La fin des illusions

« On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant “L’Europe ! L’Europe ! L’Europe !” mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. (…) On ne fait de la politique qu’avec des réalités » (Charles de Gaulle, 1965)

Il y a quelques semaines, un article du « Monde » avait appelé mon attention. L’article, intitulé « Caresser des chiens ou des lapins : quand les universités misent sur les rencontres animales pour déstresser leurs étudiants » (1) aurait pu passer pour un poisson d’avril si on n’était pas en janvier qui, il est vrai, se situe plutôt dans la saison des bêtisiers. Dans l’article en question, on explique doctement comment des universités françaises ont recours à la « médiation animale » (sic) pour combattre le stress chez leurs étudiants. Une association animalière amène ainsi depuis 2019 des animaux – chiens, lapins, cochons d’inde – pour que les étudiants puissent les toucher et les caresser. Il paraît que cela permet de combattre la terrible pression que nos universités-prisons exercent sur ces pauvres étudiants sans défense. L’idée, comme d’habitude, vient des Etats-Unis, comme tant de choses inutiles. Et avant que vous posiez la question, la distribution de doudous aux étudiants n’est pas encore prévue, mais cela pourrait venir.

J’ignore si la crème de la défense et de la sécurité européenne réunie en conférence à Munich du 14 au 16 février dernier se sont vus proposer de caresser un lapin ou un cochon d’inde. Mais les raisons de stresser ne manquaient pas. Lorsque vous vous êtes installé dans une parfaite bonne conscience, lorsque vous avez pris l’habitude de vous ériger en autorité suprême de ce qui est « bien » et de ce qui est « mal » et de donner des leçons au reste du monde, il est toujours très désagréable de se voir expliquer – qui plus est, par un péquenot venu de l’Ohio – que vous avez, vous aussi, des choses à vous reprocher.

Il faut dire que ces dernières années, l’Union européenne a pris de bien mauvaises habitudes. En politique étrangère d’abord, les grands discours sur le respect du droit international ne l’ont pas empêché de participer au bombardement de la Serbie pour la forcer à rectifier ses frontières – exactement ce qu’elle condamne en Ukraine. L’Union a regardé en spectateur la destruction de Gaza et les crimes contre l’humanité qui y ont été commis, ce qui place les grands discours européens sur les droits de l’homme en perspective. Et tout en se remplissant la bouche du mot « démocratie », ses dirigeants hésitent de moins en moins à contourner le verdict des urnes, quand ils ne l’ignorent pure et simplement. Le « fair play » politique, qui implique d’adhérer à l’esprit des institutions plutôt qu’à leur lettre – tout ce qui est permis n’est pas nécessairement à faire – a tendance à disparaître lorsqu’un traité rejeté par référendum ressuscite miraculeusement par la voie parlementaire.

La récente annulation du scrutin présidentiel en Roumanie mérite de ce point de vue d’être rappelée. Le premier tour de l’élection ayant placé en tête du scrutin un candidat ouvertement eurosceptique, l’élection a été annulée au motif d’une ingérence de la Russie, qui aurait financé des faux comptes et autres « influenceurs » pour promouvoir la candidature de Calin Georgescu via les réseaux sociaux. Au-delà de la réalité ou non de l’accusation, cette annulation pose un problème de fond : si les électeurs aujourd’hui votent ce que leur disent les réseaux sociaux, si quelques centaines de milliers de dollars investis dans ces derniers permettent de changer le vote des citoyens, est-ce que les procédures démocratiques ont encore un sens ? Derrière l’affaire roumaine, se profile l’idée que le peuple est bête, et que son vote doit être surveillé voire « corrigé » par les élites intelligentes qui savent ce qui est bon pour lui.

Mais surtout, l’annulation de l’élection en Roumanie pose une question encore plus intéressante. Comment et pourquoi un candidat inconnu, qui n’a fait qu’une toute petite campagne, peut arriver en tête du scrutin battant au passage des personnalités infiniment mieux connues et qui ont occupé des hautes fonctions gouvernementales ? Comment se fait-il que les citoyens n’aient pas peur de confier leur avenir à un personnage inconnu, dont les capacités à diriger le pays peuvent raisonnablement être mises en doute ? N’est-il pas étrange, dans ce monde où l’on exige d’un professionnel toutes sortes de preuves avant de lui confier ses enfants, qu’on soit prêt à confier leur avenir à un inconnu ?

La réponse à cette question est très simple. Si l’électeur est prêt à donner sont vote à n’importe qui, c’est parce qu’il ne croit pas que sont vote va changer quelque chose. Alors autant se faire plaisir en votant pour le plus beau, ou pour le plus amusant, ou – et c’est ce qu’on observe un peu partout – pour celui qui ne ressemble pas aux « autres », à ces candidats interchangeables que propose l’establishment. Parce que les électeurs ont pu faire l’expérience. Ils ont voté à droite, ils ont voté à gauche, ils ont voté au centre, et à chaque fois on arrive au même résultat puisque « il n’y a pas d’alternative ». Difficile dans ces conditions de prendre la démocratie au sérieux. Les élections deviennent de plus en plus des concours de beauté, parce que les électeurs savent que l’élection présidentielle ou législative a autant de chances de changer quelque chose de fondamental que l’élection de Miss France.

L’élection de Donald Trump ne change rien sur le fond. La politique américaine reste la même, à savoir, une politique faite en fonction des intérêts des Etats-Unis. Mais la brutalité de la forme met à nu une réalité que bien de commentateurs – dont l’auteur de ce blog – crient dans le désert depuis de longues années. Et cette réalité, c’est que l’Union européenne et ses partisans inconditionnels vivent dans un monde d’illusion. Illusion démocratique, illusion économique, illusion de puissance.

L’illusion démocratique d’abord. Alors qu’on se gargarise d’une Europe qui serait le parangon de la démocratie dans le monde, on a tout fait pour dégrader la démocratie de l’intérieur, en organisant systématiquement l’impuissance du politique. Les véritables décisions, celles qui font notre vie quotidienne comme celles qui nous engagent sur le long terme, sont de moins en moins prises par les autorités élues après des débats ouverts, et de plus en plus dans des cénacles bruxellois sans contrôle démocratique, par des autorités indépendantes qui ne rendent compte à personne, par des juges qui s’érigent en législateurs. Pour ne donner qu’un exemple, nos décideurs sont contraints par le principe de la supériorité du droit européen sur les droits nationaux, principe à valeur quasi-constitutionnelle et qui pourtant n’a jamais été soumis au débat parlementaire, mais qui résulte de décisions de justice, celle de la Cour de justice des communautés européennes d’abord, celles de nos cours souveraines ensuite.

L’électeur sait aujourd’hui que son vote ne change rien. Qu’il élise un homme de gauche ou un homme de droite, qu’il mette au pouvoir un ultra-compétent ou un incompétent, cela ne changera les choses qu’à la marge. Pas étonnant dans ces conditions que les campagnes électorales se déroulent dans le plus grand désintérêt, au point que les médias sont obligés de transformer les émissions politiques en shows people

Ce n’est pas la montée des populismes qui menace la démocratie. C’est au contraire, la dégradation de la démocratie, l’impuissance organisée du politique qui provoque la montée des populismes et des égo-politiciens. Parce que, quand le vote ne change rien, on n’a aucune raison de le réserver aux candidats raisonnables. En 1960, un homme sans expérience politique et administrative comme Emmanuel Macron n’aurait eu aucune chance d’être élu – pas plus que Trump d’ailleurs. Mais avec la révolution néolibérale, les politiques sont devenus des pantins dont la fonction est de tenir la tribune pendant qu’ailleurs on gouverne. Alors, qu’est ce que ça change de voter un pantin plutôt qu’un autre ?

Pire encore que l’illusion démocratique, l’illusion économique est un cancer qui dévore l’Union européenne. Pendant des années, dans les couloirs de la Commission, on était persuadé d’être en train de construire l’économie la plus compétitive, la plus performante de la terre. L’Euro allait non seulement nous protéger des fluctuations mondiales, mais allait faire exploser la croissance et, qui sait, remplacer le Dollar comme monnaie de réserve. La réalisation du « marché unique », nouveau Graal, allait libérer les énergies du secteur privé contraint par les frontières nationales et relancer la production de richesses. La « concurrence libre et non faussée » allait faire fleurir l’innovation, baisser les coûts et placer l’Europe en tête dans les marchés mondiaux.

Ceux qui ont pris la peine de lire des rapports Letta et Draghi – dont on ne peut raisonnablement suspecter les auteurs d’euro-scepticisme – ne peuvent tirer de leur lecture qu’une conclusion : les promesses n’ont pas été tenues. Et non pas pour des raisons conjoncturelles, mais parce que les politiques mises en œuvre sont structurellement mauvaises. La « concurrence libre et non faussée » implique une atomisation des marchés qui empêche l’apparition de « champions », c’est-à-dire, d’entreprises dont la taille permet de profiter des économies d’échelle. La concurrence « libre et non faussée » tend à réduire les marges, et empêche donc de dégager des surplus suffisants pour financer la recherche et l’innovation, par ailleurs impossible lorsque les acteurs n’ont pas la taille critique. Par ailleurs, la libre circulation provoque la mise en concurrence sociale et fiscale entre les pays, et pousse donc les finances publiques dans le rouge, privant les Etats des moyens pour soutenir leurs infrastructures et provoquant le délitement du tissu social.

Enfin, il faut dire deux mots de l’illusion de puissance. Parce qu’elle incluait des pays qui sont en eux-mêmes des puissances – grandes ou moyennes, le débat reste ouvert – on s’est imaginé que l’Union européenne pouvait tenir en tant que telle une place dans les affaires du monde. Mais l’intégration politique n’additionne pas les forces, au contraire : l’ensemble tend à être aussi faible que le plus faible de ses intégrants. Pour peser de son poids économique et démographique, l’Union devrait avoir une unité d’objectifs et de vision, ce qui suppose – désolé d’insister – une solidarité inconditionnelle entre européens. Sans cette solidarité inconditionnelle, il est illusoire d’imaginer que les citoyens puissent se sentir appelés à soutenir cette vision inconditionnellement, y compris au péril de leur vie.

Cette solidarité inconditionnelle entre européens n’existe pas et n’est pas près d’exister, parce que l’Europe n’est pas une nation. Les discussions ouvertes entre la Russie et les Etats-Unis nous ramènent à la réalité : ce sont les nations, et elles seules, qui sont les acteurs de la politique internationale. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit de discuter de l’avenir du monde, Trump préfère discuter avec le dirigeant d’une nation qui n’a que 150 millions d’habitants et un PIB de 4.000 Md$ plutôt qu’avec les dirigeants d’un ensemble de 450 millions d’habitants et un PIB cinq fois plus important. Parce que quand bien même elle est censée représenter un « ensemble de 450 millions de citoyens », Von der Leyen n’aura jamais la légitimité d’un dirigeant national. Un chef d’Etat a reçu de leur peuple constitué en nation un mandat qui lui permet, si nécessaire, d’engager la vie et les biens de ses concitoyens. Ursula Von der Leyen, quelles que soient les plumes de paon qu’elle prétend revêtir, n’est mandatée que pour distribuer de l’argent. Si la Russie était attaquée, les 120 millions de citoyens russes se lèveront en masse pour défendre leur mère patrie, au-delà des divisions politiques – ils l’ont amplement montré en 1941. Si le territoire français était attaqué, les Français iraient – du moins on l’espère – défendre leur pays. Si les Américains occupaient demain le Groenland, je doute que les 450 millions d’européens iraient se mobiliser pour défendre une « mère patrie » européenne. Beaucoup d’hommes sont morts pour le drapeau français, allemand, britannique ou américain. Personne n’est mort pour le drapeau bleu aux étoiles, et ce n’est pas demain la veille que cela arrivera.

Et ce n’est pas ça le pire. Non seulement l’Union européenne ne pèse rien en politique internationale, mais en enfermant les états membres dans une logique de concertation obligatoire et à l’obligation morale de « parler d’une seule voix », elle a émasculé les états membres. La France avait une voix qui portait lorsqu’elle parlait pour elle-même. On l’avait vu lorsqu’elle s’était opposée à l’invasion de l’Irak, faisant fi du consensus européen.  Plus maintenant, puisque depuis le traité de Lisbonne il existe un service diplomatique européen, et que les états membres sont censés ne parler que pour refléter le consensus mou construit à Bruxelles. On répète depuis trente ans que « la voix de la France est plus forte grâce à l’Europe ». C’est exactement l’inverse: la voix d’une nation sera toujours plus puissante, pèsera toujours plus lourd que la voix d’un conglomérat, tout simplement parce que, comme le disait Sun Tzu, la victoire n’appartient pas à l’armée la plus nombreuse, mais à l’armée la plus décidée. Et si les représentants d’une nation ont un mandat qui leur permet de l’engager totalement, ceux qui administrent le conglomérat européen n’ont pas ce mandat, tout simplement parce qu’il n’existe pas de « peuple européen » pour le leur donner.

Les institutions européennes vivent dans le monde des bisounours. A force de répéter que les Américains étaient des « amis » qui « défendaient l’Europe », on a oublié pourquoi ils la défendaient. Ce n’était pas par grandeur d’âme, ou par générosité désintéressée, mais par intérêt. Quand l’URSS était l’adversaire stratégique, et que les anciennes puissances européennes pesaient dans le monde, empêcher les soviétiques d’accroitre leur influence sur ces dernières, et les maintenir dans le giron du « monde libre » était essentiel. Mais l’URSS n’est plus, les anciennes puissances européennes se sont retirées du monde en confiant les clés de leur politique à Bruxelles et celles de l’industrie aux Chinois. Et puis, Trump en est convaincu, l’adversaire stratégique aujourd’hui, c’est la Chine. Pour les Etats-Unis, empêcher la Russie de tomber sous l’influence chinoise est aujourd’hui plus important que de soustraire les pays baltes à l’influence russe ou de gagner la bienveillance de Londres ou de Paris. On pourrait même imaginer un quid pro quo avec des concessions importantes à la Russie en Ukraine en échange de sa participation au « containment » de Pékin. Et tant pis pour les Ukrainiens, qui devraient méditer la formule attribuée à Kissinger : « être l’ennemi des Etats-Unis peut être dangereux, être leur ami peut être fatal ».

Le réalisme brutal de Trump aura peut-être un avantage, celui de nous ouvrir les yeux sur nous-mêmes. Peut-être verrons-nous maintenant l’Union européenne telle qu’elle est, c’est-à-dire, un club de commerçants, une réunion d’états-nations sous la coupe d’institutions qui se sont évertuées, avec la complicité des élites nationales, à réduire les états à l’impuissance. Un ensemble habité par des citoyens qu’on a tout fait pour transformer en consommateurs. Un ensemble administré – on n’ose pas dire gouverné – par une bureaucratie sans âme et des politiciens complètement déconnectés des réalités du monde.

Peut-être prendrons nous aussi conscience du fait que nous vivons dans un monde dangereux, dans lequel la force prime toujours, qu’on le veuille ou non, non seulement sur le droit mais aussi sur la morale. Et que si nous voulons défendre ce que nous avons et peser dans le monde, nous devons d’abord compter sur nous-mêmes. Sur nos capacités, sur notre effort, sur notre organisation. Et ne pas attendre des solutions qui viendraient d’ailleurs – de nos « amis » européens, ou de nos « alliés » américains. Personne, dans ce bas monde, ne fait des cadeaux désintéressés, et en politique pas plus qu’en économie, il n’existe pas de diner gratuit.

Ce n’est qu’avec cette prise de conscience que la politique redeviendra quelque chose de sérieux, et même de tragique. Et le retour de la tragédie est une bonne chose, parce que c’est en pensant la tragédie qu’on sortira de l’idéalisme bébête dans lequel nous nous sommes enfermés. C’est par le sentiment du tragique que les électeurs cesseront d’imaginer qu’on peut confier les rênes de l’Etat à n’importe qui, que le débat politique deviendra véritablement une affaire sérieuse.

En attendant, on peut toujours caresser des lapins et des cochons d’inde pour calmer nos nerfs… il paraît que c’est efficace.

Descartes

(1) « Le Monde », 9 janvier 2025, consultable ici : https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/01/09/caresser-des-chiens-ou-des-lapins-quand-les-universites-misent-sur-les-rencontres-animales-pour-destresser-leurs-etudiants_6488967_4401467.html

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102 réponses à La fin des illusions

  1. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    [Le réalisme brutal de Trump aura peut-être un avantage, celui de nous ouvrir les yeux sur nous-mêmes.]
    Je crois que je viens de me réveiller d’un (très) long rêve, très bizarre. Un rêve où Donald Trump, après son premier mandat a été battu par un certain Joe Biden, pour ensuite redevenir président des États-Unis dans des conditions parfaitement rocambolesques. Je passe sur les détails (particulièrement fournis) tant de la scène nationale qu’internationale de ce rêve.
    Mais non, c’est vrai que nous sommes en février 2017, que la campagne des élections présidentielles commence à battre son plein. L’ancien ministre des finances de Hollande, désormais candidat à la magistrature suprême propose de construire « l’Europe puissance » afin de faire face à la désormais hostile Amérique trumpienne (il propose accessoirement aussi de terrasser la « lèpre populiste »).

    • Descartes dit :

      @ François

      [Mais non, c’est vrai que nous sommes en février 2017, que la campagne des élections présidentielles commence à battre son plein. L’ancien ministre des finances de Hollande, désormais candidat à la magistrature suprême propose de construire « l’Europe puissance » afin de faire face à la désormais hostile Amérique trumpienne (il propose accessoirement aussi de terrasser la « lèpre populiste »).]

      Retour vers le futur ?

  2. Claustaire dit :

    Puisque vous reprenez cette question de la légitimité d’élections, de la faiblesse de nos démocraties, et des leçons que s’autorisent à vouloir leur donner l’équipe TRUMP, je vous reposte une réflexion déjà proposée : 
     
    Je ne comprends pas qu’une démocratie (ancienne comme celle des USA) permette que participent à une élection des gens (comme Trump) annonçant d’avance que l’élection serait obligatoirement faussée s’ils ne la gagnaient pas. Je ne jouerai jamais aux cartes avec quelqu’un qui me dirait d’avance que les ‘atouts’ (traduction de ‘trump’) seront obligatoirement dans sa main, faute de quoi la table de jeu serait renversée.
     
    Je ne comprends pas non plus que vous vous honoriez de soutenir, comme donneurs de leçons démocratiques, des réseaux internationaux d’influenceurs et manipulateurs exploitant les logarithmes les plus divers et les plus complexes à leur profit, au détriment de nos intérêts peut-être vitaux.
     
    Quant au repli national-isolationniste obstiné dans lequel vous pensez vous (et nous) mettre à l’abri du monde (et même de l’UE !), il reste étonnant de la part de quelqu’un aussi conscient que vous de la largesse de ses vues.

    • Descartes dit :

      @ Claustaire

      [Je ne comprends pas qu’une démocratie (ancienne comme celle des USA) permette que participent à une élection des gens (comme Trump) annonçant d’avance que l’élection serait obligatoirement faussée s’ils ne la gagnaient pas.]

      Je vous ai déjà répondu rapidement, mais je vais développer un peu la question. En fait, ce genre de logique se développe de plus en plus dans l’ensemble des « démocraties », qu’elles soient « nouvelles » ou « anciennes ». L’affirmation selon laquelle « nous ne pouvons pas perdre, sauf fraude/ingérence » revient assez systématiquement, explicite ou implicitement. Pensez par exemple à l’élection présidentielle en Roumanie, dont l’ensemble des « vieilles démocraties » européennes a salué l’annulation. Là aussi, on retrouve le raisonnement trumpien : « l’élection a donné la victoire aux affreux, donc elle ne peut qu’être faussée ». On avait vu le même raisonnement chez les partisans du « Remain » en Grande Bretagne : pour eux, le « oui » au Brexit ne pouvait qu’être faussé par les promesses mensongères de l’autre camp, il fallait revoter…

      Tous ces exemples vous montrent que l’idée que le cas Trump n’est qu’un exemple extrême d’un phénomène général. Un phénomène pour lequel j’ai proposé une explication : le système démocratique ne fonctionne qu’aussi longtemps que le décalage entre les rapports de force économiques et les rapports de force électoraux ne sont pas trop décalés. Lorsque ce décalage devient grand, certains groupes peuvent avoir la tentation de renverser la table électorale. Et c’est exactement ce qui arrive aujourd’hui.

      [Je ne comprends pas non plus que vous vous honoriez de soutenir, comme donneurs de leçons démocratiques, des réseaux internationaux d’influenceurs et manipulateurs exploitant les algorithmes les plus divers et les plus complexes à leur profit, au détriment de nos intérêts peut-être vitaux.]

      S’il vous plait, pas d’amalgames. Je ne « m’honore » de « soutenir » rien du tout. Je constate simplement que si l’on croit que les « influenceurs » peuvent, à l’aide des « algorithmes », faire ou défaire les élections, alors de deux choses l’une : ou bien on interdit les « influenceurs » et les « algorithmes » (mais alors TOUS les influenceurs et TOUS les algorithmes, parce qu’il n’y a aucune raison de distinguer entre les « bons » influenceurs et les mauvais), ou bien on se dit que les élections ne sont plus un moyen fiable de désigner nos dirigeants. On ne peut pas à la fois considérer l’électeur comme facilement manipulable et lui donner le droit de vote.

      Personnellement, je ne crois pas au pouvoir de ces « réseaux internationaux d’influenceurs ». Je pense qu’il s’agit d’hommes de paille, de diables de confort qu’on s’invente pour ne pas aborder le véritable problème. Et le véritable problème est que les élections ont cessé d’être importantes. Les citoyens se sont aperçus que voter à gauche, à droite, au centre ne change rien en profondeur, qu’à la fin on se retrouve avec la même politique. Le dernier exemple en date nous est fourni par notre propre système politique : alors qu’une majorité nette s’est prononcé pour une rupture avec les politiques macronistes, ce sont toujours les affidés de Macron qui gouvernent le pays. Or, si les élections ne sont plus une question importante, alors on peut se permettre de voter n’importe quoi. Si mon vote ne change rien, je peux voter un Milei ou un Trump parce que c’est une manière de cracher au visage de l’establishment.

      C’est cette désespérance, cette résignation qui donne un pouvoir énorme aux influenceurs et autres réseaux sociaux. Mais au lieu de s’attaquer au problème de fond, celui d’une démocratie qui n’a de démocratie que le nom, puisque le choix du peuple n’est pas pris en considération, on essaye de casser le thermomètre en faisant des « influenceurs » et des « algorithmes » des boucs émissaires.

      [Quant au repli national-isolationniste obstiné dans lequel vous pensez vous (et nous) mettre à l’abri du monde (et même de l’UE !), il reste étonnant de la part de quelqu’un aussi conscient que vous de la largesse de ses vues.]

      Vous me surprenez encore une fois en m’attribuant des idées qui ne sont pas les miennes. Je ne me souviens pas d’avoir jamais proposé un « repli national-isolationniste ». Au contraire : je veux une France qui parle au monde. Et qui parle au monde DIRECTEMENT, sans se soumettre au carcan de l’UE. Une France qui échange et qui collabore avec le monde. Mais qui échange et collabore avec le monde DIRECTEMENT, sans être contrainte par le carcan de l’UE. Je veux une France qui cherche elle-même ses solutions, et qui n’attend pas que tel ou tel problème soit « résolu au niveau européen » pour s’y attaquer. J’ai du mal où cette vision mériterait le qualificatif que vous lui réservez.

  3. Cording1 dit :

    En fait le résultat du premier tour de l’ élection présidentielle roumaine vient d’une manipulation interne de la classe politique où le parti PNL a favorisé la candidature de Calin Georgescu en espérant mettre en difficulté le candidat adverse du PSD qui a trop bien réussi. Même la candidate du PNL a admis la manipulation et s’est retirée de la course. Le président sortant vient de démissionner et de nouvelles élections vont avoir lieu en mai où le candidat Georgescu s’il n’est pas interdit de candidater a de bonnes chances d’être élu étant donné la situation qui n’a pu que déplaire fortement aux Roumains. Il faut se souvenir des propos de Barroso “Il n’y a pas de démocratie contre les traités européens”. J’ajoute que tous les pays candidats à l’UE doivent être totalement pro-UE. Il est interdit d’être euro-critique ou eurosceptique. Ce qui explique le cas géorgien où le candidat élu a préféré une politique étrangère compatible avec son environnement géopolitique donc non hostile à la Russie. D’autre façon la Serbie candidate à l’UE est très mal vue pour des raisons identiques. Quant à la Roumanie il ne faut pas oublier qu’il y a une des plus grande base militaire américaine de l’OTAN contre la Russie. 
    Quant à l’UE que Trump méprise parce que c’est une union bureaucratique d’états désunis à l’heure où son élection sonne comme le retour de l’état-nation contre les bureaucraties internationales et le multilatéralisme qui enserrait son pays l’empêchant de faire prévaloir totalement ses propres intérêts. Déjà lors d’une visite de Macron accompagné de sa duègne en Chine les dirigeants avaient traité Madame von der Leyen sans aucun respect de sa fonction et comme un sous-dirigeant, d’un machin non étatique. récemment à Munich le vice-président JD Vance a fait la leçon aux dirigeants européens qui ont bien du mal à avaler l’élection de Trump qui bouscule complètement leur petit monde. Ce dernier en bon real-politique a compris que la guerre en Ukraine était perdue et est en train de négocier avec Poutine une paix en Ukraine sans Zelenski ni les dirigeants européens, même pas à un strapontin. L’effacement européen est aussi mondial dans la mesure où l’UE est surtout une bureaucratie productrice de normes contre elle-même mais favorables au reste du monde en bref tout sauf une puissance mondiale qu’elle pourrait être si elle et ses dirigeants en avaient la volonté politique. Pour cela il aurait fallu qu’elle soit un état et une nation ce qui n’est pas prêt d’arriver. Quant à la France c’est tellement pitoyable que je préfère ne pas en parler.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Le président sortant vient de démissionner et de nouvelles élections vont avoir lieu en mai où le candidat Georgescu s’il n’est pas interdit de candidater a de bonnes chances d’être élu étant donné la situation qui n’a pu que déplaire fortement aux Roumains.]

      Possible. Mais il ne reste pas moins qu’on aura annulé un scrutin présidentiel – rien que ça – simplement parce que le résultat déplaisait aux élites europhiles, et que cette annulation a été applaudie par la grande majorité des gouvernements des états membres de l’Union européenne. Tout ça n’est pas neutre, et illustre parfaitement la dégradation des processus démocratiques européens. Il n’y a pas si longtemps, l’expression de la volonté du peuple souverain dans les urnes avait un caractère quasi-sacré. Au point par exemple que le Conseil constitutionnel s’interdisait d’examiner la conformité d’un texte validé par référendum. Depuis, avec la construction européenne on a progressivement désacralisé cette expression. Ainsi, lorsque le peuple a « mal voté », on ne s’interdisait plus de le faire revoter jusqu’à ce qu’il donne la « bonne » réponse. C’est ce qu’on a fait lors de la ratification du traité de Maastricht au Danemark. Mais à l’époque, on y a mis des formes, faisant revoter sur un texte avec des options de retrait, et notamment celle de ne pas participer à l’Euro. Plus tard, on s’autorise même à ratifier un texte rejeté par référendum par la voie parlementaire, comme on l’a fait en France pour le traité de Lisbonne. L’expression de Juncker – que vous attribuez à tort à Barroso – va tout à fait dans ce sens. A la question « Comment l’Europe démocratique doit-elle traiter un pays qui décide démocratiquement de sortir du rang? », Juncker avait répondu : «Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Voilà donc où se situe la racine du mal…

      [Ce qui explique le cas géorgien où le candidat élu a préféré une politique étrangère compatible avec son environnement géopolitique donc non hostile à la Russie. D’autre façon la Serbie candidate à l’UE est très mal vue pour des raisons identiques.]

      Surtout, il ne faut pas oublier que les manifestations en Georgie ou en Serbie marquent une division entre les classes intermédiaires urbaines, qui ont tout à gagner d’une adhésion à l’UE, et les couches populaires qui ont tout à y perdre. C’est pourquoi les gouvernements eurosceptiques sont élus, puis font face à des manifestations et des tentatives de renversement dans les villes… souvenez-vous de « euromaïdan ».

      [Déjà lors d’une visite de Macron accompagné de sa duègne en Chine les dirigeants avaient traité Madame von der Leyen sans aucun respect de sa fonction et comme un sous-dirigeant, d’un machin non étatique.]

      Et c’est parfaitement logique. Macron a une investiture qui lui permet d’engager totalement la vie et les biens de soixante-six millions de Français. Madame Von der Leyen a tout au plus le pouvoir de prendre des mesures commerciales, et encore, pour toute décision du poids elle doit recueillir une majorité parmi les états membres. On répète à l’envie que la France pèse plus dans le monde grâce à l’Europe. C’est faux : la voix d’une nation pèse bien plus lourd en direct que diluée dans celle d’un conglomérat. Parce que la voix d’une nation vaut engagement, et celle du conglomérat non.

      [Ce dernier en bon real-politique a compris que la guerre en Ukraine était perdue et est en train de négocier avec Poutine une paix en Ukraine sans Zelenski ni les dirigeants européens, même pas à un strapontin.]
      Je ne pense pas que les Américains partent de l’hypothèse que « la guerre en Ukraine est perdue ». Je pense surtout qu’ils ont compris que la victoire en Ukraine aurait un coût très important. Et pas seulement en termes financiers. Acculer la Russie, c’est prendre le risque de renforcer la coopération entre la Russie et la Chine (sans compter des puissances régionales comme l’Iran ou la Corée du Nord). Exactement ce que les Etats-Unis redoutent. Par ailleurs, je trouve toujours surprenante la difficulté des européens de se mettre à la place de l’autre. Les dirigeants européens nous parlent en permanence du besoin de se garantir contre les visées agressives de la Russie. Mais symétriquement, on pourrait comprendre que la Russie cherche à se garantir contre les visées agressives du système UE/OTAN. Vous me direz que comme nous sommes les gentils, la Russie peut dormir sur ses deux oreilles dans l’assurance que jamais au grand jamais les occidentaux ne chercheraient à l’attaquer. Seulement voilà, les précédents yougoslave, serbe ou irakien montrent que les gentils peuvent très aisément devenir méchants…

      Les « réalistes » sont revenus au pouvoir à Washington, alors que les « idéologues » sont toujours aux manettes en Europe. Les « idéologues » ne sont prêts à accepter que la solution où l’Ukraine récupère ses frontières – Crimée comprise, où l’Ukraine rentre dans l’UE et dans l’OTAN, où la Russie paye les dégâts de guerre et où Poutine est jugé à La Haye. Toute autre solution est inacceptable, et c’est le commissaire à la défense de l’UE qui le dit, dans un entretien au « Monde » ce matin. Les « réalistes » à Washington ont compris que cette solution est impraticable, et que plus généralement la réintégration de la Russie et son maintien dans le « camp occidental » vis-à-vis de la Chine passe par une révision du système de sécurité européen qui rassure la Russie quant aux intentions occidentales, par exemple en démilitarisant progressivement la zone de friction en Europe centrale.

      [L’effacement européen est aussi mondial dans la mesure où l’UE est surtout une bureaucratie productrice de normes contre elle-même mais favorables au reste du monde en bref tout sauf une puissance mondiale qu’elle pourrait être si elle et ses dirigeants en avaient la volonté politique. Pour cela il aurait fallu qu’elle soit un état et une nation ce qui n’est pas prêt d’arriver.]

      Ce n’est pas seulement une question de « volonté politique ». La construction d’un Etat-nation repose souvent sur une volonté, mais est aussi le fruit d’une histoire. Rêvons un peu : si les dirigeants européens avaient consacré leur énergie à bâtir une solidarité inconditionnelle entre citoyens européens plutôt qu’à construire le règne de la « concurrence libre et non faussée », serions-nous aujourd’hui plus proches d’une « nation européenne » ? Les obstacles étaient énormes : déjà il a été difficile de construire une « solidarité inconditionnelle » dans l’espace germanique, alors que les citoyens allemands partagent une langue, une culture, un droit commun. Un Etat-nation franco-allemand aurait déjà été une gageure. Quant à intégrer 27 nations toutes différentes…

      [Quant à la France c’est tellement pitoyable que je préfère ne pas en parler.]

      Oui, et c’est dommage, parce que par certains côtés la situation nous favorise. Le désengagement américain affaiblit la position des pays les plus atlantistes et renforce la position du seul pays européen qui – merci De Gaulle – détient l’arme nucléaire en propre et peut se passer du parapluie nucléaire américain. Les Allemands sont dans la merde, en partie du fait des mauvais choix de politique énergétique – choix qu’ils ont essayé de nous imposer à travers Bruxelles – et en partie du fait de la fragilité du modèle exportateur dès lors que leur principal marché se tourne vers le protectionnisme. Mais Macron n’est pas l’homme de la situation. D’une part, parce qu’il n’y connaît rien à la politique internationale et qu’il n’aime pas travailler avec les gens qui s’y connaissent, et d’autre part parce qu’il est incapable de penser en dehors du carcan européen…

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [Mais Macron n’est pas l’homme de la situation. D’une part, parce qu’il n’y connaît rien à la politique internationale et qu’il n’aime pas travailler avec les gens qui s’y connaissent, et d’autre part parce qu’il est incapable de penser en dehors du carcan européen…]
         
        Aussi parce que les urnes françaises l’ont désavoué, et qu’en conséquence il a perdu – même s’il s’obstine effrontément à l’admettre et à en tirer les conséquences –  la légitimité issue du peuple que vous évoquez. Politiquement, il ne pèse plus, que ce soit en France ou à l’étranger. Le qualificatif de “roquet” que vous aviez utilisé lui sied bien (ça a toujours été le cas d’ailleurs).

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [“Mais Macron n’est pas l’homme de la situation. D’une part, parce qu’il n’y connaît rien à la politique internationale et qu’il n’aime pas travailler avec les gens qui s’y connaissent, et d’autre part parce qu’il est incapable de penser en dehors du carcan européen…” Aussi parce que les urnes françaises l’ont désavoué, et qu’en conséquence il a perdu – même s’il s’obstine effrontément à l’admettre et à en tirer les conséquences – la légitimité issue du peuple que vous évoquez.]

          Je pense que la question est plus complexe que ça. Il y a deux “légitimités” qui s’affrontent ici. D’un côté, il y a la légitimité “formelle”, et de ce point de vue Macron est pleinement légitime puisqu’il a été élu pour exercer un mandat de cinq ans qui ne se terminera qu’en 2027, et qu’aucun des mécanismes institutionnels prévus pour mettre fin à ce mandat de manière anticipé n’ont abouti. De l’autre côté, il y a une légitimité “substantielle”, qui tient au rapport permanent, quotidien, entre le dirigeant et son peuple, à la confiance et/ou l’adhésion à ses propositions que le peuple peut ressentir, et qu’il exprime par les différentes voies que nos institutions prévoient: les élections certes, mais aussi la manifestation ou l’expression publique. Et de ce point de vue, il est bien plus difficile – comme vous le signalez – pour Macron d’invoquer une quelconque légitimité.

          Maintenant, il arrive qu’un dirigeant qui a perdu la légitimité substantielle mais garde une légitimité formelle arrive à reconquérir – par exemple, à la merci d’une crise bien gérée ou d’une initiative heureuse – une forme de légitimité substantielle. Les crises peuvent en effet révéler un dirigeant, l’aider à rétablir avec le peuple une relation très dégradée. Mon point est que Macron n’a pas les qualités pour opérer un tel rétablissement en profitant de la crise ouverte par le virage trumpien. Peut-être n’est-il même pas intéressé à le rétablir, ou conscient de cette nécessité. Chaque fois qu’il a eu à s’exprimer sur cette question, il n’a laissé aucune ambiguïté sur le fait que pour lui seule la légitimité formelle compte.

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            Très belle explication de ces deux versants de la légitimité. Vous avez raison, Macron n’accorde de valeur qu’au versant formel ; peut-être parce que ça l’arrange, peut-être parce qu’il manque simplement de toute hauteur de vue et de recul.

    • morel dit :

      @Descartes
      ” Et le véritable problème est que les élections ont cessé d’être importantes. Les citoyens se sont aperçus que voter à gauche, à droite, au centre ne change rien en profondeur, qu’à la fin on se retrouve avec la même politique.”
      Pas faux ( la forte abstention en témoigne par ex) mais à nuancer, De plus, nous nous accorderons, je pense, à le déplorer mais il est vrai que la quasi totalité de (veuillez m’excuser du terme) de « l’offre » politique y a largement contribué ce qui ne devrait pas étonner vu le ralliement de ceux-ci (de LFI à RN) à l’Union Européenne donc à son dogme de concurrence libre et non faussée,
      Lorsqu’on pense que la grande majorité des lois dans notre pays ne sont que des transpositions de directives européennes ou s’il y a des velléités, elles sont contrecarrées par les règles de l’UE y compris la cour européenne de justice (entre autres) dont les décisions sont d’application obligatoire.
      ” Le dernier exemple en date nous est fourni par notre propre système politique : alors qu’une majorité nette s’est prononcé pour une rupture avec les politiques macronistes, ce sont toujours les affidés de Macron qui gouvernent le pays.”
      En même temps, si l’on dit « que les élections ont cessé d’être importantes » cela signifierait d’une forme d’indifférence relative au groupe au pouvoir.
      D’autre part, je crois que le phénomène n’est pas nouveau, il y a toujours une crainte de ce qui n’est pas familier, routinier (trouvez le bon terme).. que l’on aime ou non.
       
      ” puisque le choix du peuple n’est pas pris en considération, on essaye de casser le thermomètre en faisant des « influenceurs » et des « algorithmes » des boucs émissaires.”
       
      Permettez moi de nuancer ici encore : ces derniers peuvent avoir aussi leur force dans un désert d’alternatives. Les moutons de Panurge ont leur réalité mais dans les circonstances que vous décrivez.
      Par ailleurs, je pense que nous serons d’accord pour n’avoir aucune amitié avec Trump, qui est, comme le précédent, mais à sa manière un défenseur des intérêts du capitalisme américain et si je rejette moi aussi l’idéologie woke (voile de fumée protégeant des intérêts bien concrets) accompagnant la campagne de K, Harris, je souscris avec sourire au dessin du Canard Enchaîné lors de l’accession de Trump au pouvoir : un type à caquette US électeur du précédent, disant : « C’est le plus grand évènement depuis que la terre est plate ! ».
       
      @ Claustaire
       
      Si vous me permettez : vouloir sortir de l’UE pour ne plus subir ce carcan pour les peuples ne signifie nullement une autarcie par ailleurs impossible (et c’est heureux!) car aussi loin que l’humanité existe, des échanges sont là et parfois même avec des contrées fort éloignées..
      Des coopérations tous azimuts en fonction d’intérêts communs peuvent intervenir en conservant la souveraineté au sein des nations.

