Salauds de hauts-fonctionnaires ! Non seulement ils nous coutent cher et ne foutent rien, mais en plus – et cette petite musique devient assourdissante ces derniers temps – ils empêchent notre président de la République et son gouvernement de mettre en œuvre les politiques qui nous préparent un avenir radieux. Si nous ne vivons pas dans le paradis terrestre, nous explique-t-on, c’est parce que les méchants « technocrates de Bercy » mettent des bâtons dans les roues, parce que les « énarques » refusent de mettre en œuvre ou retardent les réformes, parce que « l’appareil d’Etat » serait profondément conservateur et n’aurait en tête que la défense de son territoire et la préservation de son pouvoir.
Ce discours n’a rien de nouveau : le fonctionnaire – et encore pire, le « haut fonctionnaire » – a dans l’imaginaire libéral le même rôle que le capitaliste à cigare dans l’imaginaire gauchiste : celui du coupable idéal auquel on peut attribuer tous les malheurs du monde. La différence, c’est que contrairement aux gauchistes les libéraux exercent le pouvoir, et ont donc besoin de justifier leurs ratés non pas en termes généraux, mais en se trouvant des boucs émissaires en chair et en os qu’on peut jeter en pâture à la populace – en termes symboliques aujourd’hui, mais qui sait demain – dans la plus belle veine populiste.
Avant de hurler avec les loups, il serait peut-être intéressant de faire un petit voyage dans ce monde si mystérieux des « technocrates » et autres « énarques » pour mieux comprendre comment ça marche et mieux juger ce qui ne marche pas… et surtout qui en est responsable. Bienvenus donc, chers lecteurs, au monde de la fonction publique.
D’abord, pourquoi une fonction publique, et surtout, pourquoi une fonction publique de carrière protégé par un statut exorbitant du droit commun ? Pourquoi l’Etat ne pourrait employer des agents sous le régime commun du salariat ?
La réponse – qui est différente donc selon les pays – se trouve dans la conception que les citoyens ont de ce que doit être un agent public. En France on accepte parfaitement que le boulanger puisse faire cadeau d’une baguette au client dont la gueule lui revient sans avoir à rendre compte à personne si ce n’est à son patron, mais nous n’accepterions pas que l’inspecteur des impôts puisse faire des remises à la tête du client sans base légale. Nous admettons parfaitement qu’un agent privé puisse embaucher un copain ou sa maîtresse. Nous n’accepterions certainement pas qu’un agent public fasse de même. Nous tenons donc à ce que les agents publics soient rigidement encadrés par deux principes dont le but est de nous protéger de l’arbitraire : celui de légalité (tout ce que l’agent public fait doit avoir une base légale préalable) et celui d’égalité (deux citoyens dans la même situation juridique doivent être traités de la même manière).
La préservation de ces deux principes nécessite que l’agent public soit protégé des pressions. De celles de sa hiérarchie – et en dernière instance du politique – mais aussi des pressions des agents privés. Le statut de la fonction publique, avec les règles de nomination et d’avancement à l’ancienneté et la sécurité de l’emploi, remplit exactement cet objectif. Un agent public dont la carrière serait totalement dépendante de ses chefs serait démuni devant la demande d’exécuter un acte contraire aux principes de légalité et d’égalité. Un agent public qui pourrait être licencié comme n’importe quel travailleur serait fortement incité dans l’exercice de ses fonctions d’être très, très accommodant avec les acteurs susceptibles de devenir plus tard ses employeurs (1).
Mais si l’agent public doit être protégé des pressions, l’autorité politique qui représente la nation doit avoir les moyens de se faire obéir, puisque la raison d’être de l’agent public est de mettre en œuvre « loyalement » – retenez le terme, il est important – la politique décidée par elle. C’est pourquoi le troisième pilier, à côté des principes de légalité et d’égalité, est le principe de l’obéissance hiérarchique. La fonction publique est un monde hiérarchisé, et chaque fonctionnaire est tenu d’exécuter au mieux de ses compétences – c’est là où la loyauté intervient – les ordres qu’il a reçu de son supérieur. Partant du ministre jusqu’au moindre guichetier, chacun est soumis à ce principe. C’est là la garantie que le fonctionnaire ne profitera pas des protections attachées à son statut pour s’attribuer un pouvoir qui n’appartient qu’au politique (2).
La fonction publique est donc système pyramidal très semblable – Napoléon est passé par là – à un système militaire. Pour simplifier, l’unité de base de l’administration centrale est le bureau, avec à sa tête un chef de bureau. Les bureaux sont regroupés dans des sous-directions, les sous-directions en services, les services en directions, les directions en directions générales. Le directeur général est lui sous l’autorité directe du ministre. Dans les territoires, on trouve les administrations déconcentrées, installées dans les départements ou les régions, sous l’autorité d’un préfet qui commande à des sous-préfets (qui sont soit en charge d’un territoire, soit d’une fonction en préfecture comme celle de secrétaire général ou de directeur de cabinet) et de « directeurs des services déconcentrés » (3).
En dehors de cette hiérarchie se trouvent certains services particuliers, les « inspections générales ». Ces inspections – qui sont sous l’autorité d’un chef d’inspection – prennent leurs ordres directement du ministre, qui peut leur demander d’effectuer des audits et des contrôles sur l’ensemble des services de son ministère et de lui rendre compte, ainsi que des rapports sur tout sujet intéressant le ministère.
Mais qui nomme ceux qui dirigent ces différentes instances ? C’est le ministre qui détient le pouvoir de nomination, qu’il peut exercer ou déléguer selon le niveau des fonctions et l’intérêt qu’il a pour la chose. Il est rare qu’un ministre intervienne personnellement dans la nomination d’un chef de bureau, mais il est arrivé qu’il se réserve un droit de véto sur la nomination d’un sous-directeur, et bien entendu il choisit et nomme presque toujours personnellement les directeurs et directeurs généraux. Mais surtout, il y a une césure importante qui sépare les positions les plus élevées (directeur, directeur général, préfet ou ambassadeur) des autres emplois.
Jusqu’au niveau de chef de service, c’est l’autorité politique qui nomme… mais elle ne peut pas nommer n’importe qui. Le candidat doit remplir des conditions précises : il doit avoir une certaine ancienneté, il doit appartenir à un corps qui lui permet d’être nommé à ces fonctions, il doit avoir éventuellement occupé des postes d’un certain niveau. En d’autres termes, il doit remplir des conditions d’expérience et de qualifications. Ce mécanisme est là pour empêcher les nominations de complaisance et donc la politisation de la haute fonction publique.
Pour aider à la compréhension du lecteur qui ne serait pas familier avec l’organisation de la fonction publique, il faut ici faire un petit aparté sur cette question de « corps ». Dans la fonction publique d’Etat française, chaque fonctionnaire appartient à un « corps » dès son recrutement. Un corps est un ensemble de personnes destinées à remplir des fonctions de même nature. Ainsi, par exemple, le corps des ingénieurs des travaux publics de l’Etat est formé d’ingénieurs qui occuperont des fonctions dans les services centraux et déconcentrés chargés des transports ; le corps des administrateurs civils de gens qui occuperont les postes de conception et de direction dans les services administratifs, et ainsi de suite. Chaque corps a son statut qui précise les règles de recrutement (par concours, par promotion venant d’un autre corps) de promotion interne, et les postes qui sont réservés à ses membres. Ces corps sont classés par catégories distinguées par les lettres A, B et C, et qui correspondent grossièrement aux catégories de cadre, technicien et personnel d’exécution dans le secteur privé. A cela s’ajoute une catégorie A+ qui regroupe grosso modo ce qu’on appelle les « hauts fonctionnaires ». La curiosité ici est qu’un « haut fonctionnaire », dans la mentalité française n’est pas quelqu’un qui occupe effectivement une fonction élevée, mais une personne qui est formée pour et qui a vocation à l’occuper. Ainsi un énarque est considéré un « haut fonctionnaire » dès sa sortie d’école, alors qu’il occupera un poste subalterne (chef de bureau ou même adjoint au chef de bureau). (4)
Mais revenons à nos moutons : si jusqu’au niveau de chef de service on peut se contenter d’une obéissance loyale, au-dessus de ce niveau on retrouve des postes pour lesquels la simple loyauté ne suffit pas. A ces niveaux de responsabilité, il faut pouvoir exiger des personnes qui l’occupent un véritable engagement dans les politiques qu’ils mettent en œuvre, un véritable rapport de confiance. C’est pourquoi pour les postes tels que directeur, directeur général, préfet ou ambassadeur le pouvoir politique a une totale liberté de nomination : on peut être nommé directeur, préfet ou ambassadeur sans être fonctionnaire, sans avoir de diplôme particulier, sans aucune exigence autre que d’être français. Et contrairement aux chefs de service ou sous-directeurs, les titulaires de ces emplois peuvent être congédiés sans avoir à justifier de la moindre faute, puisque leur légitimité est liée à la confiance que l’autorité politique.
J’insiste lourdement sur ce point : un directeur, un directeur général, un ambassadeur, un préfet, un délégué interministériel et que sais-je d’autre peuvent être renvoyés sur un simple trait de plume et sans explications s’ils ne donnent pas entière satisfaction, et ils peuvent être remplacés sur le champ par toute personne choisie par le pouvoir politique avec la plus entière liberté. Les litanies interminables de ces politiques qui, après passage par un ministère, attribuent leurs échecs au fait d’avoir bloqués ou de ne pas être obéis par leurs directeurs et directeurs généraux n’est donc qu’un prétexte : si leurs directeurs ne donnaient pas entière satisfaction, ils n’avaient qu’à les renvoyer et nommer des gens compétents et acquis à leurs politiques à leur place. Si ces politiques sont rationnelles, cela doit se trouver, non ?
La photo ne serait pas complète si on ne parlait pas des cabinets ministériels, là encore siège de tous les fantasmes. Le cabinet ministériel est le l’ensemble des conseillers de confiance du ministre. Parce que cette confiance est le fondement de leur travail, le ministre a une liberté presque complète pour les choisir (5). Traditionnellement, un cabinet consiste d’un directeur de cabinet, qui est l’alter ego du ministre et a souvent la délégation de signature ; d’un chef de cabinet qui est l’homme qui contrôle l’agenda, organise les déplacements et gère le fonctionnement matériel du cabinet ; et d’un certain nombre de conseillers hiérarchisés entre « conseillers spéciaux » (souvent des confidents du ministre), conseillers (des gens d’expérience qui prennent les dossiers sensibles) et conseillers techniques (ce sont les petits jeunes qui se tapent les notes pour le ministre). Sur les rapports entre les cabinets et les directeurs d’administration il y aurait un livre à écrire. Les directeurs ne sont hiérarchiquement soumis qu’au ministre… mais il est bien difficile de ne pas répondre à la demande de quelqu’un qui parle au nom du ministre et qui a son oreille…
Si j’ai fait ce tour d’horizon, c’est pour montrer deux choses : d’une part, que la complexité du système n’est pas irrationnelle. La rigidité du statut de la fonction publique est le prix à payer pour avoir une fonction publique raisonnablement neutre, apolitique et honnête, et c’est pourquoi les discours démagogiques sur le « big bang » de la fonction publique atteint assez rapidement ses limites. Et d’autre part, que les autorités politiques ont malgré la rigidité de ce statut tous les moyens de se faire obéir : pour les emplois supérieurs, ils ont une totale liberté de nomination : si un directeur, si un préfet ne donnent pas satisfaction, il peut être remplacé le mercredi suivant sans autre forme de procès. Pour les autres niveaux, le principe d’obéissance hiérarchique est là pour assurer l’exécution des mesures, et des inspections sont à disposition pour contrôler la mise en œuvre.
Mais alors, pourquoi les ministres se plaignent de ne pas pouvoir contrôler leurs administrations et de voir leurs décisions ignorées ou contrées par leurs administrations ? Au-delà du discours classique du bouc émissaire – et la fonction publique, avec son devoir de réserve qui l’empêche de se défendre, est un bouc émissaire fort commode – il y a dans la frustration des ministres un élément de réalité.
Le problème, c’est que ministres qui arrivent tous fringants dans leur bureau connaissent très mal voire pas du tout les réalités du fonctionnement de l’Etat sur le terrain, et tendent donc à mépriser les problématiques d’exécution. Vous me direz que c’est curieux pour des gens comme Macron ou Philippe, qui viennent eux-mêmes de l’intérieur de la fonction publique. Mais il faut se souvenir que ces gens viennent des « grands corps », qui sont généralement des corps de contrôle – en d’autres termes, des corps dont les membres regardent les autres conduire des projets, mais qui n’en conduisent pas eux-mêmes. Et du coup, ils pensent souvent qu’il suffit de claquer des doigts, de prendre une décision pour que la chose soit faite. Nous avons une excellente illustration avec les concessions annoncées par le président de la République aux « gilets jaunes » : décider la fin du prélèvement de la CSG pour certaines catégories de retraités prend quelques minutes. Mais en faire une réalité implique de modifier des textes législatifs ou réglementaires (toujours ce satané principe de légalité…), de modifier les programmes informatiques complexes qui font les calculs, de tester sérieusement les modifications, de mettre en place la procédure de traitement des réclamations… et tout cela ne se fait pas en une semaine, même avec la plus grande bonne volonté et la plus grande compétence.
Il y a aussi chez les politiques une sorte de déconnexion entre les demandes et les moyens. Les ministres ont tendance à croire qu’il y a en permanence une réserve de fonctionnaires en train de se tourner les pouces sur laquelle on peut puiser pour lancer les nouveaux projets. Or, ce n’est pas le cas. Avec des effectifs en constante diminution, les administrations arrivent à peine à remplir leurs fonctions habituelles. Une administration ne peut donc répondre à une nouvelle demande qu’en arrêtant ou ralentissant ses autres activités. Et les politiques sont souvent surpris et frustrés lorsqu’on leur explique que parce que le président a décidé de lancer un grand débat public, et qu’il faut donc dégager des moyens pour le réaliser, il n’y a plus personne pour s’occuper de leur dada particulier…
Parce que les politiciens arrivent au fauteuil de ministre dans cet état d’esprit « magique », l’administration joue souvent le rôle ingrat d’empêcheur de tourner en rond. C’est elle qui doit expliquer au politique que tout n’est pas possible, et que ce qui est possible n’est pas nécessairement faisable tout de suite. Cela va de choses très simples (une loi ne peut pas être contraire à la Constitution, un décret ne peut contredire une loi) à des choses beaucoup plus complexes, quelquefois incompréhensibles pour le ministre moyen. J’ai vu, de mes yeux vu, des directeurs en larmes après s’être vu accusés de sabotage et d’obstruction, alors qu’ils n’avaient fait que rappeler au ministre que, comme disait Napoléon, la guerre est un art tout d’exécution, et qu’on ne pouvait pas modifier en une semaine l’ensemble des fichiers fiscaux. Le « verrou » dont tant de politiques parlent n’est pas tant lié à la mauvaise volonté de l’administration ou à son incompétence qu’au simple principe de réalité.
Un deuxième reproche couramment formulé et que les hauts-fonctionnaires – aussi appelés « technocrates » – seraient coupés des réalités, qu’ils n’auraient aucun sens politique. Pour ce qui concerne le fait d’être « coupés des réalités », le reproche est en partie vrai. Mais ce n’est pas spécifique aux hauts-fonctionnaires. Ces dernières semaines ont montré qu’un grand nombre de députés LREM venus de la « société civile » étaient tout aussi coupés des réalités sinon plus. Par ailleurs, les hauts-fonctionnaires « de terrain » (préfets, sous-préfets, cadres des services opérationnels) sont souvent de très bons connaisseurs des « réalités » de terrain. On découvre maintenant que les préfets dans leur ensemble ont vu venir le mouvement des « gilets jaunes » et alerté le gouvernement que les mesures touchant l’automobile (et notamment la restriction à 80 km/h et le prix des carburants) allaient provoquer du grabuge. Leurs avertissements ont été jugés comme une expression de leur « résistance aux réformes »…
Pour ce qui concerne le « sens politique », c’est un reproche qui montre une conception particulière de la fonction publique. Car demander du « sens politique » aux fonctionnaires, c’est inverser les termes du problème. Les fonctionnaires, fut-ce les plus hauts, ne sont pas là pour « avoir du sens politique ». Ils sont là pour mettre leurs compétences techniques à la disposition du ministre et pour exécuter ses ordres. C’est au ministre – et aux membres de son cabinet qui le conseillent – d’avoir du « sens politique ». Si le ministre demande aux techniciens de lui proposer des mesures d’économie, leur boulot est de proposer des mesures qui se tiennent techniquement. Pas de proposer n’importe quoi au prétexte que cela plait au ministre, ou de se censurer au prétexte que la mesure serait impopulaire. C’est au ministre de choisir parmi les propositions de son administration celles qui sont politiquement acceptables et de rejeter les autres. Les ministres qui publient une mesure qui déclenche un tollé pour ensuite dire « ce n’est pas moi, ce sont les technocrates » ne font que profiter du fait que ces « technocrates » sont tenus par le devoir de réserve et ne peuvent se défendre.
En fait, le véritable facteur de pouvoir de l’administration, et curieusement celui qui est le moins dénoncé, c’est sa compétence ou, pour être plus précis, son monopole de la compétence. Devant des politiciens qui sont progressivement devenus des experts en communication mais ignorants de tout le reste, et qui ne peuvent même plus compter sur l’expertise des partis politiques devenus des simples machines électorales, l’administration s’impose par sa connaissance du droit, du terrain, des dossiers. C’est peut-être cela qui rend les rapports entre les ministres et leurs administrations les plus difficiles : le ministre peut ordonner, mais il n’a pas les moyens intellectuels de convaincre. Alors qu’il est le supérieur hiérarchique incontesté, il se retrouve dans une position d’infériorité intellectuelle. Il peut passer outre l’avis des experts ou même les renvoyer, mais à ses risques et périls, et sans avoir les moyens intellectuels de se faire une véritable opinion. La meilleure illustration de ce paradoxe est la manière dont après avoir claironné son intention de renvoyer en masse les directeurs d’administration centrale pour les remplacer par des hommes qui « portent la politique du gouvernement », Macron est revenu à des meilleurs sentiments. Tout le monde a compris en effet que renvoyer un technocrate parce qu’il vous dit que la terre est ronde pour le remplacer par un militant qui vous dira qu’elle est de la forme qui plairai le mieux au ministre est un pari très dangereux.
Descartes
(1) C’est pourquoi la tendance récente à permettre une circulation entre la fonction publique et le secteur privé a des conséquences catastrophiques. Le problème n’est pas tant le fait que des gens qui ont une expérience dans le secteur privé entrent dans la fonction publique, mais plutôt le processus inverse. Personnellement, je serais favorable à une restriction très forte au passage au privé des agents publics.
(2) Ce que je viens de vous exposer n’est pas que de la théorie. C’est ainsi que l’administration de ce pays fonctionne EN PRATIQUE. Cela fait plus de trente ans que je fréquente l’administration française, et je n’ai qu’exceptionnellement croisé des cas d’insubordination ou de sabotage. Les fonctionnaires français – et notamment les hauts fonctionnaires – en font souvent une question d’honneur. Je me souviens d’une réunion ou un haut fonctionnaire annonçait à ses troupes un arbitrage ministériel qui allait à l’encontre de ses souhaits en ces termes : « je vous demande d’appliquer loyalement cette décision, car c’est ça aussi la grandeur du métier de fonctionnaire ».
(3) Pour simplifier, je ne rentrerai pas dans le détail d’autres structures – en général censées être temporaires – comme les « délégations interministérielles », qui sont des équipes formées pour conduire un projet ou s’occuper d’une thématique particulière. Mais quelque soit la structure, le fonctionnement est purement hiérarchique.
(4) Il faut d’ailleurs noter que les énarques – les anciens élèves de l’Ecole nationale d’administration – ne constituent pas un corps. A la sortie de cette vénérable école, les élèves choisissent leur corps par ordre de classement. Si une dizaine d’entre eux entre dans les « grands corps » (Inspection des finances, Conseil d’Etat, Cour des comptes), l’immense majorité rentre dans les différents corps administratifs : corps des administrateurs civils, des conseillers des affaires étrangères, des tribunaux administratifs… et poursuivent des carrières de service public loin du feu des projecteurs.
(5) Pourquoi « presque » complète ? Parce que depuis quelques années le Premier ministre et quelquefois même le président exercent un contrôle discret mais efficace sur ces nominations, posant quelquefois leur véto sur les fonctions les plus importantes, celles de directeur ou directeur adjoint du cabinet.
(Je me permets de vous signaler une petite coquille :
“on peut nommer directeur, préfet ou ambassadeur sans être fonctionnaire”
Je pense que c’est : “on peut être nommé directeur, préfet… etc.”.)
Merci beaucoup pour cet article, c’est vraiment hyper clair et très intéressant, surtout quand ne connaît pas grand chose à la fonction publique. J’ai souvent entendu dire que notre haute fonction publique était enviée dans de nombreux pays, sans vraiment savoir pourquoi jusqu’alors. Il me semble aussi que nous avons très peu de corruption par rapport à de nombreux pays, le système que vous décrivez n’y est vraisemblablement pas pour rien.
Le passage suivant me fait m’interroger :
“qui ne peuvent même plus compter sur l’expertise des partis politiques devenus des simples machines électorales”
Si je comprends bien, les partis avaient plus d’expertise technique ? Comment faisaient ils ? Ils avaient des fonctionnaires parmi leurs militants (qui du coup appliquaient peut-être dans leur métier de fonctionnaire des idées contraires à leurs convictions de militants) ? Ou alors les militants étaient plus connaisseurs ? Comment expliquez vous que cette expertise ait disparue ?
@ tmn
[Merci beaucoup pour cet article, c’est vraiment hyper clair et très intéressant, surtout quand ne connaît pas grand-chose à la fonction publique.]
C’est un peu ce qui m’a poussé à écrire cet article. Ayant fait l’essentiel de ma carrière professionnelle en contact avec la fonction publique, je suis toujours très étonné de la méconnaissance qu’ont les citoyens de cette composante essentielle de notre démocratie. Curieusement, dans les cours d’instruction civique on passe beaucoup de temps sur les institutions politiques ou judiciaires, mais on passe très vite sur les institutions administratives. Une meilleure connaissance permettrait aux citoyens de mieux comprendre les difficultés du métier de gouverner, et de mieux décoder certains discours de justification…
[J’ai souvent entendu dire que notre haute fonction publique était enviée dans de nombreux pays, sans vraiment savoir pourquoi jusqu’alors. Il me semble aussi que nous avons très peu de corruption par rapport à de nombreux pays, le système que vous décrivez n’y est vraisemblablement pas pour rien.]
Tout à fait. Depuis 1946, beaucoup de pays ont monté des institutions sur le modèle de l’ENA, souvent avec l’appui de la France. Avec des fortunes diverses : ainsi par exemple je connais le cas d’un pays où une fois l’institution établie il a été impossible de persuader les politiques d’instituer un recrutement par concours : les deux partis politiques qui se disputent le pouvoir avaient trop peur de perdre le contrôle de l’Etat. Il fut donc décidé que chaque parti désignerait la moitié des admis…
Oui, le recrutement par concours anonyme, la promotion salariale à l’ancienneté, la sécurité de l’emploi, la rigidité du cadre de nomination ont certainement des défauts et des effets pervers. Mais ils sont aussi la garantie d’une fonction publique compétente, neutre et relativement honnête. Avant de mettre le système cul par-dessus tête la question à se poser est : sommes-nous prêts à sacrifier un peu de cette compétence, de cette neutralité, de cette honnêteté au nom de l’efficacité ? La question reste posée…
[Le passage suivant me fait m’interroger : “qui ne peuvent même plus compter sur l’expertise des partis politiques devenus des simples machines électorales” Si je comprends bien, les partis avaient plus d’expertise technique ? Comment faisaient-ils ? Ils avaient des fonctionnaires parmi leurs militants (qui du coup appliquaient peut-être dans leur métier de fonctionnaire des idées contraires à leurs convictions de militants) ? Ou alors les militants étaient plus connaisseurs ? Comment expliquez-vous que cette expertise ait disparue ?]
Je crains de me répéter, mais on revient ici à la question du tragique en politique. Jusqu’aux années 1980, les Français a encore la mémoire de la débâcle de 1940 et de la tragédie algérienne, la conscience de la guerre froide. Ils savent donc que nous vivons dans un monde difficile, dangereux, et que les choix des gouvernants et la faiblesse des institutions peuvent avoir des conséquences désastreuses. En d’autres termes, les citoyens sont convaincus de l’efficacité de leurs choix : le fait de choisir X plutôt que Y change VRAIMENT les choses, et on ne peut donc mettre au pouvoir n’importe qui. Au-delà même des choix politiques, il faut des gens capables de gouverner.
Sur cela se greffe un deuxième élément, qui est le statut du savoir, de la connaissance, dans la société. Jusqu’à la fin des années 1960, le savoir, la connaissance, la compétence reste une valeur positive associée au travail et à l’effort. Dans une société comme la nôtre ou les hommes publics essayent de faire oublier le fait qu’ils ont passé des concours difficiles et qu’ils ont fait de bonnes écoles, il est difficile d’imaginer que dans le monde d’avant c’était l’inverse. Que le passage par l’ENA, par Polytechnique, par Normale Sup ou par Saint-Cyr pouvait être au contraire un argument de vente. Parce que le citoyen était convaincu que pour bien gouverner, une vaste culture n’était pas un handicap, mais au contraire un avantage. Et c’est pourquoi les partis politiques étaient obligés de se doter d’une expertise et d’attirer des « sachants » : disposer d’une véritable expertise crédibilisait son action et son candidat et montrait sa capacité à gouverner.
La fin des années 1960, avec la fin de la croissance des « trente glorieuses » et le raidissement des « classes intermédiaires » change tout ça. Mais c’est dans les années 1980 que ce changement devient patent. C’est alors que le discours démagogique qui explique qu’il faut se méfier des « sachants » et autres « experts », que l’authenticité ou la spontanéité sont plus importante que la connaissance ou le travail s’impose. La nomination au gouvernement de Bernard Tapie, un ignorant sympathique ayant fait carrière grâce à son opportunisme, son bagout et une absence totale de scrupules est de ce point de vue emblématique. Et puisque le savoir et la compétence ne font plus la crédibilité d’une organisation politique, pourquoi les partis politiques iraient consacrer des moyens à se doter de l’un et l’autre ?
La transformation de la politique en spectacle a encore accentué le phénomène. Personne aujourd’hui ne pense que son vote est important au sens où on le pensait avant les années 1980. En 1981, certains étaient convaincus qu’un « mauvais vote » amènerait les chars russes sur les Champs Elysées et la nationalisation de tous les dépôts bancaires. Aujourd’hui, nous sommes au contraire persuadés que voter ne changera pas grande chose, que les politiques poursuivies par les uns et les autres seront à peu près les mêmes. La question de savoir si tel ou tel candidat dispose de l’expertise nécessaire pour conduire les changements qu’il propose n’a plus aucun intérêt, puisque tout le monde fera la même politique…
Cette transformation n’arrive pas par hasard. Elle correspond aux intérêts du « bloc dominant », et plus particulièrement des « classes intermédiaires ». En effet, le propre du bloc dominant est que sa domination n’est pas fondée sur un rapport de force numérique, mais sur un rapport de force politique. C’est pourquoi, depuis que le vote censitaire est devenu suffrage universel, il se méfie du politique, et n’a eu cesse d’organiser son impuissance. Chasser « l’expert » et le « sachant » et persuader Mme Michu qu’elle n’en a pas besoin de ces parasites, que son opinion vaut bien la leur, c’est une des façons d’aboutir à ce résultat.
Bonjour Descartes,
je rebondis sur votre réponse @tmn:
“Aujourd’hui, nous sommes au contraire persuadés que voter ne changera pas grande chose, que les politiques poursuivies par les uns et les autres seront à peu près les mêmes. La question de savoir si tel ou tel candidat dispose de l’expertise nécessaire pour conduire les changements qu’il propose n’a plus aucun intérêt, puisque tout le monde fera la même politique…”
Je pense que vous y allez un peu trop fort: au-delà de la discussion sur l’Europe, le libéralisme ou l’immigration, l’échec de MLP à la dernière élection est fortement corrélé à une incapacité à exposer avec clarté est maitrise un projet de changement très radical, notamment dans le débat d’entre deux tours. Bref, une impression de programme établit sur un coin de table de troquet, marqué au sceau de l’ivresse du y’a qu’à faut qu’on.
La “compétence” joue encore un rôle important au moments des choix clefs dans ce pays à mon sens. A l’occasion d’une discussion avec un collègue britannique, il se moquait d’ailleurs de notre utilisation si fréquente de ce mot – la “compétence” de chacun. concept qu’il trouvait très abstrait quand il est si simple de regarder les résultats des actions passées des dites personnes.
Par ailleurs, votre papier, si clair et pédagogique soit-il, n’est pas très problématisé me semble-t-il: il n’y aurait pas de défaut à notre système administratif? aucun blocage ou lourdeur bureaucratique?
Sans doute le sujet d’écrits à venir de votre part, ciblant les classes moyennes comme souvent.
M’est avis que les dits hauts fonctionnaires, que vous défendez avec ardeur et brio, font largement partie des dites classes et partagent assez largement des opinions politiques semblables (croyez vous que ces hauts fonctionnaires voteraient RN?)- notamment pro-Européennes.
Cela ne signifie bien sûr pas qu’ils soient “déloyaux” mais qu’il y a un idéal de pouvoir technocratique: alliance des tendances bonapartistes à l’idée qu’il existe une solution rationnelle optimale à chaque question politique incluant plus de marché, plus d’intégration européenne et plus de juridisme. Selon cette vision des choses, l’échec ou la réussite ne serait qu’affaire de bonne gestion et la politique synonyme de perte d’efficacité.
Idée qui a à mon sens participé à porter EM au pouvoir, et qu’à vous lire vous ne repoussez pas tout à fait non plus?
Bonnes fêtes à vous
Axelzzz
PS. je précise que votant moi même pour EM, l’hypothèse que la fonction publique reste plutôt allergique à MLP n’est pas l’expression d’un regret ou d’un quelconque jugement de valeur, mais plutôt la tentative de préciser un diagnostique.
@ Axelzzz
[Je pense que vous y allez un peu trop fort: au-delà de la discussion sur l’Europe, le libéralisme ou l’immigration, l’échec de MLP à la dernière élection est fortement corrélé à une incapacité à exposer avec clarté est maitrise un projet de changement très radical, notamment dans le débat d’entre deux tours.]
Supposons un instant que MLP ait exposé magistralement entre les deux tours un projet parfaitement maîtrisé de « changement très radical ». A supposer même qu’une majorité de l’électorat veuille un tel changement – ce qui reste à démontrer – aurait-elle réussi à convaincre l’électorat qu’elle avait véritablement l’intention de mettre en œuvre ce programme au cas où elle aurait été élue ? Il faut dire que l’expérience des trente dernières années a montré abondamment que ce n’est pas parce qu’on dispose d’un programme précis exposé avec clarté – pensez au programme commun – que les choses changent après l’élection.
C’est ça la question que j’ai posé : combien de Français pensent aujourd’hui que le vote peut vraiment changer quelque chose aux politiques mises en œuvre ? Vous-même, pensez-vous que si MLP avait été choisie en 2017 elle aurait VRAIMENT mis en œuvre la sortie de l’Euro, qu’elle aurait VRAIMENT défié l’UE ? Qu’elle aurait VRAIMENT mise en œuvre une politique économique différente ? Qu’elle aurait VRAIMENT eu la volonté de changer les choses au point de prendre les risques que cela entraine ?
Si la réponse est négative, alors vous partagez l’opinion que j’attribue à une majorité de nos concitoyens : le vote ne peut rien changer, parce que les différences entre les candidats qui sollicitent nos voix sont purement cosmétiques. Arrivés au pouvoir, ils feront tous la même politique à quelques détails d’habillage près.
[La “compétence” joue encore un rôle important au moment des choix clefs dans ce pays à mon sens. A l’occasion d’une discussion avec un collègue britannique, il se moquait d’ailleurs de notre utilisation si fréquente de ce mot – la “compétence” de chacun. concept qu’il trouvait très abstrait quand il est si simple de regarder les résultats des actions passées des dites personnes.]
La vision de votre collègue britannique est d’un volontarisme extrême : elle suppose que les « résultats » ne dépendent que des actions de la personne, et non du contexte. De Gaulle a perdu l’Algérie. Doit on conclure qu’il était « incompétent », ou que dans le contexte de l’époque et avec les moyens dont il disposait c’était la meilleure solution possible ?
Si la « compétence » joue encore un certain rôle au moment des choix – un rôle beaucoup moins « clef » que vous ne le pensez à mon avis – c’est parce que l’appareil de l’Etat reste pour une part méritocratique. Mais la part de la « compétence » dans les décisions clés devient dangereusement faible : pensez à la décision de fermer Fessenheim et de passer à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité ou de ne pas construire l’aéroport de Notre Dame des Landes. A votre avis, quelle est dans ces décisions la part de la « compétence » ?
[Par ailleurs, votre papier, si clair et pédagogique soit-il, n’est pas très problématisé me semble-t-il: il n’y aurait pas de défaut à notre système administratif? aucun blocage ou lourdeur bureaucratique?]
Bien sur que si. Je pense que mon papier n’occulte en rien la lourdeur et la rigidité du système. J’explique d’ailleurs – et c’est là une « problématisation » qui me paraît répondre à votre question – que cette lourdeur, cette rigidité tiennent au fait que nous voulons une fonction publique neutre et honnête. Si nous relaxons cette exigence, nous pourrions avoir une fonction publique bien plus légère et moins rigide. Mais on ne peut pas tout avoir.
En matière d’institutions, tout ce qui existe a une raison. Si notre fonction publique est comme elle est, c’est parce qu’elle répond à des contraintes, des besoins, des intérêts. Attribuer la « lourdeur bureaucratique » de notre Etat à la méchanceté ou à la bêtise des hommes n’est pas très sérieux. D’ailleurs, dans mon domaine je vis en permanence ces contradictions : les jours pairs on me demande d’alléger les contrôles, les jours impairs on m’engueule parce que telle ou telle activité n’est pas suffisamment contrôlée.
[Sans doute le sujet d’écrits à venir de votre part, ciblant les classes moyennes comme souvent. M’est avis que les dits hauts fonctionnaires, que vous défendez avec ardeur et brio, font largement partie des dites classes et partagent assez largement des opinions politiques semblables (croyez vous que ces hauts fonctionnaires voteraient RN?)- notamment pro-Européennes.]
L’appartenance des hauts fonctionnaires aux « classes moyennes » est discutable : soumis aux principes d’obéissance hiérarchique et au statut de la fonction publique, ils n’ont guère de pouvoir de négociation concernant leurs rémunérations. Leurs rémunérations sont assez largement inférieures à ce qu’ils pourraient avoir dans le secteur privé. Si du point de vue sociologique ils appartiennent sans doute aux classes moyennes, on peut se demander si du point de vue des rapports de production ils le sont. En tout cas, ce qu’on appelle la « mystique du service publique », qui se matérialise par des sacrifices importants en termes matériels, fait qu’on y trouve une idéologie qui diffère notablement de celle des classes moyennes, avec une persistance de la logique de l’honneur et une vision collectiviste. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne la vision de l’Europe ou de la décentralisation : la haute fonction publique m’apparaît aujourd’hui bien plus eurosceptique et jacobine que le reste des « classes moyennes ».
[Cela ne signifie bien sûr pas qu’ils soient “déloyaux” mais qu’il y a un idéal de pouvoir technocratique: alliance des tendances bonapartistes à l’idée qu’il existe une solution rationnelle optimale à chaque question politique incluant plus de marché, plus d’intégration européenne et plus de juridisme. Selon cette vision des choses, l’échec ou la réussite ne serait qu’affaire de bonne gestion et la politique synonyme de perte d’efficacité.]
Bien entendu. Ce sont des « techniciens », et ils ont une vision « technicienne ». Ils sont dans leur rôle. C’est aux politiques de faire leur boulot, de les faire travailler sur les problèmes, de comprendre la logique de la « solution rationnelle optimale » qu’ils proposent, et d’ensuite construire à partir d’elles une véritable solution « politique ».
[Idée qui a à mon sens participé à porter EM au pouvoir, et qu’à vous lire vous ne repoussez pas tout à fait non plus?]
Si. Etant moi-même un « technicien », je repousse avec horreur l’idée d’une « technocratie ». Je crois fermement à la primauté du politique. Ce qui ne veut pas dire que le politique puisse se passer du technicien. Non, le politique doit écouter le technicien, débattre avec lui, puis prendre une décision dans laquelle le critère de pure rationalité technique n’est qu’un paramètre. Seulement voilà : dès lors que le politique a le choix de suivre ou non le technicien, IL DOIT ASSUMER LA RESPONSABILITE DE LA DECISION. Il ne peut pas ensuite expliquer que « les techniciens l’ont saboté ».
[PS. je précise que votant moi même pour EM, l’hypothèse que la fonction publique reste plutôt allergique à MLP n’est pas l’expression d’un regret ou d’un quelconque jugement de valeur, mais plutôt la tentative de préciser un diagnostique.]
Je pense que vous faites erreur en pensant que la fonction publique est restée « allergique à MLP ». Les études montrent plutôt que la fonction publique en moyenne – enseignants exceptés – a été légèrement plus favorable à MLP que l’ensemble des citoyens. C’est particulièrement vrai dans la police, dans la gendarmerie, chez les militaires, chez les magistrats…
@Descartes
> C’est ça la question que j’ai posé : combien de Français pensent aujourd’hui que le vote peut vraiment changer quelque chose aux politiques mises en œuvre ? Vous-même, pensez-vous que si MLP avait été choisie en 2017 elle aurait VRAIMENT mis en œuvre la sortie de l’Euro, qu’elle aurait VRAIMENT défié l’UE ? […] Si la réponse est négative, alors vous partagez l’opinion que j’attribue à une majorité de nos concitoyens : le vote ne peut rien changer, […]
Pardon, mais vous faites une erreur de logique. Ce n’est parce qu’on considère que MLP n’avait pas vraiment l’intention d’appliquer son programme qu’on considère que le vote en général ne peut rien changer. Comme le souligne Axel, il y avait de bonnes raisons de considérer (ou craindre) que MLP n’appliquerait peut-être pas son programme : d’une part parce qu’elle semblait incapable de l’expliquer (c’est vraiment mauvais signe), d’autre part parce que l’histoire du FN ne montre pas un grand attachement aux problématiques socio-économiques, enfin parce qu’une part importante du FN semblait opposée au projet même de sortie de l’euro (ou était partisane de le passer en basse priorité, ce qui revient finalement au même).
Il est clair par ailleurs que MLP a perdu plusieurs points suite au débat, signe que les gens (ceux qui hésitaient à voter MLP) attendaient bien quelque chose de ce débat – par exemple la validation d’une compétence et d’un esprit de sérieux. Or, si le vote ne pouvait rien changer aux politiques mises en oeuvre, ces critères n’importeraient probablement pas beaucoup. Pire : MLP était plus haut quand son désir de sortir de l’euro _apparaissait_ sérieux, et c’est quand ce sérieux s’est éventé qu’elle a chuté.
> En tout cas, ce qu’on appelle la « mystique du service publique », qui se matérialise par des sacrifices importants en termes matériels, fait qu’on y trouve une idéologie qui diffère notablement de celle des classes moyennes
Votre classification est-elle basée sur l’idéologie ou les rapports de production ? Vous critiquez souvent les classifications sociologiques, basées sur des différences d’habitus, mais j’ai l’impression que vous recourez ici à un argument similaire.
> L’appartenance des hauts fonctionnaires aux « classes moyennes » est discutable
Alors où les placeriez-vous ? Chez la classe ouvrière ? Chez les bourgeois ? Ou est-ce que la classification que vous proposez est lacunaire ?
> la haute fonction publique m’apparaît aujourd’hui bien plus eurosceptique et jacobine que le reste des « classes moyennes ».
Je me demande, honnêtement, à quel point cela est lié à un biais de perception ou de sélection de votre part… Est-ce que vous ne chercheriez pas simplement à vous en convaincre ?
@ Antoine
[Pardon, mais vous faites une erreur de logique. Ce n’est parce qu’on considère que MLP n’avait pas vraiment l’intention d’appliquer son programme qu’on considère que le vote en général ne peut rien changer.]
Si j’ai pris le cas de MLP, c’est parce qu’elle incarne encore une possibilité d’une politique différente – entre autres choses, parce que le FN n’a jamais gouverné. Mais si vous voulez on peut élargir le choix. De tous les candidats présents au premier tour, lequel pensez-vous aurait fait une politique économique très différente de celle que nous voyons appliquer depuis trente ans ? Hamon, qui fut un fidèle militant socialiste pendant vingt ans ? Mélenchon, qui fut sénateur sous Mitterrand et ministre de Jospin ? Fillon, qui fut Premier ministre de Sarkozy ? Bayrou ?
[Comme le souligne Axel, il y avait de bonnes raisons de considérer (ou craindre) que MLP n’appliquerait peut-être pas son programme : d’une part parce qu’elle semblait incapable de l’expliquer (c’est vraiment mauvais signe), d’autre part parce que l’histoire du FN ne montre pas un grand attachement aux problématiques socio-économiques, enfin parce qu’une part importante du FN semblait opposée au projet même de sortie de l’euro (ou était partisane de le passer en basse priorité, ce qui revient finalement au même).]
Je suis d’accord, et c’était bien là mon point. Si l’on ne peut compter même pas sur MLP, qui pourtant incarnait un certain degré de nouveauté, pour faire une politique différente, comment croire que le vote peut changer quelque chose ?
[« En tout cas, ce qu’on appelle la « mystique du service publique », qui se matérialise par des sacrifices importants en termes matériels, fait qu’on y trouve une idéologie qui diffère notablement de celle des classes moyennes » Votre classification est-elle basée sur l’idéologie ou les rapports de production ?]
Sur les rapports de production, bien entendu. Simplement, j’essaye de comprendre pourquoi les hauts fonctionnaires, qu’il semble à priori raisonnable de compter dans les « classes intermédiaires » ont un comportement qui diffère significativement de ces classes.
[« L’appartenance des hauts fonctionnaires aux « classes moyennes » est discutable. » Alors où les placeriez-vous ? Chez la classe ouvrière ? Chez les bourgeois ? Ou est-ce que la classification que vous proposez est lacunaire ?]
Je pense qu’il faut d’abord, pour répondre à votre question, se demander si l’on peut considérer la haute fonction publique comme un tout homogène. Il y a une grande différence entre le commissaire de police, qui est soumis à des règles précises et n’a pratiquement aucun pouvoir de négociation pour discuter de sa rémunération, et le directeur général du Budget à Bercy, dont les primes sont négociées avec son ministre. Oui, je pense que le commissaire de police est plus proche des couches populaires que des « classes intermédiaires ».
[la haute fonction publique m’apparaît aujourd’hui bien plus eurosceptique et jacobine que le reste des « classes moyennes ». Je me demande, honnêtement, à quel point cela est lié à un biais de perception ou de sélection de votre part… Est-ce que vous ne chercheriez pas simplement à vous en convaincre ?]
En y réfléchissant bien, je pense que si biais il y a, c’est surtout un biais lié aux hauts fonctionnaires qu’il m’est donné de fréquenter, et qui ne représentent nullement un échantillon représentatif de la haute fonction publique française. Ainsi, je connais peu de diplomates, et encore moins de fonctionnaires du Trésor, probablement les administrations les plus europhiles. Alors que l’essentiel de mes amis se trouvent au ministère de l’Intérieur ou dans les corps techniques, connus pour être beaucoup plus jacobins.
@Descartes
> Ainsi, je connais peu de diplomates, et encore moins de fonctionnaires du Trésor, probablement les administrations les plus europhiles. Alors que l’essentiel de mes amis se trouvent au ministère de l’Intérieur ou dans les corps techniques, connus pour être beaucoup plus jacobins.
Et pour avoir quelques échos des services de la Culture (certes plutôt des catégories A et B), le macronisme paraît y avoir été très virulent.
@ Antoine
[t pour avoir quelques échos des services de la Culture (certes plutôt des catégories A et B), le macronisme paraît y avoir été très virulent.]
Comme quoi, on a tort de considérer la haute fonction publique (et la fonction publique tout court) comme un tout monolithique. C’est une grosse collectivité ou l’on trouve les mêmes lignes de partage que dans la société: des lignes culturelles, des lignes de classe, des lignes d’intérêt. Ce qui d’ailleurs est une bonne chose, puisque cela prouve que les fonctionnaires ne vivent pas en vase clos.
@Descartes bravo,et merci pour cette visite guidée,de la fonction publique française,sur la pointe des pieds,tant l’édifice est fragilisé sous Macron.
Ces hauts fonctionnaires ont aussi donné Blanquer !
C’est notre futur 1er ministre.Il est beaucoup manoeuvrier que Philippe,d’où son efficacité vénéeuse contre les fonctionnaires de l’EN..
Son habileté(2 profs principaux en Terminale pour tenir les élèves face à Parcours sup),lui a permis d’œuvrer comme personne pour le libéralisme.
Dans les lycées,la réforme Blanquer,ce n’est pas une énième réformette,c’est un bouleversement total mis en place presque sans vagues,pour septembre 2019.Tous les comptables,les anti-plan Wallon en bavent d’avance,c’est la fin de l’EN sociale et populaire issue des années 70.
Le dédoublement des CP,a endormi les parents et les enseignants.
Cela a permis la suppression de 10% des postes grâce à la diminution des postes suite à la diminutions drastique des heures d’enseignement dans les lycées.
Ce haut fonctionnaire,Blanquer,dans les coulisses de l’EN depuis 15 ans,ne mérite t il pas le titre de serviteur zélé du Capital?
@ luc
[Ces hauts fonctionnaires ont aussi donné Blanquer !]
