Grenoble, l’université de l’indicible peur

Lorsque vous lirez cet article, l’affaire aura été presque oubliée. Et oui, c’est ainsi dans notre république médiatique. Une actualité chasse l’autre, sans que les médias prennent d’ailleurs en compte l’importance relative des informations. Dans le marché de l’information, ce qui est important est ce qui fait vendre. Quelle chance auraient deux professeurs dénoncés à la vindicte populaire devant les états d’âme d’un ex-prince millionnaire racontant ses peines de cœur réelles ou supposées à une animatrice à succès pour un cachet dont le montant reste confidentiel – mais qu’on peut deviner juteux ?

Et pourtant, il me paraît important de revenir sur les faits qui devraient couvrir de honte un campus universitaire considéré jusqu’ici comme l’un des plus progressistes de France. Un campus que j’ai d’ailleurs moi-même fréquenté pendant quelques mois il y aura bientôt vingt ans… ce qui ne nous rajeunit pas.

Comme toujours, il faut revenir aux faits. L’histoire commence à Sciences-Po Grenoble, à l’occasion de la préparation d’un séminaire annuel intitulé « semaine de l’Egalité ». L’un des ateliers de ce séminaire est intitulé « Racisme, Islamophobie, Antisémitisme ». Un professeur d’Allemand, Klaus K., qui participe à la préparation de l’atelier remet en cause dans un échange de courriers le titre en soulignant combien le terme « Islamophobie » relève du militantisme plutôt que du concept scientifique. Sans aller jusqu’à proposer sa suppression, il conseille prudemment « comme base de discussion, une journée libellée ainsi : racisme, Antisémitisme et autres formes de discriminations contemporaines (islamophobie, homophobie, misogynie …) ». Il sera soutenu par son collègue Vincent T., qui enseigne lui l’histoire et la philosophie islamique. Cela provoquera la colère de Claire M., enseignante du laboratoire PACTE – bien connu dans le milieu des sciences sociales – qui coordonne la préparation de l’atelier et qui n’entend pas voir son autorité pour conduire l’atelier comme elle l’entend contestée.

Et c’est là que s’enclenche un processus maintenant bien connu. Pour faire taire la contestation, Claire M. agite le syndicalisme étudiant – à travers les étudiants participant à l’atelier – en dénonçant l’attitude de ses collègues et joue les victimes en transformant la contradiction portée par ses collègues en un acte de « harcèlement ». Elle obtiendra que son laboratoire publie, sous la signature de sa directrice Anne-Laure Amilhat Szary, un communiqué de soutien ou l’on peut lire que  « Nier, au nom d’une opinion personnelle, la validité des résultats scientifiques d’une collègue et de tout le champ auquel elle appartient, constitue une forme de harcèlement et une atteinte morale violente. ».

On connaît la suite : le syndicalisme étudiant qui a trouvé un os à ronger sort l’artillerie lourde. D’abord par une demande de « témoignages de propos islamophobes » – autrement dit, des appels à la délation – puis par la demande de sanctions contre les enseignants dont on exige des « excuses » pour des « propos islamophobes », et enfin leur dénonciation publique avec nom et prénom par voie d’affichage. Avec comme conséquence prévisible l’explosion de l’affaire dans une opinion qui n’a pas oublié l’affaire Paty, et qui est donc consciente de ce que cela représente de nos jours une accusation publique de « islamophobie ».

Les réactions au scandale ne sont pas, elles non plus, neutres. Le laboratoire PACTE a ainsi publié un communiqué (non signé, celui-là) réduit à un simple paragraphe : « Pacte, Laboratoire de Sciences Sociales (UMR 5194) s’associe à ses tutelles, l’université Grenoble Alpes, Sciences Po Grenoble et le CNRS, pour condamner fermement l’attaque sur les murs de l’établissement dont ont été victimes deux enseignants. Le laboratoire dénonce également toutes les attaques et intimidations contre les étudiants, enseignants et chercheurs ». Vous noterez la dernière phrase qui, outre sa syntaxe approximative, doit être lue dans le contexte du communiqué de soutien à Claire M. Doit-on comprendre que cette phrase regrette les pressions contre Vincent T. et Klaus K., ou bien au contraire cherche à suggérer qu’ils méritent jusqu’à un certain point leur sort, ayant « attaqué » leur collègue ?

Mais la réaction la plus intéressante est celle des syndicats étudiants, qui ayant d’abord relayé sur les réseaux sociaux l’affichage dénonçant les deux enseignants comme « islamophobes » et « fascistes », se sont ensuite ravisés et retiré les images, non pas – si l’on croit leur communiqué de presse – parce qu’ils condamnent le procédé, mais parce qu’ils ont « entendu l’émoi suscité » – autrement dit, parce que cela leur portait tort médiatiquement – et qu’ils ne voulaient pas « rajouter à la confusion ». Tout en renouvelant leurs attaques contre les enseignants concernés.

Je m’excuse si ce rappel des faits est un peu long, mais je pense qu’il est indispensable. Parce qu’il est une illustration presque caricaturale du délitement institutionnel de notre pays, bien au-delà de l’université. Et contrairement à ce qu’on peut penser, le plus grave n’est pas l’acte des étudiants. Que les étudiants soient idiots, c’est propre de leur âge. S’ils étaient plus sages et plus savants, ils seraient professeurs. C’est surtout le comportement de l’institution qui est ici en cause. Car que voyons-nous ici ?

D’abord, une directrice de laboratoire qui estime, excusez de la répétition, que « Nier, au nom d’une opinion personnelle, la validité des résultats scientifiques d’une collègue et de tout le champ auquel elle appartient, constitue une forme de harcèlement et une atteinte morale violente ». Comment un scientifique peut-il signer pareille chose ? Comment arrive-t-on dans le pays de Descartes à voir des scientifiques prétendre que la validité de leurs résultats voire la remise en cause d’un champ scientifique serait « une forme de harcèlement » ou « une atteinte morale violente » ? A partir du moment ou l’on affirme pareille chose, toute discussion, toute remise en cause, tout débat est interdit.

Ensuite, on voit une enseignante, Claire M., manipuler les étudiants en les utilisant contre ses propres collègues. En faisant cela, elle détruit l’institution elle-même. Car quel respect peuvent réclamer les enseignants de leurs étudiants alors qu’ils s’envoient des noms d’oiseaux à la figure publiquement entre eux ? Pourquoi irais-je respecter le professeur alors qu’un autre enseignant me dit avec la même autorité que c’est un « harceleur » et un « fasciste » ? Une académie tire sa légitimité du fait que ses membres sont les meilleurs. Si certains membres commencent à suggérer que d’autres membres sont des « fascistes », alors l’institution n’existe plus.

Enfin, cette affaire illustre l’impuissance des autorités universitaires « autonomes », dont l’autorité repose sur une élection par des activistes enseignants ou étudiants. Et qui du coup mettent la poussière sous le tapis aussi longtemps qu’ils le peuvent. Car l’affaire couvait depuis très longtemps dans les couloirs de Sciences-Po Grenoble. Mais sans la campagne d’affichage qui a mis le feu aux poudres, le public n’aurait jamais rien su de tout ça. Klaus K. et Vincent T. auraient été gentiment mis au placard sans espoir de promotion – l’arrêt maladie est un classique dans ces cas – et seraient partis à la première opportunité pour fuir la campagne de harcèlement contre eux. Car cela arrive souvent de nos jours que des enseignants contre lesquels les groupuscules ont prononcé des fatwas soient gentiment priés – et même aidés – par les administrations universitaires à aller voir ailleurs.

Quant à Claire M., qu’elle se rassure. Dans une société ou Torquemada est à la mode, sa carrière ne risque pas de trop souffrir de ce petit accroc. Même chose pour les étudiants responsables de l’affichage et ceux qui les auront soutenus : on ne dissoudra personne, on ne punira personne. Les terroristes – car c’est bien de terreur qu’il s’agit – auront gagné. Car combien de professeurs à l’avenir auront le courage – ou l’inconscience, selon le point de vue – de Klaus K. ou de Vincent T. à l’heure d’exprimer leurs objections ?

Lorsque Frédérique Vidal a parlé d’une enquête sur « l’islamo-gauchisme » à l’Université, il s’est trouvé des centaines universitaires pour signer des tribunes dans « Le Monde » ou « Libération », et le CNRS lui même a pris position. Quand deux de leurs collègues sont offerts à la vindicte publique par quelques activistes, il n’y a plus personne. Où sont passés tous ces courageux défenseurs de la liberté académique et des privilèges universitaires ? Ils gardent un silence qu’on peut imaginer prudent. Et c’est normal : dans la France d’aujourd’hui, un universitaire ne risque rien en crachant à la gueule d’un ministre. Par contre, marcher sur les pieds de l’UNEF et du lobby des « sciences sociales », c’est risquer de se retrouver en haut de l’affiche. De l’affiche de dénonciation, s’entend.

Descartes

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104 réponses à Grenoble, l’université de l’indicible peur

  1. Paul dit :

    “Comment arrive-t-on dans le pays de Descartes à voir des scientifiques prétendre que la validité de leurs résultats voire la remise en cause d’un champ scientifique serait « une forme de harcèlement » ou « une atteinte morale violente » ?”
    Le doute n’est-il pas la condition première de la démarche scientifique ? 
    Je trouve que l’idéologie actuelle nous fait plonger dans un obscurantisme inquiétant. Effectivement, on ne parlera plus de cette affaire d’ici peu, et on ne parlera pas d’autres similaires… Je suis effaré de voir la dérive de “l’UNEF des fous” ainsi que d’organisations syndicales des enseignants. Je suis également en colère de voir comment nos impôts viennent subventionner des projets en sciences sociales intersectionnels ou autres influencés par l’idéologie woke. 
    Par ailleurs, je suis heureux de voir mes enfants motivés en master de biologie par des enseignants-chercheurs impliqués dans des projets ambitieux et porteurs d’espoirs dans la recherche thérapeutique. Tout n’est pas perdu !

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [« Comment arrive-t-on dans le pays de Descartes à voir des scientifiques prétendre que la validité de leurs résultats voire la remise en cause d’un champ scientifique serait « une forme de harcèlement » ou « une atteinte morale violente » ? » Le doute n’est-il pas la condition première de la démarche scientifique ?]

      Exactement. Qu’un directeur de laboratoire du CNRS (!!!) considère la contestation d’un résultat ou la remise en cause d’une discipline comme une « atteinte morale » montre combien cette institution s’est éloignée de la méthode scientifique. Bien entendu, il s’agit d’un comportement particulier aux sciences sociales, et je doute qu’on retrouve le même dans un laboratoire de physique des particules ou de biologie moléculaire. Mais tout de même. On pourrait imaginer qu’un directeur de laboratoire aurait une culture historique suffisante pour ne pas écrire pareille chose…

      [Je suis effaré de voir la dérive de “l’UNEF des fous” ainsi que d’organisations syndicales des enseignants.]

      En ce qui me concerne, effaré mais pas surpris. Il ne faut pas oublier que ces vingt ou trente dernières années ont été des années de désyndicalisation et de dépolitisation massive. La conséquence logique est que syndicats et partis politiques sont devenus des sectes groupusculaires, et ne regroupent souvent plus que deux espèces : les fanatiques, qui poursuivent leurs idées fixes, et les carriéristes qui voient dans le syndicalisme un moyen de conquérir du pouvoir.

      [Je suis également en colère de voir comment nos impôts viennent subventionner des projets en sciences sociales intersectionnels ou autres influencés par l’idéologie woke.]

      Le mot correct est « parasite ».

      [Par ailleurs, je suis heureux de voir mes enfants motivés en master de biologie par des enseignants-chercheurs impliqués dans des projets ambitieux et porteurs d’espoirs dans la recherche thérapeutique. Tout n’est pas perdu !]

      Bien entendu, tout n’est pas noir. Il y a plein de gens sérieux dans les universités qui donnent à leurs étudiants motivation et exemple dans un cadre scientifique rigoureux. Les sciences dites « dures » ont su se défendre de l’irrationalisme actuel et le milieu reste sélectif et méritocratique. Le fait que les sciences sociales fassent plus de bruit ne doit pas faire oublier qu’elles ne représentent qu’une petite fraction de la recherche. C’est surtout sur les humanités que leur influence est néfaste, et notamment sur cette science irremplaçable qu’est l’Histoire. Notre universite continuera à former de bons physiciens, de bons biologistes, de bons mathématiciens… mais je ne vois pas de grands historiens apparaître à l’horizon.

      • @ Descartes,
         
        Tout n’est pas noir, mais pour qui vient des “sciences sociales” ou des “sciences humaines”, le tableau est quand même bien sombre. Les délires “progressistes” commencent à s’insinuer en histoire, en linguistique (malheur à ceux qui contestent l’écriture inclusive!), en anthropologie, en géographie.
         
        Tenez un exemple qui nous vient, comme d’habitude, d’Outre-Atlantique:
        https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/non-l-antiquite-n-etait-pas-raciste-20210311
         
        Quand on lit ça, on est effondré… L’histoire est une discipline importante, et je ne le dis pas seulement parce que je suis historien de formation. Le gâchis qui se prépare me fait frémir.

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [Tenez un exemple qui nous vient, comme d’habitude, d’Outre-Atlantique:]

          Cet exemple a un air de déjà-vu. Souvenez-vous que ce sont les enseignants qui ont soutenu la « société sans école ». Ce sont les universitaires qui ont abattu « l’université bourgeoise ». Pourquoi s’étonner que des classicistes ne chercheraient pas à détruire les études classiques ? C’est dans la logique même des « classes intermédiaires » de brûler derrière elles les échelles qui leur ont permis de monter. L’article que vous citez en référence illustre ce fait avec un exemple presque caricatural, celui du professeur Padilla Peralta :

          « Son parcours personnel ressemble pourtant à un conte de fée méritocratique, tout à l’honneur des études classiques: un jeune élève, fils d’immigrés sans papiers, repéré par ses professeurs et propulsé dans le monde universitaire par son goût pour le latin, le grec et l’histoire ancienne. Ses premiers travaux portaient sur la classe sénatoriale romaine, un sujet on ne peut plus traditionnel. Mais un beau jour, explique-t-il, il s’est senti le besoin de « déconstruire le cadre de suprématie blanche dans lequel les lettres classiques et moi avions été enfermés. Je devais m’engager activement dans la décolonisation de mon esprit.» »

          [Quand on lit ça, on est effondré… L’histoire est une discipline importante, et je ne le dis pas seulement parce que je suis historien de formation. Le gâchis qui se prépare me fait frémir.]

          Il y a de quoi…

          • Vincent dit :

            [Quand on lit ça, on est effondré… L’histoire est une discipline importante, et je ne le dis pas seulement parce que je suis historien de formation. Le gâchis qui se prépare me fait frémir.]
            Il y a de quoi…
             

            Je vais essayer de faire mon optimiste de service…

            Si vous allez à la FNAC vous promener et regarder les présentoirs des meilleures ventes, vous y verrez plein de livres d’histoire. Beaucoup d’émissions télé incluent des rappels historiques, voire sont des émissions historiques, car cela a du succès auprès des téléspectateurs.
            L’histoire est resté quelque chose de très important en France. Et on continue à se référer à l’histoire couramment dans les débats politiques.
            C’est la raison pour laquelle les querelles  historiographiques sont si vives.
            On peut regretter que les gauchistes gagnent l’université. Mais il demeure hors de l’université plein de gens qui écrivent des livres d’histoire, et qui auront bien plus d’influence sur le public que des universitaire “social justice warrior” qui n’auront au final comme auditoire qu’un cercle militant extrèmement restreint.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Je vais essayer de faire mon optimiste de service…]

              Vous avez bien du mérite… particulièrement sur ce sujet, ou c’est une mission presque impossible.

              [Si vous allez à la FNAC vous promener et regarder les présentoirs des meilleures ventes, vous y verrez plein de livres d’histoire. Beaucoup d’émissions télé incluent des rappels historiques, voire sont des émissions historiques, car cela a du succès auprès des téléspectateurs.]

              Si vous allez à la FNAC, vous verrez plein de livres sur le passé, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que des « livres d’histoire ». Oui, vous avez raison, le passé intéresse toujours les gens. Mais le passé, ce n’est pas l’histoire. Et si vous regardez plus attentivement les présentoirs, vous verrez plus de « livres de mémoire » que de « livres d’histoire ». Pour ne donner qu’un exemple, une bonne moitié des livres dans la section « histoire » de ma FNAC sont des biographies/hagiographies…

              [L’histoire est restée quelque chose de très important en France. Et on continue à se référer à l’histoire couramment dans les débats politiques.]

              Couramment ? Je me demande quelle est la dernière fois que j’ai entendu un homme politique citer un historien… Non, la culture historique de nos « débats politiques » est devenue déplorable. On se réfère, vous avez raison, aux évènements du passé. Mais juste comme référence, jamais pour tirer des conséquences analytiques. Prenez par exemple le cas de la Commune de Paris, dont on commémore le sesquicentenaire. Le débat se réduit à une discussion pour savoir s’il faut ou pas organiser une commémoration publique, mais dans ce débat ne n’ai toujours pas entendu une argumentation fondée sur ce que fut la Commune, et pourquoi elle est historiquement importante.

              [C’est la raison pour laquelle les querelles historiographiques sont si vives.]

              Franchement, cela fait un bout de temps que je ne vois une véritable « querelle historiographique ». Même sur des sujets urticants comme la Collaboration ou la guerre d’Algérie, le débat porte plutôt sur l’usage politique plus que sur les faits et leur analyse.

              [On peut regretter que les gauchistes gagnent l’université. Mais il demeure hors de l’université plein de gens qui écrivent des livres d’histoire, et qui auront bien plus d’influence sur le public que des universitaire “social justice warrior” qui n’auront au final comme auditoire qu’un cercle militant extrèmement restreint.]

              Des noms ! des noms !

            • Vincent dit :

              Des noms ! des noms !

              Cela fait un moment que je ne suis pas allé à la FNAC, et je n’ai pas relevé de noms.
              Quand bien même il s’agit de biographies, cela dénote bien pour moi une volonté de s’approprier son histoire…
              Et j’ai l’impression que (mais je ne suis pas trop au courant de l’actualité télé, je dois avouer) pas mal d’émissions télé (Lorant Deutsch, Stephane Bern), ou des chroniques dans des émissions de débat (Face à l’info, qui bat des records d’audience), ainsi que des trucs comme le Puy de Fou.
              Tout cela me donne l’impression qu’il y a un retour vers une volonté d’appropriation de leur histoire par les français. 
              Mais je reconnais bien volontiers que je n’ai pas mieux que mon impression pour l’étayer.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Cela fait un moment que je ne suis pas allé à la FNAC, et je n’ai pas relevé de noms.]

              Oui, enfin, les noms des intellectuels « hors de l’université plein de gens qui écrivent des livres d’histoire, et qui auront bien plus d’influence sur le public que des universitaires « social warriors » » n’ont pas dû changer beaucoup depuis deux ou trois ans, non ?

              [Quand bien même il s’agit de biographies, cela dénote bien pour moi une volonté de s’approprier son histoire…]

              Pas tout à fait. La biographie – ici il s’agit plutôt d’hagiographie – n’est que rarement un véritable travail d’historien. Bien sûr, il y a des exceptions : ainsi, par exemple la biographie de Hitler par Kershaw est un véritable travail d’historien. Mais il faut noter que cette biographie vient couronner une longue succession de travaux sur le IIIème Reich. Mais en général les biographies qu’on voit apparaître sont le fait d’un romancier – ou pire – qui s’identifie à un personnage historique particulier et se sert de celui-ci pour faire passer ses idées.

              [Et j’ai l’impression que (mais je ne suis pas trop au courant de l’actualité télé, je dois avouer) pas mal d’émissions télé (Lorant Deutsch, Stephane Bern), ou des chroniques dans des émissions de débat (Face à l’info, qui bat des records d’audience), ainsi que des trucs comme le Puy de Fou.]

              Vous avez oublié Kaamelott…

            • Vincent dit :

              Vous avez oublié Kaamelott…

              Je crois déceler du second degré…
              Je vous avoue que, si je connais Kaamelott, j’ai jamais vu les émissions de Bern ou de Deutsch, pas plus que je ne suis allé au Puy du Fou.
              Mais puisque vous en parlez, si la série Kaamelott assume dans un but humoristique un mélange d’anachronismes, de légendes fantastiques, et de contexte historique… Elle contient des éléments qui se rapprochent de réalités historiques.
              J’ai notamment découvert ce qu’étaient, en musique, les intervalles “païens” au Moyen-Age, après avoir recherché sur internet suite à un épisode de Kaamelott dont c’était le thème (seuls l’unisson, la quarte, la quinte, et l’octave étaient admis).

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [“Vous avez oublié Kaamelott…” Je crois déceler du second degré…]

              Meuh non, meuh non…

              [Je vous avoue que, si je connais Kaamelott, j’ai jamais vu les émissions de Bern ou de Deutsch, pas plus que je ne suis allé au Puy du Fou.]

              Et bien, disons que leurs émissions sont à l’histoire ce que les frères Bogdanoff sont à l’astrophysique.

              [Mais puisque vous en parlez, si la série Kaamelott assume dans un but humoristique un mélange d’anachronismes, de légendes fantastiques, et de contexte historique… Elle contient des éléments qui se rapprochent de réalités historiques.]

              Je ne dis pas le contraire. On peut dire la même chose des “Trois Mousquetaires”. Mais je ne dirais pas que cet ouvrage a beaucoup fait pour la culture historique de nos concitoyens, ou que son succès en librairie marque une volonté de se réapproprier l’histoire.

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes
               
              [Et bien, disons que leurs émissions sont à l’histoire ce que les frères Bogdanoff sont à l’astrophysique.]
               
              C’est un peu injuste pour Bern, qui à la base est un passionné de patrimoine matériel dont l’objectif assumé semble avant tout de partager sa passion des belles choses à valeur historique plutôt que faire un travail au contenu historique à proprement parler. Il est vrai toutefois que ses émissions maintiennent dans la façon dont elles sont introduites une sorte d’ambiguïté quant à leur visée historique, vraisemblablement pour des raisons marketing. Que cette ambiguïté soit le fait des producteurs, des diffuseurs, de Bern lui-même, je ne sais pas, mais c’est certainement pour répondre à un public demandeur.
               
              Par contre, je ne suis pas plus clément que toi au sujet de Lorant Deutsch, qui n’a pas ce genre d’excuse… On est en effet carrément dans du Bogdanoff. Avec quand même une plus jolie gueule!

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [C’est un peu injuste pour Bern, qui à la base est un passionné de patrimoine matériel dont l’objectif assumé semble avant tout de partager sa passion des belles choses à valeur historique plutôt que faire un travail au contenu historique à proprement parler.]

              Effectivement, c’est un peu injuste. Bern n’est pas un historien, mais il a la passion du patrimoine et des belles choses, et une certaine fascination pour les grands hommes, ce qui me le rend plutôt sympathique. D’une certaine façon, ses émissions racontent un « roman national » en présentant notre histoire sous un jour positif…

            • BJ dit :

              @Vincent
              [si la série Kaamelott assume dans un but humoristique un mélange d’anachronismes, de légendes fantastiques, et de contexte historique… Elle contient des éléments qui se rapprochent de réalités historiques.]Sans doute, mais ce n’est sans doute pas le but du jeu. Alexandre Astier est avant tout un artiste, un saltimbanque*. Qu’il potasse un peu le sujet avant d’écrire, c’est sûr. Mais ça n’en fait pas un historien, chose que d’ailleurs il ne revendique pas. Pas plus que Goscinny et Uderzo n’étaient des spécialistes de l’histoire romaine.* Peut-être l’avez déjà vu, j’ai beaucoup apprécié son spectacle “L’exoconférence”.

