Pourquoi l’Union européenne du droit et du marché ne vaccine pas

Combien de doses de vaccin contre la Covid-19 ont-elles été administrées dans différents pays ? Regardons quelques chiffres : pour cent habitants, on a injecté 7,7 doses en Espagne, 7,1 doses en Allemagne, 7 en Italie, 6,8 en Belgique, 6,6 en France… et 30,1 au Royaume Uni, 21,8 aux Etats-Unis, 17,6 au Chili, et je ne parle même pas d’Israel, qui dépasse les 90 doses pour cent habitants (1). Essayons de comprendre. Qu’est ce qui réunit l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie, la France, la Belgique ? Qu’est ce qui les différentie du Royaume Uni, du Chili ou des Etats-Unis ou d’Israel ?

Ce n’est pas une question d’organisation de la vaccination. Ce qui ralentit aujourd’hui le processus, c’est la disponibilité des vaccins. Ce n’est pas non plus la taille : l’ensemble de l’UE est comparable en taille aux Etats-Unis, la Belgique à Israel. Non, la différence réside sur un point évident. La Grande Bretagne, les Etats-Unis, le Chili ou Israel ont confié l’approvisionnement aux institutions nationales. L’Espagne, la France, l’Italie et l’Espagne – comme l’ensemble des pays de l’Union européenne – ont confié l’approvisionnement de leurs vaccins à la Commission européenne. C’est pourquoi leur taux reste désespérément autour de 6%, alors que les autres pays de ont des taux trois à cinq fois supérieurs. Eh oui, l’Union européenne, ce « marché de 450 millions de citoyens » dont on nous rabat les oreilles, est à la traine. Le Royaume Uni, tout seul, s’en sort nettement mieux. Ce qui devrait conduire à relativiser le discours qui nous explique que la France ne peut peser dans le monde qu’en sacrifiant sa souveraineté sur l’autel de l’unité européenne. Si l’Union n’arrive pas à faire peur à Pfizer ou Astra Zeneca, on imagine mal comment elle pourrait jouer dans la même cour que les Etats-Unis, la Chine ou la Russie.

Il est peu probable que cette nouvelle Bérézina – après celle des masques – conduise les eurolâtres à se remettre en question. La plupart continueront – c’est chez eux un réflexe pavlovien – à nous expliquer contre toute évidence que le naufrage prouve qu’il faut « plus d’Europe ». D’autres taperont sur cette pauvre Von der Leyen, puisque rejeter la faute sur les personnes dispense de s’interroger sur les institutions. Les deux se trompent de coupable. Von der Leyen n’y est pour rien (2), et il serait folie de continuer sur la route qui nous a amené à ce désastre. L’échec sur les masques comme celui sur les vaccins ne sont pas liés aux erreurs d’une personne ou aux limites dans les compétences des institutions européennes, mais à la structure même de l’Union, à ce qui est devenu sa raison d’être. La construction européenne a en effet deux piliers, deux concepts qui bénéficient à Bruxelles d’une déférence quasi-religieuse. Le premier pilier, c’est le droit, le second c’est le marché.

Commençons par le premier. C’est là peut-être que la différence est la plus criante entre les conceptions française et allemande des institutions. Pour le Français, les institutions sont jugées d’abord à leur capacité à faire des choses. Pour l’Allemand, le rôle des institutions est d’abord de faire des règles. Ce n’est pas par hasard si la devise allemande, « Einigkeit und Recht und Freiheit » (« Unité et Droit et Liberté ») met le Droit en deuxième et la Liberté en troisième seulement. Or, depuis un demi-siècle, c’est l’approche allemande et non l’approche française qui préside la construction européenne : à la construction gaullienne par projets communs a succédé une construction par un droit commun.

La conséquence de ce positionnement est évidente : l’administration bruxelloise n’est pas une administration intéressée par les faits, mais par les règles. Contrairement aux administrations nationales, qui construisent des hôpitaux et des routes, qui font fonctionner des écoles et des universités, qui entretiennent en condition opérationnelle des polices et des armées, qui font rouler des camions de pompiers et voler des Canadair, l’administration bruxelloise n’a qu’un but dans la vie, cracher de la norme. Le fonctionnaire européen ne se pose jamais la question de savoir comment mieux éduquer les enfants ou comment mieux soigner les patients, mais comment organiser le marché de l’éducation ou celui de la santé pour qu’ils correspondent mieux aux règles et objectifs posés par les traités. A la Commission, ce ne sont pas les médecins, les ingénieurs, mais les juristes qui gouvernent.

Et tout à coup, on est allé demander à de gens formés et sélectionnés pour s’occuper de la norme et rien que de la norme de se frotter aux dures réalités du monde réel en allant acheter des vaccins. Que croyez-vous qu’il arriva ? Ces gens se sont d’abord préoccupés de la norme, c’est-à-dire, de conclure des contrats juridiquement impeccables et au moindre coût, s’imaginant que parce qu’on écrit dans un contrat que les vaccins seront là à telle date, cela vous garantit la livraison. Mais quiconque a un minimum d’expérience industrielle sait que cela ne marche pas comme ça. Qu’il y a dans la recherche du moindre coût un risque que dénonçait déjà Vauban en 1685 dans sa célèbre lettre à Louvois :

« Il y a quelques queues d’ouvrage des Années dernières qui ne sont point finies et qui ne finiront point, et tout cela, Monseigneur, par la confusion que causent les fréquents Rabais qui se font dans vos ouvrages, car il est certain que toutes ces ruptures de marché, manquements de parole et renouvellement d’adjudications ne servent qu’à vous attirer comme Entrepreneurs tous les misérables qui ne savent où donner de la tête : les fripons et les ignorants, et à faire fuir tous ceux qui ont de quoi et qui sont capables de conduire une Entreprise.

Je dis plus, qu’elles retardent et renchérissent considérablement les ouvrages qui n’en sont que plus mauvais, car ces Rabais et Bons Marchés tant recherchés sont imaginaires, d’autant qu’il est d’un Entrepreneur qui perd comme d’un homme qui se noie, qui se prend à tout ce qu’il peut ; or, se prendre à tout ce qu’on peut en matière d’Entrepreneur, c’est ne pas payer ses marchands chez qui il prend les matériaux, friponner ce qu’il peut, mal payer les ouvriers qu’il emploie, n’avoir que les plus mauvais parce qu’ils se donnent à meilleur marché que les autres, n’employer que les plus méchants matériaux, chicaner sur toutes choses et toujours crier miséricorde contre celui-ci et celui-là…

En voilà assez, Monseigneur, pour vous faire voir l’imperfection de cette conduite : quittez-la donc et au nom de Dieu, rétablissez la bonne foi, donnez les prix et les ouvrages et ne refusez pas un honnête salaire à un entrepreneur qui s’acquitte de son devoir, ce sera toujours le meilleur marché que vous puissiez trouver. »

Lorsqu’on est en situation de pénurie, l’industriel tend à servir le client qui lui propose les meilleures conditions. Les Britanniques ou les Américains ont payé plus cher, certes, mais ils ont les vaccins. Même chose pour les israéliens. L’Union européenne a certes négocié un meilleur prix, mais elle ne les a pas. Or, chaque semaine de retard dans la vaccination coûte très, très cher. En argent puisque cela retarde la reprise normale des activités, en détérioration de l’état mental de la population, en nombre de morts. A-t-on réfléchi avant d’accorder les prix à ce problème ? Non, bien sur que non. Pourquoi le ferait-on, puisque l’important n’est pas que les gens soient vaccinés, mais que les règles des appels d’offre soient respectées ? En novembre, les fonctionnaires de la Commission étaient tous fiers d’avoir eu le meilleur prix pour leur commande. Je suis persuadé qu’ils ont reçu les chaudes félicitations de leurs supérieurs, convaincus que le boulot était bien fait. Quel serait leur jugement aujourd’hui ? Probablement le même, parce qu’il y a des gens qui n’apprennent jamais.

Vous voulez un autre exemple ? Lorsque l’agence européenne du médicament valide les vaccins, elle le fait avec un retard de plusieurs semaines par rapport aux agences britannique et américaine. Pourquoi ? Parce que, vous comprenez, il faut que la procédure soit respectée, que les dossiers soient complets et ainsi de suite. Dans une situation critique comme la notre, on devrait se demander si le risque qu’on prend à déroger aux règles est supérieur à celui qu’on prend en les respectant. Mais un tel raisonnement exige une primauté de la décision politique sur la norme juridique. L’idée même qui fait trembler Bruxelles…

C’est que – et là on touche au deuxième pilier de la construction européenne – ces gens-là ont une méfiance instinctive envers tout ce qui est politique, et par consquent une confiance infinie dans les mécanismes de régulation « apolitiques », c’est-à-dire, dans les marchés « bien régulés » grâce aux normes qu’ils édictent. Parlez de « industrie stratégique » qu’il serait nécessaire de subventionner pour empêcher sa délocalisation dans les couloirs de la Commission, et on vous accusera d’hérésie. Faire échapper au marché une activité « stratégique » – et une telle qualification ne peut venir que du politique – revient à porter atteinte au marché « libre et non faussé » qui est la clé de notre bonheur futur. Non, il faut laisser le marché faire, les usines déménager là ou la production est la moins chère pour le plus grand bonheur du consommateur. La sécurité d’approvisionnement n’est pas un problème, puisque le marché pourvoira : s’il y a une demande, l’offre suivra. Dès lors qu’on peut payer, on ne risque pas de manquer.

La théorie libérale servie dans nos universités, c’est comme un contrat d’assurance. On vous explique dans le texte que « le marché aboutit à l’allocation optimale des ressources » et on met en note de bas de page en tout petit « à condition que la concurrence sur ce marché soit pure et parfaite ». Beaucoup d’étudiants ne retiennent que la première formule, et pas la seconde. Et une fois leurs études terminées, ils vont travailler à la Commission. Le problème, c’est que la condition en question est impérative, et n’est que très rarement remplie (3). Dans un marché qui n’est pas « pur et parfait », il n’y a aucune garantie que l’offre suive la demande. Par exemple, parce que la construction de capacités de production n’est pas instantanée. Lorsque la Chine a fermé la production de masques, avec la meilleure bonne volonté du monde l’industrie européenne ne pouvait pas suppléer, et cela quelque fut le prix payé, tout simplement parce que les installations de production susceptibles de fournir n’existaient pas. Avec le vaccin, on a un peu le même problème. Tant que les mécanismes de marché jouent, il n’est pas rentable pour les entreprises pharmaceutiques de reconvertir des installations de production à grand frais pour produire le vaccin (4), alors que bien d’autres médicaments sont beaucoup plus rentables. Pour que ces reconversions soient envisageables, il faudrait les subventionner… mais cela supposerait de remiser au placard les règles sur les aides d’Etat, ce dont aucun fonctionnaire européen normalement constitué n’ose rêver.