C’est drôle que vous le mentionniez, parce que j’ai justement pensé à Blanquer en écrivant le paragraphe de mon papier dans lequel je lie l’incapacité proclamé des ministres à se faire obéir de leur administration et leur méconnaissance du fonctionnement de l’Etat. Blanquer est l’exception qui confirme la règle : voilà un ministre qui ne se plaint jamais d’avoir des difficultés avec son administration, et qui plus est arrive ostensiblement à se faire obéir. Pourquoi ? Parce que Blanquer connait parfaitement non seulement son sujet, mais aussi son ministère. Il sait ce qu’il est possible de faire, et dans quels délais. Et du coup il ne demande à son administration que ce qui est possible, et l’administration obéit.
Le cas de Parcoursup est emblématique. Le nouveau système ne pouvait que mal fonctionner, pour les raisons que j’avais expliquées dans un ancien papier : il est illusoire d’assurer la liberté de choix des candidats à l’enseignement supérieur sauf à disposer de moyens illimités. Tout système de répartition ne peut donc que faire des mécontents. Mais lorsque Parcoursup a eu les difficultés prévisibles, Blanquer s’est bien gardé de rejeter la faute sur l’administration, d’expliquer que son système était parfait mais avait été bloqué par ses directeurs ou saboté par l’administration.
[Ce haut fonctionnaire, Blanquer, dans les coulisses de l’EN depuis 15 ans, ne mérite t il pas le titre de serviteur zélé du Capital?]
Vous parlez de Blanquer haut fonctionnaire ou de Blanquer ministre ? Parce que ce n’est pas tout à fait la même chose. Blanquer haut fonctionnaire a servi l’Etat en mettant en œuvre les politiques décidées par les élus du peuple. Blanquer ministre, c’est autre chose…
Vous écrivez : «La fonction publique est donc un système pyramidal très semblable – Napoléon est passé par là – à un système militaire».
Ceci me fait penser à un autre qui est aussi passé par là : Le Général de Gaulle
Dans le chaos de la fin de la guerre d’Algérie, propos rapportés par Alain Peyrefitte dans son livre C’était de Gaulle : «Une fois de plus, on voit que ce qui tient bon dans les coups durs, c’est le réseau des préfets et des sous-préfets. C’est l’État».
(Mémoires d’Espoir): «Ce que l’infirmité du chef a, en soi, d’irrémédiable ne saurait être compensé par la valeur de l’institution. Mais, à l’inverse, le succès n’est possible que si le talent trouve son instrument et rien n’est pire qu’un système tel que la qualité s’y consume dans l’impuissance »
(discours de Bayeux – juin 1946) : «Les pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que s’ils s’accordent avec l’intérêt supérieur du pays, s’ils reposent sur l’adhésion confiante des citoyens. En matière d’institutions, bâtir sur autre chose, ce serait bâtir sur du sable. (…) Le trouble dans l’État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l’égard des institutions».
@ PenArBed
[Vous écrivez : «La fonction publique est donc un système pyramidal très semblable – Napoléon est passé par là – à un système militaire». Ceci me fait penser à un autre qui est aussi passé par là : Le Général de Gaulle]
Et bien, l’empreinte personnelle de De Gaulle sur la fonction publique est beaucoup moins forte que celle de Napoléon. Mongénéral n’a pas l’air de s’être beaucoup intéressé à la question, et ne s’est pas vraiment exprimé sur le sujet. Outre Napoléon, la structuration de notre fonction publique est un bon exemple de « gaullo-communisme ». A la Libération, la grande réforme dont la création de l’ENA fut l’un des éléments était portée par Michel Debré et par Maurice Thorez. La loi de 1983 portant statut du fonctionnaire qui réforme radicalement ce statut est l’œuvre là encore d’un communiste, Anicet Le Pors.
[(Mémoires d’Espoir): «Ce que l’infirmité du chef a, en soi, d’irrémédiable ne saurait être compensé par la valeur de l’institution. Mais, à l’inverse, le succès n’est possible que si le talent trouve son instrument et rien n’est pire qu’un système tel que la qualité s’y consume dans l’impuissance »]
Quoi qu’on pense de mongénéral, on ne peut que lui reconnaître la capacité extraordinaire de résumer un problème complexe dans une phrase simple. Oui, de ce que j’ai vu dans la fonction publique française, le problème aujourd’hui est qu’un grand nombre de gens de qualité se « consomment dans l’impuissance », bridés par des politiques que seule la communication intéresse.
[(discours de Bayeux – juin 1946) : «Les pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que s’ils s’accordent avec l’intérêt supérieur du pays, s’ils reposent sur l’adhésion confiante des citoyens. En matière d’institutions, bâtir sur autre chose, ce serait bâtir sur du sable. (…) Le trouble dans l’État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l’égard des institutions».]
Quoi de neuf ? De Gaulle…
Merci Descartes pour cet excellent article, précis et didactique.
@ Antoine
[Merci Descartes pour cet excellent article, précis et didactique.]
Merci beaucoup. Cela faisait longtemps que je voulais faire un papier sur le sujet, mais à chaque fois je m’étais dit que ce n’était pas la peine, que tout le monde – du moins le monde qui s’intéresse à la politique – connait ces choses-là. Et puis mes discussions avec les “gilets jaunes” m’ont fait comprendre qu’en fait non, que ce monde feutré qu’est la fonction publique est une véritable “boite noire” pour nos concitoyens, même pour ceux qui sont intéressés par la chose publique. Je ne connais en fait aucun bon ouvrage de vulgarisation sur cette question, peut-être faudrait-il que j’en écrive un, une sorte de “l’administration française pour les nuls” ?
En tout cas, je pense qu’il faudrait sérieusement enseigner ce sujet dans le cadre du cours d’instruction civique. Ce qui suppose de former les professeurs… vaste programme!
Jolie synchronicité : juste après avoir lu votre billet, je tombe sur cet article qui fantasme sur la technocratie.
http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2018/09/04/31007-20180904ARTFIG00076-cyril-dion-nous-pouvons-agir-sans-attendre-les-gouvernements.php
Les coincidences sont parfois belles !
@ Un Belge
[Jolie synchronicité : juste après avoir lu votre billet, je tombe sur cet article qui fantasme sur la technocratie.]
Il fantasme surtout sur l’état de l’opinion. C’est toujours la même chose avec ce genre d’écolo-bobos. Pour résumer, voici le discours : « les gens sont avec nous, mais les politiques (qui ne sont pas élus par les gens mais des martiens venus de la planète Zorg) ne l’entendent pas parce qu’ils sont au service des méchants lobbies ». Pourtant, si la protection de la planète était si populaire, si les gens étaient disposés à tout faire pour cela – y compris de payer des taxes sur les carburants, par exemple – n’importe quel politicien opportuniste ferait de cela le point fondamental de son programme et gagnerait les élections, non ?
Après la révolte des « gilets jaunes », la théorie selon laquelle la protection de la planète est la première priorité de nos concitoyens me semble devoir être sérieusement révisée…
merci pour ces informations.
En particulier je ne savais pas la révocabilité des hauts titulaires.
Vous écrivez en effet:
“C’est pourquoi pour les postes tels que directeur, directeur général, préfet ou ambassadeur le pouvoir politique a une totale liberté de nomination : on peut être nommé directeur, préfet ou ambassadeur sans être fonctionnaire, sans avoir de diplôme particulier, sans aucune exigence autre que d’être français. Et contrairement aux chefs de service ou sous-directeurs, les titulaires de ces emplois peuvent être congédiés sans avoir à justifier de la moindre faute, puisque leur légitimité est liée à la confiance que l’autorité politique.”
Dans la pratique, ces personnels ne font-ils pas appel auprès de la justice lorsqu’il sont congédiés ? Et que dit la jurisprudence ?
@ marc malesherbes
[Dans la pratique, ces personnels ne font-ils pas appel auprès de la justice lorsqu’ils sont congédiés ? Et que dit la jurisprudence ?]
Les cas de contestation sont relativement rares. En effet, les textes qui régissent ces emplois sont très précis sur le fait que la révocation est discrétionnaire. Ainsi, l’article 25 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique précise que « Les nominations aux emplois mentionnés à l’alinéa premier du présent article [i.e. les emplois à discrétion du gouvernement] sont essentiellement révocables, qu’elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires ».
Le juge administratif se refuse à examiner les motivations de la décision, estimant que s’agissant d’une décision discrétionnaire le gouvernement n’est pas tenu de la motiver (CE, R…, 14 mai 1986 : « eu égard à leur caractère révocable [la décision n’est pas] au nombre des décisions dont la loi précitée du 10 juillet 1979 impose la motivation (…) S’agissant d’un emploi supérieur à la discrétion du Gouvernement, le moyen tiré de ce que la manière de servir de M. Maurice Y… ne justifiait pas le retrait de fonctions contesté, est inopérant ».).
Mais d’une façon générale, eu égard à la nature de ces fonctions, il semble difficile d’imaginer qu’une personne souhaite rester à son poste alors qu’il est clair qu’il n’a plus la confiance du gouvernement. C’est pourquoi les contentieux sont relativement rares.
[Ces dernières semaines ont montré qu’un grand nombre de députés LREM venus de la « société civile » étaient tout aussi coupés des réalités sinon plus. ]
A une exception,près,le député de la 10ième circonscription de Haute garonne.
https://www.ladepeche.fr/article/2018/12/20/2928418-depute-lrem-haute-garonne-tire-boulets-rouges-gouvernement.html
Membre du mouvement de R.Hue,il a fait de l’entrisme,ou du strapontinisme avec LREM.
Maintenant que Macron est à 80% d’opinions non favorables,il proclame son attachement au mouvement de R.Hue!
Cela ne vous émeut pas,probablement,mais la trajectoire de R.Hue,est elle,le symptôme de la fin de la gauche communiste mutante hors LFi (réussite indéniable)ou la réussite par attraction,cachée,du centrisme sur les élus ex communistes,incapables de rejoindre un PS en déconfiture ?
@ luc
[« Ces dernières semaines ont montré qu’un grand nombre de députés LREM venus de la « société civile » étaient tout aussi coupés des réalités sinon plus. » A une exception,près,le député de la 10ième circonscription de Haute garonne.]
Ca dépend de quelles « réalités » on parle… Il est certain que le député en question est extrêmement connecté aux réalités qui concernent sa carrière. La personnalité en question est d’ailleurs un triste exemple d’exhibitionnisme politique. Déjà en 2017 le personnage en question s’imaginait d’abord participer aux « primaires » de la gauche, puis, lorsque Cambadélis coupa net à ses ambitions, à se présenter directement à la présidence de la République – il échoua à réunir les 500 parrainages.
[Membre du mouvement de R.Hue, il a fait de l’entrisme, ou du strapontinisme avec LREM.]
Pourquoi dites-vous ça ? On parle de « entrisme » quand un militant d’un courant politique entre dans un autre mouvement avec le but secret d’infléchir sa ligne politique pour la rapprocher de son courant d’origine. Dans le comportement de Hue et ses copains il n’y a aucun « entrisme ». Ils n’ont aucune « ligne » politique autre que suivre le courant bienpensant pour grappiller des postes.
[Cela ne vous émeut pas probablement, mais la trajectoire de R.Hue est-elle le symptôme de la fin de la gauche communiste mutante hors LFi (réussite indéniable) ou la réussite par attraction cachée du centrisme sur les élus ex communistes, incapables de rejoindre un PS en déconfiture ?]
Mais c’est quoi « la gauche communiste mutante » ? Y aurait-il une « droite communiste mutante » ?
Le passage de R. Hue aux manettes du PCF fut l’expression d’une transformation de ce parti poussée par deux forces complémentaires. La première, ce fut la masse des adhérents venus des « classes intermédiaires » qui, après 1968, prennent un poids de plus en plus important dans le Parti – suivant en cela le mouvement général de conquête de l’espace politique par ces couches sociales. La seconde, ce furent les élus communistes devenus nombreux et puissants après les victoires de la fin des années 1970 et la décentralisation du début des années 1980, et qui voulaient s’affranchir du contrôle que traditionnellement le Parti exerçait sur eux pour voler de leurs propres ailes. La « mutation » huiste a été poussée et pensée en fonction de ces intérêts. Aux « classes intermédiaires » le virage sociétal, les fêtes techno à Fabien et la rupture avec la tradition « ouvriériste » ; aux élus la fin du « centralisme démocratique », la « fédéralisation » du Parti (avec la possibilité d’alliances locales à géométrie variable), le recentrage des organisations de base sur la section calquée sur la circonscription électorale plutôt que sur le lieu de travail.
Ce que la mutation a fait c’est couper le PCF de ses racines ouvrières qui faisaient sa spécificité pour en faire un parti gauchiste comme les autres. Et de ce fait, il a perdu toute importance et devenu inaudible. Hier, on l’écoutait parce qu’il exprimait les intérêts, les désirs et les craintes d’un groupe social qu’il était le seul à représenter. Aujourd’hui, l’écouter n’apporte rien par rapport aux discours de LFI, de NPA, de Génération.s ou d’une galaxie d’organisations de la gauche radicale bienpensante. Il ne lui reste que des élus, dont l’alpha et l’oméga est la conservation de leur siège.
Bravo pour l explication, je suis comme une grande partie de vos lecteurs ignorant du fonctionnement de l administration.
Il est a mon avis evident que nos ministres ne maitrisent absolument pas le fonctionnement de leur administration (il n y a qu a voir qu on a des gens qui passe ministre de l agriculture a celui des finances … comment pouvez vous maitriser le sujet ?)
Par contre est il possible que l administration finisse par imposer son agenda a son ministre ?
Par ex les 80 km/h ont ete suggere a Valls qui n en a pas voulu puis a Phillipe qui a dit banco (avec les resultats qu on sait). Plus loin de nous, je me rappelle de Beregovoy qu on disait phagocite par Bercy)
Apres vous savez aussi bien que moi que vous pouvez executer les ordres avec enthousiasme ou en trainant les pieds (vrai aussi dans le privé). N y a t il pas une tentation pour certains niveau de la fonction publique de faire de la resistance passive car on n est pas d accord avec la politique menee ?
@ cd
[Il est a mon avis évident que nos ministres ne maitrisent absolument pas le fonctionnement de leur administration (il n y a qu’a voir qu’on a des gens qui passe ministre de l’agriculture a celui des finances … comment pouvez-vous maitriser le sujet ?)]
Mais un bon ministre n’est pas nécessairement celui qui « maîtrise le sujet ». Un bon ministre est un ministre qui sait incarner une politique, et qui sait s’entourer et faire confiance à des gens qui ont la compétence technique et maîtrisent les sujets. Un bon ministre est un directeur de projet : il constitue l’équipe, il prend les décisions stratégiques, il assure le contact avec le commanditaire (dans ce cas, le peuple). Et un bon directeur de projet peut diriger des projets très différents…
[Par contre est-il possible que l’administration finisse par imposer son agenda à son ministre ? Par ex les 80 km/h ont été suggérés à Valls qui n’en a pas voulu puis a Philippe qui a dit banco (avec les résultats qu’on sait).]
Pourquoi parlez-vous « d’imposer » ? Les techniciens de la Sécurité Routière ont leur analyse des problèmes, et il est normal qu’ils l’expliquent à chaque ministre qui arrive. Après, les ministres adoptent ou pas, c’est leur problème. L’administration propose, le politique dispose. Ne trouvez-vous pas ça normal ?
[Plus loin de nous, je me rappelle de Bérégovoy qu’on disait phagocyté par Bercy)]
Chaque fois qu’un politicien se trouve quelqu’un pour porter la responsabilité de ses fautes, mon détecteur de conneries fait « bip »…
[Apres vous savez aussi bien que moi que vous pouvez exécuter les ordres avec enthousiasme ou en trainant les pieds (vrai aussi dans le privé). N’y a-t-il pas une tentation pour certains niveau de la fonction publique de faire de la résistance passive car on n’est pas d’accord avec la politique menée ?]
Un ami m’avait raconté que sa directrice, étant revenue d’une réunion avec le ministre au cours de laquelle elle avait perdu les arbitrages, avait fait une réunion pour donner des nouvelles instructions et avait terminé par cette formule : « je sais que ce n’est pas ce que nous avions proposé, mais je vous demande de mettre en œuvre loyalement ces instructions, car c’est là la grandeur du métier de fonctionnaire ». Ce culte de la « loyauté », c’est-à-dire de la capacité par conscience professionnelle de mettre en œuvre une décision à laquelle on ne croit pas, est essentiel dans la culture de la fonction publique. Et c’est d’ailleurs une qualité reconnue, évaluée dans les entretiens annuels, et qui peut valoir au fonctionnaire primes et promotions, puisque les grands chefs ont besoin de troupes sur lesquelles ils peuvent compter pour mettre en œuvre leurs instructions qu’il soit ou non d’accord avec elles. La fonction publique sélectionne dont très naturellement ce type de profils.
Dnas le privé, j ai eut des chefs qui ne comprenaient rien a ce qu on faisait. Et comment voulez vous diriger un projet quand vous etes incapable d evaluer les risques, potentiels d une decision que VOUS devez prendre. Evidement vous pouvez vous reposer sur quelqu un d autre mais dans ce cas vous etes pas grand chose de plus qu un “roi faineant” et ac se sait, la tendance sera forte de s adresser directement a cleui qui decide en vrai.
Dans mon cas personnel, l incompetant se faisait imposer des decisions debiles car dans des reunions de haut niveau (ou evidement aucun “sachant” n etait invité), il etait incapable d expliquer le pourquoi du comment et donc au final on devait se coltiner des ordres debiles.
Si on revient a l exemple des 80 km/h, que le fontionnaire qui represente la securite routiere preconise 80 km/h (et pourquoi pas 70 ou 50 ?) donne son avis est OK, mais il est tout a fait possible que notre premier ministre ait decide soit car c est le dernier qui parle qui a raison soit encore pire, car un conseiller en communication lui a fait croire que c etait une mesure qui allait augmenter son aura (elle allait certes agacer les ploucs mais on s en fout car ils ne votent pas pour nous voire ne votent pas de tout. par contre on va marquer des points dans notre electorat : les gens habitant les grandes villes qui ne sont quasiment pas impacté)
Dans le cas de Beregovoy, la reflection etait attribue a Mitterrand (bon j ai aucune preuve que ca soit vrai). Mais Beregovoy en 82 (tournant de la rigueur) militait pour quitter le SME et les regles de la CEE et plus tard se faisait comme ministres des finance l avocat du franc fort collé au DM …
Sur votre ex de fonctinnaire loyal, je me suis demandé s il n y a pas un effet de generation. En gros si vous etes nes dans les annees 50-60, vous etes dans un systeme qui place haut le sens du devoir et de l honneur (cf attitude de De Gaulle). Par contre si vous etes nes plus tard, par ex generation Mitterrand (periode ou j ai grandi), ce qui etait privilégié c est le cynisme et la magouille. Tapie en est un parfait representant mais c etait pas le seul.
Donc pourquoi un fonctionnaire va avoir une attitude qui vous fera juste passer pour un imbecile et passer a coté de prebendes et d autres avantages ? Surtout si vous savez qu en cas de probleme, vos superieurs n hesiteront pas a se defausser sur vous …
@ cdg
[Dans le privé, j’ai eu des chefs qui ne comprenaient rien à ce qu’on faisait. Et comment voulez-vous diriger un projet quand vous êtes incapable d’évaluer les risques potentiels d’une décision que VOUS devez prendre. Evidement vous pouvez vous reposer sur quelqu’un d’autre mais dans ce cas vous êtes pas grand-chose de plus qu’un “roi fainéant” et si ça se sait, la tendance sera forte de s’adresser directement à celui qui décide en vrai.]
D’abord, il y a une nuance entre « ne rien comprendre » et « ne pas être un expert ». Comprendre à un niveau superficiel les pour et les contre d’un projet, c’est à la portée d’un homme intelligent et cultivé. Mais un chef intelligent ne se réserve que les décisions de niveau stratégique qui sont en nombre limité, ce qui lui laisse le temps d’approfondir. Par ailleurs, la qualité d’un chef se mesure moins à sa capacité d’évaluer les risques potentiels d’une décision qu’à évaluer les risques potentiels de déléguer la décision à un collaborateur ou de suivre son avis. Richelieu a été un grand ministre parce qu’il a fait plein de choses, Louis XIII a été un grand roi… parce qu’il a nommé Richelieu, qu’il lui a fait confiance et qu’il l’a défendu contre toutes les cabales. Un chef qui se désintéresse des affaires est un « roi fainéant ». Un chef qui sait s’entourer et gérer ses conseillers, c’est autre chose.
Quant au risque que les subordonnés « s’adressent à celui qui décide en vrai », il n’y a guère de risque. Faire approuver la décision par le chef vous couvre. La faire approuver informellement vous laisse à découvert…
[Si on revient à l’exemple des 80 km/h, que le fonctionnaire qui représente la sécurité routière preconise 80 km/h (et pourquoi pas 70 ou 50 ?) donne son avis est OK, mais il est tout à fait possible que notre premier ministre ait décide (…)]
Et c’est normal, car c’est lui qui a la légitimité politique. Mais un Premier ministre ne peut pas aller au fond de chaque dossier qu’on lui soumet. Ce qui distingue un bon Premier ministre d’un mauvais, c’est sa capacité à choisir ses conseillers et à les utiliser.
[Dans le cas de Bérégovoy, la réflexion était attribuée à Mitterrand (bon j ai aucune preuve que ca soit vrai).]
C’est probablement vrai. Mais à l’époque, Mitterrand avait besoin de se trouver un coupable des difficultés économiques… et comme je vous l’ai dit, les hauts fonctionnaires réduits au silence par leur devoir de réserve sont des coupables idéaux…
[Mais Beregovoy en 82 (tournant de la rigueur) militait pour quitter le SME et les règles de la CEE et plus tard se faisait comme ministres des finances l’avocat du franc fort collé au DM …]
Bérégovoy était particulièrement mal placé pour gérer Bercy : il ne connaissait pas l’économie, il ne connaissait pas l’administration, et l’économie n’était pas un domaine où le Parti socialiste avait une expertise indépendante.
[Sur votre ex de fonctionnaire loyal, je me suis demandé s’il n y a pas un effet de génération. En gros si vous êtes né dans les années 50-60, vous êtes dans un système qui place haut le sens du devoir et de l’honneur (cf attitude de De Gaulle). Par contre si vous êtes ne plus tard, par ex génération Mitterrand (période où j’ai grandi), ce qui était privilégié c’est le cynisme et la magouille. Tapie en est un parfait représentant mais c’était pas le seul.]
Possible, on n’a pas assez de recul pour juger. Il est vrai que la tendance des hauts fonctionnaires à partir vers le privé est aujourd’hui beaucoup plus forte que ce n’était le cas auparavant.
Je pense que c’est plus lié à la baisse des moyens et donc du nombre de postes intéressants dans le public, plus la différence de salaire. Dans beaucoup d’endroits dans le public, on bosse 50-60 heures par semaine quand on a un peu de responsabilités. Dans le privé, avec ce genre d’investissement personnel, on peut gagner le double voire plus. Les fonctionnaires qui partent dans le privé (pas forcément définitivement d’ailleurs) le font souvent au sommet de leur carrière.
Bon et !e discours constant sur les coûts trop élevés de la fonction publique alors que ce sont que des fainéants, ça finit par taper sur les nerfs aussi alors qu’on multiplie les heures sup’ ni rémunérées ni récupérées et qu’on n’arrive même pas à prendre ses congés.
@ Fleur
[Je pense que c’est plus lié à la baisse des moyens et donc du nombre de postes intéressants dans le public, plus la différence de salaire. Dans beaucoup d’endroits dans le public, on bosse 50-60 heures par semaine quand on a un peu de responsabilités. Dans le privé, avec ce genre d’investissement personnel, on peut gagner le double voire plus. Les fonctionnaires qui partent dans le privé (pas forcément définitivement d’ailleurs) le font souvent au sommet de leur carrière.]
Il y a plusieurs cas. On trouve des jeunes qui rentrent dans la fonction publique par le biais de l’ENA et d’un « grand corps » sans vocation particulière pour le service public, parce que cela permet de se faire un « carnet d’adresses » qu’on ira ensuite rentabiliser dans le privé. On trouve aussi le cas du fonctionnaire blanchi sous le harnois, entré dans le service publique comme on rentre en religion, et qui a eu le malheur de tomber sur de mauvais chefs, de ne pas avoir été reconnu, d’avoir été placardisé. Il y a aussi celui du haut fonctionnaire prêt à tout sacrifier pour le service de l’Etat, qui a fait une carrière très convenable voire brillante, et qui découvre la cinquantaine passée que ses copains de promotion qui ont fait des carrières dans le privé gagnent le double en travaillant moins et en prenant moins de responsabilités.
Il est vrai aussi qu’avec la contraction de l’Etat les postes intéressants – je parle du travail, pas du salaire – ont tendance à se réduire, et que la concurrence pour les obtenir est donc de plus en plus forte. C’est en particulier le cas pour les ingénieurs des corps techniques de l’Etat, alors que le périmètre des EPIC industriels et des services de nature technique se réduisent comme peau de chagrin..
[Bon et !e discours constant sur les coûts trop élevés de la fonction publique alors que ce sont que des fainéants, ça finit par taper sur les nerfs aussi alors qu’on multiplie les heures sup’ ni rémunérées ni récupérées et qu’on n’arrive même pas à prendre ses congés.]
Je me reconnais parfaitement dans votre description : 😉
Bonsoir,
Permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter pour cet article extrêmement instructif.
Je suis moi-même fonctionnaire et j’avoue que j’ignorais en grande partie le fonctionnement de l’Etat. Lorsque j’étais professeur stagiaire, peut-être eût-il été utile qu’on nous explique un peu le fonctionnement du ministère de l’Education Nationale (voire des autres ministères), et cela n’a jamais été fait. Nous ne connaissons que nos supérieurs directs (chefs d’établissement et adjoints), les membres du corps de contrôle (les IA-IPR, qu’on appelle simplement “les inspecteurs”). Au-dessus, il y a “le rectorat”, cette entité un peu mystérieuse, surtout réputée pour être un nid d’incompétents et de gens “coupés de la réalité” (comme quoi l’accusation ne porte pas que sur les “hauts fonctionnaires”), et encore au-dessus, il y a le ministère dont nous ne connaissons presque rien sinon le nom du ministre.
Comme vous le faites remarquer, les programmes d’Enseignement Moral & Civique (l’instruction civique, ça ne se dit plus, vous savez, il faut sans cesse changer les intitulés) ne traitent absolument pas de l’organisation administrative du pays. Les institutions sont abordées sous le prisme de l’élection et du rôle des élus, ou se concentre sur une institution en particulier (la justice). C’est en effet un peu dommage.
“C’est pourquoi pour les postes tels que directeur, directeur général, préfet ou ambassadeur le pouvoir politique a une totale liberté de nomination : on peut être nommé directeur, préfet ou ambassadeur sans être fonctionnaire, sans avoir de diplôme particulier, sans aucune exigence autre que d’être français.”
Je dois vous confesser ma surprise à la lecture de cette phrase, je croyais que tous les préfets, ou du moins l’immense majorité, étaient des énarques. Si je comprends bien, si demain un de mes amis devenait premier ministre, il pourrait me nommer préfet ou directeur général? Mais, sachant que j’appartiens au corps des certifiés de l’EN, n’y aurait-il pas un problème à me retrouver hiérarchiquement au-dessus de gens qui appartiennent à des corps plus “cotés” que mon propre corps d’origine? Ou bien existe-t-il des obstacles ou des restrictions à la nomination d’un fonctionnaire “de bas étage” à ces postes de direction? Je suppose que les fonctionnaires des corps plus prestigieux n’accepteraient pas facilement de voir un ancien subordonné devenir leur supérieur, non?
Je profite de l’occasion pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année ainsi qu’à votre famille.
@ nationaliste-ethniciste
[Permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter pour cet article extrêmement instructif.]
Merci. Venant d’un enseignant, c’est un compliment que j’apprécie.
[Comme vous le faites remarquer, les programmes d’Enseignement Moral & Civique (l’instruction civique, ça ne se dit plus, vous savez, il faut sans cesse changer les intitulés) ne traitent absolument pas de l’organisation administrative du pays. Les institutions sont abordées sous le prisme de l’élection et du rôle des élus, ou se concentre sur une institution en particulier (la justice). C’est en effet un peu dommage.]
Je trouve que c’est très dommage, et que cela reflète une conception purement « formelle » de la démocratie. Au lieu d’expliquer comment la démocratie fonctionne réellement – ce qui supposerait par exemple qu’on explique que la manifestation ou la grève sont aussi des actes démocratiques – on se contente de décrire des procédures.
[“C’est pourquoi pour les postes tels que directeur, directeur général, préfet ou ambassadeur le pouvoir politique a une totale liberté de nomination : on peut être nommé directeur, préfet ou ambassadeur sans être fonctionnaire, sans avoir de diplôme particulier, sans aucune exigence autre que d’être français.” Je dois vous confesser ma surprise à la lecture de cette phrase, je croyais que tous les préfets, ou du moins l’immense majorité, étaient des énarques.]
C’est bien le cas, mais ce n’est nullement contradictoire. Que le gouvernement soit libre de nommer n’importe qui préfet n’implique pas qu’il ait envie de le faire. Un préfet joue un rôle important en tant que représentant de l’Etat dans les départements. Ce n’est pas le genre de poste ou l’on peut se permettre de nommer un incompétent sans prendre quelques risques. C’est pourquoi les préfets sont souvent des énarques qui viennent soit du corps des administrateurs civils, soit d’autres corps (Cour des comptes, Conseil d’Etat…). On y trouve aussi quelques membres des corps techniques (ingénieurs des Mines ou des Ponts), quelques magistrats ou commissaires de Police. Mais de temps en temps on voit nommer préfet un non fonctionnaire. Souvenez-vous de Aissa Dermouche, directeur d’une école de commerce nommé préfet par Sarkozy…
J’ajoute que pour certains emplois a discrétion du gouvernement les textes prévoient quelques restrictions. Ainsi, pour le corps préfectorales, 75% des préfets doivent être choisis dans le corps des administrateurs civils. Pour les recteurs d’académie, il y avait jusqu’à récemment l’exigence d’un diplôme de doctorat. Mais d’une façon générale, les seuls critères exigés sont ceux que doit remplir tout fonctionnaire exerçant une fonction régalienne (nationalité française, casier vierge…)
[Si je comprends bien, si demain un de mes amis devenait premier ministre, il pourrait me nommer préfet ou directeur général?]
Tout à fait. Et aussi ambassadeur, recteur d’académie…
[Mais, sachant que j’appartiens au corps des certifiés de l’EN, n’y aurait-il pas un problème à me retrouver hiérarchiquement au-dessus de gens qui appartiennent à des corps plus “cotés” que mon propre corps d’origine? Ou bien existe-t-il des obstacles ou des restrictions à la nomination d’un fonctionnaire “de bas étage” à ces postes de direction? Je suppose que les fonctionnaires des corps plus prestigieux n’accepteraient pas facilement de voir un ancien subordonné devenir leur supérieur, non?]
Dans l’administration comme dans l’armée, « la fonction prime le grade ». Etant fonctionnaire, dès votre nomination vous êtes considéré comme détaché dans le corps des directeurs d’administration centrale ou dans le corps préfectoral. J’ai un copain qui est aujourd’hui préfet venant du corps des commissaires de police – on ne peut pas dire que ce soit un corps très prestigieux. Et il n’a jamais eu la moindre difficulté.
[Je profite de l’occasion pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année ainsi qu’à votre famille.]
Egalement pour vous. Espérons que l’année 2019 nous permettra d’approfondir encore nos échanges et, qui sait, de faire connaissance personnellement…
@ Descartes,
“Venant d’un enseignant, c’est un compliment que j’apprécie.”
Vous êtes un bon pédagogue, et je doute qu’un lecteur de ce blog me contredise. Si ce n’était pas le cas, vous auriez moins de lecteurs, je pense.
“C’est pourquoi les préfets sont souvent des énarques qui viennent soit du corps des administrateurs civils, soit d’autres corps (Cour des comptes, Conseil d’Etat…).”
J’en déduis donc que le discours “anti-énarchie” est seulement un élément de langage, et qu’à l’heure de choisir des gens compétents pour exercer des fonctions importantes, les politiques sont bien obligés de faire appel à ces énarques qu’ils dénoncent tant par ailleurs. L’ENA n’est donc pas si inutile que cela… Personnellement, je trouve que cette ingratitude des politiques à l’égard des hauts fonctionnaires ne grandit pas les dirigeants.
“Espérons que l’année 2019 nous permettra d’approfondir encore nos échanges et, qui sait, de faire connaissance personnellement…”
Qui sait? En tout cas, ce serait pour moi un honneur de vous rencontrer, et je pèse mes mots.
@ nationaliste-ethniciste
[J’en déduis donc que le discours “anti-énarchie” est seulement un élément de langage, et qu’à l’heure de choisir des gens compétents pour exercer des fonctions importantes, les politiques sont bien obligés de faire appel à ces énarques qu’ils dénoncent tant par ailleurs. L’ENA n’est donc pas si inutile que cela…]
Effectivement, c’est la meilleure preuve que les énarques ne sont pas aussi inutiles qu’on le croit. On ratasse sur eux… mais lorsqu’il faut nommer un préfet ou un directeur – ou même un directeur de cabinet – on choisit presque toujours un énarque. Et ce n’est pas une question de copinage : même les présidents et les Premiers ministres qui n’avaient aucune admiration pour l’ENA – Sarkozy, Raffarin mais aussi Mitterrand ou Mauroy – se sont entourés d’énarques. De la même manière que quiconque de sensé confie la direction d’un service hospitalier à un médecin, la conception d’un pont à un ingénieur, la logique veut qu’on confie la direction des administrations à ceux qui sont sélectionnés et formés pour. Ce qui ne suppose pas qu’on leur donne le pouvoir qui doit appartenir au politique.
[Personnellement, je trouve que cette ingratitude des politiques à l’égard des hauts fonctionnaires ne grandit pas les dirigeants.]
Non, et c’est d’autant plus lâche que le devoir de réserve empêche les hauts cadres de l’Etat de raconter leur côté de l’histoire.
[Qui sait? En tout cas, ce serait pour moi un honneur de vous rencontrer, et je pèse mes mots.]
Vous êtes dans quel coin de France ?
@ Descartes,
“Vous êtes dans quel coin de France ?”
Loir-et-Cher.
@ nationaliste-ethniciste
[Loir-et-Cher]
Ce n’est pas à côté de Paris… mais pourquoi pas descendre pour vous rendre visite! En plus, c’est un département célèbre:
“Chaque fois que je m’arrête dans le Loir et Cher,
Ils ne m’laissent plus partir de chez eux.
Je leur dis qu’il faut que je rentre sur Paris,
Que je ne fais pas toujours ce que j’veux
Et qu’il faut que je trouve encore un poste d’essence
Que j’n’ai pas le temps de finir ma bière
Et que je reviendrai un de ces dimanches
Passer la nuit dans le Loir et Cher.”
@ Descartes,
C’est marrant, j’avais commencé à vous répondre: “le département de la famille du regretté Michel Delpech”, avant de corriger. Oserais-je dire que les grands esprits se rencontrent…
@ nationaliste-ethniciste,
Bonjour,
[Permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter pour cet article extrêmement instructif. Je suis moi-même fonctionnaire et j’avoue que j’ignorais en grande partie le fonctionnement de l’Etat.]
Souffrez, cher nationaliste-ethniciste, dont je lis vos commentaires avec le plus grand intérêt, qu’à la lecture de ce dernier, je sois interloqué.
Oh, je sais, le permanent réfractaire qui vit en moi, vient troubler la messe. N’étant pas un thuriféraire par réflexe, j’essaie, à chaque occasion de prendre un peu de recul sur ce que je lis. Et quand je vois qu’un homme comme vous, érudit, sincère, engagé dans le débat, nous dit « ignorer en grande partie le fonctionnement de l’Etat », ignorance, évidemment comblée par la baguette magique de notre hôte, les bras m’en tombent.
Certes l’article a le mérite de préciser ce qu’est la position administrative et hiérarchique de la fonction publique. Il traite néanmoins la question d’une manière tout à fait statique. La dimension dynamique des flux est absente. Et c’est ce qui explique, en partie, les causes du malaise et de la mise à l’index de fonctionnaires qui n’en peuvent mais.
Je vous signale, à cet égard, que quelqu’un qui est curieux sur ce sujet comme sur un million d’autres, peut – et doit impérativement, à mon sens – ouvrir une page Wikipédia, en l’occurrence « Fonction publique française », où il trouvera la quasi totalité d’informations susceptibles de l’informer et de nourrir sa réflexion. Les sites de l’Insee sont plus complexes à décrypter.
Cependant, votre réaction est très instructive. Elle montre que des membres, parmi les meilleurs de la fonction publique, présentent une propension notable à regarder les réalités à partir du tuyau de leur champ de vision. Champ de vision qu’ils délimitent inconsciemment, alors que l’information leur est parfaitement et abondamment disponible.
Ils ont une forte tendance à ne voir les choses qu’à travers des dogmes, des habitus propres à leur milieu. Tout ce qui peut remettre en question la pérennité de leur fonction, de leur statut, de leur train train quotidien est considéré comme une agression ou une menace directe sur leur emploi. Cette résistance larvée me paraît présenter le plus grand danger pour notre pays. Le jour où les véritables réformes s’imposeront par la force extérieure – les marchés financiers – on récoltera la véritable violence à l’intérieur.
Toutes ces remarques corrosives étant formulées, je ré exprime le grand intérêt que je porte depuis maintenant plus de 8 ans – sans discontinuer – à ce blog, ainsi qu’à vos prises de position. Les commentateurs « indociles » d’avant 2011 ne sont plus très nombreux, ce que je déplore, car il me semble que l’on ne s’appuie bien que sur une planche qui résiste. Ou alors, on tend vers la secte.
Néanmoins, j’adresse à tous et particulièrement à notre hôte Descartes, mes meilleurs encouragements – les vœux, par malice des dieux, restant généralement pieux 🙂 – pour que le blog prospère sans trop entraver la dimension « privée » de la vie de notre hôte.
@ Marcailloux
[Oh, je sais, le permanent réfractaire qui vit en moi, vient troubler la messe. N’étant pas un thuriféraire par réflexe, j’essaie, à chaque occasion de prendre un peu de recul sur ce que je lis. Et quand je vois qu’un homme comme vous, érudit, sincère, engagé dans le débat, nous dit « ignorer en grande partie le fonctionnement de l’Etat », ignorance, évidemment comblée par la baguette magique de notre hôte, les bras m’en tombent.]
Vous exagérez. Si notre ami NE qualifie mon article « d’instructif » et affirme « ignorer en grande partie le fonctionnement de l’Etat », il ne dit nulle part que cette ignorance ait été « évidemment comblée ». C’est vous qui ajoutez ce détail…
[Certes l’article a le mérite de préciser ce qu’est la position administrative et hiérarchique de la fonction publique. Il traite néanmoins la question d’une manière tout à fait statique. La dimension dynamique des flux est absente. Et c’est ce qui explique, en partie, les causes du malaise et de la mise à l’index de fonctionnaires qui n’en peuvent mais.]
Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez ici « les flux ». Je me contente de décrire une organisation telle qu’elle est, pour montrer combien les discours dans lesquels les politiques justifient leur inaction en rejetant la faute sur la fonction publique sont spécieux. Le fait est que la fonction publique est un système hiérarchique, et que le ministre a pleine autorité sur elle, y compris la possibilité de changer les responsables a divinis s’ils ne lui donnent pas entière satisfaction.
[Cependant, votre réaction est très instructive. Elle montre que des membres, parmi les meilleurs de la fonction publique, présentent une propension notable à regarder les réalités à partir du tuyau de leur champ de vision. Champ de vision qu’ils délimitent inconsciemment, alors que l’information leur est parfaitement et abondamment disponible. Ils ont une forte tendance à ne voir les choses qu’à travers des dogmes, des habitus propres à leur milieu.]
Pensez-vous que ce soit très différent ailleurs ? Qu’est ce qui ferait que les cadres des entreprises privés, les artistes ou les médecins libéraux – ou les ouvriers, si vous préférez – échapperaient miraculeusement à ce reproche ?
[Tout ce qui peut remettre en question la pérennité de leur fonction, de leur statut, de leur train train quotidien est considéré comme une agression ou une menace directe sur leur emploi.]
Là encore, je me demande quelle serait votre réaction si on vous expliquait à longueur de journée que votre statut fait de vous un profiteur, que votre travail est totalement inutile et que le monde fonctionnerait mieux si vous disparaissiez. Peut-être que vous aussi vous vous considéreriez « agressé » ou « menacé »…
J’ajoute que c’est encore plus difficile pour les cadres supérieurs de l’Etat. Souvent, ils ont fait des études brillantes et pourraient gagner des salaires trois ou quatre fois supérieurs s’ils étaient dans le privé, avec des responsabilités bien moindres. Pensez aux risques – y compris pénaux – que prend un commissaire de police ou un préfet. Ces cadres-là ont fait des choix qui impliquent des sacrifices très importants pour rester dans le service public. Alors, se voir répéter que ces sacrifices ont été inutiles, oui, cela peut faire très mal et expliquer bien des réactions qui peuvent vous sembler excessives.
[Cette résistance larvée me paraît présenter le plus grand danger pour notre pays. Le jour où les véritables réformes s’imposeront par la force extérieure – les marchés financiers – on récoltera la véritable violence à l’intérieur.]
Sans vouloir vous offenser, je trouve ce discours de résignation horripilant. Ainsi donc, il faudrait renoncer tout de suite au combat et se plier à la « force » des marchés financiers ? Si vous croyez vraiment cela, alors pourquoi restreindre le raisonnement à la fonction publique ? Supprimons la Sécurité sociale, abolissons le Code du travail et le salaire minimum avant que « la force extérieure » nous l’impose…
[Les commentateurs « indociles » d’avant 2011 ne sont plus très nombreux, ce que je déplore, car il
me semble que l’on ne s’appuie bien que sur une planche qui résiste.]
Je le regrette aussi, et je me pose souvent des questions sur les moyens de les faire revenir. Je n’ai jamais censuré aucune opinion sur ce blog, et je fais tous les efforts pour que les opinions dissidentes puissent s’exprimer dans un climat d’attention et de respect. Mais cela ne suffit apparemment pas.
Le but de ce blog est et reste le débat, et le débat n’a de sens que s’il y a des contraires. En relisant les archives, je me demande si l’expression d’opinions diverses n’était plus facile sur des articles didactiques – comme le dernier – plutôt que des articles d’opinion plus « politiques »…
[Néanmoins, j’adresse à tous et particulièrement à notre hôte Descartes, mes meilleurs encouragements – les vœux, par malice des dieux, restant généralement pieux 🙂 – pour que le blog prospère sans trop entraver la dimension « privée » de la vie de notre hôte.]
Merci beaucoup. Mes meilleurs vœux en retour pour ces fêtes.
@Descartes
Bonsoir,
[ . . . il ne dit nulle part que cette ignorance ait été « évidemment comblée ». C’est vous qui ajoutez ce détail…]
Evidemment ! je ne suis pas une machine et l’« implicite » fait partie de mon vocabulaire.
[Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez ici « les flux ».]
C’est la dimension dynamique de cette fonction d’Etat, qui est publique, ses activités et ses consommations. La « fonction publique » en tant que tableau en « peinture » n’a qu’un intérêt secondaire si on ne rapporte pas sa présence à son action et à ce qu’elle consomme.
[Je me contente de décrire une organisation telle qu’elle est, pour montrer combien les discours dans lesquels les politiques justifient leur inaction en rejetant la faute sur la fonction publique sont spécieux..]
Là, je crois, c’est vous qui exagérez. J’entends très rarement un politique se plaindre – mais est-ce alors sincère ? – de leur administration. D’autre part, je ne pense pas, qu’à quelques rares exceptions près, il puisse changer beaucoup de monde dans son ministère. Et d’ailleurs, il vaut mieux, vous en conviendrez car la boite à pandore ouverte, tous les abus seraient permis.
[Pensez-vous que ce soit très différent ailleurs ? Qu’est ce qui ferait que les cadres des entreprises privés, les artistes ou les médecins libéraux – ou les ouvriers, si vous préférez – échapperaient miraculeusement à ce reproche ?]
Non, rien sans doute. Mais dans le privé – que je ne cherche pas à glorifier pour autant – la claque arrive très vite, et vous réveille. L’apprentissage par l’erreur y est beaucoup plus répandu que dans la fonction publique, car quand vous en réchappez, vous savez que le sursis ne marche qu’une fois. A des responsabilités élevées, dans la fonction publique on est muté avec promotion quelquefois, au pire mis au placard rémunéré quelques temps, pratiquement jamais viré. A tous les niveaux dans le privé, et particulièrement à partir de celui des cadres supérieurs (ingénieurs. ou équivalent), la mansuétude est beaucoup moins de mise.
[Là encore, je me demande quelle serait votre réaction si on vous expliquait à longueur de journée que votre statut fait de vous un profiteur, que votre travail est totalement inutile et que le monde fonctionnerait mieux si vous disparaissiez. Peut-être que vous aussi vous vous considéreriez « agressé » ou « menacé »…]
Là vous jouez les Caliméro. A part quelques excités du bonnet ou séditieux professionnels, les fonctionnaires en tant qu’agents ne me paraissent pas plus visés que bien des professions du privé : les patrons petits et grands, les banquiers, les chefs, les contrôleurs, les médecins, les cadres, les commerçants, etc, . . . . . enfin, tous ceux qui exercent un pouvoir ressenti comme contraignant sur la population. D’ailleurs, les fonctionnaires sont bien moins souvent « repérable » dans leur responsabilité que les professionnels du privé ci dessus cités à titre d’exemple (à part les postières 🙂 .)
[Sans vouloir vous offenser, je trouve ce discours de résignation horripilant.]
Ou je me suis mal exprimé, ou vous m’avez mal compris . . . ou les deux à la fois.
Nous sommes au cœur de la question. Notre pays est dans une situation délicate, personne ne peut le nier sans soulever une hilarité générale. En quelques mots, par quoi se caractérise cette situation ?
– Un chômage endémique couteux et insupportable
– Une dette qui s’accroit inexorablement
– Une balance des paiements nettement déficitaire depuis plus de dix ans.
