Sans illusions, sans hésitation et sans trembler… je voterai Marine Le Pen

Oui, ma décision est prise. Dimanche 24 avril je déposerai dans l’urne un bulletin au nom de Marine Le Pen. Et savez-vous ce qui m’a fait sauter le pas, ce qui m’a convaincu que c’était la seule chose décente et rationnelle à faire pour un communiste ? Je pense que vous ne devinerez jamais, chers lecteurs. Non, ce n’est pas la lecture du programme la candidate du Rassemblement National, dans lequel je ne retrouve guère les éléments « social-souverainistes » que j’avais trouvé intéressants en 2017. Non, ce n’est pas l’attitude arrogante ni la démagogie d’un président sortant prêt à n’importe quelle promesse pour l’emporter. Non, ce ne sont pas les palinodies d’un Mélenchon qui, après avoir expliqué que Macron était un dictateur fasciste, découvre qu’il y a pire.

Non. Ce qui a fini de me convaincre, c’est la lecture de la tribune des « 400 personnalités de la culture » (sic) publiée dans « Le Monde » du 15 avril 2022 sous le titre tout en sobriété « Sans illusions, sans hésitation et sans trembler, nous voterons Emmanuel Macron ». A la lecture de la liste de signataires, on se demande vraiment si cette tribune est utile : on y retrouve dans la liste tous ceux qui en leur temps ont appelé à voter Mitterrand, Jospin ou Hollande. Qui pouvait encore douter qu’en plein continuité avec leurs idées – et les intérêts de leur classe – ils allaient « sans illusions, sans hésitation et sans trembler » voter pour Emmanuel Macron ?

Mais c’est le texte de cette tribune qui, à l’insu de ses signataires, éclaire vraiment le sens du vote de dimanche 24 avril. Dans ce texte, dont je recommande la lecture – on n’a pas souvent l’occasion de rigoler ces jours-ci (1) – on trouve pas mal de reproches plus ou moins justifiés envers la candidate du Rassemblement National. Mais il y en a un qui, pour moi, est décisif. Le voici :

« Rien, dans ses habitudes et ses choix de vie, ne rapproche [Marine Le Pen] des plus modestes autrement que par le cynisme de paroles politiciennes. »

Avouez que c’est croquignolet. Je ne connais pas en détail les « choix de vie » de Pierre Arditi, Charlotte Gainsbourg, Jeanne Balibar, Juliette Binoche, Jane Birkin, Florence Foresti, Julie Gayet, Agnès Jaoui, Marc Lévy, Serge Moati, Nagui (2), Yannick Noah et Bruno Solo – et encore, ce n’est là qu’un échantillon des 400 signataires – mais je ne pense pas me tromper en disant que la plupart d’entre eux ont le privilège de vivre dans les arrondissements les plus prisés de Paris dans ou dans les plus beaux territoires, dans des appartements et maisons de belle taille, qu’ils fréquentent les meilleurs restaurants, qu’ils roulent dans des voitures de bon niveau, qu’ils assistent régulièrement aux plus beaux spectacles et fréquentent les plus belles expositions, qu’ils s’entourent de beaux objets et d’œuvres d’art, bref, qu’ils ne vivent pas dans une banlieue perdue ou dans une périphérie abandonnée des dieux et de l’Etat, qu’ils ne font pas leurs courses chez Lidl en comptant le dernier sou, et qu’à l’heure de faire le plein ils n’ont pas l’angoisse de ne pas avoir assez pour pouvoir aller au travail le lendemain. Et ce sont ces gens-là qui écrivent, sans le moindre regard autocritique, qu’à leur avis Marine le Pen ne « se rapproche » pas assez par « ses habitudes et ses choix de vie » des « plus modestes ». Avouez qu’il faut un certain culot. Ou une bonne dose d’inconscience, ce qui est bien plus grave.

Car ne croyez pas que ces gens soient cyniques. Non, ils sont absolument sincères, et c’est justement cela qui est terrible. Je suis persuadé qu’ils sont intimement convaincus que LEURS « habitudes » et LEURS « choix de vie » les rendent « proches des plus modestes », tout comme les dames patronnesses d’antan se persuadaient qu’elles étaient proches « des plus modestes » parce qu’elles tricotaient des mitaines caca d’oie pour leurs pauvresses. Au fond, si les « 400 personnalités de la culture » – incluant Nagui – haïssent Marine Le Pen parce qu’elle est en train de leur piquer leurs pauvres. Parce qu’elle se prétend proche « des plus modestes », alors que ce sont eux, les 400, qui de toute évidence ont le monopole de leur représentation. Comment ose-t-elle ?

On retrouve là quelque chose qu’on connaît bien, la bonne vieille haine de classe. En 1968, les petits-bourgeois gauchistes étaient anticommunistes parce que les communistes représentaient l’ouvrier. Dans les années qui ont suivi, ces petits-bourgeois ont travaillé dur – avec l’aide signalée de Mitterrand et les siens – pour confisquer cette représentation, pour implanter l’idée que c’étaient eux, et non les affreux communistes, qui étaient les vrais représentants des plus modestes. Et aujourd’hui, cela recommence : puisque Marine Le Pen recueille le vote majoritaire des couches populaires et qu’à ce titre elle les représente ne serait-ce qu’imparfaitement, elle est victime du même procès, celui en fausse représentation. Ce parallèle devrait nous éclairer sur le sens du vote du 24 avril. Il ne s’agit plus de « barrer la route au fascisme » comme cela pouvait être le cas à la naissance du Front Républicain. Car si c’était là le but, pourquoi invoquer les « choix de vie » de Marine Le Pen ? Si au lieu de vivre dans un château elle vivait dans un HLM à Vénissieux, serait-elle moins « fasciste » pour autant ?

Non, bien sûr que non. Si les « 400 personnalités de la culture » haïssent Marine Le Pen et votent Macron pour lui barrer la route, ce n’est pas parce qu’elle est fasciste, mais parce qu’elle représente les couches populaires, et que son élection remettrait en cause fondamentalement la prétention des « personnalités de la culture » à parler au nom de ces couches – sans bien entendu les consulter. Le vote de dimanche prochain n’est donc pas un choix entre fascisme et démocratie, mais un choix entre la continuité du bloc dominant ou son rejet.

Cette tribune apporte une confirmation à l’argumentation exposée par Régis de Castelnau dans un remarquable article sur son blog (3). J’en conseille la lecture. Même si je ne partage pas certaines de ses expressions, il expose peut-être mieux que je n’aurais pu le faire moi-même mon état d’esprit. Je reprends en particulier ce paragraphe :

« Alors quand on entend les antifascistes de pacotille venir nous dire qu’il faut voter Macron pour ensuite mener les luttes au Parlement et dans la rue, on reste interdit devant tant de cynisme ou d’aveuglement. Pendant les mandats présidentiels Hollande et Macron, aucune grève, aucune mobilisation, aucune activité parlementaire n’a permis de s’opposer à l’agenda néolibéral.

Par conséquent, même si c’est difficile de glisser dans l’urne un bulletin portant le nom de Le Pen, il faut s’y résoudre, en refoulant les états d’âme. Malgré le souvenir de ce que le Front National et son chef avaient de détestable, et de ce scrutin de 2002 où pour la seule fois de sa vie on a voté à droite pour le battre à plate couture. Voter Marine Le Pen, c’est bien sûr d’abord voter contre Macron et son système. Mais c’est aussi regarder la réalité en face et ce bloc populaire qui se structure autour d’elle. Et ces ouvriers, ces employés, ces paysans qui disent désormais massivement qu’il faudra de nouveau compter avec eux, leur rendre la place qui est la leur, il est nécessaire à ce moment précis d’être de leur côté. Et pour ma part de leur être fidèle.

Élire Marine Le Pen est bien sûr un pari, mais il est beaucoup moins risqué que de choisir Macron. L’effet de rupture produira des possibles, ce coup d’arrêt provoquera des recompositions politiques, et la dirigeante du Rassemblement National ne pourra pas gouverner seule. Et là, la lutte politique reprendra tout son sens. »

Comme l’écrivait Louis de Bonnald, « Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître. » Aujourd’hui, je suis convaincu que, comme le dit de Castelnau, le devoir d’un honnête homme est de faire tout ce qui est dans son pouvoir pour mettre fin au régime oligarchique dont Macron est le fer de lance. Et j’en tire les conséquences.

Descartes

(1)  Rien qu’un aperçu, pour la bonne bouche : « Rappelons à ce sujet, à ceux qui font le pari d’une cohabitation à suivre, que même si celle-ci advenait, Marine Le Pen resterait, en tout état de cause, cheffe des armées. À ce titre, il lui appartiendra directement de gérer la position de la France dans le conflit en Ukraine ». Les « 400 personnalités de la culture » ont de toute évidence une culture institutionnelle fort limitée. Si le chef de l’Etat est de droit chef des armées, cette dignité est purement symbolique. Cela ne lui permet rien de « gérer la position de la France dans le conflit en Ukraine », d’autant moins d’ailleurs que la France n’est pas belligérante, et que les armées françaises n’y sont pas engagées. La Constitution (article 20 deuxième alinéa) est d’ailleurs fort explicite : c’est le gouvernement qui « dispose de la force armée », et non le président. Pour ceux qui seraient abonnés au « Monde », la tribune est disponible ici :  https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/15/presidentielle-sans-illusions-sans-hesitation-et-sans-trembler-nous-voterons-emmanuel-macron_6122370_3232.html

(2) Si, si. Nagui est maintenant une « personnalité de la culture ». L’homme qui, dans une émission de questions réponses, avait déclaré qu’avec l’invention de l’écriture « se termine la préhistoire et commence le moyen-âge »… décidément, nous vivons une époque formidable.

(3) https://www.vududroit.com/2022/04/presidentielle-voter-avec-les-classes-populaire-et-battre-macron/?fbclid=IwAR0Rx2CEiYEs2YTQk2ctq18OuHcVXdv3g7D9wHEy2qpJBI4ih_IGYdmxICw

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129 réponses à Sans illusions, sans hésitation et sans trembler… je voterai Marine Le Pen

  1. Geo dit :

    @Descartes et tous
    https://www.les-crises.fr/le-macronisme-est-un-populisme-emmanuel-todd/
    Interprétation du premier tour par Emmanuel Todd qui parle aussi de la crise Ukrainienne en passant et de la signification”de classe” de cette crise pour nous. On peut être une grande gueule sans être inintéressant.

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [On peut être une grande gueule sans être inintéressant.]

      Todd est toujours intéressant, parce qu’il a le sens de la formule. Mais il a une certaine tendance à “choisir” ses faits pour qu’ils collent à sa théorie et exclure ceux qui ne collent pas qui est un peu énervante…

    • Maurice dit :

      Je suis persuadé qu’ils sont intimement convaincus que LEURS « habitudes » et LEURS « choix de vie » les rendent « proches des plus modestes », tout comme les dames patronnesses d’antan se persuadaient qu’elles étaient proches « des plus modestes » parce qu’elles tricotaient des mitaines caca d’oie pour leurs pauvresses. Au fond, si les « 400 personnalités de la culture » – incluant Nagui – haïssent Marine Le Pen parce qu’elle est en train de leur piquer leurs pauvres. Parce qu’elle se prétend proche « des plus modestes », alors que ce sont eux, les 400, qui de toute évidence ont le monopole de leur représentation.
      Avant de discuter de leur sincérité, où avez-vous vu que les auteurs prétendent cela ?  Et faut-il être un prolétaire pour avoir le droit de dire que Mme le Pen n’en est pas une ?  Alors publiez vos titres à parler pour la classe ouvrière ; votre mandat de fils du peuple de qui le tenez-vous ?
      Avant de vous lire j’avais décidé de ne pas voter Macron, votre caca nerveux devant cette tribune médiatique ne m’a pas fait changer d’avis.
       
       

      • Descartes dit :

        @ Maurice

        [Avant de discuter de leur sincérité, où avez-vous vu que les auteurs prétendent cela ?]

        Dans des centaines et des centaines d’apparitions publiques. Il suffit de regarder par exemple les cérémonies de remises de prix, et on a droit à une succession de discours à chacun plus larmoyant où des « artistes » prennent la défense des pauvres et des opprimés. Et je ne compte même plus les pétitions signées par ces personnages qui prétendent, là aussi, parler au nom « des plus modestes ». Il faut aussi compter la parole de ces « intellectuels » dans les actions d’associations diverses et variées – on se souvient des tentes du canal Saint-Martin. Et notez bien que je ne reproche nullement à ces gens de PARTICIPER à ces actions, au contraire, c’est tout à leur honneur. Ce que je leur reproche, c’est de PARLER lors de ces actions comme s’ils étaient les porte-parole des gens qu’ils défendent.

        [Et faut-il être un prolétaire pour avoir le droit de dire que Mme le Pen n’en est pas une ?]

        D’abord, vous noterez que les « 400 personnalités » ne reprochent pas à Mme Le Pen de « ne pas être une prolétaire ». La question, ce n’est pas l’origine sociale de Mme Le Pen, mais ses « habitudes » et ses « choix de vie ». Vous noterez la nuance : si personne n’est maître de ses origines, les « habitudes » et les « choix de vie » sont, excusez la redondance, largement liées à des choix personnels. Et oui, il y a quelque chose d’indécent chez des gens qui ont des « habitudes » et des « choix de vie » nettement bourgeois à reprocher à Mme Le Pen d’avoir fait ces mêmes choix et de lui dénier sur cette base une « proximité avec les plus modestes ». D’autant plus que les personnes en question revendiquent, eux, cette proximité.

        Ensuite, à supposer même que ce qui soit en cause soit les origines prolétariennes des uns et des autres, je ne reprocherais pas aux « 400 personnalités » de dire que Mme Le Pen n’est pas une prolétaire. C’est de dire que PARCE QUE elle n’est pas « les habitudes » et « les choix de vie » d’une prolétaire, elle n’aurait pas le droit de se dire proche des prolétaires et de les représenter.

        [Alors publiez vos titres à parler pour la classe ouvrière ; votre mandat de fils du peuple de qui le tenez-vous ?]

        Je pourrais vous répondre en exhibant mes origines prolétariennes, mais là n’est pas la question. Ce n’est pas MOI qui prétends qu’il faudrait des origines prolétariennes pour prétendre représenter les prolétaires. Ce sont les « 400 personnalités » qui reprochent dénient à un candidat cette possibilité, qui plus est au nom de ses « choix de vie ». Ma position personnelle est qu’on peut être proche des intérêts de la classe ouvrière ou pas, indépendamment de ses origines. Et qu’il n’y a donc pas lieu à réclamer des « titres » pour parler de la classe ouvrière.

        Et c’est précisément pourquoi cette tribune me paraît indécente : parce qu’elle prétend de dévaloriser une parole politique non en fonction de son contenu, mais parce que celle qui la tient n’aurait pas les « titres de prolétariat » suffisants. Et le reproche est d’autant plus indécent que ceux qui l’écrivent peuvent difficilement prétendre les avoir.

        [Avant de vous lire j’avais décidé de ne pas voter Macron, votre caca nerveux devant cette tribune médiatique ne m’a pas fait changer d’avis.]

        J’imagine que vous vouliez dire « j’avais décidé de ne pas voter Le Pen ». Je ne sais pas si le lapsus est révélateur… Mais plus sérieusement, je ne prétendais pas vous faire changer d’avis. Je respecte trop mes lecteurs pour penser que la lecture d’un simple billet d’humeur puisse les faire changer des positions que j’imagine longuement réfléchies.

        • Maurice dit :

          J’imagine que vous vouliez dire « j’avais décidé de ne pas voter Le Pen ». Je ne sais pas si le lapsus est révélateur…
          Je sais ce que j’écris. Quant au diagnostique de lapsus venant d’un grand nerveux imaginatif qui aura voté Hue, Mélenchon & enfin le Pen … Et ensuite ? Ziouganov ? Tenez-nous au courant sans crainte de nous influencer.
           

          • Descartes dit :

            @ Maurice

            [“J’imagine que vous vouliez dire « j’avais décidé de ne pas voter Le Pen ». Je ne sais pas si le lapsus est révélateur…” Je sais ce que j’écris.]

            Possible. Mais voyons ce que vous avez écrit : « Avant de vous lire j’avais décidé de ne pas voter Macron, votre caca nerveux devant cette tribune médiatique ne m’a pas fait changer d’avis. »

            Vous m’accorderez que cette phrase n’a guère de sens : si vous aviez décidé avant de me lire DE NE PAS VOTER MACRON, on voit mal comment ma prose, qui incitait précisément à NE PAS VOTER MACRON, aurait pu vous « faire changer d’avis ». Ou pourquoi votre jugement devrait m’inquiéter, puisque in fine il vous conduit à faire exactement ce que je préconise. Mais bon, cela vous donne une opportunité de placer cette belle expression « caca nerveux », et c’est l’essentiel, n’est pas ?

            [Quant au diagnostic de lapsus venant d’un grand nerveux imaginatif qui aura voté Hue, Mélenchon & enfin le Pen …]

            Je ne sais pas de qui vous parlez. Pas de moi, en tout cas. Je n’ai jamais voté Hue de ma vie. Là encore, monsieur, l’insulte est un art… et dans cet art, vous n’êtes qu’un amateur.

          • Françoise dit :

            Il a surtout voté Fillon puis Le Pen il y a cinq ans donc son “franchissement” ne date pas de la semaine dernière!

            • Descartes dit :

              @ Françoise

              [Il a surtout voté Fillon puis Le Pen il y a cinq ans]

              Comme vous, sans aller plus loin. Voici ce que vous écriviez le 12 mai 2017: “Trahie, je l’ai été par Fillon dont on a découvert les affaires en janvier et qui a tenté de s’en défaire comme un voyou; j’avais voté pour lui aux primaires pour avoir une droite capable de faire barrage au FN tout en laissant un boulevard au centre pour Macron (moi aussi je calcule!)”

