« Resistance is useless » (Douglas Adams, « The hitchikers guide to the galaxy » ) (1)
Dans le discours sur la réforme des retraites prononcé par le Premier ministre Edouard Philippe le 11 décembre dernier, un paragraphe a frappé mon esprit. Il s’agit du texte suivant :
« Le monde d’aujourd’hui, la France en tout cas, se caractérise par un niveau de chômage encore important, et ce depuis longtemps. Il se caractérise par le fait que les études sont de plus en plus longues, que les carrières sont parfois heurtées, que le temps partiel s’est développé. On peut à juste titre vouloir changer tout cela : revenir au plein emploi, limiter la précarité… Mais c’est le monde dans lequel nous vivons et il est sage de voir le monde tel qu’il est. Nous devons construire la protection sociale du XXIème siècle en prenant mieux en compte les nouveaux visages de la précarité. »
Que ce paragraphe n’ait suscité aucune réaction montre à quel point nos élites politico-médiatiques à gauche, à droite et au centre ont « naturalisé » les processus économiques à l’œuvre aujourd’hui. « Le monde dans lequel nous vivons » est là, un peu comme le temps qu’il fait. Et même si « on peut à juste titre vouloir le changer », ce désir légitime n’est qu’une utopie ou un vœux pieu. Nous devons construire la protection sociale du XXIème siècle « prenant mieux en compte des nouveaux visages de la précarité ». Car, voyez-vous, « même si on peut à juste titre vouloir changer tout cela », la précarité et le chômage de masse sont là pour les siècles des siècles, amen.
Edouard Philippe a raison sur un point : « il est sage de voir le monde tel qu’il est ». Seulement, si quelque chose caractérise « le monde tel qu’il est », c’est sa mutabilité. Est-il sage de postuler que le monde de demain sera identique au monde d’aujourd’hui ? Personne ne discute que le monde du travail « tel qu’il est » aujourd’hui soit ravagé par la précarité et le chômage. Le Premier ministre reconnaît qu’on peut « à juste titre » vouloir changer cet état de fait. Mais alors, pourquoi construire le système de retraites du XXIème siècle comme si rien ne devait changer ?
Ce discours est d’abord un aveu. L’aveu que le chef du gouvernement ne croit pas lui-même un instant que les politiques qu’il conduit permettront de combattre efficacement la précarité et le chômage de masse. Car lorsqu’on croit dans l’efficacité des politiques qu’on conduit, on planifie en conséquence. Difficile d’avouer plus explicitement que les politiques de l’emploi ne sont qu’un leurre, une opération de communication destinée à tromper l’électeur.
Ce discours contient aussi la quintessence du raisonnement « victimiste ». Nous sommes soumis à des forces qui nous dépassent et sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Il ne nous reste plus qu’à nous résigner, et à les « prendre en compte » au mieux dans nos politiques publiques. Il est curieux d’entendre un tel raisonnement dans la bouche d’un politicien qui ailleurs dans le même discours se réclame de la figure tutélaire de De Gaulle. Car on peut reprocher beaucoup de choses à mongénéral, mais certainement pas de s’être résigné à « s’adapter » aux évènements au lieu de les précéder. Au contraire : De Gaulle fut l’homme qui a dit « non » quand tous les autres expliquaient que la défaite était complète, la prééminence de l’Allemagne établie, et qu’il fallait « prendre mieux en compte » ces faits en se résignant à l’inévitable. Imagine-t-on De Gaulle expliquant « qu’on peut à juste titre vouloir changer les choses », mais que cela ne sert à rien ?
Que la droite néolibérale – et Edouard Philippe en fait partie – tienne un tel discours ne doit étonner personne. Après tout, il ne fait que décliner le « there is no alternative » (« il n’y a pas d’alternative ») de Margareth Thatcher. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’aucun politicien, aucun commentateur de la chose politique, ne se soit ému. Il fut un temps où même des libéraux aussi éminents que Raymond Barre ou Jacques Delors se gardaient bien de dire que chômage et précarité étaient là pour toujours. Ils prétendaient au contraire qu’on « voyait la sortie du tunnel » ou que la construction européenne allait permettre le retour au plein emploi. D’ailleurs, s’ils avaient dit le contraire ils auraient immédiatement été la cible d’attaques en règle des organisations politiques de droite comme de gauche, et boudés par les électeurs tant la conviction que lorsqu’il y a une volonté il y a un chemin était ancrée dans l’opinion. Qu’un Premier ministre puisse aujourd’hui dire que la précarité et le chômage de masse sont là pour durer quoi qu’on fasse, et doivent donc structurer les politiques publiques pour le siècle à venir sans susciter de réaction montre combien en trente ans ce qui était indicible et impensable est devenu banal et accepté, combien la confiance des Français dans la puissance de la volonté collective s’est érodée. Ce discours qui prêche l’abandon une à une de toutes les conquêtes sociales au nom de l’adaptation à un monde de plus en plus individualiste, de plus en plus précaire – et je ne vous parle même pas des discours apocalyptiques des collapsologues – est-ce là tout ce que nous avons à offrir comme projet collectif à notre jeunesse – en dehors du dernier Ipad et des Nike multicolores ? Pas étonnant qu’on trouve autant de candidats au martyre en Syrie et ailleurs…
On en trouve même pour faire l’éloge de la précarité : libéré du poids des statuts et des attaches professionnelles, nationales, familiales, l’homme serait plus efficace, plus réactif. Or, l’histoire montre exactement le contraire : on peut mesurer le progrès humain à la capacité des civilisations à rendre l’avenir prévisible. Car la quête de l’être humain depuis Cro-Magnon jusqu’à nos jours se résume à cela : rendre le monde de plus en plus prévisible. L’homme primitif se couchait chaque soir sur sa paillasse sans savoir s’il serait vivant le lendemain ou ce qu’il mangerait. Nous, nous nous couchons dans nos lits moelleux sachant qu’il n’y aura pas le froid, la maladie, les bêtes sauvages pour nous emporter pendant la nuit et que le matin venu notre réfrigérateur pourvoira. Rendre l’avenir prévisible n’est pas seulement une satisfaction psychologique, c’est aussi un bien économique. Savoir que j’ai encore de longues années à vivre m’encourage à me former, à construire une maison, à développer une affaire, à épargner. Savoir que mes enfants arriveront tous à l’âge adulte me pousse à investir fortement dans leur éducation. Savoir qu’un diplôme m’assure une carrière longue et intéressante me pousse à investir dans mes études. Par contre, si je suis convaincu que ma vie est précaire, que rien ne m’assure d’être là demain pousse l’être humain à vivre dans le présent, à préférer la satisfaction immédiate à l’investissement. A quoi bon construire une maison que je ne suis pas sûr d’habiter, d’étudier longuement pour une profession que je ne suis pas sûr de pouvoir exercer ? Autant faire la fête… et « après nous le déluge ».
Tous les médiévistes vous le diront : le moyen-âge était une période festive. On y dépensait dans les fêtes une proportion du revenu totalement inimaginable aujourd’hui. A quoi bon en effet épargner, accumuler un capital et l’investir si la peste ou les éléments peuvent vous emporter à n’importe quel moment ? Le linceul n’ayant pas de poches et notre avenir était incertain, autant festoyer en attendant que la Camarde vienne vous chercher. L’accumulation capitaliste qui permettra d’enclencher l’enrichissement de nos sociétés à partir du XVIIIème siècle n’a été rendue possible que parce que les progrès de la science ont rendu le monde de plus en plus prévisible. Et encore, cela ne s’est pas fait en un jour.
La sécurité sociale, la retraite, le statut, la protection sociale qui permet au travailleur de dormir tranquille la nuit ne servent pas que l’intérêt de l’individu. Elles fabriquent une société plus apaisée, avec des travailleurs plus productifs parce que plus investis. On se forme plus, on travaille mieux, on est plus productif quand on n’a pas la peur du lendemain au ventre. Même regardé du point de vue du capitaliste, précariser le travailleur apporte un surcroît de compétitivité sur le court terme, mais à long terme cela revient à se tirer une balle dans le pied. Placé dans un environnement imprévisible, le travailleur consacrera à se protéger de cette imprévisibilité les ressources qu’il aurait autrement consacré à la production.
Henry Ford ou François Michelin, qui pourtant n’étaient pas vraiment des communistes, avaient bien compris le problème. Assurer aux travailleurs le logement, de bons salaires, l’école de leurs enfants, la retraite est la meilleure manière d’avoir une main d’œuvre qui s’investit dans son travail, qu’il est rentable de former et qualifier. Mais les raisonnements de Ford ou Michelin étaient possibles dans le monde du début du XXème, celui des monopoles industriels protégés par l’Etat qui pouvaient se permettre de penser le temps long. Le poids croissant de la régulation par les marchés – et notamment les marchés financiers – et le retrait de l’Etat ont changé la donne. Le dirigeant d’entreprise est obligé – souvent à son corps défendant – de privilégier le court terme pour offrir rapidement des rémunérations conséquentes à ses actionnaires, sous peine de les voir partir – ou pire, de les voir demander sa tête. Dans ce contexte, comment l’entreprise pourrait concevoir la gestion du capital humain sur le long terme ? Comment pourrait-elle investir dans la formation de son personnel, investissement qui n’est rentable que sur le long terme ? Comment pourrait-elle accepter la rigidité d’un statut, dont les contreparties bénéfiques n’apparaissent que sur de très longues périodes ?
Rien dans ce mouvement n’est fatal. La précarité et le chômage de masse ne sont pas une malédiction divine, ce sont les conséquences d’un choix, celui de privilégier les intérêts du bloc dominant, c’est-à-dire, de la bourgeoisie et des classes intermédiaires – dont les rejetons, vous l’aurez certainement remarqué, échappent à ces deux fléaux. Mais remettre en cause cet ordre nécessite d’abord de refuser la logique de résignation qui nous enferme dans le rôle de victimes. Et cela vaut autant pour les prêches vantant la soumission au monde tel qu’il est des uns qu’aux homélies misérabilistes des autres. De la logique de contrat social négocié qui a présidé notre organisation politique de 1945 jusqu’aux années 1970 nous sommes passés progressivement à une dictature du bloc dominant qui, derrière le paravent du respect de la lettre des règles en a profondément perverti l’esprit. C’est sur cette dérive qu’il s’agit de revenir.
Mais ça, c’est le sujet de l’article suivant…
Descartes
(1) « Toute résistance est inutile ». Pour ceux qui ne connaissent pas le magnifique livre de science-fiction de Douglas Adams, c’est la formule préférée des Vogons, une peuplade qui forme la bureaucratie du gouvernement galactique. Voici la description qu’on en donne dans le livre : « Il s’agit d’une des races les plus désagréables de la Galaxie. Pas vraiment méchants, mais de mauvaise humeur, bureaucratiques, procéduriers et sans empathie. Ils ne lèveront pas le petit doigt pour sauver leur grande mère du Monstre Devorant de Traal sans avoir reçu un ordre en triple exemplaire avec accusé de réception, questionnée, perdue, retrouvée, soumise à enquête publique, perdue a nouveau et finalement enterrée pendant trois mois dans une tourbière et recyclé comme allume-cigare ».
Merci pour ce bel article, c’est bien vu… et hâte de lire la suite !
Le “bloc dominant” était (comme son nom l’indique) dominant avant les années 1970, mais c’est comme s’il avait une sorte de “conscience” (je ne sais pas comment exprimer mieux la chose) de la nécessité d’une limite à sa propre domination… Aujourd’hui il cherche à dominer sans limite, ce qui risque même de lui être nuisible à terme. Comment expliquer cela ? La peur du communisme uniquement ? Le fait d’avoir gagné la “bataille culturelle” qui aurait eu un effet enivrant ?
[et je ne vous parle même pas des discours apocalyptiques des collapsologues]
Pourtant il y aurait là matière… Ces trucs sont en train de prendre une importance dingue chez un nombre réduit d’adeptes (des gens “s’organisent”, achètent des armes, de la bouffe, apprennent à se battre ou à survivre lors de stages hors de prix, et surtout ont remplacé toute réflexion par la peur ! J’ai une ou deux connaissances qui sont “tombés” là dedans, croyez moi le dialogue raisonné est très très difficile), mais aussi de se banaliser dans l’ensemble de la société ; on parle d’effondrement comme d’un truc quasi certain, inéluctable face auxquels on serait impuissants (tiens tiens, un peu comme notre 1er ministre à propos de l’état du monde) . En un sens c’est un symptôme caricatural des maux de notre époque : ultra individualisme, court-termisme, manque à peine croyable de recul et de culture scientifique, historique et pragmatique… Le drame étant que ça mobilise des gens là dessus plutôt que sur les vrais sujets, et ancre encore plus ces façons de penser, avec un possible côté “autoréalisateur”, le symptôme devenant facteur aggravant : si un jour 10 ou 20% de la population tombait dans ce délire, quelles en seraient les conséquences pour la société ? Et enfin, je ne suis pas versé là dedans mais j’imagine qu’une analyse psychanalytique de la chose serait intéressante.
@ tmn
[Le “bloc dominant” était (comme son nom l’indique) dominant avant les années 1970, mais c’est comme s’il avait une sorte de “conscience” (je ne sais pas comment exprimer mieux la chose) de la nécessité d’une limite à sa propre domination…]
Je ne suis pas d’accord. Jusqu’à la fin des années 1960, le bloc dominant n’existait tout simplement pas. Il y avait d’un côté la bourgeoisie et ce qu’on appelait les « classes moyennes supérieures », hauts cadres de l’industrie ou de la banque. De l’autre côté, il y avait les couches populaires qui pouvaient compter avec un large soutien du reste des classes intermédiaires. La fin des années 1960 et les années 1970 voient les classes intermédiaires s’autonomiser de plus en plus des couches populaires, puis entrer dans une alliance avec la bourgeoisie. C’est alors que se forme le bloc dominant auquel je fais référence.
Comme disait Marx, ce sont les rapports matériels qui déterminent la conscience. Les limites à la domination de la bourgeoisie étaient déterminées non pas par une « conscience » mais par un rapport de forces avec les couches populaires, confrontation qui avait conduit au contrat social de l’après 1945, contrat respecté globalement par tous les gouvernements jusqu’aux années 1980. La « conscience » était produit de ce rapport de force. Quand le rapport de force a changé, la « conscience » est partie à la poubelle…
[Aujourd’hui il cherche à dominer sans limite, ce qui risque même de lui être nuisible à terme. Comment expliquer cela ? La peur du communisme uniquement ? Le fait d’avoir gagné la “bataille culturelle” qui aurait eu un effet enivrant ?]
Ca s’explique surtout par un changement des rapports matériels. La bourgeoisie du XXème siècle avait besoin des prolétaires pour travailler dans leurs usines et être soldats dans les armées. Aujourd’hui, on peut aller chercher la main d’œuvre moins chère partout dans le monde, et les guerres de masse sont une affaire du passé. Si demain les deux-tiers des couches populaires françaises disparaissaient, le bloc dominant ne se trouverait pas plus mal.
[Pourtant il y aurait là matière… Ces trucs sont en train de prendre une importance dingue chez un nombre réduit d’adeptes (des gens “s’organisent”, achètent des armes, de la bouffe, apprennent à se battre ou à survivre lors de stages hors de prix, et surtout ont remplacé toute réflexion par la peur !]
Le plus amusant, c’est que ces gens se représentent un monde apocalyptique dans lequel ils essayent de survivre… sans jamais se demander si survivre dans ces conditions a un intérêt quelconque. Franchement, une vie sans plaisir tournée toute entière à empêcher votre voisin de vous trucider vaut-elle la peine d’être vécue ?
[mais aussi de se banaliser dans l’ensemble de la société ; on parle d’effondrement comme d’un truc quasi certain, inéluctable face auxquels on serait impuissants (tiens tiens, un peu comme notre 1er ministre à propos de l’état du monde).]
Oui, enfin, vous savez à quoi servent ces discours. D’abord, il y a le syndrome « cherie, fais moi peur ». On adore avoir peur. Pourquoi croyez-vous que les films d’horreur aient un tel succès ? Et puis, penser la catastrophe inéluctable nous dispense de toute action…
[si un jour 10 ou 20% de la population tombait dans ce délire, quelles en seraient les conséquences pour la société ?]
Je vous rassure : ces gens n’y croient pas un instant. Vous voulez un exemple ? Yves Cochet, tout en prédisant l’effondrement pour dans dix ans, déclare avoir acheté une belle propriété où il peut cultiver ses légumes bio et élever des chevaux, prêt à survivre l’apocalypse. Et bien, s’il y croyait, il n’aurait jamais acheté la propriété. Si la catastrophe est proche, mieux vaut louer. Après tout, qui ira vous réclamer le loyer quand la catastrophe viendra ?
[Ca s’explique surtout par un changement des rapports matériels. La bourgeoisie du XXème siècle avait besoin des prolétaires pour travailler dans leurs usines et être soldats dans les armées. Aujourd’hui, on peut aller chercher la main d’œuvre moins chère partout dans le monde, et les guerres de masse sont une affaire du passé. Si demain les deux-tiers des couches populaires françaises disparaissaient, le bloc dominant ne se trouverait pas plus mal.]
Est-ce selon vous la première fois dans l’histoire qu’une classe dominante n’a quasiment plus besoin du reste de la population ? Au moyen-âge par exemple (je sais c’est vaste comme période), les seigneurs avaient ils besoin des paysans, ou d’autant de paysans ? Et du coup quels seraient les évolutions “positives” possibles ? On va je pense être d’accord pour exclure une guerre de masse. Du coup il reste quoi : l’avènement d’une alternative crédible et ayant une masse critique, un peu comme l’a été le communisme ?
[Oui, enfin, vous savez à quoi servent ces discours. D’abord, il y a le syndrome « cherie, fais moi peur ». On adore avoir peur. Pourquoi croyez-vous que les films d’horreur aient un tel succès ? ]
Il y a sans doute de ça, mais je peux vous assurer que sur certaines personnes (peut être pas les plus cultivées) ces discours ont un impact non négligeable, qu’ils croient sérieusement que l’apocalypse est pour bientôt. Ils y dépensent d’ailleurs du temps et de l’argent.
[penser la catastrophe inéluctable nous dispense de toute action…]
Oui et non, pour changer le rapport de force, partir de notre monde existant pour l’améliorer : là en effet les “survivalistes” sont perdus pour ce genre de causes. Par contre ils s’organisent concrètement pour le jour J, achètent du matériel, font des formations de “survie”, se démènent en un sens… C’est certes à mes yeux de l’énergie perdue, mais ça reste de l’action.
[Je vous rassure : ces gens n’y croient pas un instant. Vous voulez un exemple ? Yves Cochet, tout en prédisant l’effondrement pour dans dix ans, déclare avoir acheté une belle propriété où il peut cultiver ses légumes bio et élever des chevaux, prêt à survivre l’apocalypse. Et bien, s’il y croyait, il n’aurait jamais acheté la propriété. Si la catastrophe est proche, mieux vaut louer. Après tout, qui ira vous réclamer le loyer quand la catastrophe viendra ?]