– Une économie qui peine à maintenir sa compétitivité.
– Un code fiscal inextricable
– Un dispositif de redistribution exceptionnel
– Un appareil d’Etat hypercomplexe et surdimensionné.
– Une nation divisée qui s’affronte de manière polymorphique.
– Des menaces sur la sécurité intérieure liées au terrorisme.
– Un paysage politique dévasté et largement contesté.
Pouvez vous vraiment contester la réalité de ce que j’évoque ? Maintenant, voilà quelqu’un (E. Macron) qui débarque dans cette pagaille et qui, au grand dam de ses adversaires, rafle la mise. Faible expérience, assise politique fragile, hubris du bonhomme, jeu occulte de revanche des adversaires battus, succession de maladresses, et voilà le pays dans une impasse qui n’est pas – sauf événement considérable – en mesure de se sortir de l’ornière dans lequel il est embourbé.
Personne, ou pratiquement personne (ceux qui comptent politiquement) dans ce pays n’est près à faire le moindre effort dans une large et volontaire concertation nationale ( je ne parle pas du gadget en cours). Cela implique une remise à plat des différentes politiques menées depuis cinquante ans, avec, bien entendu des concessions, des compromis, acceptés par le PLUS GRAND NOMBRE. Pour certains, cela relève du détail, pour d’autres cela demanderait un effort réel qu’ils devraient consentir au regard de ce qui est demandé à TOUT LE MONDE. Cela passe par des dispositions symboliques et d’autres énergiques.
C’est ce qui me fait dire que si nous ne l’imposons pas à nos dirigeants, d’autres nous l’imposeront par l’argent, par des manœuvres agressives (rassurez vous, Trump, Poutine, Xi Jinping, Erdogan et consorts ne nous veulent que du bien).
Le propre des gens comme des groupes nantis est de présenter un égoïsme qui va de pair à raison du carré. L’immense majorité des Français doit être – comparé au monde – considéré comme nanti. C’est ce qui les rend d’autant plus frileux au moindre changement qui pourrait affecter leur petit confort. Et c’est ce que nous allons peut-être payer cher. Vos propos, en forme de boutade sans doute, montrent bien la mentalité que je conteste. Si l’on doit changer quelque chose, c’est, selon vous, par la suppression pure et simple, non pas des anomalies qui se sont développées à l’usage au cours des ans, mais de l’ensemble des dispositifs qui font notre modèle social. Dans ce cas, vous validez de manière éclatante le dogme : on ne bouge rien, c’est là le progrès.
[[Les commentateurs « indociles » d’avant 2011 ne sont plus très nombreux, ce que je déplore, car il me semble que l’on ne s’appuie bien que sur une planche qui résiste.]
Je le regrette aussi, et je me pose souvent des questions sur les moyens de les faire revenir. Je n’ai jamais censuré aucune opinion sur ce blog, et je fais tous les efforts pour que les opinions dissidentes puissent s’exprimer dans un climat d’attention et de respect. Mais cela ne suffit apparemment pas.]]
Ils n’ont sans doute pas la résistance des vieux chevaux, ou ils sont morts 🙂 . Une remarque que je vous ai faite dans un des billets précédents où je vous indiquais que votre blog fonctionne, en bon jacobin, comme le réseaux Sncf. Tout passe par vous, car vous tendez, par la qualité de votre rhétorique et la richesse de vos arguments (en général) à épuiser le débat.
Mais puisque vous réclamez quelques contestataires supplémentaires, ma réticence à vous importuner s’estompe et j’envisage de poursuivre le contrat pour 2019 :/).
@ Marcailloux
[« Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez ici « les flux ». » C’est la dimension dynamique de cette fonction d’Etat, qui est publique, ses activités et ses consommations. La « fonction publique » en tant que tableau en « peinture » n’a qu’un intérêt secondaire si on ne rapporte pas sa présence à son action et à ce qu’elle consomme.]
Je dois être bouché, mais je ne comprends toujours pas ce que vous voulez dire.
[Là, je crois, c’est vous qui exagérez. J’entends très rarement un politique se plaindre – mais est-ce alors sincère ? – de leur administration.]
Vraiment ? Je vous conseille la lecture des différents livres de mémoires écrits par d’anciens ministres, ou bien le visionnage de leurs entretiens filmés. TOUS ou presque dénoncent leur administration. Bien sûr, les imprudents qui iront dénoncer frontalement leur administration alors qu’ils ont encore à travailler tous les jours avec elle ne sont pas majoritaires. Mais une fois qu’ils n’ont plus leur séant dans un fauteuil ministériel, l’administration devient un bouc émissaire très commode pour expliquer tout ce qu’on n’a pas fait.
Pensez par exemple au discours de Macron sur le fait que la Direction générale des finances publiques n’aurait pas été « prête » pour la mise en œuvre du prélèvement à la source. L’affaire avait fait du bruit parce que le Directeur général concerné s’est senti obligé de défendre son administration publiquement et de contredire le Premier ministre, ce qui est tout à fait exceptionnel. Mais des déclarations de ce type arrivent tous les jours. C’est particulièrement visible au ministère de l’Ecologie, peut-être parce que c’est dans ce domaine que les promesses irréalisables ou irrationnelles sont les plus nombreuses…
[D’autre part, je ne pense pas, qu’à quelques rares exceptions près, il puisse changer beaucoup de monde dans son ministère. Et d’ailleurs, il vaut mieux, vous en conviendrez car la boite à pandore ouverte, tous les abus seraient permis.]
La question n’est pas de changer « beaucoup de monde », mais de changer ceux qui refuseraient d’exécuter les instructions qu’ils reçoivent du politique. Ce pouvoir n’a pas besoin d’ailleurs de s’exercer pour être efficace : le simple fait qu’il existe suffit en général pour obtenir l’obéissance. Il ne reste pas moins que ce pouvoir existe bel et bien : un ministre a le pouvoir de renvoyer sans avoir à donner une quelconque explication n’importe quel directeur général, n’importe quel directeur.
[Non, rien sans doute. Mais dans le privé – que je ne cherche pas à glorifier pour autant – la claque arrive très vite, et vous réveille. L’apprentissage par l’erreur y est beaucoup plus répandu que dans la fonction publique, car quand vous en réchappez, vous savez que le sursis ne marche qu’une fois.]
Je ne sais pas si vous le « glorifiez », mais en tout cas je trouve que vous idéalisez notablement le privé. Prenez un Ernest-Antoine Sellière, qui conduisit pas mal d’entreprises qu’il a eu à gérer au désastre. Cela ne l’a pas empêché de faire une brillante carrière. Il faut croire que le sursis a marché plusieurs fois. Bernard Tapie est un autre exemple du fait que la « claque » dans le privé est bien inoffensive, si tant est qu’elle arrive.
Vous me direz que Sellière ou Tapie sont des exceptions. Ne croyez pas ça : je connais une infinité de hauts cadres dans le privé qui sont parfaitement incompétents ou tout simplement paresseux, et qui arrivent à garder leur positions en faisant illusion, en exploitant le travail d’autres ou en faisant de la lèche à des patrons qui aiment cela, ou qui plus banalement préfèrent s’entourer de gens pas trop brillants pour ne pas prendre le risque qu’un successeur possible apparaisse.
[A des responsabilités élevées, dans la fonction publique on est muté avec promotion quelquefois, au pire mis au placard rémunéré quelques temps, pratiquement jamais viré.]
Dans le privé non plus. Quand vous verrez un ancien patron du CAC40 pointer au chômage et vivre dans un HLM, prévenez-moi. En fait, « à des responsabilités élevées » les agents publics et ceux du privé sont sécurisés. La seule différence est le mécanisme de sécurisation : dans la fonction publique, on est muté au placard rémunéré. Dans le privé, on part avec un « parachute doré », une retraite chapeau et autres douceurs. En d’autres termes, la fonction publique leur sert une rente, le privé une soulte. Ais-je besoin de vous expliquer que ces deux procédés sont parfaitement équivalents ? Cela étant dit, la soulte privée est généralement bien plus rentable que la rente publique : je me demande combien d’années Agnes Saal devrait vivre dans son placard doré pour atteindre le « parachute doré » servi aux cadres dirigeants des entreprises du CAC40.
[A tous les niveaux dans le privé, et particulièrement à partir de celui des cadres supérieurs (ingénieurs. ou équivalent), la mansuétude est beaucoup moins de mise.]
Faudrait faire une étude précise. Par exemple, il faudrait évaluer si cette « mansuétude » plus grande dans le public n’est pas compensée par la différence dans les rémunérations et les carrières. Parce qu’il vous faut bien admettre que si on peut discuter si l’échec est sanctionné plus durement dans le privé ou dans le public, il est incontestable que le succès est infiniment mieux récompensé dans le privé…
[« Là encore, je me demande quelle serait votre réaction si on vous expliquait à longueur de journée que votre statut fait de vous un profiteur, que votre travail est totalement inutile et que le monde fonctionnerait mieux si vous disparaissiez. Peut-être que vous aussi vous vous considéreriez « agressé » ou « menacé »… » Là vous jouez les Caliméro.]
Non, pas vraiment. Le discours anti-fonctionnaire – et plus largement anti-agents publics – s’est banalisé au point qu’on l’accepte comme naturel, que vous-même ne l’entendez plus. Vous-même, fort poliment je vous le concède, vous faites écho de ce discours. Je vous cite : quand un fonctionnaire fait une bêtise, « on est muté avec promotion quelquefois ». Vous croyez VRAIMENT que dans un milieu aussi compétitif que la fonction publique, ou les beaux postes sont rares et qu’il y a beaucoup de candidats, on donnera une « promotion » à celui qui a fait une bêtise ?
Mais je peux vous assurer que lorsqu’on entend des politiciens de tous bords expliquer qu’il faut « dégraisser le mammouth », qu’il y a en France « trop de fonctionnaires », qu’on dit aux jeunes que la seule ambition qui vaille est de « créer son entreprise » et certainement pas de servir le public, quand on présente les statuts comme des freins au développement et ceux qui en bénéficient comme des parasites… excusez-moi, mais ce n’est pas « jouer les Caliméro » que de se sentir touché.
Heureusement que les citoyens de base n’ont pas cette perception, et qu’ils le font savoir. Autrement, ce métier deviendrait impossible.
[« Sans vouloir vous offenser, je trouve ce discours de résignation horripilant. » Ou je me suis mal exprimé, ou vous m’avez mal compris . . . ou les deux à la fois.]
Sans vouloir vous offenser, je ne le pense pas. Ce n’est pas la première fois que dans nos échanges vous prêchez cette résignation « avant que les marchés nous obligent ». Nous partageons le diagnostic sur la gravité de la situation et le fait qu’il est indispensable de prendre des mesures radicales. La seule différence, est que les mesures que vous proposez reviennent inévitablement à admettre l’ordre néolibéral comme une donnée, alors que je pense que les mesures à prendre doivent contester cet ordre.
[Nous sommes au cœur de la question. Notre pays est dans une situation délicate, personne ne peut le nier sans soulever une hilarité générale. En quelques mots, par quoi se caractérise cette situation ?
– Un chômage endémique couteux et insupportable]
Oui.
[– Une dette qui s’accroit inexorablement]
Oui, du moins aussi longtemps que nous resterons dans l’Euro et dans un système de libre circulation du capital qui nous empêche de taxer convenablement ses revenus.
[– Une balance des paiements nettement déficitaire depuis plus de dix ans.]
Je n’en suis pas sûr. La balance commerciale est déficitaire depuis de longues années, mais la balance des paiements ne l’est pas toujours.
[– Une économie qui peine à maintenir sa compétitivité.]
Il faudrait m’expliquer ce qu’est la « compétitivité d’une économie ».
[– Un code fiscal inextricable]
Mais pas plus que le code fiscal américain. Je trouve toujours très drôle cette idée que la complexité des textes fiscaux serait une spécificité française, alors qu’aux Etats-Unis les textes sont si compliqués que la plupart des redevables ont recours aux services d’un conseiller fiscal pour remplir leur déclaration…
[– Un dispositif de redistribution exceptionnel]
Oui… enfin, de moins en moins.
[– Un appareil d’Etat hypercomplexe et surdimensionné.]
« Surdimensionné » par rapport à quoi ? Quelle est la norme pour déterminer quelle est la « bonne » dimension de l’appareil d’Etat ?
[– Une nation divisée qui s’affronte de manière polymorphique.]
Ca s’appelle « lutte des classes ».
[– Des menaces sur la sécurité intérieure liées au terrorisme.]
Bien moindres qu’on ne le pense : le terrorisme a pour le moment causé moins de morts que les accidents de la route. Je ne pense pas que la menace terroriste soit aujourd’hui un paramètre essentiel de nos problèmes.
[– Un paysage politique dévasté et largement contesté.]
Oui
[Pouvez vous vraiment contester la réalité de ce que j’évoque ?]
Oui, et je l’ai fait sur plusieurs points, voir ci-dessus…
[Maintenant, voilà quelqu’un (E. Macron) qui débarque dans cette pagaille et qui, au grand dam de ses adversaires, rafle la mise. Faible expérience, assise politique fragile, hubris du bonhomme, jeu occulte de revanche des adversaires battus, succession de maladresses, et voilà le pays dans une impasse qui n’est pas – sauf événement considérable – en mesure de se sortir de l’ornière dans lequel il est embourbé.]
Ce que vous appelez « pagaille » est en effet quelque chose de très organisé. C’est une situation VOULUE par des couches sociales auxquelles celle-ci profite. Et qui depuis trente ans profitent de la mondialisation, accroissant leur richesse et leur niveau de vie en sacrifiant l’avenir du pays et les autres couches sociales. Le problème, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de trouver des gens pour jeter au crocodile pour le dissuader de vous manger. Les couches populaires sont arrivées au niveau où elles n’accepteront pas une dégradation encore plus importante de leur situation.
Ce n’est pas la faible expérience, l’assise politique fragile, l’hubris ou la revanche des adversaires aigris qui ont provoqué la situation de paralysie actuelle. Bien sûr, ces facteurs ont pu jouer le rôle de détonateur, mais l’explosif était ailleurs et n’attendait qu’une étincelle pour exploser. La logique dans laquelle on sacrifie les deux tiers de la France pour payer la fête du tiers restant arrive à ses limites.
[Personne, ou pratiquement personne (ceux qui comptent politiquement) dans ce pays n’est prêt à faire le moindre effort dans une large et volontaire concertation nationale ( je ne parle pas du gadget en cours).]
Tout à fait. Le « block dominant » n’a jamais accepté de faire le moindre effort si ce n’est lorsqu’il a peur de tout perdre – comme en 1945 – et on ne peut pas dire que le rapport de force lui soit pour le moment suffisamment défavorable. Et les couches populaires font des efforts depuis trente-cinq ans et sont fatiguées de voir que leurs efforts ne donnent toujours aucun résultat tangible pour eux.
[Cela implique une remise à plat des différentes politiques menées depuis cinquante ans, avec, bien entendu des concessions, des compromis, acceptés par le PLUS GRAND NOMBRE. Pour certains, cela relève du détail, pour d’autres cela demanderait un effort réel qu’ils devraient consentir au regard de ce qui est demandé à TOUT LE MONDE. Cela passe par des dispositions symboliques et d’autres énergiques.]
Tout à fait. Mais vous ne pouvez pas effacer le passé d’un revers de manche. Le fait est que les couches populaires « font des efforts » depuis trente-cinq ans, et que les « classes intermédiaires » et la bourgeoisie en ont profité pendant toute cette période. Vous ne pouvez pas dire « maintenant, on efface le passé et on fait tous des efforts ». Pour que cela soit acceptable, il faut que ceux qui ont profité ces trente-cinq dernières années acceptent de faire aujourd’hui l’essentiel de l’effort.
[C’est ce qui me fait dire que si nous ne l’imposons pas à nos dirigeants,]
Encore une fois, le problème n’est pas de l’imposer « à nos dirigeants ». C’est de l’imposer aux « classes intermédiaires » et à la bourgeoisie…
[Le propre des gens comme des groupes nantis est de présenter un égoïsme qui va de pair à raison du carré. L’immense majorité des Français doit être – comparé au monde – considéré comme nanti.]
Peut-être, mais vous m’accorderez que certains Français sont un peu plus nantis que les autres, n’est-ce pas ? Curieusement, ce sont eux qui prêchent le sacrifice… pour les autres. Etonnant, non ?
Non, les Français des couches populaires ne sont pas des nantis. On peut dire qu’au niveau du monde ils jouissent d’un niveau de vie enviable. Mais ce niveau de vie, il ne vient d’un quelconque « nantissement ». Ils l’ont gagné par leur TRAVAIL. C’est cela qui les différentie des vrais « nantis », ceux qui financent leur niveau de vie grâce au travail des autres.
[C’est ce qui les rend d’autant plus frileux au moindre changement qui pourrait affecter leur petit confort.]
Franchement, combien de peuples connaissez-vous où les gens acceptent avec ravissement et enthousiasme les changements qui peuvent affecter leur petit confort ? Franchement, quand on a tout, on peut se permettre de renoncer à un « petit confort ». Quand on a un SMIC, c’est nettement plus difficile.
[Et c’est ce que nous allons peut-être payer cher. Vos propos, en forme de boutade sans doute, montrent bien la mentalité que je conteste. Si l’on doit changer quelque chose, c’est, selon vous, par la suppression pure et simple, non pas des anomalies qui se sont développées à l’usage au cours des ans, mais de l’ensemble des dispositifs qui font notre modèle social. Dans ce cas, vous validez de manière éclatante le dogme : on ne bouge rien, c’est là le progrès.]
Ce que je conteste, c’est votre idée que le « progrès » viendrait d’un « toujours moins » : moins de services publics, moins de protection, moins de sécurité. Je n’ai pas vu dans vos propositions le moindre changement positif, qui améliore la vie des gens. Non, vous reprenez le classique discours néo-chrétien : nous avons pêché et il nous faut payer en nous serrant la ceinture per secula seculorum. C’est cette attitude que je caricaturais dans ma réponse.
[Une remarque que je vous ai faite dans un des billets précédents où je vous indiquais que votre blog fonctionne, en bon jacobin, comme le réseaux Sncf. Tout passe par vous, car vous tendez, par la qualité de votre rhétorique et la richesse de vos arguments (en général) à épuiser le débat.]
Oui, mais en même temps beaucoup de commentateurs trouvent qu’un point fort de ce blog est justement le fait que tout commentaire reçoit une réponse… on ne peut pas plaire à tout le monde !
[– Une nation divisée qui s’affronte de manière polymorphique.]
Ça s’appelle « lutte des classes ».]
Eh oui, n’en déplaise à ceux qui pensent que c’est démodé !
[Tout passe par vous]
Normal, descartes est chez lui !
[vous tendez, par la qualité de votre rhétorique et la richesse de vos arguments (en général) à épuiser le débat.]
Il y en que ça ne semble pas épuiser 😉 Quant aux arguments de descartes, je parlerais moins de richesse que de rigueur
[En même temps beaucoup de commentateurs trouvent qu’un point fort de ce blog est justement le fait que tout commentaire reçoit une réponse.]
Oui, et pourvu que ça ne change pas ! Pour ne rien cacher, je ne lis pratiquement aucun commentaire de lecteur de ce blog (exception pour ceux de N-E), je vais directement aux réponses de descartes (éventuellement, je retourne au commentaire du lecteur pour comprendre le contexte). Trop souvent les commentaires répètent la doxa, (“vous savez bien que”, “il est évident que”, etc) sans argument autre que leur croyance. Et je trouve que descartes fait preuve d’une patience sans limite pour répondre, argumenter sans jamais s’énerver.
Si j’ai un vœu à souhaiter à descartes, c’est de continuer en 2019 !
@ Descartes
Bonsoir,
[Je dois être bouché, mais je ne comprends toujours pas ce que vous voulez dire.]
Ça tourne à la farce ! c’est peut-être le chocolat 🙂 ?
Tout d’abord, c’est à national-ethniciste que s’adressait ma remarque quand il parle de fonctionnement de la fonction publique. La présentation du fonctionnement d’une institution englobe sa vocation (ou l’ensemble de ses missions), ce qu’il est impossible de détailler en un ou deux pages, je l’admets, les structures humaines et leurs relations d’interdépendance qui la régissent, les moyens matériels et financiers qui lui permettent de fonctionner, les mécanismes d’actions qu’elle met en œuvre afin de respecter, dans un contexte donné, sa vocation ou ses missions.
C’est ce qui me faisait qualifier votre présentation – excellente au demeurant – de statique. Il vous faudrait 20 pages et plus pour rentrer un peu plus dans le détail, j’en conviens d’avance. N’assimilez pas ce qui est un bémol à une critique, c’est une simple observation.
[Vraiment ? Je vous conseille la lecture des différents livres de mémoires écrits par d’anciens ministres, ou bien le visionnage de leurs entretiens filmés. TOUS ou presque dénoncent leur administration. . . . . . ]
C’est sans doute parce que cela me laisse complètement indifférent que je n’y porte pas particulièrement attention. Mais je sens, chez vous, une sensibilité toute particulière, et à mon sens excessive à ce que vous décrivez et qui n’est que la marque de faiblesse des politiques qui nous gouvernent.
[ . . . . . . je connais une infinité de hauts cadres dans le privé qui sont parfaitement incompétents ou tout simplement paresseux, et qui arrivent à garder leur positions en faisant illusion, en exploitant le travail d’autres ou en faisant de la lèche à des patrons qui aiment cela, ou qui plus banalement préfèrent s’entourer de gens pas trop brillants pour ne pas prendre le risque qu’un successeur possible apparaisse.]
Si Jupiter lui même, avec les moyens dont il dispose pour tout connaître et tout savoir prononçait les mêmes paroles, j’imagine ici votre billet en forme de bazooka.
« Tout ce qui est excessif est insignifiant » nous rappelle Talleyrand. Et j’observe, par là même, que ce qui contribue souvent, sur ces sujets notre différence de point de vue, c’est justement notre différence de point de vue, tautologie déterminante. Je ne connais pas le milieu dans lequel vous baignez, que vous observez donc. Je n’ai pour toute expérience de la fonction publique – en dehors de celle d’usager, comme tout le monde – une expérience qui remonte à 20 ans comme chargé de mission pour le Ministère de l’Emploi, avec une activité principalement établie en Bretagne. J’ai eu l’occasion, alors de côtoyer quelques préfets, des conseillers du Ministère et des directeurs d’administration décentralisée. A part une hypersensibilité des Inspecteurs du Travail dès qu’il s’agissait, ne serait-ce que d’échanger sur leur mission et leur fonction dans ce cadre, je ne me permettrais pas le centième du jugement que vous portez sur les cadres dirigeants des grands groupes, qu’au demeurant, au cours de ma carrière industrielle, je n’ai pas, non plus, eu beaucoup l’occasion de côtoyer. Même à des postes de direction dans des filiales de groupe industriels, on ne vit pas, à ma connaissance ce que vous décrivez. Est-ce un phénomène purement parisien ? Il serait bon d’y mettre, en effet un terme. Comment comptez vous que la nation s’y prenne ?
[[– Une dette qui s’accroit inexorablement] Oui, du moins aussi longtemps que nous resterons dans l’Euro et dans un système de libre circulation du capital qui nous empêche de taxer convenablement ses revenus.]]
J’aimerais – sans ironie – avoir une argumentation tangible d’un effet de la sortie de l’euro tel qu’il effacerait le déficit de la balance commerciale ajouté au déficit budgétaire. Peut-être pourrions nous demander à Trump, Poutine, et quelques autres bienfaiteurs qui ne veulent que le bien de la France, de nous donner un coup de main. Si on est dans la m., ce n’est pas en donnant un coup de pied dans le pot de chambre que l’on va se récurer. Il faut chercher autre chose. Que proposez vous ?
[– Une nation divisée qui s’affronte de manière polymorphique.] Ca s’appelle « lutte des classes ».]]
Ça ne me paraît pas une fin en soi.
[ . . . . . . Mais ce niveau de vie, il ne vient d’un quelconque « nantissement ». Ils l’ont gagné par leur TRAVAIL . . . . . ]
Que cela plaise ou non, une partie de ce niveau de vie est tout de même la conséquence de l’exploitation d’une partie de l’humanité, pour que nos gosses, par exemple, aient en moyenne dans leur soulier ce soir, une dizaine de jouets fabriqués quelquefois par leurs homologues pour moins d’un € par jour. Je fais tout de même une grande différence entre le niveau de vie acquis au prix d’un labeur continu et le « nantissement » du milieu qui comble des besoins sans réelle contrepartie.
[Pour que cela soit acceptable, il faut que ceux qui ont profité ces trente-cinq dernières années acceptent de faire aujourd’hui l’essentiel de l’effort.]
Ai-je dis une seule fois le contraire ? J’évite d’écrire sous l’emprise d’un bon Armagnac 🙂 !
[Oui, mais en même temps beaucoup de commentateurs trouvent qu’un point fort de ce blog est justement le fait que tout commentaire reçoit une réponse… on ne peut pas plaire à tout le monde !]
Là aussi, je ne dis pas le contraire. C’est vous qui déplorez, dans un commentaire précédent la défection des commentateurs « indociles » Rappel >>>>>>
[[Les commentateurs « indociles » d’avant 2011 ne sont plus très nombreux, ce que je déplore, car il me semble que l’on ne s’appuie bien que sur une planche qui résiste.] >>> Je le regrette aussi, et je me pose souvent des questions sur les moyens de les faire revenir.]]
C’est ce qui vous différentie, et c’est un grand bien de JLM. C’est sur son blog, en 2010, où vous faisiez étriller par ses adorateurs inconditionnels (chez nous on les appelle des bobias) que j’ai fais votre connaissance, et où j’ai souvent pris votre parti – je ne parle pas de défense, vous en étiez largement pourvu – et où je me suis fais moi même traité de noms d’oiseaux, avant de les abandonner à leur turpitudes.
[Ce que je conteste, c’est votre idée que le « progrès » viendrait d’un « toujours moins » : moins de services publics, moins de protection, moins de sécurité.]
Là je vous trouve très injuste, mais c’est peut-être que par mes relances je vous ai un peu agacé, et rendu trop amère le chocolat :-))).
Vous connaissez mes convictions pour fournir, quel qu’en soit – pratiquement – le coût, le fondement de la dignité d’un homme : une activité normalement rémunérée. Mais, cher Descartes, le prix de cette dignité, il faut pour en parler en avoir ressenti la disparition dans son âme pour en parler autrement que comme un apparatchik.
Voyez vous, c’est sans doute le seul sujet où je suis encore capable de m’emporter.
Aller, votre compagnie m’est tout de même très chère, tout en étant aussi inconfortable.
C’est ça le masochisme ? BONNE SOIREE .
@ Marcailloux
[C’est sans doute parce que cela me laisse complètement indifférent que je n’y porte pas particulièrement attention. Mais je sens, chez vous, une sensibilité toute particulière, et à mon sens excessive à ce que vous décrivez et qui n’est que la marque de faiblesse des politiques qui nous gouvernent.]
Quand cela vient des politiques, cela ne me gêne pas vraiment. Je prends cela comme une faiblesse de ces personnages qui ont besoin de se trouver un bouc émissaire pour cacher les erreurs et leurs faiblesses. Ce qui heurte véritablement ma sensibilité, c’est d’entendre ce même discours chez les citoyens, surtout quand ils sont intelligents et cultivés comme c’est votre cas.
Au risque de me répéter, j’ai passé l’essentiel de ma vie dans le service public. Pour moi, ce n’est pas seulement un choix professionnel, c’est un engagement militant. Et pour cela, j’ai consenti des sacrifices en termes de rémunération, de disponibilité et de carrière. Je ne les ai jamais regrettés, mais je vous avoue qu’après avoir servi mes concitoyens pendant de décennies, m’entendre dire que je suis un fainéant privilégié qui fuit les responsabilités et qu’aucune sanction ne menace, cela me blesse profondément. Il arrive un moment où l’on finit par se dire « est-ce que cela valait la peine » ? Et croyez-moi, je ne suis pas le seul à me poser cette question.
[ « . . . . . . je connais une infinité de hauts cadres dans le privé qui sont parfaitement incompétents ou tout simplement paresseux, et qui arrivent à garder leur positions en faisant illusion, en exploitant le travail d’autres ou en faisant de la lèche à des patrons qui aiment cela, ou qui plus banalement préfèrent s’entourer de gens pas trop brillants pour ne pas prendre le risque qu’un successeur possible apparaisse. » Si Jupiter lui-même, avec les moyens dont il dispose pour tout connaître et tout savoir prononçait les mêmes paroles, j’imagine ici votre billet en forme de bazooka.]
Je ne parle de ce que je connais. Je n’ai pas passé que quelques années dans une entreprise privée, mais j’ai eu le privilège pendant toute ma carrière de travailler de très près avec elles. Et je persiste et signe : le pourcentage d’incompétents ou de paresseux n’est pas moins fort que dans le service public, même si les stratégies pour « durer » ne sont pas les mêmes. Et j’ajouterais qu’il y a dans les entreprises privés un vice qui est beaucoup plus fréquent que dans le public : la vénalité.
[(…) je ne me permettrais pas le centième du jugement que vous portez sur les cadres dirigeants des grands groupes, qu’au demeurant, au cours de ma carrière industrielle, je n’ai pas, non plus, eu beaucoup l’occasion de côtoyer.]
Je ne crois pas avoir parlé des « cadres dirigeants des grands groupes ». Je me suis contenté de me référer aux « hauts cadres dans le privé ».
[Même à des postes de direction dans des filiales de groupe industriels, on ne vit pas, à ma connaissance ce que vous décrivez.]
Bien sûr que si, bien sûr que si… Je ne vous donnerai pas d’exemple précis parce que je ne souhaiterais pas mettre en cause des personnes qui sont toujours en poste aujourd’hui… mais je pourrais vous assurer de ce directeur d’usine qui descendait systématiquement les membres de son comité de direction auprès des grands patrons parisiens pour justifier ses résultats déplorables, ce qui a valu à ceux-ci de longues années de brimades sans qu’ils comprennent très bien pourquoi, jusqu’au jour où une indiscrétion au siège a éclairé leur lanterne.
[Est-ce un phénomène purement parisien ? Il serait bon d’y mettre, en effet un terme. Comment comptez-vous que la nation s’y prenne ?]
Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris à quel « phénomène » vous faites référence. Je vous ai parlé de quelque chose qui arrive dans le privé. Je ne vois donc pas comment « la nation » pourrait s’y prendre pour y mettre fin…
[J’aimerais – sans ironie – avoir une argumentation tangible d’un effet de la sortie de l’euro tel qu’il effacerait le déficit de la balance commerciale ajouté au déficit budgétaire.]
Pour ce qui concerne la balance commerciale, l’effet est assez évident : la sortie de l’Euro nous permettrait de dévaluer la monnaie pour compenser les effets de l’inflation sous-jacente. Cela rendrait les produits importés plus coûteux et donc les produits français plus compétitifs, tant sur le marché intérieur que sur le marché extérieur. On aurait donc moins tendance à consommer de l’importé, et plus à acheter la production nationale.
Pour ce qui concerne le déficit budgétaire, vous noterez que dans la mesure ou la dette serait libellée en monnaie nationale, nous pourrions piloter la politique monétaire de manière à avoir une inflation raisonnable – disons de l’ordre de 3%-4% – ce qui reviendrait à liquéfier la dette du même montant chaque année. Or, liquéfier la dette revient à réduire le poids du remboursement, et réduire les remboursements a un effet positif sur le déficit.
[[[– Une nation divisée qui s’affronte de manière polymorphique.] Ca s’appelle « lutte des classes ».]]
Ça ne me paraît pas une fin en soi.]
Ce n’est pas une fin, c’est un fait. L’idée qu’on pourrait avoir une nation unie qui effacerait les conflits est une idée totalitaire. La démocratie consiste à gérer les différences et les conflits, pas à les effacer.
[Vous connaissez mes convictions pour fournir, quel qu’en soit – pratiquement – le coût, le fondement de la dignité d’un homme : une activité normalement rémunérée. Mais, cher Descartes, le prix de cette dignité, il faut pour en parler en avoir ressenti la disparition dans son âme pour en parler autrement que comme un apparatchik.]
« dans son âme » ? De quoi parlez-vous ?
@ Marcailloux,
“Et quand je vois qu’un homme comme vous, érudit, sincère, engagé dans le débat, nous dit « ignorer en grande partie le fonctionnement de l’Etat », ignorance, évidemment comblée par la baguette magique de notre hôte, les bras m’en tombent.”
Désolé de vous décevoir, cher ami… Mais permettez que je plaide ma cause: Descartes a expliqué dans son texte “côtoyer l’administration française depuis trente ans”. Il a dit, ailleurs, avoir occupé différents emplois qui l’ont, je le suppose, amené sans doute à côtoyer diverses administrations. Il dit également connaître personnellement des hauts fonctionnaires, dont plusieurs préfets qui sont pour quelques uns des amis (il me corrigera si je me trompe). Avouez quand même que notre hôte est mieux placé que moi pour connaître le fonctionnement de la haute fonction publique.
Moi, je ne suis qu’un humble professeur, à qui on confie des classes avec un programme à appliquer. Voilà mon boulot. Je n’ai jamais mis les pieds dans un ministère, ni même au rectorat de mon académie. Je ne connais aucun préfet ni directeur d’administration centrale (et croyez bien que je le regrette), pas même un commissaire de police ou un haut gradé de la gendarmerie. Je ne connais que le fonctionnement de l’université parce que j’ai un ami qui est maître de conférence, et un peu de la justice parce que je l’étudie en classe.
Vous semblez me reprocher mon ignorance. Et c’est vrai: avant de lire l’article de Descartes, je n’avais jamais cherché à savoir. Je me justifierai d’un seul mot: la confiance. Oui, j’ai globalement confiance dans notre administration, dans nos hauts fonctionnaires. Et, comme beaucoup de Français, cela me suffit. J’ignore comment fonctionne une préfecture, mais j’ai confiance dans le préfet de mon département.
Je vais vous raconter une anecdote. Un universitaire, parlant de la religion de l’Egypte ancienne avait déclaré à une conférence: “le simple paysan égyptien ne savait pas précisément ce qui se passait dans les temples, dont l’accès lui était interdit. Bien sûr, il avait sa religion pratique, mais il n’entendait pas grand-chose à la très complexe théologie égyptienne. En revanche, ce qu’il savait, c’est que dans les temples, des prêtres compétents faisaient le nécessaire pour assurer la satisfaction des dieux, et donc la prospérité et la sécurité de l’Egypte.” On en revient toujours au même: la question de la confiance envers les experts, ceux qui savent. Je suis convaincu que la grande majorité des hauts fonctionnaires font ce qu’il faut pour que l’Etat fonctionne. Et d’une certaine façon, cela me suffit.
“Je vous signale, à cet égard, que quelqu’un qui est curieux sur ce sujet”
Mais justement, je ne suis pas spécialement curieux sur ce sujet. Je ne partage aucun des fantasmes sur la haute fonction publique que dénonce Descartes dans son texte.
“Elle montre que des membres, parmi les meilleurs de la fonction publique, présentent une propension notable à regarder les réalités à partir du tuyau de leur champ de vision.”
Eh beh, oui… Que voulez-vous que je vous dise? Bien sûr que je vois les choses depuis la place qui est la mienne, celle d’un professeur certifié échelon 7 travaillant en collège. On ne peut pas demander à quelqu’un comme moi d’avoir une vision globale du fonctionnement de l’administration toute entière. Combien de gardiens de la paix savent précisément comment fonctionne le ministère de l’Intérieur? C’est vrai, les diagrammes des différents services sont disponibles. Que le ministre et ses conseillers les connaissent, c’est bien normal. Mais moi…
“Ils ont une forte tendance à ne voir les choses qu’à travers des dogmes, des habitus propres à leur milieu.”
Comme tout le monde…
“Tout ce qui peut remettre en question la pérennité de leur fonction, de leur statut, de leur train train quotidien est considéré comme une agression ou une menace directe sur leur emploi.”
Le Sénat, si mes souvenirs sont bons, a adopté récemment le principe de 3 jours de carence pour les fonctionnaires. Savez-vous ce que cela représente? Ce mois-ci, j’ai dû manquer une journée de travail après une nuit à 40 de fièvre, et un passage aux urgences (impossible d’avoir un rdv chez un médecin de ville dans la journée). Eh bien j’ai perdu ma journée de salaire, car nous avons déjà un jour de carence et l’arrêt de travail n’y change rien. Je n’étais pas parti en week-end ou prendre du bon temps. J’étais simplement hors d’état d’effectuer mon service (j’avais 5 heures de cours ce jour-là). Si les 3 jours passent (3 jours, c’est l’arrêt pour une angine, et essayez de faire cours avec une angine…), ce sera énorme. Perdre trois jours de salaire pour quelqu’un comme moi, qui ai des crédits, des frais de garde d’enfants, etc, c’est beaucoup, croyez-moi. Je vous signale par ailleurs que j’ai été reçu à un concours difficile (j’ai d’ailleurs échoué la première fois) à un classement très honorable, je n’ai pas honte de le dire. Je ne trouve pas anormal d’avoir un statut avec des avantages (sécurité de l’emploi), d’autant que je n’ai pas signé de contrat de travail et que je n’ai pas de moyen de négocier ma rémunération.
“Les commentateurs « indociles » d’avant 2011 ne sont plus très nombreux, ce que je déplore, car il me semble que l’on ne s’appuie bien que sur une planche qui résiste. Ou alors, on tend vers la secte.”
Pour ma part, je n’ai jamais occulté mes désaccords avec Descartes sur un certain nombre de sujets, et nous avons eu fréquemment des échanges musclés sur l’immigration, l’identité, l’assimilation, les juifs, et dernièrement sur les gilets jaunes. Mon impression, et je l’ai dit déjà à Descartes, est que son expérience politique ainsi que sa culture économique et scientifique, son habileté à construire des raisonnements rigoureux, font qu’il a une certaine facilité pour prendre l’ascendant intellectuel dans les échanges, c’est un fait. Le prendre en défaut relève de l’exploit. C’est la rançon de l’excellence… Mais la difficulté me stimule!
Permettez-moi de vous souhaiter de bonnes fêtes.
@ nationaliste-ethniciste
[Vous semblez me reprocher mon ignorance. Et c’est vrai: avant de lire l’article de Descartes, je n’avais jamais cherché à savoir. Je me justifierai d’un seul mot: la confiance. Oui, j’ai globalement confiance dans notre administration, dans nos hauts fonctionnaires. Et, comme beaucoup de Français, cela me suffit. J’ignore comment fonctionne une préfecture, mais j’ai confiance dans le préfet de mon département.]
Je crois que vous avez là mis le doigt sur quelque chose d’essentiel : c’est la question de la confiance. Nous vivons dans une société beaucoup trop complexe pour qu’un individu puisse comprendre vraiment comment ça marche dans tous les domaines. Cette complexité nous permet de jouir d’un niveau de vie inatteignable autrement. Mais pour en profiter, nous sommes pratiquement obligés de faire confiance dans le fait que nos services sont pilotés par des gens qui connaissent leur affaire et qui font leur boulot correctement. Si chaque fois que nous ouvrons le robinet il nous fallait faire une analyse chimique pour vérifier que l’eau est potable, nous ne nous en sortirions pas.
Et ce qui est vrai pour l’eau potable, pour l’électricité, pour la médecine ou pour la nourriture est aussi vrai pour l’administration. Le citoyen doit pouvoir élire des représentants pour diriger l’administration et la contrôler. Mais imaginer que le citoyen puisse se substituer à eux, c’est une illusion.
[Je vais vous raconter une anecdote. Un universitaire, parlant de la religion de l’Egypte ancienne avait déclaré à une conférence: “le simple paysan égyptien ne savait pas précisément ce qui se passait dans les temples, dont l’accès lui était interdit. Bien sûr, il avait sa religion pratique, mais il n’entendait pas grand-chose à la très complexe théologie égyptienne. En revanche, ce qu’il savait, c’est que dans les temples, des prêtres compétents faisaient le nécessaire pour assurer la satisfaction des dieux, et donc la prospérité et la sécurité de l’Egypte.” On en revient toujours au même: la question de la confiance envers les experts, ceux qui savent. Je suis convaincu que la grande majorité des hauts fonctionnaires font ce qu’il faut pour que l’Etat fonctionne. Et d’une certaine façon, cela me suffit.]
Je trouve votre exemple particulièrement parlant. Je me réserve le droit de le remployer…
[Je ne trouve pas anormal d’avoir un statut avec des avantages (sécurité de l’emploi), d’autant que je n’ai pas signé de contrat de travail et que je n’ai pas de moyen de négocier ma rémunération.]
Dans mon papier je n’ai pas abordé la question de la rémunération. Peut-être ai-je eu tort. Effectivement, un élément qui distingue les agents publics des agents privés est que les agents publics n’ont pas de possibilité de négocier leur rémunération. Celle-ci est fixée par des textes réglementaires en fonction du corps d’appartenance, de l’ancienneté, des primes attachées à la manière de servir (eh oui, la rémunération au mérite existe dans la fonction publique) et au poste occupé. D’ailleurs, la fonction publique paye mal en comparaison au privé, et cette différence est d’autant plus criante que le niveau est élevé. Bien entendu, il faudrait prendre en compte la rémunération la valeur monétaire de la sécurité de l’emploi, qui est loin d’être négligeable par lest temps qui courent…
[Mon impression, et je l’ai dit déjà à Descartes, est que son expérience politique ainsi que sa culture économique et scientifique, son habileté à construire des raisonnements rigoureux, font qu’il a une certaine facilité pour prendre l’ascendant intellectuel dans les échanges, c’est un fait. Le prendre en défaut relève de l’exploit. C’est la rançon de l’excellence… Mais la difficulté me stimule!]
Je ne voudrais pas que vous croyiez que « prendre l’ascendant » est ce qui me motive. J’aime beaucoup lire les commentaires – même lorsque je ne suis pas d’accord avec eux – et je vous prie de croire que je réfléchis soigneusement à ma réponse et que j’essaye d’être le plus honnête possible. Bien des échanges avec vous et autres contradicteurs m’ont amené à nuancer ou à abandonner certaines idées que j’avais à l’origine. C’est tout l’intérêt de l’échange.
@ Descartes,
“Bien entendu, il faudrait prendre en compte la rémunération la valeur monétaire de la sécurité de l’emploi, qui est loin d’être négligeable par lest temps qui courent…”
Tout à fait. Ainsi que le temps de congé. Et c’est pourquoi je n’adhère pas au discours qui prétend que les “enseignants sont sous-payés”. Je note d’ailleurs que les professeurs du privé ne sont pas mieux lotis au niveau salaire, avec une sécurité de l’emploi moindre (encore qu’elle ne soit pas totalement absente). Après, bien sûr, comme tout le monde, je ne serais pas contre le fait de gagner un peu plus. Je ne vous cache pas que le gel du point d’indice ne fait pas mon affaire…
@ nationaliste-ethniciste
Bonjour,
Tout d’abord, je souhaite vous dire toute l’estime que m’inspirent chacune de vos réponses à mes commentaires quelquefois, un tantinet, caustiques. Elles sont empreintes de mesure et de sincérité qui méritent d’être soulignées. Elles forcent un respect qui vous est personnellement acquit comme celui des convictions qui sont les vôtres.
[Avouez quand même que notre hôte est mieux placé que moi pour connaître le fonctionnement de la haute fonction publique.]
N’ayant en rien l’intention de le contester, mes hypothétiques aveux seraient un signe d’absurdité. Cependant, cette connaissance provient d’une proximité telle, qu’elle peut, à juste titre, être considérée sinon comme suspecte, en tout cas comme manquant de recul. L’objectivité est très difficile, probablement même impossible à atteindre, j’en conviens. Et elle est la base de la confiance, très justement invoquée dans les échanges en cours.
[Vous semblez me reprocher mon ignorance.]
Le terme de « reproche » est fort. De plus il ne correspond ni à ce que je voulais dire, ni à mon état d’esprit. Inspiré par Spinoza, j’essaie de ne pas juger, de ne pas blâmer, mais de comprendre. Et lorsque je garde en perspective ce que vous avez su rédiger, en particulier sur votre blog, j’ai du mal à concevoir comment on peut être aussi pénétrant sur les sujets que vous traitiez sans portez un regard curieux sur les sujets connexes. D’autant plus que leur accès est immensément facilité par internet.
[Eh beh, oui… Que voulez-vous que je vous dise? Bien sûr que je vois les choses depuis la place qui est la mienne, celle d’un professeur certifié échelon 7 travaillant en collège. On ne peut pas demander à quelqu’un comme moi d’avoir une vision globale du fonctionnement de l’administration toute entière]
Mon étonnement ne provient pas du constat que chacun regarde les choses d’où il est positionné. Ne pas s’inciter à changer, mentalement de point de vue, c’est néanmoins manquer d’empathie. On ne se met donc pas à la place de l’Autre, selon son angle de vision. Cependant, même en ne changeant pas de point d’observation on peut utiliser une focale large ou étroite.
Avoir une vision globale d’un ensemble ne signifie pas en avoir une vision précise, exhaustive, détaillée, approfondie, mais une perception suffisamment éclairée sous tous les angles pour en comprendre les enjeux.
[“Ils ont une forte tendance à ne voir les choses qu’à travers des dogmes, des habitus propres à leur milieu.” Comme tout le monde…]
C’est ce que je désigne, déplore et dénonce comme l’égoïsme des populations nanties. La France, par une félicité que nous ne savons apprécier, en est l’exemple parmi les plus symptomatiques de la planète.