              Eh oui, il y a eu pas mal de monde pour voter Fillon “par calcul”. Seulement, l’objectif n’était pas tout à fait le même…

            • Françoise dit :

              @pseudodescartes
              Oui enfin… Je vois une différence entre les primaires d’un parti et les élections présidentielles proprement dites, donc NON, je n’ai pas voté comme vous!

            • Descartes dit :

              @ pseudofrançoise

              [Oui enfin… Je vois une différence entre les primaires d’un parti et les élections présidentielles proprement dites, donc NON, je n’ai pas voté comme vous!]

              Cette différence ne change rien à l’affaire. J’ai voté Fillon par calcul, vous avez voté Fillon par calcul. Nos votes sont donc parfaitement comparables, quand bien même ils n’ont pas été exprimés à la même élection…

  2. Geo dit :

    @Descartes
    Je maintiens donc ma prévision, réalisée en janvier 2021, d’une réélection d’Emmanuel Macron.
    C’est après que ça se corsera. Le nouveau président dissoudra sans doute très rapidement l’Assemblée, de façon à provoquer des élections dans la foulée de son succès. La gauche et la droite traditionnelles, récusées l’une et l’autre aux présidentielles, se requinqueront aux législatives, où le RN, qui aura finalement rassemblé près d’un Français sur deux, aura ses sept ou huit sièges ordinaires.
    C’est ça, 1788. Un blocage institutionnel total. Et je crois qu’on en sortira comme en 1789 — dans la rue.
    https://www.causeur.fr/1788-presidentielle-2022-populisme-macron-marcel-gauchet-230619
     
    Pour de francs droitiers, le scénario le plus destructeur, et aussi bien le plus prometteur est plutôt une réélection courte de Macron qu’une élection de Le Pen, mais le rêve de désordre semble le même. Je vois surtout qu’on rêve dangereusement. Brighelli ne se cache pas le danger:
    “Ce pays qui aime les hommes providentiels, et qui comme sœur Anne n’en voit pas venir, se déchirera dans la rue. Et ceux qui gagneront ne seront pas forcément les plus éclairés.”
    Il se cache peut-être qu’il rêve. Nous ne sommes plus un pays révolutionnaire, me semble-t-il. Trop vieux. Il peut y avoir beaucoup de déchirements dans la rue sans révolution de droite ou de gauche.
     
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Pour de francs droitiers, le scénario le plus destructeur, et aussi bien le plus prometteur est plutôt une réélection courte de Macron qu’une élection de Le Pen, mais le rêve de désordre semble le même.]

      Je ne sais pas ce qu’est un « franc droitier ». Je trouve la réflexion de Brighelli sur le blocage de la société française en 1788 intéressante, mais il y a une différence fondamentale avec la situation d’aujourd’hui : en 1788, l’aristocratie était une classe en perte de vitesse, confrontée à une bourgeoisie en pleine expansion. Bloquer cette expansion en refusant toute réforme ne pouvait que provoquer une explosion. En 2022, le bloc dominant qui bloque toute alternative n’est pas en perte de vitesse, au contraire : le rapport de forces lui est ultra-favorable. C’est pourquoi une explosion est improbable : à quoi bon commencer une guerre qu’on ne peut gagner ?

      [Nous ne sommes plus un pays révolutionnaire, me semble-t-il. Trop vieux. Il peut y avoir beaucoup de déchirements dans la rue sans révolution de droite ou de gauche.]

      Je ne crois pas que ce soit une question de « pays vieux » ou de « pays jeune ». Pour qu’il y ait une révolution, il faut qu’il y ait une classe révolutionnaire et un rapport de force qui lui soit favorable. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

      • Norbert dit :

        J’abonde dans le sens de Descartes, au sujet de la révolution.
        La révolution française a acté le fait que la classe dominante était à présent celle du capital et non plus celle de l’aristocratie. C’était déjà un état de fait, mais les institutions ne le reflettaient pas. La révolution est donc venue valider cela.
        Du coup, en transposant cela a notre situation, effectivement, notre classe, celle des prolos, fait partie d’une classe révolutionnaire, mais en hibernation, et se fait mal mener. Elle ne pourra faire la révolution que quand, de fait, elle sera devenue la classe dominante.Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs, sous peine de se faire déchirer.

        • Descartes dit :

          @ Norbert

          [Elle ne pourra faire la révolution que quand, de fait, elle sera devenue la classe dominante.]

          Ou, à minima, lorsque le rapport de forces sera suffisamment équilibré en sa faveur pour pouvoir prétendre à assumer ce rôle. C’est ce que Lénine je crois appelle “les conditions objectives” d’une révolution.

  3. tmn dit :

    C’est marrant en voyant cette tribune, je me suis dit : “mais qui peut décider de changer son vote parce que Juliette Binoche ou François Cluzet donne son avis” ? Vous m’apportez la réponse, mais pas vraiment celle à laquelle les signataires pensaient !
    Le truc vraiment incroyablement indécent, c’est que le cinéma en France est ultra protégé, avec des quotas de films français ou francophones qui sont des mesures protectionnistes évidentes et auxquelles je suis d’ailleurs plutôt favorables… Or Macron et les partis de gouvernement aux affaires depuis 40 ans refusent le même genre de protections aux autres secteurs, et le RN est le parti qui (entre autres choses) symbolise cette demande de protection ! Alors que des professionnels du cinéma écrivent ce genre de textes, c’est vraiment à vomir. Ces gens sont vraiment totalement indécents.
    J’ai une petite question, à laquelle vous n’êtes évidemment pas obligé de répondre : allez-vous assumer votre vote auprès de vos amis ? De vos collègues ? Autour de moi j’ai l’impression que le vote Le Pen est bien plus assumé qu’auparavant, que ce soit au premier tour ou par défaut au second… même si dans beaucoup d’endroits ça reste encore impensable à assumer.
     

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [C’est marrant en voyant cette tribune, je me suis dit : “mais qui peut décider de changer son vote parce que Juliette Binoche ou François Cluzet donne son avis” ? Vous m’apportez la réponse, mais pas vraiment celle à laquelle les signataires pensaient !]

      En effet, en effet. Je trouve cette tribune extraordinaire dans son inconscience. Je crois qu’elle illustre bien l’état de déconnexion avec la réalité d’une partie des élites intellectuelles et des classes intermédiaires.

      [J’ai une petite question, à laquelle vous n’êtes évidemment pas obligé de répondre : allez-vous assumer votre vote auprès de vos amis ? De vos collègues ? Autour de moi j’ai l’impression que le vote Le Pen est bien plus assumé qu’auparavant, que ce soit au premier tour ou par défaut au second… même si dans beaucoup d’endroits ça reste encore impensable à assumer.]

      Ça dépend. Auprès de mes collègues, non, d’abord parce que dans le service public il n’est pas considéré approprié de faire connaître ses préférences politiques – neutralité oblige. Auprès de mes amis ou de ma famille, oui, bien sur.

  4. HENRI dit :

    Sauf que l’on ne vote pas pour des fachistes quoi qu’il en coûte 

    • Descartes dit :

      @ HENRI

      [Sauf que l’on ne vote pas pour des fachistes quoi qu’il en coûte]

      Le mot “fasciste” utilisé à toutes les sauces finit par ne plus vouloir rien dire. Au risque de me répéter: le “fascisme” est un mouvement politique apparu à la fin des années 1920 en Italie, attaché à un Etat fort et centralisé, fortement anticlérical et même proche d’un néo-paganisme, militariste, fasciné par la technique et la modernité, et plutôt hostile à l’antisémitisme. En quoi Marine Le Pen, qui parle des “racines chrétiennes”, de localisme, serait “fasciste” ?

      Le monde est compliqué. C’est pourquoi on ne peut pas se contenter de syllogismes du genre “on ne vote pas pour des fascistes/MLP est fasciste/donc on ne vote pas pour MLP”.

  5. Merico dit :

    Moi qui eu affaire à des “identitaires ” copains de M Le Pen je suis très surpris qu’on puisse se dire communiste et voter pour ces gens très dangereux 
    L’histoire nous a montré que ces gens sont capables de tout 
    Qu’on ne veuille pas voter Macron je le comprends mais voter pour l’extrême droite c’est terrible

    • Descartes dit :

      @ Merico

      [Moi qui eu affaire à des “identitaires ” copains de M Le Pen je suis très surpris qu’on puisse se dire communiste et voter pour ces gens très dangereux]

      Pardon, mais j’ai dit que je votais pour Marine Le Pen. Je n’ai pas dit que je vote pour ses amis. Il faut arrêter de brandir des épouvantails, et examiner les faits. Vous trouverez des gens très dangereux qui « aiment » Macron, Mélenchon ou Pécresse. Est-ce une raison pour ne pas voter pour eux.

      [L’histoire nous a montré que ces gens sont capables de tout]

      J’aurais envie de vous répondre avec la boutade de De Gaulle : « dans ce moment ou l’on ne trouve que des gens capables de rien, c’est encourageant de penser qu’il y a des gens capables de tout ». Là encore, il faut être sérieux. Quand vous parlez de « ces gens », à qui faites-vous référence ? Et dans quel épisode historique trouvez-vous la preuve qu’ils sont « capables de tout » ?

      [Qu’on ne veuille pas voter Macron je le comprends mais voter pour l’extrême droite c’est terrible]

      Là, je ne vous suis pas : si vous trouvez MLP tellement dangereuse, alors vous devriez être prêt à tout faire pour la faire battre. Et donc à voter pour Emanuel Macron. Comment pouvez-vous dans ces conditions « comprendre qu’on ne veuille pas voter Macron » ?

  6. xc dit :

    Les signataires pensent sans doute tout aussi sincèrement que les subventions à la Culture sont la façon de dépenser l’argent public la plus utile aux couches populaires.
     
     

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Les signataires pensent sans doute tout aussi sincèrement que les subventions à la Culture sont la façon de dépenser l’argent public la plus utile aux couches populaires.]

      Vous voulez dire que l’antifascisme des signataires ne serait que l’expression de bas intérêts matériels ? Vous êtes bien méchant, je trouve…

      Plus sérieusement: je suis le premier à penser que les subventions à la culture sont une dépense tout à fait utile aux couches populaires… à condition que ces dépenses leur profitent. Parce qu’il y a culture et culture: quand les municipalités communistes ouvraient des théâtres populaires et des maisons de la culture, c’était un outil puissant pour améliorer la condition des couches populaires. Le problème, c’est que ces “personnalités de la culture” ont plus le côté “personnalité” et très peu le côté “culture”. La contribution de Nagui ou d’Arditi à l’éducation populaire m’échappe…

  7. wazoox dit :

    Je suis parfaitement d’accord avec l’analyse. Le Pen a si peu de relais dans les sphères du pouvoir (haute fonction publique, finance, etc) qu’elle a dû aller chercher son prêt en Hongrie. Elle a d’ores et déjà intégré dans ses annonces qu’elle n’aurait probablement pas la majorité aux législatives; son élection provoquerait sans aucun doute un électrochoc, et l’idée d’un “front républicain” prendrait tout son sens. Nul doute que le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel seraient également particulièrement sourcilleux sur la légalité de ses décrets et de ses référendums…
    Tactiquement, il ne fait aucun doute que Le Pen élue la semaine prochaine rouvrirait un peu la situation politique, même si c’est dans des conditions de grande violence, d’agitation voire de quasi guerre civile.
    A contrario, Macron réélu aura certainement sa majorité, et pourra relancer sans plus aucun frein ses réformes anti-sociales et liberticides; nous serions alors quasiment assuré d’avoir un second tour Le Pen / Zemmour en 2027, et là, que nous dirons les “belles âmes” des castors en tout genre?
    Malheureusement, voter Le Pen je ne peux pas, c’est physique. Mais le constat est clair.

    • Descartes dit :

      @ wazoox

      [Malheureusement, voter Le Pen je ne peux pas, c’est physique.]

      Votez avec votre tête, pas avec vos tripes…

    • Gaétan dit :

      “voter Le Pen je ne peux pas, c’est physique”.
      J’ai dit cela en 2017, et nous avons eu 5 ans d’extrême droite. Ne nous y trompons pas Macron c’est l’extrême droite (il aurait même envisager dit-on de faire tirer sur la foule des gueux, pardon des gilets jaunes (n’ayez crainte aucun acteur connu parmi eux).
      Il faut aussi arrêter de reprendre les mêmes rengaines j’allais dire “gouvernementales” selon lesquelles on ne doit pas voter à l’extrême droite. Ceux qui obéissent sont les victimes d’une psyops réussie.

  8. Luc dit :

    Beaucoup des signataires , en plus ne paient pas leurs impôts en France.
     

    • maleyss dit :

      A commencer, donc, par Noah, qui lors de l’élection de Sarkozy avait menacé de quitter la France, mais qui s’est contenté, à titre symbolique, je suppose, d’exiler son pognon en Suisse. 

  9. JMP dit :

    Vous ecrivez en conclusion :
    « Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître. » Aujourd’hui, je suis convaincu que, comme le dit de Castelnau, le devoir d’un honnête homme est de faire tout ce qui est dans son pouvoir pour mettre fin au régime oligarchique dont Macron est le fer de lance. Et j’en tire les conséquences. « 
     
    J’ai lu moi aussi avec énormément de sympathie l’éditorial de Castelnau, mais je vous avoue que j’ai énormément de mal a discerner ce que je doit faire dimanche prochain. Autant je mesure la catastrophe que représente Macron, autant je me pose la question de l’opportunité d’un vote Le Pen. Non pas que je redoute un quelconque risque Fasciste totalement imaginaire en l’occurrence, mais plutôt les conséquences a terme d’une victoire de celle-ci. Permettez moi de citer ici un passage du communiqué de presse de Kuzmanovic suite a ce premier tour :
    « Si Marine le pen est élue, sa faiblesse idéologique et son manque de cadres devraient la forcer à chercher des alliances, voire des appuis, qui ne peuvent venir que de la droite traditionnelle , de ses anciens cadres partis chez Eric Zemmour, et du MEDEF. Il y a donc fort a parier que la tonalité « sociale » de sa campagne se dissipe rapidement dès les premières difficultés « 
    Je partage cette analyse, et donc je craint fort que l’éventuelle ( et a vrai dire peu probable) victoire de Le Pen ne se traduise par la mise au pouvoir d’un Tsipras de droite, qui échouera a plus ou moins court terme , et aura pour conséquence le retour en force d’un Macron ou d’un clone du même. Avec des classes populaires cette fois complètement moralement anéanties, comme cela c’est passé en Grèce . En somme, reculer pour mieux sauter.

    Vous allez me dire que s’abstenir, ce que je ferais sans doute, c’est choisir la politique du pire. Oui, mais si ce que j’ai décris plus haut s’avère exact, de toute façons , nous y auront droit. Alors autant que Macron fasse une bonne fois la démonstration de sa nuisance, y compris et surtout vis de ceux qui votent pour lui sans comprendre que c’est tout sauf leur intérêt : pour reprendre Castelnau «  . La sécurité sociale et le système des retraites seront démantelés au profit des fonds de pension.  «  c’est une certitude, et je doute qu’au moins la moitié de ses électeur, placée devant cette régression , continue a y trouver son compte . Et on verra bien si , une fois faite la démonstration suffisante, nous aurons un espoir de voir réapparaître une alternative politique crédible
     

    • Descartes dit :

      @ JMP

      [Je partage cette analyse, et donc je craint fort que l’éventuelle ( et a vrai dire peu probable) victoire de Le Pen ne se traduise par la mise au pouvoir d’un Tsipras de droite, qui échouera a plus ou moins court terme , et aura pour conséquence le retour en force d’un Macron ou d’un clone du même. Avec des classes populaires cette fois complètement moralement anéanties, comme cela c’est passé en Grèce . En somme, reculer pour mieux sauter.]

      Si je comprends bien, vous proposez de donner le pouvoir à Macron tout de suite de peur que l’échec de Marine Le Pen conduise à lui donner le pouvoir – lui ou un clone – dans cinq ans ? Préférer la défaite du candidat « populaire » au prétexte que sa victoire pourrait décevoir Billancourt, c’est se condamner à l’échec permanent.

      La comparaison avec la Grèce est trompeuse. En Grèce, la gauche avait remporté la victoire sur un programme de rupture avec l’UE, et avait dû y renoncer pour ne pas mécontenter son électorat des classes intermédiaires. On comprend que les couches populaires aient été « moralement anéanties ». Mais ici, ce n’est pas le cas. Le programme de MLP est bien plus modéré, et pour cette raison elle risque de beaucoup moins décevoir. D’autant plus qu’elle a peu de chances d’avoir une majorité parlementaire. On pourra donc difficilement lui reprocher de ne pas avoir tenu.

      [Oui, mais si ce que j’ai décrit plus haut s’avère exact, de toute façons, nous y auront droit. Alors autant que Macron fasse une bonne fois la démonstration de sa nuisance, y compris et surtout vis de ceux qui votent pour lui sans comprendre que c’est tout sauf leur intérêt : pour reprendre Castelnau « . La sécurité sociale et le système des retraites seront démantelés au profit des fonds de pension. « c’est une certitude, et je doute qu’au moins la moitié de ses électeur, placée devant cette régression , continue a y trouver son compte . Et on verra bien si , une fois faite la démonstration suffisante, nous aurons un espoir de voir réapparaître une alternative politique crédible]

      Mais lorsque cette « alternative politique crédible » sera devant vous, ne ferez-vous pas le même raisonnement qu’avec MLP ? Est-ce que le risque d’échec sera moins grand ?