On sait depuis de très longues années que même les marchés les plus proches d’une concurrence « pure et parfaite » en temps normal cessent de fonctionner proprement dès lors que des circonstances exceptionnelles empêchent l’offre de suivre la demande. C’est pourquoi tous les Etats ont recours à des règles d’exception de telles circonstances : rationnement, réquisition, contrôle des prix sont les instruments universellement utilisés pour s’assurer que les citoyens restent approvisionnés du mieux possible tout en empêchant des intérêts privés de monnayer à prix d’or leur détresse. Imaginer qu’on pouvait gérer l’approvisionnement de vaccins en respectant les règles bureaucratiques prévues pour les temps normaux, c’était une illusion.

Cette affaire de vaccins montre bien toute la différence qui existe entre les bons vieux Etats-nations et une structure européenne obsédée par le droit et le marché. Les Etats sont d’abord des structures pragmatiques, poussées par le besoin d’obtenir des résultats, tout simplement parce que leur légitimité vient de leur capacité à protéger leurs citoyens. Alors, s’il n’y a pas de masques, on réquisitionne là où on peut, si les vaccins n’arrivent pas, on essaye de trouver des sources d’approvisionnement alternatives, comme le font la Hongrie, la Pologne ou la Slovaquie qui négocient au niveau national l’achat de doses supplémentaires auprès de la Chine ou de la Russie. Parce que pour l’Etat-nation « salus populi suprema lex esto », on cherche à résoudre les problèmes plutôt qu’à viser la pureté du droit. Au contraire, quelle est la réaction de l’Union européenne lorsque les vaccins n’arrivent pas ? C’est de faire une enquête chez le fabriquant pour vérifier que le contrat est bien respecté. Et ensuite on nous expliquera que puisque le contrat est mal rédigé, on ne peut rien faire. Parce que la loi, vous comprenez, c’est sacré.

On croit rêver, mais non, c’est réel. Alors que l’avenir du pays dépend de notre capacité à vacciner rapidement, ce sont les industriels qui décident qu’ils produiront ou non le vaccin en fonction de leurs intérêts commerciaux. Il ne vient à l’idée de personne de réquisitionner BioNtech pour l’obliger à permettre la production de son vaccin par d’autres, ou de réquisitionner Sanofi pour l’obliger à produire le vaccin développé par d’autres. On se contente de faire les gros yeux aux industriels en espérant qu’ils accélèrent la cadence – ce qu’ils ne feront que si l’affaire est plus rentable que de produire d’autres médicaments.

Et comment en arrive-t-on là ? On y arrive parce que nos institutions nationales ont été systématiquement émasculées, au point qu’elles ne sont même plus capables de rêver à faire autre chose que ce que la doxa européenne demande. La tentation de se débarrasser des problèmes – et des responsabilités qui vont avec – sur l’Union européenne est tellement irrésistible… qu’on ne prendra des mesures fortes que lorsque l’Union se sera montrée défaillante au-delà de toute possibilité de rédemption. On l’a vu avec les masques, on l’a vu avec le contrôle aux frontières, on l’a vu avec les migrants. Et aujourd’hui on le voit avec les vaccins, avec les pays d’Europe orientale défiant la colère de Bruxelles en négociant avec leur voisin russe les vaccins que l’Union européenne ne leur fournit pas. Même la Pologne, pays dont la méfiance antirusse est légendaire, s’y met. Tout simplement parce qu’en bonne logique d’Etat national, le salut de son peuple reste sa loi suprême.

Descartes

(1) Chiffres au 27 février (https://fr.statista.com/infographie/23846/campagne-vaccination-covid-19-nombre-de-doses-de-vaccin-administrees-pour-100-habitants/)

(2) Souvenez-vous qu’à chaque changement de président de la Commission on nous chante la même chanson. Du technicien Barroso à la « commission politique » de Juncker, on nous explique à chaque fois que cette fois ce sera différent, qu’on a tiré les leçons des échecs précédents. Et à chaque fois, on découvre que c’est la même chose. Barroso n’était qu’un incompétent qui a couru sitôt son mandat terminé vendre son carnet d’adresses à Goldman Sachs, Juncker un gentil alcoolique. Lorsque le système ne peut produire que des présidents de ce calibre, c’est que le problème n’est pas chez les personnes, mais dans le système.

(3) Et ce n’est pas une question de « règles » ou de « régulation du marché ». Il y a des marchés qui sont STRUCTURELLEMENT imparfaits ou impurs. C’est par exemple dans les marchés ou « big is beautiful ». Si la productivité augmente avec la taille, alors la tendance naturelle des entreprises est à fusionner pour gagner en efficacité, jusqu’à aboutir à un monopole. La condition d’atomicité, indispensable pour qu’un marché soit pur et parfait, et qui implique que les entreprises qui y interviennent soient suffisamment nombreuses et petites pour qu’aucune ne puisse à elle seule influencer les prix, ne peut être remplie que si une autorité extérieure empêche les fusions et « atomise » les entreprises jugées trop grosses. Mais ce faisant, l’autorité réduit l’efficacité du système et s’éloigne donc de l’optimum…

(4) Il ne faut pas oublier à ce propos que les vaccins sont un secteur d’activité qui ne laisse aux entreprises pharmaceutiques qu’une marge très limitée. C’est ce qui explique que certaines entreprises aient abandonné le développement du vaccin dès que Pfizer a mis le sien sur le marché. Dès lors qu’on n’arrive pas parmi les premiers, il est inutile de continuer. Et même celui qui arrive en tête risque de ne pas rentrer dans ses frais…

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40 réponses à Pourquoi l’Union européenne du droit et du marché ne vaccine pas

  1. François GRINAND dit :

    Merci pour votre article remarquable.
    Bien que vous ne m’ayez jamais rabattu les oreilles, je consens à ce que vous me les rebattiez, tant la question traitée l’impose.  Je vous fais grâce du “esto” pour “lex est” et vous prie de ne pas prendre ombrage de ces remarques formelles, tant sur le fond, je n’ai rien à nuancer. Merci également pour votre citation de la lettre à Louvois
    Cordialement,

    • Descartes dit :

      @ François GRINAND

      [Je vous fais grâce du “esto” pour “lex est” et vous prie de ne pas prendre ombrage de ces remarques formelles]

      Je n’en prends pas ombrage… mais vous avez tort. C’est bien “esto” et non “est”. Pour ne donner qu’un exemple, vous trouverez cette formule en titre d’une conférence du Pr Mantovani au Collège de France (https://www.fondation-cdf.fr/2020/05/13/quand-la-sante-devient-politique/). La formule figure d’ailleurs sous cette forme (“salus populi suprema lex esto”) dans les armes de l’Etat du Missouri et sous une forme légèrement différente (“salus publica suprema lex esto”) sur l’arche du Palais fédéral à Berne.

      Si j’ai bien compris, “esto” est la forme impérative du verbe “être” en latin. Ainsi, “salus populi suprema lex est” se traduit par “le salut du peuple est la loi suprême”, alors que “salus populi suprema lex esto” peut se traduire par “que le salut du peuple soit la loi suprême” ou “le salut du peuple doit être la loi suprême”.

  2. Bernardin dit :

    Bonjour,
    Depuis le temps qu’un ami me rEbat (§ 2) les oreilles  à propos de votre blog, je me mets régulièrement à le parcourir avec grand plaisir. Cette petite correction respectueuse me permet “en même temps” de vous remercier pour votre apport à la pensée.
    Salutations humanistes,
    Serge Bernardin

    • Descartes dit :

      @ Bernardin

      [Cette petite correction respectueuse me permet “en même temps” de vous remercier pour votre apport à la pensée.]

      Merci beaucoup.

  3. luc dit :

    SELON LA COMMISSION EUROP2ENNE:
    https://ec.europa.eu/info/live-work-travel-eu/coronavirus-response/safe-covid-19-vaccines-europeans_fr
    ‘La Commission européenne a déjà réservé jusqu’à 2,6 milliards de doses de vaccins contre la COVID-19, et des négociations sont en cours pour obtenir des doses supplémentaires. Les livraisons de vaccins aux pays de l’UE augmentent régulièrement et la vaccination s’accélère. La Commission collabore également avec l’industrie pour renforcer les capacités de production des vaccins.Dans le même temps, elle a commencé à s’occuper des nouveaux variants, dans le but de mettre au point et de produire rapidement et à grande échelle des vaccins efficaces contre ces variants. L’incubateur HERA va contribuer à répondre à la menace qu’ils constituent.L’UE est déterminée à faire en sorte que des vaccins sûrs soient disponibles aux quatre coins de la planète. La Commission et les pays de l’UE se sont engagés à verser plus de 2,2 milliards d’euros à COVAX, l’initiative mondiale visant à garantir un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19, et ils soutiennent les campagnes de vaccination dans les pays partenaires.’
    Or la France est en dessous des taux de vaccination de ces voisins;N’est ce pas parceque la crise à montré que les dirigeants des ARS,les hauts fonctionnaires de la santé en France ,n’étaient pas près car trop UE compatible et Anti collectivistes Mutés,pour affronter collectivement une crise pourtant prévue ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [SELON LA COMMISSION EUROPEENNE (…) « La Commission européenne a déjà réservé jusqu’à 2,6 milliards de doses de vaccins contre la COVID-19, et des négociations sont en cours pour obtenir des doses supplémentaires. Les livraisons de vaccins aux pays de l’UE augmentent régulièrement et la vaccination s’accélère.»]

      Excellente illustration de mon commentaire : l’action de la Commission ne se manifeste que dans la réservation des vaccins, c’est-à-dire, dans la signature du contrat. Le fait que les vaccins arrivent ou pas, ce n’est pas une matière d’action pour elle, juste de constatation.

      [Or la France est en dessous des taux de vaccination de ces voisins.]

      Non. La Belgique et le Luxembourg sont en dessous de nous. Et les pays de l’Union européenne arrivent finalement dans un mouchoir de poche (la différence entre la France et l’Allemagne est de 0,5%…). On voit bien que ce n’est pas l’organisation de la vaccination qui pèche, mais la disponibilité des vaccins. On observe d’ailleurs que les pays dont la population est la plus âgée sont ceux qui sont en tête, ce qui laisse penser que dans la répartition de la pénurie ils bénéficient d’un petit avantage.

      En France, c’est toujours pareil. On est plus lent à démarrer, mais on est plus efficaces ensuite. Quelque soit le programme, la première semaine c’est le bordel et tout le monde gueule que ce n’est pas possible, qu’il faut faire comme les Allemands/Finlandais/Américains. Mais dès que la machine administrative atteint son rythme de croisière, on rattrape le temps perdu. Alors de grâce arrêtons de nous flageller – et de flageller nos institutions – à chaque fois.