Ça peut se discuter : en cas “d’effondrement” tel que vu par les survivalistes, il y a moins de chances que le propriétaire vienne réclamer son loyer, mais si ça arrive, ça sera à coup de tromblon ! Alors que si on achète à crédit, la banque a de bonnes chances d’avoir disparu corps et biens. Par contre s’il a payé cash là en effet ça prouverait qu’il n’y croit pas un instant. Mais personnellement je ne sais pas trop, je vois mal l’intérêt pour Cochet de clamer des trucs comme ça sans y croire au moins un minimum. Je me souviens qu’il était il y a 15 ou 20 ans un des chantres du “peak oil” imminent (déjà un petit avant gout d’apocalypse), il avait prophétisé que l’A380 (alors en phase de test) ne volerait jamais faute de carburant. Bref il est peut être plus illuminé que menteur ?
Ceci dit au delà de Cochet, vous devriez aller faire un tour sur les sites et forums de cette mouvance survivaliste, c’est quand même assez flippant.
@ tmn
[Est-ce selon vous la première fois dans l’histoire qu’une classe dominante n’a quasiment plus besoin du reste de la population ? Au moyen-âge par exemple (je sais c’est vaste comme période), les seigneurs avaient ils besoin des paysans, ou d’autant de paysans ?]
C’est une observation intéressante. Non, ce n’est pas la première fois que les classes dominantes n’ont pas besoin d’une partie de la population. On retrouve dans l’antiquité ou au moyen-âge des situations où les terres cultivables n’étaient par exemple pas suffisantes pour permettre à tous les serfs de travailler, ce qui aboutissait à l’apparition d’une « armée de réserve » de serfs sans ressources vivant de l’aumône. Si l’on croit Le Goff, on trouve des périodes ou cette « réserve » couvrait un tiers de la population potentiellement active. Cependant, ces périodes sont courtes : les pestes et autres accidents tendent à faire du travail un facteur de production rare au moyen-âge.
Mais il y a une grande différence entre les périodes passées et la nôtre. Sous les modes de production précapitalistes, le problème était le manque de capital productif – en particulier la terre. C’est ce manque qui limitait la quantité de travail qu’on pouvait mettre en œuvre. Dans le capitalisme, l’accumulation de capital est telle que le facteur limitant n’est pas tant le capital disponible que la capacité à écouler la production, c’est-à-dire la demande solvable.
[Et du coup quels seraient les évolutions “positives” possibles ? On va je pense être d’accord pour exclure une guerre de masse. Du coup il reste quoi : l’avènement d’une alternative crédible et ayant une masse critique, un peu comme l’a été le communisme ?]
La seule évolution « positive » qui semble possible est celle d’un retour à une logique d’échanges équilibrés et de la fin de l’endettement international non lié à l’investissement, c’est-à-dire, à exiger que chaque nation produise – en valeur, s’entend – ce qu’elle consomme. Ce n’est qu’à partir de là qu’on peut espérer revaloriser le travail et reconstruire des liens d’interdépendance entre les différentes classes sociales au niveau national.
[« Oui, enfin, vous savez à quoi servent ces discours. D’abord, il y a le syndrome « chérie, fais-moi peur ». On adore avoir peur. Pourquoi croyez-vous que les films d’horreur aient un tel succès ? » Il y a sans doute de ça, mais je peux vous assurer que sur certaines personnes (peut-être pas les plus cultivées) ces discours ont un impact non négligeable, qu’ils croient sérieusement que l’apocalypse est pour bientôt. Ils y dépensent d’ailleurs du temps et de l’argent.]
J’ai du mal à le croire. Je connais des gens qui DECLARENT croire que l’apocalypse est pour bientôt. Mais je ne connais personne qui AGISSE comme si ce devait être le cas. Prenons un exemple : si on pense que l’apocalypse est proche, alors cela fait sens de dépenser tout son patrimoine et même de s’endetter jusqu’au trognon, puisqu’il n’y aura personne pour venir vous forcer à rembourser. La proximité de l’apocalypse, si l’on y croit vraiment, devrait conduire à un comportement hédoniste, tolérant et insouciant. Paradoxalement, les gens dont vous parlez ont le comportement inverse !
[Oui et non, pour changer le rapport de force, partir de notre monde existant pour l’améliorer : là en effet les “survivalistes” sont perdus pour ce genre de causes. Par contre ils s’organisent concrètement pour le jour J, achètent du matériel, font des formations de “survie”, se démènent en un sens… C’est certes à mes yeux de l’énergie perdue, mais ça reste de l’action.]
C’est de l’activité, certainement. Mais le seul résultat de cette activité est de les amuser ou de les rassurer. Ces activités n’ont aucun effet réel sur le danger qu’elles entendent conjurer. C’est en ce sens que je ne pense pas qu’on puisse utiliser le terme « action ».
[Ça peut se discuter : en cas “d’effondrement” tel que vu par les survivalistes, il y a moins de chances que le propriétaire vienne réclamer son loyer, mais si ça arrive, ça sera à coup de tromblon !]
S’il vient à coup de tromblon vous prendre votre bien, peu importe que ce soit un créancier légitime ou un bandit. La dette n’a d’effet que s’il existe un système juridico-politique qui fasse la différence entre les demandes légitimes et les autres, elle perd toute signification dans un rapport de force pur. Si ce système s’effondre, vous êtes en danger que des gens viennent vous prendre votre bien, que leur action soient légitimes ou pas. Et du coup le fait que vous soyez ou non débiteur n’a aucune espèce d’importance.
[Mais personnellement je ne sais pas trop, je vois mal l’intérêt pour Cochet de clamer des trucs comme ça sans y croire au moins un minimum.]
Se faire mousser dans les médias ? Vendre des livres et des conférences ? Souvenez-vous des prédictions apocalyptiques de Paco Rabanne. Elles se sont révélées totalement fausses… mais le coup de communication était réussi quand même.
[Ceci dit au-delà de Cochet, vous devriez aller faire un tour sur les sites et forums de cette mouvance survivaliste, c’est quand même assez flippant.]
Je sais, j’ai fait l’expérience. C’est flippant de constater combien l’imbécilité est répandue dans notre pauvre humanité… et combien sont nombreux ceux qui l’exploitent à leur profit !
@Descartes
> La proximité de l’apocalypse, si l’on y croit vraiment, devrait conduire à un comportement hédoniste, tolérant et insouciant
Ce n’est pas très loin de ce que fait Cochet. Je suis sûr qu’au-delà de ses prévisions d’effondrement, auxquelles il croit certainement, sa propriété à la campagne et ses chevaux lui procurent beaucoup de plaisir. Un peu comme quand Greta Thunberg traverse l’Atlantique en bâteau…
En général, les « vrais » survivalistes, ceux qui tirent toutes les conséquences de leur idéologie, ont plutôt tendance à acheter des armes et de quoi se barricader. Je crois qu’on n’en trouve guère qu’aux États-Unis (il faut dire qu’on y achète des armes facilement et que le territoire est immense). Il faut reconnaître aux Américains une capacité effrayante à aller au bout de la logique de leurs croyances qui a rarement existé chez nous (peut-être au plus fort de la Terreur robespierrienne ?).
@ Ian Brossage
[« La proximité de l’apocalypse, si l’on y croit vraiment, devrait conduire à un comportement hédoniste, tolérant et insouciant » Ce n’est pas très loin de ce que fait Cochet. Je suis sûr qu’au-delà de ses prévisions d’effondrement, auxquelles il croit certainement, sa propriété à la campagne et ses chevaux lui procurent beaucoup de plaisir.]
Certainement. Mais il n’assume pas ce plaisir, au contraire. Il affiche au contraire son ascétisme. Il appelle non pas à profiter du monde pendant qu’il est là, mais au contraire à faire dès maintenant pénitence. Et une pénitence inutile, puisqu’il nous explique que pénitents ou pas le tarif sera le même…
[Il faut reconnaître aux Américains une capacité effrayante à aller au bout de la logique de leurs croyances qui a rarement existé chez nous (peut-être au plus fort de la Terreur robespierrienne ?).]
Même pas. Les Américans sont les héritiers du fanatisme puritain, le genre de fanatisme qui fait des martyrs et des bruleurs de sorcières. Ce fanatisme n’a jamais tout à fait pris racine chez nous. C’est l’un des bons côtés du catholicisme : le décalage entre le discours et les pratiques est tel qu’il alimente un sain scepticisme.
Bonjour Descartes
[La sécurité sociale, la retraite, le statut, la protection sociale qui permet au travailleur de dormir tranquille la nuit ne servent pas que l’intérêt de l’individu. Elles fabriquent une société plus apaisée, avec des travailleurs plus productifs parce que plus investis.]
Sauf si le statut en béton empêche de favoriser les gens investis dans leur travail et de sanctionner les tire au flanc.
J’ai vu des tripotées d’exemples dans la fonction publique au cours de ma carrière
Et le rôle des syndicats a été souvent plus qu’ambigu
La description des Vogons me fait irrésistiblement penser à notre bureaucratie à la française.
Cette portion de discours du nuisible de Matignon montre bien que cette clique ne gouverne pas pour l’intérêt général, mais bien qu’elle agit délibérément contre la France et le peuple Français.
Et Edouard Philippe n’est pas libéral : c’est un technocrate pur jus, étatiste jusqu’au trognon, comme le montre son projet de réforme des retraites.
Le fait que le MEDEF approuve cette réforme montre aussi que ce grand patronat n’est pas libéral, mais adepte du capitalisme de connivence.
@ Philippe Dubois
[« La sécurité sociale, la retraite, le statut, la protection sociale qui permet au travailleur de dormir tranquille la nuit ne servent pas que l’intérêt de l’individu. Elles fabriquent une société plus apaisée, avec des travailleurs plus productifs parce que plus investis. » Sauf si le statut en béton empêche de favoriser les gens investis dans leur travail et de sanctionner les tire-au-flanc.]
Dans ma déjà longue carrière, je n’ai jamais vu de « statut en béton qui empêche de favoriser les gens investis dans leur travail et de sanctionner les tire-au-flanc ». Je vous mets au défi de me montrer un seul statut qui empêche cela. Tous les statuts prévoient des sanctions pour ceux qui font mal leur travail et des récompenses pour ceux qui s’y investissent. La question, c’est de savoir si les chefs sont prêts à les utiliser. Pour moi, c’est là que le bât blesse.
Dans ma déjà – hélas ! – longue expérience, ce n’est pas le statut qui empêche les chefs d’attribuer sanctions et récompenses. C’est le manque de courage et le caractère routinier des directions qui est en cause. Et cela existe autant dans le privé que dans le public, d’ailleurs. Parce que les managers qui ne veulent pas de vagues et qui ont peur du conflit, ça existe partout. Je peux vous dire que j’ai eu l’occasion de passer un tiers de ma vie professionnelle avec un contrat de droit privé, et les deux tiers restants sous deux statuts publics différents. Et jamais le statut ne m’a empêché de sanctionner ou de récompenser quand je l’ai estimé nécessaire.
[J’ai vu des tripotées d’exemples dans la fonction publique au cours de ma carrière.]
Personnellement, je n’ai pas vu de différence notable entre le public et le privé lorsqu’il s’agit de sanctionner les incompétents ou de récompenser les compétents. Si, il y a tout de même une différence : dans le privé, le poids de l’arbitraire managérial est bien plus grand. En théorie, on vire les tire-au-flanc et on récompense les travailleurs engagés. Mais en pratique, ce n’est pas comme cela que ça se passe. La réalité c’est plutôt : on récompense celui qui a su plaire au chef, on sanctionne celui qui a déplu, et cela indépendamment de toute valeur professionnelle. Le statut limite de beaucoup la toute-puissance des petits chefs.
[Et le rôle des syndicats a été souvent plus qu’ambigu.]
Encore une fois, je pense que c’est là une légende. Les syndicats ont leur rôle, et les chefs ont le leur. Le syndicat, c’est l’avocat : il ne va pas vous dire que tel ou tel agent est un tir au flanc qui mérite d’être viré. Et il vous dira que tous les travailleurs méritent une prime. C’est son boulot. Vous ne vous attendez pas à ce qu’un avocat d’assises admette que son client est le dernier des salauds et qu’il mérite la potence. Après, c’est au chef de décider. Et mon expérience est que quand le chef respecte le rôle de chacun et que ses décisions sont rationnelles, les syndicats s’en accommodent. Evidemment, lorsque les chefs ont peur des syndicats ou prétendent les ignorer, ça se passe mal.
[La description des Vogons me fait irrésistiblement penser à notre bureaucratie à la française.]
Je crois que vous êtes très injuste.
[Et Edouard Philippe n’est pas libéral : c’est un technocrate pur jus, étatiste jusqu’au trognon, comme le montre son projet de réforme des retraites.]
Un étatiste qui privatise ? Un étatiste qui abolit le statut des cheminots et affaiblit le statut des fonctionnaires ? J’aimerais comprendre ce qu’est pour vous un « étatiste », parce que de toute évidence, le mot ne signifie pas la même chose pour vous et pour moi. Et j’avoue que j’ai du mal à voir ce qu’il y a « d’étatiste » dans la réforme des retraites telle qu’elle est proposée. A ma connaissance, elle reprend point par point les propositions du MEDEF. Les patrons seraient-ils « étatistes » ?
[Le fait que le MEDEF approuve cette réforme montre aussi que ce grand patronat n’est pas libéral, mais adepte du capitalisme de connivence.]
On finit par se demander s’il existe des libéraux en France.
[Si, il y a tout de même une différence : dans le privé, le poids de l’arbitraire managérial est bien plus grand. En théorie, on vire les tire-au-flanc et on récompense les travailleurs engagés. Mais en pratique, ce n’est pas comme cela que ça se passe. La réalité c’est plutôt : on récompense celui qui a su plaire au chef, on sanctionne celui qui a déplu, et cela indépendamment de toute valeur professionnelle.]
Je n’ai travaillé que dans le privé, mais je ne peux qu’approuver. Je dirais même plus qu’un tire-au-flanc malin et sycophante est le profil-type du manager potentiel.
[Le syndicat, c’est l’avocat : il ne va pas vous dire que tel ou tel agent est un tir au flanc qui mérite d’être viré. Et il vous dira que tous les travailleurs méritent une prime. C’est son boulot. Vous ne vous attendez pas à ce qu’un avocat d’assises admette que son client est le dernier des salauds et qu’il mérite la potence.]
Ça me rappelle ce qu’écrivait Régis de Castelnau. Un représentant d’un syndicat policier s’était plaint qu’il y avait des “avocats engagés” – il entendait engagés politiquement. Ce à quoi Castelnau avait répondu, heureusement qu’il y a des avocats engagés pour leur client. Qu’un avocat donné se donne pour mission de défendre des êtres immondes, tant mieux : c’est l’avis du juge qui compte, et on peut d’autant plus avoir confiance en celui-ci que l’être immonde a été défendu par un avocat engagé à fond.
[[La description des Vogons me fait irrésistiblement penser à notre bureaucratie à la française.]
Je crois que vous êtes très injuste.]
On a quand même vu la qualité de l’administration – j’entends celle que madame Michu est amenée à côtoyer – se dégrader ces deux dernières décennies, à son corps défendant. J’ai eu l’occasion d’accompagner de nombreux étrangers pour leurs démarches en préfecture. Et franchement, c’est pas glorieux, on a affaire à un personnel largement peu formé, incompétent et en sous-nombre permanent, avec des outils et méthodes de travail datant du siècle dernier. Mais c’est un peu logique, quand on recrute des catégorie C qui commencent à moins que le SMIC.
@ BolchoKek
[Je n’ai travaillé que dans le privé, mais je ne peux qu’approuver. Je dirais même plus qu’un tire-au-flanc malin et sycophante est le profil-type du manager potentiel.]
Tout à fait. Et c’est particulièrement vrai dans les domaines ou la mobilité est forte. Parce qu’une personne intelligente et peu scrupuleuse peut faire illusion pendant un temps court en pillant le travail de ses collaborateurs, en cachant les mauvaises nouvelles, en maquillant les chiffres… le temps d’avoir une promotion externe et de laisser son successeur gérer le désastre. Dans les structures publiques, ou les gens sont intégrés dans un corps, c’est bien plus difficile car la mémoire institutionnelle est plus longue. Un ingénieur des Mines peut faire ce genre de coup une fois dans sa carrière, mais il sera vite repéré par son corps et mis dans une voie de garage.
[Ça me rappelle ce qu’écrivait Régis de Castelnau. Un représentant d’un syndicat policier s’était plaint qu’il y avait des “avocats engagés” – il entendait engagés politiquement. Ce à quoi Castelnau avait répondu, heureusement qu’il y a des avocats engagés pour leur client. Qu’un avocat donné se donne pour mission de défendre des êtres immondes, tant mieux : c’est l’avis du juge qui compte, et on peut d’autant plus avoir confiance en celui-ci que l’être immonde a été défendu par un avocat engagé à fond.]
Tout à fait. C’est Vergès qui est l’auteur de cette belle formule : « le pire des salauds mérite le meilleur des avocats ». Et c’est une bonne chose pour l’institution, parce qu’on ne pourra pas ainsi dire que les salauds ont été condamnés parce qu’ils ont été mal défendus. Lorsqu’il faut sanctionner un comportement au travail, chacun doit être dans son rôle : le syndicat dans celui de l’avocat, la hiérarchie dans celui de procureur, et le chef d’établissement dans son rôle de juge. Et lorsque la sanction est prononcée, les syndicats la dénonceront – parce que c’est leur rôle. Mais ils ne la dénonceront pas de la même façon lorsqu’elle est vécue comme juste que lorsqu’elle est vécue comme arbitraire.
Le problème apparaît lorsque les syndicats sortent de leur rôle, et réagissent à une sanction juste avec la même violence qu’ils le feraient contre une décision arbitraire, en défendant l’indéfendable. Mais dans mon expérience, si les formes ont été respectées ce type de comportement est rare.
[On a quand même vu la qualité de l’administration – j’entends celle que madame Michu est amenée à côtoyer – se dégrader ces deux dernières décennies, à son corps défendant.]
C’est vrai. Mais cette dégradation se traduit plus dans les moyens que dans l’esprit – tout le contraire des Vogons. Le personnel a beau être en sous-nombre, mal formé, mal encadré, mais dans mon expérience il essaye de faire ce qu’il peut pour arranger la situation des gens.
[La question, c’est de savoir si les chefs sont prêts à les utiliser. Pour moi, c’est là que le bât blesse.]
Comme directeur d’établissement, j’ai été amené à sanctionner un fonctionnaire
Un avertissement, c’est à dire une feuille glissée dans le dossier, mais non inscrite au dossier, donc, quelqu’un de bienveillant peut le retirer.
DEUX MOIS de procédure
Même avec la notation et l’attribution des points, destinés à faire avancer plus vite les agents méritants, le différentiel est dérisoire.
Et j’en ai vu, durant ma carrière, qui ne foutaient strictement rien et ont avancé normalement.
[On finit par se demander s’il existe des libéraux en France.]