  10. Erwan dit :

    Bonsoir Descartes,

    Je comprends votre point de vue. Pour ma part, comme il y a cinq ans, je suis trop attaché à l’idée que la France doit avoir une certaine élegance. Même si Le Pen pouvait orienter la France dans une meilleure direction que Macron, je trouverais cela bien trop inélégant. Aussi, il me semble plutôt vraisemblable que Macron ne puisse pas avoir une majorité parlementaire, auquel cas il ne pourrait pas trop faire de dégâts d’ici à 2027…

    • Descartes dit :

      @ Erwan

      [Pour ma part, comme il y a cinq ans, je suis trop attaché à l’idée que la France doit avoir une certaine élegance. Même si Le Pen pouvait orienter la France dans une meilleure direction que Macron, je trouverais cela bien trop inélégant.]

      Franchement, je ne trouve pas le Macron du “pognon de dingue”, du “qu’ils viennent me chercher” et des vidéos avec McFly et Carlito très “élégant”. A suppose donc même que “l’élégance” soit un critère pertinent de choix, je ne vois pas en quoi il ferait pencher la balance dans un sens plutôt que dans l’autre.

      [Aussi, il me semble plutôt vraisemblable que Macron ne puisse pas avoir une majorité parlementaire, auquel cas il ne pourrait pas trop faire de dégâts d’ici à 2027…]

      Ne croyez pas ça. Macron aura une certaine difficulté à avoir une majorité HOMOGENE. LREM n’aura peut-être pas la majorité à lui seul, mais les politiques que Macron veut mettre en œuvre – destruction du code du travail, de la fonction publique, de l’éducation nationale, de la souveraineté nationale – trouveront sans difficulté une majorité à l’Assemblée. N’oubliez pas le précédent mitterrandien en 1988: les socialistes n’ont pas eu la majorité, cela n’a pas empêché Rocard de gouverner et le traité de Maastricht d’être ratifié.

      • Erwan dit :

         
        [Franchement, je ne trouve pas le Macron du “pognon de dingue”, du “qu’ils viennent me chercher” et des vidéos avec McFly et Carlito très “élégant”. A suppose donc même que “l’élégance” soit un critère pertinent de choix, je ne vois pas en quoi il ferait pencher la balance dans un sens plutôt que dans l’autre.]
         
        Tout simplement, Le Pen est la candidate du RN, le parti dont l’origine est un rassemblement de groupuscules xénophobes, et qui comporte toujours en son sein un certain nombre de cadres gratinés.
         
        [Ne croyez pas ça. Macron aura une certaine difficulté à avoir une majorité HOMOGENE. LREM n’aura peut-être pas la majorité à lui seul, mais les politiques que Macron veut mettre en œuvre – destruction du code du travail, de la fonction publique, de l’éducation nationale, de la souveraineté nationale – trouveront sans difficulté une majorité à l’Assemblée. N’oubliez pas le précédent mitterrandien en 1988: les socialistes n’ont pas eu la majorité, cela n’a pas empêché Rocard de gouverner et le traité de Maastricht d’être ratifié.]
         
        Vous avez probablement raison. Il pourra faire des dégâts, en fait peut-être même plus vite que lors de ce premier quinquennat, puisqu’il n’y aura probablement pas d’équivalent du Covid-19 qui en a occupé la moitié, et puisqu’il ne devra pas se préoccuper de sa réélection.

        • Descartes dit :

          @ Erwan

          [Tout simplement, Le Pen est la candidate du RN, le parti dont l’origine est un rassemblement de groupuscules xénophobes, et qui comporte toujours en son sein un certain nombre de cadres gratinés.]

          Certes. Mais quel rapport avec “l’élegance” ?

          Pour le reste, je vous mentirais si je disais que j’ai une grande confiance dans les cadres du RN, et je peux vous assurer que je n’éprouve aucun plaisir à l’idée de voter pour un parti qui, même s’il a bien changé ces dix dernières années, reste marqué par ses origines. Mais comme disait mongénéral, on ne fait de la politique qu’avec des réalités. Et la réalité est que dimanche prochain on a le choix entre deux candidats, et que la victoire de l’un ou de l’autre aura des conséquences différentes. C’est en fonction de ces conséquences que je fais mes choix…

  11. maleyss dit :

    Ne pensez-vous pas que certains Mélenchonnistes et assimilés espèrent secrètement une victoire de Marine Le Pen, afin de fomenter des troubles de grande ampleur, à la suite desquels ils apparaîtraient comme un recours ? On a déjà vu ce genre de petit jeu, mélange de poker menteur et de billard à plusieurs bandes.

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Ne pensez-vous pas que certains Mélenchonnistes et assimilés espèrent secrètement une victoire de Marine Le Pen, afin de fomenter des troubles de grande ampleur, à la suite desquels ils apparaîtraient comme un recours ?]

      Non. Pour qu’un tel plan fonctionne, il faudrait que LFI ait une image de “parti d’ordre”. Pensez-vous que ce soit le cas ? Non, évidemment, non. Personne ne peut voir en LFI un “recours” contre le désordre. Il faut arrêter de fantasmer et avoir recours à ce bon vieux rasoir d’Occam…

  12. Geo dit :

    @Descartes
    [En effet, en effet. Je trouve cette tribune extraordinaire dans son inconscience.]
    Pas seulement cette tribune. Emmanuel Todd remarque dans un entretien récent qu’on retrouve le climat médiatique de la campagne pour le OUI lors du référendum sur le traité constitutionnel.
    On sait comment a fini la chose, mais le rapprochement ne semble pas se faire dans les esprits, ou se faire en vain. (Même pas peur.)
     
     

  13. Zeniba dit :

    Je viens de découvrir votre blog/site grâce au discord du Cercle Aristote et c’est un plaisir de vous lire !
    L’ indécence de cette tribune des célébrités ne m’était pas apparu dans sa totalité car je m’en étais épargnée la lecture, mais la critique du mode de vie de MLP, quand on est soi-même aussi bien loti qu’elle est aussi malaisante que malhonnête, bien qu’effectivement probablement sincère, ce qui est sans aucun doute le plus grave tant c’est significatif d’une totale déconnexion du pays réel…
    J’approuve également le commentaire sur le protectionnisme dont bénéficie ces privilégiés qui ne semblent pas réaliser que les classes populaires ne réclament rien d’autre que ce dont ils profitent depuis des années…
     J’ai lu moi aussi le billet de Régis de Castelneau et écouter la dernière vidéo YouTube de Tatiana Ventose, ce qui m’a aidé à dissiper mes dernières réticences à voter RN, ayant toujours voté à gauche.
    Je reste toutefois assez pessimiste quand au résultat du 2ème tour car le matraquage médiatique est tellement intense que prendre une décision basée sur un raisonnement censé et non sur des injonctions et des projections fumeuses ne sera pas à la portée de tous les indécis.

    • Descartes dit :

      @ Zeniba

      [Je viens de découvrir votre blog/site grâce au discord du Cercle Aristote et c’est un plaisir de vous lire !]

      Je ne connais pas le Cercle Aristote. J’ai un peu regardé leur site, ils ont l’air d’inviter des gens intéressants. Je suis curieux de savoir où vous avez vu une recommandation pour mon blog…

      [Je reste toutefois assez pessimiste quant au résultat du 2ème tour car le matraquage médiatique est tellement intense que prendre une décision basée sur un raisonnement censé et non sur des injonctions et des projections fumeuses ne sera pas à la portée de tous les indécis.]

      Je partage votre pessimisme.

      • Zeniba dit :

        C’est un simple participant du discord qui a partagé votre article, c’est comme ça que je suis arrivée sur votre blog.
        Je parcours les vidéos du Cercle Aristote et lors d’un entretien, Pierre Yves Rougeyron parle des travaux de  Christophe Guilluy, qu’il qualifie “Marxiste à poil dur” !
        Peut-être vous retrouverez vous dans cette définition partielle !

        • Descartes dit :

          @ Zeniba

          [Peut-être vous retrouverez vous dans cette définition partielle !]

          Je ne sais pas si c’est une “définition”, mais l’image est jolie, et je pense assez bien adaptée!

  14. Thierry dit :

    Alors que le risque d’un conflit OTAN/Russie se rapproche, l’élection de MLP ne serait elle pas un moyen de tempérer les ardeurs de l’OTAN et de favoriser la diplomatie ?

    • Descartes dit :

      @ Thierry

      [Alors que le risque d’un conflit OTAN/Russie se rapproche, l’élection de MLP ne serait elle pas un moyen de tempérer les ardeurs de l’OTAN et de favoriser la diplomatie ?]

      Je ne le pense pas. Quelque soit les reproches qu’on puisse faire à Macron, il faut admettre qu’il a été dans cette affaire plutôt du côté des “colombes”, maintenant publiquement un lien diplomatique avec les dirigeants russes. Je ne crois pas que l’élection de MLP changerait la donne.

  15. cherrytree dit :

    Certes la tribune des artistes pour faire barrage à M le Pen est indécente. Mais que penser de celle des professionnels de santé, qui compte des directeurs de centre, mais aussi des infirmier(e)s, et aide-soignant(s), des médecins ? Toutes gens qui sont particulièrement informés, pour en avoir pâti pendant la pandémie, de ce que l’incurie, voire le cynisme d’un gouvernement Macron, a pu avoir de ravageur? Des masques”inutiles” ou trop compliqués à mettre, des protocoles délirants (boire debout son café plus dangereux que de le boire assis), des protocoles contradictoires pour l’Éducation Nationale, des soignants tout aussi peu considérés qu’avant la pandémie,… Et voici que des soignants publient une tribune.  Que le reste de la profession n’ai pas proteste est le signe d’un certain consensus, non? Et si cela se veut un barrage anti-le Pen, il n’en demeure pas moins vrai que, par le fait, c’est un appel pro Macron. C’est de l’aveuglement, ou du masochisme ? Et ces gens là ne sont pas pas tous (à l’exception de mandarins), des nantis. Vous me direz, ceux qui auraient proteste ont démissionné ? Ben, pas tous, vraiment. 
    Comme s’écria un jour Jaurès, balançant ses papiers du haut d’un balcon de Carmaux où l’on venait de se prononcer pour le marquis de Solages propriétaire des mines:”Vous ne méritez pas d’être libres!”.
     
    PS J’ai lu aussi ce qu’a pondu Roselyne Bachelot : ce n’est pas gentil de dire que le ministère de la Culture n’a pas eu d’équivalent dans les autres pays européens. Elle ne doit pas savoir qui était Mélina Mercouri…

  16. Bonjour,
    Un éclaireur n’est pas un racoleur. Descartes fait du racolage plus qu’il n’éclaire ses lecteurs. Il faudrait pour ça parler programme et y compris dénoncer ceux qui vont contre les intérêts de ceux que l’on veut défendre.
    Avez-vous l’impression de vous tenir “du côté des ouvriers, employés et paysans” en soutenant une personne qui ne va pas défendre les intérêts des travailleurs ? 
    Marine Le Pen défend le capitalisme, la baisse des cotisations sociales (et donc du salaire). C’est du capitalisme et de l’oligarchie, mâtinés de nationalisme afin de mieux diviser (encore) les exploités avec autant de défouloirs et de détournements d’attention…
    Macron ne convient pas ? C’est entendu. Mais est-ce que Le Pen convient pour autant ? Vous me faites penser à celui qui, voulant éviter la pluie, se jette dans la mer.
    Seule l’abstention massive permet de réduire la légitimité du vainqueur de ce second tour pourri. Macron mal élu, n’aura pas beaucoup de possibilités de “réformer”.
    Si comme vous aviez voté ce tocard de Fabien Roussel, soyez-lui fidèle plus de 5 min en tant que communiste, en suivant sa consigne (débile) de vote Macron.
    Il aura manqué seulement 400 000 voix à Jean-Luc Mélenchon pour rejoindre le second tour et chasser l’extrême droite du paysage politique. Dommage.

    • Descartes dit :

      @ Gautier Weinmann

      [Un éclaireur n’est pas un racoleur. Descartes fait du racolage plus qu’il n’éclaire ses lecteurs. Il faudrait pour ça parler programme et y compris dénoncer ceux qui vont contre les intérêts de ceux que l’on veut défendre.]

      Trois remarques : la première, c’est que « parler programme » en vue du deuxième tour n’a de sens que si vous pensez que les programmes de MLP et de Macron reflètent la réalité de ce qui sera fait si l’un ou l’autre était élu. Or, on sait d’avance que ce n’est pas le cas. Dans le cas de Macron, parce que ces dernières semaines il a promis tant de choses contradictoires qu’il y aura forcément des gens déçus, et dans le cas de MLP parce que cela suppose qu’elle ait une majorité parlementaire pour voter les textes correspondants, ce qui n’a pratiquement aucune chance de se produire.

      Ce qui me conduit à la deuxième remarque : A supposer même que vous pensiez que le programme est autre chose qu’un exercice de séduction sans lendemain, pour « parlez programme » il faudrait comparer les programmes de MLP et de Macron. Et là, il n’est pas du tout évident de savoir lequel les deux serait plus conforme aux intérêts des couches populaires. N’oubliez pas qu’au soir du 24 avril l’un ou l’autre sera élu. L’exercice qui consiste à condamner les deux programmes comme antipopulaires est donc parfaitement inutile.

      Enfin, la troisième remarque : si vous avez lu mon article, vous aurez remarqué que parmi les raisons de mon choix les « programmes » ne figurent pas. La question pour moi est la nature de la sitaution créée par l’élection de l’une ou de l’autre. Si Macron est élu, ce sera le triomphe du système oligarchique en place, et ce sera « business as usual ». Si MLP est élue, ce sera l’échec de ce système. Vous allez me dire que MLP est alignée avec l’oligarchie ? Et bien, dans ce cas il faudra m’expliquer pourquoi l’oligarchie fait feu de tout bois pour la faire battre, pour faire élire Macron.

      Je ne me fais aucune illusion sur MLP ou sur son programme. Mais MLP élue, c’est l’ouverture de quelque chose de nouveau. Et donc d’une situation ou la lutte politique reprendra ses lettres de noblesse.

      [Avez-vous l’impression de vous tenir “du côté des ouvriers, employés et paysans” en soutenant une personne qui ne va pas défendre les intérêts des travailleurs ?]

      Oui. Parce que j’ai le choix entre deux personnes qui n’iront pas défendre les intérêts des travailleurs. Alors, à l’heure du choix je m’interroge sur la situation que créera la victoire de l’un ou de l’autre. Et là, comme le dit Régis de Castelnau, il n’y a pas photo. Macron, s’il est élu, sera élu avec les voix du bloc dominant. MLP, si elle est élue, devra en grande partie son élection aux couches populaires. Vous devriez vous poser une question : pourquoi le capital soutient massivement Macron et pas MLP, si les deux candidats défendent les mêmes intérêts ?

      [Marine Le Pen défend le capitalisme, la baisse des cotisations sociales (et donc du salaire). C’est du capitalisme et de l’oligarchie, mâtinés de nationalisme afin de mieux diviser (encore) les exploités avec autant de défouloirs et de détournements d’attention… Macron ne convient pas ? C’est entendu. Mais est-ce que Le Pen convient pour autant ? Vous me faites penser à celui qui, voulant éviter la pluie, se jette dans la mer.]

      Il vous faut choisir l’un des deux, parce que le 24 avril au soir, l’un des deux sera élu. L’attitude responsable est donc de se demander non pas « lequel des deux est le moins pire », mais quel est le choix qui créera la situation la plus favorable pour rebondir. Avec Macron, ce sera l’étouffoir : le « cercle de la raison » continuera à gouverner en toute tranquillité. Avec MLP, on aura un président qui, quelque soient ses opinions personnelles, a été élu avec les voix populaires, et a donc une dette envers cet électorat. Rien que cela, c’est un bouleversement de taille.

      [Seule l’abstention massive permet de réduire la légitimité du vainqueur de ce second tour pourri. Macron mal élu, n’aura pas beaucoup de possibilités de “réformer”.]

      Ah bon ? Pouvez-vous m’indiquer un exemple, un seul, où une forte abstention ait empêché un exécutif de « réformer » ? Franchement, vous vous bercez d’illusions.

      [Si comme vous aviez voté ce tocard de Fabien Roussel, soyez-lui fidèle plus de 5 min en tant que communiste, en suivant sa consigne (débile) de vote Macron.]

      Je ne vois pas pourquoi. Si Sébastien Jumel a le droit de voter pour qui il veut, en contradiction avec le Parti dont il est membre et auquel il doit son mandat, je ne vois pas pourquoi vous me demandez d’être plus papiste que le Pape, moi qui ne suis plus militant et ne dois donc plus rien au PCF.

      [Il aura manqué seulement 400 000 voix à Jean-Luc Mélenchon pour rejoindre le second tour et chasser l’extrême droite du paysage politique. Dommage.]

      Je ne sais pas si le fait d’arriver au deuxième tour aurait été suffisant pour « chasser l’extrême droite du paysage politique ». Mais bon, on sait bien que le gourou fait des miracles… ou plutôt qu’il en aurait fait s’il ne lui avait pas manqué quelques centaines de milliers de voix. On a déjà entendu ce discours en 2017… pourquoi changer un discours qui gagne ?

      Cela étant dit, il serait peut-être intéressant pour une fois que LFI laisse de côté son admiration genuflexe pour les exploits de son gourou et son habitude de rejeter ses échecs sur les autres, et se demande sérieusement POURQUOI il lui a manqué ces 400.000 voix. On peut toujours cracher à la gueule de Roussel pour lui reprocher de ne pas s’être retiré, mais il serait peut-être plus intéressant de se demander comment on aurait pu donner aux communistes des bonnes raisons de retirer leur candidat et soutenir le gourou à la place.