  4. Louis dit :

    Merci pour votre article ! Auriez-vous l’amabilité de nous dire d’où vient ce texte de Louvois ? J’aimerais bien lire ce qu’il a écrit, mais je désespère de trouver ses écrits en dehors d’éditions hors de prix.

    • Descartes dit :

      @ Louis

      [Merci pour votre article ! Auriez-vous l’amabilité de nous dire d’où vient ce texte de Louvois ? J’aimerais bien lire ce qu’il a écrit, mais je désespère de trouver ses écrits en dehors d’éditions hors de prix.]

      Le texte est extrait d’une lettre de Vauban, à l’époque surintendant des fortifications et donc chargé de suivre les chantiers de construction de celles-ci, à Louvois qui était son supérieur hiérarchique en tant que ministre de la guerre. Je l’ai trouvé sur le site de la Cour des Comptes il y a déjà plusieurs années. J’ignore si la correspondance de Vauban a été publié et sous quelle forme.

  5. Adélaïde dit :

    @LouisLa correspondance de Vauban a été publié dans “Vauban : sa famille et ses écrits, ses “Oisivetés” et sa Correspondance” par Albert de Rochas d’Aiglun. Le livre est disponible sur Gallica, l’extrait mentionné par Descartes se situe p262 du tome II: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6203923q/f298.item

    • Descartes dit :

      @ Adelaïde

      Merci beaucoup, je suis toujours surpris de l’érudition de mes lecteurs, bien supérieure à la mienne. Il faut savoir que Gallica renferme un trésor de documentation aisément consultable. Je trouve dommage que si peu d’enseignants s’en servent!

    • Louis dit :

      @ Adélaïde et Descartes
      Merci pour la correction — je suis tête en l’air en cette belle journée de repos — et pour m’avoir donné de quoi occuper mes soirées ! Bonne journée à tous.

  6. Luc dit :

    UN FAIT AHURISSANT est apparu à l’occasion de cette pandémie de la covid 19.
    L’effondrement de l’expertise française concernant les Vaccins.Pasteur réveille toi,l’UE nous rendu Fou!
    Nous connaissions déjà l’effacement du national programmépar l’UE de l’expertise du nucléaire civil national,du service public del’énergie,de la SNCF ,c’est maintenant la santé et les va ccins qui sont atteints.
    La GB semble beaucoup mieux armée avec son accord économique avec l’UE et de libres échanges avec le reste du Monde comme l’atteste le succès de son vaccin Astra Zenecca,non?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [L’effondrement de l’expertise française concernant les Vaccins.Pasteur réveille toi,l’UE nous rendu Fou!]

      C’est le marché qui veut ça. Les vaccins ne sont pas rentables, et c’est pourquoi les entreprises pharmaceutiques s’en détournent lorsqu’elles n’ont pas un marché réservé. Pourquoi voulez-vous que Sanofi perde de l’argent ?

  7. Vincent dit :

    @Descartes
     
    Merci pour cet article, très convaincant à la lecture. Mais j’ai le fâcheux défaut, à la fin de la lecture d’un article, d’essayer de le synthétiser. Et j’ai un petit problème ici, car j’ai l’impression que vous tapez légèrement à côté de la cible :
     
    – la citation de Louvois, que j’avais déjà rencontrée je ne sais où, me semble être une critique tout à fait fondée de certaines conséquences dommageables des marchés publics de manière générale, qu’ils soient européens ou français. Mais il s’agit d’une critique qui concerne les marchés “normaux”, et pas spécifiquement les gestions de cirses ou les guerres. Je ne crois pas que durant le siège de Maastricht, les officiers du Roi aient eu à passer des marchés avec des entrepreneurs incompétents pour réaliser les travaux de siège.
     
    – Par ailleurs, vous constatez, ce qui est une réalité, que la construction européenne est une construction purement juridique, et qui ne cherche la solution aux problèmes qui se posent que dans le droit et dans ses textes fondateurs. Et, même si vous ne le pointez pas particulièrement, vous pourriez mentionner que la culture de ceux qui gravitent dans les sphères bruxelloises sont beaucoup plus imprégnées de juridisme, d’économisme, ou d’art de la communication, que d’art militaire ou d’ingénierie.
     
    Et vous mélangez les deux pour expliquer que la construction européenne est par essence incapable de gérer une crise, prisonnière de son juridisme et de son habitude d’aller chercher dans les textes fondateurs les réponses à tous les problèmes.
     
    L’aberration que vous pointez, entre une union européenne qui explique qu’elle a commandé plus de doses que n’importe qui, avec de super bonnes conditions, et qui communique dessus alors même qu’en réalité, les chiffres bruts montrent une situation désastreuse, vient davantage, à mon sens, de ce que les Bruxellois sont des communicants et des juristes, et qu’un problème qui a obtenu une solution sur papier n’en est plus un.
    Cette situation est tout à fait commune, même si les chiffres bruts des vaccinations -et vous avez raison de les pointer- jettent un éclairage très cru sur cette incapacité à voir les réalités.
     
    Mais je pense que vous surestimez la sacralisation du droit par l’UE (je parle bien de l’UE, et pas le l’Allemagne). J’en veux pour exemple que, si l’euro existe toujours, c’est parceque les traités européens qui permettaient la création de l’euro ont été violés depuis 2011.
    Crise de l’euro ==> Crise existencielle pour l’UE ==> Peu importent les traités, le droit : la seule chose qui compte est de préserver l’UE, et au diable les traités, on les tordra pour leur faire dire l’inverse de ce qui est écrit !
     

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [– la citation de Louvois, que j’avais déjà rencontrée je ne sais où, me semble être une critique tout à fait fondée de certaines conséquences dommageables des marchés publics de manière générale, qu’ils soient européens ou français.]

      Tout à fait. Mais la logique de soumettre obligatoirement tout aux procédures d’appel d’offres et de sélectionner le moins disant (oui, je sais qu’on parle du « mieux disant », mais en pratique il est très difficile de définir des critères objectifs de mieux-disance autres que les critères financiers) est une idée qui a été imposée en France à travers de la réglementation européenne. C’est de l’échelon européen que vient l’idée que la concurrence est toujours favorable aux consommateurs. C’est vrai lorsqu’il s’agit d’acheter un produit standardisé. C’est faux lorsqu’il s’agit d’acheter des biens ou des prestations spécifiques. Et cela pour la raison expliquée par Vauban dans le texte cité : les entrepreneurs coupent sur tout pour avoir le marché, et essayent ensuite de refourger une prestation dégradée pour arriver à rentrer dans leurs frais.

      [Mais il s’agit d’une critique qui concerne les marchés “normaux”, et pas spécifiquement les gestions de crises ou les guerres. Je ne crois pas que durant le siège de Maastricht, les officiers du Roi aient eu à passer des marchés avec des entrepreneurs incompétents pour réaliser les travaux de siège.]

      Vauban ne parle pas « d’incompétence », mais bien d’autre chose : de la pression concurrentielle qui pousse l’entrepreneur à accepter des « rabais » pour avoir le marché, puis à dégrader la prestation pour pouvoir équilibrer ses comptes. Et si sa lettre fait référence surtout aux entrepreneurs de travaux pour les fortifications de Brest et de Belle-Ile, on trouve d’autres textes qui pointent les mêmes manquements dans les fournitures aux armées.

      [Et vous mélangez les deux pour expliquer que la construction européenne est par essence incapable de gérer une crise, prisonnière de son juridisme et de son habitude d’aller chercher dans les textes fondateurs les réponses à tous les problèmes.]

      Oui, mais attention : si pour moi la l’Union européenne est prisonnière du juridisme, ce n’est pas parce que les gens soient bêtes ou incompétents. Le juridisme est indispensable parce que c’est la seule source de légitimité des institutions européennes. Là où les institutions nationales ont une légitimité fondée sur la solidarité inconditionnelle entre les citoyens d’une nation, les institutions européennes n’ont d’autre légitimité que le droit. L’institution nationale peut impunément violer le droit dès lors que cela est nécessaire au « salus populi ». Mais dans le cas de l’UE cela est impossible, parce que l’idée même « salus populi » nécessite un « populi » dont les membres sont solidaires entre eux.

      [L’aberration que vous pointez, entre une union européenne qui explique qu’elle a commandé plus de doses que n’importe qui, avec de super bonnes conditions, et qui communique dessus alors même qu’en réalité, les chiffres bruts montrent une situation désastreuse, vient davantage, à mon sens, de ce que les Bruxellois sont des communicants et des juristes, et qu’un problème qui a obtenu une solution sur papier n’en est plus un.]

      C’est bien mon point. Dès lors que les règles du droit et de la concurrence sont respectés, nous sommes dans le meilleurs des mondes.

      [Mais je pense que vous surestimez la sacralisation du droit par l’UE (je parle bien de l’UE, et pas le l’Allemagne). J’en veux pour exemple que, si l’euro existe toujours, c’est parce que les traités européens qui permettaient la création de l’euro ont été violés depuis 2011.]

      Violés ? Non, ils ont été INTERPRETES. La nuance est importante. On agi avec les traités comme les églises agissent pour la Bible : le texte dogmatique étant incontestable et immodifiable, on ne peut faire évoluer son application que par la réinterprétation.

      [Crise de l’euro ==> Crise existencielle pour l’UE ==> Peu importent les traités, le droit : la seule chose qui compte est de préserver l’UE, et au diable les traités, on les tordra pour leur faire dire l’inverse de ce qui est écrit !]

      Vous illustrez parfaitement la différence : au niveau national, on aurait pu jeter « au diable » la règle (comme on l’a fait par exemple en 1945 ou en 1958). Mais à l’UE, on ne peut envoyer « au diable » le traité, il faut le réinterpréter pour préserver la fiction juridique. Vous noterez d’ailleurs que les décisions ont été prises par la BCE, et non par la bureaucratie de la Commission… c’est à dire une entité dont la culture est plus économique que juridique. Et seulement devant une menace “existentielle”…

      • Vincent dit :

        @Descartes

        Le juridisme est indispensable parce que c’est la seule source de légitimité des institutions européennes. Là où les institutions nationales ont une légitimité fondée sur la solidarité inconditionnelle entre les citoyens d’une nation, les institutions européennes n’ont d’autre légitimité que le droit. 