      • Descartes dit :

        @ morel

        [« Et le véritable problème est que les élections ont cessé d’être importantes. Les citoyens se sont aperçus que voter à gauche, à droite, au centre ne change rien en profondeur, qu’à la fin on se retrouve avec la même politique. » (…) De plus, nous nous accorderons, je pense, à le déplorer mais il est vrai que la quasi-totalité de (veuillez m’excuser du terme) de « l’offre » politique y a largement contribué ce qui ne devrait pas étonner vu le ralliement de ceux-ci (de LFI à RN) à l’Union Européenne donc à son dogme de concurrence libre et non faussée,]

        Il y a là une dialectique. Si les politiques de centre, de droite et de gauche ont fait les mêmes politiques, ce n’est pas nécessairement de gaîté de cœur. Certains – je pense à Bérégovoy – ont même mis fin à leur vie en regardant ce qu’ils étaient devenus. D’autres hantent les émissions de télévision ou écrivent des livres dans une tentative désespérée de montrer combien leurs intentions étaient pures. S’ils ont une responsabilité personnelle, il faut aussi tenir compte des énormes contraintes qui s’exercent sur eux. Le « there is no alternative » thatchérien peut être lu de deux manières : comme une constatation, ou comme une menace.

        Et puis, l’impuissance du politique entraîne presque mécaniquement une dégradation du personnel politique. Autrefois entraient en politique les plus brillants, les mieux formés, les plus ambitieux. Aujourd’hui, ces mêmes profils vont plutôt dans les affaires, dans un secteur privé qui offre bien plus de moyens, de pouvoir, de gratifications. Restent dans les couloirs de nos institutions les médiocres. La formule « hier nous étions gouvernés par des énarques, maintenant on est gouvernés par ceux qui ont raté le concours de l’ENA » n’est pas tout à fait fausse. Cherchez à l’Assemblée une personnalité de moins de cinquante ans qui soit respectée par sa compétence, son sérieux, sa profondeur humaine… et vous ne trouverez pas. Regardez qui sont les présidents de groupe, sans aller plus loin…

        [« Le dernier exemple en date nous est fourni par notre propre système politique : alors qu’une majorité nette s’est prononcé pour une rupture avec les politiques macronistes, ce sont toujours les affidés de Macron qui gouvernent le pays. » En même temps, si l’on dit « que les élections ont cessé d’être importantes » cela signifierait d’une forme d’indifférence relative au groupe au pouvoir.]

        Et c’est bien ce qu’on observe. Les électeurs pensent de moins en moins, lorsqu’ils expriment leur vote, au fait que celui qu’ils élisent aura à exercer le pouvoir. Sans cela, le RN ou LFI seraient encore à l’état groupusculaire – comme l’ont été les extrêmes pendant la plus longue partie de notre histoire. Le pompon, on le trouve à l’élection de juillet dernier, où l’électorat a voté en majorité pour le « front républicain » en sachant parfaitement que ce rassemblement hétéroclite n’avait aucune chance de pouvoir gouverner ensemble.

        C’est cette « indifférence relative au groupe au pouvoir » qui rend la situation si dangereuse. Hier, les électeurs faisaient très attention avant de confier les manettes à tel ou tel mouvement politique. C’est pourquoi les propositions « originales » avaient quelquefois des sondages favorables trois ou quatre mois avant l’élection, mais s’effondraient sur la ligne d’arrivée : l’électorat pouvait sympathiser avec telle ou telle proposition, mais in fine votait pour ceux qu’il estimait capables de gouverner raisonnablement. Aujourd’hui, parce qu’on est convaincu que notre vote ne changera rien, on est prêt à voter pour n’importe qui, sans filtre. Trump ou Milei sont de bons exemples de cette dérive. Chez nos vieilles démocraties européennes, les digues sont plus solides, mais elles commencent à céder…

        [D’autre part, je crois que le phénomène n’est pas nouveau, il y a toujours une crainte de ce qui n’est pas familier, routinier (trouvez le bon terme).. que l’on aime ou non.]

        Bien entendu. L’inconnu fait peur – et c’est logique, c’est une peur qui tend à conserver un état connu. Mais je ne comprends pas très bien le lien que vous faites avec mon commentaire. La « rupture avec les politiques macronistes » n’implique pas nécessairement un saut dans l’inconnu. Pensez par exemple à l’abrogation de la réforme des retraites. En quoi cela nous ferait sortir de la « routine » ?

        [Permettez moi de nuancer ici encore : ces derniers peuvent avoir aussi leur force dans un désert d’alternatives.]

        Mais c’était bien là mon point ! Si les « influenceurs » et les « réseaux sociaux » sont dangereux, ce n’est pas parce qu’ils le sont intrinsèquement, mais parce qu’ils opèrent dans un « désert d’alternatives ». Alors, peut-être faudrait-il consacrer moins d’efforts à réguler leur expression, et plus d’efforts à transformer ce désert en un verger…

        [Par ailleurs, je pense que nous serons d’accord pour n’avoir aucune amitié avec Trump, qui est, comme le précédent, mais à sa manière un défenseur des intérêts du capitalisme américain]

        Tout à fait. Je n’ai aucune sympathie particulière pour le personnage, pas plus que pour l’idéologie qu’il porte. Ce qui n’empêche pas de regarder avec lucidité les travers de ses adversaires et de ses critiques. Ou d’admettre que ce n’est pas parce que Trump ou ses affidés déclarent qu’il fait jour à midi qu’il faut dire ou penser le contraire.

        La victoire de Trump est celle d’une droite décomplexée. Et parce qu’elle est décomplexée, elle exprime tout haut des choses que d’autres gardaient soigneusement sous le tapis. C’est en ce sens là que leur discours peut avoir un effet secondaire positif, celui de dissiper un certain nombre d’illusions qui empêchent de voir la réalité en face. C’est le cas par exemple en ce qui concerne la Palestine, où le discours sur « la solution à deux états » occultait le fait que les puissances – les Etats-Unis mais aussi l’Europe – regardaient sans rien faire l’Etat d’Israel préparer le nettoyage ethnique de Gaza et de la Cisjordanie, à Gaza en rendant la vie des habitants aussi difficile que possible, en Cisjordanie par le mitage du territoire et le harcèlement des habitants arabes. Maintenant, les masques tombent. Est-ce un mal ? Je ne sais pas, mais j’en doute. Le discours de Biden nous permettait peut-être à tout le monde de mieux dormir la nuit. Celui de Trump obligera tout le monde à prendre une position claire.

        [Des coopérations tous azimuts en fonction d’intérêts communs peuvent intervenir en conservant la souveraineté au sein des nations.]

        Tout à fait. D’ailleurs les exemples ne manquent pas. Concorde ou Airbus ne sont pas des entreprises communautaires, mais des projets élaborés par la négociation entre états en pleine souveraineté. Le CERN est un grand succès qui ne doit rien à l’Union européenne, mais qui là aussi résulte de traités entre états sans le moindre sacrifice de souveraineté.

        • dsk dit :

          @ Descartes
           
          [“C’est pourquoi les propositions « originales » avaient quelquefois des sondages favorables trois ou quatre mois avant l’élection, mais s’effondraient sur la ligne d’arrivée : l’électorat pouvait sympathiser avec telle ou telle proposition, mais in fine votait pour ceux qu’il estimait capables de gouverner raisonnablement. Aujourd’hui, parce qu’on est convaincu que notre vote ne changera rien, on est prêt à voter pour n’importe qui, sans filtre. Trump ou Milei sont de bons exemples de cette dérive.”] 
           
          Je sais bien que Donald Trump n’arrive sans doute pas à la cheville de Fabien Roussel, votre candidat ‘pro-viande” préféré pour la présidentielle de 2022, mais le Trump de 2024 n’était tout de même pas ce “n’importe qui” incapable de “gouverner raisonnablement” qu’il pouvait paraître en 2016. Entre-temps, il avait effectivement gouverné somme toute “raisonnablement” durant  4 ans, et surtout, il avait réussi à prendre totalement le contrôle du parti républicain, ce qui faisait désormais de lui, me semble-t-il, un candidat on ne peut plus sérieux et crédible. Au fait, veuillez accepter toutes mes condoléances pour le récent crash électoral de Louis Boyard, le candidat soutenu par le PCF à Villeneuve St Georges 😉 

          • Descartes dit :

            @ dsk

            [Je sais bien que Donald Trump n’arrive sans doute pas à la cheville de Fabien Roussel,]

            Vous allez un peu vite en besogne. Si vous évaluez les gens à leur capacité à gagner des élections ou de l’argent. Alors Roussel n’est certainement pas au niveau de Trump. Mais personnellement j’ai d’autres critères…

            [votre candidat ‘pro-viande” préféré pour la présidentielle de 2022, mais le Trump de 2024 n’était tout de même pas ce “n’importe qui” incapable de “gouverner raisonnablement” qu’il pouvait paraître en 2016. Entre-temps, il avait effectivement gouverné somme toute “raisonnablement” durant 4 ans,]

            Sur cette question, les avis diffèrent. Si tout le monde juge qu’il a effectivement gouverné entre 2016 et 2020, le jury délibère encore sur la question de savoir s’il l’a fait « raisonnablement ». Certains considèrent par exemple que son comportement lors de l’attaque contre le capitole ou la manière dont il a cherché à contester le résultat de l’élection de 2020 échappent très largement au domaine de la Raison…

            [et surtout, il avait réussi à prendre totalement le contrôle du parti républicain, ce qui faisait désormais de lui, me semble-t-il, un candidat on ne peut plus sérieux et crédible.]

            « Crédible », au sens qu’il peut gagner une élection, possiblement. Mais je ne vois pas en quoi le fait de prendre le contrôle du parti républicain fait de vous un candidat « sérieux ». Là encore, il me semble que nous n’avons pas les mêmes critères pour juger du « sérieux »…

            [Au fait, veuillez accepter toutes mes condoléances pour le récent crash électoral de Louis Boyard, le candidat soutenu par le PCF à Villeneuve St Georges]

            Pourquoi des condoléances ? Le crash de Boyard me remplit au contraire d’aise. Je peux regretter que sa candidature ait empêché un candidat communiste bien implanté de reprendre la mairie, mais ma douleur s’arrête là.

            • dsk dit :

              @ Descartes
               
              [“[Je sais bien que Donald Trump n’arrive sans doute pas à la cheville de Fabien Roussel,] [“Vous allez un peu vite en besogne. Si vous évaluez les gens à leur capacité à gagner des élections ou de l’argent. Alors Roussel n’est certainement pas au niveau de Trump. Mais personnellement j’ai d’autres critères…”]
               
              Je vous dirais que la capacité à gagner des élections est en tout cas pour moi un critère sine qua non, dans la mesure où tout comme vous, du moins si je vous ai bien compris, j’exècre l’impuissance en politique.
               
              [“Sur cette question, les avis diffèrent. Si tout le monde juge qu’il a effectivement gouverné entre 2016 et 2020, le jury délibère encore sur la question de savoir s’il l’a fait « raisonnablement ». Certains considèrent par exemple que son comportement lors de l’attaque contre le capitole ou la manière dont il a cherché à contester le résultat de l’élection de 2020 échappent très largement au domaine de la Raison…”]
               
              Bof. J’avoue que je n’ai pas étudié en détail cette affaire, mais elle me semble avoir été largement exagérée et instrumentalisée par les adversaires de Trump. 
               
              [“Mais je ne vois pas en quoi le fait de prendre le contrôle du parti républicain fait de vous un candidat « sérieux ». Là encore, il me semble que nous n’avons pas les mêmes critères pour juger du « sérieux »…”]
               
              Disons que j’essaie de me baser sur un critère objectif de “sérieux”, ce qui me semble bien être le cas du fait de parvenir à contrôler entièrement une institution vénérable comme le parti républicain américain. Sans quoi on peut toujours estimer subjectivement que tel ou tel candidat n’est pas “sérieux”, car il ne correspond pas en réalité à ses “critères” idéologiques. 
               

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [« Vous allez un peu vite en besogne. Si vous évaluez les gens à leur capacité à gagner des élections ou de l’argent. Alors Roussel n’est certainement pas au niveau de Trump. Mais personnellement j’ai d’autres critères… » Je vous dirais que la capacité à gagner des élections est en tout cas pour moi un critère sine qua non, dans la mesure où tout comme vous, du moins si je vous ai bien compris, j’exècre l’impuissance en politique.]

              Avant 1965, Charles de Gaulle n’avait jamais gagné la moindre élection. Il ne s’était même pas présenté au suffrage. Diriez-vous que son influence sur la politique française a été marqué du sceau de « l’impuissance » ? Et si c’est là un cas limite, notre histoire républicaine est remplie de personnalités qui ont exercé une influence – pour le bien ou pour le mal – qui allait bien au-delà de leur capacité à gagner des élections. Pensez par exemple à Marie-France Garaud…

              [« Sur cette question, les avis diffèrent. Si tout le monde juge qu’il a effectivement gouverné entre 2016 et 2020, le jury délibère encore sur la question de savoir s’il l’a fait « raisonnablement ». Certains considèrent par exemple que son comportement lors de l’attaque contre le capitole ou la manière dont il a cherché à contester le résultat de l’élection de 2020 échappent très largement au domaine de la Raison… » Bof. J’avoue que je n’ai pas étudié en détail cette affaire, mais elle me semble avoir été largement exagérée et instrumentalisée par les adversaires de Trump.]

              Et bien, vous devriez regarder un peu plus le détail. Au-delà de l’exagération, le fait qu’une foule armée envahisse l’enceinte du pouvoir législatif n’est jamais banal, et le fait que le chef de l’exécutif non seulement ne prenne aucune mesure pour l’empêcher et cherche à protéger les auteurs ne l’est pas non plus.

              [Disons que j’essaie de me baser sur un critère objectif de “sérieux”, ce qui me semble bien être le cas du fait de parvenir à contrôler entièrement une institution vénérable comme le parti républicain américain. Sans quoi on peut toujours estimer subjectivement que tel ou tel candidat n’est pas “sérieux”, car il ne correspond pas en réalité à ses “critères” idéologiques.]

              Effectivement, nous n’avons pas la même définition. Pour vous, le « sérieux » tient à la capacité de s’assurer le pouvoir, pour moi il tient à la manière de l’exercer. François Bayrou est parvenu à contrôler le gouvernement français, et cela n’en fait pas pour moi un candidat « sérieux ». Un charlot, même élu président de la République, reste un charlot. Et je ne donnerai pas des exemples pour ne pas faire des jaloux…

            • dsk dit :

              @Descartes
               
              [” Avant 1965, Charles de Gaulle n’avait jamais gagné la moindre élection. Il ne s’était même pas présenté au suffrage. Diriez-vous que son influence sur la politique française a été marqué du sceau de « l’impuissance » ?”]
               
              Non. Mais il avait certainement la capacité, en tout cas, de gagner les élections. 
               
              [“Et si c’est là un cas limite, notre histoire républicaine est remplie de personnalités qui ont exercé une influence – pour le bien ou pour le mal – qui allait bien au-delà de leur capacité à gagner des élections. Pensez par exemple à Marie-France Garaud…”]
               
              Eh bien plus j’y pense, et plus je me souviens qu’elle avait dû faire en sorte, pour pouvoir exercer cette influence,  de devenir la proche conseillère de Jacques Chirac, qui lui avait la capacité de gagner les élections.
               
              [“Et bien, vous devriez regarder un peu plus le détail. Au-delà de l’exagération, le fait qu’une foule armée envahisse l’enceinte du pouvoir législatif n’est jamais banal, et le fait que le chef de l’exécutif non seulement ne prenne aucune mesure pour l’empêcher et cherche à protéger les auteurs ne l’est pas non plus.”]
               
              Franchement Descartes, vous croyez vraiment que Trump entretenait l’espoir de se maintenir au pouvoir grâce à la prise du Capitole par ses supporters ? Non ? Alors tout le reste n’est que de la (très)  mauvaise littérature démocrate, destinée à nous faire prendre ce simple épisode de type “gilets jaunes” pour l’incendie du Reichstag. 
               
              [“Effectivement, nous n’avons pas la même définition. Pour vous, le « sérieux » tient à la capacité de s’assurer le pouvoir, pour moi il tient à la manière de l’exercer. François Bayrou est parvenu à contrôler le gouvernement français, et cela n’en fait pas pour moi un candidat « sérieux ». Un charlot, même élu président de la République, reste un charlot. Et je ne donnerai pas des exemples pour ne pas faire des jaloux…”]
               
              Attendez… C’est donc pour ne pas “faire des jaloux” que vous n’aviez donné comme exemples de “n’importe qui” incapables de “gouverner raisonnablement” Trump et Milei ? A moins que je n’aie pas bien compris ce que vous entendiez par ces expressions ? Je pensais qu’elles étaient synonymes, dans votre esprit, de “pas sérieux”…  

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [« Avant 1965, Charles de Gaulle n’avait jamais gagné la moindre élection. Il ne s’était même pas présenté au suffrage. Diriez-vous que son influence sur la politique française a été marqué du sceau de « l’impuissance » ? » Non. Mais il avait certainement la capacité, en tout cas, de gagner les élections.]

              On n’en sait rien, et on peut en douter. En 1946, il n’a pas réussi à faire élire suffisamment de ses partisans à l’assemblée constituante, et a été impuissant pour empêcher la ratification de la constitution de la IVème République. S’il s’était présenté à la présidence de la République en 1946, rien ne dit qu’il aurait été élu. A l’époque, il était jugé bien trop clivant.

              [« Et si c’est là un cas limite, notre histoire républicaine est remplie de personnalités qui ont exercé une influence – pour le bien ou pour le mal – qui allait bien au-delà de leur capacité à gagner des élections. Pensez par exemple à Marie-France Garaud » Eh bien plus j’y pense, et plus je me souviens qu’elle avait dû faire en sorte, pour pouvoir exercer cette influence, de devenir la proche conseillère de Jacques Chirac, qui lui avait la capacité de gagner les élections.]

              Pas vraiment. Marie-France Garaud a été au zénith de son influence à l’époque où Chirac était capable surtout de perdre des élections. Quand Chirac est finalement élu président de la République, la rupture était depuis longtemps largement consommée. Mais si vous préférez un autre exemple, prenez Marcel Boiteux, ou Raoul Dautry : tous deux ont eu une énorme influence sur la politique industrielle française, l’un d’eux a même été ministre. Et aucun des deux n’a montré une quelconque capacité à gagner des élections.

              [« Et bien, vous devriez regarder un peu plus le détail. Au-delà de l’exagération, le fait qu’une foule armée envahisse l’enceinte du pouvoir législatif n’est jamais banal, et le fait que le chef de l’exécutif non seulement ne prenne aucune mesure pour l’empêcher et cherche à protéger les auteurs ne l’est pas non plus. » Franchement Descartes, vous croyez vraiment que Trump entretenait l’espoir de se maintenir au pouvoir grâce à la prise du Capitole par ses supporters ? Non ?]

              Je ne « crois » rien à ce sujet. Je n’ai aucun élément objectif pour avoir un avis sur la question. Mais si vous lisez attentivement ce que j’ai écrit, vous ne verrez nulle part une affirmation de cette sorte. Je me contente des faits : est-ce que, oui ou non, une foule armée à envahi l’enceinte du Congrès américain ? Est-ce que, oui ou non, le chef de l’exécutif a pris des mesures pour l’empêcher ? Est-ce que, oui ou non, Trump a cherché à protéger les auteurs de cet acte de la justice ?

              [“Effectivement, nous n’avons pas la même définition. Pour vous, le « sérieux » tient à la capacité de s’assurer le pouvoir, pour moi il tient à la manière de l’exercer. François Bayrou est parvenu à contrôler le gouvernement français, et cela n’en fait pas pour moi un candidat « sérieux ». Un charlot, même élu président de la République, reste un charlot. Et je ne donnerai pas des exemples pour ne pas faire des jaloux…” Attendez… C’est donc pour ne pas “faire des jaloux” que vous n’aviez donné comme exemples de “n’importe qui” incapables de “gouverner raisonnablement” Trump et Milei ?]

              Ni Trump ni Milei n’ont été élus « président de la République (française) ». Trump a été élu « president of the United States of America », Milei « presidente de la nacion argentina ». Ils ne risquent pas de provoquer la jalousie des différents charlots qui ont défilé à l’Elysée…

          • morel dit :

            “le récent crash électoral de Louis Boyard, le candidat soutenu par le PCF à Villeneuve St Georges”
            Je ne me rappelle pas qu’à cette occasion Fabien Roussel ou même des responsables locaux voire militants aient appelé à un assaut de la mairie de Villeneuve Saint George ?
            Mais peut-être vous en savez plus ?

        • morel dit :

          «  Si les politiques de centre, de droite et de gauche ont fait les mêmes politiques, ce n’est pas nécessairement de gaîté de cœur. « 
           
          C’est bien pourquoi la « cible » n’est pas les individus en soi mais la politique qu’ils impulsent en rapport aux intérêts qu’ils défendent consciemment ou non. Cela dit, certains de ces politiques sont d’une arrogance telle qu’ils ne peuvent que déclencher des réactions épidermiques même s’il nous faut nous en garder dans notre réponse.
           
          «  l’impuissance du politique entraîne presque mécaniquement une dégradation du personnel politique. Autrefois entraient en politique les plus brillants, etc, »
           
          Oui, ce phénomène touche aussi, hélas, le personnel syndical.
           
          « Mais je ne comprends pas très bien le lien que vous faites avec mon commentaire. La « rupture avec les politiques macronistes » n’implique pas nécessairement un saut dans l’inconnu. Pensez par exemple à l’abrogation de la réforme des retraites. En quoi cela nous ferait sortir de la « routine » ? « 
           
          Songez que cette abrogation touche aussi les « tables de la loi » européistes (le déficit des comptes publics ET sociaux ne doivent pas excéder 3 % du PIB – critère de Maastricht).
          Même si cela ne sortirait pas de la « routine » il faut trouver un autre poste dans la même veine à trancher.
          A ce sujet, une évidente convergence entre le groupe LR et les macronistes des différentes obédiences avec le fait d’un refus souvent réciproque RN/NFP de mêler ses voix dans une motion de censure (et c’est peut-être là où « L’inconnu fait peur » pour nombre de nos compatriotes?),
           

          • Descartes dit :

            @ morel

            [C’est bien pourquoi la « cible » n’est pas les individus en soi mais la politique qu’ils impulsent en rapport aux intérêts qu’ils défendent consciemment ou non. Cela dit, certains de ces politiques sont d’une arrogance telle qu’ils ne peuvent que déclencher des réactions épidermiques même s’il nous faut nous en garder dans notre réponse.]

            Tout à fait. Même s’il faut être conscient des contraintes qui limitent la liberté d’action des politiques, ceux-ci gardent quand même une marge de manœuvre, surtout dans l’expression. J’ai plus de respect pour un Montebourg qui a essayé – même s’il a échoué – que pour un Hollande qui s’est coulé dans le moule.

  4. Vincent dit :

    @Descartes
    Une question qui peut apparaitre comme faussement naïve, mais qui n’en est pas moins une vraie interrogation, car je sais que vous saurez y répondre de manière précise :
     

    [nos décideurs sont contraints par le principe de la supériorité du droit européen sur les droits nationaux, principe à valeur quasi constitutionnel et qui pourtant n’a jamais été soumis au débat parlementaire, mais qui résulte de décisions de justice, celle de la Cour de justice des communautés européennes d’abord, celles de nos cours souveraines ensuite]

     
    Je crois savoir que c’était vrai jusqu’au traité de Lisbonne, mais que, depuis le traité de Lisbonne, il y a bel et bien une supériorité du droit européen qui a, juridiquement, été gravée dans le marbre d’un traité ratifié par notre Parlement.
    Est-ce exact ? Ou cette supériorité ne repose-t-elle, encore aujourd’hui, que sur des décisions prétoriennes ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Je crois savoir que c’était vrai jusqu’au traité de Lisbonne, mais que, depuis le traité de Lisbonne, il y a bel et bien une supériorité du droit européen qui a, juridiquement, été gravée dans le marbre d’un traité ratifié par notre Parlement. Est-ce exact ? Ou cette supériorité ne repose-t-elle, encore aujourd’hui, que sur des décisions prétoriennes ?]

      Je vais essayer de vous répondre précisément. Non, il n’y a pas de supériorité du droit européen « gravé dans le marbre d’un traité ». La mention ne figure pas dans le texte du traité de Lisbonne, et la question n’est abordée que dans une déclaration annexée au traité, déclaration qui se contente de rappeler la jurisprudence de la CJUE sans prétendre à la moindre valeur normative. Voici le texte exact de la déclaration en question :

      17. Déclaration relative à la primauté

      La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence.
      En outre, la Conférence a décidé d’annexer au présent Acte final l’avis du Service juridique du Conseil sur la primauté tel qu’il figure au document 11197/07 (JUR 260):

      Avis du Service juridique du Conseil du 22 juin 2007

      Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice que la primauté du droit communautaire est un principe fondamental dudit droit. Selon la Cour, ce principe est inhérent à la nature particulière de la Communauté européenne. À l’époque du premier arrêt de cette jurisprudence constante (arrêt du 15 juillet 1964 rendu dans l’affaire 6/64, Costa contre ENEL [1], la primauté n’était pas mentionnée dans le traité. Tel est toujours le cas actuellement. Le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice.

      [1] “Il [en] résulte (…) qu’issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même.”

      Comme vous pouvez le constater, il ne s’agit que d’un simple rappel de jurisprudence. Le principe garde donc son caractère prétorien. Vous noterez par ailleurs que la jurisprudence Costa, telle que formulée par la CJUE, affirme la primauté du droit européen sur “un texte interne QUEL QU’IL SOIT”, donc y compris la constitution de chaque état. Une prétention que notre Conseil constitutionnel a rejeté, et qui créerait un curieux paradoxe: un traité ratifié dans les formes prescrites par la Constitution serait… supérieur à la Constitution!

  5. maleyss dit :

    [Derrière l’affaire roumaine, se profile l’idée que le peuple est bête, et que son vote doit être surveillé voire « corrigé » par les élites intelligentes qui savent ce qui est bon pour lui.]
    C’est donc la mort de l’esprit des Lumières, fondement de la démocratie, qui postulait qu’un citoyen éclairé serait à même de faire les bons choix. Vous êtes un des seuls à le souligner.

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [C’est donc la mort de l’esprit des Lumières, fondement de la démocratie, qui postulait qu’un citoyen éclairé serait à même de faire les bons choix.]

      Ca va beaucoup plus loin: non seulement on dénie la capacité du citoyen éclairé à faire les “bons choix” – ce qui suppose d’avoir des citoyens éclairés, ce qui n’est pas évident – mais on lui dénie même le droit à faire le choix, principe qui sous tend toute la logique démocratique.

  6. Frank dit :

    Je vous remercie pour cette admirable synthèse. Il n’y a pas une virgule à changer. C’est réconfortant, aussi, en ces temps troublés, de voir qu’il existe des êtres qui partagent aussi intimement ses propres convictions profondes.
     
    Ressentez-vous comme moi depuis quelques jours une jubilation malsaine devant l’éclatement des dernières façades du village Potemkine européen ? 
     
    Qu’avez-vous pensé devant les larmes de l’organisateur de la conférence de Münich ? 
     
    Personnellement, je me suis dit que ces gens étaient finalement peut-être sincères malgré l’énormité des bêtises accumulées depuis des décennies. Ça n’a pas diminué ma jubilation.
     
    Mais cette jouissance, qui est teintée de vanité, est malsaine. Parce que, honnêtement, je ne vois pas d’issue favorable pour nous, Français comme Européens, ni sur le court, ni sur le moyen, ni sur le long terme.
     
    Les éléments qui ont mis à mal nos démocraties, institutionnels, économiques, idéologiques, sont extrêmement puissants et solidement ancrés. Personne dans le système n’est capable de se remettre un seul instant en cause : le mécanisme de déni, que j’ai pu observer directement à de multiples reprises, ayant quelques connaissances dans les institutions européennes, est total. La puissance des illusions que vous décrivez si bien est immense. Et l’animosité latente entre les États membres, surtout entre l’Allemagne et la France, n’a jamais été aussi élevée.
     
    Il est vrai que la situation pourrait paraître superficiellement favorable à la France, qui a gardé quelques reliques utiles de son passé, mais avec Macron aux commandes il n’y a strictement rien à espérer. L’opportunité de reprendre l’initiative sera perdue.
     
    Je sais que vous êtes de nature optimiste, contrairement à moi. Peut-être voyez-vous des portes entrouvertes que je ne distingue pas.
     
    Personnellement, je pense plus à fuir qu’à combattre. En attendant, je vais peut-être aller m’acheter un cochon d’inde.

    • Descartes dit :

      @ Franck

      [Ressentez-vous comme moi depuis quelques jours une jubilation malsaine devant l’éclatement des dernières façades du village Potemkine européen ?]

      Oui, je l’avoue. Mais la Schadenfreude a certaines limites. Après quelques moments de joie, je vous avoue que je suis surtout très inquiet. Bien sûr, tout cela ne me surprend pas. Je suis convaincu depuis longtemps que la politique est une affaire tragique, et que nous vivons dans un monde dangereux. Mais comme disait je ne sais plus qui, « le savoir est une chose, et le croire c’en est une autre ».

      [Qu’avez-vous pensé devant les larmes de l’organisateur de la conférence de Münich ?]

      Qu’il n’y avait pas assez de lapins et de cochons d’Inde à caresser ?

      Plus sérieusement, il semblerait que les « larmes » en question du diplomate allemand Christoph Heugen tenaient plutôt à son émotion de quitter la présidence de la conférence (qu’il exerçait depuis 2022) qu’aux termes de la déclaration de Vance. Mais quoi qu’il en soit, je vous avoue que je n’apprécie que très moyennement la sentimentalité en public.

      [Personnellement, je me suis dit que ces gens étaient finalement peut-être sincères malgré l’énormité des bêtises accumulées depuis des décennies. Ça n’a pas diminué ma jubilation.]

      Leur sincérité n’est à mon avis pas en cause. Les véritables cyniques sont relativement rares, et la plupart des gens – hommes politiques compris – ont une grande capacité d’auto-conviction qui les fait finalement croire sincèrement aux idées qui les arrangent. La plus part des atlantistes croient sincèrement qu’on peut compter sur la parole des Etats-Unis, et sont les premiers choqués de constater que ce n’est pas le cas.

      [Mais cette jouissance, qui est teintée de vanité, est malsaine. Parce que, honnêtement, je ne vois pas d’issue favorable pour nous, Français comme Européens, ni sur le court, ni sur le moyen, ni sur le long terme.]

      Vaut-il mieux vivre dans l’illusion, ou bien se confronter à la réalité ? « Where ignorance is bliss, it is folly to be wise » écrivait John Gray. Mais personnellement je trouve que le simple fait que ceux qui sont appelés à prendre des décisions soient obligés à les prendre en fonction de la réalité et non d’une illusion est quand même un considérable progrès. Ceux qui – et c’est mon cas – se battent pour que notre pays reprenne en main les instruments de sa souveraineté – sur le plan institutionnel et juridique, mais aussi sur le plan économique, social et industriel – auront moins de mal à faire valoir leur point de vue. Ce n’est pas négligéable.

      [Les éléments qui ont mis à mal nos démocraties, institutionnels, économiques, idéologiques, sont extrêmement puissants et solidement ancrés. Personne dans le système n’est capable de se remettre un seul instant en cause : le mécanisme de déni, que j’ai pu observer directement à de multiples reprises, ayant quelques connaissances dans les institutions européennes, est total. La puissance des illusions que vous décrivez si bien est immense.]

      Tout à fait. C’est pourquoi tout ce qui peut contribuer à déchirer le voile de l’illusion, tout ce qui peut forcer à sortir du déni, tout ce qui impose des remises en cause ne peut être que bénéfique. Trump ne résoudra probablement aucun problème – et certainement aucun de NOS problèmes – mais si son action nous permet d’en prendre conscience, c’est déjà pas mal.

      [Il est vrai que la situation pourrait paraître superficiellement favorable à la France, qui a gardé quelques reliques utiles de son passé, mais avec Macron aux commandes il n’y a strictement rien à espérer. L’opportunité de reprendre l’initiative sera perdue.]

      Oui. Mais Macron n’est pas éternel…

      [Je sais que vous êtes de nature optimiste, contrairement à moi. Peut-être voyez-vous des portes entrouvertes que je ne distingue pas. Personnellement, je pense plus à fuir qu’à combattre.]

      Pas moi. J’aime trop le combat, peut-être…

      [En attendant, je vais peut-être aller m’acheter un cochon d’inde.]

      Dépêchez-vous, à la vitesse ou ça va, il n’y en aura pas pour tout le monde…

  7. Bob dit :

    @ Descartes
     
    Un peu hors sujet – quoique ce ne soit pas si sûr puisque vous évoquez la démocratie  : que pensez-vous de l’arrêt forcé de la chaine de télé C8 ?

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [Un peu hors sujet – quoique ce ne soit pas si sûr puisque vous évoquez la démocratie : que pensez-vous de l’arrêt forcé de la chaine de télé C8 ?]

      Je pense que c’est une mesure de salubrité publique. La liberté d’expression n’est pas le droit de dire n’importe quoi, et comme l’a signalé l’ARCOM – et le Conseil d’Etat a validé son analyse en rejetant le recours présenté contre sa décision – C8 dérape régulièrement, et viole systématiquement les conditions légales de son autorisation d’émettre, s’imaginant que ses niveaux d’audience la mettent à l’abri de toute sanction. Il n’est pas inutile de rappeler de temps en temps que personne n’est au dessus des lois, pas même Cyril Hanouna.

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        A ce point-là ? Je pense qu’une chaine (en fait surtout un animateur, car c’est bien Hanouna qui dérange) qui invitait les gilets jaunes, les laissait s’exprimer, ou bien ne relayait pas benoitement les messages – avec le recul, mensongers – du gouvernement durant l’épisode du covid-19, et qui est en effet très populaire, irrite au plus haut point.
        Quelles conditions légales ont été violées ?
         

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [A ce point-là ? Je pense qu’une chaine (en fait surtout un animateur, car c’est bien Hanouna qui dérange) qui invitait les gilets jaunes, les laissait s’exprimer, ou bien ne relayait pas benoitement les messages – avec le recul, mensongers – du gouvernement durant l’épisode du covid-19, et qui est en effet très populaire, irrite au plus haut point.]

          Possible. Mais ce n’est pas cela qui motive la décision de l’ARCOM, qui liste les violations des conditions légales de diffusion. Voici quelques exemples d’affaires sanctionnés par l’ARCOM (ce qui laisse de côté les infractions mineures, probablement beaucoup plus nombreuses):

          Juillet 2019: diffusion d’un reportage falsifié (Dans « Enquête sous haute tension », plusieurs scènes ont été présentées comme ayant été filmées à Méru (Oise), alors qu’elles se déroulaient en dehors de cette ville et en renvoyaient une image négative): violation de l’obligation d’honnêteté et d’indépendance de l’information.

          Mars 2019: en février 2019, a été diffusé le match entre le Stade de Reims et l’Olympique de Marseille alors qu’il était initialement programmé sur Canal+ Premium, et ce malgré l’opposition du CSA quelques jours auparavant: non-respect de la convention sur l’encadrement des déprogrammations.

          Mai 2017: Cyril Hanouna a réalisé un canular homophobe en piégant des personnes LGBTQ+ par téléphone. Violation du principe de respect de la vie privée, obligation de lutter contre les discriminations.

          Mai 2017: Dans « TPMP », en décembre 2016, Cyril Hanouna a posé la main de la chroniqueuse Capucine Anav sur son sexe alors qu’elle avait les yeux fermés.

          Février 2021: Dans « TPMP » et « La Grande Darka », en septembre 2019, Cyril Hanouna a fait la promotion de la compagnie aérienne Skyline Airways. Volation des obligatios des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de téléachat.

          Octobre 2021: Sur C8, en août 2021, a été diffusé en prime time “Unplanned”, un film qui délivre un message hostile à l’interruption volontaire de grossesse. Violation des règles de programmation, heure de programmation du film non adaptée.

          Novembre 2022: Dans « TPMP », en octobre 2022, Cyril Hanouna a appelé à plusieurs reprises à un procès expéditif et à une condamnation à perpétuité automatique dans l’affaire du meurtre de la jeune Lola.Violation de l’obligation de traiter avec mesure une affaire judiciaire en cours.

          Décembre 2022: Pour l’année 2021, C8 a effectué sept dépassements du temps maximal de publicité autorisé. Violation du temps maximal de publicité autorisé.

          Février 2023: Dans « TPMP », en novembre 2022, Cyril Hanouna a tenu, de façon répétée, des propos injurieux face au député de La France insoumise Louis Boyard. Violation de l’obligation de respect des personnes.

          Juin 2023: Dans « TPMP », en mars 2023, quatre invités ont été présentés à tort par Cyril Hanouna comme appartenant à la BRAV-M, alors qu’ils ne faisaient pas partie de cette unité, selon la Préfecture de police de Paris. Violation de l’obligation d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information.

          Juillet 2023: Dans « TPMP », en mars 2023, un invité a évoqué la consommation par certaines personnalités d’adrénochrome, une substance présentée à l’antenne comme étant issue de sang d’enfants kidnappés et sacrifiés. Violation de l’obligation d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, obligation de maîtrise de l’antenne.

          Janvier 2024: Dans « TPMP », en janvier 2023, des propos violents, grossiers et dépréciatifs ont été proférés à l’encontre de la fille mineure de Johnny et Laeticia Hallyday. Violation de l’obligation de maîtrise de l’antenne.

          Mars 2024: Dans « TPMP », en février, l’ancienne star de télé-réalité a raconté son viol, avec des difficultés d’élocution qu’elle attribuait à son traumatisme. Les chroniqueurs ont continué à lui poser des questions intrusives alors qu’elle était dans une situation de grand malaise. Violation de l’obligation de retenue dans la diffusion d’images susceptibles d’humilier les personnes, obligation de maîtrise de l’antenne.

          Juillet 2024: Dans les émissions, « PAF avec Baba. Ouvert à tous », en septembre 2023, et « Face à Hanouna », en février 2024, des personnes en plateau portaient des baskets dont la marque était identifiable et apparaissait en gros plan dans plusieurs séquences. Violation de l’obligation des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de téléachat

          Février 2020: Dans « TPMP », en octobre 2018, ont été diffusées des photos dénudées de l’animatrice Karine Ferri lorsqu’elle avait 18 ans alors que la justice avait interdit, en 2004, la diffusion de ces clichés vendus à son insu. Violation du principe de respect de la vie privée

          Est-ce que cette sélection vous suffit, ou dois-je continuer ?