Le genre est effectivement devenu très rare, du moins dans l’acception définie par Tocqueville, Bastiat, Say.
Ce qui se comprend venant du MEDEF
Dans le “vrai” libéralisme économique, le patron ou l’actionnaire empoche les gains mais supporte aussi les pertes
Avec le capitalisme de connivence, le patron ou l’actionnaire empoche les gain mais fait supporter les pertes par la collectivité : c’est beaucoup plus confortable.
D’ailleurs, les “archéo-libéraux” que je citais étaient favorables à la création des syndicats car ils estimaient que le contrat entre le patron et l’ouvrier était déséquilibré par le rapport de force défavorable à l’ouvrier et qu’il était donc nécessaire de rétablir l’aquilibre pour que ce contrat soit juste.
Après, le libéralisme en tant que philosophie du droit qui finit par s’émanciper de tous les fondements de la société, c’est un autre débat et ce n’est pas non plus ma tasse de thé loin de là
@ Philippe Dubois
[Comme directeur d’établissement, j’ai été amené à sanctionner un fonctionnaire. Un avertissement, c’est à dire une feuille glissée dans le dossier, mais non inscrite au dossier, donc, quelqu’un de bienveillant peut le retirer. DEUX MOIS de procédure.
Comme je ne connais pas l’infraction que vous aviez à sanctionner, il est difficile de juger si elle justifiait une sanction plus importante. Mais dans cet exemple vous pensez à la sanction administrative, alors qu’elle est loin d’être la plus efficace. Les sanctions les plus efficaces sont celles qui sont exercées par le corps social lui-même. Or, dans notre culture la mise en cause de la qualité professionnelle agit bien plus profondément que n’importe quel papier glissé dans le dossier.
Vous savez quelle est la sanction la plus terrible que vous pouvez infliger à un agent EDF dans la production nucléaire ? C’est le retrait temporaire de son habilitation – c’est-à-dire, de l’autorisation d’intervenir seul sur l’installation qui atteste de sa qualité professionnelle. Ce retrait ne nécessite pas de procédure administrative, puisque c’est une faculté laissée à la seule appréciation de l’encadrement. Du point juridique, ce n’est même pas une sanction puisque le travailleur est toujours autant payé. Mais devant ses collègues, cela équivaut presque à une dégradation publique. C’est vécu par les intéressés comme une sanction bien pire que n’importe quel blâme ou avertissement. Pire même qu’une mise à pied.
[Même avec la notation et l’attribution des points, destinés à faire avancer plus vite les agents méritants, le différentiel est dérisoire. Et j’en ai vu, durant ma carrière, qui ne foutaient strictement rien et ont avancé normalement.]
Ça, c’est le prix qu’on paye pour avoir une fonction publique dépolitisée. Voyez-vous, si l’on donnait aux chefs la possibilité de retarder la promotion de ceux qui tirent au flanc et d’avancer rapidement ceux qui sont engagés, on leur donnerait aussi la possibilité de retarder la promotion de ceux qui ne sont pas « dans la ligne du parti » et au contraire de promouvoir ceux qui ont la bonne carte… cela étant dit, si l’avancement se fait globalement à l’ancienneté, il y a certains passages dans la carrière qui sont contingentés (le changement de grade, la promotion dans un corps supérieur) et c’est à ce moment-là que le mérite joue.
[« On finit par se demander s’il existe des libéraux en France. » Le genre est effectivement devenu très rare, du moins dans l’acception définie par Tocqueville, Bastiat, Say. Ce qui se comprend venant du MEDEF. Dans le “vrai” libéralisme économique, le patron ou l’actionnaire empoche les gains mais supporte aussi les pertes. Avec le capitalisme de connivence, le patron ou l’actionnaire empoche les gains mais fait supporter les pertes par la collectivité : c’est beaucoup plus confortable.]
Parler de « capitalisme de connivence », c’est faire un pléonasme. Le capitalisme libéral dont vous parlez n’est qu’une figure de l’esprit. Pourquoi ? Parce que dans le capitalisme, il y a une classe dominante, la bourgeoisie. Et si la bourgeoisie aime bien empocher les gains, elle n’aime pas du tout assumer les pertes. Et comme elle est « dominante », elle a les moyens de socialiser les pertes tout en gardant les gains. Le « vrai » libéralisme suppose que la bourgeoisie, ayant les moyens de refiler les pertes aux autres, renonce à les utiliser ce qui, vous me l’accorderez, suppose une rectitude morale qui n’est pas de ce monde. Ou bien la présence d’une puissance supérieure capable d’empêcher la classe dominante d’utiliser son pouvoir, ce qui est par définition impossible.
C’est pourquoi le « vrai » libéralisme économique garde le même rapport au réel que le « vrai » communisme. Ça pourrait marcher si les hommes étaient des anges. Mais comme ils ne le sont pas…
[D’ailleurs, les “archéo-libéraux” que je citais étaient favorables à la création des syndicats car ils estimaient que le contrat entre le patron et l’ouvrier était déséquilibré par le rapport de force défavorable à l’ouvrier et qu’il était donc nécessaire de rétablir l’équilibre pour que ce contrat soit juste.]
Pas tout à fait. Bastiat était favorable à liberté syndicale non parce que le contrat entre patron et ouvrier était déséquilibré, mais parce qu’il était conscient que les patrons constituaient des « coalitions », et qu’il fallait équilibrer ce fait en permettant aux travailleurs d’y avoir recours eux aussi. Mais Bastiat était contre le droit de grève en ce qu’il suspend les effets du contrat de travail : il acceptait bien entendu le droit du travailleur de cesser le travail, mais sans contester le droit de l’employeur de le licencier de ce fait. Bastiat n’a à ma connaissance jamais admis que le contrat entre le travailleur et son employeur fut « déséquilibré », au contraire. Pour lui, c’est un contrat équilibré pourvu qu’on reconnaisse aux deux parties les mêmes libertés.
Pour ce qui concerne Say ou Tocqueville, je ne connais aucun texte d’eux concernant les syndicats ou le droit de grève.
@Descartes
> Vous savez quelle est la sanction la plus terrible que vous pouvez infliger à un agent EDF dans la production nucléaire ? C’est le retrait temporaire de son habilitation – c’est-à-dire, de l’autorisation d’intervenir seul sur l’installation qui atteste de sa qualité professionnelle.
On parle ici d’une situation assez rare, celle d’une profession d’élite soudée par l’amour de son métier. Est-ce que ce genre de sanction aurait prise sur un employé de bureau désinvolte ou tire-au-flanc ? J’en doute…
@ Ian Brossage
[On parle ici d’une situation assez rare, celle d’une profession d’élite soudée par l’amour de son métier. Est-ce que ce genre de sanction aurait prise sur un employé de bureau désinvolte ou tire-au-flanc ? J’en doute…]
Je vous accorde que c’est une situation particulière, mais je ne suis pas persuadé qu’elle soit aussi « rare » que vous le dites. Il y a beaucoup de professions qui, dans une mesure plus ou moins grande, sont soudées par la fierté professionnelle ou celle de servir. C’est clairement le cas dans les services publics, où le reproche d’incompétence est bien plus traumatisant que le reproche de fainéantise…
Mais mon point était plutôt que la sanction la plus efficace, celle qui a un effet le plus dur, n’est pas forcément la sanction administrative ou réglementaire. La sanction la plus efficace est celle qui est portée par le corps social, celle qui joue sur le surmoi de l’individu. C’est au chef de trouver dans chaque contexte quelle est cette sanction.
Bonjour,
“D’ailleurs, les “archéo-libéraux” que je citais étaient favorables à la création des syndicats car ils estimaient que le contrat entre le patron et l’ouvrier était déséquilibré par le rapport de force défavorable à l’ouvrier et qu’il était donc nécessaire de rétablir l’aquilibre pour que ce contrat soit juste.”
De quels syndicats parlez-vous? La CFT, tristement célèbre dans les usines Simca, Citröen, Peugeot, ou Michelin qui faisait régner la terreur, qui tabassait les militants syndicaux “traditionnels”….. dans les années 70.
“Les archéo-libéraux” voulaient oui des syndicats dans leurs entreprises mais des syndicats-maisons qui péchaient la bonne parole patronale.
@ dudu87
[« D’ailleurs, les “archéo-libéraux” que je citais étaient favorables à la création des syndicats car ils estimaient que le contrat entre le patron et l’ouvrier était déséquilibré par le rapport de force défavorable à l’ouvrier et qu’il était donc nécessaire de rétablir l’aquilibre pour que ce contrat soit juste. » De quels syndicats parlez-vous? La CFT, tristement célèbre dans les usines Simca, Citröen, Peugeot, ou Michelin qui faisait régner la terreur, qui tabassait les militants syndicaux “traditionnels”….. dans les années 70.]
Ne nous énervons pas… les « archéo-libéraux » dont parlait Philippe Dubois sont Jean-Baptiste Say (1767-1832), Alexis de Tocqueville (1805-1859) et Frédéric Bastiat (1801-1850). Ils sont nés – et surtout sont morts – un peu trop tôt pour connaître la CFT…
Dans le cas de Tocqueville ou de Say, je ne connais aucun texte dans lequel la question syndicale soit abordée. Mais dans le cas de Bastiat, Philippe Dubois a parfaitement raison. Bastiat était effectivement favorable à la légalisation des syndicats ouvriers, en qui il voyait le seul moyen d’équilibrer les ententes entre les employeurs pour faire baisser les salaires. En ce sens, il était bien plus réaliste que les idéologues libéraux classiques pour lesquels toute « coalition » était détestable car contraire au principe de libre concurrence sur le marché. L’associer aux syndicats « jaunes » comme la CFT me paraît un peu excessif…
[« Les archéo-libéraux » voulaient oui des syndicats dans leurs entreprises mais des syndicats-maisons qui péchaient la bonne parole patronale.]
Je crois que vous cédez à un antilibéralisme primaire qui, comme toute idéologie primaire, ne peut qu’obscurcir la réflexion. Il n’y a aucune raison de ne pas croire à la sincérité de Bastiat lorsqu’il manifeste sa croyance dans les vertus de la régulation par le marché. Or, le marché du travail à son époque était rendu si évidement biaisé par la tolérance dont bénéficiaient les « coalitions » patronales alors que les « coalitions » chez les travailleurs étaient strictement interdites qu’un libéral authentique ne pouvait que s’insurger. La légalisation de l’activité syndicale – de syndicats authentiques, et non de syndicats-maisons soumis au patronat – était pour lui le remède le plus évident à cette imperfection.
[Les syndicats ont leur rôle, et les chefs ont le leur. Le syndicat, c’est l’avocat : il ne va pas vous dire que tel ou tel agent est un tir au flanc qui mérite d’être viré. Et il vous dira que tous les travailleurs méritent une prime. C’est son boulot. (…). Et mon expérience est que quand le chef respecte le rôle de chacun et que ses décisions sont rationnelles, les syndicats s’en accommodent.]
Une petite anecdote personnelle, quand j’étais jeune représentant du personnel. A propos des négociations annuelles obligatoires, la direction proposait x% d’augmentation pour tout le monde, et y% d’augmentation moyenne, à la tête du client.
Un des autres jeunes représentants disait qu’il trouvait ça assez normal que les tire-au-flanc n’aient pas les mêmes augmentations que les bosseurs Le vieux délégué syndical a répondu que c’était le rôle des délégués syndicaux de demander que le x soit le plus élevé possible, et pas le y. Mais que la direction n’y entendrait rien, et qu’au final, ce serait très bien comme ça…
[[Le fait que le MEDEF approuve cette réforme montre aussi que ce grand patronat n’est pas libéral, mais adepte du capitalisme de connivence.]
On finit par se demander s’il existe des libéraux en France.]
Je pense que vous êtes assez injuste, et que, d’une part effectivement, le capitalisme actuel des grands groupes est un peu éloigné du libéralisme (*). D’autre part. Et que, en France, les relations incestueuses entre le monde des grands groupes, celui de la politique, et celui des médias méritent le nom “connivence”.
(*) Trouvez vous que les entreprises style GAFAM se trouvent dans une situation où elles sont obligées de tirer leurs coûts au minimum et à facturer au plus près du coût marginal, car la concurrence leur prendrait leur parts de marché s’ils cherchaient à faire de la marge ? C’est pourtant bien cela, la théorie libérale des marchés purs et parfaits
@ Vincent
[Un des autres jeunes représentants disait qu’il trouvait ça assez normal que les tire-au-flanc n’aient pas les mêmes augmentations que les bosseurs Le vieux délégué syndical a répondu que c’était le rôle des délégués syndicaux de demander que le x soit le plus élevé possible, et pas le y. Mais que la direction n’y entendrait rien, et qu’au final, ce serait très bien comme ça…]
Tout à fait. Dans toute négociation il y a un aspect théâtral. Et chacun doit jouer son rôle – et permettre aux autres de jouer le leur. D’ailleurs, on sent très bien dans une négociation la différence lorsque l’autre râle parce que c’est son rôle et lorsqu’il s’insurge parce qu’on s’approche d’une ligne rouge.
[Je pense que vous êtes assez injuste, et que, d’une part effectivement, le capitalisme actuel des grands groupes est un peu éloigné du libéralisme (*). D’autre part. Et que, en France, les relations incestueuses entre le monde des grands groupes, celui de la politique, et celui des médias méritent le nom “connivence”.]
Mais connaissez-vous un seul exemple, je dis bien un seul, de « vrai » libéralisme ? Moi, pas. Et quand on y pense, c’est parfaitement logique. Pourquoi voulez-vous que la bourgeoisie, qui est la classe dominante et à ce titre a les moyens de faire supporter ses pertes par les autres tout en empochant les gains, se prive de les utiliser ? Par grandeur d’âme ? Les « relations incestueuses » dont vous parlez ne sont pas une perversion du capitalisme, elles lui sont consubstantielles. Pour les éviter, il faudrait une institution capable d’imposer une discipline à la classe dominante elle-même…
[J’ai vu des tripotées d’exemples dans la fonction publique au cours de ma carrière]
Etant dans le privé… Sont récompenser ceux qui bossent près du bureau du chef, ça je peux l’affirmer sans mal. Et ce sont les pires glandeurs en général…
Pour la fonction publique , je pense que nous avons tous eut comme eleve des professeurs mauvais mais pourtant invirable (quand j etais au lycee, on avait dans le lycee un prof de math alcoolique et un prof de physique dont le but etait vraiment d en faire le minimum (il nous faisait remplir a cote des interrogations ecrites une feuille avec juste les resultats -> plus facile a corriger)
Pour le privé il y a des bureaucratie qui n ont rien a envier a celles du public. Et comme la fait remarquer un autre intervenant, le medef n est absolument pas liberal (pas plus de notre premier ministre).
Le liberalisme consiste a minimiser le role de l etat. Quand une commissaire europeenne a dit que l UE n avait pas vocation a subventionner des entreprises sous pretexte de faire des “champions europeens” (http://www.rfi.fr/europe/20191104-margreth-vestager-commissaire-union-europeenne-geants-champions-industrie) le medef et notre PM hurlent
Et non privatiser n est pas forcement etre liberal. Si vous privatisez en revendant a prix d amis a vos copains (genre les autoroutes) … c est du capitalisme de copinage classique au medef ou chez les LR
@ cdg
[Pour la fonction publique, je pense que nous avons tous eu comme élève des professeurs mauvais mais pourtant invirables (quand j’étais au lycée, on avait dans le lycée un prof de math alcoolique et un prof de physique dont le but était vraiment d’en faire le minimum (il nous faisait remplir à cote des interrogations écrites une feuille avec juste les résultats -> plus facile à corriger)]
Et vous n’avez jamais eu un boucher alcoolique, un plombier qui cherche à faire votre réparation de la façon la plus simple pour lui ? Pourtant, ils sont tous deux dans le privé, et tout aussi « invirables » puisqu’ils continuent à exercer jour après jour… Vous savez, si dans le monde réel vous viriez tous ceux qui ne font pas leur travail à la perfection et ceux qui cherchent à en faire le moins possible, il y aurait beaucoup, beaucoup de gens au chômage. Et c’est aussi vrai pour le public que pour le privé.
Personnellement, et au-delà de tel ou tel cas particulier, j’ai trouvé bien plus d’engagement au travail dans le public que dans le privé. Pour reprendre votre exemple, j’ai eu des profs excellents et d’autres qui étaient moins bons… mais je n’ai jamais eu un prof qui ne connaissait pas son cours. Alors que si j’avais un euro pour chaque fois que j’ai appelé le service client ou le service technique d’un fournisseur pour me retrouver au téléphone avec une personne qui ne connaissait strictement rien à rien et qui se contentait de me lire la page correspondante de son classeur de « fiches réflexe »…
[Le libéralisme consiste à minimiser le rôle de l’état. (…) Et non privatiser n est pas forcement etre liberal.]
Excusez-moi, mais si le libéralisme consiste à minimiser le rôle de l’Etat, la privatisation est presque par définition une mesure libérale…
[Si vous privatisez en revendant a prix d’amis a vos copains (genre les autoroutes) … c est du capitalisme de copinage classique au medef ou chez les LR]
L’un n’empêche pas l’autre : on peut minimiser le rôle de l’Etat tout en faisant bénéficier ses copains… J’ai l’impression que pour vous le libéralisme est bien plus qu’une doctrine économique, c’est une doctrine morale. Comme si on ne pouvait pas piller la propriété commune tout en état parfaitement « libéral »…
un boucher alcoolique fait faillite s il n est pas bon boucher.
Un mauvais prof (ce qui etait sans conteste le cas pour le prof de physique faineant, pour le prof de math c etait plus discutable car a jeun il etait tres bon) ne se fera jamais virer.
En plus vous faites quand meme plus de degats si vous etes un mauvais prof qu un mauvais boucher. Pour reprendre mon exemple perso, vous aviez 2 types d eleves : ceux dont les parents avaient des relations (et qui evitaient les profs problematiques) et les autres.
“mais si le libéralisme consiste à minimiser le rôle de l’Etat, la privatisation est presque par définition une mesure libérale”
Privatiser est certes a priori une mesure liberale. Mais c est pas suffisant. le liberalisme c est aussi la concurrence par ex. Privatiser une entreprise en situation de monopole (genre la francaise des jeux ou les autoroutes) n a rien de particulierement liberal
“le libéralisme est bien plus qu’une doctrine économique, c’est une doctrine morale” Le liberalisme n est pas qu une doctrine economique. C est aussi permettre aux gens de croire ou de faire ce qu ils veulent du moment que ca n attente pas aux interets des autres. Les liberaux francais au XIX sciecle se sont par exemple battu pour la liberte de la presse ou meme pour une securite sociale (mais hors du giron de l etat : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Bastiat#S%C3%A9curit%C3%A9_sociale)
Sinon aucune doctrine ne peut fonctionner si vous n avez aucune morale derriere. L homme a besoin de spiritualité. Le materialisme ne marche qu un temps, on le voit tres bien en chine
@ cdg
[un boucher alcoolique fait faillite s il n’est pas bon boucher.]