        Je crois que vous pointez du doigt ici quelque chose de fondamental. Mais je ne suis pas d’accord pour que l’on dise que, dans le cas des institutions nationales, la légitimité est fondée sur la solidarité des citoyens d’une nation. Même s’il s’agit de la conception française actuellement.
        En Allemagne, le juridisme est aussi la seule source de légitimité des institutions. A l’époque du Saint Empire, c’était l’élection qui donnait la légitimité des institutions (je veux parler des grands électeurs). A la création de l’Allemagne (2nd Reich), c’est la force (prussienne) qui était la légitimité (un peu sur le modèle romain). Sous la république de Weimar, je ne sais pas (peut être pas grand chose, ce qui expliquerait son instabilité) ; sous le 3ème Reich, c’était un mélange de légitimité par la force, et d’une tentative de légitimation au nom d’une loi naturelle (pureté du sang, etc.).
        Et depuis 1945, c’est, en RFA, le droit qui est la source de légitimité.
        En Arabie Saoudite, la légitimité de la famille régnante tient à des facteurs purement religieux. Au Liban, la légitimité du régime tient à ce qu’un équilibre qui a réussi à éviter la guerre civile pendant quelques décennies a fait la démonstration de sa pertinence (une sorte de légitimité par l’état de fait et par la durée, comme l’était l’ancien régime en France).
         
         Tout ceci pour dire que la conception européenne est, ici aussi, très similaire à la conception allemande. La structure de l’UE ressemble pas mal, avec les pays, à la structure de l’Allemagne avec les Länder. Rien d’étonnant que les allemands soient à Bruxelles comme un poisson dans l’eau.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Le juridisme est indispensable parce que c’est la seule source de légitimité des institutions européennes. Là où les institutions nationales ont une légitimité fondée sur la solidarité inconditionnelle entre les citoyens d’une nation, les institutions européennes n’ont d’autre légitimité que le droit. » Je crois que vous pointez du doigt ici quelque chose de fondamental. Mais je ne suis pas d’accord pour que l’on dise que, dans le cas des institutions nationales, la légitimité est fondée sur la solidarité des citoyens d’une nation. Même s’il s’agit de la conception française actuellement.
          En Allemagne, le juridisme est aussi la seule source de légitimité des institutions.]

          Je vous accorde volontiers ce point. Plus les solidarités inconditionnelles sont faibles, et plus le droit apparaît comme la seule source de légitimité. Et c’est logique : si je vois mon concitoyen comme un autre moi-même, j’accepte plus facilement de donner à une autorité politique le pouvoir discrétionnaire de partager les ressources entre lui et moi sans qu’un contrat précise clairement qui doit quoi à qui. Si je n’ai envers mon concitoyen aucune obligation « inconditionnelle », je voudrai un contrat précis qui détermine les « conditions » de ma solidarité.

          Cela étant dit, il y a des « degrés » dans la constitution d’une nation. La « solidarité inconditionnelle » entre Allemands est certainement plus restrictive que celle des Français, et c’est ce qui explique que la « nation allemande » soit plus récente que la nôtre et surtout beaucoup plus instable.

          [Tout ceci pour dire que la conception européenne est, ici aussi, très similaire à la conception allemande. La structure de l’UE ressemble pas mal, avec les pays, à la structure de l’Allemagne avec les Länder. Rien d’étonnant que les allemands soient à Bruxelles comme un poisson dans l’eau.]

          Effectivement, l’UE est une « ligue de nations », dont la structure rappelle le Saint-Empire. Une structure bien plus affine à l’histoire allemande qu’à l’histoire de France.

          • Vincent dit :

            @Descartes
             

            Cela étant dit, il y a des « degrés » dans la constitution d’une nation. La « solidarité inconditionnelle » entre Allemands est certainement plus restrictive que celle des Français, et c’est ce qui explique que la « nation allemande » soit plus récente que la nôtre et surtout beaucoup plus instable.

             
            Je suppose que vous vouliez formuler la phrase dans l’autre sens : c’est parce que la nation allemande est plus récente que la solidarité inconditionnelle est plus restrictive.
             
            Mais à mon sens, cela pourrait se discuter :
             
            Ce qui va dans votre sens : Au XVIIIème ou au début du XIXème, en France, il y avait déjà une centralisation très forte, et il n’était pas toléré que des provinces mènent leur propre diplomatie, aient leurs propres alliances. Alors que dans le Saint Empire, ou suite à l’épisode napoléonien, il pouvait y avoir des diplomaties différentes des différents Etats allemands.
             
            Dans le sens inverse : l’émergence de la nation au sens actuel du terme, en France, date de la révolution française. L’émergence de la nation allemande, dans leur acception du terme, date de l’invasion napoléonienne (bataille d’Iéna notamment). Ce qui ne fait pas une si grosse différence en termes historiques.
             
            A mon sens, il y a une grosse différence qui mérite d’être pointée :
             
            L’unification allemande, même si elle correspondait peut-être au XIXème siècle à une volonté relativement commune (comme en Italie), a été faite par la Prusse, c’est à dire par la force (par le fer et par le sang, comme l’affichait Bismark dans son programme).
             
            Si la Prusse avait été mise au pas et que l’unification s’était faite depuis l’Ouest, avec des gens qui étaient beaucoup plus universalistes, francophiles, et intellectuels, sans doute que la mentalité allemande aurait été très différente (il s’agit d’une spéculation intellectuelle de ma part, naturellement).
             
            La capitale n’aurait pas été Berlin, mais probablement Francfort, Mayence, Cologne, ou Aix-la-Chapelle. Et l’Allemagne aurait été beaucoup plus francophile, et plus orientée vers la culture que vers la force et l’art militaire. Et peut être que, via cet universalisme à l’échelle de la nation, une solidarité inconditionnelle aurait pu être naturelle, alors que, dans une vision prussienne, d’un Etat-armée qui asservit les autres, il n’y a aucune place pour une telle solidarité (il y a au contraire de manière assumée une supériorité de la Prusse sur les autres).
             
            Quitte à faire des histoires parallèles, une solution intermédiaire aurait été possible, d’une unification par la Bavière, qui aurait été plus “militaire” que les états de l’Ouest, et plus “culturelle” que la Prusse. Et la capitale aurait sans doute été Ratisbonne, Nürenberg, ou Ausbourg. Avec du coup des principes catholiques prééminents par rapports aux principes protestants, et ici encore, peut être une plus grande orientation vers l’universalisme, et donc possiblement une solidarité vue comme naturelle…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [« La « solidarité inconditionnelle » entre Allemands est certainement plus restrictive que celle des Français, et c’est ce qui explique que la « nation allemande » soit plus récente que la nôtre et surtout beaucoup plus instable. » Je suppose que vous vouliez formuler la phrase dans l’autre sens : c’est parce que la nation allemande est plus récente que la solidarité inconditionnelle est plus restrictive.]

              Non, la phrase est dans le bon sens. C’est parce qu’il n’y a pas de profonde solidarité inconditionnelle entre les habitants de l’espace germanique que l’Etat-nation a mis autant de temps à surgir, et son histoire a été particulièrement torturée. L’Etat-nation allemand se forme d’ailleurs plus comme une alliance défensive que comme siège d’un projet commun.

              [Ce qui va dans votre sens : Au XVIIIème ou au début du XIXème, en France, il y avait déjà une centralisation très forte,]

              Mais il faut se demander pourquoi les sujets français ont soutenu la prétention du pouvoir central à la souveraineté par-dessus les pouvoirs locaux, alors que les sujets de l’espace germanique ont défendu bec et ongles les pouvoirs locaux. Mon explication est que le pouvoir central français a su très vite organiser une solidarité inconditionnelle entre les différentes parties du royaume, alors que les empereurs germaniques n’ont pas eu ce souci.

              [Dans le sens inverse : l’émergence de la nation au sens actuel du terme, en France, date de la révolution française. L’émergence de la nation allemande, dans leur acception du terme, date de l’invasion napoléonienne (bataille d’Iéna notamment). Ce qui ne fait pas une si grosse différence en termes historiques.]

              Je pense que vous allez un peu vite. Si l’idée que la souveraineté réside dans la nation apparaît avec la Révolution, l’idée de nation – même si le mot était utilisé dans un sens différent – est bien plus ancienne. L’idée de solidarité entre les différentes parties du royaume est déjà présente dans l’Etat tel que le conçoit Richelieu. En fait, la France est déjà une proto-nation à la fin du moyen-âge.

              La nation allemande apparaît en tant qu’idée avec Iena, mais elle ne devient réalité politique qu’avec Bismarck, en 1870. Et encore : alors que la « nation allemande » de Fichte est fondée sur la langue, l’objet politique ne regroupe nullement l’ensemble des régions de langue allemande. Pour Hegel, « nous n’avons jamais été une nation ». Certains contestent encore aujourd’hui l’idée que l’Allemagne constitue une nation, n’ayant jamais arrivé à lever l’ambiguïté entre « peuple » et « nation ». Voir à ce propos l’article de Karl Bohrer, « Allemagne année IV » (https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/ca5e0cded808dbc12fe27c10a3496b4c.pdf)

              [Si la Prusse avait été mise au pas et que l’unification s’était faite depuis l’Ouest, avec des gens qui étaient beaucoup plus universalistes, francophiles, et intellectuels, sans doute que la mentalité allemande aurait été très différente (il s’agit d’une spéculation intellectuelle de ma part, naturellement). La capitale n’aurait pas été Berlin, mais probablement Francfort, Mayence, Cologne, ou Aix-la-Chapelle. Et l’Allemagne aurait été beaucoup plus francophile, et plus orientée vers la culture que vers la force et l’art militaire.]

              Vous oubliez à mon sens un point essentiel. L’unité allemande s’est faite contre la France. Sans un ennemi externe, pourquoi ces petits états jaloux de leurs prérogatives auraient-ils accepté de les sacrifier ? Plus qu’une nation, l’Empire allemand est alors une ligue défensive. Comment une ligue constituée contre la France aurait pu être « francophile » ?

              [Quitte à faire des histoires parallèles, une solution intermédiaire aurait été possible, d’une unification par la Bavière, qui aurait été plus “militaire” que les états de l’Ouest, et plus “culturelle” que la Prusse.]

              Mais encore une fois, les états allemands au cours de leur longue histoire n’ont fait aucun effort pour instaurer une solidarité inconditionnelle entre leurs populations. La formation de la France est la conséquence d’un effort continu pour établir des rapports de solidarité entre les différents territoires incorporés à la couronne de France. Le pouvoir central a d’abord eu le souci d’empêcher les guerres intestines – ce qui était le cadet des soucis des empereurs germaniques. Ensuite, il a eu le souci de pourvoir à la défense commune – là encore, ce fut le contraire dans l’espace germanique.

      • Vincent dit :

        @Descartes

        (oui, je sais qu’on parle du « mieux disant », mais en pratique il est très difficile de définir des critères objectifs de mieux-disance autres que les critères financiers)

        Oui. Ou sinon, ça demande un travail énorme de creuser dans tous les détails des offres techniques pour voir où se trouvent les points qui risquent de faire capoter le projet… Et même en y passant du temps, il n’y a pas de garantie de réussite.
         