          A mon sens, ces violations continues justifient à elles seules le retrait de l’autorisation à émettre. Pas besoin d’aller chercher on ne sait quel complot politique.

          • CZ dit :

            L’un des critères utilisés par l’ARCOM pour attribuer les fréquences est effectivement l’évaluation du respect par les éditeurs sortants des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information. Il me semble qu’il y avait également un critère de viabilité économique du projet et un autre de diversité des opérateurs. Or C8 n’est pas rentable et il se trouve par ailleurs que le groupe Bolloré, propriétaire de C8, possède également Cstar, Cnews ainsi que Canal+ et ses déclinaisons.
            Bref, il y a suffisamment d’éléments objectifs pour penser que le dossier présenté par C8 ne devait pas être très bon, ou en tous cas être de moins bonne qualité que ceux de RéelsTV et Ouest-FranceTV qui ont été retenus.

            • Bob dit :

              @ CZ
               
              [L’un des critères utilisés par l’ARCOM pour attribuer les fréquences est effectivement l’évaluation du respect par les éditeurs sortants des principes de pluralisme (….)].
              A cette aune, il faut sur-le-champ fermer quasiment toutes les antennes du service public (télé et radio) qui ne “roulent” que pour la bienpensance à gauche.
              Il suffit de voir la différence de traitement que la “journaliste” star de la maison, à savoir Léa Salamé (au passage en couple avec R. Glucksmann, mais cela ne pose apparemment aucun problème “d’indépendance de l’information” à l’ARCOM), réserve à ceux à gauche du spectre et au RN…
               
              [le dossier présenté par C8 ne devait pas être très bon, ou en tous cas être de moins bonne qualité que ceux de RéelsTV et Ouest-FranceTV qui ont été retenus.]
               
              Pas bon ? Mais qui est le juge ? Le comité politique qu’est l’ARCOM ? S’il faut se faire l’arbitre des élégances, je vous le concède, Hanouna n’est pas le meilleur candidat. Les téléspectateurs en revanche placent C8 au 1er rang de la TNT, loin devant les “bonnes” émissions de France 2. Mezzo est une “bonne” chaine, elle attire peu de téléspectateurs cependant, un peu comme Arte je crois.
              J’ai hâte de voir la “qualité” que proposera Ouest-France TV.
              Hanouna n’est pas vraiment mas tasse de thé, mais – comme Trump et les clashs qu’il génère – il oblige à remettre certaines choses en cause, il “secoue le cocotier”, et c’est une bonne chose.
               
              [il se trouve par ailleurs que le groupe Bolloré, propriétaire de C8, possède également Cstar, Cnews ainsi que Canal+ et ses déclinaisons.]
              Allons au bout de la démarche et fermons ces chaines-ci par la même occasion.
              PAr ailleurs, j’ai du mal à voir en quoi fermer une chaine permet un meilleur pluralisme.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« le dossier présenté par C8 ne devait pas être très bon, ou en tous cas être de moins bonne qualité que ceux de RéelsTV et Ouest-FranceTV qui ont été retenus. » Pas bon ? Mais qui est le juge ? Le comité politique qu’est l’ARCOM ?]

              L’autorité administrative qu’est l’ARCOM, sous le contrôle du juge administratif, en l’espèce, le Conseil d’Etat. Je serais curieux de savoir quel serait le système que vous proposeriez pour attribuer les canaux disponibles sur la TNT.

              [Les téléspectateurs en revanche placent C8 au 1er rang de la TNT, loin devant les “bonnes” émissions de France 2.]

              Vous voulez dire que dès lors qu’une chaîne est placée « au premier rang », elle aurait le droit d’ignorer la loi et les termes de la convention qu’elle a signée pour pouvoir émettre ?

              [Hanouna n’est pas vraiment mas tasse de thé, mais – comme Trump et les clashs qu’il génère – il oblige à remettre certaines choses en cause, il “secoue le cocotier”, et c’est une bonne chose.]

              Certainement. Avant, je croyais que tous les hommes étaient des êtres doués de raison. Maintenant, j’en doute… Non, Hanouna ne secoue aucun « cocotier ». Hanouna est un démagogue grossier, une sorte de Bernard Tapie du XXIème siècle.

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            La liste peut sembler longue, mais les premiers reproches remontent à 2017. Une dizaine d’écarts  – admettons même qu’il y en ait quelques autres – en 8 ans, pour une chaine qui passe des heures de direct chaque jour, je ne trouve pas cela si impressionnant in fine. Certains sont discutables, par exemple le cas de L. Boyard, cet ancien dealer devenu député, qui était clairement venu faire de la provocation.
            Cette chaine, et Hanouna en particulier, a le mérite de proposer de vrais débats, sur les sujets de société comme sur la politique. Certains dégénèrent, sur la forme et sur le fond, c’est indéniable, mais faut-il y préférer des médias qui mettent les “vrais sujets”, ceux qui fâchent, sous le tapis ? Si on veut une télé remplie des clones de LCP, où  seules existent les émissions où les gens pensent pareil (souvent la bienpensance d’ailleurs) comme “C à vous” ou tous les “faux débats” sur France 5, aucune obligation légale ne sera violée, c’est vrai, on sera entre gens de “bonne compagnie”. Hanouna, souvent vulgaire, a sans aucun doute un côté détestable, mais comme Trump, au moins il met les pieds dans le plat. Je pense que c’est cela qu’on veut lui faire payer.
            Sur le principe de fermeture d’une chaine de télé à présent. Il ne faut pas être naïf ; sans tomber dans le complotisme, qui peut sérieusement croire qu’un “comité” tel que l’ARCOM ait, seul dans son coin, eu l’audace de fermer la 1ère chaîne de la TNT ? Allons… L’ARCOM est une instance politique “par délégation”, il suffit de voir comment ses membres sont choisis : par nomination du président de la République, de l’Assemblée nationale, du président du Sénat, du vice-Président du Conseil d’État. Évidemment que des pressions politiques se sont exercées.
            En outre, la seule “régulation” par ce type de comité me pose problème. Si ce qui est dit ou fait sur les plateaux tombe sous le coup de la loi, la justice doit le sanctionner. Mais qu’une instance politique ait le pouvoir de décider, hors de tout jugement judiciaire, ce qui peut ou ne peut pas passer à l’antenne, eh bien, j’ai du mal à voir en quoi cela ne peut être qualifié de censure. Je pense que dans ce domaine rien n’est pire que la censure.
             
            Les députés LFI se sont rendus coupables de nombreux débordements et outrages à l’Assemblée nationale – et ils ont souvent été sanctionné pour cela – , pourquoi une “autorité indépendante” n’a-t-elle pas décidé, comme pour C8, de fermer leur crèmerie ?
             
            Aviez-vous aussi applaudi à la fermeture de Sputnik et RT France ?
             

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [La liste peut sembler longue, mais les premiers reproches remontent à 2017. Une dizaine d’écarts – admettons même qu’il y en ait quelques autres – en 8 ans, pour une chaine qui passe des heures de direct chaque jour, je ne trouve pas cela si impressionnant in fine.]

              En fait, il y a une soixantaine d’écarts sanctionnés par l’ARCOM, et cela n’inclut pas les écarts réels mais qui n’ont pas justifié l’ouverture d’une procédure. Pire : certains écarts pourraient être considérés comme des accidents s’ils étaient isolés. Mais quand un écart se reproduit systématiquement (je pense par exemple aux violations des règles sur la publicité déguisée), il faut bien conclure qu’il s’agit d’un choix délibéré de ne pas respecter la loi.

              [Certains sont discutables, par exemple le cas de L. Boyard, cet ancien dealer devenu député, qui était clairement venu faire de la provocation.]

              Je ne vois pas ce qui est « discutable ». D’abord, ce n’est pas comme si L. Boyard avait vu la lumière et était rentré. Il a été invité par la chaîne. Ensuite, ce n’est pas parce que Boyard fait de la provocation qu’il faut y répondre par des injures publiques. Et enfin, lorsqu’on regarde la séquence, on ne voit pas où se situe la « provocation ». Ce qui a déclenché les injures d’Hanouna, ce fut la mention par Boyard des « cinq hommes les plus riches de France » et de leur action néfaste en Afrique, et parmi eux, de Vincent Bolloré, propriétaire de la chaine.

              [Cette chaine, et Hanouna en particulier, a le mérite de proposer de vrais débats, sur les sujets de société comme sur la politique.]

              Je ne partage nullement ce point de vue. Un « vrai débat » implique un panel équilibré et un échange ordonné d’arguments, chaque intervenant ayant la possibilité de présenter ses arguments dans un contexte respectueux. Ce qu’Hanouna propose, c’est un pugilat qui fait appel non pas à la raison, mais aux pires émotions.

              [Certains dégénèrent, sur la forme et sur le fond, c’est indéniable,]

              Non. Ces confrontations sont programmées pour dégénérer. C’est sur cela que C8 fait son beurre. Plus c’est vicieux, plus c’est violent, plus c’est excessif, et plus on fait de l’audience. Je vous conseille vivement de regarder le film d’Elia Kazan, « un homme dans la foule ». Je pense que vous verrez Hanouna sous un autre jour…

              [mais faut-il y préférer des médias qui mettent les “vrais sujets”, ceux qui fâchent, sous le tapis ?]

              Non, je préfère les médias qui mettent les « vrais sujets » en débat avec des invités qui s’y connaissent, et un animateur qui se fixe comme objectif de créer un climat d’échange bienveillant et intelligent. Pour moi, occulter un « vrai sujet » ou le banaliser jusqu’au ridicule, c’est tout aussi nuisible.

              [Hanouna, souvent vulgaire, a sans aucun doute un côté détestable, mais comme Trump, au moins il met les pieds dans le plat. Je pense que c’est cela qu’on veut lui faire payer.]

              Insulter ses invités, diffuser de la publicité clandestine, torturer cette pauvre Loana, raconter des bobards c’est « mettre les pieds dans le plat » ? Désolé, mais s’il s’agit de mettre les pieds dans le plat, on peut le faire sans vulgarité, sans ce côté détestable. Et si c’était le cas chez Hanouna, il aurait droit à tout mon soutien. Mais je ne vois pas l’intérêt de maintenir une chaine qui, au prétexte qu’elle mettrait « les pieds dans le plat » se place au-dessus des lois.

              [Sur le principe de fermeture d’une chaine de télé à présent. Il ne faut pas être naïf ; sans tomber dans le complotisme, qui peut sérieusement croire qu’un “comité” tel que l’ARCOM ait, seul dans son coin, eu l’audace de fermer la 1ère chaîne de la TNT ?]

              Si vous ne voulez pas « tomber dans le complotisme », regardez les motivations de la décision de l’ARCOM et posez-vous une question simple : si c’était à VOUS de juger, estimez-vous que les violations invoquées justifient la décision de retrait de l’autorisation d’émettre ? Moi, je pense que c’est le cas. Autant d’infractions, dont certaines se répètent au point qu’elles ne peuvent être accidentelles, cela justifie la décision à mon avis. Mais si vous ne partagez pas ce diagnostic, alors expliquez-moi quelle serait l’infraction à la loi qui pourrait justifier une telle mesure… ou pensez-vous peut-être que parce qu’Hanouna « met les pieds dans le plan » tout devrait lui être toléré ?

              [Allons… L’ARCOM est une instance politique “par délégation”, il suffit de voir comment ses membres sont choisis : par nomination du président de la République, de l’Assemblée nationale, du président du Sénat, du vice-Président du Conseil d’État. Évidemment que des pressions politiques se sont exercées.]

              Sauf que la décision de l’ARCOM a été validée par le Conseil d’Etat statuant au contentieux. Pensez-vous que « des pressions politiques » soient derrière sa décision aussi ? Franchement, votre position est du complotisme pur. Vous n’avez aucun élément factuel pour affirmer que l’ARCOM ait retiré l’autorisation à C8 répondant à des « pressions politiques », ou que le Conseil d’Etat ait validé par complaisance. Votre seul argument est « Il faut pas être naïf », « qui peut sérieusement croire que… ». Ce n’est pas sérieux.

              Je vous repose donc la question : ayant connaissance des infractions commises par C8, de leur caractère systématique et répétitif, quelle aurait été VOTRE décision ? Auriez-vous prolongé la licence de C8 (en concurrence avec d’autres projets) au motif que malgré toutes ses infractions « elle met les pieds dans le plat » ?

              [En outre, la seule “régulation” par ce type de comité me pose problème. Si ce qui est dit ou fait sur les plateaux tombe sous le coup de la loi, la justice doit le sanctionner. Mais qu’une instance politique ait le pouvoir de décider, hors de tout jugement judiciaire, ce qui peut ou ne peut pas passer à l’antenne, eh bien, j’ai du mal à voir en quoi cela ne peut être qualifié de censure. Je pense que dans ce domaine rien n’est pire que la censure.]

              Je pense que vous confondez deux questions. D’un côté, il a la question de la répartition des fréquences. Il y a un nombre limité de canaux sur la TNT, et il faut donc bien une autorité qui évalue les différents projets et accorde l’autorisation d’émettre sur les différents canaux. Quelle procédure proposeriez-vous ?

              La seconde question est celle des pouvoirs de sanction de l’ARCOM. Ce n’est pas le seul cas d’un organe habilité à prononcer des sanctions administratives. L’inspection du travail, l’autorité de sûreté nucléaire, la direction de la concurrence et la répression des fraudes… et des dizaines d’autres ont l’avantage d’être constitués d’experts de leur domaine, et peuvent donc distinguer ce qui relève de l’accident et ce qui est au contraire sanctionnable. Mais si l’ARCOM peut prononcer des sanctions, elle ne peut « décider hors de toute procédure judiciaire ce qui passe à l’antenne ». D’une part parce que les sanctions de l’ARCOM ne peuvent être prononcées qu’à posteriori (il n’y a aucun contrôle a priori sur les émissions, contrôle qui serait d’ailleurs contraire à la constitution) et d’autre part parce que toutes les décisions de l’ARCOM peuvent être déférées devant le juge administratif. J’ajoute que les décisions de sanction à l’encontre de C8 ont plusieurs fois été déférées. Une seule fois la chaîne a eu gain de cause devant le Conseil d’Etat.

              [Les députés LFI se sont rendus coupables de nombreux débordements et outrages à l’Assemblée nationale – et ils ont souvent été sanctionné pour cela – , pourquoi une “autorité indépendante” n’a-t-elle pas décidé, comme pour C8, de fermer leur crèmerie ?]

              Je crois que vous n’avez pas compris la nature de la décision prise à l’encontre de C8. Si C8 a envie de continuer à produire des émissions et les diffuser sur les réseaux câblés, rien ne l’empêche. Mais les canaux de la TNT sont en nombre limité, et par conséquent il s’agit d’évaluer les projets des différents candidats à l’octroi d’un canal. Et dans l’évaluation, les garanties de respect des obligations prévues dans la convention d’émission est un élément important. L’ARCOM n’a donc pas pris la décision de « fermer la crémerie » C8, elle a pris la décision de lui préférer un autre projet.

              [Aviez-vous aussi applaudi à la fermeture de Sputnik et RT France ?]

              Non, parce qu’à ma connaissance ni Sputnik ni RT France n’ont manqué aux obligations légales ou conventionnelles. Ce n’est pas le cas de C8…

            • Carloman dit :

              @ Descartes & Bob,
               
              Pardonnez cette immixtion dans le débat sur C8.
               
              Je pense pour ma part que les raisons de virer C8 de la TNT sont tout à fait recevables. C8, et Hanouna tout particulièrement, participent largement à l’hystérisation du débat, en tenant des propos caricaturaux, injurieux ou tout simplement faux. Par ailleurs, je dois dire que traiter des sujets sérieux sur le ton de la bouffonnerie – et d’une bouffonnerie vulgaire de surcroît – m’exaspère au plus haut point. Cela tend à abolir la hiérarchie des sujets par ordre d’importance, puisque les émissions comme TPMP abordent tout et n’importe quoi, et mettent sur le même plan des thématiques qui n’ont pas du tout le même degré d’importance pour la collectivité. Mélanger le léger et le tragique – à moins que ce ne soit fait avec un rare talent, je pense à un Pierre Desproges ou à un François Rollin – se fait toujours au bénéfice du premier et au détriment du second.
               
              Cela étant dit, il faut comprendre que derrière ce que dit Bob, il y a en fait un contexte, et ce contexte rend la décision de l’ARCOM, si fondée soit-elle, difficilement acceptable pour beaucoup de monde. En effet C8, Cnews, et Bolloré sont devenus, à tort ou à raison, les “bêtes noires” de toute une partie de la classe politique et même de la société. Chez les bobos et les gauchistes, il est de bon ton de se gausser de Hanouna, de dénoncer l’influence du milliardaire “catho conservateur” Bolloré. De LFI à Aymeric Caron, toute une partie de la gauche va se réjouir de la sortie de C8 de la TNT. Ces gens vont crier victoire, et nous savons tous qu’ils n’ont pas le triomphe modeste. Ils risquent fort d’accréditer l’idée qu’ils ont réussi à faire taire ceux qu’ils voient comme des adversaires, ceux qu’ils accusent de tenir des discours nauséabonds. Moi, je ne défends pas C8: j’ai entendu ces dernières semaines Hanouna sur Europe1, et je trouve – pardon Bob – que c’est le niveau 0 de la vulgarité populacière et démagogique… doublée d’une apologie décomplexée du libéralisme et du “roi-pognon”. Mais le fait est qu’on ne peut pas ignorer complètement le ressenti – je dirais même le ressentiment – d’une partie de l’opinion publique qui, disons les choses franchement, va avoir l’impression qu’on baillonne des gens à cause des idées qu’ils professent. L’impression est probablement fausse, mais elle est là. Et naturellement, les ténors de C8 ne se privent pas d’user du petit couplet victimaire, de se poser en chantres de la “liberté d’expression”. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la possibilité de passer pour des martyrs…
               
              Et il n’y a pas que ça. J’ai parlé de ressentiment. Il y a quelques semaines, j’entendais sur France Culture une critique artistique qui, après avoir été voir un spectacle comique, reconnaissait elle-même que “bon, j’ai bien ri, mais soyons honnête, c’était un spectacle s’adressant à des gens de gauche comme moi, et ça pose question dans une structure financée en grande partie par les deniers publics”. Admirable élan d’honnêteté! Parce que, malheureusement, le sentiment est répandu que l’argent public sert à subventionner des médias, des associations culturelles, des artistes, etc qui sont accusés, à tort ou à raison – et pour France Inter et France Culture, pas tout à fait à tort à mon avis – de diffuser une rhétorique “de gauche”, bienpensante, avec en permanence “l’extrême droite” (dont la définition est parfois très vague) dans le viseur. Et ce discours qui est idéologique, il faut le dire, qui n’est pas toujours très respectueux non plus – certains journalistes ou humoristes de France Inter se permettent parfois des propos caricaturaux ou à la limite de l’injure – qui est loin également d’être mesuré – je vous assure que lorsqu’on écoute certaines matinales de France Culture, on a l’impression que les nostalgiques du III° Reich sont aux portes du pouvoir en France et dans les autres pays d’Europe – et qui, au final, ne favorise pas davantage un débat sérieux et rationnel, eh bien ce discours en effet provoque une exaspération qui vire à l’aversion. Et, si regrettable que ce soit, cette aversion, compréhensible à certains égards, risque de se muer chez beaucoup en soutien à C8. 
               
              S’il n’y avait pas cette ambiance délétère en France, cette atmosphère de guerre civile où chaque camp se crispe et se ferme, le sort de C8 laisserait sans doute indifférent. Seulement voilà, le contexte fait que C8 risque de devenir un symbole – un de plus – de la fracture qui existe dans la société française. 

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Pardonnez cette immixtion dans le débat sur C8.]

              Rien à pardonner, cher ami, ici les débats sont ouverts, et chacun peut intervenir quand il le souhaite.

              [Cela étant dit, il faut comprendre que derrière ce que dit Bob, il y a en fait un contexte, et ce contexte rend la décision de l’ARCOM, si fondée soit-elle, difficilement acceptable pour beaucoup de monde. En effet C8, Cnews, et Bolloré sont devenus, à tort ou à raison, les “bêtes noires” de toute une partie de la classe politique et même de la société. Chez les bobos et les gauchistes, il est de bon ton de se gausser de Hanouna, de dénoncer l’influence du milliardaire “catho conservateur” Bolloré. De LFI à Aymeric Caron, toute une partie de la gauche va se réjouir de la sortie de C8 de la TNT. Ces gens vont crier victoire, et nous savons tous qu’ils n’ont pas le triomphe modeste. Ils risquent fort d’accréditer l’idée qu’ils ont réussi à faire taire ceux qu’ils voient comme des adversaires, ceux qu’ils accusent de tenir des discours nauséabonds.]

              Admettons. Mais pensez-vous que dans leurs décisions une autorité administrative ou un juge doivent tenir compte de ce genre de critère dans leur décision. Autrement dit, pensez-vous qu’un juge doive condamner un innocent ou libérer un coupable de crainte « d’accréditer » le discours d’une des parties ? Je pense qu’un tel choix est non seulement suicidaire pour une institution, mais auto-contradictoire : en quoi serait-il plus grave « d’accréditer » l’idée que LFI a eu la peau de C8 que « d’accréditer » l’idée que Hanouna peut impunément violer la loi ?

              Les institutions doivent prendre leurs décisions en appliquant, autant que faire se peut, les règles auxquelles elles sont soumises. Bien sûr, il y aura toujours un biais, parce que les juges sont des hommes, mais l’ARCOM n’est pas seule dans le paysage, et les systèmes de contrôle et d’appel sont assez forts pour garantir une décision raisonnablement dépassionnée. Et sans vouloir offenser Bob, je pense qu’il est aussi du devoir des personnes rationnelles de défendre ces institutions, au lieu de propager des discours complotistes.

              [Mais le fait est qu’on ne peut pas ignorer complètement le ressenti – je dirais même le ressentiment – d’une partie de l’opinion publique qui, disons les choses franchement, va avoir l’impression qu’on baillonne des gens à cause des idées qu’ils professent. L’impression est probablement fausse, mais elle est là.]

              Oui, et c’est le devoir de toute personne rationnelle d’expliquer autour d’elle qu’il ne s’agit pas de baillonner qui que ce soit, mais d’appliquer la loi. Si les institutions ne sont pas capables d’aller contre l’opinion publique, on va revenir aux lynchages.

              [Et il n’y a pas que ça. J’ai parlé de ressentiment. Il y a quelques semaines, j’entendais sur France Culture une critique artistique qui, après avoir été voir un spectacle comique, reconnaissait elle-même que “bon, j’ai bien ri, mais soyons honnête, c’était un spectacle s’adressant à des gens de gauche comme moi, et ça pose question dans une structure financée en grande partie par les deniers publics”. Admirable élan d’honnêteté!]

              Admirable, en effet. Et rare…

              [Parce que, malheureusement, le sentiment est répandu que l’argent public sert à subventionner des médias, des associations culturelles, des artistes, etc qui sont accusés, à tort ou à raison – et pour France Inter et France Culture, pas tout à fait à tort à mon avis – de diffuser une rhétorique “de gauche”, bienpensante, avec en permanence “l’extrême droite” (dont la définition est parfois très vague) dans le viseur. Et ce discours qui est idéologique, il faut le dire, qui n’est pas toujours très respectueux non plus – certains journalistes ou humoristes de France Inter se permettent parfois des propos caricaturaux ou à la limite de l’injure – qui est loin également d’être mesuré – je vous assure que lorsqu’on écoute certaines matinales de France Culture, on a l’impression que les nostalgiques du III° Reich sont aux portes du pouvoir en France et dans les autres pays d’Europe – et qui, au final, ne favorise pas davantage un débat sérieux et rationnel, eh bien ce discours en effet provoque une exaspération qui vire à l’aversion. Et, si regrettable que ce soit, cette aversion, compréhensible à certains égards, risque de se muer chez beaucoup en soutien à C8.]

              Je suis d’accord avec votre analyse. Mais à chacun son boulot. L’ARCOM n’est pas là pour faire la police politique, mais pour vérifier que les lois et les conventions signées par les chaînes sont respectées. Que la radio et la télévision publique fassent des choix idéologiques contestables, c’est une chose, qu’ils violent la loi et les conventions, c’en est une autre. Ce qui est en cause dans l’affaire C8, ce n’est pas les idées que C8 propage, mais la manière de le faire. Et je ne pense pas que l’ARCOM ferait s’on boulot si elle permettait à une chaîne de violer la loi au motif qu’elle est « populaire », ou que le retrait de l’autorisation serait mal vécu par la population.

              [S’il n’y avait pas cette ambiance délétère en France, cette atmosphère de guerre civile où chaque camp se crispe et se ferme, le sort de C8 laisserait sans doute indifférent. Seulement voilà, le contexte fait que C8 risque de devenir un symbole – un de plus – de la fracture qui existe dans la société française.]

              Oui… et non. Il ne faut jamais oublier que derrière les grands principes se cachent souvent des intérêts. Pour Bolloré, C8 est une affaire très profitable, et la perte de l’autorisation d’émettre est d’abord une perte financière. Même chose pour Hanouna, qui risque d’avoir du mal à se recaser. L’affaire C8 est à mon sens intéressante parce qu’elle est exemplaire. Je pense que C8 et Hanouna ont pris l’habitude d’ignorer les règles en pensant que leur audience les mettait au-dessus des lois, que l’ARCOM n’oserait jamais leur couper le sifflet. Rappeler publiquement que nul n’est au-dessus des lois, ce n’est pas inutile. Je suis beaucoup moins persuadé que vous que l’opinion verra dans ce retrait d’autorisation une injustice politiquement motivée. Les gens ne sont pas idiots : ils ont peut-être un plaisir malsain à regarder Hanouna, mais ils sont conscients du côté malsain de la chose. Je me souviens que dans les années 1980, lorsque les socialistes ont essayé de réglementer les fréquences hertziennes pour empêcher les radios commerciales – NRJ déjà… – de déplacer les « radios libres », une grande manifestation à la République l’en avait dissuadé. Je ne vois pas les foules battre le pavé pour défendre C8…

            • Bob dit :

              @ Descartes

              [Vous voulez dire que dès lors qu’une chaîne est placée « au premier rang », elle aurait le droit d’ignorer la loi et les termes de la convention qu’elle a signée pour pouvoir émettre ? ]

              Aucunement. Je voulais dire que le projet de C8 n’a pas été jugé “bon” par l’ARCOM alors que cette chaine est, qu’on le veuille ou non, la 1ère de la TNT en terme d’audience. Il est bon pour plusieurs millions de personnes en tout cas.

              [Ensuite, ce n’est pas parce que Boyard fait de la provocation qu’il faut y répondre par des injures publiques. (…) lorsqu’on regarde la séquence, on ne voit pas où se situe la « provocation »]

              Certes. Cela dit, je crois savoir de cette séquence que Boyard était invité pour parler de tout autre chose et qu’il s’est mis à dénigrer l’employeur de son hôte. ça ressemble quand même à de la provocation, ne trouvez-vous pas ?

              [Mais je ne vois pas l’intérêt de maintenir une chaine (…)]
              Peut-être le fait qu’elle rencontre un grand succès d’audience ?

              [Un « vrai débat » implique un panel équilibré et un échange ordonné d’arguments, chaque intervenant ayant la possibilité de présenter ses arguments dans un contexte respectueux. (…) je préfère les médias qui mettent les « vrais sujets » en débat avec des invités qui s’y connaissent, et un animateur qui se fixe comme objectif de créer un climat d’échange bienveillant et intelligent.]

              C’est la définition du débat idéal dont tout le monde rêve (moi y compris). Je crois en avoir peu vu à la télé… Par “vrai débat”, je voulais dire que les invités sont réellement en opposition, contrairement à ce qu’on voit souvent.

              [Je vous conseille vivement de regarder le film d’Elia Kazan, « un homme dans la foule ». Je pense que vous verrez Hanouna sous un autre jour…]

              Je vais tâcher de le voir. Notez que je ne tiens pas Hanouna en haute estime, il m’insupporte à bien des égards.

              [ou pensez-vous peut-être que parce qu’Hanouna « met les pieds dans le plan » tout devrait lui être toléré ?]

              Non. Mais cela peut expliquer certains dérapages.

              [ Vous n’avez aucun élément factuel pour affirmer que l’ARCOM ait retiré l’autorisation à C8 répondant à des « pressions politiques »]

              En effet, c’est le genre de preuve qu’il est, par nature, très difficile d’obtenir. Mais balayer cela d’un revers de main me semble un peu léger.

              [Sauf que la décision de l’ARCOM a été validée par le Conseil d’Etat statuant au contentieux. Pensez-vous que « des pressions politiques » soient derrière sa décision aussi ?]

              Mais le Conseil d’État est un organe politique puisque ses membres sont nommés par décret en conseil des ministres.

              [Vous voulez dire que dès lors qu’une chaîne est placée « au premier rang », elle aurait le droit d’ignorer la loi et les termes de la convention qu’elle a signée pour pouvoir émettre ?]

              Non. Je ne dis pas que le cas de C8 ne pose pas problème. Je pense que la fermeture pure et simple donne à réfléchir.

              [Ayant connaissance des infractions commises par C8, de leur caractère systématique et répétitif, quelle aurait été VOTRE décision ? Auriez-vous prolongé la licence de C8 (en concurrence avec d’autres projets) au motif que malgré toutes ses infractions « elle met les pieds dans le plat » ?]

              MA décision a bien peu d’intérêt. Je pense que je l’aurais prolongée car avant même de considérer le fait qu’elle “met les pieds dans le plat”, fermer une chaine aussi populaire ne doit se faire qu’avec une grande prudence, quand bien même cette dernière use de démagogie et offre certains programmes que d’aucuns jugeront vulgaires.

              [Quelle procédure proposeriez-vous ?]

              Je suis loin d’être un spécialiste de ces questions ; je n’ai rien à proposer ici. Mais le fait que c’est un comité politique – car il est difficile de dire que l’ARCOM n’en est pas un, non ? – qui décide de qui a un “bon” projet est une procédure viciée.
              Tous les organes habilités à prendre des sanctions que vous citez (inspection du travail, l’autorité de sûreté nucléaire, la direction de la concurrence et la répression des fraudes) ont en commun d’avoir des membres qui n’ont rien à voir avec la politique, qui ne sont pas nommés par des politiciens, cela fait une grande différence.

              L’ARCOM est censé valider “les principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information” d’après “le cahier des charges” cité plus haut.
              Prenons deux exemples du service public.
              France 2 fait animer ses émissions politiques par Léa Salamé alors même qu’il est de notoriété publique que celle-ci partage la vie de R. Glucksmann. L'”indépendance de l’information” – voire l”honnêteté – est sérieusement compromise ici. L’ARCOM n’y voit pourtant rien à redire ; étonnant, ne trouvez-vous pas ?
              France Inter est tout le contraire du pluralisme, difficile de le nier il me semble. Là encore, pour l’ARCOM, tout va bien.
              Vouloir présenter l’ARCOM comme un comité totalement indépendant et prenant ses décisions hors de toute influence politique me semble naïf, oui.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« Vous voulez dire que dès lors qu’une chaîne est placée « au premier rang », elle aurait le droit d’ignorer la loi et les termes de la convention qu’elle a signée pour pouvoir émettre ? » Aucunement. Je voulais dire que le projet de C8 n’a pas été jugé “bon” par l’ARCOM alors que cette chaine est, qu’on le veuille ou non, la 1ère de la TNT en termes d’audience. Il est bon pour plusieurs millions de personnes en tout cas.]

              D’abord, pas la peine de répéter que « C8 est la 1ère de la TNT en termes d’audience », parce que c’est faux. Si je prends les chiffres médiamétrie de décembre 2024 (https://fr.themedialeader.com/audiences-tv-decembre-2024-tf1-reste-leader-france-tv-progresse-bfmtv-reprend-son-leadership-des-chaines-info/) je trouve TF1 en première position (18,2% de PDA), FR2 en deuxième (14,4%), FR3 en troisième (8,9%), M6 en quatrième (7,5%), FR5 en cinquième (3,5%), BFMTV en sixième (3,3%), et C8 en septième ex-aequo avec CNews et TMC (3,1%).

              Ensuite, l’ARCOM n’évalue pas les projets seulement en termes de qualité éditoriale. Elle évalue aussi la capacité des candidats à tenir leurs obligations conventionnelles, et parmi elles sa capacité à surveiller ce qui se passe à l’antenne et à contrôler les dérapages. Et de ce point de vue, le dossier de C8 était probablement peu convaincant…

              [« Ensuite, ce n’est pas parce que Boyard fait de la provocation qu’il faut y répondre par des injures publiques. (…) lorsqu’on regarde la séquence, on ne voit pas où se situe la « provocation » » Certes. Cela dit, je crois savoir de cette séquence que Boyard était invité pour parler de tout autre chose et qu’il s’est mis à dénigrer l’employeur de son hôte. ça ressemble quand même à de la provocation, ne trouvez-vous pas ?]

              Non, je ne trouve pas. Si Boyard avait injurié la mère de l’animateur ou mis en doute la fidélité de sa femme, on aurait pu invoquer la provocation. Mais les liens qui lient un salarié à son employeur ne sont pas de telle nature qu’ils incluent pour le salarié une obligation de défendre son honneur. Par ailleurs, s’il estimait que Boyard dépassait les bornes, Hanouna aurait parfaitement pu lui couper le micro, ou le faire expulser du plateau. C’est cela qu’on appelle « le contrôle de l’antenne » en langage ARCOM.

              [« Mais je ne vois pas l’intérêt de maintenir une chaine (…) » Peut-être le fait qu’elle rencontre un grand succès d’audience ?]

              La cocaïne rencontre paraît-il un grand « succès d’audience ». Pensez-vous qu’il faut autoriser sa libre distribution ?

              [Par “vrai débat”, je voulais dire que les invités sont réellement en opposition, contrairement à ce qu’on voit souvent.]

              Confronter un complotiste qui pense que le COVID a été produit par la CIA et un ufologue qui prétend qu’il a été amené par des extraterrestres, ce n’est pas ce que j’appelle un « vrai débat ». Un « vrai débat » n’implique pas seulement que les invités soutiennent des opinions différentes, cela suppose aussi que ces « opinions » s’appuient sur une argumentation rationnelle, et que les invités sachent de quoi ils parlent. Et le fait que les « vrais débats » se fassent rares n’implique nullement qu’on doive tolérer des foires à la Hanouna.

              [« ou pensez-vous peut-être que parce qu’Hanouna « met les pieds dans le plan » tout devrait lui être toléré ? » Non. Mais cela peut expliquer certains dérapages.]

              Pardon, mais je ne suis pas d’accord. Les « dérapages » de Hanouna n’ont rien d’accidentel. Ils sont voulus et même recherchés, parce que c’est cela qui fait vendre du « temps de cerveau disponible ». Et ce n’est pas nouveau, le regretté – pas par moi, mais il paraît que certains le regrettent – Michel Polack avait découvert cela il y a bien longtemps, même si à l’époque quelques restes de « common decency » l’avaient empêché de tomber aussi bas dans le trash. Et à l’époque déjà on avait prétendu voir un « vrai débat » dans le fait que des gens se jetaient les assiettes à la figure en direct.

              On peut parfaitement « mettre les pieds dans le plat » sans pour autant injurier les invités, faire de la publicité clandestine, ou diffuser des informations manifestement inexactes. Et si des accidents peuvent arriver, quand ces accidents se répètent systématiquement il faut se demander s’il s’agit vraiment d’accidents.

              [« Vous n’avez aucun élément factuel pour affirmer que l’ARCOM ait retiré l’autorisation à C8 répondant à des « pressions politiques » » En effet, c’est le genre de preuve qu’il est, par nature, très difficile d’obtenir. Mais balayer cela d’un revers de main me semble un peu léger.]

              Je ne vois pas en quoi. Ce n’est pas parce que prouver qu’il n’existe pas de girafes bleues cracheuses de feu est très difficile – en fait, c’est impossible – que je dois agir comme si elles existaient. Si vous dites qu’on ne peut exclure que la décision de l’ARCOM soit motivée politiquement, je trouverais la position acceptable. Mais l’affirmer comme si c’était un fait, non.

              [« Sauf que la décision de l’ARCOM a été validée par le Conseil d’Etat statuant au contentieux. Pensez-vous que « des pressions politiques » soient derrière sa décision aussi ? » Mais le Conseil d’État est un organe politique puisque ses membres sont nommés par décret en conseil des ministres.]

              Formellement, tous les emplois supérieurs de l’Etat font l’objet d’une nomination par décret en conseil des ministres. C’est prévu par la Constitution (article 13). Mais si le président peut nommer des préfets ou des ambassadeurs selon son caprice – car ce sont là des postes « à discrétion » qui sont bien « politiques », ce n’est pas le cas pour des organes comme la Cour des Comptes ou le Conseil d’Etat, qui ont des règles strictes de sélection. Vous noterez par exemple que la voie normale de recrutement du Conseil d’Etat était la sortie de l’ENA, et que ce sont les élèves sortant qui choisissent leur poste en fonction de leur classement.

              [« Vous voulez dire que dès lors qu’une chaîne est placée « au premier rang », elle aurait le droit d’ignorer la loi et les termes de la convention qu’elle a signée pour pouvoir émettre ? » Non. Je ne dis pas que le cas de C8 ne pose pas problème. Je pense que la fermeture pure et simple donne à réfléchir.]

              Et une fois que vous avez réfléchi, vous tirez quelle conclusion ?

              [« Ayant connaissance des infractions commises par C8, de leur caractère systématique et répétitif, quelle aurait été VOTRE décision ? Auriez-vous prolongé la licence de C8 (en concurrence avec d’autres projets) au motif que malgré toutes ses infractions « elle met les pieds dans le plat » ? » MA décision a bien peu d’intérêt.]

              Au contraire, elle a un très grand intérêt si l’on veut comprendre votre position. Parce que pour tenir l’accusation selon laquelle l’ARCOM aurait pris une décision fondée sur un biais politique, il vous faut assumer et justifier la décision contraire. Et j’aimerais bien connaître les arguments qui, pour vous, justifieraient qu’on laisse C8 continuer à émettre.

              [Je pense que je l’aurais prolongée car avant même de considérer le fait qu’elle “met les pieds dans le plat”, fermer une chaine aussi populaire ne doit se faire qu’avec une grande prudence, quand bien même cette dernière use de démagogie et offre certains programmes que d’aucuns jugeront vulgaires.]