      Je ne peux parler pour les électeurs de Fabien Roussel en général, mais je peux vous parler de moi. Moi, je n’avais aucune envie de voir Mélenchon au deuxième tour. Je n’avais aucune raison de le voter. Si vous voulez « parler programme », sur des points que je juge fondamentaux (le nucléaire, l’Europe, l’école, les institutions, la politique économique…) il allait contre mes convictions, et je n’ai vu chez LFI aucun effort, aucune concession faite dans ma direction qui aurait pu me motiver. Et si vous voulez parler du hors programme, là encore, LFI n’a rien fait pour me séduire : quand Mélenchon soutien de sa présence une manifestation organisée par une association proche des Frères Musulmans au cours de laquelle on entend crier « Allah Akhbar », cela ne me donne pas envie. Lorsque je constate que dans son « parlement de campagne » on trouve en masse toutes sortes de gauchistes, mais qu’on a oublié d’inviter les souverainistes de gauche, cela ne me donne pas envie. Lorsque je constate que LFI a joué à fond la carte du débauchage d’elus communistes, vielle techique que Mélenchon a appris du PS mitterrandien, cela ne me donne pas envie.

      Vous me direz que je ne suis qu’un affreux réactionnaire, et que LFI a des choses plus intéressantes à faire que de se soucier de mon opinion. Fort bien. Mais dans ce cas, LFI ne peut pas se plaindre de ne pas pouvoir compter sur ma voix. Et des gens comme moi, il y en a quelques-uns, peut-être même ces 400.000 qui auraient permis à Mélenchon d’aller au deuxième tour et, comme vous dites, « chassé l’extrême droite du paysage politique ». Alors, la faute à qui ? A moi qui n’ai pas voté pour lui, ou aux insoumis qui n’ont rien fait pour que j’en aie envie ?

  17. cherrytree dit :

    @ Descartes
    J’approuve votre analyse de la “fauculterie” des artistes qui se sont exprimés via la fameuse tribune. J’ai beaucoup ri en apprenant que Nabila, vous savez, cette bimbo de téléréalité, a appelé à voter Macron, parce qu’il serait selon elle un modèle de tolérance et d’antiracisme. La dame engage donc ses “followers”(grrrrrr…. ce vocabulaire !) à voter pour lui. D’habitude elle fait la promotion de produits cosmétiques, elle a donc l’habitude du blabla. Je ne sais si ce soutien se révèlera efficace ou néfaste, mais cela laisse à penser sur ce que devient la réflexion politique à un certain niveau, surtout au moment où on prédit un score serré,, dans lequel chaque voix compterait .
    Vous trouvez indécente cette tribune signée par des artistes reconnus et dorés sur tranche. Mais que penser de la “consultation” de son électorat par Mélenchon ? En effet, il y était prévu trois cas de figure : le vote Macron, le vote blanc, et l’abstention. Et pas de vote le Pen, bien sûr,ce qui est d’une stupidité verticale pour ceux qui se sont prêtés à cette mascarade sans relever que le choix était truqué. Mais bon,  chez LFI, on a l’habitude d’avaler des couleuvres d’un diamètre et d’une longueur impressionnants. Ce qui est stupidité pour les uns, est une manifestation supplémentaire de la rouerie de l’autre : ainsi il est absolument impossible de savoir combien de lepenistes chez les”insoumis” , ce qui permet à ce parti, car c’en est un, de conserver une image immaculée. Où est le temps où JL Mélenchon courait après les “fâchés pas fachos” soutiens du RN? Ils sentent le gaz, maintenant ?
    En tout cas, cela permettra à ce triste individu de se poser en soutien (implicite mais pas assumé, hein) de Macron,  et pourquoi pas, à 70 balais, de commencer à songer au point d’orgue de sa carrière. Beurk.
    On oublie que le vote plus importante, ce sont les législatives. Les grandes manœuvres vont commencer, et il faudra expliquer aux citoyens perples le mariage de la carpe et du lapin. Par exemple aux traîtres électeurs de Roussel, qu’il va falloir discuter avec LFI, et vice-versa, et selon les endroits pourquoi les Républicains devront faire ami-ami avec LRM. Tiens, plus guère de monde pour évoquer la proportionnelle, vous avez dit bizarre ? Vu ce qui s’est passé lors des municipales, personne n’a peur d’un parlement bien orienté RN? Bien sûr que si, la preuve, on ressort la vieille recette : une enquête pour fraude envers M le Pen. Sauf que la recette a déjà servi, n’a pas changé, et que la dame se fera un plaisir de le rappeler, et en prime, de demander sur quel budget émargeait le fameux garde du corps, vous savez, Alexandre comment, déjà ?
     

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      J’ai beaucoup ri en apprenant que Nabila, vous savez, cette bimbo de téléréalité, a appelé à voter Macron, parce qu’il serait selon elle un modèle de tolérance et d’antiracisme.]

      Pourtant, je ne vois pas sa signature parmi les « personnalités de la culture ». Ce sera peut-être pour la prochaine élection ?

      [Mais que penser de la “consultation” de son électorat par Mélenchon ? En effet, il y était prévu trois cas de figure : le vote Macron, le vote blanc, et l’abstention. Et pas de vote le Pen,]

      Trivial. C’est un article de foi que jamais un insoumis ne mettra dans l’urne un bulletin Le Pen. Introduire la question, c’était prendre le risque d’afficher clairement le fait que pour une partie de l’électorat « insoumis », le vote Mélenchon et le vote Le Pen ne sont pas incompatibles. Dans un parti qui pense que les électeurs de Le Pen ont des cornes et une queue, comme les diables, difficile d’admettre que le type qui est assis à côté de vous dans les réunions a peut-être voté Le Pen…

      Mais plus profondément, je m’interroge sur le sens de ce vote. Pour moi, il est parfaitement inutile : les électeurs qui auront envie de s’abstenir le 24 avril s’abstiendront, ceux qui veulent voter blanc voteront blanc, ceux qui veulent voter Macron ou Le Pen voteront Macron ou Le Pen. Dans la mesure où il a été dit à l’avance que ce vote ne servira pas à donner une consigne, quelle est son utilité ?

      [En tout cas, cela permettra à ce triste individu de se poser en soutien (implicite mais pas assumé, hein) de Macron, et pourquoi pas, à 70 balais, de commencer à songer au point d’orgue de sa carrière. Beurk.]

      Vous voulez dire, un ministère ? Depuis que Macron parle – à Marseille, est-ce un signe ? – de « planification écologique », et évoque même la création d’un ministère qui en serait chargé, on se demande si des choses n’ont pas été négociées en coulisse, comme au bon vieux temps ou – de son propre aveu – Mélenchon négociait avec le premier secrétaire du PS François Hollande les résultats des votes internes… Je trouve en tout cas bien étrange le silence des « insoumis » devant ce plagiat éhonté de leur programme. En d’autres temps, on aurait entendu le tribun tonner « leur planification écologique n’est pas la notre ». Là, on n’entend rien. Etonnant, non ?

  18. Magpoul dit :

    Cher Descartes,
    Merci pour votre papier. J’ai la sensation qu’une “lame de fond” peut jaillir et expulser Macron, et que cela viendra des abstentionnistes dont les gilets jaunes faisaient parti il me semble dans leur majorité. Je ne sais pas si ces personnes avaient à coeur de voter au premier tour mais le second tour pourrait les mobiliser. J’ai regardé les chiffres de 2002, et le vote “anti Lepen” semblait avoir mobilisé 3 millions de personnes de plus au second tour qu’au premier….du coup je me demande si un vote “anti Macron” pourrait également avoir cette force. 
    Les médias de masse ont un talent fou à m’exaspérer dans la critique anti-Lepen. On peut critiquer Lepen mais les arguments choisis sont si peu cohérents et ridicules que j’en vient à souhaiter la victoire de Lepen juste pour qu’ils se remettent en question. 
    Que pensez-vous du débat de mercredi? J’ai tendance à penser que si Lepen gagne (ce qui est improbable à moins qu’elle ait fait des progrès considérables depuis 2017), elle aura de bonnes chances d’être élue, mobilisant justement les indécis dans un vote en bloc contestataire.
    Pour des raisons qui me sont propres et que je regrette je ne pourrai pas voter, mais je respecte votre choix. 
    Bonne semaine !

    • Descartes dit :

      @ Magpoul

      [Merci pour votre papier. J’ai la sensation qu’une “lame de fond” peut jaillir et expulser Macron, et que cela viendra des abstentionnistes dont les gilets jaunes faisaient partie il me semble dans leur majorité.]

      Je crains que non. La peur du saut dans l’inconnu est souvent bien plus forte que le désir de changement. On l’a vu avec les « Gilets jaunes », qui ont été très efficaces pour dire « on n’est pas contents avec l’existant », mais qui ont été parfaitement incapables de transformer ce mécontentement en projet politique. Toute la question est donc de savoir s’il y a suffisamment de Français qui, dans le simple but d’exprimer un mécontentement, sont prêts à mettre MLP à l’Elysée. Je crains que ce ne soit pas le cas.

      [Les médias de masse ont un talent fou à m’exaspérer dans la critique anti-Le Pen. On peut critiquer Le Pen mais les arguments choisis sont si peu cohérents et ridicules que j’en vient à souhaiter la victoire de Le Pen juste pour qu’ils se remettent en question.]

      On commence à avoir l’habitude de ce genre d’hystérie. On l’avait eu dans les campagnes européennes – souvenez-vous de Ségolène Royal affirmant qu’en cas de rejet du TCE elle serait obligée de fermer les cantines scolaires dans la région Poitou-Charentes. On l’a avec l’Ukraine – quand « Le Monde » titre sur « la garde nationale de Poutine en Ukraine », un peu comme si on écrivait « l’armée de Macron au Mali ». L’américanisation de notre système médiatique est malheureusement chaque fois plus visible.

      [Que pensez-vous du débat de mercredi?]

      Je n’ai jamais aimé ce jeu de boxe médiatique. Je trouve que c’est le Canada-Dry de la démocratie : ça a l’apparence d’un débat politique, mais ce n’est pas un débat politique. Personnellement, je n’y vois aucun intérêt. On n’y découvre rien de nouveau. Pour le même prix, on pourrait les faire marcher sur un fil et regarder lequel tombe en premier.

      [J’ai tendance à penser que si Le Pen gagne (ce qui est improbable à moins qu’elle ait fait des progrès considérables depuis 2017), elle aura de bonnes chances d’être élue, mobilisant justement les indécis dans un vote en bloc contestataire.]

      Si l’on croit les enquêtes d’opinion, l’effet du débat sur le vote au deuxième tour a par le passé toujours été négligeable. Je ne vois pas pourquoi il en irait autrement aujourd’hui.

  19. Regis de Castelnau dit :

     
    Cher Descartes,
    Que vous ayez compris à ce point ce que voulait dire le vieux sentimental que je suis, me touche particulièrement.
    Merci camarade.

    • Descartes dit :

      @ Regis de Castelnau

      [Que vous ayez compris à ce point ce que voulait dire le vieux sentimental que je suis, me touche particulièrement.]

      Que voulez-vous, de vieux sentimental à vieux sentimental…

  20. GQ dit :

    Si MLP est élue ça ne changera rien si ce n’est de nous apporter la satisfaction de voir la tête que fera un certain nombre de gens détestables et ridicules. Mais ils s’en remettront en moins d’une semaine.

    • Descartes dit :

      @ GQ

      [Mais ils s’en remettront en moins d’une semaine.]

      Je ne suis pas sûr. Je pense que cela ferait tomber une barrière symbolique, et obligerait les gens à se poser un certain nombre de questions.

  21. Geo dit :

     
    @Descartes
     
    [Vous allez me dire que MLP est alignée avec l’oligarchie ? Et bien, dans ce cas il faudra m’expliquer pourquoi l’oligarchie fait feu de tout bois pour la faire battre, pour faire élire Macron.]
    Que le public naturel de Macron préfère de loin Macron à Le Pen, je le crois mais je crois aussi qu’il s’adapterait instantanément à l’élection d’icelle. Les affaires sont les affaires. 
    [il serait peut-être intéressant pour une fois que LFI laisse de côté son admiration genuflexe pour les exploits de son gourou et son habitude de rejeter ses échecs sur les autres, et se demande sérieusement POURQUOI il lui a manqué ces 400.000 voix.]
    Vous avez raison, certes : j’ai voté Roussel, mais lui absent Mélénchon aurait dû se passer de ma voix tout autant. Trop de chose ne vont pas. Marine Le Pen pourrait aussi se demander pourquoi ma voix va lui manquer. Et aussi Macron.
    Je ne crois pas aux réalités sans effets. Si ceux de l’abstention et du vote blanc sont malaisés à définir, si comme vous me le disiez dans une précédente réponse l’effet n’est pas de délégitimation, il faudra appeler autrement le fait que tous savent qu’une grande partie des citoyens ne se retrouvent dans aucune des propositions présentées et trouvent plus pertinent de le faire savoir que de choisir entre elles.
    Le vrai scandale pour moi : le choix Macron-Le Pen et pas une abstention.
    Vous me direz que c’est un choix expressif plutôt que politique. C’est certain mais je ne crois pas à la nullité politique de l’expression. (Et je crois moins encore en ma capacité a anticiper les conséquences de tel ou tel scénario d’élection de l’un ou l’autre, ce qui m’interdit le billard à trois bandes. Je n’ai pas compétence d’électeur stratège.)
     

    • Descartes dit :

      @ geo

      [« Vous allez me dire que MLP est alignée avec l’oligarchie ? Et bien, dans ce cas il faudra m’expliquer pourquoi l’oligarchie fait feu de tout bois pour la faire battre, pour faire élire Macron. » Que le public naturel de Macron préfère de loin Macron à Le Pen, je le crois mais je crois aussi qu’il s’adapterait instantanément à l’élection d’icelle. Les affaires sont les affaires.]

      Possible. Mais le raisonnement vaut tout autant pour Mélenchon. Il n’en demeure pas moins que le bloc dominant est massivement derrière Macron. Ce qui fait un sort à l’idée qu’arrivée au pouvoir MLP ferait une politique avantageuse pour les classes dominantes.

      [Je ne crois pas aux réalités sans effets. Si ceux de l’abstention et du vote blanc sont malaisés à définir, si comme vous me le disiez dans une précédente réponse l’effet n’est pas de délégitimation, il faudra appeler autrement le fait que tous savent qu’une grande partie des citoyens ne se retrouvent dans aucune des propositions présentées et trouvent plus pertinent de le faire savoir que de choisir entre elles.]

      Je ne vois pas comment vous arrivez à cette conclusion. Il est parfaitement normal que les gens ne se retrouvent pas totalement dans aucun programme. Et dans ces conditions, on vote pour le meilleur – ou le moins pire, selon les points de vue. Mais on ne s’abstient pas lorsque on est convaincu que votre choix fait une différence. L’abstention prouve plutôt que les gens sont convaincus que la politique qui sera mise en œuvre sera exactement la même quelque soit le candidat élu. Parce que dans ces conditions, le vote est parfaitement inutile.

  22. benjamin dit :

    Bonsoir, je rejoins la dernière partie de votre analyse. “Rebattre les cartes ”
    En effet Mme le Pen ne pourra gouverner seule, et c’est bien là toute la différence.
    et tant mieux…

    • Vincent dit :

      On peut l’exprimer de plusieurs manières: son élection va “rebattre les cartes” ; ou elle représente un “saut dans l’inconnu”. Ce sont deux manières de dire à peu près la même chose, à savoir qu’on ne sait pas trop où cela nous conduit.
      Macron, on sait où cela nous conduit, et je crois que nous sommes nombreux qui aimerions faire demi-tour.
      Si MLP était élue, ce serait un autre cirque.
      Du simple fait de son élection, gouverner la France ne sera plus simplement un gouvernement par temps calme, mais un gouvernement par gros temps. Et je parle d’un niveau de “gros temps” qui dépasse de loin le COVID ou les gilets jaunes. Il y aura certainement et de manière simultanée des émeutes en banlieue, des offensives diplomatiques et menaces de Bruxelles, Berlin, et Washington ; les grands groupes industriels et financiers seront de la partie pour tenter l’hallali ; et par dessus tout cela, les médias qui jetteront de l’huile sur le feu.
      Et face à ça la présidence sera paralysée par un Conseil Constitutionnel qui bloquera toutes ses initiatives. Il faudrait à la fois l’intelligence et la finesse manœuvrière d’un de Gaulle en 1942 pour réussir à se sortir d’une telle situation. Et malheureusement, sans vouloir l’insulter, je pense que MLP est aux antipodes d’une intellectuelle qui réussit à avoir 3 coups d’avance sur tous ses adversaires pour pouvoir les rouler. Et malheureusement, je ne pense pas non plus que son entourage, entre les jeunes communicants et les vieux intégristes, n’ait la capacité intellectuelle de l’aider.
      Bref, il y a plus de 95% de chances qu’elle ne soit pas élue. Et si elle l’était, il y a plus de 95% de chances que l’expérience soit un fiasco…

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [On peut l’exprimer de plusieurs manières : son élection va “rebattre les cartes” ; ou elle représente un “saut dans l’inconnu”. Ce sont deux manières de dire à peu près la même chose, à savoir qu’on ne sait pas trop où cela nous conduit.]

        C’est le propre de toute révolution. Pensez-vous que ceux qui ont prononcé le serment du jeu de paume ou voté la mort du roi « savaient où cela les conduisait » ? La principale question est celle de la confiance qu’on peut avoir dans le peuple et dans nos institutions. Je persiste à penser que, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, si MLP est élue le ciel ne nous tombera pas sur la tête. Pour faire quelque chose dans ce pays, il ne suffit pas d’avoir le poste, il faut le rapport de forces.

