est clair que l’intérêt général résulte d’un compromis. Mais pour que les intérêts particuliers lésés acceptent ce compromis, il faut cette « solidarité inconditionnelle » – désolé d’insister sur ce terme, mais pour moi il est essentiel – qui caractérise une collectivité constituée. En d’autres termes, l’intérêt général est un compromis rendu acceptable par l’idée de solidarité inconditionnelle.]
Vous semblez adopter une vision de gauche pour l’identité, pour qui l’individu n’est pas un être atomisé, coupé du monde, mais fait partie au contraire de tout un réseau de lien de dépendances, d’affections, de solidarités, qui constitue le corps social. Je défendrai une vision plus de droite, où l’individu, comme la nation, est aussi le fruit de son histoire, de certains déterminants qui l’ont façonnés.
Ces deux visions ne sont pas contradictoire mais n’ont pas les mêmes répercutions. Ainsi l’intérêt général doit aussi prendre en compte l’identité des peuples, qui englobe ses traditions, ses institutions, ses modes de vies, etc… Ce n’est pas seulement un compromis entre les différents individus en vue d’un intérêt supérieur, mais aussi il doit considérer le poids des traditions et le besoin de changement d’une société.
@ Laurent
[Vous semblez adopter une vision de gauche pour l’identité, pour qui l’individu n’est pas un être atomisé, coupé du monde, mais fait partie au contraire de tout un réseau de lien de dépendances, d’affections, de solidarités, qui constitue le corps social. Je défendrai une vision plus de droite, où l’individu, comme la nation, est aussi le fruit de son histoire, de certains déterminants qui l’ont façonnés.]
Mais les deux visions ne sont en rien contradictoires. L’individu est le fruit de son histoire, certes, mais cette histoire n’est pas une histoire solitaire. Les « liens de dépendances, d’affections, de solidarités » fait partie de l’histoire de chacun d’entre nous. Il font partie de ces « déterminants » qui façonnent l’identité individuelle. Le rapport « individuel » à la collectivité ne sera pas le même entre l’enfant éduqué dans l’école publique et soigné grâce à la Sécurité sociale, et l’enfant dont les parents ont lui payer l’école et la santé de leurs deniers.
Je ne dirais pas que ces visions sont « de droite » ou « de gauche ». Il faut d’ailleurs noter que l’individualisme a été pendant longtemps l’apanage de la gauche, alors que la droite avait une vision bien plus holiste et organiciste de la société…
[Ces deux visions ne sont pas contradictoire mais n’ont pas les mêmes répercutions. Ainsi l’intérêt général doit aussi prendre en compte l’identité des peuples, qui englobe ses traditions, ses institutions, ses modes de vies, etc… Ce n’est pas seulement un compromis entre les différents individus en vue d’un intérêt supérieur, mais aussi il doit considérer le poids des traditions et le besoin de changement d’une société.]
J’avoue que j’ai du mal à suivre le raisonnement. Lorsque vous écrivez qu’il « doit considérer le poids des traditions », d’où vient ce « devoir » ?
@ Descartes
[Mais les deux visions ne sont en rien contradictoires. L’individu est le fruit de son histoire, certes, mais cette histoire n’est pas une histoire solitaire. Les « liens de dépendances, d’affections, de solidarités » fait partie de l’histoire de chacun d’entre nous. Il font partie de ces « déterminants » qui façonnent l’identité individuelle. Le rapport « individuel » à la collectivité ne sera pas le même entre l’enfant éduqué dans l’école publique et soigné grâce à la Sécurité sociale, et l’enfant dont les parents ont lui payer l’école et la santé de leurs deniers.]
Je vous faisais part d’un désaccord qui m’empêchait d’adhérer complètement à votre pensée, par exemple quand vous mettez trop l’accent sur la « solidarité inconditionnelle », comme fondement de l’identité. Certes c’est un des éléments qui la constitue, mais ça va bien au delà de ça.
Ne pensez-vous pas que cette solidarité est rendue seulement possible par la préexistence d’une identité commune, autrement dit, une société se constitue que quand elle se reconnaît comme singulière avec les devoirs que cela entraîne, mais son identité était déjà là mêmes si les membres n’en avait pas encore conscience ?