      • Vincent dit :

        syndicats et partis politiques sont devenus des sectes groupusculaires, et ne regroupent souvent plus que deux espèces : les fanatiques, qui poursuivent leurs idées fixes, et les carriéristes qui voient dans le syndicalisme un moyen de conquérir du pouvoir.

        De ma petite expérience, je ne peux qu’acquiescer. Et vous féliciter pour la concision de cette phrase qui résume, à mon sens parfaitement, ce qu’est devenue la politique, que ce soit à droite ou à gauche, et chez les souverainistes ou les “pragmatiques”.
        Quelque chose de très intéressant à regarder sont les personnes qui quittent un parti politique en claquant la porte. J’ai rencontré 3 cas :
        – Des fanatiques, qui voulaient protester contre le fait que leur dada n’avait pas été suffisamment considéré,
        – Des carriéristes, pour “protester” contre un mauvais résultat électoral, qui ne leur a pas permis d’avoir le poste qu’ils espéraient, et à qui on a offert un poste de permanent dans un autre parti,
        – Des gens raisonnables avec un boulot indépendant de la politique, et qui ont laissé tomber la politique.
         
        [Je suis également en colère de voir comment nos impôts viennent subventionner des projets en sciences sociales intersectionnels ou autres influencés par l’idéologie woke.]
        Le mot correct est « parasite ».
         
        Bien entendu, tout n’est pas noir. Il y a plein de gens sérieux dans les universités qui donnent à leurs étudiants motivation et exemple dans un cadre scientifique rigoureux. Les sciences dites « dures » ont su se défendre de l’irrationalisme actuel et le milieu reste sélectif et méritocratique.

        Les sciences “dures” n’ont pas le monopole de la recherche de mise en œuvre de la méthode scientifique. Outre la psychologie / psychiatrie, dont nous avions déjà parlé (longuement) sur ce blog, les sciences sociales ont aussi leurs rationalistes. Par exemple Bronner, lui même chercheur en sociologie, qui a même écrit un livre (que je n’ai pas encore lu) qui, semble-t-il, décrit en long, en large, et en travers les dérives de sa discipline.
        https://www.acrimed.org/Le-Point-et-Pour-la-science-mettent-de-l-ordre
        Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques siècles, toutes les disciplines, notamment la médecine, l’astronomie, la physique, la chimie (sauf peut être les mathématiques) faisaient l’objet de controverses pour lesquelles on se disputait sur la base d’arguments de principe, d’arguments moraux, métaphysiques, d’appel aux “anciens” (grecs notamment), etc.
        La méthode scientifique n’avait intégré aucun champ de la connaissance. Depuis, elle a bien progressé, mais il reste quelques bastions, dont j’espère qu’ils finiront par se convertir.
         
        Je n’ai pas passé le temps nécessaire à creuser en détail cette question, mais j’ai lu des articles de sociologues “mainstream”, qui considèrent comme acquis l’existence d’un racisme systémique, en l’illustrant (sans chercher à le démontrer), toujours par les deux mêmes exemples : des études menées par des sociologues sérieux montrent que: les “racisés” sont davantage contrôlés par la police ; les “racisés” sont défavorisés pour l’accès au travail.
        Je ne me permettrais pas de dire si la question des discriminations pour les contrôle d’identité, ou la question des discriminations pour l’accès à l’emploi sont des sujets suffisamment intéressants pour justifier des études (je dirais personnellement que non pour le premier, et oui pour le second). Mais admettons.
        On dirait que la question que ce sont posés ces chercheurs est :
        “Comment mettre en évidence l’existence d’un racisme systémique ? On va aller observer les 2 sujets plus haut, et regarder si les “racisés” sont défavorisés ou non, en moyenne”.
        Mais en posant la question de cette manière là, on est certains, quitte à faire suffisamment d’expériences, dans suffisamment de domaines, de montrer son hypothèse de départ, quelle qu’elle soit.
        La bonne manière pour procéder de manière scientifique est la suivante (avis aux sociologues qui me liraient) :
         
        1°) Définir quel est le champ d’étude qui nous intéresse, en chechant à expliquer pourquoi le sujet qu’on étudie a un intérêt : Par exemple, les critères d’accès à l’emploi : la réponse est évidente : l’emploi est le premier vecteur d’intégration dans la société d’un adulte, donc c’est important. L’intérêt de regarder les contrôles de police me semble moins évident, mais peut être cela peut il être justifié.
        2°) Formuler la question de manière scientifique : “Quelles sont les facteurs expliquant les pertes / gains de chance vis à vis de la recherche d’emploi ?” (ou des contrôles de police)
        3°) Emettre des hypothèses sur les facteurs explicatifs, en essayant d’être le plus exhaustif possible : âge, tenue vestimentaire, couleur de peau, accent, démarche, qualité de l’expression orale, adresse d’habitation, etc.
        4°) Concevoir des études permettant de tester ces hypothèses. Cela peut être des études observationnelles regardant la réalité (les moins fiables), ou des études en double aveugle (envoyer des faux CV à des recruteurs). Et également tester s’il n’y a pas des hypothèses non devinées par les investigateurs, qui permettent d’expliquer les choix (par exemple avec un suivi longitudinal, comme on dit en médecine : en regardant le devenir à posteriori ; par exemple ici regarder le taux des embauchés qui sont encore en emploi au bout de 12 mois, regarder le taux de personnes contrôlées qui sont verbalisées ou embarquées, etc.)
        5°) Une fois les études réalisées, faire des analyses en composantes principales pour déterminer quels sont réellement les facteurs les plus discriminants. Et regarder si les résultats obtenus par les méthodes observationnelles, en aveugle, et longitudinales donnent des résultats cohérents entre elles (et le cas échéant investiguer les incohérences).
         
        Une telle démarche serait de la sociologie scientifique. Et pourrait sans doute être utile et intéressante pour la collectivité.
        Mais c’est beaucoup moins valorisant que d’asséner avec aplomb et en se prévalant de sa qualité de “chercheur au CNRS” qu’il existe un racisme systémique, point barre.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Les sciences “dures” n’ont pas le monopole de la recherche de mise en œuvre de la méthode scientifique. Outre la psychologie / psychiatrie, dont nous avions déjà parlé (longuement) sur ce blog, les sciences sociales ont aussi leurs rationalistes. Par exemple Bronner, lui-même chercheur en sociologie, qui a même écrit un livre (que je n’ai pas encore lu) qui, semble-t-il, décrit en long, en large, et en travers les dérives de sa discipline.]

          Vous serez déçu je pense, parce que Bronner n’est pas plus rigoureux que ses opposants. Je veux bien imaginer qu’il y ait des sociologues « scientifiques » (c’état le cas de Bourdieu, pour ne donner qu’un exemple) qui essayent, avec plus ou moins de succès, de donner à leur discipline des méthodes et des instruments rigoureux. Mais ils sont une toute petite minorité.

          [Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques siècles, toutes les disciplines, notamment la médecine, l’astronomie, la physique, la chimie (sauf peut-être les mathématiques) faisaient l’objet de controverses pour lesquelles on se disputait sur la base d’arguments de principe, d’arguments moraux, métaphysiques, d’appel aux “anciens” (grecs notamment), etc.]

          Vous oubliez la théologie, l’astrologie… Et puis Descartes vint, et la lumière fut. Les disciplines qui ont adopté ses méthodes se sont constituées en « sciences », et les autres sont parties du côté de la magie ou de la religion.

          [La méthode scientifique n’avait intégré aucun champ de la connaissance. Depuis, elle a bien progressé, mais il reste quelques bastions, dont j’espère qu’ils finiront par se convertir.]

          C’est là toute la différence : l’alchimie est devenue chimie en adoptant la méthode scientifique. Mais que penser d’une discipline universitaire qui en plein XXIème siècle, alors que la méthode existe depuis cinq siècles, la rejette ? Les « bastions » dont vous parlez sont aujourd’hui moins intéressés par la « méthode » qu’ils ne l’étaient du temps de Comte, de Durkheim ou de Bourdieu…

          [Je n’ai pas passé le temps nécessaire à creuser en détail cette question, mais j’ai lu des articles de sociologues “mainstream”, qui considèrent comme acquis l’existence d’un racisme systémique, en l’illustrant (sans chercher à le démontrer), toujours par les deux mêmes exemples : des études menées par des sociologues sérieux montrent que : les “racisés” sont davantage contrôlés par la police ; les “racisés” sont défavorisés pour l’accès au travail.]

          Ais-je besoin d’insister sur le fait qu’une corrélation n’implique pas une causalité ? La plupart des hommes meurt dans un lit, et pourtant on ne considère pas les lits particulièrement dangereux. C’est pourquoi les études auxquels vous fates référence ne démontrent nullement l’existence d’un « racisme », systémique ou pas. La police contrôle les populations où elle a le plus de chance de détecter des infractions. C’est pourquoi, quand il y a vol a l’arrachée, on contrôle rarement les gens de 80 ans et plus. Il n’y a pas là un « racisme anti-jeunes », mais un simple raisonnement logique : les jeunes courent plus vite que les vieux.

          [“Comment mettre en évidence l’existence d’un racisme systémique ? On va aller observer les 2 sujets plus haut, et regarder si les “racisés” sont défavorisés ou non, en moyenne”.]

          Un tel programme est faussé à la base. Pour mettre en évidence l’existence d’un racisme systémique, il ne suffit pas de montrer que les « racisés » sont défavorisés en moyenne. Il faut démontrer qu’ils sont défavorisés PARCE QUE racisés. En d’autres termes, il ne suffit pas d’établir une CORRELATION, il faut établir une CAUSALITE. C’est la confusion entre corrélation et causalité qui traverse souvent les travaux sociologiques…
          [(…) Une telle démarche serait de la sociologie scientifique. Et pourrait sans doute être utile et intéressante pour la collectivité.]

          C’est beaucoup plus complique que vous ne le pensez. D’abord, il faudrait définir les termes. Qu’est-ce qu’on appelle « racisé », qu’est-ce qu’on appelle « racisme » ? Une fois les termes bien définis, il vous faut imaginer une expérience capable non pas de « tester » votre hypothèse, mais de la FALSIFIER. Or, le problème de la sociologie est précisément qu’il est très difficile d’imaginer des expériences qui pourraient falsifier l’hypothèse…

          • @ Descartes & Vincent,
             
            Il y a quelques temps, sur France Culture, j’ai entendu un sociologue définir ainsi son travail: “mettre en évidence les mécanismes invisibles à l’œuvre dans la société”. Cette expression de “mécanismes invisibles” me laisse songeur. Si le mécanisme est invisible, c’est qu’on ne le voit pas. Si on ne le voit pas, comment conclure à son existence? Il faut en fait postuler au préalable qu’il existe. La conséquence inévitable, à mon avis, est qu’en réalité les sociologues construisent surtout un discours qui vise à justifier des préjugés et des opinions. Un sociologue qui parle du “racisme systémique” comme d’une évidence, le fait-il parce qu’il a véritablement observé, identifié, mesuré le phénomène, ou parce qu’il est convaincu que le phénomène existe?
             
            Bien sûr, depuis longtemps, certains scientifiques se lancent dans la recherche en suivant une intuition. Mais si la méthode est rigoureuse, le scientifique accepte que son intuition était fausse. Or je me demande combien de sociologues “progressistes” seraient prêts à rejeter les concepts de “racisme systémique” ou d’ “oppression patriarcale”, quand bien même des arguments sérieux leur seraient opposés. On a vu la réaction de Claire M. lorsque son collègue a contesté (apparemment avec des arguments) la validité scientifique du terme “islamophobie”…
             
            En fait la sociologie “progressiste” utilise la même méthode que la théologie: comme Dieu, le “racisme systémique”, le “privilège blanc”, l’ “oppression patriarcale”, la “culture du viol”, etc existent de toute éternité (en Occident s’entend). Dès lors, la mission du sociologue est, non pas de construire une grille de lecture rationnelle, mais de révéler la vérité, de faire une “apocalypse” au sens premier (“lever le voile”). La sociologie n’est pas une science, c’est bien une religion…

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Il y a quelques temps, sur France Culture, j’ai entendu un sociologue définir ainsi son travail: “mettre en évidence les mécanismes invisibles à l’œuvre dans la société”. Cette expression de “mécanismes invisibles” me laisse songeur. Si le mécanisme est invisible, c’est qu’on ne le voit pas. Si on ne le voit pas, comment conclure à son existence?]

              Là, je pense que vous faites un mauvais procès. Toute recherche scientifique postule que derrière des faits qui peuvent paraître aléatoires, il existe une cohérence d’ensemble qui peut être formulée en termes de « mécanisme » ou de « loi ». Le travail du scientifique est précisément de trouver – ou de construire, selon votre point de vue philosophique – ces lois. La déclaration de votre sociologue ne contredit en rien la logique scientifique.

              Là où il y a dérive, c’est lorsqu’on postule l’existence d’un mécanisme ou d’une loi sans prendre la peine d’imaginer une expérience où une observation de nature à l’infirmer. C’est le cas du « racisme systémique », postulat qui, parce qu’il ne peut être réfuté par une expérience, relève de la croyance plus que de la science.

              [On a vu la réaction de Claire M. lorsque son collègue a contesté (apparemment avec des arguments) la validité scientifique du terme « islamophobie »… En fait la sociologie “progressiste” utilise la même méthode que la théologie: comme Dieu, le “racisme systémique”, le “privilège blanc”, l’ “oppression patriarcale”, la “culture du viol”, etc existent de toute éternité (en Occident s’entend).]

              Effectivement, on est dans une logique dogmatique. Et on retrouve d’ailleurs dans les réactions des acteurs de cette histoire – direction du PACTE, Claire M., syndicats étudiants – la réactions de toute organisation dogmatique : le contestataire est forcément un « agresseur » qui conteste non par désaccord intellectuel, mais parce qu’il a des mauvaises intentions : « islamophobe » ou bien « fasciste », il cherche à préserver ses privilèges de mâle blanc. Le but n’est donc pas de réfuter ses objections, mais de le réduire au silence…

              C’est exactement le même comportement que n’importe quelle secte.

            • CVT dit :

              @Descartes,

              [ la réactions de toute organisation dogmatique : le contestataire est forcément un « agresseur » qui conteste non par désaccord intellectuel, mais parce qu’il a des mauvaises intentions : « islamophobe » ou bien « fasciste », il cherche à préserver ses privilèges de mâle blanc. Le but n’est donc pas de réfuter ses objections, mais de le réduire au silence…]

               
              Le contestataire: vous voulez dire l’hérétique, plutôt 😈😬?
               
              Tous ces concepts de “racisme systémique”, “fragilité blanche” et autres “oppression patriarcale” me rappellent furieusement le raisonnement sous-jacent à la preuve ontologique de l’existence de dieu: on part de l’idée que dieu existe pour finalement découvrir, après un long détour…qu’il existe😬!!!
               
              Ce n’est pour rien que les principes laïques existent, en particulier celui de la relégation des croyances non réfutables dans la sphère privée, les autres sujets fondés sur de prémisses rationnelles et réfutables pouvant être l’objet de débats publiques.
              Toutes ces discussions “intersectionelles” n’ont donc aucune raison d’être enseignées dans une république qui se targue d’être laïque…

            • Descartes dit :

              @ CVT

              [Ce n’est pour rien que les principes laïques existent, en particulier celui de la relégation des croyances non réfutables dans la sphère privée, les autres sujets fondés sur de prémisses rationnelles et réfutables pouvant être l’objet de débats publiques. Toutes ces discussions “intersectionelles” n’ont donc aucune raison d’être enseignées dans une république qui se targue d’être laïque…]

              Tout à fait. On insiste beaucoup sur la laïcité vis à vis des religions établies, mais la laïcité s’applique en fait quelque soit la croyance. Et dans une République laïque, le système éducatif, de la maternelle à l’université, devrait se tenir éloigné de tout enseignement dogmatique. Aucune connaissance enseignée ne doit être considérée comme échappant par essence à l’examen rationnel.

            • Vincent dit :

              @Descartes, CVT

              [Ce n’est pour rien que les principes laïques existent, en particulier celui de la relégation des croyances non réfutables dans la sphère privée, les autres sujets fondés sur de prémisses rationnelles et réfutables pouvant être l’objet de débats publiques. Toutes ces discussions “intersectionelles” n’ont donc aucune raison d’être enseignées dans une république qui se targue d’être laïque…]
              Tout à fait. On insiste beaucoup sur la laïcité vis à vis des religions établies, mais la laïcité s’applique en fait quelque soit la croyance. Et dans une République laïque, le système éducatif, de la maternelle à l’université, devrait se tenir éloigné de tout enseignement dogmatique. Aucune connaissance enseignée ne doit être considérée comme échappant par essence à l’examen rationnel.

               
              Je pense que vous me concéderez une nuance.
              A mon sens, la laïcité ne s’oppose absolument pas à ce qu’on étudie les religions, les courants de pensée, y compris déconstructeurs ou intersectionnels.
              On étudie St-Augustin ou Bossuet, qui sont des penseurs catholiques, du fait de l’influence qu’ils sont eu sur l’histoire de la pensée. On étudie aussi Freud du fait de l’influence qu’il a eu sur la pensée en matière de psychologie. Et des historiens s’intéressent à la pensée nazie. Sans qu’aucun de ces courants de pensée n’ait vu ses présupposés être démontrés / pertinents.
              De la même manière, il me semblerait logique que dans un cours de sciences politique, d’histoire des idées, etc. on étudie le mouvement déconstructiviste, y compris ses différentes composantes (intersectionnelles, etc.) : il s’agit d’un courant de pensée qui existe. Qui, certes, repose sur du vent. Mais on ne peut pas nier qu’il existe, et il peut donc être l’objet d’études.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Je pense que vous me concéderez une nuance. A mon sens, la laïcité ne s’oppose absolument pas à ce qu’on étudie les religions, les courants de pensée, y compris déconstructeurs ou intersectionnels.]

              Qu’on étudie les religions comme fait historique, comme pathologie mentale, certes non. Mais la laïcité s’oppose résolument à ce qu’on fasse de dieu un objet d’étude. Il n’y a pas de faculté de théologie dans une université laïque. On peut y étudier la structure des croyances, on peut y étudier les textes sacrés (considérés comme productions humaines), on peut y examiner les effets de la croyance sur l’histoire. Mais on ne peut étudier l’objet de la croyance elle-même, parce que l’Université n’étudie pas les objets dont l’existence n’est pas établie et ne résulte que d’un dogme.

              [On étudie St-Augustin ou Bossuet, qui sont des penseurs catholiques, du fait de l’influence qu’ils sont eu sur l’histoire de la pensée. On étudie aussi Freud du fait de l’influence qu’il a eu sur la pensée en matière de psychologie. Et des historiens s’intéressent à la pensée nazie. Sans qu’aucun de ces courants de pensée n’ait vu ses présupposés être démontrés / pertinents.]

              Oui, mais encore une fois, ce n’est pas la même chose d’étudier une croyance que d’étudier l’objet de la croyance elle-même. On peut étudier l’idée que se faisaient les nazis du « peuple arien », mais on ne peut pas étudier le « peuple arien » lui-même tel que les nazis le concevaient, tout simplement parce qu’il n’existe pas. Je peux étudier la manière dont Saint Augustin croyait en dieu, mais je ne peux pas étudier dieu lui-même.

              [De la même manière, il me semblerait logique que dans un cours de sciences politique, d’histoire des idées, etc. on étudie le mouvement déconstructiviste, y compris ses différentes composantes (intersectionnelles, etc.) : il s’agit d’un courant de pensée qui existe. Qui, certes, repose sur du vent. Mais on ne peut pas nier qu’il existe, et il peut donc être l’objet d’études.]

              Je ne doute pas qu’on puisse faire à l’université des études très intéressantes sur la genèse des idées intersectionnelles et sur les pathologies mentales associées. Mais ce n’est pas là le but des laboratoires « intersectionnels »…

            • Claustaire dit :

              Quelle que soit la croyance“, dans une république laïque toute croyance ou incroyance, toute religion, hérésie, apostasie ou athéisme a droit à son expression publique en même qu’à sa contestation publique (dans le respect d’une  loi soucieuse de garantir l’ordre public et le respect des personnes).
               
              Par contre, toute expression haineuse à l’égard d’une personne ou d’un groupe tombe sous le coup de la loi. Je peux donc médire autant que je le veux d’une religion ou d’une idéologie à condition de ne pas médire des personnes victimes de cette religion ou de cette idéologie et d’accepter la critique de ma critique (à condition bien sûr que cela ne me vaille pas menace de mort sur ma personne).
               
              Je peux dire autant de mal (ou de bien) que je veux du communisme ou de l’islamisme, mais je n’ai pas le droit de traiter les communistes ni les islamistes de potentiels assassins au couteau entre les dents… ni les contempteurs du communisme ou de l’islamisme d’ennemis de Dieu ou de l’Histoire devant être éliminés.
               
              Je crois que le vrai problème est là : comment expliquer aux adeptes d’une religion (ou d’une idéologie) dont on critiquerait l’imposture ou l’irrationalisme qu’on ne les traite pas eux d’imbéciles assez crétins pour y adhérer ? Comment critiquer une idéologie sans attaquer en personnes ses adeptes ou militants ? Comment critiquer le nazisme sans critiquer les nazis ? Bref, comment échapper à l’accusation d’agressivité contre des personnes alors qu’on ne pense que leur rendre service en les aidant à sortir de leurs erreurs ?

            • Descartes dit :

              @ Claustaire

              [Par contre, toute expression haineuse à l’égard d’une personne ou d’un groupe tombe sous le coup de la loi. Je peux donc médire autant que je le veux d’une religion ou d’une idéologie à condition de ne pas médire des personnes victimes de cette religion ou de cette idéologie et d’accepter la critique de ma critique (à condition bien sûr que cela ne me vaille pas menace de mort sur ma personne).]

              Faudrait tout de même arrêter de voir de la « haine » à tous coins de rue. Dire de quelqu’un que c’est un imbécile n’est peut-être pas très correct, mais ce n’est pas une « expression haineuse ». La réaction du laboratoire PACTE de Grenoble (qui d’ailleurs ajoute l’insulte à notre intelligence à l’injure en publiant hier dans « Le Monde » une tribune qui ne grandit pas vraiment la profession) de considérer comme haineux (les termes exactes sont « harcèlement » et « atteinte morale violente ») le simple fait de demander par courrier de réécrire l’intitulé d’une table ronde et de contester le mot « islamophobie » montre combien cette idée de « expression haineuse » est utilisée pour réduire au silence toute critique.

              [Je peux dire autant de mal (ou de bien) que je veux du communisme ou de l’islamisme, mais je n’ai pas le droit de traiter les communistes ni les islamistes de potentiels assassins au couteau entre les dents… ni les contempteurs du communisme ou de l’islamisme d’ennemis de Dieu ou de l’Histoire devant être éliminés.]

