« Le monde d’après sera comme celui d’avant, en un peu pire » (Michel Houellebecq)
Pour certains, la période du confinement n’aura pas été une perte de temps. Prenez par exemple ce cher Nicolas Hulot. Il lui a fallu quatre semaines de confinement pour pondre rien de moins que « cent principes pour un nouveau monde ». Yahvé lui-même avait cru pouvoir ordonner le monde avec dix commandements, mais Hulot n’est pas Yahvé et l’inflation étant passée par là, il faut aujourd’hui cent principes pour un « nouveau monde », ou du moins pour espérer occuper une page du vieux « Monde », le vénérable journal du soir qui n’a plus honte de publier n’importe quoi.
Parce que ces « cent principes » – que tout le monde s’est pressé d’oublier – sont, véritablement, du n’importe quoi. Le recours à l’anaphore « Le temps est venu de… » cache à peine l’inanité des propositions. On a d’ailleurs la nette impression que l’auteur s’étant fixé l’objectif d’arriver à cent, il lui a fallu faire un peu de remplissage avec quelques formules creuses du genre « le temps est venu de la lucidité » (doit on comprendre que les gens sont devenus lucides, ou qu’on ne peut plus se permettre de ne pas l’être ? Comme disait le sage, « ce qui se comprend bien s’énonce clairement…) ou « le temps est venu de résister à la fatalité »…
Dans une tribu écologiste qui pratique avec gourmandise le fratricide et qui aime trop la soupe d’où qu’elle vienne, cet étrange prêche a quelque chose de surréaliste. D’autant plus qu’il vient d’un malentendu. Nicolas Hulot explique qu’il a emprunté son anaphore au discours prononcé par Nelson Mandela le 10 mai 1994 lors de son investiture comme président de la République Sudafricaine. Mais cet emprunt est un contresens historique : l’élection de Mandela marque une rupture fondamentale de l’ordre politique sudafricain. Il ne s’agit rien de moins que d’abandonner l’apartheid, qui est le pilier autour duquel s’est organisé pendant plus d’un demi-siècle la société, la politique, l’économie du pays. En effet, « le temps était venu » qui rendait possible ce qui était impensable quelques mois auparavant et vice-versa. Hulot parle comme si l’épidémie de coronavirus avait provoqué une rupture du même type, alors qu’il n’y a aucun signe qu’il en soit ainsi. Ce n’est pas parce que les gens prennent plus le vélo de peur de la contagion dans les transports en commun que « le temps est venu » de changer quoi que ce soit.
Hulot ne fait que ce que font ce que font tous les politiques : ils essayent de capitaliser les catastrophes en les attribuant à ceux qu’ils veulent combattre. Pour les anticapitalistes, même la canicule est la faute du capitalisme. Pour les fanatiques religieux, l’épidémie est la conséquence de l’éloignement de Dieu. Et pour les écologistes, c’est parce que l’homme ne respecte pas la Nature que le désastre est arrivé.
Je ne sais pas si les anticapitalistes arriveront à cette occasion à renverser le capitalisme, si les fanatiques religieux trouveront matière à remplir les temples, les églises, les mosquées ou les synagogues. Personnellement, j’ai mes doutes. Mais pour ce qui concerne les écologistes, je pense qu’ils se casseront les dents, et cela pour une raison très simple : ils sont à rebours de l’événement. L’épidémie frappe au cœur la vision sentimentale sur laquelle l’écologisme (1) s’est construit, à savoir, celui d’une nature « bienveillante » pourvu que nous vivions en harmonie avec elle.
Cette épidémie rappelle une vérité que nos ancêtres connaissaient très bien, mais que nous avons oubliée : la nature n’a rien de « bienveillant », au contraire. Il y a là dehors, dans la « nature », plein de dangers de toutes sortes, qui vont des champignons toxiques à un vaste choix de bestioles qui veulent notre peau. Il fut un temps où aller en forêt était pour l’homme une aventure qu’on n’entreprenait qu’éperonné par le besoin absolu, et sans aucune garantie d’en sortir vivant ou même en bonne santé. Ce n’est pas par hasard si les contes populaires reviennent systématiquement sur l’enfant qui va dans la forêt et se fait manger par le loup. La promenade dans les bois que nous aimons tant n’est devenue un plaisir qu’à partir du moment où nous avons domestiqué la nature, éliminant tous les prédateurs qui constituaient pour nous une menace, aménageant ce qui pouvait constituer un danger.
Cette épidémie rappelle que c’est parce que nous ne buvons pas de l’eau « naturelle » et nous ne mangeons pas d’animaux « naturels » que nous sommes en bonne santé. Si manger du poulet élevé en poulailler et bourré d’antibiotiques peut poser des problèmes, manger du pangolin élevé en liberté et dans son milieu naturel semble bien plus dangereux. « Naturel » n’est pas, contrairement à ce qu’écologistes et publicitaires nous expliquent à longueur de journée, synonyme de « bon pour la santé ». C’est là encore parce que nous avons « domestiqué » la nature que nous ne mourrons plus à 30 ans, que nous tous conservons nos dents jusque dans la soixantaine, et que nous n’avons plus à craindre grande chose sinon les défaillances de notre propre corps.
Le discours qui prétend faire l’amalgame entre la « destruction de la planète par l’homme » et l’épidémie est totalement dénué de fondement. Le virus qui nous accable est, pour autant qu’on puisse savoir, un virus parfaitement naturel, transmis à l’homme à partir du contact avec un animal lui aussi tout à fait naturel. Rien à voir avec le réchauffement climatique, la montée des océans, la fonte du pergélisol, la pollution de l’air ou des rivières, la destruction des habitats naturels ou la déforestation. Pire : si au lieu de manger du pangolin « naturel » les chinois s’en étaient tenus au poulet aux antibiotiques et au porc d’élevage, rien de tout ça ne serait arrivé. La mondialisation des échanges a sans doute accéléré la diffusion de la maladie, mais rien de plus. On voit donc mal pourquoi elle devrait conduire à la « prise de conscience écologique » à laquelle appellent Nicolas Hulot et consorts. Au contraire, elle devrait conduire à une méfiance accrue vers le discours « naturaliste », à une meilleure compréhension des avantages que nous tirons de l’artificialité.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas soigner notre environnement. Mais il faut le soigner comme nous soignerions notre jardin, c’est-à-dire, parce que nous aimons être entourés de choses saines, belles et utiles. Et non au nom d’une idéalisation qui fabrique une nature bienveillante, prête à déverser sur nous ses bienfaits pourvu que nous daignons vivre en harmonie avec elle. Cette nature généreuse n’existe tout simplement pas : tout ce que nous avons, il a fallu lui arracher (2). Il faudrait que les gens comprennent que l’avocatier n’existe pas dans le but de nous permettre de manger des avocats, que la plupart des espèces animales et végétales qui nous nourrissent ne sont pas « naturelles », mais créées par l’homme au cours de siècles de sélection. Ceux qui expliquent qu’il faut rouvrir les parcs et forêts « parce que les gens ont besoin de nature » oublient qu’il n’existe guère en France de parcs et forêts « naturelles ». Que les parcs et les forêts où nous aimons nous promener sont beaux parce qu’ils ne sont pas laissés à l’action aveugle de la nature, mais nettoyés, aménagés, soignés par l’homme. Franchement, quand vous voyez votre rosier dévoré par les pucerons ou la cochenille, que faites-vous ? Vous ditez vous « il est plus beau ainsi que s’il était sain » ? Vous l’abandonnez aux ravageurs en vous disant « c’est la nature que veut ça » ? Ou vous allez chercher votre pulvérisateur ? Non, nous aimons une plante en pleine santé, et il faut le dire et le répéter : la santé n’est pas l’état « naturel » ses êtres vivants. Votre rosier ne donnerait pas des feuilles aussi belles, des fleurs aussi magnifiques si on ne le débarrassait artificiellement de ses parasites.
Oui, il y a beaucoup de leçons à tirer de cette crise. Sur des questions très terre à terre, comme l’organisation de notre système de santé, de la prise en charge de nos anciens, de l’organisation du travail dans les entreprises et les administrations, beaucoup de choses auront été apprises. Sur un plan plus institutionnel, cette crise pourrait marquer le retour en force des institutions qui organisent les solidarités comme l’Etat ou la Nation, complétant la rupture avec le néolibéralisme amorcée avec la crise de 2008. La construction européenne aura montré ses limites et « l’idéal européen » risque d’en prendre un sacré coup, là aussi. Et les écologistes ? Dans cette crise, ils n’ont fait que resservir les mêmes marottes qu’ils auraient répété devant un incendie de forêt ou une inondation. Ils n’ont rien dit d’intelligent, rien proposé d’original. Du côté des collapsologues, on a pu entendre quelques cris réjouis, qui se sont vite tus dès qu’ils ont compris que le « big one » n’était pas pour tout de suite. Les autres sont restés sur le discours bienpensant et convenu dont les « cent propositions » de Hulot ne sont qu’un exemple parmi d’autres. Il faut dire qu’il n’est pas facile de faire peur avec la fin du monde à ceux qui sont obsédés par leur fin de mois. Et qui sont bien plus nombreux aujourd’hui qu’il y a trois mois…
Descartes
(1) Ecologisme, et non écologie. Les mots ont un sens : l’écologie est une respectable science, celle qui étudie un milieu d’un point de vue systémique. Celui qui pratique cette science s’appelle un écologue, et non un écologiste. Un écologiste est quelqu’un qui adhère à une idéologie, l’écologisme.
(2) Si vous regardez les documentaires animaliers sur nos étranges lucarnes, vous aurez remarqué que les réalisateurs évitent très souvent de présenter des images montrant la mise à mort d’une proie, surtout lorsque la proie en question est « sympathique ». Pourtant, chasser et être chassé est le phénomène le plus banal dans le monde animal. Ce biais de présentation illustre parfaitement le mécanisme de création d’une vision irénique de la nature ou même les animaux vivent en bonne intelligence les uns avec les autres. C’est un peu celle du jardin d’Eden, avant que l’homme croque la pomme de l’Arbre de la Connaissance…
@ Descartes
[“Le discours qui prétend faire l’amalgame entre la « destruction de la planète par l’homme » et l’épidémie est totalement dénué de fondement. Le virus qui nous accable est, pour autant qu’on puisse savoir, un virus parfaitement naturel, transmis à l’homme à partir du contact avec un animal lui aussi tout à fait naturel.”]
Voire. Si j’étais écolo, je vous répondrais, tout d’abord, qu’il me semblerait plus plausible, personnellement, que le virus se soit échappé par accident du laboratoire P4 de Wuhan, auquel cas on pourrait bien parler, si ce n’est de “destruction de la planète”, en tout cas de “destruction de l’homme par l’homme”. D’autre part, quand bien même l’épidémie proviendrait d’un Pangolin ou d’une chauve-souris vendue sur le marché de Wuhan, ceci ne ferait alors que militer pour l’adoption d’un mode de vie “vegan”, non ?
@ dsk
[Voire. Si j’étais écolo, je vous répondrais, tout d’abord, qu’il me semblerait plus plausible, personnellement, que le virus se soit échappé par accident du laboratoire P4 de Wuhan,]
Si vous étiez écolo et vous me sortiez pareil argument, je vous demanderais quels sont les critères qui vous permettent de qualifier cette hypothèse de « plus plausible » que celle d’un virus naturel transmis par le contact avec un animal sauvage. Vous noterez que les cas de transmission de d’agents pathogènes d’un animal sauvage à l’homme sont très fréquents, alors qu’il n’y a pas de précédent connu de pathogène artificiels échappé de laboratoires P4.
Pour combattre le complotisme, on n’a rien inventé de mieux que le rasoir d’Occam…
[auquel cas on pourrait bien parler, si ce n’est de “destruction de la planète”, en tout cas de “destruction de l’homme par l’homme”.]
Oui, enfin, faudrait tout de même pas exagérer. Ce n’est ni la peste noire, ni même la grippe espagnole. Qu’on soit prêt à arrêter l’économie pour faire face à une épidémie qu’il y a cinquante ans on aurait ignorée (souvenez-vous de la grippe de Hong-Kong) dit deux choses : 1) que nous sommes suffisamment riches grâce aux gains de productivité pour nous le permettre et 2) que nous donnons à la vie humaine une valeur très supérieure à celle des générations précédentes. Deux conclusions qui vont largement à l’encontre de l’idée de « destruction de l’homme par l’homme »…
[D’autre part, quand bien même l’épidémie proviendrait d’un Pangolin ou d’une chauve-souris vendue sur le marché de Wuhan, ceci ne ferait alors que militer pour l’adoption d’un mode de vie “vegan”, non ?]
Pas vraiment. Il y a de terribles maladies transmises par un régime végétarien (souvenez-vous du « mal des ardents »…). Il n’y a aucune raison que la carotte sauvage transmette moins de saloperies que le pangolin sauvage…
@Descartes
Je me permets d’apporter un correctif à votre affirmation: “alors qu’il n’y a pas de précédent connu de pathogène artificiels échappé de laboratoires P4.”
En 1979, à Sverdlovsk (Ekaterinbourg) en URSS, une fuite de bacille du charbon (ou anthrax) (conservé dans un laboratoire P4 donc ) est à l’origine de la mort d’une centaine de personnes et, en 2001, une souche de ce même bacille du charbon a été dérobée dans les laboratoires P4 de Fort Detrick de l’USAMRIID pour servir pour la fameuse campagne des lettres piégées post-11 septembre.
@ Guilhem
[En 1979, à Sverdlovsk (Ekaterinbourg) en URSS, une fuite de bacille du charbon (ou anthrax) (conservé dans un laboratoire P4 donc ) est à l’origine de la mort d’une centaine de personnes et, en 2001, une souche de ce même bacille du charbon a été dérobée dans les laboratoires P4 de Fort Detrick de l’USAMRIID pour servir pour la fameuse campagne des lettres piégées post-11 septembre.]
Je pense que votre correctif contient deux erreurs. D’une part, le bacille du charbon n’est pas un “pathogène ARTIFICIEL”. La maladie du charbon est provoqué par un agent pathogène parfaitement naturel (il s’agit d’un bacille en fait, le bacillus anthracis, et non d’un virus). C’est d’ailleurs une maladie connue depuis l’antiquité, et sur laquelle Pasteur a travaillé…
La deuxième erreur, c’est que le bacille du charbon ne nécessite pas un laboratoire P4, réservé comme son nom l’indique aux pathogènes de catégorie 4 selon le classement établi par l’arrêté du 18 juillet 1994 modifié (http://www.rst-sante-travail.fr/rst/dms/dmt/ArticleDMT/InfosARetenir/TI-RST-TO-28/to28.pdf). Vous pourrez constater que dans cette liste le bacillus anthracis est classé au niveau 3. Les incidents que vous citez ne concernent donc pas des laboratoires P4.
Au temps pour moi, vous avez raison
@ Descartes
[“Si vous étiez écolo et vous me sortiez pareil argument, je vous demanderais quels sont les critères qui vous permettent de qualifier cette hypothèse de « plus plausible » que celle d’un virus naturel transmis par le contact avec un animal sauvage.”]
Eh bien, d’un côté, je suppose que la consommation de pangolins et de chauve-souris devait constituer une pratique ancestrale dans la région de Wuhan. Or, si là était sa cause, pourquoi une telle épidémie ne se serait-elle déjà produite auparavant ? Tandis que de l’autre côté, j’ai un labo tout neuf, à Wuhan, qui travaille justement sur la possible transmission à l’homme de coronavirus par les chauve-souris, ce qui me paraîtrait, par conséquent, mieux expliquer la nouveauté du phénomène.
[“Vous noterez que les cas de transmission de d’agents pathogènes d’un animal sauvage à l’homme sont très fréquents, alors qu’il n’y a pas de précédent connu de pathogène artificiels échappé de laboratoires P4.”]
Il faut croire, cependant, que la possibilité n’est pas nulle, sans quoi l’on pourrait se demander pourquoi les allemands auraient jugé bon d’en installer un sur une île :
https://www.franceculture.fr/sciences/ces-laboratoires-qui-luttent-contre-les-plus-redoutables-virus
[“Pour combattre le complotisme, on n’a rien inventé de mieux que le rasoir d’Occam…”]
Où voyez-vous du “complotisme” ? Mon hypothèse était celle d’un simple accident.
[“Oui, enfin, faudrait tout de même pas exagérer. Ce n’est ni la peste noire, ni même la grippe espagnole. Qu’on soit prêt à arrêter l’économie pour faire face à une épidémie qu’il y a cinquante ans on aurait ignorée (souvenez-vous de la grippe de Hong-Kong) dit deux choses : 1) que nous sommes suffisamment riches grâce aux gains de productivité pour nous le permettre et 2) que nous donnons à la vie humaine une valeur très supérieure à celle des générations précédentes. Deux conclusions qui vont largement à l’encontre de l’idée de « destruction de l’homme par l’homme »…”]
Totalement. Là, vous marquez incontestablement un point. Du moins aux yeux du non-écolo que je suis;-)
@ dsk
[“Si vous étiez écolo et vous me sortiez pareil argument, je vous demanderais quels sont les critères qui vous permettent de qualifier cette hypothèse de « plus plausible » que celle d’un virus naturel transmis par le contact avec un animal sauvage.” Eh bien, d’un côté, je suppose que la consommation de pangolins et de chauve-souris devait constituer une pratique ancestrale dans la région de Wuhan. Or, si là était sa cause, pourquoi une telle épidémie ne se serait-elle déjà produite auparavant ?]
A cela, deux réponses. La première, c’est que le coronavirus est un virus respiratoire, qui se transmet par la salive (postillons, crachats, etc.). Même si par tradition les chinois consommaient régulièrement de la chauve souris ou du pangolin, je doute qu’ils aient l’habitude de les embrasser sur la bouche. La transmission devait rester donc relativement rare. La deuxième réponse, est que nous ne savons en fait pas si d’autres contaminations ont eu lieu dans le passé. Les moyens de distinguer le coronavirus d’autres formes de grippe sont relativement récents.
[Tandis que de l’autre côté, j’ai un labo tout neuf, à Wuhan, qui travaille justement sur la possible transmission à l’homme de coronavirus par les chauve-souris, ce qui me paraîtrait, par conséquent, mieux expliquer la nouveauté du phénomène.]
Pardon, mais… d’où tirez-vous que le « labo tout neuf à Wuhan » travaillait « justement » sur la possible transmission à l’homme de coronavirus ?
[“Vous noterez que les cas de transmission de d’agents pathogènes d’un animal sauvage à l’homme sont très fréquents, alors qu’il n’y a pas de précédent connu de pathogène artificiels échappé de laboratoires P4.” Il faut croire, cependant, que la possibilité n’est pas nulle,]
Certes. Comme n’est pas nulle la possibilité que des extraterrestres aient débarqué à Roswell. Cependant, « la possibilité n’est pas nulle » ne constitue pas une preuve, ni même une présomption. Difficile sur cette base de considérer l’hypothèse de la fuite d’un laboratoire « plus plausible » que celle d’une transmission naturelle.
[sans quoi l’on pourrait se demander pourquoi les allemands auraient jugé bon d’en installer un sur une île : (…)]
La réponse est simple : parce qu’il existe sur cette île un laboratoire de recherches biologiques depuis 1910, et qu’il semble raisonnable d’installer un laboratoire P4 dans un tel environnement. En France, les trois laboratoires P4 sont installés dans des zones à forte densité : l’un à Lyon (celui de l’institut Meyrieux, à Gerland), les deux autres dans l’Essonne (sites DGA de Vert le Petit et de Brétigny sur Orge). En Allemagne même si l’un de ces laboratoires, celui de l’institut Loeffler est sur une ile, les trois autres sont respectivement à Berlin, Marbourg et Hambourg. Il faut croire donc que la proximité avec les structures scientifiques et universitaires est un critère bien plus pesant que le risque d’une fuite de virus…
[“Pour combattre le complotisme, on n’a rien inventé de mieux que le rasoir d’Occam…” Où voyez-vous du “complotisme” ? Mon hypothèse était celle d’un simple accident.]
Le « complotisme » se trouve dans ce cas dans l’idée que la réalité nous est cachée. C’est plus une conspiration de silence qu’une conspiration d’action.
@ Descartes
[” A cela, deux réponses. La première, c’est que le coronavirus est un virus respiratoire, qui se transmet par la salive (postillons, crachats, etc.). Même si par tradition les chinois consommaient régulièrement de la chauve souris ou du pangolin, je doute qu’ils aient l’habitude de les embrasser sur la bouche. La transmission devait rester donc relativement rare. La deuxième réponse, est que nous ne savons en fait pas si d’autres contaminations ont eu lieu dans le passé. Les moyens de distinguer le coronavirus d’autres formes de grippe sont relativement récents.”]
Admettons. Dans ce cas, ce serait extrêmement rassurant. Cela voudrait dire que de telles épidémies se seraient déjà produites, mais auraient disparu d’elles-mêmes, sans laisser de souvenir marquant dans la mémoire collective.
[“Pardon, mais… d’où tirez-vous que le « labo tout neuf à Wuhan » travaillait « justement » sur la possible transmission à l’homme de coronavirus ?”]
De cet article :
https://www.franceculture.fr/sciences/le-laboratoire-p4-de-wuhan-une-histoire-francaise
Où figure notamment le passage suivant :
“Mais dès le début un doute s’installe sur sa fiabilité. Selon le Washington Post, en janvier 2018, des membres de l’ambassade américaine visitent les locaux et alertent Washington de l’insuffisance des mesures de sécurité prises dans un lieu où l’on étudie les coronavirus issus de chauves-souris.”
[“Le « complotisme » se trouve dans ce cas dans l’idée que la réalité nous est cachée. C’est plus une conspiration de silence qu’une conspiration d’action.”]
Permettez-moi de vous dire que je trouve que c’est là étirer un peu loin la notion de “complotisme”. Supposer qu’un pays comme la Chine ne pratique pas nécessairement la transparence et se voir, pour cela, taxé de “complotisme” ?
@ dsk
[Admettons. Dans ce cas, ce serait extrêmement rassurant. Cela voudrait dire que de telles épidémies se seraient déjà produites, mais auraient disparu d’elles-mêmes, sans laisser de souvenir marquant dans la mémoire collective.]
Sur ces questions, la « mémoire collective » est très courte. Qui se souvient de la grippe de Hong-Kong, sauf quelques historiens de la santé ?
[“Pardon, mais… d’où tirez-vous que le « labo tout neuf à Wuhan » travaillait « justement » sur la possible transmission à l’homme de coronavirus ?”]
[“Mais dès le début un doute s’installe sur sa fiabilité. Selon le Washington Post, en janvier 2018, des membres de l’ambassade américaine visitent les locaux et alertent Washington de l’insuffisance des mesures de sécurité prises dans un lieu où l’on étudie les coronavirus issus de chauves-souris.”]
Vous m’excuserez, mais cet article me semble tellement bourré de contradictions que j’ai du mal à le prendre au sérieux. J’ai du mal à imaginer les chinois faisant visiter « à des membres de l’ambassade américaine » (je laisse de côté l’assassinat du français contenu dans cette formule : on est « membre » d’un club ou du corps diplomatique, on est employé ou fonctionnaire d’une ambassade) et leur permettant d’examiner les installations avec un détail suffisant pour pouvoir évaluer l’insuffisance ou non des mesures de sécurité. Et j’ai encore plus de mal à croire que si un tel rapport avait existé, le gouvernement américain ne l’aurait pas mis à profit AVANT l’épidémie. Je me méfie toujours des rapports qui apparaissent post-facto, voyez-vous… Le fait que l’article cite le Washington Post sans donner de date de publication me rend encore plus méfiant !
[“Le « complotisme » se trouve dans ce cas dans l’idée que la réalité nous est cachée. C’est plus une conspiration de silence qu’une conspiration d’action.” Permettez-moi de vous dire que je trouve que c’est là étirer un peu loin la notion de “complotisme”. Supposer qu’un pays comme la Chine ne pratique pas nécessairement la transparence et se voir, pour cela, taxé de “complotisme” ?]
« Supposer » que d’une façon générale un pays ne pratique nécessairement la transparence, n’a rien de « complotiste », puisque depuis l’antiquité l’histoire a abondamment montré que les Etats cherchent à garder des secrets. Croyez-vous vraiment que les Etats-Unis sont plus « transparents » au sujet des opérations de la CIA que ne le sont les Chinois sur leurs propres services secrets ?
Maintenant, quand on passe du général au spécifique, c’est autre chose. Une chose c’est de dire « la CIA cache un certain nombre d’informations », et une autre très différente est « la CIA cache les informations sur l’identité du véritable assassin de Kennedy ». La première affirmation n’a rien de « complotiste », puisque c’est une observation appuyée par une liste très fournie d’exemples établis (et même reconnus par les intéressés). La seconde reste du pur « complotisme » aussi longtemps qu’une preuve d’une telle occultation n’a pas été offerte.
Le complotisme se cache souvent dans le passage de la première catégorie d’affirmations à la seconde. On déduit un peu vite que parce que les Chinois sont peu transparents EN GENERAL qu’ils doivent nous cacher des choses dans un domaine PARTICULIER. Or, cette déduction n’a rien d’évident.
bonjour Descartes et dsk
pour la première question de dsk, je viens compléter la réponse de Descartes.
D’abord une petite mise au point. Le rôle de la chauve-souris comme relai de l’infection tient non pas au fait qu’on les mange (je ne sais pas si cela se fait en Chine) mais au fait qu’elles excrètent des particules virales dans leurs selles (et urine ?) et ainsi qu’elles contaminent les autres animaux dont civette (SARS 1) ou pangolin (SARS 2 a priori).
Pour compléter la réponse de Descartes à dsk. Pour qu’une telle épidémie se déclare, il faut réunir de nombreuses conditions. Du point de vue de l’Homme: détecter, s’en soucier, utiliser des moyens favorisant sa propagation à l’échelle mondiale (notre mondialisation), oublier de bonnes pratiques ancestrales (le lazaret, site de quarantaine des voyageurs venus de ports touchés par la peste), etc…Du point de vue du virus: si le virus (dit “à ARN”) accumule les mutations “facilement”, encore faut-il qu’apparaisse “la” ou plus vraisemblablement “les” mutations qui lui feront sauter la barrière d’espèce, être très contagieux mais pas trop mortel (cf SARS1), être stable dans à peu près tous les climats du monde, ou, ici, associer défaut respiratoire et vasculaire (ce qui le distingue des “autres formes de grippe” comme l’écrit Descartes) etc…
Tout cela ne me paraît pas si simple à “réunir”, sans parler de ce qui reste à l’état d’hypothèses (déforestation ? diffusion des particules virales sur les particules industrielles ? etc)
Au sujet des P4, je suis entièrement d’accord avec les arguments de Descartes, tout en reconnaissant que l’hypothèse d’un technicien maladroit mettant son scaphandre souillé à l’envers ou le ramenant à la maison pour faire le malin ne pourra jamais être totalement exclue 😉
@ Boonobip
[“Au sujet des P4, je suis entièrement d’accord avec les arguments de Descartes, tout en reconnaissant que l’hypothèse d’un technicien maladroit mettant son scaphandre souillé à l’envers ou le ramenant à la maison pour faire le malin ne pourra jamais être totalement exclue”]
Je ne sais pas. Dans l’article du Washington Post dont j’ai communiqué le lien à Descartes, il est dit, en tout cas :
“Records reveal multiple accidents have led to the escape of dangerous pathogens and inadvertent infections at U.S. laboratories”
Voyez également le début de cet article où il est dit que les coronavirus de chauve-souris n’étaient pas forcément manipulés, à Wuhan, au sein du labo P4, mais dans un labo de type P2.
[Admettons. Dans ce cas, ce serait extrêmement rassurant. Cela voudrait dire que de telles épidémies se seraient déjà produites, mais auraient disparu d’elles-mêmes, sans laisser de souvenir marquant dans la mémoire collective.]
Même s’il faut rester prudent, des études récentes suggèrent que le virus actuel ressemble à des virus qui existaient au cours des années passées, puisqu’une partie importante des échantillons de sang prélevés en 2018 possèdent des anticorps qui permettent de lutter efficacement contre le covid…
Bref, il semblerait bien que ce soit ça…
[“Sur ces questions, la « mémoire collective » est très courte. Qui se souvient de la grippe de Hong-Kong, sauf quelques historiens de la santé ?”]
C’est déjà mieux que personne, dans le cas qui nous occupe…
[“Le fait que l’article cite le Washington Post sans donner de date de publication me rend encore plus méfiant !”]
Voici le lien (il faut désactiver adblock) :
https://www.washingtonpost.com/opinions/2020/04/14/state-department-cables-warned-safety-issues-wuhan-lab-studying-bat-coronaviruses/
D’autre part, voici un autre lien vers un article plus récent du Washington Post qui, en dépit de son titre, me paraît plutôt, par son contenu, par ailleurs très détaillé, aller dans le sens d’une “plausibilité” d’un accident de laboratoire :
https://www.washingtonpost.com/politics/2020/05/01/was-new-coronavirus-accidentally-released-wuhan-lab-its-doubtful/
[“Maintenant, quand on passe du général au spécifique, c’est autre chose. Une chose c’est de dire « la CIA cache un certain nombre d’informations », et une autre très différente est « la CIA cache les informations sur l’identité du véritable assassin de Kennedy ». La première affirmation n’a rien de « complotiste », puisque c’est une observation appuyée par une liste très fournie d’exemples établis (et même reconnus par les intéressés). La seconde reste du pur « complotisme » aussi longtemps qu’une preuve d’une telle occultation n’a pas été offerte.
Le complotisme se cache souvent dans le passage de la première catégorie d’affirmations à la seconde. On déduit un peu vite que parce que les Chinois sont peu transparents EN GENERAL qu’ils doivent nous cacher des choses dans un domaine PARTICULIER. Or, cette déduction n’a rien d’évident.”]
Je me borne, en ce qui me concerne, à penser que les chinois “peuvent”, et non “doivent”, nous cacher des choses. Je peux me satisfaire, ici, d’une simple hypothèse, dans la mesure où je ne cherche, ici, qu’à remettre en cause l’idée exprimée dans votre texte selon laquelle cette épidémie devrait faire reculer l’écologisme par l’évidence, aux yeux du grand public, de son caractère naturel.
@ dsk
[Voici le lien (il faut désactiver adblock) :]
Merci beaucoup de cette référence. Je constate à la lecture que les télégrammes diplomatiques en question font suite à la visite sur place du consul américain et d’un autre diplomate. On peut donc se demander si ces personnes ont une quelconque expertise leur permettant un jugement d’expert sur les mesures de sécurité, ou s’il s’agit de simples impressions, ce qui expliquerait pourquoi ces alertes n’ont pas été prises au sérieux.
[D’autre part, voici un autre lien vers un article plus récent du Washington Post qui, en dépit de son titre, me paraît plutôt, par son contenu, par ailleurs très détaillé, aller dans le sens d’une “plausibilité” d’un accident de laboratoire :]
Pas vraiment. La conclusion est : “Too many unexpected coincidences would have had to take place for it to have escaped from a lab” (« Trop de coïncidences inespérées seraient nécessaires por qu’il se soit échappé d’un laboratoire »). Le rasoir d’Occam invite donc à éliminer cette hypothèse aussi longtemps que des faits substantiels ne la soutiennent.
[Je me borne, en ce qui me concerne, à penser que les chinois “peuvent”, et non “doivent”, nous cacher des choses.]
Mais ne pensez-vous pas que les Etatsuniens, les Britanniques, les Indiens, les Népalais et je vous fais grâce des autres presque deux-cents états sur terre « peuvent », eux aussi, vous cacher des choses ? Pourquoi réserver cette suspicion aux chinois en particulier ?
@ Descartes
[“Je constate à la lecture que les télégrammes diplomatiques en question font suite à la visite sur place du consul américain et d’un autre diplomate. On peut donc se demander si ces personnes ont une quelconque expertise leur permettant un jugement d’expert sur les mesures de sécurité, ou s’il s’agit de simples impressions, ce qui expliquerait pourquoi ces alertes n’ont pas été prises au sérieux.”]
Si j’en crois le passage de l’article ci-dessous, cet “autre diplomate” accompagnant le consul était tout de même “the embassy’s counselor of environment, science, technology and health”. Il y est dit, en outre, que l’ambassade américaine “took the unusual step of repeatedly sending U.S. science diplomats to the Wuhan Institute of Virology (WIV)” :
In January 2018, the U.S. Embassy in Beijing took the unusual step of repeatedly sending U.S. science diplomats to the Wuhan Institute of Virology (WIV), which had in 2015 become China’s first laboratory to achieve the highest level of international bioresearch safety (known as BSL-4). WIV issued a news release in English about the last of these visits, which occurred on March 27, 2018. The U.S. delegation was led by Jamison Fouss, the consul general in Wuhan, and Rick Switzer, the embassy’s counselor of environment, science, technology and health.”]
[“D’autre part, voici un autre lien vers un article plus récent du Washington Post qui, en dépit de son titre, me paraît plutôt, par son contenu, par ailleurs très détaillé, aller dans le sens d’une “plausibilité” d’un accident de laboratoire : “]
[“Pas vraiment. La conclusion est : “Too many unexpected coincidences would have had to take place for it to have escaped from a lab” (« Trop de coïncidences inespérées seraient nécessaires pour qu’il se soit échappé d’un laboratoire »).”]
Ce n’est là que la conclusion du journaliste, probablement anti-Trump, du Washington Post, dont on ne voit pas très bien d’ailleurs sur quoi il se base, et non d’un scientifique. En revanche, qui mieux que “one of the world’s foremost experts on these viruses, Shi Zhengli, based at the WIV”, autrement dit le labo P4 en question, pour juger de la plausibilité d’un tel accident ? Voici ses propos, tels que rapportés dans l’article lui-même :
“Records reveal multiple accidents have led to the escape of dangerous pathogens and inadvertent infections at U.S. laboratories. While no comparable records exist in China, one of the world’s foremost experts on these viruses, Shi Zhengli, based at the WIV, thought it was possible. In March, Shi told the Scientific American that in the early days of the outbreak, even she wondered whether coronaviruses were to blame. “Could they have come from our lab?” After all, her lab had collected and sequenced tens of thousands of coronaviruses over the past decade. (She has since adamantly denied that the new coronavirus could have emerged from her lab. Her boss and the WIV issued similar denials.)”
@ dsk
[Si j’en crois le passage de l’article ci-dessous, cet “autre diplomate” accompagnant le consul était tout de même “the embassy’s counselor of environment, science, technology and health”. Il y est dit, en outre, que l’ambassade américaine “took the unusual step of repeatedly sending U.S. science diplomats to the Wuhan Institute of Virology (WIV)” :]
Vous voyez bien qu’un conseiller qui prend en charge l’ensemble « environnement, science, technologie et santé » difficilement peut avoir le type de connaissance spécialisée qui permet de faire, sur une simple visite, un diagnostic sur les mesures de sécurité d’un laboratoire. S’il était possible d’aboutir à un tel résultat, on comprend mal pourquoi ce type d’installations font l’objet d’audits de sécurité qui durent des mois. Quant au fait que l’ambassade américaine « ait envoyé de façon répétée des « diplomates scientifiques » ( ?) au WIH », comment conciliez-vous cette idée avec votre remarque sur le manque de transparence du gouvernement chinois ?
Plus je le pense, et plus j’ai l’impression qu’on confond ici une note diplomatique d’impression, qui reflète non pas un diagnostic sérieux mais les impressions qu’un diplomate peut tirer d’une visite d’installation, avec un véritable rapport d’expert. Pour avoir un peu fait ce boulot, j’ai pu avoir des impressions fort négatives lors de visites de sites nucléaires étrangers, pour ensuite constater après audit en profondeur que les niveaux de sécurité étaient acceptables, tout simplement parce que les différentes cultures ne mettent pas l’accent sur les mêmes types de mesures de sécurité. Et l’inverse est vraie aussi : ainsi, il y a des installations nucléaires aux Etats-Unis dont on se dit, en voyant les gardes armés jusqu’aux dents, les barbelés et la fouille systématique que la sécurité est bien assurée, pour se rendre compte après audit que le personnel applique bêtement les procédures sans jamais s’interroger sur leur pertinence, ce qui permet à n’importe quel malveillant qui connait la procédure de la contourner.
[Ce n’est là que la conclusion du journaliste, probablement anti-Trump, du Washington Post, dont on ne voit pas très bien d’ailleurs sur quoi il se base, et non d’un scientifique.]
C’est en tout cas la conclusion de la seule personne qui ait vu les télégrammes diplomatiques en question. Ce qui lui donne un certain poids.
[En revanche, qui mieux que “one of the world’s foremost experts on these viruses, Shi Zhengli, based at the WIV”, autrement dit le labo P4 en question, pour juger de la plausibilité d’un tel accident ? Voici ses propos, tels que rapportés dans l’article lui-même : “Records reveal multiple accidents have led to the escape of dangerous pathogens and inadvertent infections at U.S. laboratories. While no comparable records exist in China, one of the world’s foremost experts on these viruses, Shi Zhengli, based at the WIV, thought it was possible”.
Personne ici ne conteste que ce soit « possible ». Ce que j’ai contesté, c’est votre déclaration selon laquelle « c’est le plus vraisemblable ». Il n’y a rien dans la déclaration de Shi Zengli qui accrédite cette dernière idée :
“In March, Shi told the Scientific American that in the early days of the outbreak, even she wondered whether coronaviruses were to blame. “Could they have come from our lab?” After all, her lab had collected and sequenced tens of thousands of coronaviruses over the past decade. (She has since adamantly denied that the new coronavirus could have emerged from her lab. Her boss and the WIV issued similar denials.)”
En d’autres termes, au début de l’épidémie elle s’est inquiétée sur la possibilité que cela vienne de son laboratoire. Et aujourd’hui, après mûre réflexion, elle ne pense pas que ce soit le cas. Dont acte. Et vous pensez toujours que la piste du laboratoire est « la plus vraisemblable » ?
@ Descartes
[“En d’autres termes, au début de l’épidémie elle s’est inquiétée sur la possibilité que cela vienne de son laboratoire. Et aujourd’hui, après mûre réflexion, elle ne pense pas que ce soit le cas. Dont acte. Et vous pensez toujours que la piste du laboratoire est « la plus vraisemblable » ?”]
Je ne suis, en tout cas, toujours pas convaincu du contraire. Maintenant, je vous avouerais que je manque de motivation pour poursuivre mes recherches sur ce sujet. De toute façon, il n’est pas sûr que l’idée que cette épidémie puisse avoir été déclenchée par un accident de laboratoire fasse les affaires des écolos, dans la mesure où, aux yeux, me semble-t-il, de bon nombre d’entre eux, ce virus serait plutôt “bon pour la planète”, puisqu’il aura permis de réduire assez significativement la pollution. Ce serait donc, plutôt son origine humaine qui pourrait, à la limite, les embarrasser.
Incidemment, je trouve, de ce point de vue, votre citation de Houellebecq intéressante, en ce qu’elle pourrait se comprendre comme signifiant que ce confinement appliqué un peu partout aura été, objectivement, un facteur d’accélération de cette “vie à distance” que permettent les nouvelles technologies, et que les écolos s’emploient justement à promouvoir, de concert avec la pointe avancée du capitalisme.
[Pire : si au lieu de manger du pangolin « naturel » les chinois s’en étaient tenus au poulet aux antibiotiques et au porc d’élevage, rien de tout ça ne serait arrivé.]
Alors… Du Porc non, de la volaille…
@ Yoann
[Alors… Du Porc non, de la volaille…]
Je n’ai pas compris la remarque…
@ Descartes et Yoann
Bonjour,
[ “Alors… Du Porc non, de la volaille…”
Je n’ai pas compris la remarque…]
Une explication possible: je suppose que selon le proverbe “Tout homme a dans son coeur un cochon qui sommeille.et tout cochon a dans son coeur un homme qui sommeille”, 1,4 Mds de Chinois seraient conduits à une anthropophagie désastreuse pour le genre humain ! 🤪
Ce qui démontrerait que l’homme détruit l’homme. Non ?
Bofffff !
L’élevage de volaille est une source infini de virus de la grippe (en particulier en Asie du sud est). C’est d’ailleurs pour ça qu’on a un plan pandémie “grippe”.
@ yoann
[L’élevage de volaille est une source infini de virus de la grippe (en particulier en Asie du sud est). C’est d’ailleurs pour ça qu’on a un plan pandémie “grippe”.]
Tous les élevages sont potentiellement réservoirs de maladies. Et cela est connu depuis l’antiquité – l’interdiction par exemple de manger du porc énoncée dans l’ancien testament est probablement liée à la transmission par le port de certaines maladies graves. Mais la consommation d’animaux sauvages n’est pas meilleure du point de vue sanitaire…
@ Descartes
Bonjour,
[ « Le monde d’après sera comme celui d’avant, en un peu pire » (Michel Houellebecq)]
Si votre billet satisfait l’exigence de lucidité réclamée par N. Hulot, le choix de la formule de M. Houellebecq me semble cependant en manquer.
Ce dernier – dont j’apprécie néanmoins la lecture – n’en est pas moins qu’un oiseau de mauvais augure qui fonde sa notoriété sur un pessimisme, une peur de l’avenir qui sonne en écho aux angoisses existentielles de nos sociétés de nantis.
Et la lucidité, dans le contexte actuel plus que jamais, nécessite de prendre un peu de recul face aux évènements.
Il ne faudrait tout de même pas prendre nos perturbations actuelles pour des signes d’un changement profond de nos sociétés. L’histoire de l’humanité est constellée de ces aléas mais le sens général va dans le sillage d’un progrès quasiment constant, à condition que l’on ne fixe pas son observation sur son propre nombril à un instant T.
Ne pourrions-on pas supposer – l’avenir nous éclairera sans doute sur ce point – qu’une sorte de panique, entretenue et développée par l’effet pernicieux de la puissance médiatique, a déclenché une réaction en chaine chez tous les gouvernants de la planète et faire de cette épidémie un cataclysme universel. Cette pandémie n’aura probablement pas beaucoup plus de conséquences sanitaires qu’une très virulente grippe, et je me demande qui, des médias ou des médecins, auront été les plus déterminants dans les décisions politiques.
Toute expérience qui dérange est porteuse d’enseignements. Gageons que celle ci, en France, saura remettre en cause des dysfonctionnements manquant d’efficience et facilitera une nette amélioration de nos organisations. A terme, nous pourrions en sortir finalement gagnants.
Et puis, outre l’accroissement ponctuel des victimes, les bonnes pratiques d’hygiène et de prophylaxie pourraient bien épargner, voire sauver des dizaines ou centaines de vies humaines dès un avenir proche.
J’exècre depuis des années cette manie qui consiste à « faire la bise » et que j’appelle les « salades de museaux » en toutes occasions. Si cette pratique s’étiolait ce serait sans doute un grand mieux pour la santé publique.
Finalement, ce que j’apprécie dans ces évènements qui se poursuivent, c’est le constat généralisé de la relativité du savoir. C’est, il me semble, un pas de plus dans le domaine des Lumières, ce doute raisonné devant toute affirmation de certitudes intempestives est un gain de lucidité. Le temps se charge souvent de démontrer l’inanité des dogmes et professions de foi.
@ Marcailloux
[Si votre billet satisfait l’exigence de lucidité réclamée par N. Hulot, le choix de la formule de M. Houellebecq me semble cependant en manquer.]
J’ai choisi la formule de Houellebecq plus comme clin d’œil au discours de ceux qui annoncent sans précautions que « rien ne sera comme avant » que comme argument. Vous savez que je suis un grand défenseur de l’optimisme méthodologique…
[Il ne faudrait tout de même pas prendre nos perturbations actuelles pour des signes d’un changement profond de nos sociétés. L’histoire de l’humanité est constellée de ces aléas mais le sens général va dans le sillage d’un progrès quasiment constant, à condition que l’on ne fixe pas son observation sur son propre nombril à un instant T.]
Sur le long terme, certainement. Mais malheureusement, sur le long terme on est tous morts. Savoir que dans la perspective historique l’humanité est sur une courbe ascendante est une maigre consolation pour ceux qui ont à vivre leur (courte) vie dans un contexte descendant. Or, il est difficile de ne pas conclure que depuis trente ou quarante ans nous vivons en tant que nation une spirale descendante, particulièrement sensible pour les couches populaires. La crise actuelle marquera-t-elle une rupture ? Probablement pas. Marquera-t-elle une inflexion au moins sur certains sujets ? C’est possible.
[Ne pourrions-on pas supposer – l’avenir nous éclairera sans doute sur ce point – qu’une sorte de panique, entretenue et développée par l’effet pernicieux de la puissance médiatique, a déclenché une réaction en chaine chez tous les gouvernants de la planète et faire de cette épidémie un cataclysme universel. Cette pandémie n’aura probablement pas beaucoup plus de conséquences sanitaires qu’une très virulente grippe, et je me demande qui, des médias ou des médecins, auront été les plus déterminants dans les décisions politiques.]
Je ne dirais pas « une panique ». Mais clairement – et c’est une première dans l’histoire – on valorise aujourd’hui la vie humaine bien au-dessus de tout autre intérêt collectif. Il y a un demi-siècle, la priorité aurait été de préserver les institutions politiques, sociales et économiques plutôt que de sauver des individus. En 1940 et 1945 on a fait passer les examens et les concours sous les bombes ou presque, aujourd’hui on annule examens et concours plutôt que de risquer des vies. Les gouvernements ne font que céder à cette demande sociale.
[Toute expérience qui dérange est porteuse d’enseignements. Gageons que celle-ci, en France, saura remettre en cause des dysfonctionnements manquant d’efficience et facilitera une nette amélioration de nos organisations. A terme, nous pourrions en sortir finalement gagnants.]
On peut le souhaiter. L’expérience sera certainement riche d’enseignements… le problème est que ces enseignements n’ont rien de nouveau. Qu’est-ce que cette crise nous enseigne que nous ne sussions déjà ? Que trente ans d’austérité, de transfert de compétences vers les collectivités locales et vers l’Europe ont affaibli l’Etat et l’ont privé de ses leviers d’action ? Que le système hospitalier tombe en morceaux ? Que l’UE nous coûte cher et ne sert à rien sinon à imposer des contraintes ? que notre système industriel est devenu dépendant ? Tout cela et plus est visible et dénoncé depuis des années. A-t-on fait quelque chose ? Non. Et cela pour une raison très simple : les couches sociales qui ont les moyens de faire quelque chose n’avaient aucun intérêt à voir les problèmes.
Cette crise peut-elle pousser à une prise de conscience qui oblige nos élites, largement issues des classes intermédiaires, à agir ? Je ne sais pas…
[J’exècre depuis des années cette manie qui consiste à « faire la bise » et que j’appelle les « salades de museaux » en toutes occasions. Si cette pratique s’étiolait ce serait sans doute un grand mieux pour la santé publique.]
Peut-être, mais je ne pense pas qu’abolir la poignée de main soit un progrès.
[Finalement, ce que j’apprécie dans ces évènements qui se poursuivent, c’est le constat généralisé de la relativité du savoir. C’est, il me semble, un pas de plus dans le domaine des Lumières, ce doute raisonné devant toute affirmation de certitudes intempestives est un gain de lucidité. Le temps se charge souvent de démontrer l’inanité des dogmes et professions de foi.]
Là, je dois dire que je trouve votre optimisme très exagéré. Les cas comme celui du Pr Raoul et le soutien qu’il a reçu au nom du « patriotisme régional » contre les « élites parisiennes » montre bien qu’on est très loin du « doute raisonné » devant les « certitudes intempestives »…
[ Les cas comme celui du Pr Raoul et le soutien qu’il a reçu au nom du « patriotisme régional » contre les « élites parisiennes » montre bien qu’on est très loin du « doute raisonné » devant les « certitudes intempestives »]
Voilà bien une de vos obsessions favorites sur le régionalisme mais il ne faut pas oublier que tous les chefs de groupuscules souverainistes tous parfaitement jacobins, Asselineau, Philippot, Dupont-Aignan et même un Pierre-Yves Rougeyron du cercle Aristote soutiennent mordicus Le Pr Raoult.
En dehors de la vieille rancoeur et rivalités marseillaises envers Paris, on peut aussi citer les théories complotistes sur le big Pharma (la chloroquine est dans le domaine public et donc ne rapporte pas aux laboratoires) l’hostilité envers tout ce qui vient du pouvoîr macronien et sans doute aussi le complexe du “seul contre tous”
Le problème du pouvoir macronien est qu’il a perdu sa crédibilité, à force de mensonges grossiers quoi que ces gens-là disent, on ne les croit plus….
@ cd
[Voilà bien une de vos obsessions favorites sur le régionalisme mais il ne faut pas oublier que tous les chefs de groupuscules souverainistes tous parfaitement jacobins, Asselineau, Philippot, Dupont-Aignan et même un Pierre-Yves Rougeyron du cercle Aristote soutiennent mordicus Le Pr Raoult.]
Et bien, cela prouve qu’à l’heure de prendre position sur des sujets de fond, je ne me laisse pas influencer par les affinités politiques. Merci de ce délicat compliment…
Redevenons sérieux. Et bien, si les « chefs des groupuscules souverainistes » soutiennent le Pr Raoult par conviction, ils font à mon avis erreur. Et s’ils le font par calcul, ils se trompent. Raoult peut faire illusion quelque temps avec sa posture anti-institution et anti-élites, mais on se rendra compte très vite que loin de chercher la confrontation pour la confrontation, Raoult cherche la célébrité et les crédits. Et que cela suppose une négociation avec les pouvoirs en place. Pourquoi croyez-vous qu’il ait reçu aussi courtoisement le président de la République ?
Qui plus est, ses approximations et ses déclarations à l’emporte-pièce finiront par brouiller son image. Déjà on remarque qu’il a minimisé la portée de l’épidémie au départ, que le remède miracle qu’il recommande n’arrive pas à prouver son efficacité – même si Trump ne jure que par lui. Je ne sais pas si Asselineau, Philippot et Dupont-Aignan soutiennent mordicus le médiatique professeur, mais s’ils le font je suspecte qu’ils finiront par se mordre les doigts.
J’ajoute que je suis très déçu que ceux qui prétendent représenter le courant souverainiste renient ainsi l’héritage des Lumières en faisant leur un discours fondamentalement obscurantiste. Comme disait mongénéral, les souverainistes sont trop faibles pour pouvoir se permettre de faire des compromis.
[En dehors de la vieille rancoeur et rivalités marseillaises envers Paris, on peut aussi citer les théories complotistes sur le big Pharma (la chloroquine est dans le domaine public et donc ne rapporte pas aux laboratoires) l’hostilité envers tout ce qui vient du pouvoîr macronien et sans doute aussi le complexe du “seul contre tous”]
Tout à fait d’accord. Mais avouez qu’il est curieux qu’on ne voit pas surgir ce genre de personnage à Lille, Bordeaux, Lyon ou Toulouse.
[Le problème du pouvoir macronien est qu’il a perdu sa crédibilité, à force de mensonges grossiers quoi que ces gens-là disent, on ne les croit plus…]
Je ne vois pas le rapport. A ma connaissance, ce n’est pas « Raoult vs. Macron », au contraire : Macron est même allé à Marseille marquer son admiration pour le « druide ». Entre transgressifs…
[même si Trump ne jure que par lui]
Devinez qui à arrêter son traitement préventif suite au papier de The Lancet ?
“Tout à fait d’accord. Mais avouez qu’il est curieux qu’on ne voit pas surgir ce genre de personnage à Lille, Bordeaux, Lyon ou Toulouse.”
C’est la raison pour laquelle je parlais de “rancoeur et rivalité marseillaises” envers Paris. Sans doute parce que des grandes villes de France, Marseille est la plus pauvre. C’est la seule sans doute pour laquelle le schéma de Christophe Guilluy ne s’applique pas et cette pauvreté explique sans doute beaucoup de cette rancoeur envers la capitale. Mais vous avez sans doute une meilleure explication.