[ . . . . . Ce mois-ci, j’ai dû manquer une journée de travail après une nuit à 40 de fièvre, et un passage aux urgences . . . . . ]
Vous pointez là un des nœuds de la question du « service public ». Il est souvent reproché à des agents du service public – souvent dans des collectivités territoriales parce qu’ils sont peut-être plus visibles – des abus qui ne sont qu’assez rarement sanctionnés. C’est en tout cas ce que personne ne semble contesté et qui est devenu, au fil du temps une vérité. L’organisation, les règles, les coutumes et tout ce qui paralyse le bon sens et l’équité sont ainsi bafoués et ceux qui « jouent le jeu » sont, par conséquence différentielle, pénalisés. Le jour ou l’égalitarisme aveugle et absolu sera aboli dans la fonction publique, vous serez probablement indemnisé d’un empêchement de force majeure. Mais il faut, pour cela que certaines décisions puissent être prises sur place par des responsables (des vrais, susceptibles de répondre de leur décision et d’assumer) qui sont reconnus et font autorité réelle auprès de leurs subordonnés.
[Pour ma part, je n’ai jamais occulté mes désaccords avec Descartes sur un certain nombre de sujets, et nous avons eu fréquemment des échanges musclés sur l’immigration, l’identité, l’assimilation, les juifs, et dernièrement sur les gilets jaunes.]
C’est ce qui rend vos commentaires, toujours très courtois, très sincères, extrêmement précieux à mes yeux, bien que je ne partage pas forcément une bonne part de vos points de vue. C’est justement ce qui me permet d’adopter, au moins provisoirement un autre point de vue qui n’est pas le mien et que je considère, cependant, tout aussi respectable.
@ Marcailloux
[Vous pointez là un des nœuds de la question du « service public ». Il est souvent reproché à des agents du service public – souvent dans des collectivités territoriales parce qu’ils sont peut-être plus visibles – des abus qui ne sont qu’assez rarement sanctionnés. C’est en tout cas ce que personne ne semble contesté et qui est devenu, au fil du temps une vérité.]
Non. La simple répétition d’un mensonge ne le transforme pas en vérité, et beaucoup de gens « contestent » votre affirmation. Les abus sont sanctionnés bien plus souvent que vous ne le croyez, et cela jusqu’aux niveaux les plus élevés. Pensez à Agnès Saal.
[Le jour ou l’égalitarisme aveugle et absolu sera aboli dans la fonction publique, vous serez probablement indemnisé d’un empêchement de force majeure.]
Non. Le jour ou « l’égalitarisme absolu sera aboli de la fonction publique », le fait de savoir si vous devez ou non être indemnisé dans ces circonstances sera confié à un chef, qui selon son humeur et son caractère pourra vous indemniser si votre tête lui revient et vous laisser à la rue dans le cas contraire.
Le problème est toujours le même : la règle « égalitariste » est peut-être rigide et ne permet pas de s’adapter facilement à des situations concrètes diverses. Mais sa disparition aboutit nécessairement à confier la question au choix arbitraire d’une autorité. Or, comment éviter que cette autorité prenne les décisions en fonction de ses passions – et de ses intérêts – plutôt que dans une logique de justice ou d’équité ? Quid custodiet ipsos custodes (« qui garde les gardes ») ? Que préférez-vous, que le montant de votre impôt soit calculé en fonction d’une règle « égalitariste », ou que ce soit votre percepteur qui, en fonction de son bon plaisir, fixe le montant ?
[Mais il faut, pour cela que certaines décisions puissent être prises sur place par des responsables (des vrais, susceptibles de répondre de leur décision et d’assumer) qui sont reconnus et font autorité réelle auprès de leurs subordonnés.]
Mais où et comment trouverez ces « vrais responsables » ? Bien sûr, le despotisme éclairé est le meilleur régime qui soit. La difficulté, c’est de s’assurer que le despote soit éclairé…
@ Descartes
Bonjour,
[Non. La simple répétition d’un mensonge ne le transforme pas en vérité, et beaucoup de gens « contestent » votre affirmation. Les abus sont sanctionnés bien plus souvent que vous ne le croyez, et cela jusqu’aux niveaux les plus élevés. Pensez à Agnès Saal.]
Ces « beaucoup de gens » sont probablement ceux qui sont justement visés par la remarque. Rien d’étonnant alors qu’ils contestent ce qui est de notoriété publique, confirmé par des chiffres officiels – qui pour cause de ne pas faire de vagues – sont souvent sous évalués.
Je n’ai pas fait d’enquête sur le taux de sanction des abus.
Avec quelques clics sur votre ordinateur et si vous ne craignez pas un complot généralisé, vous découvrirez, par exemple, en recherchant « absentéisme fonction publique » :
« Selon une étude de Sofaxis, cabinet spécialisé dans les assurances des collectivités territoriales,
Le taux d’absentéisme des agents des collectivités territoriales est toujours en hausse. Il est passé de 9,5% en 2016 à 9,8% l’an dernier. Cela représente une augmentation de 3% sur un an et de 33% sur dix ans. Autre donnée : près de la moitié des fonctionnaires territoriaux ont été absents au moins une fois dans l’année.
Et la durée cumulée des arrêts maladies s’allonge : Trente neuf jours par an en moyenne, contre dix sept dans le privé.
Difficile de supporter une charge de travail de 1 584 heures par an ? Elle est pourtant inférieure de 23 heures inférieure à la durée légale des 35 heures (1 607 heures). »
Cependant je trouve votre allusion à Agnès Saal très croustillante. Il a tout de même fallu, et ce n’est pas anodin, une campagne de presse – la notoriété publique que vous abhorrez – pour que l’affaire soit traitée, non pas par sa hiérarchie, mais par la justice.
Edifiant non ?
Et puisqu’il est question d’elle, il me semble légitime de se questionner sur l’opportunité de la réintégrer avec une promotion à la clé. Et puisque les hauts fonctionnaires et énarques trouveraient bien mieux dans le privé, que n’a – t – elle fait précipitamment ses valises pour aller trouver fortune ailleurs que dans cette fonction publique qui venait de lui causer injustement tant d’ennuis ?
Voyez vous, Descartes, je n’ai pas d’à priori contre le service public, bien au contraire. Et vous me concèderez que j’exprime souvent ma satisfaction de bénéficier du régime de protection dans lequel nous sommes tous.
Je n’en ai pas plus contre la personne des fonctionnaires, ordinaires ou supérieurs. Je parts du principe que la même proportion d’imbéciles, de paresseux, d’incompétents et de malhonnêtes existe dans le public comme dans le privé, ce genre de caractéristique n’apparaissant pas sur les CV.
Mais je suis convaincu que le sens du bien commun, la vocation du service public a peu à peu été substituée par la recherche de la sécurité, du confort. Il y a des raisons à cela, bien sûr.
Et quand on voit que l’administration – comme on dit dans le peuple – doit subir des pressions extérieures, celle des médias souvent, pour réagir, vous ne pourrez vous étonner que le sentiment général soit celui que vous dénoncez. Quant aux pressions de la Cours des Comptes, elles restent trop souvent inopérantes.
Je vais prendre deux situations sans solutions apparentes : celle de l’islam et celle des gilets jaunes.
Quel rapport me direz-vous ?
Chacune de ces deux situations est polluée par un problème majeur : sont-ils capables de faire le tri dans leur rang pour neutraliser les brebis galeuses qui ternissent leur image et polluent leur crédibilité.
Eh bien, pour l’Etat, c’est un peu pareil. tant qu‘il ne sera pas assez fort pour réduire à leur plus simple expression tous les « délinquants » dans ses rangs comme dans le civil, le soupçon de permissivité subsistera.
Je suis personnellement très partisan des mesures exemplaires et faisant surtout l’objet d’une large publicité, avec, par exemple :
– Une bonne série de casseurs pilleurs violents condamnés très fermement au vu de tous, sans laissez cours aux revendications “droit de lhommistes” complaisantes.
– De nombreux agents du service public indélicats ou inactifs purement et simplement congédiés.
– Quelques centaines de chauffards, permis suspendus dix ans et la voiture vendue par les domaines.
– Un vingtaine de grands fraudeurs fiscaux en prison et amendes dissuasives avec saisie de biens, sans tolérer des manoeuvres dilatoires illimitées.
– Quelques milliers de petits voyous qui sèment la terreur dans les lycées expédiés en centres surveillés pour quelques mois afin d’y terminer l’année scolaire, voire la suivante.
– Plus quelques cas significatifs propres à démontrer la force de l’Etat.
Ces mesures, chacun doit bien le comprendre, ne concernent que bien moins de 1% de la population.
Ce sont eux, les subversifs.
Aux plus de 99 % autres, il appartient de ne pas s’émouvoir par les jérémiades de leurs défenseurs.
Mais l’Etat, et son appareil qui lui est associé, répond à la fameuse boutade de Churchill :
« . . . . . . en France, tout est permis, même ce qui est interdit . . . . »
Tenez, je regardais ces jours ci un reportage sur les écoles anglaises qui infligent une amende aux parents qui font manquer l’école à leurs enfants pour des raisons de convenance personnelle (vacance à l’étranger). 1500 euros, autant que je me souvienne dans un cas, beaucoup moins dans un autre plus bénin. En France vous déclenchez le mouvement des parents indignés si un directeur d’établissement s’y aventure. Soutenu par le tribunal administratif, le conseil constitutionnel et tutti quanti. Et ne me dites pas que c’est un comportement de « classe ». Tous le font peu ou prou dans l’indifférence de tous. Ce n’est qu’un exemple.
Alors quand un type, à quel qu’échelon de la hiérarchie de l’Etat il soit, débarque et dit « Salut les gars, on se crache dans les mains et on voit ce que l’on peut faire pour réduire le désordre, optimiser les moyens, supprimer les gaspillages, réprimer les abus, . . . . », c’est pratiquement toujours une levée de boucliers avant même que la moindre discussion n’ait eu lieu, avec force évocation des droits éternels, dictat des capitalistes, volonté d’appauvrir, propos nauséabonds (terme fréquent chez JLM), etc . . . .
Je caricature, mais c’est néanmoins le sentiment général, et bien sûr votre rhétorique tendra à démontrer que ce sentiment est inadéquat, le produit d’une vision défaitiste, le signe d’une adhésion aux thèses libérales les plus féroces.
Notre système social, à la fois envié et critiqué, est comme une mécanique de haute précision. Il exige les meilleurs mécaniciens, en nombre parfaitement délimité, avec une exigence d’efficience sans faille, une remise en question permanente. Toute faiblesse ou approximation entraine un risque d’enrayement propre à détruire cette belle mécanique.
@ Marcailloux
[« Non. La simple répétition d’un mensonge ne le transforme pas en vérité, et beaucoup de gens « contestent » votre affirmation. Les abus sont sanctionnés bien plus souvent que vous ne le croyez, et cela jusqu’aux niveaux les plus élevés. Pensez à Agnès Saal. » Ces « beaucoup de gens » sont probablement ceux qui sont justement visés par la remarque.]
Dans la mesure où parmi ceux qui contestent votre remarque se trouve votre serviteur, votre réponse me semble particulièrement discourtoise. Vous me mettez en cause personnellement, et vous m’obligez donc à défendre mon honneur…
[Rien d’étonnant alors qu’ils contestent ce qui est de notoriété publique, confirmé par des chiffres officiels – qui pour cause de ne pas faire de vagues – sont souvent sous évalués.
Je n’ai pas fait d’enquête sur le taux de sanction des abus.]
Pourriez-vous m’indiquer à quels « chiffres officiels » vous faites référence et où l’on peu les consulter ?
[Avec quelques clics sur votre ordinateur et si vous ne craignez pas un complot généralisé, vous découvrirez, par exemple, en recherchant « absentéisme fonction publique » :
« Selon une étude de Sofaxis, cabinet spécialisé dans les assurances des collectivités territoriales, le taux d’absentéisme des agents des collectivités territoriales est toujours en hausse. Il est passé de 9,5% en 2016 à 9,8% l’an dernier. Cela représente une augmentation de 3% sur un an et de 33% sur dix ans. Autre donnée : près de la moitié des fonctionnaires territoriaux ont été absents au moins une fois dans l’année.]
Vous l’ignorez peut-être, mais l’étude Sofaxis à laquelle vous faites référence inclut parmi les « absences » les congés maternité et les accidents de travail, ce que ne font pas en général les études d’absentéisme pratiquées dans le privé. Par ailleurs, l’étude en question ne conclut pas au fait que cet absentéisme serait le résultat « d’abus », ou que ces « abus » ne seraient que « rarement sanctionnés ». Mais peut-être considérez-vous toute absence comme « abusive » ?
Si l’on prend les rapports de la Cour des Comptes, le pourcentage d’agents déclarant au moins un jour d’absence pour congé maladie au cours d’une semaine donnée était de 4,5% dans la fonction publique territoriale, 4% dans la fonction publique hospitalière, et 2,9% dans la fonction publique d’État, chiffres à comparer avec les 3,6% du privé. Les différences sont donc relativement faibles entre public et privé… alors que la fonction publique d’Etat, la plus nombreuse soit dit en passant, est celle qui présente et de loin les meilleurs chiffres. Je pense donc que votre théorie sur les « abus » des agents publics mérite une sérieuse révision…
[Cependant je trouve votre allusion à Agnès Saal très croustillante. Il a tout de même fallu, et ce n’est pas anodin, une campagne de presse – la notoriété publique que vous abhorrez – pour que l’affaire soit traitée, non pas par sa hiérarchie, mais par la justice. Edifiant non ?]
Ce qui est « édifiant », c’est votre vision du monde. Dans un Etat de droit, la « hiérarchie » n’a pas la possibilité de prendre des sanctions civiles ou pénales contre un employé, qu’il soit public ou privé d’ailleurs. La hiérarchie d’Agnès Saal a pleinement utilisé son pouvoir disciplinaire : elle l’a suspendu, et a porté l’affaire devant la juridiction admnistrative. Si dans une entreprise privée un employé pique dans la caisse, son employeur n’a pas à ma connaissance le droit l’obliger à rendre l’argent. Et bien, c’est pareil dans la fonction publique. Lorsqu’il s’agit de porter atteinte au patrimoine d’un citoyen, seul le juge a ce privilège.
[Et puisqu’il est question d’elle, il me semble légitime de se questionner sur l’opportunité de la réintégrer avec une promotion à la clé.]
Mme Saal a commis une infraction, elle a été condamnée à la réparer, elle l’a fait. A partir de là, il n’y a pas de raison pour ne pas la « réintégrer », sauf à tomber dans l’arbitraire. Par ailleurs, Mme Saal n’a eu aucune « promotion », elle a été réintégrée au même grade. Et je doute que cette affaire lui ouvre une brillante carrière.
En tout cas, lorsque vous comparez l’affaire Saal à ce qu’on trouve dans le privé, je trouve que la sanction qu’elle a subi n’a rien de ridicule. Bernard Tapie, pour des faits infiniment plus graves, n’a toujours rien payé…
[Et puisque les hauts fonctionnaires et énarques trouveraient bien mieux dans le privé, que n’a– t–elle fait précipitamment ses valises pour aller trouver fortune ailleurs que dans cette fonction publique qui venait de lui causer injustement tant d’ennuis ?]
Pour deux bonnes raisons : la première, c’est que fonctionnaires et énarques se trouveraient bien mieux – du moins financièrement – dans le privé S’ILS AVAIENT FAIT TOUTE LEUR CARRIERE DANS UNE ENTREPRISE. Lorsqu’on a cinquante ans et une bonne partie de son parcours derrière soi, il n’est pas aussi facile de partir. Mais vous noterez que les énarques et autres hauts fonctionnaire qui après quelques années de carrière dans la fonction publique vont dans le privé deviennent de plus en plus nombreux. Et je ne vous parle pas seulement de ceux qui « pantouflent » pour ensuite revenir : je vous parle de ceux qui démissionnent de la fonction publique, quitte à payer la « pantoufle ».
[Voyez vous, Descartes, je n’ai pas d’à priori contre le service public, bien au contraire.]
Mais non, mais non, mais non. Je me demande qui a écrit : « Il est souvent reproché à des agents du service public – souvent dans des collectivités territoriales parce qu’ils sont peut-être plus visibles – des abus qui ne sont qu’assez rarement sanctionnés. C’est en tout cas ce que personne ne semble contesté et qui est devenu, au fil du temps une vérité. »
[Je n’en ai pas plus contre la personne des fonctionnaires, ordinaires ou supérieurs. Je parts du principe que la même proportion d’imbéciles, de paresseux, d’incompétents et de malhonnêtes existe dans le public comme dans le privé, ce genre de caractéristique n’apparaissant pas sur les CV.]
Vous voulez dire que malgré le fait que « les abus sont rarement sanctionnés » la proportion de ceux-ci n’est guère supérieure à ceux qu’on peut trouver dans le privé ? On se demande alors a quoi peuvent bien servir les sanctions…
[Mais je suis convaincu que le sens du bien commun, la vocation du service public a peu à peu été substituée par la recherche de la sécurité, du confort. Il y a des raisons à cela, bien sûr.]
Je ne vous dirai pas le contraire. Ce que je ne comprends pas très bien, c’est ce qui vous fait penser que la recherche de « la sécurité et du confort » serait plus forte dans le secteur public que dans le secteur privé. Pensez-vous vraiment que les travailleurs du privé recherchent le risque et l’inconfort ? Franchement, j’en doute. De ce que j’ai vu, je retire la conclusion que la recherche du confort et de la sécurité est propre de l’être humain, quelque soit son employeur. Simplement, les stratégies sont différentes. Le haut-fonctionnaire est protégé par son statut, le haut cadre du privé par son parachute doré, ses stock-options ou sa retraite chapeau. L’idée du fonctionnaire frileux et de l’entrepreneur aventureux est une caricature : un commissaire de police, un préfet prennent bien plus de risques – y compris physiques – qu’un directeur de marketing d’une grande entreprise.
Pour moi, la grande différence entre les agents publics et les agents privés, c’est la vénalité. Dans le service public, les gens sont motivés par beaucoup de choses, mais rarement par la recherche à tout prix de l’argent. Les récompenses de l’agent public sont avant tout symboliques.
[Quant aux pressions de la Cours des Comptes, elles restent trop souvent inopérantes.]
Vous plaisantez, j’espère. Vous avez entendu parler de la cour de discipline budgétaire et financière ?
[Eh bien, pour l’Etat, c’est un peu pareil. tant qu‘il ne sera pas assez fort pour réduire à leur plus simple expression tous les « délinquants » dans ses rangs comme dans le civil, le soupçon de permissivité subsistera. Je suis personnellement très partisan des mesures exemplaires et faisant surtout l’objet d’une large publicité, (…)]
Contrairement à ce que vous semblez croire, l’Etat sanctionne ses agents assez fréquemment, en tout cas bien plus que le privé. Demandez aux policiers : chaque année, 2500 mesures disciplinaires sont prononcées, dont une cinquantaine de révocations. Pour un effectif de 100.000 policiers, cela fait plus d’une sanction disciplinaire pour 50 policiers, et une révocation pour 2000 agents CHAQUE ANNEE. J’attends qu’on me montre une entreprise privée ayant ces taux.
Que la fonction publique sanctionne les siens dans la discrétion, c’est un fait. Difficile de maintenir une cohésion et un esprit de corps si chaque fois qu’un membre se rend coupable d’une infraction on l’offre à la vindicte publique. Vous me ditez que la communication moderne exige des exécutions publiques – car c’est cela qu’une « large publicité » veut dire. Permettez-moi de ne pas vous suivre sur ce point.
[Mais l’Etat, et son appareil qui lui est associé, répond à la fameuse boutade de Churchill :
« . . . . . . en France, tout est permis, même ce qui est interdit . . . . »]
L’Etat seulement ? Là encore, je trouve que vous idéalisez beaucoup le secteur privé…
[Tenez, je regardais ces jours ci un reportage sur les écoles anglaises qui infligent une amende aux parents qui font manquer l’école à leurs enfants pour des raisons de convenance personnelle (vacance à l’étranger). 1500 euros, autant que je me souvienne dans un cas, beaucoup moins dans un autre plus bénin. En France vous déclenchez le mouvement des parents indignés si un directeur d’établissement s’y aventure. Soutenu par le tribunal administratif, le conseil constitutionnel et tutti quanti. Et ne me dites pas que c’est un comportement de « classe ». Tous le font peu ou prou dans l’indifférence de tous. Ce n’est qu’un exemple.]
Oui, mais c’est un exemple qui ne concerne pas le secteur public. Les parents, même ceux qui sont fonctionnaires, n’agissent pas en tant qu’agents publics lorsqu’ils font manquer l’école à leurs enfants pour convenance personnelle. Est-ce que je me trompe ?
Je pense qu’ici vous mélangez tout. On peut regretter le manque de discipline social des français en comparaison avec certains de nos voisins. Personnellement, lorsque je pèse le pour et le contre de cette attitude – car il y a du pour aussi dans le fait de ne pas respecter une règle qu’on trouve absurde – je trouve que le bilan est plutôt positif, même si cette attitude peut être quelquefois néfaste ou énervante. Mais quoi qu’il en soit, cela n’a aucun rapport avec le fonctionnement de l’Etat ou de la fonction publique, ou les règles et la discipline qui s’y attache sont plutôt plus sévères que dans l’ensemble de la société. Les agents publics sont soumis à une batterie de restrictions – vestimentaires, de l’expression publique, du comportement même privé – inconnues dans le secteur privé et que l’immense majorité des fonctionnaires accepte comme normales et observe scrupuleusement. Les accuser de laxisme me paraît donc pour le moins sévère.
[Alors quand un type, à quel qu’échelon de la hiérarchie de l’Etat il soit, débarque et dit « Salut les gars, on se crache dans les mains et on voit ce que l’on peut faire pour réduire le désordre, optimiser les moyens, supprimer les gaspillages, réprimer les abus, . . . . », c’est pratiquement toujours une levée de boucliers avant même que la moindre discussion n’ait eu lieu, avec force évocation des droits éternels, dictat des capitalistes, volonté d’appauvrir, propos nauséabonds (terme fréquent chez JLM), etc . . . .]
Pardon, mais comment arrivez-vous à prédire une telle réaction ? A ma connaissance, personne ces trente dernières années, n’a « débarqué » en tenant ce discours. Ce serait plutôt « Salut les gars, on se crache dans les mains et on voit ce qu’on peut faire pour réduire les moyens, diminuer les effectifs, fermer des sites, supprimer des services, externaliser des activités… ». Je peux vous assurer – pour l’avoir vécu personnellement – que celui qui arrive en disant « le but est d’améliorer le service rendu aux citoyens, on va donc faire des économies là où il y a gaspillage pour mettre les moyens récupérés là où il y a des manques » obtient assez facilement l’adhésion des agents.
[Je caricature, mais c’est néanmoins le sentiment général, et bien sûr votre rhétorique tendra à démontrer que ce sentiment est inadéquat, le produit d’une vision défaitiste, le signe d’une adhésion aux thèses libérales les plus féroces.]
Non, je dirai plutôt d’abord que c’est un sentiment bien moins « général » que vous le pensez – les Français dans les enquêtes tendent à plebisciter largement leurs agents publics – mais surtout que ce sentiment provient d’une méconnaissance du fonctionnement réel du secteur public. La réalité est que le secteur public – je parle ici de l’Etat et de ses établissements publics – a été depuis trente-cinq ans paupérisée. Visitez un commissariat de police, et vous verrez de quoi je parle. Le fait que la dépense publique ne baisse pas depuis trente ans – elle a tendance à augmenter – cache le fait que la structure de cette dépense a radicalement changé : la dépense publique finance de plus en plus des activités privées (subventions, aides sociales, niches fiscales, remboursement de la dette, cadeaux aux entreprises, etc.) et de moins en moins de véritables politiques publiques. Dans ce contexte, il ne faut pas vous étonner que les agents publics, coincés entre une exigence de plus en plus grande des citoyens et des moyens de plus en plus réduits voient tout tentative de les pressurer encore comme une agression.
@ Descartes,
Bonjour,
[Dans la mesure où parmi ceux qui contestent votre remarque se trouve votre serviteur, votre réponse me semble particulièrement discourtoise. Vous me mettez en cause personnellement, et vous m’obligez donc à défendre mon honneur…]
Tout de suite les grands mots, à la limite de l’intimidation.
Vous n’êtes pas – je m’en garderais bien si l’éventualité toute théorique se présentait – mon serviteur. Vous n’êtes pas non plus la cible nominative de mes remarques, et si vous vous sentez personnellement visé, il vous appartient d’en rechercher les fondements ou non, ce dont je n’ai pas la moindre idée.
Rien d’autre part ne vous « oblige » à défendre un « honneur » que personne, à ma connaissance, sur ce site, n’a mis en pâture aux lecteurs ou n’a subit d’attaque ad hominem.
Si demain, vous défendez la mémoire de P. Pétain chef de l’Etat français, par exemple, et qu’un certain nombre de commentateurs s’opposent fermement à votre opinion, votre honneur ne sera pas pour autant mis en cause, tout au plus votre sens de la dignité.
[ Pourriez-vous m’indiquer à quels « chiffres officiels » vous faites référence et où l’on peu les consulter ?]
Trop facile.
A moins de considérer que les successifs gouvernements font l’objet d’un Grand Komplot Généralisé – que vous ne mégottez pas à dénoncer, la presse édite régulièrement des articles sur le sujet.
Je ne vais pas reprendre un par un chaque argument mais je note que les remarques que je formule pour les agents du service public et particulièrement ceux des collectivités territoriales se transforment – détournées délibérément de leur contexte – en attaques sur une prétendue fainéantise des fonctionnaires ou assimilés, notamment ceux d’un niveau relativement élevé. Ça n’a jamais été un point de fixation de mon attention, mais j’ai en mémoire toute une série de constats, dans mon environnement qui n’ont pas eu le même traitement dans l’administration locale que des cas similaires en entreprises locales – le CAC 40 est une vue de l’esprit chez nous les ploucs.
Je vais soumettre à votre sagacité l’explication du fait, par exemple, qu’une infime minorité d’actes d’incivilité commis dans les établissements scolaires, n’apparaissent pas dans les « statistiques officielles » ?, alors que ces faits sont connus et dénoncés par tout le monde, ou presque.
Il est si simple, pour un chef de bureau, pour un chef de centre ou tout ce que vous voudrez de ne pas enregistrer la REALITE afin de ne pas nuire à l’image d’excellence qu’il faut faire remonter dans la hiérarchie tentaculaire.
Dans une boite – je ne parle pas du CAC40 qui est surtout un chiffon rouge agité pour exciter le peuple – le coût de l’absence ou du lymphatisme se traduira immédiatement sur les résultats de l’équipe, du service, de l’établissement et de l’entreprise. La correction est immédiate dans les cas d’abus. Il s’agit, in fine, de l’argent de quelqu’un, au dessus, qui veille au grain.
Plutôt que de chercher à défendre un honneur que vous placez bien mal, je vous invite à défendre votre sens de la logique. Pas celle de vos dogmes, celle du bon sens commun et populaire, celui de la province regardée de haut par le génie parisien sous tous ses visages.
[Ce qui est « édifiant », c’est votre vision du monde. Dans un Etat de droit, la « hiérarchie » n’a pas la possibilité de prendre des sanctions civiles ou pénales contre un employé, qu’il soit public ou privé d’ailleurs. La hiérarchie d’Agnès Saal a pleinement utilisé son pouvoir disciplinaire : elle l’a suspendu, et a porté l’affaire devant la juridiction admnistrative.]
Là encore les grands mots.
Ma « vision du monde », pourquoi pas de l’univers, se réduit à une vision bien plus limitée qui se porte sur ce que je lis dans la presse, le Figaro en l’occurrence – à moins que ce journal ne fasse partie du Grand Komplot – où il est dit que ce sont les révélations du journal début avril 2015, relayé par une menace d’ANTICOR de saisir la justice qui ont conduit, tout d’abord la ministre à demander le remboursement – bonjour la rigueur administrative, et que font les conseillers juridiques dans une affaire aussi sensible – puis à déposer, enfin, sous la pression, le dossier devant la justice début juin.
De plus, dans cette même presse, il est indiqué qu’elle a, avec effet rétroactif, bénéficié d’une promotion échelon D (juste avant E le plus haut de la fonction publique). Mais c’est vous qui parlez de ce cas, pas moi qui n’en fait pas un cas général, ni une fixation.
Je suis au regret de vous dire qu’entre les révélations d’un journal qui n’est pas ma tasse de thé, qui ne sont pas démenties, et par lesquelles il risque un procès en diffamation, et vos affirmations pour étayer un argumentaire que je ressens comme destiné à me faire taire ou tout au moins me décrédibiliser aux yeux de vos lecteurs, il n’y a pas photo.
De légères différences de point de vue, expliquées probablement par nos positionnements assez éloignés, vous nourrissez votre rhétorique ostracisante. Vous allez me dire que vous ne comprenez rien à mes propos, je commence à connaître la méthode.
Alors j’anticipe la réponse à un étonnement feint.
Dans toutes les organisations spirituelles, l’ennemi à combattre n’est pas l’opposant frontal, c’est celui là même qui justifie votre existence, sans lui vous n’êtes plus rien, sauf si vous pouvez imposer un régime totalitaire.
Non le danger vient de ceux qui dans les rangs, laissent dépasser un peu la tête de temps en temps, qui posent des questions qui ne vont pas dans le droit fil de la doxa locale. Avec ceux là, deux possibilités : on les chasse ou on les utilise comme punching ball pour amuser la galerie des thuriféraires. Il faut bien alimenter en boucs émissaires les appétits de la foule.
[La réalité est que le secteur public – je parle ici de l’Etat et de ses établissements publics – a été depuis trente-cinq ans paupérisée.]
S’il y a un point je partage absolument cette assertion, au point même d’en éprouver une certaine honte comme « citoyen employeur », c’est bien celui ci, nonobstant toutefois quelques anomalies qui ne me reviennent pas à l’esprit.
Mais c’est cet arqueboutement inflexible qui dessert finalement l’image de la fonction publique et rend pratiquement tout débat inutile.
Depuis que je commente ici, en m’efforçant d’argumenter dans le détail, avec conviction, à défaut de talent, moins de 10% de mes propos ont été reconnus comme valables, ceux ci probablement jugés, alors, parfaitement conforme à la ligne. Je reconnais volontiers que vous avez apporté beaucoup de soin et d’ardeur à vos réponses, ce dont je vous sais gré.
Je crains néanmoins devoir me résoudre, comme vous l’avez jadis fait sur le blog de Mélanchon, et même, j’imagine au PC, à renoncer de ferrailler avec quelqu’un que je ne ferai jamais changer d’un iota.
La fatigue a raison de tout.
@ Marcailloux
[« Dans la mesure où parmi ceux qui contestent votre remarque se trouve votre serviteur, votre réponse me semble particulièrement discourtoise. Vous me mettez en cause personnellement, et vous m’obligez donc à défendre mon honneur… » Tout de suite les grands mots, à la limite de l’intimidation.]
Ah… la paille dans l’œil du voisin…
Vous commencez par accuser « ceux qui contestent » votre affirmation – parmi lesquels figure votre interlocuteur – de le faire pour des bas motifs d’intérêt personnel, et vous vous étonnez que les personnes en question se sentent touchées dans leur honneur ? Et vous signaler ce qui est une discourtoisie serait « à la limite de l’intimidation » ?
Je vous connais suffisamment pour savoir quand vos mots ont dépassé votre pensée. Ce qui n’est pas rare chez vous : je vous rappelle que tout récemment vous vous êtes excusé dans un contexte similaire. Mais nos autres lecteurs ne sont pas forcément au courant, et c’est pourquoi je me vois obligé de me défendre et de vous demander d’éviter ce type de mise en cause.
[Vous n’êtes pas non plus la cible nominative de mes remarques, et si vous vous sentez personnellement visé, il vous appartient d’en rechercher les fondements ou non, ce dont je n’ai pas la moindre idée.]
Je ne suis pas « la cible nominative » de vos remarques, mais j’en suis la cible quand même. Si vous visez « ceux qui contestent » votre vision, alors que j’ai fait exactement cela, ce n’est pas une question de se « sentir » personnellement visé, je SUIS personnellement visé. Ou alors la langue fraçaise a beaucoup changé depuis que mes maîtres me l’ont enseignée. Alors, de grâce, évitez moi les « si vous vous sentez visé, c’est que vous n’avez pas la conscience tranquille », « il n’y a pas de fumée sans feu » et autres poncifs. Vous ne pouvez pas taper sur la tête de quelqu’un avec un marteau, et ensuite dire « si vous vous sentez personnellement visé, il vous appartient d’en rechercher les fondements ».
[Rien d’autre part ne vous « oblige » à défendre un « honneur » que personne, à ma connaissance, sur ce site, n’a mis en pâture aux lecteurs ou n’a subit d’attaque ad hominem.]
Bien sur que si : je vous rappelle l’échange. Vous commencez par dire : « Il est souvent reproché à des agents du service public (…) des abus qui ne sont qu’assez rarement sanctionnés. C’est en tout cas ce que personne ne semble contester ». Et lorsqu’on vous signale que le fait est contesté par beaucoup de gens, incluant le soussigné, vous ajoutez : Ces « beaucoup de gens » sont probablement ceux qui sont justement visés par la remarque. Rien d’étonnant alors qu’ils contestent ce qui est de notoriété publique, confirmé par des chiffres officiels – qui pour cause de ne pas faire de vagues – sont souvent sous évalués. ». Pour résumer, vous m’accusez donc d’être « visé par la remarque » selon laquelle on peut me reprocher des « abus » qui ne seraient que « rarement sanctionnés ». Pensez-vous vraiment que mon « honneur » ne soit pas mis en cause ?
Que vos mots aient dépassé votre pensée, que vous ayez généralisé à l’excès un reproche qui pourrait être justifié dans un contexte plus restrictif, c’est humain. Vous auriez pu vous excuser, j’aurais accepté sans difficulté vos excuses, et on passerait à autre chose. Mais si vous soutenez votre affirmation originale qui me met personnellement et professionnellement en cause, vous ne pouvez pas me reprocher de réagir fermement.
[Si demain, vous défendez la mémoire de P. Pétain chef de l’Etat français, par exemple, et qu’un certain nombre de commentateurs s’opposent fermement à votre opinion, votre honneur ne sera pas pour autant mis en cause, tout au plus votre sens de la dignité.]
En relisant ce qui précède, vous noterez que votre remarque ne mettait pas en cause mes opinions, mais la manière dont j’exerce mon activité professionnelle. Pour être précis, vous m’avez accusé d’être parmi ceux qui soit « commettent des abus rarement sanctionnés », soit les couvrent.
[« Pourriez-vous m’indiquer à quels « chiffres officiels » vous faites référence et où l’on peu les consulter ? » Trop facile.]
Mais si c’est si facile, pourquoi ne donnez-vous pas les références ?
[A moins de considérer que les successifs gouvernements font l’objet d’un Grand Komplot Généralisé – que vous ne mégottez pas à dénoncer, la presse édite régulièrement des articles sur le sujet.]
La presse peut raconter ce qu’elle veut. Vous avez parlé de « chiffres officielles ». A ma connaissance, les « chiffres officielles » sont celles publiés par les organismes officiels compétents, et non ceux publiés par la presse. Si ces « chiffres officiels » existent, j’aimerais bien les consulter et je vous prie de me donner la référence. Si ce n’est pas le cas, vaudrait mieux parler de « chiffres publiés par la presse ».
[Je ne vais pas reprendre un par un chaque argument mais je note que les remarques que je formule pour les agents du service public et particulièrement ceux des collectivités territoriales se transforment – détournées délibérément de leur contexte – en attaques sur une prétendue fainéantise des fonctionnaires ou assimilés, notamment ceux d’un niveau relativement élevé.]
Votre formulation ne faisant aucune distinction, on ne voit pas pourquoi je devrais interpréter les critiques que vous formulez comme s’appliquant exclusivement aux fonctionnaires de base, excluant ceux « d’un niveau relativement élevé ». Par ailleurs, le ton de votre critique les cible particulièrement. En effet, si comme vous dites les fonctionnaires se rendent coupables d’abus rarement sanctionnés, à qui la faute sinon à ceux qui détiennent le pouvoir de sanction, c’est-à-dire, aux fonctionnaires « d’un niveau relativement élevé » ?
[Ça n’a jamais été un point de fixation de mon attention, mais j’ai en mémoire toute une série de constats, dans mon environnement qui n’ont pas eu le même traitement dans l’administration locale que des cas similaires en entreprises locales – le CAC 40 est une vue de l’esprit chez nous les ploucs.]
Certainement. Mais votre expérience n’est pas généralisable sans précaution. Je n’ai d’ailleurs jamais dit que le traitement fut « le même ». Les mécanismes qui traitent les « fautes » sont très différents entre le public et le privé. Ce que j’ai dit, c’est qu’il est difficile d’établir une hiérarchie entre les deux.
[Je vais soumettre à votre sagacité l’explication du fait, par exemple, qu’une infime minorité d’actes d’incivilité commis dans les établissements scolaires, n’apparaissent pas dans les « statistiques officielles », alors que ces faits sont connus et dénoncés par tout le monde, ou presque. Il est si simple, pour un chef de bureau, pour un chef de centre ou tout ce que vous voudrez de ne pas enregistrer la REALITE afin de ne pas nuire à l’image d’excellence qu’il faut faire remonter dans la hiérarchie tentaculaire.]
Mais est-ce si différente dans le privé ? Pensez-vous par exemple que les chiffres concernant les incidents de traitement des transactions sur la Carte bleu diffusés par les banques soient exacts ? En quoi serait-il plus difficile à un « chef de centre » de « ne pas enregistrer la REALITE afin de ne pas nuire à l’image d’excellence qu’il faut faire remonter dans la hiérarchie tentaculaire » de sa banque ?
Toute organisation – et c’est vrai aussi pour les individus – qui cherche à soigner son image est poussée à mettre la poussière sous le tapis. Croyez-vous vraiment que le commerçant qui vous dit que « cela n’arrive jamais » quand vous lui ramenez une télé qui a cessé de fonctionner après une demie heure de fonctionnement ? Pensez-vous vraiment que les taux de pannes diffusés par les fournisseurs d’accès internet reflètent la « réalité » ? Si vous le croyez, vous êtes très naïf…
En fait, ce phénomène touche moins le public que le privé. Parce que le « chef de bureau » ou « chef de centre » qui enregistre la réalité – même si elle est déplaisante – risque moins que son homologue dans le privé de se voir mis à l’écart, rétrogradé ou viré. De ce fait il a moins à gagner à truquer les chiffres. Parce que dans la fonction publique, justement, on est promu à l’ancienneté et on a la sécurité de l’emploi… C’est d’ailleurs pourquoi les chiffrs de l’INSEE jouissent d’une confiance incomparable par rapport aux chiffres publiées par n’importe quelle entreprise.
[Dans une boite – je ne parle pas du CAC40 qui est surtout un chiffon rouge agité pour exciter le peuple – le coût de l’absence ou du lymphatisme se traduira immédiatement sur les résultats de l’équipe, du service, de l’établissement et de l’entreprise. La correction est immédiate dans les cas d’abus.]
« Se traduira immédiatement » ? Combien de temps ENRON a réussi à faire de la cavalerie avant que quelqu’un s’aperçoive qu’il y avait un petit problème ? Encore une fois, je pense que vous idéalisez le monde du privé, et tout particulièrement la capacité des directions de savoir ce qui se passe vraiment à l’intérieur de l’organisation. Comment savoir si la note de frais de tel commercial correspond à un repas avec des clients pendant lequel de juteux contrats sont discutés, ou bien un repas avec des amis ou l’on a discuté du temps qu’il fait ? Comment savoir si le choix de tel fournisseur est vraiment guidé par une logique d’optimisation plutôt que par des liens d’amitié – ou d’intérêt – du chef du service des achats ? Le coût du contrôle est souvent plus important que le coût des abus éventuels, alors le choix économique rationnel est de laisser faire.
C’est pourquoi les abus sont beaucoup plus fréquents – au point d’être admis – dans le secteur privé que dans la fonction publique. Parce que la fonction publique ne fait pas ce calcul économique. L’obsession du principe de légalité fait que chaque dépense est contrôlée au dernier centime, alors même que le coût du contrôle est supérieur à celui de l’éventuel abus. Pour inviter quelqu’un au restaurant au frais de la princesse, un chargé d’affaires dans le privé n’a besoin de l’autorisation de personne. Pour faire quelque chose de similaire, un agent public a besoin de trois signatures.
[Il s’agit, in fine, de l’argent de quelqu’un, au dessus, qui veille au grain.]
Une veille qui, l’affaire ENRON mais aussi l’affaire Madoff l’ont amplement montré, est beaucoup moins efficace qu’on ne pourrait le croire. Encore une fois, savoir ce qui se passe au sein d’une organisation complexe a un coût, et ce coût est extrêmement important, particulièrement dans une organisation où votre emploi et votre carrière sont livrés à l’arbitraire, et où par conséquent la dissimulation des erreurs et le gonflement des succès devient une nécessité. C’est là ou la protection statutaire apporte un énorme plus aux organisations : lorsque votre carrière ne dépend pas de vos résultats, vous ne vous sentez pas tenu de maquiller ces derniers.
[Plutôt que de chercher à défendre un honneur que vous placez bien mal,]
Vraiment ? Vous estimez que placer mon honneur dans le fait que je n’ai jamais commis d’abus et que je ne les ai jamais couvert est mal le placer ? Dont acte…
[je vous invite à défendre votre sens de la logique. Pas celle de vos dogmes, celle du bon sens commun et populaire, celui de la province regardée de haut par le génie parisien sous tous ses visages.
C’est quoi la « logique du bon sens commun et populaire » ? L’intelligence de la main, chère à Raffarin, serait-elle de retour ? Franchement, ce discours poujadiste de la « vérité provinciale » opposé aux « dogmes du génie parisien », ça va un moment, mais il ne faudrait pas trop exagérer.
[« Ce qui est « édifiant », c’est votre vision du monde. Dans un Etat de droit, la « hiérarchie » n’a pas la possibilité de prendre des sanctions civiles ou pénales contre un employé, qu’il soit public ou privé d’ailleurs. La hiérarchie d’Agnès Saal a pleinement utilisé son pouvoir disciplinaire : elle l’a suspendu, et a porté l’affaire devant la juridiction admnistrative. » Là encore les grands mots.]
Non, là encore, les faits. Vous notiez comme scandaleux le fait que l’affaire Saal soit « traitée, non pas par sa hiérarchie, mais par la justice ». Je vous rappelle simplement que pour obliger quelqu’un à rembourser sur son patrimoine, il faut la décision d’un juge. Mais peut-être souhaiteriez-vous que la « hiérarchie » ait le pouvoir de toucher le patrimoine des agents publics sans contrôle ?
[Ma « vision du monde », pourquoi pas de l’univers, se réduit à une vision bien plus limitée qui se porte sur ce que je lis dans la presse, le Figaro en l’occurrence – à moins que ce journal ne fasse partie du Grand Komplot – où il est dit que ce sont les révélations du journal début avril 2015, relayé par une menace d’ANTICOR de saisir la justice qui ont conduit, tout d’abord la ministre à demander le remboursement – bonjour la rigueur administrative, et que font les conseillers juridiques dans une affaire aussi sensible – puis à déposer, enfin, sous la pression, le dossier devant la justice début juin.]
Ah… si c’est écrit dans la presse, c’est que ça doit être vrai. J’attire votre attention sur le fait que la plupart des journaux ou des associations style ANTICOR ont un intérêt certain à tirer la couverture à soi, et à prétendre que ce sont leurs « révélations » qui ont changé le monde. Ce qui après tout est légitime : s’il s’avérait – ce qui est inimaginable, n’est ce pas – que l’administration est capable de détecter et de sanctionner les abus toute seule, à quoi serviraient tous ces journalistes à scandales, tous ces gentils « lanceurs d’alerte » ?
Je ne connais pas assez l’affaire Saal pour vous dire si la procédure a été commencée avant, pendant ou après les dénonciations du Figaro ou d’ANTICOR. Mais j’ai eu à gérer au cours de ma carrière pas mal de cas où des abus ont été découverts, la procédure de correction mise en place, et puis tombait de nulle part un journaliste qui « sortait » l’affaire puis attribuait à cette « sortie » le fait qu’elle ait été traitée. Ce genre de procédé, c’est le pain quotidien des gens qui travaillent dans le nucléaire, par exemple. Allez chez Greenpeace, on vous expliquera que si les malfaçons et les erreurs sont corrigés dans les centrales, c’est grâce à leurs dénonciations publiques….
Je ne comprends pas très bien votre remarque sur la « rigueur administrative » et les « conseillers juridiques ». Si le supérieur hiérarchique pense qu’une dépense est indue, la bonne procédure est de demander à l’agent de rembourser les sommes, puis s’il conteste le caractère indu de la dépense, d’obtenir l’ordre d’un juge. Vous, à la place du ministre, vous auriez fait quoi ?
[Je suis au regret de vous dire qu’entre les révélations d’un journal qui n’est pas ma tasse de thé, qui ne sont pas démenties, et par lesquelles il risque un procès en diffamation, (…)]
Les « informations » en question ont été « démenties ». Françoise Nyssen, ministre de la culture à l’époque, a déclaré avoir demandé le remboursement avant que le Figaro et ANTICOR s’en mêlent. Par ailleurs, le Figaro ne risque aucun « procès en diffamation » : en affirmant que ce sont ses révélations qui ont fait agir le ministre il ne risque absolument rien, puisque la diffamation implique la mise en cause de l’honneur, et non de la compétence.
[(…) et vos affirmations pour étayer un argumentaire que je ressens comme destiné à me faire taire ou tout au moins me décrédibiliser aux yeux de vos lecteurs, il n’y a pas photo.]
Revenez sur terre : si je voulais « vous faire taire », j’ai des moyens bien plus simples et plus efficaces que d’argumenter. Un simple click suffit. Mais si cela vous fait plaisir de vous peindre en martyr… Pour ce qui concerne la volonté de vous « décrédibiliser »… je ne dirai qu’une chose : lorsqu’on se permet de répondre à celui qui conteste votre accusation « ceux qui contestent sont ceux qui sont concernés », on est bien mal placé pour reprocher ce genre de procédé aux autres.
[De légères différences de point de vue, expliquées probablement par nos positionnements assez éloignés, vous nourrissez votre rhétorique ostracisante. Vous allez me dire que vous ne comprenez rien à mes propos, je commence à connaître la méthode. Alors j’anticipe la réponse à un étonnement feint.]