              Contre les communistes, on ne peut que constater que tout est permis. Je vous renvoie aux débats autour du « livre noir du communisme », où on est allé bien plus loin que « assassins potentiels au couteau entre les dents ». On les traite quotidiennement et depuis de longues années – individuellement et collectivement – de génocides et d’assassins. Relisez le célèbre article de Marguerite Duras dans « Libération » où elle les traite de « chiens ». Ce qui vous montre combien la question des « expressions haineuses » est relative…

              La question des « expressions haineuses » n’a rien à voir avec la laïcité. Dans un état laïque, il n’y a aucune raison d’interdire per se les expressions haineuses. On a le droit de haïr. Si on interdit certaines expressions haineuses – mais pas toutes – c’est parce qu’elles pourraient entraîner ou faciliter une atteinte à l’ordre public. Et l’ordre public a bien entendu un élément de classe. On peut haïr les communistes sans risquer les tribunaux parce que la classe dominante ne trouve pas que la chasse aux communistes soit un problème. Peu de gens savent aujourd’hui qu’en 1956 des manifestants ont incendié le siège du PCF, et qu’aucune enquête sérieuse n’a été conduite pour trouver et punir les incendiaires…

              [Je crois que le vrai problème est là : comment expliquer aux adeptes d’une religion (ou d’une idéologie) dont on critiquerait l’imposture ou l’irrationalisme qu’on ne les traite pas eux d’imbéciles assez crétins pour y adhérer ?]

              Ceci vous montre combien la distinction « j’ai le droit de critiquer les idées, je n’ai pas le droit de critiquer les personnes » est purement artificielle, et prétend à un équilibre impossible.

            • Vincent dit :

               

              Là où il y a dérive, c’est lorsqu’on postule l’existence d’un mécanisme ou d’une loi sans prendre la peine d’imaginer une expérience où une observation de nature à l’infirmer. C’est le cas du « racisme systémique », postulat qui, parce qu’il ne peut être réfuté par une expérience, relève de la croyance plus que de la science.

              Je ne serais pas aussi restrictif que vous.
              Autant, je conviens volontiers qu’un énoncé ne peut avoir de valeur scientifique que si sa négation est possible / envisageable.
              Autant, qu’une expérience puisse démontrer que l’énoncé est faux est une condition suffisante, mais pas nécessaire. Pensez par exemple à la météorologie, à la climatologie : il s’agit de sciences avec de vraies démarches scientifiques, dans lesquelles on ne fait pas d’expériences. Au mieux, on fait des simulations numériques, et on regarde la conformité à l’observation. Et quand il y a divergence, on affine le modèle.
              A propos de racisme, d’ailleurs, un sondage “scandaleux” a été pas mal commenté. Mais que dit-il ? En fonction de l’origine, quelle est la proportion des français qui trouvent qu’ils sont trop nombreux. L’étude montre que certaines catégories de personnes sont « trop nombreuses en France », selon les répondants. C’est ainsi le cas pour les :
              – Roms (50 %),
              – Musulmans (43 %),
              – Maghrébins (43 %),
              – étrangers en général (40 %),
              – Noirs (23 %),
              – Asiatiques (12 %),
              – les catholiques (9 %),
              – juifs (8 %),
              – protestants (7 %).
               
              Le racisme, le vrai, consiste à rejeter ceux qui sont physiquement différents. Soit les noirs et les asiatiques (personnellement, je ne sais pas faire, morphologiquement, la différence entre un grec, un espagnol, un sicilien, et un maghrébin ; ni entre un rom et un français de souche).
               
              Et l’on voit bien sur ce sondage que ce qui est en cause n’est pas le racisme, mais plus simplement le retour d’expérience : les musulmans ont commis suffisamment de crimes ces dernières années en tant que musulmans pour qu’on puisse comprendre une certaine hostilité à leur encontre. Et les roms et maghrébins sont largement surreprésentés dans la délinquance de rue, celle qui pourrit la vie des français…
               

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Autant, qu’une expérience puisse démontrer que l’énoncé est faux est une condition suffisante, mais pas nécessaire. Pensez par exemple à la météorologie, à la climatologie : il s’agit de sciences avec de vraies démarches scientifiques, dans lesquelles on ne fait pas d’expériences. Au mieux, on fait des simulations numériques, et on regarde la conformité à l’observation. Et quand il y a divergence, on affine le modèle.]

              Vous prenez le mot « expérience » dans un sens beaucoup trop restrictif. Pensez à l’éclipse de soleil qui a confirmé – mais qui aurait pu réfuter – la prédiction de la théorie de la relativité générale selon laquelle la gravitation changeait la trajectoire des rayons lumineux. S’agit-il d’une « expérience » ? Oui, dans le sens poppérien du terme, même si elle ne se déroule pas en laboratoire et les physiciens n’ont pas la possibilité de la répéter quand ils en ont envie.

              La climatologie, la météorologie font des « expériences », au sens qu’il peuvent confronter les modèles que ces disciplinent bâtissent avec des phénomènes réels, susceptibles de confirmer ou d’infirmer la prédiction.

              [Le racisme, le vrai, consiste à rejeter ceux qui sont physiquement différents.]

              Non. La femme qui fout une baffe au noir qui lui a touché les fesses dans le métro n’est pas « raciste ». Etre raciste, ce n’est pas « rejeter ceux qui sont physiquement différents », mais rejeter ceux qui sont physiquement différents PARCE QUE ils sont physiquement différents. Si je me méfie des roms dans le métro, ce n’est pas parce qu’ils sont « physiquement différents », mais parce qu’une longue expérience a montré que ces gens « physiquement différents » ont une certaine propension à voler les sacs.

              [Et l’on voit bien sur ce sondage que ce qui est en cause n’est pas le racisme, mais plus simplement le retour d’expérience : les musulmans ont commis suffisamment de crimes ces dernières années en tant que musulmans pour qu’on puisse comprendre une certaine hostilité à leur encontre. Et les roms et maghrébins sont largement surreprésentés dans la délinquance de rue, celle qui pourrit la vie des français…]

              Tout à fait. Le mot « racisme » est devenu un mot-valise qui ne veut plus rien dire. Le racisme au sens propre, tel qu’il existait dans l’entre-deux guerres – c’est-à-dire l’idée qu’il existe des races « inférieures » – est aujourd’hui résiduel. S’il reste encore pas mal de gens qui essentialisent certaines caractéristiques, cela reste très minoritaire. On voit même des juifs ou des noirs adhérer aux partis d’extrême droite, ce qui aurait été impensable dans les années 1930. Même l’antisémitisme qu’on voit apparaître chez les musulmans s’accompagne de la croyance que les juifs sont plus intelligents que les autres, qu’ils sont solidaires entre eux, qu’ils bossent dur pour gagner de l’argent, et que du coup ils sont une proie intéressante. Une discrimination qui s’appuie non pas d’une vision de l’autre comme inférieur, mais au contraire comme supérieur, peut-être considérée « raciste » ?

            • Gugus69 dit :

              @ Descartes
              Une discrimination qui s’appuie non pas d’une vision de l’autre comme inférieur, mais au contraire comme supérieur, peut-être considérée « raciste » ?
              Oui.
              Si vous considérez qu’une différence entre deux humains repose, dès la naissance, sur les origines “ethniques” supposées de l’un et de l’autre, c’est du racisme.
              Que vous soyez, vous, l’humain considéré comme inférieur ne change rien au postulat.
               

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Si vous considérez qu’une différence entre deux humains repose, dès la naissance, sur les origines “ethniques” supposées de l’un et de l’autre, c’est du racisme.]

              En d’autres termes, pour vous les poètes de la “négritude” étaient racistes ?

            • Gugus69 dit :

              En d’autres termes, pour vous les poètes de la “négritude” étaient racistes ?
               
              Je ne suis certes pas un spécialiste. Mais je n’ai pas souvenir que les chantres de la négritude considéraient que les noirs étaient inférieurs aux blancs, ni supérieurs d’ailleurs… Ils revendiquaient leur humanité pleine et entière.
              Vous avez des textes qui disent le contraire ?

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Mais je n’ai pas souvenir que les chantres de la négritude considéraient que les noirs étaient inférieurs aux blancs, ni supérieurs d’ailleurs… Ils revendiquaient leur humanité pleine et entière.]

              Je vous rappelle votre commentaire: “Si vous considérez qu’une différence entre deux humains repose, dès la naissance, sur les origines “ethniques” supposées de l’un et de l’autre, c’est du racisme”. Les partisans de la “négritude” faisaient bien une “différence” entre les noirs et les autres…

            • Vincent dit :

              @Gugus69

              Si vous considérez qu’une différence entre deux humains repose, dès la naissance, sur les origines “ethniques” supposées de l’un et de l’autre, c’est du racisme.Que vous soyez, vous, l’humain considéré comme inférieur ne change rien au postulat.

               
              Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec cette phrase, mais pas dans sa formulation actuelle, qui retraduit, je pense, mal votre pensée.
              Par exemple, je considère que la différence de couleur de peau entre deux humains repose largement sur leur “origine ethnique” (même si des séances de bronzage ou des procédés de décoloration peuvent modérer ce présupposé, mais vous comprenez l’idée). Il s’agit bien d’une différence…
               
              Ceci dit, vous répondiez à une question concernant les discriminations… Si on admet qu’une différence de traitement entre deux personnes, fondée sur l’origine, est du racisme, même quand le fondement de cette différence de traitement est de compenser une infériorité jugée naturelle… Alors il faut admettre que les décoloniaux sont racistes !
              Et comme le soulignait Descartes, on ne peut pas empêcher chacun de voir ce qu’il voit, et de faire à sa propre échelle ses propres analyses. Si on a eu affaire à des personnes ayant les mêmes caractéristiques d’apparence, et qu’on a souvent eu des ennuis avec ces personnes, il est naturel d’avoir un voyant “attention” qui s’allume quand on croise une nouvelle personne ayant les même caractéristiques (qu’il s’agisse de caractéristiques vestimentaires, de coiffure, etc. ou aussi malheureusement de caractéristiques “naturelles”).
               

            • Gugus69 dit :

              Non, ami et camarade, je ne suis pas d’accord.
              Vous avanciez l’idée que cette “différence” était le motif d’une “discrimination”, quand bien même elle serait inversée en considérant l’autre comme supérieur.
              Je maintiens qu’il s’agirait d’une attitude raciste, et que bien évidemment, jamais les promoteurs de la “négritude” n’ont justifié sur ces bases une quelconque “discrimination” ?
              La négritude, dès ses origines, vise à réinsérer l’homme noir dans l’humanité au même rang que tous les autres. C’est le contraire du racisme véhiculé aujourd’hui par les racialistes et autres indigénistes.

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Je maintiens qu’il s’agirait d’une attitude raciste, et que bien évidemment, jamais les promoteurs de la “négritude” n’ont justifié sur ces bases une quelconque “discrimination” ?]

              C’est très discutable. En créant un mouvement ouvert seulement aux noirs, en revendiquant une culture seulement accessible à ceux du “bon” héritage, la discrimination n’est pas très loin.

          • Vincent dit :

            Vous serez déçu je pense, parce que Bronner n’est pas plus rigoureux que ses opposants. Je veux bien imaginer qu’il y ait des sociologues « scientifiques » (c’état le cas de Bourdieu, pour ne donner qu’un exemple) qui essayent, avec plus ou moins de succès, de donner à leur discipline des méthodes et des instruments rigoureux. Mais ils sont une toute petite minorité.

            Je serai peut être déçu en le lisant… Mais avez vous des éléments qui vous laissent penser cela ?
            Accessoirement, même si je comprends bien qu’il est engagé dans un combat politique contre les dérives sectaires et les théories du complot, ça n’en fait pas nécessairement un chercheur dont l’activité universitaire n’est pas rigoureuse…
             

            C’est beaucoup plus complique que vous ne le pensez. D’abord, il faudrait définir les termes. Qu’est-ce qu’on appelle « racisé », qu’est-ce qu’on appelle « racisme » ? Une fois les termes bien définis, il vous faut imaginer une expérience capable non pas de « tester » votre hypothèse, mais de la FALSIFIER. Or, le problème de la sociologie est précisément qu’il est très difficile d’imaginer des expériences qui pourraient falsifier l’hypothèse…

             
            Je n’ai jamais prétendu que faire proprement de la recherche en sciences humaines était quelque chose de simple et de trivial, qui serait immédiatement à ma portée du fait que j’ai quelques notions de statistiques.
            J’ai ci dessus essayé de décrire ce qui, pour moi qui ne suis pas compétent, serait le minimum-minimorum de ce que devraient contenir des recherches sur ces sujets. Et force est de constater que même ce que je serais capable de proposer, ils n’ont pas tenté de le faire.
            Naturellement, faire des recherches rigoureuses s’inspirant de la démarche scientifique n’est pas chose facile en sociologie. Et la compétence des sociologues devrait justement être de réussir à appréhender par tous les bouts cette matière insondable qu’est la sociologie, pour pouvoir dire, quand toutes les approches convergent vers la même chose, qu’il y a une réalité, ou, quand les résultats donnés par les différentes approches divergent, qu’il reste des choses à comprendre.
            Sur la question des contrôles aux faciès, par exemple, j’ai proposé 2 approches : une par analyse multivariée, pour déterminer les principales variables explicatives. L’autre de vérification à posteriori de la pertinence de ces contrôles en fonction de ces mêmes variables. Pour essayer de voir comment falsifier l’hypothèse, d’une autre manière. Toutes les idées originales sont bienvenues en sociologie.
            Il y aurait certainement de nombreuses autres approches à déterminer, des protocoles permettant de définir qui est “racisé” ou non, et de quelle manière.
            Il y a une dose de subjectivité. Mais, comme nous en avions discuté sur la psychologie / psychiatrie ou sur la douleur il y a quelques temps, je suis de ceux qui sont convaincus que, même sur des matières très “molles” et dures à quantifier, il est possible de tenter des approches scientifiques pour essayer de cerner les réalités.
             

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Je serai peut être déçu en le lisant… Mais avez-vous des éléments qui vous laissent penser cela ?]

              Oui, je l’ai lu…

              [Accessoirement, même si je comprends bien qu’il est engagé dans un combat politique contre les dérives sectaires et les théories du complot, ça n’en fait pas nécessairement un chercheur dont l’activité universitaire n’est pas rigoureuse…]

              Non, bien sûr. Mais on ne combat pas un dogme avec un autre dogme. Et ce n’est pas parce que les complotistes et autres sectaires procèdent par affirmation non prouvées qu’il faut agir pareil.

              [Je n’ai jamais prétendu que faire proprement de la recherche en sciences humaines était quelque chose de simple et de trivial, qui serait immédiatement à ma portée du fait que j’ai quelques notions de statistiques.]

              Oui, mais pour moi, le problème n’est pas tant le fait qu’il soit difficile de trouver une méthode en sciences humaines, mais le fait que beaucoup de « chercheurs » en sciences humaines récusent l’idée de méthode elle-même. Une fois cela posé, il est impossible d’avancer vers une connaissance « scientifique » dans ce champ. C’est bien de ce point de vue qu’il y a eu recul entre le temps de Bourdieu et le nôtre. Bourdieu, avec tous ses défauts, cherchait une méthode. Les contemporains, eux, y ont renoncé.

              [Naturellement, faire des recherches rigoureuses s’inspirant de la démarche scientifique n’est pas chose facile en sociologie.]

              Mais avant de se demander si c’est « chose facile », il faudrait se demander si c’est « chose souhaitable ». A cette question, une partie de la sociologie répond « non ». Vous semblez penser que les sociologues devraient essayer de résoudre la difficulté en développant des méthodes scientifiques adaptées à leur discipline. Mais les postmodernes ont trouvé une autre solution : ils ont contourné la difficulté en décrétant que la méthode scientifique était une construction impérialiste, sexiste et bourgeoise. Et que du coup on faisant œuvre révolutionnaire en renonçant à elle. C’est cette logique qui ouvre la porte au n’importe quoi auquel on assiste aujourd’hui.

              C’est ça le problème: les sociologues “postmodernes” ne sont pas honteux de ne pas avoir de “méthode”. Au contraire, ils en sont fiers!

            • BJ dit :

              @Vincent
              [Je serai peut être déçu en le lisant…]
              On m’a offert son dernier livre “Apocalypse cognitive”
              Le titre n’est pas engageant, on croirait une émission de RMC découverte ;-). Mais comme j’aime bien ses conférences, je vais le lire. J’ai découvert ce type (Gerald Bronner) quand il a été présenté par Étienne Klein : https://www.youtube.com/watch?v=8L52YiOeGX0 , qui pour moi est un gage de qualité.
               

      • morel dit :

        «  syndicats et partis politiques sont devenus des sectes groupusculaires, et ne regroupent souvent plus que deux espèces : les fanatiques, qui poursuivent leurs idées fixes, et les carriéristes qui voient dans le syndicalisme un moyen de conquérir du pouvoir. »
         
        Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en l’espèce, vous ne faites pas dans la nuance. Je ne crois pas que l’emporte pièce soit une bonne méthode. L’amalgame entre des « syndicats » tenus par des radicaux et la totalité du champ syndical risque de conduire à ce vous voulez dénoncer, souvenez-vous du slogan soixante-huittard : « Les syndicats sont des bordels et l’UNEF est une putain ».
         

        • Descartes dit :

          @ morel

          [« syndicats et partis politiques sont devenus des sectes groupusculaires, et ne regroupent souvent plus que deux espèces : les fanatiques, qui poursuivent leurs idées fixes, et les carriéristes qui voient dans le syndicalisme un moyen de conquérir du pouvoir. » Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en l’espèce, vous ne faites pas dans la nuance. Je ne crois pas que l’emporte pièce soit une bonne méthode.]

          J’admets une dose de simplification. Mais je crois qu’on ne peut ignorer cet effet qui tend à faire partir les plus modérés et laisse donc l’activité syndicale aux mains des radicalisés. Je vous rappelle que les « ateliers réservés aux racisés » qui ont fait scandale ont été organisés par un syndicat enseignant. Et que ce sont les syndicats étudiants qui ont soutenu l’opération qui a empêché la représentation des « Suppliantes » et aujourd’hui l’opération contre les deux enseignants à Grenoble. Bien sûr, il reste beaucoup de militants syndicaux qui ne tombent pas dans ces travers et qui font un travail remarquable dans les entreprises. Mais la dérive est là, et on peut constater que les fédérations et les confédérations hésitent à sanctionner les comportements inacceptables.

          • morel dit :

            « Mais je crois qu’on ne peut ignorer cet effet qui tend à faire partir les plus modérés et laisse donc l’activité syndicale aux mains des radicalisés. »
             
            La construction d’une organisation syndicale, particulièrement à une époque où en lieu et place de conquêtes ouvrières nouvelles, il s’agit surtout de tenter, sans toujours avoir le succès présent au rendez-vous, de préserver l’essentiel ressemble, lorsqu’on s’investit sérieusement, un peu au travail de Sisyphe. Consacrer son temps, son énergie, s’engager à cette tâche depuis des décennies a quelque chose, pardonnez-moi l’expression, d’ingrat,
            J’ai vu des gens formidables (et pas que dans mon syndicat) devenir amers, lâcher car « on a arrive à rien » car « je vais faire comme les autres, me donner du bon temps plutôt que de m’emm,, er ». J’ai vu aussi des gens de talent qui sont passés « de l’autre côté » loin de la catégorie trop facile des « traîtres » ou de « manœuvres diaboliques » de l’employeur : entre aboutir à peu et avoir un chemin de promotions, du pouvoir et de l’argent..
            C’est peut-être là la première cause de raréfaction syndicale, s’appuyant aussi sur la montée de l’individualisme.
             
            De plus, si on ne donne pas son argent ou son temps au syndicat, cela semble être un boni, après tout le monde des CDD, Uber, c’est pas pour nous, on a toujours la sécu par ex,et on a largement oublié qu’il a fallu le combat des salariés pour l’imposer.
             
            Des syndicats exsangues ne sont malgré tout qu’une partie du problème, cela n’implique pas nécessairement le sectarisme idéologique ; le syndicalisme en France est rarement monté au niveau numérique des syndicats du nord de l’Europe sans pour autant avoir été réduit à une secte,
             
            Pour en venir là, il faut donc d’autres conditions, Et je dirais que les exemples concrets que vous présentez me semblent emblématiques d’une petite bourgeoisie intellectuelle « sans entraves » comme elle le revendiquait lors d’un fameux printemps.
            Me permettez-vous de souligner qu’il s’agit le plus souvent d’organisations socialement homogènes très souvent autonomes à l’égard de la classe ouvrière:UNEF, FSU (on notera la même hypocrisie de « mesure » que vous avez vous même souligné ailleurs) :
             
            Université Grenoble Alpes : Communiqué de presse de la section SNESUP-FSU du 9 mars 2021 | SNESUP-FSU
             
            Ces positions « radicales » ont beaucoup plus de mal à se développer hors de leur vivier même le radicalisme d’un Sud perd beaucoup de sa force en milieu salarial,
             
            Je n’ai sans doute pas cerné tout le problème, mais c’est ma conviction qui découle de l’expérience où l’on sait qu’il ne sert de rien de donner des coups de menton et de remonter son ceinturon pour parvenir à quelque chose.
             

            • Descartes dit :

              @ morel

              [La construction d’une organisation syndicale, particulièrement à une époque où en lieu et place de conquêtes ouvrières nouvelles, il s’agit surtout de tenter, sans toujours avoir le succès présent au rendez-vous, de préserver l’essentiel ressemble, lorsqu’on s’investit sérieusement, un peu au travail de Sisyphe. Consacrer son temps, son énergie, s’engager à cette tâche depuis des décennies a quelque chose, pardonnez-moi l’expression, d’ingrat,]

              C’était bien mon point. Et devant l’ingratitude de la tâche, beaucoup abandonnent le combat. Et ne restent souvent que ceux qui sont insensibles à l’ingratitude de la tâche parce qu’ils se sentent investis d’une mission sacrée (les fanatiques) et ceux qui ont un intérêt qui compense largement les difficultés (les carriéristes).

              J’ajoute d’ailleurs que c’est un cercle vicieux. La radicalisation permanente qui conduit à atomiser le corps social en « communautés » en guerre permanente les unes avec les autres rendrait ce travail encore plus ingrat. Comment se sentent les camarades syndiqués « raisonnables » qui apprennent que leur syndicat les exclut d’un atelier pour cause de « racisation » insuffisante ?

              [Des syndicats exsangues ne sont malgré tout qu’une partie du problème, cela n’implique pas nécessairement le sectarisme idéologique ; le syndicalisme en France est rarement monté au niveau numérique des syndicats du nord de l’Europe sans pour autant avoir été réduit à une secte,]

              Bien entendu. Les taux de syndicalisation dans les pays « nordiques » sont trompeurs. Dans ces pays, il existe des logiques qui font que les avantages négociés par le syndicat ne s’appliquent qu’aux membres du syndicat (en Grande Bretagne) ou bien ce sont les syndicats qui gèrent les systèmes de prévoyance ou de sécurité sociale. Si on couplait la carte vitale et la carte syndicale, on aurait un taux de syndicalisation fort convenable !