        Tout à fait. Mais la logique de soumettre obligatoirement tout aux procédures d’appel d’offres et de sélectionner le moins disant est une idée qui a été imposée en France à travers de la réglementation européenne. C’est de l’échelon européen que vient l’idée que la concurrence est toujours favorable aux consommateurs.

        Autant je vous suis sur le fait que la sacralisation de la concurrence “en tout temps et en tout lieu” est une doxa européenne.
        Autant je suis étonné que des clauses similaires n’aient pas existé en marchés publics avant l’arrivée d’exigences européennes. En êtes vous certain ?
         

        C’est faux lorsqu’il s’agit d’acheter des biens ou des prestations spécifiques. Et cela pour la raison expliquée par Vauban dans le texte cité : les entrepreneurs coupent sur tout pour avoir le marché, et essayent ensuite de refourger une prestation dégradée pour arriver à rentrer dans leurs frais.

        Et encore, ça fonctionnait comme ça à l’époque de Vauban, où les entrepreneurs n’avaient aucune autre responsabilité que d’appliquer les plans qui étaient définis par les ingénieurs du Roy.
        Mais je dirais que c’est bien pire aujourd’hui. Et même en faisant appel à des majors avec toute la notoriété qui va avec, on est pas à l’abri de dérives (sans doute même au contraire).
        Il y a, en travaux publics surtout, de réelles stratégies développées par les entrepreneurs pour imposer des révisions des prix du Marché :
        – Au nom de l’obligation de sécurité (c’est une obligation qui n’a pas de limite, et dès qu’ils peuvent avoir l’idée d’une disposition qui aurait pu (du) être prévue et qui ne l’a pas été dans l’appel d’offre, ils peuvent réclamer. Un exemple ci dessous concernant une entreprise que vous chérissez (EDF) : (1)
        – Plus généralement, il peut y avoir des stratégies consistant à trouver des arguments techniques plus ou moins solides pour refuser de faire les choses comme prévu,
        – Et, parfois, il peut y avoir des méthodologies présentées dans les appel d’offres qui sont totalement incompatibles avec les contraintes réelles du Maitre d’Ouvrage, et pour peu que ça soit écrit discrètement en petit, le client peut ne pas s’en rendre compte lors de l’appel d’offres… Et quand il s’en rend compte… “prix nouveau” !
         

        Vauban ne parle pas « d’incompétence », mais bien d’autre chose : de la pression concurrentielle qui pousse l’entrepreneur à accepter des « rabais » pour avoir le marché, puis à dégrader la prestation pour pouvoir équilibrer ses comptes. Et si sa lettre fait référence surtout aux entrepreneurs de travaux pour les fortifications de Brest et de Belle-Ile, on trouve d’autres textes qui pointent les mêmes manquements dans les fournitures aux armées.

        En termes de manquement dans les fournitures des armées, il me semble que la période qui a été la plus prolifique a été celle de la Révolution Française. Qui était aussi celle dans laquelle la commande publique était la moins regardante sur les prix… Comme quoi, malgré tous ses défauts, le système d’appel d’offres transparent reste le meilleur ?
         
        [(1) un exemple que l’on peut comprendre en filagramme sur cette présentation d’EDF :
        https://www.barrages-cfbr.eu/IMG/pdf/symposium2017_04_reverchon_amenagement_de_romanche-gavet.pdf
        Les protections contre les chutes de blocs avaient été prévues, mais l’entreprise a eu l’idée d’en ajouter d’autres. Et sur le risque amiante, il n’y a au final -de ce que j’ai entendu- pas eu, sur l’ensemble du linéaire d’amiante de nature à faire courir un risque, mais l’ensemble des travaux souterrains ont été réalisés en condition “désamiantage”]

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« (oui, je sais qu’on parle du « mieux disant », mais en pratique il est très difficile de définir des critères objectifs de mieux-disance autres que les critères financiers) » Oui. Ou sinon, ça demande un travail énorme de creuser dans tous les détails des offres techniques pour voir où se trouvent les points qui risquent de faire capoter le projet… Et même en y passant du temps, il n’y a pas de garantie de réussite.]

          C’est pire que ça. Même si vous acceptez de faire un « travail énorme » pour estimer le détail des offres techniques, vous avez une barrière juridique infranchissable : les critères d’évaluation de l’offre doivent être publiés PREALABLEMENT à la réception des offres. Dans un projet complexe, fixer de tels critères avant d’avoir vu les offres relèves pratiquement de la magie, puisque vous pouvez vous retrouver avec des offres techniquement innovantes, des solutions auxquelles vous n’aviez pas pensé à priori et qui du coup ne rentrent pas dans les critères prédéfinis, alors qu’elles se révèlent après étude les plus intéressantes.

          Le système d’appel d’offres « à l’européenne » est fondé sur une vision idéalisée des marchés et ne tient pas compte des réalités industrielles. Il suppose que client et fournisseur ont les mêmes degrés d’information – ce qui est généralement faux.

          [« Autant je vous suis sur le fait que la sacralisation de la concurrence “en tout temps et en tout lieu” est une doxa européenne. » Autant je suis étonné que des clauses similaires n’aient pas existé en marchés publics avant l’arrivée d’exigences européennes. En êtes-vous certain ?]

          Totalement. J’ai vu dans ma pratique professionnelle les effets des réformes successives du Code des marchés publics pour l’adapter aux directives européennes. Et je peux vous assurer qu’on n’achetait pas il y a trente ans comme on achète aujourd’hui. Si pour construire le programme électronucléaire on avait dû passer par les procédures d’aujourd’hui, on y serait encore… et pour un résultat bien plus dégradé.

          [Mais je dirais que c’est bien pire aujourd’hui. Et même en faisant appel à des majors avec toute la notoriété qui va avec, on n’est pas à l’abri de dérives (sans doute même au contraire).
          Il y a, en travaux publics surtout, de réelles stratégies développées par les entrepreneurs pour imposer des révisions des prix du Marché :]

          De toute façon, tout maître d’ouvrage un tant soit peu intelligent sait que l’ouvrage coûtera au final entre 30 et 50% de plus que prévu initialement pour un projet complexe. Il n’y a que les magistrats de la Cour des comptes – et encore – pour s’en étonner. C’est en fait la seule manière de contourner les contraintes absurdes du code des marchés publics : vous passez un marché fictif à un prix, puis vous exécutez le chantier réel à un autre. Et ne croyez pas que les entrepreneurs sont les seuls à employer ce système : certains maîtres d’ouvrage publics sont passés maîtres dans l’art de faire un appel d’offre qui leur garantit que l’entreprise avec laquelle ils veulent travailler sera la moins disante, puis reconfigurent le marché avec des « avenants » pour que l’entrepreneur rentre dans ses frais.

          [En termes de manquement dans les fournitures des armées, il me semble que la période qui a été la plus prolifique a été celle de la Révolution Française. Qui était aussi celle dans laquelle la commande publique était la moins regardante sur les prix… Comme quoi, malgré tous ses défauts, le système d’appel d’offres transparent reste le meilleur ?]

          Il ne faut pas confondre. Si la période de la Révolution française a été riche en scandales de ce type, c’est surtout parce que dans la tourmente révolutionnaire l’administration qui pouvait exercer un contrôle effectif sur les fournitures et les paiements avait pratiquement disparu. Le problème a été résolu avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon, qui n’a pourtant pas établi un système « d’appel d’offres transparent », loin de là !

          Je ne crois pas avoir dit qu’il faut laisser faire n’importe quoi. La procédure d’appel d’offres « transparente » n’est pas en cause. Ce que je remets en cause, c’est la logique de marché qui oblige l’organisme qui achète à prendre le moins disant. Je n’ai rien contre le fait que le choix se fasse en toute transparence, que l’acheteur public soit tenu de motiver ses choix. Mais je lui laisserais un large pouvoir d’appréciation à l’heure de choisir son fournisseur.

          Vous retrouvez là un principe qui m’est cher : l’impuissance conduit à l’irresponsabilité, seule une autorité ayant un vrai pouvoir de choix peut être tenue pour responsable. Contrairement à une bonne partie de nos décideurs qui ne songent qu’à multiplier les barrières et les contrôles à l’action publique, je veux des autorités ayant des pouvoirs étendus et donc responsables de leurs choix. Or, la logique européenne de régulation par le marché conduit à l’inverse à des autorités sans marge de manœuvre et donc irresponsables. Combien de fois j’ai entendu l’argument « oui, la prestation est mauvaise mais vous comprenez, c’est le prestataire qui a gagné l’appel d’offres, on n’a pas eu le choix »…

      • Philippe Dubois dit :

        Mon expérience des marchés publics date un peu mais si théoriquement, c’est le mieux disant qui doit être retenu, il est effectivement difficile d’échapper au moins disant pour deux raisons principales.
        Quand la différenciation sur les critère techniques est difficile, vous devez fournir des explications à n’en plus finir si vous ne prenez pas le moins cher, d’autant que vous n’avez en théorie pas le droit d’écarter votre précédent fournisseur s’il s’est révélé mauvais puisque vous ne jugez que le dossier présenté.
        Quand les critères techniques sont simples, les modalités de calcul sont telles qu’un écart de prix infime efface des différences techniques notables.
        J’ai eu le cas lors d’un appel d’offre pour l’externalisation de la restauration au Mindef :
        – critère technique 70 points
        – critère prix 30 points mais un écart de 10 centimes faisait 20 points
         
        Une piste serait d’appliquer une des règles en vigueur en Allemagne : le moins disant est écarté d’office (ainsi que le plus cher si ma mémoire est bonne), ce qui interdit en fait aux fournisseurs de tirer sur les prix avec des offres trop basses (l’offre anormalement basse est un critère éliminatoire en France, mais il faut vraiment le prouver).

        • Descartes dit :

          @ Philippe Dubois

          [Quand la différenciation sur les critères techniques est difficile, vous devez fournir des explications à n’en plus finir si vous ne prenez pas le moins cher, d’autant que vous n’avez en théorie pas le droit d’écarter votre précédent fournisseur s’il s’est révélé mauvais puisque vous ne jugez que le dossier présenté.]

          Oui. Mais surtout il vous faut énoncer les critères techniques AVANT l’envoi des offres. Or, dès lors qu’il s’agit d’une prestation complexe, définir des critères techniques ex ante a pour effet d’éliminer (ou au contraire de donner un avantage excessif) a des projets innovants, précisément parce que celui qui écrit le cahier de charges ne peut prévoir ces innovations, et donc une grille susceptible de les évaluer justement.

          [Une piste serait d’appliquer une des règles en vigueur en Allemagne : le moins disant est écarté d’office (ainsi que le plus cher si ma mémoire est bonne), ce qui interdit en fait aux fournisseurs de tirer sur les prix avec des offres trop basses (l’offre anormalement basse est un critère éliminatoire en France, mais il faut vraiment le prouver).]