Pas nécessairement. Vous semblez croire que la magie du marché met en faillite les incompétents et ne laisse subsister que les bons, mais dans le monde réel c’est faux. Prenez par exemple les trois grands fournisseurs d’accès internet : je ne connais personne qui soit satisfait avec le service client du sien… et pourtant aucun ne fait faillite.
Dans un marché pur et parfait, votre boucher alcoolique ferait faillite. Mais les marchés réels ne sont pas – et de très loin – purs et parfaits. Pour que votre boucher alcoolique fasse faillite, il faudrait qu’un autre boucher, meilleur que lui, s’installe. Ce qui suppose que le coût d’entrée sur le marché (achat de l’équipement, frais de bail ou de notaire, conquête d’une clientèle) soit petit par rapport aux marges qu’un nouveau boucher peut en tirer. Dans la pratique, on voit survivre des mauvais commerçants tout simplement parce qu’ils sont installés, et qu’il n’est pas rentable pour un concurrent de rentrer sur un marché déjà saturé.
[Un mauvais prof (ce qui était sans conteste le cas pour le prof de physique fainéant, pour le prof de math c’était plus discutable car à jeun il était très bon) ne se fera jamais virer.]
Mais ça, c’est le cas partout. Vous croyez vraiment que dans les autres domaines on vire les mauvais ? Comment expliquez-vous dans ce cas qu’on trouve autant de mauvais partout, que ce soit dans le public ou dans le privé ? Là encore, je trouve que pour un partisan du libre marché vous ne raisonnez pas en libéral : le marché du travail est un marché comme un autre, et donc l’acheteur ne peut choisir que parmi les produits qui lui sont offerts. Il n’a intérêt à virer un « incompétent » ou un « fainéant » que s’il est en mesure de le remplacer par un autre travailleur plus « compétent » ou plus « engagé » que lui. Si le marché n’offre que des pommes pourries, vous avez le choix entre les manger ou crever de faim.
[En plus vous faites quand même plus de dégâts si vous êtes un mauvais prof qu’un mauvais boucher. Pour reprendre mon exemple perso, vous aviez 2 types d’élèves : ceux dont les parents avaient des relations (et qui évitaient les profs problématiques) et les autres.]
Loin de moi l’idée qu’un mauvais professeur est moins dangereux qu’un mauvais boucher. C’est pourquoi on recrute les enseignants par des concours relativement difficiles alors qu’on peut être boucher avec un CAP, que les enseignants sont inspectés, contrôlés et sanctionnés par leur hiérarchie, alors que les bouchers ne sont contrôlés que par leur patron s’ils en ont un.
[“mais si le libéralisme consiste à minimiser le rôle de l’Etat, la privatisation est presque par définition une mesure libérale” Privatiser est certes a priori une mesure libérale. Mais ce n’est pas suffisant. Le libéralisme c’est aussi la concurrence]
Je vous rappelle que c’est vous qui avait dans un premier temps fait l’assimilation entre le « libéralisme » et « minimisation du rôle de l’Etat », pas moi. Si maintenant vous me dites que le libéralisme « c’est aussi la concurrence », alors vous aurez du mal à « minimiser le rôle de l’Etat », car qui d’autre peut garantir la concurrence, empêcher les acteurs d’abuser de leur position dominante, d’exploiter les asymétries d’information ou de constituer des cartels ? C’est ça le paradoxe libéral : d’un côté, il faut « minimiser le rôle de l’Etat ». De l’autre, il faut un Etat omniprésent pour surveiller en permanence les marchés et détecter et poursuivre les atteintes à la concurrence – sans compter sur son rôle de dernier recours quand les marchés n’arrivent plus à réguler, par exemple lors des « bulles » financières.
[“le libéralisme est bien plus qu’une doctrine économique, c’est une doctrine morale” Le libéralisme n’est pas qu’une doctrine économique.]
Non, vous avez raison : c’est aussi une doctrine politique. Mais vous donnez à cette doctrine un contenu moral. Pour le dire autrement, vous supposez que l’application des principes libéraux à l’économie et à la société suffisent à transformer l’homme pour en faire en un être bon et honnête.
[Sinon aucune doctrine ne peut fonctionner si vous n’avez aucune morale derrière. L’homme a besoin de spiritualité. Le matérialisme ne marche qu’un temps, on le voit très bien en chine.]
Certes, mais cela n’a rien à voir avec mon point. Ma question n’était pas de savoir s’il y a une doctrine morale DERRIERE une doctrine économique et politique. La question était plutôt celle du DEVANT, autrement dit, celle de savoir si l’application d’une doctrine économique ou politique à une société est susceptible de fabriquer un « homme nouveau » moral.
Et sur le nouveau paradigme qui vient, que pensez vous de cet article ?
http://www.noetique.eu/billets/2019/comment-faudra-t-il-encore-le-repeter
@ RC
[Et sur le nouveau paradigme qui vient, que pensez vous de cet article ?]
Beaucoup de mal, je vous rassure. Je suis toujours fasciné par l’idée que ce genre de charlatanisme puisse obtenir une audience suffisante pour faire vivre des gens. Vous me direz que cela fonctionne dans un tout petit milieu intellectuel (les Latour, Stengers et autres obscurantistes de même acabit) et qu’il reprend toutes les « modes » postmodernes, en particulier celle qui consiste à cracher sur tout ce qui sent de près ou de loin le rationalisme.
L’article que vous proposez est un sommet du genre. Il repose presque totalement sur des affirmations péremptoires sans la moindre justification, que ce soit par un raisonnement logique ou par une source sérieuse. Pire, quand les faits ne vont pas dans le bon sens, on change les faits. Ainsi, prenez cette affirmation : « Nous vivons, comme tous les 550 ans en moyenne, un changement majeur de paradigme comme lors de l’effondrement des cités grecques (-150) ou de l’Empire romain (+400) ou de l’Empire germanique chrétien (-950) ou à la naissance de la Modernité à la Renaissance (+1500) ». Avouez que parler de « 550 ans en moyenne » ça fait précis. Seulement voilà, les paradigmes ne changent pas en un jour. Ainsi, la naissance de la modernité est un processus long, qui commence dès le XIVème siècle et qui se termine à la fin du XVIème. Prétendre fixer une date à 50 ans près pour le « changement de paradigme », c’est une absurdité.
Mais surtout, on voit mal le rapport entre les évènements cités et la conclusion qui en est tirée. On peut admettre sans difficulté que la naissance de la modernité fut un « changement de paradigme ». Mais que dire du mystérieux « l’effondrement de l’empire germanique chrétien » ? D’abord, que cette dénomination ne se trouve nulle part chez les historiens. On peut supposer que Halévy fait référence, au vu de la date, à la fin de l’empire carolingien. Mais en quoi cela « change le paradigme » ? Euh… en rien en fait. Pas plus que l’effondrement de l’empire romain : les historiens modernes signalent en fait la continuité qui existe entre l’antiquité tardive et le haut moyen-âge.
Paradoxalement, Halévy ignore deux véritables changements de paradigme déterminants dans l’histoire des idées : la fondation du christianisme et son imposition comme religion d’Etat entre le Ier et le IIIème siècle de notre ère, et la fondation de l’Islam au VIIème siècle. Bien plus que la chute des cités grecques où celle de l’empire carolingien, ces deux évènements ont changé fondamentalement les paradigmes. Pourquoi les avoir exclus ? Peut-être parce que les dates ne tombent pas juste dans la « moyenne des 550 ans » ?
Vous voulez un autre exemple ? Le voici : « Comme le sont les diverses et nombreuses institutions de pouvoir que ce paradigme moderne a fait émerger entre 1500 et 1550 (l’Etat central, les Bourses, les Banques, les Patronats, les Syndicats, les Universités et les médias) ». On va faire un petit jeu : parmi les sept institutions mentionnées, pourriez-vous indiquer celles qui n’ont pas « émergé entre 1500 et 1550 » (admirez la précision) ? Voyons… « les médias » ? Si on se réfère à l’imprimerie, elle existe depuis 1450, ce qui la met hors de la période indiquée. Mais si on parle de média d’actualité, on sort de l’autre côté : la Gazette de Théophraste Renaudot n’apparaît qu’en 1631. Les Universités ? Elles s’imposent comme lieux de savoir (et de pouvoir) à partir du milieu du XIIème siècle (Oxford et Paris, par exemple). Les syndicats ? Il faut attendre le XIXème siècle. Les « Patronats » ? Là, difficile de donner une date vu qu’on ne sait pas de quoi on parle. Mais les corporations d’artisans « patrons » de leurs ateliers datent pour les plus anciennes du Xème siècle. Les banques ? La plus ancienne banque encore en activité (Monte Paschi di Siena) a été fondée en 1472, et à cette époque l’activité bancaire était déjà bien établie. Quant à l’Etat central, si ma mémoire ne me trompe pas les romains en avaient déjà un…
Et ça, ce n’est que le premier paragraphe. Comme la densité de bêtises est grosso modo la même dans le reste de l’article… je ne vais pas perdre mon temps à faire une analyse complète. En fait, on trouve dans ce texte tous les poncifs postmodernes, assenés à coups d’affirmations péremptoires sans la moindre argumentation. Affirmations souvent tellement évidemment fausses que cela fait presque rire. Ainsi, on lit que « le paradigme de la modernité (…) a été construit sur l’idée d’une abondance intarissable de ressources dans une Nature infiniment généreuse ». Mais quiconque connaît l’histoire de la modernité sait que c’est exactement le contraire : le « paradigme de la modernité » a au contraire été construit autour des idées bourgeoises d’effort et de travail, indispensables pour arracher d’une nature qui n’a rien de « généreuse » les nécessités de la vie.
Et je garde pour la fin le « bocato di cardinale » de cet article, à savoir, l’immodestie du personnage et sa conviction d’appartenir à une aristocratie de la pensée. Prenez cette formule : « il n’y aura plus de place pour les médiocres, les fainéants, les glandeurs, les crétins, etc … bref, pour les “gilets jaunes”. Et maintenant …, ils le savent ou, plutôt, ils le pressentent ! Et ils se rebiffent. Et ils exigent. ». Si le monde qui vient n’a pas de place pour les médiocres, à la place d’Halévy, je commencerais à m’inquiéter.
@ Descartes
[On peut admettre sans difficulté que la naissance de la modernité fut un « changement de paradigme ». Mais que dire du mystérieux « l’effondrement de l’empire germanique chrétien » ? ]
D’autant plus qu’il donne la date de “-950”, je suppose donc 950 av. J.-C. Avoir un “empire chrétien” 950 ans avant le christ, sont quand même balèzes ces teutons. Même en admettant qu’il s’agit d’une faute de frappe et qu’il s’agit de l’an 950 de l’ère commune, on peut considérer que l’empire Carolingien est de fait inexistant après le traité de Verdun en 843, plus d’un siècle avant – d’ailleurs, il semble que les Francs aient considéré le titre impérial plus comme une dignité et la reconnaissance d’une primauté que comme un titre désignant un pouvoir réel sur des territoires et populations, mais passons. Plus drôle encore, bien plus proche de l’an 950, Otton relèvera le titre impérial en 962 pour fonder ce qui deviendra le Saint-Empire à proprement parler, celui auquel on se réfère généralement par ce vocable, et qui durera huit siècles. Clairement, cet individu qui se réfère d’un air docte à l’Histoire en a une connaissance extrêmement limitée, mais semble absolument inconscient de sa propre ignorance…
@ BolchoKek
[Clairement, cet individu qui se réfère d’un air docte à l’Histoire en a une connaissance extrêmement limitée, mais semble absolument inconscient de sa propre ignorance…]
Malheureusement, notre monde “postmoderne” est rempli de ce genre de charlatans.
Comme à l’accoutumé ,votre texte raisonne en phase dans notre situation où les erreurs semblent s’accumuler pour le gouvernement.
Mais avez vous envisager que peut être Edourd Philippe se place pourl’après crise sociale ,dont seul Macron in fine ,portera les lauriers ou pas.
N’envisagez vous pas qu’Edouard Philippe se porte candidat en 2022 ?
N’avez vous pas remarqué que dans son discours il cite le CNR ,Mendes France,Rocard ?
N’a t il pas pris le costume de présidentiable ?
Son positionnement sur l’âge pivot à 64 ans,n’est il pas destiné à rallier l’électorat LR ?
N’est il pas plus intelligent que Macron qui ne sait pas encore rendu compte que sa proposition de retraite à points est une boîte de Pandore qui ne se refermera pas d’ici la fin de son quinquenat qui sera le vraisemblablement son dernier quinquenat ?
N’a t il pas sciemment piégè Macron ?
@ luc
[Comme à l’accoutumé, votre texte raisonne en phase dans notre situation où les erreurs semblent s’accumuler pour le gouvernement.]
Je ne pense pas qu’on puisse parler « d’erreurs ». Le gouvernement fonctionne sur une logique idéologique qui est cohérente en soi. Il suppose que la démocratie se réduit à l’élection, et que du fait de l’élection les pouvoirs constitués reçoivent le mandat de gouverner le pays comme ils l’entendent jusqu’à la prochaine élection sans écouter personne. En d’autres termes, la démocratie n’est pas conçue comme un processus dynamique, dans lequel les représentants et les représentés dialoguent chaque jour – à travers des institutions comme les associations, les syndicats, les partis politiques, etc. – mais comme un processus statique dans lequel les représentés signent tous les cinq ans un chèque en blanc et n’ont plus qu’à vaquer à leurs occupations pendant que les gouvernants gouvernent.
C’est pourquoi les corps intermédiaires ont été poussé vers les marges. Même ceux qui croyaient pouvoir négocier une place au soleil du fait de leurs affinités idéologiques avec une partie de la macronie, comme la CFDT, sont renvoyés dans leurs buts. Cela tient aussi à une autre caractéristique de l’idéologie macronienne : le conflit antagonique n’existe pas. A chaque problème, il existe une solution rationnelle qui sert l’intérêt de tous. La seule difficulté est de leur faire comprendre, et c’est pourquoi la politique se réduit d’un côté au travail technique – il faut trouver la solution en question – et d’un autre côté à un travail pédagogique – il faut l’expliquer. L’idée qu’il faille trouver un équilibre entre des intérêts inconciliables ne leur vient même pas à l’esprit.
[Mais avez-vous envisagé que peut être Edouard Philippe se place pour l’après crise sociale, dont seul Macron in fine, portera les lauriers ou pas. N’envisagez vous pas qu’Edouard Philippe se porte candidat en 2022 ?]
C’est une évidence : ayant sorti de la tranchée alors que le président de la République restait à couvert, c’est le Premier ministre qui récoltera les fruits de la victoire ou l’ignominie de la défaite. Si le gouvernement échoue, c’est Edouard Philippe qui paiera les pots cassés, c’est la logique de la cinquième République. Mais si la réforme passe, c’est lui qui récoltera les lauriers… et apparaîtra comme une alternative crédible au président, qui se dira peut-être que le temps est venu de lui couper la tête. C’est là aussi la logique de notre constitution…
[N’avez-vous pas remarqué que dans son discours il cite le CNR, Mendes France, Rocard ? N’a-t-il pas pris le costume de présidentiable ? Son positionnement sur l’âge pivot à 64 ans, n’est-il pas destiné à rallier l’électorat LR ?]
Il y pense certainement. Mais il sait aussi que la logique des institutions est impitoyable, et qu’aucun Premiers ministre sortant n’a jamais réussi à se faire élire à la présidence de la République. Sa meilleure chance serait de réussir sa réforme, puis partir deux ans ou dix-huit mois avant l’élection pour se faire oublier. Le problème, c’est que son départ est à la main du président…
[N’est-il pas plus intelligent que Macron qui ne sait pas encore rendu compte que sa proposition de retraite à points est une boîte de Pandore qui ne se refermera pas d’ici la fin de son quinquennat qui sera le vraisemblablement son dernier quinquennat ?]
Son dernier quinquennat ? Pour le moment, on ne voit pas beaucoup d’alternatives… mais bon, les deux ans qui nous séparent de l’élection peuvent changer beaucoup de choses. Dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres, Macron et les siens ont ignoré la belle formule de Napoléon : « la guerre est un art tout d’exécution ». Macron et ses conseillers sont des gens qui aiment les idées générales, mais qui méprisent la « plomberie » qu’il faut monter pour traduire les idées générales dans les faits. Pour le dire autrement, Macron méprise la technique administrative. Or, si exprimée en termes généraux l’idée d’un régime universel de retraite à points est séduisante, lorsqu’il s’agit de la traduire dans les faits l’affaire est d’une complexité extraordinaire. Entre les ordonnances de 1945 sur les retraites et la fin de leur mise en œuvre il s’est écoulé presque trente ans de travail technique incessant…
[Le gouvernement fonctionne sur une logique idéologique qui est cohérente en soi]
Que faire alors pour nous qui refusons cette façon de pratiquer la politique ? Faire durer la grève, jusqu’à l’épuisement ? Espérer que la grève prenne plus largement (dépôts de carburant, raffineries, blocages) ?
Si Macron refuse les corps intermédiaires, on refait un 1er décembre et on vient le chercher ?
@ Yoann
[Que faire alors pour nous qui refusons cette façon de pratiquer la politique ? Faire durer la grève, jusqu’à l’épuisement ? Espérer que la grève prenne plus largement (dépôts de carburant, raffineries, blocages) ?]
C’est le sujet de mon prochain papier, alors je voudrais pas trop le déflorer ici…
Bonjour Descartes,
J’avais pensé à vous en entendant ce passage, ça n’a pas raté.
Joyeux Noël et meilleurs vœux pour 2020 !
@ C.
[J’avais pensé à vous en entendant ce passage, ça n’a pas raté.]
Suis-je si prévisible ? 😉
Meilleurs vœux à vous aussi!
Bonjour,
et merci pour cet article fort avisé en ces temps où gronde la révolte.
Juste un point à propos de ce que vous dîtes dans ce paragraphe :
“Ce discours est d’abord un aveu. L’aveu que le chef du gouvernement ne croit pas lui-même un instant que les politiques qu’il conduit permettront de combattre efficacement la précarité et le chômage de masse. Car lorsqu’on croit dans l’efficacité des politiques qu’on conduit, on planifie en conséquence. Difficile d’avouer plus explicitement que les politiques de l’emploi ne sont qu’un leurre, une opération de communication destinée à tromper l’électeur.”
En 1994, la banque mondiale avait édité un document destiné à ses clients (des pays dont la France), à propos de la crise de la vieillesse qui était en train de survenir : Adverting the old age crisis dans lequel étaient citées 3 préconisations essentielles.