        [Du simple fait de son élection, gouverner la France ne sera plus simplement un gouvernement par temps calme, mais un gouvernement par gros temps. Et je parle d’un niveau de “gros temps” qui dépasse de loin le COVID ou les gilets jaunes. Il y aura certainement et de manière simultanée des émeutes en banlieue, des offensives diplomatiques et menaces de Bruxelles, Berlin, et Washington ; les grands groupes industriels et financiers seront de la partie pour tenter l’hallali ; et par-dessus tout cela, les médias qui jetteront de l’huile sur le feu.]

        Possible. Ou peut-être pas. Peut-être que Bruxelles, Berlin et Washington chercheront au contraire à établir des ponts et à contrôler le nouveau gouvernement, que les grands groupes industriels chercheront plutôt à influencer sa politique qu’à la saboter… quant aux médias, on sait que leur capacité d’accommodement à celui qui a le pouvoir est illimitée ! Souvenez-vous de Mitterrand : on nous avait prédit les chars russes sur les Champs Elysées, le blocus américain, la guerre civile, l’égorgement des bourgeois… quand on regarde rétrospectivement, il y a de quoi sourire…

        On fait à mon avis trop d’honneur en prêtant à MLP une capacité à provoquer des ruptures dans tous les domaines. Vous savez, je pense que si MLP était élue, rapidement on serait déçus. Parce qu’on s’attend à un bouleversement, et qu’il ne se passera pas grande chose. On se dira « et tout ça pour ça » ?

  23. Jacobin dit :

    Bonjour Descartes,
    sauf le respect que j’ai pour vous, votre position est une erreur, pour plusieurs raisons :
    – que la tribune des starlettes fasse votre avis est surprenant : vous valez mieux que de vous positionner par rapport à eux ;
    – qu’attendez-vous d’une élection de Mme Le Pen ? Un bordel préalable à un hypothétique grand soir ? Aucun exemple dans l’histoire ne me semble démontrer une telle possibilité. Etrangement, votre raisonnement ressemble à celui que de nombreux Insoumis, que d’habitude vous contredisez avec raison : les classes moyennes et cadres supérieurs qui votent Mélenchon sont bien trop imbus de leurs convictions pour s’abaisser à voter Macron et compte bien s’abstenir de faire barrage à Mme Le Pen ; eux, si prompts à diviser la société en communauté opprimées pour en recueillir les suffrages, se foutent bien du sort de celles-ci (étrangers, homosexuels, etc.), bien à l’abri derrière le “privilège blanc” qu’il reproche pourtant à la France entière. L’élection de Mme Le Pen provoquera de la casse, et d’abord sociale, et d’abord pour de plus fragiles que vous, puisque vous n’êtes ni étranger ni de couleur, et donc pas dans la première cible d'”ennemis de l’intérieur” que ciblent Mme Le Pen et ses amis (bien moins présentables qu’elle), qui ne manqueront pas de se sentir pousser des ailes dans le zèle de violence gratuite ;
    – vous si attaché à l’héritage de la révolution française, au mérite, et des lumières, n’êtes-vous pas interpelé par les intentions de Mme Le Pen de renverser la constitution à coup de référendums ? De la possibilité pour elle de nommer aux emplois publics dans les administrations ses amis d’extrême-droite ou, comme à Vichy, des ratés sans scrupule trouvant dans l’instauration d’un régime autoritaire le seul moyen pour eux de progresser dans la carrière ?
    Entre un ultralibéral qui maintiendra malgré tout l’édifice institutionnel bâti depuis la révolution, et une héritière de tout ce que l’extrême-droite porte, qui veut le renverser pour désigner les plus faibles à la vindicte, je veux pouvoir regarder dans les yeux ma famille, qui compte de nombreux étrangers et naturalisés, et leur dire : la France vaut mieux que ça.
     

    • Descartes dit :

      @ Jacobin

      [sauf le respect que j’ai pour vous, votre position est une erreur, pour plusieurs raisons :]

      Rassurez-vous, je ne prends jamais une critique pour un manque de respect. Voyons maintenant les raisons :

      [– que la tribune des starlettes fasse votre avis est surprenant : vous valez mieux que de vous positionner par rapport à eux ;]

      Je pense que vous n’avez pas saisi l’ironie de mon commentaire. Bien entendu, ce n’est pas cette tribune qui a fait mon avis. Cette tribune ne fait que souligner une conclusion que j’ai tiré bien avant de la lire, à savoir, que ce qui se joue dans cette élection est un vote de classe. Et qu’au-delà des programmes plus ou moins démagogiques, plus ou moins sincères, plus ou moins absurdes, il y a un pôle qui représente le bloc dominant, et un pôle qui représente les couches populaires. Et que ceux qui ont à cœur les intérêts de ces dernières devraient faire en sorte que le pôle dominant soit battu.

      [– qu’attendez-vous d’une élection de Mme Le Pen ? Un bordel préalable à un hypothétique grand soir ? Aucun exemple dans l’histoire ne me semble démontrer une telle possibilité.]

      Non, je n’attends aucun « grand soir » de l’élection de MLP, parce que comme vous je tire les leçons de l’histoire, et j’en conclus que la politique du pire chère aux trotskystes n’a jamais marché. Non, ce que j’attends d’une hypothétique élection de MLP, c’est qu’elle sorte notre société de sa torpeur et l’oblige de se poser des questions. Un peu comme les « Gilets jaunes », mais à une toute autre échelle parce que, contrairement aux « Gilets jaunes », une telle élection bloquerait – ou du moins menacerait de bloquer – l’accès du bloc dominant au pouvoir exécutif. Pour le reste, comme je l’ai écrit par ailleurs, je ne pense pas que la politique du gouvernement français changerait radicalement avec l’élection de MLP.

      [L’élection de Mme Le Pen provoquera de la casse, et d’abord sociale, et d’abord pour de plus fragiles que vous, puisque vous n’êtes ni étranger ni de couleur, et donc pas dans la première cible d’”ennemis de l’intérieur” que ciblent Mme Le Pen et ses amis (bien moins présentables qu’elle), qui ne manqueront pas de se sentir pousser des ailes dans le zèle de violence gratuite ;]

      Voyons un peu. Vous me dites que « l’élection de MLP provoquera de la casse sociale ». Pourriez-vous me dire en quoi à votre avis consisterait PRECISEMENT cette casse ? Si MLP venait à être élue, que ferait-elle SPECIFIQUEMENT ? Je ne vous parle pas de ce qu’elle aurait ENVIE de faire, mais de ce qu’elle ferait EFFECTIVEMENT. Parce qu’il ne faut pas oublier que dans notre pays, il ne suffit pas de pointer du doigt et crier « que la lumière soit » pour que tout s’éclaire. Pour changer quelque chose en matière sociale il vous faut passer par la loi, et cela suppose d’en rédiger une, de trouver une majorité parlementaire, de faire face aux mobilisations syndicales et patronales… et puis n’oubliez pas que MLP aura été élue par un électorat populaire. Pensez-vous qu’elle serait assez suicidaire pour porter atteinte à cet électorat dont elle aura besoin pour se maintenir au pouvoir ?

      Même chose pour les étrangers : on nous explique que l’expulsion des clandestins est impossible. Tous les gouvernements qui, souvent conduits par des gens intelligents et compétents, s’y sont essayé s’y sont cassé les dents. Qu’est ce qui vous fait penser que MLP réussirait là ou Pasqua a échoué ?

      Il en va de MLP comme de tous les croquemitaines médiatiques : on lui prête des pouvoirs illimités, pratiquement divins. On nous explique – et les faits le montrent – qu’il faut chez nous une énorme énergie pour changer quoi que ce soit, et encore, si on réussit à le faire ça prend un temps infini. Et tout à coup, on vient nous raconter que MLP arriverait, par sa seule présence, sans même avoir à chercher une majorité parlementaire, à bouleverser le pays en quelques semaines. Ne trouvez-vous pas cela étrange ? Où est passé « l’Etat profond », grand fossoyeur de toutes les réformes, quand on a besoin de lui ?

      [– vous si attaché à l’héritage de la révolution française, au mérite, et des lumières, n’êtes-vous pas interpelé par les intentions de Mme Le Pen de renverser la constitution à coup de référendums ?]

      D’où tirez-vous que MLP ait « l’intention de renverser la constitution à coup de référendums » ? Je trouve que MLP a commis suffisamment de vrais péchés pour qu’on ne soit pas obligés à en inventer. MLP est conscient de ce que le système est aujourd’hui « verrouillé » par la majorité au Sénat et le Conseil constitutionnel, et propose de faire ce que fit en son temps De Gaulle : utiliser le vote populaire pour contrer ce verrouillage. Je trouve d’ailleurs culotté d’entendre des constitutionnalistes qui ont validé une opération inverse – le contournement du référendum par la voie parlementaire lors de la ratification du traité de Lisbonne – trouvent scandaleux l’usage du référendum pour contourner le Parlement. J’y vois la vielle tendance des élites à chercher à « domestiquer » le souverain…

      [De la possibilité pour elle de nommer aux emplois publics dans les administrations ses amis d’extrême-droite ou,]

      Alors là, c’est la meilleure ! Qui a modifié les textes statutaires de la fonction publique pour ouvrir aux non fonctionnaires l’ensemble des postes d’encadrement supérieur de l’Etat ? Et bien, c’est Emmanuel Macron (loi du 6 août 2019). Et une ordonnance prise postérieurement leur permet même d’accéder aux grands corps juridictionnels (Conseil d’Etat, Cour des Comptes). Alors, je trouve croquignolet de reprocher à Marine Le Pen de vouloir « nommer des amis » aux emplois publics, alors que Macron a non seulement légalisé la pratique, mais l’a utilisé à fond pour placer ses propres amis – souvenez-vous du scandale qui a suivi la nomination du consul de France à Los Angeles…

      [Entre un ultralibéral qui maintiendra malgré tout l’édifice institutionnel bâti depuis la révolution,]

      Pensez-vous que l’autonomie promise à la Corse soit conforme à « l’édifice institutionnel bâti depuis la Révolution » ? Que ce soit le cas de la réforme de la fonction publique qui fait que l’accès aux emplois de direction ne soit plus lié « aux mérites et aux talents » mais au choix de l’autorité politique ?

      Encore une fois, MLP a assez de péchés en propre pour qu’on n’ait pas besoin de lui en inventer, et Macron n’est nullement un gentil libéral qui préservera l’héritage. Mais cela n’a de mon point de vue guère d’importance, parce que la mon choix n’est nullement fondé sur ce que l’un et l’autre voudraient faire. Mon choix est guidé essentiellement par le groupe social qu’ils représentent, et à qui ils devraient leur élection.

      [je veux pouvoir regarder dans les yeux ma famille, qui compte de nombreux étrangers et naturalisés, et leur dire : la France vaut mieux que ça.]

      Je pourrais vous retourner que je voudrais pouvoir regarder dans les yeux ma famille, qui compte de nombreux fils d’ouvrier frappés par la désindustrialisation, et leur dire « la France vaut mieux que Macron ». De grâce, évitons ce genre de chantage sentimental. J’essaye – comme vous – de faire le choix qui me semble le meilleur pour mon pays – sans tenir compte de mon intérêt personnel. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais regarder dans les yeux ma famille.

      • Jacobin dit :

        Merci Descartes pour votre réponse, que je ne conteste pas sur le traité de Lisbonne ni la haute fonction publique (on pourrait en discuter, mais je ne veux ni ne peux tout évoquer). En revanche, vous ne répondez pas un point central de mon objection, et vous détournez le regard sur un autre :
        – votre choix de voter MLP est un luxe que des millions de nos concitoyens ne peuvent se permettre, car MLP ne vise pas à proposer une politique pour tous mais à les exclure purement et simplement du corps social et du territoire national, pour des choses qu’ils n’ont pas choisies : leur couleur de peau ou leur lieu de naissance. N’avez-vous pas oublié qu’une des premières décision de Pétain en juillet 1940 fut une loi de dénaturalisation (loi du 22 juillet) ? Vous ne me ferez pas mépriser les ouvriers par la désindustrialisation (je viens de Lorraine…) mais ils demeurent français, pas menacés d’être expulsés de leur logement, ou privés de leurs allocations sociales, pour le seul fait de leur nationalité ou de leurs origines. Je ne vois pas en quoi la mise en oeuvre de ces propositions réindustrialiseront la France ni ne contribueront à remettre la classe ouvrière au centre du jeu politique. En cela votre position m’apparaît comme une dissertation abstraite que je retrouve chez hélas beaucoup d’Insoumis, que vous critiquez par ailleurs avec raison : ils ne risquent rien ou pas grand chose de l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen et ignorent superbement ceux qui, moins bien lotis qu’eux, ont à craindre, non seulement politiquement ou économiquement, mais dans leur existence même en tant qu’être humain. On n’est plus dans un débat sur la souveraineté, le traité de Lisbonne, toutes choses sur lesquelles je vous suis, mais face à une alternative entre un débat qui se ferait dans la république ou contre la république, dans le respect de l’égalité et de la dignité des hommes en tant qu’hommes, ou dans leur négation ;
        – et vous détournez le regard sur le projet de MLP de contourner la jurisprudence et les avis du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel relative aux référendums et à la réforme de la constitution au motif spécieux que le peuple seul a toujours raison et sur tous les sujets. L’épisode de 1962 a été très critiqué et depuis tout à été précisé, et Mme Le Pen, avocate, le sait très bien : sa stratégie de gouvernement par les référendum vise à établir un gouvernement bonapartiste qui contourne les institutions, comme les régimes qu’elle admire en Europe de l’Est. Dans quel but ? Vous ne pouvez pas l’ignorer ni feindre de croire qu’elle respectera le droit, en cela et dans le reste. Par conséquent, la jubilation dans laquelle vous affirmez crânement que le vote contre Macron, ou pour Le Pen, amènera du mieux dans notre pays est une fable qui repose sur l’illusion du respect du droit par l’impétrante, et illustre une ignorance du risque que son élection ferait peser pour d’autres que vous, mais aussi pour les valeurs que la France représente.
         

        • Descartes dit :

          @ Jacobin

          [– votre choix de voter MLP est un luxe que des millions de nos concitoyens ne peuvent se permettre, car MLP ne vise pas à proposer une politique pour tous mais à les exclure purement et simplement du corps social et du territoire national, pour des choses qu’ils n’ont pas choisies : leur couleur de peau ou leur lieu de naissance.]

          Pourriez-vous m’indiquer PRECISEMENT et SPECIFIQUEMENT quelles sont les propositions de MLP qui auraient pour objet « d’exclure simplement du corps social et du territoire national » des concitoyens, sur la base « de leur couleur de peau ou leur lieu de naissance » ?

          On ne peut construire un débat politique sur des approximations ou des procès d’intention. Pensez-vous VRAIMENT que si MLP arrivait demain au pouvoir elle essaierait de priver de la nationalité française des citoyens sur le fondement de « leur couleur de peau » ? VRAIMENT ? Sur quel élément s’appuie cette conviction ?

          [N’avez-vous pas oublié qu’une des premières décisions de Pétain en juillet 1940 fut une loi de dénaturalisation (loi du 22 juillet) ?]

          Franchement, je ne vois pas le rapport. MLP n’est pas Pétain, le contexte de juillet 1940 n’est pas celui d’avril 2022. Puisque vous citez des précédents, pourquoi pas la proposition de François Hollande au congrès réuni à Versailles en 2015 d’introduire la déchéance de nationalité dans la Constitution ? Cela me paraît un précédent infiniment plus pertinent. Et si ma mémoire ne me trompe pas, Emmanuel Macron était à l’époque ministre, et n’a pas présenté sa démission que je sache…

          Encore une fois, on ne peut pas organiser le débat politique autour d’approximations et de précédents historiques hasardeux.

          [Vous ne me ferez pas mépriser les ouvriers par la désindustrialisation (je viens de Lorraine…) mais ils demeurent français, pas menacés d’être expulsés de leur logement, ou privés de leurs allocations sociales, pour le seul fait de leur nationalité ou de leurs origines.]

          Je ne vois pas très bien où MLP aurait promis de priver qui que ce soit de ses allocations sociales « par le seul fait de ses origines ». Pourriez-vous donner un élément PRECIS dans ce sens ?

          Maintenant, venons à la question de la nationalité. La plupart des pays du monde assurent à leurs citoyens des droits qui ne sont pas ouverts aux étrangers – et les soumettent à des devoirs qui, eux aussi, sont différents. C’est le cas aussi en France : seuls les nationaux peuvent occuper un certain nombre d’emplois, par exemple, et seuls les nationaux peuvent être mobilisés en cas de conflit armé. Après, c’est à la loi de fixer quels sont les droits et quels sont les devoirs des uns et des autres.

          [Je ne vois pas en quoi la mise en œuvre de ces propositions réindustrialiseront la France ni ne contribueront à remettre la classe ouvrière au centre du jeu politique.]

          Et pourtant, il suffit de regarder le débat politique pour le constater. Pendant des lustres, la « France périphérique » n’intéressait personne, on la laissait crever doucement dans son coin. Depuis qu’elle vote RN, elle est devenue un sujet d’étude pour les sociologues et un point d’attention pour les politiques.

          Je ne sais pas si la mise en œuvre des propositions de MLP « réindustrialiseront la France », mais je pense que dès lors que les couches populaires votent RN, le reste du spectre politique ne peut pas se désintéresser – comme il l’a fait pendant des années – des questions qui intéressent ces couches sociales, et donc de l’emploi industriel. C’est un peu comme avec le PCF : s’il a joué un rôle essentiel dans la qualité de vie des couches populaires, ce n’est pas par les mesures qu’il pouvait proposer, mais par le rapport de forces qu’il créait et qui obligeait la bourgeoisie à faire des concessions pour l’empêcher de ramasser les voix.