              La démagogie ou la vulgarité ne sont pas ici en question. La question est la suivante : C8 a violé ses obligations légales et conventionnelles, et la réitération constante de ces faits montre qu’il ne s’agit pas d’un accident, mais bien d’une politique systématique. A partir de là, soit on laisse la chaîne continuer à émettre au motif qu’elle est « populaire », ce qui suppose accepter le principe selon lequel quand on est « populaire » on est au-dessus des lois ; ou bien on tire les conséquences du comportement de C8 et on prend une mesure exemplaire.

              En réfléchissant avec vous, je me rends compte qu’en fait c’est précisément parce que C8 est une chaîne « aussi populaire » qu’il est important qu’elle soit lourdement sanctionnée par le retrait de son autorisation. Parce qu’il faut bien montrer – au public, mais aussi aux autres opérateurs – que nul n’est au-dessus des lois, pas même les gens « populaires ».

              [« Quelle procédure proposeriez-vous ? » Je suis loin d’être un spécialiste de ces questions ;]

              Ce n’est pas une question de « spécialiste ». Vous m’avez expliqué que l’ARCOM est un « organe politique », que le Conseil d’Etat censé le contrôler est lui-même un « organe politique », du fait que ses membres sont nommés par des instances politiques. Fort bien : dans ces conditions, comment faites-vous pour choisir des projets de manière à éviter le « biais politique » ? Le problème se pose dans tous les domaines, et pas seulement dans l’audiovisuel…

              [Mais le fait que c’est un comité politique – car il est difficile de dire que l’ARCOM n’en est pas un, non ? – qui décide de qui a un “bon” projet est une procédure viciée.]

              Encore une fois, le mode interrogatif n’est pas un argument. Non, il n’est pas difficile de dire que l’ARCOM n’est pas un comité politique. Il est au contraire très facile : « que l’ARCOM n’en est pas un comité politique ». Voilà, je l’ai dit. Vous voyez ? C’est simple comme bonjour. Maintenant, si vous voulez démontrer que c’en est un, j’attends votre argumentation.

              Je pense que vous confondez deux choses. Un « organe politique » est un organisme dont le mandat est d’agir en fonction de choix politiques. Le Parlement est un organe politique. Les ministres sont des organes politiques. Les partis politiques sont des organes politiques. Ils portent une politique, et n’ont pas à se cacher ou à faire preuve de neutralité. Mais un organisme administratif, dont le mandat est d’appliquer la loi sans autre considération, n’est pas un « organe politique ». Bien sûr, un tel organe est composé d’êtres humains, sujets aux biais et aux préjugés sociaux ou politiques – sans compter leurs propres intérêts et ceux de leur classe. Et c’est pour éliminer ou du moins réduire ces biais que leurs décisions sont collégiales, et soumises à plusieurs degrés de contrôle lui aussi collégial.

              [Tous les organes habilités à prendre des sanctions que vous citez (inspection du travail, l’autorité de sûreté nucléaire, la direction de la concurrence et la répression des fraudes) ont en commun d’avoir des membres qui n’ont rien à voir avec la politique, qui ne sont pas nommés par des politiciens, cela fait une grande différence.]

              Ah bon ? Les membres du collège de l’autorité de sûreté nucléaire sont nommés par un processus de même nature que ceux du collège de l’ARCOM : trois membres (dont le président) sont nommés par le président de la République, un par le président du Sénat, un par le président de l’Assemblée. Est-ce que cela fait de l’Autorité de sûreté nucléaire un « comité politique » ? Quant à la DCCRF ou à l’Inspection du travail, leurs directeurs sont eux aussi nommés en Conseil des ministres…

              [L’ARCOM est censé valider “les principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information” d’après “le cahier des charges” cité plus haut.
              Prenons deux exemples du service public.
              France 2 fait animer ses émissions politiques par Léa Salamé alors même qu’il est de notoriété publique que celle-ci partage la vie de R. Glucksmann. L’”indépendance de l’information” – voire l”honnêteté – est sérieusement compromise ici. L’ARCOM n’y voit pourtant rien à redire ; étonnant, ne trouvez-vous pas ?]

              Non, je ne trouve pas. D’abord, partager la vie de quelqu’un n’implique pas qu’on partage ses opinions, et on peut chercher à faire de la propagande pour un candidat même si l’on n’est pas marié avec lui. L’ARCOM juge le pluralisme et l’indépendance de l’information sur pièces, et non sur des présomptions. Si Léa Salamé avait invité Glucksman à une émission et en avait fait une foire promotionnelle, elle aurait été probablement sanctionnée.

              [France Inter est tout le contraire du pluralisme, difficile de le nier il me semble. Là encore, pour l’ARCOM, tout va bien.]

              Je crois que vous confondez « pluralisme » et « neutralité ». Ce n’est pas tout à fait la même chose. L’obligation de pluralisme ne fait pas obstacle à ce qu’une chaîne puisse avoir une orientation politique marquée. CNews ne fait pas secret de son positionnement, et son autorisation d’émettre n’a pas été remise en cause. Vous pouvez juger comme moi qu’il est scandaleux qu’une chaîne publique, payée par les impôts de tous les Français, soit politiquement orientée. Mais de n’est pas là un sujet pour l’ARCOM.

            • Carloman dit :

              @ Descartes,
               
              [Autrement dit, pensez-vous qu’un juge doive condamner un innocent ou libérer un coupable de crainte « d’accréditer » le discours d’une des parties ?]
              Pas du tout. Encore une fois, le fait que C8 soit virée de la TNT ne me fait ni chaud ni froid. Les raisons fournies par l’ARCOM sont valables. Mon point est d’essayer de comprendre pourquoi l’ARCOM, qui en l’espèce prend une décision légitime, va se retrouver sur le banc des accusés, être accusée de « censure » et faire l’objet d’une campagne de dénigrement qui, au final, risque fort de l’affaiblir.
               
              [en quoi serait-il plus grave « d’accréditer » l’idée que LFI a eu la peau de C8 que « d’accréditer » l’idée que Hanouna peut impunément violer la loi ?]
              La question pour moi n’est pas que ce soit « grave », la question est que ce soit « dangereux ». Si la décision de l’ARCOM entraîne un accroissement de la méfiance à l’égard des autorités administratives, est-ce plus ou moins dangereux que de donner l’impression que l’ARCOM est « faible » sous prétexte qu’elle ne retire pas son droit d’émettre à une chaîne qui viole la loi ? Je ne sais pas.
               
              Pour le dire autrement, je pense que l’ARCOM devrait revoir sa stratégie de communication. Il peut être tentant, je suppose, pour une autorité administrative de refuser l’excès de publicité au motif que le scandale n’est jamais bon, et qu’on n’a pas à répondre aux calomnies. « Les choses basses doivent mourir de leur propre poison » disait Giscard… sauf que le monde ne fonctionne pas ainsi, surtout à l’heure des réseaux sociaux. Il convient me semble-t-il d’empêcher que les contre-vérités soient diffusées impunément. J’ignore de quels leviers l’ARCOM dispose, mais il me semble qu’elle devrait s’obliger à faire une mise au point salutaire : un communiqué officiel, ou même une intervention à la télévision, sur C8 ou ailleurs, à une heure de grande écoute, d’un représentant de l’ARCOM qui expliquerait posément les obligations d’une chaîne de la TNT, et les manquements à ces obligations de C8. Si les gens sont méfiants, ce n’est pas qu’ils sont bêtes, c’est qu’ils sont souvent mal informés. C’est triste, mais à notre époque, une institution doit savoir communiquer.
               
              [Et sans vouloir offenser Bob, je pense qu’il est aussi du devoir des personnes rationnelles de défendre ces institutions, au lieu de propager des discours complotistes.]
              Je le répète, je pense que ces institutions doivent mieux communiquer.
               
              [Si les institutions ne sont pas capables d’aller contre l’opinion publique, on va revenir aux lynchages.]
              C’est déjà fait, et on l’a vu avec « me too », entre autres. Les institutions sont déjà impuissantes. Je lisais récemment que Julien Bayou a été blanchi… Mais sa carrière politique est détruite. Il faut lire à ce sujet le communiqué d’Europe-Ecologie-les-Verts, un condensé de mauvaise foi et de cynisme (« notre enquête interne avait aussi conclu que rien ne pouvait être imputé à Julien Bayou ») :
              https://lesecologistes.fr/posts/1LIPIjd0CrLsBypOHXo8MI/communique-de-presse-du-bureau-executif-des-ecologistes
               
              Si les institutions étaient fortes et dignes de confiance, je serais d’accord avec vous. Mais les institutions sont faibles, et il arrive de plus en plus fréquemment qu’elles se discréditent elles-mêmes. Certains juges le font en « modifiant » le droit, en créant une jurisprudence qui trahit l’esprit du législateur. Et ne parlons pas du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui ont entériné des pertes de souveraineté de notre pays, sans en référer au Souverain !
              Oui, les institutions aujourd’hui sont des jouets entre les mains de certaines catégories de la société qui bafouent la souveraineté nationale aussi bien que la volonté des citoyens. Ce n’est peut-être pas le cas de l’ARCOM, mais c’est le cas de beaucoup d’autres institutions. Tout cela laisse des traces. Tous ceux – comme vous, comme moi – qui servent une institution en font les frais. Voilà l’objet de ma colère.
               
              Dans l’affaire de C8, l’ARCOM est dans son bon droit. Mais encore une fois, il y a un contexte, et celui-ci fait qu’il n’y aura pas grand-monde pour la défendre. Le problème est que la gauche va défendre l’ARCOM… mais demain hurlera contre la police. Finalement, beaucoup de gens « de gauche » qui vont peut-être soutenir la décision de l’ARCOM sont les mêmes qui tiennent à longueur de journée un discours anti-institutionnel. Par conséquent, ils ont donné des armes à leurs adversaires. Rien n’est pire que de faire une bonne chose pour une mauvaise raison.
               
              [Mais à chacun son boulot. L’ARCOM n’est pas là pour faire la police politique, mais pour vérifier que les lois et les conventions signées par les chaînes sont respectées.]
              C’est le problème. Qu’une chaîne privée ait une orientation politique, pourquoi pas. Une chaîne publique, c’est déjà plus contestable. Pour le dire crûment, l’ARCOM va virer C8 de la TNT pour ne pas avoir respecté son cahier des charges, mais des chaînes publiques vont continuer à faire passer les électeurs ou les militants du RN pour des néonazis ou pour des abrutis, au motif que ça ne rentre pas dans le cahier des charges. Juridiquement, c’est sans doute inattaquable, je vous le concède. Mais le résultat sera désastreux, y compris pour l’ARCOM. C’est tout ce que je dis.
               
              [Rappeler publiquement que nul n’est au-dessus des lois, ce n’est pas inutile.]
              Vous n’oublierez pas d’aller le rappeler au Conseil d’État et à la Cour de cassation quand ils violent le principe politique fondamental qui veut que « la souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Vous me direz qu’ils ne violent aucune loi, mais ce qu’ils font est bien pire, car nul ne devrait être au-dessus du Souverain.

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Pas du tout. Encore une fois, le fait que C8 soit virée de la TNT ne me fait ni chaud ni froid. Les raisons fournies par l’ARCOM sont valables. Mon point est d’essayer de comprendre pourquoi l’ARCOM, qui en l’espèce prend une décision légitime, va se retrouver sur le banc des accusés, être accusée de « censure » et faire l’objet d’une campagne de dénigrement qui, au final, risque fort de l’affaiblir.]

              C’est le destin de toute autorité digne de ce nom de se retrouver périodiquement sur le banc des accusés. Sauf à tomber dans la démagogie, c’est inévitable. Je ne suis pas sûr par contre que cela l’affaiblisse. Oui, il y aura une campagne, mais les gens ne sont pas idiots : ils voient bien que cette campagne est conduite par les médias du groupe Bolloré, dont on peut raisonnablement penser que la motivation est d’abord financière, et seulement accessoirement principielle, et par une droite et une extrême droite dont le groupe en question diffuse les idées.

              Par ailleurs, le fait d’avoir défié l’un des hommes les plus riches et influents de France et de l’avoir emporté renforcera considérablement l’autorité de l’ARCOM, qui aura montré sa capacité non seulement à aboyer, mais à mordre.

              [Pour le dire autrement, je pense que l’ARCOM devrait revoir sa stratégie de communication. Il peut être tentant, je suppose, pour une autorité administrative de refuser l’excès de publicité au motif que le scandale n’est jamais bon, et qu’on n’a pas à répondre aux calomnies. « Les choses basses doivent mourir de leur propre poison » disait Giscard… sauf que le monde ne fonctionne pas ainsi, surtout à l’heure des réseaux sociaux.]

              Voyez-vous, je n’en suis pas convaincu. Je ne suis pas persuadé que les réseaux sociaux aient autant d’influence qu’on leur prête généralement. Certes, quelques milliers, peut-être quelques dizaines de milliers de personnes vont poster de méchants messages sur l’ARCOM. Et ensuite ? Je ne vois pas des gens sortir dans la rue ou écrire massivement à leur député pour exiger la préservation de C8. Ceux qui voient des complots partout n’auront pas moins confiance dans l’ARCOM pour autant, ceux qui ont confiance se verront renforcés dans leur opinion, et l’immense majorité des gens s’en fout.

              [Il convient me semble-t-il d’empêcher que les contre-vérités soient diffusées impunément. J’ignore de quels leviers l’ARCOM dispose, mais il me semble qu’elle devrait s’obliger à faire une mise au point salutaire : un communiqué officiel, ou même une intervention à la télévision, sur C8 ou ailleurs, à une heure de grande écoute, d’un représentant de l’ARCOM qui expliquerait posément les obligations d’une chaîne de la TNT, et les manquements à ces obligations de C8. Si les gens sont méfiants, ce n’est pas qu’ils sont bêtes, c’est qu’ils sont souvent mal informés. C’est triste, mais à notre époque, une institution doit savoir communiquer.]

              Je suis d’accord sur le besoin d’une pédagogie, mais je ne pense pas que ce soit à l’ARCOM de le faire. C’est au politique de défendre les institutions qu’il a créées. C’est l’esprit de la règle qui interdit aux politiques de critiquer une décision de justice. Si les politiques ne sont pas contents des institutions, ils n’ont qu’à les changer. C’est pourquoi je trouve indignes les discours de Bardella ou de Wauquiez.

              [Si les institutions ne sont pas capables d’aller contre l’opinion publique, on va revenir aux lynchages.]
              C’est déjà fait, et on l’a vu avec « me too », entre autres. Les institutions sont déjà impuissantes. Je lisais récemment que Julien Bayou a été blanchi… Mais sa carrière politique est détruite. Il faut lire à ce sujet le communiqué d’Europe-Ecologie-les-Verts, un condensé de mauvaise foi et de cynisme (« notre enquête interne avait aussi conclu que rien ne pouvait être imputé à Julien Bayou ») : (…)]

              Oui, cette affaire mériterait une plus large publicité, parce qu’on trouve tous les éléments d’une manipulation politique permise par une idéologie absurde, celle du « on te croit ». Et le plus effrayant, c’est que même après que l’enquête interne et l’enquête judiciaire aient exonéré Bayou, une dirigeante de premier plan comme Sandrine Rousseau continue à affirmer sa « solidarité avec la victime »… et par « victime », elle n’entend pas Bayou, qui semble pourtant être la seule victime dans l’affaire.

              [Si les institutions étaient fortes et dignes de confiance, je serais d’accord avec vous. Mais les institutions sont faibles, et il arrive de plus en plus fréquemment qu’elles se discréditent elles-mêmes. Certains juges le font en « modifiant » le droit, en créant une jurisprudence qui trahit l’esprit du législateur. Et ne parlons pas du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui ont entériné des pertes de souveraineté de notre pays, sans en référer au Souverain !]

              C’est vrai. Mais ce n’est pas une raison pour les affaiblir encore plus. Dans le cas d’espèce, la décision de l’ARCOM est amplement motivée, et celle du Conseil d’Etat aussi. Les politiques devraient la défendre, au lieu de céder à la démagogie anti-institutionnelle. Et cela est particulièrement vrai pour le RN, qui aspire demain à exercer le pouvoir, et qui a donc intérêt à ce que les institutions soient fortes.

              [Oui, les institutions aujourd’hui sont des jouets entre les mains de certaines catégories de la société qui bafouent la souveraineté nationale aussi bien que la volonté des citoyens. Ce n’est peut-être pas le cas de l’ARCOM, mais c’est le cas de beaucoup d’autres institutions. Tout cela laisse des traces. Tous ceux – comme vous, comme moi – qui servent une institution en font les frais. Voilà l’objet de ma colère.]

              Je la partage, puisque je vis cette même frustration dans mon travail.

              [« Mais à chacun son boulot. L’ARCOM n’est pas là pour faire la police politique, mais pour vérifier que les lois et les conventions signées par les chaînes sont respectées. » C’est le problème. Qu’une chaîne privée ait une orientation politique, pourquoi pas. Une chaîne publique, c’est déjà plus contestable.]

              Tout à fait. Mais cela doit être « contesté » politiquement. Ce n’est pas à une autorité administrative de changer cela – en dehors des obligations prévues par la loi et la convention d’émission.

              [Pour le dire crûment, l’ARCOM va virer C8 de la TNT pour ne pas avoir respecté son cahier des charges, mais des chaînes publiques vont continuer à faire passer les électeurs ou les militants du RN pour des néonazis ou pour des abrutis, au motif que ça ne rentre pas dans le cahier des charges. Juridiquement, c’est sans doute inattaquable, je vous le concède. Mais le résultat sera désastreux, y compris pour l’ARCOM. C’est tout ce que je dis.]

              Mais je ne vois pas de solution, sauf à inclure dans le cahier des charges des obligations qui seraient de nature politique, et par conséquent très difficiles à faire appliquer.

            • Bob dit :

              @ Carloman
               
              [Par ailleurs, je dois dire que traiter des sujets sérieux sur le ton de la bouffonnerie – et d’une bouffonnerie vulgaire de surcroît – m’exaspère au plus haut point.]
               
              Comptez avec moi.
               
              [Cela tend à abolir la hiérarchie des sujets par ordre d’importance, puisque les émissions comme TPMP abordent tout et n’importe quoi, et mettent sur le même plan des thématiques qui n’ont pas du tout le même degré d’importance pour la collectivité.]
               
              Entièrement d’accord.
               
              [j’ai entendu ces dernières semaines Hanouna sur Europe1, et je trouve – pardon Bob – que c’est le niveau 0 de la vulgarité populacière et démagogique… doublée d’une apologie décomplexée du libéralisme et du “roi-pognon”]
               
              Ne vous excusez-pas, ce n’est pas moi que vous traitez de degré 0 de la vulgarité. Et je suis du même avis que vous.
               
              [certains journalistes ou humoristes de France Inter se permettent parfois des propos caricaturaux ou à la limite de l’injure – qui est loin également d’être mesuré – je vous assure que lorsqu’on écoute certaines matinales de France Culture, on a l’impression que les nostalgiques du III° Reich sont aux portes du pouvoir en France et dans les autres pays d’Europe – et qui, au final, ne favorise pas davantage un débat sérieux et rationnel]
               
              Oui. Mais pour ces antennes-ci, l’ARCOM n’émet jamais la moindre critique que je sache…
               
               
              @ Descartes
               
              [Ce qui est en cause dans l’affaire C8, ce n’est pas les idées que C8 propage, mais la manière de le faire].
               
              Dans une autre réponse, vous dites : “La démagogie ou la vulgarité ne sont pas ici en question”.
              Il faudrait savoir, ce qu’on reproche à Hanouna, ce sont ses outrances, sa vulgarité, ses excès, sa non-maitrise de l’antenne – tout ce qui se rapporte à la manière – ou pas ?

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« Ce qui est en cause dans l’affaire C8, ce n’est pas les idées que C8 propage, mais la manière de le faire » Dans une autre réponse, vous dites : “La démagogie ou la vulgarité ne sont pas ici en question”. Il faudrait savoir, ce qu’on reproche à Hanouna, ce sont ses outrances, sa vulgarité, ses excès, sa non-maitrise de l’antenne – tout ce qui se rapporte à la manière – ou pas ?]

              Non, non, NON et NON. D’abord, l’ARCOM ne reproche rien « à Hanouna ». L’ARCOM ne connait qu’une personne (morale) : C8. C’est à la chaine que les sanctions sont infligées, et c’est aux dirigeants de la chaine de faire régner l’ordre dans leur poulailler, de discipliner leur animateur et de le virer s’ils n’y arrivent pas.

              Encore une fois, l’ARCOM n’est juge ni de la « vulgarité » ni de la « démagogie ». Elle est juge de l’application des textes, et notamment de la convention signée par la chaîne dans le cadre de la procédure d’autorisation. A ma connaissance, la convention ne dit rien de la « vulgarité » ou de la « démagogie ». Elle contient des obligations précises en matière de pluralité, de respect des personnes, de rigueur dans l’information, de publicité. C’est le non-respect de ces obligations-là qui motivent les sanctions, et en dernier lieu le retrait de l’autorisation d’émettre.

              C8 a le droit de propager les idées qui lui conviennent. Mais elle a des formes et des règles à respecter. Elle ne le fait pas ? Elle est sanctionnée. Quel est le point que vous ne comprenez pas ?

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [Par ailleurs, s’il estimait que Boyard dépassait les bornes, Hanouna aurait parfaitement pu lui couper le micro, ou le faire expulser du plateau. C’est cela qu’on appelle « le contrôle de l’antenne » en langage ARCOM.]
               
              Nos avis divergent ; pour moi, c’est de la provocation.
              Hanouna aurait pu. A défaut d’une réponse adaptée, vaut-il mieux la censure que l’injure ?
               
              [La cocaïne rencontre paraît-il un grand « succès d’audience ». Pensez-vous qu’il faut autoriser sa libre distribution ?]
              Question intéressante. Il y a une dizaine de jours, le rapporteur (macroniste je crois) d’une mission d’enquête sur la dépénalisation du cannabis arguait que, au vu du fait que des millions de gens consomment du cannabis en France, se pose la question de sa dépénalisation. De prime abord, comme vous, je me suis dit que ce genre d’argument ne tenait pas la route. Dans un deuxième temps, j’ai changé de point de vue, peut-être que le pragmatisme devrait l’emporter sur les idées. Surtout que la lutte contre le cannabis est un échec patent en France (comme à peu près partout ailleurs).
               
              [Et le fait que les « vrais débats » se fassent rares n’implique nullement qu’on doive tolérer des foires à la Hanouna.]
              Nous avons la même définition du “vrai débat”.
              Mais encore une fois, est-ce que c’est le “style” Hanouna qu’on veut interdire ?
              Je n’aime pas ces “foires”, doit-on les interdire pour cela (pas parce que l’ARCOM les juge en violation des conditions du contrat d’émission mais pour le motif que ce sont des rendez-vous de vulgarité) ? S’agit-il, au fond, d’une question d’élégance ?
               
              [Si vous dites qu’on ne peut exclure que la décision de l’ARCOM soit motivée politiquement]
               
              C’est ainsi que j’aurais dû le formuler. Je le pense, c’est une décision trop “sensible” pour que ce ne soit pas le cas selon moi,  mais en effet ce n’est pas démontrable.
               
              [Et une fois que vous avez réfléchi, vous tirez quelle conclusion ?]
               
              Je dirais que c’est au juge de dire qu’Hanouna va au-delà de ce que la liberté d’expression autorise en France, et que s’il en est jugé ainsi ses émissions (mais pas toute la chaine) doivent être arrêtées.
               
              [Et j’aimerais bien connaître les arguments qui, pour vous, justifieraient qu’on laisse C8 continuer à émettre.]
               
              Les mêmes que ceux pour lesquels on laisse les France 2, France Inter, etc. : la liberté d’expression est-elle dépassée ?
              Prenons l’exemple de “Cash Investigation”. Rien que le titre annonce la couleur. J’estime que cette émission agit avec des moyens qui sont souvent très proches de la provocation. Certes, c’est plus fin qu’Hanouna – difficile de ne pas l’être me direz-vous à juste raison -, les journalistes sont mieux éduqués, pas d’outrances, mais les procédés sont, je trouve, souvent déloyaux. Certains numéros posent de sérieux problèmes d’après ce que je peux lire ici et là ; ainsi par exemple un documentaire à charge sur Depardieu avec de sombres manipulations des “rushs”. S’il y a eu recadrage de l’ARCOM, je l’ai raté.
               
              [ Fort bien : dans ces conditions, comment faites-vous pour choisir des projets de manière à éviter le « biais politique » ? Le problème se pose dans tous les domaines, et pas seulement dans l’audiovisuel…]
               
              Je pense que les membres de ces comités ne devraient leur poste qu’au résultat d’un concours, d’un examen dont le but est de valider leurs compétence technique, et uniquement cela. La nomination politique devrait en être éloignée à tout prix car forcément la suspicion quant à la motivation des décisions prises nait de ce mode de nomination politique.
              C’est d’autant plus évident pour l’audiovisuel – qui est un “domaine” à part et sensible en ce sens – où une grande part des décisions reste liée à la subjectivité et où le biais idéologique a plus de chance de jouer un rôle.
              Les choix de l’ASN relèvent foncièrement de la technique pure et sont peu susceptibles d’être guidés par le positionnement politique de ses membres, infiniment moins disons. C’est une différence de nature avec l’ARCOM qui est majeure.
              Si la nomination des membres de l’ARCOM était totalement découplée des politiciens, nous n’aurions même pas ce débat…
               
              [D’abord, partager la vie de quelqu’un n’implique pas qu’on partage ses opinions]
               
              En théorie, oui. Cela dit je doute que dans la “vraie vie” cela fonctionne souvent concernant les idées politiques. J’ai le plus grand mal à imaginer une L. Salamé ne partageant pas du tout les idées de celui qui se trouve dans la pièce voisine préparant ses discours de campagne électorale ; autant que je la vois mal lui souhaiter une bonne journée lorsqu’il partirait le matin pour défendre des idées avec lesquelles elle serait en parfait désaccord. Vous me direz peut-être que c’est une grande professionnelle qui sait faire la part des choses. Ce n’est pas ce qui ressort de sa façon d’interroger les invités de gauche ou du RN par exemple, il me semble que ses préférences “sautent aux yeux”… sans que l’ARCOM n’y trouve quoi que ce soit à redire. Certes, elle est plus subtile qu’Hanouna, elle gardera un langage acceptable et la méthode est plus discrète que les clashs d’Hanouna, elle ne met pas “les pieds dans le plat”, mais j’irais jusqu’à dire que c’est presque plus grave, car c’est sournois.
               
              Le cas de C8 est intéressant, je trouve, car il pose la question de la “légitimité” du contrôle par un organe qui est politique “par délégation” dans un secteur qui n’est pas intrinsèquement technique, où les idées des uns et des autres membres sont centrales.
               
               
               
               
               

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« Par ailleurs, s’il estimait que Boyard dépassait les bornes, Hanouna aurait parfaitement pu lui couper le micro, ou le faire expulser du plateau. C’est cela qu’on appelle « le contrôle de l’antenne » en langage ARCOM. » Nos avis divergent ; pour moi, c’est de la provocation. Hanouna aurait pu. A défaut d’une réponse adaptée, vaut-il mieux la censure que l’injure ?]

              L’animateur d’une émission a sur son plateau une certaine autorité. C’est lui qui fixe les règles du jeu, et qui a le pouvoir de les faire respecter – et qui rend compte des dérapages devant l’autorité de contrôle. Les invités connaissent la règle du jeu, et s’ils ne la respectent pas, et bien, on leur coupe le sifflet. Je ne pense pas qu’on puisse assimiler cela à de la « censure » : si on empêche l’expression, ce n’est pas sur le fond de ce qui est dit, mais parce qu’une règle destinée à permettre un débat intelligible n’a pas été respectée.

              J’ajoute que la pratique est courante. J’ai encadré dans ma vie des dizaines de débats politiques ou académiques, et quand un intervenant fait du « hors sujet », on le recadre poliment. Et s’il persiste, on le recadre moins poliment, et s’il persiste encore on lui reprend le micro. Ce n’est pas une question de « censure », mais d’organisation du débat.

              Donc, à votre question je réponds oui. Il vaut mieux cette « censure » – qui n’est pas en fait une – que l’injure. La première permet de conserver au débat une cohérence et une intelligibilité, la seconde rend le débat impossible.

              [« La cocaïne rencontre paraît-il un grand « succès d’audience ». Pensez-vous qu’il faut autoriser sa libre distribution ? » Question intéressante. Il y a une dizaine de jours, le rapporteur (macroniste je crois) d’une mission d’enquête sur la dépénalisation du cannabis arguait que, au vu du fait que des millions de gens consomment du cannabis en France, se pose la question de sa dépénalisation. De prime abord, comme vous, je me suis dit que ce genre d’argument ne tenait pas la route. Dans un deuxième temps, j’ai changé de point de vue, peut-être que le pragmatisme devrait l’emporter sur les idées. Surtout que la lutte contre le cannabis est un échec patent en France (comme à peu près partout ailleurs).]

              Il n’en reste pas moins que vous n’avez pas répondu à ma question. Ceux qui proposent la légalisation des drogues n’invoquent jamais l’argument du « grand succès d’audience », mais plutôt la difficulté à les combattre ou les effets criminogènes de l’interdiction. Ce n’était pas là votre argument concernant C8. Je vous repose donc la question : pensez-vous qu’il faudrait mettre la cocaïne en vente libre, au motif qu’elle a un « grand succès d’audience » ? Et plus généralement, tout ce qui a « un grand succès d’audience » devrait être autorisé ?

              [« Et le fait que les « vrais débats » se fassent rares n’implique nullement qu’on doive tolérer des foires à la Hanouna. » Nous avons la même définition du “vrai débat”. Mais encore une fois, est-ce que c’est le “style” Hanouna qu’on veut interdire ?]

              Si par « style Hanouna » vous voulez dire le fait d’injurier les invités, de faire de la publicité déguisée, d’abuser de la faiblesse d’un invité, de diffuser des photos en violation de la vie privée, de diffuser des informations fausses et des reportages truqués, et d’une façon générale de s’affranchir de toutes les règles légales et conventionnelles, oui, c’est ce « style » qu’on veut interdire. Et c’est une bonne chose.

              [Je n’aime pas ces “foires”, doit-on les interdire pour cela (pas parce que l’ARCOM les juge en violation des conditions du contrat d’émission mais pour le motif que ce sont des rendez-vous de vulgarité) ? S’agit-il, au fond, d’une question d’élégance ?]

              Non. Il s’agit bien d’une violation des conditions imposées par la loi et par la convention d’autorisation d’émettre. C’est cela que l’ARCOM juge, et c’est cette argumentation qui a été validée par le Conseil d’Etat. « L’élégance » ne vient rien faire là-dedans. Personnellement, je me désole qu’une émission aussi peu « élégante » suscite un tel intérêt de l’audience, mais je n’estime pas que ma désolation soit une raison suffisante pour l’interdire.

              [« Et une fois que vous avez réfléchi, vous tirez quelle conclusion ? » Je dirais que c’est au juge de dire qu’Hanouna va au-delà de ce que la liberté d’expression autorise en France, et que s’il en est jugé ainsi ses émissions (mais pas toute la chaine) doivent être arrêtées.]

              Et bien, un juge l’a dit : celui du Conseil d’Etat. Les autorités administratives comme l’ARCOM servent à ce que les infractions soient regardées en première instance par un « juge » venu du métier, et qui peut donc mieux comprendre les contraintes et les difficultés du métier. Mais si la décision de l’ARCOM parait disproportionnée, la chaine peut toujours se porter devant un juge, qui regarde alors la décision au fond. L’ARCOM a décidé que les infractions de la chaîne étaient suffisamment graves et répétées pour que son dossier soit moins solide que celui des projets concurrents, le juge a dit que c’était bien le cas. Quel est le problème ?

              [« Et j’aimerais bien connaître les arguments qui, pour vous, justifieraient qu’on laisse C8 continuer à émettre. » Les mêmes que ceux pour lesquels on laisse les France 2, France Inter, etc. : la liberté d’expression est-elle dépassée ?]

              J’aimerais bien que vous m’indiquiez quelques exemples ou un animateur de France 2, France Inter, etc. aurait injurié un invité, diffusé des photos portant atteinte à la vie privée, abusé de la faiblesse d’un invité, monté un canular homophobe, diffusé des reportages trafiqués, et cela de façon répétée et sans que la chaîne ait pris contre lui la moindre sanction. Oui, il y a des dérapages sur les autres chaînes (y compris publiques). Mais le dérapage est pratiquement toujours suivi de sanctions et d’excuses publiques. Ce n’est pas le cas chez C8. Alors oui, la « liberté d’expression » est largement dépassée.

              [Prenons l’exemple de “Cash Investigation”. Rien que le titre annonce la couleur. J’estime que cette émission agit avec des moyens qui sont souvent très proches de la provocation. Certes, c’est plus fin qu’Hanouna – difficile de ne pas l’être me direz-vous à juste raison -, les journalistes sont mieux éduqués, pas d’outrances, mais les procédés sont, je trouve, souvent déloyaux. Certains numéros posent de sérieux problèmes d’après ce que je peux lire ici et là ; ainsi par exemple un documentaire à charge sur Depardieu avec de sombres manipulations des “rushs”. S’il y a eu recadrage de l’ARCOM, je l’ai raté.]

              L’ARCOM recadre régulièrement les chaînes publiques. Mais parce que c’est un jury de professionnels, elle prend en compte les difficultés du métier ainsi que la réactivité de la chaîne pour sanctionner les comportements déviants et corriger le tir. Ainsi, par exemple, dans sa décision sur un reportage sur l’attentat de Nice : « Après une instruction en conformité avec la procédure exigée par la loi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel déplore qu’à la suite de l’attentat survenu à Nice le 14 juillet 2016, la société France Télévisions ait diffusé, sur le service France 2, des témoignages de personnes en état de choc, recueillis alors même qu’elles étaient encore auprès des corps sans vie de leurs proches. Le Conseil a toutefois relevé les circonstances exceptionnelles dans lesquelles ces séquences ont été diffusées et la rapidité des excuses qui ont été présentées à plusieurs reprises par France Télévisions. ». Je ne me souviens pas que C8 ait présente la moindre excuse pour les dérapages de son animateur vedette, ni sanctionné ses infractions recurrrentes…

              [« Fort bien : dans ces conditions, comment faites-vous pour choisir des projets de manière à éviter le « biais politique » ? Le problème se pose dans tous les domaines, et pas seulement dans l’audiovisuel… » Je pense que les membres de ces comités ne devraient leur poste qu’au résultat d’un concours, d’un examen dont le but est de valider leurs compétences techniques, et uniquement cela.]

              Sur le principe, votre proposition est séduisante. Mais elle se révèle très difficile en pratique. Le recrutement par concours est la règle dans notre fonction publique, lorsqu’il s’agit de former un vivier de personnes techniquement compétentes. Mais lorsqu’il s’agit de postes d’autorité, il faut des qualités qu’il est difficile de traduire dans une épreuve de concours anonyme et égalitaire. Pour occuper ces postes, il faut non seulement des compétences techniques – en général, l’autorité de nomination fait attention à ce point – mais aussi une trajectoire, une expérience, une reconnaissance des pairs… et il est difficile d’évaluer ces éléments sans qu’intervienne une certaine subjectivité.

              Les expériences, dans ce domaine, ne sont pas très encourageantes. Prenez par exemple la nomination du président de France Télévisions, ou de Radio France. Ce recrutement se fait par une forme de « concours ». Les candidats se déclarent, présente leur formation, leur parcours, les postes occupés, et le projet qu’ils proposent s’ils sont retenus. Et c’est l’ARCOM qui propose l’heureux gagnant à la nomination du président de la République. Pourtant, à chaque fois ce choix est applaudi par les uns, conchié par les autres…

              [Les choix de l’ASN relèvent foncièrement de la technique pure et sont peu susceptibles d’être guidés par le positionnement politique de ses membres, infiniment moins disons. C’est une différence de nature avec l’ARCOM qui est majeure.]

              Pardon, pardon. Nommer à la tête de l’ASN un nucléocrate qui fera la part des choses entre les exigences de sûreté et les besoins du pays en électricité ne donne pas le même résultat que de nommer un écologiste qui jugerait qu’aucun compromis entre les différents objectifs n’est possible. C’est là une nomination très politique…

              [Certes, elle est plus subtile qu’Hanouna, elle gardera un langage acceptable et la méthode est plus discrète que les clashs d’Hanouna, elle ne met pas “les pieds dans le plat”, mais j’irais jusqu’à dire que c’est presque plus grave, car c’est sournois.]

              Non, je ne le crois pas. La modération permet le débat, les excès le rendent impossible. Que Salamé cherche dans ses interviews à faire passer ses idées, c’est assez évident. Mais elle a devant elle un invité qui a l’opportunité de la contredire. Ce n’est pas le cas chez Hanouna.

              [Le cas de C8 est intéressant, je trouve, car il pose la question de la “légitimité” du contrôle par un organe qui est politique “par délégation” dans un secteur qui n’est pas intrinsèquement technique, où les idées des uns et des autres membres sont centrales.]

              Mais si l’on prend votre conception de ce qu’e c’est un « organe politique », on arrive à la conclusion qu’il est impossible qu’un « organe » ne soit pas « politique ». Et donc, soit on choisit de prendre le risque d’un contrôle par un « organe politique », soit il n’y aura pas de contrôle du tout.

            • Bob dit :

              @ Descartes

              [Je vous repose donc la question : pensez-vous qu’il faudrait mettre la cocaïne en vente libre, au motif qu’elle a un « grand succès d’audience » ? Et plus généralement, tout ce qui a « un grand succès d’audience » devrait être autorisé ?]

              Non, ce “succès” seul, à mon avis, ne doit pas être la raison de la mise en vente libre. Le parallèle a ses limites cependant ; avec la cocaïne, il s’agit d’un produit qui a des effets délétères sur la santé publique, il n’y a pas ce danger avec les émissions de C8 selon moi.

              [d’abuser de la faiblesse d’un invité, de diffuser des photos en violation de la vie privée, (…), c’est ce « style » qu’on veut interdire.]

              Cela me semble une bonne description des émissions comme “Loft Story”, le genre de la télé-réalité inauguré par TF1 il y a une vingtaine d’années. Elles ne semblent pas troubler le régulateur de l’audiovisuel.
              Un certain nombre des émissions de C8 se classent sans objection dans la catégorie de la télé-poubelle, oui. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain (les “Animaux de C8” ne font rien de mal) ?

              [Oui, il y a des dérapages sur les autres chaînes (y compris publiques). Mais le dérapage est pratiquement toujours suivi de sanctions et d’excuses publiques. Ce n’est pas le cas chez C8].

              Le fait que C8 ne “corrige pas le tir” est un problème ; suffisant pour fermer la chaine ? je ne suis pas sûr.