Je reproduis le passage traduit qui les cite :
En voici la traduction :
“Les systèmes assurant la sécurité financière des personnes âgées sont de plus en plus sollicités dans le monde. Les transitions démographiques rapides provoquées par l’augmentation de l’espérance de vie et la baisse de la fécondité signifient que la proportion de personnes âgées à jeunes augmente rapidement. Les filets de sécurité traditionnels, tels que les soins communautaires et la famille élargie, s’affaiblissent sous le poids de ce fardeau croissant. Les systèmes formels, tels que les pensions soutenues par le gouvernement, se sont également révélés en danger, qui se sont révélés à la fois instables et difficiles à réformer. Le résultat est une crise imminente de la vieillesse qui menace non seulement les personnes âgées mais aussi leurs enfants et petits-enfants qui porteront inévitablement ce fardeau. Cette étude est le premier examen global et global de cet ensemble complexe et urgent de questions. L’étude identifie trois fonctions des systèmes de sécurité financière de la vieillesse: la redistribution, épargne et assurance. Il évalue les options politiques pour y répondre en fonction de deux critères – leur impact sur les personnes âgées et l’impact sur l’économie dans son ensemble. L’étude conclut que la sécurité financière des personnes âgées serait mieux servie si les gouvernements développaient trois systèmes, ou «piliers» de la sécurité de la vieillesse: 1) un système géré publiquement avec une participation obligatoire et l’objectif limité de réduire la pauvreté chez les personnes âgées; 2) un système d’épargne obligatoire à gestion privée; et 3) l’épargne volontaire. 1) un système géré publiquement avec une participation obligatoire et l’objectif limité de réduire la pauvreté chez les personnes âgées; 2) un système d’épargne obligatoire à gestion privée; et 3) l’épargne volontaire.”
Je traduis ces préconisations dans la réforme des retraites telle qu’elle nous est proposée par Macron et son gouvernement.
1) Un système qui oblige les gens à capitaliser pour combler la baisse des pensions.
2)Un point qui va baisser rendant cette capitalisation obligatoire.
3) Une part de retraite par répartition devenant insignifiante à tel point qu’elle ne sera maintenue que pour la retraite minimale. Et le texte précise que cette retraite minimale suivra un ” objectif limité de réduire la pauvreté chez les personnes âgées”. Cela veut dire que la pauvreté des personnes âgées sera entretenue par le système.
Plutôt qu’un aveu, le discours d’Edouard Philippe est là pour justifier une politique qui entretient la précarité. Précarité qui permet au “grand capital” comme dirait Georges Marchais, de jouer sur les salaires, les acquis sociaux et les conditions de travail pour les faire régresser.
On est dans l’offensive pure et dure. On est dans une guerre menée contre les classes sociales les plus faibles pour le profit des 1% les plus riches.
Voici le lien du document original http://documents.worldbank.org/curated/en/973571468174557899/pdf/multi-page.pdf?fbclid=IwAR3pn2rakgzGQJFQiFtQilPLez8hGKeGECPkXBpX4_u1T-x42tKuKWV1TKg
Je ne sais plus retrouver le lien sur le site de la banque mondiale par lequel j’avais extrait les quelques phrases en français que je vous ai copiées/collées. Désolé !
@ Jean-Luc
[Je traduis ces préconisations dans la réforme des retraites telle qu’elle nous est proposée par Macron et son gouvernement.]
Pardon, mais je crois qu’on ne résoudra pas les problèmes si on se refuse à les voir. La réalité, c’est que l’espérance de vie a beaucoup augmenté ces cinquante dernières années, alors que la durée de la période « productive » des individus s’est réduite – entrée dans la vie active plus tardive, chômage, sortie de la vie active plus précoce – et cela dans un contexte où la productivité du travail fait du surplace. On voit bien qu’indépendamment de tout biais idéologique, il y a un problème d’équilibre du système. Car pour que le système soit à l’équilibre, il faut que chaque génération pendant sa vie productive ce que la génération qui l’a précédée consomme tout au long de sa vie tout court…
L’étude de la Banque Mondiale que vous citez traite essentiellement des tuyaux de transfert entre une génération et la suivante, mais ne touchent pas le problème fondamental de l’équilibre. Et si elle propose un système dans lequel la solidarité intergénérationnelle est réduite à « réduire la pauvreté des personnes âgées », le reste étant assuré par la combinaison d’un système privé à cotisation obligatoire et un autre à cotisations volontaires, c’est parce que les systèmes de pension à gestion publique posent une grande difficulté : la tendance de la génération courante à s’assurer une bonne pension quitte à déposer un fardeau beaucoup plus lourd sur la génération suivante. Les systèmes par capitalisation ne présentent pas ce risque – même s’ils ont d’autres défauts.
Le système proposé aujourd’hui par le gouvernement ne traite en rien cette problématique. En fait, le gouvernement ne se préoccupe nullement des questions de solidarité intergénérationnelle, il se concentre uniquement sur l’équilibre instantané du système. Le système à points, tel qu’il est conçu dans la théorie économique, est un système structurellement à l’équilibre, puisque chaque année on distribue entre les retraités le montant des cotisations collectées, ni plus ni moins. Ce système n’assure pas l’égalité entre les générations : celui qui vivra sa retraite sur une période d’expansion aura une bonne retraite, celui qui vivra une période de récession en aura une plus faible (1).
Mais le gouvernement s’est d’ores et déjà écarté de cette épure, en imaginant une « règle d’or » qui fera que le point ne pourra jamais baisser. Or, si le point ne peut baisser, il n’y a aucune garantie que le système soit à l’équilibre : si le point est fixé à une valeur d’équilibre en période d’expansion, lorsque la récession viendra les recettes se réduiront mécaniquement sans que les pensions suivent. Le système à points tel qu’il est proposé aujourd’hui n’est donc qu’un système de comptabilité un peu différent du système actuel : au lieu de compter les trimestres on comptera les points. Il est plus adapté à l’économie telle qu’elle est aujourd’hui puisqu’elle permettra aux précaires de valider des points alors qu’ils travaillent trop peu d’heures dans le mois pour valider des trimestres, mais c’est tout. On change aussi le mode de calcul, qui sera plus défavorable à ceux qui ont des carrières linéaires et plus favorable à ceux qui ont des carrières heurtées, ce qui en soit n’est pas une mauvaise chose.
Mais le changement dans les tuyaux est une chose, et celui de l’équilibre du système en est une autre. C’est parce que le gouvernement a mélangé les deux aspects du problème que la réforme est devenue illisible. Si a cela vous ajoutez le discours « universaliste » qui en pratique aboutit à dire que le nouveau système ne tiendra plus compte des spécificités des différents métiers… vous avez le désastre actuel.
[Plutôt qu’un aveu, le discours d’Edouard Philippe est là pour justifier une politique qui entretient la précarité. Précarité qui permet au “grand capital” comme dirait Georges Marchais, de jouer sur les salaires, les acquis sociaux et les conditions de travail pour les faire régresser.]
Je ne crois pas que Philippe ait pour but de « justifier une politique qui entretient la précarité ». Il se place dans une autre logique. Pour les gens comme Philippe, il n’y a pas de politiques qui « entretiennent la précarité », et d’autres qui la réduisent. La précarité pour lui est un fait. Comme le froid en hiver. Et un fait n’a pas besoin d’être justifié. On peut s’y adapter en installant le chauffage, ou bien crever de froid.
C’est en cela que son discours est intéressant. Je n’avais jamais vu dans un discours politique en France cette vision énoncée avec une telle clarté. Idéologiquement, nous ne sommes plus à dire que les politiques publiques doivent combattre le chômage et la précarité, mais qu’elles doivent s’y adapter. C’est un saut de taille.
[On est dans l’offensive pure et dure. On est dans une guerre menée contre les classes sociales les plus faibles pour le profit des 1% les plus riches.]
Disons plutôt les 30% les plus riches…
(1) Qui plus est, le mécanisme « à points » est pro-cyclique : en période de récession les dépenses des retraités diminuent, ce qui approfondit encore la récession, en période d’expansion les dépenses des retraites augmentent, ce qui favorise la surchauffe. Or, le grand avantage du système de retraites à prestations fixées tel que nous le connaissons, est que les dépenses des retraités sont constantes : en bas du cycle économique elles tendent à maintenir la demande, en période de surchauffe elles n’augmentent pas. Cela explique pourquoi la France a des cycles économiques bien moins prononcés que les pays anglo-saxons, par exemple.
Je vais etre un peu polemique :
Le plein emploi et la forte croissance economique ne sont ils pas un accident de l histoire ?
Si on reflechit bien, ca ete la consequence de plusieurs phenomenes:
– 2 guerres mondiales (les destructions ont cree une demande et les nombreux morts ont reduit l offre de travail). Au niveau social, la forte inflation, la mort au combat de nombreux heritiers ont permit une redistribution des cartes (le rentier de 1900 a disparu)
– la mise hors course d une grande partie de la population mondiale (la chine ou l inde n existaient pas economiquement il y a encore 30 ans)
– une energie abondante et bon marché : le petrole. C est pas pour rien si la croissance francaise a commence a tousser quand le prix du petrole a explosé
Je pense qu helas nous avons encore rien vu car l economie francaise va faire face a des defis qu elle est incapable de relever : par ex https://intelligence-artificielle.developpez.com/actu/287560/Un-camion-autonome-a-livre-du-beurre-de-la-Californie-en-Pennsylvanie-en-trois-jours-dans-ce-qui-semble-etre-une-premiere-dans-l-industrie-du-fret-commercial-selon-un-rapport/
Vous imaginez le nombre de chomeurs si on supprime taxi et routiers ?
@ cdg
[Je vais être un peu polémique : Le plein emploi et la forte croissance économique ne sont-ils pas un accident de l’histoire ?]
Vous n’êtes pas du tout « polémique », et la réponse est bien entendu « oui ». Les périodes de plein emploi sont l’exception dans l’histoire économique, et non la règle. Et cette exceptionnalité est conforme à la théorie économique : il n’y a aucune raison que le marché, fut il « pur et parfait », aboutisse à une utilisation totale du facteur travail. Le plein emploi ne peut donc en principe résulter des mécanismes de marché.
Oui, le plein emploi est le résultat des trois facteurs que vous citez : rattrapage des destructions de guerre, énergie abondante et bon marché, marginalisation d’une partie du monde. Mais vous oubliez un quatrième encore plus important que tous les autres : l’intervention massive des états dans l’économie pour contrer les mécanismes de marché. Pour montrer l’importance de ce facteur, il suffit de comparer la suite de 1945 à celle de 1918. En 1918 les conditions que vous citez étaient aussi bien remplies qu’en 1945. La différence, c’est qu’après 1918, on a mis en œuvre les politiques libérales du « laissez faire ». Cela a abouti à la crise de 1929, comme le montre Galbraith. En 1945, la leçon de 1929 était encore présente et les libéraux discrédités. Ce sont les politiques keynésiennes qui se sont imposées contre le marché, et c’est cela qui a permis trente ans de plein emploi et de croissance économique continue.
Vous avez donc tout à fait raison : le plein emploi n’est possible qu’en tournant le dos au libéralisme, parce que la régulation de marché ne peut jamais garantir que toute l’offre trouvera preneur.
[Je pense que, hélas, nous avons encore rien vu car l’économie française va faire face à des défis qu’elle est incapable de relever : par ex (…)]
Pouvez-vous m’expliquer en quoi l’économie française serait « incapable » de relever un tel défi ? Au contraire, pour faire face aux « défis » qu’apporte le numérique et l’intelligence artificielle la tradition jacobine d’un état fort et stratège portant les projets stratégiques est un atout. Si le XXIème siècle est celui de la Chine, nous devrions être rassurés : le modèle politique et symbolique de la Chine avec son Etat omniprésent et méritocratique ressemble bien plus au notre que le modèle anglo-saxon.
Bien entendu, pour pouvoir relever ces défis, il faudra arrêter de singer les libéraux Allemands ou les anglo-saxons, et revenir à ce qui a toujours fait notre force…
“Pouvez-vous m’expliquer en quoi l’économie française serait « incapable » de relever un tel défi”
la france est jusqu a maintenant completement larguee en ce qui concerne le numerique ou l IA (si vous doutez, essayez de nommer une seule entreprise francaise. Y a t il en france quelqu un qui concoit des voitures autonomes ou autre chose de vraiment novateur ?). Rien n est perdu certes mais disons que la partie est mal engagee
” la tradition jacobine d’un état fort et stratège portant les projets stratégiques est un atout”
C est un atout si vous avez
– des dirigeants capable de determiner quels sont les domaines strategiques a privilegier (pas evident. il faut etre visionnaire) et surtout capable d arreter un projet si on se rend compte qu on a fait fausse route (accepter de prendre des pertes, d etre critique pour un gaspillage voire mettre a mort une filiere economique qui ne vit que des commandes d etat (supposons que demain on soit capable de faire de l electricite d une autre facon (peut importe laquelle pour mon exemple) , vous voyez macron decreter l arret de l EPR et la mise en faillite d Areva ?
– un etat qui est capable de porter des projets strategiques : soyons clair, electoralement parlant c est pas rentable et c est la seule chose qui interesse nos dirigeants. Il vaut mieux augmenter les retraites qu investir dans le CNRS
Meme si je suis pas un admirateur beat du marche pour l allocation des moyens, je suis pas sur que l etat puisse vraiment faire mieux. A part si on a des dirigeants d exception de type De Gaulle. Mais avec des gens du gabarit Hollande ou Sarkozy (ce dernier a eut une occasion en or en 2008 pour remettre de l ordre dans le systeme bancaire. il l a laissé passer)
“Si le XXIème siècle est celui de la Chine, nous devrions être rassurés : le modèle politique et symbolique de la Chine avec son Etat omniprésent et méritocratique”
Je sais que le communiste qui est en vous doit se rejouir de voir un pays communiste triompher, mais personnellement j ai pas tres envie de vivre dans une dictature avec des cameras partout, de la reconnaissance faciale et un espionnage generalisé des citoyens
Sur le coté meritocratique c est vrai a un certain niveau. Et c est impressionnant et c est pour ca que je pense qu ils vont nous exploser. Mais ils ont aussi leurs problemes: leur systeme de concours pousse au bachotage et bride la creativité. Le systeme politique fait que pour reussir il faut avoir les bonnes connections (savez vous ce qu est un prince rouge ?) et une bonne parti de la population ne pense qu a s enrichir a tout prix (c est juste freine par la peur du gros coup de baton mais ni l un ni l autre pousse a l innovation).
C est vrai qu on devrait arreter de singer les USA avec les histoires de genres (cf Haas) ou de races (cf Dialo). Sur le plan economique, je suis pas sur que restaurer le capitalisme de connivence soit une bonne idee. Car soyons clair, si nous restaurons un “etat stratege”, il va etre pillé par les gens bien introduit en cour, etre sommé de donner des contrats a l entreprise pas la plus competante mais qui menace de fermer (genre acheter des TGV pour les faire rouler sur des voies normales)…
PS:
– il y a une seule entreprise francaise de high tech de rang mondial : c est dassault systeme
– comme vous l avez ecrit une fois, on ne peu pas tout faire. si on doit investir lourdement dans des secteurs nouveau il faut soit diminuer sensiblement les prestations (premier poste de depense c est les retraites. on s en sortira pas en faisant des economies sur la moquette de l elysee) ou augmenter sensiblement les impots (la derniere tentative a donné les gilets jaunes). Je sais que vous pensez taxer uniquement les “riches” mais si on taxe uniquement les 0.1 % de francais les plus riche, ca fera comme la taxe sur les yatchs : pschitt
Et de toute facon il restera un probleme majeur et non financier. comment faire pour avoir une generation d ingenieur valable ? l education nationale en est incapable, la societe privilegie le bling bling et les paillettes. Et ceux qui ont un diplome d ingenieur se rendent vite compte que s ils veulent progresser il faut pas rester dans la technique (ou alors pas en france)
@ cdg
[La France est jusqu’à maintenant complètement larguée en ce qui concerne le numérique ou l’IA (si vous doutez, essayez de nommer une seule entreprise française. Y a-t-il en France quelqu’un qui conçoit des voitures autonomes ou autre chose de vraiment novateur ?). Rien n’est perdu certes mais disons que la partie est mal engagée]
J’aimerais un jour comprendre pourquoi les natifs de notre pays ont une telle tendance à s’auto-flageller. Pourquoi faut-il qu’ils connaissent si mal les réalisations de leur propre pays, et qu’ils les dévalorisent devant n’importe quel charlatan venu d’ailleurs.
Non, la France n’a pas été « jusqu’à maintenant » complètement larguée en ce qui concerne le numérique ou l’IA, au contraire. C’est chez nous qu’on a vu le premier usage massif des technologies numériques, avec le minitel (qu’il est de bon ton de railler aujourd’hui, mais qui était une invention révolutionnaire pour l’époque) mais aussi avec le ticket de métro magnétique. C’est chez nous qu’on a inventé la carte à puce et l’infrastructure de sécurité de la carte bleue, plus tard adoptée par les grands réseaux de paiement internationaux. C’est chez nous qu’on a développé les premiers métros totalement automatiques (le VAL). Et je ne parle même pas des simulateurs de centrale nucléaire et autres systèmes moins connus du grand public, ou des travaux de l’INRIA.
Vous me demandez des noms d’entreprises françaises ? Mais… là encore, je trouve que vous avez des raisonnements bien peu libéraux. Pourquoi voulez-vous que les entrepreneurs français se consacrent à ces sujets, alors que les gains sont aléatoires ? Les seuls pays qui ont des entreprises puissantes dans ces domaines sont les pays ou l’Etat intervient fortement et assure à ces entreprises contre les risques de l’innovation en leur réservant ses marchés. En ce sens-là, je ne peux que vous donner partiellement raison : depuis que nous sommes soumis aux règles de la libre concurrence européenne, il est vrai que l’économie française est incapable de relever ces défis. Mais c’est une incapacité voulue par nos dirigeants, et non une incapacité structurelle.
[” la tradition jacobine d’un état fort et stratège portant les projets stratégiques est un atout”
C’est un atout si vous avez des dirigeants capables de déterminer quels sont les domaines stratégiques a privilégier (pas évident, il faut être visionnaire) et surtout capable d’arrêter un projet si on se rend compte qu’on a fait fausse route (accepter de prendre des pertes, d’être critique pour un gaspillage voire mettre à mort une filière économique qui ne vit que des commandes d’état (supposons que demain on soit capable de faire de l’électricité d’une autre façon (peu importe laquelle pour mon exemple) , vous voyez macron décréter l’arrêt de l EPR et la mise en faillite d’Areva ?]
Il y dans ce commentaire des choses que je partage et d’autres moins. Quand vous dites « des dirigeants capables de déterminer quels sont les domaines stratégiques », je ne partage pas votre vision. Le progrès s’est toujours fait par des gens qui ont pris le risque d’explorer des voies diverses, avec des succès quelquefois et des échecs le plus souvent. C’est ainsi que procède le privé, et je ne vois pas comment l’Etat pourrait procéder autrement. Pour réussir à tous les coups, il vaut plus que des « visionnaires », il faut des « voyants ». L’important pour moi est moins d’éviter les erreurs que de les capitaliser. Un projet qui échoue n’est pas forcément une perte complète. Prenons le cas de Concorde. Ceux qui l’ont lancé étaient-ils des « visionnaires » ? Probablement pas, puisqu’ils n’ont pas vu que les chocs pétroliers allaient rendre leur produit industriellement inviable. Cependant, ce projet a eu une postérité très importante, permettant de former des ingénieurs et de constituer une capacité industrielle qui ont rendu possible le succès d’Airbus.