          C’est de la poudre aux yeux : si le choix se fait sur le prix, TOUS les fournisseurs « tireront les prix vers le bas ». Et rien ne garantit que le second moins cher n’ait tiré à l’excès lui aussi !

          Je suis surpris d’apprendre qu’on fait comme cela en Allemagne, puisque c’est contraire à la directive “marchés publics”…

          • Philippe Dubois dit :

            Bonsoir Descartes
             
            Merci de votre réponse
            Mon expérience date un peu donc les législations ont pu évoluer
             
            Je ne sais pas si les Allemands ont autant de problèmes d’inflation des coûts que la France dans un marché public, mais il me semble que le risque d’être écarté sans autre forme de procès incite les entreprises à rester dans la vérité des prix.Je ne sais pas si c’est couplé avec des difficultés beaucoup plus grandes que chez nous pour pondre des avenants
             
            En ce qui concerne les critère techniques, il est préférable de les rédiger sous la formes de performances exigées, le fournisseur étant libre de proposer la solution technique de son choix avec les références techniques vérifiables sans trop de difficultés.
            Un exemple simple : si vous vouliez un sol étanche, facilement nettoyable et résistant aux désintectants dans une cuisine de collectivité, vous n’aviez le choix qu’entre les couleurs du carrelage, puis sont apparus les résines et les nouveaux linoléum (d’abord utilisés dans les hôpitaux).Il suffit de préciser votre exigence en matière d’étanchéité.
             
            Conséquence évidente : la puissance publique doit disposer des compétences nécéssaires à la rédaction de l’appel d’offre et à la validation des solution présentées.Il est souhaitable qu’elles soient internes, mais elles peuvent être aussi externes : et là se pose le problème des prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage ou équivalent, qui nécessite en interne des compétences pour détecter les charlots.A mon humble avis, il me semble que ce genre de prestation ne devrait être soumis à des procédures particulières, incluant pourquoi pas une part “d’arbitraire” : le responsable projet ou un membre de l’équipe dit : “je connais ce bureau d’études, c’est un  très bon” et il en répond sur sa carrière s’il se plante ou au pénal si corruption.
             
            En forçant un peu le trait, tant que nos meilleurs ingénieurs partiront chez Goldman Sachs pour élaborer des algorithmes financiers, l’état risque fort de se faire rouler encore longtemps dans la farine.

            • Descartes dit :

              @ Philippe Dubois

              [Je ne sais pas si les Allemands ont autant de problèmes d’inflation des coûts que la France dans un marché public, mais il me semble que le risque d’être écarté sans autre forme de procès incite les entreprises à rester dans la vérité des prix.Je ne sais pas si c’est couplé avec des difficultés beaucoup plus grandes que chez nous pour pondre des avenants]

              Les allemands ont autant – sinon plus – de problèmes que nous. Ça peut surprendre étant donné le niveau de germanophilie de nos élites – et de leur tendance à idéaliser ce qui se fait outre-Rhin, mais les chantiers ne se passent guère mieux là-bas qu’ici. Le dossier le plus emblématique est probablement le chantier du nouvel aéroport de Berlin.

              [En ce qui concerne les critères techniques, il est préférable de les rédiger sous la formes de performances exigées, le fournisseur étant libre de proposer la solution technique de son choix avec les références techniques vérifiables sans trop de difficultés.]

              C’est beaucoup plus compliqué que vous ne le pensez dès lors qu’il s’agit d’un projet complexe. La difficulté tient à ce que la mesure des « performances » se fait à travers des indicateurs. Il faut que ces indicateurs reflètent l’activité du contractant – personne ne peut s’engager sur des indicateurs qui sont lourdement influencés par des facteurs sur lesquels il n’a aucun contrôle. C’est déjà une grosse contrainte, qui limite les indicateurs possibles. Et l’effet pervers évident est que le titulaire du marché cherche à optimiser ces indicateurs en sacrifiant tout le reste. Si j’engage un service de sécurité pour assurer la sécurité de mon magasin, par exemple, qu’est-ce que je lui donne comme « performance » attendue ? La baisse des vols ? Il lui suffira de fermer la porte du magasin et ne laisser entrer plus aucun client pour que la performance soit superbe…

              [Un exemple simple : si vous vouliez un sol étanche, facilement nettoyable et résistant aux désinfectants dans une cuisine de collectivité, vous n’aviez le choix qu’entre les couleurs du carrelage, puis sont apparus les résines et les nouveaux linoléum (d’abord utilisés dans les hôpitaux). Il suffit de préciser votre exigence en matière d’étanchéité.]

              Sauf que je risque d’avoir un sol irrégulier, puisque pour satisfaire le critère d’étanchéité au moindre coût, on sacrifiera la régularité. Il me faut donc aussi spécifier la régularité, la planéité, l’esthétique… et finalement cela devient tellement complexe que personne ne voudra un marché ou finalement l’entrepreneur n’a aucune marge de manœuvre. Et si le problème se pose pour un sol, imaginez pour un projet plus complexe !

              [Conséquence évidente : la puissance publique doit disposer des compétences nécessaires à la rédaction de l’appel d’offre et à la validation des solutions présentées. Il est souhaitable qu’elles soient internes, mais elles peuvent être aussi externes :]

              Si elles sont « internes » à l’administration, alors se pose la question de savoir comment on maintien des compétences de gens qui ne « construisent » plus rien, mais dont le travail se réduit à la supervision. C’est l’un des gros problèmes d’un Etat qui ne serait que stratège, mais qui laisserait l’exécution au secteur privé.

              [A mon humble avis, il me semble que ce genre de prestation ne devrait être soumis à des procédures particulières, incluant pourquoi pas une part “d’arbitraire” : le responsable projet ou un membre de l’équipe dit : “je connais ce bureau d’études, c’est un très bon” et il en répond sur sa carrière s’il se plante ou au pénal si corruption.]

              C’est-à-dire, comme on faisait les choses il y a un demi-siècle, avant que la construction européenne, avec son idéalisation du marché et sa méfiance du politique s’en mêle.

              [En forçant un peu le trait, tant que nos meilleurs ingénieurs partiront chez Goldman Sachs pour élaborer des algorithmes financiers, l’état risque fort de se faire rouler encore longtemps dans la farine.]

              Oui, mais si vous voulez que nos meilleurs ingénieurs restent au service de l’Etat au lieu de partir chez Goldman Sachs, il faut leur offrir quelque chose. Je ne parle pas forcément d’argent : les ingénieurs d’Etat ont toujours été payés moins que ceux du privé. Mais au moins des postes intéressants, des perspectives de carrière, des récompenses symboliques. Or, on a fait exactement le contraire. On a voulu traiter le personnel public « comme au privé », sauf pour les salaires…

  8. cdg dit :

     
    «Lorsque l’agence européenne du médicament valide les vaccins, elle le fait avec un retard de plusieurs semaines par rapport aux agences britannique et américaine. Pourquoi ? Parce que, vous comprenez, il faut que la procédure soit respectée, que les dossiers soient complets et ainsi de suite»
    Et si jamais vous avez un effet secondaire sur un vaccin, vous aurez l opinion et les autorités qui se retourneraient contre les personnes qui n ont pas suivies la procedure.»Pas d Initiative = Pas d Emmerde»
    Vous croyez que le politique fera mieux ?
    Pensez sincerement qu un politicien francais va risquer sa carriere en signant un papier demandant de vacciner avec un produit douteux ?
    Pourquoi a t on ce confinement sans fin ? Parce que nos dirigeants ont peur qu on leur reproche la mort de quelques victimes du COVID meme si celle ci auront plus de 80 ans. Imaginez que vous vaccinez et qu il y ait un effet secondaire (ce qu on ne peut pas exclure)
    Le probleme n est pas l agence de santé mais le fait que nous vivons dans des pays vieillissants qui ont peur de leur ombre. La precedente epidemie de grippe en 69 n a pas ete traitée par un confinement. La France de l epoque acceptait 36 000 morts (https://www.publicsenat.fr/emission/un-monde-en-docs/1969-la-pandemie-oubliee-184518)
     
    «rationnement, réquisition, contrôle des prix sont les instruments universellement utilisés pour s’assurer que les citoyens restent approvisionnés du mieux possible tout en empêchant des intérêts privés de monnayer à prix d’or leur détresse»
    Vous avez jamais entendu parler de marché noir ?
    Macron a fait requisitionner les stocks de masques. Je suis prêt a parier que la premiere reaction de ceux qui en avaient de grosses quantités a ete de les planquer pour eviter de se faire depouiller.
    Et quel incitation avez vous a produire quelque chose quand vous savez que l etat va vous le prendre de force?
    Personne en france n aurait produit de masques si c est pour se les faire requisitionner
    Les meme actions produisent les memes effets, que ca soit a Vichy en 40 ou aujourd hui
     
    «Barroso n’était qu’un incompétent qui a couru sitôt son mandat terminé vendre son carnet d’adresses à Goldman Sachs, Juncker un gentil alcoolique. Lorsque le système ne peut produire que des présidents de ce calibre, c’est que le problème n’est pas chez les personnes, mais dans le système»
    Mitterrand etait une crapule, Chirac un roi feignant, Sarkozy risque de finir en prison à cause de ses magouilles (bon purement theorique, il fera trainer comme Balladur) et Hollande un mollasson incapable de decider. Le probleme est il dans le systeme ?

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Et si jamais vous avez un effet secondaire sur un vaccin, vous aurez l’opinion et les autorités qui se retourneraient contre les personnes qui n’ont pas suivi la procédure. » Pas d Initiative = Pas d Emmerde». Vous croyez que le politique fera mieux ?]

      Oui, j’en suis convaincu. Parce que le politique doit peser deux risques : s’il autorise, il risque de se faire reprocher les effets secondaires ; mais s’il n’autorise pas, il risque de se faire reprocher les morts supplémentaires. La décision du politique sera donc un compromis entre les deux. L’autorité administrative, elle, n’est centrée que sur la procédure : tant qu’elle la respecte, elle ne risque rien.

      [Pourquoi a-t-on ce confinement sans fin ? Parce que nos dirigeants ont peur qu’on leur reproche la mort de quelques victimes du COVID même si celle-ci auront plus de 80 ans.]

      Non. Si nous avons ce confinement sans fin, c’est parce que les politiques ont plus peur qu’on leur reproche la mort des victimes supplémentaires du COVID et une hécatombe hospitalière que qu’on leur reproche les pertes économiques et le fait que les gens ne peuvent aller au café. Le politique pèse le pour et le contre…

      [Le problème n’est pas l’agence de santé mais le fait que nous vivons dans des pays vieillissants qui ont peur de leur ombre. La précédente épidémie de grippe en 69 n’a pas été traitée par un confinement. La France de l’époque acceptait 36 000 morts]

      Je ne crois pas que la peur vienne tant du vieillissement que des effets d’un discours qui prône la méfiance permanente envers toutes les institutions – méfiance dont la judiciarisation n’est qu’un symptôme. Par ailleurs, je pense que vous sous-estimez le risque d’un effondrement du système hospitalier, risque qui n’existait pas en 1969.