Quant à la visite de Marcon à Raoult… Macron est le Jupiter du “en même temps” Si ça peut faire plaisir à certains qu’il aille voir Raoult, il va voir Raoult, ça ne lui coûte rien. Un type qui vante l’oeuvre coloniale de la France à Toulon et accuse la France de crime contre l’humanité à Alger peut tout se permettre.
“En même temps” suite à la publication de “The Lancet” l’hydroxychloroquine vient d’être interdite dans le traitement du Covid.
Si Macron était une chanson, il serait “Paroles ! Paroles !” de Dalida…
@ cd
[C’est la raison pour laquelle je parlais de “rancoeur et rivalité marseillaises” envers Paris. Sans doute parce que des grandes villes de France, Marseille est la plus pauvre.]
Plus pauvre que l’agglomération de Lille ? Je n’en suis pas totalement convaincu. Mais admettons. D’où vient cette pauvreté ? Marseille est un port de première catégorie, située sur les routes commerciales les plus importantes. C’est une ville jeune. Le climat est doux et agréable. La ville est connectée au réseau TGV et à un réseau autoroutier dense. Alors, pourquoi est-ce une ville pauvre ? C’est ce que les marseillais feraient bien de se poser comme question, au lieu de jouer les complexes de supériorité et se plaindre ensuite que tout le monde leur en veut et demander de l’Etat central qu’il résolve leurs problèmes.
Désolé si je suis véhément, mais ayant été en poste à Marseille, je peux vous dire que si la ville est pauvre, c’est aussi la faute des marseillais. Car le clientélisme et le clanisme qui étouffent toute forme de projet collectif ne sont pas seulement la faute des élus : c’est aussi le mode de vie d’une population qui vend en permanence son vote au plus offrant et qui ne se considère solidaire que de son « clan ». Si la décentralisation a fait des ravages ailleurs, à Marseille cela a été une catastrophe.
Marseille est une ville ou l’on bosse peu, mais surtout ou l’on bosse mal. Et où l’on perd ensuite autant de temps à justifier les bavures que cela aurait pris de faire le boulot correctement dès le départ. Si vous aimez l’aventure, faites remplacer votre chauffe-eau à Marseille. Six mois plus tard, vous serez encore à vous battre avec l’artisan pour qu’il corrige les malfaçons. Et je ne vous parle même pas des syndicats, qui au lieu de réfléchir à la façon de préserver les intérêts de leurs mandants dans un monde qui change se battent pour que tout reste inchangé.
[C’est la seule sans doute pour laquelle le schéma de Christophe Guilluy ne s’applique pas et cette pauvreté explique sans doute beaucoup de cette rancœur envers la capitale. Mais vous avez sans doute une meilleure explication.]
J’aurais plutôt tendance à inverser l’équation : c’est cette rancœur qui alimente la pauvreté, et non l’inverse. Parce que cette rancœur permet à la classe politique marseillaise de rejeter des méthodes de travail et d’organisation qui ont fait leurs preuves ailleurs et qui sont portés par Paris au prétexte d’une « spécificité marseillaise ». Toute modernisation, toute évolution se trouve immédiatement rejeté comme une « invention des technocrates de Paris ». Or, on ne peut être riche au XXIème siècle en appliquant les recettes du XIXème.
Bien entendu, cette rancœur a une origine, et cette origine se trouve à mon avis dans le traumatisme de la fin de l’Empire français et du drame des rapatriés, drame jamais tout à fait élaboré dans notre société. Car Marseille, on l’oublie souvent, fut une ville riche, très riche, du temps du commerce colonial.
[Quant à la visite de Marcon à Raoult… Macron est le Jupiter du “en même temps” Si ça peut faire plaisir à certains qu’il aille voir Raoult, il va voir Raoult, ça ne lui coûte rien. Un type qui vante l’oeuvre coloniale de la France à Toulon et accuse la France de crime contre l’humanité à Alger peut tout se permettre.]
Beh… si on regarde sa courbe de popularité, on se dit que non, qu’il ne peut pas tout se permettre. A force de dire n’importe quoi et de fréquenter n’importe qui, on finit par se déconsidérer.
[avouez qu’il est curieux qu’on ne voit pas surgir ce genre de personnage à Lille, Bordeaux, Lyon ou Toulouse. ]
“Ce genre de personnage”, d’accord.
Mais des voix discordantes, oui. Je voudrais mentionner à Lille P. Froguel qui a bien ouvert sa bouche lui aussi (il n’a jamais gardé sa langue dans sa poche !), sans pour autant faire du Raoult, loin de là. Et ce généticien lui n’a pas un traitement à promouvoir.
Je vous invite à en lire quelques interviews.
@ Boonobip
[Mais des voix discordantes, oui. Je voudrais mentionner à Lille P. Froguel qui a bien ouvert sa bouche lui aussi (il n’a jamais gardé sa langue dans sa poche !), sans pour autant faire du Raoult, loin de là.]
Le Pr. Frogel a été en effet très critique de la manière dont le gouvernement gère l’épidémie, et c’est son droit. Mais contrairement à Raoult, il ne propose pas des traitements miracle en prenant des libertés avec l’éthique scientifique. Vous noterez d’ailleurs qu’en son temps le Pr Froguel avait, si ma mémoire ne me trompe pas, défendu les ministres trainés devant la CJR dans l’affaire du sang contaminé.
@cd
> Voilà bien une de vos obsessions favorites sur le régionalisme mais il ne faut pas oublier que tous les chefs de groupuscules souverainistes tous parfaitement jacobins, Asselineau, Philippot, Dupont-Aignan et même un Pierre-Yves Rougeyron du cercle Aristote soutiennent mordicus Le Pr Raoult.
Mais aussi des souverainistes girondins comme Onfray et des européistes comme Mélenchon…
D’ailleurs, question en passant : girondisme et souverainisme sont-ils vraiment compatibles ? Si des partisans d’un fédéralisme (comme Onfray ou semble-t-il Polony) se réclament du souverainisme, n’est-ce pas la même chose que quand certains se réclament d’un souverainisme européen ?
@ Ian Brossage
[D’ailleurs, question en passant : girondisme et souverainisme sont-ils vraiment compatibles ? Si des partisans d’un fédéralisme (comme Onfray ou semble-t-il Polony) se réclament du souverainisme, n’est-ce pas la même chose que quand certains se réclament d’un souverainisme européen ?]
En théorie, le souverainisme est parfaitement compatible avec le girondinisme. Après tout, personne ne conteste que les Etats-Unis, la Suisse ou l’Allemagne constituent des entités souveraines, alors même que tous trois sont fédérales. Le souverainisme repose sur l’idée que la souveraineté repose dans la nation, autrement dit, qu’une nation n’est soumise qu’aux règles qu’elle fait elle-même. Ce qui n’exclut pas des répartitions de pouvoirs différentes à l’intérieur de la nation.
Ça, c’est la théorie. Parce qu’en pratique il faut tenir compte de l’histoire. En France, les courants girondins depuis le début du XIXème siècle tendent à contester l’idée même de « nation française » et de « peuple français » qui la sous-tend à partir de la constitution d’identités « nationales » au niveau des pays et des régions. Ainsi, par exemple, l’idée proposée par le gouvernement Jospin d’un « peuple corse, partie intégrante du peuple français » ouvrait la voie à la « souveraineté corse » (puisque la souveraineté est indivisible). En ce sens, on peut dire que le « girondinisme » est incompatible avec un « souverainisme français » mais parfaitement compatible avec un « souverainisme régional ».
Je me demande par ailleurs si on peut parler de « girondinisme » à propos d’Onfray. Si j’ai bien compris ce qu’il dit, sa position est plutôt anti-institutions et anti-pouvoirs. Son objectif est plus d’affaiblir le pouvoir central que de renforcer les pouvoirs locaux.
Pour citer une inteview récente d’Onfray :
« Proudhon parlait d’«anarchie positive», c’est cette positivité qui m’intéresse le communalisme libertaire, l’autogestion, le régionalisme sur le mode girondin, la construction de maisons du peuple ou de parlements régionaux comme autant de lieux de débats et de décisions démocratiques, la promotion d’un Etat qui garantisse l’organisation libertaire, donc qui garantisse le choix du peuple – je vous renvoie à Théorie de la propriété de Proudhon – et non aux anarchismes de Bakounine ou de Stirner… Ma tradition est celle de l’anarchie française – Jean Grave, Sébastien Faure, Proudhon. »
(L’idée d’un « Etat qui garantisse l’organisation libertaire » me paraît particulièrement capillotractée. J’avoue que je n’ai pas envie de m’enquiller un livre d’Onfray pour en savoir plus…)
https://frontpopulaire.fr/o/Content/co64179/police-mentale-et-ministere-de-la-verite
@ Ian Brossage
[(L’idée d’un « Etat qui garantisse l’organisation libertaire » me paraît particulièrement capillotractée. J’avoue que je n’ai pas envie de m’enquiller un livre d’Onfray pour en savoir plus…)]
C’était exactement mon point. Onfray veut une souveraineté sans Etat. Plus que Proudhon, on retrouve paradoxalement chez lui la vision des premiers libéraux : un Etat dont la seule fonction est de garantir les libertés des individus et les empêcher de se nuire les uns les autres. Un Etat qui ne décide rien, qui n’a pas de politique propre puisque les politiques se font ailleurs, dans les « maisons du peuple » et autres assemblées locales. Dans ce texte, Onfray illustre en fait combien libéraux et libertaires sont proches dans leur rejet de toute volonté collective, de tout intérêt général.
@Descartes,
[Ça, c’est la théorie. Parce qu’en pratique il faut tenir compte de l’histoire. En France, les courants girondins depuis le début du XIXème siècle tendent à contester l’idée même de « nation française » et de « peuple français » qui la sous-tend à partir de la constitution d’identités « nationales » au niveau des pays et des régions]
C’est bizarre, mais j’aurais pensé qu’avec Robespierre et son comité de Salut Public, et Napoléon Bonaparte (le pro-Consul et l’Empereur), les Girondins avaient été anéantis à l’issue de la Révolution, soldant la querelle pour cette période… A quels hommes politiques de l’époque pensez-vous donc quand vous évoquiez les Girondins du début du XIXè?
Pour ma part, j’aurais songé à une résurgence du courant brissotin à partir de la Restauration, plus précisément après le départ du très réactionnaire Charles X. J’ai toujours pensé que les louis-philippards étaient les dignes descendants de ce courant de pensée qui mariant féodalisme de moeurs et bourgeoisie capitaliste. Avec l’avènement de Louis-Philippe, la bourgeoisie française avait enfin réalisé son rêve, celui d’une alliance avec la noblesse, celle que sa cousine anglaise avait su conclure faire dès la Glorieuse révolution de 1688…
[Je me demande par ailleurs si on peut parler de « girondinisme » à propos d’Onfray. Si j’ai bien compris ce qu’il dit, sa position est plutôt anti-institutions et anti-pouvoirs. Son objectif est plus d’affaiblir le pouvoir central que de renforcer les pouvoirs locaux.]
En fait, Onfray est un grand fan de Charlotte Corday, pro-Chouan et grand contempteur de Robespierre et des sans-culottes. D’un autre côté, il est pro-1789, mais à la François Furet: d’accord pour renverser la Bastille et rédiger une Déclaration des Droits de l’Homme version 1793, mais non à Terreur et aux “buveurs de sang”…
Donc je dirais que de ce point de vue, même s’il se réclame de Gracchus Baboeuf, de Proudhon et de l’idéologie libertaire, il est girondin donc assez en phase avec notre époque qui veut ignorer la fameuse maxime de Lénine avertissant qu’une révolution n’était pas une soirée de gala…
@ CVT
[C’est bizarre, mais j’aurais pensé qu’avec Robespierre et son comité de Salut Public, et Napoléon Bonaparte (le pro-Consul et l’Empereur), les Girondins avaient été anéantis à l’issue de la Révolution, soldant la querelle pour cette période…]
La querelle entre girondins et jacobins fait partie de la trame de l’histoire de notre pays, et cela au moins depuis Louis XI, avec la lutte permanente entre le pouvoir royal et celui des « grands » du royaume. Elle ne peut donc pas être « soldée ». La Révolution et l’Empire ont effectivement mis sous tutelle les pouvoirs locaux et assuré pour des longues années la prééminence du pouvoir central. Mais les girondins n’ont pas pour autant été « anéantis », tout juste éloignés des leviers du pouvoir. Ils continueront à penser, à écrire, à faire de la politique et à chercher des parcelles de pouvoir. Les premières réflexions localistes ou régionalistes se manifestent dès la chute de l’Empire avec le retour des émigrés. Mais les « blocs de granit » installés par Napoléon Ièr se révèlent trop puissants pour qu’un véritable retour en arrière soit possible, et la Restauration tend à essayer de mettre ses pieds dans les bottes – un peu trop grandes pour elle – de l’Empereur. Il y a tout de même des lois de décentralisation de 1831 et 1837 qui augmentent le pouvoir des communes. Il faut attendre les années 1830-50 pour que de véritables manifestes régionalistes (ceux de Chaho en pays basque en 1836, la fondation du félibrige en 1855).
[Pour ma part, j’aurais songé à une résurgence du courant brissotin à partir de la Restauration, plus précisément après le départ du très réactionnaire Charles X. J’ai toujours pensé que les louis-philippards étaient les dignes descendants de ce courant de pensée qui mariant féodalisme de moeurs et bourgeoisie capitaliste. Avec l’avènement de Louis-Philippe, la bourgeoisie française avait enfin réalisé son rêve, celui d’une alliance avec la noblesse, celle que sa cousine anglaise avait su conclure faire dès la Glorieuse révolution de 1688…]
Tout à fait. Mais contrairement à ce qui s’est passé en Grande Bretagne, ça n’a pas duré. Le souvenir de la Révolution et de l’Empire était trop fort dans le peuple pour que l’expérience puisse fonctionner.
[Donc je dirais que de ce point de vue, même s’il se réclame de Gracchus Baboeuf, de Proudhon et de l’idéologie libertaire, il est girondin donc assez en phase avec notre époque qui veut ignorer la fameuse maxime de Lénine avertissant qu’une révolution n’était pas une soirée de gala…]
Onfray est en fait plus proche des “libéraux-libertaires” façon Cohn-Bendit que des héritiers de Lénine ou même de Baboeuf.
@Descartes
Ce qui me frappe aussi, c’est que c’est un État essentiellement statique, qui se contente de garantir quelques invariants. Ce qui, certes, est conforme à son étymologie, mais pas vraiment à la nature très dynamique des États modernes (l’épidémie de Covid-19 le montre bien). Il me semble que, de ce point de vue, la pensée libérale est essentiellement anachronique, elle cherche à retrouver un paradis perdu. Les libéraux et les girondins rêvent une société qui accepterait un État « en dehors » du cours historique, mais cette société n’existe plus. En France, c’est dès la Révolution française que le peuple somme l’État d’intervenir en lui donnant du pain et du travail.
@ Ian Brossage
[Ce qui me frappe aussi, c’est que c’est un État essentiellement statique, qui se contente de garantir quelques invariants. Ce qui, certes, est conforme à son étymologie, mais pas vraiment à la nature très dynamique des États modernes (l’épidémie de Covid-19 le montre bien). Il me semble que, de ce point de vue, la pensée libérale est essentiellement anachronique, elle cherche à retrouver un paradis perdu.]
Oui. Entre le XVIIIème siècle qui vit la naissance du libéralisme classique et le jour d’aujourd’hui l’Etat a connu une mutation fondamentale. Avec la souveraineté populaire et le suffrage universel, l’Etat a cessé d’être l’instrument dans les mains d’une classe pour devenir le fléau de la balance qui pèse les rapports de force dans la société. L’état-nation s’est imposé devant l’état oligarchique. Cette mutation n’a pas prise en compte par les libéraux – mais aussi les marxistes orthodoxes – qui continuent de voir dans l’Etat une entité extérieure à la société.
[Les libéraux et les girondins rêvent une société qui accepterait un État « en dehors » du cours historique, mais cette société n’existe plus.]
D’une certaine façon, l’UE est une tentative de reconstituer une sorte d’Etat qui, échappant au suffrage universel, n’est l’instrument que d’une seule classe. Sous l’apparence du « gouvernement des gens raisonnables » l’UE reconstitue l’Etat oligarchique que marxistes et libéraux classiques ont tant critiqué.
[En France, c’est dès la Révolution française que le peuple somme l’État d’intervenir en lui donnant du pain et du travail.]
Oui. Et il ne vous aura pas échappé que la Révolution contient en germe la logique de l’état-nation des citoyens fondé sur le suffrage universel.
@Ian Brossage
[Pour citer une inteview récente d’Onfray]
Il serait pas anarcho-poujadiste en somme ?
@Yoann
Heu… je ne sais pas si « poujadisme » est le terme approprié. Mais on peut se demander en effet si dans le girondisme, c’est-à-dire le goût du local, du petit, de la proximité, il n’y a pas les restes du poujadisme. Le poujadisme s’oppose historiquement au développement de la grande industrie et de la grande distribution, qui étaient par nécessité des forces nationales (il paraît difficile de réunir au niveau local le capital nécessaire à leur développement).
Cependant, il y a deux grandes différences :
1) le poujadisme était porté par une classe sociale en voie de rétrécissement et de rabaissement dans l’échelle sociale (les petits commerçants et artisans), alors que le girondisme et le localisme contemporains sont portés par une classe sociale parvenue au faîte de son influence
2) le poujadisme était porté par des producteurs, alors que le localisme contemporain est plutôt porté par des consommateurs
Finalement, le poujadisme disait « laissez-nous nous organiser comme on aime » alors que le localisme dit « organisez-vous comme nous le voulons ».
@ Ian Brossage
[Heu… je ne sais pas si « poujadisme » est le terme approprié. Mais on peut se demander en effet si dans le girondisme, c’est-à-dire le goût du local, du petit, de la proximité, il n’y a pas les restes du poujadisme. Le poujadisme s’oppose historiquement au développement de la grande industrie et de la grande distribution, qui étaient par nécessité des forces nationales (il paraît difficile de réunir au niveau local le capital nécessaire à leur développement).]
J’aurais tendance à dire que ce que distingue la « petite France » du localisme, du petit, de la proximité de la « grande France » qui prétend à un rôle universel est l’horreur de la complexité. La « petite France » est la France de « l’intelligence de la main », du « bon sens paysan », des idées et des solutions simples aux problèmes simples. Loin de ces élites parisiennes qui parlent compliqué, qui pensent compliqué bref, qui compliquent tout.
Le girondinisme tire son attrait de ce qu’il offre aux gens un monde simple, qu’ils peuvent contrôler directement. Le jacobinisme fascine et repousse à la fois parce qu’il révèle la complexité du monde. De ce point de vue, on peut associer le poujadisme au grand courant girondin en ce que son discours tendait à la simplification du monde. C’est là aussi qu’on voit toute la différence entre le populisme de gauche façon LFI et celui pratiqué il y a un semi-siècle par le PCF. Pour le PCF, le monde était éminemment complexe, au point que sa compréhension passait par l’étude et la pratique d’instruments théoriques puissants. Pour le populisme de gauche façon LFI, le monde est simple : c’est « 1% vs. 99% », et le ressenti du peuple suffit.
[Cependant, il y a deux grandes différences :
1) le poujadisme était porté par une classe sociale en voie de rétrécissement et de rabaissement dans l’échelle sociale (les petits commerçants et artisans), alors que le girondisme et le localisme contemporains sont portés par une classe sociale parvenue au faîte de son influence]
Effectivement, le poujadisme était d’abord fils de la peur du déclassement d’une fraction des classes moyennes. Le girondinisme actuel est issu de la volonté d’une classe dominante de détruire les institutions qui permettent aux couches populaires de peser sur son avenir. La proximité des motifs idéologiques ne doit pas nous tromper sur la fonction des deux mouvements.
[Finalement, le poujadisme disait « laissez-nous nous organiser comme on aime » alors que le localisme dit « organisez-vous comme nous le voulons ».]
Là, je ne vous suis pas. Localistes et poujadistes tiennent au fond le même discours – celui du retrait de l’Etat réduit à son rôle de maintien de l’ordre. C’est la fonction du discours qui est différente.
Bonjour,
Je conseille cet exposé assez fouillé et basé sur un raisonnement d’écologue (même s’il y a hélas un peu d’écologisme à la fin). Il examine la causalité d’apparition et de diffusion d’un virus comme SARS-Cov-2, et les relie à des paramètres pas forcément « naturels » :
« Dire contre Montagnier et ses sectateurs que le SARS-CoV-2 est naturel signifie qu’il n’est pas issu d’une manipulation intentionnelle. Le contraste conceptuel implicite oppose ici les causes naturelles, sans but, et ce qu’on appela traditionnellement, après des commentateurs aristotéliciens, les causes finales, censées relever d’une intention. En science, les choses de la nature, pour nous modernes, autrement dit depuis Galilée, n’ont aucun but.
Mais la maladie Covid-19, provoquée par ce virus, est-elle vraiment naturelle ? Notre propos ici interrogera cette question anodine, afin de donner à voir les complexités des rapports entre la nature et son Autre dans le cas de cette pandémie. Dans la tradition occidentale en effet, le concept de « nature » a toujours été défini en opposition avec autre chose : nature et convention pour les Grecs, nature et grâce pour les théologiens catholiques, nature et liberté pour Rousseau et ses continuateurs, ou bien, dès le XIXe siècle, nature et société ou nature et histoire.
Alors, ce virus est-il bien naturel au sens où l’on oppose souvent nature et culture, ou nature et société/civilisation ? […] »
@ Ian Brossage
[Je conseille cet exposé assez fouillé et basé sur un raisonnement d’écologue (même s’il y a hélas un peu d’écologisme à la fin). Il examine la causalité d’apparition et de diffusion d’un virus comme SARS-Cov-2, et les relie à des paramètres pas forcément « naturels » : (…)]
J’avoue que le début de ce texte est suffisant pour décourager le cartésien que je suis : « L’épidémie de Covid-19 était-elle « prévisible » ? Le 16 avril, Emmanuel Macron a réaffirmé que non. C’est faux, elle était même inexorable, selon les écologues et les biologistes. » Or, si un certain nombre d’écologues ou biologistes avaient prophétisé une épidémie de grande ampleur, aucun n’avait prophétisé « l’épidémie de Covid-19 ». C’est donc à juste titre que le président a dit « l’épidémie de Covid-19 était imprévisible ».
Ce débat me rappelle l’enseignement de mon professeur de statistique, qui notait qu’après chaque crise il y a toujours quelqu’un pour dire « je l’avais prévu ». Et c’est vrai : dans la mesure ou des centaines de millions de personnes font des vaticinations chaque jour, il y aura quelques-unes à qui l’avenir donnera raison, de la même façon qu’une montre cassé marque deux fois par jour l’heure exacte. On trouvera donc toujours A POSTERIORI une prédiction exacte. Le problème, c’est de trouver une telle prédiction A PRIORI. Les écologistes pronostiquent chaque jour une catastrophe, et forcément un jour il y en aura un qui aura raison, de la même façon que si vous prédisez à chaque jet que le dé tombera sur un six au bout d’un certain nombre de jets vous verrez votre prédiction se réaliser. Mais cela ne dit rien de vos capacités d’oracle : c’est juste que les probabilités font bien les choses. L’art de l’oracle, c’est surtout de faire oublier les prédictions fausses et de mettre en valeur les prédictions qui se sont réalisées… par hasard !
Pour le reste de l’article, je ne peux y accéder, le site étant payant…
> Or, si un certain nombre d’écologues ou biologistes avaient prophétisé une épidémie de grande ampleur, aucun n’avait prophétisé « l’épidémie de Covid-19 ».
C’est aussi ce que dit le reste de l’article. Le chapo est faussement accrocheur.
> Pour le reste de l’article, je ne peux y accéder, le site étant payant…
En fait, on a accès à trois articles gratuitement par mois en créant un compte sur le site (c’est ce que j’ai fait, et pour cet article je ne le regrette pas).
“presence of a large reservoir of SARS-CoV-like viruses in horseshoe bats, together with the culture of eating exotic mammals in southern China, is a time bomb”.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2176051/
Et parce que le risque d’émergence est connu et pris au sérieux on trouve dans la région… Un laboratoire P4, spécialisé dans les Corona virus.
Votre raisonnement n’est pas faux, mais dans le cas présent on était au courant des risques (depuis le SRAS / MERS), et des mesures ont été prise (pas assez, sans doute). Pour rappel un risque c’est un danger pondéré par une probabilité. Le danger c’est le développement d’un Corona virus qui passe chez l’homme dans la région; et la probabilité à été jugée élevée. Donc on ne peut pas dire qu’on ne savait pas, on connait le risque et il est grand (de même que le danger d’une nouvelle grippe en asie du sud est est très probable – donc on prend très au sérieux les risques d’émergences d’une nouvelle grippe, et on a pas tord, il suffit de voir les souches de grippe aviaires qui existent la bas).
@ yoann
[Et parce que le risque d’émergence est connu et pris au sérieux on trouve dans la région… Un laboratoire P4, spécialisé dans les Corona virus.]
Point n’est besoin d’un laboratoire P4 pour étudier les coronavirus. Les coronavirus sont classés en catégorie P2, à l’exception de deux d’entre eux, le SARS-Covid et le MERS-Covid, classés en catégorie P3.
[Donc on ne peut pas dire qu’on ne savait pas, on connait le risque et il est grand (de même que le danger d’une nouvelle grippe en asie du sud est est très probable – donc on prend très au sérieux les risques d’émergences d’une nouvelle grippe, et on a pas tord, il suffit de voir les souches de grippe aviaires qui existent la bas).]
Tout à fait. Mais il ne reste pas moins que si « une épidémie est très probable », on ne sait pas quelle forme elle prendra ni quel sera son agent pathogène. Macron dit donc vrai lorsqu’il dit que personne n’avait prévu l’épidémie de Covid-19. CQFD
En effet, merci des détails.
Ceci dit il est rappelé que ce laboratoire :
>The Wuhan lab cost 300 million yuan (US$44 million), and to allay safety concerns it was built far above the flood plain and with the capacity to withstand a magnitude-7 earthquake, although the area has no history of strong earthquakes. It will focus on the control of emerging diseases, store purified viruses and act as a World Health Organization ‘reference laboratory’ linked to similar labs around the world. “It will be a key node in the global biosafety-lab network,” says lab director Yuan Zhiming.
https://www.nature.com/news/inside-the-chinese-lab-poised-to-study-world-s-most-dangerous-pathogens-1.21487
>Mais il ne reste pas moins que si « une épidémie est très probable », on ne sait pas quelle forme elle prendra ni quel sera son agent pathogène.
C’est évident. D’où le but de la recherche, car on ne sait pas quelle souche de quel virus (ou bactérie). Mais on sait lesquelles sont les plus probables (on ne s’attend pas a une épidémie massive et mortel de varicelle par exemple).
[Franchement, quand vous voyez votre rosier dévoré par les pucerons ou la cochenille, que faites-vous ? Vous ditez vous « il est plus beau ainsi que s’il était sain » ? Vous l’abandonnez aux ravageurs en vous disant « c’est la nature que veut ça » ? Ou vous allez chercher votre pulvérisateur ?]
Le problème est que l’écologisme est aujourd’hui largement une religion urbaine, de petits bourgeois nostalgiques qui n’ont pas travaillé la nature qu’ils fantasment depuis longtemps (s’ils l’ont déjà fait), et ne se rendent donc pas compte que toute plante qui pousse est attaquée par des parasites. Ils ne voient pas le rosier dévoré et malmené, ils l’imaginent poussant en harmonie avec son environnement, butiné tendrement par les abeilles, caressé par le vent… En fait, ils ne voient la nature que comme paysage lors de leurs sorties pour randonner ou aller au ski; la lutte sans cesse renouvelée qui oppose l’agriculteur à la nature leur échappe totalement.
Une remarque sous la forme d’une impression: pour la génération de mes parents, la morale petit-bourgeoise commandait d’être politiquement “socialiste”, au sens d’aimer “le social”, de s’attendrir sur le sort des pauvres (puis ensuite des marginaux). Mais les pauvres sont désormais invisibles, relégués hors des centres-villes, sauf pour venir livrer les repas à vélo et faire le ménage. Il faut trouver un nouvel objet pour se sentir dans le camp du bien: ce sera “la nature”, objet encore plus inoffensif politiquement que les pauvres. Nouvel objet, mais même mécanisme: le sentiment de culpabilité (dû à une position sociale de – relatif – dominant) qui pousse à aborder la politique sous l’angle moral.
Pour rebondir sur un autre aspect de votre papier, je viens de lire le plan de sortie de crise proposé par un parterre d’ONG, de syndicats et de think tanks “de gauche” sous l’égide d’Attac, de Greenpeace et de la CGT (association qui aurait fait bondir à juste titre n’importe quel syndicaliste il y a quelques dizaines d’années, non?). Ils ne changeront ni n’apprendront jamais. Pour eux, le monde d’après est effectivement identique au monde d’avant mais en pire! En économie, il suffit d’ouvrir les vannes de l’argent public pour en donner à tout le monde. Dans le domaine écologique, on arrête tout ce qui pollue. Et bien sûr il faut être féministe, avec une hallucinante “revalorisation immédiate des salaires et carrières des femmes”. Tout cela ressemble plus à une liste au Père Noël qu’à un programme politique, sans un mot évidemment sur la question de la souveraineté… Misère. L’emprise des classes intermédiaires sur la fabrique des idées n’est pas prête à se relâcher, et aucun RETEX politique ne semble en mesure de les désiller.
@ nationaliste-ethniciste
[Ils ne voient pas le rosier dévoré et malmené, ils l’imaginent poussant en harmonie avec son environnement, butiné tendrement par les abeilles, caressé par le vent… En fait, ils ne voient la nature que comme paysage lors de leurs sorties pour randonner ou aller au ski; la lutte sans cesse renouvelée qui oppose l’agriculteur à la nature leur échappe totalement.]
Exactement : la nature telle qu’ils se l’imaginent est une nature domestiquée, ou les carnivores sont devenus végétariens. Il est d’ailleurs drôle d’entendre des parisiens vous expliquer qu’ils vont au bois de Vincennes ou de Boulogne (quand ce n’est pas le parc de Bercy ou pire, le Jardin des Plantes) parce qu’ils ont besoin d’être « en contact avec la nature », sans se rendre compte que tous ces parcs sont totalement artificiels, aménagés par l’homme et mêlant des essences venues des quatre coins de la planète et acclimatées chez nous.
[Une remarque sous la forme d’une impression: pour la génération de mes parents, la morale petit-bourgeoise commandait d’être politiquement “socialiste”, au sens d’aimer “le social”, de s’attendrir sur le sort des pauvres (puis ensuite des marginaux).]
Plus que « socialiste », c’était la vieille charité chrétienne, qui s’occupait des « pauvres » sans se préoccuper des raisons qui déterminent que tel ou tel individu soit dans cette situation. Les « socialistes » s’occupaient moins des pauvres que des travailleurs, ce qui implique faire la lumière sur les mécanismes sociaux qui, quelque soit le mérite des individus, les condamnent à la misère. Ce n’est pas du tout la même chose.
En fait, ce que nous vivons depuis les années 1960 est un retour aux sources « charitables ». On se préoccupe à nouveau des « pauvres » – le marginal, le sans-papiers, le taulard, le migrant – parce que cela dispense de se poser la question des mécanismes sociaux qui aboutissent aux inégalités.
[Il faut trouver un nouvel objet pour se sentir dans le camp du bien: ce sera “la nature”, objet encore plus inoffensif politiquement que les pauvres. Nouvel objet, mais même mécanisme: le sentiment de culpabilité (dû à une position sociale de – relatif – dominant) qui pousse à aborder la politique sous l’angle moral.]
Effectivement : l’écologisme a tous les éléments de la charité, y compris l’élément sacrificiel. Un véritable écologiste doit s’infliger des privations pour montrer sa disponibilité, de la même manière que la dame patronnesse devait sacrifier son temps pour s’occuper de ses pauvres. On pourrait parler de la « charité envers la nature ».
[Pour rebondir sur un autre aspect de votre papier, je viens de lire le plan de sortie de crise proposé par un parterre d’ONG, de syndicats et de think tanks “de gauche” sous l’égide d’Attac, de Greenpeace et de la CGT (association qui aurait fait bondir à juste titre n’importe quel syndicaliste il y a quelques dizaines d’années, non?).]
Tout à fait. Si on m’avait dit il y a vingt ans qu’un jour je lirais un document signé par la CGT affirmant que « Aucun investissement public ou garanti par l’État ne doit soutenir (…) le développement de nouveaux projets nucléaires », je ne l’aurais pas cru. Et pourtant… je me demande d’ailleurs comment ce document peut être interprété par les syndicalistes CGT de chez EDF, par exemple, en principe tenus d’expliquer à leurs collègues que la confédération se prononce contre tous les plans de modernisation ou de renouvellement du parc nucléaire EDF…
Je vous remercie d’avoir attiré mon attention sur ce document que je ne connaissais pas (à ce propos, je prends conscience à cette occasion du peu d’intérêt que présente pour moi ce qui se passe aujourd’hui dans la « gauche radicale », alors qu’il n’y a pas si longtemps je ne manquais pas de lire n’importe quel document venant de cette mouvance). J’avoue qu’il me laisse un arrière-goût amer. Alors qu’on se trouve dans une situation tout à fait nouvelle, on dirait que ses auteurs sont piégés comme le personnage du film « un jour sans fin », condamné à revivre indéfiniment la même journée de sa vie. Je me demande d’ailleurs si les gens qui écrivent ces textes sont eux-mêmes conscients d’être dans la logique de l’incantation.
Le plus drôle, c’est qu’on retrouve la même idée dans ce texte que celle résumée par l’anaphore de Nicolas Hulot (« Le temps est venu de… »), à savoir, celle d’une rupture qui créerait une discontinuité entre l’avant et l’après. Exemple, ce bel aveu : « La relative précision des mesures présentées poursuit deux objectifs. D’abord, signifier que nous ne nous contenterons plus des grands mots, des déclarations d’intention, des formulations creuses ». Mais attendez… si les signataires « ne se contentent PLUS » de grands mots et de formulations creuses, on doit donc déduire que jusqu’à aujourd’hui ils s’y contentaient, n’est-ce pas ? Qu’est ce qui a changé ? Qu’est ce qui fait que les grands mots les satisfaisaient hier, et « plus » aujourd’hui ?
[Tout cela ressemble plus à une liste au Père Noël qu’à un programme politique, sans un mot évidemment sur la question de la souveraineté…]
D’une façon plus générale, sans un mot sur les instruments qui permettraient de donner à ces mesures ne serait-ce qu’un début d’exécution. C’est en cela que ce texte est purement incantatoire: l’important, ce n’est pas de FAIRE, mais de DIRE. En fait, la gauche se trompe de problème : la difficulté n’est pas de proposer ce qu’il FAUDRAIT faire. Ça, tout le monde ou presque en est capable. La véritable difficulté, c’est de trouver les leviers pour transformer ses désirs en actes. A supposer même que les mesures proposées dans ce projet soient souhaitables, comment les signataires s’imaginent créer le rapport de forces qui leur permettrait de le mettre à exécution ?
[Misère. L’emprise des classes intermédiaires sur la fabrique des idées n’est pas prête à se relâcher, et aucun RETEX politique ne semble en mesure de les dessiller.]
Il n’y a que l’a peur – ou plutôt la terreur – qui puisse sortir les classes intermédiaires de leur complaisance. Tant qu’elles penseront pouvoir tirer leur épingle du jeu, elles continueront à soutenir le système en place… et auront recours à ce genre d’incantation pour se défaire de leur sentiment de culpabilité !
Bonjour Descartes, bonjour n-e,
Merci pour votre article !
Pardonnez-moi de m’immiscer dans la discussion, mais j’aimerais rebondir sur l’aspect sentiment de culpabilité de la classe moyenne tant il me semble important ! Si je me base sur les personnes de mon entourage qui représentent, à mes yeux, “l’élément chimique pure” de cette classe, le besoin de préserver les apparences semble presque aussi important que la défense de ses intérêts.
On connaissait l’homme-orchestre, voici maintenant la classe orchestre, qui élit, puis pétitionne, manifeste, fait l’opposition et écrit des tribunes ! On en a encore eu un exemple avec les “frondeurs” qui ne se situent “ni dans l’opposition ni dans la majorité” https://www.youtube.com/watch?v=5GUITkEFwWk. Bien sûr, le vote n’est pas un blanc-seing, mais tout de même, l’opposition des plus Macron-compatibles de mon entourage sonne faux tant il est excessif. Ils auront signé toutes les tribunes, mais quand il faudra retourner aux urnes…
Un discours inhabituellement vert a commencé à pointer chez les personnes susmentionnées. Prise de conscience écologi(que)ste, ou recherche d’un meilleur cheval en vue de 2022 ? Il faut dire que le futur candidat Macron n’assure pas coté “sauvons les apparences”, et tient plus du pistolet à un coup. Cependant le discours reste très prudent et il me semble qu’ il y a encore un “quelque chose ” qui empêche la classe moyenne de s’y déverser entièrement. La situation devient de plus en plus pressente, j’imagine déjà leur gêne de devoir voter encore pour Macron ou un succédané. Quand cette classe assumera-t-elle enfin sa position dominante ? Elle n’en serait que plus forte, sans à devoir jouer le renversement de table à chaque présidentielle ! Que feront-ils primer, des apparences ou des intérêts, quand il faudra choisir ?
Bonne soirée, et encore merci pour vos articles.
@ Maxime C
[Pardonnez-moi de m’immiscer dans la discussion, mais j’aimerais rebondir sur l’aspect sentiment de culpabilité de la classe moyenne tant il me semble important ! Si je me base sur les personnes de mon entourage qui représentent, à mes yeux, “l’élément chimique pure” de cette classe, le besoin de préserver les apparences semble presque aussi important que la défense de ses intérêts.]
En effet. Je ne sais pas si on peut parler d’une psyché de classe, mais si c’était le cas, l’inconscient des classes intermédiaires est particulièrement gratiné. Il y a pour beaucoup le traumatisme d’une trahison, puisque les classes intermédiaires sont issues essentiellement de la promotion sociale d’une partie des couches populaires. Cette promotion est trop récente pour que les membres des classes intermédiaires soient à l’aise avec leur légitimité. D’où toutes les tentatives de maintenir la fiction selon laquelle classes intermédiaires et couches populaires partagent les mêmes souffrances et ont les mêmes intérêts. La théorie du « 1% versus 99% » étant la manifestation la plus récente et la plus éclatante de cette tendance.
[On connaissait l’homme-orchestre, voici maintenant la classe orchestre, qui élit, puis pétitionne, manifeste, fait l’opposition et écrit des tribunes ! On en a encore eu un exemple avec les “frondeurs” qui ne se situent “ni dans l’opposition ni dans la majorité”]
Exactement. C’est une classe qui vote systématiquement pour des gens « de gauche » qui font des politiques « de droite ». Et qui ensuite se prétendent « trahies »… mais recommencent la fois suivante. Une telle persistance dans l’erreur devrait amener un certain nombre de leader de la « gauche radicale » à s’interroger…
[Un discours inhabituellement vert a commencé à pointer chez les personnes susmentionnées. Prise de conscience écologi(que)ste, ou recherche d’un meilleur cheval en vue de 2022 ? Il faut dire que le futur candidat Macron n’assure pas coté “sauvons les apparences”, et tient plus du pistolet à un coup.]
Je prends le risque de me tromper, mais je pense que le macronisme est mort. Les Gilets Jaunes l’avaient amoché, le virus risque de l’achever. Même s’il n’y est pour rien – et cela reste à voir – son nom restera associé à l’épidémie et à la crise qui va suivre. Comme disait je ne sais plus qui, nous avons besoin de dirigeants qui ont de la chance.
[Cependant le discours reste très prudent et il me semble qu’il y a encore un “quelque chose ” qui empêche la classe moyenne de s’y déverser entièrement.]
Le problème en France est que les écologistes ne sont pas fiables à l’heure d’exercer le pouvoir. Les classes intermédiaires ont beau trouver une consolation dans le discours écologiste, ils n’ont pas forcément envie d’un gouvernement d’ayatollahs verts qui taxeraient leur bagnole et leur steack. Les socialistes sont devenus fiables le jour où ils ont montré qu’arrivés au pouvoir ils étaient prêts à renier leurs convictions socialistes. Les verts n’ont pas encore fait cette démonstration, malgré toutes les tentatives de Cohn-Bendit…
[Quand cette classe assumera-t-elle enfin sa position dominante ?]
Le problème est que les classes intermédiaires ne sont pas en « position dominante ». Elles ne dominent que le champ des idées, mais dans le plan matériel c’est la bourgeoisie qui reste dominante. Et c’est le matériel qui, en dernière instance, détermine l’évolution des sociétés. Les classes moyennes se trouvent dans la position du cadre salarié : il détient une parcelle de pouvoir, mais seulement parce qu’il est utile à l’actionnaire pour contrôler les travailleurs. Qu’il sorte de son rôle, et il perdra sa position.
@ Descartes et Maxime C
Bonjour,
[ Quand cette classe assumera-t-elle enfin sa position dominante ?]
Le problème est que les classes intermédiaires ne sont pas en « position dominante ». Elles ne dominent que le champ des idées, mais dans le plan matériel c’est la bourgeoisie qui reste dominante. Et c’est le matériel qui, en dernière instance, détermine l’évolution des sociétés. Les classes moyennes se trouvent dans la position du cadre salarié : il détient une parcelle de pouvoir, mais seulement parce qu’il est utile à l’actionnaire pour contrôler les travailleurs. Qu’il sorte de son rôle, et il perdra sa position.]
Malgré ses positions très radicales, F. Lordon à un approche spinoziste qui me paraît très pertinente. Il substitut au terme de « Capital », notamment « productif » le terme de « Captariat » en ce sens que les détenteurs de l’appareil de production seraient plus enclins à partager – tout au moins faire des concessions – sur les produits en termes financiers que sur le partage du pouvoir. Et ceci en vertu du désir de l’homme, selon Spinoza, qui le pousse (le fameux conatus) à rechercher une « joie » téléguidée – ce sont mes termes – par le détenteur de capital afin de le faire adhérer à l’idée libérale qui lui est présentée comme une accession à sa propre liberté. Je traduis là, peut-être un peu approximativement la pensée de Lordon.
Or, toutes les couches sociales sont exposées à ce phénomène qui est « motorisé » par le consumérisme. Ford en a été le précurseur avec sa « Ford T ». La consommation à outrance aliène le consommateur/producteur/citoyen et le subordonne à un système qui lui donne l’illusion de liberté.
Dans cette état des choses, la notion de classe, quel que soit le qualificatif qu’on lui attribue, me paraît dépassé car, si les frontières pouvaient paraître assez nette dans le passé, elles sont bien plus floues et mouvantes actuellement.
Un modèle, une théorie, ou un paradigme nouveau sont à découvrir sur ce qui régit, en profondeur nos sociétés occidentales.
L’intrication de la myriade de singularités des individus ou groupe d’individus est telle que l’on pourrait parler d’une mutation similaire à celle de la physique, qui muerait de la mécanique newtonienne à la mécanique quantique.
Les individus présentent simultanément des états différents – les physiciens me pardonneront l’audace de ma comparaison – E. Macron, avec son « en même temps », a dû percevoir une intuition de ce genre.
Pour faire simpliste, je dirais que d’innombrables individus – tous peut-être – se trouvent simultanément en situation d’exploiteur et d’exploité, à des degrés divers certes. C’est ce qui trouble considérablement la compréhension que l’on a des comportements.
Notre société, pour l’immense majorité de ses composants, se présente, selon ma perception, comme une énorme masse gélatineuse, sans forme ni dimension stables, traversée par de multiples contraintes et sollicitations qui entretiennent une sorte de mouvement brownien difficile à prévoir, comprendre, anticiper, orienter. La seule prédestination de cette masse est d’échapper aux pouvoirs politiques même issus de sa substance.
Les déterminismes qu’ils soient marxistes ou ricardiens sont probablement devenus insuffisants pour nous décrire. Spinoza constitue sans doute un outil de compréhension utile, voire essentiel, mais partiel.
@ Marcailloux
[Malgré ses positions très radicales, F. Lordon à un approche spinoziste qui me paraît très pertinente. Il substitut au terme de « Capital », notamment « productif » le terme de « Captariat » en ce sens que les détenteurs de l’appareil de production seraient plus enclins à partager – tout au moins faire des concessions – sur les produits en termes financiers que sur le partage du pouvoir. Et ceci en vertu du désir de l’homme, selon Spinoza, qui le pousse (le fameux conatus) à rechercher une « joie » téléguidée – ce sont mes termes – par le détenteur de capital afin de le faire adhérer à l’idée libérale qui lui est présentée comme une accession à sa propre liberté. Je traduis là, peut-être un peu approximativement la pensée de Lordon.]
J’avoue que je n’ai jamais trop accroché à la pensée spinozienne… mais là je n’ai rien compris.
[Or, toutes les couches sociales sont exposées à ce phénomène qui est « motorisé » par le consumérisme. Ford en a été le précurseur avec sa « Ford T ». La consommation à outrance aliène le consommateur/producteur/citoyen et le subordonne à un système qui lui donne l’illusion de liberté.]
L’imprécision dans les termes conduit à l’imprécision dans les idées. Qu’est ce que vous appelez « consumérisme » ici ? S’il s’agit du renouvellement permanent des objets, vous pouvez difficilement embarquer Ford et sa Ford T dans cette logique, au contraire. La Ford T était conçue pour durer (et on a vu des modèles rouler plus d’un demi-siècle) et pour être gardée longtemps, pas pour être changée au bout de quelques années. Mais si par « consumérisme » vous faites référence au désir d’augmenter son bien être à travers la possession d’objets toujours plus nombreux, vous pouvez difficilement faire de Ford un « précurseur » : on trouve déjà ce réflexe dans l’antiquité.
Si la « consommation à outrance » était la source de l’aliénation, alors on serait d’autant plus « libre » que l’on n’aurait pas accès à des biens consommables. La liberté parfaite serait donc celle du mendiant SDF, alors que le riche serait « aliéné » par sa « consommation » ? Si tel est le cas, vive l’aliénation, on serait tenté de crier… Non, la source de l’aliénation n’est pas la consommation, mais le besoin. Si l’homme était pur esprit, il serait parfaitement libre. Mais dès lors qu’il est obligé de gagner par son travail le pain de chaque jour, il est « aliéné » à ce besoin. L’aliénation ne vient pas de la « consommation à outrance », mais des besoins…
[Dans cette état des choses, la notion de classe, quel que soit le qualificatif qu’on lui attribue, me paraît dépassé car, si les frontières pouvaient paraître assez nette dans le passé, elles sont bien plus floues et mouvantes actuellement.]
Je vous rappelle que ce qui constitue les classes est leur position dans le mode de PRODUCTION, et non dans la CONSOMMATION. Aussi longtemps que les biens dont nous avons besoin ne poussent pas naturellement dans les arbres mais sont produits par le travail humain, il y aurait une structuration des processus de production et donc des classes.
[Un modèle, une théorie, ou un paradigme nouveau sont à découvrir sur ce qui régit, en profondeur nos sociétés occidentales.]
Lorsque vous en trouverez un, faites-moi signe. Aussi longtemps que ce « paradigme » n’est pas disponible, je continuerai à travailler avec les théories existantes qui, malgré tous leurs défauts, ont au moins le mérite d’exister. Personnellement, je me méfie énormément des discours qui encouragent à jeter l’existant sans dire ce qu’il faut mettre à la place. J’ai toujours une basse suspicion qu’il s’agit d’une justification de l’inaction.
[L’intrication de la myriade de singularités des individus ou groupe d’individus est telle que l’on pourrait parler d’une mutation similaire à celle de la physique, qui muerait de la mécanique newtonienne à la mécanique quantique.]
Je ne comprends pas. En quoi les « singularités » étaient moindres il y a un ou deux siècles ? Je pense que vous faites une erreur qui apparaît nettement dans votre parallèle : la « mutation » qui fait passer de la mécanique newtonienne à la mécanique quantique n’est pas une mutation de la réalité qu’on étudie mais du modèle explicatif. Alors que pour appeler à votre « mutation » dans les théories politiques vous faites référence à une modification de la réalité étudiée…
[Les individus présentent simultanément des états différents – les physiciens me pardonneront l’audace de ma comparaison – E. Macron, avec son « en même temps », a dû percevoir une intuition de ce genre.]
Les physiciens ne vous pardonneront pas. Cette comparaison n’a ni queue ni tête. Les objets physiques ne présentent pas « simultanément » des états différents, ni en mécanique classique, ni en mécanique quantique. Et l’idée que les individus peuvent prendre des positions contradictoires est aussi vieille que la politique et n’a pas attendu Macron pour se manifester.
[Pour faire simpliste, je dirais que d’innombrables individus – tous peut-être – se trouvent simultanément en situation d’exploiteur et d’exploité, à des degrés divers certes. C’est ce qui trouble considérablement la compréhension que l’on a des comportements.]
J’aimerais bien que vous m’expliquiez en quoi le mineur de fond Sud-africain serait « simultanément » en situation d’exploiteur et d’exploité. Mais admettons un instant que ce soit le cas. Mais cela arrive depuis quand ?
[Notre société, pour l’immense majorité de ses composants, se présente, selon ma perception, comme une énorme masse gélatineuse, sans forme ni dimension stables, traversée par de multiples contraintes et sollicitations qui entretiennent une sorte de mouvement brownien difficile à prévoir, comprendre, anticiper, orienter.]
Et pourtant, force est de constater que cette masse gélatineuse, traversée de multiples contraintes, fait preuve d’une remarquable cohérence. Ainsi, par exemple, les politiques poursuivies depuis trente ans grâce au vote régulier de cette « masse gélatineuse » sont les mêmes, et n’ont jamais été véritablement en danger. A quoi attribuez-vous cette grande cohérence issue d’un ensemble régi selon vous par un « mouvement brownien » ?
Vous pouvez donc constater que votre modèle est mis en défaut par l’expérience. Si la réaction d’un individu est difficile à prévoir ou à anticiper, la réaction collective fait preuve d’une remarquable continuité, d’une remarquable cohérence. Le corps politique a soutenu par action et par omission la MEME politique depuis trente ans. Peut-on parler dans ces conditions d’une difficulté à prévoir ou anticiper ?
(Je prends le risque de me tromper, mais je pense que le macronisme est mort. Les Gilets Jaunes l’avaient amoché, le virus risque de l’achever. Même s’il n’y est pour rien – et cela reste à voir – son nom restera associé à l’épidémie et à la crise qui va suivre. Comme disait je ne sais plus qui, nous avons besoin de dirigeants qui ont de la chance.)
Le macronisme est peut-être mort, mais le candidat alternatif n’a pas encore été trouvé, il me semble. Les verts auraient pu être cette alternative, mais comme vous le dites ils n’ont pas encore présenté toutes les garanties. Même quelqu’un comme Jadot, pourtant considéré comme très tiède du point de vue des écologistes, semble loin de pouvoir prendre ce rôle.
En 2017 j’avais jugé l’élection de Macron totalement improbable pendant tout le début de la campagne, alors que du point de vue de la sociologie “classe moyenne” il était un candidat de choix ! Je m’en veux de ne pas avoir suivi cette réflexion, car lorsque les jeux sont faits, il est toujours plus simple de trouver un caractère prédictif à une théorie. Pour 2022 j’essaierai de me tenir à cette grille de lecture, et actuellement, en mettant les lunettes “classes moyennes”, je ne vois aucun candidat qui puisse apporter à la fois la bonne conscience et une défense raisonnable des intérêts.