              [Nommer à la tête de l’ASN un nucléocrate qui fera la part des choses entre les exigences de sûreté et les besoins du pays en électricité ne donne pas le même résultat que de nommer un écologiste qui jugerait qu’aucun compromis entre les différents objectifs n’est possible. C’est là une nomination très politique…]

              Oui et non. Les orientations politiques du président de l’ASN et de ses membres ne rentrent aucunement en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer si l’acier de la cuve du réacteur de Flamanville répond aux normes en vigueur ou pas. Celles des membres de l’ARCOM sont beaucoup plus étroitement liées aux décisions qu’ils ont à prendre.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Non, ce “succès” seul, à mon avis, ne doit pas être la raison de la mise en vente libre. Le parallèle a ses limites cependant ; avec la cocaïne, il s’agit d’un produit qui a des effets délétères sur la santé publique, il n’y a pas ce danger avec les émissions de C8 selon moi.]

              La santé mentale ne compte pas pour vous ?

              [« d’abuser de la faiblesse d’un invité, de diffuser des photos en violation de la vie privée, (…), c’est ce « style » qu’on veut interdire » Cela me semble une bonne description des émissions comme “Loft Story”, le genre de la télé-réalité inauguré par TF1 il y a une vingtaine d’années. Elles ne semblent pas troubler le régulateur de l’audiovisuel.]

              D’abord, les émissions comme « loft story » n’ont pas des « invités ». Les candidats sont tous volontaires pour renoncer à toute intimité pendant un temps donné. On ne peut donc parler de « diffuser des photos en violation de la vie privée ». Je ne vois pas non plus dans quelle circonstance il y aurait eu « abus de faiblesse ». Vous noterez d’ailleurs que le « régulateur de l’audiovisuel » a été suffisamment « troublé » pour imposer l’interdiction de placer des caméras dans certains lieux de la maison, et pour imposer à la chaîne des « moments d’intimité » sans tournage.

              [Un certain nombre des émissions de C8 se classent sans objection dans la catégorie de la télé-poubelle, oui. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain (les “Animaux de C8” ne font rien de mal) ?]

              La chaine a une responsabilité globale. C’est à elle de maintenir l’ordre dans la basse-cour. Si elle n’est pas en mesure de respecter ses obligations, elle est sanctionnée. Ce n’est pas une question de telle ou telle émission.

              [« Oui, il y a des dérapages sur les autres chaînes (y compris publiques). Mais le dérapage est pratiquement toujours suivi de sanctions et d’excuses publiques. Ce n’est pas le cas chez C8 » Le fait que C8 ne “corrige pas le tir” est un problème ; suffisant pour fermer la chaine ? je ne suis pas sûr.]

              Moi, je dis oui. Parce que la réitération de ces dérapages fait penser qu’il ne s’agit pas d’un accident, mais d’une politique sciemment mise en œuvre par la direction de la chaine. Et cela la rend inacceptable.

              [Oui et non. Les orientations politiques du président de l’ASN et de ses membres ne rentrent aucunement en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer si l’acier de la cuve du réacteur de Flamanville répond aux normes en vigueur ou pas.]

              Oui. Mais si la fonction du collège était de déterminer si l’acier est ou non conforme aux normes, on n’aurait pas besoin d’une autorité. Un laboratoire d’essais est capable de vous le dire. S’il faut un collège, c’est parce que le jour où vous découvrez que l’acier n’est pas tout à fait conforme, mais qu’EDF vous propose un certain nombre de mesures pour réduire le risque que cela pose, il vous faut décider quel est le risque que vous êtes prêt à prendre. Et là, la décision ne sera pas la même selon qu’elle est prise par un ingénieur ou par un écologiste intégriste.

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [D’abord, l’ARCOM ne reproche rien « à Hanouna ». L’ARCOM ne connait qu’une personne (morale) : C8. C’est à la chaine que les sanctions sont infligées, et c’est aux dirigeants de la chaine de faire régner l’ordre dans leur poulailler, de discipliner leur animateur et de le virer s’ils n’y arrivent pas.]
               
              Oui, mais ne nous voilons-pas la face, c’est Hanouna et principalement son émission TPMP qui est dans le viseur de l’ARCOM.
               
              [Mais elle a des formes et des règles à respecter. Elle ne le fait pas ? Elle est sanctionnée. Quel est le point que vous ne comprenez pas ?]
               
              Ce qui me gêne dans cette affaire est que je trouve que le curseur entre ce qui est jugé acceptable ou non est placé sur des questions de forme (le “style” Hanouna) alors que TPMP, – même de manière outrancière, vulgaire, démagogue, bref, détestable – reste dans les clous de la liberté d’expression.
              J’ai récemment entendu Christine Kelly, qui fut membre du CSA de 2009 à 2015, s’insurger contre la décision de l’ARCOM. Vous direz que les décisions sont, justement, collégiales, et c’est vrai. Il n’en reste pas moins que cela illustre à quel point une instance comme l’ARCOM est sujette aux biais de ceux qui la composent.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« D’abord, l’ARCOM ne reproche rien « à Hanouna ». L’ARCOM ne connait qu’une personne (morale) : C8. C’est à la chaine que les sanctions sont infligées, et c’est aux dirigeants de la chaine de faire régner l’ordre dans leur poulailler, de discipliner leur animateur et de le virer s’ils n’y arrivent pas. » Oui, mais ne nous voilons-pas la face, c’est Hanouna et principalement son émission TPMP qui est dans le viseur de l’ARCOM.]

              Encore une fois, avez-vous des éléments factuels pour dire que l’ARCOM vise « Hanouna et principalement son émission TPMP » ? Notre échange m’a conduit à lire l’ensemble des arguments de l’ARCOM qui l’ont conduit à préférer d’autres projets à celui présenté par C8. En fait, l’élément qui semble avoir pesé le plus lourd est celui de l’état financier de la chaîne. C8 fait des pertes importantes, au point que cela fait douter de sa capacité à financer le projet qu’il a présenté à l’ARCOM.

              Pour ce qui concerne Hanouna, ce n’est pas la faute de l’ARCOM si ce sont les émissions animées par lui qui accumulent les violations systématiques des obligations de la chaîne.

              [« Mais elle a des formes et des règles à respecter. Elle ne le fait pas ? Elle est sanctionnée. Quel est le point que vous ne comprenez pas ? » Ce qui me gêne dans cette affaire est que je trouve que le curseur entre ce qui est jugé acceptable ou non est placé sur des questions de forme (le “style” Hanouna) alors que TPMP, – même de manière outrancière, vulgaire, démagogue, bref, détestable – reste dans les clous de la liberté d’expression.]

              Vous répétez cette affirmation, mais elle est fausse. Ce n’est ni la « manière outrancière », ni la « vulgarité », ni la « démagogie » qui sont sanctionnées. Ce sont des infractions très précises, très bien caractérisées. C’est la présentation de fausses informations et de reportages truqués. C’est l’abus de faiblesse d’un invité. C’est la violation de la vie privée, en défiance des injonctions d’un juge. C’est la publicité déguisée. Ce sont les injures publiques à l’encontre des invités. Et surtout, c’est la réitération de ces faits qui montre qu’il ne s’agit pas de dérapages accidentels, mais un choix délibéré.

              [J’ai récemment entendu Christine Kelly, qui fut membre du CSA de 2009 à 2015, s’insurger contre la décision de l’ARCOM.]

              Sans vouloir offenser madame Kelly – dont j’apprécie d’ailleurs les qualités professionnelles – il ne vous aura pas échappé que son employeur est précisément le propriétaire de C8. On peut se demander si elle aurait pu soutenir la décision de l’ARCOM sans prendre des risques pour sa carrière. Par ailleurs, j’ai lu son intervention. Elle ne s’insurge guère contre la décision. Elle signale simplement que du temps où elle siégeait au CSA une telle mesure n’aurait jamais été prise (ce qui ne constitue pas, vous le remarquerez, un jugement sur le fond de la mesure) et qu’elle, personnellement, n’aurait pas soutenu cette décision. Mais à aucun moment elle ne se prononce sur le fond de la décision elle-même.

              [Vous direz que les décisions sont, justement, collégiales, et c’est vrai. Il n’en reste pas moins que cela illustre à quel point une instance comme l’ARCOM est sujette aux biais de ceux qui la composent.]

              Dans toute décision collégiale, il y a des membres du collège qui sont en désaccord. C’est parfaitement normal. Mais l’ensemble des membres, une fois la décision prise, l’assument collectivement. Si un membre du collège estime ne pas pouvoir assumer la décision, par exemple parce qu’il estime que la procédure n’a pas été respectée, il doit démissionner et expliquer pourquoi publiquement. C’est la logique de l’institution.

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [La santé mentale ne compte pas pour vous ?]
               
              C’est là où je trouvais votre réponse de fermeture de C8 comme étant une “mesure de salubrité publique” excessive. C8 fait dans la télé-poubelle (et son beurre dessus), oui. Plus que TF1, par exemple, c’est à voir. Mais de là à dire que C8 (et Hanouna) dégradent la santé mentale des téléspectateurs, il y a un pas que je ne franchirai pas.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [C’est là où je trouvais votre réponse de fermeture de C8 comme étant une “mesure de salubrité publique” excessive.]

              Je ne me souviens pas d’avoir écrit cela sérieusement. Mais si je l’ai fait, je le regrette. C’est en effet un peu excessif.

              [C8 fait dans la télé-poubelle (et son beurre dessus), oui. Plus que TF1, par exemple, c’est à voir.]

              S’il n’y avait que TF1… si vous n’avez pas regardé (je crois que c’est sur RMC, mais je ne jurerai pas) un programme appelé « Alien theory », vous n’avez rien vu. C’est un truc américain, passablement complotiste, sur le mode « les extraterrestres nous ont visité, le gouvernement américain le sait et nous cache tout ». C’est tellement caricatural que par moments on se demande si ce n’est pas au deuxième degré. Mais au moins, ils font preuve de l’extrême prudence du « il est possible que… », « rien ne nous dit que… ». On voit se multiplier d’ailleurs des émissions obscurantistes qui mettent les pseudo-sciences à l’honneur. Même sur le service public…

              [Mais de là à dire que C8 (et Hanouna) dégradent la santé mentale des téléspectateurs, il y a un pas que je ne franchirai pas.]

              Moi, si. Hanouna n’est pas qu’un démagogue vulgaire. C’est aussi, et c’est beaucoup plus sérieux, un manipulateur. Chez des gens psychologiquement fragiles, cela peut faire des dégâts. Là encore, je vous conseille de voir le film de Kazan « un homme dans la foule ». C’est un classique.

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [si vous n’avez pas regardé (je crois que c’est sur RMC, mais je ne jurerai pas) un programme appelé « Alien theory », vous n’avez rien vu]
               
              Jamais entendu parler, mais ça a l’air rudement intéressant. Grâce à vous, je sais par quoi je vais combler le vide laissé par la disparition de TPMP.
               
              [Là encore, je vous conseille de voir le film de Kazan « un homme dans la foule ». C’est un classique.]
               
              J’ai noté cette suggestion, et je compte bien le voir.

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [Notre échange m’a conduit à lire l’ensemble des arguments de l’ARCOM qui l’ont conduit à préférer d’autres projets à celui présenté par C8. En fait, l’élément qui semble avoir pesé le plus lourd est celui de l’état financier de la chaîne. C8 fait des pertes importantes, au point que cela fait douter de sa capacité à financer le projet qu’il a présenté à l’ARCOM.]
               
              Vous avez raison d’aller aux sources, je reconnais là votre rigueur ; ce que je n’ai pas fait.
              Point intéressant.
              J’ai beau chercher sur le site de l’ARCOM, je ne trouve pas la justification de sa décision, si vous l’avez sous le coude, pourriez-vous mettre le lien svp ?
               
              [Et surtout, c’est la réitération de ces faits qui montre qu’il ne s’agit pas de dérapages accidentels, mais un choix délibéré.]
               
              La réitération des faits pose problème, c’est vrai.
               
              [On peut se demander si elle aurait pu soutenir la décision de l’ARCOM sans prendre des risques pour sa carrière.
               
              Peut-être mais je la crois suffisamment “droite dans ses bottes” et courageuse pour dire les choses telles qu’elle les pensent, et intelligente pour s’abstenir de toute intervention publique qui reviendrait à “renier” ses convictions réelles.
               
              [Elle ne s’insurge guère contre la décision. Elle signale simplement que du temps où elle siégeait au CSA une telle mesure n’aurait jamais été prise (ce qui ne constitue pas, vous le remarquerez, un jugement sur le fond de la mesure) et qu’elle, personnellement, n’aurait pas soutenu cette décision. Mais à aucun moment elle ne se prononce sur le fond de la décision elle-même.]
               
              C’est juste. Cela reste néanmoins un désavoeu de la décision de l’ARCOM et un soutien implicite à C8.
               

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Vous avez raison d’aller aux sources, je reconnais là votre rigueur ; ce que je n’ai pas fait.
              Point intéressant. J’ai beau chercher sur le site de l’ARCOM, je ne trouve pas la justification de sa décision, si vous l’avez sous le coude, pourriez-vous mettre le lien svp ?]

              Désolé, mais j’ai eu accès à un document qui n’est pas public. Mais si vous voulez vous illustrer, je vous conseille de regarder l’audition au cours de laquelle C8 a pu présenter son « projet ». Les questions de l’ARCOM sont assez révélatrices des critères retenus pour évaluer les projets en question, et en particulier les questions de « maîtrise de l’antenne ».

              [« Et surtout, c’est la réitération de ces faits qui montre qu’il ne s’agit pas de dérapages accidentels, mais un choix délibéré. » La réitération des faits pose problème, c’est vrai.]

              Pour moi, c’est LE problème. Parce que la réitération montre qu’il ne s’agit pas d’accidents, mais d’une politique calculée de violation des règles. Et aucune autorité ne peut tolérer cela sans perdre toute crédibilité.

              [« On peut se demander si elle aurait pu soutenir la décision de l’ARCOM sans prendre des risques pour sa carrière. » Peut-être mais je la crois suffisamment “droite dans ses bottes” et courageuse pour dire les choses telles qu’elle les pensent, et intelligente pour s’abstenir de toute intervention publique qui reviendrait à “renier” ses convictions réelles.]

              C’est pourquoi j’insiste sur la prudence de son intervention. Elle signale le problème des 300 personnes qui risquent de perdre leur emploi, nous dit que lorsqu’elle était au CSA une telle décision aurait été « impensable » (ce qui, vous l’admettrez, peut être interprété de beaucoup de manières) mais s’est bien gardé de critiquer la décision sur le fond, ou de dénoncer une atteinte à la liberté d’expression. Je pense qu’elle est suffisamment intelligente pour avoir trouvé la voie médiane dans un contexte où tous les commentateurs de l’empire Bolloré ont clairement instruction de monter au créneau, dans un climat qui s’apparente à la terreur. La réaction d’Hanouna lorsque Boyard a critiqué le patron l’a d’ailleurs bien montré : dans l’empire Bolloré, le crime de lèse-majesté n’est pas une plaisanterie.

              [C’est juste. Cela reste néanmoins un désaveu de la décision de l’ARCOM et un soutien implicite à C8.]

              « Desaveu » ? « Soutien implicite » ? Je ne dirai pas ça. Dans le climat d’hystérie qui règne sur le groupe, sa modération sonne plutôt comme un soutien à l’ARCOM…

            • Bob dit :

              @ Descartes & Carloman
               
              [Et le plus effrayant, c’est que même après que l’enquête interne et l’enquête judiciaire aient exonéré Bayou, une dirigeante de premier plan comme Sandrine Rousseau continue à affirmer sa « solidarité avec la victime »… et par « victime », elle n’entend pas Bayou, qui semble pourtant être la seule victime dans l’affaire.]
               
               
              Voici la réaction de S. Rousseau ce matin : “La justice a ses critères, maintenant, il reste la question politique”, lance-t-elle, invitant à avoir “une lecture politique et féministe de ce qu’il s’est passé”.
              Elle ne regrette rien. Aucun, absolument aucun remords. Elle enfonce même le clou.
              Je trouve cela tout à fait effrayant. La justice passe et classe sans suite pour absence d’infraction, mais ça ne vaut rien à ses yeux. 
              C’est du Maccarthysme à la sauce écolo, et ça fait peur.
               

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Voici la réaction de S. Rousseau ce matin : “La justice a ses critères, maintenant, il reste la question politique”, lance-t-elle, invitant à avoir “une lecture politique et féministe de ce qu’il s’est passé”.
              Elle ne regrette rien. Aucun, absolument aucun remords. Elle enfonce même le clou.]

              La « lecture féministe » de Rousseau, on la connaît parce qu’elle l’a explicité plusieurs fois. Bayou est ESSENTIELLEMENT coupable, parce que c’est un homme de sexe masculin. Même s’il n’a rien fait à titre personnel, il porte dans son essence masculine une culpabilité. Et de la même manière, sa femme est ESSENTIELLEMENT une victime. Même si elle n’a rien subi, le simple fait que ce soit une femme fait qu’elle porte une victimisation qui est partie de son essence. Les faits importent donc peu, avec une « lecture politique et féministe », un homme est TOUJOURS coupable, et une femme est TOUJOURS victime.

              Et Rousseau n’a rien inventé. J’ai déjà parlé sur ce blog de l’affaire de Bruay en Artois, dans laquelle un notaire et notable local avait été suspecté du viol et du meurtre d’une jeune fille d’origine modeste. L’extrême gauche de l’époque avait mené campagne médiatique contre le notaire, et lorsqu’il s’est avéré qu’il était innocent, le vrai coupable ayant admis les faits, ils ont expliqué que le notaire était tout de même coupable parce qu’il appartenait à une classe coupable. Sandrine Rousseau est bien peu originale finalement : elle ne fait que redire ce que les gauchistes écrivaient déjà il y a un demi-siècle…

              [Je trouve cela tout à fait effrayant. La justice passe et classe sans suite pour absence d’infraction, mais ça ne vaut rien à ses yeux.]

              Et pas seulement la justice. Même la commission inquisitoriale qui gère ces affaires chez les écologistes a du se rendre à l’évidence. Une enquête ordonnée et payée par les écologistes et dont l’objet n’étaient pas les faits dénoncés mais la personne de Bayou – avec un mel envoyé aux 12.000 adhérents du parti pour les encourager à dénoncer tout comportement « inapproprié » de l’intéressé – n’a rien donné non plus. Mais il y va du discours de Sandrine Rousseau comme de celui du Pape : si on admet qu’il n’est pas infaillible, c’est la fin des haricots.

              Après, j’ai du mal à partager la douleur de Bayou parce qu’il a été broyé par la machine qu’il a lui-même contribué à construire. Quand la foudre des écolo-féministes s’était abattue sur Denis Baupin, je ne me souviens pas d’avoir entendu Bayou le défendre. “Malheur à celui qui se lève pour défendre son grenier, et ne s’est pas levé pour défendre le blé de tous en premier”, écrivait Neruda.

  8. Sami dit :

    Comme l’a dit quelqu’un plus haut, pas une virgule à changer. Et revient d’une manière lancinante, après quelques élans jubilatoires, une forme de déprime, de désespoir, tant la situation est inversement proportionnelle au niveau professionnel et intellectuel du personnel politique (massivement déplorable, sans espoir d’amélioration !). Alors, ce soir même, on nous explique par 100 canaux divers (même les rézosossios !), qu’il serait possible que la France (et la Perfide Albion) seraient sur le point d’envoyer des avions et des bateaux de guerre (c’est l’idée que je retiens). Macron doit aller aux USA la semaine prochaine, certainement pour essayer de convaincre Trump de faire jouer l’article 5 de l’OTAN (on ne sait jamais, sur un malentendu…). 
    Eh oui ! Lorsqu’une situation s’embourbe à ce point, qu’elle devient ingérable, tellement ingérable que les “Zélites” risquent d’être éjectés par l’Histoire, bah, alors une petite (croient-ils) guerre, rien de mieux, pour effacer l’addition, pour épurer (apurer ?) les écuries, pour faire regarder ailleurs, pour que les sans-dents soudain regardent le doigt au lieu de la lune…
    Franchement, vu la situation au bord de l’incontrôlable, j’avoue que j’ai peur (comme on a peur de regarder des enfants jouant avec les allumettes juste à côté d’une bouteille de gaz). Petite remarque subsidiaire : nous voyons le grand manège des US se dérouler sous nos yeux : par principe, ne jamais leur faire confiance, et juger strictement que sur pièce. On verra.

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Comme l’a dit quelqu’un plus haut, pas une virgule à changer. Et revient d’une manière lancinante, après quelques élans jubilatoires, une forme de déprime, de désespoir, tant la situation est inversement proportionnelle au niveau professionnel et intellectuel du personnel politique (massivement déplorable, sans espoir d’amélioration !).]

      Si vous voulez trouver une raison de vous flinguer, regardez l’enregistrement du débat sur la motion de censure socialiste de cette semaine. On a honte pour eux.

      [Macron doit aller aux USA la semaine prochaine, certainement pour essayer de convaincre Trump de faire jouer l’article 5 de l’OTAN (on ne sait jamais, sur un malentendu…).]

      Franchement, j’en doute. D’abord, l’article 5 qu’on brandit à tout bout de champ est beaucoup moins explicite qu’on le croit généralement. Voici le texte exact :

      « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »

      Autrement dit, la mise en œuvre de l’article 5 oblige chaque état signataire à « prendre (…) telle action qu’elle jugera nécessaire ». Ça ne va pas très loin. On peut supposer d’ailleurs que chaque état prendrait « telle action qu’elle juge nécessaire », traité ou pas…

      Ce déplacement de Macron montre confirme un élément de mon commentaire : les acteurs de la politique internationale, quand on en arrive au fond des choses, ce sont les états souverains, et eux seuls. Si Macron veut parler avec Trump, Trump le reçoit rapidement. Je doute que Von der Leyen ou Costa auraient le même accueil, quand bien même ils « représentent un marché de 450 millions de consommateurs ».

      [Eh oui ! Lorsqu’une situation s’embourbe à ce point, qu’elle devient ingérable, tellement ingérable que les “Zélites” risquent d’être éjectés par l’Histoire, bah, alors une petite (croient-ils) guerre, rien de mieux, pour effacer l’addition, pour épurer (apurer ?) les écuries, pour faire regarder ailleurs, pour que les sans-dents soudain regardent le doigt au lieu de la lune…]

      Malgré le battage médiatique, malgré les articles et reportages remplis de pathos, on ne peut pas dire que l’affaire ait pris. La meilleure preuve en est que les scrutins qui ont eu lieu dans les différents pays européens – y compris les élections des députés européens – se sont jouées essentiellement sur des questions de politique intérieure. Rares ont été les candidats qui ont fait de la question ukrainienne ou la menace russe un élément important de leur campagne.

      [Franchement, vu la situation au bord de l’incontrôlable, j’avoue que j’ai peur (comme on a peur de regarder des enfants jouant avec les allumettes juste à côté d’une bouteille de gaz).]

      Le parallèle me parait particulièrement pertinent…

  9. cdg dit :

    [Et tout en se remplissant la bouche du mot « démocratie », ses dirigeants hésitent de moins en moins à contourner le verdict des urnes, quand ils ne l’ignorent pure et simplement. Le « faire play » politique, qui implique d’adhérer à l’esprit des institutions plutôt qu’à leur lettre – tout ce qui est permis n’est pas nécessairement à faire – a tendance à disparaître lorsqu’un traité rejeté par référendum ressuscite miraculeusement par la voie parlementaire.]
    Tout a fait d’accord avec vous,, mais si j ai bonne mémoire vous justifiez dans une de vos réponses le fait que Sarkozy se soit assis sur le referendum de 2005 car il avait été élu et que ca faisait parti de son programme présidentiel
    [Si les électeurs sont prêts à voter pour n’importe qui, c’est parce qu’ils ne croient pas que leur vote va changer quelque chose…. Parce que les électeurs ont pu faire l’expérience. Ils ont voté à droite, ils ont voté à gauche, ils ont voté au centre, et à chaque fois on arrive au même résultat puisque « il n’y a pas d’alternative ». ]
    Le problème a mon avis c’est surtout qu un politicien raconte n’importe quoi pour être élu et une fois élu évidement renie ses promesses. Ça a commence avec Mitterrand en 82 (le tournant de la rigueur qui était en opposition complet avec ses promesses pour être élu) puis continué avec Chirac (la fracture sociale qui était en fait juste une couverture pour dézinguer Balladur). Alors évidement quand est élu une personne dont le seul but est d’être élu et qui une fois élu a comme seule boussole d’être réélu il va pas se passer grand-chose (ce qui dans un certain sens est déjà positif car il va éviter de faire de grosses catastrophes visible a court terme)
    [L’élection de Donald Trump ne change rien sur le fond. La politique américaine reste la même, à savoir, une politique faite en fonction des intérêts des Etats-Unis. ]
    La je crois que vous vous trompez
    Déjà Trump ou Biden n’ont pas du tout la même definition des intérêts des USA (pour simplifier on va dire que pour Trump l intérêt des USA se mesure avec des $ (d ou des propositions aussi délirantes que de transformer gaza en cote d’azur ou de faire des hôtels de luxe en Corée du nord durant son premier mandat). Sur le plan intérieur, Trump est un ploutocrate qui va favoriser les plus riches alors que Biden avait un positionnement pro syndicat (sapé par le positionnement woke des démocrates certes)
    Ensuite les dirigeants (pas que Trump) ont une influence énorme sur le long terme. Pour mettre ça en évidence, projetons nous en France dans les années 30. Si les gouvernements de l époque n avait pas englouti tout le budget de la défense dans la ligne Maginot ou réagit quand Hitler a remilitarisé la Rhénanie en violation du traité de Versailles on aurait évité une défaite 10 ans plus tard. On peut reproduire le même schema avec l économie (il aurait fallu faire une relance keynésienne après la crise de 29) …
    Vous allez me dire que la période était différente et que les états/économies en 1930 etaient bien plus indépendant que maintenant. Certes mais je suis persuade que Trump va avoir une influence énorme sur le siècle qui vient (il n y a qu a voir l impact de son premier mois : déportation des palestinen de Gaza, confrontation/lâchage avec les allies (Ukraine, Europe, Canada, Mexique). Sur le plan économique ploutocratie et développement des cryptos (à mon avis le futur subprime) )
    [En 1960, un homme sans expérience politique et administrative comme Emmanuel Macron n’aurait eu aucune chance d’être élu]
    Ça tient surtout au fait qu’ a l époque les médias faisaient l élection. Aujourd hui les journaux n’ont que peu dd’influence et l age moyen des spectateurs du journal TV est de près de 70 ans. Internet (tikTok, facebook …) permet a un inconnu comme le candidat roumain de se faire connaitre rapidement et pour pas cher sans passer par le filtre de notre caste politico/médiatique
    Et n’oubliez pas qu un inconnu en 62 a fait 15% face à De Gaulle : Lecanuet
    Si on fait un peu de science-fiction, qui auront nous en 2027 comme candidat ? uniquement de personnes qui ne soulèvent aucun enthousiasme : Marine Le Pen/Melanchon/Wauquiez/Philippe voir Hollande (mais si, il y pense). Qu un nouveau Coluche se présente et ses chances sont loin d’être nulles (et il fera certainement un score supérieur a un politicien expérimenté comme Melanchon ou un ex premier ministre)
    [Sans cette solidarité inconditionnelle, il est illusoire d’imaginer que les citoyens puissent s’être appelés à soutenir cette vision inconditionnellement, y compris au péril de leur vie.]
    Je pense que le sentiment d’appartenir à une nation n’a pas grand-chose à voir avec cette notion de solidarité inconditionnelle. En 1914 il n’y avait aucun des mécanismes de solidarité que nous connaissons aujourd hui (sécurité sociale, retraite, impôt sur le revenu) et pourtant les français de l époque se sont pas dérobés (le taux de désertion était bien plus faible que celui escompte par l état major).
    [Cette solidarité inconditionnelle entre européens n’existe pas et n’est pas près d’exister, parce que l’Europe n’est pas une nation…. Personne n’est mort pour le drapeau bleu aux étoiles, et ce n’est pas demain la veille que cela arrivera.]
    Vous supposez ici que la nation est l évolution ultime. Avant la nation les gens se battaient et mourraient pour une religion, un dirigeant (roi/empereur (la nation et le roi n a rien a voir. Pensez a Hanovre et le roi d Angleterre) ou tout simplement pour l argent (le mercenariat était la norme avant 1789). Est-ce que la nation restera ou sera remplace par autre chose, je n en sais rien mais vu les tensions dans chaque nation (pas qu aux USA) on ne peut pas exclure d autres formes d organisations
    [comme le disait Sun Tzu, la victoire n’appartient pas à l’armée la plus nombreuse, mais à l’armée la plus décidée]
    Il y a 2500 ans surement. Aujourd hui ca reste a prouver. Pour rester en Chine, un petit contingent de Français et d anglais a mit en déroute une armée bien plus nombreuse et au moins aussi motivée durant les guerres de l opium. Pourquoi ? Parce que la guerre c’est devenu surtout de la technologie (fusils français contre lances chinoises) et de l’industrie (pouvoir fabriquer en masse).
     
    [A force de répéter que les Américains étaient des « amis » qui « défendaient l’Europe », on a oublié pourquoi ils la défendaient. Ce n’était pas par grandeur d’âme, ou par générosité désintéressée, mais par intérêt.]
    Partiellement vrai. Il est évident que les USA ont des intérêts en Europe, mais ca n explique pas tout. L histoire et la culture sont aussi une raison de ce lien USA/Europe. C est pour ces raison par ex que la France s implique plus pour le Liban que pour la Syrie ou la Jordanie
    [Et puis, Trump en est convaincu, l’adversaire stratégique aujourd’hui, c’est la Chine.]
    C est pas nouveau, la bascule des USA date d Obama. On peut sur ce point critiquer tous nos dirigeants qui n ont rien fait avant que Trump nous tire le tapis sous les pieds. En ce qui concerne les idées de Trump, je pense que c est « America First ». Autrement dit l Europe ne compte pas mais Taiwan a aussi du souci a se faire car en cas d invasion chinoise il est loin d être sur qu’ il les aide.
    [Un ensemble (UE) administré – on n’ose pas dire gouverné – par une bureaucratie sans âme et des politiciens complètement déconnectés des réalités du monde.]
    On peut dire la même chose de la France : bureaucratie et politiciens déconnectés ca ne manque pas chez nous
    [C’est par le sentiment du tragique que les électeurs cesseront d’imaginer qu’on peut confier les rênes de l’Etat à n’importe qui, que le débat politique deviendra véritablement une affaire sérieuse.]
    Pour cela il faudrait qu il y a ait une offre. Nos parti politique ne sont que des écuries présidentielles et n’ont aucune réflexion de fond ou même d’idée sur la direction que la France devrait emprunter. Quant aux candidats ils sont juste mus par leur ego et sont prêt a raconter n’importe quoi pour se faire élire. La plupart d’ailleurs pensent que leur principal atout n’est pas eux même mais la répulsion de Marine Le Pen (si j’arrive au second tour, je gagne car l’électeur votera contre MLP)
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Tout a fait d’accord avec vous,, mais si j ai bonne mémoire vous justifiez dans une de vos réponses le fait que Sarkozy se soit assis sur le referendum de 2005 car il avait été élu et que ça faisait partie de son programme présidentiel]

      Pas tout à fait. Si ma mémoire ne me trompe pas, j’avais surtout insisté sur le fait que le texte du traité de Lisbonne n’était pas tout à fait équivalent au TCE (puisqu’il n’avait plus un caractère « constituant »), et que de ce fait on pouvait difficilement considérer que la ratification était juridiquement attaquable. Mais je ne me souviens pas d’avoir soutenu que la décision était politiquement juste. Si je l’ai fait, j’ai eu tort.

      [« Si les électeurs sont prêts à voter pour n’importe qui, c’est parce qu’ils ne croient pas que leur vote va changer quelque chose…. Parce que les électeurs ont pu faire l’expérience. Ils ont voté à droite, ils ont voté à gauche, ils ont voté au centre, et à chaque fois on arrive au même résultat puisque « il n’y a pas d’alternative ». » Le problème a mon avis c’est surtout qu un politicien raconte n’importe quoi pour être élu et une fois élu évidement renie ses promesses.]

      Je ne suis pas d’accord. La figure du politique qui fait des promesses à la tribune et les oublie une fois élu est aussi vieille que la démocratie. La figure du « démagogue » qui promet tout ce que les électeurs veulent pour être élu figure déjà dans les textes antiques. Et les électeurs n’ont d’ailleurs jamais été dupes : ils savaient que les promesses électorales doivent être considérées comme un acte de séduction, et non comme des promesses fermes. Comme l’amoureux qui promet à sa Dulcinée de lui décrocher la lune… ni l’un ni l’autre pense qu’il va VRAIMENT la décrocher.

      Même si naguère les politiques ne tenaient pas leurs promesses, ils mettaient en œuvre des politiques différentes, prévisibles en fonction de la trajectoire du politicien et de son parti, et de la composition de son électorat. Quand on élisait un politicien de droite, on avait une politique de droite, quand on élisait un politicien de gauche, on avait une politique de gauche. Elire Blum ou Laval, ce n’était pas la même chose. Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui quelque soit le politicien au pouvoir vous avez la MEME politique. Au point que les politiques deviennent interchangeables. Avoir à Matignon Castex ou Attal, Philippe ou Borne, quelle différence ? Le style peut être différent, mais la politique est la même.

      [Ça a commence avec Mitterrand en 82 (le tournant de la rigueur qui était en opposition complet avec ses promesses pour être élu)]

      Certes. Mais si Mitterrand n’a pas ténu ses promesses, il a fait la politique que son électorat – les classes intermédiaires et la bourgeoisie urbaine – attendaient de lui, et qui n’était du tout celle qu’avaient fait ses prédécesseurs, ou qu’auraient fait ses adversaires. Mais c’est pendant la présidence Mitterrand que la transformation se fait : Mitterrand est le dernier président à avoir en main l’ensemble des leviers. Pensez-y : quand Mitterrand arrive à l’Elysée, l’Etat contrôle la politique monétaire et budgétaire et l’ensemble du crédit. Il a en main tous les leviers de la politique industrielle, y compris la régulation de la concurrence. Il a le contrôle des frontières et de la politique d’immigration. Par le biais du secteur nationalisé, il contrôle des pans entiers de l’économie. Lorsque Mitterrand quitte le pouvoir quatorze ans plus tard, tout cela est parti. Tous se successeurs seront des « présidents diminués », condamnés à administrer le pays plutôt qu’à le gouverner. Et contraints, quelque soient par ailleurs leurs convictions, à faire les mêmes politiques.

      [« L’élection de Donald Trump ne change rien sur le fond. La politique américaine reste la même, à savoir, une politique faite en fonction des intérêts des Etats-Unis. » Là je crois que vous vous trompez
      Déjà Trump ou Biden n’ont pas du tout la même définition des intérêts des USA (pour simplifier on va dire que pour Trump l’intérêt des USA se mesure avec des $ (d’ou des propositions aussi délirantes que de transformer gaza en côte d’azur ou de faire des hôtels de luxe en Corée du nord durant son premier mandat).]

      Oui, mais au-delà des « propositions délirantes », il n’a fait aucun hôtel de luxe en Corée du Nord, que je sache. L’élection de Trump changera certainement beaucoup de choses du point de vue du langage, mais en termes de politique internationale, je doute que cela change profondément les positions américaines. En Palestine, Trump dira tout haut ce que l’administration Biden pensait tout bas, mais pensez-vous vraiment que sur le fond cela changera quelque chose ? En Ukraine, je pense que les démocrates auraient cherché une sortie de la même manière que Trump : après trois ans de guerre, il est clair que la prolongation du conflit joue en faveur de la Chine, dont la Russie devient de plus en plus dépendante, mais aussi de l’Iran et d’autres affreux que les Américains n’ont pas envie de voir remis en selle.

      [Sur le plan intérieur, Trump est un ploutocrate qui va favoriser les plus riches alors que Biden avait un positionnement pro syndicat (sapé par le positionnement woke des démocrates certes)]

      J’aurais du préciser que je parlais de politique internationale. Je ne connais pas assez la politique intérieure américaine pour avoir un avis.

      [Ensuite les dirigeants (pas que Trump) ont une influence énorme sur le long terme. Pour mettre ça en évidence, projetons nous en France dans les années 30. Si les gouvernements de l’époque n’avaient pas englouti tout le budget de la défense dans la ligne Maginot ou réagit quand Hitler a remilitarisé la Rhénanie en violation du traité de Versailles on aurait évité une défaite 10 ans plus tard.]

      Je ne suis pas sûr que les décisions dont vous parlez aient été le fait des « dirigeants » seuls. Le pacifisme était un courant très puissant dans la France de l’entre-deux-guerres. Ce ne sont pas « les dirigeants » mais l’opinion publique elle-même qui a poussé à une politique défensive – dont la ligne Maginot n’est qu’un élément. C’est l’opinion publique qui était absolument opposée à « mourir pour Dantzig », et qui a soutenu massivement la capitulation de Munich. C’est l’opinion publique qui n’imaginait pas un instant les armées françaises traverser le Rhin pour s’opposer à la remilitarisation. Dans une démocratie, les « dirigeants » sont-ils coupables lorsqu’ils ne font que mettre en œuvre les souhaits de leurs électeurs ? Vous avez quatre heures…

      [On peut reproduire le même schema avec l économie (il aurait fallu faire une relance keynésienne après la crise de 29) …]

      Autrement dit, violer les libéraux ? Décréter que les marchés ne sont pas capables de s’auto-réguler et que l’Etat doit intervenir dans l’économie ? Je ne crois pas mes yeux…

      [Vous allez me dire que la période était différente et que les états/économies en 1930 etaient bien plus indépendant que maintenant. Certes mais je suis persuade que Trump va avoir une influence énorme sur le siècle qui vient (il n y a qu a voir l impact de son premier mois : déportation des palestinen de Gaza, confrontation/lâchage avec les allies (Ukraine, Europe, Canada, Mexique). Sur le plan économique ploutocratie et développement des cryptos (à mon avis le futur subprime) )]

      Mais pensez-vous que si demain Trump passait sous un camion, cela changerait l’histoire ? Personnellement, j’en doute. Le nettoyage ethnique est un vieux projet israélien, qui se réalise pas à pas depuis plus de vingt ans. Le lâchage d’un certain nombre « d’alliés » devenus inutiles dans la nouvelle configuration du monde est, là aussi, un processus en cours depuis des années. Quant au développement de la ploutocratie… Je persiste : Trump pourra « déchirer le voile d’illusion » avec son langage cash, peut-être accélérera un petit peu le mouvement, mais je ne pense pas qu’il changera vraiment les choses. Il s’inscrit simplement dans un mouvement qui le dépasse largement.