              Mais si les syndicats en France ne sont pas devenus des sectes, c’est aussi parce que c’étaient des contre-sociétés, avec une sociabilité bien particulière faite de solidarités, d’amitiés… et cela tenait à mon avis à la politisation des syndicats, qui permettait d’inscrire la lutte quotidienne, forcément dure, dans une perspective plus globale. De ce point de vue, je pense que la rupture des liens entre les syndicats et les partis politiques a été désastreuse.

              [Me permettez-vous de souligner qu’il s’agit le plus souvent d’organisations socialement homogènes très souvent autonomes à l’égard de la classe ouvrière: UNEF, FSU]

              Tout à fait. Mais on trouve le même fonctionnement « sectaire » dans d’autres fédération syndicales, même si c’est souvent moins visible.

            • morel dit :

              « la politisation des syndicats, qui permettait d’inscrire la lutte quotidienne, forcément dure, dans une perspective plus globale. De ce point de vue, je pense que la rupture des liens entre les syndicats et les partis politiques a été désastreuse. »
               
              Ce n’est pas mon avis, on ne peut servir deux maîtres. La subordination du syndicat au parti politique prive les salariés d’un outil d’expression indépendant, on le voit cruellement dans tous les régimes totalitaires.
              Sans aller jusque là, la subordination du syndicat au parti politique implique un dessaisissement des syndiqués des décisions qui leur reviennent exclusivement.
              Cela est encore plus flagrant lorsque le parti en question prend part au pouvoir ou est en soutien inconditionnel d’un pouvoir extérieur,
               
               
              On peut constater que les manifestations que nous constatons dans certains secteurs universitaires, ont pour protagoniste essentiel des pseudo syndicats hyper politisés.
               

            • Descartes dit :

              @ morel

              [Ce n’est pas mon avis, on ne peut servir deux maîtres.]

              Mais où voyez-vous « deux maîtres ». J’ai été militant communiste et cégétiste, et j’avais le sentiment de servir le même « maître » : le prolétariat.

              [La subordination du syndicat au parti politique prive les salariés d’un outil d’expression indépendant, on le voit cruellement dans tous les régimes totalitaires.]

              Je ne vois pas très bien le rapport. Dans les « régimes totalitaires », il n’y a pas plus de partis politiques que de syndicats. Le parti, le syndicat et l’Etat ne font plus qu’un. Franchement, le croquemitaine du « totalitarisme », ca devient lassant…

              J’ajoute que parler de « subordination » est un abus de langage : plus que « subordination », je parlerais de « dialectique ». S’il est vrai qu’il y avait beaucoup de communistes aux instances dirigeantes de la CGT, je peux dire à l’inverse qu’il y avait beaucoup de cégétistes dans les instances dirigeantes du PCF. Le lien parti/syndicat était plus complexe que vous ne le pensez.

              [Sans aller jusque-là, la subordination du syndicat au parti politique implique un dessaisissement des syndiqués des décisions qui leur reviennent exclusivement.]

              Comme par exemple ? Quelles sont les décisions qui leur « reviennent exclusivement » ? Si l’on se place dans l’idée du syndicat qui défend l’ENSEMBLE des salariés (et pas seulement ses membres), alors aucune décision des syndicats ne leur revient « exclusivement ». Ils ne font leur travail que s’ils sont à l’écoute des salariés. Mais les salariés sont aussi des citoyens, et être à leur écoute suppose donc de combiner le politique et le syndical. Et c’est là que la dialectique entre syndicat et parti politique est importante. C’est ce rapport avec le parti politique qui empêche le syndicat de se replier sur une base purement corporatiste – ce à quoi on assiste largement aujourd’hui.

              [On peut constater que les manifestations que nous constatons dans certains secteurs universitaires, ont pour protagoniste essentiel des pseudo syndicats hyper politisés.]

              Pardon, mais… qui est juge de ce qui est un syndicat et ce qui est un « pseudo-syndicat » ?

            • morel dit :

              Subordination du syndicat au parti, plus que des discours, des faits :
               
              – Février 1948, « coup de Prague » ; « Le Peuple » journal CGT du 4-11 mars 1948 le qualifie de « tranquille décision du peuple tchécoslovaque de se donner un gouvernement progressiste ».
               
              – juin 1948, le kominform dénonce le « rénégat »Tito. Duclos écrira : «  La Yougoslavie vit sous la terreur de la clique Tito ». La vie ouvrière », autre parution CGT, consacrera en 1949 un article à la dénonciation de Tito.
               
              – Lors du procès Rajk 1949, accusé de « titisme », pendu la même année, Gaston Monmousseau directeur de la « Vie ouvrière » commet un article évoquant « l’action antisoviétique de la réaction internationale » reprend toute la litanie contre Rajk.
               
              – 1950 Henri Krasuki dans l’article « Ça sent le roussi ! » : « Tito le faciste, le policier, le traître au socialisme est le protégé, le valet des milliardaires américains. Il participe à leur politique de préparation à la guerre.
              Il transforme la Yougoslavie soumise à la terreur, en plate-forme d’agression contre l’URSS et les démocraties populaires » dans « Le Peuple » 7-14 juin 1950.
               
              – Printemps 1953, révolte ouvrière à Berlin, « Le Peuple » 1er juillet 1953 : « Le putsch faciste de Berlin, fomenté par les agents secrets des puissances occidentales et réalisé par la tourbe hitlérienne entretenue dans l’Allemagne de l’Ouest et par ses résidus dans l’Allemagne de l’Est,.. »
               
              – « Le Peuple » 8-14 novembre 1951 Léon Mauvais déclare à l’occasion du 34è anniversaire de la Révolution d’octobre : « Pour nous Français, existe plus que jamais, aujourd’hui le devoir d’affirmer à nouveau que nous avons choisi entre le camp de la paix et celui de la guerre, entre le camp de la vérité et celui du mensonge, entre le camp de la vie et celui de la mort… Nous tenons plus encore aujourd’hui que jamais à témoigner notre reconnaissance, notre sympathie, notre chaleureuse affection aux peuples de l’URSS, au gouvernement sociétique et à son chef, si ferme, si humain, si clairvoyant, Joseph Staline ».
               
              Désolé, les faits sont têtus.

            • Descartes dit :

              @ morel

              [Subordination du syndicat au parti, plus que des discours, des faits :
              – Février 1948, « coup de Prague » ; « Le Peuple » journal CGT du 4-11 mars 1948 le qualifie de « tranquille décision du peuple tchécoslovaque de se donner un gouvernement progressiste ».]

              Je ne comprends pas très bien votre argumentation. En 1981, tous les syndicats sont sortis dans la rue fêter l’élection de Mitterrand. Doit-on considérer qu’ils étaient tous « soumis » au PS ? Le fait que deux organisations partagent une analyse ne prouve nullement que l’une soit « soumise » à l’autre. Pour démontrer votre point, il vous faudrait apporter des éléments qui font penser qu’en 1948 la majorité des adhérents de la CGT étaient contre le « coup de Prague ». Pensez-vous vraiment que ce soit le cas ?

              [Désolé, les faits sont têtus.]

              Les faits, oui. Mais ici il n’y a pas de fait, seulement de l’interprétation. Le “fait” est que la CGT et le PCF étaient sur la même ligne. En déduire que l’un était “soumis” à l’autre nécessite un peu plus que ça. Tiens, je me souviens de déclarations anticommunistes de FO qui n’étaient pas très différentes de la position des Américains à l’époque. Doit-on parler là aussi de « soumission » ?

            • morel dit :

              « En 1981, tous les syndicats sont sortis dans la rue fêter l’élection de Mitterrand. Doit-on considérer qu’ils étaient tous « soumis » au PS ? »
               
              En 1981, la CGT-FO, fidèle à sa tradition, était la seule organisation syndicale à ne pas donner de consigne de vote. Elle n’est pas plus allée
              manifester en tant que telle.
              Vous oubliez par ailleurs que toute la gauche et l’extrême gauche, PCF compris, appelait à voter Mitterrand.
               
               
              Pour le reste, au lieu d’affirmations simples, je vous ai donné des références vérifiables, écrits et positions avérés et incontestables.
               
              Si, de votre côté, vous me fournissiez le même type d’écrits de la CGT-FO approuvant chaudement la mort dans les mêmes termes que les responsables sus-cités pour Rajk (non exclusif) ou même dans l’adoration béate du gouvernement des Etats-Unis ou à un dithyrambe de son président, je m’affirmer solennellement à condamner ces propos ; qu’en est-il pour vous ?

            • Descartes dit :

              @ morel

              [« En 1981, tous les syndicats sont sortis dans la rue fêter l’élection de Mitterrand. Doit-on considérer qu’ils étaient tous « soumis » au PS ? » En 1981, la CGT-FO, fidèle à sa tradition, était la seule organisation syndicale à ne pas donner de consigne de vote.]

              Surtout fidèle à la tradition qui veut qu’on ne prenne pas parti alors qu’on ne sait pas qui va gagner. Parce qu’en 1974 FO n’avait pas eu ce genre de pudeurs… il est vrai qu’à l’époque, Mitterrand était perçu comme le candidat des communistes…

              [Elle n’est pas plus allée manifester en tant que telle.]

              J’ai vu de mes yeux vu les drapeaux FO place de la Bastille le 10 mai 1981…

              [Pour le reste, au lieu d’affirmations simples, je vous ai donné des références vérifiables, écrits et positions avérés et incontestables.]

              L’ennui est que les « références vérifiables » que vous avez fournis ne soutiennent pas vos « affirmations simples ».

              [Si, de votre côté, vous me fournissiez le même type d’écrits de la CGT-FO approuvant chaudement la mort dans les mêmes termes que les responsables sus-cités pour Rajk (non exclusif) ou même dans l’adoration béate du gouvernement des Etats-Unis ou à un dithyrambe de son président, je m’affirmer solennellement à condamner ces propos ; qu’en est-il pour vous ?]

              Si ça vous fait plaisir, je peux « condamner » l’ensemble des propos auxquels vous faites référence. Et alors, qu’est-ce que cela change ? Franchement, je ne vois pas trop l’intérêt de se frapper la poitrine ou de « condamner » les agissements de gens aujourd’hui morts et enterrés. Je pense plus utile d’essayer de comprendre les faits que de prononcer des « condamnations ».

              Vous connaissez l’histoire de FO. Vous savez très bien que sa création a été digitée et financée par les services américains, à travers l’AFL-CIO. Et vous savez aussi que quand les américains financent et couvent une organisation, ce n’est pas par pure générosité de cœur. Je doute que leur geste ait été guidé par le souci de mieux défendre les intérêts des travailleurs français. « L’indépendance » que FO a proclamée pendant des années à propos et hors de propos n’est qu’une figure de propagande, un élément permettant à l’organisation de se distinguer des syndicats traditionnels (CGT, CFTC et plus tard CFDT). C’est pourquoi vous ne trouverez pas chez FO des « dithyrambes » et autres « bruyantes approbations ». Cela ne veut nullement dire que l’organisation fut plus « indépendante », simplement que sa communication était différente.

              Si vous voulez des textes, je vous conseille la lecture du « Livre blanc de l’infiltration communiste dans l’appareil de l’Etat » publiée par FO du temps de Bergeron. Vous y retrouverez la rhétorique reaganienne dans toute sa beauté… et en toute indépendance, of course.

            • morel dit :

              « Parce qu’en 1974 FO n’avait pas eu ce genre de pudeurs… il est vrai qu’à l’époque, Mitterrand était perçu comme le candidat des communistes… »
               
              La ligne de conduite de la CGT-FO en 1974 est vérifiable : absence de consigne de vote, Un point, c’est tout.
               
              « J’ai vu de mes yeux vu les drapeaux FO place de la Bastille le 10 mai 1981… »
               
              Si drapeau il y avait, il ne peut s’agir que d’initiative personnelle toujours possible avec n’importe quel syndicat en n’importe quelle circonstance. La consigne de vote était déjà absente.
               
              « Si ça vous fait plaisir, je peux « condamner » l’ensemble des propos auxquels vous faites référence. Et alors, qu’est-ce que cela change ? Franchement, je ne vois pas trop l’intérêt de se frapper la poitrine ou de « condamner » les agissements de gens aujourd’hui morts et enterrés. Je pense plus utile d’essayer de comprendre les faits que de prononcer des « condamnations ».
               
              Il ne s’agit pas de plaisir mais de regarder les choses en face : le stalinisme a largement contribué à détruire le mouvement ouvrier et barré l’avenir à un horizon socialiste en l’amalgamant au totalitarisme. C’est à ce titre que je ne « comprends » ni ne « comprendrais » jamais le stalinisme. Ce qui n’empêche nullement l’analyse,
              Pourquoi lorsqu’il s’agit de fascisme, la condamnation permettrait l’analyse ; chose qui ne serait pas vraie pour le stalinisme ?
              Par ailleurs, parlant surtout d’avenir, sans condamnation claire, le pire est de tourner en rond dans l’histoire et c’est aussi ce qui s’est passé à partir du modèle stalinien qui a fait « école » : Chine, pays de l’Est de l’Europe, ex-Indochine, Corée..
               
              « Vous savez très bien que sa création a été digitée et financée par les services américains, à travers l’AFL-CIO »
               
              L’histoire vue à travers la grille du stalinisme où les « services américains » seraient à l’origine de tout « mal » contrairement à l’Union Soviétique synonyme de « bien »..
               
              Concernant l’indépendance, je renvoie à la Charte d’Amiens adoptée par la CGT en 1906, seul « juge de paix » en ce domaine.
               
              Par ailleurs, j’ai beau chercher sur le net, rien concernant le « Livre blanc de l’infiltration communiste dans l’appareil de l’Etat » que vous mettez en avant, Je n’en ai jamais entendu parler, pourriez-vous me donner des références exactes ? Merci,

            • Descartes dit :

              @ morel

              [La ligne de conduite de la CGT-FO en 1974 est vérifiable : absence de consigne de vote, Un point, c’est tout.]

              Certainement. Mais vous allez bien plus loin que cela. Vous en déduisez que cette ligne de conduite marque l’indépendance de FO, tout comme vous déduisez de l’accord entre la CGT et le PCF sur le « coup de Prague » la subordination de la première au deuxième. Vous ne vous contentez donc pas des faits, vous en tirez des conclusions. Et c’est là le problème… ne pas donner de consigne de vote n’est pas une marque d’indépendance, pas plus que le fait d’en donner n’est une marque de subordination.

              [Il ne s’agit pas de plaisir mais de regarder les choses en face : le stalinisme a largement contribué à détruire le mouvement ouvrier et barré l’avenir à un horizon socialiste en l’amalgamant au totalitarisme.]

              Je me demande ce qu’on ferait si on n’avait pas Staline pour jouer le rôle du bouc émissaire. Cependant, je soumets ceci à votre sagacité : jamais le mouvement ouvrier n’a été aussi puissant en France que du vivant de Staline. Et s’il s’est affaibli jusqu’à être complètement marginalisé, c’est après la « destalinisation ». Vous noterez aussi que les partis communistes qui les premiers ont rompu avec le stalinisme – le PCI ou le PCE « eurocommunistes » – n’existent plus, alors que ceux dont la rupture fut beaucoup plus nuancée – le PCP, le PCF – ont gardé bien plus longtemps un certain poids.

              Le combat entre le mouvement ouvrier français et le capital n’a pas été perdu à Moscou, il a été perdu à Paris. Si les ouvriers français aujourd’hui votent pour le RN plutôt que pour les partis ouvriers, si les syndicats n’ont plus guère de poids, ce n’est pas la faute à Staline. Si le PCF a perdu la confiance des ouvriers, ce n’est pas parce qu’il a soutenu le « coup de Prague » ou trainé Rajk dans la boue – ce dont tout le monde se fout aujourd’hui – mais parce qu’il a abandonné les ouvriers en rase campagne pour courtiser les classes intermédiaires.

              C’est pourquoi je regarde l’action de division et le combat anticommuniste de FO comme infiniment plus dommageable pour le mouvement ouvrier français. Parce que les combats du mouvement ouvrier se sont gagnés ou perdus à Paris, et non à Moscou.

              [C’est à ce titre que je ne « comprends » ni ne « comprendrais » jamais le stalinisme. Ce qui n’empêche nullement l’analyse. Pourquoi lorsqu’il s’agit de fascisme, la condamnation permettrait l’analyse ; chose qui ne serait pas vraie pour le stalinisme ?]

              Ah… parce que vous trouvez que la « condamnation » permanente du fascisme permet l’analyse ? La condamnation transforme ce qui devrait être un débat historique en une question morale. Il est impossible d’avoir une vision nuancée du fascisme sans se mettre ipso facto du côté des « méchants ». Vous le voyez bien dans le débat sur Vichy… Dire que Vichy a fait le choix de sacrifier les juifs « étrangers » pour préserver les juifs « français » vous vaut une condamnation à priori, une accusation de vouloir dédouaner Pétain. Alors que cette thèse a pourtant en sa faveur un grand nombre de documents et de témoignages…

              [Par ailleurs, parlant surtout d’avenir, sans condamnation claire, le pire est de tourner en rond dans l’histoire et c’est aussi ce qui s’est passé à partir du modèle stalinien qui a fait « école » : Chine, pays de l’Est de l’Europe, ex-Indochine, Corée…]

              Franchement, je ne vois pas le rapport. En quoi le fait que je « condamne » changera quelque chose ?

              [« Vous savez très bien que sa création a été digitée et financée par les services américains, à travers l’AFL-CIO » L’histoire vue à travers la grille du stalinisme où les « services américains » seraient à l’origine de tout « mal » contrairement à l’Union Soviétique synonyme de « bien »…]

              Ah… pour quelqu’un qui me demande de condamner le stalinisme, je trouve que vous avez parfaitement assimilé les méthodes staliniennes. Il ne vous manque que de me traiter de « vipère lubrique »… Alors revenons à la réalité : ce n’est pas « l’histoire vue a travers la grille du stalinisme » que de rappeler le rôle joué par Irving Brown, à la fois cadre de l’AFL-CIO et agent de la CIA dans la création de la CGT-FO, qui aurait été impossible sans l’aide logistique et financière du FTUC (Free Trade Unions Committee »). Tout ces éléments sont très bien documentés.

              [Concernant l’indépendance, je renvoie à la Charte d’Amiens adoptée par la CGT en 1906, seul « juge de paix » en ce domaine.]

              Je vois mal comment un document pourrait être un « juge de paix ». Ce n’est pas parce qu’on écrit dans un papier qu’un homme peut voler comme un oiseau que cela devient vrai. Et je doute que la Charte d’Amiens aie contemplé le cas d’une organisation syndicale créée avec des subventions de la CIA.

              [Par ailleurs, j’ai beau chercher sur le net, rien concernant le « Livre blanc de l’infiltration communiste dans l’appareil de l’Etat » que vous mettez en avant, Je n’en ai jamais entendu parler, pourriez-vous me donner des références exactes ? Merci]

              Le « livre blanc » n’était pas un document public. André Bergeron avait annoncé publiquement sa remise au gouvernement. J’ai eu entre les mains une « version de travail », j’ignore si elle était très différente du document définitif.

            • morel dit :

              « Le « livre blanc » n’était pas un document public. »
               
              Nous ne pouvons raisonnablement pas discourrir sur la base de documents inconnus,
               
              « Ah… pour quelqu’un qui me demande de condamner le stalinisme, je trouve que vous avez parfaitement assimilé les méthodes staliniennes. Il ne vous manque que de me traiter de « vipère lubrique »
               
              Je vous prie de bien vouloir ne pas extrapoler sur ce que je n’ai jamais écrit et qui revient à ceux que vous défendez.
               
              Par ailleurs, je ne suis guère surpris par le chapitre « CIA » que vos amis voyaient partout et tous puissant, Il n’y a que l’idéologie stalinienne pour faire gober à ses affidés que des agents secrets capitalistes peuvent fonder une organisation syndicale de quelque poids.
               
              « Ah… parce que vous trouvez que la « condamnation » permanente du fascisme permet l’analyse ? »
               
              Bien entendu, L’analyse est faite depuis longtemps notamment par des milliers d’historiens qui le condamne et je ne vois pas pourquoi cela serait différent pour le stalinisme. Et c’est aussi pourquoi, je ne comprends pas ni ne comprendra jamais le fascisme aussi même si je sais l’analyser.
              La condamnation politique est indispensable et n’empêche nullement l’analyse.
               
              « Parce que les combats du mouvement ouvrier se sont gagnés ou perdus à Paris, et non à Moscou. »
               
              C’est bien plus compliqué que cela, D’ailleurs, c’est à partir de la victoire des bolcheviks qu’est né le mouvement communiste dans le monde, pas à Paris. L’ouvrier n’est pas un crétin qui ne voit pas plus loin qu’un horizon borné, il juge aussi en pesant divers éléments dont ce que soutien un parti, C’est pourquoi malgré la prétention du PCF sous-entendant qu’il était LE parti de la classe ouvrière, des secteurs entiers lui échappaient. Des historiens ont, à très juste titre, souligné combien il ressortait quasiment d’un sentiment religieux pour ses supporters mais aussi d’un vrai rejet du reste de la population et où la connaissance notamment des agissements des gouvernements s’en réclamant avait bien sa part. Avec la chute de ces régimes, les yeux se sont dessillés y compris pour des adhérents. Tôt (les « eurocommunistes ») ou tard (les autres) la roue de l’histoire avait tourné.
               
              Pour en revenir à la subordination, aucune interprétation de ma part mais la mise en application de la 9è condition d’adhésion à l’Internationale Communiste :
               
              « Ces noyaux devront révéler à chaque pas, au cours d’une action quotidienne, la trahison des social-patriotes et les hésitations du « centre ». Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés au Parti tout entier. »
               
              in : Les 21 conditions d’admission à l’Internationale communiste ~ Fondation Gabriel Péri (gabrielperi.fr)
               
              Nous n’arriverons, je le crains, jamais à un accord sur cette question, Il est même fort possible que nous tournions en rond.
              Pour ma part, je ne cesse de m’étonner qu’avec vos réelles qualités de raison vous puissiez trouver du bon chez Staline et le stalinisme et, en reliant ceci avec les qualités que vous trouviez au FN si,au fond, il n’y a pas une certaine défiance envers les masses qui devraient être fermement dirigées. Interrogation sincère excluant toute idée d’insulte.
              Bonne journée à vous.

            • Descartes dit :

              @ morel

              [« Le « livre blanc » n’était pas un document public. » Nous ne pouvons raisonnablement pas discourir sur la base de documents inconnus,]

              Bien sur que si. Des centaines de philosophes au cours de l’histoire ont discouru sur des textes d’Aristote qui sont perdus, et dont nous ne connaissons l’existence et le contenu que par l’intermédiaire de ses commentateurs. Par ailleurs, si le document est « inconnu » pour vous, il ne l’est pas pour moi…

              Votre qualité de militant FO vous donne-t-il accès aux archives de l’organisation ? Si c’est le cas, peut-être pourriez-vous solliciter l’archiviste pour obtenir un accès au « livre blanc ».

              [Par ailleurs, je ne suis guère surpris par le chapitre « CIA » que vos amis voyaient partout et tous puissant, Il n’y a que l’idéologie stalinienne pour faire gober à ses affidés que des agents secrets capitalistes peuvent fonder une organisation syndicale de quelque poids.]