Lorsque je ne comprends pas, je le dis. Il n’y a aucune « méthode » là dedans. Mais vous allez peut-être me dire là encore que cette remarque n’est pas une attaque personnelle, et que j’aurais tort de me sentir visé ?
Je vous rassure : dans ce cas particulier, je comprends très bien ce que vous voulez dire. Ce que j’ai plus de mal à comprendre, c’est le pourquoi de cette litanie d’accusations et de reproches. Pourquoi alors que vous vous exprimez ici avec une parfaite liberté depuis des années, vous tenez ici un discours que j’hésite à qualifier. A vous entendre, je chercherais à vous « intimider », à « vous décrédibiliser », à « vous faire taire »… et tout cela parce que je conteste votre « vérité » dans laquelle vous mettez en cause ma probité professionnelle. Vous ne trouvez pas que vous en faites un peu trop ?
[Depuis que je commente ici, en m’efforçant d’argumenter dans le détail, avec conviction, à défaut de talent, moins de 10% de mes propos ont été reconnus comme valables, ceux ci probablement jugés, alors, parfaitement conforme à la ligne.]
Ca veut dire quoi « jugé valables » ? Vos propos ne sont moins « valables » que les miens. Vous exprimez votre point de vue, j’exprime le mien, d’autres commentateurs expriment le leur. Tous ces points de vue sont parfaitement « valables ». Mais ne me demandez pas d’être d’accord avec eux, pas plus que je ne vous demande d’être d’accord avec moi.
[Je crains néanmoins devoir me résoudre, comme vous l’avez jadis fait sur le blog de Mélanchon, et même, j’imagine au PC, à renoncer de ferrailler avec quelqu’un que je ne ferai jamais changer d’un iota.]
Chacun est libre de participer ou de ne pas participer où il le souhaite. Je regretterai votre départ – comme je regrette le départ de tout commentateur – mais c’est votre choix, pas le mien. Mais sur un point vous faites erreur : je n’ai jamais renoncé à ferrailler – ni sur le blog de Mélenchon, ni sur celui du PC, ni nulle part ailleurs – au prétexte que je n’arrivais pas à changer l’opinion des autres. Pour moi le débat est intéressant d’abord pour m’aider à élaborer mes propres opinions, parce qu’il est difficile de penser sans un interlocuteur – quand bien même cet interlocuteur n’accepterait pas de changer d’avis. Si j’ai cessé de pratiquer le blog de Mélenchon, ce n’est pas parce que je n’arrivais pas à « changer d’un iota » l’avis des autres intervenants, mais parce que le modérateur m’avait interdit d’aborder certains sujets sous peine de censure. Et que dans ces conditions l’échange perdait tout intérêt.
Ce n’est pas le cas ici : sous réserve du respect d’un code de conduite finalement assez large dont le but est de garder un minimum de courtoisie entre les intervenants et de m’éviter des procès, vous avez une complète liberté. Vous pouvez même aborder des sujets n’ayant aucun rapport avec le billet, d’inclure des liens vers d’autres textes, d’exprimer votre opinion. Je trouve que c’est déjà beaucoup. Mais si en plus vous voulez qu’on vous donne raison… désolé, ce n’est pas le bon blog.
Bonjour, bravo et merci,
Mon commentaire pourrait bien convenir à cet endroit-là.
Passant par là depuis quelques années maintenant, je me dois de vous dire que c’est toujours un plaisir, confinant au bonheur, de vous lire.
N’ayant que peu de temps, je cherche désormais, après la lecture assidue de l’article (que dis-je, LES lectures ! dont certaines à voix haute, pour des oreilles que vos arguments et votre verbe ont fini par convaincre de se tendre, attentives), l’endroit des commentaires où Nationaliste-Ethniciste pose les siens et où vous, Descartes, lui répondez.
Permettez-moi de vous dire, en espérant bien vous faire rougir, que vous me touchez par l’intelligence de vos rapports et que je rêvais secrètement de vous voir sympathiser plus avant ailleurs.
Merci encore Messieurs, je ne sais pas quoi vous souhaiter mais je vous le souhaite de tout coeur.
A vous aussi Marcailloux.
Merci pour cet article.
La haute fonction publique a plusieurs points faibles, qui menacent le pays.
Le « monopole de la compétence » : les politiques ne décident plus par fainéantise et par manque de compétence. Du coup, les hauts fonctionnaires prennent le pouvoir dans des domaines qui relèvent des élus. Il y a une réflexion à mener sur le rôle de l’assemblée, qui doit arrêter de produire des textes pour se concentrer sur le contrôle : contrôle des budgets, contrôle des carrières (qui n’est pas fait, quoi que vous écriviez), optimisation des organisations (Quid des doublons dans les intercommunalites, les métropoles et les régions ?). Les effectifs ont augmentés de façon pléthoriques sans justification, il faut mettre fin à l’emploi à vie, supprimer les postes inutiles. Et licencier les mauvais.
Le tendance est au toujours plus. Entre deux projets, le choix des élus, conseillés par les fonctionnaires, est de prendre le plus cher, le mieux, le plus-disant electoralement. La France est transformée en show-room pour ronds-points, enrobés et salles des fêtes. L’intérêt économique et social de ces investissements est nul, dans la mesure où ils nourrissent la dette.
Le mieux-disant électoral se traduit par les impôts et la dette. La trahison des élites politiques et fonctionariales est bien à ce niveau : la fuite en avant dans le refus d’une bonne gestion, par démagogie électorale et par faiblesse. Les technocrates portent une lourde responsabilité et le peuple est en droit de leur demander des comptes, dans la mesure où les niveaux de fiscalité de la France atteigne des records mondiaux. Le pays est asphyxié par ces taux de prélèvements records.
La fonction publique se crée du travail artificiellement, pour maintenir son pouvoir. Par exemple avec la mise en place du système d’aide aux entreprises. Dans ma ville, 70 aides. Dans la pratique, c’est une usine à gaz pour avoir le droit à pas grand chose. Imaginons le nombre de personnes derrière cette mécanique, pour un bénéfice nul pour les TPE et PME. Chiffrons le nombre d’agents derrière la collecte de la TVA. Etc.
En conclusion, un dégraissage s’impose. La priorité des priorité est la reindustrialisaoon du pays. Cela passe par une baisse des coûts de production, une baisse des impositions et la rationalisation des effectifs de la fonction publique. Le chantier est immense.
@ N. Mérand
[La haute fonction publique a plusieurs points faibles, qui menacent le pays. Le « monopole de la compétence » : les politiques ne décident plus par fainéantise et par manque de compétence. Du coup, les hauts fonctionnaires prennent le pouvoir dans des domaines qui relèvent des élus.]
C’est bien ce que j’ai écrit. Mais la solution consiste à permettre aux élus de s’appuyer sur d’autres sources d’expertise – par exemple, en développant une véritable réflexion technique au sein des partis politiques – leur permettant de relativiser le conseil qu’ils reçoivent des hauts fonctionnaires. Et non en cherchant, comme le fait malheureusement la « gauche radicale », à affaiblir la haute fonction publique, ce qui revient à donner le pouvoir à des élus incompétents.
Ce que je trouve destructeur, c’est le mépris – pour ne pas dire la haine – qu’expriment certains mouvements politiques à l’égard des techniciens, les experts, les sachants. Le tout enrobé d’une idéologie qui rejette l’idée même que le savoir et l’expérience soient utiles, et la glorification du spontanéisme, de la science infuse et de « l’intelligence de la main ». Je persiste : si nous voulons un gouvernement rationnel, l’expertise, l’expérience, le savoir sont utiles. Il faut donc l’organiser de manière à éviter que ceux qui les possèdent prennent le pouvoir, tout en utilisant leurs compétences. Et non proclamer qu’on peut se passer d’eux.
[Il y a une réflexion à mener sur le rôle de l’assemblée, qui doit arrêter de produire des textes pour se concentrer sur le contrôle : contrôle des budgets, contrôle des carrières (qui n’est pas fait, quoi que vous écriviez), optimisation des organisations (Quid des doublons dans les intercommunalites, les métropoles et les régions ?).]
Admettons. Mais si l’Assemblée se concentre sur le contrôle… qui définira les politiques à mettre en œuvre ? Le pouvoir exécutif tout seul ? C’est très joli de « contrôler le budget », mais avant de le contrôler, il faut le faire. Qui s’en chargerait ?
Dieu sait que je ne suis pas partisan d’un gouvernement d’assemblée, et je serais plutôt séduit par le « parlementarisme rationnalisé » tel qu’il avait été pensé par les fondateurs de la Vème République. Mais je détecte dans ce courant qui voudrait réduire le pouvoir législatif à une fonction de contrôle une n-ième tentative d’organiser l’impuissance du politique en réduisant les élus du peuple à une fonction de « contrôleurs » de politiques qui se décident ailleurs. J’ajoute que je trouve bizarre votre idée selon laquelle « l’optimisation des organisations » serait une tâche de « contrôle », alors que l’équilibre entre les différents échelons institutionnels est au contraire une question éminemment politique. Quant au « contrôle des carrières », je vois mal à quoi vous faites référence. Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par là ?
[Les effectifs ont augmentés de façon pléthoriques sans justification, il faut mettre fin à l’emploi à vie, supprimer les postes inutiles. Et licencier les mauvais.]
Et qui décide qui sont les « inutiles » et les « mauvais » ? Vaste programme… comme une telle décision ne peut être prise en dernière instance que par le politique, vous risquez de voir que l’incompétence ou l’inutilité se trouve en général du côté des agents publics qui ne sont pas du même bord politique que le décideur, ou qui refusent d’exécuter des ordres à la légalité douteuse ou de couvrir des manœuvres non sanctas…
Comme je l’ai expliqué dans mon papier, l’emploi à vie est une garantie indispensable si l’on veut une fonction publique honnête et neutre. Outre le problème évoque ci-dessus, l’agent public qui sait que son emploi n’est plus garanti est poussé à se préparer un « parachute » au cas où le malheur frapperait. Et la meilleure manière de préparer ce « parachute » est de s’acoquiner avec les entreprises avec lesquelles il est en contact, en leur consentant des avantages indus, en leur facilitant certains marchés, en fermant les yeux sur certaines infractions.
[La tendance est au toujours plus.]
Vous croyez ? Allez dans un commissariat de police, dans un service hospitalier, dans une direction de l’administration centrale, dans les services d’une préfecture, et vous me direz où vous voyez le « toujours plus ». La fonction publique d’Etat et la fonction publique hospitalière voient leurs effectifs diminuer d’année en année depuis près de dix ans, tout comme les traitements, calculés sur un point d’indice gelé depuis belle lurette. Vous devriez aussi comparer l’évolution des rémunérations des cadres supérieurs du public et du privé, cela devrait vous faire changer d’avis. Savez-vous combien gagne un directeur d’administration centrale – issu d’un grand corps – ayant sous sa responsabilité une direction de 300 personnes et la conduite de politiques fondamentales pour la sécurité de la nation ? J’ai eu sa feuille de paye sous les yeux il y a quelques semaines : 8500 € primes comprises. Dites cela à un directeur d’une entreprise du CAC40, et il éclatera de rire.
[Entre deux projets, le choix des élus, conseillés par les fonctionnaires, est de prendre le plus cher, le mieux, le plus-disant electoralement. La France est transformée en show-room pour ronds-points, enrobés et salles des fêtes. L’intérêt économique et social de ces investissements est nul, dans la mesure où ils nourrissent la dette.]
Excusez-moi, mais… si ces choix sont un « plus disant électoral », c’est donc que les électeurs veulent voir ces ronds-points et ces salles des fêtes. Et en démocratie, les élus sont là pour faire ce que les électeurs veulent, ou je me trompe ? Insinuez-vous que dans un régime politique bien fait les gouvernants devraient faire leurs investissements en fonction de leur vision de ce qui a un intérêt « économique et social » indépendamment du désir des électeurs ?
Soyons sérieux : ce ne sont pas les « fonctionnaires » qui conseillent aux élus les choix « les plus chers », et encore moins « les plus-disant électoraux ». Les élus sont parfaitement capables de faire ces choix sans avoir besoin de « conseils » de qui que ce soit. En général, les fonctionnaires conseillent au contraire le moins cher, conseillent de renoncer aux projets inutiles, et ne tiennent aucun compte du « mieux disant électoral », ce qui leur vaut des amers reproches de « manquer de sens politique »… Je ne sais pas d’où vous tirez vos informations. Pourriez-vous donner un exemple concret ou les fonctionnaires aient conseillé à ces pauvres élus « le plus disant électoral » ?
[Le mieux-disant électoral se traduit par les impôts et la dette. La trahison des élites politiques et fonctionariales est bien à ce niveau :]
Je ne comprends pas très bien pourquoi vous mettez les élites politiques et les « élites fonctionariales » dans le même panier. Jusqu’à nouvel ordre, ce sont les politiques, et non les fonctionnaires, qui prennent les décisions. Et vous faites erreur si vous croyez que les hauts fonctionnaires et les élus sont sur la même longueur d’onde.
[la fuite en avant dans le refus d’une bonne gestion, par démagogie électorale et par faiblesse.]
Mais c’est quoi une « bonne gestion » ? Qui en définit les règles ? Vous avez l’air de croire qu’il existe un critère universel qui permet de décider ce qu’il faudrait faire dans une situation donnée dans le cadre d’une « bonne gestion ». Si ce critère existait, on n’aurait pas besoin d’organiser des élections : on recruterait par concours une personne compétente chargée d’appliquer ce critère, avec derrière une Cour des comptes pour vérifier son action. Le problème, c’est que ce critère n’existe pas : nous vivons dans une société constituée d’individus et de groupes aux intérêts divers, et ce qui est de « bonne gestion » dans l’optique de l’un ne l’est pas forcément dans l’optique de l’autre. Gouverner dans une telle société implique dégager un « intérêt général » qui n’a rien à voir avec une « bonne gestion ».
Prenons un petit exemple : il y a en France quelque 36000 communes, dont beaucoup ne regroupent que quelques centaines d’habitants. La « bonne gestion » économique pousse à les regrouper pour leur donner une taille plus importante. Mais voilà, les français sont attachés à leurs communes. Ils aiment bien avoir une mairie près de chez eux, avec un maire qu’ils connaissent bien et qui est proche d’eux. Et s’ils sont prêts à payer plus d’impôts pour l’avoir, de quel droit j’irai leur dire que la « bonne gestion » exige qu’ils y renoncent ?
[Les technocrates portent une lourde responsabilité et le peuple est en droit de leur demander des comptes, dans la mesure où les niveaux de fiscalité de la France atteigne des records mondiaux.]
D’abord, je ne vois pas très bien ce que les « technocrates » viennent faire là-dedans. A ma connaissance, ce ne sont pas les « technocrates », ce sont les politiques qui prennent les décisions. Et souvent contre le meilleur avis des « technocrates ». Ainsi, par exemple, on dépense chaque année en pure perte 5 Md€ à subventionner des énergies renouvelables électriques qui n’apportent rien à notre mix énergétique déjà très largement décarbonné. Pensez-vous que ce soit une idée des « technocrates » ? Non, ce sont les politiques qui ont imposé cette solution depuis des années contre l’opposition frontale de ce que la « technocratie » a de plus représentatif. Ce qui prouve que lorsque les politiques ont la volonté, ils sont parfaitement capables d’imposer leur point de vue aux méchants « technocrates ». Alors, faut arrêter de se chercher des boucs émissaires.
[Le pays est asphyxié par ces taux de prélèvements record.]
C’est ce qu’on répète chez les libéraux, et on arrive même à le faire croire. Mais lorsqu’on regarde la situation dans les autres pays, on se rend compte de la raison. Prenons par exemple les Etats-Unis. Bien sûr, vous payez moins d’impôts et charges. Mais sur votre salaire net, il vous faut payer encore votre couverture médicale, votre couverture sociale. Si vous avez des enfants, vous devrez payer leurs études supérieures. Et la liste est interminable. Alors, entre être asphyxié par les prélèvements ou être asphyxié par les factures et les dettes…
Oui, nous avons un taux de prélèvements record. Et cela tient au fait que nous avons socialisé des dépenses qui, dans d’autres pays, figurent dans la colonne « dépense privée » plutôt que « prélèvement obligatoire ». C’est un choix économique rationnel : du fait de sa taille et de son caractère universel, la Sécurité sociale a des coûts de gestion très inférieurs à ceux des assureurs privés. Sans compter avec la fonction de « stabilisateur automatique » que joue la dépense publique lors des crises : ce n’est pas un hasard si dans notre pays « asphyxié par les prélèvements » personne n’a perdu sa maison lors de la crise de 2008, alors que les américains ont été massivement chassés de leurs logements.
[La fonction publique se crée du travail artificiellement, pour maintenir son pouvoir. Par exemple avec la mise en place du système d’aide aux entreprises. Dans ma ville, 70 aides. Dans la pratique, c’est une usine à gaz pour avoir le droit à pas grand-chose.]
Mais quel « pouvoir » retire cette méchante fonction publique de ces 70 aides qui finalement ne sont pas « grand-chose » ? Je crois que vous avez une vision fantasmatique du fonctionnement de la fonction publique. Dans l’état où elle est, les services de l’Etat arrivent péniblement à faire une partie de ce que le politique leur demande de faire. Croyez-vous vraiment qu’ils iront se « créer du travail artificiellement » pour jouir du « pouvoir » d’accorder une aide négligeable ?
Non, ce qui crée « artificiellement » du travail, c’est le besoin compulsif du politique de mettre en scène son action. A chaque déplacement du ministre, on met la pression sur les services pour leur demander ce que le ministre pourrait bien faire comme « annonce » pour montrer qu’il sert à quelque chose. Et comme les moyens sont très limités, on finit par annoncer des « aides » minuscules qui coûtent finalement plus de travail à mettre en œuvre que ce qu’elles rapportent à la collectivité. Mais imaginer que ce sont les méchants fonctionnaires qui « se créent du travail » pour garder on ne sait quel « pouvoir » illusoire… ça n’a ni queue ni tête.
[En conclusion, un dégraissage s’impose.]
Très bien. Quel seraient les services que vous « dégraisseriez » en priorité ? Exemples concrets, s’il vous plait.
[La priorité des priorités est la réindustrialisation du pays. Cela passe par une baisse des coûts de production, une baisse des impositions et la rationalisation des effectifs de la fonction publique. Le chantier est immense.]
J’ai du mal à voir en quoi la baisse des impositions ou la baisse des effectifs de la fonction publique permettrait la « réindustrialisation du pays ». Pourriez-vous être plus explicite ? Les expériences des pays voisins montrent au contraire qu’une baisse massive des impôts et des effectifs de la fonction publique poussent plutôt à une financiarisation de l’économie – le cas de l’Irlande est de ce point de vue assez parlant.
Pour ce qui concerne la « baisse des coûts de production », je suis d’accord avec vous. On pourrait commencer par exemple par réduire la rémunération du capital, qui pèse lourdement sur les coûts de production. Ce n’est pas, malheureusement, la voie qui a été choisie, au contraire : les dividendes payés en 2018 ont explosé. Ça doit être la faute des fonctionnaires…
Je suis pas sur que le privé paie autant que vous le croyez.8500€ net c est deja plus qu un directeur d usine (https://www.glassdoor.fr/Salaires/Salaires-des-entreprises.htm?sc.occupationParam=directeur+d%27usine). Apres ca depend evidement du secteur. La finance ca paie bien plus que l industrie par ex
Pour les dividendes, vous faites un mauvais proces. Des entreprises comme google ou facebook ne paie pas de dividendes car tout est reinvesti (ou ils procedent a des rachat d actions). Le probleme c est qu en France on a peu d entreprises innovantes et que la bourse de paris cote surtout des entreprises traditionnelles qui investissent moins (pas forcement une bonne idee quand on voit comment carrefour va se faire manger par amazon mais a moins d avoir des dirigeants visionnaires, un epicier n allait pas investir dans des rack de serveurs …).
Sinon n oubliez pas que les dividendes varient beaucoup: crise -> dividende =0. bonne annee ->dividende =10.
idee de degraissage :
– la culture. Agnes Saal ira se promener en taxi a ses frais. Le gros des subvention ne va pas sur le patrimoine mais pour subventionner des “artistes” bien en court
– France TV: dans le journal le monde, ils expliquaient que l immense majorite des employes ont plus de 50 ans. Pas etonnant qu on ait encore Drucker et une offre sur internet indigente
– hadopi : c est pas a l etat de sauver le business model (de toute facon perime) des majors.
– les differents budget de communication : votre boite au lettre recoit regulierement un pseudo journal a la gloire du maire ou de je ne sais quel organisme (region ? departement ?)
– supprimer les plantons devant les batiments officiels ou le smilitaires en patrouille anti terroriste (ca ne sert de toute facon a rien a part a fournir aux terroristes une cible)
– supprimer les ministres gadgets (schiappa = 500 millions de budget quand meme. De Rugy dispose de combien pour exister mediatiquement)
A mon avis la principale source d economie est de toute facon ailleurs. ce qui pese lourdement sur le travail c est les cotisations sociales (du coup on arrive a des bricolages comme les heures sup non taxées histoire de donner une somme significatives aux gens)
Si on veut reduire les cotisations sociales, il faut etre clair, ca va faire un gros paquet de mecontents car ca veut dire :
– reduire les pensions de retraites (contrairement aux discours misérabilistes, les retraités francais sont bien mieux lotis que les autres (que ca soit les autres retraites de l UE ou les autres francais (ils ont un niveau de vie superieur a ceux qui les paient)
– reduire les soins medicaux remboursés (par ex une franchise ou ne plus rembourser les cures). La encore ca va faire hurler les retraites (gros consommateurs de soins) et les professions de sante
@ cdg
[Je ne suis pas sûr que le privé paie autant que vous le croyez. 8500€ net c’est déjà plus qu’un directeur d’usine.]
Je ne vous parle pas d’un « directeur d’usine ». Un directeur d’administration centrale est juste en dessous du ministre. L’équivalent est un directeur placé sous les ordres directes du PDG (directeur financier, directeur des ressources humaines, directeur du marketing, directeur industriel…). A ce niveau, les salaires sont à cinq chiffres…
[crise -> dividende =0. bonne annee ->dividende =10.]
Pouvez-vous m’indiquer quelle est la dernière fois ou les entreprises du CAC40 ont payé un dividende nul ? J’ai l’impression que les crises n’arrivent pas très souvent… par ailleurs, le coût du capital n’est pas seulement lié aux dividendes, il a aussi les intérêts sur les emprunts…
[idee de degraissage :– la culture. Agnes Saal ira se promener en taxi a ses frais.]
C’est déjà fait : elle a dû rembourser la facture. Vous venez d’économiser 50 k€. Comme dégraissage…
[Le gros des subvention ne va pas sur le patrimoine mais pour subventionner des “artistes” bien en court]
Je ne comprends pas très bien ce que vous proposez comme « dégraissage ». Que vous subventionnez les « artistes bien en cour » ou le patrimoine, le nombre de fonctionnaires et la dépense reste la même.
[– France TV: dans le journal le monde, ils expliquaient que l immense majorite des employes ont plus de 50 ans. Pas etonnant qu on ait encore Drucker et une offre sur internet indigente]
Les employés de France TV, vous l’aurez remarqué, ne sont pas des fonctionnaires. De quoi on parle ?
[– hadopi : c est pas a l etat de sauver le business model (de toute facon perime) des majors.]
N’est-ce pas à l’Etat de faire appliquer la loi ? Mais là encore, supposons qu’on supprime l’Hadopi. Combien de M€ pensez-vous avoir économisé ?
[– les differents budget de communication : votre boite au lettre recoit regulierement un pseudo journal a la gloire du maire ou de je ne sais quel organisme (region ? departement ?)]
Sur ce point, je suis d’accord. Les services de communication de l’ensemble des ministères, des administrations, des collectivités locales sont les seuls services qui ont gonflé au délà de toute proportion et sans qu’on voit très bien en quoi le service rendu au citoyen soit meilleur.
[– supprimer les plantons devant les bâtiments officiels ou les militaires en patrouille anti terroriste (ca ne sert de toute facon a rien a part a fournir aux terroristes une cible)]
Les événements de Strasbourg vous donnent tort. Par ailleurs, il n’y a pas que des terroristes qui représentent une menace…
[– supprimer les ministres gadgets (schiappa = 500 millions de budget quand meme. De Rugy dispose de combien pour exister mediatiquement)]
Un deuxième point d’accord entre nous…
[A mon avis la principale source d’économie est de toute façon ailleurs. ce qui pèse lourdement sur le travail c’est les cotisations sociales (du coup on arrive a des bricolages comme les heures sup non taxées histoire de donner une somme significatives aux gens)
Si on veut réduire les cotisations sociales, il faut être clair, ça va faire un gros paquet de mécontents car ça veut dire : (diverses mesures de réduction de prestations)]
Je vois que vous suivez la recommandation d’Alphonse Allais : « il faut prendre l’argent où il est : chez les pauvres ». Moi je vous propose quelques mesures un peu différentes qui aboutissent au même résultat :
1) Un retour au plein emploi par des mesures protectionnistes ciblées et une politique industrielle volontariste, ce qui réduira massivement les cotisations chômage tout en augmentant le nombre de cotisants.
2) Un transfert du financement de la protection sociale sur la TVA (ce qui aurait l’avantage de frapper les produits importés au même titre que le made in France) mais aussi sur un impôt sur le revenu nettement plus progressif et sur un impôt sur les revenus du capital.
3) Une rationalisation du système de santé qui élimine les gaspillages (nomadisme médical, consommation excessive de médicaments) au bénéfice des professions médicales…
@descartes
Les entreprises c est pas uniquement le CAC40, qui comme son nom l indique represente les 40 plus grosses entreprises cotée francaises. Et meme sur le CAC vous en avez qui ont a une certaine periode quasiment supprime le dividende (ex Societe generale en 2009 (0.25 € contre 2.25 cette annee (soit 10 fois plus) ou Airbus en 2006-2007 : 2 ans ou il a ete divise par 10)
Et comme je l ai dit, le dividende en soit en veut rien dire. Une societe peut tres bien verser aucun dividende et racheter & annuler ses actions (ce qui fait mecaniquement monter la valeurs de celles qui restent). Pas de dividende qui est critique et pourtant autant d argent versé aux actionnaires …
Sur agnes Saal, vous m avez mal compris. Qu elle ait remboursée (juste une partie des frais de taxis d ailleurs) est le minimum. Ce que je suggerait c est que ce type poste soit supprimé. Donc plus d Agnes Saal et consort qui se promene en taxi : double economie : le salaire de la dame, le salaire du chauffeur et les notes de taxis
Pour France TV, je connais pas leur statut. Ils sont peut etre pas fonctionnaire mais emargent quand meme sur le budget de l etat.
Hadopi c est 9 millions de budget de fonctionnement (les bureaux, les prestataires …) + le salaire des divers fonctionnaires qui y sont affecté. C est sur que c est pas enorme par rapport au budget de l etat mais comme on dit c est les petits ruisseaux qui font les grandes rivieres 😉
Donc supprimer un truc qui coute une bonne dizaine de millions pour rien est une bonne chose.
Vous m objecterez que ce n est pas “rien” mais faire respecter une loi. Mais est ce a l etat de faire des lois pour sauver le business model chancelant d industries privees ? internet a tué la vente de CD tout comme l automobile a tué le business model des marchaux ferrants. Et pourtant on a pas interdit l automobile !!!
Sur vos solutions
1) je me demande comment vous allez arriver au plein emploi meme avec une politique protectionniste (en admettant que les autres pays ne repliquent pas a nos mesures). La france ne fabrique plus grand chose, le savoir faire est perdu ou n a jamais existé (par ex personne en sait faire un smartphone en france). Un autre probleme c est qu une grande partie des jeunes generations vont carrement refuser d aller dans une usine car ils ont fait des etudes et esperent finir dans un bureau (ce qu on leur a fait miroiter soyons honnete)
Question subsidiaire : comment allez vous decider des secteurs a aider par votre politique volontariste ?
Vous pouvez etre sur que tout ce qui compte de lobby va intriguer pour en profiter. Vous avez de forte chance de finir comme le plan calcul, le cloud souverain (ou l etat a subventionne des entreprises bien en court mais pas competantes, contrairement a OVH par ex. Mais OVH n a jamais embauché d ex ministres contrairement a Orange) voire subventionner un secteur aussi porteur d avenir (sic) que l immobilier (les rois de la subvention et secteur devenu completement accro grace aux Pinel et PTZ)
2) je suppose que vous savez qu on a deja un des taux les plus eleve de TVA en europe ?
On peut evidement augmenter les impots mais c est pas sur que ca rapporte tant que vous le pensez (et vous risquez meme d avoir un gilet jaune bis). Par exemple la dernier augmentation de TVA de Juppe (+2 %) avait rapporte moins que celui ci le pensait.
Ne pensez vous pas qu augmenter les taxes sur le capital va a l encontre de votre souhait 1 ? comment voulez vous inciter les gens a investir en france ou a s y installer en leur expliquant qu ils vont devoir payer plus ? Surtout dans le cas ou les personnes en questions ne sont meme pas francaise (par ex mon frere travaille dans une grosse mutinationale. L annonce de la taxe a 75 % sur les salaires de Hollande a decide le numero 2 de la societe a s installer a l etranger (sous pretexte de l integration d une societe rachetee). La taxe n ayant jamais vu le jour mais les degats eux ont ete reels, surtout que la personne n est pas partie seule, tout son staff a suivi)
3) la rationalisation est le saint graal de la securite sociale depuis au moins 20 ans. Curieusement ils n y sont jamais arrivé. Et d ailleurs je crois qu aucun pays y arrive (bon je suis pas un expert du domaine). On peut evidement faire des progres en supprimant le paiement a l acte (enorme pousse au crime) mais comment faire face a un patient qui vous reclame une belle ordonnance alors que vous lui dites : “restez couché, buvez chaud et si ca va pas mieux dans 3 jours revenez (j ai eut un docteur qui m a dit ca une fois, mais pas en france 😉 En tout cas, j ai etet tres surpris et je m en rappelle encore 15 ans apres )
Et comment vous allez gerer le cas (qui arrivera certainement) ou on a pas fait la radio, l IRM … qui aurait pu detecter le probleme car on a juge que c etait un exament inutile. Et pas de bol, vous allez avoir a la TV la famille en pleurs qui va vous accuser d etre un monstre
@ cdg
[Les entreprises c est pas uniquement le CAC40, qui comme son nom l’indique représente les 40 plus grosses entreprises cotée françaises. Et meme sur le CAC vous en avez qui ont a une certaine période quasiment supprime le dividende (ex Societe generale en 2009 (0.25 € contre 2.25 cette année (soit 10 fois plus) ou Airbus en 2006-2007 : 2 ans ou il a ete divise par 10)]
Je vous rappelle votre affirmation : « crise -> dividende =0. bonne annee ->dividende =10 ». Je corrige donc suivant votre dernier commentaire : « crise->dividende=1, bonne année->dividende=10 ». J’ajoute que pour les entreprises que vous citez, les « crises » sont très courtes, alors que les « bonnes années » sont très nombreuses. Ainsi, si l’on prend la Société Genérale, sur les quize dernières années, le dividende n’a été au dessus de 1 € qu’en trois occasions (2007, 2009 et 2012) et qu’il a été supérieur à 2€ en huit occasions…
[Et comme je l ai dit, le dividende en soit en veut rien dire. Une societe peut tres bien verser aucun dividende et racheter & annuler ses actions (ce qui fait mecaniquement monter la valeurs de celles qui restent). Pas de dividende qui est critique et pourtant autant d argent versé aux actionnaires…]
Tout à fait. La question des dividendes n’était qu’un exemple. Les entreprises rémunèrent les capitalistes sous des formes très diverses qui vont bien au-delà du simple dividende. Mais rien que regarder le dividende, c’est assez révélateur…
[Sur agnes Saal, vous m avez mal compris. Qu elle ait remboursée (juste une partie des frais de taxis d ailleurs) est le minimum. Ce que je suggerait c est que ce type poste soit supprimé.]
Quel « poste » ? Agnès Saal s’est rendue coupable de détournement de fonds lorsqu’elle était directrice générale de l’INA. Si vous supprimez le poste de directeur général de l’INA, qui va diriger l’organisme ?
[Pour France TV, je ne connais pas leur statut. Ils sont peut etre pas fonctionnaire mais émargent quand même sur le budget de l’état.]
Non. France TV est une entreprise publique, dont le budget est alimenté par la redevance et par la publicité. Son personnel est de droit privé et n’émarge pas au budget de l’Etat.
[Hadopi c est 9 millions de budget de fonctionnement (les bureaux, les prestataires …) + le salaire des divers fonctionnaires qui y sont affecté. C est sur que c est pas enorme par rapport au budget de l etat mais comme on dit c est les petits ruisseaux qui font les grandes rivieres]
Peut-être, mais il faut beaucoup de « petits ruisseaux », et je n’en vois pas beaucoup pour le moment… par ailleurs, supprimer Hadopi ne vous fait pas économiser l’intégralité de la somme : il faudra bien créer un service chargé de protéger les droits d’auteur. A moins que vous proposiez d’abolir les droit sur la production audiovisuelle ?
[Vous m objecterez que ce n est pas “rien” mais faire respecter une loi. Mais est ce a l etat de faire des lois pour sauver le business model chancelant d industries privees ? internet a tué la vente de CD tout comme l automobile a tué le business model des marchaux ferrants. Et pourtant on a pas interdit l automobile !!!]
N’ayant pas travaillé le sujet, je n’ai pas de véritable avis sur la question. Sur le principe, il ne semble pas absurde de penser qu’une personne qui réalise une œuvre audiovisuelle doit avoir le droit d’être rémunéré par ceux qui en bénéficient, suivant le principe « tout travail mérite salaire ».
[1) je me demande comment vous allez arriver au plein emploi meme avec une politique protectionniste (en admettant que les autres pays ne repliquent pas a nos mesures).]
Mais je compte bien que les autres « répliquent à nos mesures ». J’avais publié ici un papier sur le « protectionnisme intelligent » (http://descartes-blog.fr/2011/12/28/pour-un-protectionnisme-intelligent/) ou je détaillais ma proposition – qui au fond est largement inspirée par la Charte de La Havane et par les travaux de Keynes. Le raisonnement est le suivant : comme l’économie mondiale est un système fermé, l’excédent des uns doit nécessairement se traduire par un déficit chez les autres. La stabilité de l’économie mondiale implique donc la recherche par chaque pays non pas de l’excédent, mais de l’équilibre. Une politique de protectionnisme intelligent n’est donc pas une logique de fermeture de frontières, mais une logique de recherche de cet équilibre. Et le but est précisément que les autres pays fassent de même !
[La france ne fabrique plus grand chose, le savoir faire est perdu ou n a jamais existé (par ex personne en sait faire un smartphone en France).]
Ce n’est pas parce qu’on ne fabrique « plus » grande chose en France que cette situation est irréversible. Et personne ne savait faire un smartphone en Chine il y a vingt ans. Nous avons une population éduquée, nous avons un système d’enseignement de qualité – même s’il peut encore être amélioré. Nous avons des infrastructures techniques et scientifiques. Cela prendra certainement du temps et des efforts, mais ce n’est nullement infaisable.
[Un autre problème c’est qu’une grande partie des jeunes générations vont carrément refuser d’aller dans une usine car ils ont fait des études et espèrent finir dans un bureau (ce qu’on leur a fait miroiter soyons honnête)]
Je suis moins pessimiste que vous sur ce point. J’ai eu l’opportunité de faire découvrir l’industrie à des jeunes qui se voyaient plutôt dans un bureau, et je peux vous assurer qu’une fois qu’ils ont vu ce que c’est, beaucoup sont conquis. Une usine aujourd’hui, ce n’est pas la mine de Germinal…
[Question subsidiaire : comment allez vous decider des secteurs a aider par votre politique volontariste ?]
En fonction d’un certain nombre de critères : caractère stratégique, effet d’entraînement, distribution des besoins de main d’œuvre… en tout cas, des caractères objectifs liés à l’intérêt général.
[Vous pouvez etre sur que tout ce qui compte de lobby va intriguer pour en profiter.]
C’est sûr. Dire « non » aux lobbies, c’est aussi le boulot de l’Etat.
[Vous avez de forte chance de finir comme le plan calcul, le cloud souverain (ou l’Etat a subventionne des entreprises bien en cour mais pas compétentes, contrairement a OVH par ex. Mais OVH n a jamais embauché d ex ministres contrairement a Orange) voire subventionner un secteur aussi porteur d’avenir (sic) que l’immobilier (les rois de la subvention et secteur devenu complètement accro grâce aux Pinel et PTZ)]
Ne rien faire de peur de faire une erreur ne me paraît pas une bonne attitude. Pour reprendre vos exemples, je ne serais pas si sévère que vous par rapport au « plan calcul ». Comme Concorde, c’est un programme qui n’a pas été rentable du point de vue de l’Etat, mais qui a posé les bases pour un développement industriel dont les retombées furent très importantes. Il ne faut pas non plus oublier que le « plan calcul » est intimement lié au développement de la force de dissuasion stratégique au nez des américains… Pour ce qui concerne le « cloud souverain », c’est l’exemple type des programmes impulsés par un ministre qui veut pouvoir couper le ruban pendant son mandat. Ce n’est pas comme ça qu’on conduit un tel projet. Quant à l’immobilier, difficile de parler d’en faire un secteur industriel…
[2) je suppose que vous savez qu’on a déjà un des taux les plus élevé de TVA en Europe ?
On peut évidement augmenter les impôts mais c est pas sur que ca rapporte tant que vous le pensez (et vous risquez même d avoir un gilet jaune bis).]
Ah… mais je n’augmente pas les prélèvements : si je transfère les cotisations sociales sur la TVA, l’opération est parfaitement neutre pour ceux qui vivent du revenu du travail… il n’y a que les autres qui verront leurs charges augmenter. Dans ces conditions, je risque peut-être une manifestation des manteaux de vison et des costumes Yves Saint-Laurent, mais pas vraiment des gilets jaunes.
[Ne pensez vous pas qu augmenter les taxes sur le capital va a l encontre de votre souhait 1 ? comment voulez vous inciter les gens a investir en France ou a s y installer en leur expliquant qu’ils vont devoir payer plus ?]
D’abord, parce que dans une logique protectionniste l’accès au marché français nécessite qu’on investisse en France. Mais surtout, je ne suis pas obligé de taxer le capital de façon indifférenciée. Par exemple, je peux taxer différemment le capital spéculatif et le capital investi à long terme, je peux taxer différemment les investissements dans la pierre et ceux dans l’industrie, je peux faire des taux différents pour le capital investi dans les industries stratégiques – celles que l’Etat a décidé de stimuler. Franchement, si les taxes font fuir les investisseurs étrangers qui achètent de l’immobilier, c’est tout benef : ca veut dire que les prix des logements baisseront.
[3) la rationalisation est le saint graal de la sécurité sociale depuis au moins 20 ans. Curieusement ils n y sont jamais arrivé. Et d ailleurs je crois qu’aucun pays y arrive (bon je suis pas un expert du domaine). On peut évidement faire des progrès en supprimant le paiement a l’acte (énorme pousse au crime) mais comment faire face a un patient qui vous réclame une belle ordonnance alors que vous lui dites : “restez couché, buvez chaud et si ca va pas mieux dans 3 jours revenez (j ai eut un docteur qui m a dit ca une fois, mais pas en France]
Une bonne méthode est de protéger le médecin de la pression de son patient en interdisant au patient de changer de médecin plus d’une fois par an, par exemple. C’est ce qu’on fait les anglais en 1945, et cela a été très efficace. Il est clair qu’on ne peut répondre à votre question si l’on veut préserver intégralement le libre choix du médecin et la liberté de prescription.
[Et comment vous allez gérer le cas (qui arrivera certainement) ou on a pas fait la radio, l’IRM … qui aurait pu détecter le problème car on a juge que c’était un examen inutile. Et pas de bol, vous allez avoir a la TV la famille en pleurs qui va vous accuser d’être un monstre.]
C’est ça, le tragique en politique. Si on veut faire plaisir à tout le monde et ne prendre le moindre risque, il faut des moyens infinis ou presque.
Je partage votre article sur mon profil FB. 😉
Évidemment, en complément de mon commentaire plus haut, l’autre chantier pour remettre le pays sur les rails est la remise à plat du système social.
@ Mérand Nicolas
[Évidemment, en complément de mon commentaire plus haut, l’autre chantier pour remettre le pays sur les rails est la remise à plat du système social.]
Otez-moi un doute: vous ne proposez tout de même pas de rétablir l’esclavage ? Pourtant, cela réduirait assez fortement les coûts de production…
Merci beaucoup pour cet article ; même si j’avais été informé, bribes par bribes, de toutes les informations contenues dans ce texte, cette présentation synthétique et structurée permet d’en avoir une bien meilleure compréhension d’ensemble .
A la lecture de ce texte, ma manie de chercher les contre-exemples n’a pas failli. Et je me suis rappelé des problèmes dont j’ai eu des échos récurrents de ministres, qui voulaient donner des directives simples, claires, et cohérentes, et qui n’étaient pas suivis. Et il y en a, beaucoup. Et tous les exemples que j’ai trouvés sont dans le Ministère de l’Education Nationale.
Et en y repensant, ce n’est peut être pas un hasard si l’Education Nationale a une structure hiérarchique extrêmement différente des autres Ministères (si je ne me trompe pas, les exceptions à ce que vous expliquiez, en termes de structure, sont les Armées -où les ministres réussissent à se faire obéir-, la Justice -où il y a une problématique d’indépendance que chacun connait, et la fonction publique hospitalière).
Si on exclut le cas de l’armée et de la Justice, il est assez amusant de constater que l’Education Nationale est le Ministère qui fonctionne en pilote automatique, et où le Ministre (jusqu’à Blanquer) ne pouvait pas changer la direction des roues en tournant le volant.
Et la fonction publique hospitalière (les soignants) et l’EN (les profs) sont les deux champions des cas de harcèlement et autres problèmes psychosociaux au travail… Ce n’est peut être pas un hasard !
Dans l’EN, de ce que j’en comprends, un prof a une double hiérarchie : une hiérarchie formelle : le proviseur, mais qui n’a aucun autre pouvoir sur les profs que :
– de leur donner un emploi du temps satisfaisant plus ou moins les désidératas (un prof mal vu aura plus de trous dans son emploi du temps qu’un prof bien vu),
– de mettre plus ou moins d’élèves “difficiles” dans leur classe.
Et une autre hiérarchie, qui attribue les notes (et donc rend les avancements plus ou mois rapide), qui est l’inspection. Là où, dans les autres ministères, l’inspection est un corps totalement indépendant de la chaine hiérarchique. Le problème est que l’inspection est totalement déconnectée de la réalité des établissements. Et du coup, les profs se retrouvent de fait comme des travailleurs isolés, ne pouvant compter au mieux que sur le soutien de leurs collègues.
Peut être que cela améliorerait les choses de faire en sorte que l’inspection ne cumule plus les casquettes de référent technique des profs (pour les former ou les aider en cas de problème), d’évaluateur des profs, et d’inspection du ministère…
Blanquer est le seul ministre qui réussit à faire changer les choses, en comprenant que les profs sont largement autonomes, et que les rouages intermédiaires sont grippés, il a l’astuce de s’adresser directement au profs par voie de médias et de courriers, pour faire passer le message à la base, en court-circuitant la hiérarchie, puisqu’il sait qu’à tous les niveaux, les instructions du niveau n+1 sont interprétées assez librement au niveau inférieur…
Et effectivement, pour faire référence à un autre commentaire, moi aussi, en lisant ce texte, j’ai pensé à Blanquer, et aussi à Buzyn, les deux meilleurs ministres du gouvernement (selon moi), même si on n’approuve pas forcément leurs politiques dans tous les domaines.
Les deux ont fait toute leur carrière dans le ministère qu’ils dirigent. Coïncidence ou pas, ces deux ministères sont, avec la Justice, les 3 que j’ai pointés comme fonctionnant différemment des autres ?
Une explication, peut être ? Les hôpitaux comme les écoles ne sont pas à proprement parler de l’administration, mais plutôt des missions de service public, soumises à concurrence du privé, et que beaucoup de libéraux aimeraient voir entièrement privatisés ?
@ Vincent
[A la lecture de ce texte, ma manie de chercher les contre-exemples n’a pas failli.]
Je compte sur vous ! C’est en analysant les contre-exemples à mes théories que je peux les améliorer… alors surtout ne vous censurez pas !
[Et je me suis rappelé des problèmes dont j’ai eu des échos récurrents de ministres, qui voulaient donner des directives simples, claires, et cohérentes, et qui n’étaient pas suivis.]
J’attends toujours un exemple de directive simple, claire, cohérente ET SURTOUT APPLICABLE qui n’ait pas été suivie. Si je demande à mon directeur de se transformer en oiseau marin, pour prendre l’exemple de Saint-Exupéry, je lui donne là une directive « simple, claire et cohérente ». Est-ce sa faute s’il ne l’exécute pas ?
[Et il y en a, beaucoup. Et tous les exemples que j’ai trouvés sont dans le Ministère de l’Education Nationale.]
J’attends un exemple. Il faut noter que le Ministère de l’Education Nationale abrite une catégorie de fonctionnaires, les enseignants, pour lesquels il existe une exception à l’obéissance hiérarchique : ce qu’on appelle la « liberté de chaire ». En d’autres termes, si la hiérarchie peut imposer des horaires ou un programme, elle ne peut imposer les choix méthodologiques que dans certaines limites. Mais vous avez en partie raison : il y a certaines catégories particulières de fonctionnaires dont on tolère traditionnellement qu’ils prennent des libertés avec le principe de subordination hiérarchique… cependant le principe existe tout comme les sanctions pour le faire appliquer. Lorsque certains enseignants ont annoncé qu’ils n’appliqueraient pas les évaluations demandées par le ministre, ils ont été sanctionnés.