      [« En 1960, un homme sans expérience politique et administrative comme Emmanuel Macron n’aurait eu aucune chance d’être élu » Ça tient surtout au fait qu’ a l’époque les médias faisaient l’élection.]

      Si les médias avaient fait l’élection, De Gaulle n’aurait pas été élu en 1965… je ne pense pas que les médias avaient autant de pouvoir que vous leur prêtez. Je pense surtout qu’à l’époque c’étaient les partis politiques qui faisaient les candidats, et qu’un candidat devait donc passer par un mécanisme de sélection autrement plus sérieux.

      [Si on fait un peu de science-fiction, qui auront nous en 2027 comme candidat ? uniquement de personnes qui ne soulèvent aucun enthousiasme : Marine Le Pen/Melanchon/Wauquiez/Philippe voir Hollande (mais si, il y pense). Qu’un nouveau Coluche se présente et ses chances sont loin d’être nulles (et il fera certainement un score supérieur a un politicien expérimenté comme Melanchon ou un ex premier ministre)]

      C’était bien mon point : qui peut penser que le choix entre Mélenchon, Wauquiez, Philippe ou Hollande – je laisse de côté Marine Le Pen, qui contient encore une inconnue – est un choix entre différentes politiques ? Personne. Dans ces conditions, pourquoi ne pas porter à l’Elysée « un nouveau Coluche » ? Il ne fera pas pire que les autres, puisque les vraies décisions se prennent ailleurs. Le problème n’est pas tant le fait que les candidats putatifs « ne soulèvent pas l’enthousiasme ». C’était déjà le cas dans le passé : pensez à la confrontation Pompidou/Poher. Le problème réside dans le fait qu’on ne pense plus que choisir X plutôt que Y changera vraiment quelque chose, parce que quel que soit l’élu, il n’aura aucune marge de manœuvre Dans ces conditions, autant voter pour Loana ou pour le crocodile du Zoo.

      [« Sans cette solidarité inconditionnelle, il est illusoire d’imaginer que les citoyens puissent s’être appelés à soutenir cette vision inconditionnellement, y compris au péril de leur vie. » Je pense que le sentiment d’appartenir à une nation n’a pas grand-chose à voir avec cette notion de solidarité inconditionnelle. En 1914 il n’y avait aucun des mécanismes de solidarité que nous connaissons aujourd hui (sécurité sociale, retraite, impôt sur le revenu) et pourtant les français de l’époque se sont pas dérobés (le taux de désertion était bien plus faible que celui escompte par l état major).]

      Je pense que vous avez mal compris ce que j’entends par « solidarité inconditionnelle ». Pour moi, cette solidarité ne se manifeste pas nécessairement par des mécanismes de redistribution. La « solidarité inconditionnelle » c’est le mécanisme qui fait que vous trouvez tout à fait acceptable et naturel de sacrifier votre intérêt personnel au bénéfice d’un « autre ». Ainsi, par exemple, si demain un tremblement de terre touchait Marseille, vous trouveriez normal et naturel que l’argent de vos impôts soit utilisé pour les aider. Les « poilus » creusois de 1914 trouvaient parfaitement normal d’aller mourir dans les tranchées de la Somme, sachant que d’autres toucheraient les bénéfices de leur sacrifice. Cette disponibilité pour sacrifier son intérêt à celui d’un autre sans lui poser des conditions, à un autre qu’on ne connaît pas – c’est pourquoi j’accole au mot « inconditionnelle » le mot « impersonnelle » est pour moi l’élément constitutif de la nation.

      [« Cette solidarité inconditionnelle entre européens n’existe pas et n’est pas près d’exister, parce que l’Europe n’est pas une nation…. Personne n’est mort pour le drapeau bleu aux étoiles, et ce n’est pas demain la veille que cela arrivera. » Vous supposez ici que la nation est l’évolution ultime. Avant la nation les gens se battaient et mourraient pour une religion, un dirigeant (roi/empereur (la nation et le roi n’a rien à voir. Pensez a Hanovre et le roi d’Angleterre) ou tout simplement pour l’argent (le mercenariat était la norme avant 1789).]

      En fait, ceux qui mourraient pour autre chose que leur intérêt personnel étaient très rares. Même pour persuader les gens d’aller à la croisade il a fallu leur promettre la rémission de tous les péchés, l’équivalent d’un ticket de 1ère classe pour le paradis. L’essentiel des soldats étaient des mercenaires, dont l’activité était rémunérée par une solde mais aussi par une participation aux bénéfices sous forme de droit de pillage. Seuls les officiers, aristocrates, étaient tenus par la logique de l’honneur et prêts à se sacrifier « pour un roi »… et encore : ce sacrifice servait les intérêts de la « lignée », encore une structure dont les membres sont liés par une solidarité « inconditionnelle » (mais non « impersonnelle »).

      La nation d’une certaine manière est « l’évolution ultime » de cette notion de lignée. Les citoyens doivent solidarité inconditionnelle à leurs concitoyens de la même manière que les membres d’une même famille doivent solidarité inconditionnelle aux autres membres, au seul motif qu’ils ont des ancêtres communs. Vous noterez d’ailleurs que les nations se constituent souvent des ancêtres communs symboliques – pensez à « nos ancêtres les gaulois »… la grande rupture, c’est que la solidarité dans la lignée est « personnelle », au sens qu’elle réunit des gens qui se connaissent, alors que la solidarité entre citoyens est « impersonnelle » : elle s’applique même envers des gens qu’on ne connaît pas et qu’on ne connaîtra jamais personnellement.

      [Est-ce que la nation restera ou sera remplacée par autre chose, je n’en sais rien mais vu les tensions dans chaque nation (pas qu aux USA) on ne peut pas exclure d’autres formes d’organisations]

      Bien sûr. Mais je vois mal comment on peut constituer une collectivité politique dont les membres ne soient pas liés par une solidarité inconditionnelle et impersonnelle. Autrement dit, si une autre mode d’organisation apparaît, il sera a-national ou a-politique. Peut-être que l’avenir appartient à des collectivités a-politiques comme l’Union européenne. On ne peut savoir.

      [« comme le disait Sun Tzu, la victoire n’appartient pas à l’armée la plus nombreuse, mais à l’armée la plus décidée » Il y a 2500 ans surement. Aujourd’hui ça reste à prouver. Pour rester en Chine, un petit contingent de Français et d’Anglais a mis en déroute une armée bien plus nombreuse et au moins aussi motivée durant les guerres de l’opium.]

      Mais qu’est ce qui vous permet de dire que l’armée mise en déroute par les corps expéditionnaires Français et Anglais était « aussi décidée » (vous parlez de « motivation », ce n’était pas ce que j’avais écrit…) ces derniers ? Et plus près de nous, l’armée américaine était largement plus puissante que l’armée du Vietnam du nord, et j’ajoute, bien mieux équipée. Ca n’a pas marché. Et ce n’était pas il y a 2500 ans…

      [« A force de répéter que les Américains étaient des « amis » qui « défendaient l’Europe », on a oublié pourquoi ils la défendaient. Ce n’était pas par grandeur d’âme, ou par générosité désintéressée, mais par intérêt. » Partiellement vrai. Il est évident que les USA ont des intérêts en Europe, mais ça n’explique pas tout. L’histoire et la culture sont aussi une raison de ce lien USA/Europe.]

      Pourriez-vous m’indiquer une décision américaine vis-à-vis de l’Europe d’une certaine importance qui ne soit pas « explicable » sans avoir recours à « l’histoire et la culture » ?

      [C’est pour ces raison par ex que la France s’implique plus pour le Liban que pour la Syrie ou la Jordanie]

      Ah bon ? Ne serait-ce plutôt parce qu’il y a au Liban une communauté chrétienne qui nous permet d’exercer une influence et de favoriser nos intérêts, alors qu’une telle communauté n’existe pas en Jordanie ou en Syrie ? A contrario, la France a participé au bombardement de la Serbie, malgré des liens étroits et anciens avec ce pays…

      [« Et puis, Trump en est convaincu, l’adversaire stratégique aujourd’hui, c’est la Chine. » C’est pas nouveau, la bascule des USA date d Obama. On peut sur ce point critiquer tous nos dirigeants qui n ont rien fait avant que Trump nous tire le tapis sous les pieds.]

      C’était bien mon point. Trump n’a pas changé les choses sur le fond, il s’est contenté de formuler sa position brutalement. Alors que ses prédécesseurs retiraient le tapis petit à petit, lui l’a retiré d’un coup. Et personnellement, je trouve que ce n’est pas une mauvaise chose. Cela donne une opportunité à nos dirigeants d’enfin faire une culbute, et de se réveiller.

      [En ce qui concerne les idées de Trump, je pense que c’est « America First ». Autrement dit l’Europe ne compte pas mais Taiwan a aussi du souci a se faire car en cas d’invasion chinoise il est loin d’être sûr qu’il les aide.]

      Sur ce point, je n’ai pas le moindre doute. Taiwan restera pour Trump un casus belli, non pour une question de principe, mais parce qu’affaiblir la Chine reste une priorité.

      [« Un ensemble (UE) administré – on n’ose pas dire gouverné – par une bureaucratie sans âme et des politiciens complètement déconnectés des réalités du monde. » On peut dire la même chose de la France : bureaucratie et politiciens déconnectés ca ne manque pas chez nous]

      Je ne suis pas d’accord. Un préfet, un commissaire de police, un directeur d’hôpital, un professeur, un directeur de centre des impôts restent infiniment plus proches des réalités du terrain que n’importe quel fonctionnaire à Bruxelles. Vous oubliez que la structure bureaucratique des Etats a certes des fonctions centrales, mais que celles-ci s’articulent avec le service du terrain. Ce n’est pas le cas de la bureaucratie européenne, qui n’a aucune interaction directe avec les citoyens. Et on peut dire la même chose des politiques. Un ministre français est obligé d’aller sur le terrain, et se prend souvent des tartes. Un commissaire européen est bien plus isolé dans sa tour d’ivoire.

      [« C’est par le sentiment du tragique que les électeurs cesseront d’imaginer qu’on peut confier les rênes de l’Etat à n’importe qui, que le débat politique deviendra véritablement une affaire sérieuse. » Pour cela il faudrait qu’il y a ait une offre. Nos parti politique ne sont que des écuries présidentielles et n’ont aucune réflexion de fond ou même d’idée sur la direction que la France devrait emprunter.]

      C’est une dialectique complexe. Pour qu’il y ait une offre, il faut qu’il y ait des alternatives. Si la fonction du politique se réduit à appliquer sagement la seule politique possible, à quoi cela pourrait servir de formuler des « propositions » qui n’ont aucune chance de pouvoir être mises en œuvre ? La transformation des partis en écuries électorales tient aussi à l’impuissance organisée du politique. Pourquoi se préparer à gouverner alors qu’on n’aura pas l’opportunité de le faire ?

      • cdg dit :

         
        [En Palestine, Trump dira tout haut ce que l’administration Biden pensait tout bas, mais pensez-vous vraiment que sur le fond cela changera quelque chose ? ]
        Ca ne changera pas grand-chose sur le fond car ni Israel, ni le Hamas ne veut la paix. A partir de la il est difficile a un tiers de pousser des gens a faire une chose qu ils ne veulent pas
         
        [En Ukraine, je pense que les démocrates auraient cherché une sortie de la même manière que Trump]
        Je crois pas que les democrates auraient laché l Ukraine. C est aussi une question de credibilité. A Taiwan on doit se dire qu ils sont les prochains sur la liste et qu on ne peut dependre des USA (meme reflexion pour le Japon). Quant a penser que la defaite de l ukraine va renforcer la Russie et donc affaiblir son alliance avec la chine, j en doute. Cette alliance est a benefice mutuel pour les 2 (les russes ont acces a l usine chinoise et a la technologie qui leur manque. Les chinois a des matieres premieres a prix cassés)
         
        [C’est l’opinion publique qui n’imaginait pas un instant les armées françaises traverser le Rhin pour s’opposer à la remilitarisation]
        Il y avait quand meme a l epoque un fort sentiment anti allemand et la france avait déjà occupe la rhenanie en 1923-1925 (soit 10 ans avant). Donc il n est pas clair qu une majorite de la population n ait pas soutenu une action de l armee francaise a l epoque. Et soyons clair, nos dirigeants n ont pas toujours eut des pudeur de gazelle pour engager l armee sans tenir compte de l opinion (par ex au maroc a la meme epoque, ou apres guerre en algerie ou indochine)
         
        [Décréter que les marchés ne sont pas capables de s’auto-réguler et que l’Etat doit intervenir dans l’économie ? Je ne crois pas mes yeux…]
        Je suis pas dogmatique. Je suis pres a reconnaître qu en 1930 il aurait fallu une intervention de l etat dans l economie et que la deflation choisit a l epoque par Laval etait une mauvaise idee. Cela signifie pas qu en 2025 il ne faut pas reduire notre etat hypertrophié (sans aller jusqu a le reduire a la taille de 1930, si on revient a 1960 ca serait déjà un exploit)
         
        [Si les médias avaient fait l’élection, De Gaulle n’aurait pas été élu en 1965]
        Bien qu on soit dans la politique fiction, je vois mal comment il aurait pu perdre. Fin de la guerre d algerie et le 18 Juin faisait qu il ne pouvait qu ecraser Mitterrand
         
        [qui peut penser que le choix entre Mélenchon, Wauquiez, Philippe ou Hollande – je laisse de côté Marine Le Pen, qui contient encore une inconnue – est un choix entre différentes politiques ?]
        Vous pensez que Melenchon et Wauquiez feront la meme politique ? Je sais que le modele de melenchon c est Mitterrand mais quand meme je le vois plus dans une derive a la Maduro
         
        [Le problème réside dans le fait qu’on ne pense plus que choisir X plutôt que Y changera vraiment quelque chose]
        Le monde actuel etant plus interconnecte qu avant je veux bien que sur le plan economique c est difficile. Mais il y a d autres domaines ou l etat et ses dirigeants ont une grande latitude. Prenons l immigration (l AfD (le FN allemand) a double son score ce soir grace a ca). C est typiquement du regalien et la restriction est extremement populaire donc porteuse electoralement parlant. Et pourtant a part des discours rien ne se passe (a mon avis a cause du poids de la caste mediatique qui est ultra minoritaire electoralement parlant mais tres influente dans les medias classiques)
         
        [Mais qu’est ce qui vous permet de dire que l’armée mise en déroute par les corps expéditionnaires Français et Anglais était « aussi décidée » (vous parlez de « motivation », ce n’était pas ce que j’avais écrit…) ces derniers ?]
        Les chinois se battaient sur leur sol, pour leur pays. Les francais ou anglais pouvaient etre motive par la gloire, le pillage (comme au palais d ete) mais si vous voulez profiter de la gloire ou du pillage il faut rester vivant
         
        [Et plus près de nous, l’armée américaine était largement plus puissante que l’armée du Vietnam du nord, et j’ajoute, bien mieux équipée. Ca n’a pas marché. Et ce n’était pas il y a 2500 ans…]
        Vous faites ici un contresens. L armee americaine n a jamais ete defaite par le nord vietnam dans une confrontation militaire, pas plus que la france/FLN ou l URSS/Afghanistan. Simplement les dirigeants politiques ont estime que le jeu n en valait pas la chandelle : il fallait maintenir enormement de troupes pour controler le pays, ca coutait cher, mobilisait enormement de ressource qui ne pouvait etre utilisee ailleurs et tout ca ne rapportait pas grand-chose. Sans compter l image desastreuse du pays que ca donne
         
        [Ne serait-ce plutôt parce qu’il y a au Liban une communauté chrétienne qui nous permet d’exercer une influence et de favoriser nos intérêts]
        Favoriser quel interet ? Le liban est un pays en faillite et pas prêt de se redresser ou la France n a rien a gagner a part des coups (la derniere tentative c est soldé par pres de 60 morts grace a ce qui allait devenir le Hezbollah)
         
        [Taiwan restera pour Trump un casus belli, non pour une question de principe, mais parce qu’affaiblir la Chine reste une priorité.]
        J en suis moins sur que vous.Trump est un isolationiste. S il pense que les USA et lui meme peuvent faire un bon deal en abandonnant Taiwan, il le fera
         
        [Pourquoi se préparer à gouverner alors qu’on n’aura pas l’opportunité de le faire ?]
        En ces temps volatil, il est loin d etre impossible que vous ne soyez pas appele a gouverner alors que vous etes aujourd hui ultra minoritaire. Macron a ete elu alors qu il n avait meme pas de vrai parti et que les centristes etaient marginalise depuis des decenies. L AfD en RFA vient de faire 20 % alors que c est un parti etiquetté «nazi». Meme Marine Le Pen va probablement etre elue dans 2.5 ans et une majorite a l AN est possible alors qu il y a 15 ans c etait considere comme farfelu
         

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Ca ne changera pas grand-chose sur le fond car ni Israel, ni le Hamas ne veut la paix. A partir de la il est difficile a un tiers de pousser des gens a faire une chose qu’ils ne veulent pas]

          Tout dépend des moyens qu’on est prêt à y mettre, et donc des intérêts en jeu. Israël a beau ne pas vouloir la paix, sa dépendance envers les Etats-Unis ne lui permet pas de tout refuser. Et le Hamas n’aurait pas le poids politique qu’il a si les Palestiniens voyaient une possibilité de faire valoir leurs droits à un Etat viable par la voie politique.

          [« En Ukraine, je pense que les démocrates auraient cherché une sortie de la même manière que Trump » Je ne crois pas que les démocrates auraient lâché l’Ukraine. C’est aussi une question de crédibilité.]

          Pour la crédibilité, il n’est pas nécessaire de soutenir l’Ukraine, il suffit d’être VU comme soutenant l’Ukraine. Les Démocrates auraient probablement lâché l’Ukraine un peu plus tard, et un peu moins ouvertement. Le changement de personnel entre Biden et Harris aurait donné un peu de marge de manœuvre pour changer de politique. Je doute que les Démocrates auraient pris le risque de pousser la Russie dans la dépendance de la Chine.

          [A Taiwan on doit se dire qu’ils sont les prochains sur la liste et qu’on ne peut dépendre des USA (même réflexion pour le Japon).]

          Je suis d’ailleurs curieux d’entendre les arguments des défenseurs de l’indépendance de Taiwan. C’est quand même drôle : en Ukraine on se bat pour l’intégrité et la souveraineté des états et l’intangibilité des frontières, à Taiwan on défend le droit d’une région séparatiste à se séparer… Pourquoi ce qui est vrai pour Taiwan ou pour le Kossovo n’est pas vrai pour le Donbass ou la Transnistrie ?

          [Quant a penser que la défaite de l’Ukraine va renforcer la Russie et donc affaiblir son alliance avec la chine, j’en doute. Cette alliance est à bénéfice mutuel pour les 2 (les russes ont accès à l’usine chinoise et à la technologie qui leur manque. Les chinois a des matières premières à prix cassés)]

          Je ne sais pas si la défaite de l’Ukraine « affaiblira l’alliance de la Russie avec la Chine ». Il y a en effet des complémentarités entre leurs économies, et aussi longtemps que les Etats-Unis prétendent à l’hégémonie mondiale, ils auront un adversaire commun. Mais une alliance n’efface pas les différences d’intérêts et les conflits entre les alliés. Ce que la prolongation des combats et surtout des sanctions risque de provoquer n’est pas tant de pousser la Russie à une alliance plus étroite avec la Chine, mais de rendre la Russie DEPENDANTE de la Chine. Et lorsqu’on est dépendant, on n’a pas le choix de défendre ses propres intérêts ou d’ouvrir des conflits avec ses alliés. Je pense – et j’ai vu hier Villepin dire à peu près la même chose – que ce que Trump est en train de négocier, c’est le lâchage de l’Ukraine en échange d’un ancrage de la Russie dans le « camp occidental »…

          [« C’est l’opinion publique qui n’imaginait pas un instant les armées françaises traverser le Rhin pour s’opposer à la remilitarisation » Il y avait quand même à l’époque un fort sentiment anti allemand et la France avait déjà occupé la Rhénanie en 1923-1925 (soit 10 ans avant).]

          Le « sentiment anti-allemand » avait beaucoup faibli sous l’influence du parti pacifiste, qui insistait au contraire sur le besoin de « réconciliation » avec l’ennemi héréditaire. Les organisations d’ancien combattants, très puissantes à l’époque, mettaient en scène des fraternisations avec des anciens combattants allemands, des échanges culturels étaient organisés – pensez au « cercle de Sohlberg » créé par Otto Abetz. Et ce n’était pas la seule organisation de ce type… Quant à l’occupation de la Rhénanie en 1923, elle avait été presque aussi impopulaire en France qu’elle l’avait été en Allemagne.

          [Donc il n’est pas clair qu’une majorité de la population n’ait pas soutenu une action de l’armée française a l’époque.]

          Lorsqu’on voit comment les « bellicistes » comme de Kerillis étaient traités, cela ne fait aucun doute. Il n’y avait pas en France une majorité pour aller « mourir pour Dantzig ».

          [Et soyons clair, nos dirigeants n’ont pas toujours eut des pudeur de gazelle pour engager l’armée sans tenir compte de l’opinion (par ex au Maroc a la même époque, ou après-guerre en Algérie ou Indochine)]

          D’une part, je ne vois pas très bien en quoi vous vous fondez pour affirmer que l’opinion était contre l’engagement français dans ces guerres. D’autre part, je vous rappelle qu’au Marco ou en Indochine il n’a jamais été question d’engager le contingent, alors qu’une opération en Rhénanie impliquait d’envoyer en nombre des appelés. Quant à l’Algérie, lorsque Guy Mollet prend la décision d’y envoyer le contingent, l’opinion est massivement favorable.

          [« Si les médias avaient fait l’élection, De Gaulle n’aurait pas été élu en 1965 » Bien qu’on soit dans la politique fiction, je vois mal comment il aurait pu perdre. Fin de la guerre d’Algérie et le 18 Juin faisait qu’il ne pouvait qu’écraser Mitterrand]

          Moi non plus. Mais la question était ici votre affirmation selon laquelle à l’époque les médias faisaient l’élection. En 1965, la quasi-totalité des médias était défavorable à De Gaulle. Et il a gagné quand même. D’ailleurs, vous l’admettez vous-même : la paix en Algérie et le 18 juin pesaient bien plus lourd que n’importe quel « média ».

          [« qui peut penser que le choix entre Mélenchon, Wauquiez, Philippe ou Hollande – je laisse de côté Marine Le Pen, qui contient encore une inconnue – est un choix entre différentes politiques ? » Vous pensez que Mélenchon et Wauquiez feront la même politique ? Je sais que le modèle de Mélenchon c’est Mitterrand mais quand même je le vois plus dans une dérive a la Maduro]

          Je peux vous rassurer. Mélenchon, si demain arrivait au pouvoir, ferait du Mitterrand – avec moins de panache. Et oui, Mélenchon et Wauquiez feraient probablement la même chose sur le fond – avec bien entendu une présentation très différente.

          [« Le problème réside dans le fait qu’on ne pense plus que choisir X plutôt que Y changera vraiment quelque chose » Le monde actuel étant plus interconnecté qu’avant je veux bien que sur le plan économique c’est difficile.]

          Ce n’est pas « l’interconnexion » qui rend les choses difficiles. Cela fait très longtemps que le monde est interconnecté, qu’il faut regarder les problèmes « sur un planisphère » pour reprendre la formule de De Gaulle. Non, ce qui rend très difficile de changer les choses, c’est que le rapport de forces est massivement favorable à ceux qui n’ont aucun intérêt à ce que les choses changent.

          [Mais il y a d autres domaines ou l’état et ses dirigeants ont une grande latitude. Prenons l’immigration (l AfD (le FN allemand) a doublé son score ce soir grâce à ça). C’est typiquement du régalien et la restriction est extrêmement populaire donc porteuse électoralement parlant. Et pourtant a part des discours rien ne se passe (a mon avis a cause du poids de la caste médiatique qui est ultra minoritaire électoralement parlant mais très influente dans les médias classiques)]

          Pas du tout. Si rien ne se passe, c’est parce que l’immigration de masse va dans le sens des intérêts des classes dominantes, puisqu’elle fait baisser les coûts salariaux, alors que les coûts sociaux sont largement supportés par les couches populaires. Et que lorsqu’il y a conflit entre le rapport de force structurel – c’est-à-dire économique – et le rapport de force électoral, c’est le premier qui, en dernière instance, prime. La « caste médiatique » dont vous parlez n’est que l’habillage de ce rapport de forces.

          [« Mais qu’est ce qui vous permet de dire que l’armée mise en déroute par les corps expéditionnaires Français et Anglais était « aussi décidée » (vous parlez de « motivation », ce n’était pas ce que j’avais écrit…) ces derniers ? » Les chinois se battaient sur leur sol, pour leur pays.]

          Pas vraiment. La société chinoise de l’époque était encore une société féodale. Les paysans ne se battaient certainement pas pour leur « pays », parce que cette idée ne vient qu’avec la constitution de l’Etat-nation. Tout au plus, ils se battaient parce que leur seigneur le leur demandait, et que dire non condamnait votre famille à la misère.

          [« Et plus près de nous, l’armée américaine était largement plus puissante que l’armée du Vietnam du nord, et j’ajoute, bien mieux équipée. Ca n’a pas marché. Et ce n’était pas il y a 2500 ans… » Vous faites ici un contresens. L’armée américaine n’a jamais été défaite par le nord Vietnam dans une confrontation militaire, pas plus que la France/FLN ou l’URSS/Afghanistan. Simplement les dirigeants politiques ont estimé que le jeu n’en valait pas la chandelle : (…)]

          Je crois que vous confondez « confrontation militaire » avec « bataille ouverte ». Les Vietnamiens ont bien infligé une défaite militaire aux américains. Infliger à l’ennemi des pertes intolérables fait aussi partie de la panoplie de la « confrontation militaire ».

          [« Ne serait-ce plutôt parce qu’il y a au Liban une communauté chrétienne qui nous permet d’exercer une influence et de favoriser nos intérêts » Favoriser quel interet ? Le liban est un pays en faillite et pas prêt de se redresser ou la France n a rien a gagner a part des coups (la derniere tentative c est soldé par pres de 60 morts grace a ce qui allait devenir le Hezbollah)]

          Ca nous permet de maintenir une présence dans la région, et exercer une influence en fonction de nos intérêts.

          [« Taiwan restera pour Trump un casus belli, non pour une question de principe, mais parce qu’affaiblir la Chine reste une priorité. » J’en suis moins sûr que vous. Trump est un isolationniste. S’il pense que les USA et lui-même peuvent faire un bon deal en abandonnant Taiwan, il le fera]

          Mais dès lors qu’affaiblir la Chine est son objectif prioritaire, quel « bon deal » pourrait inclure l’abandon de Taiwan ?

          [« Pourquoi se préparer à gouverner alors qu’on n’aura pas l’opportunité de le faire ? » En ces temps volatil, il est loin d’être impossible que vous ne soyez pas appelé a gouverner alors que vous êtes aujourd’hui ultra minoritaire. Macron a été élu alors qu’il n’avait même pas de vrai parti et que les centristes étaient marginalisés depuis des décennies.]

          Vous avez mal compris mon point. La question n’est pas d’être élu, mais de « gouverner » par opposition à « administrer ». Oui, un parti ultra-minoritaire peut aujourd’hui, du fait de la dégradation du système démocratique, entrer à l’Elysée. Mais pourra-t-il « gouverner » ? Ou sera-t-il condamné à « administrer » le pays, à transcrire les directives venues de Bruxelles ou à suivre le diktat des marchés ?

          • cdg dit :

            [Israël a beau ne pas vouloir la paix, sa dépendance envers les Etats-Unis ne lui permet pas de tout refuser.]
            Ils ne peuvent certes pas refuser ouvertement. Mais trainer les pieds, mettre des conditions impossible a réaliser, monter en epingle un incident…

            [Et le Hamas n’aurait pas le poids politique qu’il a si les Palestiniens voyaient une possibilité de faire valoir leurs droits à un Etat viable par la voie politique.]
            Ca c est une pure supputation. Pour le Hamas, l elimination d Israel est faire œuvre divine. Ils ne changeront donc pas. Est-ce que les palestiniens arreteront de soutenir le hamas en cas d ouverture politique israélienne ? rien n est moins sur. Les causes du soutien au Hamas sont multiples :
            – religieux
            – financier (via le contrôle de la contrebande, le soutien iranien et le detournement de l aide internationale. Ca permet de financer les combattants, de payer les familles de « martyrs »)
            – terreur (exécution des voleurs, de ceux supposés être des informateurs ou homosexuels)
            – absence d alternative credible (l OLP est completement discreditee et corrompue jusqu a l os)

            [Pour la crédibilité, il n’est pas nécessaire de soutenir l’Ukraine, il suffit d’être VU comme soutenant l’Ukraine.]
            «On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.»
            Vous pouvez pas faire semblant et espérer que ca ne se voit pas au bout de quelque temps. C est comme les grands discours de nos ministres de l’interieur sur le narcotrafic pour prendre un exemple récent. Qui croit qu ils ont un impact réel ?

            [Pourquoi ce qui est vrai pour Taiwan ou pour le Kossovo n’est pas vrai pour le Donbass ou la Transnistrie ?]
            Le droit des peuples a disposer d eux meme ? Combien de taiwanais veulent vivre sous le joug de Xi ? Ils ont vu ce qui c est passé a Hong Kong et ne se font aucune illusion.
            De meme, vu la resistance des Ukrainiens (surtout au début de l invasion, a l époque ou tout le monde pensait que c était foutu pour l ukraine) on peut quand meme juger que pas grand monde avait envie de vivre sous le glorieux regne de Poutine.

            [mais de rendre la Russie DEPENDANTE de la Chine.]
            C est déjà le cas depuis longtemps. La Russie ne produit pas grand-chose a part des matieres premières. Meme sur l armement ils sont en train d être depassé par la chine

            [ce que Trump est en train de négocier, c’est le lâchage de l’Ukraine en échange d’un ancrage de la Russie dans le « camp occidental »…]
            Meme si Kissinger avait reussi a attirer la chine de Mao (qui avait déjà des relations tendue avec l URSS), je vois mal comment Trump va attirer Poutine. Déjà Poutine raisonne comme un homme de l URSS. Les USA c est l ennemi. Ensuite je suis persuadé que Poutine nous voit comme des pays decadents (vision qu il a en commun avec une partie des chinois). Pourquoi s allier avec des gens que vous meprisez. Apres rien n empeche Poutine de rouler Trump dans la farine. Lui faire miroiter de beaux deals et en echange faire main basse sur l europe (soit militairement soit en les rackettant vu que le protecteur US sera aux abonnes absent)

            [Je peux vous rassurer. Mélenchon, si demain arrivait au pouvoir, ferait du Mitterrand – avec moins de panache. Et oui, Mélenchon et Wauquiez feraient probablement la même chose sur le fond – avec bien entendu une présentation très différente. ]
            Vous etes dur avec Melenchon 😉 Je pense en effet qu il ne crois pas un mot de ce qu il raconte, comme son mentor Mitterrand.

            [Pas du tout. Si rien ne se passe, c’est parce que l’immigration de masse va dans le sens des intérêts des classes dominantes, puisqu’elle fait baisser les coûts salariaux, alors que les coûts sociaux sont largement supportés par les couches populaires.]
            C est discutable comme analyse. Sur les couts salariaux, l immigration les fait baisser tant que vous avez besoin de bras peu éduques. La désindustrialisation française fait que ces bras sont maintenant majoritairement surnuméraires. Pire le peu qui reste sont majoritairement des emplois féminins (nettoyage, soins aux personnes âgées) alors que les migrants sont a 90 % des hommes. Par contre comme ces gens sont la il va falloir les nourrir, les loger les éduquer et ça coute quand même de l argent, même si c est fait a minima. Et cet argent il faut bien le prendre sur ceux qui peuvent payer (aka pas les couches populaires : un travailleur au smic ne paie quasiment pas de cotisations sociales et pas d IR. Reste la TVA, mais comme il doit consommer peu et surtout des produits peu taxé, c est pas la dessus que vous allez vous rattraper)

            [Et que lorsqu’il y a conflit entre le rapport de force structurel – c’est-à-dire économique – et le rapport de force électoral, c’est le premier qui, en dernière instance, prime. La « caste médiatique » dont vous parlez n’est que l’habillage de ce rapport de forces.]
            Comment dans ce cas vous expliquez la domination des « artistes » : que ca soit le regime lourdement déficitaire des intermittents du spectacle ou les subventions massives a ce secteur. Economiquement ca n a aucun sens de les subventionner lourdement vu qu ils ne rapportent rien (les films francais s exportent peu et meme en France on un succès limité par rapport a Hollywood, ce qui rapporte financièrement c est le Louvre ou Versailles et on a pas besoin de nos « artistes » pour ca)

            [La société chinoise de l’époque était encore une société féodale. Les paysans ne se battaient certainement pas pour leur « pays », parce que cette idée ne vient qu’avec la constitution de l’Etat-nation. Tout au plus, ils se battaient parce que leur seigneur le leur demandait, et que dire non condamnait votre famille à la misère.]
            Vous avez une curieuse conception du système feodal (on va admettre ici que le système chinois était feodal). Une armée feodale était loin d être composée de paysans plus ou moins contraint et forcé a se battre. En chine (https://fr.wikipedia.org/wiki/Huit_Banni%C3%A8res) comme en Europe avant les états nation, choisir une carrière militaire était un choix qui pouvait vous amener gloire et richesse
            Et meme s il pouvait y avoir des recrutes de force dans l armee chinoise étaient ils moins motivés qu un irlandais de l armee de sa majeste ?

            [Les Vietnamiens ont bien infligé une défaite militaire aux américains. Infliger à l’ennemi des pertes intolérables fait aussi partie de la panoplie de la « confrontation militaire ».]
            Pertes intolerables ? Les pertes américaines aux Vietnam c est 200 000 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pertes_humaines_am%C3%A9ricaines_lors_des_guerres_impliquant_les_%C3%89tats-Unis), 5 fois moins que la seconde guerre mondiale. En algerie c est 15 000 morts francais au combat (plus 10 000 autres, le père d un de mes amis qui y a été deployé me disait que les accidents de la route faisait quasiment autant de mort que le FLN). Quoiqu il en soit, c est des chiffres ridicules par rapport a la population. En 14-18 la France moins peuple a perdu 1.3 millions de soldats

            [Ca nous permet de maintenir une présence dans la région, et exercer une influence en fonction de nos intérêts.]
            Quelle presence au liban et quelle influence ? on a une presence et une influence symbolique. Quant Macron a tancé les autorités libanaises pour qu ils se mettent d accord sur un gouvernement pour sortir le pays de la crise , que c ets il passé ? rien. Je vous parle meme pas d essayer de s opposer au desir du Hezbollah ou a une intervention militaire israelenne

            [Mais dès lors qu’affaiblir la Chine est son objectif prioritaire, quel « bon deal » pourrait inclure l’abandon de Taiwan ?]
            L objectif de Trump est america first, pas d affaiblir la chine. Le deal pourrait être d aller secourir l economie US en cas de krach boursier/crypto ou de transfert du savoir/usine de TSMC (rien empeche les chinois de ne pas tenir parole plus tard. La mentalite chinoise ne voit aucun probleme a mentir a un homme que vous meprisez). On peut aussi jouer sur la venalite et l ego de Trump : lui promettre de transformer taiwan et hong kong en cote d azur avec des trump tower partout. Il ne faut pas oublier que Trump est un promoteur a l origine

            [« Pourquoi se préparer à gouverner alors qu’on n’aura pas l’opportunité de le faire ? » En ces temps volatil, il est loin d’être impossible que vous ne soyez pas appelé a gouverner alors que vous êtes aujourd’hui ultra minoritaire. Macron a été élu alors qu’il n’avait même pas de vrai parti et que les centristes étaient marginalisés depuis des décennies.]

            [Vous avez mal compris mon point. La question n’est pas d’être élu, mais de « gouverner » par opposition à « administrer ». Oui, un parti ultra-minoritaire peut aujourd’hui, du fait de la dégradation du système démocratique, entrer à l’Elysée. Mais pourra-t-il « gouverner » ? Ou sera-t-il condamné à « administrer » le pays, à transcrire les directives venues de Bruxelles ou à suivre le diktat des marchés ?]
            A mon avis le probleme sera pas tant bruxelles que l etat profond. Rappelez vous ce qui se disait quand le RN semblait au porte du pouvoir. Une partie de la fonction publique estimait devoir démissionner car opposée a la nouvelle direction mais une partie envisageait le sabotage interne. Un gouvernement LFI ou RN aura plus de probleme avec la haute administration qu avec l UE. La preuve : on promet de remettre en ordre notre budget et chaque fois on s assoie sur nos promesses sans que l UE ne fasse quoi que ce soit

            • Descartes dit :

              @cdg

              [« Israël a beau ne pas vouloir la paix, sa dépendance envers les Etats-Unis ne lui permet pas de tout refuser. » Ils ne peuvent certes pas refuser ouvertement. Mais trainer les pieds, mettre des conditions impossibles à réaliser, monter en épingle un incident…]

              Tant que les Etats-Unis se contentent des apparences tout en soutenant au fond la politique israélienne, oui. Mais s’il y avait une véritable volonté des Etats-Unis, Israël serait obligé de s’incliner. Israël ne tiendrait pas un mois sous sanctions américaines comme celles imposées à la Russie.

              [« Et le Hamas n’aurait pas le poids politique qu’il a si les Palestiniens voyaient une possibilité de faire valoir leurs droits à un Etat viable par la voie politique. » Ca c’est une pure supputation.]

              Mais une supputation raisonnable. Notez-bien que j’ai écrit « le Hamas n’aurait pas le poids politique qu’il a » et non « le Hamas n’aurait aucun poids politique ». Il me semble très raisonnable de penser qu’une partie de ceux qui le soutiennent le font devant l’absence de toute alternative, et que si demain une voie pacifique s’ouvrait pour construire un état palestinien, au moins une partie des soutiens du Hamas, même si elle est minoritaire, l’emprunterait. Pensez-vous le contraire ?

              [Pour le Hamas, l’élimination d’Israël est faire œuvre divine. Ils ne changeront donc pas.]

              Je ne sais pas. Il y a certainement des militants du Hamas qui pensent accomplir l’œuvre de dieu, et d’autres qui ont choisi de s’engager parce qu’ils n’y voient aucune alternative, sauf à déposer les armes et de se résigner à leur triste sort. Je ne connais pas la sociologie du Hamas, et je ne peux donc pas dire quelle est la représentativité de l’un et l’autre groupe. Et la même division se retrouve probablement chez les simples sympathisants, et même chez les simples citoyens.