Par contre, et là je suis plus proche de votre position, il est essentiel d’avoir la capacité d’évaluer les projets, et de les arrêter lorsqu’on estime qu’on en a extrait tout le « jus » qu’on pouvait extraire. Mais de ce point de vue, on n’est historiquement pas si mal placés : on a arrêté Concorde, on a arrêté le Minitel, on a arrêté la filière nucléaire Graphite-Gaz. Et je pense que si demain on trouvait une manière plus efficace de faire de l’électricité, on arrêterait probablement le nucléaire. J’aurais tendance à dire plus : ces temps-ci, on arrête des projets un peu trop facilement, alors qu’ils n’ont pas encore donné tous les fruits qu’on pouvait espérer : pensez à Astrid, à Superphénix… quant à l’EPR, il est virtuellement arrêté.
[– un état qui est capable de porter des projets stratégiques : soyons clair, électoralement parlant ce n’est pas rentable et c’est la seule chose qui intéresse nos dirigeants. Il vaut mieux augmenter les retraites qu’investir dans le CNRS]
Voyez-vous, je ne suis pas totalement persuadé. Les grands programmes industriels ont été pour le gaullisme un « plus » électoral considérable. Le France, les essais de la dissuasion nucléaire, Concorde, le Minitel ont été des programmes populaires, qui ont alimenté la fierté nationale. Il est difficile de quantifier l’effet électoral, mais je ne pense pas qu’il ait été négligeable.
Evidemment, cela suppose un calcul électoral sur le long terme, et donc une continuité du même parti au pouvoir. De ce point de vue, l’alternance est un désastre puisqu’elle prive le parti au pouvoir des récompenses des politiques de long terme. Comme disait je ne sais plus qui, la France n’est jamais aussi bien gouvernée que quand la droite est forte au pouvoir, et la gauche est forte dans la rue. C’est cet équilibre qui s’est brisé en 1981.
[Même si je ne suis pas un admirateur beat du marché pour l’allocation des moyens, je ne suis pas sûr que l’état puisse vraiment faire mieux.]
Pourtant, si vous suivez votre propre raisonnement, vous devriez. Relisez les conditions que vous avez listé plus haut. Des dirigeants « visionnaires » ? Il n’y a aucune raison qu’ils soient plus nombreux dans le privé que dans le public. La capacité à arrêter des projets en défiant les intérêts construits autour d’eux ? La dictature du court terme ? Elle est bien plus forte dans les entreprises que dans l’Etat, ne serait-ce que parce que l’Etat est une institution « éternelle », contrairement à l’entreprise. Supposer que le privé est mieux placé que l’Etat, c’est supposer que l’actionnaire est plus rationnel, plus intelligent et moins impatient que l’électeur. Pensez-vous vraiment que ce soit le cas ?
Pour moi, l’Etat est mieux placé que le privé sur ces sujets pour deux raisons. La première est que l’entreprise privée est structurellement ancrée dans le court terme. Si elle ne gagne pas de l’argent rapidement, elle meurt. L’Etat n’est pas soumis à cette contrainte structurelle. Il lui est donc possible – je dis bien possible, cela ne veut pas dire qu’il le fasse toujours – de penser le long terme. La seconde est que l’entreprise privée est au service d’un seul intérêt, celui de l’investisseur qui a apporté le capital. Or, cet intérêt n’a aucune raison de se confondre ni même d’être compatible avec l’intérêt général.
[“Si le XXIème siècle est celui de la Chine, nous devrions être rassurés : le modèle politique et symbolique de la Chine avec son Etat omniprésent et méritocratique” Je sais que le communiste qui est en vous doit se réjouir de voir un pays communiste triompher,]
Je ne considère pas la Chine comme un « pays communiste ». La pique était donc inutile…
[mais personnellement je n’ai pas très envie de vivre dans une dictature avec des caméras partout, de la reconnaissance faciale et un espionnage généralisé des citoyens.]
La question n’est pas là. Vous m’expliquiez votre inquiétude sur le fait que l’économie française n’était pas en mesure de relever les défis du numérique et de l’intelligence artificielle. Je me contente de vous montrer qu’un pays avec un modèle assez semblable au notre semble en être parfaitement capable. C’est tout. Après, je ne suis pas persuadé que l’espionnage soit plus généralisé en Chine qu’aux Etats-Unis. Il prend simplement des formes différentes…
[Sur le coté méritocratique c’est vrai a un certain niveau. Et c’est impressionnant et c’est pour ça que je pense qu’ils vont nous exploser. Mais ils ont aussi leurs problèmes: leur système de concours pousse au bachotage et bride la créativité.]
Personnellement, je me suis toujours méfié du discours qui veut que l’effort et l’étude « brident la créativité ». Comme si la « créativité » tombait du ciel ou était inscrite dans nos gènes. Il faut être très savant pour inventer quelque chose de nouveau. Pour commencer, il faut connaître tout ce qui a été inventé auparavant, autrement on risque fort d’inventer quelque chose qui a déjà été inventée par quelqu’un d’autre.
[Le système politique fait que pour réussir il faut avoir les bonnes connections (savez-vous ce qu’est un prince rouge ?)]
Il est vrai que les « fils de » c’est tellement rare en Europe…
[et une bonne partie de la population ne pense qu’à s’enrichir a tout prix (c’est juste freine par la peur du gros coup de bâton mais ni l’un ni l’autre pousse à l’innovation).]
Pas du tout comme aux Etats-Unis, par exemple, ou les gens méprisent l’argent et ne poursuivent que des buts de perfectionnement moral et intellectuel, vous voulez dire ?
[C’est vrai qu’on devrait arrêter de singer les USA avec les histoires de genres (cf Haas) ou de races (cf Dialo). Sur le plan économique, je ne suis pas sûr que restaurer le capitalisme de connivence soit une bonne idée.]
Vous n’avez pas besoin de le « restaurer », il n’a jamais disparu et il est aujourd’hui aussi fringant que naguère. Au risque de me répéter, « capitalisme de connivence » est un pléonasme. Qui dit capitalisme dit forcément connivence. Parce que le capitalisme se distingue par le fait que la bourgeoisie est la classe dominante. Et il faut être très naïf pour imaginer que la bourgeoisie ne profitera pas de sa puissance « dominante » pour faire payer par d’autres ses pertes tout en gardant pour elle les profits. Vous parlez d’un capitalisme idéal dans lequel la classe dominante s’autolimiterait, ou pouvant le faire elle renoncerait d’elle-même à faire supporter le risque inhérent à toute entreprise à d’autres. Ce capitalisme idéal n’existe pas : la socialisation des pertes et la privatisation des profits est intimement inscrite dans la structure même du capitalisme.
[Car soyons clair, si nous restaurons un “état stratège”, il va être pillé par les gens bien introduit en cour, être sommé de donner des contrats a l’entreprise pas la plus compétente mais qui menace de fermer (genre acheter des TGV pour les faire rouler sur des voies normales) …]
Mais si nous nous contentons d’un Etat régulateur, nous savons qu’il sera utilisé par ces mêmes gens « bien introduits en cours » pour faire les régulations qui bénéficient à l’entreprise la mieux introduite, ou plus banalement celle qui peut payer les meilleurs pots de vin. Alors, à tout prendre, je préfère l’Etat stratège. Des deux options, c’est celle qui a le mieux marché chez nous.
[– il y a une seule entreprise française de high tech de rang mondial : c’est Dassault Systemes]
C’est-à-dire, une entreprise qui a pu croître et se développer sur la base d’un marché strictement contrôlé par l’Etat. J’ajoute que vous exagérez un peu : Thalès est aussi une « entreprise française de High Tech de rang mondial », qui elle aussi bénéficie de cette même protection. Etrange, n’est-ce pas ?
Et oui, vous énoncez une vérité d’évidence : il ne peut y avoir « d’entreprise Hight Tech de rang mondiale » qui ne bénéficie dans son pays d’origine d’un marché protégé ou de subventions déguisées sous forme de contrats réservés. Je vous mets au défi de m’indiquer une entreprise « de High Tech de classe mondiale » qui ne remplisse pas cette condition. Microsoft ? Google ? Elles sont choyées et protégées par l’état américain. Space X ? Subventionnée en sous-main par les crédits de la NASA. Huawei ? Choyée par l’Etat chinois et en situation de quasi-monopole. Et souvenez-vous, nous avions aussi en France des « entreprises High Tech de classe mondiale » quand notre marché était protégé et les aides d’Etat possibles : Thomson-CSF, Alcatel, Alsthom, Gemalto, SIS, CII…
[– comme vous l’avez écrit une fois, on ne peut pas tout faire. Si on doit investir lourdement dans des secteurs nouveaux il faut soit diminuer sensiblement les prestations (premier poste de dépense c’est les retraites, on ne s’en sortira pas en faisant des économies sur la moquette de l’Elysée) ou augmenter sensiblement les impôts (la dernière tentative a donné les gilets jaunes).]
Oui et non. D’abord, regardons la balance du commerce extérieur. Le déficit de la balance des biens est de l’ordre de 60 Md€ par an. Si l’investissement dans les secteurs stratégiques nous permettait d’équilibrer notre commerce extérieur, cela ferait déjà une belle somme à récupérer. Ensuite, pensez à toutes les dépenses, subventions, exonérations et autres douceurs faites aux entreprises pour leur permettre d’être « compétitives » dans un marché ouvert. Il y a là encore pour des dizaines de milliards. Et finalement, pensez aux sommes perdues du fait de l’optimisation fiscale permise là encore par les règles européennes de libre circulation des capitaux. Encore des dizaines de milliards perdus. Il y a là de quoi financer pas mal de recherche et de développement et pour protéger les industries stratégiques, vous ne trouvez pas ?
Mais vous avez raison, il faudrait probablement tailler dans certaines dépenses. Et je ne doute pas que les Français accepteraient plus facilement la baisse de certaines prestations ou les hausses de certains impôts s’ils voyaient à l’autre bout les sommes ainsi récupérées utilisées pour financer des projets dont ils pourraient être fiers. Evidemment, c’est plus difficile à faire accepter quand ces sacrifices servent à subventionner les profits toujours en hausse du CAC40 ou à satisfaire les exigences de Bruxelles.
[Je sais que vous pensez taxer uniquement les “riches” mais si on taxe uniquement les 0.1 % de français les plus riche, ça fera comme la taxe sur les yatchs : pschitt]
Vous me connaissez assez pour savoir que je ne suis pas de ceux qui parlent du « 1% contre 99% ». Non : le bloc dominant dans notre pays est fait de 1% de bourgeoisie et 30% de classes intermédiaires. C’est déjà une assiette fiscale plus raisonnable. Mais sur le fonds, vous savez bien que l’impôt que je favorise le plus est l’impôt sur l’argent inutilisé, c’est-à-dire, l’impôt inflationnaire.
[Et de toute façon il restera un problème majeur et non financier. Comment faire pour avoir une génération d’ingénieurs valable ? L’éducation nationale en est incapable, la société privilégie le bling bling et les paillettes. Et ceux qui ont un diplôme d’ingénieur se rendent vite compte que s’ils veulent progresser il ne faut pas rester dans la technique (ou alors pas en France)]
Le besoin crée l’organe. L’éducation nationale, même dans l’état où elle est, est parfaitement capable de produire de bons ingénieurs s’il y a des candidats d’élite intéressés par le métier. Développez des grands programmes offrant aux jeunes ingénieurs l’opportunité de construire des installations et de produire des objets dont ils pourront être fiers, et vous aurez de bons ingénieurs. C’est la mort programmée de notre industrie qui pousse les ingénieurs à sortir de la technique, et non l’inverse.
Reste que cela passe effectivement par un changement social profond, réhabilitant la production par rapport à la consommation, et donc le travail par rapport au loisir, les classes laborieuses par rapport aux couches oisives. Ce qui n’est pas évident tant que ces dernières restent dominantes…
@cdg
> la france est jusqu a maintenant completement larguee en ce qui concerne le numerique ou l IA (si vous doutez, essayez de nommer une seule entreprise francaise. Y a t il en france quelqu un qui concoit des voitures autonomes ou autre chose de vraiment novateur ?)
Tous les grands constructeurs planchent sur le sujet des voitures autonomes. Renault par exemple. Je pense que vous êtes victime du discours californiolâtre ambiant, dans lequel il n’y a que Google et Elon Musk qui « innovent » et le reste du monde est peuplé d’archaïques mammouths.
Soit dit en passant, si l’industrie ne suit pas forcément, il y a de très brillants chercheurs français. Le chercheur le plus connu au niveau mondial en ce qui concerne l’apprentissage profond, par exemple, est français (Yann Le Cun).
> Et de toute facon il restera un probleme majeur et non financier. comment faire pour avoir une generation d ingenieur valable ?
Les ingénieurs valables existent déjà, par contre en effet ils se retrouvent souvent à travailler pour des entreprises étrangères.
Je ne vois pas vraiment le raisonnement sous cet angle, ayant vécu tant de gouvernements qui nous ont fait évoluer petit à petit vers le marasme éhonté actuel, et je le précise, qui est VOULU.
Ce paragraphe montre toute l’hypocrisie de cet, non je ne puis dire homme, il n’a rien d’humain, que du bestial sans vouloir froisser nos amis les bêtes. Ce sont eux qui ont construit petit à petit le niveau de bêtitude du peuple, qui y a plongé sans y voir malice, méchanceté, orgueil et surtout mépris manipulatoire.
Les écoles ont changé d’orientation, moins de professeurs, moins de bâtiments, moins de classes, et des méthodes de plus en plus discutables d’enseignement, je me demande encore pourquoi les encadrants et les parents n’ont pas fait une grève monstre à chaque fois, tout comme pour les vaccins, 11 pour des bébés. A ce point c’est le génocide assuré, je connais nombre de mères qui font les cours à leurs enfants, qui trouvent des médecins qui ne vaccinent que pour les 3 obligatoires, à l’étranger souvent, car tout est fait pour bloquer les bonnes volontés.
Alors non, cet individu dégénéré ne pense pas, il agit pour ses sbires, il a été catapulté par les riches, et fait comme s’il ne pouvait plus y remédier, mais ce sont ses collègues qui ont instauré ces changements, et à moins de tout changer nous-mêmes, on sera de plus en plus esclaves, car les belles et bonnes études et tout le reste seront réservés pour l’élite, quand je dis élite, je ne pense pas au vrai sens du mot bien sûr
@ winsley
[Je ne vois pas vraiment le raisonnement sous cet angle, ayant vécu tant de gouvernements qui nous ont fait évoluer petit à petit vers le marasme éhonté actuel, et je le précise, qui est VOULU.]
Au risque de me répéter, je ne partage pas cette vision moraliste. Je ne crois pas que quiconque ait « voulu » le marasme actuel, c’est-à-dire qu’il y ait quelque part quelqu’un, personne ou groupe, qui ait décidé de transformer notre beau pays pour en faire ce qu’il est aujourd’hui. Je pense au contraire que le marasme actuel n’a jamais été voulu, mais il est la conséquence logique de politiques dont le but était de servir certains intérêts. La bourgeoisie et les classes intermédiaires n’ont pas « voulu » dégrader la protection sociale, soumettre le pays aux intérêts allemands ou détruire l’école. Ils ont « voulu » préserver et augmenter leurs privilèges. La dégradation, la soumission, la destruction n’ont été que des moyens, et non des finalités.
[Les écoles ont changé d’orientation, moins de professeurs, moins de bâtiments, moins de classes, et des méthodes de plus en plus discutables d’enseignement, je me demande encore pourquoi les encadrants et les parents n’ont pas fait une grève monstre à chaque fois, tout comme pour les vaccins, 11 pour des bébés.]
Là, je ne vous suis pas. Moins de professeurs ? Non, c’est le contraire : il n’y a jamais eu autant de professeurs qu’aujourd’hui. Même chose pour les bâtiments ou les classes. La massification de l’éducation au cours du dernier demi-siècle est une réalité qu’il est difficile de contester. Le problème de notre école n’est pas tant dans les moyens que dans les objectifs qu’elle poursuit, les connaissances qu’elle transmet, les exigences qu’elle manifeste. Quant aux vaccins, là encore le progrès est incontestable : en un demi-siècle des maladies infectieuses qui étaient de véritables fléaux sont devenus marginales quand elles n’ont tout bonnement disparu. Faire la grève contre les vaccins, c’est se tirer une balle dans le pied. Pire : c’est tirer une balle dans les pieds de tous les membres de la collectivité.
[A ce point c’est le génocide assuré, je connais nombre de mères qui font les cours à leurs enfants, qui trouvent des médecins qui ne vaccinent que pour les 3 obligatoires, à l’étranger souvent, car tout est fait pour bloquer les bonnes volontés.]
« Le génocide assuré » ? Vous ne trouvez pas que vous exagérez un tout petit peu ? Soyons sérieux : quelle que soit la dégradation de notre système scolaire, la scolarisation reste une bien meilleure solution que la scolarisation à la maison, qui enferme l’enfant dans un discours et un système de relations complètement clos. Quant aux vaccins, je ne comprends pas ce que cela veut dire les « 3 obligatoires », vu que l’obligation vaccinale a été étendue en France aux 11 maladies à compter du premier janvier 2018. Les parents qui se limitent à vacciner contre trois maladies sont donc en infraction à la loi, et ce qui est encore plus grave, compromettent la santé de leur enfant.
[Alors non, cet individu dégénéré ne pense pas, il agit pour ses sbires,]
« Individu dégénéré »… « sbires »… ce genre d’imprécation vous procure peut-être une satisfaction morale, mais pensez-vous que cela fasse avancer le schmilblick ? Personnellement, j’en doute.
Juste un rappel pour ceux qui pensent encore voir quelques gaullistes parmi les différents derniers gouvernements. De Gaulle affirmait avec force: “la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille” (de la Bourse). On peut toutefois difficilement le considérer comme un redoutable bolchévik. Et s’il a bien tenté d’adoucir les choses pour le grand patronat, il n’a pourtant jamais osé attaquer frontalement le programme du CNR. Sans doute par nécessité et réalisme politique mais peut-être également parce qu’il avait au moins compris la claire opposition entre capital et travail. D’où sa volonté d’inventer une…”participation” ? Bref, il devait être habité malgré tout par quelque notion de “social”. Un vrai ringard…
Méc-créant.
(Blog: “Immondialisation: peuples en solde!”)
@ Méc-créant
[Sans doute par nécessité et réalisme politique mais peut-être également parce qu’il avait au moins compris la claire opposition entre capital et travail. D’où sa volonté d’inventer une…”participation” ? Bref, il devait être habité malgré tout par quelque notion de “social”. Un vrai ringard…]
De Gaulle s’inscrit dans une tradition aristocratique. Une vision qui est à l’opposé de la vision libérale du marché et du règne de l’argent, tout en rejetant l’écrasement égalitaire associé au communisme. La pensée gaullienne n’exclut pas les inégalités, à condition qu’elles soient modérées et de préférence fondées sur le mérite et l’effort. L’invention de la « participation » comme solution à la lutte des classes tient toute entière dans cette vision. L’entreprise est un effort collectif, et il faut que le prolétaire participe aux fruits de cet effort au même titre que le patron. C’est une vision idéaliste, qui suppose que les patrons sont prêts à partager, et c’est pourquoi elle a échoué.