          Au risque de me répéter : ce n’est pas le PROGRAMME de MLP qui me motive à voter pour elle, c’est ce qu’elle représente. Dès lors que les couches populaires votent pour elle, et qu’elle fait peur au bloc dominant, plus elle fera de voix, et plus le bloc dominant sera poussé à s’occuper de la condition des couches populaires.

          [En cela votre position m’apparaît comme une dissertation abstraite que je retrouve chez hélas beaucoup d’Insoumis, que vous critiquez par ailleurs avec raison : ils ne risquent rien ou pas grand chose de l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen]

          Faudrait savoir : si MLP s’apprête à « exclure purement et simplement » les naturalisés, et à les priver de logement et d’allocations « en fonction de leurs origines » à l’image de Pétain, je serais plutôt en première ligne : je suis naturalisé, juif et communiste…

          [et ignorent superbement ceux qui, moins bien lotis qu’eux, ont à craindre, non seulement politiquement ou économiquement, mais dans leur existence même en tant qu’être humain. On n’est plus dans un débat sur la souveraineté, le traité de Lisbonne, toutes choses sur lesquelles je vous suis, mais face à une alternative entre un débat qui se ferait dans la république ou contre la république, dans le respect de l’égalité et de la dignité des hommes en tant qu’hommes, ou dans leur négation ;]

          Parce que vous trouvez Macron plus « respectueux de l’égalité et de la dignité des hommes en tant qu’hommes » ? Auriez-vous oublié sa remarque sur « les gens qui ont réussi et ceux qui ne sont rien » ou sur les « salariés illétrés » de Gad ? Non, désolé de vous contredire, mais nous ne sommes pas dans un débat manichéen du Bien contre le Mal. Nous sommes dans une confrontation entre le candidat soutenu par le « bloc dominant » et celui qui emporte les voix des couches populaires. Et au-delà de ses opinions et de ses préjugés, tout élu est d’abord prisonnier de son électorat. Hollande était probablement sincère lorsqu’il déclara que « son ennemi était la finance ». Seulement, quand on est élu avec les voix du « bloc dominant », on ne peut ensuite se permettre d’attaquer les financiers. Et c’est pourquoi je suis convaincu que l’élection de MLP serait plus favorable aux couches populaires que celle de Macron, quelque soient leurs programmes respectifs.

          [– et vous détournez le regard sur le projet de MLP de contourner la jurisprudence et les avis du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel relative aux référendums et à la réforme de la constitution au motif spécieux que le peuple seul a toujours raison et sur tous les sujets.]

          Non. Je n’ai jamais dit que « le peuple ait toujours raison ». Il peut parfaitement se tromper. Seulement, qui est habilité à décider que le peuple s’est trompé, et à corriger sa décision ? Par exemple, qu’auriez-vous dit si Cameron avait décrété que le peuple britannique s’était trompé en votant le Brexit et décidé de tenir le résultat du référendum pour nul et non avenu ?

          Le peuple peut se tromper. Mais il n’en est pas moins le souverain, et qu’à ce titre il a le droit d’exiger que ses décisions, quand bien même elles seraient jugées erronées, soient mises en œuvre. Ce n’est pas tout à fait la même chose. C’est d’ailleurs la position retenue par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises : en 1962, lorsqu’il se refuse à examiner la constitutionnalité du référendum, en 1995 lorsqu’il valide l’élection de Jacques Chirac alors que celle-ci est nulle en droit du fait du non-respect des règles sur les plafonds de dépenses électorales.

          Le principal risque dans un état de droit est celui du gouvernement des juges ou la confiscation du pouvoir par une minorité. Par exemple, si l’on se tient au texte de la Constitution, la suppression du Sénat ou la limitation de ses pouvoirs ne serait possible… qu’avec l’accord du Sénat. Le Conseil constitutionnel pourrait s’octroyer des pouvoirs exceptionnels – c’est un peu ce qu’il a fait dans sa décision du 16 juillet 1971 « liberté d’association ». Dans ce contexte, l’appel au peuple reste l’arme atomique qui permet de dissuader juges et minorités d’abuser de leur pouvoir.

          [L’épisode de 1962 a été très critiqué et depuis tout à été précisé, et Mme Le Pen, avocate, le sait très bien : sa stratégie de gouvernement par les référendums vise à établir un gouvernement bonapartiste qui contourne les institutions,]

          Admettons. Est-ce grave, docteur ? Personnellement, je ne nie pas l’importance de l’état de droit, mais je ne le sacralise pas non plus. Il y a un moment où la politique s’impose au droit. Les institutions sont construites pour garantir les intérêt des groupes qui les ont faites, et il faut être très naïf pour imaginer qu’on pourrait changer radicalement quelque chose contre l’intérêt de ces groupes sans les contourner – ou les abolir.

          [Dans quel but ? Vous ne pouvez pas l’ignorer ni feindre de croire qu’elle respectera le droit, en cela et dans le reste.]

          Là encore, j’aimerais que vous m’indiquiez SPECIFIQUEMENT quels sont les éléments qui vous permettent de conclure qu’elle sera moins respectueuse du droit que ses adversaires.

          [Par conséquent, la jubilation dans laquelle vous affirmez crânement que le vote contre Macron, ou pour Le Pen, amènera du mieux dans notre pays est une fable qui repose sur l’illusion du respect du droit par l’impétrante,]

          Je ne comprends pas cette remarque. Dans mon papier, je ne fais pas une seule fois référence au « respect du droit ».

          [mais aussi pour les valeurs que la France représente.]

          J’ai du mal à voir en quoi ces « valeurs » seraient plus menacés par MLP que par Macron – ou par Mélenchon, puisqu’on y est. Défend-t-on l’égalité et la fraternité en parlant de « ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien » ? Protège-t-on la laïcité en défilant avec les frères musulmans ?

          • Jacobin dit :

            Le fond de votre argumentation se résume à “puisque les autres ont commis toutes les erreurs (économiques, institutionnelles, sociales, etc.), alors on peut se permettre d’essayer de les faire changer d’avis en leur proposant pire”. Mais ça n’a aucun sens et ça n’arrivera jamais ! Que vous soyez déçu, et il y a raison de l’être, par la république, ne rend pas moins terrible ce que promet l’extrême-droite. Puisque vous aimez répondre à vos contradicteurs par des questions, je vais vous en poser à mon tour car je ne comprends rien à votre logique :
            – en quoi l’extrême-droite d’aujourd’hui serait-elle structurellement différente de celle d’antan, sur le fond et sur sa manière d’exercer le pouvoir ? Elle est raciste et autoritaire comme… comme toute l’histoire de l’extrême-droite !
            – pouvez-vous citer un seul pays, un seul, où la prise du pouvoir par l’extrême-droite a été abolie rapidement et sans frais par des forces démocratiques subitement régénérées ? Eh non… Pinochet, Bolsonaro, Hitler, Orban, etc. sont restés au pouvoir après leur prise du pouvoir, et les forces démocratiques… bref.
            – Avez-vous examiné le cursus honorum des membres de l’entourage de Mme Le Pen ? Pouvez-vous vous engager que la chasse aux étrangers et aux homosexuels ne sera pas lancée gratuitement une fois celle-ci élue et eux-mêmes aux postes à haute responsabilité hiérarchique, dans la police par exemple ?
            – pouvez-vous expliquer en quoi l’électeur lambda de Fabien Roussel du 1er tour, que nous sommes tous deux, aurait pour logique naturelle de voter Marine Le Pen au 2e tour ? Allons plus loin : pensez-vous que Roussel aurait dû appeler à voter Le Pen ?
            Ca ne tient pas la route deux secondes ! C’est un choix de logique du pire pour jouer avec le feu en croyant naïvement que ça ne brûlera personne.

            • Descartes dit :

              @ Jacobin

              [Le fond de votre argumentation se résume à “puisque les autres ont commis toutes les erreurs (économiques, institutionnelles, sociales, etc.), alors on peut se permettre d’essayer de les faire changer d’avis en leur proposant pire”.]

              Non. Pourquoi n’essayez-vous pas de comprendre mon argumentation, au lieu de plaquer sur moi un raisonnement qui n’est pas le mien ? Où ais-je parlé des « erreurs » qu’auraient commis les autres ? Et où m’avez-vous vu « proposer pire » pour leur faire changer d’avis ?

              Je vais me répéter, mais tant pis : pour la n-ième fois, MON ARGUMENTATION NE PRENDS PAS EN CONSIDERATION CE QUE LES CANDIDATS PEUVENT OU NON PROPOSER DANS LEUR PROGRAMME, OU MEME CE QU’ILS PENSENT DANS LEUR FOR INTERIEUR. Tout mon raisonnement est fondé EXCLUSIVEMENT SUR LA COMPOSITION DE LEURS ELECTORATS. Compris ?

              Voyons si je peux vous faire comprendre mon raisonnement. Supposez que vous ne savez RIEN des deux candidats. Vous n’avez jamais vu leurs images, vous ne connaissez pas leur passé, vous n’avez pas vu leur programme, vous ne les avez pas écoutés. La SEULE chose que vous savez, c’est que le candidat X trouve ses soutiens chez la bourgeoisie et les classes intermédiaires, alors que le candidat Y peut compter sur les voix des couches populaires. Maintenant, vous devez choisir entre ces deux candidats. Lequel voterez-vous ?

              Moi, je vote pour le candidat Y. Parce que je suis convaincu que les candidats sont prisonniers de leur électorat, et qu’une fois au pouvoir ils ne peuvent pas se permettre le luxe de se couper de lui. Alors, même si le candidat Y est dans son for intérieur le pire des réactionnaires, il sera obligé de faire une politique plus sociale que le candidat X qui, lui, doit contenter un électorat bourgeois. Et parce que même si le candidat Y ne gagne pas, le simple fait qu’il fasse un bon score obligera les classes dominantes à faire quelques concessions pour lui barrer la route du pouvoir.

              Voilà donc mon raisonnement. Il ne fait pas appel, vous pourrez le constater, à ce que les candidats pensent ou ce que les candidats proposent. Le fait que les autres aient ou non commis des « erreurs » n’a aucune portée, et je ne cherche nullement à les « faire changer d’avis ». Je ne pense pas d’ailleurs que les autres aient commis des « erreurs ». Je pense au contraire qu’ils savaient parfaitement ce qu’ils faisaient, et qu’ils ont fait la politique qui était conforme aux intérêts de leurs mandants.

              [– en quoi l’extrême-droite d’aujourd’hui serait-elle structurellement différente de celle d’antan, sur le fond et sur sa manière d’exercer le pouvoir ? Elle est raciste et autoritaire comme… comme toute l’histoire de l’extrême-droite !]

              Quand bien même ce serait le cas, cela n’aurait aucune conséquence sur ma position PUISQUE MON RAISONNEMENT NE DOIT RIEN A CE QUE LES CANDIDATS SONT, MAIS SEULEMENT A L’ELECTORAT QUI EST DERRIERE EUX. Il est parfaitement possible que l’extrême droite soit « structurellement » la même que celle de l’époque de Pétain. Seulement, elle ne pourra gouverner comme du temps de Pétain que si son électorat le lui permet.

              Vous noterez que l’extrême droite d’antan n’avait guère la faveur des couches populaires. Elle était par contre choyée par les classes dominantes, qui y voyaient une source de nervis bien utile et un barrage contre les méchants communistes. Aujourd’hui, le bloc dominant est mobilisé à fond pour faire voter contre MLP et celle-ci capitalise le vote des couches populaires. Quelque chose de « structurel » a du changer pour qu’une telle transformation s’accomplisse, vous ne trouvez pas ?

              [– pouvez-vous citer un seul pays, un seul, où la prise du pouvoir par l’extrême-droite a été abolie rapidement et sans frais par des forces démocratiques subitement régénérées ? Eh non… Pinochet, Bolsonaro, Hitler, Orban, etc. sont restés au pouvoir après leur prise du pouvoir, et les forces démocratiques… bref.]

              Pouvez-vous me citer un seul pays, un seul, ou la prise de pouvoir par les néolibéraux ait été abolie rapidement et sans frais par des forces démocratiques subitement régénérées ? Non plus. De ce point de vue, voter Macron ou Le Pen semble donc à peu près équivalent.

              [– Avez-vous examiné le cursus honorum des membres de l’entourage de Mme Le Pen ?]

              Oui. Et alors ? Quand vous examinez le cursus honorum des socialistes élus en 1981, rien ne faisait penser que trois ans plus tard ils allaient imposer les politiques néolibérales et dix ans plus tard nous enfermer dans le traité de Maastricht. Vous savez, si le passé déterminait l’avenir, personne ne pourrait prendre Mélenchon pour un révolutionnaire… En politique, ce sont les rapports de force qui comptent, et non les bonnes ou mauvaises intentions.

              [Pouvez-vous vous engager que la chasse aux étrangers et aux homosexuels ne sera pas lancée gratuitement une fois celle-ci élue et eux-mêmes aux postes à haute responsabilité hiérarchique, dans la police par exemple ?]

              Si vous avez examiné le cursus honorum des membres de l’entourage de Mme Le Pen, vous aurez remarqué que les homosexuels sont assez nombreux. Je doute que ceux-ci lanceraient une chasse contre eux-mêmes. Quant aux étrangers, je n’ai aucune garantie non plus que Macron n’en lancera pas une. Je vous rappelle que Hollande, tout socialiste qu’il était, avait proposé d’inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution lorsqu’il a pensé que cela lui ferait gagner des voix. Encore une fois, ce qui compte c’est les rapports de force. Si le rapport de force politique est tel qu’on peut lancer chez nous une chasse aux étrangers, alors n’importe quel gouvernement le fera, croyez-moi…

              [– pouvez-vous expliquer en quoi l’électeur lambda de Fabien Roussel du 1er tour, que nous sommes tous deux, aurait pour logique naturelle de voter Marine Le Pen au 2e tour ?]

              C’est une excellente question, qui m’a fait beaucoup réfléchir. « L’électeur lambda » de Fabien Roussel n’existe pas. Le PCF a en fait deux électorats. Un premier électorat qui vient de « l’ancien PCF », attaché à l’idée du « parti de la classe ouvrière », qui vote Roussel non pas à cause du programme du PCF mais parce que c’est le candidat du PCF, qu’un bon résultat fera plaisir aux camarades et grincer les dents des autres. Et puis il y a le « nouveau PCF », celui des classes intermédiaires qui commencent à peser après 1968 et prennent finalement le pouvoir sous le règne d’UbHue 1er. Alors, « l’électeur lambda » dont vous parlez, c’est l’électeur de « l’ancien PCF » ou du « nouveau PCF » ? Si c’est celui du nouveau, je suis d’accord avec vous : il n’a aucune raison de voter pour MLP. Après tout, c’est un électeur bien inséré socialement, avec des diplômes et un capital culturel qui lui permet de tirer le meilleur parti de la mondialisation, généralement urbain, dont l’emploi ne risque pas d’être délocalisé, qui ne vit pas dans une banlieue « communautarisée ». Il peut ne pas aimer Macron, mais celui-ci ne menace pas fondamentalement ses intérêts.

              Mais si c’est un électeur de « l’ancien PCF »… alors là, c’est très différent. Il y a de toute évidence une « logique naturelle » qui le pousse à voter MLP. La meilleure preuve en est qu’il y a de nombreux anciens électeurs communistes qui aujourd’hui non seulement votent MLP, mais votent MLP dès le premier tour. Est-ce parce qu’ils sont devenus tout à coup racistes, sexistes, homophobes, fascistes ? Pas du tout : ces gens sont parfaitement fidèles à leurs convictions. Relisez les textes du PCF des années 1970, et vous trouverez pas mal de choses – l’immigration zéro, par exemple – qui aujourd’hui apparaissent dans le discours du RN. Souvenez-vous de Paul Mercieca et de l’affaire du bulldozer de Vitry, qui lui avait valu d’être trainé dans la boue par tous les bienpensants…

              En fait, une partie de l’électorat de « l’ancien PCF » a très bien compris qu’il n’avait rien à attendre d’un « parti des classes intermédiaires ». Et comme l’ensemble des partis est dominé par ces couches sociales, sa seule possibilité de peser dans le débat politique, c’est de leur faire peur. Et le seul vote qui fait peur aujourd’hui, c’est MLP.

              [Allons plus loin : pensez-vous que Roussel aurait dû appeler à voter Le Pen ?]

              Encore une très belle question. D’abord, Roussel n’est pas un homme seul qui donne son avis. C’est le secrétaire national d’un parti, qui est tenu par la discipline collective. Il n’a aucun mandat pour appeler à voter MLP, et je ne crois pas que tel que le Parti est aujourd’hui, il y aurait une majorité pour lui donner un tel mandat. Après, dans un monde où le PCF était encore le « parti de la classe ouvrière », alors oui, peut-être que Roussel devrait appeler à voter pour MLP… mais dans ce monde-là il n’aurait pas besoin de le faire : c’est lui qui serait au deuxième tour !