(Le problème est que les classes intermédiaires ne sont pas en « position dominante ». Elles ne dominent que le champ des idées, mais dans le plan matériel c’est la bourgeoisie qui reste dominante. Et c’est le matériel qui, en dernière instance, détermine l’évolution des sociétés. Les classes moyennes se trouvent dans la position du cadre salarié : il détient une parcelle de pouvoir, mais seulement parce qu’il est utile à l’actionnaire pour contrôler les travailleurs. Qu’il sorte de son rôle, et il perdra sa position.)
Oui tout à fait, leur omniprésence dans les médias me fait parfois oublier la grande précarité de leur position et l’ingéniosité que cette classe doit développer pour assurer sa reproduction !
Au passage, je souligne l’interview récente d’Henri Guaino dans Le Point (https://www.lepoint.fr/politique/henri-guaino-nous-sommes-en-1944–30-05-2020-2377555_20.php). Comme souvent il a un point de vue plus large et à contre-courant.
@ Maxime C
[Le macronisme est peut-être mort, mais le candidat alternatif n’a pas encore été trouvé, il me semble.]
Sans doute. Quand je dis que « le macronisme est mort », ce que je veux dire est que les chances du macronisme de se constituer en une idéologie enracinée portée par un parti politique et pouvant survivre à son initiateur sont faibles. Les scissions à répétition du groupe parlementaire les tête-à-queue du discours présidentiel le montrent. Cela n’implique nullement que le personnage Macron soit hors-jeu : il peut se maintenir, mais il reviendra à des positions classiques de centre droit.
[Les verts auraient pu être cette alternative, mais comme vous le dites ils n’ont pas encore présenté toutes les garanties. Même quelqu’un comme Jadot, pourtant considéré comme très tiède du point de vue des écologistes, semble loin de pouvoir prendre ce rôle.]
C’est loin d’être évident. Telle qu’elle se présente, l’élection de 2022 risque d’être moins une confrontation de projets qu’une élection par défaut comme en 2017. Et dans ces conditions, un « condottiere » habile déboulant de nulle part peut emporter l’élection en jouant sur la détestation du public pour l’existant. Le problème de Jadot, c’est qu’il est un peu trop connu. De ce point de vue, se présenter aux européennes était peut-être une erreur…
[Pour 2022 j’essaierai de me tenir à cette grille de lecture, et actuellement, en mettant les lunettes “classes moyennes”, je ne vois aucun candidat qui puisse apporter à la fois la bonne conscience et une défense raisonnable des intérêts.]
Ségolène Royal, peut-être ? De la vieille garde, c’est la seule qui pourrait donner aux gens l’envie de l’essayer, et qui peut dire de façon crédible « avec moi, les choses changeront ». Nous ne savons pas dans quel sens, mais elle chageraient… sinon il y a toujours le retour de Sarkozy en « père de la Patrie » sur un discours « j’ai changé, j’ai appris… ».
Pour le reste, il faut chercher chez les « condottiere »… Bigard, peut-être ?
[Au passage, je souligne l’interview récente d’Henri Guaino dans Le Point (…). Comme souvent il a un point de vue plus large et à contre-courant.]
Comme toujours, sa culture économique et la cohérence de son point de vue sont impressionnantes. Personnellement, je ne partage pas trop son idée comme quoi l’Etat devrait entrer dans une logique de « compensation » vis-à-vis des secteurs paralysés par la décision de confinement, mais pour le reste je suis tout à fait d’accord avec lui.
@ Descartes
Bonjour,
[Telle qu’elle se présente, l’élection de 2022 risque d’être moins une confrontation de projets qu’une élection par défaut comme en 2017. Et dans ces conditions, un « condottiere » habile déboulant de nulle part peut emporter l’élection en jouant sur la détestation du public pour l’existant.]
Vous omettez trois possibilités, certes moins probables, mais qui, par les désordres et crises de tous ordres qui agitent bien des pays occidentaux dont particulièrement la France, sont susceptibles d’advenir:
– une sixième République avec un régime présidentiel autoritaire.
– une sixième République livrée, comme la quatrième, aux tripatouillages des partis.
– une monarchie constitutionnelle à pouvoir symbolique, conséquence du rejet des candidats successifs au moyen d’un vote par défaut.
La situation explosive devant laquelle la France se situe probablement, initiée par les crises successives (gilets jaunes, retraite, covid19, impasse économique) pourrait bien aboutir à un renversement brutal de la table sur le plan constitutionnel.
@ Marcailloux
[Vous omettez trois possibilités, certes moins probables, mais qui, par les désordres et crises de tous ordres qui agitent bien des pays occidentaux dont particulièrement la France, sont susceptibles d’advenir:]
Voyons ces trois possibilités :
[– une sixième République avec un régime présidentiel autoritaire.]
Il est très rare qu’un régime impérial surgisse sans qu’il y ait un imperator. Pour qu’un régime « autoritaire » puisse surgir en France il faudrait une personnalité charismatique capable de réunir autour d’elle un large consensus. Où voyez-vous une telle personnalité aujourd’hui ?
[– une sixième République livrée, comme la quatrième, aux tripatouillages des partis.]
C’est le rêve constant de l’ensemble de la classe politique française. Mais elle bute sur le fait que les Français restent très attachés à un pouvoir exécutif fort et responsable devant eux. Ce n’est pas par hasard si les deux seules élections qui intéressent les citoyens sont celles qui servent à désigner une fonction exécutive forte : les municipales et les présidentielles.
{– une monarchie constitutionnelle à pouvoir symbolique, conséquence du rejet des candidats successifs au moyen d’un vote par défaut.]
Là encore, la difficulté est de trouver un « monarque » charismatique capable de réunir les gaulois que nous sommes autour d’une symbolique commune. Ce n’est vraiment pas gagné…
[La situation explosive devant laquelle la France se situe probablement, initiée par les crises successives (gilets jaunes, retraite, covid19, impasse économique) pourrait bien aboutir à un renversement brutal de la table sur le plan constitutionnel.]
Je n’y crois pas. Dans un pays profondément divisé comme le nôtre, les institutions issues de 1958 sont l’un des rares éléments consensuels. La réforme des institutions n’intéresse en fait que le monde politique.
Puisqu’on parle de 2022, l’idée d’un E. Philippe candidat de la droite serait elle totalement absurde ?
Il a finalement plutôt bien traversé la crise, et a démontré des capacités de sang-froid, de pragmatisme et de sérieux…. alors, ce ne serait pas le candidat de l’exubérance, mais est-ce que les français ne seraient pas tentés de jouer une certaine sécurité, avec candidat présentant des gages de solidité plutôt que de rejouer la carte de la nouveauté ?
À fortiori, si Macron remanie et laisse E. Philippe sur la touche, au moment où sa popularité est bonne, ça permettrait à ce dernier de se détacher plus manifestement du président et éventuellement de se décharger de certains déboires du quinquennat sur les épaules de Macron…
@ Pierre
[Puisqu’on parle de 2022, l’idée d’un E. Philippe candidat de la droite serait-elle totalement absurde ?]
On voit mal Philippe, qui a été le premier ministre de Macron et à ce titre a bataillé contre l’opposition de droite à l’Assemblée devenir tout à coup le champion de la droite. Quel serait son programme ? Celui qu’il a mis en œuvre avec Macron ? Ca n’aurait pas de sens politiquement et aurait l’apparence d’un coup opportuniste.
A cela il faut ajouter la malédiction des premiers ministres…
[Il a finalement plutôt bien traversé la crise, et a démontré des capacités de sang-froid, de pragmatisme et de sérieux…. alors, ce ne serait pas le candidat de l’exubérance, mais est-ce que les français ne seraient pas tentés de jouer une certaine sécurité, avec candidat présentant des gages de solidité plutôt que de rejouer la carte de la nouveauté ?]
Le problème est que son nom restera lié à l’épidémie. Et à la réforme avortée des retraites. Deux croix lourdes à porter. En 2027, peut-être. En 2022, je n’y crois pas.
“Ségolène Royal, peut-être ? De la vieille garde, c’est la seule qui pourrait donner aux gens l’envie de l’essayer, et qui peut dire de façon crédible « avec moi, les choses changeront ». Nous ne savons pas dans quel sens, mais elle chageraient… sinon il y a toujours le retour de Sarkozy en « père de la Patrie » sur un discours « j’ai changé, j’ai appris… ».”
Je n’y avais pas pensé, mais tout bien considéré ce n’est pas impossible ! On ne peut d’ailleurs nier qu’elle “sent” ça. Si on lit ces dernières interviews on s’aperçoit qu’elle insiste particulièrement sur le fait qu’en tant que femme sa gestion du pays n’aurait rien de commun avec ce qu’on connaît.
Bigard pourrait prendre des voix au RN et chez les abstentionnistes, mais je ne pense pas que ça puisse aller plus loin !
“je ne partage pas trop son idée comme quoi l’Etat devrait entrer dans une logique de « compensation » vis-à-vis des secteurs paralysés par la décision de confinement,”
L’argument me semblait pertinent, après tout c’est l’État qui a choisi de confiner. Mais pour tout vous dire, je n’ai pas saisi l’importance de la question, dans un sens comme dans l’autre.
@ Maxime C
[Je n’y avais pas pensé, mais tout bien considéré ce n’est pas impossible ! On ne peut d’ailleurs nier qu’elle “sent” ça. Si on lit ces dernières interviews on s’aperçoit qu’elle insiste particulièrement sur le fait qu’en tant que femme sa gestion du pays n’aurait rien de commun avec ce qu’on connaît.]
Ségolène est un animal politique jusqu’au bout des ongles. Elle « sent » admirablement le climat politique. En 2007 elle a commencé à faire ce qui a si bien réussi à Macron : le parallèle entre « désirs d’avenir » et « en marche » est saisissant. Seulement, elle a eu raison trop tôt : les partis étaient encore trop puissants pour qu’un candidat puisse être élu contre eux. Et Sarkozy était lui aussi un animal politique redoutable.
Cela dit, elle en a fait un peu trop. Au lieu de se retirer sur l’Aventin et attendre qu’on l’appelle – comme le fait Sarkozy – elle a voulu un poste officiel, ou elle a eu le temps de se faire remarquer défavorablement. Mais elle n’a peut-être pas dit son dernier mot…
[Bigard pourrait prendre des voix au RN et chez les abstentionnistes, mais je ne pense pas que ça puisse aller plus loin !]
Il n’ira même pas plus près. On n’est pas quand même tombés aussi bas.
[“je ne partage pas trop son idée comme quoi l’Etat devrait entrer dans une logique de « compensation » vis-à-vis des secteurs paralysés par la décision de confinement,” L’argument me semblait pertinent, après tout c’est l’État qui a choisi de confiner.]
L’Etat doit-il compenser les marchands de cigarettes ? Après tout, c’est l’Etat qui décide de faire une campagne de santé publique contre le tabac. L’Etat doit-il compenser les trafiquants de drogue ? Après tout, c’est l’Etat qui sur le fondement de considérations de santé publique interdit cannabis, cocaïne, héroïne et autres douceurs. Si chaque fois que l’Etat prend une mesure pour préserver la santé publique il devait compenser ceux que la mesure affecte, on ne s’en sortirait pas.
Par ailleurs, n’oubliez pas que l’Etat n’est pas magicien : les « compensations » qu’il paye, il faut bien qu’elles sortent des poches de quelqu’un. Si on « compense » tous ceux que les mesures de confinement ont touché, il faudra prélever sur quelqu’un les compensations. Et comme le confinement a touché tout le monde… on finira par prélever sur tout le monde pour compenser tout le monde. Quelle est la logique ?
C’est pour cette raison que notre droit administratif a depuis longtemps énoncé les conditions dans lesquelles l’Etat compense le dommage causé par ses décisions (ce qu’on appelle « préjudice du fait des lois »). Il faut que le dommage soit CERTAIN (c’est-à-dire, on ne compense pas la perte d’une opportunité par exemple), ANORMAL (c’est-à-dire, qu’il échappe aux risques normaux de toute entreprise) et SPECIAL (c’est-à-dire, qu’il touche une personne ou un groupe de personnes très restreint). Le fondement de ce droit est celui de l’égalité devant les charges publiques : en prenant une décision qui porte préjudice à certains et pas aux autres on crée une inégalité qui ne peut être justifiée de par les différences de situation des personnes affectées.
(C’est pour cette raison que notre droit administratif a depuis longtemps énoncé les conditions dans lesquelles l’Etat compense le dommage causé par ses décisions (ce qu’on appelle « préjudice du fait des lois »). Il faut que le dommage soit CERTAIN (c’est-à-dire, on ne compense pas la perte d’une opportunité par exemple), ANORMAL (c’est-à-dire, qu’il échappe aux risques normaux de toute entreprise) et SPECIAL (c’est-à-dire, qu’il touche une personne ou un groupe de personnes très restreint). Le fondement de ce droit est celui de l’égalité devant les charges publiques : en prenant une décision qui porte préjudice à certains et pas aux autres on crée une inégalité qui ne peut être justifiée de par les différences de situation des personnes affectées.)
Effectivement votre explication est très convaincante. Si le caractère “certain” et “anormal” peuvent être discutés, le caractère spécial semble plus douteux. Ceci dit je n’ai probablement rendu justice aux arguments de H. Guaino avec mon “après tout”, mais les vôtres m’ont convaincu !
@Descartes
Cela fait quelques jours que ce que vous avez dit me trotte dans la tête.
[Il n’y a que l’a peur – ou plutôt la terreur – qui puisse sortir les classes intermédiaires de leur complaisance.]
Aviez-vous une idée en tête, ou disiez-vous cela en général ? La terreur est l’un des ressorts du gouvernement, et notre histoire a prouvé qu’il était parfois nécessaire. Néanmoins, parmi les exemples qui me viennent à l’esprit, j’ai l’impression que la terreur était dictée par les événements. La guerre, avec Robespierre ou Clemenceau, ou la sédition, avec Philippe le Bel ou Richelieu, paraissent des motifs suffisants. Un certain groupe est persécuté, par des moyens exceptionnels obtenus auprès de ceux qui ne sont pas visés par le gouvernement. Le gouvernement obtient de ceux auxquels il s’en prend, qu’ils rentrent dans le rang, en terrorisant ceux qui menacent directement la souveraineté de l’Etat, au prix d’impôts exceptionnels ou d’une discipline nationale. Peut-être ne pensiez-vous pas à cela, en fait de terreur ?
Je vous le demande parce que si vous pensiez grosso modo à cela, comme moi, du coup je ne suis pas sûr de vous comprendre. S’il n’y a “que la peur — ou plutôt la terreur — qui puisse sortir les classes intermédiaires de leur complaisance”, je ne vois pas ce que ça voudrait dire en termes politiques. Concrètement, comment “terroriser” les classes intermédiaires ? Sans avoir les cartes en main, faute d’avoir le pouvoir, et sans la pression des événements — ce que vous ne m’accorderez peut-être pas —, que faire ? Je me doute bien que le romantisme anarchiste ne vous séduit pas, donc j’ai du mal à voir ce que vous avez derrière la tête.
@ Louis
[Aviez-vous une idée en tête, ou disiez-vous cela en général ?]
Je parlais plutôt en termes généraux. Le mot « terreur » est utilisé dans mon commentaire comme un superlatif du mot « peur », et non par référence à un motif particulier. Peu importe, dans mon raisonnement, que les classes intermédiaires soient « terrorisées » par l’action positive d’un pouvoir quelconque, ou par un évènement fortuit.
[La terreur est l’un des ressorts du gouvernement, et notre histoire a prouvé qu’il était parfois nécessaire. Néanmoins, parmi les exemples qui me viennent à l’esprit, j’ai l’impression que la terreur était dictée par les événements. La guerre, avec Robespierre ou Clemenceau, ou la sédition, avec Philippe le Bel ou Richelieu, paraissent des motifs suffisants.]
Aucun gouvernement n’a recours à la terreur de gaité de cœur. Il est rare que les dirigeants politiques soient mus exclusivement par le sadisme. La terreur est un instrument efficace pour « figer » la société, pour frapper de stupeur ses adversaires. Mais c’est un outil très coûteux, et dont l’efficacité s’émousse rapidement avec le temps tout simplement parce que la société développe des moyens de résistance.
[Je vous le demande parce que si vous pensiez grosso modo à cela, comme moi, du coup je ne suis pas sûr de vous comprendre. S’il n’y a “que la peur — ou plutôt la terreur — qui puisse sortir les classes intermédiaires de leur complaisance”, je ne vois pas ce que ça voudrait dire en termes politiques. Concrètement, comment “terroriser” les classes intermédiaires ?]
Dans la mesure où les classes intermédiaires sont en position dominante, ce n’est pas de l’action du pouvoir que peut venir la « terreur » salutaire. Mais il pourrait venir d’un évènement extérieur : une crise économique ou sociale mettant en danger l’alliance précaire entre la bourgeoisie et les classes intermédiaires, par exemple…
@ Descartes
[Aucun gouvernement n’a recours à la terreur de gaité de cœur. Il est rare que les dirigeants politiques soient mus exclusivement par le sadisme.]
Bien sûr. D’ailleurs, les exemples que je donne ne sont pas forcément dénués de cruauté, ou d’injustice, mais aucun, sinon peut-être Philippe le Bel contre les Templiers, n’en fait le ressort exclusif de sa politique. La “terreur”, c’est d’abord le recours au pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif pour écarter d’un seul coup tous ceux qui menacent le gouvernement, ce qui n’a rien de sadique, quoique cela prenne une envergure d’exception. Vous me corrigerez si je me trompe.
[Dans la mesure où les classes intermédiaires sont en position dominante, ce n’est pas de l’action du pouvoir que peut venir la « terreur » salutaire. Mais il pourrait venir d’un évènement extérieur : une crise économique ou sociale mettant en danger l’alliance précaire entre la bourgeoisie et les classes intermédiaires, par exemple…]
D’accord, je vous avais mal compris. C’est bien plus logique comme cela. N’est-ce pas cependant indexer notre salut sur un événement auquel on ne peut rien ? En forçant le trait, car je vous crois plus raisonnable que cela, je me demande si ce n’est pas “attendre le grand soir”. On peut l’attendre longtemps. Et il faut bien agir auparavant, n’est-ce pas ?
@ Louis
[La “terreur”, c’est d’abord le recours au pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif pour écarter d’un seul coup tous ceux qui menacent le gouvernement, ce qui n’a rien de sadique, quoique cela prenne une envergure d’exception. Vous me corrigerez si je me trompe.]
Je pense que vous vous trompez. D’abord, parce que la « terreur » politique n’implique pas forcément un recours au judiciaire. Pensez à la « terreur » instaurée par le régime de Videla en Argentine : il était fondé sur les « disparition forcées » (en pratique, des enlèvements puis détention dans des lieux secrets ou exécution sans que le destin de la personne soit connu) qui avaient pour caractéristique de soustraire les personnes au système judiciaire.
La « terreur » n’a pas pour objet de « écarter d’un coup ceux qui menacent le gouvernement », mais de frapper la société de stupeur, de paralyser toute résistance. Cela va bien plus loin que la simple répression politique – qu’elle utilise ou non l’appareil judiciaire. Ainsi, par exemple, le maccarthysme fut une persécution politique, mais on peut difficilement la qualifier de « terreur ». Les régimes de « terreur » sont en général le produit d’un changement révolutionnaire, lorsque les changements sont si profonds que toute « règle du jeu » politique disparaît, que « tout est permis ». Quand une portion importante de la société est prête à tout (l’assassinat des officiers publics, l’appel à l’intervention étrangère, la destruction des institutions) la terreur apparaît souvent comme la seule alternative à la guerre civile.
[D’accord, je vous avais mal compris. C’est bien plus logique comme cela. N’est-ce pas cependant indexer notre salut sur un événement auquel on ne peut rien ? En forçant le trait, car je vous crois plus raisonnable que cela, je me demande si ce n’est pas “attendre le grand soir”. On peut l’attendre longtemps. Et il faut bien agir auparavant, n’est-ce pas ?]
Bien sûr qu’il faut agir. Mais agir en tenant compte de ce fait capital : on ne peut faire de révolution si les conditions objectives – c’est-à-dire celles qui ne dépendent pas de nous – ne sont pas remplies. En attendant que cette conjoncture historique se présente, l’action ne peut avoir que deux objectifs : le premier est le rafistolage de la société de manière à rendre la condition des opprimés la moins insupportable possible, le second est la préparation des instruments – intellectuels, institutionnels – qui permettront le moment venu de tirer le meilleur parti des conditions objectives.
(alliance précaire entre bourgeoisie et classe intermédiaire)
Si vous évaluez la classe intermédiaire à ~30 pour 100 de la population , à combien évaluez-vous la grande bourgeoisie à laquelle elle s’arrime ? les fameux 1 pour 100 ?
Certains métiers de la classe intermédiaire, même si leurs moyens financiers (et intellectuels) leur permettent se vivre agréablement ne sont-ils pas ” prolétarisés” au sens où la techno-structure surplombant l’ensemble les entrave dans la réalisation de la plénitude de leur “art” ( chiffres et techniques dans leur froideur et rigidité versus relations humaines )?
@ Rienpasmoins
[Si vous évaluez la classe intermédiaire à ~30 pour 100 de la population, à combien évaluez-vous la grande bourgeoisie à laquelle elle s’arrime ? les fameux 1 pour 100 ?]
La bourgeoisie, c’est-à-dire ceux qui possèdent les moyens de production et de ce fait peuvent extraire de la plus-value du travail de leurs salariés (je ne parle personnellement pas de « grande » ou de « petite » bourgeoisie) sont relativement peu nombreux. Je n’irais pas au-delà d’un 5% de la population, mais c’est bien entendu une appréciation subjective, et il faudrait faire un travail statistique pour être précis.
[Certains métiers de la classe intermédiaire, même si leurs moyens financiers (et intellectuels) leur permettent de vivre agréablement ne sont-ils pas ” prolétarisés” au sens où la techno-structure surplombant l’ensemble les entrave dans la réalisation de la plénitude de leur “art” (chiffres et techniques dans leur froideur et rigidité versus relations humaines) ?]
Il faut être précis. Le prolétariat est défini non pas par le fait que la techno-structure (à supposer que cette formule ait un sens) entrave la réalisation de leur « art », mais par le fait qu’il se trouve dans une position dans le mode de production qui l’oblige de vendre sa force de travail à un prix inférieur à la valeur que cette force de travail produit. De ce point de vue, on voit mal en quoi le travail d’un professeur d’université, d’un avocat ou d’un médecin hospitalier seraient « prolétarisés ».
Je pense que vous mélangez deux problématiques : celle du partage de la valeur, et celle de la liberté « de réalisation de son art ». Du point de vue de la liberté, personne n’est plus libre que le vagabond sans attaches : il n’a pas de famille dont il est responsable, pas de propriétaire à qui payer un loyer, pas de patron pour lui dire ce qu’il doit faire. Personne ne l’entrave « dans la réalisation de son art », si ce n’est la réalité physique. Tous les autres, sans exception, sont soumis à des contraintes sociales.
@Descartes
Merci,
J’entends, mais je n’intègre pas …
Je pensais dépossession de ses savoirs; sentiment de gâchis, de tristesse, de dépression , voire pire …d’être piégé entre le marteau et l’enclume … ( je ne pensais pas seulement aux médecins hospitaliers, mais aussi aux enseignants, aux ingénieurs dans certaines structures …/directives absurdes venant de la substratosphère …
(Choses vues: je n’en suis pas.)
Je ne voyais pas le coté économique stricto sensu .
Il est certain qu’il y a lien de subordination dans l’Entreprise : c’est parfaitement toléré quand il y a autorité de compétence . Ce n’est pas toujours le cas : dans certains groupes, il y a eu alliance -provisoire- entre le syndicat CFE-CGC et SUD, tant cela allait mal pour des gens de haut niveau ( pression des actionnaires étrangers mais pas que).
@ Rienpasmoins
[Je pensais dépossession de ses savoirs; sentiment de gâchis, de tristesse, de dépression , voire pire …d’être piégé entre le marteau et l’enclume … ( je ne pensais pas seulement aux médecins hospitaliers, mais aussi aux enseignants, aux ingénieurs dans certaines structures …/directives absurdes venant de la substratosphère …]
Il ne faut pas tout confondre. On peut très longuement discuter sur les peines de cœur et les angoisses professionnelles des « classes intermédiaires ». Mais in fine, elles ont le choix. Si le trader s’ennuie le dimanche et a du mal à trouver un sens, une utilité sociale dans sa vie professionnelle, il peut toujours se reconvertir dans un métier utile – à condition d’accepter bien entendu une chute importante de son revenu, mais on ne peut pas tout avoir. Pour le dire autrement, on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre, le « sens » et l’argent. Mais tout cela n’a rien à voir avec une quelconque « prolétarisation ». Le prolétaire, justement, se caractérise par le fait qu’il n’a pas le choix.
[Je ne voyais pas le coté économique stricto sensu.]
C’est bien le sens de ma critique. Ce qui structure les rapports, c’est « le côté économique stricto sensu ».
[Il est certain qu’il y a lien de subordination dans l’Entreprise : c’est parfaitement toléré quand il y a autorité de compétence.]
Non. La subordination dans l’entreprise est une subordination économique. Si votre chef vous annonce que votre emploi est supprimé pour permettre de faire gagner plus d’argent à l’actionnaire, votre « tolérance » envers cette décision n’a aucun rapport avec la « compétence » de celui qui la prend. Ce que la compétence permet, c’est justement à certaines personnes de jouir d’une mesure d’autorité SANS qu’il y ait véritable « subordination ». On suivra les instructions de tel ou tel collègue connu pour son expérience ou sa connaissance du domaine quand bien même il est notre égal en termes de hiérarchie.
[Ce n’est pas toujours le cas : dans certains groupes, il y a eu alliance -provisoire- entre le syndicat CFE-CGC et SUD, tant cela allait mal pour des gens de haut niveau (pression des actionnaires étrangers mais pas que).]
Je ne vois pas très bien le point.
Bonjour,
Deux petites observations :
1°) Le message passé par les écolos est assez basique : plein de pans de l’économie ont été arrêtés, et il en a résulté une réduction considérable des émissions de CO2. Et malgré cela, tout le monde a continué à vivre.
Et donc, ils en déduisent qu’il suffit de faire tourner l’économie comme en période COVID pour sauver le monde !
Ce raisonnement, à mon sens, pèche sur les points suivants :
– Le fonctionnement de l’économie en période COVID est peut être tenable sur 1 à 3 mois, mais pas forcément sur plusieurs années ou décennies : on peut rester 2 ou 3 mois sans acheter de chaussures, ou de vêtements, sans entretenir les bâtiments, les routes (tous les chantiers arrêtés), mais on ne peut pas faire ça pendant plusieurs années ou décennies,
– Si on veut que, comme il y a plusieurs siècles, chacun reste chez soi dans un rayon de quelques kilomètres, qu’une grande majorité de français n’aient jamais vu la mer, etc. cela permettra effectivement de réduire les émissions de CO2. Mais il faudrait être honnête de le dire…
– Dans les entreprises qui se sont massivement mises au télétravail : quand les gens se connaissent, ils peuvent se débrouiller pour travailler à distance. Mais si on travaille tout le temps sans se voir, on ne se connaît plus, et il devient difficile de travailler ainsi. Sans parler de la formation des jeunes.
Bref, ce “modèle vertueux” n’est pas durable… Nos écolos, partisans du développement durable, en viennent, pour avoir
2°) “Ce biais de présentation illustre parfaitement le mécanisme de création d’une vision irénique de la nature ou même les animaux vivent en bonne intelligence les uns avec les autres. C’est un peu celle du jardin d’Eden, avant que l’homme croque la pomme de l’Arbre de la Connaissance…”
Tout à fait, et il y a aussi, je pense qu’il est très important d’en prendre conscience, une autre idée sous-jacente : l’environnement était un truc “naturellement” en équilibre, avant que l’homme ne vienne perturber cet équilibre. Et les écolos souhaitent bien souvent que l’homme prenne moins de place, pour revenir à cet équilibre…
Malheureusement, cette vision est totalement fausse !
Les réservoirs de faune classés en France comme la Camargue ou les lacs de la région de Troyes résultent de l’activité humaine.
Les espèces que l’on voit un peu partout on été habitués à vivre avec l’homme, est s’y sont adaptées.
Quand on regarde les grandes forêts de Scandinavie ou du Canada, elles n’existaient pas il y a 10000 ans (il y avait une calotte glaciaire dessus). Et la végétation y est arrivée en même temps que l’homme et que l’élevage !
Bref, sans doute qu’un peu plus d’éducation à l’écologie (la science) permettait de démystifier les préconçus sur l’environnement, et donc les fondements de l’écologisme…
@ Vincent
[Ce raisonnement, à mon sens, pèche sur les points suivants :
– Le fonctionnement de l’économie en période COVID est peut être tenable sur 1 à 3 mois, mais pas forcément sur plusieurs années ou décennies : on peut rester 2 ou 3 mois sans acheter de chaussures, ou de vêtements, sans entretenir les bâtiments, les routes (tous les chantiers arrêtés), mais on ne peut pas faire ça pendant plusieurs années ou décennies,]
Exact. On peut se permettre cet arrêt (somme toute assez partiel, parce que le système productif a continué à tourner à 70% de sa capacité) sans une baisse concomitante du niveau de vie parce que notre société a des réserves considérables. Mais cela ne peut durer indéfiniment.
Il y a un point que vous n’abordez pas, et c’est celui de la baisse réelle des émissions de CO2. Qui ne sont pas si importantes que cela. Elle correspond peu ou prou à la baisse de l’activité, c’est-à-dire autour de 30%. Ca paraît beaucoup, mais en fait cela correspond à la baisse nécessaire en cinq ans pour atteindre les objectifs des accords de Paris. En d’autres termes, « continuer comme cela » ne suffirait même pas sur le long terme à combattre le réchauffement climatique.
Au fond, votre vision est aussi binaire et religieuse que celle des ‘écolos’, sauf que pour eux elle est gentille et que pour vous elle est méchante…
“Le discours qui prétend faire l’amalgame entre la « destruction de la planète par l’homme » et l’épidémie est totalement dénué de fondement.”
“Totalement dénué de fondement”? Ah bon? Voici un extrait du journal du CNRS
“Des études suggèrent, par exemple, que les pertes de biodiversité dues aux activités humaines pourraient augmenter la transmission de certains agents pathogènes vers l’humain (c’est par exemple le cas de la maladie de Lyme, causée par une bactérie, Borrelia burgdorferi, transmise par des tiques). À la lumière des crises et bouleversements majeurs auxquels nous faisons déjà face — le changement climatique, la perte massive de la biodiversité et l’explosion démographique humaine, qui vont fortement impacter les écosystèmes —, l’analyse des processus à l’origine de l’expansion d’un pathogène devient primordiale. Les comportements humains et Ies pratiques cuItureIIes favorisant I’exposition d’une population à un nouveau pathogène doivent être intégrés dans l’analyse de ces processus de diffusion en raison de Ieur importance dans Ies dynamiques épidémioIogiques.
Par exempIe, il a pu être démontré que Ia consommation de viande de pouIet crue avait entraîné des cas morteIs d’infection au virus H5N1 chez I’humain. Il est également important de considérer les changements que les êtres humains imposent aux écosystèmes du fait de leurs activités de plus en plus intenses (augmentation de l’agriculture et de l’élevage intensifs, urbanisation et déforestation accrues). Ainsi, la déforestation a été mise en cause dans l’émergence de nouvelles formes de paludisme chez l’humain en Asie. L‘intégration des comportements et des activités humaines et de Ieur hétérogénéité dans Ies modèles d’émergence et de propagation des pathogènes est un défi de recherche interdisciplinaire pour les années à venir, à l’interface entre écologie, sociologie, anthropologie et épidémiologie.
https://lejournal.cnrs.fr/billets/face-aux-pandemies-les-sciences-de-lecologie-sont-plus-que-jamais-necessaires?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1585852763
@ alexis
[Au fond, votre vision est aussi binaire et religieuse que celle des ‘écolos’, sauf que pour eux elle est gentille et que pour vous elle est méchante…]
Objection, votre honneur. Je n’ai jamais dit qu’elle fut méchante. Contrairement aux écologistes, je ne prête pas à la nature une volonté ni même une intelligence. La nature ne se venge pas, elle ne se réjouit pas, elle n’est capable ni de bonté, ni de méchanceté.
[“Le discours qui prétend faire l’amalgame entre la « destruction de la planète par l’homme » et l’épidémie est totalement dénué de fondement.” “Totalement dénué de fondement”? Ah bon? Voici un extrait du journal du CNRS]
Voyons ce que dit ce vénérable journal :
[“Des études suggèrent, par exemple, que les pertes de biodiversité dues aux activités humaines pourraient augmenter la transmission de certains agents pathogènes vers l’humain (c’est par exemple le cas de la maladie de Lyme, causée par une bactérie, Borrelia burgdorferi, transmise par des tiques).]
Je ne vois pas très bien en quoi ce texte établit une relation entre « la destruction de la planète par l’homme » et l’épidémie de coronavirus. Parce que vous rappelle que c’est de cela qu’il s’agit, et pas d’une autre maladie.
Notez par ailleurs la formule : « des études SUGGERENT que les pertes de biodiversité dues aux activités humaines POURRAIENT augmenter la transmission (…) ». Vous admirerez la prudence de ces formulations. Pensez-vous que s’il y avait une solide base scientifique pour affirmer que les pertes de biodiversité et les épidémies sont liées on aurait recours à tant de conditionnels ?
[Par exemple, il a pu être démontré que Ia consommation de viande de pouIet crue avait entraîné des cas morteIs d’infection au virus H5N1 chez I’humain.]
Je ne comprends pas ce que cet exemple démontre. Il est assez évident que manger de la viande crue est plus dangereux que manger de la viande cuite. Il y a même des aliments qui sont toxiques crus et comestibles une fois cuits (les morilles, pour ne donner qu’un exemple). Et alors ? Justement, la cuisson nous éloigne du « naturel » et nous projette dans le champ de l’artificiel, puisque l’homme est à ma connaissance le seul animal qui cuit sa nourriture.
[Il est également important de considérer les changements que les êtres humains imposent aux écosystèmes du fait de leurs activités de plus en plus intenses (augmentation de l’agriculture et de l’élevage intensifs, urbanisation et déforestation accrues). Ainsi, la déforestation a été mise en cause dans l’émergence de nouvelles formes de paludisme chez l’humain en Asie.]
D’abord, vous noterez que mon papier parle de l’épidémie de coronavirus, et non des épidémies en général. Oui, bien entendu, l’activité humaine a un effet sur la diffusion de certaines maladies. Ainsi, par exemple, partout où l’homme a drainé et assaini les marécages le paludisme a disparu ou s’est fortement atténué. Je trouve curieux que l’on donne un exemple rare et exotique ou l’action de l’homme semble avoir favorisé l’apparition de nouvelles formes de la maladie, alors qu’il y a des centaines d’exemples très bien documentés – dont plusieurs dans notre propre pays – avec l’effet contraire… mais peut-être que souligner que l’activité humaine pourrait avoir un effet FAVORABLE est interdit par la doxa du CNRS ?
[L‘intégration des comportements et des activités humaines et de Ieur hétérogénéité dans Ies modèles d’émergence et de propagation des pathogènes est un défi de recherche interdisciplinaire pour les années à venir, à l’interface entre écologie, sociologie, anthropologie et épidémiologie.]
Certes. Mais pourquoi se contenter d’intégrer l’influence des comportements humains dans « les modèles d’émergence et de propagation des pathogènes », et non dans « les modèles d’attenuation et d’extinction » des mêmes ? Je reste persuadé que si l’on fait le bilan des maladies infectieuses que le comportement humain a favorisé, et celles que le comportement humain a éliminées, le bilan sera très largement positif…
Mais bien sûr que oui Descartes.
Comment le CNRS peut-il valider de tels textes ? J’ai vu récemment aussi une vidéo du museum d’histoire naturelle de Paris dont le message était identique (le coronavirus y était mis d’ailleurs en scène sur une petite musique de samba parce qu’il est “un grand voyageur” !!!).
Non mais l’argument du poulet cru …
Je n’ai qu’une chose à ajouter aux belles réponses de Descartes qui a plus de sang froid que moi. Cela concerne la conclusion du texte: [un défi de recherche interdisciplinaire pour les années à venir, à l’interface entre écologie, sociologie, anthropologie et épidémiologie.]
D’abord, relisez la phrase en entier: ce n’est pas un scientifique qui a pu écrire ça.
Ensuite: vous avez remarqué que sont invoquées les sciences molles (ce n’est pas un jugement de valeur) mais aucunement les virologie, immunologie, biologie des systèmes et de l’évolution, maths, stats etc… Le crime est signé ?
[[ Voici un extrait du journal du CNRS]]
[Voyons ce que dit ce vénérable journal]
Il ne faut pas faire confiance aveuglément au titre. Malheureusement, j’ai eu l’occasion de le constater sur d’autres sujets, les services de communication du CNRS ne sont pas assurés par des scientifiques, mais par des journalistes, et qui ont les mêmes travers que la plupart des autres journalistes, à savoir :
– recherche de sensationnalisme sur des sujets à la mode, ou qui vont dans le sens de la mode (un scoop sur : “l’évacuation des populations de Fukushima était inutile, et a eu des conséquences dramatiques”, par exemple, n’est pas un bon sujet),
– bonne tolérance au manque de rigueur si ça peut permettre d’avoir des “punchlines” un peu plus marquantes
@ Descartes
[Les cas comme celui du Pr Raoul et le soutien qu’il a reçu au nom du « patriotisme régional » contre les « élites parisiennes » montre bien qu’on est très loin du « doute raisonné » devant les « certitudes intempestives »…]
C’est Bruno Latour, il me semble, qui écrit: “les gens qui agacent sont des agitateurs de pensée”, je cite de mémoire. Le Pr Raoult agace. Soit. Et en cela il agite les pensées et c’est bien, même si cela ne s’applique qu’à 10% de la population. Lorsque, par simple démarche un tantinet scientifique, une réfutation sur la base des ses affirmations publiques sera clairement formulée, pas mal de ses thuriféraires accèderont à un peu plus de lucidité. Je pense particulièrement, entre autres, à son assertion concernant le nombre des morts entre Paris et Marseille.
Polémique de cour de récréation !.
Si l’on compare celui de PACA et celui de Nouvelle Aquitaine ou celui d’ Occitanie, régions similaires en position géographique et démographique, on s’apercevra que son affirmation est stupide. Beaucoup d’autres le constateront aussi, du moins je l’espère :
PACA – 5 millions d’habitants – 884 morts, selon les chiffres dont je dispose au 25/5
Nouvelle Aquitaine – 6 millions d’habitants – 385 morts.
Occitanie – 5,9 millions d’habitants – 486 morts.
J’imagine que Marseille n’est pas un ilot isolé dans sa région.
Même si comparaison n’est pas raison, ces chiffres restent tout de même assez significatifs.
Le conseil de Detoeuf “Au lieu de discuter, calculons” me parait plus que jamais d’actualité.
@ Marcailloux
[C’est Bruno Latour, il me semble, qui écrit: “les gens qui agacent sont des agitateurs de pensée”,]
C’est Bricmont et Sokal, je crois, qui écrivent « Latour est un charlatan ». J’avoue que je suis plus proche de Sokal et Bricmont que de Latour et les postmodernes, qu’ils soient français ou américains. Les gens qui agacent sont d’abord agaçants. Et la plupart d’entre eux n’ont aucun effet sur la pensée.
[Le Pr Raoult agace. Soit.]
Ma belle-mère aussi, et elle n’agite pas grande chose.
[Et en cela il agite les pensées et c’est bien, même si cela ne s’applique qu’à 10% de la population.]
Que le Pr Raoult agite les langues – la sienne d’abord, et celle des commentateurs ensuite – me paraît incontestable. Mais il ne faudrait pas confondre les commentateurs de BFMTV avec « la pensée ». Je vous avoue que je peine à voir en quoi les outrances de Raoult ont agité la pensée.
[Lorsque, par simple démarche un tantinet scientifique, une réfutation sur la base de ses affirmations publiques sera clairement formulée, pas mal de ses thuriféraires accèderont à un peu plus de lucidité. Je pense particulièrement, entre autres, à son assertion concernant le nombre des morts entre Paris et Marseille.]
Vous oubliez la puissance irrésistible de l’envie de croire. La démarche scientifique a montré sans contestation possible que l’homéopathie n’a aucun effet en dehors de l’effet placebo. Est-ce que ses partisans sont devenus plus « lucides » ? Pas un instant. Quand les gens veulent croire – c’est-à-dire, quand la croyance satisfait un besoin – les arguments scientifiques fort peu efficaces.
Raoult (comme Benveniste avant lui) s’appuie sur le terrible complexe de supériorité du « sud » vis-à-vis du « nord ». Comme les marseillais sont travailleurs, honnêtes, intelligents et jouent au foot comme personne, il faut trouver un discours pour expliquer pourquoi Marseille n’est pas Paris (ni même Toulouse, Lille ou Strasbourg). D’où le côté Caliméro qu’on trouve dans toute la région, et la tendance à porter au pinacle n’importe quelle personnalité – politique, culturelle, scientifique, sportive – qui leur permet de prendre une revanche sur « ces cons de parisiens ». L’ennui, c’est que cette tendance exclut toute appréciation critique du pédigrée de la personne en question. Il suffit de se dresser contre les élites (parisiennes), contre les institutions (parisiennes) et on est sûr d’être choyé, et toute critique ignorée au prétexte qu’elle « vient de Paris ». Comportement qui est exploité par toute sortes d’escrocs, de mythomanes, d’illuminés. Ce n’est pas par hasard si l’université d’Aix-Marseille abrite des charlatans comme Bibérian (« fusion froide ») et Raoult. Et je ne parle même pas de Tapie…
Je vais me faire des amis dans le coin, mais ayant travaillé des années dans la région, je peux dire que c’est cet orgueil imbécile qui m’a fait partir. Quand un immeuble s’effondre à Marseille, ce n’est pas la faute de la mairie (c’est à dire, des marseillais) qui est pourtant compétente, mais de l’Etat (parisien).
@ Descartes
Bonjour,
[ Que le Pr Raoult agite les langues – la sienne d’abord, et celle des commentateurs ensuite – me paraît incontestable. Mais il ne faudrait pas confondre les commentateurs de BFMTV avec « la pensée ». Je vous avoue que je peine à voir en quoi les outrances de Raoult ont agité la pensée.]
Il me semble que vous avez une acception très restreinte de la notion de « pensée », limitée au service de votre rhétorique.
A partir du moment où un événement attire votre attention et suscite votre curiosité, il se déclenche systématiquement le phénomène de « pensée ».
Je ne connais pas les commentateurs de BFMTV, mais ceux que j’écoute ou visionne sur d’autres médias, sont des professeurs de médecine ou médecins des plus grands hôpitaux parisiens en général, voire étrangers, (donc moins sensibles à priori à la mascarade franco-française dont il est question). Il n’y a aucune raison de mettre en doute leur capacité de penser et leur légitimité à l’exprimer.
Ces commentaires qu’ils expriment, quelquefois contradictoires, avec des explications détaillées qui me paraissent plausibles, comme à beaucoup j’imagine, entrainent forcément une pensée qui contribue à bâtir l’opinion que chacun se fait du système de santé qui est le notre. Cette agitation autour du cas Raoult me paraît pleine d’enseignements
Même les pires des totalitarismes ne peuvent prétendre maitriser la pensée de qui que ce soit, bien que la tentation, voire les tentatives en soient leur apanage. Dénier à quiconque la capacité de penser d’une manière qui n’est pas strictement identique ne fait pas avancer la connaissance.
[ La démarche scientifique a montré sans contestation possible que l’homéopathie n’a aucun effet en dehors de l’effet placebo. Est-ce que ses partisans sont devenus plus « lucides » ? Pas un instant. Quand les gens veulent croire – c’est-à-dire, quand la croyance satisfait un besoin – les arguments scientifiques fort peu efficaces.]
« sans contestation possible » !
J’apprécie ici le doute cartésien. Ce qui est, à mes yeux insupportable, c’est cette arrogance des ingénieurs (j’en suis pourtant) et des scientifiques en général qui ont la vanité de s’exprimer – pour beaucoup – comme si le niveau de connaissance de leur corporation constituait un horizon indépassable.
En gros, ce qu’ils n’expliquent pas n’existe pas.
Pour l’homéopathie, ce qu’attendent les gens c’est plus un résultat qu’un moyen, comme dans l’allopathie d’ailleurs. Celui qui a un cancer se satisfera de l’aspirine si celle ci le guérit.
J’ai bénéficié de l’homéopathie, il y a 40 ans dans une récidive d’affection qui nécessitait de repasser sur la table d’opération une seconde fois.
Rapport investissement/résultat extraordinaire. Une nouvelle opération m’aurait cloué sur un lit de souffrances pendant 15 jours.
Je constate sans plus et ne juge ni en bien ni en mal. Je n’ai d’ailleurs, depuis, pratiquement jamais utilisé cette thérapie. Mais, et c’est là que se situe l’arrogance, dénier toute utilité ou efficience à l’homéopathie est faire la preuve d’une suffisance qui n’a d’égale que la vanité de sa dénégation.
@ Marcailloux
[« Que le Pr Raoult agite les langues – la sienne d’abord, et celle des commentateurs ensuite – me paraît incontestable. Mais il ne faudrait pas confondre les commentateurs de BFMTV avec « la pensée ». Je vous avoue que je peine à voir en quoi les outrances de Raoult ont agité la pensée. » Il me semble que vous avez une acception très restreinte de la notion de « pensée », limitée au service de votre rhétorique.]
Je pourrais vous retourner le compliment en vous disant qu’à mon avis vous avez une notion de « pensée » un peu trop large, étendue au service de votre rhétorique. Mais je ne le ferai pas, parce que je préfère échanger des arguments sur le fond plutôt que de faire des procès d’intention.
[A partir du moment où un événement attire votre attention et suscite votre curiosité, il se déclenche systématiquement le phénomène de « pensée ».]
Donc, dans votre conception Nabila, Paris Hilton ou Justin Bieber sont des « agitateurs de la pensée », puisqu’il est incontestable qu’ils attirent l’attention et suscitent la curiosité de millions d’individus. Effectivement, dans cette conception on peut dire que le Pr Raoult est un « agitateur de de la pensée ». Un peu moins que Justin Bieber, tout de même…
[Je ne connais pas les commentateurs de BFMTV, mais ceux que j’écoute ou visionne sur d’autres médias, sont des professeurs de médecine ou médecins des plus grands hôpitaux parisiens en général, voire étrangers, (donc moins sensibles à priori à la mascarade franco-française dont il est question). Il n’y a aucune raison de mettre en doute leur capacité de penser et leur légitimité à l’exprimer.]
Je vous avoue que je ne saisis pas le rapport. Ces éminents professeurs et médecins n’ont pas besoin de Raoult pour s’exprimer – la plupart d’ailleurs dans un sens très critique des affirmations de celui-ci.
[Ces commentaires qu’ils expriment, quelquefois contradictoires, avec des explications détaillées qui me paraissent plausibles, comme à beaucoup j’imagine, entrainent forcément une pensée qui contribue à bâtir l’opinion que chacun se fait du système de santé qui est le notre. Cette agitation autour du cas Raoult me paraît pleine d’enseignements.]
Moi, je la compare à un hurluberlu sortant dans les ondes pour affirmer que la terre est plate, suivi des interventions d’éminents géographes expliquant que non, qu’elle est ronde. Je n’appelle pas cela « agiter des idées ».
[Même les pires des totalitarismes ne peuvent prétendre maitriser la pensée de qui que ce soit, bien que la tentation, voire les tentatives en soient leur apanage. Dénier à quiconque la capacité de penser d’une manière qui n’est pas strictement identique ne fait pas avancer la connaissance.]
Comme disait un philosophe américain, « le droit de s’exprimer librement n’inclut pas le droit d’être pris au sérieux ». Ce qui me gêne n’est pas tant que le Pr Raoult s’exprime, mais qu’il soit pris au sérieux. Que ses affirmations soient reprises dans les médias, qu’on fasse de lui un héros local. Parce que dans notre société ou chacun recherche sont quart d’heure de gloire, cela ne peut qu’encourager toutes sortes d’hurluberlus à dire n’importe quoi, sachant qu’ils trouveront un écho bienveillant dans les médias. Et cela non seulement ne fera pas avancer la connaissance, mais la fera reculer.
Prenez le cas du Dr Raoult : il a proposé un traitement, les essais organisés un peu partout dans le monde montrent que ce traitement est inefficace. Mais grâce à cette agitation que vous trouvez si positive, l’opinion refusera d’accepter la preuve scientifique et adhérera à l’idée d’un complot des grands laboratoires et des élites (parisiennes) pour dégommer la grande découverte du professeur-seul-contre-tous. Pensez-vous qu’une telle polarisation serve à la diffusion de la connaissance ?
[« La démarche scientifique a montré sans contestation possible que l’homéopathie n’a aucun effet en dehors de l’effet placebo. Est-ce que ses partisans sont devenus plus « lucides » ? Pas un instant. Quand les gens veulent croire – c’est-à-dire, quand la croyance satisfait un besoin – les arguments scientifiques fort peu efficaces. » « sans contestation possible » !]
Oui, sans contestation possible : aujourd’hui, tout ce que nous savons en termes théoriques, toutes les expériences coïncident. Il n’existe donc aucune base scientifique pour contester la conclusion selon laquelle l’homéopathie n’a aucun effet (en dehors de l’effet placebo). Il y aura peut-être un jour une expérience, une théorie scientifique qui pourra servir de base à une contestation. Mais aujourd’hui, cette base n’existe pas. Le résultat doit donc être considéré aujourd’hui comme « sans contestation possible ».
[J’apprécie ici le doute cartésien. Ce qui est, à mes yeux insupportable, c’est cette arrogance des ingénieurs (j’en suis pourtant) et des scientifiques en général qui ont la vanité de s’exprimer – pour beaucoup – comme si le niveau de connaissance de leur corporation constituait un horizon indépassable.]
Je pense que vous avez mal compris mon propos, et en particulier le sens de la formule « sans contestation possible ». En matière scientifique, pour qu’une conclusion soit « constestable » il ne suffit pas qu’il y ait quelqu’un pour la contester. Autrement, on pourrait dire que le principe de conservation de l’énergie est « contestable » (après tout, il y a toujours des gens qui proposent des machines de « mouvement perpétuel »), ou que la rotondité de la terre l’est aussi (puisqu’il y a des gens pour prétendre que la terre est plate). Avec une telle interprétation, le mot « contestable » devient trivial, puisque tout est constestable.
C’est pourquoi on considère « contestable » un énoncé pour lequel il y a une base scientifique de contestation. Ainsi, par exemple, la mécanique de Newton était « incontestable » lorsque Newton l’énonce, tout simplement parce qu’aucune expérience ne fournit des éléments pour la mettre en défaut. A la fin du XIXème, elle est devenue « contestable » parce que certaines expériences ont mis en évidence des problèmes de cohérence.
Aujourd’hui, il n’existe aucune base scientifique, aucune expérience, aucune théorie qui permette de mettre en défaut l’énoncé selon lequel l’homéopathie est inefficace. En ce sens, l’énoncé est donc « incontestable ».
[En gros, ce qu’ils n’expliquent pas n’existe pas.]
Dans le cas de l’homéopathie, le problème n’est pas tant que ce qui ne s’explique pas n’existe pas, mais que toutes les tentatives de mettre en évidence le phénomène (qu’on puisse ou non l’expliquer) ont échoué.
[Pour l’homéopathie, ce qu’attendent les gens c’est plus un résultat qu’un moyen, comme dans l’allopathie d’ailleurs. Celui qui a un cancer se satisfera de l’aspirine si celle-ci le guérit.]
Sauf que l’homéopathie ne guérit rien du tout. L’effet placebo peut quelquefois améliorer temporairement les choses, mais dans ce cas c’est la foi dans le médicament, et non le remède l’homéopathique, qui guérit.