[Et en y repensant, ce n’est peut-être pas un hasard si l’Education Nationale a une structure hiérarchique extrêmement différente des autres Ministères (si je ne me trompe pas, les exceptions à ce que vous expliquiez, en termes de structure, sont les Armées -où les ministres réussissent à se faire obéir-, la Justice -où il y a une problématique d’indépendance que chacun connait, et la fonction publique hospitalière).]
Je ne suis pas entré dans le détail, mais bien entendu il y a des exceptions plus ou moins importantes au principe de subordination. Ainsi, outre la « liberté de chaire » reconnue aux enseignants, il y a les restrictions destinées à garantir l’indépendance des magistrats du siège, celles qui protègent l’éthique médicale dans le cas des praticiens hospitaliers, etc. Mais en écrivant mon article, je pensais surtout aux fonctionnaires qui participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques dans les administrations centrales et déconcentrées, et qui sont dans leur immense majorité soumis aux règles de subordination hiérarchique.
[Si on exclut le cas de l’armée et de la Justice, il est assez amusant de constater que l’Education Nationale est le Ministère qui fonctionne en pilote automatique, et où le Ministre (jusqu’à Blanquer) ne pouvait pas changer la direction des roues en tournant le volant.]
Mais pourquoi Blanquer y arrive là où les autres n’y arrivaient pas ? Parce qu’il connaît la maison, il sait ce qui est possible et ce qui est impossible, et donne donc des ordres qui sont exécutables là où ses prédécesseurs demandaient à leurs directeurs de se transformer en oiseau marin. La particularité du ministère de l’éducation nationale est sa taille, qui fait que son inertie est énorme. Changer quelque chose dans le système éducatif c’est tout de suite des centaines de milliers de fonctionnaires et des millions d’élèves qui doivent changer leur manière de travailler sur l’ensemble du territoire, avec la contrainte de garder la cohérence sur un parcours scolaire qui dure une dizaine d’années.
Vous me donnez ici une opportunité d’aborder un point que je n’ai pas mis dans mon article mais qui aurait mérité un développement, c’est celui de l’échelle du temps. Dans un état moderne, la plupart des projets prennent des années de mise en œuvre. Or, le ministre moyen ne dure que deux ans, ceux qui ont de la chance font un quinquennat complet. Or, il y va des ministres comme des lions : lorsqu’un jeune chalenger supplante un vieux lion à la tête du harem, il tue les lionceaux issus de son prédécesseur pour s’assurer que seuls ses gènes seront transmis. Le ministre qui arrive a tendance à se désintéresser sinon à tuer les projets qui portent la marque de son prédécesseur. L’administration, qui est là pour toujours, hésite donc à s’engager dans des projets dont elle sait qu’ils n’ont que peu de chance d’être soutenus jusqu’au bout.
[Et la fonction publique hospitalière (les soignants) et l’EN (les profs) sont les deux champions des cas de harcèlement et autres problèmes psychosociaux au travail… Ce n’est peut-être pas un hasard !]
Ce n’est sûrement pas un hasard : le principe de subordination hiérarchique a une contrepartie : le fonctionnaire qui obéit est protégé psychologiquement par l’institution puisque c’est elle qui prend la responsabilité des politiques conduites. Les enseignants n’ont toujours pas compris qu’en se mettant en marge d’une logique institutionnelle, ils renoncent à cette protection.
Dans l’EN, de ce que j’en comprends, un prof a une double hiérarchie : une hiérarchie formelle : le proviseur, mais qui n’a aucun autre pouvoir sur les profs que : (…) Et une autre hiérarchie, qui attribue les notes (et donc rend les avancements plus ou mois rapide), qui est l’inspection.]
Il ne faut pas confondre « hiérarchie » et « contrôle ». Le professeur est hiérarchiquement subordonné à son proviseur, qui a le pouvoir d’organisation matérielle de l’enseignement (horaires, distribution des élèves par classe). L’inspection est dans une logique de contrôle : elle est là pour vérifier que l’enseignant se conforme aux obligations réglementaires (programmes…) et qu’il fait son métier dans les règles de l’art. Mais l’inspection ne donne pas d’ordres.
[Là où, dans les autres ministères, l’inspection est un corps totalement indépendant de la chaine hiérarchique. Le problème est que l’inspection est totalement déconnectée de la réalité des établissements. Et du coup, les profs se retrouvent de fait comme des travailleurs isolés, ne pouvant compter au mieux que sur le soutien de leurs collègues.]
Le problème n’est pas l’organisation de l’inspection – qui n’est pas très différente de ce qu’on trouve dans d’autres ministères – et dont la fonction est le contrôle et le soutien technique, mais de savoir ce qu’on veut. Les professeurs veulent à la fois être protégés par l’institution, et libres de lui cracher dessus. Et ces deux choses sont profondément incompatibles. Leurs proviseurs et principaux seraient probablement plus prompts à les « soutenir » si en retour les enseignants étaient disposés à leur reconnaître une plus large autorité sur les enseignements.
Je ne connais pas très bien l’univers de l’EN, mais j’imagine que les inspecteurs soient « déconnectés de la réalité des établissements ». Les inspections sont territorialisées, et j’imagine qu’à force d’inspecter des enseignants en Seine-Saint-Denis un inspecteur normalement constitué se fait une idée assez précise des problématiques des établissements…
[Blanquer est le seul ministre qui réussit à faire changer les choses, en comprenant que les profs sont largement autonomes, et que les rouages intermédiaires sont grippés, il a l’astuce de s’adresser directement au profs par voie de médias et de courriers, pour faire passer le message à la base, en court-circuitant la hiérarchie, puisqu’il sait qu’à tous les niveaux, les instructions du niveau n+1 sont interprétées assez librement au niveau inférieur…]
Mais qui rédige ces courriers ? Qui prépare ses interventions dans les médias ? Dans tous les ministères, le ministre donne des instructions directement, par divers moyens – lettres, circulaires, discours. Et cela ne « court-circuite » en rien la hiérarchie, parce que c’est cette hiérarchie qui rédige les projets de lettre, de circulaire ou de discours conformément aux instructions reçues du ministre. La méthode Blanquer ne diffère pas formellement de celle de bien de ses prédécesseurs – pensez à la « lettre aux instituteurs » de Jules Ferry. Si Blanquer arrive à se faire obéir, c’est parce qu’il sait formuler des demandes réalisables.
[Une explication, peut être ? Les hôpitaux comme les écoles ne sont pas à proprement parler de l’administration, mais plutôt des missions de service public, soumises à concurrence du privé, et que beaucoup de libéraux aimeraient voir entièrement privatisés ?]
Cette description s’applique à beaucoup d’autres ministères. Les pompiers, les gendarmes, la sécurité civile sont eux aussi des « missions de service publique », non ?
> Si je demande à mon directeur de se transformer en oiseau marin, pour
> prendre l’exemple de Saint-Exupéry, je lui donne là une directive « simple,
> claire et cohérente ». Est-ce sa faute s’il ne l’exécute pas ?
Les directives qui étaient données et auxquelles je pensais rentraient, d’une manière ou d’une autre, dans le champ des consignes pédagogiques… Cf. votre réponse plus bas…
[Et il y en a, beaucoup. Et tous les exemples que j’ai trouvés sont dans le Ministère de l’Education Nationale.]
> si la hiérarchie peut imposer des horaires ou un programme, elle ne peut
> imposer les choix méthodologiques que dans certaines limites.
Ce n’est pas bien clair pour moi. Je crois que vous avez bien formulé les choses, mais je ne comprends pas bien moi même quelles sont ces limites, et dans quelle mesure les enseignants n’en abusent pas.
Cette question de la liberté pédagogique m’interpelle un peu. Dans des pays, comme l’Allemagne, où les parents choisissent librement l’école, on peut avoir des écoles avec une pédagogie Montessori, une pédagogie n’importe quoi, et c’est aux parents de choisir. Cela ne pose pas de problème.
En France, il n’y a pas de liberté de choix des établissements, donc il ne devrait pas y avoir de différence de pédagogie entre un établissement et l’autre, entre une classe et l’autre. Comment certains profs peuvent ils justifier d’avoir leur pédagogie à eux, différentes des recommandations ministérielles, alors que des parents d’élèves qui voudraient simplement que leur enfant suive les cours recommandés par le Ministère n’ont pas d’autre choix que de subir le choix discrétionnaire de l’enseignant ?
> Le ministre qui arrive a tendance à se désintéresser sinon à tuer les projets
> qui portent la marque de son prédécesseur. L’administration, qui est là pour
> toujours, hésite donc à s’engager dans des projets dont elle sait qu’ils n’ont que
> peu de chance d’être soutenus jusqu’au bout.
Si je lis bien entre les lignes, vous justifiez et expliquez pourquoi l’administration met régulièrement de l’inertie aux projets des ministres… Ce faisant, vous expliquez exactement l’antithèse de ce que vous écrivez dans votre article, à savoir que : oui, parfois, l’administration peut être un frein à la décision des ministres.
>> Et la fonction publique hospitalière (les soignants) et l’EN (les profs) sont
>> les deux champions des cas de harcèlement et autres problèmes psychosociaux
>> au travail… Ce n’est peut-être pas un hasard !]
> Ce n’est sûrement pas un hasard : le principe de subordination hiérarchique a
> une contrepartie : le fonctionnaire qui obéit est protégé psychologiquement
> par l’institution puisque c’est elle qui prend la responsabilité des politiques
> conduites.
Tout à fait. C’est le sens de ce que je voulais dire, mais mieux formulé. Ceci dit, il y a des causes spécifiques et distinctes dans le cas de la fonction publique hospitalière (notamment un fonctionnement, où ceux qui prennent les décisions n’ont pas à en assumer les conséquences, et d’autres doivent porter la responsabilité des conséquences de choix qu’ils déplorent, au prix de leur stress et de leur charge de travail), et dans le cas de l’enseignement, où la difficulté tient plus au problèmes de discipline vis à vis d’enfants, contre lesquels il n’y a pas de sanction réellement dissuasive.
> Le professeur est hiérarchiquement subordonné à son proviseur, qui a le pouvoir
> d’organisation matérielle de l’enseignement (horaires, distribution des élèves par
> classe). L’inspection est dans une logique de contrôle : elle est là pour vérifier que
> l’enseignant se conforme aux obligations réglementaires (programmes…) et qu’il
> fait son métier dans les règles de l’art. Mais l’inspection ne donne pas d’ordres.
Vous oubliez un volet important, l’évaluation. Habituellement, la hiérarchie évalue les subordonnés. Dans l’EN, c’est l’inspection qui fait les évaluations et donne les notes. Certes, les inspecteurs sont là pour donner des conseils, et pas des ordres. Mais un conseil donné par celui qui est chargé de vous évaluer a une valeur psychologique différente qu’un conseil donné par un collègue ayant plus d’ancienneté.
> Les professeurs veulent à la fois être protégés par l’institution, et libres de lui
> cracher dessus. Et ces deux choses sont profondément incompatibles.
Là dessus, je suis totalement d’accord avec vous.
> Je ne connais pas très bien l’univers de l’EN, mais j’imagine que les inspecteurs
> soient « déconnectés de la réalité des établissements ». Les inspections sont
> territorialisées, et j’imagine qu’à force d’inspecter des enseignants en Seine-Saint-
> Denis un inspecteur normalement constitué se fait une idée assez précise des
> problématiques des établissements…
Cela devrait être le cas. Mais lors des inspections, tout est organisé pour faire en sorte de montrer la classe idéale, afin justement de faire en sorte d’avoir la meilleure note possible. Au point que des profs négocient à l’avance des avantages à leurs élèves en échange de la promesse qu’ils se tiendront bien pendant l’inspection… Si on ajoute à cela qu’il y a chez beaucoup d’inspecteurs une imprégnation idéologique très forte, qui a tendance à faire en sorte, chez beaucoup, de ne pas voir ce qu’ils voient…
En caricaturant, pour beaucoup, on fait en sorte de ne pas leur montrer la réalité, qu’ils s’évertueraient à ne pas voir si jamais on la leur montrait…
> Mais qui rédige ces courriers ? Qui prépare ses interventions dans les médias ?
> Dans tous les ministères, le ministre donne des instructions directement, par
> divers moyens – lettres, circulaires, discours. Et cela ne « court-circuite » en rien la
> hiérarchie, parce que c’est cette hiérarchie qui rédige les projets de lettre, de
> circulaire ou de discours conformément aux instructions reçues du ministre.
En l’occurrence, non. Il a nommé de manière discrétionnaire un comité scientifique, de gens extérieurs à la haute direction de l’EN, sur qui il s’appuie exclusivement pour tout cela, à l’exclusion de toute la haute direction de l’EN, qui se retrouve à travailler dans le vide.
>> Les hôpitaux comme les écoles ne sont pas à proprement parler de
>> l’administration, mais plutôt des missions de service public, soumises à
>> concurrence du privé, et que beaucoup de libéraux aimeraient voir
>> entièrement privatisés ?]
> Cette description s’applique à beaucoup d’autres ministères. Les pompiers,
> les gendarmes, la sécurité civile sont eux aussi des « missions de service
> publique », non ?
Ces dernières missions sont à la limite du régalien, et personne ne parle sérieusement de les privatiser.
Et surtout, elles n’ont pas à faire face à une concurrence du privé…
@ Vincent
[« si la hiérarchie peut imposer des horaires ou un programme, elle ne peut imposer les choix méthodologiques que dans certaines limites. » Ce n’est pas bien clair pour moi. Je crois que vous avez bien formulé les choses, mais je ne comprends pas bien moi même quelles sont ces limites, et dans quelle mesure les enseignants n’en abusent pas.]
La problématique est un peu similaire à celle du médecin. L’ordre des médecins ou le ministère de la santé peuvent donner des directives et édicter des protocoles, mais le médecin reste un professionnel, qui a une latitude importante dans le choix de la thérapie qu’il propose à un malade.
[Cette question de la liberté pédagogique m’interpelle un peu. Dans des pays, comme l’Allemagne, où les parents choisissent librement l’école, on peut avoir des écoles avec une pédagogie Montessori, une pédagogie n’importe quoi, et c’est aux parents de choisir. Cela ne pose pas de problème.]
J’ignorais qu’en Allemagne les parents pouvaient choisir « librement » l’école. Je ne vois d’ailleurs pas comment cela peut fonctionner : si tous les parents choisissent la même école, comment fait-on pour ajuster les capacités d’accueil ?
[En France, il n’y a pas de liberté de choix des établissements, donc il ne devrait pas y avoir de différence de pédagogie entre un établissement et l’autre, entre une classe et l’autre. Comment certains profs peuvent ils justifier d’avoir leur pédagogie à eux, différentes des recommandations ministérielles, alors que des parents d’élèves qui voudraient simplement que leur enfant suive les cours recommandés par le Ministère n’ont pas d’autre choix que de subir le choix discrétionnaire de l’enseignant ?]
C’est la même chose lorsque vous allez aux urgences de l’hôpital : vous n’avez pas le choix du médecin, et le médecin à un « choix discrétionnaire » dans certaines marges quant aux thérapies qu’il applique. C’est la même chose pour l’enseignant : on pourrait difficilement lui imposer un choix pédagogique précis sans vider le métier de son essence. D’un autre côté, les inspections sont là pour vérifier que le choix de l’enseignant est un choix rigoureux et justifié théoriquement.
[Si je lis bien entre les lignes, vous justifiez et expliquez pourquoi l’administration met régulièrement de l’inertie aux projets des ministres… Ce faisant, vous expliquez exactement l’antithèse de ce que vous écrivez dans votre article, à savoir que : oui, parfois, l’administration peut être un frein à la décision des ministres.]
Je n’ai pas parlé « d’inertie ». J’ai parlé d’engagement. Même lorsque les fonctionnaires sont personnellement d’accord avec le projet du ministre, il est difficile d’obtenir d’eux un engagement enthousiaste quand ils savent que le ministre partira sous un an et que son successeur arrêtera tout. Les gens qui ont connu des situations de ce type évitent tout engagement personnel, parce qu’ils n’ont pas envie de souffrir. Je vous parle d’expérience : c’est l’un des problèmes de management caractéristiques de la fonction publique.
[Vous oubliez un volet important, l’évaluation. Habituellement, la hiérarchie évalue les subordonnés. Dans l’EN, c’est l’inspection qui fait les évaluations et donne les notes. Certes, les inspecteurs sont là pour donner des conseils, et pas des ordres. Mais un conseil donné par celui qui est chargé de vous évaluer a une valeur psychologique différente qu’un conseil donné par un collègue ayant plus d’ancienneté.]
C’est exact. Je n’y avais pas réfléchi, mais c’est une particularité des enseignants par rapport aux autres fonctionnaires.
[Cela devrait être le cas. Mais lors des inspections, tout est organisé pour faire en sorte de montrer la classe idéale, afin justement de faire en sorte d’avoir la meilleure note possible. Au point que des profs négocient à l’avance des avantages à leurs élèves en échange de la promesse qu’ils se tiendront bien pendant l’inspection…]
Certes… cela fait partie de la mise en scène. Mais les inspecteurs ne sont en général pas nés de la dernière pluie, ils savent comment ça fonctionne et peuvent lire entre lignes.
[En l’occurrence, non. Il a nommé de manière discrétionnaire un comité scientifique, de gens extérieurs à la haute direction de l’EN, sur qui il s’appuie exclusivement pour tout cela, à l’exclusion de toute la haute direction de l’EN, qui se retrouve à travailler dans le vide.]
Il ne s’appuie pas sur le conseil scientifique pour les questions administratives !
[« Cette description s’applique à beaucoup d’autres ministères. Les pompiers, les gendarmes, la sécurité civile sont eux aussi des « missions de service publique », non ? » Ces dernières missions sont à la limite du régalien, et personne ne parle sérieusement de les privatiser. Et surtout, elles n’ont pas à faire face à une concurrence du privé…]
Bien sûr que si. Pour ne vous donner qu’un exemple, on voit se multiplier les sociétés de sécurité privée qui auxquelles la législation permet de plus en plus d’assurer certaines missions hier dévolues à la police ou la gendarmerie.
> J’ignorais qu’en Allemagne les parents pouvaient choisir «
> librement » l’école. Je ne vois d’ailleurs pas comment cela peut
> fonctionner : si tous les parents choisissent la même école,
> comment fait-on pour ajuster les capacités d’accueil ?
Je ne connais pas (encore) suffisamment le système allemand. Mais ils ont également des écoles privées sous contrat, qui ont une bien plus grande latitude pédagogique que chez nous. Et n’importe qui peut monter une école et la faire conventionner, ce qui fait qu’il n’est pas difficile d’y trouver des places. En gros, quand il y a de la demande pour certains types de pédagogies, l’offre s’adapte.
Je ne sais pas trop comment se fait l’affectation pour le public. Mais il n’y a pas (ou du moins pas de manière aussi exacerbée) la question des bons et mauvais établissements, surtout en raison de l’orientation à la fin d’école primaire entre le Gymnasium (1/3 de bons élèves), la Realschule (1/3 d’élèves moyens), et la Hauptschule (1/3 d’élèves en difficulté). Du coup, il n’y a pas de réelle différence de niveau entre 2 Gymnasium ou 2 Realschule.
> C’est la même chose lorsque vous allez aux urgences de l’hôpital :
> vous n’avez pas le choix du médecin, et le médecin à un « choix
> discrétionnaire » dans certaines marges quant aux thérapies qu’il
> applique.
Il y a en France un principe légal de liberté de choix du médecin. Quand on consulte, c’est évident. Quand on va à l’hôpital, on choisit son hôpital, et on consulte dans le “Service du Pr XXX”, dans lequel on voit successivement des externes, internes, etc. et la décision qui est prise est non pas celle du médecin, mais celle du service, puisque les cas des malades sont présentés en staff dans le service. Du coup (du moins sur le principe), vous choisissez bien votre médecin, sauf qu’il s’agit d’un service et pas d’un individu.
> C’est la même chose pour l’enseignant : on pourrait difficilement lui
> imposer un choix pédagogique précis sans vider le métier de son
> essence.
C’est très discutable. Si on considère que le prof est un fonctionnaire, chargé d’accomplir une mission d’éducation pour le compte de la République, je ne vois pas quelle différence il doit y avoir avec un policier ou un magistrat. Il n’y a pas de raisons que, dans l’école républicaine, il y ait des différences de traitement entre les enfants en raison de choix discrétionnaires de fonctionnaires.
S’agissant de professeurs d’université, la question se pose différemment, c’est certain. Mais en tout cas au niveau de l’école primaire et du collège, il me semble difficile de défendre à la fois le principe de fonctionnaires au sein d’une école répulicaine, et le principe de liberté pédagogique.
> D’un autre côté, les inspections sont là pour vérifier que le choix
> de l’enseignant est un choix rigoureux et justifié théoriquement.
En théorie, oui. Mais avec une inspection très idéologisée, souvent, les inspections sont là pour vérifier que l’enseignant adhère à la bonne doctrine idéologique.
> C’est exact. Je n’y avais pas réfléchi, mais c’est une particularité
> des enseignants par rapport aux autres fonctionnaires.
Et je pense que c’est un énorme problème pour l’EN. Avoir les mêmes personnes chargées à la fois de :
– former / conseiller
– évaluer les individus
– contrôler le fonctionnement de l’ensemble
est assez malsain.
Quand en plus il y a une mainmise idéologique au sein de ce corps qui fait qu’ils refusent le principe d’une évaluation sérieuse des enseignements, on arrive à une catastrophe. Et c’est pour court-circuiter la hiérarchie de l’inspection que le ministre s’adresse directement aux profs par courrier et par voie médiatique. Et notamment pour leur donner le moyens de répondre aux inspecteurs quand ils suivent les consignes du ministre qui vont à l’encontre des consignes des inspecteurs.
> Mais les inspecteurs ne sont en général pas nés de la dernière pluie,
> ils savent comment ça fonctionne et peuvent lire entre lignes.
Bien sûr. Et par comparaison entre l’ensemble des classes qu’ils voient, il se rendent bien compte à peu près comment cela se passe. Mais ils n’en restent pas moins un peu coupés des réalités.
> Il ne s’appuie pas sur le conseil scientifique pour les
> questions administratives !
Non, mais les questions les plus critiques et les plus sensibles sont les questions pédagogiques. C’est en grande partie cela qui crispe les débats.
@ Vincent
[« J’ignorais qu’en Allemagne les parents pouvaient choisir « librement » l’école. » Je ne connais pas (encore) suffisamment le système allemand. Mais ils ont également des écoles privées sous contrat, qui ont une bien plus grande latitude pédagogique que chez nous.]
Dans ce cas, je ne vois pas très bien en quoi les parents allemands peuvent choisir plus « librement » l’école que les parents français, puisque chez nous il y a aussi des écoles privées – sous contrat et hors contrat. Et que ces écoles ont une « latitude pédagogique » quasi-totale.
J’attire votre attention sur le fait que si les parents peuvent choisir l’école privée, l’école privée – contrairement à l’école publique – peut elle aussi choisir les parents. Ce qui rend assez relatif ce « libre choix » dont vous parlez.
[Et n’importe qui peut monter une école et la faire conventionner, ce qui fait qu’il n’est pas difficile d’y trouver des places. En gros, quand il y a de la demande pour certains types de pédagogies, l’offre s’adapte.]
Je doute qu’il soit plus facile de faire conventionner une école en Allemagne qu’en France, ou que « n’importe qui » puisse monter une école… Vous noterez aussi que la « demande de pédagogie » n’a de sens que pour une frange très privilégiée des parents. Parce que pour Mme Michu, la différence entre Freinet et Montessori apparaît plutôt nébuleuse.
[Je ne sais pas trop comment se fait l’affectation pour le public. Mais il n’y a pas (ou du moins pas de manière aussi exacerbée) la question des bons et mauvais établissements, surtout en raison de l’orientation à la fin d’école primaire entre le Gymnasium (1/3 de bons élèves), la Realschule (1/3 d’élèves moyens), et la Hauptschule (1/3 d’élèves en difficulté). Du coup, il n’y a pas de réelle différence de niveau entre 2 Gymnasium ou 2 Realschule.]
Je doute que le Gymnasium du centre de Munich ou Francfort ait la même demande que celui fréquenté par les fils des immigrés turcs en banlieue. Et je ne vois pas en quoi la sélection dont vous parlez ferait disparaître les différences de niveau. Après tout, en France on fait aussi une sélection entre ceux qui vont en lycée classique et ceux qui suivent la filière technique… et cela n’empêche pas les différences de niveau entre Henri IV et Henri Wallon.
[Il y a en France un principe légal de liberté de choix du médecin.]
J’avais bien parlé des « urgences ». Quand le SAMU vient vous chercher, il est rare qu’un patient demande à voir plusieurs avant de monter dans l’ambulance. Par ailleurs, le libre choix du médecin n’inclut pas le libre choix de la thérapie. Sauf à trouver un médecin qui fera volontairement ce que vous voulez qu’il fasse, il vous faudra soit accepter la thérapie proposée par le médecin, soit renoncer aux soins.
[C’est très discutable. Si on considère que le prof est un fonctionnaire, chargé d’accomplir une mission d’éducation pour le compte de la République, je ne vois pas quelle différence il doit y avoir avec un policier ou un magistrat.]
Ou un médecin hospitalier ? Pensez-vous que les médecins fonctionnaires ne devraient pas avoir le libre choix de la thérapie qu’ils proposent à leurs patients ?
Les fonctionnaires ne sont pas des robots. Si les fonctionnaires se voient hiérarchiquement imposer les objectifs, une certaine liberté leur est laissée pour choisir les moyens d’atteindre ces objectifs. C’est un choix logique : le fonctionnaire est un vrai professionnel, et à ce titre il est capable de choisir les outils les plus adaptés à une situation concrète. Si la hiérarchie devait prescrire non seulement les objectifs mais aussi les méthodes, il lui faudrait une connaissance fine de chaque situation concrète… ce qui semble illusoire. Cette marge de manœuvre varie selon les métiers : elle est étroite pour les policiers ou les magistrats, parce que tout écart peut être une menace pour les libertés publiques. D’autres métiers, comme les médecins ou les enseignants disposent d’une liberté bien plus large.
[En théorie, oui. Mais avec une inspection très idéologisée, souvent, les inspections sont là pour vérifier que l’enseignant adhère à la bonne doctrine idéologique.]
Il y a toujours un élément de conformité, mais n’importe quel enseignant moyennement intelligent arrivera à dire les deux ou trois choses qu’on attend de lui pour cocher la case. Après, les inspecteurs sont des professionnels, capables de voir ce que l’enseignant fait en pratique.
@Descartes
> Dans ce cas, je ne vois pas très bien en quoi les parents allemands
> peuvent choisir plus « librement » l’école que les parents français,
> puisque chez nous il y a aussi des écoles privées – sous contrat et
> hors contrat. Et que ces écoles ont une « latitude pédagogique »
> quasi-totale.
Non, le privé sous contrat a une latitude pédagogique très limitée, bien plus qu’en Allemagne. Et le privé hors contrat est hors de prix, ce qui fait que je n’en tiens pas compte.
> J’attire votre attention sur le fait que si les parents peuvent choisir
> l’école privée, l’école privée – contrairement à l’école publique –
> peut elle aussi choisir les parents. Ce qui rend assez relatif ce « libre
> choix » dont vous parlez.
> Je doute qu’il soit plus facile de faire conventionner une école en
> Allemagne qu’en France, ou que « n’importe qui » puisse monter
> une école…
En France, oui, le libre choix est très relatif. En Allemagne, l’offre de privé est plus importante, et il n’y a pas d’autorisation administrative pour en ouvrir en fonction des effectifs de l’académie (qui font qu’en pratique on ne peut quasiment ouvrir d’école conventionnée qu’en en fermant une autre).
S’il y a une très forte demande, comme c’est le cas dans beaucoup de coins en France, il y aura des créations d’écoles.
> Vous noterez aussi que la « demande de pédagogie » n’a de sens
> que pour une frange très privilégiée des parents. Parce que pour
> Mme Michu, la différence entre Freinet et Montessori apparaît
> plutôt nébuleuse.
Pour moi aussi, ça apparaissait très nébuleux. Je n’avais jamais entendu parler de Freinet en France.
C’est nettement plus répandu (et donc démocratisé) en Allemagne ; ce type d’écoles y est d’ailleurs conventionné.
> Je doute que le Gymnasium du centre de Munich ou Francfort ait
> la même demande que celui fréquenté par les fils des immigrés
> turcs en banlieue. Et je ne vois pas en quoi la sélection dont vous
> parlez ferait disparaître les différences de niveau. Après tout, en
> France on fait aussi une sélection entre ceux qui vont en lycée
> classique et ceux qui suivent la filière technique… et cela n’empêche
> pas les différences de niveau entre Henri IV et Henri Wallon.
Si je comprends bien ce qui se passe en Allemagne, dans les quartiers riches, la majorité des élèves vont au Gymnasium, alors qu’ils ne sont qu’une très petite minorité dans les coins les plus déshérités. Ca peut paraitre injuste, mais ça fait que le niveau est le même dans les différents Gymnasiums, et je trouve cela au final plus égalitaire : chacun va dans celui qui est le plus pratique pour lui, en comptant sur le fait que le niveau est à peu près le même partout. C’est aussi pour cela que le contrôle continu (du moins, c’est ce que j’ai compris) est utilisé pour l’orientation après le Bac, ce qui ne serait pas possible en mettant en France les notes obtenues à Henri IV sur le même plan que celles obtenues à Sarcelles.
La sélection en France entre voie générale et technologique intervient en fin de 2nde. Et même dans les banlieues avec le moins bon niveau, il y a des classes générales en nombre significatif.
Après, je pense qu’il y a aussi un facteur psychologique. L’éducation en Allemagne passe aussi beaucoup par le périscolaire, la musique, etc. Ce qui fait qu’il n’y a pas la même pression pour être dans le bon lycée ; pas le même état d’esprit élitiste…
>> [Il y a en France un principe légal de liberté de choix du médecin.]
> J’avais bien parlé des « urgences ». Quand le SAMU vient vous
> chercher, il est rare qu’un patient demande à voir plusieurs avant
> de monter dans l’ambulance.
Vous aviez parlé des urgences, pas du SAMU… 😉
Mais on pourrait extrapoler au SAMU. Les médecins du SAMU sont aussi encadrés par leur service hospitalier. Quand ils sont sur intervention, ils téléphonent à leur médecin coordinateur pour faire approuver leur prise en charge et leurs choix d’orientation. Sur le même principe que n’importe quel service hospitalier. Et ils doivent appliquer les protocoles du service.
Néanmoins, le choix du SAMU n’est pas très pertinent, puisque les médecins SMUR ont pour mission de stabiliser et de transporter les patients, mais pas de les prendre en charge complètement, ni à forcerie de choisir une thérapie, etc.
Bref, certes, on ne demande pas à voir un second médecin, mais, sur un secteur donné, si on voyait un autre médecin du même SMUR, la prise en charge ne devrait pas être différente.
> Ou un médecin hospitalier ? Pensez-vous que les médecins
> fonctionnaires ne devraient pas avoir le libre choix de la thérapie
> qu’ils proposent à leurs patients ?
Ils ne l’ont pas. Du moins pas totalement, puisqu’ils doivent se plier au choix du service auxquels ils appartiennent. Ils ont aussi une hiérarchie (médicale).
Ce qui n’est pas sans poser des situations difficiles (témoignages réels et récents) de médecins à qui le chef d’unité demandait de faire une prise en charge, mais que le médecin trouvait mauvaise, et qui était partagé du fait qu’il devait lui même faire sa prescription avec son n° de l’ordre des médecins, pour une prise en charge qu’il n’approuvait pas. Il a alors le choix entre faire ce qu’il n’aime pas, ou demander à être déchargé du patient, ce qui sera très mal apprécié du chef…
Bref, rien de fondamentalement différent d’un autre fonctionnaire, à part que pour les médecins, la hiérarchie est strictement médicale, et que les chefs de service ont donc une bien plus large autonomie qu’ailleurs.
> Si la hiérarchie devait prescrire non seulement les objectifs mais
> aussi les méthodes, il lui faudrait une connaissance fine de chaque
> situation concrète… ce qui semble illusoire. Cette marge de
> manœuvre varie selon les métiers : elle est étroite pour les policiers
> ou les magistrats, parce que tout écart peut être une menace pour
> les libertés publiques. D’autres métiers, comme les médecins ou les
> enseignants disposent d’une liberté bien plus large.
Vous vous méprenez, je pense, sur la liberté de prescription des médecins hospitaliers. Cela dépend des spécialités, naturellement (les psychiatres en ont beaucoup plus que d’autres, par exemple, et les réanimateurs beaucoup moins, vu qu’ils n’agissent presque que sur protocole)
> Il y a toujours un élément de conformité, mais n’importe quel
> enseignant moyennement intelligent arrivera à dire les deux ou
> trois choses qu’on attend de lui pour cocher la case.
Oui, c’est bien ainsi que j’ai l’impression que cela se passe. Mais du même coup, cela confirme que l’enseignant peut faire ce qu’il veut, et que l’inspection pédagogique n’est qu’une fumisterie (pour prendre un mot un peu fort).
@ Vincent
[Non, le privé sous contrat a une latitude pédagogique très limitée, bien plus qu’en Allemagne. Et le privé hors contrat est hors de prix, ce qui fait que je n’en tiens pas compte.]
D’où sortez-vous que le privé sous contrat aurait « une latitude pédagogique très limitée » ? La seule contrainte que le contrat introduit, c’est l’observation des programmes officiels pour ce qui concerne les matières inscrites au programme. Il n’y a aucune contrainte méthodologique quant à la manière d’enseigner ces matières.
[En France, oui, le libre choix est très relatif. En Allemagne, l’offre de privé est plus importante,]
L’offre s’adapte à la demande. Je doute qu’il y ait en Allemagne beaucoup d’écoles privées vides en attente d’élèves. S’il y a plus d’offre de privé en Allemagne, c’est parce qu’il y a plus de demande. Et dites-vous bien que s’il y a plus de demande, c’est peut-être parce que l’enseignement public n’offre pas la même qualité qu’en France. Pourquoi les parents iraient-ils payer quelque chose que l’enseignement public leur offre gratuitement ?
[et il n’y a pas d’autorisation administrative pour en ouvrir en fonction des effectifs de l’académie (qui font qu’en pratique on ne peut quasiment ouvrir d’école conventionnée qu’en en fermant une autre).]
Pourriez-vous m’indiquer quel est le régime financier des écoles privées ? Est-ce que les maîtres et autres personnels sont payés par l’argent public ? Et les bâtiments ? Je vous le demande parce que l’autorisation administrative, tout comme les contraintes imposées aux établissements sous contrat en France tirent leur légitimité de ce que c’est l’argent public qui paye l’enseignement privé, et que l’argent public ne saurait être dépensé si ce n’est dans un but d’intérêt public et sous le contrôle de l’Etat.
Je crois me souvenir que l’enseignement privé en Allemagne ressemble plus à la logique de l’enseignement hors contrat en France, avec maitres et autres personnels payés par les contributions des parents ou d’autres fonds privés. Mais je me trompe peut-être.
[« Je doute que le Gymnasium du centre de Munich ou Francfort ait la même demande que celui fréquenté par les fils des immigrés turcs en banlieue. Et je ne vois pas en quoi la sélection dont vous
parlez ferait disparaître les différences de niveau. Après tout, en France on fait aussi une sélection entre ceux qui vont en lycée classique et ceux qui suivent la filière technique… et cela n’empêche pas les différences de niveau entre Henri IV et Henri Wallon ». Si je comprends bien ce qui se passe en Allemagne, dans les quartiers riches, la majorité des élèves vont au Gymnasium, alors qu’ils ne sont qu’une très petite minorité dans les coins les plus déshérités.]
En d’autres termes, s’il n’y a pas de « différence entre les Gymnasium », comme vous le dites, c’est parce que tous les Gymnasium sont réservés à l’élite ». J’ai bien compris ?
[Ca peut paraitre injuste, mais ça fait que le niveau est le même dans les différents Gymnasiums, et je trouve cela au final plus égalitaire :]
Dans ce cas, je peux vous exposer le même raisonnement en France. Il n’y a guère de différences de niveau entre Henri IV, Louis-le-Grand, Condorcet, le Lycée du Parc à Lyon et une petite dizaine d’autres lycées distribués sur le territoire. Rebaptisons ces lycées « gymnasium », et vous aurez exactement le même système….
[chacun va dans celui qui est le plus pratique pour lui, en comptant sur le fait que le niveau est à peu près le même partout.]
C’est la même chose en France : les gens du Vème vont à Henri IV, les gens du IXème vont à Condorcet, et le niveau est à peu près le même. Mais vous oubliez les autres, ceux qui n’habitent pas dans les « quartiers riches », et pour qui « il n’est pas pratique » d’aller au Gymnasium. Que pensez-vous de leur situation ? Au fond, ce que vous trouvez plaisant en Allemagne, c’est l’égalitarisme à l’intérieur de l’élite : tous les enfants de riches sont également traités.
[C’est aussi pour cela que le contrôle continu (du moins, c’est ce que j’ai compris) est utilisé pour l’orientation après le Bac, ce qui ne serait pas possible en mettant en France les notes obtenues à Henri IV sur le même plan que celles obtenues à Sarcelles.]
Je doute qu’en Allemagne on mette en parallèle les notes obtenues dans un Gymnasium et celles obtenues dans une Realschule ou une Hauptschule. Au fond, la différence est qu’en France on appelle de la même manière des établissements de niveau très différent, alors qu’en Allemagne on assume parfaitement le fait qu’il y a une école pour l’élite, et une autre pour la plèbe.
[Après, je pense qu’il y a aussi un facteur psychologique. L’éducation en Allemagne passe aussi beaucoup par le périscolaire, la musique, etc. Ce qui fait qu’il n’y a pas la même pression pour être dans le bon lycée ; pas le même état d’esprit élitiste…]
Et surtout, l’Allemagne n’a jamais été une méritocratie. En France, historiquement, c’est l’école qui permettait la promotion sociale et la sélection scolaire était donc une sélection sociale. En Allemagne, la sélection sociale se fait ailleurs : dans les réseaux claniques et familiaux, dans l’entreprise…
[Vous aviez parlé des urgences, pas du SAMU… 😉]
Je vous rappelle que l’acronyme SAMU veut dire « service d’aide médicale d’urgence ». Le SAMU fait partie des services d’urgence.
[Mais on pourrait extrapoler au SAMU. Les médecins du SAMU sont aussi encadrés par leur service hospitalier. Quand ils sont sur intervention, ils téléphonent à leur médecin coordinateur pour faire approuver leur prise en charge et leurs choix d’orientation. Sur le même principe que n’importe quel service hospitalier. Et ils doivent appliquer les protocoles du service.]
J’ai posé la question à un ami urgentiste. Les médecins urgentistes ne sont pas des robots, et ils ne se contentent pas d’accomplir des gestes techniques réglés par des protocoles. Ils ont une très large liberté pour les adapter à une situation particulière. D’ailleurs, le statut même du médecin en France lui interdit toute subordination dans l’exercice de son art.
[Néanmoins, le choix du SAMU n’est pas très pertinent, puisque les médecins SMUR ont pour mission de stabiliser et de transporter les patients, mais pas de les prendre en charge complètement, ni à forcerie de choisir une thérapie, etc.]
Il n’empêche qu’ils choisissent les gestes techniques à accomplir, et par ce choix conditionnent assez largement les choix thérapeutiques.
[« Ou un médecin hospitalier ? Pensez-vous que les médecins fonctionnaires ne devraient pas avoir le libre choix de la thérapie qu’ils proposent à leurs patients ? » Ils ne l’ont pas. Du moins pas totalement, puisqu’ils doivent se plier au choix du service auxquels ils appartiennent. Ils ont aussi une hiérarchie (médicale).]
D’où sortez-vous ça ? Un médecin, dans l’exercice de son art, n’est soumis à aucune « hiérarchie ». Pas même aux ordres de son patient, puisqu’aucun médecin ne peut être obligé à pratiquer un acte médical contre sa conscience. C’est d’ailleurs implicite dans l’idée de responsabilité du médecin : comment le médecin pourrait-il être tenu responsable alors qu’il n’aurait pas fait les choix thérapeutiques lui-même ?
[Ce qui n’est pas sans poser des situations difficiles (témoignages réels et récents) de médecins à qui le chef d’unité demandait de faire une prise en charge, mais que le médecin trouvait mauvaise,]
Si, comme vous dites, le médecin était soumis hiérarchiquement à son chef d’unité, la situation n’aurait rien eu de « difficile », puisqu’il ne restait au médecin qu’à obéir. Si la situation est « difficile », c’est précisément parce que le médecin n’est pas tenu d’obéir à un tel ordre, mais risque de se mettre mal avec le chef d’unité s’il ne le fait pas.
[et qui était partagé du fait qu’il devait lui même faire sa prescription avec son n° de l’ordre des médecins, pour une prise en charge qu’il n’approuvait pas. Il a alors le choix entre faire ce qu’il n’aime pas, ou demander à être déchargé du patient, ce qui sera très mal apprécié du chef…
Bref, rien de fondamentalement différent d’un autre fonctionnaire,]
Bien sûr que si. Un fonctionnaire ne peut « demander à être déchargé du dossier », ou invoquer une clause de conscience pour désobéir un ordre.
[Oui, c’est bien ainsi que j’ai l’impression que cela se passe. Mais du même coup, cela confirme que l’enseignant peut faire ce qu’il veut, et que l’inspection pédagogique n’est qu’une fumisterie (pour prendre un mot un peu fort).]
Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit. Ce que j’ai dit, c’est que dans toute inspection il y a une partie rituelle, dans laquelle l’enseignant – tout comme l’inspecteur – « cochent les cases ». Mais ce rituel, dont ni l’un ni l’autre ne sont dupes, ne reflète pas la totalité de l’inspection. L’inspecteur, qui est un professionnel chevronné, est parfaitement capable de se rendre compte du véritable fonctionnement de la classe.
@Descartes
> D’où sortez-vous que le privé sous contrat aurait « une latitude
> pédagogique très limitée » ?
Sauf erreur, ils ont la même que les enseignants du public, non ? C’est à dire que des pédagogies d’un type assez fréquent en Allemagne, où les enfants apprennent à lire quand ils en ont envie (certains à 4 ans, d’autres à 8 ans) ne seraient pas possibles dans le privé en France. Et c’est possible dans du privé conventionné en Allemagne (je ne sais pas trop ce que l’Etat finance, mais le reste à charge est suffisamment faible pour qu’une famille de 4 enfants aux dont les revenus sont ceux d’un salarié d’association, puisse avoir 4 enfants dans une telle école).
> Et dites-vous bien que s’il y a plus de demande, c’est peut-être
> parce que l’enseignement public n’offre pas la même qualité
> qu’en France.
Je ne dis pas qu’il y a plus de demande, je n’en sais rien. Mais il n’y a pas de listes d’attentes importantes, qui font qu’il peut être difficile d’y avoir une place. Du mois d’après les témoignages que j’en ai eus.
> En d’autres termes, s’il n’y a pas de « différence entre les
> Gymnasium », comme vous le dites, c’est parce que tous les
> Gymnasium sont réservés à l’élite ». J’ai bien compris ?
Si on peut appeler “élite” 30 à 35% d’une classe d’age, oui.
> Dans ce cas, je peux vous exposer le même raisonnement en
> France. Il n’y a guère de différences de niveau entre Henri IV,
> Louis-le-Grand, Condorcet, le Lycée du Parc à Lyon et une petite
> dizaine d’autres lycées distribués sur le territoire. Rebaptisons ces
> lycées « gymnasium », et vous aurez exactement le même système….
Justement, la différence est qu’il y a des Gymnasiums partout. Pas seulement dans les centres des grandes villes. Il y a aussi des bâtiments à double section Gymnasium & Realschule, ce qui permet d’avoir une seule classe de Gymnasium là où il y a peu d’élèves de niveau suffisant.
Cela évite qu’un élève brillant d’une zone défavorisée soit obligé d’aller dans une mauvaise classe, alors qu’un rejeton en difficulté d’un centre ville sera largué dans une classe au niveau trop élevé pour lui.
> Mais vous oubliez les autres, ceux qui n’habitent pas dans les
> « quartiers riches », et pour qui « il n’est pas pratique » d’aller au
> Gymnasium. Que pensez-vous de leur situation ?
Justement, c’est très exactement l’inverse. C’est la possibilité d’accéder au Gymnasium en fonction du niveau constaté, quel que soit le lieu de résidence. Ce qui n’existe pas en France. Je crois que vous vous trompez de procès.
Le procès qu’on pourrait légitimement leur faire, me semble-t-il, c’est celui d’une orientation trop précoce, ce qui suppose que le niveau en fin de CM2 préjuge de la capacité à faire des études supérieures. Je ne sais pas si c’est vrai (j’en doute), mais cela me met en tout cas mal à l’aise.
Ceci dit, comme ce point me met mal à l’aise, j’ai interrogé ici et là sur la possibilité de passerelles montantes ou descendantes d’une école à l’autre. On m’a dit que ça existait, d’ailleurs plus dans le sens descendant que dans le sens montant.
Mais j’ai été surpris de voir le manque d’intérêt que semblait susciter cette question chez mes interlocuteurs, alors que ce point est pour moi fondamental !
> Je doute qu’en Allemagne on mette en parallèle les notes obtenues
> dans un Gymnasium et celles obtenues dans une Realschule ou une
> Hauptschule. Au fond, la différence est qu’en France on appelle de
> la même manière des établissements de niveau très différent, alors
> qu’en Allemagne on assume parfaitement le fait qu’il y a une école
> pour l’élite, et une autre pour la plèbe.
Bien sûr que non, on ne compare pas les Gymnasium et les Hauptschule… Ces dernières ne sont de toute manière pas destinées à l’enseignement supérieur général. Oui, on assume la différence de niveau, à part que ce n’est pas 2 niveaux, mais 3. Et pour avoir été inclus quand j’avais 14 ou 15 ans dans une classe d’une Realschule, je peux vous garantir qu’il y avait dedans des enfants issus de milieux CSP+.
Est ce mal d’assumer la réalité telle qu’elle existe ? Si cela permet d’arrêter de se voiler la face, et que des jeunes qui ont eu la malchance de ne pas habiter au même endroit accèdent au même programme que l’élite ?