Ce qui fait la modernité du gaullisme, c’est paradoxalement son archaïsme. Le gaullisme, c’est l’idéal chevaleresque adapté au XXème siècle.
tout a fait. De Gaulle etait en fait un homme de XIX sciecle. Pour lui des mots comme honneur ou patrie avait un sens. L argent c etait une chose pour les boutiquiers
Vision qui doit sembler etrange a des gens nes dans les annees 80 elevé au bling bling Mitterrandien (a partir de 83) puis Sarkozyiste
@ cdg
[tout a fait. De Gaulle etait en fait un homme de XIX sciecle. Pour lui des mots comme honneur ou patrie avait un sens. L argent c etait une chose pour les boutiquiers]
Pardon, mais le XIXème siècle, c’était le siècle des banquiers, celui du “enrichissez-vous” de Guizot. De Gaulle n’était pas plus homme du XIXème qu’il n’était du XVIème ou du XIIIème. Il portait une vision idéaliste qui est elle-même intemporelle. Vous trouverez des échos de cette même vision dans le discours d’un Richelieu, d’un Bonaparte ou d’un Clemenceau.
[Vision qui doit sembler étrange a des gens nés dans les années 80 élevé au bling bling Mitterrandien (a partir de 83) puis Sarkozyiste]
Elle est étrange non pas parce qu’elle est d’une autre époque, mais parce que la France post-81 a perdu la capacité d’idéalisation. L’individualisme hédoniste post-soixante-huitard a noyé les extases mystiques et autres douceurs idéologiques dans les eaux froides du calcul égoïste, celui du “et moi, et moi, et moi”. Vous ne trouverez peut-être plus grand monde pour mourir pour l’honneur et la patrie, mais vous ne trouverez pas non plus du monde pour mourir pour le socialisme ou pour la République…
La plus mauvaise négociation et la plus coûteuse,pour un pourrissement cgtphobique ,construit par le gouvernement,voici le cauchemard orchestré par un président de 42 ans qui a l’outrecuidance de présenter ces ‘voeux’ ..Au commencement, il y a un doute : quelle est donc cette réforme ,pour laquelle le pouvoir est prêt à prendre tous les risques politiques pour le bien des gens, contre leur volonté ? Et si ce projet est tellement juste et porteur de progrès, pourquoi ne pas l’appliquer immédiatement au lieu de prétendre rassurer en étalant sur le très long terme ce drap de bonheur, de justice et d’équité ?Ensuite, se révèle le vrai visage de la réforme avec une étrangeté : pourquoi baisser l’assiette de cotisation au nouveau régime de 8 à 3 plafonds de Sécurité sociale ? Et ainsi priver le futur régime des cotisations nécessaires à équilibrer les droits déjà acquis. Un trou qui se creusera méthodiquement pour atteindre 65 milliards d’euros et dont on nous dit que les réserves actuelles pourraient être mobilisées pour le combler. Exiger le maintien de l’assiette de cotisation, c’est défendre l’ensemble des salariés, tous salaires confondus, ayant constitué des réserves pour se prémunir des aléas économiques et des vagues démographiques que le projet veut utiliser à d’autres fins.Après vient le débat sur la part des retraites dans le PIB. Comptabilisées dans les dépenses publiques, nos retraites sont mal vues par Bruxelles : 14 %, c’est beaucoup trop. Il faut abaisser ce chiffre comme la Commission le recommande inlassablement à la France depuis des années. Comme un aveu, le nouveau commissaire français se réjouit de cette réforme « nécessaire » . En France, le temps de vie en retraite a plus que doublé en soixante-dix ans par l’effet de la productivité, de la croissance et du progrès social. Ainsi, on déciderait que le progrès s’arrête là, que les futurs gains de productivité ne profiteront plus au travail et à la partie différée du salaire servie en retraite. Voilà le destin promis à la retraite par répartition dans un système unique à points : la décroissance, chacun étant invité, selon ses moyens, à mieux se pourvoir avec des régimes complémentaires par capitalisation.Les avis convergent pour contredire la communication gouvernementale. Non, le futur système ne fait pas une bonne place aux carrières incomplètes, notamment celles des femmes qui seront défavorisées par l’âge et le niveau de pension. Les carrières dites « ascendantes », qui identifient la classe moyenne, seraient aussi défavorisées par l’abandon de la référence aux 25 meilleures années. Quant aux agents des fonctions publiques, ils sont inondés de belles promesses que chacun sait intenables avec un point d’indice bloqué depuis dix ans comme preuve de la valeur des engagements de l’Etat.
Pourtant, le gouvernement s’arc-boute. Méprisant la pertinence des critiques et la justesse des revendications, il s’en tient à un défaut de pédagogie pour seule excuse du désordre et de l’inquiétude que son projet suscite dans le pays tout entier.En diminuant l’assiette de cotisation, en décrétant la baisse nécessaire de la répartition dans le PIB, en renvoyant le calcul des pensions à une seule valeur de point aussi aléatoire que les crises économiques à venir sont certaines, le projet de l’exécutif rend nécessaire l’établissement de régimes complémentaires par capitalisation. Voilà pourquoi, toutes concessions faites aux grincheux, il faut rendre le futur système « irréversible ».Dans un modèle social français déconstruit par trente années de réformes néolibérales, la retraite par répartition est la dernière citadelle à prendre. Depuis des lustres, les grands fonds de pensions internationaux lorgnent avec gourmandise sur la retraite française . Avec son projet de régime unique, le pouvoir fait rentrer le monstre par une porte dérobée.
@ Francis Hummerol
[La plus mauvaise négociation et la plus coûteuse, pour un pourrissement cgtphobique ,construit par le gouvernement, voici le cauchemar orchestré par un président de 42 ans qui a l’outrecuidance de présenter ces ‘vœux’…]
Laissons de côté le lyrisme, et revenons aux faits. Je ne vois pas où serait « l’outrecuidance » de la part de Macron de nous présenter ses vœux. C’est une cérémonie traditionnelle, qui permet – je dirais même « oblige » – le chef de l’Etat à adresser ses vœux à la nation. Et Macron a été élu président de la République par le peuple français. Il est donc tout à fait normal et en rien « outrecuidant » de nous présenter ses vœux.
Mais plus profondément, je ne crois pas un instant que le gouvernement ait dans cette affaire « orchestré » quoi que ce soit. Ce serait à mon avis confondre léthargie et stratégie. Je pense que le gouvernent en général et le président en particulier a été surpris par ce mouvement tout comme il avait été surpris par celui des gilets jaunes. La faiblesse de ce gouvernement, c’est son incapacité à concevoir l’idée qu’il existe dans une société des conflits irréductibles. Et qu’étant irréductibles, il ne suffit pas de trouver la bonne « pédagogie » pour les faire disparaître, tout simplement parce qu’il s’agit d’un choc d’intérêts opposés. Pour le dire autrement, le gouvernement ne réalise pas qu’on peut parfaitement comprendre la réforme, et être contre elle quand même.
Ne comprenant pas la dynamique des conflits, le gouvernement peut mal « orchestrer » une stratégie. On l’a vu avec les gilets jaunes, et on le voit aujourd’hui : la stratégie du gouvernement consiste à chaque fois à attendre, pensant un peu comme Queuille que « il n’y a pas de problème dont une absence totale de solution ne finisse pas par venir à bout ».
[Au commencement, il y a un doute : quelle est donc cette réforme, pour laquelle le pouvoir est prêt à prendre tous les risques politiques pour le bien des gens, contre leur volonté ? Et si ce projet est tellement juste et porteur de progrès, pourquoi ne pas l’appliquer immédiatement au lieu de prétendre rassurer en étalant sur le très long terme ce drap de bonheur, de justice et d’équité ?]
Là, je pense que vous faites erreur. Le système actuel a ses injustices, certes. Mais c’est un fait que les acteurs ont fait des plans et accepté des compromis pendant des longues années en échange de certaines conditions de retraite. Vous ne pouvez donc pas changer les termes du contrat immédiatement, quand bien même le nouveau système serait globalement plus « juste », sans porter atteinte à la confiance légitime dont les acteurs ont fait preuve lorsqu’ils ont signé leur contrat…
[Ensuite, se révèle le vrai visage de la réforme avec une étrangeté : pourquoi baisser l’assiette de cotisation au nouveau régime de 8 à 3 plafonds de Sécurité sociale ? Et ainsi priver le futur régime des cotisations nécessaires à équilibrer les droits déjà acquis.]
Pas vraiment. L’abaissement du plafond de cotisation sera compensé par une cotisation calculée sur l’ensemble du revenu mais qui ne donnera pas le droit à des points de retraite. En d’autres termes, au-delà de trois fois le plafond on continuera à cotiser, mais on ne touchera pas de retraite supplémentaire. C’est plutôt une mesure de réduction des inégalités, et on ne « creuse » aucun trou.
[Après vient le débat sur la part des retraites dans le PIB. Comptabilisées dans les dépenses publiques, nos retraites sont mal vues par Bruxelles : 14 %, c’est beaucoup trop. Il faut abaisser ce chiffre comme la Commission le recommande inlassablement à la France depuis des années. Comme un aveu, le nouveau commissaire français se réjouit de cette réforme « nécessaire » . En France, le temps de vie en retraite a plus que doublé en soixante-dix ans par l’effet de la productivité, de la croissance et du progrès social. Ainsi, on déciderait que le progrès s’arrête là, que les futurs gains de productivité ne profiteront plus au travail et à la partie différée du salaire servie en retraite.]
Là encore, vous extrapolez un peu trop. La Commission recommande à la France de réduire la part du PIB consacrée PAR LA DEPENSE PUBLIQUE aux retraites. Cela ne veut nullement dire que les retraités ne profiteront pas des gains de productivité, mais qu’elles en profiteront par le biais de systèmes de retraite privés – par capitalisation, par exemple. Ce que la Commission remet en cause n’est pas le niveau des retraites, mais la gestion publique de celles-ci.
[Non, le futur système ne fait pas une bonne place aux carrières incomplètes, notamment celles des femmes qui seront défavorisées par l’âge et le niveau de pension.]
Là, je ne comprends pas le raisonnement. Le système à points favorise clairement ceux qui ont fait des carrières « incomplètes » ou ceux qui ont changé plusieurs fois de régime de retraite. Quant aux femmes, on voit mal en quoi elles seraient « défavorisées ».
[Les carrières dites « ascendantes », qui identifient la classe moyenne, seraient aussi défavorisées par l’abandon de la référence aux 25 meilleures années.]
Là encore, c’est beaucoup moins évident que vous ne le dites. Tout dépend de la manière dont le point est calculé. Si vous partez d’une hypothèse de coût total constant (c’est-à-dire, que le point serait calculé de façon que le montant total des pensions distribuées soit le même) il est loin d’être évident que, pour une carrière linéaire, la moyenne sur les 25 meilleures années soit plus défavorable que le calcul par points…
A mon sens, le système à points est conceptuellement un bon système. La difficulté est qu’un système conceptuellement impeccable peut être techniquement inapplicable. Et c’est un peu ce qu’on voit aujourd’hui : un système universel, c’est une belle idée. Mais en même temps, on sent bien que les métiers n’ont pas tous les mêmes conditions d’exercice et que le système de retraites doit prendre en compte ces spécificités. Alors, il va falloir adapter le régime dit « universel » en donnant plus de points ici, en rabotant des points là-bas, en comptant double certaines années… et en fin de compte, on reconstruit les régimes spéciaux sans en dire le nom.
Pour moi, ce gouvernement est comme le chausseur qui déciderait de ne vendre plus qu’une taille de chaussures, et chercherait ensuite à raboter les pieds de ses clients pour pouvoir les chausser. Oui, « la même taille pour tout le monde » est un projet séduisant, qui permet de simplifier la gestion du stock et d’économiser l’essayage. Mais dans la réalité les tailles des pieds des clients sont diverses, et il faut faire avec parce que personne n’acceptera de se faire couper les orteils pour satisfaire son chausseur.
C’est toute la difficulté de la situation. Le gouvernement s’arque-boute sur une position incontestable en théorie, mais inadaptée à la réalité. Comment dans ces conditions pourrait-il entrer dans une négociation globale ?
Bonjour,
Votre texte, cher Descartes, aurait pu être un très beau discours fait lors d’une campagne électorale.
Ce que nous dit, très clairement, E. Philippe, beaucoup d’hommes politiques de tous bords le pensent tout bas, malheureusement. Mais il oublie de nous informer que les français ne sont pas les seuls à lutter contre “l’ordre établi”. Dans le monde en ce moment, de nombreux mouvements de masse se produisent, l”Algèrie, le Chili, le Liban… Je regrette d’ailleurs que ces luttes ont peu d’écho, ici. Mais bon…
Pour revenir à cette “contre- réforme” des retraites, elle ne fera qu’accentuer le chômage. C’est un point acquis. Et notre président, n’a t-il pas déclaré: “Le social en France, c’est un pognon de dingue!!!” Tout est dit dans ces quelques mots. Si cette réforme passe, à mon avis, d’autres vont suivre, la sécurité sociale, le RSA, encore un “pognon de dingue”!!! Tout doit être privatisé y compris l’humain même ses organes. Si je devais résumer la pensée de nos “élites”, ces “bons collaborateurs, les “classes populaires” doivent être asservies pour mieux les exploiter, je sais, c’est primaire mais à force de trop penser, non seulement nous pouvons nous épuiser et devenir impuissant!
Pour la privatisation des retraites, “BlackRock” est déjà dans les starting-block. Ce géant de la gestion d’actif EU gère lui 15000 mds$ dans le monde . C’est pas un “pognon de dingue”, ça? M. JF Cirelli, Patron de Blackrock France, a siégé au comité d’action public, CAP22, créé par Macron. Pour les curieux, voir l’article du “monde diplo” de janvier 2020!
Un petit mot sur les œuvres “sociales” de Ford et Michelin, pas les seul d’ailleurs. Ils voulaient aussi la paix sociale et c’était du paternalisme. C’est mon opinion!
@ dudu87
[Votre texte, cher Descartes, aurait pu être un très beau discours fait lors d’une campagne électorale.]
Vous voulez dire qu’il est rempli de mensonges et de fausses promesses ? 😉
[Ce que nous dit, très clairement, E. Philippe, beaucoup d’hommes politiques de tous bords le pensent tout bas, malheureusement.]
Sans aucun doute. Mais on peut reconnaître à Philippe le mérite de la franchise. Je ne connais pas d’homme politique qui dans un discours public ait formulé aussi clairement le fait que la précarité et le chômage de masse sont là pour les siècles des siècles, amen. Et que les politiques censés combattre l’une et l’autre ne sont donc que de la poudre aux yeux.
[Mais il oublie de nous informer que les français ne sont pas les seuls à lutter contre “l’ordre établi”. Dans le monde en ce moment, de nombreux mouvements de masse se produisent, l’Algérie, le Chili, le Liban… Je regrette d’ailleurs que ces luttes ont peu d’écho, ici. Mais bon…]
Il ne faudrait pas créer à la manière de Mélenchon une « convergence des luttes » qui n’existe que dans l’imagination en supposant que des luttes éparses de par le monde ont une origine et des objectifs communs. Oui, il y a des mouvements de masse en Algérie, au Chili, au Liban… et il y en a aussi en Bolivie et au Venezuela. Qu’en déduisez-vous ? On voit bien que dans ces différentes affaires, ce n’est pas les mêmes couches sociales qui revendiquent, et qu’ils ne demandent pas les mêmes choses…
[Pour revenir à cette “contre- réforme” des retraites, elle ne fera qu’accentuer le chômage. C’est un point acquis.]
Je ne comprends pas très bien le rapport entre le chômage et la retraite à points. Quant au recul de l’âge de la retraite, son effet sur le chômage reste très ambigu.
[Et notre président, n’a t-il pas déclaré: “Le social en France, c’est un pognon de dingue!!!” Tout est dit dans ces quelques mots.]
Pas tout à fait. Rendons à César ce qui et à César. La formule complète était la suivante : « la politique sociale, regardez, on met un pognon de dingue dans les minimas sociaux, et les gens ils sont quand même pauvres. On n’en sort pas, les gens qui naissent pauvres restent pauvres ». Au-delà du fait qu’un président devrait s’exprimer avec une certaine dignité, on peut difficilement reprocher quoi que ce soit à cette formule. Sur le fond, le constat du président est juste : notre système de minimas sociaux empêchent les allocataires de tomber dans la misère, mais ne les pousse pas à sortir de la pauvreté.
La gauche bienpensante fait avec Macron aujourd’hui ce qu’elle avait fait avec Sarkozy hier. Elle se saisit d’une expression et pousse des cris d’orfraie sans lire la formule complète et chercher à la comprendre. Au bout d’un certain temps, ça lasse.
[Si cette réforme passe, à mon avis, d’autres vont suivre, la sécurité sociale, le RSA, encore un “pognon de dingue”!!! Tout doit être privatisé y compris l’humain même ses organes. Si je devais résumer la pensée de nos “élites”, ces “bons collaborateurs, les “classes populaires” doivent être asservies pour mieux les exploiter, je sais, c’est primaire mais à force de trop penser, non seulement nous pouvons nous épuiser et devenir impuissant!]
Justement, c’est trop primaire. Macron a suffisamment de péchés propres pour lui en attribuer en plus ceux qu’il n’a pas commis. Je ne connais pas de projet macronien de « privatiser les organes » des gens. Et ce n’est pas chez les macronistes qu’on trouve ceux qui répètent des formules comme « nous sommes propriétaires de notre corps » ou qui militent pour la légalisation de la GPA.
[Un petit mot sur les œuvres “sociales” de Ford et Michelin, pas les seuls d’ailleurs. Ils voulaient aussi la paix sociale et c’était du paternalisme. C’est mon opinion!]
Certes. Mais pourquoi Ford et Michelin cherchaient à acheter la paix sociale par l’amélioration des conditions de travail et des salaires de leurs travailleurs, et Amazon ou Uber ne font pas le même raisonnement ? Qu’est ce qui a changé entre les deux ? Voilà une question qu’elle est bonne…
@ Descartes
(((pourquoi Ford et Michelin cherchaient à acheter la paix sociale par l’amélioration des conditions de travail et des salaires de leurs travailleurs, et Amazon ou Uber ne font pas le même raisonnement ? Qu’est ce qui a changé entre les deux ? Voilà une question qu’elle est bonne…)))
Je dois dire que je n’ai jamais compris en quoi le “paternalisme” de certaines entreprises était un problème, à part pour ceux qui n’en bénéficient pas. Bref.