[J’ai bénéficié de l’homéopathie, il y a 40 ans dans une récidive d’affection qui nécessitait de repasser sur la table d’opération une seconde fois.]
D’abord, vous ne savez pas si votre affection « nécessitait de repasser sur la table d’opération une seconde fois ». Tout ce que vous savez, c’est que vous avez pris les gélules homéopathiques et que vous avez guéri. Vous ne savez pas, vous ne saurez jamais ce qui se serait passé si vous n’aviez pas pris les gélules en question, ou si à la place des gélules homéopathiques on vous avait donné des petits morceaux de sucre à votre insu. Peut-être auriez-vous guéri tout aussi bien, et sans passer par la table d’opérations.
Cette expérience que vous ne pouvez pas faire, d’autres l’ont fait. On a fait de très nombreux essais en double aveugle, ou l’on donnait à la moitié de l’échantillon « qui devait repasser sur la table d’opération » des gélules, et à l’autre moitié du sucre en poudre. Et le taux de guérison est toujours le même dans les deux groupes. Ce qui tend à prouver que si vous avez échappé à la table d’opérations, ce n’est pas grâce à l’effet thérapeutique de ce que vous avez avalé.
[Rapport investissement/résultat extraordinaire. Une nouvelle opération m’aurait cloué sur un lit de souffrances pendant 15 jours.]
Il paraît que le pèlerinage à Lourdes est aussi très efficace…
[Mais, et c’est là que se situe l’arrogance, dénier toute utilité ou efficience à l’homéopathie est faire la preuve d’une suffisance qui n’a d’égale que la vanité de sa dénégation.]
Et denier toute efficacité au pèlerinage à Lourdes ? C’est aussi de la « suffisance » ? Allons, soyons sérieux. Les remèdes homéopathiques ont été testés en double aveugle dans des centaines d’essais. TOUS confirment l’absence de tout effet. Quelle conclusion tireriez-vous, toute « arrogance » et « suffisance » mise à part ?
@Descartes
“les essais organisés un peu partout dans le monde montrent que ce traitement est inefficace”, ce n’est pas tout à fait exact. Certaines études l’affirment comme celle très médiatisée du Lancet mais des études cliniques démontrent son efficacité.
L’étude “big data” du Lancet pâtis d’ailleurs de plusieurs biais. Si l’on devait en retenir qu’un seul, c’est qu’il s’agit de données provenant de près de 100 000 patients dans 600 hôpitaux du monde. Il s’agit donc de patients hospitalisés, or le traitement préconisé par le druide de Marseille ne serait efficace que s’il est administré dans les stades précoces de la maladie… (ce qui va à l’encontre du décret du 26 mars du Ministère de la Santé n’autorisant la prescription du traitement que pour les patients gravement atteints et donc pas au stade précoce. Autorisation levée cette semaine car ça ne marchait pas…)
@ Ghuilem
[“les essais organisés un peu partout dans le monde montrent que ce traitement est inefficace”, ce n’est pas tout à fait exact. Certaines études l’affirment comme celle très médiatisée du Lancet mais des études cliniques démontrent son efficacité.]
Lesquelles ? On parle bien entendu d’études cliniques respectant les règles qui permettent d’éviter les biais : essais en aveugle ou en double aveugle, avec un nombre suffisant de patients et avec groupe de contrôle.
> Il s’agit donc de patients hospitalisés, or le traitement préconisé par le druide de Marseille ne serait efficace que s’il est administré dans les stades précoces de la maladie…
D’après Raoult et ses fans. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas apporté la moindre preuve sérieuse de cette efficacité « dans les stades précoces de la maladie ». On a donc une horde d’excités qui affirment qu’il faudrait prescrire, dans les stades précoces d’une maladie faisant environ de 1% de morts, un médicament dont l’efficacité est inconnue mais dont les effets secondaires sont très dangereux.
@Descartes
[Lesquelles ? On parle bien entendu d’études cliniques respectant les règles qui permettent d’éviter les biais : essais en aveugle ou en double aveugle, avec un nombre suffisant de patients et avec groupe de contrôle.]
On est bien d’accord que l’étude du Lancet n’est pas une étude en aveugle ou double aveugle. Elle respecte néanmoins la consigne du nombre suffisant et du groupe contrôle même si les conditions de sélection sont discutables.
Je vais essayer de vous trouver une petite sélection de publications ad hoc
Les 2 principales études cliniques ne sont pas encore publiées. Il y a celle de l’IHU avec plus de 3000 patients et une étude brésilienne en soumission qui porte sur plus de 600 patients avec groupe contrôle: https://www.dropbox.com/s/5qm58cd4fneeci2/2020.04.15%20journal%20manuscript%20final.pdf?dl=0.
La plupart des études (favorable ou défavorable au traitement avec l’hydroxychloroquine) est encore en révision.
Après, sur décision de l’OMS, sur la base de l’étude du Lancet, les essais cliniques sur ce type de traitement sont par précaution arrêtés…
Un dernier point, les études défavorables ne sont presque exclusivement que des analyses de big data et pas des études cliniques
@ Guilhem
[La plupart des études (favorable ou défavorable au traitement avec l’hydroxychloroquine) est encore en révision.]
Très bien. Quand elles auront passé le filtre des pairs, elles seront publiées et le débat scientifique pourra avoir lieu là où il doit avoir lieu : dans les laboratoires, les académies, les universités. Et pas sur BFMTV.
[Un dernier point, les études défavorables ne sont presque exclusivement que des analyses de big data et pas des études cliniques.]
Mais l’analyse de « big data » exploite des « data » qui viennent de quelque part, non ?
@Ian Brossage
[D’après Raoult et ses fans.]
Oula, je vous trouve extrêmement réducteur. Il s’agit d’une discussion scientifique, il y a les pour et les contre. Pas les fans d’un gourou d’un côté et des personnes réfléchies de l’autre. Tout comme il est légitime de s’interroger sur la méthodologie employée par l’IHU pour justifier le traitement, il est légitime de détailler la méthodologie de l’étude du Lancet qui apparait comme parole d’Evangile pour de nombreuses personnes alors que le rédacteur en chef du Lancet a avoué en 2018 que les études qui sont publiées dans sa revue sont commanditées par des groupes pharmaceutiques et donc suspectes de partialité.
@ Guilhem
[Il s’agit d’une discussion scientifique, il y a les pour et les contre. Pas les fans d’un gourou d’un côté et des personnes réfléchies de l’autre.]
Pardon, mais… où avez-vous vu une « discussion scientifique » ? Une « discussion scientifique » se passe entre scientifiques, dans une enceinte scientifique, et en échangeant des arguments scientifiques. Dès lors que la discussion est mise en scène dans les médias, il n’y a plus de discussion scientifique.
@Descartes
[Mais l’analyse de « big data » exploite des « data » qui viennent de quelque part, non ?]
Parfaitement et c’est justement là que la bât blesse. Vous savez bien que les chiffres ont ceci de commun avec les fleurs, on peut leur faire dire n’importe quoi (pour paraphraser Audiard). L’important est de comprendre ce que traduisent ces chiffres et comment ils sont collationnés, ce qui est primordial dans le cadre du big data. Comme vous l’indiquez très bien, ce n’est pas le lieu ici de détailler toutes les limites d’une telle étude notamment sur l’origine des données mais il faut prendre garde à ne pas “surinterpréter” les résultats. Des conclusions définitives pourront être tirées sur les bases d’une étude clinique avec des traitements comparables, donnés au même stade précoce de la maladie.
Ne pas dévoiler le débat scientifique au grand jour, c’est prendre le risque (justifié à mon avis) que celui-ci soit opportunément mis sous le boisseau pour préserver des intérêts financiers colossaux.
Je sais Descartes que nous ne serons pas d’accord sur ce point puisque nous avions le même débat à l’époque de la publication d’une étude dans l’Obs sur les effets cancérigènes du glyphosate si je me rappelle bien.
@ Guilhem
[Comme vous l’indiquez très bien, ce n’est pas le lieu ici de détailler toutes les limites d’une telle étude notamment sur l’origine des données mais il faut prendre garde à ne pas “surinterpréter” les résultats. Des conclusions définitives pourront être tirées sur les bases d’une étude clinique avec des traitements comparables, donnés au même stade précoce de la maladie.]
Tout à fait d’accord. Mais vous noterez que dans cette affaire on a une certaine tendance à inverser la charge de la preuve, comme si c’était aux adversaires du Pr Raoult de prouver que la chloroquine est inefficace, alors que c’est plutôt à ceux qui proposent cette thérapie de prouver le contraire. C’est là pour moi la perversité de la logique médiatique : n’importe quel hurluberlu propose son remède miracle, et l’académie est mise sous injonction de prouver qu’il a tort. Alors qu’en bonne logique, ce devrait être le contraire !
Je ne suis pas expert du domaine que vous connaissez bien mieux que moi, et je veux bien donc admettre que l’étude publiée par « The Lancet » puisse pâtir de biais de plusieurs sortes. C’est tout au plus une indication de plus à apporter au débat, et seule une étude clinique avec toutes les garanties pourra apporter des réponses définitives (ou au moins plus conclusives).
[Ne pas dévoiler le débat scientifique au grand jour, c’est prendre le risque (justifié à mon avis) que celui-ci soit opportunément mis sous le boisseau pour préserver des intérêts financiers colossaux.]
Oui, mais le mettre au grand jour permet toutes sortes de manipulations (comme celle d’inversion de la charge de preuve, que j’évoque plus haut). La meilleure garantie dans ce genre de débats n’est pas pour moi la transparence totale, mais l’existence d’institutions scientifiques fortes, et donc capables d’échapper aux « intérêts financiers colossaux ». Cela suppose en particulier qu’elles soient financées indépendamment de ces intérêts, et que leurs membres soient protégés par un statut qui les mette à l’abri des représailles.
Porter le débat « au grand jour » ne réduit pas l’influence des intérêts financiers, au contraire. Poser le débat « au grand jour », c’est enlever le pouvoir aux institutions scientifiques pour le donner aux institutions médiatiques. Qui, cela ne vous aura pas échappé, dépendent toutes pour leur financement d’intérêts privés.
[Je sais Descartes que nous ne serons pas d’accord sur ce point puisque nous avions le même débat à l’époque de la publication d’une étude dans l’Obs sur les effets cancérigènes du glyphosate si je me rappelle bien.]
Tout à fait. Et je persiste à penser que l’assemblée des ignorants n’est guère plus savante que le plus savant de ses membres… et tend à réagir comme le plus ignorant d’entre eux.
@Guilhem
> Il s’agit d’une discussion scientifique, il y a les pour et les contre. Pas les fans d’un gourou d’un côté et des personnes réfléchies de l’autre. Tout comme il est légitime de s’interroger sur la méthodologie employée par l’IHU pour justifier le traitement, il est légitime de détailler la méthodologie de l’étude du Lancet qui apparait comme parole d’Evangile pour de nombreuses personnes alors que le rédacteur en chef du Lancet a avoué en 2018 que les études qui sont publiées dans sa revue sont commanditées par des groupes pharmaceutiques et donc suspectes de partialité.
Vous avez raison de souligner que l’important est le débat scientifique. Mais justement, je voudrais souligner à mon tour deux choses à ce sujet :
1) L’important n’est pas que the Lancet publie des études commanditées par tel ou tel, mais la qualité des études publiées. Je vous signale que Raoult aussi est ou a pu être financé par des entreprises privées : cela ne l’empêche pas forcément d’obtenir des résultats.
2) En l’occurrence, l’étude dont on parle (celle du Lancet) est imparfaite, et surtout sa portée est limitée car elle n’a pas été effectuée sur des échantillons tirés aléatoirement (c’est une étude rétrospective). *Cependant*, comme Descartes le souligne, cela ne change pas grand’chose : c’est bien à Raoult de prouver que son traitement est efficace. Or il ne l’a pas fait, car il a refusé d’utiliser la méthodologie requise pour cela. L’étude du Lancet ne fait que jeter une ombre supplémentaire sur un traitement qui était dès auparavant présumé inefficace.
@Descartes et Ian Brossage
Je vous rejoins parfaitement, c’est bien à Raoult à démontrer que son traitement est efficace et non à d’autres de prouver le contraire. Cependant, il est essentiel ici de tenir compte du contexte. Il y a des chances (notez les précautions que je prends sur ce point) que cette pathologie soit un “one shot” et qu’elle disparaisse sans jamais revenir. Si tel est le cas, attendre la validation d’un traitement quel qu’il soit pour commencer à traiter les patients est criminel. Si la Covid disparait de la surface de la terre dans 3 mois et que l’on découvre qu’un traitement dont on disposait pendant l’épidémie (chloroquine ou autre) se révèle efficace dans 6 mois, cela aura été un immense gâchis. Certes Raoult est mégalomane, forcément il est, lui aussi, financé par des fonds privés (même si les royalties de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine ne sont plus ce qu’elles étaient) mais là, dès le début de l’épidémie, il a pris ses responsabilités de spécialiste du domaine, en tant que médecin il ne pouvait supporter de dire au patient après l’avoir dépisté, rentrez chez vous, prenez du doliprane et si vous avez du mal à respirer revenez à l’hôpital on vous donnera de l’oxygène. Un médecin a 2 fonctions: diagnostiquer et traiter. Il a choisi de traiter ses patients avec une combinaison de vieilles molécules et non des nouvelles (dont les effets secondaires sont forcément moins bien connues). Il a choisi de s’exposer, il a mis son autorité dans le domaine dans la balance en disant je pense que ce traitement est bon (après l’avoir testé sur une dizaine de patients), croyez-moi. Si demain on démontre qu’il avait tort et que ce traitement n’a rien fait ou pire qu’il a été nocif tout le tort lui reviendra. Le contexte de l’urgence justifie selon moi sa démarche. Si la maladie devait persister et revenir de façon cyclique comme la grippe, il y a à espérer qu’un vaccin pourra nous en prémunir.
@ Guilhem
[Je vous rejoins parfaitement, c’est bien à Raoult à démontrer que son traitement est efficace et non à d’autres de prouver le contraire.]
Vous parlez en scientifique. Mais dans le monde médiatique, c’est l’inverse. Comme disait Mark Twain, « la vérité est lente à surgir et un mensonge bien raconté est indestructible ».
[Cependant, il est essentiel ici de tenir compte du contexte. Il y a des chances (notez les précautions que je prends sur ce point) que cette pathologie soit un “one shot” et qu’elle disparaisse sans jamais revenir. Si tel est le cas, attendre la validation d’un traitement quel qu’il soit pour commencer à traiter les patients est criminel.]
Ah bon ? Mais alors pourquoi ne pas essayer sur chaque patient tous les traitements de la pharmacopée ? Après tout, il y en a peut-être un qui pourrait marcher… et il serait comme vous dites « criminel » de le priver de cette chance.
[Si la Covid disparait de la surface de la terre dans 3 mois et que l’on découvre qu’un traitement dont on disposait pendant l’épidémie (chloroquine ou autre) se révèle efficace dans 6 mois, cela aura été un immense gâchis.]
Donc, je persiste, à votre avis il faudrait donner à chaque patient toutes les spécialités pharmaceutiques existantes. Après tout, il se pourrait que l’une d’elles marche, et que dirait on si on découvrait cela dans quelques mois ?
Il n’y a rien à faire : le raisonnement que vous faites pour la chloroquine est valable pour n’importe quelle autre spécialité pharmaceutique. Et je dirais même qu’il faudrait administrer non seulement les spécialités connues, mais aussi toutes celles qu’on ne connait pas. Après tout, peut-être qu’une infusion de feuilles de chêne fait l’affaire, non ?
[Certes Raoult est mégalomane, forcément il est, lui aussi, financé par des fonds privés (même si les royalties de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine ne sont plus ce qu’elles étaient) mais là, dès le début de l’épidémie, il a pris ses responsabilités de spécialiste du domaine, en tant que médecin il ne pouvait supporter de dire au patient après l’avoir dépisté, rentrez chez vous, prenez du doliprane et si vous avez du mal à respirer revenez à l’hôpital on vous donnera de l’oxygène.]
Et bien, un médecin doit aussi savoir quelles sont ses limitations. S’il n’existe pas de remède, il ne s’agit pas d’improviser un traitement en choisissant une spécialité au hasard dans le Vidal, non ? Si Raoult avait essayé sa chloroquine en avançant des arguments scientifiques, même s’ils ne sont pas conclusifs, j’aurais du respect pour lui. Mais l’argument « un médecin doit suivre son intuition », je suis désolé, mais non.
[Il a choisi de s’exposer, il a mis son autorité dans le domaine dans la balance en disant je pense que ce traitement est bon (après l’avoir testé sur une dizaine de patients), croyez-moi. Si demain on démontre qu’il avait tort et que ce traitement n’a rien fait ou pire qu’il a été nocif tout le tort lui reviendra.]
S’il est nocif, c’est surtout aux patients que le tort reviendra. Et s’il est inefficace, c’est sur l’ensemble de la médecine que le tort retombera. On revient à la jurisprudence Brasillach : le prestige d’une fonction entraine des devoirs pour protéger cette fonction. Ma concierge peut me recommander un remède inefficace, un professeur de médecine ne peut se le permettre.
[Le contexte de l’urgence justifie selon moi sa démarche. Si la maladie devait persister et revenir de façon cyclique comme la grippe, il y a à espérer qu’un vaccin pourra nous en prémunir.]
Pour moi, l’urgence justifie qu’on prenne des risques calculés, pas qu’on joue la santé des gens à la roulette russe.
@ Descartes
[S’il n’existe pas de remède, il ne s’agit pas d’improviser un traitement en choisissant une spécialité au hasard dans le Vidal, non ? ]
Justement, il ne s’agit pas d’un traitement pris au hasard. Sur le principe et d’après les données in vitro, l’hydroxychloroquine possède des propriétés limitant la réplication du virus et anti-inflammatoires et l’antibiotique est également connu pour ses propriétés antivirales. Les effets secondaires de ses deux composés sont connus car ils sont disponibles depuis longtemps, ils sont bon marchés et disponibles en grande quantité. La conjonction de tous ces critères en font des candidats thérapeutiques sérieux que l’on devait essayer en priorité car nous n’avions rien d’autre et que les gens mourraient.
Encore une fois, selon moi, l’urgence de la situation justifiait cette démarche qui s’affranchit du protocole de validation classique des médicaments.
@ Guilhem
[Encore une fois, selon moi, l’urgence de la situation justifiait cette démarche qui s’affranchit du protocole de validation classique des médicaments.]
N’étant pas médecin, je me garderais bien de donner une opinion définitive. Je ne peux tout de même que constater qu’une telle décision ne peut être purement individuelle. Ce n’est pas pour rien qu’on a une académie de médecine. Qu’on puisse s’affranchir des protocoles de validation en situation d’urgence, tout à fait d’accord. Mais cela implique au moins un consensus relatif des sachants.
Vous noterez d’ailleurs que la position de Raoult n’est pas d’invoquer l’urgence de la situation, mais d’attaquer l’idée même de validation par des protocoles rigoureux quelque soient les circonstances, en revendiquant une sorte de « médecine intuitive » (souvenez-vous de son intervention sur la « thérapie de Tom »).
@Guilhem
[attendre la validation d’un traitement quel qu’il soit pour commencer à traiter les patients est criminel.]
Eh bien pour moi c’est parfaitement le contraire. Je trouve qu’il est irresponsable d’administrer a des patients un produit qui n’a pas été évalué dans les règles de l’art.
@Descartes
[Qu’on puisse s’affranchir des protocoles de validation en situation d’urgence, tout à fait d’accord. Mais cela implique au moins un consensus relatif des sachants.]
Je vous rejoins sur ce point… tout du moins en théorie car vous savez fort bien que, dans le monde actuel, le principe de précaution, la crainte des poursuites judiciaires font que l’immobilisme prévaut. Il ne peut pas y avoir de consensus entre des partisans d’un traitement validé “dans les règles de l’art”, au risque que ce traitement ne soit disponible qu’après la “bataille” et ceux, plus audacieux, d’un traitement disponible immédiatement mais dont les preuves d’efficacité sont théoriques.
[Vous noterez d’ailleurs que la position de Raoult n’est pas d’invoquer l’urgence de la situation, mais d’attaquer l’idée même de validation par des protocoles rigoureux quelque soient les circonstances, en revendiquant une sorte de « médecine intuitive » (souvenez-vous de son intervention sur la « thérapie de Tom »).]
En fait, j’ai entendu/lu les deux de sa part. Sans doute adapte-t-il son discours suivant la situation. J’ai trouvé notamment sur youtube une conférence de début février 2020, avant que tous, y compris lui-même ne voient venir la pandémie, sur la méthode de validation des traitements qu’il critiquait copieusement en rappelant que cette méthode n’était pas ancestrale mais avait été mise au point pour l’évaluation des traitements d’une autre pandémie, celle du SIDA, pour laquelle la chronologie est tout autre.
@ Guilhem
[Je vous rejoins sur ce point… tout du moins en théorie car vous savez fort bien que, dans le monde actuel, le principe de précaution, la crainte des poursuites judiciaires font que l’immobilisme prévaut.]
On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Sil les citoyens ne sont pas prêts à prendre le risque que l’institution médicale puisse faire une erreur, alors on ne peut pas leur administrer des traitements qui n’ont pas reçu toutes les garanties, au risque dans une situation d’urgence de passer à côté d’un traitement efficace et que celui-ci ne soit disponible qu’après la bataille. Si l’on demande aux médecins d’assumer le risque que la société n’est pas prête à assumer, alors on donne une prime aux inconscients, qui ne craindront pas de prescrire n’importe quoi, alors que ceux qui évaluent correctement les risques seront hors-jeu.
@BJ
[Eh bien pour moi c’est parfaitement le contraire. Je trouve qu’il est irresponsable d’administrer a des patients un produit qui n’a pas été évalué dans les règles de l’art.]
En médecine, le principe sur lequel repose toute intervention/traitement c’est le rapport bénéfice/risque. Pour répondre à votre affirmation : il est irresponsable d’administrer a des patients un produit qui n’a pas été évalué dans les règles de l’art, on doit répondre: cela dépend.
Si la covid avait un taux de mortalité de 30% comme Ebola, je peux vous assurer que tous les hôpitaux du monde auraient testé tout et n’importe quoi. Mais pour une maladie mortelle à moi de 1%, on ne peut en effet pas se permettre de traiter massivement les patients avec de nouveaux traitements dont on ne connait pas les effets secondaires, par contre, essayer, en urgence, une combinaison de molécules bien connues me semble judicieux (bénéfice possible: sauver le patient avec un risque contrôlé). Bien entendu, il faut empêcher les gens de faire de l’autoprescription (ce qui s’est sans doute passé au début) car comme toutes molécules actives elles ne sont pas sans effet. Mais dans un cadre contrôlé (après des examens préliminaires), au pire, elles seront sans effet et au mieux elles soigneront des patients.
Sincèrement, je ne sais pas ce qui est le mieux aujourd’hui: que l’on découvre que le traitement raoultien était inefficace et que cela n’a pas changé grand chose à l’épidémie (car ce n’était pas ce traitement ou un autre, c’était lui ou rien), si ce n’est de nous avoir beaucoup occupé ou qu’il est efficace maintenant que l’épidémie est terminée et que l’on aurait pu sauver des centaines de personne en Europe…
@ Guilhem
[Sincèrement, je ne sais pas ce qui est le mieux aujourd’hui: que l’on découvre que le traitement raoultien était inefficace et que cela n’a pas changé grand-chose à l’épidémie (car ce n’était pas ce traitement ou un autre, c’était lui ou rien),]
C’est précisément ce point qui me gêne : ce n’est pas « lui ou rien ». Il y avait peut être des traitements beaucoup plus efficaces, des idées plus intéressantes mais qui, portés par des gens plus discrets et avec moins de battage médiatique, n’ont pas pu être essayés à grande échelle parce que le débat sur la chloroquine occupait tout l’espace.
@ Descartes
[C’est Bricmont et Sokal, je crois, qui écrivent « Latour est un charlatan ».]
Je viens de vérifier dans “Impostures intellectuelles”, grâce à la judicieuse présence d’un index en fin de volume, et non, une telle phrase n’y figure pas.
Dans leur introduction, les deux auteurs indiquent simplement vouloir “mettre en garde ceux qui travaillent dans ces domaines [sciences humaines et philosophie] (surtout les jeunes) contre des exemples manifestes de charlatanerie”.
@ NG
[Je viens de vérifier dans “Impostures intellectuelles”, grâce à la judicieuse présence d’un index en fin de volume, et non, une telle phrase n’y figure pas. Dans leur introduction, les deux auteurs indiquent simplement vouloir “mettre en garde ceux qui travaillent dans ces domaines [sciences humaines et philosophie] (surtout les jeunes) contre des exemples manifestes de charlatanerie”.]
Tout à fait. Et parmi les “exemples manifestes de charlatanerie” on trouve… Bruno Latour. Vous avez donc en effet raison de me reprocher d’avoir écrit “Bricmont est Sokal ECRIVENT “Latour est un charlatan””, alors que j’aurais du écrire “Bricmont et Sokal tiennent Latour pour un charlatan”. Dont acte.
[son assertion concernant le nombre des morts entre Paris et Marseille.]
Si je ne me trompe pas, il a simplement fait le ratio du nombre de morts à Paris/Marseille par rapport à la population.
En oubliant de prendre en cause les paramètres suivants :
– il y a eu beaucoup plus de malades en région parisienne qu’à Marseille
– il y a beaucoup d’hôpitaux à Paris qui ont accueilli des patients de toute la région parisienne, alors même qu’ils n’habitaient pas nécessairement à Paris…
Pour quelqu’un qui critique les biais dans les études des autres…
@ Vincent,
Bonjour,
[Pour quelqu’un qui critique les biais dans les études des autres…]
Pour la plupart d’entre nous, sur cette discussion dans ce blog, nous manquons peut-être de lucidité.
A qui s’adresse le discours de Raoult ?
A des citoyens qui s’efforcent d’être rationnels, objectifs, un tantinet rigoureux dans la construction de leur opinion ?
A des citoyens avides d’enfourcher un vecteur sur lequel leurs rancoeurs de ce qu’ils pensent les dominer satisfait leur soif de “justice” expéditive ?
Lequel est le plus susceptible de satisfaire un égo en perte de contrôle ?
Difficulté contre facilité.
Discours démocratique des Lumières contre discours populiste des ténèbres !
@Marcailloux
[ A qui s’adresse le discours de Raoult ?]
C’est la vraie question. Si on l’entend, c’est un vrai expert qui souhaite ne s’adresser qu’à des grands expert internationaux, les seuls qui, à défaut de pouvoir jouer dans la même cour que lui, ont un bagage suffisant pour atteindre ses chevilles.
Mais d’un autre coté, il passe à la télé, et donne des arguments assez pourris… Et ne s’adresse en fait qu’à des français qu’il écrase de son CV.
Ça m’intrigue de voir à quel point un Philippot le soutient à 100%. Il y a une vraie question dessus…
@ Vincent
[Ça m’intrigue de voir à quel point un Philippot le soutient à 100%. Il y a une vraie question dessus…]
Oui. Comme disent les anglais, “la politique fait d’étranges compagnons de lit”. Je crains malheureusement qu’il y ait chez Philippot – comme chez beaucoup de politiciens “souverainistes” malheureusement – un petit côté anticonformiste. Leur réflexe de base est de s’opposer aux institutions, et donc à sympathiser avec ceux qui font de même. On peut d’ailleurs se demander combien de souverainistes y sont arrivé par conviction rationnelle, et combien y adhérent simplement parce qu’être souverainiste c’est contester l’idéologie dominante. C’est un peu la faiblesse de la famille souverainiste.
[Leur réflexe de base est de s’opposer aux institutions, et donc à sympathiser avec ceux qui font de même.]
Il y a aussi peut être un facteur, pour ceux qui n’ont aucune formation scientifique qui est la combinaison de :
1°) Il faut s’appuyer sur l’expérience acquise pour savoir si les gens sont fiables ou pas :
– on nous a délibérément menti sur l’inutilité des masques
– on nous a délibérément menti sur l’inutilité des frontières,
– on nous a délibérément menti sur le fait qu’on avait tous les stocks disponibles…
Alors pourquoi croire les mêmes, sur le même sujet, quand ils nous disent que tel médoc est inutile, alors même qu’un grand ponte soutient le contraire ?
2°) Raoult, quand on l’entend parler, est tout le temps à tenir un discours du genre : “je ne sais pas, je suis un expert, et un vrai expert est celui qui sait dire qu’il ne sait pas, etc.” Ca change beaucoup des discours que tout le monde en a marre d’entendre, où on assène des vérités dont on est certains, avant de se rendre compte que c’était faux. Ca lui donne paradoxalement une énorme crédibilité de reconnaitre son incompétence (tout en rappelant qu’il est le meilleur ; sous entendu, si même moi, je ne suis pas certain, ceux qui ont des certitudes vous baratinent.)
Ces deux facteurs peuvent, je pense, être suffisants pour embobiner des gens pourtant intelligents et travailleurs…
@ Vincent
[1°) Il faut s’appuyer sur l’expérience acquise pour savoir si les gens sont fiables ou pas :
– on nous a délibérément menti sur l’inutilité des masques
– on nous a délibérément menti sur l’inutilité des frontières,
– on nous a délibérément menti sur le fait qu’on avait tous les stocks disponibles…]
Certes. Mais pour que le jugement soit complet, il faudrait mettre en face de ce que les gens ont DIT ce que les gens ont FAIT. Et si l’Etat a menti aux Français, il a par contre agi et bien agi dans leur intérêt. Et les Français ne s’y trompent pas : ils n’ont pas confiance dans le gouvernement pour leur dire la vérité, mais ils ont confiance en lui pour prendre les bonnes mesures.
[Alors pourquoi croire les mêmes, sur le même sujet, quand ils nous disent que tel médoc est inutile, alors même qu’un grand ponte soutient le contraire ?]
Parce qu’on voit bien pourquoi l’Etat a menti sur les masques ou les frontières, et on ne voit pas de raison plausible pour qu’il mente sur la chloroquine.
[2°) Raoult, quand on l’entend parler, est tout le temps à tenir un discours du genre : “je ne sais pas, je suis un expert, et un vrai expert est celui qui sait dire qu’il ne sait pas, etc.”]
On n’a pas du écouter le même Raoult, alors. Parce que chaque fois que je l’ai écouté, je l’ai entendu au contraire affirmer qu’il détenait la vérité, et que tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui étaient soit des imbéciles, soit des comploteurs.
Vous avez tout à fait raison, toute la sphère souverainiste prend fait et cause pour le Pr Raoult, perçu comme un opposant à “Big Pharma”, une sorte de Gilet Jaune en blouse blanche. Il faut dire que ce récit semble correspondre à une demande sociale: les vidéos de Philippot sur les enjeux économiques, politiques ou sociaux de la crise tournent autour de 20 à 70 000 vues, celles sur la chloroquine et le professeur Raoult dépassent systématiquement les 100 000 vues, montant jusqu’à 500 000!
Pour ma part, je suis un peu effrayé de la vague sur laquelle tout le monde chez les “populistes” veut surfer, mais qui prépare des lendemains qui déchantent: sous prétexte de discours peuple contre élite, on crée un schéma fort manichéen, source de désillusions futures. Ainsi, dans les groupes Gilets Jaunes, il n’est plus rare de se voir reprocher son adhésion à une démarche scientifique perçue comme désuète et comme unique instrument de pouvoir (si Michel Foucault voyait ça…). On voit bien aussi la convergence entre les promoteurs de médecines alternatives charlatanesques et la dénonciation des élites médicales, à l’instar de Jean-Dominique Michel. Dans tous les cas, à force de flatter ces penchants, on sera bien avancés quand les masses qu’on aura réussi à mobiliser trouveront que l’ennemi prioritaire ce n’est pas le capitalisme financier mais la 5G et les vaccins!
Il faut dire toutefois que la médecine officielle ne fait rien pour arranger son cas: accepter des cadeaux des grandes entreprises pharmaceutiques semble être la norme, la grande étude du Lancet qui détermine l’abandon de la chloroquine s’avère être très fragile, les scandales sanitaires comme le Mediator ont montré des structures publiques perméables aux intérêts privés. Bref, je comprends aussi d’où peut venir la méfiance des Français et leur adhésion à ce qui leur semble un contre-modèle, en la personne du Pr Raoult.
PS: comme j’ai été confondu 2 fois avec nationaliste-ethniciste, je me permets un changement de pseudo: materialiste patriote devient Patriote Albert.
@ Patriote Albert
[Vous avez tout à fait raison, toute la sphère souverainiste prend fait et cause pour le Pr Raoult, perçu comme un opposant à “Big Pharma”, une sorte de Gilet Jaune en blouse blanche.]
Je crois que c’est notre ami Ian Bossage qui avait qualifié ce réflexe de « pavlovien »…
[Pour ma part, je suis un peu effrayé de la vague sur laquelle tout le monde chez les “populistes” veut surfer, mais qui prépare des lendemains qui déchantent: sous prétexte de discours peuple contre élite, on crée un schéma fort manichéen, source de désillusions futures. Ainsi, dans les groupes Gilets Jaunes, il n’est plus rare de se voir reprocher son adhésion à une démarche scientifique perçue comme désuète et comme unique instrument de pouvoir (si Michel Foucault voyait ça…). On voit bien aussi la convergence entre les promoteurs de médecines alternatives charlatanesques et la dénonciation des élites médicales, à l’instar de Jean-Dominique Michel. Dans tous les cas, à force de flatter ces penchants, on sera bien avancés quand les masses qu’on aura réussi à mobiliser trouveront que l’ennemi prioritaire ce n’est pas le capitalisme financier mais la 5G et les vaccins!]
Je ne peux qu’acquiescer… On a tort de croire qu’on peut faire avancer la cause du progrès en faisant des concessions aux forces de l’obscurantisme.
@ Descartes
Bonsoir,
[Franchement, je ne pense pas qu’il ait fallu ce regrettable épisode pour « apprendre » ces travers qui sont dénoncés au moins depuis l’Antiquité.]
Vous savez mieux que moi que pour “apprendre” il faut en général être enseigné ou tout le moins renseigné et que l’art de l’enseignement c’est la répétition.
C’est une chose que de savoir par les écrits des intellectuels depuis l’Antiquité et le savoir par le “voir”. Et les possibilités de la technologie actuelle nous donnent à voir à profusion. À voir le réel comme le virtuel ou l’imaginaire d’ailleurs sans que nous ne maitrisions les moyens de vraiment vérifier.
Ce que j’ai “appris” dans l’épisode présent, sans que ce soit vraiment une révélation mais plutôt la confirmation d’une intuition, c’est la fragilité de nos sociétés face aux flots d’informations qu’un individu lambda n’est pas en mesure d’exploiter pour sa propre opinion et doit s’en remettre de plus en plus souvent à des “transducteurs” altérant ainsi le libre arbitre du citoyen. La situation de crise est révélatrice, met en évidence. La seule évidence que je retienne cependant c’est que rien n’est évident.
Au fond, votre positionnement me parait proche des Cyniques de l’Antiquité, par votre dénonciation constante des manquement à la vertu. Cependant, vous semblez les intégrer sans grand regret à la “nature”, humaine en l’occurence.
@ Marcailloux
[Ce que j’ai “appris” dans l’épisode présent, sans que ce soit vraiment une révélation mais plutôt la confirmation d’une intuition, c’est la fragilité de nos sociétés face aux flots d’informations qu’un individu lambda n’est pas en mesure d’exploiter pour sa propre opinion et doit s’en remettre de plus en plus souvent à des “transducteurs” altérant ainsi le libre arbitre du citoyen.]
Mais où voyez-vous cette « fragilité » ? Les supermarchés sont pleins, les gens vont au travail lorsque cela est nécessaire, les pouvoirs publics fonctionnent normalement, les lois sont votées, promulguées et elles sont respectées sinon parfaitement, du moins aussi bien qu’en temps normal. Ou voyez-vous une « fragilité » là-dedans ?
« L’individu lambda » a toujours vécu dans un monde peuplé de mystères pour la compréhension desquels il devait se remettre à d’autres : le prêtre ou le sorcier ont été remplacés par le médecin et l’économiste, mais le fait reste.
[Au fond, votre positionnement me parait proche des Cyniques de l’Antiquité, par votre dénonciation constante des manquements à la vertu. Cependant, vous semblez les intégrer sans grand regret à la “nature”, humaine en l’occurence.]
Oui. Je suis un cynique pragmatique. Plus qu’à corriger les vices, ma réaction est d’imaginer comment les mettre au service du bien public.
Bonjour à tous,
Lecteur assidu de ce blog, je voudrais vous communiquer ma vision de la controverse au sujet du Pr Raoult
Le Pr Raoult n’est pas un charlatan, plutôt une “pointure” en recherche
Découverte d’une classe nouvelle de virus géants
Recherches sur les rickettia, bactéries endocellulaires…
Dans la gestion des épidémies, il se débrouille aussi:
Typhus au Burundi
Choléra en Haïti
Et il n’est pas tout seul: 800 personnes à l’IHU, des structures qui travaillent avec lui dans toute l’Afrique
On peut ne pas le trouver sympathique, mais avant de l’insulter il faut tout de même garder ça dans un coin de sa tête!
Et rien à voir avec l’anti-science, gardons en tête que la médecine n’est pas de la physique nucléaire, et je doute qu’il apprécie Latour et les relativistes.
Une étude randomisée en double aveugle est exclue dans le temps d’une épidémie (voir le beau succès de discovery)
Dans le cas de la COVID 19, il ne fait pas de recherche, mais des soins en urgence, ce qui n’interdira pas une exploitation future des données engrangées.
Sa méthode, il ne l’a pas inventée, et elle a bien marché en Corée, Vietnam…:
Diagnostiquer
Isoler les contagieux
Traiter
L’hydroxychloroquine, il ne l’a pas trouvée par une recherche randomisée dans le Vidal, ça fait 15 ans qu’il l’étudie
L’efficacité de cette dernière a été démontrée in vitro, et les information sur une soit-disant insuffisance de concentration aux doses prescrites ont été démenties.
La calamiteuse étude du Lancet qui avait tant excité Véran et nos médias bien-pensante vient d’être retirée par trois de ses auteurs.
Ne reste plus à ses détracteurs que la voie judiciaire, il a été mis en cause par un de ses confrères, voyons ce qu’en dira Me Castelnau.
Quant aux gilets jaunes, dont il trouve les revendications légitimes, il n’en est pas, et est très fier d’être le quatrième d’une lignée de détenteurs de la légion d’honneur. Plutôt que populiste, il se sent élitiste.
La controverse est le cœur de la science, la question est: faut-il la glisser sous le tapis? Même si elle est récupérée par les habituels charognards, elle permet d’entrevoir des choses de la vraie vie, pas si fréquent en ce moment.
@ François
[Le Pr Raoult n’est pas un charlatan, plutôt une “pointure” en recherche]
L’un n’empêche pas l’autre. Le Pr Montagnier a bien identifié le virus du SIDA. Mais sa défense de la « mémoire de l’eau » ou des émissions électromagnétiques de l’ADN sont du pur charlatanisme. Le Pr Raoult est peut être un grand savant, mais lorsqu’il avait prédit que le covid-19 n’était qu’une grippe un peu forte, et qu’elle ferait moins de 20.000 morts dans le monde, il faisait du charlatanisme.
C’est bien là mon point : un scientifique a des responsabilités. Et plus il est gradé, plus il est une « pointure », et plus il doit s’interdire de dire n’importe quoi. Quand ma concierge dit que le coronavirus n’est pas dangereux, cela n’a pas de conséquences. Quand une « pointure » de la recherche le dit, cela a des effets néfastes. Après tout, pourquoi irais-je me protéger si un éminent professeur me dit qu’il n’y a pas de danger ?
[On peut ne pas le trouver sympathique, mais avant de l’insulter il faut tout de même garder ça dans un coin de sa tête!]
Dire que c’est un charlatan n’est pas une insulte, c’est la constatation d’un fait. Lorsque sans aucun élément scientifique il déclare que le virus n’est pas plus dangereux que celui de la grippe, ou qu’il faut prescrire un traitement qui n’a pas fait ses preuves, qu’est-il d’autre ?
[Et rien à voir avec l’anti-science, gardons en tête que la médecine n’est pas de la physique nucléaire, et je doute qu’il apprécie Latour et les relativistes.]
Je ne sais pas s’il les apprécie, mais en tout cas il reprend leurs discours lorsqu’il expose son raisonnement sur « le traitement de Tom ». Je veux bien que la médecine n’est pas la physique nucléaire. Mais de là à affirmer que le médecin doit suivre son intuition plutôt que de faire des essais sérieux et contrôlés, il ne faudrait pas exagérer.
[Une étude randomisée en double aveugle est exclue dans le temps d’une épidémie (voir le beau succès de Discovery)]
Ce n’est pas parce que Discovery n’a pas marché que « une étude randomisée en double aveugle est exclue ». J’attire votre attention que si l’on applique votre raisonnement à la chloroquine, il n’y a aucune raison de ne pas l’appliqué l’ensemble de la pharmacopée.
[L’hydroxychloroquine, il ne l’a pas trouvée par une recherche randomisée dans le Vidal, ça fait 15 ans qu’il l’étudie.]
Oui, mais pas pour cette maladie. « Pour celui qui n’a qu’un marteau, tous les problèmes ressemblent à un clou » dit le dicton.
[L’efficacité de cette dernière a été démontrée in vitro, et les informations sur une soi-disant insuffisance de concentration aux doses prescrites ont été démenties.]
En d’autres termes, pensez-vous qu’il faille administrer tous les traitements qui ont montré leur efficacité in vitro sans autre précaution ?
[La calamiteuse étude du Lancet qui avait tant excité Véran et nos médias bien-pensante vient d’être retirée par trois de ses auteurs.]
Et alors ? Ce genre d’argument montre comment le système médiatique aboutit à l’inversion dans la charge de la preuve. Je vous rappelle que sur un plan scientifique c’est aux partisans de la chloroquine de prouver son efficacité, et non à ses adversaires de prouver le contraire. Quand bien même l’étude publiée dans « The Lancet » serait douteuse, le fait est que l’étude qui prouverait l’efficacité de la chloroquine n’a pas, à ce jour, été publiée.
[La controverse est le cœur de la science, la question est: faut-il la glisser sous le tapis?]
Non. Il faut qu’elle ait lieu dans les enceintes appropriées : les colloques scientifiques, les enceintes universitaires, les sociétés savantes, les publications. La controverse par tweeter ou sur BFMTV n’a aucune place dans le travail scientifique, au contraire : elle pollue le travail scientifique.
[Même si elle est récupérée par les habituels charognards, elle permet d’entrevoir des choses de la vraie vie, pas si fréquent en ce moment.]
Le problème ici n’est pas la « récupération » par les charognards. C’est plutôt l’instrumentalisation des charognards par un personnage qui a bien compris comment les utiliser.
@ Descartes,
Bonsoir,
[Mais où voyez-vous cette « fragilité » ? Les supermarchés sont pleins ]
Je reconnais bien là, votre matérialisme 😏
Dans mon commentaire, il s’agissait de “fragilité” immatérielle, intellectuelle, divisée et déchirée avec beaucoup de contradictions. Les Français, à mes yeux veulent trop souvent le beurre et l’argent du beurre, le progrès sans le risque ou l’effort, ce qui constitue, à mes yeux, une certaine fragilité. De Gaulle l’avait d’ailleurs bien dénoncé avec sa sentence ” les Français sont des veaux”.
@ Marcailloux
[« Mais où voyez-vous cette « fragilité » ? Les supermarchés sont pleins » Je reconnais bien là, votre matérialisme.]
« Primum vivere deinde philosophari » (« vivre d’abord, philosopher ensuite »). Vous m’accorderez que si les supermarchés étaient vides et que soixante millions de Français devaient battre la campagne en quête de nourriture, la société serait bien plus menacée. Une société capable de garantir à l’essentiel de la population non seulement l’indispensable mais aussi l’utile n’est pas vraiment en situation de fragilité…
[Dans mon commentaire, il s’agissait de “fragilité” immatérielle, intellectuelle, divisée et déchirée avec beaucoup de contradictions. Les Français, à mes yeux veulent trop souvent le beurre et l’argent du beurre, le progrès sans le risque ou l’effort, ce qui constitue, à mes yeux, une certaine fragilité. De Gaulle l’avait d’ailleurs bien dénoncé avec sa sentence ” les Français sont des veaux”.]
D’abord, pour De Gaulle l’esprit bovin des français n’était pas un sujet de « fragilité », mais plutôt d’exaspération. Les Français veulent le beurre et l’argent du beurre ? Et pourquoi pas ? Après tout, pourquoi modérer ses ambitions ? Mais d’un autre côté, les Français sont des grands réalistes, et après avoir râlé un coup acceptent assez facilement les contraintes du réel. Contrairement à vous, je ne vois pas dans les « contradictions » ou les « divisions » un sujet de « fragilité », au contraire : une société qui apprend à vivre avec ses divisions et ses contradictions est infiniment plus solide qu’une société unanimiste ou tout écart à la norme est vécu comme une menace.
Oui, bien sûr, la logique française, avec nos divisions, nos contradictions, nos excès fait désordre, là ou d’autres pays comme l’Allemagne montrent une façade de calme et d’ordre. Mais il ne faudrait pas oublier quel est le prix de cet « ordre » apparent. Si j’aime mon pays, c’est parce que j’aime les français comme ils sont, avec leurs défauts qui sont souvent les contreparties de leurs qualités. Si je voulais de l’ordre, de la prévisibilité, de la cohérence, j’irais vivre en Allemagne ou en Suisse, ou je mourrais certainement d’ennui.
@ Vincent
Bonjour,
[Ça m’intrigue de voir à quel point un Philippot le soutient à 100%. Il y a une vraie question dessus…]
J’évoquais, dans un commentaire précédent le fait que le Pr Raoult agace et je trouvais, contrairement à notre hôte qu’en soit cela me paraissait intéressant.
Peut-être ai-je, alors, mal exprimé ma pensée mais le tohu bohu que cela a engendré nous enseigne pas mal de choses autour de cette affaire, sur les plans scientifiques, médiatiques ou politique.
C’est un peu la situation du chercheur d’or qui, avec sa bâtée d’orpaillage crée de l’agitation pour y découvrir des pépites.
Que nous révèle cette “péripépite” ?
– Que les scientifiques du plus haut niveau ne sont pas exempts de bêtise et/ou de malhonnêteté.
– Que les institutions les plus renommées sont quelquefois financées ou influencées par des intérêts privés.
– Que des notables intellectuels ou politiques sont prêts à se fourvoyer par leurs prises de position inconséquentes dans des galères ineptes.
– Que nos gouvernants sont déboussolés devant ce débat scientifico-médiatique et exécutent maladroitement des pas de clerc.
– Que la connaissance ne fait pas forcément bon ménage avec l’agitation médiatique.
– Que le mensonge, une fois perpétré, dépouille le pouvoir d’une partie de son autorité pour se positionner dans ce genre d’affaire.
Ainsi, probablement que quelques autres réjouissances analogues.
Intéressant non ? Ça donne tout de même à réfléchir, sinon à penser.
@ Marcailloux
[– Que les scientifiques du plus haut niveau ne sont pas exempts de bêtise et/ou de malhonnêteté.]
Pour être scientifique, on n’est pas moins homme. Je ne mets pas ma confiance dans le scientifique, je mets ma confiance dans la science comme institution. C’est le consensus des scientifiques issu d’un libre débat qui vaut, et non pas tel ou tel scientifique isolément.
[– Que les institutions les plus renommées sont quelquefois financées ou influencées par des intérêts privés.
– Que des notables intellectuels ou politiques sont prêts à se fourvoyer par leurs prises de position inconséquentes dans des galères ineptes.]
Franchement, je ne pense pas qu’il ait fallu ce regrettable épisode pour « apprendre » ces travers qui sont dénoncés au moins depuis l’Antiquité.
[– Que nos gouvernants sont déboussolés devant ce débat scientifico-médiatique et exécutent maladroitement des pas de clerc.]
Déboussolés, non. La question que se posent nos gouvernants est essentiellement opportuniste. Ils se demandent moins si la chloroquine est efficace pour traiter la maladie que si le fait d’apparaître associés à la chloroquine est efficace pour grappiller des voix. Si la classe politique marseillaise a soutenu comme un seul homme Raoult, ce n’est pas parce qu’ils sont convaincus que son traitement marche, mais parce qu’ils savent que jouer l’Astérix marseillais contre le César parisien leur fait gagner des voix.
[– Que le mensonge, une fois perpétré, dépouille le pouvoir d’une partie de son autorité pour se positionner dans ce genre d’affaire.]
Vous savez, cela fait plus de deux millénaires que les politiciens débitent des mensonges. Si cela dépouillait le pouvoir d’une partie de son autorité, il n’en resterait pas beaucoup après tant d’années. Je pense que vous faites erreur en traitant le mensonge politique en moraliste. Pour commencer, vous simplifiez à l’excès : il n’y a pas UN mensonge mais DES mensonges, et ils n’ont pas tous les mêmes effets. Il y a des mensonges qui sont des « fictions nécessaires ». Il y a des mensonges qu’on attend – voir qu’on exige – du pouvoir politique, car toute vérité n’est pas bonne à dire : un gérant de magasin a-t-il tort de dire « un incident technique nous oblige à évacuer le magasin, dirigez-vous rapidement vers les sorties » plutôt que « le magasin est en feu, vous avez une chance sur deux de crever » (même si c’est la stricte vérité) ?
Le mensonge est condamnable lorsqu’il vise à procurer à celui qui l’utilise un avantage en profitant de l’ignorance de celui qui l’écoute. Mais lorsqu’il n’a pas ce but, il faut s’interroger plus profondément sur sa fonction. J’aime bien lorsque ma femme se maquille pour sortir… et pourtant, c’est un mensonge, n’est ce pas ?
@Vincent
> Ça m’intrigue de voir à quel point un Philippot le soutient à 100%.
Jacques Sapir aussi… C’est un naufrage, ce pavlovisme « anti-système ».
Et l’humain d’abord cher au PCF dans tout ça , quand même
@ bernard
[Et l’humain d’abord cher au PCF dans tout ça , quand même]
Si l’on prend la formule comme une réaffirmation du principe humaniste des Lumières qui met l’homme au centre, je ne peux qu’adhérer. Malheureusement, je crains que la formule fasse référence à une opposition entre “l’humain” et catégories comme “la finance” ou “le capitalisme”, comme si le capitalisme ou la finance n’étaient pas, eux aussi, des créations humaines. Je pense que dans la formule “l’humain d’abord” on soit plutôt dans une logique morale de l’humain vs. l’inhumain…
Le monde ne sera peut-être pas écologiste dans sa bienveillance à l’égard d’une nature idéalisée mais j’aimerais vous lire au sujet de la diminution des ressources fossiles et de l’impossibilité (réelle, fantasmée ? à court, moyen ou long terme ?) de maintenir la croissance économique sans ces énergies ; j’ai particulièrement en tête les propos de Jancovici et me demandait ce que vous en pensiez. Je veux bien qu’il ne faille pas désespérer de l’industrieuse humanité mais à court voire moyen terme je ne sais rien qui puisse remplacer convenablement ces énergies-là ni nous permettre de maintenir les commodités qu’elles nous ont apportées.