              [Est-ce que les palestiniens arrêteront de soutenir le Hamas en cas d’ouverture politique israélienne ? rien n’est moins sûr.]

              D’abord, lorsque vous parlez d’une « ouverture politique israélienne », vous parlez de quoi, exactement ? S’il s’agit de recommencer des négociations interminables sans aucune garantie pendant que les colons continuent à s’installer en Cisjordanie, il est effectivement peu probable qu’une telle proposition détourne les Palestiniens du Hamas. A l’inverse, une déclaration solennelle reconnaissant l’existence d’un peuple Palestinien et de son droit à avoir un Etat viable dans les frontières de 1967 et ayant pour capitale Jérusalem Est affaiblirait certainement le Hamas. Entre les deux, toutes les nuances existent…

              Ensuite, cela veut dire quoi « les palestiniens arrêteront de soutenir le Hamas » ? Les palestiniens sont loin d’être unanimes. Certains cesseraient probablement de le soutenir si une voie pacifique pour faire valoir leurs droits s’ouvrait, d’autres non.

              [Les causes du soutien au Hamas sont multiples :
              – religieux]

              Certainement. Et c’est là une très grande faute des israéliens. Avec l’OLP d’Arafat, ils avaient devant eux un adversaire compliqué, mais au moins laïque. Ils ont tout fait pour l’affaiblir, et ce faisant ils ont ouvert la porte aux fous de dieu.

              [– financier (via le contrôle de la contrebande, le soutien iranien et le détournement de l’aide internationale. Ca permet de financer les combattants, de payer les familles de « martyrs »)]

              Ca, ce n’est pas une raison de soutenir le Hamas. N’importe quel mouvement à sa place ferait probablement de même.

              [– terreur (exécution des voleurs, de ceux supposés être des informateurs ou homosexuels)]

              Oui…

              [– absence d’alternative crédible (l’OLP est complètement discréditée et corrompue jusqu’a l’os)]

              La corruption n’est pas ici la question. Si l’OLP est complètement discréditée, c’est parce qu’elle a emprunté la voie de la paix avec les accords d’Oslo, et que ce choix a conduit à une impasse. Si au bout du chemin il y avait eu la création d’un Etat palestinien, l’OLP aurait un énorme prestige, corruption ou pas.

              [« Pour la crédibilité, il n’est pas nécessaire de soutenir l’Ukraine, il suffit d’être VU comme soutenant l’Ukraine. » «On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.»]

              Certainement. Mais vous oubliez une troisième possibilité : « on peut tromper tout le peuple suffisamment longtemps ». Parce qu’à long terme, on est tous morts…

              [Vous ne pouvez pas faire semblant et espérer que ça ne se voit pas au bout de quelque temps.]

              Si ce « quelque temps » dure jusqu’à ma mort, je ne vois pas le problème. Fut un temps où les gens se souciaient de l’image que l’histoire garderait d’eux. Mais ça, c’était avant.

              [« Pourquoi ce qui est vrai pour Taiwan ou pour le Kossovo n’est pas vrai pour le Donbass ou la Transnistrie ? » Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?]

              Admettons. Encore faut-il s’entendre sur ce que c’est qu’un « peuple ». Faut-il bombarder Madrid pour qu’il laisse les Catalans libres de prendre leur indépendance ?

              [Combien de taiwanais veulent vivre sous le joug de Xi ? Ils ont vu ce qui c est passé a Hong Kong et ne se font aucune illusion.]

              Il y a probablement une majorité de catalans qui voudraient l’indépendance, ne serait-ce que pour ne plus avoir à payer pour le reste de l’Espagne. Et il n’est pas difficile de trouver des exemples de régions riches qui se disent qu’elles seraient bien mieux indépendantes et pas obligées à payer pour les régions pauvres. Pensez-vous qu’il faille encourager ce type de séparatisme ?

              [De même, vu la résistance des Ukrainiens (surtout au début de l’invasion, à l’époque où tout le monde pensait que c’était foutu pour l’Ukraine) on peut quand même juger que pas grand monde avait envie de vivre sous le glorieux règne de Poutine.]

              C’est drôle… vous me parlez d’abord du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », mais lorsqu’on vous parle du Donbass vous évoquez « la résistance des Ukrainiens ». Les Serbes, si ma mémoire ne me trompe pas, ont eux aussi résisté les bombardements de l’OTAN. N’est ce pas là aussi un signe que « pas grand monde » ne voulait vivre sous le joug de l’UCK ?

              Je trouve votre raisonnement très amusant : lorsqu’il s’agit du Kossovo, il est normal de suivre l’avis des Kossovars et d’ignorer la résistance des Serbes. Mais lorsqu’il s’agit de la Crimée, du Donbass ou de Louhansk, on ne songera pas à demander l’avis des populations du coin… c’est « la résistance des Ukrainiens » qui compte.

              [« mais de rendre la Russie DEPENDANTE de la Chine. » C’est déjà le cas depuis longtemps. La Russie ne produit pas grand-chose à part des matières premières. Même sur l’armement ils sont en train d’être dépassés par la chine]

              D’abord, il ne faut pas exagérer. La Russie a encore un appareil industriel assez impressionnant – surtout comparé au notre. Dans le domaine que je connais bien, celui de l’énergie, ils restent les plus gros exportateurs de centrales nucléaires… dont ils fabriquent l’essentiel des composants (même si pour certains ils le font sous licence occidentale… en fait française). Mais surtout, le fait d’acheter des choses chez quelqu’un ne vous rend pas « dépendant » pour autant. Vous n’êtes « dépendant » que si ce que vous achetez est stratégique, et que vous n’avez pas de source d’approvisionnement alternative. Avant la guerre, la Russie n’avait pas de problème particulier pour s’approvisionner ailleurs. Elle est devenue « dépendante » du fait des sanctions.

              [« ce que Trump est en train de négocier, c’est le lâchage de l’Ukraine en échange d’un ancrage de la Russie dans le « camp occidental »… » Même si Kissinger avait réussi a attirer la chine de Mao (qui avait déjà des relations tendue avec l’URSS), je vois mal comment Trump va attirer Poutine. Déjà Poutine raisonne comme un homme de l’URSS. Les USA c’est l’ennemi.]

              Ne renversons pas les choses. Ce n’est pas l’URSS qui a décidé que « les USA c’est l’ennemi ». C’est l’inverse. Le Pacte de Varsovie n’a été constitué qu’en réponse à la constitution de l’OTAN, la RDA a été créée en réaction a la création par les occidentaux de la RFA. Le discours de Fulton n’a pas d’équivalent de l’autre côté du rideau de fer, et on trouve très peu de films anti-américains produits en URSS, contrairement aux films américains des années 1950.

              [Ensuite je suis persuadé que Poutine nous voit comme des pays décadents (vision qu’il a en commun avec une partie des chinois).]

              C’est qui « nous » ? Je ne sais pas si Poutine voit les Américains comme « décadents ». Quant à l’Europe, vous m’accorderez que le diagnostic de Poutine n’est pas tout à fait faux…

              [Pourquoi s’allier avec des gens que vous méprisez.]

              Parce que vous y avez intérêt, tout bêtement. En 1945 les Américains nous méprisaient – souvenez-vous qu’ils avaient même l’idée d’administrer la France en directe comme un territoire occupé – et considéraient les empires européens comme « décadents ». Et pourtant ils se sont alliés à nous. Vous avez tout intérêt à vous allier avec des gens décadents, ils vous seront fidèles et ne poseront pas des conditions parce qu’ils ont besoin de vous.

              [Apres rien n’empêche Poutine de rouler Trump dans la farine. Lui faire miroiter de beaux deals et en échange faire main basse sur l’Europe (soit militairement soit en les rackettant vu que le protecteur US sera aux abonnes absent)]

              Je trouve amusante cette manière de surestimer Poutine et de sous-estimer Trump. Il y a une certaine tendance à penser que les dirigeants autoritaires sont des génies, et les dirigeants démocratiques des imbéciles – ce qui devrait tout de même nous conduire à nous interroger sur la nature de la démocratie…

              Dites-vous bien qu’on n’arrive pas à entrer à la Maison Blanche en étant un imbécile. Trump est probablement un négociateur aussi habile et aussi rusé que Poutine. Seulement voilà, ils portent des intérêts différents… quant au rackett, entre se faire racketter par les Russes et se faire racketter par les Américains, je ne vois pas très bien la différence.

              [« Je peux vous rassurer. Mélenchon, si demain arrivait au pouvoir, ferait du Mitterrand – avec moins de panache. Et oui, Mélenchon et Wauquiez feraient probablement la même chose sur le fond – avec bien entendu une présentation très différente. » Vous êtes dur avec Mélenchon]

              Vous savez, j’ai l’avantage d’avoir déjà vu ce film une fois. J’ai vu Mitterrand déclarer que « celui qui ne veut pas la rupture avec le capitalisme n’a pas sa place au Parti socialiste », et j’ai vu le même Mitterrand signer le traité de Maastricht et se convertir au néolibéralisme. Alors, la radicalité…

              [« Pas du tout. Si rien ne se passe, c’est parce que l’immigration de masse va dans le sens des intérêts des classes dominantes, puisqu’elle fait baisser les coûts salariaux, alors que les coûts sociaux sont largement supportés par les couches populaires. » C’est discutable comme analyse. Sur les couts salariaux, l’immigration les fait baisser tant que vous avez besoin de bras peu éduques. La désindustrialisation française fait que ces bras sont maintenant majoritairement surnuméraires.]

              Bien sur que non. « L’économie des services » fabrique beaucoup de postes ayant besoin de « bras peux éduqués ». On n’a pas besoin d’une grande formation pour préparer des hamburgers, faire des ménages, garder des enfants, vendre des kebabs, livrer des pizzas, faire le VTC, vigiles…

              [Pire le peu qui reste sont majoritairement des emplois féminins (nettoyage, soins aux personnes âgées) alors que les migrants sont a 90 % des hommes.]

              En bas de chez moi, devant le McDo, tous les livreurs sont des hommes. A côté, le supermarché a une dizaine de vigiles : tous des hommes.

              [Par contre comme ces gens sont là il va falloir les nourrir, les loger les éduquer et ça coute quand même de l’argent, même si c’est fait a minima. Et cet argent il faut bien le prendre sur ceux qui peuvent payer (aka pas les couches populaires : un travailleur au smic ne paie quasiment pas de cotisations sociales et pas d IR. Reste la TVA, mais comme il doit consommer peu et surtout des produits peu taxés, ce n’est pas la dessus que vous allez vous rattraper)]

              Mais pas du tout. La formule d’Alphonse Allais reste tout à fait valable : « il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres ». Bien sur, vous n’allez pas leur prendre de l’argent. Mais vous allez leur prendre leurs droits sociaux, les aides et les allocations qu’ils devront partager avec les nouveaux arrivants. C’est assez évident lorsqu’on regarde le logement social…

              [« Et que lorsqu’il y a conflit entre le rapport de force structurel – c’est-à-dire économique – et le rapport de force électoral, c’est le premier qui, en dernière instance, prime. La « caste médiatique » dont vous parlez n’est que l’habillage de ce rapport de forces. » Comment dans ce cas vous expliquez la domination des « artistes » : que ça soit le régime lourdement déficitaire des intermittents du spectacle ou les subventions massives à ce secteur.]

              La réponse me paraît évidente. Qui profite du service que prêtent ces « artistes » ? Qui fréquente préférentiellement, les théâtres, l’opéra, les concerts, les films français ? Les classes intermédiaires. Si le régime des intermittents – payé par les cotisations de tous les travailleurs – ne rémunérait pas généreusement les périodes de chômage ou de répétition, par exemple, il faudrait que cette rémunération sorte du prix des billets. Donc des poches des classes intermédiaires. Même chose pour les subventions. La dépense « culturelle » est de fait un transfert de l’ensemble des contribuables vers les classes intermédiaires.

              [Une armée féodale était loin d’être composée de paysans plus ou moins contraint et forcés a se battre. En chine (https://fr.wikipedia.org/wiki/Huit_Banni%C3%A8res) comme en Europe avant les états nation, choisir une carrière militaire était un choix qui pouvait vous amener gloire et richesse]

              Sur l’article que vous citez, je vous signale une petite contradiction : il est écrit d’une part que tout mandchou était membre d’une « bannière », mais que, parmi les contraintes imposées aux membres d’une « bannière » il y avait celle de « il leur était interdit de prendre un autre métier que celui de soldat ou de fonctionnaire ». C’est-à-dire, la même limitation qui s’imposait à la noblesse dans l’Europe médiévale. Autrement dit, les Mandchous étaient une classe nobiliaire, et quelqu’un d’autre faisait le boulot…

              [avant les états nation, choisir une carrière militaire était un choix qui pouvait vous amener gloire et richesse]

              Vous oubliez que dans l’Europe féodale, on n’avait pas de « choix de carrière ». Les serfs n’avaient pas la possibilité de quitter la terre sans l’accord de leur seigneur, et le port des armes était strictement réservé à la noblesse. Ce n’est qu’après la Renaissance, quand la féodalité perd de son intégrité, que l’on commence à « choisir sa carrière »…

              [Et même s’il pouvait y avoir des recrutes de force dans l’armée chinoise étaient-ils moins motivés qu’un irlandais de l’armée de sa majesté ?]

              Probablement. Parce que l’apparition de l’état-nation garantit une forme de redistribution par le biais de la « solidarité inconditionnelle » que les systèmes féodaux n’étaient pas capables d’assumer. Le soldat de l’armée de Sa Majesté savait que la richesse de sa nation rejaillirait un peu sur chacun de ses membres. Je doute que les soldats des seigneurs de guerre chinois aient eu le même type d’assurance…

              [« Les Vietnamiens ont bien infligé une défaite militaire aux américains. Infliger à l’ennemi des pertes intolérables fait aussi partie de la panoplie de la « confrontation militaire ». » Pertes intolérables ? Les pertes américaines aux Vietnam c’est 200 000, 5 fois moins que la seconde guerre mondiale.]

              Et alors ? La notion de ce qui est « intolérable » est contextuelle. Une dizaine de touristes exécutés à la Kalachnikov à Paris, c’est « intolérable ». Quelques centaines dans les accidents de la route, c’est parfaitement accepté.

              [« Ca nous permet de maintenir une présence dans la région, et exercer une influence en fonction de nos intérêts. » Quelle présence au Liban et quelle influence ? on a une présence et une influence symbolique. Quant Macron a tancé les autorités libanaises pour qu ils se mettent d’accord sur un gouvernement pour sortir le pays de la crise, que c’est il passé ? rien.]

              Ca n’a rien à voir. Macron n’a toujours pas compris qu’en matière diplomatique, on dit les choses désagréables en privé et les choses gentilles en public. « Tancer » ne sert à rien, quelque soit l’influence que vous pouvez avoir. Cette manie de « tancer » les gens et leur donner publiquement des leçons nous a fait perdre notre influence en Afrique… Il n’en reste pas moins que le fait d’avoir une communauté libanaise qui dépend en partie de nous nous permet de conserver un pied dans la région.

              [« Mais dès lors qu’affaiblir la Chine est son objectif prioritaire, quel « bon deal » pourrait inclure l’abandon de Taiwan ? » L’objectif de Trump est America first, pas d’affaiblir la Chine.]

              Je pense que vous vous trompez. Contrairement à ce qu’on pense souvent, Trump n’a rien d’un isolationniste à l’ancienne. S’il ne voit pas l’intérêt de dépenser des milliards à régler les affaires du monde, il tient quand même au statut impérial des Etats-Unis, ce qui suppose d’affaiblir tout concurrent stratégique.

              [Le deal pourrait être d’aller secourir l’économie US en cas de krach boursier/crypto ou de transfert du savoir/usine de TSMC (rien empêche les chinois de ne pas tenir parole plus tard. La mentalité chinoise ne voit aucun problème a mentir a un homme que vous méprisez). On peut aussi jouer sur la vénalité et l’ego de Trump : lui promettre de transformer Taiwan et Hong Kong en côte d’azur avec des Trump tower partout. Il ne faut pas oublier que Trump est un promoteur a l’origine.

              Méfiez-vous de votre tendance à sous-estimer Trump. Je ne pense pas que n’importe quel imbécile puisse arriver à la Maison Blanche par hasard. Il joue peut-être les idiots, mais il est loin d’en être un. Je doute qu’il suffise de quelques vagues promesses des Chinois pour qu’il lâche Taiwan, qui reste une pièce maîtresse dans la stratégie de « containment » de la Chine.

              [« Vous avez mal compris mon point. La question n’est pas d’être élu, mais de « gouverner » par opposition à « administrer ». Oui, un parti ultra-minoritaire peut aujourd’hui, du fait de la dégradation du système démocratique, entrer à l’Elysée. Mais pourra-t-il « gouverner » ? Ou sera-t-il condamné à « administrer » le pays, à transcrire les directives venues de Bruxelles ou à suivre le diktat des marchés ? » A mon avis le problème ne sera pas tant Bruxelles que l’état profond. Rappelez-vous ce qui se disait quand le RN semblait aux portes du pouvoir. Une partie de la fonction publique estimait devoir démissionner car opposée à la nouvelle direction mais une partie envisageait le sabotage interne.]

              Quelle « partie » ? Vous savez, ce n’est pas parce que trois ambassadeurs et deux préfets écrivent des tribunes dans « Le Monde » qu’ils représentent l’avis de « l’Etat profond », à supposer qu’une telle entité existe, ce dont personnellement je doute : après des années à fréquenter la haute fonction publique, je n’ai toujours pas rencontré cet « Etat profond ». Il ne vous aura pas échappé que Macron a supprimé des entités aussi anciennes, prestigieuses et puissantes que le corps des ambassadeurs, le corps préfectoral, le corps de l’inspection générale des finances. Où était cet « Etat profond » censé faire obstruction à toute réforme qui ne lui convient pas ? Endormi, peut-être ?

              Je vous rappelle qu’en 1981 les socialistes ont aussi fait planer le fantasme de « l’Etat profond » qui allait les empêcher de gouverner. Pouvez-vous me citer un cas, un seul, où « l’Etat profond » ait fait de l’obstruction ? Non ? Alors de grâce, laissons le fantasme de côté. « L’Etat profond » est une invention des politicards pour justifier leur propre inaction, pour échapper à leurs responsabilités. Si l’on s’est retrouvé sans stock de masques lors de l’épidémie COVID, ce n’est pas parce que « l’Etat profond » n’a pas voulu en acheter. Quand Roselyne Bachelot, en prévision d’une épidémie H1N1, a ordonné de refaire les stocks, les stocks ont été refaits en quelques semaines. Pourquoi Buzyn ne l’a pas fait ? Parce qu’elle n’en a pas eu la volonté.

              [Un gouvernement LFI ou RN aura plus de probleme avec la haute administration qu avec l UE.]

              Je peux vous citer des dizaines de précédents ou l’UE a empêché de mettre en œuvre une politique pourtant voulue par le gouvernement. Pourriez-vous me donner un exemple, un seul, ou l’opposition de la haute administration ait abouti au même résultat ?

              [La preuve : on promet de remettre en ordre notre budget et chaque fois on s’assoie sur nos promesses sans que l’UE ne fasse quoi que ce soit]

              Non, mais vous rêvez ? Bien sûr que l’UE « fait ». Avec la menace de nous sanctionner, elle impose des choix budgétaires dans la plus parfaite opacité. Sans compter sur les possibilités que cela lui donne de forcer le vote français pour certaines directives… Vous croyez-vraiment que la Commission n’use et n’abuse pas de ce levier ? Votre naïveté me surprend…

  10. Lisa Moreau dit :

    La fin des illusions, c’est souvent un moment difficile, mais aussi une opportunité de voir la réalité sous un nouvel angle. J’aime la manière dont le sujet est abordé, entre lucidité et questionnement. Parfois, perdre ses illusions, c’est aussi gagner en clarté et en force. Merci pour cette analyse !

  11. никто dit :

    Bonjour,
     
    [Franchement, j’en doute. D’abord, l’article 5 qu’on brandit à tout bout de champ est beaucoup moins explicite qu’on le croit généralement. Voici le texte exact :
    « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »]
     
    Tiens, je n’avais jamais eu la curiosité d’aller le lire, mais comme ça précise en Europe ou Amérique du Nord, en fait ça pose la question de la Turquie. Est-ce qu’il faut l’entendre comme « la Turquie est en Europe » ou « en cas d’attaque, la Turquie se démerde » ? J’imagine que la formule est volontairement ambigüe, mais je trouve ça intéressant.
     
    De même, si des pays actuellement partenaires (Australie, au hasard) souhaitaient rejoindre l’alliance, ça impliquerait que l’article 5 ne pourrait même pas s’appliquer… Une des conclusions, c’est que c’est un indice de plus pour les russes pour considérer que l’alliance est bien dirigée contre eux.
     

    • Descartes dit :

      @ никто

      [Tiens, je n’avais jamais eu la curiosité d’aller le lire, mais comme ça précise en Europe ou Amérique du Nord, en fait ça pose la question de la Turquie. Est-ce qu’il faut l’entendre comme « la Turquie est en Europe » ou « en cas d’attaque, la Turquie se démerde » ? J’imagine que la formule est volontairement ambigüe, mais je trouve ça intéressant.]

      La lecture du texte est intéressante parce qu’elle montre combien l’esprit des institutions dépasse de très loin la lettre. Le traité de l’Atlantique nord est en effet très vague et peu contraignant. Du fait de son histoire et de sa communication, les gens s’imaginent que le traité en question est une alliance défensive en bonne et due forme, obligeant les états signataires à assister un membre attaqué. Mais ce n’est pas le cas…

      • никто dit :

        @Descartes[Le traité de l’Atlantique nord est en effet très vague et peu contraignant]Ça, pour le coup, je l’avais compris, via l’écoute d’anciens agents du renseignement US en particulier.Mais je reviens sur cette histoire d’attaque en Europe ou Amérique du Nord, je suis allé parcourir le traité, et l’article 6 inclut explicitement la Turquie (ainsi que les départements français d’Algérie et la zone méditérannéenne et Atlantique Nord.En revanche, si Madagascar attaque La Réunion (j’imagine qu’on est d’accord pour considérer la probabilité réelle plus que faible 😉 ), c’est pas du tout couvert par l’article 5…

  12. Snell2025 dit :

    Le discours de JD Vance a fini de me convaincre de l’insignifiance des états européens. Travaillant dans la tech, je remarque une tendance à vouloir s’exporter principalement aux US, pratique encouragée par la BPI. Ces entreprises qui se veulent internationales (y compris TPE !) parlent anglais en interne. Je pense que les cadres dirigeants de ces entreprises ont compris que la région Euro est en déclin démographique et que les actifs du fait des politiques de dévaluation interne n’ont plus suffisament de revenus disponibles pour former une base de consommateurs qui leur permettront des marges équivalentes à celles des US. Bruxelles parle anglais. Les langues nationales sont devenus des patois marqueurs d’une sédentarité subie et donc de paupérisation. Tout comme a l’époque le patois était un marqueur d’une urbanisation non complétement aboutie. J’ai l’impression que le discours médiatique dominant m’amène à voir que ceux qui ont des sentiments nationalistes sont les péquenauds d’aujourd’hui, fiers de leurs traditions obsolètes.
     
    Concernant votre passage au sujet de mourir pour la France, en premier lieu, le nationalisme c’est la guerre ! En second lieu, sérieusement cette fois-ci, lors d’une audition Bruno le Maire affirma vouloir redefinir les prerogatives de l’état, passant de l’état-providence à l’état-protecteur. Permettez à mon tour de redéfinir unilatéralement le contrat social et les prerogatives du citoyen-soldat en celui du citoyen-protecteur. Je ne mourerai pas pour un état qui a eu par exemple pour président un homme qui a traité avec des terroristes et utilisé les plaques tournantes du Moyen-Orient pour acheminer l’argent de ces derniers (sous entendu notre classe politique est parfaitement consciente de ce système financier “clandestin” puisqu’ils l’utilisent eux-même, autre exemple: un ministre des finances avec un très ancien compte en suisse puis singapourien). Néanmoins, je le protégerai, dans le périmètre revu après consultation des partenaires sociaux, pèrimètre qui n’est autre que le cadastre de ma maison. Je peux vous reformuler mon propos si j’ai manqué de pédagogie.
     

    • Descartes dit :

      @ Snell2025

      [Les langues nationales sont devenus des patois marqueurs d’une sédentarité subie et donc de paupérisation. Tout comme a l’époque le patois était un marqueur d’une urbanisation non complétement aboutie. J’ai l’impression que le discours médiatique dominant m’amène à voir que ceux qui ont des sentiments nationalistes sont les péquenauds d’aujourd’hui, fiers de leurs traditions obsolètes.]

      Tout à fait. Les langues nationales, les cultures nationales, le sentiment national sont des obstacles au développement du capitalisme mondialisé. C’est pourquoi celui-ci s’y attaque frontalement…

      [Concernant votre passage au sujet de mourir pour la France, en premier lieu, le nationalisme c’est la guerre !]

      Oui. Et le tribalisme c’est la guerre. Et le communautarisme, c’est la guerre. Et la compétition entre les multinationales, c’est la guerre. En fait, la guerre est présente un peu partout. Mais le fait est que les états-nations tendent à réguler les guerres bien mieux que les autres structures…

      [En second lieu, sérieusement cette fois-ci, lors d’une audition Bruno le Maire affirma vouloir redéfinir les prérogatives de l’état, passant de l’Etat-providence à l’état-protecteur.]

      En fait, la « redéfinition » de Le Maire c’est un retour à Bismarck…

      [Permettez à mon tour de redéfinir unilatéralement le contrat social et les prérogatives du citoyen-soldat en celui du citoyen-protecteur. Je ne mourrai pas pour un état qui a eu par exemple pour président un homme qui a traité avec des terroristes et utilisé les plaques tournantes du Moyen-Orient pour acheminer l’argent de ces derniers (sous entendu notre classe politique est parfaitement consciente de ce système financier “clandestin” puisqu’ils l’utilisent eux-même, autre exemple: un ministre des finances avec un très ancien compte en suisse puis singapourien).]

      D’abord, on ne meurt jamais pour un « Etat », on meurt pour une nation, c’est-à-dire, pour une collectivité constituée. Ce n’est pas du tout la même chose. Ensuite, je vois mal en quoi les qualités morales de tel ou tel de vos concitoyens devrait changer la solidarité que vous devez ou pas à l’ensemble de vos concitoyens. Ce n’est pas parce que j’apprends que ma concierge, mon boulanger ou mon président de la République ont manqué à la morale que je vais changer mes sentiments envers la collectivité à laquelle je dois d’être qui je suis.

  13. Claustaire dit :

     
    Pour les abonnés au Monde.fr, voici in extenso le discours de Vance et la contextualisation de certains des passages les plus ‘approximatifs’ ou les plus polémiques.
     
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/21/derriere-les-mots-de-j-d-vance-a-munich-le-decryptage-d-un-discours-historique_6557887_3232.html
     
    Sur le fond, la question du cadre de la liberté d’expression est, en effet, posée. Selon notre constitution, la liberté d’expression est à la fois totale… MAIS cadrée par les lois particulières qui la limitent (loi Pleven de 1972 interdisant l’expression de haines racistes, loi Gayssot de 1990 interdisant le négationnisme du génocide nazi antijuifs, loi des années 2000 interdisant la négation du génocide turc antiarméniens, etc.).
     
    Même question posée par la modération (ou non) de tout ce qui peut se dire ou s’échanger sur les réseaux dits sociaux. 
     
    Toutes ces légitimes tentatives d’empêcher que soient confondues liberté d’expression et licence provocatrice ou haineuse devraient  échapper à tout procès en censure ou en totalitarisme liberticide.
    Mais le peuvent-elles ?
     

    • Descartes dit :

      @ Claustaire

      [Pour les abonnés au Monde.fr, voici in extenso le discours de Vance et la contextualisation de certains des passages les plus ‘approximatifs’ ou les plus polémiques.]

      Pardon, mais l’article en question n’est en rien une « contextualisation ». Comme son auteur le dit explicitement en introduction, il s’agit de fournir des « éléments d’explication ». Ce n’est pas du tout la même chose. Et certaines « explications » sont très amusantes. Par exemple, concernant la déclaration de Thierry Breton se réjouissant de l’annulation des élections en Roumanie et menaçant d’une annulation similaire en Allemagne, « Le Monde » critique la formulation adoptée par Vance et finit avec cette formule : « Réponse de l’ancien commissaire au milliardaire : l’UE n’a le pouvoir d’annuler aucune élection dans les pays membres. ». Mais alors, pourquoi Breton déclare « On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne. » ? C’est qui ce « on » qui l’inclut, puisque la décision a été prise par les Roumains sans la moindre interférence extérieure ?

      [Sur le fond, la question du cadre de la liberté d’expression est, en effet, posée. Selon notre constitution, la liberté d’expression est à la fois totale… MAIS cadrée par les lois particulières qui la limitent (loi Pleven de 1972 interdisant l’expression de haines racistes, loi Gayssot de 1990 interdisant le négationnisme du génocide nazi antijuifs, loi des années 2000 interdisant la négation du génocide turc antiarméniens, etc.).]

      Non. Selon notre constitution la liberté d’expression n’est en rien totale. D’abord, parce que les libertés en général sont limitées : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. ». C’est déjà une limitation considérable. Pour ce qui concerne plus spécifiquement la liberté d’expression, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » On est loin d’une « liberté totale »…

      • Bob dit :

        Le discours de Vance fera date.
        Ce matin je suis tombé par hasard sur l’émission de C. Ockrent à la radio, clairement les doctes et “raisonnables” incités l’avaient encore en travers de la gorge ; auparavant c’était P. De Villiers sur Europe1 qui lui aussi a consacré une grande partie de son heure d’antenne aux propos de Vance.

      • Claustaire dit :

        J’avais bien écrit : “la liberté d’expression est à la fois totale… MAIS cadrée par les lois particulières qui la limitent”.  
         
        M’auriez-vous lu trop vite avant de me répondre pour me répéter ce que je venais de dire ? 🙂
         
        Savoir qui de Trump, de Vance ou de Breton, mérite le plus qu’on en dénonce les éventuels mensonges ou manipulations, je laisse chacun en juger, comme on juge midi à sa porte, quand tout le monde perdu le sens de l’heure… voire de l’Histoire.
         
        Quant à votre questionnement sur le « On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne. » ? C’est qui ce « on » ? Je crois qu’il suffit de mettre la phrase à la voix passive pour que votre question sur un éventuel agent à impliquer tombe : “Cela a été fait en Roumanie” (mais on pourra préciser : fort légalement, par les plus hautes autorités roumaines elles-mêmes : la Cour constitutionnelle de ce pays). Evidemment au plus grand déplaisir de l’extrême-droite locale à la fois nationaliste et pro-Russe (déplaisir que je ne vous interdis évidemment pas de partager :-).
         
        https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/09/en-roumanie-l-extreme-droite-conteste-l-annulation-de-l-election-presidentielle_6437998_3210.html

        • Descartes dit :

          @ Claustaire

          [J’avais bien écrit : “la liberté d’expression est à la fois totale… MAIS cadrée par les lois particulières qui la limitent”. M’auriez-vous lu trop vite avant de me répondre pour me répéter ce que je venais de dire ?]

          Non, je vous ai lu à la vitesse normale, et je ne peux que constater la contradiction logique contenue dans votre phrase. Si « la liberté d’expression est limitée par des lois », elle ne peut « à la fois » être « totale ». Dans la conception française aucune liberté n’est « totale » : toutes sont limités par la loi, avec le but d’éviter que l’exercice de la liberté par certains prive de cette même possibilité les autres.

          [Savoir qui de Trump, de Vance ou de Breton, mérite le plus qu’on en dénonce les éventuels mensonges ou manipulations, je laisse chacun en juger, comme on juge midi à sa porte, quand tout le monde perdu le sens de l’heure… voire de l’Histoire.]

          Je n’ai pas très bien compris cette question de « mérite ». Pourquoi certains « mériteraient » qu’on dénonce leurs mensonges plutôt que d’autres ? Y a-t-il des mensonges qu’il faut dénoncer et d’autres qu’il faut laisser passer ?

          [Quant à votre questionnement sur le « On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne. » ? C’est qui ce « on » ? Je crois qu’il suffit de mettre la phrase à la voix passive pour que votre question sur un éventuel agent à impliquer tombe : “Cela a été fait en Roumanie”.]

          Je ne vois pas très bien ce que vous résolvez en passant à la voix passive. Tout ce que vous faites, c’est de remplacer la question « qui c’est « on » » par « qui l’a fait » ? En fait, la question demeure : quand Breton dit « l’ont fait en Roumanie », s’inclut-il parmi les agents qui « l’ont fait » ? Ou parle-t-il d’une action extérieure dans laquelle lui-même et l’institution qu’il représente n’ont aucune part ?

          [(mais on pourra préciser : fort légalement, par les plus hautes autorités roumaines elles-mêmes : la Cour constitutionnelle de ce pays)]

          Ca se discute. En principe, dans un état de droit les juges appliquent la loi. Même si les juges estiment un acte moralement blâmable, ils ne peuvent condamner l’accusé que pour une infraction punie par une loi promulguée antérieurement aux faits. Est-ce que ce qui est reproché aux partisans de Calin Georgescu est une infraction prévue dans le code électoral roumain ? Je n’en suis pas convaincu. D’autant plus que la cour n’invoque pas des faits précis, mais une « ingérence étrangère » qui n’a d’autre fondement qu’un “rapport” non plubié.

          [Evidemment au plus grand déplaisir de l’extrême-droite locale à la fois nationaliste et pro-Russe (déplaisir que je ne vous interdis évidemment pas de partager :-).]

          Peu me choit le « déplaisir » de telle ou telle tendance politique. Cette décision me déplait parce que je pense que lorsque les élites se mettent au-dessus des lois et des institutions, ce sont les lois et les institutions qui sortent affaiblies. Je doute que les électeurs roumains voient dans cette annulation une victoire de la démocratie, au contraire. Ils tireront la conclusion que finalement Theodore Roosevelt avait raison : « ils pourront se gouverner comme ils l’entendent, à condition qu’ils l’entendent comme nous l’entendons ».

  14. jojo dit :

     
    Trump, Gorbatchev, guillotine et salsifis
    Voilà un papier dont je trouve le message assez byzantin (pour dire le moins). En premier lieu, il passe avec trop de générosité à côté du sens de l’histoire. En second lieu, il exonère les élites européennes de leurs responsabilités dans le naufrage que nous connaissons aujourd’hui. Je commence par ce second point. Que ces élites européennes aient bâti un univers parallèle, une illusion, oui. Qu’elles aient presque fini par y croire elles-mêmes, peut-être. Mais elles n’ont jamais perdu de vue leur intérêt (individuel et collectif), ni quel maitre (l’ami américain) elles servaient. Laisser supposer que cette classe toxique vit dans le royaume des Bisounours revient à lui donner l’absolution par anticipation. C’est d’ailleurs très précisément ce que font nos médias depuis des lustres : à chaque crise de l’Union européenne, à chaque fois que le réel avec son sale museau est impossible à maquiller, on ressort l’argument des « élites européennes bisounours ».
    Désolé, mais non. Sortir de l’illusion sans sortir la guillotine, cela n’arrivera pas. On passe en effet difficilement d’un cycle historique à un autre sans avoir au préalable donné un coup de balai et benné les impuretés, au moins les plus voyantes (hélas pas forcément les plus délétères, mais ne nous égarons pas). En d’autres termes, vu l’ampleur du naufrage, la responsabilité de ces élites sera recherchée, et l’argument de la naïveté apparaitra pour ce qu’il est, une blague. Par analogie, on peut penser ce que l’on veut de l’épuration dans l’après-guerre, mais épuration il y a eu, politique et judiciaire, parce qu’il s’agissait de solder une époque, au moins symboliquement (mais pas que, c’est en tout cas mon opinion).
    Sur Trump et ce qu’il représente, au-delà du personnage, je pense que vous minimisez de manière assez spectaculaire son effet. Que, comme ses prédécesseurs, il serve les intérêts de son pays, je pense que tout le monde est à peu près au courant. Schématiquement, avec une brutalité et une vitesse inouïes, il solde la fin de l’empire (à ne pas confondre avec le pays et sa volonté de puissance, intacte), la fin du néo-conservatisme straussien (avec sa guerre perpétuelle), la fin du capitalisme financier mondialisé. Entre autres. Pardon, mais en français courant, cela s’appelle une révolution. On verra si Trump aura la même destinée que Gorbatchev. Il a déclenché une telle tectonique des plaques que, potentiellement, ses effets pourraient littéralement le submerger, lui et ses objectifs.  
    Quant à l’Union européenne, qu’elle s’écroule dans ses mensonges, sa duplicité et son impotence comme s’est écroulée l’URSS. Le plus tôt sera le mieux.

    • Descartes dit :

      @ jojo

      [Trump, Gorbatchev, guillotine et salsifis]

      Pardon ?

      [Voilà un papier dont je trouve le message assez byzantin (pour dire le moins). En premier lieu, il passe avec trop de générosité à côté du sens de l’histoire. En second lieu, il exonère les élites européennes de leurs responsabilités dans le naufrage que nous connaissons aujourd’hui.]

      Je ne comprends pas très bien à quel papier vous faites référence. S’il s’agit du mien, je pense que vous avez très mal lu. Et s’il s’agit d’un autre… vous avez oublié de mettre le lien !

      [Je commence par ce second point. Que ces élites européennes aient bâti un univers parallèle, une illusion, oui. Qu’elles aient presque fini par y croire elles-mêmes, peut-être. Mais elles n’ont jamais perdu de vue leur intérêt (individuel et collectif), ni quel maitre (l’ami américain) elles servaient. Laisser supposer que cette classe toxique vit dans le royaume des Bisounours revient à lui donner l’absolution par anticipation.]

      Je ne suis pas très intéressé à trouver des coupables ou à donner des absolutions. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre comment la machine fonctionne, et pourquoi les gens font ce qu’ils font. Je laisse les condamnations aux moralistes. J’ai toujours trouvé que les cyniques, ceux qui assument jusqu’au bout le fait qu’ils servent leurs intérêts, sont finalement l’exception et non la règle. La plupart des gens se fabrique un monde imaginaire qui justifie leurs actions moralement. Et c’est pourquoi je pense, oui, que ces gens vivent largement dans un monde de Bisounours qu’ils se sont eux-mêmes fabriqués.

      [Désolé, mais non. Sortir de l’illusion sans sortir la guillotine, cela n’arrivera pas. On passe en effet difficilement d’un cycle historique à un autre sans avoir au préalable donné un coup de balai et benné les impuretés, au moins les plus voyantes (hélas pas forcément les plus délétères, mais ne nous égarons pas). En d’autres termes, vu l’ampleur du naufrage, la responsabilité de ces élites sera recherchée, et l’argument de la naïveté apparaitra pour ce qu’il est, une blague.]