              Je ne me souviens pas d’avoir dit qu’un quelconque « agent secret capitaliste » aurait fondé FO. Les agents secrets capitalistes ne peuvent pas fonder ex-nihilo une organisation syndicale de quelque poids, c’est un fait. Ce qu’un agent secret capitaliste peut, par contre, c’est de fournir à un groupuscule déjà existant les moyens – argent, personnel, accès aux médias, soutien des patrons dans les entreprises – qui permettent à un groupuscule d’un syndicat de faire scission en emportant avec lui une partie de l’effectif. Et c’est exactement ce qui s’est passé lors de la scission de FO.

              [« Ah… parce que vous trouvez que la « condamnation » permanente du fascisme permet l’analyse ? » Bien entendu, L’analyse est faite depuis longtemps notamment par des milliers d’historiens qui le condamne]

              Des historiens qui condamnent ne sont pas des historiens. Science ou morale, il faut choisir. Un historien établit les faits et essaye d’établir des liens entre eux. La « condamnation » n’est pas de son ressort. La logique « condamnatoire » est un frein au travail de l’historien, précisément parce qu’elle impose une conclusion préalable avant tout travail sur la documentation et les témoignages. Tout livre traitant du fascisme – mais aussi du nazisme, du régime de Vichy, et depuis peu de l’esclavage, de la colonisation, etc. – DOIT aboutir à certaines conclusions, sous peine de se voir mettre au ban de la société. Pensez au travail de Petré-Grenouilleau, dont l’ouvrage « Les Traites négrières. Essai d’histoire globale » lui a valu d’être trainé dans la boue et devant les tribunaux. Son crime ? Avoir fait un travail d’historien qui aboutit à conclure que, contrairement au dogme, la traite négrière n’est pas le privilège de l’occident mais fut aussi activement organisée dans le monde arabe, et qu’elle ne revêt pas un caractère « génocide ».

              [et je ne vois pas pourquoi cela serait différent pour le stalinisme.]

              Ce n’est en rien « différent ». Comme pour le nazisme ou les fascisme, comme pour l’histoire de l’esclavage, la logique condamnatoire empêche tout véritable débat historique sur ce que fut ou ne fut pas le stalinisme.

              [Et c’est aussi pourquoi, je ne comprends pas ni ne comprendra jamais le fascisme aussi même si je sais l’analyser.]

              Si vous ne comprenez pas un objet, dites vous bien que dans la plupart des cas c’est parce qu’il n’est pas correctement décrit…

              [La condamnation politique est indispensable (…).]

              Pourquoi ? A quoi sert-elle, à part de se faire plaisir ?

              [« Parce que les combats du mouvement ouvrier se sont gagnés ou perdus à Paris, et non à Moscou. » C’est bien plus compliqué que cela, D’ailleurs, c’est à partir de la victoire des bolcheviks qu’est né le mouvement communiste dans le monde, pas à Paris.]

              Ça se discute. Il y avait un mouvement ouvrier qui s’est réclamé du « communisme » bien avant 1917. Le « manifeste du Parti communiste » date de 1848. La révolution bolchévique ouvre la voie à la création de partis léninistes dans le monde, mais cela n’est qu’un avatar du mouvement ouvrier. Dans la plupart des pays du monde, le parti communiste est resté un parti marginal, et le mouvement ouvrier a été porté par les partis sociaux-démocrates.

              [L’ouvrier n’est pas un crétin qui ne voit pas plus loin qu’un horizon borné, il juge aussi en pesant divers éléments dont ce que soutient un parti, C’est pourquoi malgré la prétention du PCF sous-entendant qu’il était LE parti de la classe ouvrière, des secteurs entiers lui échappaient.]

              Mais alors, pourquoi dites-vous que c’est le stalinisme qui aurait compromis le mouvement ouvrier dans son ensemble ? Si nous sommes d’accord que le PCF est resté marginal même dans la classe ouvrière, que des vastes secteurs de celle-ci n’ont jamais fait confiance aux communistes, en quoi les crimes réels ou supposés du stalinisme auraient gêné le mouvement ouvrier en France ? Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre…

              [Des historiens ont, à très juste titre, souligné combien il ressortait quasiment d’un sentiment religieux pour ses supporters mais aussi d’un vrai rejet du reste de la population et où la connaissance notamment des agissements des gouvernements s’en réclamant avait bien sa part.]

              Je trouve amusant que vous parliez de « sentiment religieux pour ses supporters » et non pour ses adversaires. Vous savez, pour faire une guerre de religion, il faut deux églises… L’anticommunisme des « guerriers froids » n’était pas moins « religieux » que le stalinisme.

              [Avec la chute de ces régimes, les yeux se sont dessillés y compris pour des adhérents. Tôt (les « eurocommunistes ») ou tard (les autres) la roue de l’histoire avait tourné.]

              Mais en quoi la chute de ces régimes aurait « dessillé » qui que ce soit ? Qu’est ce qu’on a appris en 1990 qu’on ne sut pas en 1980 ? En fait, rien ou presque. Pour ce qui concerne le stalinisme, l’état des connaissances aujourd’hui est à peu près celui de la fin des années 1960. Mais à supposer même que ce fut le cas, vous m’expliquez plus haut que le soviétisme ne concernait qu’une partie marginale du mouvement ouvrier, et que le reste de la classe ouvrière était déjà « dessillé » depuis très longtemps. Pourquoi voulez-vous alors que la chute de ces régimes ait porté un coup au mouvement ouvrier ?

              Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si l’influence communiste sur la classe ouvrière était marginale, alors la chute des régimes dits « communistes » n’aurait pas changé grande chose dans les luttes ouvrières.

              [Pour en revenir à la subordination, aucune interprétation de ma part mais la mise en application de la 9è condition d’adhésion à l’Internationale Communiste : « Ces noyaux devront révéler à chaque pas, au cours d’une action quotidienne, la trahison des social-patriotes et les hésitations du « centre ». Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés au Parti tout entier. »]

              D’abord, la condition en question parle de subordination des « noyaux communistes » dans les syndicats, et non des syndicats eux-mêmes. Ensuite, il vous reste à démontrer que la 9ème condition a été appliquée dans les faits. J’ajoute que dans la mesure où la CGT n’a jamais adhéré à l’Internationale, la condition en question ne lui était pas applicable. Et pour couronner le tout, l’internationale a été dissoute par Staline dans les années 1930…

              [Nous n’arriverons, je le crains, jamais à un accord sur cette question, Il est même fort possible que nous tournions en rond.]

              Que voulez-vous, les guerres de religion, c’est comme ça…

              [Pour ma part, je ne cesse de m’étonner qu’avec vos réelles qualités de raison vous puissiez trouver du bon chez Staline et le stalinisme et, en reliant ceci avec les qualités que vous trouviez au FN si, au fond, il n’y a pas une certaine défiance envers les masses qui devraient être fermement dirigées. Interrogation sincère excluant toute idée d’insulte.]

              Je ne vois rien d’insultant dans votre remarque, mais juste une conséquence de votre logique de « condamnation ». Effectivement, dès lors que Staline a été désigné comme le Mal incarné, lui trouver quelque caractéristique positive que ce soit devient incompréhensible. Parce que le Mal, en bonne logique manichéenne, est indivisible.

              Vous m’accorderez tout de même que la victoire sur l’Allemagne nazi mérite d’être comptée sur la colonne positive du stalinisme ? Ah non, j’oubliais, si l’URSS a vaincu, ce n’est pas grâce à Staline, c’est malgré lui…

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes
               
              [Le « livre blanc » n’était pas un document public. André Bergeron avait annoncé publiquement sa remise au gouvernement. J’ai eu entre les mains une « version de travail », j’ignore si elle était très différente du document définitif.]
               
              Je suis curieux, y a-t-il eu des conséquences à cette affaire ? Le “livre blanc” en question a-t-il changé quoi que ce soit, ou était-ce surtout une opération d’intimidation anticommuniste ? Le contenu dudit document a-t-il eu un impact réel ?

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Je suis curieux, y a-t-il eu des conséquences à cette affaire ? Le “livre blanc” en question a-t-il changé quoi que ce soit, ou était-ce surtout une opération d’intimidation anticommuniste ? Le contenu dudit document a-t-il eu un impact réel ?]

              Je ne sais pas. Personnellement, je ne le crois pas. Les personnes dénoncées, du moins celles que je connaissais, ne faisaient pas de secret particulier de leur engagement, et je doute que le “livre” ait changé quelque chose à la position d’un Mauroy, un Deferre ou un Mitterrand dont l’engagement anticommuniste était ancien. Je pense que c’était une opération à double détente: d’un côté, elle permettait à Bergeron – qui, ne l’oublions pas, avait sa carte au PS même s’il était très discret à ce sujet – de mettre en avant son “indépendance” alors que les communistes participaient au gouvernement. D’autre part, c’était une opération de communication interne pour montrer à ses propres troupes qu’on restait mobilisé contre le PCF. Il ne faut pas non plus oublier le contexte de l’époque, avec un néo-maccarthysme encouragé au plus hauts niveaux de l’Etat et accompagné par l’ensemble des médias. Le “livre blanc” se doublait d’ailleurs d’initiatives locales. Jeune stagiaire au CEA, je me souviens d’avoir reçu un tract FO exigeant l’application de la “circulaire 49”. Les anciens m’avaient alors expliqué que la circulaire en question, datant de 1949, interdisait la promotion d’un communiste à un quelconque poste de responsabilité.

              Aujourd’hui, les choses ont peut-être changé. Mais à l’époque, FO était surtout un instrument de lutte anticommuniste. En toute indépendance, of course.

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes
               
              Merci, je comprends mieux. Mais encore une question sur ton expérience personnelle si tu le permets :
               
              [Le “livre blanc” se doublait d’ailleurs d’initiatives locales. Jeune stagiaire au CEA, je me souviens d’avoir reçu un tract FO exigeant l’application de la “circulaire 49”. Les anciens m’avaient alors expliqué que la circulaire en question, datant de 1949, interdisait la promotion d’un communiste à un quelconque poste de responsabilité.]
               
              As-tu personnellement eu à pâtir de ton engagement communiste dans ta vie professionnelle ? Gardais-tu cet engagement discret dans ce cadre – tu as dit être astreint au devoir de réserve, j’entends par là plutôt des choses du genre taire ou mentir par omission lors de discussions informelles avec des collègues ou des supérieurs par exemple ? Et de ce que tu sais, quid des autres communistes dans une situation similaire à la tienne, en général ? J’essaye de me faire une idée de ce qu’a pu être l’anticommunisme dans ce contexte, vu de l’intérieur !

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [As-tu personnellement eu à pâtir de ton engagement communiste dans ta vie professionnelle ?]

              Ce n’est pas une question à laquelle il est facile de répondre. Je suis personnellement convaincu que c’est le cas. Que dans la course à certains postes mon adhésion au PCF et à la CGT a pesé dans la décision de retenir un autre candidat. Mais pour être honnête, cela n’a jamais été flagrant et reste une perception personnelle. Je serais bien en peine de faire part d’un élément objectif indiquant une quelconque discrimination.

              Cela étant dit, j’ai toujours travaillé dans le service public, et dans des domaines – l’énergie, le nucléaire – où le PCF et la CGT étaient considérées par les directions des nuisances de court terme mais des alliés de long terme. J’imagine que si j’avais travaillé dans le privé ou dans la police les choses auraient été très différentes.

              [Gardais-tu cet engagement discret dans ce cadre – tu as dit être astreint au devoir de réserve, j’entends par là plutôt des choses du genre taire ou mentir par omission lors de discussions informelles avec des collègues ou des supérieurs par exemple ?]

              Je n’ai jamais porté mes attributs en bandoulière, et je n’ai jamais été du genre à faire de la provocation. Mais d’un autre côté, je n’ai jamais fait un secret de mes idées. J’ai par ailleurs été élu syndical sous l’étiquette CGT. Mais j’ai toujours respecté strictement le devoir de réserve et celui de loyauté (les deux fondements du service public à la française) ce qui m’a conduit à me démettre de mes mandats quand j’ai été nomme à des responsabilités hiérarchiques.

              [Et de ce que tu sais, quid des autres communistes dans une situation similaire à la tienne, en général ?]

              C’est très variable. Il y en avait qui se faisaient un point d’honneur à « emmerder le patron » à propos de tout et de rien et qui étaient à fond dans la provocation. Mais la plupart de ceux que j’ai croisé étaient des gens sérieux et fiables, et du coup plutôt appréciés de leur hiérarchie.

              [J’essaye de me faire une idée de ce qu’a pu être l’anticommunisme dans ce contexte, vu de l’intérieur !]

              La vision que je pourrais vous donner est très partielle. Le néo-maccarthysme des années 1980 était surtout un pilonnage médiatique, mais il a été sans véritable effet dans les entreprises et dans les administrations.

              Dans les entreprises privées, la lutte de classes se manifestait crûment, et l’engagement communiste ou cégétiste se payait cher. Les militants souffraient dans leur carrière, se voyaient refuser promotions et augmentations, et on profitait de la première faute – réelle ou imaginaire – pour les mettre dehors. Il n’était pas rare que des « camarades » de FO ou de la CFTC participent à des cabbales pour aider le patron à virer les cégétistes.

              Dans les entreprises publiques et dans les administrations, la persécution était beaucoup moins marquée. Dans le nucléaire, le PCF et la CGT étaient vus par la hiérarchie comme une nuisance sur le court terme mais des alliés de long terme, surtout après la conversion du PCF à la dissuasion nucléaire. Si FO s’indignait dans les années 1980 en exigeant l’application stricte de la « circulaire 49 », c’est surtout parce qu’elle était depuis longtemps tombée en désuétude…

            • morel dit :

              “Il n’était pas rare que des « camarades » de FO ou de la CFTC participent à des cabbales pour aider le patron à virer les cégétistes”
              Ce type d’accusation particulièrement grave nécessite d’autant de preuves étayées comme par exemple j’ai fourni pour le “camarade” Monmousseau exigeant la mort pour Rajk.

            • Descartes dit :

              @ morel

              [Ce type d’accusation particulièrement grave nécessite d’autant de preuves étayées comme par exemple j’ai fourni pour le “camarade” Monmousseau exigeant la mort pour Rajk.]

              D’abord, vous n’avez fourni aucune “preuve étayée” que le camarade Monmousseau ait “exigé la mort de Rajk”. Tout au plus vous avez évoqué un texte de Monmousseau qui selon vos dires “reprend toute la litanie contre Rajk”. Comme on n’a ni la citation ni la référence exacte, il est difficile de juger si “toute la litanie” inclut “l’exigence de la mort de Rajk” ou pas. Il ne faut pas demander aux autres la rigueur probatoire qu’on ne s’exige pas à soi même…

              Maintenant, vois mal comment je pourrais vous proposer “autant de preuves étayées” pour la question des “cabales” que dans le cas d’une déclaration publique comme celle de Monmousseau. Une cabale, par définition, ne reçoit en temps normal guère de publicité. Dans le cas présent, je ne fais que rapporter un témoignage personnel, que vous êtes libre bien entendu de croire ou ne pas croire. J’ai eu l’occasion, en tant qu’inspecteur, d’avoir à démêler une affaire dans laquelle un délégué CGT avait du faire face à une fausse accusation de vol montée de toutes pièces. Un collègue affilié à un syndicat concurrent décidé à “buter la CGT hors de l’usine” avait mis dans sa musette de l’outillage en accord avec la direction de façon qu’il soit contrôlé à la sortie, et ensuite licencié pour faute grave. L’affaire n’avait pas prospéré parce que 1) l’outillage en question avait été mal choisi – il s’agissait d’outillage qui, du fait de sa valeur, était habituellement enfermé sous clé et retiré sur émargement et 2) des collègues ont vu l’opération et ont accepté de témoigner. Ça s’était terminé par une mutation du “camarade” indélicat – qui pourtant n’a pas eu à souffrir dans sa carrière – et la direction s’est lavée les mains, jurant ses grands dieux de n’avoir rien su.

            • morel dit :

              Quelques remarques :
               
              « « Sa plume participa aux excès du stalinisme, ainsi dans La Vie ouvrière du 29 septembre-5 octobre 1949, sous le titre “Treno, Rajk et Tito quanti”, il attaqua Treno, AltmanRonsac et Rous* : « Rajk a avoué être trotskyste et policier […] Que l’accouplement des mots trotskyste-policier-traître et espion ne vous étonne pas, ajoutez-y celui de provocateur et vous avez le trotskyste militant et conséquent à l’état adulte tel que le personnifia Trotsky ».
               
              (cette obsession de Trotsky et ses affiliés très minoritaires mériterait une étude)
               
              in : MONMOUSSEAU Gaston, Léon, René. Pseudonyme : BRÉCOT Jean – Maitron
               
              Le Maitron fait référence pour le mouvement ouvrier
               
              et faut-il rappeler ci-dessus :
               
              1950 Henri Krasuki dans l’article « Ça sent le roussi ! » : « Tito le faciste, le policier, le traître au socialisme est le protégé, le valet des milliardaires américains. Il participe à leur politique de préparation à la guerre.Il transforme la Yougoslavie soumise à la terreur, en plate-forme d’agression contre l’URSS et les démocraties populaires » dans « Le Peuple » 7-14 juin 1950.
               
              Ces deux responsables qui ne sont pas des perdreaux nés de l’année savent pertinemment que ces propos envoient les accusés à la mort.
              Au-delà de la morale humaine la plus élémentaire, le type de « justice » qui renvoie lui-même au type de société qui la génère,
               
              Ayant assisté ou subi à mes débuts à quelques séances d’intimidation et encore il y a quelques années de petits groupes d’énergumènes intermittents du spectacle badgés d’un sigle de 3 lettres que je n’écrirais pas ayant trop de respect pour son histoire venus nous insulter dans un cortège de manifestation commune contre une énième réforme des retraites..
              J’aurais espéré que les leçons du passé mais..
              « Si nous sommes d’accord que le PCF est resté marginal même dans la classe ouvrière, que des vastes secteurs de celle-ci n’ont jamais fait confiance aux communistes, en quoi les crimes réels ou supposés du stalinisme auraient gêné le mouvement ouvrier en France ?
               
              Désolé, je n’ai jamais écrit que « le PCF est resté marginal dans la classe ouvrière ». Je me contentais de remettre les choses en face, à savoir, que malgré ses affirmations péremptoires il n’a jamais été LE (donc exclusif) parti de la classe ouvrière. De même qu’au sortir de la guerre, il affirmait être « le parti des 75 000 fusillés » (repris il y a peu par Ian Brossat) alors que les historiens estiment le nombre de ceux-ci entre 15 000 à 20 000,
               
              « Vous m’accorderez tout de même que la victoire sur l’Allemagne nazi mérite d’être comptée sur la colonne positive du stalinisme ? »
               
              Concernant la lutte contre l’Allemagne nazie, ma déférence la plus profonde et sincère va aux peuples soviétiques qui, au prix de sacrifices considérable ont brisé les reins au nazisme.
              Staline ? L’acteur du pacte germano-soviétique qui outre a donné les mains libres pour agresser et envahir l’Europe tout en l’aidant en lui fournissant le pétrole, céréales et autres produits dont il avait absolument besoin ?
              Celui qui a décapité l’armée rouge par les procès en sorcellerie de 1937 où l’élimnation touchait profondément d’abord le haut commandement puis toutes les catégories de grades ?
              Celui qui ne donnait qu’une consigne « résister aux provocations » au début de Barbarossa ?
              Le génial « maréchal » aux armées entières prises en tenaille par les nazis ?
              Gloire à son peuple, pas au tyran,

            • Descartes dit :

              @ morel

              [Quelques remarques : (…) Ces deux responsables qui ne sont pas des perdreaux nés de l’année savent pertinemment que ces propos envoient les accusés à la mort.]

              La conclusion est absurde : Rajk aurait été exécuté quoi que Krasucki ou Monmousseau aient pu écrire. Prétendre que ce sont leurs propos qui « ont envoyé les accusés à la mort » est aussi absurde que d’accuser les anticommunistes français d’avoir envoyé les Rosenberg à la mort. Et j’attends toujours les « preuves » que Monmousseau aurait « exigé la mort pour Rajk » dans ses écrits.

              [Au-delà de la morale humaine la plus élémentaire, le type de « justice » qui renvoie lui-même au type de société qui la génère,]

              Vous savez, ce genre de « justice » est largement partagé tout au long du spectre politique. Quand le capitalisme s’est senti menacé, il a lui aussi eu recours à ce type de « justice ». C’est l’une des grandes limitations de la démocratie : elle ne fonctionne qu’aussi longtemps que la classe dominante ne se sent pas menacée dans ses intérêts vitaux. Lorsque c’est le cas, elle soutient les délires criminels d’un Hitler ou d’un Pinochet sans la moindre hésitation.

              [Ayant assisté ou subi à mes débuts à quelques séances d’intimidation et encore il y a quelques années de petits groupes d’énergumènes intermittents du spectacle badgés d’un sigle de 3 lettres que je n’écrirais pas ayant trop de respect pour son histoire venus nous insulter dans un cortège de manifestation commune contre une énième réforme des retraites.]

              Eh oui. Comme disait l’autre, la lutte politique et syndicale n’est pas un diner de gala.

              [J’aurais espéré que les leçons du passé mais…]

              Je n’ai pas compris le sens de cette remarque.

              [Désolé, je n’ai jamais écrit que « le PCF est resté marginal dans la classe ouvrière ». Je me contentais de remettre les choses en face, à savoir, que malgré ses affirmations péremptoires il n’a jamais été LE (donc exclusif) parti de la classe ouvrière.]

              Cela dépend ce que vous mettez dans l’expression « parti de la classe ouvrière ». Si vous considérez que cela implique que TOUS les ouvriers sans AUCUNE exception soutenaient son action ou en étaient membres, c’est de toute évidence faux. Mais je ne pense pas qu’il y ait une seule personne sensée pour interpréter ainsi l’expression. Si par contre, par « le parti de la classe ouvrière » vous entendez le parti qui dans son action met les intérêts de la classe ouvrière au-dessus de tout autre intérêt, alors je persiste à croire que l’expression est exacte. Non seulement le PCF a fait des intérêts de la classe ouvrière sa priorité, mais il était bien le seul à le faire.

              [De même qu’au sortir de la guerre, il affirmait être « le parti des 75 000 fusillés » (repris il y a peu par Ian Brossat) alors que les historiens estiment le nombre de ceux-ci entre 15 000 à 20 000,]

              Cela me rappelle le débat sur le fait de savoir si la Shoah tué 6 millions de juifs ou « seulement » 4 millions. Qu’est-ce que cela change ? Le fait est que le PCF est – et de loin – l’organisation qui a payé le plus lourd tribut à la lutte contre l’occupant, et qu’un nombre important de ses militants a donné sa santé ou sa vie dans cette lutte. Le nombre exact est pour moi anecdotique, et comme dans le cas de la Shoah, je ne peux résister à l’idée que ceux qui remettent en cause le nombre cherchent en fait à minimiser le crime…

              [« Vous m’accorderez tout de même que la victoire sur l’Allemagne nazi mérite d’être comptée sur la colonne positive du stalinisme ? » Concernant la lutte contre l’Allemagne nazie, ma déférence la plus profonde et sincère va aux peuples soviétiques qui, au prix de sacrifices considérable ont brisé les reins au nazisme.]