Concluons toutefois avec quelques vers d’un des plus grands poèmes jamais écrits :
Quod [si] iam rerum ignorem primordia quae sint,
hoc tamen ex ipsis caeli rationibus ausim
confirmare aliisque ex rebus reddere multis,
nequaquam nobis divinitus esse paratam
naturam rerum: tanta stat praedita culpa.
principio quantum caeli tegit impetus ingens,
inde avidam partem montes silvaeque ferarum
possedere, tenent rupes vastaeque paludes
et mare, quod late terrarum distinet oras.
inde duas porro prope partis fervidus ardor
adsiduusque geli casus mortalibus aufert.
quod super est arvi, tamen id natura sua vi
sentibus obducat, ni vis humana resistat
vitai causa valido consueta bidenti
ingemere et terram pressis proscindere aratris.
si non fecundas vertentes vomere glebas
terraique solum subigentes cimus ad ortus.
sponte sua nequeant liquidas existere in auras.
et tamen inter dum magno quaesita labore
cum iam per terras frondent atque omnia florent,
aut nimiis torret fervoribus aetherius sol
aut subiti peremunt imbris gelidaeque pruinae
flabraque ventorum violento turbine vexant.
praeterea genus horriferum natura ferarum
humanae genti infestum terraque marique
cur alit atque auget? cur anni tempora morbos
adportant? quare mors inmatura vagatur?
Et joyeux monde-d’après à vous avec un peu d’avance…
@ Ruben
[mais j’aimerais vous lire au sujet de la diminution des ressources fossiles et de l’impossibilité (réelle, fantasmée ? à court, moyen ou long terme ?) de maintenir la croissance économique sans ces énergies ;]
La vérité, c’est qu’on n’en sait rien. D’abord, on n’a qu’une idée nébuleuse des ressources fossiles restantes (toutes les estimations faites au XXème siècle se sont révélées fausses les unes après les autres). Il y a un demi-siècle, personne ne pariait sur les ressources considérables piégées dans les schistes, par exemple. Le « peak oil » aura lieu un jour, c’est une contrainte physique, mais nous ne savons pas lui fixer une date. Ensuite, nous avons des alternatives aux énergies fossiles : la combinaison entre le nucléaire et les renouvelables permettent d’imaginer qu’on peut assurer un approvisionnement énergétique sur des durées qui dépassent très largement notre horizon de prévision. Et finalement, il n’y a aucune fatalité à ce que la croissance économique (c’est-à-dire, l’augmentation des biens et services disponibles) soit couplée à une augmentation de la consommation énergétique dans la même proportion. En augmentant l’efficacité énergétique, on peut parfaitement imaginer une croissance positive avec une décroissance dans la consommation d’énergie.
[j’ai particulièrement en tête les propos de Jancovici et me demandait ce que vous en pensiez.]
Je pense que Jancovici fait un remarquable travail, mais reste prisonnier du temps court. Il imagine le monde de demain comme une prolongation du monde d’hier, alors que des ruptures sont possibles. Ce n’est pas parce que la croissance des deux derniers siècles est fondée sur la croissance de la consommation d’énergie que cela restera vrai pour l’éternité.
[Je veux bien qu’il ne faille pas désespérer de l’industrieuse humanité mais à court voire moyen terme je ne sais rien qui puisse remplacer convenablement ces énergies-là ni nous permettre de maintenir les commodités qu’elles nous ont apportées.]
Eh bien, quand le problème se posera, on essaiera de le résoudre. Et si on n’arrive pas, il faudra accepter une baisse dans le niveau de vie. Comme disaient sagement les Shadock, s’il n’y a pas de solution, alors il n’y a pas de problème. Il ne reste plus qu’à se résigner. Et s’il y a une solution, alors je fais confiance à l’ingéniosité humaine pour la trouver. Je pense que la seule solution raisonnable est de parier sur cette dernière hypothèse, parce que la première conduit à ne plus rien faire. C’est ce que j’appelle « l’optimisme méthodologique ».
Quant au poème de Lucrèce… vous savez que j’adorerais savoir le Latin, mais malheureusement je ne le lis pas, et j’imagine que c’est le cas de beaucoup de lecteurs. Je me permets donc de donner ici une traduction, trouvée bien entendu sur la toile (j’ai choisi la traduction en prose, plus fidèle au texte que les versions littéraires versifiées) :
« Et quand j’ignorerais la nature des atomes, j’oserais encore, après l’examen des phénomènes célestes et bien d’autres d’ailleurs, affirmer que la nature n’a pas été faite pour nous et qu’elle n’est pas l’œuvre des dieux, tant l’ouvrage laisse à désirer.
Tout d’abord, de tout ce que domine l’immense mouvement du ciel, les montagnes et les forêts qu’habitent les bêtes sauvages ont conquis leur part avec avidité elles la partagent avec les rochers et les vastes marécages, avec la mer qui fait large séparation entre les rivages des divers continents. En outre, deux tiers à peu près du globe sont ravis aux mortels par des chaleurs torrides et par des glaces sans fin. Le reste du sol, la nature, par sa force propre, le remplirait de broussailles, si la force
humaine ne luttait pour vivre, et gémissant sans relâche sous le poids du hoyau, pesant sur la charrue, ne déchirait le sein de la terre. C’est parce que nous retournons avec le soc la glèbe féconde, c’est parce que nous domptons le sol et appelons ses germes à la naissance, que tout peut de
soi-même éclore et s’élever dans les airs limpides. Hélas, trop souvent ces fruits de tant de travaux, quand déjà sur terre tout verdit, tout fleurit, voilà que le soleil, du haut des airs, les brule de ses ardeurs excessives, ou bien des orages subits, des gelées, les font périr, des vents impétueux les ravagent de leurs tourbillons. Et ces espèces sauvages et cruelles, ennemies de la race humaine, pourquoi la nature sur la terre et dans la mer veut-elle les nourrir et les multiplier? Pourquoi chaque saison apporte-t-elle ses maladies? Pourquoi rôde la mort prématurée? » (Lucrèce, « De la nature », Livre V, trad. Clouard)
Merci de votre réponse.
[Quant au poème de Lucrèce… vous savez que j’adorerais savoir le Latin, mais malheureusement je ne le lis pas, et j’imagine que c’est le cas de beaucoup de lecteurs.]
Je sais… j’essaie de vous encourager. Mais bien sûr cela réclame du temps et une fois que l’on a mordu au Latin il est difficile de ne pas goûter au Grec…
@ Ruben
[Je sais… j’essaie de vous encourager. Mais bien sûr cela réclame du temps et une fois que l’on a mordu au Latin il est difficile de ne pas goûter au Grec…]
J’irais pas jusque là. Suivant d’aimables encouragements, dont le votre, j’ai me suis procuré un dictionnaire et une grammaire latine, plus “la guerre des gaules”… qui attendent que mon travail me laisse un moment pour m’y plonger. Mais le latin reste relativement facile parce que le vocabulaire est relativement simple à maîtriser pour qui parle plusieurs langues latines. Alors que le grec…
@ Descartes et Ruben
[[j’ai particulièrement en tête les propos de Jancovici et me demandait ce que vous en pensiez.]
Je pense que Jancovici fait un remarquable travail, mais reste prisonnier du temps court. (…)]
Je pense que la grande famille des ingénieurs se divise en deux catégories : les pessimistes, ceux qui pensent que l’écrasante majorité des ruptures technologiques se trouvent derrière nous, et qu’à partir de là, le métier d’ingénieur consiste à améliorer les technologies déjà existantes, avec des marges de progression de plus en plus étroites, le tout avec des matières premières qui menacent de s’épuiser à plus ou moins brève échéance. Et il y a les optimistes, ceux qui estiment au contraire que nous ne sommes qu’à l’aube d’une fantastique révolution technologique, et dont les plus fous considèrent qu’elle nous permettra de conquérir la Voie lactée et ses matières premières, voire via le transhumanisme de rendre l’être humain « amortel ».
Jancovici bien entendu rentre dans la première catégorie. Aussi j’ai cru comprendre en écoutant ses interventions que selon lui, il va falloir s’habituer à revivre à minima comme à la fin des années 40 (notamment en matière agricole), parce-que les hydrocarbures, en raison de leur forte densité énergétique et leur facilité d’utilisation, ils ne sont pas substituables, ce qui fait qu’avec l’épuisement de ces ressources fossiles, les possibilités de mobilité motorisée, vont être drastiquement réduites. A t’il pris la peine de lire la littérature sur les technologies alternatives de stockage d’énergie et en a t’il conclu qu’elles ne pourront jamais concurrencer les hydrocarbures, ou bien n’a t’il jamais cherché à remettre en cause son préjugé initial ?
@ François
[Je pense que la grande famille des ingénieurs se divise en deux catégories : les pessimistes, ceux qui pensent que l’écrasante majorité des ruptures technologiques se trouvent derrière nous, et qu’à partir de là, le métier d’ingénieur consiste à améliorer les technologies déjà existantes, avec des marges de progression de plus en plus étroites, le tout avec des matières premières qui menacent de s’épuiser à plus ou moins brève échéance. Et il y a les optimistes, ceux qui estiment au contraire que nous ne sommes qu’à l’aube d’une fantastique révolution technologique, et dont les plus fous considèrent qu’elle nous permettra de conquérir la Voie lactée et ses matières premières, voire via le transhumanisme de rendre l’être humain « amortel ».]
Je pense en fait que la véritable différence est une question de temps. Tout ingénieur qui se respecte pense que les problèmes seront résolus un jour par l’ingéniosité humaine. La question est « quand ». Certains pensent qu’on ne peut pas parier sur des solutions « révolutionnaires », qu’il faut réflechir en fonction des solutions disponibles aujourd’hui, et tant mieux si on trouve quelque chose de révolutionnaire. Les autres pensent que travailler de cette façon ne peut que ralentir les progrès, parce que rien n’aiguise autant l’ingéniosité que la nécessité.
@Descartes
[Je pense en fait que la véritable différence est une question de temps. Tout ingénieur qui se respecte pense que les problèmes seront résolus un jour par l’ingéniosité humaine. La question est « quand ».]
Enfin je pense que Jancovici est un ingénieur qui se respecte mais que pour lui « quand » est « jamais ».
[Les autres pensent que travailler de cette façon ne peut que ralentir les progrès, parce que rien n’aiguise autant l’ingéniosité que la nécessité.]
Ceci-dit il y a des limites à l’ingéniosité. Si demain pour une raison quelconque l’humanité a absolument besoin de violer le second principe de la thermodynamique, feriez-vous confiance à l’ingéniosité des hommes pour trouver une solution ?
@ François
[« Je pense en fait que la véritable différence est une question de temps. Tout ingénieur qui se respecte pense que les problèmes seront résolus un jour par l’ingéniosité humaine. La question est « quand ». » Enfin je pense que Jancovici est un ingénieur qui se respecte mais que pour lui « quand » est « jamais ».]
Ca, ce n’est pas un raisonnement d’ingénieur…
[Ceci-dit il y a des limites à l’ingéniosité. Si demain pour une raison quelconque l’humanité a absolument besoin de violer le second principe de la thermodynamique, feriez-vous confiance à l’ingéniosité des hommes pour trouver une solution ?]
Bien entendu, il y a des limites à l’ingéniosité. Seulement, nous ne savons pas à priori où ils sont. Beaucoup de choses qui paraissaient impossibles sont aujourd’hui réalisées quotidiennement. Quant à votre question, il est peu probable qu’on arrive à violer le deuxième principe de la thermodynamique… mais on trouvera une solution qui ne nécessite pas de le violer, voilà tout. L’ingéniosité humaine consiste aussi à trouver des solutions dans un cadre contraint…
@Descartes
[[Enfin je pense que Jancovici est un ingénieur qui se respecte mais que pour lui « quand » est « jamais ».]
Ca, ce n’est pas un raisonnement d’ingénieur…]
Pour moi le métier d’ingénieur est de résoudre des problèmes, principalement en maximisant le potentiel des lois de la physique pour un objectif donné. L’état d’esprit (optimiste ou pessimiste) qu’on acquiert en faisant ce travail est secondaire.
[Quant à votre question, il est peu probable qu’on arrive à violer le deuxième principe de la thermodynamique… mais on trouvera une solution qui ne nécessite pas de le violer, voilà tout.]
Et s’il n’y a pas trente-six solutions, que le seul moyen d’arriver à la fin est de violer ce second principe ?
Pour en revenir au sujet initial, je constate comme Jancovici que l’épuisement des hydrocarbures (dont je n’ai aucune idée de la date d’arrivée) va être problématique pour la mobilité. En effet leur force réside dans leur grande densité d’énergie (34MJ/L pour l’essence) et leur facilité de mise en œuvre (moteur à explosion). Or les technologies alternatives qu’on propose (accumulateurs électriques et pile à combustible hydrogène) n’égalent pas les hydrocarbures pour les performances citées auparavant. D’ailleurs, ça fait longtemps que ces technologies sont connues et ça n’est pas par hasard qu’elles ont été délaissées (la première voiture à dépasser les 100km/h, la Jamais contente était électrique).
Plus généralement, – à part dans le secteur médical (paraît-il qu’on sait désormais lire dans les pensées…) -, je constate que le progrès technologique n’a jamais été aussi faible. Le passage de la TSF à la 5G est négligeable à côté de ce qu’a été le passage de la lettre à la TSF. L’électronique de puissance – qui permet entre autres l’utilisation du courant continu à haute tension – ne vaut pas grand chose à côté de l’invention du courant triphasé. Dans le domaine domestique, l’invention du smartphone et de l’ordinateur personnel ne sont rien à côté de ce qu’ont été l’invention du réfrigérateur et de l’eau courante.
Et cela tient au fait que depuis plus de soixante-dix ans, il n’y a pas eu de révolution paradigmatique (grosso modo on en est resté à la relativité générale et l’interprétation de Copenhague de la physique quantique), si bien qu’il n’y a pas de nouveaux gisements majeurs de productivité et que les filons actuels, lentement mais surement s’épuisent.
@ François
[« Ca, ce n’est pas un raisonnement d’ingénieur… » Pour moi le métier d’ingénieur est de résoudre des problèmes, principalement en maximisant le potentiel des lois de la physique pour un objectif donné. L’état d’esprit (optimiste ou pessimiste) qu’on acquiert en faisant ce travail est secondaire.]
Le métier de l’ingénieur est, comme vous le signalez, de résoudre des problèmes. Et c’est pourquoi décréter qu’un problème est « insoluble », c’est pour un ingénieur nier son propre métier. Parce que la meilleure façon de ne pas résoudre un problème, c’est de le qualifier d’insoluble. Dans le raisonnement de l’ingénieur, tout problème a une solution pourvu qu’on se donne le temps et les moyens. Ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme.
[« Quant à votre question, il est peu probable qu’on arrive à violer le deuxième principe de la thermodynamique… mais on trouvera une solution qui ne nécessite pas de le violer, voilà tout. » Et s’il n’y a pas trente-six solutions, que le seul moyen d’arriver à la fin est de violer ce second principe ?]
Pour un ingénieur, la conclusion est qu’on n’a pas considéré toutes les solutions possibles.
[Pour en revenir au sujet initial, je constate comme Jancovici que l’épuisement des hydrocarbures (dont je n’ai aucune idée de la date d’arrivée) va être problématique pour la mobilité. En effet leur force réside dans leur grande densité d’énergie (34MJ/L pour l’essence) et leur facilité de mise en œuvre (moteur à explosion). Or les technologies alternatives qu’on propose (accumulateurs électriques et pile à combustible hydrogène) n’égalent pas les hydrocarbures pour les performances citées auparavant. D’ailleurs, ça fait longtemps que ces technologies sont connues et ça n’est pas par hasard qu’elles ont été délaissées (la première voiture à dépasser les 100km/h, la Jamais contente était électrique).]
Certes. Personne ne conteste que l’épuisement des hydrocarbures « posera un problème » dans beaucoup de domaines, et particulièrement dans le domaine de la mobilité puisque c’est aujourd’hui à peu près le seul domaine où l’on n’ait pas trouvé une alternative économiquement attractive. Mais cela ne veut pas dire qu’on ait déjà exploré toutes les technologies alternatives possibles. Tant que les hydrocarbures sont peu coûteux, les investissements dans la recherche d’alternatives sont maigres. Si demain l’épuisement menace sérieusement la mobilité, des sommes énormes deviendront disponibles et, je suis convaincu, on trouvera une solution. Peut-être l’hydrogène fabriqué directement dans des réacteurs nucléaires haute température ? Ou bien des biocarburants fabriqués par photosynthèse par ces algues génétiquement modifiées ? C’est Marx je crois qui disait que les civilisations ne résolvent pas les problèmes qui ne se posent pas. Lorsque le problème se posera vraiment, je suis convaincu qu’on trouvera une solution.
[Plus généralement, – à part dans le secteur médical (paraît-il qu’on sait désormais lire dans les pensées…) -, je constate que le progrès technologique n’a jamais été aussi faible.]
Je vous propose de renverser la question : quel est le problème technologique – je parle d’un vrai problème, qui se présente effectivement, et non de prédictions plus ou moins catastrophiques de problème futur – sur lequel la recherche ne progresse pas ? S’il n’y a jamais eu un progrès technologique aussi faible (faiblesse qu’il ne faudrait pas exagérer, le coût du stockage de données dans un disque dur continue à être divisé par deux tous les trois ans, quand même) c’est peut-être aussi parce qu’il n’y a pas tellement de problèmes à résoudre. De ce point de vue, le fait qu’il n’y ait plus de guerre entre pays développés et la fin de la guerre froide a un effet décisif : beaucoup de problèmes à résoudre sont apparus dans ce contexte…
[Et cela tient au fait que depuis plus de soixante-dix ans, il n’y a pas eu de révolution paradigmatique (grosso modo on en est resté à la relativité générale et l’interprétation de Copenhague de la physique quantique), si bien qu’il n’y a pas de nouveaux gisements majeurs de productivité et que les filons actuels, lentement mais surement s’épuisent.]
Vous exagérez un peu : l’internet a moins de 70 ans, et on peut considérer qu’il s’agit d’une « évolution paradigmatique »…
@Descartes
[Dans le raisonnement de l’ingénieur, tout problème a une solution pourvu qu’on se donne le temps et les moyens. Ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme.]
Un ingénieur, en faisant son métier, utilise souvent des mathématiques. Or il est démontré que certains problèmes mathématiques n’admettent pas de solution. Ainsi les équations de la théorie de la relativité générale interdisent le transport de l’information à des vitesses supra-luminiques. Bien entendu, ça n’empêche pas les voyages interstellaires, mais selon qu’on les fasse à des vitesses infra- ou supra-luminiques, le résultat sera pas tout à fait le même.
[[Et s’il n’y a pas trente-six solutions, que le seul moyen d’arriver à la fin est de violer ce second principe ?]
Pour un ingénieur, la conclusion est qu’on n’a pas considéré toutes les solutions possibles.]
Admettons que l’humanité vive suffisamment longtemps pour se rapprocher de la mort thermique de l’univers (considéré comme un système FERMÉ), trouvera t’elle un moyen pour contrer cette mort ?
Bref, faire le métier d’ingénieur, c’est évoluer dans un cadre restreint. Mais par moment, le cadre est tellement restreint que les exigences du cahier des charges doivent être revues à la baisse.
[Si demain l’épuisement menace sérieusement la mobilité, des sommes énormes deviendront disponibles et, je suis convaincu, on trouvera une solution. Peut-être l’hydrogène fabriqué directement dans des réacteurs nucléaires haute température ?]
Pour moi le goulot d’étranglement de l’hydrogène ne tient pas à sa fabrication, mais plutôt à son stockage. Ainsi, l’hydrogène comprimé à 700 bar, n’a qu’une densité d’énergie de 5,6 MJ/L soit plus de six fois moins que l’essence (36,4 MJ/L). Si on prend un rendement de conversion de 33% pour un moteur thermique et de 80% pour une pile à combustion, pour un litre de carburant donné, on fourni 2,5 fois plus de travail avec de l’essence qu’avec de l’hydrogène.
[Ou bien des biocarburants fabriqués par photosynthèse par ces algues génétiquement modifiées ?]
Il faut voir le taux de retour énergétique potentiel de ces technologies.
[De ce point de vue, le fait qu’il n’y ait plus de guerre entre pays développés et la fin de la guerre froide a un effet décisif : beaucoup de problèmes à résoudre sont apparus dans ce contexte…]
Effectivement que sans la guerre froide, il n’y aurait peut-être jamais eu de satellites, puisque les premiers lanceurs spatiaux sont directement dérivés de missiles intercontinentaux.
[[Et cela tient au fait que depuis plus de soixante-dix ans (…)]
[Vous exagérez un peu : l’internet a moins de 70 ans, et on peut considérer qu’il s’agit d’une « évolution paradigmatique »…]]
Les bases d’internet, théorie de l’information développée par Claude Shannon et l’informatique, développée par Alan Turing, tout comme l’invention du transistor ont plus de soixante-dix ans.
Effectivement que je dresse un tableau pessimiste. Cela tient au fait que j’ai lu moult articles qui annonçaient des ruptures technologiques promettant monts et merveilles et que ce monts et merveilles n’est jamais arrivé. Ou bien on s’extasie sur des technologies, qui pour moi resteront cantonnées à des secteurs de niches (l’imprimante 3D est pour moi un bon exemple).
Ceci dit, pour moi il y a quelques secteurs à fort gisements de productivité parmi lesquels la physique des plasma (notamment les générateurs magnétohydrodynamiques permettant de hauts rendements de conversion de la chaleur en électricité) et la propulsion nucléaire spatiale permettant d’augmenter l’impulsion spécifique des engins spatiaux.
@ François
[« Dans le raisonnement de l’ingénieur, tout problème a une solution pourvu qu’on se donne le temps et les moyens. Ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme. » Un ingénieur, en faisant son métier, utilise souvent des mathématiques. Or il est démontré que certains problèmes mathématiques n’admettent pas de solution.]
Absolument pas. Tout ce que dit le théorème de Gödel (car j’imagine que c’est à lui que vous faite allusion) est que tout système axiomatique d’une certaine complexité est forcément incomplet (autrement dit, qu’il y a des questions auquel ce système axiomatique ne permet pas de répondre). Cela ne veut nullement dire que « certains problèmes n’admettent pas de solution », mais que certains problèmes n’ont pas de solution DANS UN SYSTEME AXIOMATIQUE DONNE. Il suffit de compléter le système en question pour qu’ils aient une solution.
[Ainsi les équations de la théorie de la relativité générale interdisent le transport de l’information à des vitesses supra-luminiques. Bien entendu, ça n’empêche pas les voyages interstellaires, mais selon qu’on les fasse à des vitesses infra- ou supra-luminiques, le résultat sera pas tout à fait le même.]
Non, mais il reste que le voyage – qui est un problème d’ingénieur – reste possible.
[Admettons que l’humanité vive suffisamment longtemps pour se rapprocher de la mort thermique de l’univers (considéré comme un système FERMÉ), trouvera t’elle un moyen pour contrer cette mort ?]
Je ne sais pas. Mais si un tel moyen n’existe pas, cela cesse d’être un problème d’ingénieur.
[Effectivement que sans la guerre froide, il n’y aurait peut-être jamais eu de satellites, puisque les premiers lanceurs spatiaux sont directement dérivés de missiles intercontinentaux.]
Et bien plus que ça. Il n’y aurait pas internet, puisque celui-ci est issu de la nécessite de créer un réseau sans point central qui pourrait être détruit lors d’une attaque nucléaire…
[Les bases d’internet, théorie de l’information développée par Claude Shannon et l’informatique, développée par Alan Turing, tout comme l’invention du transistor ont plus de soixante-dix ans.]
L’atome, on en parlait déjà dans la Grèce antique. Dire que l’Internet se trouve déjà dans Touring et Shannon c’est un peu comme dire que la bombe atomique se trouve déjà dans les écrits de Lucrèce (Ier siècle avant JC). Oui, il est vrai que Héron d’Alexandrie avait déjà imaginé une machine à vapeur… il n’empêche que ce sont les inventions de Watt et Newcomen qui ont changé le monde.
[Effectivement que je dresse un tableau pessimiste. Cela tient au fait que j’ai lu moult articles qui annonçaient des ruptures technologiques promettant monts et merveilles et que ce monts et merveilles n’est jamais arrivé. Ou bien on s’extasie sur des technologies, qui pour moi resteront cantonnées à des secteurs de niches (l’imprimante 3D est pour moi un bon exemple).]
Vrai. Les deux guerres mondiales et la guerre froide ont provoqué un tel foisonnement d’inventions qu’il a fallu longtemps pour les avaler toutes et les traduire en réalisation industrielle. On ne peut avoir une rupture tous les jours.
@Descartes
[[Or il est démontré que certains problèmes mathématiques n’admettent pas de solution.]
Absolument pas. Tout ce que dit le théorème de Gödel (car j’imagine que c’est à lui que vous faite allusion) (…)]
Je pensais tout simplement à l’équation sin(x) = a, a > 1.
[[Ainsi les équations de la théorie de la relativité générale interdisent le transport de l’information à des vitesses supra-luminiques. Bien entendu, ça n’empêche pas les voyages interstellaires, mais selon qu’on les fasse à des vitesses infra- ou supra-luminiques, le résultat sera pas tout à fait le même.]
Non, mais il reste que le voyage – qui est un problème d’ingénieur – reste possible.]
La vitesse à laquelle on fait le voyage est aussi un problème d’ingénieur.
[[Admettons que l’humanité vive suffisamment longtemps pour se rapprocher de la mort thermique de l’univers (considéré comme un système FERMÉ), trouvera t’elle un moyen pour contrer cette mort ?]
Je ne sais pas. Mais si un tel moyen n’existe pas, cela cesse d’être un problème d’ingénieur. ]
Personnellement, pour moi le métier d’ingénieur est de résoudre les problèmes matériels qui s’opposent à la société, même si certains sont effectivement insolubles.
[[Les bases d’internet, théorie de l’information développée par Claude Shannon et l’informatique, développée par Alan Turing, tout comme l’invention du transistor ont plus de soixante-dix ans.]
L’atome, on en parlait déjà dans la Grèce antique. Dire que l’Internet se trouve déjà dans Touring et Shannon c’est un peu comme dire que la bombe atomique se trouve déjà dans les écrits de Lucrèce (Ier siècle avant JC). Oui, il est vrai que Héron d’Alexandrie avait déjà imaginé une machine à vapeur… il n’empêche que ce sont les inventions de Watt et Newcomen qui ont changé le monde.]
Tout comme les télécommunications existaient déjà avant Claude Shannon ou l’informatique avant Alan Turing. Je parlais ici de donner une base scientifique à une théorie.
@ François
[« « Or il est démontré que certains problèmes mathématiques n’admettent pas de solution. » » « Absolument pas. Tout ce que dit le théorème de Gödel (car j’imagine que c’est à lui que vous faite allusion) (…) » Je pensais tout simplement à l’équation sin(x) = a, a > 1.]
Mais où est le « problème mathématique » ? Le fait que l’équation que vous citez n’ait pas de solution est contenu dans la définition même de la fonction sinus. Il n’y a donc pas de problème, de la même façon que le fait qu’une voiture ne vole pas n’est pas un problème pour l’ingénieur qui la construit.
[Personnellement, pour moi le métier d’ingénieur est de résoudre les problèmes matériels qui s’opposent à la société, même si certains sont effectivement insolubles.]
Mais encore une fois, un « problème insoluble » est un oxymore. Un « problème insoluble » n’est pas un problème.
@Descartes
[[Personnellement, pour moi le métier d’ingénieur est de résoudre les problèmes matériels qui s’opposent à la société, même si certains sont effectivement insolubles.]
Mais encore une fois, un « problème insoluble » est un oxymore. Un « problème insoluble » n’est pas un problème.]
« S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème. » – Proverbe Shadok
@ François
[« S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème. » – Proverbe Shadok]
Comme toujours, ces drôles d’oiseaux sont d’une rare sagesse… « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible il faut toujours taper sur les mêmes »
Bonjour Descartes,
Je me permets de rebondir sur ce sujet fort intéressant et qui constitue, je crois, la principale question de notre siècle. Je ne suis pas ingénieur ou scientifique de formation et mes connaissances dans ce domaine sont très limitées, mais je trouve votre réponse (qui est partagée plus ou moins intuitivement par une bonne partie de la population) un peu courte.
“Le « peak oil » aura lieu un jour, c’est une contrainte physique, mais nous ne savons pas lui fixer une date.”
Sauf erreur de ma part, il me semble que l’Agence internationale de l’énergie a bien signalé que le pic de pétrole conventionnel a été atteint en 2008, et celui du pétrole de schiste devrait être atteint d’ici 2025. La découverte des énergies non-conventionnelles n’aura accordé qu’un sursis à très court terme au problème de l’approvisionnement. Et ne pas connaître la date exact du pic énergétique (dont la survenance est, elle, certaine) n’est en rien un argument pour ignorer le problème.
“Ensuite, nous avons des alternatives aux énergies fossiles : la combinaison entre le nucléaire et les renouvelables permettent d’imaginer qu’on peut assurer un approvisionnement énergétique sur des durées qui dépassent très largement notre horizon de prévision.”
Sauf que la très grande majorité de la consommation d’énergie à l’échelle mondiale provient d’énergies fossiles ( https://img.over-blog-kiwi.com/1/21/28/29/20190730/ob_707376_image-1025.jpg ). Comme on le voit sur ce graphique, non seulement depuis la révolution industrielle aucune énergie n’a remplacé une autre énergie, chacune s’empilant les unes sur les autres, mais de surcroît le nucléaire et les EnR sont une goutte d’eau dans un océan. Dès lors je vois très mal comment ces énergies propres pourraient en quelques années (en prenant en compte non seulement le problème de la pénurie mais aussi celui du réchauffement climatique) croître suffisamment pour remplacer à l’échelle mondiale la consommation d’énergies fossiles. Il faudrait pour cela investir une quantité d’argent difficilement estimable, de l’ordre probablement de plusieurs milliers de milliards d’euros, pour assurer non seulement le développement des technologies électriques, du stockage, mais aussi du développement d’infrastructures suffisantes et des compétences qui vont avec. Et en toute honnêteté j’ai du mal à m’imaginer que d’ici une vingtaine d’années l’Afrique, le Moyen-Orient ou l’Asie soient recouverts d’éoliennes et de centrales nucléaires opérationnelles. Sans compter toute la débauche d’énergie (fossile, puisque l’économie mondiale ne fonctionne que par elle) qu’il faudrait pour réaliser de tels investissements. On peut donc effectivement “imaginer” tout ceci, comme vous dites, mais cela ne résoudra malheureusement pas grand-chose.
“Et finalement, il n’y a aucune fatalité à ce que la croissance économique (c’est-à-dire, l’augmentation des biens et services disponibles) soit couplée à une augmentation de la consommation énergétique dans la même proportion. En augmentant l’efficacité énergétique, on peut parfaitement imaginer une croissance positive avec une décroissance dans la consommation d’énergie.”
Pourtant la croissance économique est strictement corrélée au niveau de consommation d’énergie ( https://d32r1sh890xpii.cloudfront.net/tinymce/2020-04/1588113043-o_1e71ejfnq1rgc1suri9p19n183c8_large.jpg ). Je ne vois pas comment on pourrait utiliser de moins en moins d’énergie pour produire de plus en plus. Grâce aux procédés d’efficacité énergétique, on pourrait au mieux atteindre une réduction de la consommation d’énergie par rapport au niveau de croissance économique, mais cela ne signifie pas du tout que la croissance économique serait corrélée à une décroissance énergétique. La consommation d’énergie continuera d’augmenter, mais sera simplement un peu moins élevée.
“Ce n’est pas parce que la croissance des deux derniers siècles est fondée sur la croissance de la consommation d’énergie que cela restera vrai pour l’éternité.”
Avez-vous des éléments tangibles qui permettraient d’affirmer le contraire ? Vous pouvez bien parler de “rupture” mais il y a des lois universelles… si l’on s’en tient à la définition de ce qu’est la croissance et à la définition de ce qu’est l’énergie, on ne peut objectivement pas parvenir à une autre conclusion que la croissance économique n’est possible que par une augmentation de la quantité d’énergie utilisée.
“Eh bien, quand le problème se posera, on essaiera de le résoudre.”
Mais le problème se pose déjà, avec de plus en plus d’acuité et de danger (pour ses conséquences économiques mais surtout climatiques) et aucun des moyens dont nous disposons ne permet de le résoudre, sauf à réduire notre niveau de vie (et c’est un partisan instinctif de la croissance qui vous le dit).
“Et si on n’arrive pas, il faudra accepter une baisse dans le niveau de vie. Comme disaient sagement les Shadock, s’il n’y a pas de solution, alors il n’y a pas de problème. Il ne reste plus qu’à se résigner.”
Le problème avec les sophismes, c’est qu’ils ne résolvent pas grand-chose. Dans le cas où nous n’aurions pas de solution de substitution aux énergies fossiles pour maintenir notre niveau de vie, c’est tout notre système économique qui finira par s’écrouler. Il existe dès lors une alternative simple : soit nous affrontons la réalité et nous réorganisons nous-mêmes et dès maintenant la société pour rester maîtres de notre destin (ce qui passe par une décroissance voulue), soit nous subissons les conséquences désastreuses de notre attentisme, ce que vous appelez “se résigner” (et à quoi aspirent secrètement les collapsologues). Autrement dit, on a schématiquement le choix entre la régression organisée ou le chaos subi. Étant de nature prométhéenne et rationnelle, je choisis la première option.
“Et s’il y a une solution, alors je fais confiance à l’ingéniosité humaine pour la trouver.”
Il est ironique que vous reprochiez à Jancovici de penser le monde de demain comme étant le prolongement d’hier, alors que vous êtes vous-même victime du préjugé selon lequel l’Homme croît depuis des siècles et qu’il n’y aurait pas de véritable raison que ça s’arrête. Ce n’est pourtant pas à vous que je vais apprendre que l’Histoire est tragique, et qu’une période de régression inédite est vraisemblablement ce vers quoi nous nous dirigeons.
“Je pense que la seule solution raisonnable est de parier sur cette dernière hypothèse, parce que la première conduit à ne plus rien faire.”
Je ne suis pas d’accord. Parier sur sur un espèce de deus ex machina nommé “l’ingéniosité humaine” relève de la foi et non de la raison. Le comportement le plus rationnel consisterait (tout en cherchant une solution de substitution aux énergies fossiles à grande échelle et diffusable rapidement, ce qui est globalement improbable) à organiser la décroissance, c’est-à-dire à repenser le fonctionnement de nos sociétés à travers le monde. Et cet objectif ne me semble en rien conduire “à ne plus rien faire”. Bien au contraire, il s’agirait probablement d’un des plus grands défis que s’imposerait l’humanité et la preuve, selon moi beaucoup plus tangible, de son extraordinaire adaptabilité et ingéniosité. Poursuivre notre quotidien en espérant qu’un miracle survienne pour nous sauver, c’est tout le contraire de l’action, c’est un comportement contemplatif de nature religieuse.
“C’est ce que j’appelle « l’optimisme méthodologique ».”
A mon avis, cela ressemble bien plus à un déni de la réalité qu’à une quelconque forme d’optimisme (mais peut-être ces deux états d’esprit sont-ils indissociables…)
@ Advocare
[« Le « peak oil » aura lieu un jour, c’est une contrainte physique, mais nous ne savons pas lui fixer une date. » Sauf erreur de ma part, il me semble que l’Agence internationale de l’énergie a bien signalé que le pic de pétrole conventionnel a été atteint en 2008, et celui du pétrole de schiste devrait être atteint d’ici 2025.]
Ce « devrait » mérite une certaine prudence. L’AIE – et l’ensemble des prospectivistes – ont fixé la date du « peak oil » plusieurs fois, et à chaque fois ils se sont trompés. Il est d’ailleurs difficile de savoir de quoi on parle : s’agit-il du « pic » de la demande ? de la production ? des réserves connues ? On voit bien que la demande et l’offre peuvent fluctuer avec les prix, donnant l’impression d’un « pic » alors qu’en fait c’est une ondulation…
[La découverte des énergies non-conventionnelles n’aura accordé qu’un sursis à très court terme au problème de l’approvisionnement. Et ne pas connaître la date exacte du pic énergétique (dont la survenance est, elle, certaine) n’est en rien un argument pour ignorer le problème.]
Nous savons que le soleil s’éteindra un jour. Est-ce une raison pour faire de ce problème une priorité ? Si la date du « peak oil » et si difficile à fixer, c’est parce que le « pic » en question est relativement plat, ce qui veut dire que nous aurons une longue, très longue période d’adaptation. Sans « ignorer le problème », il ne faut pas non plus en faire une urgence.
{Sauf que la très grande majorité de la consommation d’énergie à l’échelle mondiale provient d’énergies fossiles.]
Et bien, ça changera, c’est tout. A la fin du XIXème, la traction animale dominait l’économie comme elle l’avait fait depuis l’antiquité. Il a fallu un demi-siècle à peine pour qu’elle ne joue plus qu’un rôle marginal. L’homme a montré par le passé une remarquable faculté d’adaptation. Demain, on consommera probablement moins d’énergie (grâce à une meilleure isolation, à des modes de production plus efficients) et on la tirera d’autres sources.
[Comme on le voit sur ce graphique, non seulement depuis la révolution industrielle aucune énergie n’a remplacé une autre énergie, chacune s’empilant les unes sur les autres,]
Dans un graphique construit par empilement, on voit mal comment il pourrait en être autrement. Mais vous noterez par exemple que la traction animale a disparu de nos rues et de nos économies. Vous avez là un bon exemple d’une « énergie qui a été remplacée par une autre énergie ». Même chose pour l’éclairage au gaz ou au pétrole, totalement remplacé par l’électricité. Même chose dans notre pays pour l’électricité produite à partir du pétrole, totalement remplacée par le nucléaire.
[mais de surcroît le nucléaire et les EnR sont une goutte d’eau dans un océan. Dès lors je vois très mal comment ces énergies propres pourraient en quelques années (en prenant en compte non seulement le problème de la pénurie mais aussi celui du réchauffement climatique) croître suffisamment pour remplacer à l’échelle mondiale la consommation d’énergies fossiles.]
Pourquoi « en quelques années » ? Si le « peak oil » est si difficile à dater, c’est précisément parce que l’évolution de la production à la baisse du fait de l’épuisement des gisements est un processus très lent et graduel. On a quelques décennies, peut-être même quelques siècles, plutôt que « quelques années » pour nous adapter.
[Il faudrait pour cela investir une quantité d’argent difficilement estimable, de l’ordre probablement de plusieurs milliers de milliards d’euros, pour assurer non seulement le développement des technologies électriques, du stockage, mais aussi du développement d’infrastructures suffisantes et des compétences qui vont avec. Et en toute honnêteté j’ai du mal à m’imaginer que d’ici une vingtaine d’années l’Afrique, le Moyen-Orient ou l’Asie soient recouverts d’éoliennes et de centrales nucléaires opérationnelles.]
Je vous rappelle que vingt ans ont suffi pour faire disparaître les hydrocarbures de la production d’électricité en France. Et cela représentait bon an mal an un tiers de notre consommation de pétrole. Il faudra certainement des investissements très importants. Et alors ? Ce n’est pas l’argent qui manque.
[« Et finalement, il n’y a aucune fatalité à ce que la croissance économique (c’est-à-dire, l’augmentation des biens et services disponibles) soit couplée à une augmentation de la consommation énergétique dans la même proportion. En augmentant l’efficacité énergétique, on peut parfaitement imaginer une croissance positive avec une décroissance dans la consommation d’énergie. » Pourtant la croissance économique est strictement corrélée au niveau de consommation d’énergie (…)]
La référence que vous proposez ne soutient pas votre argument : elle fait le lien entre la consommation DE PETROLE (et non d’énergie) et le PIB (et non la croissance) des différents pays. Par ailleurs, vous noterez que le diagramme est en échelle log-log, ce qui a pour effet d’écraser les différences : ainsi, par exemple, pour une même consommation de pétrole, le PIB peut varier du simple au quadruple (entre l’Arabie Saoudite et le Japon, par exemple). Pour une « stricte corrélation »…
Il est assez évident que plus un pays est riche, plus il consomme de tout : énergie, nourriture, habillement, électroménager, puisqu’on consomme ce qu’on peut se payer. Si vous tracez la consommation de Champagne en proportion au PIB, vous trouverez probablement une corrélation aussi avec le PIB. Peut-on pour autant dire qu’une croissance sans augmentation de la consommation de Champagne est impossible ?
[Je ne vois pas comment on pourrait utiliser de moins en moins d’énergie pour produire de plus en plus. Grâce aux procédés d’efficacité énergétique, on pourrait au mieux atteindre une réduction de la consommation d’énergie par rapport au niveau de croissance économique, mais cela ne signifie pas du tout que la croissance économique serait corrélée à une décroissance énergétique.]
Si l’augmentation de l’efficacité énergétique est suffisamment rapide, on peut avoir une croissance positive et une croissance de la consommation d’énergie négative. C’est une évidence mathématique. Si je produis deux fois plus de lave-vaisselles, et que je divise par quatre l’énergie nécessaire pour en produire un, le bilan net sera un doublement de la production et une division par deux de l’énergie nécessaire.
[La consommation d’énergie continuera d’augmenter, mais sera simplement un peu moins élevée.]
Faudrait vous décider : vous m’expliquez que l’énergie disponible est en train de baiser. Comment dans ces conditions la consommation pourrait continuer à augmenter ? Je pense que vous oubliez dans votre raisonnement que si l’énergie disponible diminue, la consommation ne peut que diminuer elle aussi. Si vous considérez que le « peak oil » a été atteint, alors vous affirmez du même coup que la consommation d’hydrocarbures ne peut que diminuer.
[« Ce n’est pas parce que la croissance des deux derniers siècles est fondée sur la croissance de la consommation d’énergie que cela restera vrai pour l’éternité. » Avez-vous des éléments tangibles qui permettraient d’affirmer le contraire ?]
Bien sûr : prenons par exemple les chiffres de l’OCDE (https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/factbook-2014-43-fr.pdf?expires=1591616370&id=id&accname=guest&checksum=EBC1E9B5D81E9A323A00C972047EB82D). Vous noterez que l’intensité énergétique (c’est-à-dire, l’énergie contenue dans un point de PIB) baisse dramatiquement.
[Vous pouvez bien parler de “rupture” mais il y a des lois universelles… si l’on s’en tient à la définition de ce qu’est la croissance et à la définition de ce qu’est l’énergie, on ne peut objectivement pas parvenir à une autre conclusion que la croissance économique n’est possible que par une augmentation de la quantité d’énergie utilisée.]
Pourriez-vous exposer le raisonnement ? Je vois mal ce qui dans la « définition de ce qu’est la croissance » condamne à augmenter la consommation d’énergie dès lors que la croissance est positive.
[“Eh bien, quand le problème se posera, on essaiera de le résoudre.” Mais le problème se pose déjà,]
A qui ? Vous levez-vous chaque matin sans savoir si vous aurez du courant électrique le soir, sortez-vous votre voiture avec la peur au ventre de ne pas pouvoir trouver du carburant ? Non, le problème ne se pose pas pour le moment. L’anticipation d’un problème n’est pas un problème en soi.
[et aucun des moyens dont nous disposons ne permet de le résoudre, sauf à réduire notre niveau de vie (et c’est un partisan instinctif de la croissance qui vous le dit).]
Beh alors on réduira notre niveau de vie, puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. Je n’arrive pas bien à comprendre ce qui vous tracasse.
[“Et si on n’arrive pas, il faudra accepter une baisse dans le niveau de vie. Comme disaient sagement les Shadock, s’il n’y a pas de solution, alors il n’y a pas de problème. Il ne reste plus qu’à se résigner.” Le problème avec les sophismes, c’est qu’ils ne résolvent pas grand-chose. Dans le cas où nous n’aurions pas de solution de substitution aux énergies fossiles pour maintenir notre niveau de vie, c’est tout notre système économique qui finira par s’écrouler.]
Il n’y a là-dedans aucun « sophisme » : soit le problème a une solution, et alors j’ai confiance à l’ingéniosité humaine pour la trouver, soit le problème n’a pas de solution, et alors ce n’est plus un problème. Vous voudriez que je désespère en pensant à une catastrophe que je n’ai pas les moyens d’empêcher ?
[Il existe dès lors une alternative simple : soit nous affrontons la réalité et nous réorganisons nous-mêmes et dès maintenant la société pour rester maîtres de notre destin (ce qui passe par une décroissance voulue), soit nous subissons les conséquences désastreuses de notre attentisme, ce que vous appelez “se résigner” (et à quoi aspirent secrètement les collapsologues).]
Mais… ce que vous appelez « affronter la réalité » ressemble plutôt à un acte de résignation : en quoi serions-nous « maîtres de notre destin » alors qu’au contraire on se résignerait à ce que le sort nous impose ? En quoi serait « voulue » une décroissance alors que vous me répétez qu’il n’y a pas d’alternative ? Votre argumentation me fait penser au jeune qui, se sachant mortel, se suiciderait pour « rester maître de son destin » en choisissant les circonstances de sa mort au lieu de laisser faire le hasard (et jouir de la vie dans l’intervalle).
[Autrement dit, on a schématiquement le choix entre la régression organisée ou le chaos subi. Étant de nature prométhéenne et rationnelle, je choisis la première option.]
Justement, je me refuse à ce choix binaire…
[“Et s’il y a une solution, alors je fais confiance à l’ingéniosité humaine pour la trouver.” Il est ironique que vous reprochiez à Jancovici de penser le monde de demain comme étant le prolongement d’hier, alors que vous êtes vous-même victime du préjugé selon lequel l’Homme croît depuis des siècles et qu’il n’y aurait pas de véritable raison que ça s’arrête. Ce n’est pourtant pas à vous que je vais apprendre que l’Histoire est tragique, et qu’une période de régression inédite est vraisemblablement ce vers quoi nous nous dirigeons.]
Au risque de me répéter : si le problème n’a pas de solution, alors ce n’est plus un problème. Je suis mortel, et je sais qu’un jour je partirai pour ce pays dont aucun voyageur n’est jamais revenu. Est-ce un problème ? Non, c’est un fait, contre lequel je ne peux rien et auquel je pense le moins souvent possible. Et si cela arrive, et bien qu’est-ce que j’y peux ? Si notre retour à l’âge des cavernes est fatal, si nous ne pouvons rien y faire, alors profitons pendant qu’on le peut, et laissons les choses se faire.
Voilà pourquoi je fais de l’idée que l’homme peut résoudre tous les problèmes une « fiction nécessaire ». Il n’y a aucune raison de penser que cela soit vrai pour toujours, mais il y a de très bonnes raisons qui font que nous avons intérêt à le poser comme principe, et à y croire. Parce qu’imaginer que nous ne pouvons rien faire… c’est se donner un bon argument pour rien tenter.
[Parier sur sur un espèce de deus ex machina nommé “l’ingéniosité humaine” relève de la foi et non de la raison.]
Je ne suis pas d’accord. CROIRE à ce deus ex machina relève peut-être de la foi, mais PARIER sur lui relève d’un calcul parfaitement rationnel. Il suffit de comparer aux alternatives.
[Le comportement le plus rationnel consisterait (tout en cherchant une solution de substitution aux énergies fossiles à grande échelle et diffusable rapidement, ce qui est globalement improbable) à organiser la décroissance, c’est-à-dire à repenser le fonctionnement de nos sociétés à travers le monde.]
Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez « organiser la décroissance ». Pourriez-vous être plus explicite ? J’ai la nette impression que lorsque vous appelez à « repenser le fonctionnement de nos sociétés » vous imaginez qu’on puisse trouver un moyen pour garder notre haut niveau de vie tout en « décroissant ». Ce qui ramène le « deus ex machina » en question sous une forme un peu différente : moi je lui fais confiance pour résoudre le problème énergétique, vous pour maintenir le niveau de vie avec une production qui baisse…
“Ce « devrait » mérite une certaine prudence. L’AIE – et l’ensemble des prospectivistes – ont fixé la date du « peak oil » plusieurs fois, et à chaque fois ils se sont trompés.”
Il n’est pourtant pas contesté que le pic pétrolier conventionnel a été atteint en 2008 : “La production de pétrole brut conventionnel a atteint son maximum en 2008, à 69,5 Mb/j, et elle a depuis baissé d’environ 2,5 Mb/j. Dans le scénario « Nouvelles politiques », elle baisse de 3 Mb/j supplémentaires entre 2017 et 2040, et sa part dans l’offre mondiale de pétrole baisse régulièrement, passant de 72% aujourd’hui à 62% en 2040.” (IAE, World Energy Outlook 2018, p. 142).
“Et bien, ça changera, c’est tout. A la fin du XIXème, la traction animale dominait l’économie comme elle l’avait fait depuis l’antiquité. Il a fallu un demi-siècle à peine pour qu’elle ne joue plus qu’un rôle marginal. L’homme a montré par le passé une remarquable faculté d’adaptation.”
Je ne vois pas en quoi le passage de la traction animale aux énergies fossiles aurait procédé d’une quelconque “adaptation” de l’Homme. Si les énergies fossiles ont pu se développer avec une telle rapidité dans le monde occidental, ce n’est pas tant en raison d’une quelconque ingéniosité humaine que de leur extraction facile, leurs faibles coûts et leur grande puissance énergétique, formidablement supérieure à la force musculaire.
Il est par ailleurs exagéré de dire que les énergies fossiles auraient dominé l’économie en un demi-siècle. C’est peut-être vrai pour l’Europe et les Etats-Unis, ça l’est beaucoup moins pour le reste du monde – autrement dit, pour la majorité de l’humanité. Il en va de même aujourd’hui : les pays ayant le niveau de développement le plus élevé sont ceux qui ont déjà entamé (et encore, à très petite échelle) leur transition énergétique. Qu’en sera-t-il des pays moins développés, en Afrique ou en Asie, où la population risque de surcroît d’exploser dans les années à venir ?
Mais je vous concède que l’on peut toujours trouver à court terme une énergie propre, décarbonée, peu chère, diffusable rapidement à très grande échelle et en quantité suffisante pour non seulement maintenir notre niveau de vie mais encore soutenir sa croissance (ainsi que celle de la population humaine en général). La probabilité reste quand même suffisamment faible pour préparer des solutions alternatives.
“Dans un graphique construit par empilement, on voit mal comment il pourrait en être autrement.”
Le graphique est construit par empilement parce que les énergies se sont empilées… et si les énergies se sont empilées, c’est parce qu’aucune ne s’est avérée suffisante pour atteindre par elle seule notre niveau de vie actuel. Penser qu’il suffit d’injecter des milliards dans l’économie mondiale pour y parvenir relève du fantasme.
“Pourquoi « en quelques années » ? Si le « peak oil » est si difficile à dater, c’est précisément parce que l’évolution de la production à la baisse du fait de l’épuisement des gisements est un processus très lent et graduel. On a quelques décennies, peut-être même quelques siècles, plutôt que « quelques années » pour nous adapter.”
Vous faites l’erreur de raisonner en silo. Si la seule question était celle du pic pétrolier, le problème serait en effet relativement confortable à gérer. Sauf qu’il existe une autre menace encore plus grave, celle du réchauffement climatique, que j’avais bien mis en exergue dans le passage auquel vous répondez. Nos actions d’aujourd’hui auront des conséquences sur les décennies à venir. Plus l’on tarde à agir, plus l’horizon s’obscurcit. C’est pourquoi il est faux de dire qu’on dispose de “quelques décennie, peut-être même quelques siècles” pour s’adapter.
“Je vous rappelle que vingt ans ont suffi pour faire disparaître les hydrocarbures de la production d’électricité en France. Et cela représentait bon an mal an un tiers de notre consommation de pétrole.”
Vous pensez vraiment qu’on peut comparer les capacités scientifiques, politiques et économiques de la France des Trente glorieuses à celle du monde post-covid qui entre dans la plus grave crise économique du siècle et ne bénéficie d’aucune réelle coordination internationale ?
“Il faudra certainement des investissements très importants. Et alors ? Ce n’est pas l’argent qui manque.”
Je l’espère. Mais un monde en décru énergétique est un monde en décroissance, autrement dit un monde avec de moins en moins de moyens physique (et qu’importe “l’argent” dont nous disposons) où, pour préserver notre niveau de vie ou du moins ne pas le réduire trop violemment, il faudra faire de plus en plus d’investissements.