Ou sinon c’est à partir du moment que le contrat est signé la société se forme ?
[Je ne dirais pas que ces visions sont « de droite » ou « de gauche ». Il faut d’ailleurs noter que l’individualisme a été pendant longtemps l’apanage de la gauche, alors que la droite avait une vision bien plus holiste et organiciste de la société…]
Il est très difficile de savoir ce qui relève de la droite et de la gauche. Cependant j’avais l’impression que notre désaccord résultait de cette différence d’approche.
[J’avoue que j’ai du mal à suivre le raisonnement. Lorsque vous écrivez qu’il « doit considérer le poids des traditions », d’où vient ce « devoir » ?]
De nulle part, je disais un compromis entre le poids des traditions et le besoin de changement d’une société. L’expression est peut-être mal choisis, mais je voulais dire qu’un gouvernement dans sa prise de décision doit prendre en compte le passé pour prévoir l’avenir, doit composer avec l’histoire des luttes passés.
@ Laurent
[Je vous faisais part d’un désaccord qui m’empêchait d’adhérer complètement à votre pensée, par exemple quand vous mettez trop l’accent sur la « solidarité inconditionnelle », comme fondement de l’identité. Certes c’est un des éléments qui la constitue, mais ça va bien au-delà de ça.]
Pas de l’identité EN GENERAL, mais de l’identité nationale, certainement. Quelle est la différence entre un Lillois et un Bruxellois qui fait que vous reconnaissez l’un comme votre concitoyen, et pas l’autre ?
[Ne pensez-vous pas que cette solidarité est rendue seulement possible par la préexistence d’une identité commune, autrement dit, une société se constitue que quand elle se reconnaît comme singulière avec les devoirs que cela entraîne, mais son identité était déjà là mêmes si les membres n’en avait pas encore conscience ?]
Il est clair qu’il y a un rapport dialectique entre la nation et l’identité nationale. La solidarité inconditionnelle s’est construite à partir d’un certain nombre d’éléments de reconnaissance – la langue, la tradition juridique. Il ne reste pas moins que ces éléments ne suffisent pas à nous distinguer des autres : cette langue, cette tradition juridique, nous las partageons avec d’autres qui pourtant n’appartiennent pas à la même nation.
[Ou sinon c’est à partir du moment que le contrat est signé la société se forme ?]
Le « contrat » dont parle la philosophie contractualiste est intemporel. Il n’est pas « signé » à un moment donné, qui serait une sorte d’année zéro de la constitution de la nation. Ce « contrat » se construit très graduellement, par petites touches, par de petites évolutions. C’est pourquoi il n’existe pas une date de naissance de la nation. La nation française commence à se construire quelque part entre Philippe Auguste et Louis XI.
@Descartes
Je me rend compte que l’on a déjà eu cette conservation sur le rapport entre solidarité et identité. J’ai profité au passage pour relire le fil de notre conservation. Nous avons pas mal dérivé mais cet échange fut quand même très enrichissant.
Il est clair qu’il est difficile de caractériser une identité nationale par des éléments concrets. Cependant il est important de rappelé qu’on fait partie d’une même collectivité et de réaffirmer les liens qui unissent ses membres. D’où l’importance d’une solidarité inconditionnelle. Mais cette solidarité doit se concrétisé et devenir tangible, soit en rappelant les racines et en adoptant des rites communs, ou en menant des projets qui viennent souder à nouveau la communauté et rappelé que l’on appartient à une communauté de destin.
@ Laurent
[Il est clair qu’il est difficile de caractériser une identité nationale par des éléments concrets. Cependant il est important de rappelé qu’on fait partie d’une même collectivité et de réaffirmer les liens qui unissent ses membres. D’où l’importance d’une solidarité inconditionnelle.]
Oui et non. Il y a beaucoup de collectivités qui ne sont pas soumises à cette règle d’une solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Les adhérents à un parti politique, à un club de foot, les membres d’une communauté ethnique ou religieuse font partie d’une « même collectivité » et sont unis par des liens. Mais ils ne constituent pas une nation pour autant.