      [« rationnement, réquisition, contrôle des prix sont les instruments universellement utilisés pour s’assurer que les citoyens restent approvisionnés du mieux possible tout en empêchant des intérêts privés de monnayer à prix d’or leur détresse » Vous n’avez jamais entendu parler de marché noir ?]

      Bien entendu. Mais le fait qu’il y ait toujours des viols et des meurtres ne retire pas son utilité aux interdictions inscrites dans le Code pénal. Le rationnement, la réquisition ou le contrôle des prix est efficace, même si il y a toujours quelques délinquants pour les contourner.

      [Macron a fait réquisitionner les stocks de masques. Je suis prêt à parier que la première réaction de ceux qui en avaient de grosses quantités a été de les planquer pour éviter de se faire dépouiller.]

      Pourquoi « dépouiller » ? Je vous rappelle que la réquisition donne lieu à dédommagement au prix juste et sous contrôle du juge. Les seuls qui ont intérêt à planquer leurs stocks sont ceux qui pensent pouvoir profiter de la pénurie pour vendre à prix léonin. Dans le cas d’espèce, ceux qui ont caché des stocks ont été très rares, et l’Etat a pu récupérer des stocks très importants qui ont permis aux hôpitaux et aux services essentiels de passer finalement avec des dommages minimes la première phase de l’épidémie.

      [Et quelle incitation avez-vous a produire quelque chose quand vous savez que l’état va vous le prendre de force ? Personne en France n’aurait produit de masques si c’est pour se les faire réquisitionner]

      J’ai l’impression que vous ne connaissez pas la procédure de réquisition. La réquisition n’est pas une confiscation, mais un achat forcé à prix juste. Et contrairement à ce que vous pensez, il y a eu plein d’industriels qui se sont reconvertis dans la fabrication de masques alors que ceux-ci étaient réquisitionnés.

      « Mitterrand etait une crapule, Chirac un roi feignant, Sarkozy risque de finir en prison à cause de ses magouilles (bon purement theorique, il fera trainer comme Balladur) et Hollande un mollasson incapable de decider. Le probleme est il dans le systeme ?]

      On peut reprocher beaucoup de choses à Mitterrand, Chirac ou Sarkozy. Mais aucun d’eux n’était un incompétent. La séquence Hollande-Macron laisse par contre penser qu’il y a un problème systémique…

      • Vincent dit :

        @Descartes
        Qu’appelez vous ” le risque d’un effondrement du système hospitalier, risque qui n’existait pas en 1969.” ?
         
        Je sais que l’expression n’est pas de vous, mais je la trouve inadaptée.
         
        Le risque était une saturation des capacités hospitalières, obligeant à faire un tri entre les malades. Et donc à en laisser massivement mourir à l’extérieur de l’hôpital, ou dans des mouroirs installés devant les hôpitaux. Mais à mon sens pas un effondrement.
         
        Le 1er confinement a permis d’éviter cela, même si il y a eu ce type de phénomènes (des âges qui ont chuté dans certaines réa, avec un critère officieux d’âge maxi autour de 70 ans ; pas de transfert depuis les EPHAD). Mais ça a été suffisamment limité dans son amplitude et sans sa durée pour être camouflable.
        Pendant la 2nde vague, qui a été du même ordre que la première, il n’y a pas eu ce problème, pour une raison assez simple : la maladie étant mieux connue, il était possible, grâce à quelques examens, d’évaluer les chances de survie des patients dès leur arrivée. Et ceux qui n’avaient quasiment pas de chances de survie étaient envoyés directement en palliatif plutôt qu’en réa. Ce qui a permis de ne pas aller au delà de la saturation de celles ci.
         
        En absence de confinement, il y a tout lieu de penser qu’il y aurait eu un afflux de malades beaucoup plus important. Et donc une saturation bien plus grande des hôpitaux, avec en conséquence des places en réa qui auraient du être attribuées à la courte paille.
         
        Mais cette situation n’aurait pas entrainé un effondrement de l’hôpital : celui ci aurait continué à fonctionner, en ne pouvant juste pas s’occuper de tout le monde.
         
        C’est ce scénario que le gouvernement voulait éviter, estimant (je pense à raison) que les français tolèreraient moins mal de se voir priver de liberté, que de voir les hôpitaux tirer à la courte paille qui pourra être soigné.
         
        Quand certains (dont vous ? Je ne suis plus bien certain…) écrivent que le gouvernement mène la politique consistant à sacrifier la jeunesse pour protéger les vieux, je pense qu’ils sont à côté de la plaque. La raison d’être de cette politique est uniquement d’éviter -non pas l’effondrement- mais la saturation des hôpitaux, avec son corollaire, la sélection des malades impossible à dissimuler.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Je sais que l’expression n’est pas de vous, mais je la trouve inadaptée. Le risque était une saturation des capacités hospitalières, obligeant à faire un tri entre les malades. Et donc à en laisser massivement mourir à l’extérieur de l’hôpital, ou dans des mouroirs installés devant les hôpitaux. Mais à mon sens pas un effondrement.]

          Je ne sais pas. Est-ce que les personnels soignants auraient pu continuer à soigner avec le même niveau de qualité alors qu’on leur aurait demandé de choisir qui doit être envoyé au « mouroir » ? Je ne suis pas persuadé. Je pense qu’une telle situation aurait placé sur le personnel soignant une pression psychologique telle qu’on aurait vu la qualité de soins « s’effondrer ». Le terme ne me paraît donc pas si inadapté que ça.

          [En absence de confinement, il y a tout lieu de penser qu’il y aurait eu un afflux de malades beaucoup plus important. Et donc une saturation bien plus grande des hôpitaux, avec en conséquence des places en réa qui auraient du être attribuées à la courte paille. Mais cette situation n’aurait pas entrainé un effondrement de l’hôpital : celui ci aurait continué à fonctionner, en ne pouvant juste pas s’occuper de tout le monde.]

          Au risque de me répéter, votre conclusion suppose que les personnels hospitaliers réagissent comme des machines, qu’ils auraient continué à soigner avec la même motivation et la même efficacité dans un contexte où, pour schématiser, la vie et la mort sont distribuées « à la courte paille ». Il y a des pays où ce choix est quotidien, et le personnel médical est formé et habitué à vivre son métier dans ce contexte. Ce n’est pas le cas en France : si la simple pression de l’épidémie a provoqué une cascade de démissions et d’abandons, imaginez-vous ce qu’une saturation du système aurait provoqué.

          [C’est ce scénario que le gouvernement voulait éviter, estimant (je pense à raison) que les français tolèreraient moins mal de se voir priver de liberté, que de voir les hôpitaux tirer à la courte paille qui pourra être soigné.]

          Oui. Et je pense que lorsqu’on examinera la gestion de cette crise avec la tête froide, on trouvera dans cette crainte d’un effondrement du système de santé l’explication de beaucoup de choix – et aussi de quelques erreurs. C’est pourquoi je me garde bien d’ailleurs d’être trop critique sur la gestion de la pandémie…

          [Quand certains (dont vous ? Je ne suis plus bien certain…) écrivent que le gouvernement mène la politique consistant à sacrifier la jeunesse pour protéger les vieux, je pense qu’ils sont à côté de la plaque.]

          Certainement pas moi. Ma position est exactement le contraire. La cohésion d’une société dépend justement de sa capacité à ce que les jeunes se « sacrifient » pour les vieux. Et la raison est très simple : les jeunes d’aujourd’hui sont les vieux de demain. En se sacrifiant aujourd’hui pour les plus anciens, ils gagnent la légitimité qui leur permettra de demander le même sacrifice aux générations futures. Si on tue les vieux pour préserver les jeunes, on prépare un avenir ou les jeunes d’aujourd’hui, devenus vieux, seront sacrifiés à leur tour. Et je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt de personne de vivre dans une telle société.

          • Guy dit :

            [La cohésion d’une société dépend justement de sa capacité à ce que les jeunes se « sacrifient » pour les vieux. Et la raison est très simple : les jeunes d’aujourd’hui sont les vieux de demain. En se sacrifiant aujourd’hui pour les plus anciens, ils gagnent la légitimité qui leur permettra de demander le même sacrifice aux générations futures.]
            Je ne suis pas sûr que ce « calcul » soit à la portée d’une génération pour laquelle l’immédiateté et l’absence de vision à long terme sont l’alpha et l’omega d’une existence centrée sur l’hédonisme et l’individualisme (je dirais plutôt le nombrilisme mais bon, je suis un vieux c…). La vieillesse et la mort sont ainsi soigneusement évacuées de toute exposition, de toute représentation. Dans ce monde là, les futurs vieux ne peuvent pas imaginer que ça va leur tomber sur la figure. Puisqu’ils ne s’imaginent pas concernés, pourquoi se sacrifieraient-ils pour les anciens ?

            • Descartes dit :

              @ Guy

              [Dans ce monde là, les futurs vieux ne peuvent pas imaginer que ça va leur tomber sur la figure. Puisqu’ils ne s’imaginent pas concernés, pourquoi se sacrifieraient-ils pour les anciens ?]

              Et pourtant le fait eest que les jeunes l’ont fait. En dehors de quelques voix qui se lèvent pour parler du “sacrifice des jeunes”, la société a fait bloc autour des plus anciens. A méditer…

          • Vincent dit :

            @Descartes
             

            Je ne sais pas. Est-ce que les personnels soignants auraient pu continuer à soigner avec le même niveau de qualité alors qu’on leur aurait demandé de choisir qui doit être envoyé au « mouroir » ? Je ne suis pas persuadé. Je pense qu’une telle situation aurait placé sur le personnel soignant une pression psychologique telle qu’on aurait vu la qualité de soins « s’effondrer ». Le terme ne me paraît donc pas si inadapté que ça.

             
            Avec toutes les réserves et précautions qu’il faut prendre en se rappelant que nous sommes dans la spéculation…
            Effectivement, les soignants, de l’aide soignant au professeur de médecine, en France, auraient eu un énorme problème de conscience à travailler dans ces conditions. Il en aurait résulté au bout d’un certain temps des burn-out, des dépressions, et nombreuses difficultés chez les soignants, conduisant sans doute, après le pic de la crise, à des démissions et demandes de reconversions massives. Avec en plus, pendant toute la crise, les soignants qui auraient hurlé à qui voulait l’entendre l’inhumanité de l’hôpital dans la crise.
            En ce sens, j’ai presque exactement la même analyse que vous : l’hôpital public ne s’en serait pas remis à moyen terme, et l’autorité politique non plus. Mais je pense que les premiers à craque, sur le court-terme, n’auraient pas été les soignants, mais d’une part les familles de victimes (qu’on aurait laissé mourir seules dans une tente sans prise en charge), et d’autre par les politiques, terrorisés par les images de ces mouroirs.
             