              C’est drôle, non ? Un peuple gagnant une guerre sans que ses dirigeants aient le moindre mérite dans la chose. Doit-on conclure par analogie qu’en 1940 la France a été battue non parce que ses généraux et ses politiques ont commis des erreurs, mais parce que le peuple français n’a pas fait les « sacrifices considérables » qu’il fallait pour « briser les reins du nazisme » ? En France, c’est Daladier et Gamelin qui perdent les guerres, mais en URSS ce n’est pas Staline qui les gagne…

              Non, si l’URSS a pu battre l’Allemagne nazie, c’est aussi grâce à une organisation politique et administrative, aux institutions, à un appareil industriel, à un esprit public. Et cela, c’est l’œuvre du stalinisme. Une vision historique du stalinisme ne peut pas faire l’impasse sur cette question. Mais bien entendu, la conclusion n’est pas politiquement correcte…

              [Staline ? L’acteur du pacte germano-soviétique qui outre a donné les mains libres pour agresser et envahir l’Europe tout en l’aidant en lui fournissant le pétrole, céréales et autres produits dont il avait absolument besoin ?]

              Et ça recommence… je vous rappelle encore une fois – parce que nous avons déjà eu cette discussion – que les puissances occidentales ont refusé toutes les propositions d’accord de sécurité collective avancées par l’URSS. Que lors de la crise de 1938, l’URSS avait proposé d’envoyer des troupes pour défendre la Tchécoslovaquie, et que la proposition a été refusée par la Pologne (les troupes auraient dû traverser son territoire) fortement encouragée par l’Angleterre et la France. Que la France – sous l’influence de Laval entre autres – a soigneusement veillé à vider de toute substance le traité d’assistance mutuelle franco-soviétique du 2 mai 1935. Pourquoi voulez-vous que le gouvernement soviétique se soucie du sort de l’Europe alors que l’Europe se souciait si peu de son sort ?

              [Celui qui a décapité l’armée rouge par les procès en sorcellerie de 1937 où l’élimination touchait profondément d’abord le haut commandement puis toutes les catégories de grades ?]

              Selon certains historiens, c’est dans cette épuration que se trouve le secret de la victoire soviétique sur l’Allemagne. Elle a éliminé les généraux formés aux techniques de la première guerre mondiale et de la guerre civile, et ouvert la porte à la promotion de jeunes officiers ayant des idées plus modernes sur la guerre de mouvement et l’utilisation des blindés. En France, on a gardé nos vieilles badernes couvertes de médailles d’une autre guerre… avec les résultats que l’on sait.

              [Celui qui ne donnait qu’une consigne « résister aux provocations » au début de Barbarossa ?]

              Eh oui, tout le monde fait des erreurs. Mais les erreurs d’un dirigeant condamnent-ils un régime ? Doit-on condamner la République parce qu’elle a perdu la guerre de 1940 ? Certains l’ont pensé… pas moi !

              [Le génial « maréchal » aux armées entières prises en tenaille par les nazis ? Gloire à son peuple, pas au tyran,]

              C’est là la différence entre nous. Vous, vous cherchez à qualifier moralement, à crier « gloire à celui-ci », « honte à celui-là ». Moi, cela ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire. Qui était Staline, qu’est-ce qu’il a fait exactement et pourquoi il l’a fait, quelles étaient les alternatives et pourquoi l’histoire a suivi une voie et pas une autre. Savoir si Staline était « bon » ou « mauvais » ne m’intéresse franchement pas.

            • morel dit :

              « La conclusion est absurde : Rajk aurait été exécuté quoi que Krasucki ou Monmousseau aient pu écrire. »
               
              A l’aune de quoi, il faudrait supprimer le délit de « provocation publique à la commission d’un crime » au motif que de toute façons il sera commis sans à aucun instant imaginer la portée qu’aurait pu avoir des PC occidentaux protestant de toute leur force contre cette infamie.
               
              « Vous savez, ce genre de « justice » est largement partagé tout au long du spectre politique. Quand le capitalisme s’est senti menacé, il a lui aussi eu recours à ce type de « justice ». 
               
              Justement, combattons tous les dénis de démocratie du Chili de Pinochet à la Pologne de Jaruzelski
               
              « Eh oui. Comme disait l’autre, la lutte politique et syndicale n’est pas un diner de gala. »
               
              L’intimidation, la menace n’a jamais fait partie de ma panoplie militante,
               
              « Je n’ai pas compris le sens de cette remarque »
               
              Ma fatigue devant le resurgissement d’attitudes que je croyais enterrées.
               
              « Si par contre, par « le parti de la classe ouvrière » vous entendez le parti qui dans son action met les intérêts de la classe ouvrière au-dessus de tout autre intérêt »
               
              Le culte de Staline et la mise en enfer de ceux qu’il diabolise en ferait-il partie ?
               
              « je ne peux résister à l’idée que ceux qui remettent en cause le nombre cherchent en fait à minimiser le crime… »
               
              Les historiens qui, unanimement, rétablissent les faits ne minimisent rien et leur devoir les conduit souvent à mécontenter les partisans dont le but est de tirer la couverture à eux.
               
              « Selon certains historiens, c’est dans cette épuration que se trouve le secret de la victoire soviétique sur l’Allemagne. »
               
              Donc, conseillons à tous les états sous la menace d’une guerre de commencer par fusiller, déporter et autres joyeusetés leurs officiers et commandements, ils seront assurés de la victoire.
               
              L’armée saignée, terrorisée n’avait alors pour « théorie » que celle du « chef » entièrement axée sur l’offensive qui était censée porter la guerre en territoire ennemi, « l’épuration » ayant eu pour effet miraculeux de multiplier en son sein les laudateurs éperdus.
               
              Il a fallu de de très lourdes pertes et la grave menace de la défaite pour que le « génial » et omniprésent « petit père des peuples » s’efface lui et son système pour que compte la compétence chèrement acquise de commandants militaires comme Joukov, le retrait difficilement acquis aussi des commissaires politiques garde-chiourme des armées, du rétablissement de l’église orthodoxe, de l’appel à une « grande guerre patriotique » etc,
              Chacun sait que Staline, la guerre terminée, reprend les choses en mains. En témoigne la déportation systématique des soldats russes qui ont été prisonniers en Allemagne.
               
              «  Savoir si Staline était « bon » ou « mauvais » ne m’intéresse franchement pas. »
               
              C’est bien au-delà : comment distinguer le totalitarisme avec leurs artisans principaux ?

            • Descartes dit :

              @ morel

              [« La conclusion est absurde : Rajk aurait été exécuté quoi que Krasucki ou Monmousseau aient pu écrire. » A l’aune de quoi, il faudrait supprimer le délit de « provocation publique à la commission d’un crime » au motif que de toute façons il sera commis sans à aucun instant imaginer la portée qu’aurait pu avoir des PC occidentaux protestant de toute leur force contre cette infamie.]

              Effectivement, juger quelqu’un à Paris pour « provocation publique à la commission d’un crime » alors que le crime en question serait commis en Chine me paraît à la limite de l’absurdité. Je ne connais d’ailleurs pas de cas ou un tel procès ait été organisé. Pourriez-vous citer un exemple ?

              [« Vous savez, ce genre de « justice » est largement partagé tout au long du spectre politique. Quand le capitalisme s’est senti menacé, il a lui aussi eu recours à ce type de « justice ». Justement, combattons tous les dénis de démocratie du Chili de Pinochet à la Pologne de Jaruzelski]

              Franchement, pensez-vous qu’une organisation financée par l’AFL-CIO et parrainée par Irving Brown allait défendre avec beaucoup d’enthousiasme les communistes persécutés par Pinochet ?

              [« Eh oui. Comme disait l’autre, la lutte politique et syndicale n’est pas un diner de gala. » L’intimidation, la menace n’a jamais fait partie de ma panoplie militante,]

              Je ne sais pas, mais si ce n’est pas votre cas personnellement, c’est bien celui de votre organisation.

              [« Si par contre, par « le parti de la classe ouvrière » vous entendez le parti qui dans son action met les intérêts de la classe ouvrière au-dessus de tout autre intérêt » Le culte de Staline et la mise en enfer de ceux qu’il diabolise en ferait-il partie ?]

              Si le culte de Staline et la mise en enfer de ceux qu’il diabolisait était dans la tête de ceux qui l’ont organisé la meilleure façon de défendre les intérêts de la classe ouvrière, oui, certainement. Vous savez, j’ai une longue pratique acquise au cours de décennies de militantisme de me voir jeter à la figure ce genre de non-arguments. On peut reprocher aux dirigeants du PCF beaucoup d’erreurs, mais s’il y a une chose qu’on ne peut leur reprocher, c’est le cynisme. Nous n’avons aucune raison de penser que Monmousseau, Krasucki, Thorez ou Marchais n’étaient sincères dans leurs convictions, ou qu’ils avaient en tête d’autres intérêts que ceux de la classe ouvrière. Ce n’est pas tout à fait le cas de personnages comme Irving Brown ou André Bergeron.

              [« je ne peux résister à l’idée que ceux qui remettent en cause le nombre cherchent en fait à minimiser le crime… » Les historiens qui, unanimement, rétablissent les faits ne minimisent rien et leur devoir les conduit souvent à mécontenter les partisans dont le but est de tirer la couverture à eux.]

              Et bien entendu, ces historiens « unanimes » n’ont que de nobles motivations pour rétablir les faits. C’est bien connu. Curieusement, lorsqu’il s’agit de rétablir la juste place de la résistance communiste dans le combat contre l’occupation, ces historiens sont bien plus discrets, au point que pour une partie des jeunes générations la Résistance n’est plus que le fait des gaullistes.

              [« Selon certains historiens, c’est dans cette épuration que se trouve le secret de la victoire soviétique sur l’Allemagne. » Donc, conseillons à tous les états sous la menace d’une guerre de commencer par fusiller, déporter et autres joyeusetés leurs officiers et commandements, ils seront assurés de la victoire.]

              La plupart des états ont tiré la leçon, et ont mis en place des règles pour mettre à la retraite les généraux et les officiers supérieurs à un âge raisonnable. Gamelin a 68 ans en 1940, Joffre a 62 ans en 1914. L’actuel titulaire du poste – et nous sommes en temps de paix – avait 53 ans à sa nomination, et son prédécesseur 57 alors que l’espérance de vie a gagné au moins dix ans depuis 1940… Certes, c’est moins radical que les fusiller ou les déporter, mais l’époque n’est pas tout à fait la même non plus.

              On ne peut séparer les « procès de Moscou » et en particulier celui de l’armée du contexte de l’époque. En 1930, le gouvernement soviétique est loin d’être stabilisé. Les complots et les manœuvres pour le pouvoir des différentes fractions sont quotidiennes, des coups d’Etat sont préparés, avec l’aide de telle ou telle puissance, et les interventions militaires extérieures ne sont pas à écarter. La situation n’est pas sans rappeler la France de 1793…

              [L’armée saignée, terrorisée n’avait alors pour « théorie » que celle du « chef » entièrement axée sur l’offensive qui était censée porter la guerre en territoire ennemi, « l’épuration » ayant eu pour effet miraculeux de multiplier en son sein les laudateurs éperdus.]

              Là, je ne vous comprends pas. La théorie des « opérations profondes » devant porter le combat dans le territoire ennemi a été introduite dans l’armée soviétique par… le maréchal Toukhatchevski. C’est-à-dire précisément par le commandant en Chef que Staline a fait fusiller. Mais bon, on sait que Staline a les épaules larges… au point de devoir porter même les erreurs de ses adversaires ! En fait, le reproche que les historiens militaires font au « petit père des peuples » est exactement l’inverse : celui d’avoir préféré une stratégie défensive – qui supposait la dévastation de larges portions du territoire soviétique – plutôt qu’une stratégie offensive. Le « pacte » est d’ailleurs un exemple de cette stratégie.

              [Il a fallu de de très lourdes pertes et la grave menace de la défaite pour que le « génial » et omniprésent « petit père des peuples » s’efface lui et son système pour que compte la compétence chèrement acquise de commandants militaires comme Joukov, le retrait difficilement acquis aussi des commissaires politiques garde-chiourme des armées, du rétablissement de l’église orthodoxe, de l’appel à une « grande guerre patriotique » etc,]

              Donc, vous reconnaissez à Staline la capacité de mesurer sa propre incompétence, de s’effacer pour laisser la place à des gens plus compétents que lui, de réformer son armée, etc. C’est déjà un bon début. Si seulement Macron avait ces qualités…

              [C’est bien au-delà : comment distinguer le totalitarisme avec leurs artisans principaux ?]

              Déjà il faudrait expliquer l’intérêt d’une telle distinction.

            • @ Descartes,
               
              [La théorie des « opérations profondes » devant porter le combat dans le territoire ennemi a été introduite dans l’armée soviétique par… le maréchal Toukhatchevski. C’est-à-dire précisément par le commandant en Chef que Staline a fait fusiller.]
              On lit un peu partout que Staline a éliminé Toukhatchevski à cause d’un vieux grief et parce que le maréchal se montrait très anti-allemand, en faisant monter une fausse accusation de complot contre lui (avec paraît-il la complicité des nazis, rien que ça). Comme je suppose que ces allégations sont le fait de contempteurs de Staline, avez-vous les références d’études sérieuses qui éclairent les véritables motivations de Staline et le “côté obscur” de Toukhatchevski que la palme de martyr du stalinisme a semble-t-il effacé?

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [On lit un peu partout que Staline a éliminé Toukhatchevski à cause d’un vieux grief et parce que le maréchal se montrait très anti-allemand, en faisant monter une fausse accusation de complot contre lui (avec paraît-il la complicité des nazis, rien que ça). Comme je suppose que ces allégations sont le fait de contempteurs de Staline, avez-vous les références d’études sérieuses qui éclairent les véritables motivations de Staline et le “côté obscur” de Toukhatchevski que la palme de martyr du stalinisme a semble-t-il effacé ?]

              En fait, on sait très peu de chose avec une quelconque certitude. Il y a trois hypothèses sur la table : celle d’une intoxication par les services secrets allemands, qui auraient « planté » des preuves qui compromettaient Toukhatchevski dans un coup d’Etat contre le gouvernement soviétique ; celle d’une cabale montée par Staline pour épurer une armée dans laquelle les officiers proches de ses adversaires politiques étaient nombreux et qui aurait pu servir à un coup d’Etat ; et bien entendu la théorie devenue classique lorsque Staline est concerné d’un conflit personnel ou tout simplement la folie du « petit père des peuples ». Accessoirement, les trois théories peuvent être combinées pour créer toute une palette de possibilités.

              L’étendue des purges dans l’Armée Rouge qui suivent le procès de Toukhatchevski tendent à rendre peu vraisemblable l’hypothèse de la haine personnelle ou du coup de folie, et pointe plutôt vers la crainte du gouvernement soviétique de l’époque d’un coup dont l’armée aurait été le fer de lance. Quant à savoir si cette crainte était justifiée ou pas… c’est extraordinairement difficile à dire. Staline, qui était un étudiant passionné de la Révolution française, avait probablement le 8 Thermidor en tête.

            • morel dit :

              J’ai un peu l’impression que nous tournons en rond et que cela finit par être improductif et ce, d’autant plus que sur des sujets plus actuels, nos opinions réciproques sans être forcément alignées ne me semblent pas si éloignées.
               
              Ne croyez pas que je cherche à tout prix le consensus si je souligne que vous et moi avons conscience de l’importance de l’histoire. Est-ce bien le cas des nouvelles générations qui feront le présent de demain ? Puissent-elles se passionner pour ce qu’il est convenu d’appeler le matérialisme historique et que l’aphorisme « savoir d’où l’on vient » n’a aucun d’intérêt ramené au nombrilisme des petites personnes individuelles.
               
               
              Pour finir, je m’engage solennellement à témoigner en votre faveur si un gang d’agents secrets de la CIA Bergeronnistes vous font procès, tout en vous demandant que si vos amis d’époque par hasard, ressuscitaient, vous témoigneriez de même pour que je ne me trouve pas dans une destination très indésirée
               

    • Norbert dit :

      Paul
      [je suis heureux de voir mes enfants motivés en master de biologie par des enseignants-chercheurs impliqués dans des projets ambitieux et porteurs d’espoirs dans la recherche thérapeutique.]
      Descartes
      [Les sciences dites « dures » ont su se défendre de l’irrationalisme actuel et le milieu reste sélectif et méritocratique (…) Notre université continuera à former de bons physiciens, de bons biologistes, de bons mathématiciens]
      Pour l’instant oui. Mais, à l’ouest, il y a du nouveau : les temps sont en train de changer, au moins pour la biologie dans la revue Nature.  Voir le résumé précis, véridique et accablant.
      http://www.quackometer.net/blog/2020/09/the-capture-of-nature.html
      Merci pour votre blog que je viens de découvrir.

      • Descartes dit :

        @ Norbert

        [Pour l’instant oui. Mais, à l’ouest, il y a du nouveau : les temps sont en train de changer, au moins pour la biologie dans la revue Nature. Voir le résumé précis, véridique et accablant.]

        Très intéressant article, même s’il est légèrement déprimant. Oui, les postmodernes ont mis en place une nouvelle Inquisition, et même des revues aussi prestigieuses que « Nature » se sentent obligées à se prêter à ces cérémonies de reniement public pour éviter le risque d’un procès en hérésie. Mais si l’on veut être optimiste, il ne faut pas oublier que même l’Inquisition a été impuissante à bloquer l’émancipation humaine…

  2. Glarrious dit :

    Par ailleurs vous en pensez quoi des autorités universitaires « autonomes » ? Est ce que c’est efficace selon vous ?
    Si non, est qu’il faut mettre la direction des universités directement sous l’autorité de l’Etat c’est-à-dire nommer le président lors du conseil des ministres comme avec les préfets pour mettre fin à ce phénomène. Il me semble que cette idée a été émise par Alain Peyrefitte à de Gaulle ?

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [Par ailleurs vous en pensez quoi des autorités universitaires « autonomes » ? Est-ce que c’est efficace selon vous ?]

      Cela dépend ce qu’on appelle « autonomie ». Je suis pour une autonomie précaire, c’est-à-dire, pour qu’on donne aux institutions la possibilité de s’autoréguler, mais toujours sous le contrôle des représentants du souverain, qui ont toujours la possibilité de reprendre la main s’ils estiment que l’institution est défaillante. Pour donner un exemple, je pense que les présidents d’université devraient être proposés par le conseil d’administration de chaque université au ministre (ou bien au recteur qui le représente) qui procéderait à la nomination ou au contraire demanderait une autre proposition, avec la possibilité de nommer un candidat de son choix si le conseil n’arrive pas à trouver un candidat acceptable. Et surtout, une fois nommé, le président serait renouvelable sur simple accord du ministre, sans qu’un nouveau vote du conseil soit nécessaire, pour éviter qu’il en soit l’otage.

      Par contre, je suis contre le fait que les représentants des étudiants participent au vote. Personnellement, je réduirais le rôle des représentants étudiants aux conseils d’administration à un rôle purement consultatif. Si les étudiants savaient quoi et comment enseigner, ils ne seraient pas étudiants.

      [Si non, est qu’il faut mettre la direction des universités directement sous l’autorité de l’Etat c’est-à-dire nommer le président lors du conseil des ministres comme avec les préfets pour mettre fin à ce phénomène.]

      Ça me paraît excessif. Je trouve plus intéressant de laisser l’organisme la possibilité de s’autoréguler. Si le corps enseignant fonctionne véritablement, il fera sa propre police et rendra l’intervention du ministre inutile. L’intervention du ministre doit être aussi exceptionnelle que possible.

  3. Vincent dit :

    @Descartes
    Où : comment montrer par l’exemple, quelques semaines après sa sortie, que la ministre avait raison de pointer cette infiltration dans les milieux universitaires.
     
    Sans doute que la bonne manière de présenter les choses, pour se mettre du côté des rieurs, aurait été pour elle de pointer une montée à l’université, non pas de “l’islamo-gauchisme”, mais d’un refus de la confrontation des points de vue, et d’une montée d’une forme de totalitarisme intellectuel, niant la légitimité de ses adversaires pour contester leurs travaux.
     
    Il est toujours plus facile de lutter contre le totalitarisme que de lutter contre une religion, car on peut être accusé de stigmatiser des gens. Et quand on lutte contre des dérives totalitaires, on peut être légitime pour utiliser des méthodes un peu énergiques, et censurer purement et simplement tous les enseignements qui ne respectent pas les canons de la méthode scientifique (autrement dit qui ne répondent pas sur le fond aux critiques qui leur sont adressées).
     
    L’avantage de la sortie de la ministre a été de mettre un peu le doigt là où ça fait mal, autrement dit de désigner l’ennemi (même si, comme on l’a vu, elle a tapé un peu à côté, mais cela a tout de même bien fonctionné).
    L’inconvénient est qu’en stigmatisant ainsi, elle se met dans le mauvais camp et se lie les mains pour agir.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Où : comment montrer par l’exemple, quelques semaines après sa sortie, que la ministre avait raison de pointer cette infiltration dans les milieux universitaires.]

      Je ne sais pas si l’on peut parler « d’infiltration », qui suggère un phénomène exogène. Je pense que le phénomène surgit au contraire de l’université même. Pour moi, cela traduit la baisse du niveau intellectuel dans le domaine des « sciences humaines ». En fait, les « sciences humaines » se sont tirées une balle dans le pied dans leur refus idéologique de la sélection. Elles sont devenues le dépotoir qui accueille ceux qui veulent faire une carrière universitaire sans trop se fouler. Et avec les « études » (décoloniales, de genre, etc.) c’est le jackpot : un discours politique avec quelques références, et voilà votre thèse faite.

    • Claustaire dit :

      D’accord avec Vincent pour pointer la maladresse de l’expression (islamogauchisme) de la ministre : En employant un terme utilisé aussi par l’extrême-droite, Mme Vidal a tendu à la gauche prétendument antifasciste un bâton pour se faire battre (elle et la bonne cause que pourtant elle croyait défendre).
       
      Si elle avait choisi de dénoncer plutôt le totalitarisme idéologique et le prosélytisme ethno-identitaire (c-à-d raciste) qui sévit dans certains secteurs des sciences humaines (en donnant quelques exemples de dérives intolérables connues de tous), elle aurait échappé à bien des critiques et permis de fédérer plus aisément les résistances aux dérives obscurantistes en cours.

      • Descartes dit :

        @ Claustaire

        [Si elle avait choisi de dénoncer plutôt le totalitarisme » idéologique et le prosélytisme ethno-identitaire (c-à-d raciste) qui sévit dans certains secteurs des sciences humaines (en donnant quelques exemples de dérives intolérables connues de tous), elle aurait échappé à bien des critiques et permis de fédérer plus aisément les résistances aux dérives obscurantistes en cours.]

        « A rose by any other name would smell as sweet ». Ici ce n’est pas une question de forme, mais une question de fond. Les gens qui ont réagi violemment à l’anonce de la ministre défendent non seulement leurs idées, mais aussi leur beefsteak. Pas de « intersectionnalité », pas de postes de chercheur ou l’on peut fournir un travail minimum et militer aux frais de la princesse, pas de pouvoir dans les instances universitaires… Il faut être très naïf pour croire que la fureur de la réaction tient au choix des mots. Connaissez-vous une seule personne dont la réaction eut été différente si la ministre avait employé d’autres mots ?