Ce qui est particulier à la nation, à mon avis, c’est le fait de pratiquer une solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Il y a une autre collectivité qui pratique une solidarité inconditionnelle, c’est la famille. E n cela, famille et nation sont des collectivités analogues, et ce n’est pas par hasard si souvent cette analogie est évoquée symboliquement, par exemple dans l’usage du mot « Patrie ». Mais à la différence de la famille, ou la solidarité est personnelle, la solidarité à l’intérieur de la nation est par essence impersonnelle : elle bénéficie à des gens que vous ne connaissez pas et que vous n’avez aucune chance de rencontrer un jour.
[Mais cette solidarité doit se concrétisé et devenir tangible, soit en rappelant les racines et en adoptant des rites communs, ou en menant des projets qui viennent souder à nouveau la communauté et rappelé que l’on appartient à une communauté de destin.]
La nation a besoin, je vous rejoins sur ce point, d’un appareil symbolique qui donne une forme visible à cette solidarité inconditionnelle qui, parce qu’elle est considérée comme naturelle, n’est pas forcément visible.
Hors sujet.
Vous aviez dit précédemment que suite à l’évolution du FN les barons du Nord allait réagir. Il y a déjà une réaction, le député du Pas-de-Calais quitte le FN et rejoint les Patriotes.
Est-ce que c’est le début d’une plus importante scission au sein du FN avec une bonne partie du FN du Nord qui rejoindrait Phillipot?
@ jo2
[Vous aviez dit précédemment que suite à l’évolution du FN les barons du Nord allait réagir. Il y a déjà une réaction, le député du Pas-de-Calais quitte le FN et rejoint les Patriotes.]
J’ai été moins affirmatif que vous ne me faites. Mais effectivement je m’interrogeais sur la réaction du « FN du nord » devant le clair recentrage du FN sur le projet issu du « FN du sud ». Le cas de José Evrard, le député du Nord qui a décidé de quitter le FN pour suivre Philippot est particulièrement intéressant du fait du pédigrée de l’intéressé. Evrard est un ancien militant et élu communiste, ancien secrétaire départemental du PCF, qui adhère en 2013 au FN dégouté par la déliquescence de son parti et attiré par la ligne social-souverainiste du « FN du nord ».
[Est-ce que c’est le début d’une plus importante scission au sein du FN avec une bonne partie du FN du Nord qui rejoindrait Phillipot?]
Difficile à dire. J’imagine que Philippot présentera une liste aux élections européennes, et cela donnera une opportunité au mouvement de se compter…
Aux pays d’afrique qui exigent de venir sans restrictions en Europe(c.a.d de submerger en qq dizaines d’années l’Europe)Macron à Ouagadoudou,paternalisme de 2017 ou symbole d’une Europe en Afrique?
ou De Gaulle à Dakar?
Le projet d’une Afrique adoptant le modèle européen comme l’europe de l’est,l’Urss,la Chine et bien d’autres pays,n’est il pas l’urgence ?
Les journalistes qui font des reportages sur les allemands,les belges ou les hollandais,ces admirables mâles nordiques,qui ne draguent jamais,n’inportunent aucune femme,ne disent pas tout.
Dans chacun de ces pays,des centaines de milliers de prostituées ,légalement,monnayent leurs charmes,générant des milliards d’euros,en excédents commerciaux.Une fois de plus les citoyens français seraient ils bassiner?les médias nous mentiraient,pour une fois de plus,dézinguer du modèle français,et nous traiterait de parano?cachez cette Intox,impossible chez nous,non?Allons laissez moi rire de ces diafoirus de la morale,médias juste intéressé par le créneau médiatique que leur inexplicable sainteté apparente leur confère.N’est ce pas chez ces parangons de vertus que se cache les grands pervers politiques ,faisant le malheur des gens?
Une fois de plus sur Europe 1,Monsieur Daniel Cohn-Bendit,vient expliquer,comment,en Allemagne,c’est ‘vachement plus évolué’qu’en France.