Une des choses qui a changé, c’est la mondialisation à outrance dans la gouvernance des entreprises. Les anciens grands chefs d’industrie, même de multinationales, étaient ancrés dans un terroir, et faisaient preuve d’un certain patriotisme. Ils étaient géographiquement et culturellement proche des employés de la maison mère, et s’en sentaient reponsables. D’ailleurs on le voit très souvent, dès qu’une entreprise française passe sous pavillon étranger, c’est le début des ennuis. Parce que pour un consortium international, s’il faut fermer une usine en France, en Pologne ou en Turquie, c’est la moins rentable qui ferme, point barre. Alors que pour un patron français d’une entreprise française, entre fermer une usine en France ou en Pologne, c’est pas la même limonade, en terme d’image, de pressions politiques, médiatiques, etc.
Une autre raison de la déperdition de cette notion de fidélisation par l’octroi d’avantages dans les grandes entreprises du numérique, c’est le très bas niveau de qualification exigé (pour les derniers maillons de la chaine). Quelle qualification est nécessaire pour travailler chez Amazon ou Uber ? Aucune. Du coup, les personnels sont interchangeables. Alors que dans l’industrie traditionnelle, un bon ouvrier avec 20 ans de boite a une valeur intrinsèque bien plus élevée, et on ne veut pas le voir partir. Alors qu’après tout, pourquoi vouloir fidéliser à l’entreprise quelqu’un qui met des articles dans un carton, ce qui est à la portée d’une enfant de 8 ans ?
@ Pierre
[Je dois dire que je n’ai jamais compris en quoi le “paternalisme” de certaines entreprises était un problème, à part pour ceux qui n’en bénéficient pas. Bref.]
Le paternalisme pose plusieurs problèmes. Il ne faut pas oublier que le paternalisme – comme tout rapport au père – contient un volet répressif. C’est toute la logique du système patriarcal : on échange protection et subsistance contre soumission. Oui, Michelin construisait des logements etdes écoles pour ses ouvriers. Mais qu’arrivait-il à l’ouvrier dont le comportement déplaisait à monsieur Michelin ? Il perdait non seulement son emploi et son salaire, mais aussi son logement et l’école de ses enfants. Un argument de poids à l’heure d’empêcher toute activité syndicale ou politique, par exemple…
Le paternalisme patronal est une tentative de faire subsister les rapports hérités du servage dans une société capitaliste. Alors que le capitalisme repose sur des rapports purement contractuels – l’échange de la force de travail contre le salaire – le paternalisme fait subsister un lien personnel qui nie la séparation entre la sphère publique et la sphère privée. Le paternalisme patronal cherchait à organiser la vie privée de ses salariés, et jusqu’à leur moralité !
[Une des choses qui a changé, c’est la mondialisation à outrance dans la gouvernance des entreprises. Les anciens grands chefs d’industrie, même de multinationales, étaient ancrés dans un terroir, et faisaient preuve d’un certain patriotisme.]
Contrairement à ce que vous semblez penser, la mondialisation ne date pas d’hier. Les « compagnies d’Indes » existent depuis le XVIème siècle, tout comme les compagnies coloniales. Et souvent, le paternalisme patronal était encore plus pesant dans les aventures extérieures que dans le pays d’origine. Je formulerais la chose d’une façon différente : le patron paternaliste avait besoin de ses salariés. D’abord, parce que la main d’œuvre qualifiée ne courrait pas les rues, et c’était encore plus vrai dans les territoires coloniaux. Ensuite, parce que les ouvriers étaient aussi des soldats, appelés le cas échéant à défendre le pays, et donc les intérêts de leur patron. Enfin, parce que comme l’ont compris Ford et Michelin, les travailleurs étaient aussi des consommateurs, et que toute production repose in fine sur une demande suffisante.
Le « patriotisme » des bourgeoisies nationales tenait au lien d’interdépendance qui les liait à leur nation d’origine. Dans un monde dominé par le protectionnisme, avoir le soutien d’un Etat qui protégeait leurs marchés à l’intérieur et utilisait sa puissance économique, politique et même militaire pour lui ouvrir les marchés extérieurs était pour une entreprise une nécessité. Dans un monde libre-échangiste, ce besoin est moins évident. D’ailleurs, on peut se demander si ce monde existe réellement. Les mésaventures d’un certain nombre d’entreprises françaises dans leurs rapports avec les Etats-Unis tendent à montrer que le soutien des Etats n’est pas un vain mot…
[Ils étaient géographiquement et culturellement proche des employés de la maison mère, et s’en sentaient responsables. D’ailleurs on le voit très souvent, dès qu’une entreprise française passe sous pavillon étranger, c’est le début des ennuis. Parce que pour un consortium international, s’il faut fermer une usine en France, en Pologne ou en Turquie, c’est la moins rentable qui ferme, point barre. Alors que pour un patron français d’une entreprise française, entre fermer une usine en France ou en Pologne, c’est pas la même limonade, en terme d’image, de pressions politiques, médiatiques, etc.]
Je vous trouve bien optimiste… je n’ai pas l’impression que dans la tête d’un Patrick Krohn cela ait fait une grande différence.
[Une autre raison de la déperdition de cette notion de fidélisation par l’octroi d’avantages dans les grandes entreprises du numérique, c’est le très bas niveau de qualification exigé (pour les derniers maillons de la chaine). Quelle qualification est nécessaire pour travailler chez Amazon ou Uber ? Aucune. Du coup, les personnels sont interchangeables.]
Là, nous sommes d’accord. A la fin du XIXème siècle, le mineur ou le cheminot expérimentés étaient un capital précieux que l’entreprise se devait de protéger. C’est pourquoi apparaissent à l’époque les premiers systèmes de protection sociale et réglementations de sécurité dans les industries. Mais c’est aussi pourquoi on développe les « statuts » pour éviter que les ouvriers puissent être tentés d’aller se vendre ailleurs et de faire jouer la concurrence. Chez Amazon ou chez Uber, l’expérience et la qualification importent peu… alors pourquoi faire un effort ?
“Vous voulez dire qu’il est rempli de mensonges et de fausses promesses ? ”
Pour une fois que je faisais un compliment et il étais sincère!!! Bon, c’est vrai, je ne suis pas un grand dialectique ou j’ai oublié…
“Il ne faudrait pas créer à la manière de Mélenchon une « convergence des luttes » qui n’existe que dans l’imagination en supposant que des luttes éparses de par le monde ont une origine et des objectifs communs.”
De mon expérience, il est déjà difficile de mettre en gréve l”ensemble d’un établissement, d’une usine sur la même revendication salariale, alors la “convergence des luttes”… au plan international, nous ne sommes plus à “l’internationalisme prolétarien” cher à nos “bons vieux trotskistes”: “Prolétaires de tous pays, unissez-vous!” en attendant nos adversaires de classe sont aux commandes ou ont placé leurs pions, ce que vous appelez “les 30% des couches intermédiaires”.
Pour la Bolivie et le Vénézuela, je ne le prend pas pour une “pique”, sourire, même s’il faut parfois “sondé” son interlocuteur pour savoir. La Bolivie, pas assez informé, mais le Vénézuela, quel gâchis que le chavisme, un pays qui avait la richesse pour réussir. C’est devenu une “terre brûlée” pour longtemps à un retour à la normale pour le peuple. Ah! Le clientélisme…
Une phrase de Mélenchon m’avait frappé lors de la campagne des présidentielles:S’il était élu: ” 2 ans pour réécrire une nouvelle constitution, nous donnons une augmentation substantielle aux NOTRES et après je pars.” C’est quoi ça, j’ai semé mon “bordel” et maintenant, “démerdez-vous”???
Désolé de ne pouvoir continuer plus longtemps!!!
Joyeuse St Sylvestre à vous et à tous les intervenants ici. En route vers 2020!!!
@ dudu87
[Pour la Bolivie et le Vénézuela, je ne le prend pas pour une “pique”, sourire, même s’il faut parfois “sondé” son interlocuteur pour savoir. La Bolivie, pas assez informé, mais le Vénézuela, quel gâchis que le chavisme, un pays qui avait la richesse pour réussir. C’est devenu une “terre brûlée” pour longtemps à un retour à la normale pour le peuple. Ah! Le clientélisme…]
Ce n’était pas une « pique », mais une constatation. Lorsqu’on constate que les peuples « se soulèvent contre l’ordre établi », on ne peut que constater que cela arrive aussi lorsque « l’ordre établi » est censé défendre les couches populaires, s’opposer à l’impérialisme et tutti quanti. Cela devrait conduire à nuancer la portée des mouvements dont le seul point commun est le slogan « je ne suis pas content, na ! ». Les rassemblements qui se font sur la volonté d’en finir avec l’existant sans avoir la moindre idée de ce qu’on veut mettre à la place ne durent jamais longtemps, et conduisent souvent à des échecs retentissants comme ce fut le cas des « printemps arabes ».
Quant au Venezuela, n’ayant jamais été un adorateur de Chavez je n’ai pas de raison de l’accabler outre mesure. Chavez est un exemple de plus dans la longue ligne des « caudillos » latino-américains, persuadés que la volonté et le charisme peuvent magiquement changer les lois physiques. Et cela marche quand la conjonction des planètes est favorable : prix internationaux très élevés des matières premières que ces pays exportent, réserves importantes en termes d’investissements antérieurs en infrastructures. Dans ces conditions, on peut acheter la popularité en distribuant massivement des subventions, et réduire les investissements en laissant les infrastructures vieillir. C’est ce qu’a fait Peron en 1944 en Argentine, et c’est ce qu’ont fait Kirchner en Argentine (avec le soja) ou Chavez au Venezuela (avec le pétrole). Le problème, est que ces systèmes sont très instables : d’une part, le défaut d’investissement finit par se ressentir sur les infrastructures, et on voit par exemple l’entreprise vénézuélienne des pétroles PDVSA dont les infrastructures sont dans un état de délabrement massif au point que l’extraction pétrolière aujourd’hui n’est même pas le quart ce ce qu’elle était quand Chavez arrive au pouvoir. Et d’autre part, le moindre retournement dans les marchés mondiaux provoque un déséquilibre massif dans l’économie. Et je ne parle même pas des classes parasitaires qui prospèrent grâce à la corruption sous les régimes de pouvoir personnel…
Le désastre chaviste était donc prévisible. Ce qui est pour moi plus étonnant est que la facilité avec laquelle les gauchistes européens de toute condition se laissent séduire par ce genre de régime. Il faut relire avec le recul les billets lyriques de Mélenchon sur le chavisme…
Cher ami et camarade, loin de la résignation, je nous souhaite à tous une année de grandes luttes sociales.
Le temps est venu de décider : “Plus un pas en arrière !”.
Pour nos emplois, nos retraites, notre sécurité sociale, nos services publics, notre industrie, nos campagnes, notre culture, notre modèle républicain, nous ne reculerons plus ! Vive la France !
Ça, c’est une année 2020 qui aurait de la gueule !
Bonne année ! Bonne santé ! (à la tienne, René…)
@ Gugus69
[Le temps est venu de décider : “Plus un pas en arrière !”. Pour nos emplois, nos retraites, notre sécurité sociale, nos services publics, notre industrie, nos campagnes, notre culture, notre modèle républicain, nous ne reculerons plus ! Vive la France !]
Soyons réalistes : je ne suis pas sûr que le rapport de forces nous permette d’affirmer que « nous ne reculerons plus », du moins sur le plan des faits. Maintenant, sur le plan des idées, c’est une autre chose. Nous payons aujourd’hui au PCF en particulier et dans la gauche en général des années de reculs de toutes sortes…
—Soyons réalistes : je ne suis pas sûr que le rapport de forces nous permette…—
Faut-il être si réaliste… quand on formule des vœux pour l’année qui commence ?
Allons, ami et camarade, abandonnez un instant votre froide lucidité, pour un peu d’enthousiasme et d’optimisme.
Bonne année à vous et aux vôtres.
@ Gugus69
[Faut-il être si réaliste… quand on formule des vœux pour l’année qui commence ? Allons, ami et camarade, abandonnez un instant votre froide lucidité, pour un peu d’enthousiasme et d’optimisme. Bonne année à vous et aux vôtres.]
S’il s’agit d’un voeu, alors on peut faire abstraction de la réalité. Mais la réalité à la désagréable manie de reprendre ses droits…
Un mot un peu hors sujet sur la collapsologie dont vous faites mention,
J’ai récemment pris l’initiative de fréquenter, par curiosité, des groupes de discussion “collapsologistes” pour examiner un peu leur argumentaire. Voir ce qui les amenait à penser à un effondrement inéluctable. Et au passage sonder un peu les caractéristiques sociétales et/ou psychologiques des tenants de ce discours.
Assez rapidement, j’ai commencé par éliminer une bonne partie du mouvement, malheureusement la plus visible, qui est en dehors de toute rationnalité. Au premier rang desquels le pi(è)tre Yves Cochet. Mais au delà de ces personnalités qui jouent aux prophètes et en profitent pour en vivre confortablement, on trouve quelques personnalités plus sérieuses, dont en particulier JM Jancovici, auquel la plupart des collapsologies “rationnels” vouent un véritable culte.
J’ai donc creusé, armé de mon septicisme et de ma foi en l’ingéniosité humaine, pour voir de quoi il en retournait, et je dois dire que j’ai été plutôt surpris de lire quelqu’un qui me semble assez solide et rationnel, dont le discours évite soigneusement tous les poncifs écolo à deux balles. Pour un peu, j’en arriverais à considérer de manière sérieuse les théories d’effondrements présentées par ses recherches.
En décorticant son travail, il apparaît que la marotte principale de Jancovici, ce n’est PAS le réchauffement climatique, mais le “pic énergitique”, autrement dit le fait que l’humanité arrive au maximum de l’énergie qu’elle peut produire, et qu’étant donné la forte corrélation entre PIB et dépense énergétique, nous allons fatalement vers un monde décroissant (en terme de PIB et en terme de dépense énergétique), que nous ne sommes pas équipés pour gérer sans rupture civilisationnelle majeure.
Je dois avouer que mon premier réflexe a été de dire que cette notion de “pic énergetique” fleurait bon la pétition de principe déjà entendue à toute les sauces depuis des décennies, en étant toujours repoussé à la décennie suivante. Néanmoins, ce n’est pas parce qu’une prédiction ne s’est jamais réalisée qu’elle ne se réalisera jamais, et il est évident qu’un jour viendra, les énergies fossiles manqueront, et que rien actuellement ne peut prendre le relais dans les proportions qui sont celles du pétrole et du charbon actuel, à l’échelle mondiale du moins. Le nucléaire actuel pourra adoucir la chute dans les pays qui sauront en conserver le bénéfice, mais son haut degré de technicité le rendra innaccessible à la majeure partie de l’humanité. En gros, nous avons brulé toutes les ressources énergétiques “faciles” à exploiter, et les moyens de produire de l’énergie à l’avenir vont s’avérer immensément plus complexes. A vrai dire ce raisonnement ne me semble pas présenter de failles. reste que l’échéance est à préciser, mais Jancovici parle des prochaines décennies. Là-dessus je n’ai aps la capacité de savoir si cette perspective est catastrophiste ou non.
La question de fond, c’est donc de savoir si, en l’absence de saut technologique majeur (fusion, ou révolution dans le stockage des ENR), le nucléaire est en mesure de suppléer à l’épuisement des ressources fossiles. Techniquement, je n’ai pas trop de doute: si le besoin devient majeur, l’homme saurait mettre au point ces reacteurs de 4eme génération qui permettent de régler à la fois les problèmes d’approvisionnement et de gestion des déchets. Voire même la fusion à terme. Mais la question c’est l’échelle de temps. Parce que si les tensions deviennent extrêmes sur le marché des énergies fossiles AVANT que les dispositions soient prises pour assurer un relai en Nucléaire+EnR, on risque de ne jamais s’en relever. Un parc nucléaire ayant besoin de stabilité et de constance pour s’améliorer et s’étoffer, tant au niveau de la recherche que de la formation des ingénieurs et de la conduite des chantiers, si le monde entre dans une phase hautement instable, avec des centaines de millions de réfugiés climatiques à nos portes, celà risque d’être compliqué….
Un article en bonus, et tous mes voeux pour 2020 !
https://www.marianne.net/politique/jean-marc-jancovici-evoque-la-decennie-2020-pour-resoudre-le-probleme-ecologique-il-faudra
@ Pierre
[J’ai donc creusé, armé de mon scepticisme et de ma foi en l’ingéniosité humaine, pour voir de quoi il en retournait, et je dois dire que j’ai été plutôt surpris de lire quelqu’un qui me semble assez solide et rationnel, dont le discours évite soigneusement tous les poncifs écolo à deux balles. Pour un peu, j’en arriverais à considérer de manière sérieuse les théories d’effondrements présentées par ses recherches.]
Il me semble un peu exagéré de faire de Jancovici un « collapsologue ». L’idée de fond de la « collapsologie » est que l’épuisement des ressources et le changement climatique provoqueront un effondrement dramatique et rapide du système économique et social, provoquant un changement radical dans tous les domaines. Jancovici parle effectivement de l’épuisement possible des ressources – en particulier des ressources énergétiques. Mais il voit cet épuisement comme un phénomène lent et graduel. Je ne me souviens pas de Jancovici prédisant l’effondrement de la civilisation humaine à courte échéance…
[En décorticant son travail, il apparaît que la marotte principale de Jancovici, ce n’est PAS le réchauffement climatique, mais le “pic énergitique”, autrement dit le fait que l’humanité arrive au maximum de l’énergie qu’elle peut produire, et qu’étant donné la forte corrélation entre PIB et dépense énergétique, nous allons fatalement vers un monde décroissant (en terme de PIB et en terme de dépense énergétique), que nous ne sommes pas équipés pour gérer sans rupture civilisationnelle majeure.]
Tout à fait. En fait, le pic énergétique est une vérité de La Palisse. Dans un monde fini, un jour toutes les ressources énergétiques auront été consommées, le soleil s’éteindra et la terre deviendra une boule de glace. Il s’ensuit qu’un jour la consommation énergétique de l’humanité – ou de ce qu’il en restera – tend vers zéro à l’infini. Or, une fonction continue bornée tendant vers zéro à l’infini passe nécessairement par un maximum. Il y aura donc bien un « pic énergétique ». La question est de savoir à quel horizon, et quelle sera la vitesse de décroissance ensuite… comme disait sagement Keynes, « à long terme nous sommes tous morts ».
[A vrai dire ce raisonnement ne me semble pas présenter de failles. reste que l’échéance est à préciser, mais Jancovici parle des prochaines décennies. Là-dessus je n’ai pas la capacité de savoir si cette perspective est catastrophiste ou non.]
Effectivement, tout est dans le calcul du délai. Déjà, nous savons que tant que le soleil est là – ce qui nous laisse quand même une marge de quelques milliards d’années – nous pouvons compter sur un socle d’énergies renouvelables qui est loin d’être négligeable. Un socle en tout cas suffisant pour supporter de grandes civilisations : après tout, les ressources fossiles ne deviennent dominantes qu’avec la révolution industrielle. Et nous sommes infiniment mieux armés que l’homme du moyen-âge pour exploiter l’hydraulique, la biomasse, le vent, le rayonnement du soleil, la houle. Bien entendu, il faudra accepter les contraintes de l’intermittence, mais il n’y a pas là de quoi provoquer l’effondrement de la société…