>> Après, je pense qu’il y a aussi un facteur psychologique.
>> L’éducation en Allemagne passe aussi beaucoup par le
>> périscolaire, la musique, etc. Ce qui fait qu’il n’y a pas la même
>> pression pour être dans le bon lycée ; pas le même état d’esprit
>> élitiste…]
> Et surtout, l’Allemagne n’a jamais été une méritocratie. En France,
> historiquement, c’est l’école qui permettait la promotion sociale et
> la sélection scolaire était donc une sélection sociale. En Allemagne,
> la sélection sociale se fait ailleurs : dans les réseaux claniques
> et familiaux, dans l’entreprise…
Vous me fournissez l’explication de ce que je ressens effectivement en discutant de ces sujets avec des allemands. L’enjeu d’être au Gymnasium ou à la Realschule ne semble pas majeur, comme il le serait certainement avec un tel système en France. Un tel système en France conduirait à mettre une pression du concours aux enfants dès le plus jeune âge, comme cela peut exister dans certains pays d’Asie. Et je ne suis pense vraiment pas que cela soit une bonne idée.
> Je vous rappelle que l’acronyme SAMU veut dire « service d’aide
> médicale d’urgence ». Le SAMU fait partie des services d’urgence.
Chipotons, chipotons… Le SMUR est un service mobile d’urgence, avec le mot service qui se comprend comme un service hospitalier. Le S de Samu veut dire service au sens d’un service public, avant tout, si je ne m’abuse. Celui qui fait partie des services d’urgences est le SMUR, pas le SAMU (même si les véhicules du SMUR ont marqué en gros dessus SAMU, avec le numéro du département qui assure leur régulation).
> D’où sortez-vous ça ? Un médecin, dans l’exercice de son art, n’est
> soumis à aucune « hiérarchie ». Pas même aux ordres de son
> patient, puisqu’aucun médecin ne peut être obligé à pratiquer un
> acte médical contre sa conscience. C’est d’ailleurs implicite dans
> l’idée de responsabilité du médecin : comment le médecin pourrait-
> il être tenu responsable alors qu’il n’aurait pas fait les choix
> thérapeutiques lui-même ?
>> Ce qui n’est pas sans poser des situations difficiles (témoignages
>> réels et récents) de médecins à qui le chef d’unité demandait de
>> faire une prise en charge, mais que le médecin trouvait mauvaise,]
> Si, comme vous dites, le médecin était soumis hiérarchiquement à
> son chef d’unité, la situation n’aurait rien eu de « difficile »,
> puisqu’il ne restait au médecin qu’à obéir.
[…]
> Bien sûr que si. Un fonctionnaire ne peut « demander à être
> déchargé du dossier », ou invoquer une clause de conscience pour
> désobéir un ordre.
Vous avez raison, et votre explication est d’ailleurs très logique (j’aurais du réfléchir un peu avant d’écrire) : Si la situation que je décrivais est difficile, c’est justement parceque le médecin a une hiérarchie, mais que nonobstant celle ci, il reste seul responsable de ses actes et prescriptions.
@ Vincent
[« D’où sortez-vous que le privé sous contrat aurait « une latitude pédagogique très limitée » ? » Sauf erreur, ils ont la même que les enseignants du public, non ?]
Vous faites erreur : les enseignants du privé sur contrat sont des agents contractuels, et non des fonctionnaires. Les chefs d’établissement ont une totale autonomie dans leur recrutement.
[C’est à dire que des pédagogies d’un type assez fréquent en Allemagne, où les enfants apprennent à lire quand ils en ont envie (certains à 4 ans, d’autres à 8 ans) ne seraient pas possibles dans le privé en France.]
Je doute beaucoup qu’elles soient possibles en Allemagne. Que se passe-t-il avec les enfants qui n’ont pas « envie » à aucun âge ? Ils restent illettrés à vie ?
Il est exact que l’enseignement français – public et privé confondus – mettent plus l’accent sur la transmission de connaissances, alors que l’enseignement dans les pays nordique insiste beaucoup plus sur les « savoir-être » et les compétences. Du coup, la liberté méthodologique est plus grande dans certains domaines et plus petit dans d’autres.
[Justement, la différence est qu’il y a des Gymnasiums partout. Pas seulement dans les centres des grandes villes. Il y a aussi des bâtiments à double section Gymnasium & Realschule, ce qui permet d’avoir une seule classe de Gymnasium là où il y a peu d’élèves de niveau suffisant.]
Vous aviez écrit que « dans les quartiers riches, la majorité des élèves vont au Gymnasium, alors qu’ils ne sont qu’une très petite minorité dans les coins les plus déshérités ». Je vois mal comment cela pourrait être compatible avec l’idée qu’il y ait des « Gymnasium » partout. A moins de supposer qu’on construise des « Gymnasium » dans les « coins déshérités » pour accueillir un très petit nombre d’élèves ?
[Mais vous oubliez les autres, ceux qui n’habitent pas dans les « quartiers riches », et pour qui « il n’est pas pratique » d’aller au Gymnasium. Que pensez-vous de leur situation ?
Justement, c’est très exactement l’inverse. C’est la possibilité d’accéder au Gymnasium en fonction du niveau constaté, quel que soit le lieu de résidence. Ce qui n’existe pas en France.]
Bien sur que si. L’accès au lycée classique plutôt qu’au lycée technique se fait « en fonction du niveau constaté », et quelque soit le lieu de résidence. J’ai l’impression que vous idéalisez le système allemand, alors que finalement il ressemble beaucoup au notre. Vous avez trois filières d’enseignement secondaire alors que nous en avons deux (lycée classique, lycée technique) avec une hiérarchie entre les systèmes et entre les établissements.
[Le procès qu’on pourrait légitimement leur faire, me semble-t-il, c’est celui d’une orientation trop précoce, ce qui suppose que le niveau en fin de CM2 préjuge de la capacité à faire des études supérieures. Je ne sais pas si c’est vrai (j’en doute), mais cela me met en tout cas mal à l’aise.]
Je n’ai pas compris votre remarque. En France, le choix d’orientation se fait essentiellement en seconde, pas en CM2. Et le choix d’orientation ne préjuge pas des « études supérieures », puisqu’on peut rentrer à l’université avec un baccalauréat technique. Si l’on peut reprocher quelque chose au système français, c’est qu’en multipliant les passerelles dans tous les sens il n’encourage pas les élèves à s’interroger sur leur orientation et à faire un choix vocationnel. A quoi bon, puisqu’on pourra toujours plus tard changer d’orientation ?
[Bien sûr que non, on ne compare pas les Gymnasium et les Hauptschule… Ces dernières ne sont de toute manière pas destinées à l’enseignement supérieur général. Oui, on assume la différence de niveau, à part que ce n’est pas 2 niveaux, mais 3. Et pour avoir été inclus quand j’avais 14 ou 15 ans dans une classe d’une Realschule, je peux vous garantir qu’il y avait dedans des enfants issus de milieux CSP+.]
Bien sur. Là, il y a une véritable différence parce qu’en Allemagne la sélection sociale ne se fait pas à l’école, elle se fait ailleurs. On peut venir d’une famille socialement bien située, faire un parcours scolaire faible… et on sera toujours recasé socialement par le réseau familial. Le système méritocratique français fait que la sélection scolaire a un poids beaucoup plus important dans la sélection sociale, et que les parents investissent donc beaucoup plus dans le parcours scolaire de leurs enfants.
[Est ce mal d’assumer la réalité telle qu’elle existe ? Si cela permet d’arrêter de se voiler la face, et que des jeunes qui ont eu la malchance de ne pas habiter au même endroit accèdent au même programme que l’élite ?]
Parce que l’endroit ou vous habitez est une question de « chance » ? Dites vous bien que le problème des élites est partout le même : il faut se reproduire et donc éviter la concurrence des gens qui voudraient prendre l’ascenseur social. Si en France on a fait en sorte que ceux qui n’ont pas de « chance » n’accèdent pas aux formations d’élite, c’est parce que l’ascenseur social se situe à l’école. Si dans d’autres pays on permet aux pauvres d’accéder aux meilleures formations, c’est parce que l’ascenseur social est ailleurs.
> Vous aviez écrit que « dans les quartiers riches, la majorité des
> élèves vont au Gymnasium, alors qu’ils ne sont qu’une très petite
> minorité dans les coins les plus déshérités ». Je vois mal comment
> cela pourrait être compatible avec l’idée qu’il y ait des
> « Gymnasium » partout. A moins de supposer qu’on construise
> des « Gymnasium » dans les « coins déshérités » pour accueillir un
> très petit nombre d’élèves ?
Comme je vous l’avais mis, il y a des bâtiments “Realschule et Gymnasium”, avec des classes Gymnasium, et des classes Realschule. Rien d’impossible d’ouvrir une classe de bons élèves dans une école au niveau globalement plus faible.
Après, j’ai appris qu’il y avait aussi un 4ème type d’école, plus récent (Gesamtschule), qui est un mélange des 3, et où chaque élève, matière par matière, en fonction de ses compétences, suit des cours de niveau Gymnasium, Realschule, ou Hauptschule…
Bref, avec ces différentes souplesses, je pense que, oui, il est plus facilement possible pour un bon élève d’une zone deshéritée de suivre une scolarité de bon niveau en Allemagne qu’en France.
C’est un des principaux mérites à mes yeux du système allemand.
> Bien sur que si. L’accès au lycée classique plutôt qu’au lycée
> technique se fait « en fonction du niveau constaté », et quelque
> soit le lieu de résidence. J’ai l’impression que vous idéalisez le
> système allemand, alors que finalement il ressemble beaucoup au
> notre. Vous avez trois filières d’enseignement secondaire alors que
> nous en avons deux (lycée classique, lycée technique) avec une
> hiérarchie entre les systèmes et entre les établissements.
De ce point de vue, nous aussi en avons 3 (je me demande même si ça n’a pas été, encore une fois, copié sur l’Allemagne) : filières générales, techniques, et professionnelles. Mais l’orientation se fait en fin de 3ème (pro) ou en fin de 2nde (technique ou générale). Le bac technique en France, comme la Realschule en Allemagne, permet des études supérieures, mais n’a pas vocation à proposer des études supérieures générales (qui vont vers une durée de 5 ans au moins), bien que ce ne soit pas impossible.
De ce point de vue là, effectivement, on peut dire que c’est à peu près pareil.
La grosse différence est que l’orientation est beaucoup plus précoce en Allemagne !
>>[Le procès qu’on pourrait légitimement leur faire, me semble-t-il,
>> c’est celui d’une orientation trop précoce, ce qui suppose que le
>> niveau en fin de CM2 préjuge de la capacité à faire des études
>> supérieures. Je ne sais pas si c’est vrai (j’en doute), mais cela me
>> met en tout cas mal à l’aise.]
> Je n’ai pas compris votre remarque.
Je voulais dire qu’une orientation en fin de CM2 est peut être beaucoup plus discriminante socialement qu’une orientation en fin de 2nde, vu que le système scolaire aura eu moins de temps pour exercer son rôle de niveleur social. Mais cette remarque théorique n’est valable que si le système scolaire joue réellement un rôle de niveleur social. Ce qui a été le cas en France dans les années 50 / 60. Mais qui ne fonctionne plus, sans doute en grande partie du fait que les populations riches et pauvres n’habitent plus aux mêmes endroits.
> Bien sur. Là, il y a une véritable différence parce qu’en Allemagne la
> sélection sociale ne se fait pas à l’école, elle se fait ailleurs. On peut
> venir d’une famille socialement bien située, faire un parcours
> scolaire faible… et on sera toujours recasé socialement par le réseau
> familial. Le système méritocratique français fait que la sélection
> scolaire a un poids beaucoup plus important dans la sélection
> sociale, et que les parents investissent donc beaucoup plus dans le
> parcours scolaire de leurs enfants.
[…]
> Dites vous bien que le problème des élites est partout le même : il
> faut se reproduire et donc éviter la concurrence des gens qui
> voudraient prendre l’ascenseur social. Si en France on a fait en
> sorte que ceux qui n’ont pas de « chance » n’accèdent pas aux
> formations d’élite, c’est parce que l’ascenseur social se situe à
> l’école. Si dans d’autres pays on permet aux pauvres d’accéder aux
> meilleures formations, c’est parce que l’ascenseur social est ailleurs.
Vous me fournissez une explication, dont je ne sais pas si elle est valable, mais qui a au moins le mérite d’être tout à fait cohérente avec le ressenti que j’ai, d’une moindre pression des parents pour la réussite scolaire de leurs enfants. Et d’une moindre pression exercée par le système scolaire.
Mais c’est assez amusant, du coup, car j’entends dire depuis des décennies qu’un des gros problèmes du système scolaire français est justement qu’il y a trop de pression mise sur les élèves, alors que ce n’est pas du tout le cas dans les pays nordiques… Si j’en crois votre explication, ce n’est pas du tout la faute du système scolaire, mais la faute du principe méritocratique ?
Cette explication est assez séduisante intellectuellement, car totalement logique. Et elle montre bien l’inanité des propositions visant à supprimer la notation à l’école primaire, ou à programmer des activités coopératives ou de développement personnel, afin de se rapprocher de l’état d’esprit des écoles nordiques…
> Parce que l’endroit ou vous habitez est une question de « chance » ?
Je voulais dire qu’habiter dans une zone favorisée est une chance (pour les enfants)… Vous ne me contredirez pas dessus, j’espère ?
@ Vincent
[Comme je vous l’avais mis, il y a des bâtiments “Realschule et Gymnasium”, avec des classes Gymnasium, et des classes Realschule.]
En fait, tel que vous le décrivez ça ressemble à notre système : dans mon lycée il y avait les « classes latin et grec » qui regroupent les meilleurs élèves, et les classes « normales » ou l’on mettait les autres. Quelle est la différence ?
[Bref, avec ces différentes souplesses, je pense que, oui, il est plus facilement possible pour un bon élève d’une zone deshéritée de suivre une scolarité de bon niveau en Allemagne qu’en France.]
Mais est-ce que c’est ce qui se passe en pratique ? Parce que, comme vous le dites, les « souplesses » en question sont bien peu motivantes pour un élève venu des couches populaires. A quoi bon faire d’énormes efforts pour gagner la course scolaire si la sélection sociale se fait ailleurs ?
[Mais c’est assez amusant, du coup, car j’entends dire depuis des décennies qu’un des gros problèmes du système scolaire français est justement qu’il y a trop de pression mise sur les élèves, alors que ce n’est pas du tout le cas dans les pays nordiques… Si j’en crois votre explication, ce n’est pas du tout la faute du système scolaire, mais la faute du principe méritocratique ?]
Oui et non. Oui, le fait que l’ascension sociale soit possible à travers les études met une pression considérable sur les élèves. ET CETTE PRESSION EST SALUTAIRE, puisque c’est grâce à elle que certains étudiants venus de parents aux moyens modestes arrivent aux meilleures écoles – je suis bien placé pour vous le dire, c’est l’histoire de ma vie.
C’est pourquoi ce discours contre la « pression » me laisse sceptique. Il est essentiellement propagé par des « classes intermédiaires » qui n’ont eu ces trente dernières années d’autre souci que de casser l’ascenseur social scolaire, pour empêcher les enfants des couches populaires de concurrencer leurs propres enfants. Une école qui n’exige rien, qui ne met pas de pression, laisse chaque élève livré à lui-même. Et dans ces conditions, c’est la transmission par les parents qui domine. Les écoles des pays « nordiques » fonctionnent dans des sociétés fortement hiérarchisées, où chacun connaît sa place et y reste. L’avantage du système français du temps où il était exigeant, c’est précisément que son ambition était de sortir les gens de leur place prédéterminée pour créer une hiérarchie du mérite.
[Cette explication est assez séduisante intellectuellement, car totalement logique. Et elle montre bien l’inanité des propositions visant à supprimer la notation à l’école primaire, ou à programmer des activités coopératives ou de développement personnel, afin de se rapprocher de l’état d’esprit des écoles nordiques…]
Tout à fait. Non que les activités coopératives ou de « développement personnel » ne soient pas intéressantes. En France, on les pratiquait dans les centres aérés ou dans les colonies de vacances. Mais si l’on veut une école qui remette en cause les hiérarchies sociales, il faut une école fondée sur la connaissance et l’exigence.
> Oui, le fait que l’ascension sociale soit possible à travers les études
> met une pression considérable sur les élèves. ET CETTE PRESSION
> EST SALUTAIRE, puisque c’est grâce à elle que certains étudiants
> venus de parents aux moyens modestes arrivent aux meilleures
> écoles – je suis bien placé pour vous le dire, c’est l’histoire de ma
> vie.
Je vais encore une fois me faire l’avocat du diable, pour le plaisir de la contradiction…
On peut considérer que cette pression est salutaire si on considère que l’objectif individuel de chacun doit être à tout prix d’améliorer sa position dans une hiérarchie socio-économique.
C’est un objectif assez sain. Mais je ne crois pas que cet objectif doive être établi en dogme absolu. On pourrait avoir comme autre objectif un objectif que chacun soit heureux et épanoui dans sa vie. Et malheureusement, il y a contradiction entre ces deux objectifs.
Au final, l’objectif que vous assignez à chacun fera 99% de déçus, de ratés, puisque chacun regardera ceux qui sont passés devant lui, et ce qu’il aurait pu faire et n’a pas réussi à faire. C’est une société de personnes aigries, qui ne s’aiment pas. En effet, cette pression que vous évoquez dans l’enfance, ne cesse pas à l’âge adulte, jusqu’à un moment où les choses sont relativement figées, et où chacun peut regarder tous ceux de sa génération et qui ont mieux réussi. Je ne suis pas certain que ce soit très bon pour l’estime de soi, pour le moral.
Dans une société de classe, qui est l’extrême inverse, où chacun fait le même métier que ses parents, et cherche à transmettre ce qu’il a hérité à son fils, il n’y a pas d’objectif individuel d’accomplissement, et il y a donc nettement moins de pression sur l’individu. Il ne reste plus qu’à chaque individu à avoir correctement de quoi vivre pour être heureux.
Il ne faut pas négliger le nombre de ceux qui, dans les campagnes, n’aspirent pas à la réussite scolaire et à l’assenceur social, mais simplement à rester dans le village de leurs parents, et à continuer à vivre comme eux. Ils sont souvent -certes plus pauvres- mais bien moins torturés et malheureux que ceux qui cherchent à tout prix à grimper, et trouvent toujours un plafond.
> Les écoles des pays « nordiques » fonctionnent dans des sociétés
> fortement hiérarchisées, où chacun connaît sa place et y reste.
> L’avantage du système français du temps où il était exigeant, c’est
> précisément que son ambition était de sortir les gens de leur place
> prédéterminée pour créer une hiérarchie du mérite.
Son inconvénient est que chacun, s’il n’a pas réussi à être PDG d’un grand groupe, ne peut s’en prendre qu’à lui même, ce qui fait beaucoup de décus…
> Mais si l’on veut une école qui remette en cause les hiérarchies
> sociales, il faut une école fondée sur la connaissance et l’exigence.
Oui, c’est bien ça la question. Mais si on veut une société épanouie, est ce qu’il n’y a pas un juste milieu à rechercher ? Je vous avoue que j’ai du mal à croire moi même à l’existence de ce juste milieu, et que, si je suis généralement sur une vision égalitariste (la votre), il m’arrive de me dire qu’une vision réactionnaire pure n’a pas totalement faux (celle de l’ancien régime, et, selon vous, des pays nordiques).
J’ai du mal à savoir quoi en penser. Mais ce qui est certain, c’est que rien n’est pire que la situation actuelle, qui cumule les deux inconvénients : on est dans un système où, facialement, si vous échouez, c’est de votre faute. Mais en pratique, si vous habitez dans une zone déshéritée, il est impossible de réussir !
Ce que j’écris là sur l’école est vrai sur bien d’autres sujets. Le mariage d’amour est quelque chose de super, et chacun est libre de choisir son conjoint. Mais vu qu’on est enjoint de se poser la question de savoir avec qui on sera heureux, rien n’empêche de se reposer la question plus tard, ce qui entraine des divorces, séparations, et donc souffrances. Dans les exemples de mariages arrangés que je connais (chez des gens bien plus âgés, je vous rassure), chacun fait en sorte de mettre du sien pour que tout se passe bien, et, avec les années, cela fait des couples épanouis et heureux…
@ Vincent
[Je vais encore une fois me faire l’avocat du diable, pour le plaisir de la contradiction…]
Mais je vous en prie, c’est un plaisir très productif !
[On peut considérer que cette pression est salutaire si on considère que l’objectif individuel de chacun doit être à tout prix d’améliorer sa position dans une hiérarchie socio-économique.]
Non, justement. L’objectif d’améliorer sa position dans une hiérarchie socio-économique est un objectif qui est inscrit dans notre nature. Nos cousins les primates ont le même instinct. Et cela s’explique facilement du point de vue de l’évolution : détenir une position privilégiée dans la hiérarchie socio-économique, c’est avoir plus d’opportunités de se reproduire et de transmettre…
La question est de savoir comment les sociétés doivent canaliser cet instinct. D’abord en réglant les moyens légitimes de cette ascension. Il fut un temps ou le fait de tuer le chef en combat singulier vous permettait de prendre sa place, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais aussi en réglant les opportunités données à chacun de prétendre à une promotion. Doit-on permettre aux couches situées en haut de la hiérarchie de limiter les opportunités données aux autres de leur disputer les places ? Doit-on encourager ceux d’en bas à le faire ?
La réponse républicaine est positive aux deux questions. Et ce n’est pas une question de satisfaire l’intérêt individuel des personnes concernées, mais l’intérêt collectif. Une société de « castes » se prive en effet des compétences, de l’intelligence, du génie de ceux qui, parce qu’ils sont nés dans la mauvaise caste, ne peuvent occuper les places ou ces qualités pourraient bénéficier à tous. La république, en rendant accessibles toutes les fonctions à tous les citoyens « sans autre limite que leurs vertus et leurs talents » permet à ceux issus des couches inférieures de prétendre aux fonctions qui vous permettent de monter dans la hiérarchie sociale. Mais notre République est allée beaucoup plus loin : il ne suffisait pas de permettre, il fallait encourager. L’exigence scolaire, couplée au rôle militant des enseignants dans la détection des talents et dans leur stimulation à poursuivre des études ambitieuses matérialise cet encouragement.
Ce n’est donc pas une question d’intérêt INDIVIDUEL, mais d’intérêt SOCIAL. La stabilité du système de « castes » est très profitable pour ceux qui naissent dans les castes privilégiées – et comme on est toujours le privilégié de quelqu’un, cela garantit à chacun sa position. Mais cela génère un énorme gâchis de compétences et de volontés. Le projet républicain, foncièrement libéral et individualiste au sens noble de ces termes, aspire au contraire à mettre les talents individuels au profit de la société.
[On pourrait avoir comme autre objectif un objectif que chacun soit heureux et épanoui dans sa vie. Et malheureusement, il y a contradiction entre ces deux objectifs.]
Une société ne peut se fixer comme objectif que chacun soit « heureux » sans définir du même coup ce qu’est le bonheur. Or, toutes les sociétés qui ont essayé d’imposer une idée de bonheur commune à tous les hommes ont provoqué des catastrophes. Le bonheur, c’est une catégorie beaucoup trop subjective pour être politique, et ce qui me rendrait « heureux » n’est peut-être pas ce qui rendrait « heureux » mon voisin. Comment une société pourrait se fixer comme objectif de donner à chacun ce qui le rend « heureux » ? D’ailleurs, est ce que les individus eux-mêmes savent ce qui ferait leur « bonheur » ? Souvenez-vous de la formule de Goethe : « quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves »…
Non, tout ce qu’une société peut faire, c’est éventuellement de nous rendre libres, c’est-à-dire, de nous permettre de choisir notre profession, nos amis, nos lieux de vie. Il n’y a aucune garantie que cela nous rende heureux, et d’ailleurs beaucoup de gens aiment bien qu’on leur dise ce qu’il faut faire.
[Au final, l’objectif que vous assignez à chacun fera 99% de déçus, de ratés, puisque chacun regardera ceux qui sont passés devant lui, et ce qu’il aurait pu faire et n’a pas réussi à faire.]
Si l’on suit votre argument, la meilleure société est la société de « caste », c’est-à-dire, celle ou la position de chacun est déterminée à la naissance. N’ayant aucune possibilité de choisir, on ne risque aucune déception. Même le plus pauvre citoyen n’a de raison d’être déçu de ce qu’il « aurait pu faire » puisque ce qu’il peut faire a été décidé à sa naissance et est dans l’ordre naturel des choses.
La question fondamentale que vous posez est la suivante. Qu’est-ce qu’il vaut mieux, d’avoir des projets et des envies au risque d’être déçu par l’échec, ou de ne rien désirer auquel cas on ne sera jamais déçu ? Que vaut-il mieux, le « bonheur » de l’homme des cavernes qui ne se posait pas des questions parce que tout ce qui lui arrivait était « naturel », ou le « malheur » de l’homme moderne angoissé à l’idée de choisir entre des milliers de possibilités et d’échouer ? Personnellement, je préfère les angoisses de la liberté au « bonheur » du déterminisme…
[C’est une société de personnes aigries, qui ne s’aiment pas. En effet, cette pression que vous évoquez dans l’enfance, ne cesse pas à l’âge adulte, jusqu’à un moment où les choses sont relativement figées, et où chacun peut regarder tous ceux de sa génération et qui ont mieux réussi. Je ne suis pas certain que ce soit très bon pour l’estime de soi, pour le moral.]
Mais quelle alternative proposez-vous ? D’expliquer aux gens qui sont restés « en bas » que finalement ce n’est pas trop grave ? Que l’important est d’être « heureux et épanoui », et qu’on peut l’être autant en étant éboueur ou chômeur qu’en étant professeur, PDG ou haut fonctionnaire ? Vous voyez tout de suite quelle est la conséquence ce discours idéologique : ce n’est pas la peine de faire des efforts pour sortir de sa condition, puisque tout le monde peut être heureux en restant à sa place. A l’époque victorienne, on mettait en garde les enfants des couches populaires contre le fait « d’avoir des idées au-dessus de sa condition » : la promotion sociale étant impossible, de telles idées ne pouvaient qu’aboutir à des individus « aigris, qui ne s’aiment pas ».
Ce que j’admire dans le projet républicain français, c’est précisément d’avoir rejeté ce déterminisme social. Et dès lors que vous contestez le déterminisme social et que vous donnez à tout un chacun des moyens de s’élever – par exemple, en faisant de l’étude et du travail les voies de la promotion sociale – vous aurez nécessairement des gens qui réussiront et des gens qui échoueront. Est-ce vraiment un problème ? Faut-il interdire aux gens de changer, de peindre, d’écrire au prétexte que tout le monde n’arrivera pas au niveau d’Alagna, Da Vinci ou Victor Hugo ? J’aurais tendance à penser que non.
Le modèle « nordique » soigne l’estime de soi avec des mensonges. L’enfant n’arrive pas à lire et écrire ? Ce n’est pas grave, on peut être « heureux » sans. On ne résout pas l’échec, on le nie. Pensez-vous que l’idéal soit de vivre dans ce type de mensonge. Personnellement, je préfère un système qui invite les gens à se dépasser et leur enseigne à faire face à l’échec et à rebondir, plutôt que celui qui invite chacun à rester comme il est en lui expliquant que c’est la meilleure chose à faire.
[Dans une société de classe, qui est l’extrême inverse, où chacun fait le même métier que ses parents, et cherche à transmettre ce qu’il a hérité à son fils, il n’y a pas d’objectif individuel d’accomplissement, et il y a donc nettement moins de pression sur l’individu. Il ne reste plus qu’à chaque individu à avoir correctement de quoi vivre pour être heureux.]
Vous m’excuserez de ne pas partager votre attraction pour le système des castes, ou le mendiant est « heureux » dans la rue et le richard « heureux » dans son palais et tous deux sont « heureux » que rien ne change. Historiquement, ce ne sont pas ces sociétés-là qui ont été les plus inventives, les plus créatives, les plus progressistes.
[Il ne faut pas négliger le nombre de ceux qui, dans les campagnes, n’aspirent pas à la réussite scolaire et à l’ascenseur social, mais simplement à rester dans le village de leurs parents, et à continuer à vivre comme eux. Ils sont souvent -certes plus pauvres- mais bien moins torturés et malheureux que ceux qui cherchent à tout prix à grimper, et trouvent toujours un plafond.]
Je ne sais pas comment vous faites pour mesurer le degré de « bonheur » de ces gens-là, ou pour le comparer à celui de ceux « qui cherchent à tout prix à grimper ». S’il y a des gens qui préfèrent rester dans leur village de leurs parents et vivre comme eux – cela reste rare, je connais peu de paysans qui n’aient pas encore l’électricité ou le téléphone – ils sont parfaitement libre de le faire. Ce que je me refuse à leur dire, c’est que cette condition est fatale, qu’ils n’ont pas eu le choix. Ils ont eu le choix, ils auraient pu faire des études, ils auraient pu occuper de hautes fonctions ou gagner plus d’argent. Ils ont CHOISI de ne pas le faire, et il faut qu’ils assument ce CHOIX.
Finalement, je me rends compte que ce que vous reprochez au système scolaire méritocratique, c’est de dire aux gens qu’ils ont le choix, qu’ils ne sont pas condamnés à être ce qu’ils sont, qu’ils peuvent devenir autre chose à condition de faire l’effort…
[Son inconvénient est que chacun, s’il n’a pas réussi à être PDG d’un grand groupe, ne peut s’en prendre qu’à lui-même, ce qui fait beaucoup de déçus…]
Tout à fait. C’est l’inconvénient de la liberté : vous êtes seul responsable de vos choix. Encore une fois, vous semblez penser qu’on peut rendre plus heureux les gens en réduisant leurs choix et en les déchargeant de la responsabilité qui va avec… Au demeurant, il ne faut pas exagérer : les gens ont dans l’immense majorité des cas des ambitions atteignables. Les paysans qui voulaient voir leur enfant postier et qui rêvaient qu’il arrive à receveur des postes n’étaient pas déçus qu’il ne soit pas PDG d’un grand groupe… et la plupart voyaient leurs ambitions au moins partiellement satisfaites.
[Oui, c’est bien ça la question. Mais si on veut une société épanouie, est ce qu’il n’y a pas un juste milieu à rechercher ? Je vous avoue que j’ai du mal à croire moi-même à l’existence de ce juste milieu, et que, si je suis généralement sur une vision égalitariste (la vôtre), il m’arrive de me dire qu’une vision réactionnaire pure n’a pas totalement faux (celle de l’ancien régime, et, selon vous, des pays nordiques).]
Le modèle de la société des castes a évidemment ses avantages, notamment une extraordinaire stabilité sociale (il n’y a qu’à voir comment le système fonctionne en Inde depuis des millénaires pour s’en convaincre). Mais la question du « bonheur » ne vient rien faire là-dedans. De la frustration du jeune qui ratera son ambition, et celle du jeune qui sait que sa naissance lui interdit tout simplement de la poursuivre, je ne sais pas laquelle est la pire.
[J’ai du mal à savoir quoi en penser. Mais ce qui est certain, c’est que rien n’est pire que la situation actuelle, qui cumule les deux inconvénients : on est dans un système où, facialement, si vous échouez, c’est de votre faute. Mais en pratique, si vous habitez dans une zone déshéritée, il est impossible de réussir !]
Pour moi, le véritable problème du modèle républicain est qu’il est difficile de le maintenir dans des périodes de faible croissance. Une école qui promet la promotion sociale comme récompense de l’effort et du talent ne peut fonctionner que si cette promotion est une réalité sociale. Or, dans une société de faible croissance la promotion sociale de ceux qui sont en bas n’est possible que si ceux qui sont en haut acceptent de descendre… Or, imposer une telle contrainte revient à s’attaquer à un véritable tabou social, celui de l’héritage et notamment de l’héritage de la position sociale. Et ce n’est pas par hasard si la seule mesure qui réunit tout le monde, de droite comme de gauche, c’est le refus de l’imposition de l’héritage.
C’est pourquoi nôtre école dérive sur le fond vers le modèle nordique : la promotion sociale étant devenue très rare, il faut convaincre chacun qu’il sera « plus heureux » en restant à sa place. Mais d’un autre côté, il est difficile pour une institution comme l’école de renoncer à son histoire. D’où la crise actuelle de l’institution scolaire, qui se trouve à propager simultanément deux messages totalement contradictoires.
[Ce que j’écris là sur l’école est vrai sur bien d’autres sujets. Le mariage d’amour est quelque chose de super, et chacun est libre de choisir son conjoint. Mais vu qu’on est enjoint de se poser la question de savoir avec qui on sera heureux, rien n’empêche de se reposer la question plus tard, ce qui entraine des divorces, séparations, et donc souffrances. Dans les exemples de mariages arrangés que je connais (chez des gens bien plus âgés, je vous rassure), chacun fait en sorte de mettre du sien pour que tout se passe bien, et, avec les années, cela fait des couples épanouis et heureux…]
Ou pas. Il n’y a pas de règle là-dedans. Dans le mariage arrangé, l’amour n’intervient pas. C’est un contrat commercial entre deux familles. Alors, parce que c’est comme ça et pas autrement, les mariés sont encouragés à se résigner et à constituer une relation la plus « vivable » possible. Quelquefois, cela conduit à une forme de bonheur, je suppose. J’imagine que c’est un peu comme la maison d’un collègue : Au départ, elle lui avait été assignée par son employeur « pour obligation de service ». Il la trouvait plutôt moche et mal située, pas du tout la maison qu’il aurait aimé avoir, mais bon, puisque c’était comme ça, il y a vécu, il l’a un peu aménagé, il s’est habitué… et puis lorsqu’il est parti à la retraite il l’a achetée…
Oui, la liberté rend « malheureux ». C’est cela qui rend le projet des Lumières à la fois aussi ambitieux et aussi désespéré. C’est tellement plus simple d’avoir un roi ou un dieu pour nous dire ce que nous devons faire, qui nous devons épouser…
En Allemagne, l’éducation est au mains des Länder. Il y a donc 16 systèmes d’enseignement différents, avec des niveaux très différents aussi. De plus, les proviseurs ont beaucoup plus d’autonomie, il y a donc des différences importantes entre établissements même au sein d’une même ville. En tout cas pour le secondaire. En revanche il est plus difficile d’évaluer le niveau puisqu’il n’y a pas de bac central et que le contrôle continu joue beaucoup… Résultat, difficile de confronter les élèves des différents établissements!
Sinon il y a une carte scolaire très stricte pour le primaire, mais rien pour le secondaire car les écoles ne proposent pas forcément les mêmes cours.
Le système à 3 niveaux est accessoirement une catastrophe, car dans la plupart des Länder, on met un tiers des gamins sur une voie de garage à l’âge de 10 ans… Exception de la Bavière et du Bade-Wurtemberg. Le collège unique est un des gros points forts du système français.
(Je suis Allemande et j’ai été scolarisée dans les deux systèmes, de même que mes frères et soeurs dont certains sont encore à l’école.)
@ Fleur
[(Je suis Allemande et j’ai été scolarisée dans les deux systèmes, de même que mes frères et soeurs dont certains sont encore à l’école.)]
Merci, c’est toujours intéressant d’avoir l’avis de ceux qui ont fait leur parcours dans le système allemand. Je croyais que l’Abitur était un examen national, mais je comprends à ce que vous dites que ce n’est pas le cas. Comment cette différence est gérée ? Tous les “Abitur” se valent à l’heure de rentrer à l’université?
@ Vincent,
“Habituellement, la hiérarchie évalue les subordonnés. Dans l’EN, c’est l’inspection qui fait les évaluations et donne les notes.”
Pardon pardon, les enseignants ont deux notes: une note pédagogique donnée par l’inspection, et une note administrative donnée par le chef d’établissement. Il serait bon quand même de ne pas diffuser des contre-vérités.
“En France, il n’y a pas de liberté de choix des établissements”
Vous rigolez j’espère? Et l’assouplissement de la carte scolaire? Et la possibilité d’aller dans le privé? Et je ne vous parle pas de la création opportune de classes bilangue ou de classes CHAM (Classe à Horaire Aménagée de Musique) pour éviter le bahut mal coté de la ZUP…
“Au point que des profs négocient à l’avance des avantages à leurs élèves en échange de la promesse qu’ils se tiendront bien pendant l’inspection…”
Personnellement, je n’ai jamais rien “négocié” avec les élèves à la veille d’une inspection. D’où tenez-vous cette information? De combien d’exemples avez-vous eu personnellement connaissance? Pour ma part, je préviens les élèves de la venue de l’inspecteur, je les invite à adopter un comportement qui fasse honneur à l’établissement. Pardon de vous le dire, mais vous méconnaissez la psychologie des adolescents: la venue de l’inspecteur les impressionne et, en général, ils font un effort sans qu’il y ait besoin de “négocier” quoi que ce soit (j’aimerais d’ailleurs que vous me disiez ce qu’on peut négocier… vous croyez qu’un emmerdeur braqué contre l’école se laisse acheter avec une bonne note ou un paquet de bonbons?). Parce que certes il y a le professeur à évaluer, mais il y a aussi l’image renvoyée par la classe et beaucoup d’élèves y sont bien plus sensibles que vous le pensez.
Pardon de vous poser la question mais êtes-vous enseignant vous-mêmes? Et si ce n’est pas le cas, de quel échantillon représentatif tirez-vous cette liste de poncifs un rien désobligeants?
@nationaliste-ethniciste
Je suis d’une famille d’enseignants, mais je n’ai jamais pratiqué (ou sinon une semaine de soutien scolaire en ZEP pendant les vacances, mais j’ai bien conscience que ça n’a rien de représentatif). Et mes informations datent effectivement, d’au moins 15 ans. Peut être que des choses ont changé.
> une note pédagogique donnée par l’inspection, et une note
> administrative donnée par le chef d’établissement. Il serait bon
> quand même de ne pas diffuser des contre-vérités.
Est ce que c’est récent ? Parceque je n’en ai jamais entendu parler ?
> Vous rigolez j’espère? Et l’assouplissement de la carte scolaire?
> Et la possibilité d’aller dans le privé? Et je ne vous parle pas de la
> création opportune de classes bilangue ou de classes CHAM
Là encore, mes information datent un peu. J’en étais resté à la carte scolaire pure et dure. Et le passage dans le privé, s’il se fait très facilement en Bretagne ou pays de loire, est beaucoup plus difficile dans d’autres régions par manque d’écoles privées.
> Personnellement, je n’ai jamais rien “négocié” avec les élèves à
> la veille d’une inspection. D’où tenez-vous cette information?
Des témoignages de profs, qui médisaient sur des collègues… C’était peut être caricaturé. Mais je point que je voulais dire, c’est que ce que voyait les inspecteurs en faisant des inspections n’était pas totalement représentatif de la réalité. Je crois que la suite de votre réponse me donne raison.
En l’occurrence, de mémoire, il s’agissait de négocier des sorties scolaires.
> Et si ce n’est pas le cas, de quel échantillon représentatif
> tirez-vous cette liste de poncifs un rien désobligeants?
de témoignages d’amis et de membres de ma famille. Tous (ou plutôt toutes) engagées à 200% dans leur travail. Et dans mon esprit, cela n’a rien de désobligeant pour les profs. Mais plutôt pour les inspecteurs.
En vous répondant, je me rends compte que j’écris sur la base uniquement de témoignages de prof, mais que je ne connais aucun inspecteur ; c’est peut être pour cela que je suis aussi dur avec eux ?
Ceci dit, sans être dur avec les profs, je suis très critique de la liberté pédagogique, qui doit pour moi être très cadrée.
De même d’ailleurs que je suis critique de la liberté de prescription des médecins, sans pour autant avoir de dent contre le médecins (j’ai d’ailleurs beaucoup plus de famille et de proches médecins que profs).
@ Vincent,
“Est ce que c’est récent ?”
Non, ce n’est pas récent. Il y a dix ans, quand j’ai commencé dans le métier, c’était comme ça depuis un bon bout de temps (mon père était également enseignant)… Mais je vous accorde que c’est en train de changer.
“J’en étais resté à la carte scolaire pure et dure.”
Elle a été assouplie. Beaucoup trop assouplie.
“Et le passage dans le privé, s’il se fait très facilement en Bretagne ou pays de loire, est beaucoup plus difficile dans d’autres régions par manque d’écoles privées.”
Le passage dans le privé est difficile dans les zones rurales. Dans n’importe quelle ville au moins de la taille d’une sous-préfecture, le passage dans le privé est plutôt facile. J’habite un département qui est loin d’être “cul-béni”. Croyez-moi, ceux qui le veulent (et le peuvent) mettent leurs gamins dans le privé sans grande difficulté.
“En l’occurrence, de mémoire, il s’agissait de négocier des sorties scolaires.”
Une sortie scolaire doit être votée au Conseil d’Administration, faire l’objet d’un financement et préciser les objectifs pédagogiques. Je serais curieux de savoir quel type de sortie “négociée” avec les élèves entre dans ce cadre.
“Des témoignages de profs, qui médisaient sur des collègues…”
Il y a beaucoup de médisance et peu d’esprit de corps chez les enseignants. Mais la médisance et la vérité ne font pas bon ménage…
“Mais je point que je voulais dire, c’est que ce que voyait les inspecteurs en faisant des inspections n’était pas totalement représentatif de la réalité.”
Je suis d’accord. En même temps, l’inspection est une forme de rite: l’enseignant essaie de se montrer sous son meilleur jour. N’y a-t-il que les enseignants qui font cela? Je me permets d’en douter. Personnellement, en inspection, je n’ai jamais proposé “le cours du siècle”, car il faut être cohérent avec ce qu’on fait d’habitude sinon on risque de déboussoler les élèves. En revanche, je fais un effort de mise en forme pour l’inspecteur, pour lui montrer où je veux en venir, mise en forme qu’habituellement je garde “dans ma tête” si je puis dire. Je suis également un peu plus attentif au temps, en essayant de terminer la séance dans l’heure (ce qui le reste du temps n’est pas toujours possible). Maintenant, je ne pense pas avoir été malhonnête avec un inspecteur en essayant de lui faire croire que je travaille d’une manière fondamentalement différente de ce que je fais au quotidien.
“je suis très critique de la liberté pédagogique, qui doit pour moi être très cadrée.”
La liberté pédagogique est cadrée. La liberté pédagogique, ce n’est pas faire ce qu’on a envie. Nous ne décidons pas des contenus. La liberté pédagogique, c’est le choix de la méthode pour faire acquérir des connaissances et des savoir-faire (il faut dire “compétences” maintenant) aux élèves, et c’est tout. Ce n’est pas la liberté de faire la promotion de ses opinions politiques. Après il faut se demander si le cadre est respecté par l’ensemble des professeurs…
@ nationaliste-ethniciste
[« Mais je point que je voulais dire, c’est que ce que voyait les inspecteurs en faisant des inspections n’était pas totalement représentatif de la réalité. » Je suis d’accord. En même temps, l’inspection est une forme de rite: l’enseignant essaie de se montrer sous son meilleur jour.]
Certes. Mais comme dans tout rituel, ni l’inspecté ni l’inspecteur ne sont dupes. Tous deux sont des professionnels et savent comment le système fonctionne. Franchement, je doute que beaucoup d’inspecteurs s’imaginent que le cours se déroule tous les jours comme le jour de l’inspection. Ils savent parfaitement que c’est un cours « exceptionnel », et ils appliquent les coefficients correcteurs d’usage.
J’ajoute qu’il n’y a pas que chez les enseignants qu’on a des inspections. J’ai passé une partie de ma vie professionnelle sur des installations industrielles, et j’ai eu droit à toutes sortes d’inspections : inspection des installations classées, inspections de la sûreté nucléaire, contrôles de l’inspection du travail… et bien sur, avant la venue de l’inspecteur on fait nettoyer les couloirs, enlever les outillages qui encombrent le passage, refaire les affichages de sécurité. Vous croyez-vraiment que les inspecteurs ne le savent pas ?
[Maintenant, je ne pense pas avoir été malhonnête avec un inspecteur en essayant de lui faire croire que je travaille d’une manière fondamentalement différente de ce que je fais au quotidien.]
Le voudriez-vous, je ne pense pas que vous y arriveriez. L’inspecteur n’est pas idiot, et il connaît le métier. Et il faut vraiment une capacité de simulation exceptionnelle pour créer une illusion cohérente qui ne correspond pas à la réalité.
[Ce n’est pas la liberté de faire la promotion de ses opinions politiques. Après il faut se demander si le cadre est respecté par l’ensemble des professeurs…]
Je crains qu’il ne le soit pas vraiment. Et cela tient moins à une volonté des enseignants de mal faire, qu’à leur paresse intellectuelle. Parmi les enseignants que je croise, seule une minorité se pose vraiment la question de savoir si telle ou telle affirmation est une connaissance ou une simple opinion. Pour beaucoup, certaines opinions tiennent de l’évidence, presque de la loi de la nature. En enseignant que la construction européenne est un succès ou que le racisme c’est mal ils sont persuadés d’enseigner une vérité, et non d’exprimer une opinion politique. On l’a bien vu avec le « je suis Charlie » : beaucoup d’enseignants se sont trouvés en difficulté parce qu’ils ont quitté le plan des faits (« la condamnation d’un acte criminel ») pour entrer dans un débat d’opinions en s’identifiant avec celles exprimées par Charlie Hebdo. On retrouve la même question par rapport à la laïcité. La laïcité implique le cantonnement du religieux dans la sphère privée, ce qui du même coup interdit à l’Etat – et donc à l’enseignant – d’exprimer la moindre opinion sur la question religieuse elle-même.
@ Descartes,
“Vous croyez-vraiment que les inspecteurs ne le savent pas ?”
Non, je crois que les inspecteurs sont parfaitement conscients de la chose. Je ne vois pas ce qui dans mes propos vous a laissé supposer que je pensais que les inspecteurs pouvaient être dupes de ce qu’ils voyaient le jour d’une inspection… Il ne faut pas prendre les inspecteurs pour des imbéciles.