        • Claustaire dit :

          La mauvaise foi ou la fureur des Tartuffe dont on dénoncerait les errances et les nuisances aurait assurément été la même, certes, mais au moins en les attaquant pour leur “totalitarisme” ou leur “racisme d’identitaires”, on leur aurait enlevé l’étiquette islamogauchisme avec laquelle ils auront pu se trouver des tas de soutiens ou complices qui avec leurs cris d’orfraie auront pu tromper des braves gens. Bref, leur mauvaise foi aurait été identique, mais on ne leur aurait pas donné les mêmes armes (lexicales).

  4. Simon dit :

    [d’une enquête sure ]
    D’une enquête sur
     
    Pour le reste, rien à ajouter, à part que l’extension du militantisme à l’université (au point d’avoir des universitaires décommandant leur participation à un colloque sur leur champ disciplinaire car “de droite”) et le deux poids deux mesures systématique (entre les sanctions contre le doyen de la faculté de droit de Montpellier et l’impunité totale des maîtres de conférence à Tolbiac) font qu’ils risquent de détruire leur institution, alors qu’elle était prestigieuse et utile. 

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [et le deux poids deux mesures systématique (entre les sanctions contre le doyen de la faculté de droit de Montpellier et l’impunité totale des maîtres de conférence à Tolbiac)]

      Faudrait tout de même pas exagérer… le doyen de la fac de droit de Montpellier avait participé à une agression violente avec armes. Je ne me souviens pas que les maitres de conférence de Tolbiac aient sur le dos des faits semblables…

      • Simon dit :

        Le doyen avait surtout montré que le problème était soluble dans la journée avec de la volonté, démonstration expérimentale qui n’a pas dû être du goût de sa hiérarchie, et encore moins du préfet et du ministère. 
         
        Bloquer son lieu de travail, ou appeler à le saccager, appel suivi d’un saccage, en toute impunité, me semble monnaie courante à Tolbiac. 

        • Descartes dit :

          @ Simon

          [Le doyen avait surtout montré que le problème était soluble dans la journée avec de la volonté, démonstration expérimentale qui n’a pas dû être du goût de sa hiérarchie, et encore moins du préfet et du ministère.]

          Je ne vois pas très bien quel est le « problème » dont le doyen en question a montré qu’il était « soluble dans la journée ». Il semble assez évident qu’un groupe de nervis armés de barres de fer peut dégager un amphi occupé par des étudiants désarmés. Si au lieu de porter des barres de fer ils avaient porté des Kalachnikov, la démonstration aurait été encore plus évidente. Et alors ? Le « problème » n’est pas de dégager un amphi quoi qu’il en coute. Ca, on sait faire.

          J’ai du mal à comprendre comment on peut justifier l’usage de la force par un groupuscule, et encore moins comment un professeur de droit, qui devrait enseigner dans son cours ce qu’est le monopole de la violence légitime, pourrait continuer à enseigner après pareille équipée.

          [Bloquer son lieu de travail, ou appeler à le saccager, appel suivi d’un saccage, en toute impunité, me semble monnaie courante à Tolbiac.]

          J’espère que vous voyez une différence de degré entre la violence contre les choses et la violence contre les personnes. Ce n’est pas la même chose de casser une vitre et de casser une gueule.

  5. Pierre-Yves Gautier dit :

    Venant de l’IEP Grenoble (promotion 1976 SP), je ne pensais pas un jour dire que la tolérance, la démocratie y régnaient lorsque l’AJS, la LCR (trotskistes) les diverses tendances du PS naissant tenaient le haut du pavé et que j’étais Etudiant Communiste ultra minoritaire au sein de l’institut. Même les étudiants de droite eux aussi minoritaires pouvaient s’exprimer librement.
    Je n’imaginais pas plus que lorsqu’on disait à l’époque “le racisme n’est pas une opinion mais un délit” on mettrait tout et n’importe quoi sous le terme de racisme.

    • Descartes dit :

      @ Pierre-Yves Gautier

      [Je n’imaginais pas plus que lorsqu’on disait à l’époque “le racisme n’est pas une opinion mais un délit” on mettrait tout et n’importe quoi sous le terme de racisme.]

      Pourtant, vous auriez du! Ce type de slogan m’a toujours mis mal à l’aise, parce qu’une fois que vous admettez qu’une opinion puisse devenir un délit, vous prenez le risque que demain ce soient vos opinions qui sont ainsi qualifiées…

      • Claustaire dit :

        Vrai question de fond, dilemme irréductible (ou dépassable) ? Comment créer un délit d’opinion dans une société prétendant garantir la liberté de pensée, d’opinion et d’expression ?
         
        En distinguant expression d’une opinion critiquant des opinions et appel au meurtre sur des personnes ? En distinguant critique de l’islamisme et critique des musulmans ?
         
        En distinguant opinion et personne qui l’exprime ? Mais est-il si aisé de distinguer le nazi du nazisme qu’il célèbre ? Et doit-on laisser s’exprimer quelqu’un dont le discours serait un vecteur de haine à l’égard de compatriotes ou d’autres humains ?
         
        Comment permettre à des racistes, des staliniens, des nazis, des islamistes, des ennemis de l’humanité de répandre leurs propos et slogans inhumains prétendant réduire des humains à des sous-hommes voire à des nuisibles à détruire ?
         
        En distinguant paroles et actes, en permettant à quelqu’un de me condamner à mort aussi longtemps qu’il ne passerait pas à l’acte pour me tuer ? En permettant à quelqu’un d’appeler à ma mort, en espérant que personne ne sera assez sot pour mettre ses paroles en actes ?
         
        En permettant le port d’arme mortelle aussi longtemps que le porteur ne s’en servirait pas mais se contenterait de la montrer ou de parader avec elle ?
         
        Bref, questions trop vertigineuses à approfondir dans les marges de nos courts échanges.

        • Descartes dit :

          @ Claustaire

          [Vrai question de fond, dilemme irréductible (ou dépassable) ? Comment créer un délit d’opinion dans une société prétendant garantir la liberté de pensée, d’opinion et d’expression ?]

          Mais où voyez-vous un « délit d’opinion » ? A ma connaissance, personne ne songe à réprimer les opinions. Pour prendre l’exemple de la loi Gayssot, elle ne concerne nullement vos « opinions ». Elle ne vous interdit pas de penser ce que vous voulez, et d’exprimer vos opinions dans un cadre privé. Ce que la loi Gayssot interdit, c’est l’EXPRESSION PUBLIQUE de certaines opinions. Il ne faut pas confondre.

          [En distinguant expression d’une opinion critiquant des opinions et appel au meurtre sur des personnes ? En distinguant critique de l’islamisme et critique des musulmans ?]

          Non. En se tenant strictement à certaines règles de coexistence. Les appels à la violence ou à la commission d’un délit sont interdit, la critique est par contre permise. Je ne vois pas très bien le problème. Il est parfaitement permis de critiquer l’islam comme idéologie, il est parfaitement loisible de critiquer les musulmans comme groupe humain, il est parfaitement légal de critiquer le musulman comme personne abstraite, il est parfaitement légal de critiquer une personne précise tant qu’on ne porte pas atteinte à son honneur et à sa réputation, sauf dans les cas prévus par la loi. Je ne vois pas très bien où est votre problème.

          [En distinguant opinion et personne qui l’exprime ? Mais est-il si aisé de distinguer le nazi du nazisme qu’il célèbre ?]

          Mais pourquoi voulez-vous les distinguer ? On peut critiquer l’un et l’autre, je ne vois pas l’intérêt de faire une distinction entre eux.

          [Et doit-on laisser s’exprimer quelqu’un dont le discours serait un vecteur de haine à l’égard de compatriotes ou d’autres humains ?]

          Cela dépend. Si le discours en question est de nature à aboutir à une atteinte à l’ordre public, certainement pas. Dans le cas contraire, il doit être permis. Et c’est à l’autorité publique élue sous le contrôle du juge qu’il appartient de juger et de prendre la responsabilité de ses conséquences. Vous n’aurez aucune difficulté à trouver dans les journaux des années 1980 des « discours de haine » contre le communisme, contre les communistes, et contre des militants communistes nommément désignés. Ils n’ont jamais été réprimés que je sache, tout simplement parce que personne ne pensait que les soixante-huitards qui lisaient « Libération » allaient sortir dans la rue et pendre les communistes.

          [Comment permettre à des racistes, des staliniens, des nazis, des islamistes, des ennemis de l’humanité de répandre leurs propos et slogans inhumains prétendant réduire des humains à des sous-hommes voire à des nuisibles à détruire ?]

          Et qui décide qui sont les « ennemis de l’humanité » ? En fonction de quels critères ? Pour Action Directe, Georges Besse était un « ennemi de l’humanité ». Pour Cohn-Bendit, les communistes étaient des « ennemis de l’humanité »…

          Je préfère de loin qu’on fasse la distinction entre ceux qui menacent l’ordre public et les autres qu’une distinction fondée sur l’idée que certains sont des « ennemis de l’humanité ». Bien sûr, il y a une marge de subjectivité dans les deux cas, mais elle est infiniment plus maigre dans le premier.

          [En distinguant paroles et actes, en permettant à quelqu’un de me condamner à mort aussi longtemps qu’il ne passerait pas à l’acte pour me tuer ? En permettant à quelqu’un d’appeler à ma mort, en espérant que personne ne sera assez sot pour mettre ses paroles en actes ?]

          Dès lors qu’il y a de bonnes raisons de penser que les paroles seront suivies d’actes, les paroles doivent être limitées ou interdites. La limites de la liberté d’expression ne sont pas statiques, fixés pour toujours par un protocole immuable. Elles dépendent du moment historique. Un discours qui menaçait l’ordre publique il y a trente ans ne le menace plus aujourd’hui, et vice-versa.

          [En permettant le port d’arme mortelle aussi longtemps que le porteur ne s’en servirait pas mais se contenterait de la montrer ou de parader avec elle ?]

          Nous portons tous des armes potentiellement mortelles. Allez-vous interdire les camions après l’attentat de Nice ?

          [Bref, questions trop vertigineuses à approfondir dans les marges de nos courts échanges.]

          Je ne vois pas ce qu’il y a de “vertigineux” là dedans. La réponse est en principe très simple, et se trouve dans ce texte magnifique qu’est la Déclaration de 1789: “La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits”. Ah, si seulement on était capable d’écrire aussi clairement aujourd’hui…

          • Claustaire dit :

            Faudra-t-il vous envier cette espèce de “sancta simplicitas” ou d’imperturbable et tranquille conscience avec laquelle vous savez résoudre (ou esquiver ?) des questions qui sont des défis pour d’autres ? Questions telles que la difficile dialectique à tendre entre ordre public, intérêt commun et libertés individuelles.

            • Descartes dit :

              @ Claustaire

              [Questions telles que la difficile dialectique à tendre entre ordre public, intérêt commun et libertés individuelles.]

              C’est qu’une longue expérience m’a permis de constater que l’expression “c’est très compliqué” est en général un manière d’éviter de prendre parti. Il faut hiérarchiser les problèmes et reconnaître les difficultés là où elles sont. Sur l’équilibre entre ordre public, intérêt commun et libertés individuelles, la difficulté ne se trouve pas dans les PRINCIPES, comme vous semblez le penser: les PRINCIPES, eux, sont claires. La difficulté se trouve dans la conciliation entre les principes et la pratique.

          • claustaire dit :

            Il se trouve que dans le Marianne.net du jour est évoqué le procès (en appel) d’un antisémite déjà condamné à de la prison (il y est depuis bientôt 6 mois) pour ses “opinions” (publiquement exprimées). Faut-il rappeler que tant qu’une opinion n’est pas publique, ni exprimée, elle n’est qu’une pensée ? Et qu’à l’inverse, dès qu’elle est exprimée (en paroles ou pire encore en écrits), elle n’est plus une opinion mais devient “actes” qui peuvent être délictuels et condamnés ?
            https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/au-proces-dherve-ryssen-militant-nationaliste-cest-pas-antisemite-cest-juste-une-constatation
            (sans doute n’est-il pas nécessaire d’être abonné à Marianne pour, via d’autres liens, trouver des informations sur ce procès et ce type)

            • Descartes dit :

              @ Claustaire

              [Il se trouve que dans le Marianne.net du jour est évoqué le procès (en appel) d’un antisémite déjà condamné à de la prison (il y est depuis bientôt 6 mois) pour ses “opinions” (publiquement exprimées).]

              Non. IL n’est pas mis en prison pour ses « opinions », mais pour le fait de les avoir exprimées publiquement. La nuance est extrêmement importante.

              [Faut-il rappeler que tant qu’une opinion n’est pas publique, ni exprimée, elle n’est qu’une pensée ?]

              Le fait de le « rappeler » n’en fait pas une vérité. Que faites-vous de l’expression privée ? Une opinion exprimée au cours d’un colloque sur invitation, par exemple, ne serait qu’une « idée » ?

              [Et qu’à l’inverse, dès qu’elle est exprimée (en paroles ou pire encore en écrits), elle n’est plus une opinion mais devient “actes” qui peuvent être délictuels et condamnés ?]

              La encore, vous faites erreur : une opinion ne devient jamais un « acte ». Ce qui est puni, ce n’est pas l’opinion mais le fait de les diffuser publiquement, qui constitue bien un « acte ». La preuve en est que le fait de diffuser publiquement ces opinions ALORS QUE VOUS NE LES PARTAGEZ PAS est puni de la même peine. S’il s’agissait d’un « délit d’opinion », comment pourrait-on punir celui qui diffuse les opinions d’autrui qu’il ne partage pas ?

              Vous persistez à vouloir voir un « délit d’opinion » alors que c’est bien un délit d’action. Vos “opinions” dans l’affaire n’ont aucune importance.

  6. maleyss dit :

    Il faut comprendre les permanents subventionnaires de l’UNEF! Naguère, il s’agissait de jeunes gens qui avaient rapidement compris que, plutôt que de suer sang et eau à passer des examens et à présenter des concours, il était d’un bien meilleur rapport (1) de se livrer à l’agitation moléculaire dans les rangs de l’UNEF. Cela leur ouvrait les portes pour une tranquille sinécure au sein du PS, et ce, sans jamais passer par la case travail. Liste sur demande. Hélas, les choses étant ce qu’elles sont, cette voie n’est plus aussi royale, et il leur a donc fallu diversifier leurs activités. C’est pourquoi ils se sont laissé aller aux délices de l’islamo-gauchisme, à grand renfort de candidates voilées. Cela me rappelle une comédie italienne des années 70 de l’autre siècle : “Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas?”
    (1) Y compris sexuel, à ce qu’il parait.

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Il faut comprendre les permanents subventionnaires de l’UNEF! Naguère, il s’agissait de jeunes gens qui avaient rapidement compris que, plutôt que de suer sang et eau à passer des examens et à présenter des concours, il était d’un bien meilleur rapport (1) de se livrer à l’agitation moléculaire dans les rangs de l’UNEF. Cela leur ouvrait les portes pour une tranquille sinécure au sein du PS, et ce, sans jamais passer par la case travail.]

      Tout à fait. D’Isabelle Thomas à Bruno Juillard, les exemples ne manquent pas…

      [Liste sur demande. Hélas, les choses étant ce qu’elles sont, cette voie n’est plus aussi royale, et il leur a donc fallu diversifier leurs activités. C’est pourquoi ils se sont laissé aller aux délices de l’islamo-gauchisme, à grand renfort de candidates voilées.]

      Là, par contre, je pense que vous faites erreur. Ce ne sont pas les mêmes. Les petits apparatchiks qui voulaient faire carrière ont compris que le syndicalisme étudiant ne rapportait plus, et sont partis ailleurs. Ils ont laissé la place à des petits gauchistes prêts à tous les excès.

  7. luc dit :

    L’EXCELLENT PRINCIPE DU DROIT AU BLASPHEME QUI CONSTITUE L’ORIGINALITE DE LA FRANCE ACTUELLE EST UNE méthode constructive.
    Elle permet la liberté de critiques.
    La réfutabilité qui caractérise la démarche scientifique selon Poper n’est elle pas le lointain descendant de ce droit irrédentiste à la critique sérieuse et argumentée?
    N’est ce pas à l’Université de protéger ce droit à la critique?
    Peut on critiquer ceux qui critiquent le droit à la critique comme Mr Ramadan ou dans les faits tels que nous avons pu l’observer avant que Ramadan ,star des médias inouÏe,ne tombe pour des affaires de viols,il était une star adulé par mes collègues enseignant(e)s et de trés nombreuses personnes ?

  8. GEO dit :

    @Paul
    “Par ailleurs, je suis heureux de voir mes enfants motivés en master de biologie par des enseignants-chercheurs impliqués dans des projets ambitieux et porteurs d’espoirs dans la recherche thérapeutique. Tout n’est pas perdu !”
    Dans l’ancienne URSS aussi les étudiants les plus motivés par le savoir s’orientaient vers les sciences strictes et fuyaient les cursus de philo ou de sciences humaines, trop idéologisés pour rester intéressants.

    • Descartes dit :

      @ GEO

      [Dans l’ancienne URSS aussi les étudiants les plus motivés par le savoir s’orientaient vers les sciences strictes et fuyaient les cursus de philo ou de sciences humaines, trop idéologisés pour rester intéressants.]

      Ah… que ferions-nous sans les légendes…

  9. CVT dit :

    @Descartes,
    petit hors-sujet, quoiqu’assez en rapport avec ce qui nous arrive actuellement.
    Je suis tombé sur cette tribune du FigaroVox que vous n’auriez certainement pas reniée…
    Cet essayiste dénonce très précisément le règne de ce que vous appelez souvent la “Petite France”, que pour ma part, j’aurais plutôt tendance à désigner comme l’Afrance…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [petit hors-sujet, quoiqu’assez en rapport avec ce qui nous arrive actuellement. Je suis tombé sur cette tribune du FigaroVox que vous n’auriez certainement pas reniée… (…)]

      Bien sur que je l’aurais reniée, et sur un point fondamental qui se trouve dès le chapeau de l’article : c’est la question de la « compétitivité ». Or, cette introduction de la « compétitivité » réduit à néant l’argumentation de l’article. Parce qu’il y a une dialectique entre ce « marché » omniprésent qui rend la course à la compétitivité indispensable, et le manque d’ambition « de puissance » de la France.

      C’est tout le problème de la droite française : elle veut à la fois recueillir l’héritage du général De Gaulle et celui d’Alain Madelin. Et ce n’est tout simplement pas possible, parce que les deux sont en contradiction. La logique de puissance implique le primat de la régulation par une volonté politique, le marché implique une absence de volonté, remplacée par « la main invisible ». La puissance implique un roi politique, le marché implique un client-roi.

      Pour le reste, effectivement, je trouve le diagnostic très juste. Surtout quand il écrit : « La France a dans le monde le plan de carrière d’un cadre moyen: elle aspire à avoir son pavillon de banlieue et son jardinet. Rien de plus. ». Effectivement, elle a le plan de carrière d’un « cadre moyen » parce que ce sont les « cadres moyens » – c’est-à-dire les classes intermédiaires – qui ont pris le pouvoir.

      [Cet essayiste dénonce très précisément le règne de ce que vous appelez souvent la “Petite France”, que pour ma part, j’aurais plutôt tendance à désigner comme l’Afrance…]

      Par certains côtés, oui. Mais il va plus loin par exemple lorsqu’il signale, et c’est très juste, combien « Devenir vertueux est notre grande affaire ». Effectivement, une fois l’idée de puissance envolée, on compense avec l’idée de devenir « exemplaires ».

      Je me trouve de plus en plus des points de convergence avec les commentateurs du “Figaro”. C’est grave, docteur ?

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes
         
        [Effectivement, une fois l’idée de puissance envolée, on compense avec l’idée de devenir « exemplaires ».]
         
        Ce qui implique par ailleurs de continuer à donner des leçons de morale à la terre entière… J’aime beaucoup la formule de Enoch Powell : “When we shed our power, we omitted to shed our arrogance” (“Quand nous nous sommes débarrassés de notre puissance, nous avons omis de nous débarrasser de notre arrogance”)

      • CVT dit :

        @Descartes,

        [Bien sur que je l’aurais reniée, et sur un point fondamental qui se trouve dès le chapeau de l’article : c’est la question de la « compétitivité ». Or, cette introduction de la « compétitivité » réduit à néant l’argumentation de l’article.]

        Oui, je suis d’accord avec vous sur ce point: je suis également un féroce contempteur de la notion de “compétitivité”, mais j’ai tellement été frappé par son discours sur la volonté de puissance, peu fréquent de nos jours, que j’ai un peu occulté ce point…
        Je dois bien avouer que je partage vos réserves (et c’est un euphémisme…) à l’égard de gens comme Madelin ou encore Charles Gave, qui sont ultra-libéraux et anti-étatistes mais qui se disent patriotes et souverainistes; sauf qu’en France, c’est largement incompatible depuis pratiquement toujours: dans ce pays, sans état, pas de capitalisme!
        Le problème des ultra-libéraux conservateurs, qui sont aussi dogmatiques que les commissaires politiques sous Staline, c’est qu’ils veulent arriver à leurs fins à LEUR manière, peu importe que d’autres voies fonctionnent… Pourtant, aujourd’hui, ces anti-étatistes patentés devraient être aux anges : le monde est plus libéral et plus capitaliste que jamais, et les états (notamment en Europe) n’ont jamais été aussi impuissants et soumis au dieu Marché! Mais ils râlent parce que c’est la GAUCHE, en particulier la gauche libertaire, qui a réussi ce tour de force là où ils ont échoué pendant des décennies.

        [Pour le reste, effectivement, je trouve le diagnostic très juste]

        Comme quoi, vous ne le reniez pas tant que cela 😬. Mais ça fait du bien de voir que certains prennent conscience que sans désir et/ou volonté de puissance, l’idée même de souveraineté nationale n’a aucun sens.

        [Je me trouve de plus en plus des points de convergence avec les commentateurs du “Figaro”. C’est grave, docteur ?]

        Ça fait bien des années que je lis plus un article de l’iMonde ou de l’aBerration, parce que ce n’est plus nécessaire: ils sont systématiquement repris par les médias et les rézoçocios😊…

        • Descartes dit :

          @ CVT

          [Oui, je suis d’accord avec vous sur ce point: je suis également un féroce contempteur de la notion de “compétitivité”, mais j’ai tellement été frappé par son discours sur la volonté de puissance, peu fréquent de nos jours, que j’ai un peu occulté ce point…]

          Oui, mais c’est très important. Parce que les dieux se rient de ceux qui pleurent les effets dont ils chérissent les causes. La volonté de puissance implique une discipline exigeante de tous les instants, que ce soit au niveau individuel ou collectif. Quand Sarkozy disait qu’il pensait à la présidence en se rasant tous les matins, il énonçait une vérité profonde : on n’est pas une puissance quand on a un peu de temps libre et hors des horaires de bureau. La volonté de puissance n’existe que si elle structure tous les domaines de l’action de l’Etat. Se penser comme puissance implique penser en ces termes la politique éducative et la politique industrielle, la diplomatie et la défense, l’ordre public et les institutions politiques.