“Il est assez évident que plus un pays est riche, plus il consomme de tout : énergie, nourriture, habillement, électroménager, puisqu’on consomme ce qu’on peut se payer. Si vous tracez la consommation de Champagne en proportion au PIB, vous trouverez probablement une corrélation aussi avec le PIB. Peut-on pour autant dire qu’une croissance sans augmentation de la consommation de Champagne est impossible ?”
Justement, vous commettez l’erreur fondamentale que pointe Jancovici dans sa critique des économistes. Le raisonnement que vous tenez consiste à croire que dans une économie l’énergie est un bien de consommation comme les autres. Or ce n’est pas du tout le cas : l’énergie EST l’économie. Ce n’est pas parce que nous avons des grandes économies que nous produisons et consommons beaucoup d’énergie, c’est parce que nous disposons d’une grande quantité d’énergie que nous bénéficions d’économies prospères. De même ce n’est pas à cause de la révolution industrielle que nous nous sommes mis à consommer du charbon et du pétrole, c’est grâce à l’exploitation des énergies fossiles que la révolution industrielle est survenue.
Il faut bien comprendre (et ce n’est pas à vous que je vais apprendre cela) que l’économie est avant tout fondée sur des flux matériels et physiques, c’est-à-dire, en dernier ressort, sur l’énergie. Les sociétés anciennes étaient basées sur l’exploitation d’énergie peu efficaces, essentiellement musculaire (travailleurs, animaux, esclaves), éolienne et hydraulique (moulins à vent ou à eau) ou biomasse (du bois pour les forges par exemple). L’exploitation d’énergies fossiles a formidablement démultiplié la capacité énergétique de nos sociétés, rendant par exemple inutile l’utilisation d’esclaves ou d’animaux de trait. On a pu faire fonctionner des machines qui ont pu elles-mêmes développer de nouvelles machines, qui elles-mêmes ont permis d’exploiter toujours plus d’énergie. C’est à partir de là que nous sommes entrés dans la société de consommation, capable de nous offrir notre niveau de vie actuel.
A contrario, à partir du moment où la quantité d’énergie dont on dispose diminue, le nombre de machines qu’on peut faire fonctionner baisse également. La production et la consommation diminuent alors. Le niveau de vie baisse et c’est ce qu’on appelle la décroissance.
Dire qu’on utilise une grande quantité d’énergie parce qu’on a un niveau de PIB élevé c’est confondre la cause avec l’effet.
“Bien sûr : prenons par exemple les chiffres de l’OCDE (https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/factbook-2014-43-fr.pdf?expires=1591616370&id=id&accname=guest&checksum=EBC1E9B5D81E9A323A00C972047EB82D). Vous noterez que l’intensité énergétique (c’est-à-dire, l’énergie contenue dans un point de PIB) baisse dramatiquement.”
Ces chiffres ne concernent que la consommation de pétrole et non la consommation globale d’énergie.
Vous remarquerez par ailleurs que je n’ai pas nié la possibilité d’atteindre une meilleure efficacité énergétique, c’est un des objectifs à atteindre pour éviter le double problème climatique et d’approvisionnement. Et encore, voyez par exemple comme la “propreté” supposée des voitures électriques est remise en cause du fait de leur cycle de vie très polluant.
“Pourriez-vous exposer le raisonnement ? Je vois mal ce qui dans la « définition de ce qu’est la croissance » condamne à augmenter la consommation d’énergie dès lors que la croissance est positive. ”
Si l’on considère que la croissance économique consiste dans la variation positive de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, et que l’énergie consiste dans la mesure de la capacité d’un système à transformer un état, alors il ne peut y avoir de croissance sans consommation d’énergie proportionnelle. On peut toujours tenter de produire plus tout en réduisant la quantité d’énergie introduite dans le processus, mais il faudra toujours consommer de l’énergie pour assurer une production croissante et donc augmenter la consommation d’énergie.
Alors oui, des ajustements sont possibles en améliorant l’efficacité énergétique. Mais au regard de la quantité colossale des investissements à réaliser ne serait-ce qu’en France (économie relativement décarbonée), il faudrait assumer les choses et définir la transition énergétique comme non seulement une urgence, mais une priorité politique mondiale (ce que vous refusez visiblement).
Donc il faut choisir : soit le problème énergétique et climatique n’est pas une urgence et l’on se remet à “l’ingéniosité humaine” pour trouver une solution (en poursuivant business as usual la recherche de la croissance économique à tout prix), ce qui est un comportement typiquement nihiliste (vous appelez vous-même à se résigner), soit on considère que le problème est suffisamment grave pour être (vraiment) traité et on le prend à bras le corps.
“A qui ? Vous levez-vous chaque matin sans savoir si vous aurez du courant électrique le soir, sortez-vous votre voiture avec la peur au ventre de ne pas pouvoir trouver du carburant ? Non, le problème ne se pose pas pour le moment.”
D’une part, si l’on suit la théorie de Jancovici, la diminution des extractions pétrolières est directement à l’origine des dysfonctionnements de notre économie et notamment de la crise de 2008. Le retour de la croissance n’est plus possible puisque l’on a atteint le pic pétrolier et qu’on ne dispose d’aucune énergie comparable sur le long terme. Les problèmes d’approvisionnement empêchent physiquement l’amélioration du niveau de vie, ce qui provoque des tensions sociales. Dans cette perspective, la crise des Gilets jaunes par exemple est une crise avant tout énergétique.
D’autre part, vous semblez une fois encore obérer le problème du réchauffement climatique, en partie responsable par exemple des incendies en Australie (et il y aurait des tas d’autres évènements à travers le monde à relier avec ce problème). Alors oui, excepté le fait que le mois dernier a été le mois de mai le plus chaud jamais observé depuis qu’on enregistre les températures, je ne perçois pas les conséquences de cette situation à ma petite échelle. Et c’est normal : c’est un problème global et de long-terme, qui impose donc d’agir en amont. Dire que “l’anticipation d’un problème n’est pas un problème en soi” n’a aucun sens dans un contexte où nos actions d’aujourd’hui produiront leurs effets dans une ou deux décennies. Si l’on attend que le niveau de l’eau monte de 70 cm ou que la température moyenne augmente de 2°C pour commencer à résoudre le problème (comme vous le suggériez dans votre message initial : “quand le problème se posera, on essaiera de le résoudre”), nous sommes foutus.
“Beh alors on réduira notre niveau de vie, puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. Je n’arrive pas bien à comprendre ce qui vous tracasse.”
Ce qui me tracasse ? Les conséquences d’un changement climatique qui rendrait notre environnement trop hostile pour la vie humaine, combinées à une économie mondiale impréparée pour faire face à ses limites physiques lorsque celles-ci rendront intenables notre système. Je me trompe peut-être, mais il ne me semble pas qu’il s’agisse d’un avenir souhaitable.
“Il n’y a là-dedans aucun « sophisme » : soit le problème a une solution, et alors j’ai confiance à l’ingéniosité humaine pour la trouver, soit le problème n’a pas de solution, et alors ce n’est plus un problème. Vous voudriez que je désespère en pensant à une catastrophe que je n’ai pas les moyens d’empêcher ?”
Il faut savoir, est-ce qu’on réalise des investissements massifs pour éviter ou du moins atténuer la “catastrophe”, ou est-ce qu’on continue à cacher la poussière sous le tapis en considérant qu’il n’y a aucun moyen de l’empêcher ?
“Mais… ce que vous appelez « affronter la réalité » ressemble plutôt à un acte de résignation : en quoi serions-nous « maîtres de notre destin » alors qu’au contraire on se résignerait à ce que le sort nous impose ? En quoi serait « voulue » une décroissance alors que vous me répétez qu’il n’y a pas d’alternative ?”
Vraiment ? Vous ne percevez pas la différence entre réorganiser l’économie pour maintenir un modèle de société viable dans un monde où la décroissance économique deviendra la règle, et continuer à foncer dans le mur pour jouir jusqu’à la dernière miette d’un système qui n’est pas durable ? Je crois qu’il s’agit de deux chemins nettement distinct, et le premier mène à un avenir meilleur.
“Votre argumentation me fait penser au jeune qui, se sachant mortel, se suiciderait pour « rester maître de son destin » en choisissant les circonstances de sa mort au lieu de laisser faire le hasard (et jouir de la vie dans l’intervalle).”
Si vous y réfléchissez bien, et pour filer votre analogie, ma perspective se rapproche bien plus d’un système de retraite que d’un suicide. La logique est exactement la même : renoncer à une partie de notre confort actuel, tant que tout va bien, et provisionner pour les jours d’après, car on sait qu’ils seront difficiles. Il ne s’agit pas de se mettre à mort mais bien au contraire de survivre le plus longtemps et avec le plus de dignité possible.
Votre analogie n’est pas la bonne car vous considérez que les sacrifices à faire pour se libérer de la dépendance aux fossiles sont équivalents aux conséquences que le maintien d’un système non-durable engendrerait. C’est bien entendu faux.
“Justement, je me refuse à ce choix binaire…”
Vous donnez dans le “en même temps” maintenant ? Je suis le premier à considérer que la réalité est trop complexe pour avoir des certitudes absolues sur l’avenir, mais en politique il faut savoir faire des choix et donc trancher : décroissance subie ou maîtrisée ?
“Au risque de me répéter : si le problème n’a pas de solution, alors ce n’est plus un problème. Je suis mortel, et je sais qu’un jour je partirai pour ce pays dont aucun voyageur n’est jamais revenu. Est-ce un problème ? Non, c’est un fait, contre lequel je ne peux rien et auquel je pense le moins souvent possible. Et si cela arrive, et bien qu’est-ce que j’y peux ? Si notre retour à l’âge des cavernes est fatal, si nous ne pouvons rien y faire, alors profitons pendant qu’on le peut, et laissons les choses se faire.”
Où avez-vous lu que le retour à l’âge des cavernes serait inéluctable ? Il n’y a pas d’alternative (connue et maîtrisable) à la décroissance, mais il y a différents scénarios de décroissance possibles. Il y en a un qui est de se serrer la ceinture aujourd’hui pour limiter la casse demain. Encore une fois, votre analogie est fausse. Pour les décennies qui viennent, l’humanité n’est pas condamnée à mourir mais à régresser. Il s’agit de choisir entre une régression maîtrisée, donc modérée, ou une régression subie et beaucoup plus violente, avec des conséquences autrement désastreuses. C’est là que la volonté humaine joue son rôle.
“Parce qu’imaginer que nous ne pouvons rien faire… c’est se donner un bon argument pour rien tenter.”
Mais c’est vous qui prônez de ne rien faire, de se “résigner”, d’attendre qu’une catastrophe nous frappe de plein fouet.
“Je ne suis pas d’accord. CROIRE à ce deus ex machina relève peut-être de la foi, mais PARIER sur lui relève d’un calcul parfaitement rationnel. Il suffit de comparer aux alternatives.”
Quand un problème se pose à vous, vous attendez qu’il se résolve de lui-même ou vous le prenez en mains pour le régler, quitte à faire des sacrifices ? La première option ne relève pas d’un “calcul parfaitement rationnel”, la seconde oui.
“Je ne comprends pas très bien ce que vous appelez « organiser la décroissance ». Pourriez-vous être plus explicite ? J’ai la nette impression que lorsque vous appelez à « repenser le fonctionnement de nos sociétés » vous imaginez qu’on puisse trouver un moyen pour garder notre haut niveau de vie tout en « décroissant ». Ce qui ramène le « deus ex machina » en question sous une forme un peu différente : moi je lui fais confiance pour résoudre le problème énergétique, vous pour maintenir le niveau de vie avec une production qui baisse…”
Je n’ai jamais dit cela. La “décroissance”, chose éminemment non-souhaitable, consiste bien dans une baisse du niveau de vie. Il ne pourrait pas en aller autrement : baisser le niveau de la production, c’est baisser la quantité de biens dont on dispose (ou la fréquence de leur renouvellement) ; c’est ne plus bénéficier d’augmentation du revenu à mesure qu’on progresse dans sa carrière, vivre moins bien à 50 ans qu’à 30, avoir moins de soins et moins d’enfants.
Vous imaginez bien tous les problèmes politiques et sociaux que cette situation peut engendrer. Nous ne sommes que dans le creux de la vague, dans la phase “plate” de la décrue énergétique, et nous sommes déjà face à un niveau de tensions sociales, économiques et géopolitiques jamais vues depuis des décennies. Poursuivre sur cette lancée nous conduit droit dans le mur, c’est l’évidence même.
Organiser la décroissance, c’est mettre autant d’ordre, de rationalité et de justice que possible dans un monde qui s’annonce chaotique. Ça passe par des choix politiques douloureux, mais qui éviteront des conséquences plus désastreuses encore. Je serai bien incapable de vous délivrer un programme à mettre en œuvre pour y parvenir. Mais cela passe par exemple par le ralentissement voire l’arrêt du trafic aérien civil ou par le report voire l’abandon de la technologie 5G, au profit d’investissements plus durables et plus essentielles à une société résiliente. En clair, au lieu de se perdre dans les mirages de la “croissance verte”, il s’agit de réorienter l’effort politique et économique là où il le faut, de “tailler dans le gras”, c’est-à-dire de réduire notre niveau de vie là où il paraît socialement acceptable de le faire. C’est décider de ce qu’on est prêt à abandonner (le m² habitable, les vacances en avion, le moteur à explosion) et ce qu’on souhaite préserver (l’agriculture, les services publics comme la santé). C’est de ça dont il est question quand on parle d’organiser la décroissance plutôt que de la subir. Dans tous les cas, le niveau de vie baisse : mais entre laisser ce processus au hasard et en rester maître, il y a une grande différence.
Il s’agit d’une question extrêmement complexe qui se présente comme un jeu de mikado, et d’autant plus difficile que les connaissances scientifiques sur l’avenir de l’environnement restent partielles et incertaines. Sans parler du fait que tout cela est politiquement inaudible puisque personne, à juste titre d’ailleurs, n’est prêt à voir son niveau de vie baisser durablement.
@ Advocare
[Il n’est pourtant pas contesté que le pic pétrolier conventionnel a été atteint en 2008 : “La production de pétrole brut conventionnel a atteint son maximum en 2008, à 69,5 Mb/j, et elle a depuis baissé d’environ 2,5 Mb/j. Dans le scénario « Nouvelles politiques », elle baisse de 3 Mb/j supplémentaires entre 2017 et 2040, et sa part dans l’offre mondiale de pétrole baisse régulièrement, passant de 72% aujourd’hui à 62% en 2040.” (IAE, World Energy Outlook 2018, p. 142).]
Mais vous noterez aussi que depuis 2008, les prix du pétrole se sont effondrés : début 2008, ils ont atteint leur prix maximum (144 $ le baril). Depuis, ils ont régulièrement baissé et n’ont plus depuis 2015 dépasse la moitié de cette valeur. La baisse de la production s’explique donc aisément sans avoir recours au « peak oil ». C’est juste une réaction normale du marché : plus le prix monte, plus il est rentable de produire, et plus la production est importante.
Si la production maximale était limitée par les réserves disponibles – c’est-à-dire, si on était dans le « peak oil », on devrait remarquer une hausse continue des prix. Or, on remarque exactement le contraire, ce qui tend à montrer non seulement que la production et largement suffisante pour satisfaire la demande, mais que les opérateurs n’anticipent pas une pénurie future. On doit donc conclure que si la production de pétrole conventionnel baisse, c’est soit parce que la demande baisse (ce qui tend à montrer qu’on arrive à s’en passer), soit parce qu’il est substitué par une autre source d’énergie plus économique (par exemple, les hydrocarbures non-conventionnels).
[Je ne vois pas en quoi le passage de la traction animale aux énergies fossiles aurait procédé d’une quelconque “adaptation” de l’Homme. Si les énergies fossiles ont pu se développer avec une telle rapidité dans le monde occidental, ce n’est pas tant en raison d’une quelconque ingéniosité humaine que de leur extraction facile, leurs faibles coûts et leur grande puissance énergétique, formidablement supérieure à la force musculaire.]
Oui enfin… sans l’ingéniosité humaine pour inventer le moteur à combustion interne, la facilité de l’extraction et la grande puissance énergétique auraient compté pour du beurre.
[Il est par ailleurs exagéré de dire que les énergies fossiles auraient dominé l’économie en un demi-siècle. C’est peut-être vrai pour l’Europe et les Etats-Unis, ça l’est beaucoup moins pour le reste du monde – autrement dit, pour la majorité de l’humanité.]
Il est vrai que pour les pays moins développés, la transition a commencé plus tard, mais elle a été en fait beaucoup plus rapide.
[Il en va de même aujourd’hui : les pays ayant le niveau de développement le plus élevé sont ceux qui ont déjà entamé (et encore, à très petite échelle) leur transition énergétique. Qu’en sera-t-il des pays moins développés, en Afrique ou en Asie, où la population risque de surcroît d’exploser dans les années à venir ?]
Et bien, il se passera la même chose : ils commenceront leur transition plus tard, mais bénéficiant de l’expérience de ceux qui sont passés avant ils iront plus vite.
[“Dans un graphique construit par empilement, on voit mal comment il pourrait en être autrement.” Le graphique est construit par empilement parce que les énergies se sont empilées…]
Non, c’est un graphique par empilement parce qu’il présente la contribution des différentes énergies au total. Mais sur ce type de diagramme, il est assez difficile de voir si une énergie est substituée par une autre.
[Vous faites l’erreur de raisonner en silo. Si la seule question était celle du pic pétrolier, le problème serait en effet relativement confortable à gérer. Sauf qu’il existe une autre menace encore plus grave, celle du réchauffement climatique, que j’avais bien mis en exergue dans le passage auquel vous répondez. Nos actions d’aujourd’hui auront des conséquences sur les décennies à venir. Plus l’on tarde à agir, plus l’horizon s’obscurcit. C’est pourquoi il est faux de dire qu’on dispose de « quelques décennies, peut-être même quelques siècles » pour s’adapter.]
Ici, la question était celle de l’adaptation à la raréfaction des hydrocarbures. Quel rapport avec le réchauffement climatique ? Si l’on arrive à combattre le réchauffement climatique, cela suppose une baisse radicale dans la demande d’hydrocarbures, et le « peak oil » ne sera alors plus un problème. Et si on n’y arrive pas, alors vous m’expliquez que le « peak oil » sera le cadet de nos soucis. Alors ?
[“Je vous rappelle que vingt ans ont suffi pour faire disparaître les hydrocarbures de la production d’électricité en France. Et cela représentait bon an mal an un tiers de notre consommation de pétrole.” Vous pensez vraiment qu’on peut comparer les capacités scientifiques, politiques et économiques de la France des Trente glorieuses à celle du monde post-covid qui entre dans la plus grave crise économique du siècle et ne bénéficie d’aucune réelle coordination internationale ?]
Non seulement je pense qu’on peut les comparer, mais qu’elles sont largement supérieures. Jamais nous n’avons eu autant de laboratoires, autant de chercheurs. Les moyens de calcul dont nous disposons sur la table du salon dépassent la capacité des plus gros ordinateurs disponibles pendant les « trente glorieuses ». Le PIB de la France a presque doublé, depuis. Bon, il est vrai que question volonté politique, ce n’est plus ça…
[“Il est assez évident que plus un pays est riche, plus il consomme de tout : énergie, nourriture, habillement, électroménager, puisqu’on consomme ce qu’on peut se payer. Si vous tracez la consommation de Champagne en proportion au PIB, vous trouverez probablement une corrélation aussi avec le PIB. Peut-on pour autant dire qu’une croissance sans augmentation de la consommation de Champagne est impossible ?” Justement, vous commettez l’erreur fondamentale que pointe Jancovici dans sa critique des économistes. Le raisonnement que vous tenez consiste à croire que dans une économie l’énergie est un bien de consommation comme les autres. Or ce n’est pas du tout le cas : l’énergie EST l’économie.]
Je ne saisis pas le rapport. Vous me montrez un graphique et vous prétendez tirer de ce graphique une conclusion. Je vous montre que ce raisonnement est défectueux, c’est tout. Maintenant, si vous m’expliquez que « l’énergie EST l’économie », alors vous n’avez plus besoin de graphique puisque votre prémisse est en même temps votre conclusion.
Accessoirement, je ne partage pas la vision de Jancovici sur ce point. Je ne pense pas qu’on puisse réduire l’économie à l’énergie. C’était peut-être vrai conjoncturellement pendant la révolution industrielle et jusqu’aux années 1950, mais ce n’est plus le cas depuis.
[Ce n’est pas parce que nous avons des grandes économies que nous produisons et consommons beaucoup d’énergie, c’est parce que nous disposons d’une grande quantité d’énergie que nous bénéficions d’économies prospères.]
C’est votre affirmation. Mais je ne vois pas l’argumentation qui la soutient.
[A contrario, à partir du moment où la quantité d’énergie dont on dispose diminue, le nombre de machines qu’on peut faire fonctionner baisse également.]
Non, non, non et non. L’augmentation de l’efficacité énergétique des machines me permet de faire tourner plus de machines avec moins d’énergie. Votre raisonnement suppose que l’efficacité énergétique des processus productifs est une donnée fixe et ne peut être améliorée. Or, c’est précisément ce point de vue que je conteste : aussi longtemps que l’énergie était abondante et bon marché, on n’a pas fait trop d’efforts. Mais l’histoire a montré que lorsque l’énergie est devenue chère – par exemple, lors du choc pétrolier en 1974 – les sociétés ont réussi assez rapidement à s’adapter, à réduire leur consommation tout en poursuivant leur croissance.
[Vous remarquerez par ailleurs que je n’ai pas nié la possibilité d’atteindre une meilleure efficacité énergétique,]
Faudrait savoir : dans le paragraphe précédent vous m’expliquiez que « à partir du moment où la quantité d’énergie dont on dispos diminue, le nombre de machines qu’on peut faire fonctionner baisse également ». Mais maintenant vous me dites que vous ne niez pas qu’on puisse atteindre une meilleure efficacité énergétique… or, ces deux affirmations sont contradictoires : si l’on peut améliorer l’efficacité énergétique, alors on peut faire tourner plus de machines avec moins d’énergie.
[“Pourriez-vous exposer le raisonnement ? Je vois mal ce qui dans la « définition de ce qu’est la croissance » condamne à augmenter la consommation d’énergie dès lors que la croissance est positive. ” Si l’on considère que la croissance économique consiste dans la variation positive de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée, et que l’énergie consiste dans la mesure de la capacité d’un système à transformer un état, alors il ne peut y avoir de croissance sans consommation d’énergie proportionnelle.]
Ce que vous exposez là n’est pas un argument, c’est la reformulation de la même affirmation en des termes différents. Vous ne pouvez pas prouver que ma fille ne voit pas en affirmant qu’elle est aveugle. Je note par ailleurs que vous aviez accepté qu’on peut améliorer l’efficacité énergétique des processus productifs, ce qui implique nécessairement que la consommation d’énergie n’est pas « proportionnelle » à la production.
[On peut toujours tenter de produire plus tout en réduisant la quantité d’énergie introduite dans le processus, mais il faudra toujours consommer de l’énergie pour assurer une production croissante et donc augmenter la consommation d’énergie.]
Cette phrase se contredit elle-même : si vous produisez « plus » tout en « réduisant la quantité d’énergie introduite dans le processus », alors vous pouvez avoir une production croissante et une consommation d’énergie décroissante.
[Alors oui, des ajustements sont possibles en améliorant l’efficacité énergétique. Mais au regard de la quantité colossale des investissements à réaliser ne serait-ce qu’en France (économie relativement décarbonée), il faudrait assumer les choses et définir la transition énergétique comme non seulement une urgence, mais une priorité politique mondiale (ce que vous refusez visiblement).]
Les investissements ne sont pas si « colossaux » que ça, du moins en France. Les investissements de renouvèlement nécessaires dans les secteurs déjà largement décarbonnés comme la production d’électricité sont assez raisonnables. Pour les autres, il faudrait raisonner à la Pareto : mettre l’argent là où les gains sont les plus faciles : isolation thermique des bâtiments neufs ou renovables, développement du transport par voie ferrée… le problème est que pour des raisons idéologiques on veut mettre de l’argent là où c’est plus « symbolique »… comme par exemple pour fermer les centrales nucléaires.
Quant à en faire une priorité politique mondiale… je ne « refuse » rien. Je constate que les priorités politiques sont faites par des autorités politiques, et qu’il n’existe aucune autorité politique mondiale qui puisse faire des politiques climatiques une priorité mondiale. Je ne suis même pas convaincu que les écologistes soient prêts à faire de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité. Si tel était le cas, ils auraient dû se battre contre la fermeture de Fessenheim, puisque la lutte contre le réchauffement est « prioritaire » sur toute autre considération, y compris le risque d’un accident nucléaire…
[“A qui ? Vous levez-vous chaque matin sans savoir si vous aurez du courant électrique le soir, sortez-vous votre voiture avec la peur au ventre de ne pas pouvoir trouver du carburant ? Non, le problème ne se pose pas pour le moment.” D’une part, si l’on suit la théorie de Jancovici, la diminution des extractions pétrolières est directement à l’origine des dysfonctionnements de notre économie et notamment de la crise de 2008.]
Mais de quelle « diminution des extractions pétrolières » parle-t-on ? A partir de 2008 on voit une diminution de la production de pétrole CONVENTIONNEL, pas de la production TOTALE. Il n’y a jamais eu de pénurie d’hydrocarbures, et surtout pas en 2008 qui a vu plutôt les prix s’effondrer. Alors, on voit mal comment la « diminution des extractions pétrolières » aurait pu avoir un rôle dans la crise de 2008.
[Le retour de la croissance n’est plus possible puisque l’on a atteint le pic pétrolier et qu’on ne dispose d’aucune énergie comparable sur le long terme. Les problèmes d’approvisionnement empêchent physiquement l’amélioration du niveau de vie, ce qui provoque des tensions sociales. Dans cette perspective, la crise des Gilets jaunes par exemple est une crise avant tout énergétique.]
Ce « tout est dans tout et réciproquement » ne me paraît pas très productif en termes de réflexion. Encore une fois, ON N’A PAS ATTEINT LE PIC PETROLIER. A supposer même qu’on ait atteint le pic pétrolier en ce qui concerne le pétrole CONVENTIONNEL, cela ne se traduit nullement en une rareté de la ressource sur les marchés mondiaux, tout au contraire : la production dépasse largement la demande, et la meilleure preuve en est que les prix se maintiennent depuis de longues années à des niveaux historiquement bas. En quoi les « tensions sociales » (et en particulier les Gilets Jaunes) pourraient avoir pour cause une pénurie qui n’existe pas ?
[D’autre part, vous semblez une fois encore obérer le problème du réchauffement climatique, en partie responsable par exemple des incendies en Australie (et il y aurait des tas d’autres évènements à travers le monde à relier avec ce problème). Alors oui, excepté le fait que le mois dernier a été le mois de mai le plus chaud jamais observé depuis qu’on enregistre les températures, je ne perçois pas les conséquences de cette situation à ma petite échelle. Et c’est normal : c’est un problème global et de long-terme, qui impose donc d’agir en amont. Dire que “l’anticipation d’un problème n’est pas un problème en soi” n’a aucun sens dans un contexte où nos actions d’aujourd’hui produiront leurs effets dans une ou deux décennies. Si l’on attend que le niveau de l’eau monte de 70 cm ou que la température moyenne augmente de 2°C pour commencer à résoudre le problème (comme vous le suggériez dans votre message initial : “quand le problème se posera, on essaiera de le résoudre”), nous sommes foutus.]
Alors, nous sommes foutus. Parce que vous aurez beaucoup de mal à persuader l’homme d’aujourd’hui de réduire son niveau de vie pour résoudre les problèmes qui ne se poseront de manière pressante dans trois générations. Il est déjà difficile de persuader les gens de se sacrifier pour leurs enfants, alors leurs arrière-petits enfants, vous pensez…
[“Beh alors on réduira notre niveau de vie, puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. Je n’arrive pas bien à comprendre ce qui vous tracasse.” Ce qui me tracasse ? Les conséquences d’un changement climatique qui rendrait notre environnement trop hostile pour la vie humaine, combinées à une économie mondiale impréparée pour faire face à ses limites physiques lorsque celles-ci rendront intenables notre système. Je me trompe peut-être, mais il ne me semble pas qu’il s’agisse d’un avenir souhaitable.]
Mais encore une fois, si le changement climatique rend notre environnement trop hostile pour la vie humaine, l’humanité disparaîtra, et la question de savoir si le système économique est ou non prêt à faire face à ses limites physiques n’aura plus aucun intérêt. D’une certaine façon, vous m’expliquez que deux choses vous préoccupent : l’une est que demain matin une météorite va tomber sur la maison, l’autre que le toit de la maison fuit. Si le premier événement est probable, alors le second n’a plus beaucoup d’importance.
Quant au réchauffement climatique, je ne crois pas un instant à la possibilité d’obtenir des hommes qu’ils sacrifient volontairement leur niveau de vie pour protéger hypothétiquement leurs arrière-petits-enfants. Alors de deux choses l’une : soit l’intelligence humaine trouve des solutions pour maintenir le niveau de vie tout en protégeant le climat, soit on est morts. Je préfère parier sur la première hypothèse…
[“Il n’y a là-dedans aucun « sophisme » : soit le problème a une solution, et alors j’ai confiance à l’ingéniosité humaine pour la trouver, soit le problème n’a pas de solution, et alors ce n’est plus un problème. Vous voudriez que je désespère en pensant à une catastrophe que je n’ai pas les moyens d’empêcher ?” Il faut savoir, est-ce qu’on réalise des investissements massifs pour éviter ou du moins atténuer la “catastrophe”,]
Je ne comprends pas : si vous ne pensez pas que l’ingéniosité humaine puisse trouver une solution, en quoi voulez-vous « investir » ?
[“Mais… ce que vous appelez « affronter la réalité » ressemble plutôt à un acte de résignation : en quoi serions-nous « maîtres de notre destin » alors qu’au contraire on se résignerait à ce que le sort nous impose ? En quoi serait « voulue » une décroissance alors que vous me répétez qu’il n’y a pas d’alternative ?” Vraiment ? Vous ne percevez pas la différence entre réorganiser l’économie pour maintenir un modèle de société viable dans un monde où la décroissance économique deviendra la règle, et continuer à foncer dans le mur pour jouir jusqu’à la dernière miette d’un système qui n’est pas durable ? Je crois qu’il s’agit de deux chemins nettement distinct, et le premier mène à un avenir meilleur.]
Les deux mènent au même endroit. La seule différence, c’est la vitesse à laquelle on arrive. Parce qu’un jour, qu’on « décroisse » ou pas, il n’y aura plus une goutte de pétrole, un gramme d’uranium, un morceau de charbon. Et là on peut se demander, qu’est ce qui vaut mieux : vivre riche et mourir à 40 ans, ou vivre jusqu’à 80 ans une vie misérable ?
[Si vous y réfléchissez bien, et pour filer votre analogie, ma perspective se rapproche bien plus d’un système de retraite que d’un suicide. La logique est exactement la même : renoncer à une partie de notre confort actuel, tant que tout va bien, et provisionner pour les jours d’après, car on sait qu’ils seront difficiles.]
Sauf que, dans un système de retraite, c’est celui qui fait les provisions qui en bénéficie. Dans le cas de la décroissance, vous sacrifiez votre niveau de vie au bénéfice de gens que vous ne connaîtrez pas, puisqu’ils seront nés bien après votre mort…
[Votre analogie n’est pas la bonne car vous considérez que les sacrifices à faire pour se libérer de la dépendance aux fossiles sont équivalents aux conséquences que le maintien d’un système non-durable engendrerait. C’est bien entendu faux.]
Ah bon ? Pourriez-vous exposer les arguments qui vous permettent d’arriver à cette conclusion ?
[“Justement, je me refuse à ce choix binaire…” Vous donnez dans le “en même temps” maintenant ?]
Non, pas du tout, mais je me méfie des visions manichéennes. Il y a toujours plus de deux options…
[Encore une fois, votre analogie est fausse. Pour les décennies qui viennent, l’humanité n’est pas condamnée à mourir mais à régresser. Il s’agit de choisir entre une régression maîtrisée, donc modérée, ou une régression subie et beaucoup plus violente, avec des conséquences autrement désastreuses. C’est là que la volonté humaine joue son rôle.]
Régresser, c’est mourir un peu. Je doute que vous trouviez un consensus démocratique pour accepter une telle posture.
[“Parce qu’imaginer que nous ne pouvons rien faire… c’est se donner un bon argument pour rien tenter.” Mais c’est vous qui prônez de ne rien faire, de se “résigner”, d’attendre qu’une catastrophe nous frappe de plein fouet.]
Au contraire. Quand je vous dis que je fais toute confiance à l’ingéniosité humaine, je ne parle pas d’une confiance passive. L’ingéniosité se manifeste justement dans l’action.
[Quand un problème se pose à vous, vous attendez qu’il se résolve de lui-même ou vous le prenez en mains pour le régler, quitte à faire des sacrifices ? La première option ne relève pas d’un “calcul parfaitement rationnel”, la seconde oui.]
Les deux relèvent d’un calcul rationnel. On sait bien qu’il y a toute une catégorie de problèmes qui se résolvent d’eux-mêmes si on leur laisse le temps (n’oubliez la formule d’Henri Queuille : « il n’y a pas de problème qu’une absence totale de solution n’en finisse par venir à bout »). Il y en a d’autres que vous pouvez régler quitte à « faire des sacrifices », et enfin il y en a qui n’ont pas de solution quoi que vous en fassiez. Tout l’art est de classer votre problème dans l’une de ces trois catégories.
Mais classer un problème dans la deuxième catégorie implique avoir confiance dans votre capacité à le résoudre. Mais en relisant ce débat, je m’aperçois qu’en fait le problème n’est pas le même pour vous et pour moi. Pour vous, la question est de survivre, pour moi, c’est de survivre SANS BAISSER LE NIVEAU DE VIE. C’est pourquoi pour vous la décroissance est une solution, et pas pour moi.
[Je n’ai jamais dit cela. La “décroissance”, chose éminemment non-souhaitable, consiste bien dans une baisse du niveau de vie. Il ne pourrait pas en aller autrement : baisser le niveau de la production, c’est baisser la quantité de biens dont on dispose (ou la fréquence de leur renouvellement) ; c’est ne plus bénéficier d’augmentation du revenu à mesure qu’on progresse dans sa carrière, vivre moins bien à 50 ans qu’à 30, avoir moins de soins et moins d’enfants.]
Et c’est ça la perspective que vous proposez à la jeunesse ? Avec la circonstance aggravante que l’intérêt de ce sacrifice n’apparaîtra que dans un siècle, quand elle sera morte et enterrée ? Pensez-vous que ce soit une perspective crédible ?
@ Advocare
[soit nous affrontons la réalité et nous réorganisons nous-mêmes et dès maintenant la société pour rester maîtres de notre destin (ce qui passe par une décroissance voulue), soit nous subissons les conséquences désastreuses de notre attentisme, ce que vous appelez “se résigner” (et à quoi aspirent secrètement les collapsologues). Autrement dit, on a schématiquement le choix entre la régression organisée ou le chaos subi.]
Mais qui est le “nous” ? En absence de “gouvernement mondial”, la plus grosse entité qui puisse agir, c’est un pays. Supposons que dans un accès clairvoyance (ou de trouille collective) les Français décident de supprimer immédiatement toute utilisation de combustible fossile pour éviter le “chaos”. De combien cela ferait-il baisser les émissions de CO2 dans le monde ?
Réponse : moins de 1%. Autrement dit, rien.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_%C3%A9missions_de_dioxyde_de_carbone
Pourquoi de pourrir la vie pour rien ?
@ BJ
[Supposons que dans un accès clairvoyance (ou de trouille collective) les Français décident de supprimer immédiatement toute utilisation de combustible fossile pour éviter le “chaos”. De combien cela ferait-il baisser les émissions de CO2 dans le monde ? Réponse : moins de 1%. Autrement dit, rien.]
Vous avez mis le doigt sur le noeud du problème: le combat contre le réchauffement climatique ne sert que si tout le monde s’y met, et la tentation de certains de jouer les passagers clandestins est irrésistible, d’autant plus qu’on demandera le plus grand effort à ceux qui en ont moins: ce n’est pas en Europe que l’utilisation de l’énergie est la moins efficiente…
@ Descartes
[Ma belle-mère aussi, et elle n’agite pas grande chose.]
Si, apparemment, votre adrénaline ! Mais elle n’a, semble-t-il, pas grand peine.😀
Dans le même registre, le 27 mars, Greenpeace et d’autres appelaient déjà à “préparer le jour d’après” et à “reconstruire ensemble un futur écologique, féministe et social” : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/tribune-plus-jamais-ca-18responsables-d-organisations-syndicales-associatives-et-environnementales-appellent-a-preparer-le-jour-dapres_3886345.html
Mais d’un autre côté, la parole d’écolos plus rationnels semble de plus en plus écoutée. Il y a encore quelques années, tout ce qu’on avait dans le genre, c’était par exemple l’association des écologistes pro nucléaire : http://ecolo.org/intro/introfr.htm
Aujourd’hui, des Youtubers écolo et pro nucléaire font des millions de vues. Par exemple la chaîne “Experimentboy” : https://www.youtube.com/watch?v=NtOJ2HhyBmQ ou la chaine “écologie rationnelle” : https://www.youtube.com/watch?v=5pHHkEM4i1c
Il y a peut-être un peu d’espoir…
@ Jean-François
[Mais d’un autre côté, la parole d’écolos plus rationnels semble de plus en plus écoutée.]
Plus présente serait un terme plus juste. Oui, on trouve bien plus de gens qui abordent les questions écologistes sous un angle rationnel et qui cherchent des solutions en dehors des préjugés de l’écologisme romantique (“la nature c’est bien, le nucléaire c’est mal”). Mais vous vous avancez un peu lorsque vous dites que ces vois sont “de plus en plus écoutées”. Malheureusement, mon impression est à l’opposé: l’écologisme arrive au contraire à peser de plus en plus lourd, en particulier parce que cette idéologie fait vivre de plus en plus de monde: entre le secteur des énergies renouvelables qui se fait des c…. en or grâce aux subventions publiques et la foule de “consultants” qui aident entreprises, collectivités locales et institutions publiques à laver leurs péchés…
@Descartes
Toute la question est dans quoi s’investit le discours écologiste. Si les « verts » finissent par abandonner leur obsession anti-nucléaire et se contentent d’idioties symboliques du style végétaliser les façades (dans le même registre, les « verts » parisiens veulent apparemment remettre la Bièvre à ciel ouvert… comprenne qui pourra), je considérerai qu’un combat important aura été gagné.
@ Ian Brossage
[Toute la question est dans quoi s’investit le discours écologiste. Si les « verts » finissent par abandonner leur obsession anti-nucléaire et se contentent d’idioties symboliques du style végétaliser les façades (dans le même registre, les « verts » parisiens veulent apparemment remettre la Bièvre à ciel ouvert… comprenne qui pourra), je considérerai qu’un combat important aura été gagné.]
Mais si les écologistes faisaient cela, ils deviendraient des socialistes… 😉
[Plus présente serait un terme plus juste. Oui, on trouve bien plus de gens qui abordent les questions écologistes sous un angle rationnel et qui cherchent des solutions en dehors des préjugés de l’écologisme romantique (“la nature c’est bien, le nucléaire c’est mal”). Mais vous vous avancez un peu lorsque vous dites que ces vois sont “de plus en plus écoutées”. ]
Les écolos antinucléaires sont restés marginaux en termes de popularité, mais actifs médiatiquement. Ils ont semé pendant des décennies, et cela paye aujourd’hui.
Je suis ravi de constater que des “influenceurs”, comme on dit, sont en train de semer d’autres graines… C’est plutôt de bon augure à moyen terme, non ?
Vous avez peut-être raison, c’est difficile à dire. J’ai aussi remarqué que parmi mes connaissances qui sont anti-nucléaire, de plus en plus admettent que comme l’éolien et le solaire sont intermittents, et que le stockage engendre de fortes émissions de gaz à effet de serre, on ne peut pas se passer du nucléaire. Ça peut avoir l’air de rien, mais étant donné que Greenpeace, négaWatt, etc. continuent de prétendre que l’on pourrait sortir du nucléaire sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre, cela me paraît un pas énorme.
Dommage que vous ne donniez pas de liens vous permettant d’affirmer “pour les écologistes, c’est parce que l’homme ne respecte pas la Nature que le désastre est arrivé”
En leur faisant ce procès sans dire sur quelles pièces du dossier vous vous appuyez, ne faites-vous pas ce qu’on appellerait “un procès d’intentions” ?
Nous donneriez-vous donc, svp, des liens illustrant des positions écologistes postulant “une nature « bienveillante » pourvu que nous vivions en harmonie avec elle”. ?
@ Claustaire
[Dommage que vous ne donniez pas de liens vous permettant d’affirmer “pour les écologistes, c’est parce que l’homme ne respecte pas la Nature que le désastre est arrivé”. En leur faisant ce procès sans dire sur quelles pièces du dossier vous vous appuyez, ne faites-vous pas ce qu’on appellerait “un procès d’intentions” ?]
Non. D’une part parce qu’un “procès d’intention” c’est une accusation fondée non pas sur ce que les gens font, mais sur les raisons qu’ils auraient pour le faire, et que ce n’est pas le cas ici. Et d’autre part, si je ne cite pas les pièces du procès, c’est parce que j’imaginais qu’elles sont de notoriété publique. Il suffit de faire un petit tour sur la toile – ou sur les médias – pour trouver des écologistes qui font le lien entre l’épidémie de Covid-19 et “le saccage de la nature”. Quelques exemples ? Le site de “plante urgence” titre ainsi “Coronavirus : la revanche de la planète sur l’Humanité ?” et sous-titre “Des épidémies propagées par le saccage de l’environnement”. Plus connu, le colpte face-de-bouc du groupe écolo-radical “Alternatiba” propose une vidéo sobrement intitulée “CORONAVIRUS : LA DESTRUCTION DE L’ENVIRONNEMENT NOUS TUE” (majuscules sur l’original). Et il y en a comme ça des douzaines… sur ça, comme disent les anglais, “I rest my case, m’lud”.
[Nous donneriez-vous donc, svp, des liens illustrant des positions écologistes postulant “une nature « bienveillante » pourvu que nous vivions en harmonie avec elle”. ?]
Je vous invite à lire ou relire la prose de Pierre Rhabi, fort explicite sur la question et disponible un peu partout sur la toile. Pour donner une citation précise: « La nature offre à la fois ce qui nourrit le corps et le guérit, émerveille l’âme, le coeur et l’esprit. ». Si ce n’est pas de la bienveillance de la nature, de “offrir” aussi gentiment tout ce dont nous avons besoin…
Nous sommes bien d’accord que l’on peut trouver des kyrielles, sinon des processions ou des cortèges de gens qui se disent “écologistes” et qui sont plus (pittoresquement ou pathétiquement) poètes, mystiques ou eschatolo’ qu’écolo. Et qui servent, finalement, autant d’aimants (pour les uns) que de repoussoirs (pour les autres) à l’écologie.
Pour autant ces “illuminés” se prêtant à de pittoresques focalisations médiatiques ne résument de loin pas les chercheurs, scientifiques et politiques éclairés que l’on regroupe habituellement sous l’étiquette (très kaléidoscopique il est vrai) “écologistes” (puisque “écologues” n’existe pas).
Au point qu’on peut même, face au changement climatique induit par notre excessif recours aux énergies fossiles carbonées, se dire et être écologiste (ou écologue) tout en reconnaissant que le recours à l’énergie nucléaire reste provisoirement un incontournable (même s’il fournit moins de 10% de notre consommation globale d’énergie) durant toute la longue phase de transition durant laquelle nous apprendrons (peut-être) à nous passer de plus en plus puis définitivement d’énergies carbonées.
En ce sens un Jancovici, à lui tout seul, suffirait à faire comprendre à quel point l’écologie ne doit pas se résumer à la caricature qu’en permet un certain écologisme, caricature dont vous faites, me semble-t-il, la démonstration ci-dessus en vous saisissant avec trop de joie des bâtons que vous tentent de pauvres gens (si illustres soient-ils) pour les battre (et dont notre Hulot, dans son égarement médiatique offert au Monde donne en effet un triste exemple).
@ Claustaire
[Nous sommes bien d’accord que l’on peut trouver des kyrielles, sinon des processions ou des cortèges de gens qui se disent “écologistes” et qui sont plus (pittoresquement ou pathétiquement) poètes, mystiques ou eschatolo’ qu’écolo. Et qui servent, finalement, autant d’aimants (pour les uns) que de repoussoirs (pour les autres) à l’écologie.]
Ce ne sont pas les individus qui sont en cause, mais une idéologie aujourd’hui très largement dominante dans les milieux « écologistes ». Cette idéologie, l’écologisme, vient de loin. Elle plonge ses racines dans le romantisme – et tout particulièrement dans le romantisme allemand – qui apparaît en réaction au rationalisme des Lumières. Et ce n’est pas par hasard si cette vision revient aujourd’hui portée par le bloc dominant.
[Pour autant ces “illuminés” se prêtant à de pittoresques focalisations médiatiques ne résument de loin pas les chercheurs, scientifiques et politiques éclairés que l’on regroupe habituellement sous l’étiquette (très kaléidoscopique il est vrai) “écologistes”.]
De quels « politiques éclairés » parlez-vous ? De Yves Cochet, par exemple ?
Désolé, mais on retrouve les politiques, les scientifiques et les chercheurs « écologistes » très souvent adhérant aux discours que vous qualifiez de « illuminés ». Et ceux qui se tiennent a distance s’abstiennent prudemment de critiquer ceux qui s’y vautrent. Pourquoi, à votre avis ?
[(puisque “écologues” n’existe pas)]
???
[Au point qu’on peut même, face au changement climatique induit par notre excessif recours aux énergies fossiles carbonées, se dire et être écologiste (ou écologue) tout en reconnaissant que le recours à l’énergie nucléaire reste provisoirement un incontournable]
Mais curieusement, très peu de personnes se qualifiant elles-mêmes de « écologistes » prennent cette position. Pourquoi, à votre avis ?
[En ce sens un Jancovici, à lui tout seul, suffirait à faire comprendre à quel point l’écologie ne doit pas se résumer à la caricature qu’en permet un certain écologisme,]
Un « certain écologisme » ? C’est le seul « écologisme » disponible !
Permettez-moi de le répéter : il est trop facile de caricaturer un adversaire pour pouvoir ensuite se moquer de lui. Vouloir résumer l’écologie aux caricatures qu’en permettent certains écologistes serait un navrant exemple de mauvaise foi.
En réduisant l’écologie à certains écologistes caricaturaux, vous lui faites le même (inutile sinon ridicule) procès que certains pourraient faire à la science en la réduisant aux caricatures qu’en permettrait le scientisme.
Or, la situation est trop grave pour qu’on puisse encore perdre son temps ou son énergie à des grimaces ad hominem.
Vous êtes meilleur dans votre réponse ci-dessous à Liberty Valence… Néanmoins il importerait de rappeler que l’opposition au nucléaire s’est historiquement mobilisée dans un monde où on l’anticipait pas le problème du réchauffement climatique dû à la consommation d’énergies carbonées.
Faut-il, en outre, rappeler que le recours au nucléaire (avec les réels problèmes qu’il pose par ailleurs) assure moins de 10 % de notre consommation totale d’énergies (en France, qui plus est, un des pays les plus nucléarisés du monde) et qu’il ne sera en aucun cas La solution à nos problèmes énergétiques.
@ Claustaire
[Permettez-moi de le répéter : il est trop facile de caricaturer un adversaire pour pouvoir ensuite se moquer de lui.]
Dans le cas des écologistes, c’est en effet trop facile : il suffit de reproduire leurs propres déclarations, puisqu’ils sont en fait leur propre caricature.
[Vouloir résumer l’écologie aux caricatures qu’en permettent certains écologistes serait un navrant exemple de mauvaise foi.]
J’avais pourtant bien pris la précaution de faire la différence entre la respectable discipline scientifique qu’est l’écologie, et l’idéologie qu’il faut appeler écologisme… je suis désolé que vous reveniez dessus en ajoutant à la confusion. Dans la phrase précédente, qu’entendez-vous par « écologie » ? La discipline scientifique, ou le discours idéologique ?
[En réduisant l’écologie à certains écologistes caricaturaux, vous lui faites le même (inutile sinon ridicule) procès que certains pourraient faire à la science en la réduisant aux caricatures qu’en permettrait le scientisme.]
Absolument pas. Ce n’est pas moi qui « réduit l’écologie à certains écologistes caricaturaux ». Je n’ai nulle par parlé « d’écologie », toujours « d’écologisme ». Et les positions que vous qualifiez de « caricaturales » sont malheureusement celles défendues, par action ou par omission, par l’immense majorité des écologistes. Qui dans la mouvance écologiste majoritaire se permet de critiquer les positions d’un Cochet ou d’un Rhabi ? Personne. Où sont les écologistes qui constatent que l’énergie nucléaire peut être un allié dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Ils sont non seulement ultra-marginaux, mais encourent l’opprobre du reste de la corporation.
Je n’ai nulle part « caricaturé » les positions des écologistes. Je me contente de les réproduire mot pour mot. Et si cela donne l’impression d’une caricature… et bien, ce n’est pas ma faute !
[Or, la situation est trop grave pour qu’on puisse encore perdre son temps ou son énergie à des grimaces ad hominem.]
Faudrait peut-être l’expliquer aux écologistes, et tout particulièrement à ceux qui ont dépensé des trésors d’énergie pour faire fermer Superphénix ou Fessenheim.
[Vous êtes meilleur dans votre réponse ci-dessous à Liberty Valence… Néanmoins il importerait de rappeler que l’opposition au nucléaire s’est historiquement mobilisée dans un monde où on n’anticipait pas le problème du réchauffement climatique dû à la consommation d’énergies carbonées.]
Peut-être. Mais il importerait aussi de rappeler qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, et qu’il serait temps de sortir du dogmatisme et de constater que cette opposition idéologique n’est plus conforme aux priorités du jour. Et vous noterez aussi qu’à l’heure de prévoir le danger climatique, les écologistes n’ont guère été plus clairvoyants que les autres…
[Faut-il, en outre, rappeler que le recours au nucléaire (avec les réels problèmes qu’il pose par ailleurs) assure moins de 10 % de notre consommation totale d’énergies (en France, qui plus est, un des pays les plus nucléarisés du monde) et qu’il ne sera en aucun cas La solution à nos problèmes énergétiques.]
D’abord, sur notre consommation finale d’énergie le nucléaire est plus proche de 25% que de 10%. Mais quand même le nucléaire ne serait pas la solution à TOUS les problèmes, c’est la solution à pas mal d’entre eux. Même si l’électricité ne représente qu’une part minoritaire de notre consommation d’énergie, les émissions liées à la production d’électricité constituent une part importante des émissions totales. Et le report des énergies fossiles vers l’électricité suppose une source d’électricité fiable, sûre et bon marché.
(puisque “écologues” n’existe pas)
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/%C3%A9cologue/27619
Vous avez raison de vous moquer des écologistes, notre maison brule et vous vous moquez de ceux qui appellent les pompiers.
Si on ne fait rien contre le réchauffement climatique (et on ne fait pas grand chose), les conséquences feront passer la crise du covid pour une petite retraite aux flambeaux agréable et on ne pourra pas revenir en arrière. C’est ce qu’il disent, profitons du choc créé par le virus pour réagir. N. Hulot le dit naïvement et maladroitement mais il a mérite de concentrer les caméras sur lui pour faire passer son message.
@ Liberty Valence
[Vous avez raison de vous moquer des écologistes, notre maison brule et vous vous moquez de ceux qui appellent les pompiers.]