Or ce Monsieur oublie de dire que dans la ville,Frankfurt/Main où il vit depuis des décennies,et il où a été élu au conseil municipal plusieurs années,il y a un manque criant de crèches,de services publics et d’aides sociales.
Par ailleurs en Allemagne,la loi de 1933 pénalisant l’avortement n’a jamais été aboli(les avortement s’y pratiquent mais sans publicité).Un ami,m”a raconté qu’en pleine cité financière de Frankfurt des immeubles entiers servent de bordels low cost aux hommes d’affaires.Des centaines de prostituées y vendent elurs charmes à la chaine,pour 20 ou 30 euros..Sans parler du mauvais état des salaires,de la campagne défigurée par des mines de lignite,démesurées(visibles depuis les avions),où les cadres religieux protestants,catholiques sont des fonctionnaires payés comme des généraux en France.Certains se sont faits construire des baignoires en Or…
La pollution aux particules carbonées y est elle qu’elle se déverse,sur la Lorraine,la Région Parisienne,jusqu’en Normandie.Des milliers d’enfants soufrent de bronchiolites à cause des centrales thermiques carbonées allemandes.Les autoroutes ne sont pas entretenues,et si l’économie est excédentaire c’est grâce à la croissance chinoise.En concentrant la fabrication des machines outils en Allemagne(de l’Ouest essentiellement),l’UE a permis ces excédents colossaux actuels de centaines de milliards d’Euros générés par la croissance chinoise en Allemagne.
Tout,ça,Dany le sait mais c’est la France sociale,unitaire et non carbonée sur laquelle ils consacrent ces attaques,pourquoi?
Pour ceux qui voudraient se rendre compte de ce que représentent ces mines en Allemagne, vous pouvez aller regarder directement, par exemple ici, 3 mines à coté de Cologne :
https://www.google.fr/maps/@50.8978184,6.4580183,12567m/data=!3m1!1e3?hl=fr
https://www.google.fr/maps/@51.0696811,6.4941817,8461m/data=!3m1!1e3?hl=fr
L’une d’entre elles est -en gros- un carré de 6 km de coté, et une autre un rectangle de 5.5×4 km². La 3ème est un peu plus petite…
Non seulement, on peut voir les mines par avion, mais aussi les excavatrices de ces mines, des engins d’à peu près 200 m de long…
Je m’avoue inquiet de la vitesse à laquelle les idées, au départ issues de fractions minoritaires, mais puissamment relayées par les médias, se développent et propulsent une idéologie dangereuse pour la République. Force est de constater que les tenants de “l’intersectionnalité des luttes” voient leurs voeux – on est bien dans le religieux – exaucés: féminisme de genre, accommodation de la laïcité, écologisme (où le romantisme naturaliste l’emporte sur la raison)….
J’entendais il y a peu Alain Finkielkraut parler du culte de l’Autre venant supplanter la reconnaissance de l’altérité. Un grand courant de la psychanalyse (l’association lacanienne internationale) s’inquiète de la “société du même” qui se met en place, y voyant les prémices d’une dictature, de la pensée au minimum.
A travers la lutte contre le harcèlement sexuel, c’est la sexualité qui est attaquée, comme elle l’est par les gender studies. Comment pouvoir nier ce qui nous différencie anatomiquement, ce qui nous constitue et à partir de quoi nous nous construisons? Se reconnaitre du sexe masculin nous amène à désirer rencontrer l’autre sexe, ou pas (prévention d’une poursuite pour homophobie…).
“Le désir est l’essence de l’homme”, nous dit Spinoza. Ce désir qui nous constitue, et parfois nous échappe…
@ Paul
[Je m’avoue inquiet de la vitesse à laquelle les idées, au départ issues de fractions minoritaires, mais puissamment relayées par les médias, se développent et propulsent une idéologie dangereuse pour la République.]