          Or, c’est précisément contre cette logique que les libéraux ont combattu et ont emporté la bataille. A la place de la volonté, ils ont placé la « main invisible ». A la place de politiques globales coordonnées par un Etat stratège ils ont réduit l’Etat au rôle d’organisateur des marchés. Alors, quand ils pleurent maintenant sur le lait renversé – sans pour autant faire un retour critique sur leur action des trente dernières années – je ne peux les prendre au sérieux. Ils ont bien voté « oui » au traité de Maastricht, non ? Ils ont applaudi aux privatisations, et hurlé qu’on n’allait pas assez loin dans le déshabillage de l’Etat. Ils ont fait du « enrichissez-vous » de Guizot leur mot d’ordre. Et maintenant ils pleurent sur le manque d’ambition politique d’une génération éduquée dans l’idée que l’homme se réalise en possédant des choses ?

          Comme vous voyez, j’ai toujours la même exigence : je pardonne toujours, mais je n’oublie jamais. Quand Mélenchon « oublie » qu’il a voté « oui » à Maastricht sans nous expliquer pourquoi il a changé d’avis, je le critique. Quand les libéraux font la même chose… et bien je les critique aussi !

          [Comme quoi, vous ne le reniez pas tant que cela 😬. Mais ça fait du bien de voir que certains prennent conscience que sans désir et/ou volonté de puissance, l’idée même de souveraineté nationale n’a aucun sens.]

          Ils prennent conscience un peu tard… et je ne suis pas persuadé qu’ils soient prêts à traduire leurs paroles en actes. Je ne doute pas que ce monsieur appellera sagement à voter Macron…

          [Ça fait bien des années que je lis plus un article de l’iMonde ou de l’aBerration, parce que ce n’est plus nécessaire: ils sont systématiquement repris par les médias et les rézoçocios😊…]

          Franchement, je lis « Le Monde » parce qu’il reflète assez fidèlement ce que pensent les pseudo-élites qui nous gouvernent. C’est son seul intérêt.

  10. BJ dit :

    @ Descartes
    [Je me trouve de plus en plus des points de convergence avec les commentateurs du “Figaro”. C’est grave, docteur ?]
    Je trouve aussi que c’est le dernier canard lisible.

  11. Geo dit :

    [Faudrait tout de même arrêter de voir de la « haine » à tous coins de rue. Dire de quelqu’un que c’est un imbécile n’est peut-être pas très correct, mais ce n’est pas une « expression haineuse ».]
    Il faudrait surtout arrêter d’insulter la haine qui est un sentiment non moins naturel et légitime que l’amour. L’apparition de lois ou d’usages qui criminalisent  des sentiments et non des actes est une catastrophe de première grandeur.
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Il faudrait surtout arrêter d’insulter la haine qui est un sentiment non moins naturel et légitime que l’amour. L’apparition de lois ou d’usages qui criminalisent des sentiments et non des actes est une catastrophe de première grandeur.]

      Encore une fois, aucune loi ne criminalise des “sentiments” ou même des “opinions”. Ce qui est éventuellement sanctionné, ce sont bien des “actes”, en l’espèce l’expression publique de ces “sentiments” ou “opinions”, et seulement lorsque cette expression constitue une menace pour l’ordre public.

  12. Geo dit :

    @Descartes
    [Ce qui est éventuellement sanctionné, ce sont bien des “actes”, en l’espèce l’expression publique de ces “sentiments” ou “opinions”, et seulement lorsque cette expression constitue une menace pour l’ordre public.]
    Soit, point encore confirmé par le verdict du procès Charlie récemment puisqu’on a refusé de faire porter au journal la responsabilité du trouble de l’ordre public. Vive la loi donc.
    Mais vous savez comme moi que ce jugement n’est tout simplement pas reçu par beaucoup de gens, qui considèrent que Charlie, coupable de haine anti-musulmane, est le fauteur de trouble.
    C’est pourquoi je ne parlais pas seulement de loi mais d’usage. Les usages changent et ont des conséquences.
    Dans le dernier numéro de Charlie Riss met quelques coups à François Héran, professeur au collège de France: “encore une tentative pour recentrer le débat sur la responsabilité de celui qui s’exprime plutôt que de celui qui le flingue”, dit-il du bouquin de l’intéressé. (Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression.)
    Combien de temps faudra-t-il pour que ces attitudes d’intellectuels (mais qui ne sont certes pas confinées au collège de France) entrent dans les tribunaux d’après vous, et ceci précisément  parce que l’expression publique de sentiments est un acte ?
    Au moment du procès et de la republication des caricatures, “Charlie fait chier” ou des amabilités équivalentes ont été régulièrement entendues, et pas proférées par des barbus hirsutes. Des catholiques bon teint, sans doute suicidaires, écrivaient contre la “fétichisation de Charlie Hebdo“. Pour l’instant, la justice a tenu bon. On peut même dire mieux que le public.
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [« Ce qui est éventuellement sanctionné, ce sont bien des “actes”, en l’espèce l’expression publique de ces “sentiments” ou “opinions”, et seulement lorsque cette expression constitue une menace pour l’ordre public. » Soit, point encore confirmé par le verdict du procès Charlie récemment puisqu’on a refusé de faire porter au journal la responsabilité du trouble de l’ordre public. Vive la loi donc.]

      Je me permets une fois encore d’insister, parce qu’au-delà de la question de savoir s’il faut ou non crier « vive la loi », il faut à mon sens comprendre comment elle est faite pour vivre dans un monde éminemment imparfait. Dans la conception française de la liberté, la loi n’a pas à dire ce qui est « bien » ou ce qui est « mal ». Son propos n’est pas de protéger la morale, qui est un choix personnel et donc privé, mais l’ordre public, c’est-à-dire, l’état de fait qui permet à chaque citoyen d’exercer ses droits et libertés, aux pouvoirs publics de fonctionner. C’est pourquoi les droits et libertés d’un citoyen ne peuvent être limitée que si cette limite est nécessaire pour assurer aux autres citoyens la jouissance des mêmes droits et libertés. Ce qui exclut tout « délit d’opinion » : contrairement à d’autres pays ou les opinions « offensantes » à telle ou telle catégorie sont interdites, en France la question de « l’offense » ne se pose pas. La question que se pose – ou du moins doit se poser – le juge est : « cette expression menace-t-elle l’ordre public » ? Si la réponse est négative, elle est licite quand bien même elle « offenserait » tout le monde.

      [Mais vous savez comme moi que ce jugement n’est tout simplement pas reçu par beaucoup de gens, qui considèrent que Charlie, coupable de haine anti-musulmane, est le fauteur de trouble. C’est pourquoi je ne parlais pas seulement de loi mais d’usage. Les usages changent et ont des conséquences.]

      Les gens qui soutiennent une telle position seraient très incohérents. S’ils estiment que Charlie, coupable de haine anti-musulmane, aurait dû être condamné, alors on voit mal pourquoi ils ne devraient pas accepter le jugement qui condamne un professeur antisémite qui proclame son aine anti-juive. Et à l’inverse, s’ils estiment que le professeur en question doit être libre de proclamer son opinion, pourquoi denier ce droit à Charlie ?

      Les gens qui, en faisant référence à Charlie, n’accepteraient pas ce verdict agissent pour des motifs qui n’ont rien à voir avec les principes d’une bonne justice. Leur position est dès le départ qu’il aurait fallu condamner Charlie parce que ce que dit Charlie les offense, et laisser libre de s’exprimer les antisémites parce que ce qu’ils disent correspond à leurs préjugés. C’est un pur raisonnement ad hoc qui cache en fait une volonté de rétablir précisément ce que vous critiquez, à savoir, le « délit d’opinion » qui consisterait à juger non pas en fonction de l’atteinte à l’ordre public, mais en fonction du contenu de l’expression.

      [Dans le dernier numéro de Charlie Riss met quelques coups à François Héran, professeur au collège de France: “encore une tentative pour recentrer le débat sur la responsabilité de celui qui s’exprime plutôt que de celui qui le flingue”, dit-il du bouquin de l’intéressé. (Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression.) Combien de temps faudra-t-il pour que ces attitudes d’intellectuels (mais qui ne sont certes pas confinées au collège de France) entrent dans les tribunaux d’après vous, et ceci précisément parce que l’expression publique de sentiments est un acte ?]

      Encore une fois, ce n’est pas « l’attitude intellectuelle » qu’on juge dans les tribunaux, mais le fait que l’expression puisse ou non porter atteinte à l’ordre public. Je pense qu’il passera très longtemps avant qu’un tueur particulièrement intellectuel massacre une rédaction après la lecture d’un ouvrage de François Héran ou de n’importe quel autre professeur du Collège de France. Et quelque erronée que puisse être son analyse, je vois mal Héran encourager à des actes de violence dans ses amphis cossus du Collège…

      [Au moment du procès et de la republication des caricatures, “Charlie fait chier” ou des amabilités équivalentes ont été régulièrement entendues, et pas proférées par des barbus hirsutes. Des catholiques bon teint, sans doute suicidaires, écrivaient contre la “fétichisation de Charlie Hebdo“. Pour l’instant, la justice a tenu bon. On peut même dire mieux que le public.]

      On ne choisit pas ses symboles. Personnellement je n’ai jamais aimé « Charlie ». Son esprit anarchiste est à mille lieux de celui du communiste orthodoxe que je suis resté. Je n’ai jamais aimé l’esprit « contre tout ce qui est pour, pour tout ce qui est contre », je le trouve destructeur et infantile. Mais dès lors que des terroristes ont massacré sa direction avec l’intention proclamée de limiter la liberté d’expression, c’est devenu un symbole. On aurait pu souhaiter – si l’on peut utiliser ce mot – que les terroristes s’en prennent à une autre publication, plus « républicaine » et qui prêterait moins à controverse. Mais voilà, ce sont les Kouachi qui ont choisi.

      Cela étant dit, symbole ne veut pas dire sacralisation. A ma connaissance, il n’est pas interdit de critiquer la ligne éditoriale de Charlie, et Plenel ne s’est pas trouvé devant une cour de justice que je sache.

  13. marc.malesherbes dit :

     
    mes questions sur un sujet voisin, mais pas identique.
     
    Pulvar, candidate PS aux élections régionales, lors d’une interview un peu orienté a indiqué que les réunions “non-mixtes” entre personnes touchées par le racisme ne la “choqu[ait] pas profondément”, et qu’il devait être possible de demander aux personnes blanches qui souhaitaient y assister “de se taire”.
    Formellement, il n’y a sans doute rien de bien condamnable. Mais je n’en suis pas sûr n’étant pas juriste (peut-on considérer cela comme du “racisme” ?).
    Mais surtout ce qui me frappe, c’est qu’un représentant du PS “mainstream” est devenu favorable au “racialistes” (l’UNEF en l’occurrence). Aucun membre important de ce PS n’a rectifié cette déclaration, au moins pour dire que le PS n’était pas “racialiste”, et qu’il condamnait la dérive de l’UNEF.
    Il me semble donc que le racialisme, venu des Etats-Unis, a gagné maintenant toute la gauche, ou du moins qu’il n’est pas combattu par la gauche C’était déjà évident pour l’extrême gauche, Mélenchon, et maintenant le PS.
    Je ne sais ce qu’il en est de LREM, dont au moins certains représentants sont racialistes.
    En bref, que pensez-vous de l’évolution à venir dans notre pays ?

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Mais surtout ce qui me frappe, c’est qu’un représentant du PS “mainstream” est devenu favorable au “racialistes” (l’UNEF en l’occurrence). Aucun membre important de ce PS n’a rectifié cette déclaration, au moins pour dire que le PS n’était pas “racialiste”, et qu’il condamnait la dérive de l’UNEF.]

      Vous êtes injuste. Olivier Faure, pour ne donner qu’un exemple, a condamné les dérives de l’UNEF. Mais le discours de Pulvar montre combien la gauche « raisonnable » est devenue l’otage des sectes gauchistes. Je viens de publier un papier sur ce sujet, alors je n’élabore pas ici.

    • morel dit :

      J’ai hésité à revenir sur ce sujet malgré ma prise de connaissance de ce premier résultat. Le second, pour moi le plus important, est la décision à venir de la justice concernant la plainte des 2 enseignants désignés en cible avec de possibles graves conséquences dans le contexte ambiant.
       
      Peut-être mes anciennes habitudes de travail liées au regret de laisser un problème sans conclusion (pas une critique ici ; un blog est nécessairement lié à un côté événementiel).
       
      J’ai cru bon de porter à votre connaissance ainsi qu’à vos lecteurs qui souhaitent en prendre connaissance, le rapport, trouvé sur internet, de l’Inspection Générale sur l’IEP Grenoble :
       
      IGESR-Rapport-2021-085-Situation-IEP-Grenoble-mars-2021_1406224.pdf (enseignementsup-recherche.gouv.fr)
       
      Je laisse le (les) lecteur (s) éventuels à leur appréciation personnelle,
       
      Pour ma part, je pense fermement, contrairement aux projets de déréglementation dont sont friands l’actuel président et sa majorité (pas d’illusion, ces projets sous d’autres formes sont aussi largement partagés par les diverses oppositions), que chaque chose mérite d’être pesée et, concernant les sujets relatifs à l’administration, l’expertise de l’Inspection Générale garde son intérêt,

      • Descartes dit :

        @ morel

        [J’ai cru bon de porter à votre connaissance ainsi qu’à vos lecteurs qui souhaitent en prendre connaissance, le rapport, trouvé sur internet, de l’Inspection Générale sur l’IEP Grenoble : (…)]

        Le texte est passionnant, même si comme tout rapport de cette nature il cherche l’apaisement, et aboutit naturellement à la conclusion que « il y a des fautes des deux côtés ». Je trouve d’ailleurs étonnant que la mission ait choisi d’anonymiser les acteurs, anonymisation par ailleurs parfaitement inutile puisque le nom des personnes est largement mentionné dans la presse.

        Il faut une lecture attentive pour comprendre que s’il y a des fautes de tous les côtés, elles ne sont ni de même niveau, ni de même nature. Il en ressort le portrait de Mme C, enseignante-chercheuse paranoïaque au point de se sentir « harcelée » par un message qui, de l’aveu de la commission, ne dépasse pas le cadre d’une controverse académique ; de directions – autant du Pacte que de l’IEP – qui plutôt qu’affronter les situations préfèrent éviter le conflit et cherchent à concilier la chèvre et le chou ; une organisation syndicale dont les dirigeants sans scrupules sont prêts à tout pour étendre leur pouvoir.

        Voici ce qu’écrit la mission :

        « À cet égard, au travers des multiples pièces qu’elle a collectées et des nombreux témoignages qu’elle a recueillis, sur sa convocation de l’interlocuteur ou à la demande expresse de ce dernier, la mission a découvert qu’un climat de peur s’était installé depuis plusieurs mois parmi les étudiants de l’IEP et que les accusations de l’US sur les réseaux sociaux, notamment en matière de violences sexistes et sexuelles, sont ainsi devenues une arme redoutable entre les mains de l’organisation étudiante et qu’elle en use pour tenter de déstabiliser, marginaliser ou exclure de l’IEP tous ceux qui ne lui semblent pas partager ses positions. »

        Je trouve particulièrement intéressant le paragraphe suivant :

        « À cet égard, lors de son entretien avec trois représentants de l’US (dont deux représentants du bureau), le 10 mars 2021, la mission a été surprise de constater leur manque d’intérêt marqué à l’égard des règles applicables en matière de droit au respect de la vie privée, en matière de conditions d’exercice des libertés individuelles, ou encore de respect des droits de la défense, etc, attitude surprenante de la part d’étudiants déjà bien avancés dans un cursus de sciences politiques. »

        Ainsi, lorsque la mission les alerte sur les qualifications de diffamation ou d’injure publique que pourrait recevoir « l’appel à témoignages » que l’US a diffusé sur Facebook, l’un d’eux, X, qui exerce des responsabilités au sein de ce syndicat, répond avec assurance qu’il n’y a pas de risque puisque cet « appel à témoignages » ne désigne pas nommément M. B. Lorsqu’en réponse, la mission lui rappelle que la loi ne subordonne pas ces qualifications à la désignation par son nom de la personne accusée, mais qu’il suffit que son identification soit possible par les écrits en cause – ce qui est le cas ici, puisqu’il suffit d’une très brève recherche (par tout moteur de recherche) sur l’internet, comme les membres de la mission l’ont fait, pour qu’apparaisse le nom de M. B –, le même élu étudiant X répond que l’appel à témoignages de l’US ne dit pas non plus explicitement que M. B a tenu des propos islamophobes pendant son cours, mais demande seulement « s’il a tenu » de tels propos pendant son cours, alors même que les qualifications de diffamation et d’injure publiques peuvent selon la loi être retenues quand bien même l’allégation ou l’imputation des faits incriminés est faite « sous forme dubitative », ou déguisée, ou si elle est insinuée, par l’emploi du conditionnel par exemple »

        Un autre exemple édifiant :

        « Ou encore, lorsque la mission interroge les représentants de l’US sur les droits de la défense – autrement dit le droit de connaître les faits dont on est accusé et l’auteur de ces accusations pour pouvoir assurer sa défense –, afin d’éviter qu’une personne puisse porter de fausses accusations contre une autre dans le seul objectif de lui nuire, par jalousie, volonté de vengeance ou toute autre raison, la seule réponse qu’elle obtient est une condamnation sans appel de la présomption d’innocence, outil d’une justice de classe, qui muselle la parole des victimes et sert uniquement à perpétuer l’ordre établi, alors que seule la parole des victimes (c’est-à-dire, au sens des interlocuteurs de la mission : « des personnes s’estimant victimes »). »

        Peut-être faudrait-il une seconde mission pour investiguer comment est-il possible que des étudiants « bien avancés dans un cursus de sciences politiques » puissent exhiber – et sans complexes – une telle ignorance, une telle méconnaissance. L’ignorance est bien plus dangereuse que n’importe quelle idéologie, et le sommeil de la Raison engendre des monstres…

        Et la cerise sur le gâteau :

        « Au contraire, la quasi-totalité des étudiants que la mission a entendus, sur sa convocation ou à leur demande, ont tenu à lui dire que MM. A et B sont de « bons professeurs », très investis dans leur métier d’enseignant, qui se plaisent dans le dialogue et le débat d’idées, au besoin en faisant usage d’un jeu de provocation pour pousser les étudiants à réfléchir et à argumenter leurs positions et que, dans certains cas, ces provocations sont mal comprises de certains étudiants qui, parce qu’ils ne comprennent pas tous leurs propos, s’en offusquent (…) »

        C’est peut-être là que se trouve le plus terrible. Hier, on avait confiance dans le professeur. Si ces propos paraissaient choquants, l’étudiant partait de l’hypothèse qu’il avait du mal comprendre, et seulement en deuxième instance pensait-il à un comportement inapproprié. Aujourd’hui, c’est l’inverse. L’étudiant est convaincu de tout comprendre, et si quelque chose est choquant, cela ne peut être que de la faute de l’enseignant. Misères de la toute-puissance adolescente…

        En fait, le plus intéressant dans ce rapport est la peinture d’ambiance : une institution en déliquescence, peuplée par des malades mentaux à des stades plus ou moins avancés, oscillant entre une paranoïa que les conduit à « s’offusquer » au moindre contretemps et une toute puissance qui leur fait perdre la notion du réel. Le rapport mentionne d’ailleurs en permanence l’arrêt de travail comme mode naturel de gestion des ressources humaines, ce qui n’est pas à mon avis anodin. Il semblerait que le moindre conflit aboutit à l’IEPG de Grenoble à une médicalisation…

        • BolchoKek dit :

          @ Descartes
           
           
          [En fait, le plus intéressant dans ce rapport est la peinture d’ambiance : une institution en déliquescence, peuplée par des malades mentaux à des stades plus ou moins avancés, oscillant entre une paranoïa que les conduit à « s’offusquer » au moindre contretemps et une toute puissance qui leur fait perdre la notion du réel.]
           
          Tu sais, tout cela me rappelle une bien triste histoire… celle de Bian Zhongyun. Militante communiste dévouée, résistante à l’occupation japonaise, tous ceux qui l’ont connu décrivent une femme pleine de bonté, qui comme toute une génération ne ménageait pas ses efforts ni ses exigences lorsqu’il s’agissait de construire une société toujours meilleure pour les masses… Elle me rappelle nombre de camarades que j’ai connu – et je suis certain que toi aussi – qui représentent pour moi ce que le mouvement communiste avait de meilleur, le genre de camarade qui raffermissent toujours ta conviction que même si la tâche paraît insurmontable, aucun effort pour l’émancipation collective n’est fait en vain.
           
          Cette chère Bian Zhongyun, éducatrice de grand talent, était directrice adjointe d’un lycée pour filles de Pékin hautement sélectif qui recevait l’élite des enfants du parti. Apparemment, elle commit deux “fautes” dans l’exercice de ses fonctions qui prouvèrent son caractère “contre-révolutionnaire” : elle omit de décrocher les portraits de Mao des murs lors d’un exercice d’évacuation sismique. Et elle refusa l’entrée à une jeune fille qui n’avait pas les notes requises, bien qu’étant la fille d’un influent apparatchik.
           
          Elle sera l’une des premières victimes de la révolution culturelle, battue à mort dans des conditions atroces par ses propres élèves, lesquelles feront par la suite de brillantes carrières autrement plus distinguées que directrice adjointe d’un lycée – la meneuse du groupe émigrera même aux États-Unis, se fera naturaliser, obtiendra un doctorat en géochimie du MIT et y travaillera dans la protection de l’environnement… on peut supposer que battre à mort une éducatrice dévouée d’origine modeste en la traitant de “capitaliste” et de “révisionniste” fut un lointain souvenir pour elle.
           
          Alors, certes, on a de la marge. Mais je pense que l’esprit au moins est similaire.

          • Descartes dit :

            @ BolchoKek

            [Elle sera l’une des premières victimes de la révolution culturelle, battue à mort dans des conditions atroces par ses propres élèves, lesquelles feront par la suite de brillantes carrières autrement plus distinguées que directrice adjointe d’un lycée – la meneuse du groupe émigrera même aux États-Unis, se fera naturaliser, obtiendra un doctorat en géochimie du MIT et y travaillera dans la protection de l’environnement… on peut supposer que battre à mort une éducatrice dévouée d’origine modeste en la traitant de “capitaliste” et de “révisionniste” fut un lointain souvenir pour elle.]

            Ce rappel de ce que fut la « révolution culturelle » est salutaire, et il faut aussi rappeler combien l’action des « gardes rouges » fut admirée et – mutatis mutandis – imitée par les enfants de nos classes intermédiaires à la fin des années 1960. On peut reconnaître une certaine continuité entre la logique de ces années-là et ce que nous observons aujourd’hui avec la « cancel culture ».

            Il ne faut pas oublier que la « révolution culturelle » fut d’abord une fuite en avant, un moyen pour la coterie maoïste de reprendre le contrôle de l’appareil du Parti communiste après l’échec cuisant du « Grand Bond en Avant », en utilisant la jeunesse des classes intermédiaires – essentiellement des étudiants – contre les cadres en place qui, après la grande famine de 1959-61, s’étaient convertis à une politique économique plus réaliste. Une jeunesse qu’on lançait à l’assaut des « quatre vieilleries », c’est-à-dire l’effacement du passé avec destruction de monuments, déboulonnage de statues, l’exigence que les cadres « anciens » présentent des excuses, etc. Ca ne vous rappelle rien ?

            Orwell avait tout à fait raison : « qui contrôle le présent contrôle le passé, qui contrôle le passé contrôle l’avenir ». La « guerre culturelle » est d’abord une guerre pour le contrôle du passé.

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