Pour prolonger votre métaphore, je me moque surtout de ceux qui lorsque la maison brûle appellent le plombier. Prenons un exemple, si vous le voulez bien : pensez à toute l’énergie que les écologistes ont mis pour obtenir la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, alors que l’électricité nucléaire est celle qui aujourd’hui produit un minimum de CO2. Ne pensez-vous pas que si l’urgence absolue – la maison qui brûle dans votre exemple – est le changement climatique, refuser l’aide du « pompier » nucléaire relève pour le moins de l’inconséquence ?
[Si on ne fait rien contre le réchauffement climatique (et on ne fait pas grand-chose),]
Pardon, pardon : ceux qui ont construit nos 58 réacteurs nucléaires (56 depuis la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim) ont fait beaucoup contre le réchauffement climatique. Ils ont permis de fermer l’ensemble du parc thermique français (charbon et fuel) qui dans les années 70 fournissait encore 80% de l’électricité en France. Pourtant, curieusement, ces gens sont considérés par les écologistes comme des criminels et des assassins. Bizarre, n’est ce pas ?
[les conséquences feront passer la crise du covid pour une petite retraite aux flambeaux agréable et on ne pourra pas revenir en arrière.]
Et alors ? Franchement, si les écologistes faisaient baisser les émissions de gaz à effet de serre, cela se saurait. En Allemagne, ils ont été les fers de lance d’une sortie du nucléaire qui aboutit à AUGMENTER les émissions de CO2 (puisque le backup des productions éoliennes et solaire doit être assuré par des centrales au lignite, au charbon et au gaz). La seule façon dont un écologiste contribue à la baisse des émissions, c’est si vous mettez une éolienne devant sa bouche. Au moins comme ça, vous récupérez un peu l’énergie du vent qu’il produit…
[C’est ce qu’il disent, profitons du choc créé par le virus pour réagir. N. Hulot le dit naïvement et maladroitement mais il a mérite de concentrer les caméras sur lui pour faire passer son message.]
Pensez-vous vraiment que les « 100 propositions » de Hulot risquent de convaincre quelqu’un qui ne soit déjà convaincu ? Que quelqu’un en lisant ça se dira « tiens, il est temps de faire quelque chose pour le climat » ? La main sur le cœur, croyez-vous VRAIMENT que le discours écologiste est capable de persuader quelqu’un ?
Il y a une zone de violence naturelle sans merci qui rejoint les exemples donnés par Descartes. Elle est en chacun de nous, et définit même ce que l’on est. C’est l’immunité.
La lecture de ce billet me fait particulièrement apprécier le vocabulaire guerrier de l’immunologie: les cellules tueuses, auxiliaires, “naturel killer”, sentinelles…l’évasion (immunitaire), la résistance, l’épuisement (immunitaire), l’orage (cytokinique), la tolérance… la perforine, les anticorps; tout ces termes guerriers ne sont pas des vulgarisateurs mais des concepts utilisés en permanence en immunologie. On pourrait ajouter le suicide de la cellule qui n’a plus rien à espérer (autophagie, apoptose) ou le fait de dévorer sa proie (opsonisation, phagocytose).
Comme l’écrit Descartes, la nature n’a rien de bienveillant, et notre propre corps est en permanence le champs de bataille des conflits les plus impitoyables.
La perméabilité des écologistes aux anti vaccins viendrait-elle de là ?
Plutôt que de répondre dans la discussion, je repars sur un sujet neuf, et je réponds à quelques phrases piochées dans la discussion.
Pour rappel, l’historique de la chloroquine, tel que je le reconstitue :
En Janvier ou début Février, une étude chinoise sur plein d’antiviraux connus essaye, in vitro, de déterminer si (et à quelles doses) ces principes actifs sont efficaces sur le coronavirus.
La chloroquine est démontrée efficace, mais à des doses qui sont malheureusement létales pour l’homme. L’histoire avait montré que l’extrapolation à un comportement in vivo n’est pas du tout évidente ; la chloroquine, par exemple étant efficace contre le chikungunya in vitro, mais néfaste in vivo.
Vers fin Février, ou début Mars, un communiqué d’une université chinoise évoque une étude qui montrerait une efficacité in vivo. Mais c’était une erreur… Trop tard, l’emballement médiatique commence, et tout le monde espère le miracle : un médicament connu, pas cher à fabriquer en grande quantité, et efficace contre la maladie redoutée.
Un certain engouement se crée, sans se rendre compte qu’il n’y avait en réalité aucune étude publiée derrière (les démentis chinois n’ont pas été particulièrement clairs non plus).
Raoult, qui est à l’origine de la médiatisation, est intimement convaincu de l’efficacité de la chloroquine, et commence à l’utiliser.
Il annonce en Mars qu’il a commencé et que les premiers résultats, qui restent à préciser et confirmer par des études à plus grande échelle, sont extrêmement encourageants.
Je me souviens que nous avions eu une discussion à ce moment là, et j’étais moi même convaincu de la véracité de ce qu’annonçait Raoult. Ce qui me rassurait !
Mais en creusant, je me suis rapidement rendu compte qu’il n’y avait rien dans l’étude…
J’en ai voulu à Raoult, sur le coup. Je voulais moi aussi croire à l’efficacité de la molécule, mais je lui en voulais d’avoir fait un protocole pourri, qui conduirait à retarder d’autant la mise en place massive de ce traitement (il n’est pas possible de mettre en place massivement un traitement, surtout sur des personnes peu atteinte, sans que le traitement ait montré son efficacité).
Bref, je lui en voulais d’avoir fait perdre 2 semaines à tout le monde sur la mise en place du traitement, alors qu’il aurait pu, en faisant bien son essai clinique, donner des résultats convaincants (ou non).
Par la suite, pas mal d’autres études sont sorties, et ce qui est clair est que l’effet de la chloroquine sur le COVID, s’il existe, n’est pas extraordinaire.
Mais que les risques de cette molécule sont, eux avérés.
La position de Véran est donc totalement logique : un médicament dont l’efficacité n’est pas prouvée, et dont la dangerosité est prouvée, ne doit être utilisé que dans le cas d’essais cliniques.
[Moi, je la compare à un hurluberlu sortant dans les ondes pour affirmer que la terre est plate, suivi des interventions d’éminents géographes expliquant que non, qu’elle est ronde. Je n’appelle pas cela « agiter des idées ».]
Autant je vous suis totalement sur cette histoire de chloroquine, mais je ne comparerais par du tout Raoult à un “hurluberlu”.
Voici mon opinion sur le personnage :
1°) Raoult est un Professeur de médecine, ce qui n’est pas rien. Je sais que, il y a 20/30 ans, les nominations étaient (encore) plus co-optées qu’aujourd’hui ; mais on peut néanmoins considérer qu’il n’est pas possible que Raoult soit incompétent en matière de médecine ou de recherche.
2°) Il a manifestement très rapidement eu des moyens considérables pour monter sa structure, ce qui montre qu’il a une capacité à faire tourner sa boutique, à diriger un service, à obtenir les subventions, etc. largement supérieure à la normale. Bref, un peu un super entrepreneur de la start-up nation, dans son domaine.
3°) Il a un nombre d’articles publiés extrêmement impressionnant. Cela ne peut pas s’expliquer par son seul travail, mais plus vraisemblablement par le fait qu’il a, très jeune, pu truster des places de direction (cf. point 2), qui lui permettaient d’imposer à ceux qui faisaient le travail de le mettre en dernier auteur de leurs papiers. C’est une pratique très regrettable, mais très courante (encore aujourd’hui) : les directeurs de laboratoires ou chefs de services, même s’ils n’ont absolument pas participé aux recherches, s’imposent en dernier auteur, c’est à dire la place de celui qui a encadré la recherche.
Ce type d’attitude tend à mettre en évidence une personnalité avec un égo assez important : il veut être le meilleur.
Au passage, quand il se présente, il montre un site qui référence tous les chercheurs dans chaque domaine en fonction du nombre de publications… Et il apparaît en n°1 !
Je suis allé regarder les chercheurs français d’un autre domaine médical que je connais bien sur le même site… Et les premiers noms sont des personnes ayant très peu publié ; je serais capable de donner de tête les noms d’une dizaine de personnes ayant beaucoup plus publié, dans le même domaine, que la personne donnée n°1 par ce site.
Bref, je suppose que c’est un site qui référence uniquement les articles qui lui ont été donnés. Et je suppose donc que Raoult et son équipe enregistrent systématiquement leurs publications auprès de ce site… Sans doute aussi une histoire d’ego…
4°) Vient maintenant l’épidémie du COVID :
– Il est interviewé en Janvier / Février, et dit publiquement à la télévision que ce n’est qu’une petite gripette, qui n’arrivera de toute manière pas en France, etc. et que les médias en font des tonnes pour rien du tout. Il n’est pas le seul à dire ça, loin de là !
– Manque de pot, l’évolution de la maladie ne va pas dans son sens, il est donc gêné dans son égo.
Il trouve alors un communiqué chinois qui parle de l’efficacité de l’hydroxyclhloroquine, et fait une vidéo “COVID, game over” pour expliquer que cette maladie se traite super facilement, et qu’il n’y a vraiment pas de raison de s’inquiéter. En gros, ça lui permet de ne pas se renier sur ce qu’il avait dit avant.
– Cette vidéo devient virale, et quelques farfouilleurs cherchent à retrouver l’étude chinoise en question. Manque de pot, c’était juste un communiqué envoyé par erreur, et aucune étude ne vient corroborer ce qui était dans le communiqué…
Du coup, il décide de faire lui même une étude à Marseille pour montrer que ça fonctionne. Avec un protocole pourri, de telle manière qu’il n’y ait aucun risque que le résultat puisse être négatif (bizarrement, seul un des paramètres étudié -la charge virale, de peu d’intérêt- a été publié ; peut être les autres étaient ils mauvais ?).
– Et la suite, tout le monde la connaît, avec des études toujours aussi foireuses de son coté. Les études non réalisées par lui qui montrent que ça ne fonctionne pas (je caricature un peu).
Pour se défendre, il trouve plein de biais (réels) dans les études qui lui sont opposées, ce qui montre bien qu’il sait ce qu’est une étude bien montée.
Mais il doit avoir un biais cognitif qui l’empêche de voir les énormes biais dans ses propres études (vous savez, l’histoire de la paille et de la poutre…).
En résumé : une personne certainement compétente, sans être forcément un génie… Mais qui a surtout un égo largement surdimensionné. Du coup, comme il s’est planté, plutôt que de le reconnaître, il sort à chaque fois un truc plus énorme que la fois d’avant pour éviter de reconnaître son erreur.
Ce qui est dommage, c’est qu’il est en train de devenir un “alterscientifique”, qui sera bientôt obligé de parler de biodynamie ou de refus des vaccins pour contenter ceux qui le suivent… Va-t-il tomber si bas ?
[Comme disait un philosophe américain, « le droit de s’exprimer librement n’inclut pas le droit d’être pris au sérieux ». Ce qui me gêne n’est pas tant que le Pr Raoult s’exprime, mais qu’il soit pris au sérieux.]
Pour moi, il est normal de prendre à priori au sérieux quelqu’un qui est professeur de médecine. De même qu’il est à priori normal de prendre au sérieux ce qui nous est dit par un organe de presse ayant pignon sur rue, etc.
Mais dans un cas comme dans l’autre, quand on voit qu’il y a controverse, et qu’il y a des signes un peu inquiétants, il faut savoir prendre ses distances. Il ne serait pas le premier professeur de médecine à déconner (j’ai 4 exemples en tête : un qui déconne à plein tubes sur la maladie de Lyme, un autre sur l’électrosensibilité, et deux, dont un prix Nobel, sur les vaccins).
Ce serait dommage pour Raoult qu’il devienne “celui qui déconne sur la chloroquine”… Je ne le lui souhaite pas. Mais vu comme il est parti, je l’imagine mal accepter de se remettre en cause même si sa cause devient indéfendable scientifiquement. Et il sera alors à ajouter à la bande des professeurs de médecine qui déconnent à plein tubes, et refusent la démarche scientifique avec des arguments sophistiques et populistes…
[Dans le cas de l’homéopathie, le problème n’est pas tant que ce qui ne s’explique pas n’existe pas, mais que toutes les tentatives de mettre en évidence le phénomène (qu’on puisse ou non l’expliquer) ont échoué.]
Ce n’est pas exact. Il y a eu plein d’études, de qualité variable (le graal étant les études contrôlées randomisées en double aveugle avec de gros effectifs).
Énormément de ces études ont mis en évidence un effet de l’homéopathie. Malheureusement, globalement, les résultats sont négatifs sur les études de meilleure qualité, et positifs pour les plus “foireuses”.
Certains homéopathes contestent les études solides qui montrent leur inefficacité, en disant que les traitements n’ont pas été personnalisés, comme cela doit se faire pour de la “bonne” homéopathie. En effet, ces études testaient, à ce que j’en sais, l’efficacité d’un médicament homéopathique (industriel) Vs placebo. C’est à dire que, dans tous les cas, il ne s’agissait jamais d’un traitement personnalisé.
Ces homéopathes considèrent que, comme le traitement doit être personnalisé, on ne peut pas faire d’étude statistique. Mais pourtant, j’ai un protocole à proposer (je ne suis pas le seul) :
– Des patients vont voir des homéopathes participant à l’étude.
– Les homéopathes font un diagnostic et une prescription personnalisée à chaque patient.
– Les patients vont avec leur prescription chez le pharmacien (participant aussi à l’étude), qui leur remet un placebo pour 50% d’entre eux, et ce qui était prescrit pour les autres 50%.
– Les patients retournent voir le médecin prescripteur 8 jours plus tard, et celui ci doit, pour chaque patient, évaluer si le traitement a été efficace ou non (c’est le médecin prescripteur qui évalue lui même l’efficacité, c’est important).
Ainsi, on peut faire une vraie étude contrôlée randomisée en double aveugle complet (pour peu que le pharmacien en face du patient ne soit pas celui qui fasse la modif).
A ma connaissance, un tel protocole n’a jamais été mis en place. C’est dommage, ça ne doit pas coûter très cher à faire. Si réellement l’homéopathie est très efficace, une cohorte de l’ordre de moins 100 patients pourrait suffire à avoir des résultats significatifs (p<0.05).
Ça n'est donc pas un gros travail à faire, et les promoteurs de l'homéopathie pourraient, avec une telle étude sur quelques centaines de patients, montrer une efficacité, si celle ci est réelle…
Comme j'ai l'impression que la plupart des homéopathes sont profondément convaincus de leur pratique, je ne comprends pas qu'ils ne prennent pas eux même l'initiative d'une telle étude !
@ Vincent
[En Janvier ou début Février, une étude chinoise sur plein d’antiviraux connus essaye, in vitro, de déterminer si (et à quelles doses) ces principes actifs sont efficaces sur le coronavirus.
La chloroquine est démontrée efficace, mais à des doses qui sont malheureusement létales pour l’homme. L’histoire avait montré que l’extrapolation à un comportement in vivo n’est pas du tout évidente ; la chloroquine, par exemple étant efficace contre le chikungunya in vitro, mais néfaste in vivo.]
Tout à fait. Extrapoler les essais in vitro à une utilisation in vivo est exactement ce que fait Donald Trump lorsqu’il suggère qu’on injecte de l’eau de javel aux gens…
[Vers fin Février, ou début Mars, un communiqué d’une université chinoise évoque une étude qui montrerait une efficacité in vivo. Mais c’était une erreur… Trop tard, l’emballement médiatique commence, et tout le monde espère le miracle : un médicament connu, pas cher à fabriquer en grande quantité, et efficace contre la maladie redoutée.]
En d’autres termes, une présentation qui a tout pour satisfaire les envies de croire de la population. Ah non, il manque une chose : il faut qu’il soit condamné par les « élites », c’est ça la touche finale qui lui donnera de la crédibilité suivant la règle qui veut que quelque chose soutenu par les élites est par principe suspect.
En fait, rien n’a changé depuis Parmentier. On raconte que les paysans avaient accueilli fraîchement la pomme de terre, accusée de propager la tuberculose. Parmentier avait fait semer un champ et l’avait fait protéger par des soldats en uniforme – qui avaient la directive de ne pas être trop attentifs dans leur garde. Les paysans s’étaient dit qu’un produit que les élites faisaient surveiller autant ne pouvait qu’être précieux, ont volé quelques-uns de ces tubercules qu’ils ont semés chez eux et c’est ainsi que la pomme de terre s’est propagée. L’anecdote est probablement apocryphe, mais elle figure dans les manuels scolaires de la IIIème République, ce qui montre que l’ambiguïté du rapport du peuple français à ses élites n’est pas nouvelle…
[Raoult, qui est à l’origine de la médiatisation, est intimement convaincu de l’efficacité de la chloroquine, et commence à l’utiliser.]
Je ne sais pas ce qui vous permet de juger de l’intimité des convictions de Raoult. On pourrait tout aussi valablement penser qu’il a vu cyniquement une opportunité de se faire une place dans le paysage médiatique en ajoutant au cocktail précédent ce qui lui manquait, la dénonciation des élites. Et au passage, de régler des comptes avec ses collègues médecins…
[Il annonce en Mars qu’il a commencé et que les premiers résultats, qui restent à préciser et confirmer par des études à plus grande échelle, sont extrêmement encourageants. Je me souviens que nous avions eu une discussion à ce moment là, et j’étais moi même convaincu de la véracité de ce qu’annonçait Raoult. Ce qui me rassurait ! Mais en creusant, je me suis rapidement rendu compte qu’il n’y avait rien dans l’étude…]
Dites-vous bien que si en creusant vous qui n’êtes pas un expert avez réussi à vous rendre rapidement compte qu’il n’y avait rien dans l’étude, un expert virologue comme Raoult a du arriver à la même conclusion bien plus vite. Ce qui laisse planer un doute sur sa bonne foi dans la publication et la mise en scène de cette affaire…
[J’en ai voulu à Raoult, sur le coup. Je voulais moi aussi croire à l’efficacité de la molécule,]
Pourquoi en vouloir à Raoult alors qu’il n’a fait que vous donner ce que vous lui demandiez, à savoir, une histoire que vous auriez envie d’y croire ? Le charlatan vit au dépens de celui qui l’écoute, ne l’oubliez pas…
[Autant je vous suis totalement sur cette histoire de chloroquine, mais je ne comparerais par du tout Raoult à un “hurluberlu”.]
Vous avez raison. « Escroc » serait peut-être le terme le plus approprié.
[1°) Raoult est un Professeur de médecine, ce qui n’est pas rien. Je sais que, il y a 20/30 ans, les nominations étaient (encore) plus co-optées qu’aujourd’hui ; mais on peut néanmoins considérer qu’il n’est pas possible que Raoult soit incompétent en matière de médecine ou de recherche.]
Justement, c’est parce qu’il est compétent que l’affaire est grave. Si Raoult était un simple charlatan, on pourrait se demander si son discours et la conséquence de l’ignorance ou de la mauvaise foi. S’agissant d’un expert reconnu, le doute n’est pas permis. Par ailleurs, si ma concierge peut se permettre de dire n’importe quoi, un professeur de médecine a certains devoirs. Souvenez-vous de ce que De Gaulle avait dit en refusant la grâce de Brasillach : « Dans les lettres comme dans tout, le talent est un titre de responsabilité ».
[2°) Il a manifestement très rapidement eu des moyens considérables pour monter sa structure, ce qui montre qu’il a une capacité à faire tourner sa boutique, à diriger un service, à obtenir les subventions, etc. largement supérieure à la normale. Bref, un peu un super entrepreneur de la start-up nation, dans son domaine.]
Tout à fait. En particulier, il a un grand talent semble-t-il pour organiser un système de « noria » dans les publications qui lui permet d’avoir beaucoup de publications à son nom et donc d’être très bien noté dans les « rankings » scientifiques. Ainsi, si l’on croit le site de son institut, son nom figure comme auteur dans 636 articles entre 2007 et 2013, soit plus d’un article tous les quatre jours (week-ends et fériés compris).
[3°) Il a un nombre d’articles publiés extrêmement impressionnant. Cela ne peut pas s’expliquer par son seul travail, mais plus vraisemblablement par le fait qu’il a, très jeune, pu truster des places de direction (cf. point 2), qui lui permettaient d’imposer à ceux qui faisaient le travail de le mettre en dernier auteur de leurs papiers.]
A la cadence de publication (mieux qu’un article tous les quatre jours) cela ne suffit pas pour expliquer la chose. Même si chacun des chercheurs de son institut mettait son nom dans ses publications, cela ferait une cadence de publication absurde. L’explication la plus vraisemblable est que beaucoup de ces papiers sont bidons : soit il publie le même papier avec trois virgules changées dans différentes revues en même temps, soit il publie le même papier régulièrement en ajoutant chaque fois un paragraphe pour le remettre à jour.
[C’est une pratique très regrettable, mais très courante (encore aujourd’hui) : les directeurs de laboratoires ou chefs de services, même s’ils n’ont absolument pas participé aux recherches, s’imposent en dernier auteur, c’est à dire la place de celui qui a encadré la recherche.]
Personnellement, je ne trouve pas cela « regrettable ». Les chefs de laboratoire peinent souvent pour donner aux chercheurs de leur laboratoire les meilleures conditions de travail, et cela les conduit souvent à devoir sacrifier leurs propres recherches. Il n’est pas anormal que leur mérite soit reconnu par une inclusion dans la liste de signataires des papiers de leurs collaborateurs.
[Ce type d’attitude tend à mettre en évidence une personnalité avec un égo assez important : il veut être le meilleur.]
Non. Il veut être le plus connu. Ce n’est pas la même chose. Mais il n’y a pas que l’égo : dans le système d’évaluation des scientifiques que nous avons copié des Américains, la publication est devenue l’alpha et l’oméga du travail du chercheur. Publier, c’est aussi s’assurer des ressources en personnel et en budget. Et dans un système pervers, il ne faut pas s’étonner que les gens aient des comportements pervers.
[– Il est interviewé en Janvier / Février, et dit publiquement à la télévision que ce n’est qu’une petite gripette, qui n’arrivera de toute manière pas en France, etc. et que les médias en font des tonnes pour rien du tout. Il n’est pas le seul à dire ça, loin de là !]
C’est-à-dire, son discours recoupait exactement ce que les gens voulaient entendre à ce moment-là.
[– Manque de pot, l’évolution de la maladie ne va pas dans son sens, il est donc gêné dans son égo.
Il trouve alors un communiqué chinois qui parle de l’efficacité de l’hydroxyclhloroquine, et fait une vidéo “COVID, game over” pour expliquer que cette maladie se traite super facilement, et qu’il n’y a vraiment pas de raison de s’inquiéter. En gros, ça lui permet de ne pas se renier sur ce qu’il avait dit avant.]
Et encore une fois, son discours recoupait exactement ce que les gens voulaient entendre à ce moment-là.
[Pour se défendre, il trouve plein de biais (réels) dans les études qui lui sont opposées, ce qui montre bien qu’il sait ce qu’est une étude bien montée. Mais il doit avoir un biais cognitif qui l’empêche de voir les énormes biais dans ses propres études (vous savez, l’histoire de la paille et de la poutre…).]
Mais pourquoi parler de « biais cognitif » ? Pourquoi ne pas conclure tout simplement que Raoult agit en fonction de son intérêt ? S’étant placé dans la position de la victime du complot, quelque soient les arguments scientifiques apportés par ses adversaires il s’est assuré le soutien d’une large section de la population qui continuera à le soutenir. Que gagnerait-il à admettre que ses études sont biaisées, voire qu’il s’est trompé ?
Et vous omettez de dire que maintenant son discours est que l’épidémie va disparaître d’elle-même… là encore, il dit ce que les gens veulent entendre en ce moment. Avouez que la répétition de cette adaptation de son discours à ce que les gens veulent entendre est troublante…
[En résumé : une personne certainement compétente, sans être forcément un génie… Mais qui a surtout un égo largement surdimensionné. Du coup, comme il s’est planté, plutôt que de le reconnaître, il sort à chaque fois un truc plus énorme que la fois d’avant pour éviter de reconnaître son erreur.]
Je trouve curieuse votre tendance a exonérer Raoult de toute responsabilité en attribuant ses frasques à un blocage psychologique, à un « égo surdimensionné » alors qu’il semble au contraire agir à chaque fois au mieux de ses intérêts… il est peut-être bien plus cynique que vous ne le faites.
[Ce qui est dommage, c’est qu’il est en train de devenir un “alterscientifique”, qui sera bientôt obligé de parler de biodynamie ou de refus des vaccins pour contenter ceux qui le suivent… Va-t-il tomber si bas ?]
Cela dépende peut-être s’il a quelque chose à gagner …
[Pour moi, il est normal de prendre à priori au sérieux quelqu’un qui est professeur de médecine.]
Du temps ou la logique du « noblesse oblige » imposait aux professeurs de médecine de faire l’effort d’être sérieux, peut-être. Plus maintenant : dans la logique du « paiement au comptant », les professeurs de médecine ont tendance à devenir des comerçants au même titre que les promoteurs de remèdes miracle.
[Ce n’est pas exact. Il y a eu plein d’études, de qualité variable (le graal étant les études contrôlées randomisées en double aveugle avec de gros effectifs). Énormément de ces études ont mis en évidence un effet de l’homéopathie. Malheureusement, globalement, les résultats sont négatifs sur les études de meilleure qualité, et positifs pour les plus “foireuses”.]
En d’autres termes, dès lors qu’on fait les choses sérieusement l’effet disparaît. Il n’est observable que dans les études « foireuses » – c’est-à-dire en général ceux dans lesquels l’effet placebo masque l’inefficacité du traitement. Quelle conclusion en tirez-vous ?
[Certains homéopathes contestent les études solides qui montrent leur inefficacité, en disant que les traitements n’ont pas été personnalisés, comme cela doit se faire pour de la “bonne” homéopathie. En effet, ces études testaient, à ce que j’en sais, l’efficacité d’un médicament homéopathique (industriel) Vs placebo. C’est à dire que, dans tous les cas, il ne s’agissait jamais d’un traitement personnalisé.]
C’est une technique très habile : elle rend impossible toute vérification scientifique de l’efficacité du remède, puisque tout échec thérapeutique peut être expliqué par une mauvaise « personnalisation » du traitement, « personnalisation » qui bien entendu n’est ni formalisable, ni mesurable. L’efficacité de l’homéopathie cesse d’être donc un énoncé scientifique au sens poppérien du terme, puisqu’il n’existe pas d’expérience susceptible de la falsifier. C’est un peu comme l’énoncé « mon chien parle, mais ne le fait que si on s’adresse à lui de la manière appropriée ». Et comme personne ne connaît la manière appropriée, on peut toujours attribuer l’échec à cet élément manquant.
[Ces homéopathes considèrent que, comme le traitement doit être personnalisé, on ne peut pas faire d’étude statistique. Mais pourtant, j’ai un protocole à proposer (je ne suis pas le seul) :
– Des patients vont voir des homéopathes participant à l’étude.
– Les homéopathes font un diagnostic et une prescription personnalisée à chaque patient.
– Les patients vont avec leur prescription chez le pharmacien (participant aussi à l’étude), qui leur remet un placebo pour 50% d’entre eux, et ce qui était prescrit pour les autres 50%.
– Les patients retournent voir le médecin prescripteur 8 jours plus tard, et celui-ci doit, pour chaque patient, évaluer si le traitement a été efficace ou non (c’est le médecin prescripteur qui évalue lui-même l’efficacité, c’est important).
Ainsi, on peut faire une vraie étude contrôlée randomisée en double aveugle complet (pour peu que le pharmacien en face du patient ne soit pas celui qui fasse la modif).]
Malheureusement, ce protocole présente un biais important : rien ne vous garantit que le médecin qui fait la prescription « personnalise » correctement les traitements. Vous ne pouvez donc pas séparer l’effet d’une erreur de prescription et l’inefficacité du produit lui-même.
[Comme j’ai l’impression que la plupart des homéopathes sont profondément convaincus de leur pratique, je ne comprends pas qu’ils ne prennent pas eux même l’initiative d’une telle étude !]
Parce que quand vous voulez croire, vous ne faites surtout pas l’expérience qui risquerait de vous détromper. Surtout quand il y va de votre gagne-pain!
[[J’en ai voulu à Raoult, sur le coup. Je voulais moi aussi croire à l’efficacité de la molécule,]
Pourquoi en vouloir à Raoult alors qu’il n’a fait que vous donner ce que vous lui demandiez, à savoir, une histoire que vous auriez envie d’y croire ?]
Ce que j’espérais était une réelle bonne nouvelle. Pas une fable…
[[C’est une pratique très regrettable, mais très courante (encore aujourd’hui) : les directeurs de laboratoires ou chefs de services, même s’ils n’ont absolument pas participé aux recherches, s’imposent en dernier auteur, c’est à dire la place de celui qui a encadré la recherche.]
Personnellement, je ne trouve pas cela « regrettable ». Les chefs de laboratoire peinent souvent pour donner aux chercheurs de leur laboratoire les meilleures conditions de travail, et cela les conduit souvent à devoir sacrifier leurs propres recherches. Il n’est pas anormal que leur mérite soit reconnu par une inclusion dans la liste de signataires des papiers de leurs collaborateurs.]
Qu’ils soient dans la liste des signataires, non, c’est effectivement logique. Qu’ils trustent la place de premier auteur (celui qui a fait l’étude) ou de dernier auteur (celui qui l’a directement encadrée), ça l’est beaucoup plus.
D’ailleurs, je ne dis pas que Raoult fait ça ; je n’en sais rien…
Pour un jeune thésard, qui veut avoir un poste après sa thèse, il est important d’avoir des articles en 1er auteur, et ce n’est pas “cool” de lui imposer quelqu’un d’autre sur un travail qu’il a fait.
Pour un jeune chercheur, qui veut passer son HDR, ou avoir un poste de charg”é de recherche / maitre de conférence, il est important d’avoir des articles en dernier auteur… même topo
[dans le système d’évaluation des scientifiques que nous avons copié des Américains, la publication est devenue l’alpha et l’oméga du travail du chercheur. Publier, c’est aussi s’assurer des ressources en personnel et en budget. Et dans un système pervers, il ne faut pas s’étonner que les gens aient des comportements pervers.]
On dérive de plus en plus du sujet, mais peu importe…
Vous n’avez pas tort. Mais l’évaluation du travail des scientifiques et des laboratoires porte plus sur la qualité des publications que sur leur nombre. Et les démarches que vous mentionnez ne sont pas compatibles avec les publications dans les revues les plus prestigieuses.
Les travers existent néanmoins. Notamment une course au sensationalisme, pour permettre d’ “accrocher” la meilleure revue possible. Du coup, quand une étude aboutit à un résultat qui n’est pas très intéressant, certains peuvent se dire que ça ne vaut pas le coup de prendre le temps de rédiger l’article, etc. pour finalement “mal” le publier.
Ce qui donne, par autocensure des chercheurs, un biais dans lequel seule les études avec des résultats positifs sont souvent publiées.
Il est d’autant plus remarquable, pour revenir au sujet, qu’une étude avec un résultat négatif ait pu paraitre dans le Lancet. Cela indique bien qu’il s’agit d’une étude très intéressante, puisque les revues publient plus facilement les résultats positifs que les négatifs.
[[Pour moi, il est normal de prendre à priori au sérieux quelqu’un qui est professeur de médecine.]
Du temps ou la logique du « noblesse oblige » imposait aux professeurs de médecine de faire l’effort d’être sérieux, peut-être. Plus maintenant : dans la logique du « paiement au comptant », les professeurs de médecine ont tendance à devenir des comerçants au même titre que les promoteurs de remèdes miracle.]
Il y en a quelques uns qui sont sans doute en manque de notoriété médiatique. Et parmi ceux ci, la plupart essaye de rester sérieux, et il y a quelques quelques brebis galeuses, qui racontent ce que les gens veulent entendre pour avoir plus de micros face à elles… Mais elles ne sont certainement pas représentatives de la masse.
Si on prend quelqu’un comme Philippe Juvin : on peut dire sans se tromper qu’il aime bien qu’on parle de lui, et qu’il aime bien aussi dire ce qu’on attend de lui… Mais pourtant, il reste totalement sérieux dans ce qu’il dit, et, à défaut de reconnaitre qu’il s’est planté, fait évoluer son discours de manière à ne pas être pris en flagrant délit de raconter n’importe quoi…
[En d’autres termes, dès lors qu’on fait les choses sérieusement l’effet disparaît. Il n’est observable que dans les études « foireuses » – c’est-à-dire en général ceux dans lesquels l’effet placebo masque l’inefficacité du traitement. Quelle conclusion en tirez-vous ?]
A titre personnel, je ne crois pas du tout à l’efficacité de l’homéopathie. Mon propos n’a jamais été de vouloir montrer l’inverse. Mais je rebondissais juste sur votre phrase prétendant qu’aucune étude n’avait jamais montré son efficacité. C’est factuellement faux, même si cela ne change pour moi en rien la conclusion.
[C’est une technique très habile : elle rend impossible toute vérification scientifique de l’efficacité du remède, puisque tout échec thérapeutique peut être expliqué par une mauvaise « personnalisation » du traitement, « personnalisation » qui bien entendu n’est ni formalisable, ni mesurable.]
Ca n’est pas si habile que ça (cf. plus bas). Nettement moins que les psychanalystes, qui, dans leur idéal, refusent par principe qu’il puisse y avoir un diagnostic, une évaluation de l’état d’un patient, ou même l’idée d’une guérison.
Si on leur dit qu’il n’ont pas réussi à guérir, la réponse est alors simple : ce n’est pas l’objet de la cure psychanalytique…
[L’efficacité de l’homéopathie cesse d’être donc un énoncé scientifique au sens poppérien du terme, puisqu’il n’existe pas d’expérience susceptible de la falsifier.]
Pour moi si, cf. plus bas
[[Ainsi, on peut faire une vraie étude contrôlée randomisée en double aveugle complet (pour peu que le pharmacien en face du patient ne soit pas celui qui fasse la modif).]]
[Malheureusement, ce protocole présente un biais important : rien ne vous garantit que le médecin qui fait la prescription « personnalise » correctement les traitements. Vous ne pouvez donc pas séparer l’effet d’une erreur de prescription et l’inefficacité du produit lui-même.]
Tout à fait. C’est pour ça que j’avais indiqué qu’il fallait choisir les homéopathes au début de l’étude ; celle ci n’est effectivement pas indépendante du choix des praticiens.
Mais je suis certain que des associations d’homéopathes seraient capables de sélectionner 5 ou 10 de leurs praticiens les plus compétents et expérimentés pour participer à un tel protocole.
On pourra ensuite dire : “l’homéopathie, telle que pratiquée par les meilleurs homéopathes français, qui sont eux même les formateurs dans les écoles d’homéopathie, n’a aucune efficacité”.
Ce qui ne démontre pas que d’autre homéopathes ne sont pas meilleurs. Mais fournit tout de même une bonne indication…
[[Comme j’ai l’impression que la plupart des homéopathes sont profondément convaincus de leur pratique, je ne comprends pas qu’ils ne prennent pas eux même l’initiative d’une telle étude !]
Parce que quand vous voulez croire, vous ne faites surtout pas l’expérience qui risquerait de vous détromper. Surtout quand il y va de votre gagne-pain!]
Je ne sais pas… J’ai peut être une psychologie particulière, mais s’il y avait quelque chose dont j’étais certain, et que d’autres en doutaient, et qu’on m’offrait la possibilité de leur prouver que j’ai raison, je sauterais dessus.
Si je n’en étais pas certain, mais qu’on me donnait la possibilité de trancher la question clairement, je sauterais aussi dessus…
@ Vincent
[« Pourquoi en vouloir à Raoult alors qu’il n’a fait que vous donner ce que vous lui demandiez, à savoir, une histoire que vous auriez envie d’y croire ? » Ce que j’espérais était une réelle bonne nouvelle. Pas une fable…]
Faites attention… vous me semblez tout à fait prêt pour acheter la Tour Eiffel…
[« Personnellement, je ne trouve pas cela « regrettable ». Les chefs de laboratoire peinent souvent pour donner aux chercheurs de leur laboratoire les meilleures conditions de travail, et cela les conduit souvent à devoir sacrifier leurs propres recherches. Il n’est pas anormal que leur mérite soit reconnu par une inclusion dans la liste de signataires des papiers de leurs collaborateurs. » Qu’ils soient dans la liste des signataires, non, c’est effectivement logique. Qu’ils trustent la place de premier auteur (celui qui a fait l’étude) ou de dernier auteur (celui qui l’a directement encadrée), ça l’est beaucoup plus.]
Je crois me souvenir que les papiers sont cités en faisant référence au premier auteur (« Pierre Dupont et al. »). C’est le cas en sciences physiques, au moins… se mettre dans la liste – souvent longue – des auteurs ne rapporte donc pas grande chose.
[Pour un jeune thésard, qui veut avoir un poste après sa thèse, il est important d’avoir des articles en 1er auteur, et ce n’est pas “cool” de lui imposer quelqu’un d’autre sur un travail qu’il a fait.]
Les patrons de thèse récompensent souvent leur thésard en leur laissant la première place alors même que l’idée de l’article vient du patron, et que le thésard n’a fait que le travail expérimental ou bibliographique. En mon expérience, les thésards se montent souvent la tête en s’imaginant que leur patron leur vole leurs idées… mais le plus souvent les thésards n’ont pas assez de connaissances ou d’expérience pour avoir vraiment des idées originales. Les idées viennent souvent de leur patron.
[Vous n’avez pas tort. Mais l’évaluation du travail des scientifiques et des laboratoires porte plus sur la qualité des publications que sur leur nombre. Et les démarches que vous mentionnez ne sont pas compatibles avec les publications dans les revues les plus prestigieuses.]
La mesure de la « qualité » d’une publication est un problème assez compliqué… et le fait qu’une revue soit « à comité de lecture » n’assure pas la qualité des publications. Souvenez-vous du canular de Sokal…
[« Du temps ou la logique du « noblesse oblige » imposait aux professeurs de médecine de faire l’effort d’être sérieux, peut-être. Plus maintenant : dans la logique du « paiement au comptant », les professeurs de médecine ont tendance à devenir des comerçants au même titre que les promoteurs de remèdes miracle. » Il y en a quelques uns qui sont sans doute en manque de notoriété médiatique.]
Il y en a de plus en plus, parce que la « notoriété médiatique » se traduit souvent ensuite par des nominations, des postes, des crédits…
[Et parmi ceux-ci, la plupart essaye de rester sérieux, et il y a quelques quelques brebis galeuses, qui racontent ce que les gens veulent entendre pour avoir plus de micros face à elles… Mais elles ne sont certainement pas représentatives de la masse.]
Peut-être pas… mais dans une société ou ce qui ne se voit pas à la télé n’existe pas, le choix entre le sérieux et les paillettes est souvent cornélien.
[A titre personnel, je ne crois pas du tout à l’efficacité de l’homéopathie. Mon propos n’a jamais été de vouloir montrer l’inverse. Mais je rebondissais juste sur votre phrase prétendant qu’aucune étude n’avait jamais montré son efficacité. C’est factuellement faux, même si cela ne change pour moi en rien la conclusion.]
Vous pinaillez : une étude qui n’est pas sérieuse ne « montre » rien. Tout au plus, il affirme. Pour « montrer », il faut un minimum de sérieux.
[« Malheureusement, ce protocole présente un biais important : rien ne vous garantit que le médecin qui fait la prescription « personnalise » correctement les traitements. Vous ne pouvez donc pas séparer l’effet d’une erreur de prescription et l’inefficacité du produit lui-même. » Tout à fait. C’est pour ça que j’avais indiqué qu’il fallait choisir les homéopathes au début de l’étude ; celle ci n’est effectivement pas indépendante du choix des praticiens. Mais je suis certain que des associations d’homéopathes seraient capables de sélectionner 5 ou 10 de leurs praticiens les plus compétents et expérimentés pour participer à un tel protocole.]
Mais sur quels critères OBJECTIFS on choisirait ces praticiens ? Non, le biais dans votre protocole tient à la structure même de ce que vous voulez démontrer. Dès lors que vous faites dépendre l’efficacité du traitement d’un paramètre aléatoire (la « personnalisation » du traitement, « personnalisation » qui ne dépend que du « feeling » du praticien), vous ne pourrez pas séparer les deux paramètres et donc juger de l’effet thérapeutique du médicament seul.
[On pourra ensuite dire : “l’homéopathie, telle que pratiquée par les meilleurs homéopathes français, qui sont eux même les formateurs dans les écoles d’homéopathie, n’a aucune efficacité”.]
Mais là, vous changez l’énoncé. On parlait ici de l’efficacité du MEDICAMENT homéopathique, pas du traitement homéopathique en général. Par ailleurs, votre expérience – du fait des écarts statistiques – montrera sans doute que « l’efficacité » du traitement est supérieure au placebo pour certains praticiens, inférieure pour d’autres. Quelle conclusion en tirerez-vous ? Que lorsqu’elle est bien pratiquée, elle est efficace ?
[Je ne sais pas… J’ai peut être une psychologie particulière, mais s’il y avait quelque chose dont j’étais certain, et que d’autres en doutaient, et qu’on m’offrait la possibilité de leur prouver que j’ai raison, je sauterais dessus.]
Même si en faisant cette expérience vous risquiez de remettre en cause votre gagne-pain ?
[Je crois me souvenir que les papiers sont cités en faisant référence au premier auteur (« Pierre Dupont et al. »). C’est le cas en sciences physiques, au moins… se mettre dans la liste – souvent longue – des auteurs ne rapporte donc pas grande chose.]
Quand on cite un article, on met les 2 auteurs s’il y en a deux, ou le premier “et al” s’il y en a plus (soit presque toujours). C’est exact.
Mais quand on s’intéresse à ce qui compte pour les labos ou les chercheurs, c’est ce qui est pris en compte sur le CV, ou pour les financements des labos.
C’est particulièrement aigu dans le domaine de la santé.
Je vous invite à regarder les explications ci dessous du “score SIGAPS”, où sont détaillées les nombres de points attribués en fonction du rang d’auteur :
https://www.ifct.fr/index.php/en/la-recherche/item/2065-sigaps-pour-quoi-faire-et-pour-qui
Et, selon les facs, dans les critères pour soutenir une thèse, il faut X articles en premier auteur. Pour soutenir une HDR, Y1 articles en premier ou dernier auteur dans une revue de rang Y2, dont au moins Y3 en dernier auteur…
Bref, la position dans l’ordre des auteurs n’est pas du tout anodine, et peut donner lieu à de vraies guerres de labos.
Quand un directeur de laboratoire (qui n’a pourtant plus son CV à présenter à un concours) impose son nom en dernier, cela veut dire que c’est à celui qui a eu l’idée du sujet et qui a encadré le travail de se battre avec celui qui a fait le travail pour récupérer la place de premier auteur… Pour peu que l’un en ait besoin pour sa thèse et l’autre pour son HDR, vous imaginez les ambiances que ça peut faire…
[Les patrons de thèse récompensent souvent leur thésard en leur laissant la première place alors même que l’idée de l’article vient du patron]
Je dirais même que ce n’est jamais ou presque le thésard qui propose le sujet de recherche. En principe, celui qui propose le sujet est l’encadrant. Et le principe dans les publications est de mettre en premier celui qui a concrètement fait le travail ; et en dernier celui qui a eu l’idée et encadré les travaux. Ces deux places sont à égalité d’importance en termes de “points” (et de financements associés pour les laboratoires affiliés aux chercheurs).
[La mesure de la « qualité » d’une publication est un problème assez compliqué… et le fait qu’une revue soit « à comité de lecture » n’assure pas la qualité des publications. Souvenez-vous du canular de Sokal…]
Tout à fait.
La qualité d’une publication est effectivement un problème. On utilise souvent l’ “impact factor” de la revue, qui correspond au nombre de citations des articles de la revue en question. C’est ce qui conduit les revues à privilégier les articles présentant des résultats originaux, car cela augmenter leur “impact factor”. Bref, ça fonctionne pas mal, mais ça a clairement des effets pervers.
Dans le domaine de la santé, les revues ont été classées par rang (A, B, C…) en se basant notamment sur leur impact factor par rapport aux autres revues de la même spécialité ; cf. le lien que je vous ai envoyé plus haut, qui donne le nombre de points en fonction du rang de la revue.
L’impact factor est aussi associé à une certaine notoriété, et à une grande exigence de la part des éditeurs et des reviewers. Quelqu’un à qui on fait l’honneur de demander une review pour le Lancet, Nature, ou le “New England” (NEJM) aura sans doute beaucoup plus à cœur de faire une revue intéressante, de manière à donner envie à l’éditeur de lui resoumettre plus souvent des articles (c’est très classe sur un CV de dire qu’on a revu X articles pour une revue prestigieuse).
Au delà de la question de l’IF, on ne m’enlèvera pas de l’idée qu’il y a des secteurs de recherche qui laissent un peu plus la place à des “rigolos”…
[Vous pinaillez : une étude qui n’est pas sérieuse ne « montre » rien. Tout au plus, il affirme. Pour « montrer », il faut un minimum de sérieux.]
Oui, je pinaille ; bien sûr. Mais c’est normal sur ce forum me semble-t-il ?
Sur la question de savoir si une mauvaise étude montre quelque chose… J’ai utilisé le verbe “montrer”, et pas “démontrer”… “suggère” aurait été plus approprié…
[[Mais je suis certain que des associations d’homéopathes seraient capables de sélectionner 5 ou 10 de leurs praticiens les plus compétents et expérimentés pour participer à un tel protocole.]
Mais sur quels critères OBJECTIFS on choisirait ces praticiens ? Non, le biais dans votre protocole tient à la structure même de ce que vous voulez démontrer.]
Je ne veux même pas me poser la question des critères de choix. Il faut laisser les défenseurs de l’homéopathie choisir eux même leurs meilleurs experts. Puisque, comme ils le disent, l’homéopathie n’est pas un médicament standardisé, mais une pratique holistique à la limite de l’art, il faut les prendre au mot, et évaluer la pratique globale.
En toute rigueur, la conclusion de l’étude ne sera jamais “l’homéopathie n’est pas efficace”, mais : “l’homéopathie, telle que pratiquée par les meilleurs experts de l’association X, est inefficace”. Mais tout le monde comprendra que ça revient au même.
Quand on évalue des psychothérapies (par exemple pour comparer des TCC, psychanalyses, ou thérapies de la pleine conscience), on peut faire des études sérieuses, et comparer, même si le résultat dépend des praticiens qui ont pratiqué la cure. Et aussi par exemple comparer l’efficacité d’une cure de psychothérapie, celle d’un antidépresseur, et celle des deux ensemble.
Refuser de tels protocoles en arguant qu’ils intègrent une inconnue sur la manière de pratiquer des praticiens implique de refuser toute évaluation d’un soin qui ne soit pas un soin purement technique. C’est extrêmement réducteur.
En fait, et cela m’étonne de vous, vous défendez des arguments qui sont exactement ceux des homéopathes eux mêmes…
[Par ailleurs, votre expérience – du fait des écarts statistiques – montrera sans doute que « l’efficacité » du traitement est supérieure au placebo pour certains praticiens, inférieure pour d’autres. Quelle conclusion en tirerez-vous ? Que lorsqu’elle est bien pratiquée, elle est efficace ?]
Avec un critère usuel en santé, la probabilité qu’un praticien démontre une efficacité supérieure dans un groupe est de 5%. Autrement dit, s’il y a une dizaine de praticiens, il est effectivement probable qu’on aboutisse à ce résultat.
Il y a des moyens de s’affranchir de ce biais. Déjà en considérant les praticiens dans leur ensemble.
Ensuite, en augmentant l’effectif de la cohorte, et en sortant des premiers résultats partiels quand 50% des patients auront été vus, et des résultats finaux. Et on constatera que les “meilleurs” praticiens au début de l’expérience ne sont pas ceux de la fin de l’expérience. Tout le monde sera forcé d’attribuer les résultats au hasard.
@ Vincent
[Mais quand on s’intéresse à ce qui compte pour les labos ou les chercheurs, c’est ce qui est pris en compte sur le CV, ou pour les financements des labos. C’est particulièrement aigu dans le domaine de la santé. Je vous invite à regarder les explications ci-dessous du “score SIGAPS”, où sont détaillées les nombres de points attribués en fonction du rang d’auteur : (…)]
C’était bien mon point : un chef de laboratoire ou de service qui irrigue ses collaborateurs de ses idées ou de sa vision d’ensemble mais qui n’a pas le temps de conduire lui-même des travaux de laboratoire ou de rédiger des papiers ne peut être récompensé qu’en se mettant en « premier auteur » des papiers de son laboratoire…
Cela fait longtemps que j’ai quitté le milieu de la recherche, mais j’y a passé quelques années au début de ma carrière. Je me souviens à l’époque des pleurnicheries des thésards sur le mode « mon patron me pique mes idées ». Personnellement, je ne me suis jamais trop fait d’illusion sur mes propres mérites, et j’était tout à fait prêt à admettre que la plupart des pistes que j’ai poursuivi m’avaient d’abord été suggérée par mon patron de thèse. Le mérite de la découverte lui revenait autant qu’à moi, même si c’était moi qui avait fait l’essentiel du travail expérimental. Je trouvais normal qu’il publie en mettant son nom en premier. Je dois dire que j’ai bien été payé de retour. J’ai eu des publications en « deuxième auteur » dans des revues très prestigieuses ou je n’aurais jamais eu des papiers si je m’étais mis en premier… et j’ai été payé en retour : mon patron a fait attention de me mettre en premier auteur sur suffisamment de papiers pour me faire un CV solide…
[Je dirais même que ce n’est jamais ou presque le thésard qui propose le sujet de recherche. En principe, celui qui propose le sujet est l’encadrant. Et le principe dans les publications est de mettre en premier celui qui a concrètement fait le travail ; et en dernier celui qui a eu l’idée et encadré les travaux. Ces deux places sont à égalité d’importance en termes de “points” (et de financements associés pour les laboratoires affiliés aux chercheurs).]
Cette règle de la « dernière place » n’existait pas dans mon domaine. L’ordre d’importance est donné par l’ordre des signataires.
[« Vous pinaillez : une étude qui n’est pas sérieuse ne « montre » rien. Tout au plus, il affirme. Pour « montrer », il faut un minimum de sérieux. » Oui, je pinaille ; bien sûr. Mais c’est normal sur ce forum me semble-t-il ?]
Tout à fait, tout à fait… c’est ce qui fait son charme…
[En toute rigueur, la conclusion de l’étude ne sera jamais “l’homéopathie n’est pas efficace”, mais : “l’homéopathie, telle que pratiquée par les meilleurs experts de l’association X, est inefficace”. Mais tout le monde comprendra que ça revient au même.]
Du point de vue politique, ce serait une démonstration intéressante – et je crois me souvenir qu’une telle expérience a été réalisée en Grande Bretagne. Mais si le but est de donner une réponse scientifique, c’est insuffisant. Et c’est logique : on ne peut donner une réponse scientifique à une question qui ne l’est pas…
[Quand on évalue des psychothérapies (par exemple pour comparer des TCC, psychanalyses, ou thérapies de la pleine conscience), on peut faire des études sérieuses, et comparer, même si le résultat dépend des praticiens qui ont pratiqué la cure. Et aussi par exemple comparer l’efficacité d’une cure de psychothérapie, celle d’un antidépresseur, et celle des deux ensemble.]
Je ne suis pas persuadé qu’on puisse « évaluer » au sens scientifique du terme une méthode de psychothérapie, même en termes comparatifs. Comment on fait pour comparer l’état de deux patients ?
[En fait, et cela m’étonne de vous, vous défendez des arguments qui sont exactement ceux des homéopathes eux mêmes…]
Pas du tout. Les homéopathes affirment que l’efficacité de leur pratique peut être scientifiquement prouvée. Ma position est que, si on intègre la question de la personnalisation des traitements, la question n’est plus scientifique : évaluer l’efficacité de la pratique homéopathique c’est comme évaluer l’efficacité de la prière.