“Je crains qu’il ne le soit pas vraiment.”
C’est évidemment ce que signifiait ma remarque. De vous à moi, je pense que le principal problème est là: je connais beaucoup de collègues qui sont tout à fait compétents pour enseigner, qui essaient réellement de faire progresser leurs élèves, mais dont l’enseignement est “pollué” par un discours militant écolo, féministe, antiraciste. Je me souviens d’une collègue qui avait obligé un élève à changer sa rédaction parce que dans sa copie, l’héroïne était obligée de se marier à un homme qu’elle n’aimait pas, et cela ne cadrait pas avec les idées de ladite collègue!
La question qui se pose est: comment lutter contre cela? Evidemment, les enseignants ne tiennent pas ce type de propos lorsque l’inspecteur est là. Alors? Faut-il filmer les cours? Faut-il inciter les élèves et leurs parents à pratiquer la délation? La hiérarchie rappelle parfois le devoir de neutralité… avant d’expliquer cinq minutes après qu’elle s’opposera à toute interpellation et expulsion d’élève “sans-papier”! Et j’ai vu, de mes yeux vu, ce que je vous rapporte là, dans l’établissement où je travaille actuellement. J’étais assez désemparé devant l’étalage d’une telle contradiction. Comme vous le dites, ces gens sont globalement de bonne foi et croient bien faire. Mais, en toute bonne foi, ils peuvent violer un jour le principe qu’ils ont énoncé la veille (ou 5 mn avant!) et cela n’est pas seulement grave, c’est très dangereux.
Il faudrait revoir la formation initiale et prévoir un gros bloc sur “devoirs et obligations du fonctionnaire” avec éventuellement des interventions de fonctionnaires d’autres corps (police, magistrature, agents de préfecture…). L’IUFM ne nous a pas donné cette formation, et c’est bien dommage. Pendant mon année de stage, nous n’avons vu qu’un gendarme venu nous parler des drogues. Je me demande même si un court stage d’observation dans un commissariat, une préfecture, un tribunal ne serait pas aussi utile que le stage en entreprise auquel nous avions eu droit (et que je ne regrette pas: j’ai visité une usine pour la seule et unique fois de ma vie…). Voilà, les idées me viennent un peu au fur et à mesure.
Qu’en pensez-vous?
@ nationaliste-ethniciste
[« Vous croyez-vraiment que les inspecteurs ne le savent pas ? » Non, je crois que les inspecteurs sont parfaitement conscients de la chose. Je ne vois pas ce qui dans mes propos vous a laissé supposer que je pensais que les inspecteurs pouvaient être dupes de ce qu’ils voyaient le jour d’une inspection…]
C’était une question réthorique. Nous sommes d’accord sur ce point.
[De vous à moi, je pense que le principal problème est là: je connais beaucoup de collègues qui sont tout à fait compétents pour enseigner, qui essaient réellement de faire progresser leurs élèves, mais dont l’enseignement est “pollué” par un discours militant écolo, féministe, antiraciste. Je me souviens d’une collègue qui avait obligé un élève à changer sa rédaction parce que dans sa copie, l’héroïne était obligée de se marier à un homme qu’elle n’aimait pas, et cela ne cadrait pas avec les idées de ladite collègue!]
Le plus embêtant n’est pas tant cette pollution idéologique, mais le fait qu’elle est assumée comme naturelle, au point de rendre inopérante la distinction entre connaissance et idéologie, entre fait et opinion. C’est d’autant plus embêtant que nous vivons dans une société qui a tourné le dos à la tradition cartésienne et qui tend à « naturaliser » les opinions. Si l’école n’enseigne pas le doute systématique, qui le fera ? Et comment le faire si les enseignants eux-mêmes ne l’appliquent pas dans leur propre travail ?
[La question qui se pose est: comment lutter contre cela? Evidemment, les enseignants ne tiennent pas ce type de propos lorsque l’inspecteur est là. Alors? Faut-il filmer les cours?]
Je ne suis pas persuadé que les enseignants déguisent tant que ça leur pensée. Mon expérience – évidemment beaucoup moins fournie que la votre – et qu’un certain nombre d’idées deviennent tellement « naturelles » que les enseignants non seulement ne les déguisent pas, mais sont eux-mêmes étonnés lorsqu’elles sont mal reçues par leurs élèves ou leurs inspecteurs. L’affaire « Charlie » me paraît assez significative à ce sujet.
La difficulté est je crois à la fois idéologique et psychologique. Le « doute systématique » est très déstabilisant lorsqu’on le pratique en dehors d’une institution qui vous dit ce qu’il faut ou ce qu’il ne faut pas penser. Car dans une telle institution, on peut se conformer où se rebeller, tout en sachant que l’institution est derrière vous. La « liberté » que les enseignants revendiquent par rapport à leur institution est en fait très lourde à porter si l’on n’a pas des certitudes…
[La hiérarchie rappelle parfois le devoir de neutralité… avant d’expliquer cinq minutes après qu’elle s’opposera à toute interpellation et expulsion d’élève “sans-papier”!]
Le rappel à la « neutralité » n’est opérant que si l’enseignant a conscience que ce qu’il tient pour vrai peut être une « opinion », et non un « fait ». Pour moi, c’est là le véritable problème : pour beaucoup d’enseignants, le crédo féministe/diversitaire est une « vérité » au même rang que la rotondité de la terre. Et est-ce qu’on manque à son devoir de neutralité en enseignant que la terre est ronde ?
[Et j’ai vu, de mes yeux vu, ce que je vous rapporte là, dans l’établissement où je travaille actuellement. J’étais assez désemparé devant l’étalage d’une telle contradiction. Comme vous le dites, ces gens sont globalement de bonne foi et croient bien faire. Mais, en toute bonne foi, ils peuvent violer un jour le principe qu’ils ont énoncé la veille (ou 5 mn avant!) et cela n’est pas seulement grave, c’est très dangereux.]
Je pense qu’ils le violent tout simplement parce qu’ils ne le comprennent pas. Pour comprendre le principe de neutralité, il faut d’abord comprendre que dans le monde il y a des « opinions » et qu’il y a des « connaissances ». Les premières sont subjectives : chacun peut choisir les siennes arbitrairement, et aucune n’est plus légitime qu’une autre. Les secondes sont objectives : elles sont toujours soumises à falsification par la réalité, et tant qu’elles n’ont pas été falsifiées bénéficient d’une présomption de vérité qui est universelle.
Que dit le principe de neutralité ? Que l’école ne doit pas se mêler des questions d’opinion. L’école est là pour transmettre des méthodes et des connaissances. C’est à la fois très simple et très compliqué.
[Il faudrait revoir la formation initiale et prévoir un gros bloc sur “devoirs et obligations du fonctionnaire” avec éventuellement des interventions de fonctionnaires d’autres corps (police, magistrature, agents de préfecture…).]
Oui. Mais aussi une formation sur la différence entre une connaissance, un savoir, et une opinion. Pour moi, c’est là que se trouve le nœud de l’affaire.
[L’IUFM ne nous a pas donné cette formation, et c’est bien dommage. Pendant mon année de stage, nous n’avons vu qu’un gendarme venu nous parler des drogues. Je me demande même si un court stage d’observation dans un commissariat, une préfecture, un tribunal ne serait pas aussi utile que le stage en entreprise auquel nous avions eu droit (et que je ne regrette pas: j’ai visité une usine pour la seule et unique fois de ma vie…).]
Tout ce qui contribue à intégrer l’enseignant dans l’ensemble global que constituent les services publics ne pourrait être que positif, et un tel stage en insistant sur le fait que l’enseignement est un instrument de politique publique au même titre que la justice, la police ou l’administration aurait je pense des effets salutaires… après, il y a un véritable problème d’organisation, vu la masse d’enseignants recrutés chaque année.
Je me demande si une meilleure solution ne serait d’imposer aux enseignants une obligation de travailler quelques heures par semaine dans un service public autre que l’enseignement (dans le greffe d’un tribunal, dans un commissariat de police, dans une mairie…), un peu comme les instituteurs faisaient office de secrétaire de mairie dans la France rurale.
@ Descartes,
“Leurs proviseurs et principaux seraient probablement plus prompts à les « soutenir » si en retour les enseignants étaient disposés à leur reconnaître une plus large autorité sur les enseignements.”
Il y a tout de même des chefs d’établissement qui soutiennent les enseignants, et ces derniers savent leur en être reconnaissants. Cela étant, un des gros problèmes de notre institution est le suivant: les parents. On a donné un trop grand pouvoir aux parents dans l’école (et les pires parents sont souvent… des profs!). Non seulement les chefs d’établissement, mais l’institution dans son ensemble, a la détestable tendance de “se coucher” devant les parents, dès lors qu’ils sont procéduriers et prêts à faire des vagues, justement.
Après, je ne sais pas ce que vous entendez précisément par “une plus large autorité sur les enseignements”. S’agit-il d’imposer telle ou telle méthodologie? Telle ou telle forme d’évaluation? Libre à vous de penser que ce serait un bien, mais dites-vous bien ceci: à l’heure actuelle, les chefs d’établissement font pression soit pour obtenir une “notation bienveillante” soit pour passer au tout-compétence et supprimer les notes, le summum de la démagogie selon moi.
Je me permettrais deux autres remarques:
– un certain nombre de chefs d’établissement n’ont jamais été enseignants, on compte par exemple pas mal d’anciens CPE (Conseiller Principal d’Education) dans les rangs des principaux et proviseurs.
– parmi ceux qui ont enseigné, un nombre non-négligeable de chefs d’établissement sont d’anciens “profs à problème”, autrement dit des gens qui ne savaient guère tenir leurs classes et qui, par conséquent, rencontraient des difficultés à enseigner…
@ nationaliste-ethniciste
[Il y a tout de même des chefs d’établissement qui soutiennent les enseignants, et ces derniers savent leur en être reconnaissants. Cela étant, un des gros problèmes de notre institution est le suivant: les parents. On a donné un trop grand pouvoir aux parents dans l’école (et les pires parents sont souvent… des profs!).]
Je suis tout à fait d’accord. L’école est une institution que la société entretien pour transmettre ce que la société juge digne d’être transmis. Elle n’est pas censée satisfaire les caprices des élèves, ni ceux des parents. Je pense qu’on rejoint ici l’échange que nous avions sur la confiance. Pour que l’école puisse remplir son rôle, il faut que le parent confie – le mot dit tout – l’enfant à ses maîtres. Le problème est qu’on essaye de rendre ce rapport de confiance personnel, alors qu’il ne peut être qu’institutionnel. Comme parent, je n’ai aucune raison de faire confiance personnellement à un enseignant que je ne connais pas d’Eve ni d’Adam. Je peux par contre faire confiance à l’institution scolaire, que je connais, pour sélectionner les enseignants, pour les former, pour leur donner des directives, pour les contrôler et pour les sanctionner s’il ne fait pas correctement son travail.
La personnalisation des rapports fait nécessairement rentrer les parents à l’école là où la logique institutionnelle les maintenait à la porte de l’établissement. Dès lors que la relation est personnelle, c’est le parent qui est érigé en contrôleur de l’enseignant, qui est censé lui donner des directives.
[Après, je ne sais pas ce que vous entendez précisément par “une plus large autorité sur les enseignements”. S’agit-il d’imposer telle ou telle méthodologie? Telle ou telle forme d’évaluation? Libre à vous de penser que ce serait un bien, mais dites-vous bien ceci: à l’heure actuelle, les chefs d’établissement font pression soit pour obtenir une “notation bienveillante” soit pour passer au tout-compétence et supprimer les notes, le summum de la démagogie selon moi.]
Je pense – mais je n’ai bien entendu pas votre expérience – qu’il serait bon que les chefs d’établissement ne soient pas des pures autorités administratives, mais deviennent des sortes de « pédagogues en chef ». Cela passe par une plus grande autorité sur les enseignants en matière de choix pédagogiques, mais aussi – et je pense que cela répond à votre inquiétude – par un changement de leur statut et de leur recrutement. Il faudrait que censeurs et proviseurs soient eux-mêmes des enseignants, intéressés par les questions pédagogiques. Il serait d’ailleurs intéressant qu’ils gardent, à côté de leurs responsabilités de direction, un minimum d’heures d’enseignement. Alternativement, on pourrait garder au proviseur ou principal son caractère administratif et lui adjoindre un “directeur pédagogique”.
@ Descartes,
“Cela passe par une plus grande autorité sur les enseignants en matière de choix pédagogiques, mais aussi – et je pense que cela répond à votre inquiétude – par un changement de leur statut et de leur recrutement.”
Pourquoi pas? Je ne suis pas hostile pour ma part à une relative “harmonisation des pratiques” sous la férule du supérieur hiérarchique. Il me paraît tout de même dommageable de supprimer toute liberté pédagogique. Je rappelle qu’au-delà de l’intitulé des programmes, il existe des “accompagnements” qui généralement (quand ils sont bien faits) donnent des conseils pédagogiques. Contrairement à une idée reçue, beaucoup d’enseignants ne sont nullement réfractaires à ces conseils. Souvent, devant l’intitulé du programme, nous sommes un peu désemparés et nous nous demandons: “mais que faut-il faire précisément, et comment? Dois-je parler de telle ou telle chose ou bien dois-je la laisser de côté?”
Après, sur la méthode, chacun fait aussi en fonction de sa personnalité et de son expérience (et l’époque à laquelle nous avons été formés pèse lourd: un enseignant formé au début des années 80 n’a pas reçu la même formation qu’un enseignant comme moi formé au milieu des années 2000). Un type d’activité marche parfois avec une classe et échoue avec une autre. J’aurais tendance à vous dire qu’il faut d’abord se demander si les objectifs sont atteints. Et encore, là aussi, ça pose problème. Je me souviens d’un chef d’établissement tatillon qui obligeait les enseignants à se justifier en conseil de classe lorsque la moyenne de classe était mauvaise. Et la réponse du collègue, invariablement, était la suivante: “il y a le cours à apprendre et les élèves ne l’apprennent pas. Il est difficile dans ces conditions d’espérer réussir…”, réponse qui ne satisfaisait qu’à moitié le principal.
Enfin vous devez tenir compte de la diversité des disciplines: on n’enseigne pas l’Education musicale comme on enseigne l’Histoire-Géographie, ni la SVT comme l’EPS. Demander à une seule personne, en plus de ses attributions administratives, d’avoir une bonne connaissance des méthodes dans toutes les disciplines, cela me paraît difficile.
La liberté pédagogique peut bien sûr avoir des effets pervers, je suis d’accord, mais n’oubliez pas qu’elle permet aussi une certaine résistance face à la démagogie ambiante, “l’élève au centre des apprentissages”, “l’autoconstruction des savoirs” et la liste d’âneries de cet acabit est longue, croyez-moi. Avant de la limiter, il faudrait être sûr que l’institution repart dans la bonne direction…
A mon sens, la méthode la plus simple reste la multiplication des inspections. Lors d’une inspection, l’IA-IPR observe le cours, bien sûr, mais il regarde également les cahiers des élèves, il se fait fournir les évaluations, il peut se faire une idée de la façon dont l’enseignant remplit (ou pas) ses obligations. Au début de ma carrière, normalement une inspection devait survenir à peu près tous les trois ans. Pour beaucoup de collègues, ce n’était déjà pas le cas. Avec la réforme du parcours professionnel, il n’y aura plus guère que deux ou trois inspections dans TOUTE la carrière. D’ailleurs, ce n’est plus vraiment une inspection mais un “entretien de carrière”. Le passage des échelons à l’ancienneté devient la règle et supprime l’avancement un peu plus rapide au mérite (avant on avait “grand choix”, “choix” et “ancienneté”; les premières années, j’ai progressé au “grand choix” suite à un bon classement au concours et à de bons rapports d’inspection, c’est fini maintenant). Et ça, Blanquer ne le remet pas en question.
@ nationaliste-ethniciste
[Pourquoi pas? Je ne suis pas hostile pour ma part à une relative “harmonisation des pratiques” sous la férule du supérieur hiérarchique. Il me paraît tout de même dommageable de supprimer toute liberté pédagogique.]
Je suis d’accord. Donner au proviseur/principal une « plus grande autorité » n’implique pas transformer les enseignants en simples exécutants. C’est d’ailleurs le cas pour beaucoup de fonctionnaires de catégorie A : ils reçoivent de leur hiérarchie les objectifs à atteindre et des directives générales, mais ils gardent une large liberté dans les choix méthodologiques. C’est le gage d’une bonne adaptation aux réalités d’un terrain qui est divers, dont une directive générale ne peut par essence tenir compte.
[J’aurais tendance à vous dire qu’il faut d’abord se demander si les objectifs sont atteints. Et encore, là aussi, ça pose problème. Je me souviens d’un chef d’établissement tatillon qui obligeait les enseignants à se justifier en conseil de classe lorsque la moyenne de classe était mauvaise.]
Le problème est qu’on ne peut juger l’activité d’un agent simplement en se demandant si les objectifs ont été atteints sans se poser au préalable la question de savoir si l’objectif était raisonnablement atteignable. Or, il est difficile à priori de savoir quels sont les objectifs atteignables dans telle ou telle classe.
[Enfin vous devez tenir compte de la diversité des disciplines: on n’enseigne pas l’Education musicale comme on enseigne l’Histoire-Géographie, ni la SVT comme l’EPS. Demander à une seule personne, en plus de ses attributions administratives, d’avoir une bonne connaissance des méthodes dans toutes les disciplines, cela me paraît difficile.]
Les disciplines ont beau être diverses, l’élève est unique. Je n’ai pas votre expérience, mais j’ai assez d’enseignants dans ma famille pour savoir qu’il y a des méthodes qui marchent parce qu’elles sont fondées sur des théories ou des travaux sérieux, et des méthodes qui ne marchent pas, généralement parce qu’elles s’appuient sur des visions idéologiques qui plaquent sur le réel les désirs de l’enseignant. Et quand une méthode marche, elle peut être adaptée raisonnablement à n’importe quelle discipline, même si cette adaptation est en soi un travail de didacticien. Je ne demande pas à un proviseur/principal de connaître les spécificités de la didactique de chaque discipline, mais au moins de comprendre – et de s’intéresser – à la didactique en général.
[La liberté pédagogique peut bien sûr avoir des effets pervers, je suis d’accord, mais n’oubliez pas qu’elle permet aussi une certaine résistance face à la démagogie ambiante, “l’élève au centre des apprentissages”, “l’autoconstruction des savoirs” et la liste d’âneries de cet acabit est longue, croyez-moi. Avant de la limiter, il faudrait être sûr que l’institution repart dans la bonne direction…]
Vrai… mais malheureusement je crains que la « résistance » dont vous parlez soit moins forte lorsqu’il s’agit de rejeter les pédagogies postmodernes qu’elle ne le serait à une vraie refondation d’une école républicaine…
[A mon sens, la méthode la plus simple reste la multiplication des inspections. Lors d’une inspection, l’IA-IPR observe le cours, bien sûr, mais il regarde également les cahiers des élèves, il se fait fournir les évaluations, il peut se faire une idée de la façon dont l’enseignant remplit (ou pas) ses obligations.]
Je suis d’accord jusqu’à un certain point : l’avantage du contrôle et du soutien de l’inspecteur par rapport au proviseur/directeur est que l’inspecteur est généralement un ancien professeur qui connaît la didactique de la matière. En même temps, comme les inspections se font « en tuyau de poêle », elles ne favorisent pas l’unité méthodologique entre les différentes matières.
[Au début de ma carrière, normalement une inspection devait survenir à peu près tous les trois ans. Pour beaucoup de collègues, ce n’était déjà pas le cas. Avec la réforme du parcours professionnel, il n’y aura plus guère que deux ou trois inspections dans TOUTE la carrière.]
Ca retire au dispositif une grand part de son intérêt. L’idéal serait une inspection annuelle en début de carrière, puis des inspections espacées au fur et à mesure que la carrière avance.
Il me semble que la liberté pédagogique entendue comme une mise en œuvre dans le cadre des programmes et directives nationales est nécessaire. Après tout, l’enseignement aussi est un art.
Le problème c’est qu’on entend tout et n’importe quoi à ce sujet. Ne faudrait-il pas que cette notion soit nettement précisée et enseignée comme telle dans les centres de formation pour être (à bon escient) y compris opposable ?
Par ailleurs, une amie instit m’avait confié qu’une circulaire de 83 si mes souvenirs sont exacts permet à l’enseignant de refuser l’inspection ce qui en ferait un cas à part et exorbitant parmi les fonctionnaires mais si NE nous dit qu’elle n’aura lieu de 2 ou 3 fois dans une carrière…
@ morel
[Il me semble que la liberté pédagogique entendue comme une mise en œuvre dans le cadre des programmes et directives nationales est nécessaire. Après tout, l’enseignement aussi est un art.]
Je ne crois pas que la liberté méthodologique doive être limitée aux arts… en fait, la liberté méthodologique est accordée en plus ou moindre mesure à tous les fonctionnaires. Un fonctionnaire reçoit de son supérieur hiérarchique les objectifs à atteindre et des lignes directrices générales sur les moyens à employer. Mais il est rare que ces lignes directrices imposent une méthode de A à Z. Et plus un fonctionnaire agit dans un contexte changeant et diversifiée, plus cette liberté doit par force être importante puisqu’il faut adapter les méthodes à cette complexité, ce qu’une règle posée a priori ne peut pas faire. L’enseignant ou le médecin (mais aussi le policier ou l’assistante sociale) qui travaillent au plus près des êtres humains, ne peuvent suivre rigidement un protocole comme pourrait le faire un inspecteur des installations classées ou un gestionnaire budgétaire.
[Le problème c’est qu’on entend tout et n’importe quoi à ce sujet. Ne faudrait-il pas que cette notion soit nettement précisée et enseignée comme telle dans les centres de formation pour être (à bon escient) y compris opposable ?]
Ca veut dire quoi « opposable » dans ce contexte ? Qui serait fondé de l’invoquer devant un juge ?
[Par ailleurs, une amie instit m’avait confié qu’une circulaire de 83 si mes souvenirs sont exacts permet à l’enseignant de refuser l’inspection ce qui en ferait un cas à part et exorbitant parmi les fonctionnaires]
Il faudrait savoir exactement ce que dit la circulaire. Les inspections sont en général entourées de garanties qui permettent de contester une inspection si celle-ci s’avérait biaisée. Mais je n’imagine pas qu’un fonctionnaire puisse sans autre forme de procès « refuser une inspection ».
« en fait, la liberté méthodologique est accordée en plus ou moindre mesure à tous les fonctionnaires. »
Ne pourrait-on pas dire que plus la tâche est complexe, moins elle est évidente, plus elle nécessite la mise en œuvre d’un « art » laquelle réclame une autonomie de choix ?
Il n’y a pas cent mille façons d’exercer un métier simple.
La fonction publique est divisée en catégories ABC (et D aujourd’hui disparue) correspondant respectivement à ; conception/direction ; intermédiaire et exécution parlantes en elles-mêmes.
« Ca veut dire quoi « opposable » dans ce contexte ? Qui serait fondé de l’invoquer devant un juge ? »
En fait, je songeais plutôt aux abus ( il me vient à l’esprit un prof de français fan de cinéma qui emmenait régulièrement sous prétexte de pédagogie les classes dont il avait la charge à sa salle classée « arts et essais » favorite – ai-je tort de penser qu’il serait préférable qu’ils se consacrent à des travaux plus « traditionnels ?).
Bien circonscrire le champs donc marquer des limites opposables à tous.
« Il faudrait savoir exactement ce que dit la circulaire. »
En fait, je n’ai pu la retrouver sur Légifrance.
Une cherche net donne :
– https://www.sudeducation.org/L-inspection-on-peut-dire-non.html
– http://75.snuipp.fr/?Le-refus-d-inspection
ce qui tend à prouver sa réalité (le 2è site donne des dates précises) donc bien régime dérogatoire exorbitant.
@ morel
[« en fait, la liberté méthodologique est accordée en plus ou moindre mesure à tous les fonctionnaires. » Ne pourrait-on pas dire que plus la tâche est complexe, moins elle est évidente, plus elle nécessite la mise en œuvre d’un « art » laquelle réclame une autonomie de choix ?]
Je ne crois pas. Le problème n’est pas tant la « complexité » de la tâche mais la variabilité du contexte. Une tâche, aussi complexe soit-elle, qui se déroule toujours dans les mêmes conditions, avec les mêmes objets, peut être détaillée dans une procédure que l’agent n’a plus qu’à suivre. Mais lorsqu’il s’agit de réguler une tâche qui se déroule dans des conditions qui changent en permanence, avec des objets qui sont tous différents, ce n’est pas aussi simple d’édicter un protocole qui couvre tous les cas. Un professeur ou un médecin ont à travailler avec des élèves ou des patients qui sont tous différents, qui présentent des problèmes différents d’un moment à l’autre. Dans ces conditions, difficile de prescrire des méthodes au-delà de lignes directrices plus ou moins générales.
[« Ca veut dire quoi « opposable » dans ce contexte ? Qui serait fondé de l’invoquer devant un juge ? » En fait, je songeais plutôt aux abus ( il me vient à l’esprit un prof de français fan de cinéma qui emmenait régulièrement sous prétexte de pédagogie les classes dont il avait la charge à sa salle classée « arts et essais » favorite – ai-je tort de penser qu’il serait préférable qu’ils se consacrent à des travaux plus « traditionnels ?).]
Pour prendre en charge ce genre d’abus la hiérarchie a tous les instruments nécessaires.
[« Il faudrait savoir exactement ce que dit la circulaire. » En fait, je n’ai pu la retrouver sur Légifrance.]
A partir de la date, je l’ai retrouvée : http://75.snuipp.fr/IMG/pdf/bo_inspection-1.pdf
Contrairement à ce que les sites syndicaux que vous citez semblent indiquer, la circulaire en question n’indique nulle part que les enseignants pourraient valablement refuser une inspection. Au contraire, elle réaffirme que « les enseignants, comme les autres fonctionnaires, doivent faire l’objet d’un contrôle de leurs activités. Compte tenu de leurs missions, ce contrôle ne saurait se limiter aux aspects administratifs pris en compte, le cas échéant, par la notation proposée par le chef d’établissement à l’autorité compétente ; il doit permettre d’évaluer leurs activités pédagogiques et éducatives ». Le principe du contrôle est donc clairement affirmé.
La circulaire aborde à la fin la situation dans laquelle se trouverait un enseignant qui refuserait l’inspection « compte tenu des garanties offertes aux enseignants ». En fait, ces garanties permettent à l’enseignant de refuser à l’inspecteur d’assister au cours, mais elle ne lui permet pas de refuser à l’inspecteur de visiter la classe, de s’entetenir avec les élèves, d’examiner leurs cahiers ou travaux ainsi que les registres obligatoires. De plus, elle précise que dans ce cas « aucune note pédagogique n’est attribuée, avec toutes les conséquences que ceci entraîne, le cas échéant, pour la détermination de la note globale ». En d’autres termes, l’enseignant peut refuser de rendre sa copie, mais dans ce cas il a un zéro. Le Conseil d’Etat a par ailleurs jugé que si l’enseignant peut refuser UNE inspection, il ne peut la refuser systématiquement. Un tel refus est considéré un acte d’indiscipline et susceptible de sanction.
Mais à lire la littérature syndicale sur la question, on ne peut qu’être étonné sur la vision « anarchiste » qui traverse le corps enseignant. Tous les autres corps de la fonction publique, et même les agents des établissements publics et des entreprises publics sont habitués aux inspections de toutes sortes (inspections ministérielles, Cour des comptes…) et personne ne considère ces inspections comme attentatoires à la dignité de l’inspecté ou comme des brimades. Au contraire, c’est souvent l’occasion de passer à la hiérarchie quelques messages bien sentis. Mais peut-être que les syndicats enseignants n’ont pas la conscience tranquille ?
Merci pour cet article très instructif.
On parle beaucoup de la technocratie de Bruxelles: qu’est-ce qui la distingue ?
@ Paul I
[Merci pour cet article très instructif. On parle beaucoup de la technocratie de Bruxelles: qu’est-ce qui la distingue ?]
La principale différence est que contrairement aux technocraties nationales, qui font des propositions et rendent compte à une autorité politique, la technocratie européenne est en roue libre. Imaginez-vous ce que serait la technocratie française si elle avait le monopole de proposition…
Bonjour à tous,
Personnellement je pense que les hauts fonctionnaires c’est comme les footballeurs, les chirurgiens, les architectes, les ingénieurs…… il y a plusieurs niveaux, mais globalement on a un bon système.
Le processus de sélection et formation à l’ENA n’est sans doute pas exempt de critiques (formatage des étudiants dans le même moule, pensée unique…..), mais à mon sens c’est un gage de cohérence et professionnalisme.
Maintenant, force est de constater que quelque chose ne fonctionne pas et que la mondialisation libérale n’est pas si heureuse que ce que l’on a bien voulu nous le faire croire (le mouvement des gilets jaunes apporte un éclairage à ceux qui étaient convaincus du contraire…).
Je crois que “les injustices” pointés par les gilets jaunes ne sont pas vraiment imputables aux hauts fonctionnaires, à mon sens elles résultent de choix erronés faits collectivement, ou bien imposés par l’oligarchie (le TCE de 2005 est un parfait contre exemple de démocratie).
J’entends bien ceux qui disent qu’il faut réduire les taxes et les impôts, parfois ce sont les mêmes qui déplorent le manque de moyens pour financer la santé, l’éducation, l’aménagement du territoire (j’ai pu vérifier, il y a 3 ans, que le jour où les pompiers viennent te chercher pour t’emmener aux urgences, tu ne te dis pas “merde, j’ai payé trop d’impôts”…).
D’autres fois ce sont les chantres du libéralisme qui nous disent que l’état doit maigrir et que si on est en panne c’est qu’on est pas allés assez loin dans le libéralisme, et qu’ils en faut d’avantage serrer la ceinture de ceux “qui ne sont rien ou pas grand chose” (au sens macronien) . Ces chantres du libéralisme (je ne cite pas de noms, mais vous les avez sans doute observés dans les médias) sont du bon côté du manche, et poussent des cris d’indignation lorsque les gilets jaunes réclament leur part du gâteau dans des formes qui rappellent l’anarcho-syndicalisme.
Personnellement, l’analyse que je fais (de façon “macro” et sans doute caricaturale) c’est qu’on consomme plus que ce que l’on produit avec un déficit commercial qui chaque année atteint plusieurs dizaines de milliard. Avant de répartir la richesse il faut déjà la produire, et je crois et cela ne peut pas se faire sans protectionnisme et contrôle de la monnaie (et donc en quittant l’union Européenne ou bien en la réformant profondément….). Alors c’est vrai que les Allemands réussissent bien sans protectionnisme, mais ils n’ont pas la même démographie que nous et culturellement ils acceptent de plus hauts niveaux d’inégalités… et par ailleurs ils fabriquent des produits de haute valeur ( Je ne suis pas sur que laminer le code du travail, ou tailler des croupières aux cheminots, se soient des prérequis pour vendre des BMW…).
Le protectionnisme est un mot obscène dans les médias, mais sans protectionnisme et sans contrôle de la monnaie, on va continuer à s’appauvrir collectivement, même si une minorité s’enrichie d’avantage, même si certains auront l’illusion qu’ils sont gagnants dans ce processus.
Et pourtant on a des atouts en France qui peuvent nous rendre optimistes, on a par exemple une démographie dynamique et beaucoup de gens en age de travailler qui ne sont pas actifs, il y a donc de la réserve pour produire d’avantage de richesse et services …
Peut-être que le mouvement des GJ va nous permettre un sursaut et nous pousser à changer de trajectoire?
@ Manchego
[Le processus de sélection et formation à l’ENA n’est sans doute pas exempt de critiques (formatage des étudiants dans le même moule, pensée unique…..), mais à mon sens c’est un gage de cohérence et professionnalisme.]
Le « formatage » n’est pas aussi fort qu’on croit. Vous savez, l’ENA recrute par un concours difficile, et les gens qui sont recrutés sont non seulement des bourreaux de travail, mais aussi passablement intelligents. Ils comprennent très vite que l’administration a un discours « public » et un discours « privé ». Oui, en public tous les hauts fonctionnaires exprimeront leur attachement à l’UE. Mais en privé…
[Je crois que “les injustices” pointés par les gilets jaunes ne sont pas vraiment imputables aux hauts fonctionnaires, à mon sens elles résultent de choix erronés faits collectivement, ou bien imposés par l’oligarchie (le TCE de 2005 est un parfait contre exemple de démocratie).]
D’ailleurs, le mouvement des « gilets jaunes » n’est pas, contrairement au mouvement poujadiste, un mouvement « anti-Etat » ou « anti-fonctionnaires ». Il ne propose pas de fermer l’ENA – pourtant une vieille revendication poujadiste. Il se concentre surtout sur le rapport entre le peuple et les représentants politiques.
[J’entends bien ceux qui disent qu’il faut réduire les taxes et les impôts, parfois ce sont les mêmes qui déplorent le manque de moyens pour financer la santé, l’éducation, l’aménagement du territoire (j’ai pu vérifier, il y a 3 ans, que le jour où les pompiers viennent te chercher pour t’emmener aux urgences, tu ne te dis pas “merde, j’ai payé trop d’impôts”…).]
Eh oui, l’assurance c’est toujours trop chère… tant qu’il n’y a pas de sinistre. Personnellement, j’ai fait une proposition qui me semble toujours d’actualité pour faire prendre conscience aux gens du rapport qu’il y a entre les impôts qu’on paye et les services publics dont on bénéficie. L’idée est de créer une « carte du contribuable » qui serait remise à tous ceux qui déclarent leurs revenus (où leurs ayant-droit). Cette carte vous serait demandée pour accéder aux services publics gratuits ou dont le prix est subventionné. Ceux qui ne l’auraient pas devront payer plein tarif.
[Personnellement, l’analyse que je fais (de façon “macro” et sans doute caricaturale) c’est qu’on consomme plus que ce que l’on produit avec un déficit commercial qui chaque année atteint plusieurs dizaines de milliard.]
Pardon, pardon. Il ne faut pas généraliser : certaines couches sociales consomment plus qu’elles ne produisent. Mais pour d’autres, c’est l’inverse. Il ne faut pas oublier cette opposition fondamentale…
[Avant de répartir la richesse il faut déjà la produire, et je crois et cela ne peut pas se faire sans protectionnisme et contrôle de la monnaie (et donc en quittant l’union Européenne ou bien en la réformant profondément….). Alors c’est vrai que les Allemands réussissent bien sans protectionnisme, mais ils n’ont pas la même démographie que nous et culturellement ils acceptent de plus hauts niveaux d’inégalités…]
Et surtout, ils ont le contrôle de la monnaie. Il ne faut pas se voiler la face : l’Euro, c’est le mark déguisé, et la politique monétaire de la BCE est celle de l’ancienne Bundesbank, c’est-à-dire, celle qui arrange l’Allemagne.
François Asselineau,est l’exemple même du Haut-Fonctionnaire dévoué à sa tâche,qu’Anicet Lepors ne renierait pas.
L’UPR qu’il dirige propose que Macron soit destitué en utilisant l’article 58 de la constitution.
12 raisons de le destituer sont répertoriés par Asselineau qui emporte l’assentiment des auditeurs grâce à son brio incomparable.
Il est doué ,pour parler comme vous l’êtes pour écrire.
Mais pourquoi,la Fi,le RN,ne s’engege,t ils pas dans cette procédure de destitution?
@ luc
[François Asselineau, est l’exemple même du Haut-Fonctionnaire dévoué à sa tâche,]
A sa tâche de politicien, vous voulez dire. Parce que ses œuvres en tant que haut-fonctionnaire restent pour moi un mystère.
[qu’Anicet Le Pors ne renierait pas.]
Comme ce cher Anicet est toujours vivant, je lui laisse le soin de répondre.
[L’UPR qu’il dirige propose que Macron soit destitué en utilisant l’article 68 de la constitution. 12 raisons de le destituer sont répertoriés par Asselineau qui emporte l’assentiment des auditeurs grâce à son brio incomparable (….). Mais pourquoi la Fi, le RN ne s’engagent ils pas dans cette procédure de destitution?]
Probablement parce qu’ils n’ont pas envie de se couvrir de ridicule. J’ai déjà dit ce que je pense de ces « 12 raisons » (en fait, il n’y a que dix, du moins si l’on croit le document publié sur le site de l’UPR) qui franchement ne cassent pas trois pattes à un canard. C’est encore un exemple de la manière dont Asselineau utilise les références au droit pour se donner un air de sérieux et de compétence.
Mais on ne peut pas faire dire à la Constitution ce que la constitution ne dit pas. Le texte est ainsi rédigé : « Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour. ». Il reste donc à prouver que Macron à « manqué à ses devoirs », et que ces manquement sont « incompatibles avec l’exercice de son mandat ». Et pour savoir s’il a « manqué à ses devoirs », il faudrait savoir quels sont précisément ces « devoirs ». Et c’est là que l’argumentation d’Asselineau déraille : il s’invente des devoirs purement subjectifs, genre « le mépris constant avec lequel M. Macron traite la langue française » ou « le dénigrement incessant des Français ». On peut critiquer les attitudes méprisantes de Macron, on peut même les sanctionner politiquement. Mais en faire une violation de la Constitution paraît pour le moins exagéré.
En fait, Asselineau illustre tristement la dérive « juridique » de notre système politique, dont la fameuse « pétition » aux 1,6 millions de signatures donne une illustration éclatante. Cette dérive, c’est de croire qu’on peut emporter des victoires politiques sous les ors des prétoires. Qu’on peut contourner le mandat donné par le souverain le jour de l’élection par le recours au juge.
La première remarque que je dois faire, c’est que je suis jeune et pas très calée en politique, et ce que vous postez me donne toujours l’impression d’un mur d’arguments infranchissable pour moi.
Maintenant, mon problème : Je me rappelle de choses sur ce que je vais stupidement nommer la machinisation de la politique avec tous les “think tanks” qui accompagnent les partis de nos jours.
Je prends l’exemple de M. Philippot : j’ai l’impression que son parti politique est entièrement basé sur les idées de groupes scientifiques qui, en retour, soutiennent la politique de Philippot (sur leurs sites, dans leurs vidéos).
Que devient le parti politique face aux “think tanks” ? Si scientifiques il y a, cela signifie que les idées qui émanent de leurs groupes sont des solutions générales réutilisables par tous les autres partis politiques.
J’ai cru entendre que la technicisation de la politique était mauvaise puisqu’elle empêchait une sorte de “liberté” politique, ou que sais-je.
Quel est votre point de vue ?
@ Hbic
[La première remarque que je dois faire, c’est que je suis jeune et pas très calée en politique, et ce que vous postez me donne toujours l’impression d’un mur d’arguments infranchissable pour moi.]
Ne vous laissez pas intimider. Prenez l’habitude de participer à la discussion, et vous verrez que la dialectique, ça vient avec la pratique. Et puis ça vous donnera envie de vous « caler » en politique, vous verrez…
[Maintenant, mon problème : Je me rappelle de choses sur ce que je vais stupidement nommer la machinisation de la politique avec tous les “think tanks” qui accompagnent les partis de nos jours. Je prends l’exemple de M. Philippot : j’ai l’impression que son parti politique est entièrement basé sur les idées de groupes scientifiques qui, en retour, soutiennent la politique de Philippot (sur leurs sites, dans leurs vidéos).]
Je crois qu’il faut faire la différence entre les « think tanks » et les groupes de réflexion. Les « think tanks » regroupent des professionnels, qui sont payés pour réfléchir et fabriquer des rapports et des propositions. Les groupes de réflexion sont souvent animés par des bénévoles dont la participation est un acte militant. Dans le premier cas, les propositions et les réflexions sont liées aux intérêts de ceux qui financent le « think tank ». Dans le second, elles reflètent simplement l’opinion de ceux qui participent.
[Que devient le parti politique face aux “think tanks” ? Si scientifiques il y a, cela signifie que les idées qui émanent de leurs groupes sont des solutions générales réutilisables par tous les autres partis politiques.]
Dites-vous bien que si des gens payent le fonctionnement des « think tanks », ce n’est pas par amour de la science. Comme disait mon vieux père, qui paye les musiciens choisit la partition.
[J’ai cru entendre que la technicisation de la politique était mauvaise puisqu’elle empêchait une sorte de “liberté” politique, ou que sais-je.]
Personnellement, je pense que dans une société aussi complexe que la notre, le recours au technicien est indispensable. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille lui donner le pouvoir. Mais le politique ne peut se passer de l’apport du technicien. Il est nécessaire donc de réguler les rapports entre les deux. Je pense que c’est aux partis politiques d’organiser des groupes de réflexion internes permettant aux techniciens d’apporter leurs connaissances et aux militants politiques d’échanger avec eux et de se construire une vision politique qui intègre les contraintes techniques. Les « think tank » à l’extérieur des partis ne sont qu’une forme raffinée de lobbying sous un déguisement scientifique.
Bonjour Hbic,
> Je prends l’exemple de M. Philippot : j’ai l’impression que son parti politique est entièrement basé sur les idées de groupes scientifiques qui, en retour, soutiennent la politique de Philippot (sur leurs sites, dans leurs vidéos).
Je serais curieux de savoir de quoi vous parlez. De quels groupes scientifiques parlez-vous qui soutiendraient Philippot ?
(vu le positionnement de Philippot sur les pesticides, j’ai plutôt l’impression qu’il manque peut-être de gens à l’esprit scientifique dans son entourage…)
Cher Descartes
Je vous rapporte tout de même une régression depuis la migration du site : il n’y a plus de version dédiée mobile, la lisibilité est beaucoup moins bonne sur smartphone.
@ Antoine
Je vais réflechir… je crois qu’il y a des extensions possibles pour que ça marche sur wordpress…
Exposé remarquable de clarté. Merci.
Le plus troublant en ces temps de “start-up nation” c’est la volonté exprimée ici ou là par des encadrants au sein de diverses administrations (j’en connais au moins une) de fonctionner en “mode collaboratif” alors que, comme vous le soulignez, l’administration française est une structure hiérarchique. Il y a là un jeu de dupes qui génère beaucoup d’insatisfaction (et de désordre !).
@ NG
[Le plus troublant en ces temps de “start-up nation” c’est la volonté exprimée ici ou là par des encadrants au sein de diverses administrations (j’en connais au moins une) de fonctionner en “mode collaboratif” alors que, comme vous le soulignez, l’administration française est une structure hiérarchique. Il y a là un jeu de dupes qui génère beaucoup d’insatisfaction (et de désordre !).]
J’avoue que je n’ai toujours pas très bien compris ce qu’on appelle « mode collaboratif » – ou « mode agile », qui est le dernier dada de certains cadres – dans la fonction publique. En général, on croit qu’on travaille en « mode collaboratif » parce qu’on adopte un « outil collaboratif » dans l’informatique…
D’une façon générale, le propre d’une start-up est de ne pas avoir un passé. C’est pratiquement sa définition. Et le fait de ne pas avoir un passé fait qu’il n’y a pas chez elle la nécessité de maintenir une cohérence entre ce qu’on fait aujourd’hui et ce qu’on a fait hier. L’administration fonctionne sur un mode hiérarchique précisément parce qu’elle a un très long passé, et qu’elle a donc besoin d’une cohérence. Les principes de légalité et d’égalité sont difficilement gérables en « mode collaboratif »…
“De Gaulle a perdu l’Algérie” lit-on dans un commentaire, il l’a plutôt sacrifié par économie financière et politique à court terme ; mais ce n’est pas le débat.
La loyauté est centrale dans le fonctionnement de l’administration publique française, affaire de culture et de morale donc ; l’affaiblissement consécutif à la perte de repères collectifs de la notion de morale publique et le reflux d’une culture nationale ont entamées la loyauté. Dans l’administration territoriale c’est net ; ayant eu l’occasion d’observer la transition entre une municipalité de gauche et sa suivante de droite j’y ai vu des chausses-trappes, des dissimulations, des grèves politiques, des erreurs “regrettées”, des rumeurs assassines, bref tout l’arsenal de la dictature des clercs.
Quelle loyauté aussi, chez les professeurs d’Histoire qui sont devenus des propagandistes de l’alter-mondialisme, glissant vers le mondialisme libéral ?
Quelle loyauté chez les juges ? Mais cela c’est une autre histoire …
@ Gérard Couvert
[La loyauté est centrale dans le fonctionnement de l’administration publique française, affaire de culture et de morale donc ; l’affaiblissement consécutif à la perte de repères collectifs de la notion de morale publique et le reflux d’une culture nationale ont entamées la loyauté.]
Personnellement, je ne crois pas que ce soit le cas. Du moins pour la fonction publique d’Etat, ou l’on comprend très bien que la logique de loyauté est inséparable de celle de fonction publique de carrière et le seul rempart contre le « spoil system ». Et d’ailleurs, ça marche : lors des alternances, le nombre de hauts fonctionnaires remerciés est relativement marginal. Ce qui montre que les nouveaux arrivants ne craignent pas la déloyauté de leurs principaux interlocuteurs.
[Dans l’administration territoriale c’est net ;]
Oui, mais justement, la fonction publique territoriale n’a jamais intégré l’idée de fonction publique de carrière si familière aux fonctionnaires d’Etat. Contrairement à l’Etat, les élus locaux ont tenu – par une question de loyauté mais aussi et surtout par clientélisme – à conserver un pouvoir presque absolu sur la constitution de leurs équipes. Et ce n’est pas d’aujourd’hui : cela fait des siècles que la fonction publique royale est une fonction de carrière, alors que les pouvoirs locaux fonctionnent sur le principe du « spoil system ».
[Quelle loyauté aussi, chez les professeurs d’Histoire qui sont devenus des propagandistes de l’alter-mondialisme, glissant vers le mondialisme libéral ?]
Dans certaines catégories de fonctionnaires – les professeurs, les magistrats – on tolère le fait que des individus prennent un certain nombre de libertés avec les obligations de loyauté instituées par le statut de la fonction publique. Un professeur qui critique un homme politique dans son cours, un magistrat qui affiche un « mur des cons » commet une grave faute qui à terme risque de remettre en cause la logique même d’une fonction publique de carrière.