            • Jacobin dit :

              Merci pour vos réponses. Je vous prie d’excuser le ton énergique de mes interpellations, et je comprends votre argument.
              Concernant le PCF, j’ai apprécié la campagne de Roussel précisément parce qu’elle “s’attaquait” à la question du vote de la classe ouvrière ; mais après 15 ans d’absence à la présidentielle (contre 2 (Macron, président en exercice, de fait omniprésent) voire 3 (Le Pen, Mélenchon) candidatures de suite pour les 3 premiers + la présence médiatique quotidienne du 4e, ce qui leur a permis de marteler leurs messages), avec un parti qui paie encore l’effacement des années Hue-Buffet-Laurent (et qui est encore aujourd’hui très divisé), la marche était trop haute. Mais je suis d’accord avec vous que le vote de la classe ouvrière se situe à l’extrême-droite aujourd’hui, et qu’il faut trouver un levier pour lui donner une voie de sortie progressiste, et je crois que FR s’y est attelé.
              Pour autant, faut-il suivre le vote de classe, ou tenter de l’orienter de le polariser sur d’autres questions que celles qui l’aimantent aujourd’hui ? A court terme (entre deux tours), et malgré votre objection, je crois que le PCF a raison d’appeler à faire battre l’extrême-droite ; à long terme, je suis persuadé qu’il aurait raison d’approfondir la “ligne Roussel”, en faisant un gros travail sur la stratégie et le programme, une analyse renouvelée des enjeux du capitalisme actuel et détachée d’un certain catéchisme obligatoirement débité pour plaire à la base du parti, avec un communication adaptée aux moyens contemporains (Lénine dirait-il qu’il faut encore un journal “organe central” ?).
              Cela suppose malgré touit que l’espace démocratique ne soit pas menacé et, quoi que vous en disiez, la candidate d’extrême-droite a réitéré à plusieurs reprise sa volonté de le mettre à son pas. Donc dans deux jours, j’utiliserai le vote Macron pour la faire battre et ensuite… “attendre et espérer” comme le disait le Comte de Monte-Cristo.

            • Descartes dit :

              @ Jacobin

              [Merci pour vos réponses. Je vous prie d’excuser le ton énergique de mes interpellations, et je comprends votre argument.]

              Il n’y a rien à excuser, camarade. Le seul débat qui vaille est le débat « franc et énergique » entre des gens qui se respectent. Et je pense avoir été au moins aussi « énergique » que vous…

              [Mais je suis d’accord avec vous que le vote de la classe ouvrière se situe à l’extrême-droite aujourd’hui, et qu’il faut trouver un levier pour lui donner une voie de sortie progressiste, et je crois que FR s’y est attelé.]

              J’ai voté pour Roussel un peu pour la même raison que vous. Avec les limitations que lui impose un parti qui est largement dominé par les classes intermédiaires, il fait ce qu’il peut pour renouer avec une certaine tradition « ouvriériste ». Mais on se trouve là devant un problème : si le vote de la classe ouvrière aujourd’hui se situe à l’extrême-droite, on ne va pas le séduire en tenant un langage gauchiste ou en appelant au front républicain. En appelant à voter Macron, on ne fait que renforcer la perception des couches populaires qu’il n’y a rien à attendre du PCF, qui après une campagne « populaire » finit toujours par contribuer – comme il le fait depuis un demi-siècle – à maintenir au pouvoir le parti de l’oligarchie, le PS hier, Macron aujourd’hui.

              Comme disait mon maître en militantisme, « il faut partir de ce que les gens ont dans la tête ». Or, les « gens » – du moins ces « gens » des couches populaires que nous voulons reconquérir – n’ont pas du tout dans la tête l’idée que MLP est un danger. Pourquoi se soucieraient-ils qu’elle veuille subvertir des institutions qui, depuis un demi-siècle n’ont produit que des politiques qui leur sont défavorables ? L’expérience leur a montré au contraire que MLP fait peur à l’oligarchie, et en concluent que plus elle sera proche du pouvoir, plus cette peur sera intense et plus l’oligarchie sera prête à faire des concessions. Et d’ailleurs ça marche : avec MLP à 45%, Macron commence à parler de « planification écologique », de réforme des marchés de l’énergie, et à faire risette aux électeurs de Mélenchon sur toute une panoplie de sujets. On ne sait pas si ces promesses se matérialiseront, mais si c’est le cas, ce n’est pas au vote Mélenchon qu’on le devra, mais au vote MLP.

              [Pour autant, faut-il suivre le vote de classe, ou tenter de l’orienter de le polariser sur d’autres questions que celles qui l’aimantent aujourd’hui ? A court terme (entre deux tours), et malgré votre objection, je crois que le PCF a raison d’appeler à faire battre l’extrême-droite ;]

              Vous ne pouvez pas prendre cette élection comme un fait isolé. Cela fait quarante ans qu’à chaque élection le PCF appelle à maintenir au pouvoir le parti de l’oligarchie au prétexte de « battre la droite » et de « faire barrage au FN ». Cette répétition ne peut conduire qu’à douter de la véritable volonté de rupture du PCF. Pourquoi les couches populaires iraient voter un parti qui en quarante ans n’a pas trouvé d’autre stratégie que de servir d’appoint aux gouvernements du « bloc dominant » ? D’autant plus que cet appoint n’a jamais permis de négocier des conquêtes : le PCF est allé au gouvernement avec Jospin en refusant toute privatisation, et finit par les cautionner toutes.

              Tout le monde est d’accord qu’il faut sortir de cette logique infernale… mais jamais aujourd’hui. On laisse toujours pour demain le jour où il faudra appeler à voter autrement. Sans ce rendre compte que plus le temps passe, plus on est en position de faiblesse pour le faire. En refusant de se rallier à Mélenchon, Roussel a fait un pas dans la bonne direction : on sait aujourd’hui que le PCF est capable d’aller contre le courant du vote utile et de dire « non ». Même si je comprends que ce soit politiquement impossible dans l’état ou se trouve le PCF, je regrette qu’on ne puisse pas dire « non » à Macron de la même façon.

              [à long terme, je suis persuadé qu’il aurait raison d’approfondir la “ligne Roussel”, en faisant un gros travail sur la stratégie et le programme, une analyse renouvelée des enjeux du capitalisme actuel et détachée d’un certain catéchisme obligatoirement débité pour plaire à la base du parti, avec un communication adaptée aux moyens contemporains (Lénine dirait-il qu’il faut encore un journal “organe central” ?).]

              Mais encore une fois, le travail sur la stratégie et le programme ne sert à rien s’il n’y a pas le courage d’aller contre le courant, de donner un bon coup de pied aux « vaches sacrées » que quarante années d’alternance entre une « gôche » oligarchique et une droite idem ont installé. On peut travailler la plus belle des stratégies, le plus magnifique des programmes, si le soir du premier tour on donne ses voix à Macron, cela ne servira à rien. On ne reprendra pas le vote ouvrier en expliquant que Macron vaut mieux que MLP, puisque de toute évidence les ouvriers pensent le contraire… et n’ont pas tout à fait tort.

              [Cela suppose malgré tout que l’espace démocratique ne soit pas menacé et, quoi que vous en disiez, la candidate d’extrême-droite a réitéré à plusieurs reprise sa volonté de le mettre à son pas.]

              Moi je ne dis rien, je me contente – depuis un certain temps – de vous demander des éléments SPECIFIQUES ET PRECIS montrant que MLP a l’intention de « menacer l’espace démocratique ». Vous noterez qu’aucune de mes demandes n’a reçu de réponse de votre part. Et franchement, je ne suis pas surpris : cela fait très longtemps qu’on le tient pour « vérité d’évidence ». Et bien, de temps en temps on gagne à remettre en question les « évidences », ne serait-ce que pour vérifier qu’elles sont aussi « évidentes » qu’on le dit.

              [Donc dans deux jours, j’utiliserai le vote Macron pour la faire battre et ensuite… “attendre et espérer” comme le disait le Comte de Monte-Cristo.]

              Les couches populaires sont de moins en moins disposées à « attendre et espérer ». En faisant ce choix, on se coupe encore plus d’elles. Et ce n’est pas fini : j’imagine déjà les contorsions auxquelles donnera lieu « l’union de la gauche » aux législatives…

            • Gugus69 dit :

              Ce pauvre Fabien Roussel appelle déjà à ce qui ressemble diablement à une nouvelle gauche plurielle, avec Mélenchon comme premier ministre !
              On aurait les ruines du PS, le PCF wokisé en grande partie, les écolos ubuesques à la Sandrine Rousseau, et comme force ultra-dominante les “Insoumis” gauchistes, communautaristes et anti-nucléaire…
              Ça va être chouette, non ? ça va être “de gauche” !
              Mais ça va être sans moi…
               

            • Descartes dit :

              @ Gugus69

              [Ce pauvre Fabien Roussel appelle déjà à ce qui ressemble diablement à une nouvelle gauche plurielle, avec Mélenchon comme premier ministre !]

              Eh oui. Ce n’est pas la personne de Roussel qui est en cause, c’est le Parti qu’il a derrière. Le PCF n’est pas une secte, où le gourou dit et tout le monde suit. Roussel est le porte-parole d’une direction collective, et cette direction collective répond à une base militante largement constitué de personnes issues des “classes intermédiaires”. Qui plus est, il lui faut compter avec des “notables” dont le seul souci est de conserver leurs positions électorales. Cette structure explique l’éternel va-et-vient du PCF entre une radicalité affichée avant le premier tour, et les accords opportunistes au deuxième tour.

              Remarquez, je n’ai rien avec les compromis s’ils permettent de garder des forces et d’avoir des élus. A une condition: que le but soit clairement affiché et assumé. Qu’on me dise “on s’est mis d’accord avec LFI parce que cela nous permettra d’avoir un groupe à l’Assemblée”, et je l’accepte sans problèmes. Mais m’expliquer qu’on se met d’accord avec Jadot et Mélenchon pour “battre la droite” ou pour “gouverner à gauche”, c’est insulter mon intelligence.

              On aurait les ruines du PS, le PCF wokisé en grande partie, les écolos ubuesques à la Sandrine Rousseau, et comme force ultra-dominante les “Insoumis” gauchistes, communautaristes et anti-nucléaire…
              Ça va être chouette, non ? ça va être “de gauche” !
              Mais ça va être sans moi…

  24. cherrytree dit :

    @Descartes
    Je n’ai jamais écrit que la bimbo Nabila avait signé la tribune des 500 artistes, mais j’ai écrit “ses followers”, et ça se compte par paquets de 1000: je parlais évidemment de réseau social. Inutile de publier ceci, c’est oiseux. Je remarquais juste jusqu’à quelle profondeur était tombée la réflexion politique pour beaucoup de nos contemporains.😱
     
    Ce qui suit, vous pouvez le publier si vous le jugez bon.
    J’avoue savoir à quel point JL Mélenchon pouvait ne reculer devant rien pour glaner une once de pouvoir, mais ne pas m’être attendue à ce qu’il poussât la chose si loin.
    Supposons, et nous sommes dans le domaine du hautement probable, que le RN ait autant de députés que LFI. Eh bien M le Pen aurait tout autant de “légitimité” à revendiquer la fonction de Premier Ministre? Si j’étais elle, je le ferais, rien que pour voir le résultat dans la rue, et la division plus profonde que jamais de ces braves gens d’électeurs, qui se sentiraient également floues, qu’ils soient partisans de l’une ou de l’autre. Le plus curieux serait de voir Macron Président et donc seul habilité à nommer le Premier Ministre, mué en Salomon, contraint de choisir entre la peste et le choléra, ou pour éviter le désordre, de nommer un Premier Ministre issu de LRM, ce qui aurait pour effet de faire deux fois plus de mécontents, et de mettre à la fois les partisans de LFI et ceux du RN dans la rue à la première occasion.
    Mélenchon (éléphant un jour, éléphant toujours) se croit sans doute très malin, et digne héritier de Mitterrand et donc descendant de Machiavel, et chacun de louer son habileté. Est-ce qu’il est si infatué  de sa personne au point de ne pas voir à quel point sa  proposition, si tant est qu’elle réunisse la condition de sa réalisation, et si tant est qu’elle soit entendue, peut être dangereuse ? 
    De plus, JL Mélenchon, qui le sait parfaitement, semble oublier (et se garde bien de le rappeler) que notre Parlement comprend 2 chambres: le RN a beaucoup d’élus municipaux et départementaux, sans parler des Régions. LFI est, à ce niveau, très faiblement implantée. Imaginons un Sénat LRM, RN, et alliés, qui bloque systématiquement les propositions de l’Assemblée Nationale, et imaginons un Premier Ministre LFI avec son gouvernement de cohabitation, incapable de faire appliquer ses décisions sinon par décret. 
    Les institutions de notre V République, c’est le contraire de la pub pour les piles Machin: elles s’usent quand on ne s’en sert pas, et le brûle de les voir fonctionner.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Supposons, et nous sommes dans le domaine du hautement probable, que le RN ait autant de députés que LFI. Eh bien M le Pen aurait tout autant de “légitimité” à revendiquer la fonction de Premier Ministre?]

      LFI aura peut-être autant d’élus que le RN, mais il est peu probable que ces élus dépassent une vingtaine, une trentaine au plus. Pas de quoi “revendiquer” quelque poste que ce soit, et encore moins celui de Premier ministre. A l’heure ou j’écris, on ne voit pas comment le RN ou LFI pourraient aglomérer une majorité autour d’eux, surtout si Macron gagne l’élection !

  25. Geo dit :

    @Descartes et tous
    Je me permets de relayer la position des royalistes de la  NAR, dont je ne suis pas, mais qui m’intéresse souvent et n’a que peu d’échos.

    Comité directeur de la Nouvelle Action royaliste : Nous voterons blanc


     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Je me permets de relayer la position des royalistes de la NAR]

      Je trouve ce texte surréaliste. L’analyse me paraît assez juste, mais la conclusion est absurde. Si j’ai bien compris, la NAR constate que le projet de Macron est un projet de destruction de l’Etat et de la Nation, et que MLP, quelque soit son projet, verrait son action paralysée faute de majorité parlementaire. Et fort de ces constatations, elle appelle à voter… blanc!

      C’est idiot. Le soir du 24 avril, l’un des deux sera élu. La seule question qui vaille, c’est de savoir quel est le résultat qui nous mettra en meilleure position pour défendre le projet que nous portons. Que pense la NAR à ce sujet ? Pense-t-elle que ses idées avanceront mieux avec un Macron en mesure de continuer la mise en œuvre de son plan de destruction, ou avec une MLP présidant une sorte de cohabitation ? Je ne connais pas bien entendu la réponse, mais quelle qu’elle soit, elle devrait guider le choix électoral. Appeler à voter blanc c’est la solution de facilité, celle qui vous permet de garder les mains propres en vous coupant les mains.

  26. tmn dit :

    On parle un peu de changements institutionnels ces jours-ci, notamment avec la mesure de Marine Le Pen d’introduire de la proportionnelle avec une “prime majoritaire”. Que pensez vous de ce projet ? Je suppose que l’idée derrière est de rendre inefficace le “front républicain” lors des législatives ?
    Le système actuel d’élection des députés me semble favoriser un schéma avec deux grands partis. La présence de trois blocs fait que le premier d’entre eux (en l’occurence LREM et associés en 2017) rafle tout. La logique voudrait qu’on arrive “naturellement” à une forme d’alliances des deux autres blocs (LFI et RN) pour arriver au pouvoir, après tout ils ont un certain nombre de points communs dans leurs programmes. Je comprends bien que cette démarche rencontre des réticences, c’est assez logique après des années de “combat contre l’extrême-droite”, mais là il me semble que ce point n’est tout simplement pas du tout envisagé par LFI, jamais, même par les militants. La “diabolisation” du RN aura vraiment été une clé du maintien au pouvoir des mêmes depuis quarante ans. D’ailleurs même avec des sondages donnant Le Pen à 45 ou 48%, cette diabolisation médiatique est toujours énorme, c’est assez dingue quand on y pense… l’hypothèse que 40% de la population française soit composée de fascistes est quand même assez osée.

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [On parle un peu de changements institutionnels ces jours-ci, notamment avec la mesure de Marine Le Pen d’introduire de la proportionnelle avec une “prime majoritaire”. Que pensez vous de ce projet ?]

      Je l’ai dit plusieurs fois, et je le répète. Je suis CONTRE la proportionnelle. Après, les béquilles du genre « prime majoritaire » qui font que ça a l’apparence de la proportionnelle, le goût de la proportionnelle, mais ce n’est pas de al proportionnelle…

      Pourquoi je suis contre la proportionnelle ? Parce que pour moi, le principe fondamental en démocratie est celui de la responsabilité personnelle des élus. En d’autres termes, il faut qu’on puisse sanctionner l’élu qui ne remplit pas son rôle. Or, la proportionnelle détruit cette idée de responsabilité. Vous ne pouvez plus refuser le vote à un élu, vous ne pouvez refuser votre vote qu’à une liste. Si l’élu a assez de connexions pour se faire mettre en tête de liste, il sera élu que vous le vouliez ou pas. La proportionnelle aurait un sens s’il y avait des partis politiques forts et disciplinés. Dans ce cas, vous ne votez plus pour des personnes, mais pour des programmes. Mais dans ce cas, quel est l’intérêt d’avoir 577 députés ? On pourrait avoir un député par parti politique, dont la voix aurait à l’Assemblée un poids proportionnel au nombre de voix recueillies par sa liste, et affaire réglée.

      J’ajoute que pour moi la question institutionnelle de fond n’est pas celle de l’organisation du pouvoir LEGISLATIF, mais celle du pouvoir EXECUTIF, parce que c’est là que le principe de responsabilité est le plus important, et c’est donc là qu’est le cœur de la démocratie. Curieusement, cette question n’intéresse personne… parce qu’au fond, poser la question de l’exécutif pose une question bien plus intéressante : est-ce que le but du système institutionnel est de REPRESENTER le pays ou de le GOUVERNER ? Autrement dit, vaut-il mieux avoir un système parfaitement représentatif mais ingouvernable, ou un système peut-être moins représentatif mais qui permet une certaine continuité des politiques publiques ? Le système politique de la IVème République représentait bien mieux les citoyens, il était paralysé. Celui de la Vème les représente peut-être moins fidèlement, mais il fonctionne…

      Si vous me demandez ma proposition, ce serait la suivante : je maintiendrais l’élection de l’Assemblée au scrutin majoritaire à deux tours, comme aujourd’hui, mais je créérais la fonction de « tribun du peuple ». Les tribuns seraient élus à la proportionnelle qualifiée : toute liste ayant plus de 2% en aurait au moins un élu, et recevrait un élu supplémentaire par tranche de 10%, ce qui aboutit à élire une trentaine de « tribuns ». Ces « tribuns » ne voteraient pas, mais auraient la possibilité d’assister à toutes les commissions et aux séances, de se faire communiquer des informations par le gouvernement dans les mêmes conditions que les députés, et d’intervenir très largement dans les débats. Autrement dit, leur seul pouvoir serait de chercher à convaincre leurs collègues. Ainsi, toutes les voix seraient entendues dans les débats sans pour autant rendre le pays ingouvernable ou remettre en cause la responsabilité des élus devant leurs électeurs.