[Je ne suis pas persuadé qu’on puisse « évaluer » au sens scientifique du terme une méthode de psychothérapie, même en termes comparatifs. Comment on fait pour comparer l’état de deux patients ?]
Il y a des grilles de critères, qui valent ce qu’elles valent. Il y a une dose de subjectivité dedans, mais c’est mieux que de ne faire aucune étude en disant que, comme on ne peut pas faire d’étude hyper rigoureuse, autant ne pas en faire du tout.
Ce type de méthode, avec ses défauts, permet de faire de grandes avancées dans les domaines de la psychiatrie et des sciences cognitives. Et en recherchant des corrélation entre ces échelles “subjectives” et des analyses génétiques ou d’IRM cérébrale, la connaissance du cerveau a fait de grands progrès ces dernières décennies…
La même question se pose de manière encore plus aigue pour la médecine de la douleur : comment évaluer l’efficacité d’un antalgique ? On est bien obligé de s’appuyer sur le ressenti du patient avec des questions du genre : “sur une échelle de 0 à 10, à combien situez vous votre douleur ?”
Ca a beau être hyper subjectif, en moyennant sur des populations différentes, ça permet de comparer l’efficacité de plusieurs produits…
[Les homéopathes affirment que l’efficacité de leur pratique peut être scientifiquement prouvée.]
[évaluer l’efficacité de la pratique homéopathique c’est comme évaluer l’efficacité de la prière.]
Et pourquoi pas ?
D’ailleurs, je ne serais pas surpris que ce type d’étude ait déjà été faite. Si on prend un groupe de 400 individus croyants qui souffrent du dos, on donne un placébo à 100 d’entre eux, on demande à 100 d’entre eux de prier, on fait suivre une psychothérapie à 100 d’entre eux, et on donne ne fait rien aux 100 derniers…
On peut toujours essayer de comparer si la prière est plus ou moins efficace que les autres méthodes…
Des études en IRM fonctionnelles ont été faites chez des sujets croyants en train de prier. Et cela mettait en évidence, de mémoire (je peux me tromper), une activation des mêmes zones du cerveau que celles des anxiolytiques…
Ca ne démontre certes pas l’existence de Dieu, mais indique que la prière peut effectivement être efficace chez certains sujets pour les apaiser…
@ Vincent
[Il y a des grilles de critères, qui valent ce qu’elles valent. Il y a une dose de subjectivité dedans, mais c’est mieux que de ne faire aucune étude en disant que, comme on ne peut pas faire d’étude hyper rigoureuse, autant ne pas en faire du tout.]
Je ne crois pas avoir dit « qu’il ne faut pas faire d’études ». Ce que j’ai dit, ce que ces études ne peuvent pas donner une réponse scientifique, c’est tout. L’inconscient n’a pas plus d’existence scientifique que Dieu, tout simplement parce qu’il est aujourd’hui impossible d’imaginer une expérience qui pourrait falsifier l’un comme l’autre.
[La même question se pose de manière encore plus aigue pour la médecine de la douleur : comment évaluer l’efficacité d’un antalgique ? On est bien obligé de s’appuyer sur le ressenti du patient avec des questions du genre : “sur une échelle de 0 à 10, à combien situez vous votre douleur ?”]
Dans le cas des maladies mentales, le problème n’est pas tant la subjectivité dans le ressenti que l’incapacité du patient à évaluer lui-même son état. Si je suis malade, je peux placer le curseur de ma souffrance entre 0 et 10. Ce sera une évaluation subjective, mais rationnelle. Mais comment mesurer la souffrance de l’homme qui se prend pour Napoléon ?
[« évaluer l’efficacité de la pratique homéopathique c’est comme évaluer l’efficacité de la prière. » Et pourquoi pas ? D’ailleurs, je ne serais pas surpris que ce type d’étude ait déjà été faite. Si on prend un groupe de 400 individus croyants qui souffrent du dos, on donne un placébo à 100 d’entre eux, on demande à 100 d’entre eux de prier, on fait suivre une psychothérapie à 100 d’entre eux, et on donne ne fait rien aux 100 derniers…]
Comment faites-vous pour donner un « placebo » à votre groupe de contrôle ? Il vous faudrait trouver un moyen pour que l’individu s’imagine qu’il est en train de prier alors qu’il ne l’est pas. Et quand même vous arriveriez à trouver le « placebo » adapté, je vous rappelle que l’efficacité de la prière n’est assurée, si l’on croit les prêtres, que si elle est « sincère ». Comment faites-vous pour constituer un échantillon de croyants « sincères » ? Cela suppose d’avoir une mesure de la « sincérité » de la prière, ce qui est méthodologiquement plutôt difficile…
La “sincérité” de la prière joue le même rôle que la “personnalisation” du traitement homéopathique: si ça ne marche pas, vous pourrez toujours dire que ce n’est pas la prière ou le médicament qui est en cause, mais un élément extérieur. C’est en cela que homéopathie et religion se placent en dehors du domaine de la preuve scientifique.
@Descartes
[Je crois me souvenir que les papiers sont cités en faisant référence au premier auteur (« Pierre Dupont et al. »). C’est le cas en sciences physiques, au moins… se mettre dans la liste – souvent longue – des auteurs ne rapporte donc pas grande chose.]
Je me permets d’ajouter un élément à vos remarques sur ce domaine que je connais un peu. Etre co-auteur d’un papier est toujours intéressant même dans le “ventre mou” de la longue liste des auteurs. Pour évaluer l’importance, le rang d’un chercheur dans son domaine, l’indice qui est actuellement le plus utilisé est le “h-index” qui rend compte du nombre de publication d’un chercheur et du nombre de fois où il est cité (plus un papier est cité plus il fait référence dans le domaine). Il est égal à x si le chercheur a, au moins, x papiers cités x fois. Le biais principal est que cet indice ne tient pas compte de la place de l’auteur dans le papier. A partir d’un certain niveau de h-index, le chercheur devient même nobélisable…
J ai pas lu la tribune du Hulot et je ne vois pas pourquoi je perdrai du temps a la lire vu que ca restera des voeux prieux de quelqu un qui n est qu une personnalité médiatique.
Par contre il est evident que le monde d apres ne sera pas ecologiste ou EELV. Tout d abord EELV est un parti qui rassemble des arrivistes (genre Place ou notre ex ministre amateur de homard (j ai oublie son nom)) ou des personnalite d extreme gauche qui voient dans la cause ecologiste le moyen d arriver a leur fin (qui est la lutte contre le capitalisme, le triomphe du feminisme, la lutte contre l oppression des blancs ou je ne sais quoi d autre)
Ensuite, si on applique les idees Hulot/EELV on va simplement renvoyer les francais en 1955. Periode ou avoir une voiture etait un luxe rare, tout comme manger de la viande. Inutile de dire que ca va avoir un succes electoral certain
Cerise sur le gateau si on arrete de se regarder le nombril, la crise actuelle va certes secouer nos economies mais a ruinées les economies des pays pauvres (qui ne peuvent comme nous emprunter a fond perdu et dont les matieres premieres ne valent plus grand chose (cf le cours du petrole)). Autrement dit, nous allons subir des vagues d immigration. La derniere vague a reussi a ressusciter l extreme droite en RFA. Que fera la prochaine couplee a une flambee du chomage et des faillites ? probablement plus booster le FN que les disciple de Hulot
@ cdg
[Je n’ai pas lu la tribune du Hulot et je ne vois pas pourquoi je perdrai du temps a la lire vu que ça restera des vœux pieux de quelqu’un qui n’est qu’une personnalité médiatique.]
Le seul intérêt de cette lecture est d’essayer de comprendre pourquoi ce discours est si populaire, au point qu’un vénérable journal du soir lui consacre plusieurs pages, et que celui qui le tient est l’une des personnalités préférées des médias (et donc des Français, suivant un syllogisme aujourd’hui canonique). Pourquoi un personnage qui se contente d’un prêche vaguement humaniste a-t-il un tel succès ?
[Ensuite, si on applique les idées Hulot/EELV on va simplement renvoyer les français en 1955. Période ou avoir une voiture était un luxe rare, tout comme manger de la viande. Inutile de dire que ca va avoir un succès électoral certain]
Mais ce n’est pas tout à fait ce que propose Hulot/EELV. Leur idée ce serait plutôt de renvoyer les couches populaires en 1955, mais garder les classes intermédiaires en 2020.
[Cerise sur le gâteau, si on arrête de se regarder le nombril, la crise actuelle va certes secouer nos économies mais a ruinées les économies des pays pauvres (qui ne peuvent comme nous emprunter à fond perdus et dont les matières premières ne valent plus grand chose (cf le cours du petrole)).]
Il est clair que les économies dites « de rente » risquent d’en prendre un sérieux coup sur le museau. Pour les autres, c’est beaucoup moins évident. Il semblerait d’abord que les effets de contagion soient moindres, parce que ces pays sont souvent moins densement peuplés, parce que les gens bougent moins. Ensuite, la mortalité est inférieure parce que les « fragiles » sont moins nombreux et les populations plus jeunes. Enfin, parce que ces sociétés sont plus habituées aux épidémies et se sont adaptées à elles.
“Leur idée ce serait plutôt de renvoyer les couches populaires en 1955, mais garder les classes intermédiaires en 2020”
J ai pas lu le texte mais si vous voulez etre efficace, il va forcement falloir impacter quasiment toute la population. On en effet laisser 1 ou 2 % polluer a leur guise car c est un pourcentage infime mais si vous laissez 30 % le faire vous aurez aucun resultat tangible vu que les classes intermediaires polluent par tete plus que les classes populaires.
En plus si on considere les mesures bobos habituelles (genre taxe carbone, limitation de l avion …) ca impacte surtout les habitants des petites villes (qui utilisent leur voiture et n ont pas de transport en commun) ou les classes intermediaires (qui va faire un WE a barcelone ou en vacances au club med ?).
En ce qui concerne la populatrite des gens, il y a une distinction entre l image et ce que les gens prechent. A un moment Jean Paul II etait tres populaire mais ca ne correspondait pas à un regain de catholicisme. Idem pour L’abbé Pierre qui etait il me semble l une des personnalite preferee des francais. Pourtant ceux ci ne suvaient pas les principes dudit abbé
“Il est clair que les économies dites « de rente » risquent d’en prendre un sérieux coup sur le museau. Pour les autres, c’est beaucoup moins évident. Il semblerait d’abord que les effets de contagion soient moindres, parce que ces pays sont souvent moins densement peuplés, parce que les gens bougent moins”
Deja je parlais de l effet economique, pas sanitaire. Vu que le virus ne tue quasiment que des vieux, il a en effet un impact quasi nul en afrique malgré un systeme medical sinistré
Ensuite, la plupart des ces pays ne produisent que des matieres premieres. Quel pays d afrique (a part l afrique du sud) a une industrie digne de ce nom ? Ils vont se retrouver pris en tenaille: prix des matieres premieres en baisse (moins de demande et recession chez les clients), moins d argent envoyé par les diaspora (c est au mali la premiere source de devise). En face une population qui augmente toujours enormement vu la natalité exuberante du pays (le virus n ayant eut aucun effet sur les jeunes). Donc une economie qui va pouvoir fournir encore moins d emploi a sa population, un etat qui ne pourra pas compenser par des prestations sociales (preter a la RFA est considere comme sans risques mais preter a l algerie ou au gabon …).Donc une bonne partie des jeunes sans avenir chez eux vont vouloir aller dans l eldorado europeen
@ cdg
[Je n’ ai pas lu le texte mais si vous voulez être efficace, il va forcément falloir impacter quasiment toute la population. On en effet laisser 1 ou 2 % polluer à leur guise car c’est un pourcentage infime mais si vous laissez 30 % le faire vous aurez aucun résultat tangible vu que les classes intermédiaires polluent par tète plus que les classes populaires.]
Pas nécessairement : les classes intermédiaires ont des maisons mieux isolées, des voitures plus neuves. Même si elles consomment en moyenne plus, il n’est pas évident qu’elles polluent plus par tête d’habitant. Par ailleurs, si le but est de réduire les émissions totales de 50%, il suffit de réduire les émissions du 70% de 70%, et dans ce cas le 30% n’aurait plus qu’à réduire les siennes de 10%… c’est toujours ça de gagné.
[En ce qui concerne la popularité des gens, il y a une distinction entre l’image et ce que les gens prêchent. A un moment Jean Paul II était très populaire mais ça ne correspondait pas à un regain de catholicisme. Idem pour L’abbé Pierre qui était-il me semble l’une des personnalités préférées des français. Pourtant ceux-ci ne suivaient pas les principes dudit abbé.]
Tout à fait. On peut aimer certaines idées, et ne pas avoir envie de les mettre soi-même en pratique. Quant à Jean-Paul II, l’exemple est mal choisi : ce qui l’a rendu populaire est moins sont catholicisme que son anticommunisme. Et beaucoup de ceux qui l’admiraient étaient prêts à pratiquer…
[Déjà je parlais de l’effet économique, pas sanitaire. Vu que le virus ne tue quasiment que des vieux, il a en effet un impact quasi nul en Afrique malgré un système médical sinistré.]
Certes mais vous ne pouvez pas aisément séparer les deux effets. Si les effets sanitaires sont faibles, alors pas besoin de paralyser l’économie pour faire face à l’épidémie. Si les effets sanitaires sont faibles, alors les effets endogènes de l’économie le seront aussi.
[Ensuite, la plupart de ces pays ne produisent que des matières premières.]
Pas seulement : certains pays produisent la nourriture et certains biens de base qu’ils consomment, et cette économie sera peu perturbée par les turbulences dans l’économie mondiale.
“Même si elles consomment en moyenne plus, il n’est pas évident qu’elles polluent plus par tête d’habitant”
Au contraire. La pollution est largement liee a la consommation. Si vous consommez plus, vous allez forcement polluer plus (et c est pas l economie d un litre d essence/100 km qui ca compenser l impact de la fabrication une nouvelle voiture). En plus les classes intermediaires ont des modes de consommation plus polluant dans pas mal de cas. C est pas par manque de vertu mais simplement par facilité. Si vous etes pauvre, vous allez essayer de reparer votre machine a laver ou ne pas changer de smartphone. Si vous avez les moyens, vous allez pas vous poser de question : poubelle et nouveau modele. Et comme je l ecrivais, qui va en vacances au club med a l autre bout du monde en avion ? c est pas les ouvriers (bon certes vous avez les immigres africains qui rentrent au bled pour les vacances mais c est pas la majorité)
“si le but est de réduire les émissions totales de 50%, il suffit de réduire les émissions du 70% de 70%, et dans ce cas le 30% n’aurait plus qu’à réduire les siennes de 10%”
Ca c est du classique. Tout le monde est d accord pour faire des efforts du moment que l effort est fait par le voisin. Ca s applique aussi ailleurs, par ex l ISF est plebicité car quasiment personne ne le paie. Interdire la chasse est tres populaire a Paris ou il n y a evidement aucun chasseur . A l opposé le peage urbain comme a Londres aura de nombreux supporters dans les petites villes de provinces ou les gens ne mettent jamais les pieds a paris
” Quant à Jean-Paul II, l’exemple est mal choisi : ce qui l’a rendu populaire est moins sont catholicisme que son anticommunisme” Je crois pas que ca soit son anti communisme qui lui ait valu tant de sympathie. Sinon il aurait ete populaire que dans l extreme droite
” certains pays produisent la nourriture et certains biens de base qu’ils consomment, et cette économie sera peu perturbée par les turbulences dans l’économie mondiale”
Justement si, car la demande locale va etre reduite car une partie du pays va subir la crise mondiale (soit parce qu elle tire ses revenus de l export (vente du cacao ou du petrole par ex) soit parce qu elle est financee par les immigres (dans nombre de pays, la premiere source de devise c est l argent envoye par les diasporas. ET ces personnes sont actuellement sans revenu dans nos pays)
@ cdg
[“Même si elles consomment en moyenne plus, il n’est pas évident qu’elles polluent plus par tête d’habitant” Au contraire. La pollution est largement liée à la consommation. Si vous consommez plus, vous allez forcement polluer plus (et ce n’est pas l’économie d’un litre d’essence/100 km qui ira compenser l’impact de la fabrication une nouvelle voiture).]
Beh si, justement. Si vous remplacez votre centrale à charbon pour une centrale nucléaire, vous consommerez toujours autant d’électricité mais vous polluerez beaucoup moins. Une voiture moderne non seulement économise du carburant, mais elle peut rouler avec du carburant sans plomb, elle filtre mieux les particules…
[En plus les classes intermédiaires ont des modes de consommation plus polluants dans pas mal de cas. Ce n’est pas par manque de vertu mais simplement par facilité. Si vous êtes pauvre, vous allez essayer de réparer votre machine à laver ou ne pas changer de smartphone. Si vous avez les moyens, vous n’allez pas vous poser de question : poubelle et nouveau modèle.]
Effectivement. Mais dans certains cas, cela se traduit par une réduction des pollutions. Si vous êtes pauvre, vous chercherez à réparer votre vieille chaudière au fuel inefficace et polluante, alors que si vous avez les moyens vous profiterez qu’elle tombe en panne pour installer une chaudière à gaz à condensation, bien moins polluante…
[”Quant à Jean-Paul II, l’exemple est mal choisi : ce qui l’a rendu populaire est moins sont catholicisme que son anticommunisme” Je crois pas que ça soit son anti communisme qui lui ait valu tant de sympathie. Sinon il aurait été populaire que dans l’extrême droite]
Il a été extrêmement populaire à l’extrême droite, justement. Il a par exemple eu d’excellents rapports avec des organisations d’extrême droite catholique comme l’Opus Dei ou les Légionnaires du Christ… et bien entendu avec toutes les dictatures d’extrême droite en Amérique Latine, pour ne donner que quelques exemples.
Une des personnes les plus populaires chez les journalistes,intellectuels et autres faisuers d’opinion capistalo compatibles a été Tarik Ramadan.
Une de mes connaissances issue d’une famille catholique ,très sensible au charisme à la Garaudy que dégage Tarik Ramadan,se faisait à cette époque un devoir,par ‘supplément d’âme’,de sermonner l’islamophobe que je suis,afin de me convaincre qu’il fallait construire des mosquées partou.Quels dangers recèlent l’Islam,si tous ces fidèles,sont à l’instar ,quasi parfait,dans le discours et l’apparence.Avabt 2004,je faisais cours à des 4ième voilée.Dissimulée derrière leur voile elle me traitait de mécréant(j’enseigne les svt),à cette époque où Tarik Ramadan,était au Top des peoples snobs.
Après 4000 mosquées déjà construites en France en moins de 10 ans,et un objectif de 1000 dans les années futures , avec les importations-déportations par les mafias des passeurs par notre patronat de milliers de migrants musulmans,comment envisager l’avenir avec sereinité,au vu de la popularité de T&rik Ramadan,et de l’islam,pls adapté au monde urbain que notre dogamatique église xatholique ?
@ luc
[Une des personnes les plus populaires chez les journalistes, intellectuels et autres faiseurs d’opinion capitalo compatibles a été Tarik Ramadan.]
Ramadan n’a jamais été « une des personnes les plus populaires », il ne faut pas exagérer. Il a eu un certain succès de scandale, et il a été aussi perçu par certains comme l’intellectuel qui pouvait représenter une révision de l’Islam dans un sens compatible avec la culture occidentale. Mais rien de plus.
[et il a été aussi perçu par certains comme l’intellectuel qui pouvait représenter une révision de l’Islam dans un sens compatible avec la culture occidentale]
<>
https://www.madaniya.info/2017/02/10/islam-aggiornamento-2-3-l-europe-lieu-de-passage-ou-lieu-d-enracinement/
Tarik Ramadan n’est pas son père. Mais avec un frère pro-lapidation, et un père éminent membre des frères musulmans qui développe une stratégie de changement du pays d’accueil… Comment ce type à pu faire illusion ?
Je vais même pas poser la question de pourquoi Said Ramadan et de Issam Al Attar ont vécu tout ce temps en Europe, terre refuge des frères musulmans et autres sectes religieuses qui s’opposaient aux mouvements socialistes, nationalistes et Panarabes…
Je ferais juste remarqué que la soeur de Issam Al Attar est vice présidente de la Syrie.
Le monde d’ après… Joli texte . A la première lecture on se laisse emporté par le lyrisme de l’ auteur , séduit par son humour et ses sarcasmes ironiques . A la seconde lecture , on a bien compris l’idée mais les arguments sont moins convaincants . A la troisième lecture on entre dans les détails et les imperfections apparaissent . Pour le plaisir du lecteur et l’instruction de l’auteur nous allons en relever quelques unes . Paragraphe 1 : L’auteur se place sous la protection de Yahvé ; imprudence , les dieux n’aiment pas qu’ on se servent d’eux et celui-ci plus que tout autre ( ce qu’on verra plus loin ) .Paragraphe 2 : ” Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ” ; vers tiré de L’ Art Poétique de Boileau , poète et non sage . Se méfier des citations , elles sont souvent déformées . Paragraphe 3 ” Un discours prononcé lors d’un discours ” ( ? ) Paragraphe 4 ” Capitaliser des catastrophes en les attribuant…” , pour les attribuer sans doute , mais que signifie “capitaliser des catastrophes ” ; manque de clarté . Paragraphe 5 : l’écologisme est personnifiée et on lui attribue une vision sentimentale ; soit , c’est une métaphore . Mais parler du cœur de la vision , c’est une métaphore de métaphore . Un peu excessif . Paragraphe 6 : La nature n’est ni bienveillante ( d’accord ) ni hostile ; elle n’ a pas d’états d’âme , elle ne pense pas , elle n’éprouve aucun sentiment . Les grecs la désignaient par le mot phusis d’où vient le mot physique . Par ailleurs on écrit ” les contes populaires ” ( inadvertance , qui prouve que l’auteur ne relit pas son texte ) Paragraphe 7 : ” nous conservons tous ( ou toutes ? ) nos dents jusqu’à la soixantaine … la soixantaine de dents ? Paragraphe 8 :le pergélisol n’ayant pas été congelé ,il ne saurait être décongelé . Il faut dire la fonte . Paragraphe 9 : ” Je vous donne tout herbage portant graine et tout arbre portant des fruits …Ils serviront à votre nourriture ” ( Genèse chapitre 1 verset 29 ) C’est ce que j’appellerai la vengeance de Yahvé , mais nul n’est tenu d’accepter la Torah . Ce paragraphe présente un autre intérêt celui de la “sélection ” . On date l’apparition de l’agriculture et de l’élevage aux environs de 10 000 avant notre ère , la sélection des plantes et des animaux n ‘a donc pu se faire que quelque temps après . Mais l’homo sapiens apparaît autour de 500 000 ans avant notre ère ; conclusion : il faut faire attention à ce qu’on dit . Paragraphe 10 : le siège de la collapsologie se trouve à Jérusalem où les rabbins , s’appuyant sur les prophéties d’ Isaïe , enseignent que vous vivons précisément la fin du monde , et que les épidémies ne sont qu’ un signe précurseur ( voir les cours de Torah du Rabbin Ron Chaya , personnage curieux mais intéressant ) . Quant à savoir si ” le monde d’ après ” sera ou non écologiste , bien savant celui qui peut déchiffrer l’ inconnu .
@ Brochard
[Le monde d’après… Joli texte. A la première lecture on se laisse emporté par le lyrisme de l’auteur, séduit par son humour et ses sarcasmes ironiques.]
« Sarcasmes ironiques » ? Décidez-vous : vous pouvez avoir le sarcasme ou l’ironie, mais pas les deux en même temps…
[A la seconde lecture, on a bien compris l’idée mais les arguments sont moins convaincants. A la troisième lecture on entre dans les détails et les imperfections apparaissent.]
Oui… mais après la huitième lecture, vous verrez que cela devient de mieux en mieux.
[Paragraphe 1 : L’auteur se place sous la protection de Yahvé ; imprudence, les dieux n’aiment pas qu’on se servent d’eux et celui-ci plus que tout autre (ce qu’on verra plus loin).]
Loin de me « mettre sous la protection de Yahvé », je me contente au contraire de louer son pouvoir de synthèse : il a réglé la vie de son peuple avec dix commandements, alors que pour Hulot il faut cent au moins… et Yahvé n’aime rien de plus que les louanges.
[Paragraphe 2 : ” Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ” ; vers tiré de L’Art Poétique de Boileau, poète et non sage. Se méfier des citations, elles sont souvent déformées.]
On peut être poète et sage… quand au vers, vous avez raison : même s’il est cité sous la forme modernisée « ce qui se conçoit bien… » la citation correcte est « ce que l’on conçoit bien… ».
[Paragraphe 3 ” Un discours prononcé lors d’un discours ” ( ? )]
Merci, le texte a été corrigé.
[Paragraphe 4 ” Capitaliser des catastrophes en les attribuant…”, pour les attribuer sans doute, mais que signifie “capitaliser des catastrophes ” ; manque de clarté.]
Pas du tout, c’est extrêmement clair : Les écologistes « capitalisent » les catastrophes comme l’actionnaire capitalise les dividendes : capitaliser est ici au sens de « transformer en capital ». L’actionnaire « capitalise » ses dividendes en les réinvestissant, c’est-à-dire, en les transformant en capital productif de nouveaux dividendes. Les écologistes « capitalisent » les catastrophes en faisant un « capital » qui leur permettrai d’en tirer des dividendes politiques. Et c’est donc bien « en les attribuant » (puisque l’attribution est le moyen de la capitalisation) et non « pour les attribuer ».
[Paragraphe 5 : l’écologisme est personnifiée et on lui attribue une vision sentimentale ; soit, c’est une métaphore. Mais parler du cœur de la vision, c’est une métaphore de métaphore. Un peu excessif.]
Vous avez mal lu mon texte. Je ne dis nulle part que « l’écologisme soit personnifié », mais que l’écologisme personnalise la nature, c’est-à-dire, qu’il en fait une personne (et « personnaliser » et « personnifier » ne sont pas synonymes). Quant au « cœur de la vision », je n’ai rien compris à votre commentaire.
[Paragraphe 6 : (…). Par ailleurs on écrit ” les contes populaires ” (inadvertance, qui prouve que l’auteur ne relit pas son texte)]
Non, monsieur le professeur. Cela prouve surtout que je travaille beaucoup mes textes. Et vous savez combien il est difficile de corriger un texte qu’on sait presque par cœur…
[Paragraphe 7 : ” nous conservons tous (ou toutes ?) nos dents jusqu’à la soixantaine … la soixantaine de dents ?]
Vous avez tellement envie de jouer à l’instituteur, que vous cherchez des erreurs là où il n’y en a pas. Le « tous » se rattache à « nous », et non à « dents ». La phrase est parfaitement compréhensible et correcte, même si elle n’est pas très élégante. J’ai d’ailleurs modifié le texte pour la rendre plus jolie.
[Paragraphe 8 : le pergélisol n’ayant pas été congelé, il ne saurait être décongelé. Il faut dire la fonte.]
Faute corrigée.
[Paragraphe 9 : ” Je vous donne tout herbage portant graine et tout arbre portant des fruits …Ils serviront à votre nourriture ” (Genèse chapitre 1 verset 29) C’est ce que j’appellerai la vengeance de Yahvé, mais nul n’est tenu d’accepter la Torah.]
Non, en effet… surtout depuis que la cosmologie nous a montré que les choses étaient un peu plus compliquées que ça.
[Ce paragraphe présente un autre intérêt celui de la “sélection ”. On date l’apparition de l’agriculture et de l’élevage aux environs de 10 000 avant notre ère, la sélection des plantes et des animaux n ‘a donc pu se faire que quelque temps après. Mais l’homo sapiens apparaît autour de 500 000 ans avant notre ère ; conclusion : il faut faire attention à ce qu’on dit.]
Quel dommage que vous ne suiviez pas votre propre conseil… J’avais écrit : « que la plupart des espèces animales et végétales qui nous nourrissent ne sont pas « naturelles », mais créées par l’homme au cours de siècles de sélection ». Vous admettrez je pense que l’intervalle de 12.000 ans qui nous sépare des débuts de l’agriculture et de l’élevage laisse quand même quelques siècles de sélection. Vous noterez en effet que j’ai précisé « les espèces animales et végétales qui NOUS nourrissent », et non pas « qui nourrissaient homo sapiens ».
[Paragraphe 10 : le siège de la collapsologie se trouve à Jérusalem où les rabbins,]
J’ignorais que la « collapsologie » était une organisation avec un « siège » bien à elle. Merci de ce détail.
Je constate en tout cas que si vous avez pas mal de critiques sur la forme de mon écrit, vous n’avez rien à dire sur le fond. Dont acte.
@ Brochard
Bonjour,
[ Mais l’homo sapiens apparaît autour de 500 000 ans avant notre ère ; conclusion : il faut faire attention à ce qu’on dit.]
Pour qui les commentaires se font régulièrement étriller par notre hôte, généralement
sur un fondement objectif, il y a néanmoins une certaine jubilation à lire vos lignes.
Cependant, étant amateur du domaine scientifique que vous évoquez, connaissant assez bien ces travaux au Maroc, je ne peux que me glisser dans les pas de Descartes – celui que vous choisirez – pour suggérer un peu plus de rigueur.
Concernant Homo sapiens, des fossiles hypothétiquement attribués à Homo sapiens «archaïque» ont été découverts au Jbel Irhoud à l’O.N.O. de Marrakech par les paléoanthropologues J.J. Hublin et A. Ben-Ncer entre 2007 et 2016. Ils dateraient d’une époque remontant à 300 000 ans +/- 32 à 34 000 ans. Des productions lithiques plus anciennes indiquent que des hominidés pourraient les avoir précédés dans cette région de l’Afrique jusqu’à 400000 ans bp.
Le terme d’ « ère » est un terme scientifique. Il correspond à une durée et positionnement dans le temps géologique précis et longuement discutés par les experts. Notre ère est le Cénozoïque, dans laquelle notre période est l’Holocène, et encore, je simplifie un peu pour faire court.
Donc, si je m’en réfère à vos termes, 500 000 ans avant notre ère, le Cénozoïque qui remonte à 66 000 000 années, cela donne 66, 5 millions d’années bp.
En effet, comme vous l’écrivez “conclusion: il faut faire attention à ce que l’on dit” . . . . . et encore plus à ce que l’on écrit. 🧐
@ Descartes
[Je pense que vous vous trompez. D’abord, parce que la « terreur » politique n’implique pas forcément un recours au judiciaire. Pensez à la « terreur » instaurée par le régime de Videla en Argentine : il était fondé sur les « disparition forcées » (en pratique, des enlèvements puis détention dans des lieux secrets ou exécution sans que le destin de la personne soit connu) qui avaient pour caractéristique de soustraire les personnes au système judiciaire.]
Mea culpa. Je ne pensais qu’à la France, faute de connaître assez l’histoire d’autres pays. Oui, à ce compte-là, la terreur ne se limite pas à ce que je disais.
[La « terreur » n’a pas pour objet de « écarter d’un coup ceux qui menacent le gouvernement », mais de frapper la société de stupeur, de paralyser toute résistance. Cela va bien plus loin que la simple répression politique – qu’elle utilise ou non l’appareil judiciaire.]
Si je puis me permettre, je dirais que la « terreur » a pour fin d’écarter d’un coup ceux qui menacent le gouvernement, et qu’elle a pour objet de frapper la société de stupeur, de paralyser toute résistance. Cette fin n’est pas propre à la « terreur ». Une banale intrigue de palais peut aussi bien faire l’affaire, parfois. A cet égard, je comprends que vous écartiez ma définition, et le maccarthysme est un bon contre-exemple.
Néanmoins, ce n’est pas pour rien que le gouvernement frappe le peuple de stupeur. Comme vous le dites, c’est pour paralyser toute résistance. Autrement dit : empêcher que les forces en présence balancent en faveur de la cible du gouvernement. Parce que parfois, l’intrigue de palais, la manœuvre parlementaire, le coup bas ne suffisent plus. C’est ce que j’avais en tête, en tout cas, et que vous avez complété :
[Les régimes de « terreur » sont en général le produit d’un changement révolutionnaire, lorsque les changements sont si profonds que toute « règle du jeu » politique disparaît, que « tout est permis ». Quand une portion importante de la société est prête à tout (l’assassinat des officiers publics, l’appel à l’intervention étrangère, la destruction des institutions) la terreur apparaît souvent comme la seule alternative à la guerre civile.]
Tout à fait d’accord. C’est bien pour ça que je ne comprenais pas que vous parliez de « terreur » au sujet des classes intermédiaires. Dieu merci nous n’en sommes pas encore là. Mais vous ne parliez pas d’un régime de « terreur », mais d’une panique.
@ Louis
[Mea culpa. Je ne pensais qu’à la France, faute de connaître assez l’histoire d’autres pays. Oui, à ce compte-là, la terreur ne se limite pas à ce que je disais.]
En fait, les épisodes de « terreur » apparaissent dans des situations de guerre civile, lorsque chaque camp ne voit comme issue que la destruction des autres. A ce moment-là, la « terreur », en frappant de stupeur la société, permet aux institutions de reprendre le contrôle. Dans notre histoire, les moments de terreur sont rares parce que la France a une tradition d’institutions fortes, qui ont rarement perdu le contrôle de la situation. En dehors de la terreur révolutionnaire, on peut parler de « terreur » lors de l’effondrement du régime d’occupation en 1944, peut-être la Saint-Barthélémy… mais ne je trouve guère d’autres exemples.
[Si je puis me permettre, je dirais que la « terreur » a pour fin d’écarter d’un coup ceux qui menacent le gouvernement,]
Je pense que c’est une vision réductrice. La question n’est pas tellement la préservation « du gouvernement », mais de l’ordre même de la société. La terreur nécessite à la base une acceptation sociale : un tribunal révolutionnaire peut toujours prononcer des arrêts de mort, mais il faut trouver du monde pour arrêter les accusés d’abord, et pour les exécuter ensuite. Pourquoi la société accepte une telle contrainte ? En général, parce qu’elle réalise que l’alternative est le chaos. Le cas de Robespierre est révélateur : pourquoi n’a-t-il pas été renversé avant ? Curieusement, son régime tombe non pas lorsqu’il est faible, avec des armées étrangères à nos portes, mais lorsqu’il est fort après les avoir battues. La terreur robespierrienne dure aussi longtemps que la société comprend sa nécessité. Il est renversé dès qu’elle est jugée inutile. Et on a la même chose dans les « terreurs » latinoaméricaines : Videla ne prend pas le pouvoir CONTRE la société, il le prend à un moment où l’activité des groupes armées conduit à la guerre civile, et que la société est usée par le désordre. Mais une fois l’ordre rétabli, le régime est vécu comme un carcan et il doit céder le pouvoir.
@Descartes
> Le cas de Robespierre est révélateur : pourquoi n’a-t-il pas été renversé avant ? Curieusement, son régime tombe non pas lorsqu’il est faible, avec des armées étrangères à nos portes, mais lorsqu’il est fort après les avoir battues. La terreur robespierrienne dure aussi longtemps que la société comprend sa nécessité. Il est renversé dès qu’elle est jugée inutile.
Je trouve votre analyse un peu étrange. D’abord parce que ce n’est pas « la société » qui décide de faire arrêter Robespierre, mais ses propres collègues des Comités de Salut Public et de Sûreté Générale. Ensuite parce que parmi ceux qui ont pris cette décision, il y avait de plus terroristes que lui, et qui n’avaient nullement envie de mettre fin à la Terreur.
Le terme même de « renversé » que vous employez implique que Robespierre était en quelque sort le chef, ce qui n’était le cas. Les membres du CSP étaient des pairs, certes avec en pratique une influence variable, et Robespierre n’était pas un dirigeant à renverser, mais un révolutionnaire qui pour certains de ses collègues – y compris terroristes – était devenu détestable.
@ Ian Brossage
[Je trouve votre analyse un peu étrange. D’abord parce que ce n’est pas « la société » qui décide de faire arrêter Robespierre, mais ses propres collègues des Comités de Salut Public et de Sûreté Générale. Ensuite parce que parmi ceux qui ont pris cette décision, il y avait de plus terroristes que lui, et qui n’avaient nullement envie de mettre fin à la Terreur.]
Oui. Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait arrêter AVANT ? Pourquoi, alors qu’ils n’avaient nulle envie de mettre fin à la Terreur, la Terreur prend fin avec la chute de Robespierre ? Le problème de regarder l’histoire à travers la longueur du nez de Cléopatre est justement d’oublier que derrière les actes il y a des rapports de force. Tant qu’il y avait consensus sur l’urgence de la situation, la Terreur était acceptée par le groupe dominant comme une nécessité, malheureuse certes, mais nécessité tout de même. Quand la guerre contre les princes fut gagnée, la nécessité n’a plus été aussi évidente.
[Le terme même de « renversé » que vous employez implique que Robespierre était en quelque sort le chef, ce qui n’était le cas. Les membres du CSP étaient des pairs, certes avec en pratique une influence variable, et Robespierre n’était pas un dirigeant à renverser, mais un révolutionnaire qui pour certains de ses collègues – y compris terroristes – était devenu détestable.]
Oui, mais pourquoi était-il devenu « détestable » précisément à ce moment-là ?
@Descartes
> Oui. Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait arrêter AVANT ?
Vous faites comme si l’arrestation de Robespierre était *conçue* pour mettre fin à la Terreur. Mais ce n’est pas du tout le cas ! Dans l’esprit de ceux qui l’arrêtent (ses collègues du CSP), il s’agissait simplement de se débarasser d’un membre qui devenait imprévisible et dangereux à leurs yeux.
La Terreur était une oeuvre collective, et certains membres du CSP étaient beaucoup plus radicaux que Robespierre (qui semblait parfois pencher pour une modération de la Terreur). En prétendant que Robespierre et Terreur ne faisaient qu’un, et que l’arrestation de l’un était conçue pour arrêter l’autre, vous reprenez l’image grossière d’un Robespierre qui aurait été une sorte de Staline dont il fallait arrêter les méfaits.
> Oui, mais pourquoi était-il devenu « détestable » précisément à ce moment-là ?
J’ai l’impression de lire du Asselineau… Il n’y a pas de moment « précis » où le danger aurait disparu tout d’un coup. Vous inventez une conjonction qui vous arrange.
De même, Robespierre n’est pas devenu « détestable » d’un seul coup. Les tensions au sein du CSP montaient depuis longtemps (un autre membre en avait déjà été éliminé), entre membres partisans d’une répression fanatique des opposants (même républicains), et d’autres partisans au contraire d’un apaisement progressif.
Robespierre avait l’inconvénient de n’avoir pas choisi clairement son camp : son existence menaçait les uns et les autres, et son comportement était devenu mystérieux et imprévisible (cf. son retrait des dernières semaines). Dans l’ambiance paranoïaque qui régnait alors, c’était suffisant pour vouloir l’éliminer.
Parfois, vous devriez vraiment laisser tomber l’esprit de système et accepter de regarder les faits en face.
@ Ian Brossage
[Vous faites comme si l’arrestation de Robespierre était *conçue* pour mettre fin à la Terreur. Mais ce n’est pas du tout le cas ! Dans l’esprit de ceux qui l’arrêtent (ses collègues du CSP), il s’agissait simplement de se débarrasser d’un membre qui devenait imprévisible et dangereux à leurs yeux.]
Je n’ai nullement dit que l’arrestation de Robespierre ait été « conçue » dans le but précis de mettre fin à la terreur. Ce que j’ai dit, c’est que ce qu’on accepte comme un moindre mal dans une situation de crise devient inacceptable lorsque la crise est finie. Des membres du CSP qui étaient prêts à prendre certains risques dans un moment de crise n’étaient plus prêts à le faire lorsque la situation d’urgence nationale était passée.
[En prétendant que Robespierre et Terreur ne faisaient qu’un, et que l’arrestation de l’un était conçue pour arrêter l’autre, vous reprenez l’image grossière d’un Robespierre qui aurait été une sorte de Staline dont il fallait arrêter les méfaits.]
Non, justement. Robespierre a assumé une terreur qui était nécessaire à un moment donné de la Révolution, lorsque la Patrie était en danger. Il n’a pas su voir que cette terreur n’était plus une nécessité, et c’est ce qui a provoqué sa chute.
[« Oui, mais pourquoi était-il devenu « détestable » précisément à ce moment-là ? » J’ai l’impression de lire du Asselineau…]
Moi j’ai l’impression de lire une amalgame…
[Il n’y a pas de moment « précis » où le danger aurait disparu tout d’un coup. Vous inventez une conjonction qui vous arrange. De même, Robespierre n’est pas devenu « détestable » d’un seul coup. Les tensions au sein du CSP montaient depuis longtemps (un autre membre en avait déjà été éliminé), entre membres partisans d’une répression fanatique des opposants (même républicains), et d’autres partisans au contraire d’un apaisement progressif.]
C’est bien mon point. Il y eut une majorité pour accepter une « répression fanatique » aussi longtemps que celle-ci apparaissant comme le seul moyen de défendre la Patrie en danger. Au fur et à mesure que le danger s’est dissipé, la majorité s’est progressivement érodé puis renversée.
@Descartes
> Robespierre a assumé une terreur qui était nécessaire à un moment donné de la Révolution, lorsque la Patrie était en danger.
Vous répétez en boucle le même argument…
Allez, je corrige une dernière fois : ce n’est pas Robespierre qui a « assumé une terreur », c’est le CSP tout entier. Robespierre n’était pas plus terroriste que la moyenne de ses collègues.
@ Ian Brossage
[Vous répétez en boucle le même argument…]
Peut-être parce que n’ayant pas entendu votre contre-argument, je ne suis pas persuadé d’avoir été entendu…
[Allez, je corrige une dernière fois : ce n’est pas Robespierre qui a « assumé une terreur », c’est le CSP tout entier. Robespierre n’était pas plus terroriste que la moyenne de ses collègues.]
Vous répétez en boucle la même affirmation… qui ne constitue pas un argument. Que le CSP tout entier ait été favorable à la Terreur n’empêche pas le fait qu’un de ses membres a “assumé” cette Terreur devant l’opinion publique et, j’ajoute, devant l’histoire. C’est lui qui théorise la nécessité de la terreur dans son discours du 5 février 1794, que l’historien André Lewers décrit ainsi: « le gouvernement révolutionnaire repose à la fois sur la vertu, parce qu’il est républicain par essence, et sur la terreur, parce qu’il est despotique par nécessité. C’est un « despotisme de la liberté ». Et c’est lui dont la mémoire reste indissolublement lié à la Terreur. Pourquoi, à votre avis ?
@ Descartes,
Robespierre a ardemment soutenu la Terreur, ce qui d’ailleurs l’a amené à rompre avec Danton et les Indulgents. Pour le reste, Robespierre est un membre influent de cette “dictature collective” qu’exerce la Convention par l’intermédiaire des comités. Robespierre a le soutien des jacobins et d’une bonne partie des sans-culottes parisiens, ce n’est pas négligeable. Mais ni la Convention, ni les comités n’ont jamais été “robespierristes” même si bien sûr des robespierristes y sont présents.
Rappelons que lors d’une réunion houleuse du CSP, Robespierre se fait traiter de “dictateur” le 28 juin 1794. Vexé, il ne vient plus aux réunions pendant plusieurs semaines jusqu’au 22 juillet (ce qui est une erreur, car ses ennemis s’organisent). Avouez que pour un tyran… Imagine-t-on un membre du Politburo traiter Staline de “dictateur” et ce dernier rentrer chez lui vexé?
Enfin, l’historiographie s’est concentrée sur Robespierre et le Comité de Salut Public, oubliant l’autre Comité, celui de Sûreté Générale, dont le pouvoir est très important, notamment dans l’application de la Terreur, or ce comité est plutôt hostile à Robespierre. La chute de ce dernier est aussi à replacer dans ce contexte de luttes de factions au sein des comités et entre les comités. Robespierre avait en effet cherché à limiter le pouvoir du CSG en créant un bureau de police générale contrôlé par le CSP.
Enfin, la “légende noire” de Robespierre a opportunément servi les thermidoriens. Beaucoup d’entre eux avaient soutenu et organisé la Terreur, à commencer par Vadier, président du CSP. Peut-être avaient-ils senti que la Terreur n’était plus nécessaire après la victoire de Fleurus (26 juin 1794). Peut-être aussi certains craignaient-ils qu’on leur reprochât des exactions dans l’exercice de la Terreur. L’avantage des morts, c’est qu’ils ne peuvent plus se défendre. Une fois Robespierre mort, la Terreur s’arrête en effet. Dès lors, il devient aisé (et avantageux) d’établir que “la Terreur, c’est Robespierre. Il meurt et elle s’arrête, n’est-ce pas une preuve?”. Mais c’est réducteur, c’est une reconstruction qui sert les intérêts de ceux qui ont éliminé les robespierristes. La fournée d’exécutions du 9 thermidor est d’ailleurs l’une des plus importantes de la Terreur!
Il ne s’agit pas de dépeindre Robespierre en agneau pur et vertueux, ignorant tout des excès de la Terreur. Il ne s’agit pas de minimiser l’influence de Robespierre et de ses partisans, qui fut réelle. Mais il faut rappeler que les robespierristes n’étaient pas seuls, que Robespierre avait des ennemis et des rivaux qui eux aussi disposaient d’un pouvoir important. D’ailleurs, Robespierre n’a pas été assez fort pour empêcher sa chute, une chute préparée et mise en oeuvre par ses collègues de la Convention et des comités…
@ nationaliste-ethniciste
[Robespierre a ardemment soutenu la Terreur, ce qui d’ailleurs l’a amené à rompre avec Danton et les Indulgents.]
Il a fait plus que « soutenir ardemment la Terreur », il l’a incarnée. Mais ses écrits montrent bien qu’il ne l’a pas soutenu par plaisir sadique, ni parce que c’était pour lui le mode idéal de gouvernement. Il l’a soutenue, portée, incarnée parce qu’il l’estimait, à un moment précis de la révolution, nécessaire.
[Rappelons que lors d’une réunion houleuse du CSP, Robespierre se fait traiter de “dictateur” le 28 juin 1794. Vexé, il ne vient plus aux réunions pendant plusieurs semaines jusqu’au 22 juillet (ce qui est une erreur, car ses ennemis s’organisent). Avouez que pour un tyran… Imagine-t-on un membre du Politburo traiter Staline de “dictateur” et ce dernier rentrer chez lui vexé ?]
Je ne crois pas avoir dit que Robespierre fut un « tyran ». Je ne dirais pas non plus que De Gaulle était un tyran, et pourtant son influence sur la France Libre était déterminante. Je pense que l’influence intellectuelle de Robespierre était puissante, au point que ses adversaires ont du le réduire au silence avant de pouvoir l’envoyer à l’échafaud. Je n’ai pas non plus la même interprétation que vous de l’absence de Robespierre des réunions du CSP en juillet 1794. Je me souviens avoir entendu Soboul formuler l’hypothèse que Robespierre avait conscience que la Terreur avait rempli sa fonction et qu’elle devait cesser, et qu’ayant incarné la Terreur la fin de celle-ci nécessitait le sacrifice symbolique de ceux qui l’avaient organisée. Je dois dire que cette hypothèse cadre plus avec la personnalité de Robespierre que l’idée d’une absence motivée par une blessure d’amour propre.
[Enfin, la “légende noire” de Robespierre a opportunément servi les thermidoriens. Beaucoup d’entre eux avaient soutenu et organisé la Terreur, à commencer par Vadier, président du CSP. Peut-être avaient-ils senti que la Terreur n’était plus nécessaire après la victoire de Fleurus (26 juin 1794). Peut-être aussi certains craignaient-ils qu’on leur reprochât des exactions dans l’exercice de la Terreur. L’avantage des morts, c’est qu’ils ne peuvent plus se défendre. Une fois Robespierre mort, la Terreur s’arrête en effet. Dès lors, il devient aisé (et avantageux) d’établir que “la Terreur, c’est Robespierre. Il meurt et elle s’arrête, n’est-ce pas une preuve?”. Mais c’est réducteur, c’est une reconstruction qui sert les intérêts de ceux qui ont éliminé les robespierristes. La fournée d’exécutions du 9 thermidor est d’ailleurs l’une des plus importantes de la Terreur!]
Tout à fait d’accord. Cela rejoint l’interprétation que j’ai proposé plus haut. La Terreur était une période trop traumatique pour qu’on puisse mettre fin sans sacrifier ceux qui l’avaient portée, et Robespierre est le bouc émissaire de cette affaire. C’est d’ailleurs ce qui fait de lui une figure tragique. Il est notable d’ailleurs que ce soit Napoléon qui, quelques années plus tard, soit le premier – en privé – à le défendre.
La collusion entre les Macronistes est manifeste dans la démagogie actuelle.
Abject est le seul mot qui convient pour qualifier le pouvoir en place.
Dimanche soir Macron incapable de ressentir le dégoût qu’il inspire va relancer les réformes des retraites et de l’indemnisation du chômage.
Or cela aura un impact trés négatif pour les municipales.
Ma crainte c’est que le système Macron ait la possibilité de redevenir performant.
Avec le recul,ne pensez vous pas que Benhalla était représentatif du Macronisme et que sa chute a signifié le début de la fin ?
Le macronisme n’aura t il pas pourri par sa tête ?
@ luc
[La collusion entre les Macronistes est manifeste dans la démagogie actuelle. Abject est le seul mot qui convient pour qualifier le pouvoir en place.]
N’exagérons rien. Personnellement, ce qui me frappe c’est la ressemblance avec le pouvoir précédent, celui de François Hollande. Après une période « jupitérienne » ou Macron a cru pouvoir gouverner sans – voire contre – une partie de la société, on est revenu à la mollesse hollandienne, avec un pouvoir tellement terrifié par l’opinion que 20.000 manifestants suffisent pour qu’un ministre de l’intérieur prenne le risque de se fâcher avec la police.
[Dimanche soir Macron incapable de ressentir le dégoût qu’il inspire va relancer les réformes des retraites et de l’indemnisation du chômage.]
Je n’y crois pas un instant.
[Ma crainte c’est que le système Macron ait la possibilité de redevenir performant. Avec le recul, ne pensez-vous pas que Benalla était représentatif du Macronisme et que sa chute a signifié le début de la fin ?]
Il ne faut pas surestimer l’affaire Benalla. Si l’épisode a révélé que le roi était nu, ce n’est pas lui qui l’a déshabillé. Le Macronisme pâtit depuis le début de deux choses : la première est une faiblesse théorique qui l’empêche de construire un récit crédible qui puisse être largement partagé. Le discours sur la « start-up nation », sur les « premiers de cordée » ou sur le chômage volontaire (« il suffit de traverser la rue… ») était trop évidemment celui de la revanche du « bloc dominant » sur le reste de la société pour pouvoir fonctionner longtemps. Le second problème, c’est un problème de ressources humaines. « En Marche » a attiré essentiellement deux types de profils : les seconds couteaux du PS et de LR, ces gens qui ayant fait leurs premières armes en politique comme élus locaux ou attachés parlementaires se trouvaient relégués dans des positions secondaires – souvent pour d’excellentes raisons – et qui ont vu dans cette aventure une opportunité pour faire un saut de carrière ; et des personnages de la « société civile » sans expérience qui ont vu une opportunité d’entrer en politique. Ce processus donne son caractère au capital humain de « en marche » : un groupe d’individus mus exclusivement par leurs marottes ou leurs ambitions personnelles et dont le seul ciment est l’allégeance personnelle au Grand Homme, avec un niveau d’expérience et de compétence faible. Les “petits jeunes” du macronisme (Griveaux, Mahjoubi, Villani, etc.) ont explosé en vol dès qu’on leur a donné des responsabilités. Les plus “vieux” (Castaner, Beloubet…) ont montré leur incapacité crasse…