            Bref, je pense que le gouvernement n’avait pas tant de latitude que cela.
             

            Si on tue les vieux pour préserver les jeunes, on prépare un avenir ou les jeunes d’aujourd’hui, devenus vieux, seront sacrifiés à leur tour. Et je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt de personne de vivre dans une telle société.

             
            Je suis d’accord, à condition que ça n’hypothèque pas l’avenir.
            Tout dépend ce qu’on appelle sacrifier les jeunes. Tout le monde parle des étudiants. Qui certes n’auront pas eu la vie insouciante de leurs ainés à cet âge là. Mais au final, ça n’est pas à mon sens un drame de nature à hypothéquer l’avenir.
            Je suis beaucoup plus sévère avec l’obligation pour les assistantes maternelles en crèche de porter le masque toute la journée. J’ai pu constater que les enfants ayant grandi dans de telles conditions sont dénués de la capacité d’interaction d’enfants qui, habituellement, à cet âge là, sont capables de rendre un sourire qu’on leur fait, etc.
            Quelles seront les conséquences psy à long terme de ce port du masque dans les crèches ? Quel est l’intérêt démontré de celui ci… Je me demande si on ne focalise pas beaucoup trop sur les étudiants, et pas assez sur les plus petits…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Tout dépend ce qu’on appelle sacrifier les jeunes. Tout le monde parle des étudiants. Qui certes n’auront pas eu la vie insouciante de leurs ainés à cet âge-là. Mais au final, ça n’est pas à mon sens un drame de nature à hypothéquer l’avenir.]

              Le plus amusant dans le discours politico-médiatique, c’est la confusion faite entre « jeune » et « étudiant », comme si les millions de jeunes ouvriers ou employés n’existaient pas. Remarquez, c’est normal : le discours politico-médiatique est fait par les classes intermédiaires, et le jeune intermédiaire est presque toujours un étudiant…

              [Je suis beaucoup plus sévère avec l’obligation pour les assistantes maternelles en crèche de porter le masque toute la journée. J’ai pu constater que les enfants ayant grandi dans de telles conditions sont dénués de la capacité d’interaction d’enfants qui, habituellement, à cet âge-là, sont capables de rendre un sourire qu’on leur fait, etc.]

              C’est pourquoi je trouve que la position défendue par Blanquer de maintenir les écoles ouvertes à tout prix mérite d’être soutenue.

  9. Geo dit :

    @Descartes
    “je peux vous assurer qu’on n’achetait pas il y a trente ans comme on achète aujourd’hui. Si pour construire le programme électronucléaire on avait dû passer par les procédures d’aujourd’hui, on y serait encore… et pour un résultat bien plus dégradé.”
    Mais même dans des cas beaucoup plus simples (chantiers BTP marqués de quelques singularités) le résultat des nouvelles façons d’acheter des prestations est catastrophique. J’ai pu l’observer dans le cas d’un chantier de rénovation important, mais certes pas aussi exigeant que le nucléaire.

  10. Luc dit :

    Dans le cas des vaccins,comment les choix ont ils été effectués ?
    Pour les vaccins à ARN m , dans l’audace puisque c’est la 1ère fois que ce type de vaccins est élaboré qui plus est en moins de 10 mois !
    Pour les vaccins classiques aussi en moins de 10 mois  alors qu’apparaissent déjà des variants qui les rendront inefficaces dans quelques mois.
    Sommes nous dans une certaine rationalité , dans un ‘sauve qui peut la vie ,politique’ ou dans une recherche effrénée du profit ?
    de profits éphémères ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Pour les vaccins classiques aussi en moins de 10 mois alors qu’apparaissent déjà des variants qui les rendront inefficaces dans quelques mois.]

      Justement, ce sont les « vaccins classiques » (à virus atténué) qui sont les moins sensibles aux « variants » et les plus faciles à adapter (voir par exemple le vaccin contre la grippe, qui est refait chaque année en fonction de la souche dominante qu’on anticipe). Pour les vaccins à ARN messager, les laboratoires affirment que l’adaptation n’est pas très complexe. De toute façon, on voit bien que la difficulté n’est pas tant de développer le vaccin, mais de monter la logistique industrielle qui permet de vacciner des millions d’individus rapidement.

      [Sommes-nous dans une certaine rationalité, dans un ‘sauve qui peut la vie politique’ ou dans une recherche effrénée du profit ?]

      L’un n’empêche pas l’autre. Les industriels de la pharmacie sont dans la recherche du profit. Et on peut difficilement le leur reprocher, puisque la règle du jeu dans nos sociétés est celle-là. Les politiques sont, eux, mandatés par les citoyens et jugés par eux. Trump a payé et Bolsonaro paiera son incapacité à gérer correctement la pandémie. A l’inverse, les anglais sauront gré probablement à Boris Johnson d’avoir appris de ses erreurs et d’avoir mis les bonnes priorités sur la vaccination.

      • Un Belge dit :

        @Descartes :

        Justement, ce sont les « vaccins classiques » (à virus atténué) qui sont les moins sensibles aux « variants » et les plus faciles à adapter (voir par exemple le vaccin contre la grippe, qui est refait chaque année en fonction de la souche dominante qu’on anticipe). Pour les vaccins à ARN messager, les laboratoires affirment que l’adaptation n’est pas très complexe. De toute façon, on voit bien que la difficulté n’est pas tant de développer le vaccin, mais de monter la logistique industrielle qui permet de vacciner des millions d’individus rapidement.

         
        Il me semblait justement que les vaccins “classiques” étaient moins flexibles, ceux à ARNm nécessitant à peine deux semaines (de tête) pour etre adaptés.Du moins technologiquement : je ne sais pas à quelle vitesse une usine peut etre modifiée pour utiliser la nouvelle souche

        • Descartes dit :

          @ Un Belge

          [Il me semblait justement que les vaccins “classiques” étaient moins flexibles, ceux à ARNm nécessitant à peine deux semaines (de tête) pour etre adaptés.Du moins technologiquement : je ne sais pas à quelle vitesse une usine peut etre modifiée pour utiliser la nouvelle souche]

          J’avais cru comprendre que les vaccins “classiques” étaient à spectre plus large que ceux à ARNm. Mais je ne suis pas un expert de la question. Peut-être il y a des commentateurs plus savants pour éclaircir le point ?

  11. Capitaine Félix dit :

    Bonsoir.
    Merci pour cet excellent billet, comme d’habitude.
    Très rapidement, un exemple qui m’a paru en cohérence avec vos analyses.
    Un entretien publié sur le Grand Continent, plutôt pro-fédéraliste, avec une professeur enseignant dans des établissements anglo-saxons, Mme Anu Bradford

    Penser l’Union européenne dans la mondialisation : l’« effet Bruxelles »


    A l’occasion de la sortie de son dernier livre, elle livre sa vision de l’Europe-puissance. La vision livrée ici constitue presque un idéal-type, très conforme à ce que vous décrivez = l’impossibilité de concevoir la construction européenne hors du droit (“effet Bruxelles de jure”) et du marché (“l’effet Bruxelles de facto”). Cela m’apparaît très consubstantiel dans la vision fédéralistes; au point on peut s’interroger sur la pertinence d’une Union “sans cesse plus étroite” (dans le droit et le marché).
    Quoique, à un moment de l’interview, l’autrice finit par admettre que la nature inhérente très juridique est due aux circonstances historiques d’après 1954 (échec de la CED). C’est bien, mais alors que l’on admette par honnêteté intellectuelle, que cette construction supranationale n’est pas la génératrice de la paix continentale, mais bien sa conséquence.
    La Construction européenne est-elle seulement capable de se dépasser “elle-même” (entendue en droit et marché) avant de dépasser les États-nations européens ?
    Vous aviez noter dans des précédents billets que cette impossibilité de penser l’Europe hors  du droit et du marché, était indirectement partagée par quelques courants eurosceptiques = exemple François Asselineau et “la magie du droit” à sortir de l’Union européenne par un “simple trait de plume”.
    Merci
    Bon courage

    • Descartes dit :

      @ Capitaine Félix

      [Très rapidement, un exemple qui m’a paru en cohérence avec vos analyses. Un entretien publié sur le Grand Continent, plutôt pro-fédéraliste, avec une professeur enseignant dans des établissements anglo-saxons, Mme Anu Bradford (…)]

      L’article est absolument passionnant. En effet, l’auteur analyse l’UE comme une « puissance réglementaire », capable d’imposer ses normes par la logique du marché. Son raisonnement est que dans la mesure où aucune entreprise ne peut ignorer le marché européen, les entreprises auront tendance à se conformer aux normes européennes pour pouvoir vendre sur ce marché, et que pour éviter des coûts supplémentaires vendront des produits conformes à ces normes sur les autres marchés. Par ce mécanisme, l’UE déterminerait les normes régissant les produits même en dehors de ses frontières.

      Ce raisonnement présente une intéressante particularité. Les « normes » en question ne concernent que les produits, autrement dit la protection du consommateur. Aucun mécanisme ne permet à l’UE d’exporter d’autres « normes » que celles-là. On comprend qu’une entreprise d’équipement électrique indienne ou malaysienne fabrique des prises électriques aux normes européennes pour pouvoir vendre ses produits en Europe. Mais qu’est-ce qui la pousserait à appliquer à ses travailleurs les normes sociales ou de respecter les normes environnementales européennes ? Le « soft power » européen est donc très limité, et ne concerne finalement que des éléments techniques. C’est un pouvoir éminemment apolitique…

      [La Construction européenne est-elle seulement capable de se dépasser “elle-même” (entendue en droit et marché) avant de dépasser les États-nations européens ?]

      A mon avis, non. Et la crise sanitaire le montre amplement.

      [Vous aviez noté dans des précédents billets que cette impossibilité de penser l’Europe hors du droit et du marché, était indirectement partagée par quelques courants eurosceptiques = exemple François Asselineau et “la magie du droit” à sortir de l’Union européenne par un “simple trait de plume”.]

      Asselineau est un énarque et un haut fonctionnaire. Il a donc été élevé dans un certain culte du droit et du principe de légalité. Mais je ne crois pas que la plupart des souverainistes français – et c’est vrai pour l’ensemble du spectre politique français – soit particulièrement « légaliste ». Malgré l’influence allemande et américaine croissante, la France reste un pays politique plutôt que juridique.

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