Il ne faut tout de même pas oublier que tout ça est une tempête dans un verre d’eau. Le milieu dans lequel ce genre d’idées se propage et se discute est tout petit. Pour moi, c’est une illustration de la « trahison des élites ». Les élites, c’est cette partie de la population qui a les instruments matériels et intellectuels pour développer une véritable pensée critique. Son devoir est d’exercer cette critique et de protéger la société des effets de mode et de marketing. Or, nos soi-disant élites jouent le rôle inverse : elles servent de caisse de résonance et d’amplificateur à toute sorte de délires, elles se font l’écho des idées les plus aberrantes ou les plus farfelues. Hier, c’était la « jouissance sans entraves » et la sexualité libre – y compris avec des enfants, comme l’écrivait Cohn Bendit à la fin des années 1960 – aujourd’hui ce serait plutôt sur le mode victorien avec #balancetonporc.
Ce comportement menace l’idée même d’élite. Combien de temps les couches populaires – qui sont celles qui payent – respecteront une pseudo-élite qui ne met pas ses capacités au service de tous ?
[A travers la lutte contre le harcèlement sexuel, c’est la sexualité qui est attaquée, comme elle l’est par les gender studies. Comment pouvoir nier ce qui nous différencie anatomiquement, ce qui nous constitue et à partir de quoi nous nous construisons? Se reconnaitre du sexe masculin nous amène à désirer rencontrer l’autre sexe, ou pas (prévention d’une poursuite pour homophobie…).]
Comme je l’avais dit par ailleurs, je pense que cette négation de ce qui nous différentie anatomiquement fait partie d’une négation plus vaste, celle de la condition humaine en général, c’est-à-dire, de ce qui dans la réalité nous limite et nous éloigne de la toute-puissance. Il ne s’agit pas de se résigner à un état de fait, mais d’admettre que, parce que la réalité a une certaine résistance, tout changement a un cout, et certains un cout que nous ne voulons pas ou ne pouvons pas payer. Nous naissons – sauf cas pathologiques – avec un sexe déterminé que nous n’avons pas le pouvoir de changer. Nous passons par des âges qui nous conduisent à la mort, et là encore nous n’y pouvons rien.
[“Le désir est l’essence de l’homme”, nous dit Spinoza. Ce désir qui nous constitue, et parfois nous échappe…]
C’est là une idée très occidentale. La mode aujourd’hui, ce serait plutôt les « philosophies orientales » qui reposent sur la diabolisation du désir…
Pourquoi pas,après l’hommage à johny,prévoir aux pieds des immeubles ‘rote lanterne’de la city de Frankfurt/Main,un hommage par Macron aussi,à Cohn Bendit élu municipal ,pendant des décennies,à l’époque où en France,il clamait partout:’élections pièges à cons’?
Le sexe était quasi interdit,avant 68,en France,il est devenu ,comme à Frankfurt,obligatoire,sources de revenus,voire toxique comme le montre les utilisateurs addicts du viagra cf: Weinstein ou Dsk,est ce enviable?
est ce une époque désésaliénée ?
Mariage,fidélité,abstinence,n’ont ils pas parfois quelques vertus?
Pudeur,galanterie,sens de l’humour,et respect,aussi?
Certes le sexe ne doit pas être tabou,mais ne relève t il pas de l’intime ou d’autre chose?
@ luc
[Certes le sexe ne doit pas être tabou, mais ne relève-t-il pas de l’intime ou d’autre chose?]
Cela dépend de ce qu’on appelle « le sexe ». Les rapports sexuels, n’ont aucune raison de relever de la sphère publique. Quel intérêt aurait la société à réguler les rapports sexuels en eux-mêmes ? Par contre, la question de la reproduction – avec son corollaire, la filiation – est une question essentielle dans toute société, et relève donc de la sphère publique.
Aussi longtemps que la contraception était d’une efficacité aléatoire, la question des rapports sexuels et celle de la reproduction ont été étroitement liées. Et c’est pourquoi les rapports sexuels étaient attirés dans la sphère publique, avec une réglementation précise de qui pouvait avoir des rapports avec qui et dans quelles conditions. Dès lors que la contraception est efficace, le rapport sexuel et la reproduction sont largement décorrélés, et le rapport sexuel se trouve renvoyé à la sphère privée, et donc à l’intime.