      Vous savez, c’est déjà arrivé qu’on guillotine des « naïfs »… et qu’on épargne des cyniques. Et c’est souvent pour les remplacer par d’autres tout aussi « naïfs », mais dont la « naïveté » consiste à croire à un autre discours de justification…

      [Par analogie, on peut penser ce que l’on veut de l’épuration dans l’après-guerre, mais épuration il y a eu, politique et judiciaire, parce qu’il s’agissait de solder une époque, au moins symboliquement (mais pas que, c’est en tout cas mon opinion).]

      Il est très possible qu’il faille quelques sacrifices humains pour marquer le passage de l’idéologie européiste à autre chose. Mais encore une fois, l’histoire montre que dans ces circonstances ceux qui partent en fumée ne sont pas forcément les plus coupables.

      [Sur Trump et ce qu’il représente, au-delà du personnage, je pense que vous minimisez de manière assez spectaculaire son effet. Que, comme ses prédécesseurs, il serve les intérêts de son pays, je pense que tout le monde est à peu près au courant. Schématiquement, avec une brutalité et une vitesse inouïes, il solde la fin de l’empire (à ne pas confondre avec le pays et sa volonté de puissance, intacte), la fin du néo-conservatisme straussien (avec sa guerre perpétuelle), la fin du capitalisme financier mondialisé. Entre autres. Pardon, mais en français courant, cela s’appelle une révolution.]

      Et comme souvent, cette « révolution » ne fait que traduire dans les institutions un rapport de forces déjà établi dans les faits.

      • jojo dit :

        Eh bien cher monsieur, je vais de ce pas vous laisser déconstruire la mécanique des institutions européennes, notoirement habitées par leur troupeau de créatures benêtes. Quant à moi (et peut-être d’autres), puisque nous vivons (enfin) une période d’accélération, je m’en vais de ce pas prendre Trump et Vance pour cogner sur Macron, Rutte, Starmer (je ne cite pas Scholtz, c’est a priori déjà plié) van der Leyen et consorts, avec évidemment la certitude que nos nouveaux collègues américains ne nous veulent pas plus de bien que les précédents.    

  15. Ruben dit :

    [“Et comme souvent, cette « révolution » ne fait que traduire dans les institutions un rapport de forces déjà établi dans les faits.”]
    J’aime beaucoup à ce titre la remarque de Kissinger sur ce que représente Trump, de mémoire : “I think Trump may be one of those figures in history who appear from time to time to mark the end of an era and to force it to give up its old pretences.”
    Je trouve que ça résume pas mal le personnage à bien des égards et la trace que j’imagine qu’il laissera dans l’histoire.

    • Descartes dit :

      @ Ruben

      [Je trouve que ça résume pas mal le personnage à bien des égards et la trace que j’imagine qu’il laissera dans l’histoire.]

      Kissinger avait l’art de trouver la formule juste pour résumer une situation.

  16. Jordi dit :

    Un bien  bel article. J’ai un peu réordonné les passages que je cite.
     
    [Lorsque vous vous êtes installé dans une parfaite bonne conscience, lorsque vous avez pris l’habitude de vous ériger en autorité suprême de ce qui est « bien » et de ce qui est « mal » et de donner des leçons au reste du monde, il est toujours très désagréable de se voir expliquer – qui plus est, par un péquenot venu de l’Ohio – que vous avez, vous aussi, des choses à vous reprocher.L’élection de Donald Trump ne change rien sur le fond. La politique américaine reste la même, à savoir, une politique faite en fonction des intérêts des Etats-Unis. Mais la brutalité de la forme met à nu une réalité que bien de commentateurs – dont l’auteur de ce blog – crient dans le désert depuis de longues années. ]
    Je pense que vous vous trompez sur un point, l’élection de Trump est une révolution. Elle implique un changement d’élites aux US (contrairement à ce qui avait eu lieu en 2016). Et pour l’Europe, celà aura des conséquences concrètes et majeures. Trump souhait purger un “Deep State” démocrate, et estime que l’administration de Bruxelles est une base arrière sur laquelle le deep state est susceptible de se replier pour préparer un retour dans 4 ans. D’où son souhait de bousculer les élites européennes, et de demander aux “youros”, pour rester des alliés de premier plan, de se doter d’élites politiques représentant mieux la diversité des sensibilités américaines (et non votant démocrate à 100%).
     
    Si le discours, bienveillant, de Vance n’est pas entendu, d’autres discours moins ambigus suivront. Trump ne laissera pas Bruxelles servir de base arrière à ses ennemis intérieurs. 
     
    [Il faut dire que ces dernières années, l’Union européenne a pris de bien mauvaises habitudes. Le « fair play » politique, qui implique d’adhérer à l’esprit des institutions plutôt qu’à leur lettre – tout ce qui est permis n’est pas nécessairement à faire – a tendance à disparaître lorsqu’un traité rejeté par référendum ressuscite miraculeusement par la voie parlementaire.
    La récente annulation du scrutin présidentiel en Roumanie mérite de ce point de vue d’être rappelée. Le premier tour de l’élection ayant placé en tête du scrutin un candidat ouvertement eurosceptique, l’élection a été annulée …, cette annulation pose un problème de fond : … est-ce que les procédures démocratiques ont encore un sens ? Derrière l’affaire roumaine, se profile l’idée que le peuple est bête, et que son vote doit être surveillé voire « corrigé » par les élites intelligentes qui savent ce qui est bon pour lui.]
    Je référencerais volontiers les propos d’Emmanuel Todd, qui expliquait que la démocratie s’était appuyée sur la généralisation de l’aphabétisation, mais que la période actuelle avec la prolifération de l’éducation tertiaire avait créé un groupe de “sachants” s’estimant intrinsèquement supérieurs à leurs concitoyens et rejetant la légitimité du suffrage universel. Ce qui rejoint votre concept d’opposition entre structure économique et structure politique.
     
    [Alors qu’on se gargarise d’une Europe qui serait le parangon de la démocratie dans le monde, on a tout fait pour dégrader la démocratie de l’intérieur, en organisant systématiquement l’impuissance du politique. Les véritables décisions, celles qui font notre vie quotidienne comme celles qui nous engagent sur le long terme, sont de moins en moins prises par les autorités élues après des débats ouverts, et de plus en plus dans des cénacles bruxellois sans contrôle démocratique, par des autorités indépendantes qui ne rendent compte à personne, par des juges qui s’érigent en législateurs. ]
    Vous avez oublié dans votre liste les ONG. C’est effectivement ainsi que les “zélites” contournent le suffrage. On notera que dans ces hautes autorités, ces tribunaux ou ces ONGs, la proportion des non diplomés du supérieurs parmi les dirigeants est assez faible.
     
    [Ce n’est pas la montée des populismes qui menace la démocratie. C’est au contraire, la dégradation de la démocratie, l’impuissance organisée du politique qui provoque la montée des populismes et des égo-politiciens. Parce que, quand le vote ne change rien, on n’a aucune raison de le réserver aux candidats raisonnables.]
    Raisonnable ? C’ets amusant que vous repreniez le mot du sinistre Alain Minc et de son cercle de la raison.
    The Economist disait que une démocratie n’est pas seulement un régime avec des urnes. C’est un régime où les dirigeants sont élus dans des élections sincères et où les dirigeants battus aux élections quittent pacifiqueemnt le pouvoir.
    Je n’ai pas limpression que celà décrive l’Europe actuelle de façon parfaite, comme le montre votre exemple roumain.
     
    [Et cette réalité, c’est que l’Union européenne et ses partisans inconditionnels vivent dans un monde d’illusion. Illusion démocratique, illusion économique, illusion de puissance.
    Ceux qui ont pris la peine de lire des rapports Letta et Draghi – dont on ne peut raisonnablement suspecter les auteurs d’euro-scepticisme – ne peuvent tirer de leur lecture qu’une conclusion : les promesses n’ont pas été tenues.  …  Un ensemble habité par des citoyens qu’on a tout fait pour transformer en consommateurs.]
    Et oui, contourner la volonté des citoyens, les transformer en con-cons (sommateur / tribuable), conduit à affaiblir un pays puisque ils ne voient plus de raison à un projet “collectif” qui les traite comme un bétail à tondre.
     
    Un autre point sur Trump : il s’est entouré d’un nombre entrepreneurs (Ramaswamy, Musk, … ) et des militaires “de contact” ayant été sous-off sur le terrain (Vance, Gabbard, Heggseth, …). Là où nos élites européennes sont constituées exclusivement de haut-fonctionnaires, de membres d’ONG, et de gens ayant fait carrière dans des bureaux, des salles de classe ou des tribunaux. Les deux seuls chefs d’entreprise productives vaguement passé récemment au gouvernement français dont je me souvienne sont Breton (un énarque qui a dirigé Atos, coulée, après avoir coulé Bull, coulée) et l’estimable Montebourg (qui s’est reconverti dans l’apiculture après avoir gouverné le ministère du dressement reproductif)
     
    Comment créer une économie viable autour de la consommation (qui n’est que la consomption de richesses produites) en méprisant ainsi la production (ce truc sale et fatigant) ? Pas étonnant qu’on se casse la gueule.
     

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [Je pense que vous vous trompez sur un point, l’élection de Trump est une révolution. Elle implique un changement d’élites aux US (contrairement à ce qui avait eu lieu en 2016).]

      Je n’en suis pas persuadé. On va voir combien tout cela dure. Souvenez-vous de ce que fut l’été et l’automne de 1981. On croyait à une « révolution », mais très vite on est revenu à la continuité. On verra combien de temps le bulldozer Trump mettra à s’arrêter.

      [Et pour l’Europe, cela aura des conséquences concrètes et majeures. Trump souhait purger un “Deep State” démocrate, et estime que l’administration de Bruxelles est une base arrière sur laquelle le deep state est susceptible de se replier pour préparer un retour dans 4 ans. D’où son souhait de bousculer les élites européennes, et de demander aux “youros”, pour rester des alliés de premier plan, de se doter d’élites politiques représentant mieux la diversité des sensibilités américaines (et non votant démocrate à 100%).]

      Possible. Mais mon point n’était pas de nier que les choses changent. Ce qui me paraît plus contestable, c’est de dire qu’elles changent à cause de Trump. En fait, les changements qui se manifestent aujourd’hui sont en cours depuis vingt ans. Ce que l’élection de Trump change, c’est de rendre visible, d’avoir déchiré le voile qui cachait ces transformations.

      [Je référencerais volontiers les propos d’Emmanuel Todd, qui expliquait que la démocratie s’était appuyée sur la généralisation de l’alphabétisation, mais que la période actuelle avec la prolifération de l’éducation tertiaire avait créé un groupe de “sachants” s’estimant intrinsèquement supérieurs à leurs concitoyens et rejetant la légitimité du suffrage universel. Ce qui rejoint votre concept d’opposition entre structure économique et structure politique.]

      Le raisonnement de Todd me paraît faible sur un point : avec la généralisation de l’éducation tertiaire, la distance entre les « sachants » et les autres devrait se réduire. Comment se fait-il alors que les « sachants » se sentent bien plus « intrinsèquement supérieurs » qu’il y a un demi-siècle ?

      Je suis peut-être trop influencé par ma formation marxienne, mais j’attribue la chose à une transformation structurelle. Depuis la création de la République, les rapports de force électoraux et les rapports de force structurels n’ont pas été trop différents. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que les deux commencent à diverger dangereusement. C’est cette divergence qui fait que les classes dominantes fabriquent une idéologie qui, de plus en plus, justifie le contournement du vote populaire avec différents prétextes – celui le plus à la mode étant l’influence des réseaux sociaux.

      [Vous avez oublié dans votre liste les ONG. C’est effectivement ainsi que les “zélites” contournent le suffrage.]

      Les ONG ont du poids, mais pour le moment on ne leur a pas délégué des décisions.

      [Un autre point sur Trump : il s’est entouré d’un nombre entrepreneurs (Ramaswamy, Musk, … ) et des militaires “de contact” ayant été sous-off sur le terrain (Vance, Gabbard, Heggseth, …). Là où nos élites européennes sont constituées exclusivement de haut-fonctionnaires, de membres d’ONG, et de gens ayant fait carrière dans des bureaux, des salles de classe ou des tribunaux. Les deux seuls chefs d’entreprise productives vaguement passé récemment au gouvernement français dont je me souvienne sont Breton (un énarque qui a dirigé Atos, coulée, après avoir coulé Bull, coulée) et l’estimable Montebourg (qui s’est reconverti dans l’apiculture après avoir gouverné le ministère du dressement reproductif)]

      Là, vous exagérez. On trouve de plus en plus parmi les membres du gouvernement des gens venus du privé. Pensez par exemple gouvernement Attal. Vous trouvez les ministres Catherine Vautrin (groupe Cygna), Eric Dupont-Moretti (cabinet d’avocat), Christophe Bechu (CrafTelecom), Stanislas Guerini (Watt and Home), Prisca Thevenot (Crédit suisse), Marie Lebec (Euralia), Aurore Bergé (Spintank, Agence publics), Olivia Gregoire (Saint Gobain, Avisa Partners), Dominque Faure ((IBM, Motorola, SFR, Veolia), Sarah El Hairi (Groupe UP), Fréderic Valletoux (groupe Moniteur), Agnès Panier-Runacher (Faurecia), Franck Riester (Arthur Andersen, Riester SA), Guillaume Kasbarian (Monitor Deloitte). Aucune de ces personnalités n’a été haut fonctionnaire, n’a fait sa carrière dans les salles de classe ou les tribunaux. Faut arrêter les bêtises : aujourd’hui on trouve parmi les politiques bien plus d’anciens des écoles de commerce que de l’ENA.

  17. Jordi dit :

    [Mais mon point n’était pas de nier que les choses changent. Ce qui me paraît plus contestable, c’est de dire qu’elles changent à cause de Trump. En fait, les changements qui se manifestent aujourd’hui sont en cours depuis vingt ans. Ce que l’élection de Trump change, c’est de rendre visible, d’avoir déchiré le voile qui cachait ces transformations.]
    Trump et le courant qui le porte souhaitent un chnagement massif du personnel de la haute fonction publique et des médias.
    Comme Mitterand en 81.
    C’est un peu plus qu’une simple alternance Hollande-Macron.
     
    [Le raisonnement de Todd me paraît faible sur un point : avec la généralisation de l’éducation tertiaire, la distance entre les « sachants » et les autres devrait se réduire. Comment se fait-il alors que les « sachants » se sentent bien plus « intrinsèquement supérieurs » qu’il y a un demi-siècle ?]
    Parce qu’il sont désormais suffisamment nombreux pour former une classe sociale qui se fréquente surtout entre elle, et ne considère plus les autres comme ses concitoyens égaux.
    Notez que Todd décrit se phénomène comme commun à tous les pays occidentaux.
     
    [On trouve de plus en plus parmi les membres du gouvernement des gens venus du privé. Pensez par exemple gouvernement Attal. Vous trouvez les ministres Catherine Vautrin (groupe Cygna), Eric Dupont-Moretti (cabinet d’avocat), Christophe Bechu (CrafTelecom), Stanislas Guerini (Watt and Home), Prisca Thevenot (Crédit suisse), Marie Lebec (Euralia), Aurore Bergé (Spintank, Agence publics), Olivia Gregoire (Saint Gobain, Avisa Partners), Dominque Faure ((IBM, Motorola, SFR, Veolia), Sarah El Hairi (Groupe UP), Fréderic Valletoux (groupe Moniteur), Agnès Panier-Runacher (Faurecia), Franck Riester (Arthur Andersen, Riester SA), Guillaume Kasbarian (Monitor Deloitte).]
    Cette impressionante liste signale votre érudition.
    Mais Eric Dupond-Moretti a passé beaucoup de temps dans les prétoires (ce qui est au coeur de son métier d’avocat).
    Et mon point concernait plus la présence de chefs d’entreprise, ou d’entrepreneurs : un métier structurellement différent de celui de cadre du privé.

    • Descartes dit :

      @ Jordi

      [Trump et le courant qui le porte souhaitent un changement massif du personnel de la haute fonction publique et des médias. Comme Mitterand en 81. C’est un peu plus qu’une simple alternance Hollande-Macron.]

      Le parallèle avec la succession Hollande->Macron me laisse songeur… En fait, le parallèle est assez parlant. Macron disait lui aussi tout haut ce que les autres socialistes pensaient tout bas sans oser le dire. Qu’il fallait jeter aux orties les derniers relents du socialisme pour embrasser le néoliberalisme. Qu’on peut parfaitement gouverner avec la droite. Qu’il fallait assumer être le parti des classes intermédiaires et de la bourgeoisie réunies…

      [« Le raisonnement de Todd me paraît faible sur un point : avec la généralisation de l’éducation tertiaire, la distance entre les « sachants » et les autres devrait se réduire. Comment se fait-il alors que les « sachants » se sentent bien plus « intrinsèquement supérieurs » qu’il y a un demi-siècle ? » Parce qu’il sont désormais suffisamment nombreux pour former une classe sociale qui se fréquente surtout entre elle, et ne considère plus les autres comme ses concitoyens égaux.]

      Mais aujourd’hui presque 80% de la population est en mesure d’avoir une « éducation supérieure »… cela fait un peu trop de monde pour se concevoir comme « supérieurs ». « Supérieurs » à quoi ? Au 20% restant ?

      [Et mon point concernait plus la présence de chefs d’entreprise, ou d’entrepreneurs : un métier structurellement différent de celui de cadre du privé.]

      En quoi est-il « structurellement différent » ? J’ajoute que dans la liste de nos ministres venus du privé, il y a pas mal qui ont fondé leur propre entreprise. Mais je ne comprends pas très bien en quoi consiste le métier « d’entrepreneur ». Pourriez-vous être plus spécifique ?

      • P2R dit :

        @ Jordi et Descartes 
         
        Sur l’explosion du nombre de diplômés du supérieur, j’hésite à me procurer l’ouvrage de Peter Turchîn « le chaos qui vient »..
         
        j’en lis beaucoup de bien et il semble traiter spécifiquement de la question par un biais historique. L’un de vous est il familier de cet auteur ou de cet ouvrage ? 

        • Descartes dit :

          @ P2R

          [Sur l’explosion du nombre de diplômés du supérieur, j’hésite à me procurer l’ouvrage de Peter Turchîn « le chaos qui vient »..]

          Ne perdez pas votre temps. C’est l’un de ces auteurs de bestsellers style Yuval Harari ou Francis Fukuyama, comme les Etats-Unis savent produire. Des gens qui énoncent des lois générales qu’ils prétendent démontrer par des exemples glanés sur “10.000 ans d’histoire” chez des sociétés et dans des contextes totalement différents. La méthode consiste en fait à regarder l’histoire, en retenant les exemples qui vont dans le sens de votre théorie et en ignorant ceux qui la contredisent. Avec cette méthode on peut démontrer à peu près n’importe quoi.

          [j’en lis beaucoup de bien et il semble traiter spécifiquement de la question par un biais historique. L’un de vous est il familier de cet auteur ou de cet ouvrage ?]

          Je n’ai qu’un mot à dire: Beurk!

        • Jordi dit :

          @P2R : Je connais Peter Turchin depuis un peu plus de 10 ans, je n’ai pas lu son dernier livre mais je pense le plus grand bien de cet  intellectuel. A l’époque il expliquait beaucoup de ses théories sur son blog (mais n’écrivait pas encore de livre au grand public). Depuis c’est un auteur dont les vues pourraient passer pour marquées à droite, mais qui a quand même obtenu  un aticle élogieux dans Le Monde, aussi bien que sur Zerohedge.
          https://www.lemonde.fr/emploi/article/2025/01/21/la-surproduction-d-elites-intensifie-la-competition-et-les-rivalites-explosives_6507948_1698637.html
           
          Turchin est quelqu’un dont les théories ne sont pas parfaites, mais qui stimule la réflexion.
           
          Sa théorie sur la surproduction d’élites me parait très intéressante, et rejoindre certains des meillers auteurs anglophones empiristes contemporains tels que Michael Lewis (Boomerang, chapitre sur l’Islande) et Nassim Nicholas Taleb (Risquer sa peau, Atnifrgaile).
           
          Donc désolé je ne partage pas ce jugement, à mon goût trop sévère, de notre hôte.

          • Descartes dit :

            @ Jordi

            [Donc désolé je ne partage pas ce jugement, à mon goût trop sévère, de notre hôte.]

            Ne soyez pas désolé, sans désaccord il n’y aurait pas de débat, et sans débat pars de démocratie.

            Mais je me permets de commenter “l’article élogieux” que vous citez en référence. Le problème dans cette affaire, c’est qu’on mélange un peu tout et n’importe quoi du fait de définitions plus ou moins vagues. Ainsi, c’est quoi les “élites managériales” ? Voici ce qu’en dit le’article: “tous les pays développés ou en développement ont connu un fort accroissement de l’élite managériale dans les quarante dernières années. En France, le nombre d’étudiants est passé de 1 à 2,8 millions entre 1985 et 2025. Vingt pour-cent d’entre eux suivent des filières en gestion: (…)”. Le fait de suivre une licence “gestion commerciale” ferait-il de vous un membre de “l’élite managériale” ?

            En fait, derrière cette définition vague, se cache la peur du déclassement des classes intermédiaires, et leur volonté concomitante de casser l’ascenseur social. Parce que lorsqu’on parle d’un “accroissement de l’élite managériale”, ce dont on parle en fait est de la promotion sociale. Dire, comme le dit Turchin, que “l’accroissement des élites managériales” est un danger pour la société, c’est dire qu’il faut empêcher cet “accroissement”, et donc la promotion sociale qui permet à des personnes issues des couches populaires de les intégrer…

      • Jordi dit :

        [Macron disait lui aussi tout haut ce que les autres socialistes pensaient tout bas sans oser le dire. Qu’il fallait jeter aux orties les derniers relents du socialisme pour embrasser le néoliberalisme. Qu’on peut parfaitement gouverner avec la droite. Qu’il fallait assumer être le parti des classes intermédiaires et de la bourgeoisie réunies…]
        Je pense que Macron l’assume, et ce même si seule une partie de la droite l’a rejoint.
         
        [Mais aujourd’hui presque 80% de la population est en mesure d’avoir une « éducation supérieure »… cela fait un peu trop de monde pour se concevoir comme « supérieurs ». « Supérieurs » à quoi ? Au 20% restant ?]
        Dans les jeunes génération, le taux de diplomés bac+5 avoisine 25%
         
        [> Et mon point concernait plus la présence de chefs d’entreprise, ou d’entrepreneurs : un métier structurellement différent de celui de cadre du privé.
        En quoi est-il « structurellement différent » ? J’ajoute que dans la liste de nos ministres venus du privé, il y a pas mal qui ont fondé leur propre entreprise. Mais je ne comprends pas très bien en quoi consiste le métier « d’entrepreneur ». Pourriez-vous être plus spécifique ?]
        Un cadre, même un haut cadre tel que ceux qui ont rejoint le gouveernement, reste quelqu’un qui vient occuper un poste qu’on a créé pour lui, et rendre des comptes à son chef. Un entrepreneur doit créer l’activité et être in fine responable de tout ce qui pourrait se produire : “the buck stops here”. C’est d’autant plus vrai en France, où la quasi-totalité des société du CAC40 ont plus de 50 ans d’existence
        Un autre dirigeant récent avec un profil entrepreunarial serait peut-être Cedric O , business angel (et qui doit apprécier la chanson Mistral gagnant, puisqu’il fait parti des investisseurs de cette start up prometteuse).

        • Descartes dit :

          @ Jordi

          [« Macron disait lui aussi tout haut ce que les autres socialistes pensaient tout bas sans oser le dire. Qu’il fallait jeter aux orties les derniers relents du socialisme pour embrasser le néoliberalisme. Qu’on peut parfaitement gouverner avec la droite. Qu’il fallait assumer être le parti des classes intermédiaires et de la bourgeoisie réunies… » Je pense que Macron l’assume,]

          Exactement comme Trump : il dit tout haut ce que les autres pensaient tout bas…

          [« Mais aujourd’hui presque 80% de la population est en mesure d’avoir une « éducation supérieure »… cela fait un peu trop de monde pour se concevoir comme « supérieurs ». « Supérieurs » à quoi ? Au 20% restant ? » Dans les jeunes génération, le taux de diplomés bac+5 avoisine 25%]

          Et alors ? « Education supérieure » n’est pas équivalent à « Bac+5 »…

          [Un cadre, même un haut cadre tel que ceux qui ont rejoint le gouvernement, reste quelqu’un qui vient occuper un poste qu’on a créé pour lui, et rendre des comptes à son chef. Un entrepreneur doit créer l’activité et être in fine responsable de tout ce qui pourrait se produire : “the buck stops here”.]

          Mythologie, mythologie… en fait, tout le monde – à l’exception des actionnaires, qui ne rendent compte qu’à eux-mêmes – rend compte à quelqu’un d’autre. L’entrepreneur a besoin d’investisseurs, d’actionnaires ou de prêteurs, et c’est à eux qu’il rend des comptes. Et si les investisseurs, les actionnaires ou les prêteurs ne sont pas contents, l’entrepreneur passe un très mauvais quart d’heure. Par ailleurs, l’entrepreneur ne prend pas de risque : s’il fait des erreurs, si l’entreprise se casse la gueule, ce sont les actionnaires qui trinquent. Tout ce qu’il risque, lui, c’est ce que risque n’importe quel employé : se trouver à la rue.

  18. Bône la coquette dit :

    Vous partez dans votre billet d’un article du Monde. Je suis tombé par hasard sur cet article
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/21/en-europe-de-l-est-la-suspension-des-aides-americaines-met-en-danger-de-nombreux-medias_6557616_3210.html
    Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de le lire en entier mais le titre est un condensé de ce que vous dénoncez comme mauvaise foi occidentale face à la Russie.
     
    “La suspension des aides américaines met en danger de nombreux médias indépendants dans les pays post-soviétiques”
    Rien n’ a l’air de choquer la rédaction ni les journalistes. Des fonds russes ou autres sont la preuve de dépendance des médias. Des fonds américains sont la preuve de l’indépendance des médias.
    C’est probablement ainsi que l’on a pu considérer dans ces mêmes milieux que FO était un syndicat parfaitement indépendant car financé par la CIA (si j’en crois un article du Monde de 1975) à la différence de la CGT communiste.
    A ce niveau d’aveuglement, je ne sais pas quoi réellement penser. Les journalistes sont-ils sincères et croient-ils réellement que l’aide américaine permet d’être indépendant car les USA apportent toujours leur aide pour le camp du bien? J’ai du mal à penser qu’il s’agit d’agents au service des USA car comme vous le faites remarquer les vrais cyniques sont exceptionnels. Ils sont donc parfaitement convaincus du bien fondé de cette aide et de l’indépendance qu’elle apporte dans le monde binaire du bien et du mal. Et surtout, ils n’imaginent pas une seconde qu’un pays souverain se doit de contrôler voire  d’empêcher le financement par des puissances étrangères qui sont par nature hostiles ou tout de moins intéressées (les états n’ont pas d’amis) d’organes de presse. Le soft power dont parle l’article c’est le pouvoir d’une puissance étrangère.
    Bien à vous
     

    • Descartes dit :

      @ Bône la coquette

      [Vous partez dans votre billet d’un article du Monde. Je suis tombé par hasard sur cet article (…). Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de le lire en entier mais le titre est un condensé de ce que vous dénoncez comme mauvaise foi occidentale face à la Russie.]

      Cet article est un concentré des contradictions du discours des élites européennes – mélange de bonne conscience à l’épreuve des balles et de naïveté. L’article reconnaît dès le départ et sans fard qu’une bonne partie de la presse dite « indépendante » (nom code pour « eurolâtre et otanolâtre ») est financée par les Etats Unis. Il admet même, je cite, que « la promotion du journalisme faisait partie des instruments du soft power américain ». Mais à côté, il persiste de qualifier ce journalisme « d’indépendant » sans le moindre guillemet.

      Un vrai journalisme « indépendant » examine et commente les faits sans parti pris idéologique. Ce qui suppose que dans une situation particulière il puisse critiquer fortement la politique américaine. Pourquoi les Américains iraient financer un média qui peut se retourner contre eux ? Et en quoi le financement d’un tel média ferait partie de leur « soft power » ? Il faut être sérieux : un média financé par une puissance – pire, qui dépend pour sa survie de ce financement, comme le démontre l’article – réfléchira deux fois avant de mordre la main qui le nourrit. Et c’est précisément pour cette raison que les Américains financent, depuis l’époque de la guerre froide, des médias qui au départ peuvent être ou non « indépendants », mais qui du fait de ce financement perdent leur « indépendance ».

      Il n’y a que les élites européennes pour avoir la naïveté de penser que les Américains financent des médias par grandeur d’âme… et que les médias en question restent « indépendants ». A moins qu’ils ne pensent qu’un observateur « indépendant » ne peut qu’être d’accord avec la politique américaine – du moins jusqu’à l’arrivée de Trump. Un peu comme il ne peut y avoir de décision démocratique contraire aux traités européens.

      [Rien n’a l’air de choquer la rédaction ni les journalistes. Des fonds russes ou autres sont la preuve de dépendance des médias. Des fonds américains sont la preuve de l’indépendance des médias.]

      Exactement, parce qu’il y a le camp du Bien, et il y a le camp du Mal. Aujourd’hui, avec Trump, cette vision manichéenne est en train de s’effondrer. Tout à coup, nos élites découvrent ce que Terry Pratchett avait écrit avec génie : « “I believe you find life such a problem because you think there are the good people and the bad people,” said the man. “You’re wrong, of course. There are, always and only, the bad people, but some of them are on opposite sides. » (« Je pense que vous trouvez la vie aussi problématique parce que vous pensez qu’il y a les gens bons et les gens méchants. Vous avez tort, bien entendu. Il n’y a, toujours et partout, que des gens méchants, mais certains d’entre eux sont dans des camps opposés »).

      [C’est probablement ainsi que l’on a pu considérer dans ces mêmes milieux que FO était un syndicat parfaitement indépendant car financé par la CIA (si j’en crois un article du Monde de 1975) à la différence de la CGT communiste.]

      Bien sûr. Si je suis dans le Vrai, alors toute personne indépendante et rationnelle sera nécessairement d’accord avec moi. C’est par ce raisonnement étonnant que nos élites appellent tous ceux qui sont d’accord avec elles « indépendant » ou « rationnel ». Le fait que vous ne soyez pas d’accord avec ceux qui ont la Vérité indique soit que vous êtes sous influence, soit que vous êtes irrationnel. Vous avez le choix…

      [A ce niveau d’aveuglement, je ne sais pas quoi réellement penser. Les journalistes sont-ils sincères et croient-ils réellement que l’aide américaine permet d’être indépendant car les USA apportent toujours leur aide pour le camp du bien ? J’ai du mal à penser qu’il s’agit d’agents au service des USA car comme vous le faites remarquer les vrais cyniques sont exceptionnels.]

      Oui, ils le croient. C’est cela le plus terrible. Vous pouvez discuter avec un cynique, parce qu’il agit pour des motifs rationnels. Il est difficile de discuter avec un croyant. Nos élites ont une conception du monde essentiellement manichéenne. Il y a un camp du bien, et un camp du mal. Si vous êtes dans le camp du Bien, vous avez toutes les qualités : indépendance, tolérance, libre examen… et si vous êtes dans le camp du Mal, vous avez tous les défauts : vous êtes fou, autocrate, méchant… Vous n’avez qu’à regarder les articles sur Poutine apparus dans la presse. Pour être arrivé là où il est, il doit avoir quand même quelques qualités, le bonhomme. Pourtant, vous pouvez chercher longtemps…

      [Et surtout, ils n’imaginent pas une seconde qu’un pays souverain se doit de contrôler voire d’empêcher le financement par des puissances étrangères qui sont par nature hostiles ou tout de moins intéressées (les états n’ont pas d’amis) d’organes de presse. Le soft power dont parle l’article c’est le pouvoir d’une puissance étrangère.]

      Tout à fait. Mais dès lors qu’on est « dans le même camp », celui du Bien, nous défendons les mêmes intérêts et les mêmes valeurs, n’est ce pas ? C’est pourquoi, pour ces élites manichéennes, la Realpolitik trumpienne et un véritable traumatisme. Tout à coup, l’appartenance des USA au camp du Bien n’est plus aussi solide…

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [“I believe you find life such a problem because you think there are the good people and the bad people,” said the man. “You’re wrong, of course. There are, always and only, the bad people, but some of them are on opposite sides. »].
         
        Il y a du génie là-dedans, en effet.

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [Il y a du génie là-dedans, en effet.]

          Puisqu’elle vous a plu, je ne résiste pas à la tentation de réproduire l’ensemble de la tirade. Je l’ai fait plusieurs fois ici, mais l’essence de la pédagogie est la répétition:

          ” ‘Let me give you some advice, Captain’, said the Patrician.
          ‘Yes, sir ?’
          ‘It may help you make some sense of the world.’
          ‘Sir.’
          ‘I believe you find life such a problem because you think there are the good people and the bad people,’ said the man. ‘You are wrong, of course. There are, always and only, the bad people, but some of them are on opposite sides.’
          He waved his thin hand towards the city and walked over to the window.
          ‘A great rolling sea of evil,’ he said, almost proprietorially. ‘Shallower in some places, of course, but deeper, oh, so much deeper in others. But people like you put together little rafts of rules and vaguely good intentions and say, this is the opposite, this will triumph in the end. Amazing !’ He slapped Vimes good-naturedly on the back.
          ‘Down there,’ he said, ‘are people who will follow any dragon, worship any god, ignore any iniquity. All out of a kind of humdrum, everyday badness. Not the really high creative loathesomeness of the great sinners, but a sort of mass-produced darkness of the soul. Sin, you might say, without a trace of originality. They accept evil not because the say yes, but because they don’t say no. I’m sorry if this offends you,’ he added, patting the captain’s shoulder. ‘but you fellows really need us.’
          ‘Yes, sir ?’ said Vimes quietly.
          ‘Oh, yes. We’re the only ones who know how to make things work. You see, the only thing the good people are good at is overthrowing the bad people. And you’re good at that, I’ll grant you. But the trouble is that it’s the only thing you’re good at. One day it is the ringing of the bells and the casting down of the evil tyrant, and the next it’s everyone complaining that ever since the tyrant was overthrown no one’s been taking out the thrash. Because the bad people know how to plan. It’s part of the specification, you might say. Every evil tyrant has a plan to rule the world. The good people don’t seem to have the knack .’

          Pour ceux qui ne comprendraient pas la langue de Shakespeare:

          “Je pense que vous trouvez la vie si problématique parce que vous pensez qu’il y a les gens bons et les gens méchants”, dit-il. “Vous avez tort, naturellement. Il y a, partout et toujours, des gens méchants. Mais certains d’entre eux sont dans des camps opposes”.
          Il signala de sa main la ville, et s’approcha de la fenêtre.
          “Une grande mer agitée de méchanceté”, dit-il avec le ton du propriétaire. “Peu profonde à certains endroits, mais très profonde, très profonde à d’autres. Mais les gens comme vous bâtissent des petits radeaux de règles et de bonnes intentions et vous dites que c’est l’opposé, que cela triomphera à la fin. C’est extraordinaire!”.
          Il donna une gentille tape sur l’épaule de Vimes.
          “La bas”, dit-il, “il y a des gens prêts à suivre n’importe quel dragon, à vénérer n’importe quell dieu, à ignorer n’importe quelle iniquité. Et tout cela, du fait d’une petite méchanceté quotidienne. Non pas la méchanceté creative des grands pécheurs, mais une sorte d’obscurité de l’âme produite en masse. Le péché, sans la moindre trace d’originalité. Ils acceptent le mal non parce qu’ils dissent oui, mais parce qu’ils ne dissent pas non. Je suis désolé si cela vous offense,” ajouta-t-il en lui tapant l’épaule. “Mais les gens comme vous ont besoin des gens comme nous”
          “Vraiment, monsieur ?” dit Vimes.
          “Oh oui. Nous sommes les seuls qui savent comment faire marcher le système. Voyez-vous, la seule chose que les gens bons savent faire, c’est renverser les gens méchants. Et vous savez bien le faire, je vous l’accorde. Mais le problème est que c’est la seule chose que vous savez bien faire. Un jour le son des cloches célèbre la chute du méchant tyran, et le suivant tout le monde va en se plaignant que depuis que le tyran a été renversé, personne ne sort la poubelle. Le problème est que les gens méchants savent planifier. On pourrait dire que cela fait partie de la spécification. Chaque méchant tyran a un plan pour gouverner le monde. Les gens bons ne semblent pas avoir compris le truc.”

  19. Glarrious dit :

    @Descartes
    [  Pouvez-vous me citer un cas, un seul, où « l’Etat profond » ait fait de l’obstruction ? Non ? Alors de grâce, laissons le fantasme de côté.]
     
    Le Conseil d’Etat qui censure les limites du regroupement familial à la fin des années 70 face au début de la submersion migratoire. On peut dire que c’est un cas de l’existence de l’Etat profond ?

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [Le Conseil d’Etat qui censure les limites du regroupement familial à la fin des années 70 face au début de la submersion migratoire. On peut dire que c’est un cas de l’existence de l’Etat profond ?]

      Avez-vous la référence de la décision ?

        • Descartes dit :

          @ Glarrious

          [La voici : (…)]

          J’avoue que je ne comprends pas votre raisonnement. A votre avis, chaque fois que le juge administratif annule un acte du pouvoir exécutif, doit on voir une manifestation de “l’Etat profond” qui empêche les politiques de gouverner ? Si c’est le cas, la première priorité est de supprimer le juge administratif, non ?

          Désolé, mais la décision que vous citez me paraît difficile à contester juridiquement. Le préambule de la Constitution de 1946 dit bien que “la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement”. Est-ce qu’une famille peut “se développer” normalement alors que le père et ici et la mère et les enfants ailleurs ? On peut discuter de la réponse, mais il ne me semble pas qu’en répondant “non” le juge ait fait preuve de partialité.

          • Glarrious dit :

            Mais alors le politique ne peut rien faire pour limiter l’immigration de peuplement. À part aller jusqu’à un référendum ? 

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Mais alors le politique ne peut rien faire pour limiter l’immigration de peuplement. À part aller jusqu’à un référendum ?]

              Pas du tout. Dans l’arrêt précité, le Conseil d’Etat fait du droit à la vie familiale normale un “principe général du droit”, qui se place dans la hiérarchie du norme au dessus des actes réglementaires, mais au dessous des actes législatifs. Une loi peut donc, sans encourir la censure, limiter le regroupement familial. Mais on ne peut pas le faire par décret. Voir dans cette décision l’action de “l’Etat profond”…

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