      [Je suppose que l’idée derrière est de rendre inefficace le “front républicain” lors des législatives ?]

      Oui, mais cela transposerait le problème à chaque vote dans l’Assemblée…

      [Le système actuel d’élection des députés me semble favoriser un schéma avec deux grands partis.]

      Pourtant, la Vème République a longtemps fonctionné sur un schéma quadripartite (gaullistes, centristes, socialistes, communistes). L’effet du scrutin majoritaire sur les partis est assez difficile à anticiper, et dépend beaucoup du contexte politique. En pratique, le scrutin majoritaire favorise surtout le lien direct entre le député et les électeurs de sa circonscription.

      [La présence de trois blocs fait que le premier d’entre eux (en l’occurence LREM et associés en 2017) rafle tout.]

      Pas du tout. D’abord, en 2017 il n’y avait pas « trois blocs », mais quatre : Mélenchon, Fillon, Le Pen et Macron étaient arrivés dans un mouchoir de poche. Ensuite, il n’y a aucune raison que « le premier d’entre eux rafle tout ». En fait, le scrutin majoritaire n’a pas produit en général des majorités homogènes : pour ne donner que quelques exemples, les législatives de 1974, de 1978, de 1988, de 1997 ont produit des majorités hétérogènes.

      [La logique voudrait qu’on arrive “naturellement” à une forme d’alliances des deux autres blocs (LFI et RN) pour arriver au pouvoir, après tout ils ont un certain nombre de points communs dans leurs programmes.]

      Comme par exemple ?

      Non, je ne pense pas qu’on arrivera à une « forme d’alliance » entre le RN et LFI, et non pas pour des raisons de tradition politique. L’électorat RN et l’électorat LFI ne vient pas des mêmes classes sociales, et n’a pas les mêmes intérêts. Parler « d’alliance » – ou même de convergence dans les votes – impliquerait imaginer des intérêts communs. Quels pourraient être ces intérêts ?

      Si je devais qualifier ces trois blocs, je dirais qu’il y a d’un côté celui qui représente les intérêts de l’oligarchie (Macron), de l’autre celui qui représente les intérêts de la « France périphérique » (Le Pen), et puis celui des gens qui n’aiment pas trop l’oligarchie, mais dont les intérêts les poussent à la maintenir au pouvoir (Mélenchon). De ce point de vue, les choix électoraux de deuxième tour sont parfaitement éclairants : la « gauche » n’aime pas Macron, mais n’entend pas le renverser.

      [La “diabolisation” du RN aura vraiment été une clé du maintien au pouvoir des mêmes depuis quarante ans. D’ailleurs même avec des sondages donnant Le Pen à 45 ou 48%, cette diabolisation médiatique est toujours énorme, c’est assez dingue quand on y pense…]

      Non, c’est parfaitement rationnel. On a toujours diabolisé le parti des gueux. Hier c’était le PCF, aujourd’hui c’est le RN. Je peux vous le dire, j’y étais : reprenez ce qu’on écrivait chez les bienpensants dans les années 1980, remplacez « PCF » par « RN », et vous avez le discours d’aujourd’hui. Pour ne donner qu’une illustration, reprenez les attaques de Macron sur une supposée dépendance de Marine Le Pen envers Poutine du fait de ses financements. Cela ne vous rappelle rien ? Il n’a pas parlé de « l’or de Moscou », mais c’était tout comme. L’identification du parti des gueux au « parti de l’étranger » ne date pas d’aujourd’hui…

      [l’hypothèse que 40% de la population française soit composée de fascistes est quand même assez osée.]

      Elle devrait surtout déranger. Il faudrait se poser la question : comment se fait-il que dans la France de 2022, alors que l’école, les médias, l’ensemble de nos « personnalités de la culture » prêchent depuis des années la diversité, la tolérance et tutti quanti, on se retrouve avec plus de 40% de la population qui vote pour la xénophobie, le racisme et les discriminations ?

      • tmn dit :

        @Descartes
         
        [Non, je ne pense pas qu’on arrivera à une « forme d’alliance » entre le RN et LFI, et non pas pour des raisons de tradition politique. L’électorat RN et l’électorat LFI ne vient pas des mêmes classes sociales, et n’a pas les mêmes intérêts. Parler « d’alliance » – ou même de convergence dans les votes – impliquerait imaginer des intérêts communs. Quels pourraient être ces intérêts ?]
         
        Je ne pense pas non plus qu’on y arrivera, ce que je voulais dire c’est que la logique des forces en présence devrait conduire à au moins imaginer cette hypothèse… mais ça a été rendu inimaginable côté LFI.
         
        Les intérêts communs me semblent être l’inverse de ceux des électeurs de Macron : arrêter la course au libre-échange pour pouvoir refaire quelque chose de collectif au niveau national, et notamment en matière de progrès social. N’est ce pas largement aussi partagé que ce qui a poussé nos amis anglais à voter le Brexit ?
         
        [Si je devais qualifier ces trois blocs, je dirais qu’il y a d’un côté celui qui représente les intérêts de l’oligarchie (Macron), de l’autre celui qui représente les intérêts de la « France périphérique » (Le Pen), et puis celui des gens qui n’aiment pas trop l’oligarchie, mais dont les intérêts les poussent à la maintenir au pouvoir (Mélenchon). De ce point de vue, les choix électoraux de deuxième tour sont parfaitement éclairants : la « gauche » n’aime pas Macron, mais n’entend pas le renverser. ]
         
        Votre description des électeurs de Mélenchon est un peu trop schématique, et d’ailleurs une bonne part d’entre eux n’a pas voté Macron au second tour. Il y a bien aussi dans les électeurs de Mélenchon des gens attachés à la France, soucieux d’envoyer paître l’union européenne… ils ne sont pas seuls évidemment dans cet électorat, et on peut les trouver inconséquents, mais ils existent. Ruffin, malgré son côté gauchiste un peu démago, représente cette “tendance”. Je l’ai entendu ce matin en interview sur france inter déclarer ceci :

         
        “Si on vous disait, Madame Salamé, Monsieur Demorand, on a trouvé des journalistes roumains bien moins chers, et souriants, comment vous vivriez la mondialisation ? Pourquoi le vote Le Pen dans mon coin ? Eh bien parce que les gens subissent ça depuis 40 ans.”
         

        [Non, c’est parfaitement rationnel. On a toujours diabolisé le parti des gueux. Hier c’était le PCF, aujourd’hui c’est le RN. Je peux vous le dire, j’y étais : reprenez ce qu’on écrivait chez les bienpensants dans les années 1980, remplacez « PCF » par « RN », et vous avez le discours d’aujourd’hui. ]
         
        Je suis tombé hier sur une interview de Guilluy dans le Figaro qui dit exactement la même chose que vous sur ce point :

         
        Même si les limites de Marine Le Pen tant sur son programme, sa maîtrise des dossiers que la faiblesse de son entourage sont patentes, il faut insister sur le fait que le théâtre antifasciste qui s’applique aujourd’hui à elle s’appliquerait à n’importe quel candidat venu de la gauche, de la droite, du monde du spectacle ou de nulle part, qui porterait le diagnostic de la majorité
        ordinaire. La question du casting est donc accessoire. Si demain le dalaï-lama se présentait avec un programme souverainiste, il serait lui aussi fascisé, décrit comme la quintessence de l’intolérance, le symbole de l’exclusion de l’autre. La diabolisation ne vise pas donc pas « l’extrême droite », mais le diagnostic des elles-mêmes. Car ce diagnostic, qui exige une remise à plat du modèle, fragiliserait mécaniquement ceux qui en bénéficient aujourd’hui.

         
        Enfin si vous et lui avez raison c’est assez décourageant, en fait on ne voit aucune issue sauf à attendre que plus de personnes encore soient passés dans la catégorie des victimes, et en soient conscientes. Ca peut prendre du temps, et d’ici là Macron et ses avatars auront encore cassé un peu plus de choses…
         
        [Il faudrait se poser la question : comment se fait-il que dans la France de 2022, alors que l’école, les médias, l’ensemble de nos « personnalités de la culture » prêchent depuis des années la diversité, la tolérance et tutti quanti, on se retrouve avec plus de 40% de la population qui vote pour la xénophobie, le racisme et les discriminations ?]
         
        D’une part je pense qu’il y a quand même une partie des “élites” qui ne prêche plus tout cela, mais est contrainte de la fermer du fait du terrorisme intellectuel qui règne. D’autre part je dirais que le libre-échange et la non assimilation d’une partie des immigrés et de leur descendants est avant tout pénalisante pour les classes populaires, pas trop pour les journalistes (on revient à la déclaration de Ruffin suscitée) et les « personnalités de la culture ».
         
        PS pour monsieur le webmaster : j’ai un peu de mal à faire des sauts de ligne dans les commentaires, il semblent disparaître à la publication… Ce serait vraiment super d’avoir la possibilité de prévisualiser avant d’envoyer le commentaire.

        • Descartes dit :

          @ tmn

          [« Non, je ne pense pas qu’on arrivera à une « forme d’alliance » entre le RN et LFI, et non pas pour des raisons de tradition politique. L’électorat RN et l’électorat LFI ne vient pas des mêmes classes sociales, et n’a pas les mêmes intérêts. Parler « d’alliance » – ou même de convergence dans les votes – impliquerait imaginer des intérêts communs. Quels pourraient être ces intérêts ? » Je ne pense pas non plus qu’on y arrivera, ce que je voulais dire c’est que la logique des forces en présence devrait conduire à au moins imaginer cette hypothèse… mais ça a été rendu inimaginable côté LFI.]

          De toute façon, nous vivons sous le poids du passé. Le FN a été transformé en diable de confort du temps de Mitterrand, et la bienpensance n’est prête à renoncer à un croquemitaine aussi commode. Agiter le spectre du fascisme permet, d’élection en élection, de rameuter les voix vers le centre et de disqualifier le choix des couches populaires. Que vouloir de plus ?

          Vous n’avez qu’à voir les réactions dans ce blog lorsque j’ai annoncé mon intention de voter MLP. Et encore, je vous fais l’économie de celles que je ne publie pas. Alors imaginer qu’il pourrait y avoir une « forme d’alliance » entre le RN et LFI…

          [Les intérêts communs me semblent être l’inverse de ceux des électeurs de Macron : arrêter la course au libre-échange pour pouvoir refaire quelque chose de collectif au niveau national, et notamment en matière de progrès social. N’est-ce pas largement aussi partagé que ce qui a poussé nos amis anglais à voter le Brexit ?]

          Non. Je ne pense pas qu’on trouverait une majorité d’Anglais, nation de marchands ne l’oubliez pas, pour « arrêter la course au libre-échange ». Pour les Anglais, la question de la souveraineté – et notamment le contrôle des frontières, de la législation pénale, des normes techniques, de la politique étrangère – était bien plus importante que celle du libre-échange. Le libéralisme économique est aussi consubstantiel à la mentalité britannique que l’étatisme l’est à la mentalité française.

          Après, je vois mal l’intérêt des électeurs de LFI à arrêter « la course au libre-échange ». LFI a eu, dans cette élection, un électorat double. D’un côté, les classes intermédiaires métropolitaines, qui sont celles qui profitent le plus de la mondialisation des échanges. Rien à attendre de ce côté-là. De l’autre, une électorat populaire issu de la périphérie des grandes villes, et qui là encore profite économiquement de l’affaiblissement de l’Etat national et des flux économiques transnationaux. Pourquoi voulez-vous que ces gens-là s’opposent au libre-échange ?

          [« Si je devais qualifier ces trois blocs, je dirais qu’il y a d’un côté celui qui représente les intérêts de l’oligarchie (Macron), de l’autre celui qui représente les intérêts de la « France périphérique » (Le Pen), et puis celui des gens qui n’aiment pas trop l’oligarchie, mais dont les intérêts les poussent à la maintenir au pouvoir (Mélenchon). De ce point de vue, les choix électoraux de deuxième tour sont parfaitement éclairants : la « gauche » n’aime pas Macron, mais n’entend pas le renverser. » Votre description des électeurs de Mélenchon est un peu trop schématique, et d’ailleurs une bonne part d’entre eux n’a pas voté Macron au second tour.]

          Pardon : je n’ai pas écrit que les électeurs LFI « votaient Macron », j’ai écrit « qu’ils n’entendaient pas le renverser ». En votant blanc, nul ou en s’abstenant, ils avaient parfaitement conscience que leur vote permettait à Macron de rester au pouvoir. S’abstenir, c’est voter pour le gagnant, et dans le contexte actuel le gagnant était connu d’avance.

          [Il y a bien aussi dans les électeurs de Mélenchon des gens attachés à la France, soucieux d’envoyer paître l’union européenne… ils ne sont pas seuls évidemment dans cet électorat, et on peut les trouver inconséquents, mais ils existent. Ruffin, malgré son côté gauchiste un peu démago, représente cette “tendance”.]

          Je ne les trouve pas « inconséquents », je les trouve hypocrites. Si on est attaché à la France et qu’on veut envoyer paître l’Union européenne, on ne vote pas pour un dirigeant dont TOUTE la trajectoire et TOUT le discours disent le contraire. Et au deuxième tour, on ne vote pas pour un politique qui met le drapeau européen sous l’Arc de Triomphe et célèbre sa victoire au son de l’hymne européen. Et comme je crois à l’intelligence des gens, je pense qu’il y a là un choix rationnel : on se donne bonne conscience en proclamant son attachement à la France et sa détestation de l’UE, mais à l’heure de voter on suit l’appel du portefeuille.

          [Je l’ai entendu ce matin en interview sur france inter déclarer ceci : “Si on vous disait, Madame Salamé, Monsieur Demorand, on a trouvé des journalistes roumains bien moins chers, et souriants, comment vous vivriez la mondialisation ? Pourquoi le vote Le Pen dans mon coin ? Eh bien parce que les gens subissent ça depuis 40 ans.”]

          Très bien. Mais sachant que ses électeurs « subissent ça depuis 40 ans », pourquoi vote-t-il, lui, la même chose que Madame Salamé et Monsieur Demorand au deuxième tour ? Peut-être parce que lui aussi ne risque pas de voir des cinéastes roumains moins payés prendre sa place ? Au lieu d’expliquer pourquoi les électeurs populaires votent Le Pen, on aimerait qu’il nous explique pourquoi lui, qui se prétend leur défenseur, préfère maintenir au pouvoir le néolibéral fort plutôt que le populiste faible.

          [« Non, c’est parfaitement rationnel. On a toujours diabolisé le parti des gueux. Hier c’était le PCF, aujourd’hui c’est le RN. Je peux vous le dire, j’y étais : reprenez ce qu’on écrivait chez les bienpensants dans les années 1980, remplacez « PCF » par « RN », et vous avez le discours d’aujourd’hui. » Je suis tombé hier sur une interview de Guilluy dans le Figaro qui dit exactement la même chose que vous sur ce point :]

          Les grands esprits se rencontrent… rencontre d’autant plus notable que Guilluy ne vient pas de la tradition communiste, et que contrairement à moi on ne peut donc lui reprocher une quelconque aigreur personnelle par rapport au traitement réservé au PCF dans les années 1970-90. Oui, la « diabolisation » de MLP aujourd’hui comme celle de Marchais hier est une diabolisation de classe. Si MLP était, comme le prétendent certains, au service du grand capital, on comprendrait mal pourquoi les suppôts du capital dépenseraient autant d’effort à le diaboliser. Il n’est pas inutile à ce propos de revenir aux années 1930. A l’époque, l’extrême droite n’était guère « diabolisée » dans les journaux bourgeois, au contraire. Elle n’avait aucune difficulté à se financer auprès des capitalistes comme Renault ou Michelin, et n’était pas obligée d’aller chercher les financements électoraux en Russie. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque, elle était considérée comme un bon rempart contre les méchants communistes et les hordes ouvrières. Le fait qu’aujourd’hui MLP soit diabolisée par les médias bourgeois et ne trouve pas de financeur montre combien l’épouvantail du « fascisme » est aujourd’hui anachronique.

          Guilluy a parfaitement raison : MLP fait peur aux bourgeois parce qu’elle est portée un électorat qui fait peur aux bourgeois. Sa présence brise le consensus du « cercle de la raison ».

          [Enfin si vous et lui avez raison c’est assez décourageant, en fait on ne voit aucune issue sauf à attendre que plus de personnes encore soient passés dans la catégorie des victimes, et en soient conscientes. Ca peut prendre du temps, et d’ici là Macron et ses avatars auront encore cassé un peu plus de choses…]

          Malheureusement, le rapport de force économique est ce qu’il est, et tout le reste en découle. Sans une crise du mode de production, pas de changement radical possible. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse pas faire des petites choses en fonction d’une prise de conscience locale. Mais il faut se résigner a voir la casse continuer, pendant quelques années au moins.

          [D’autre part je dirais que le libre-échange et la non assimilation d’une partie des immigrés et de leur descendants est avant tout pénalisante pour les classes populaires, pas trop pour les journalistes (on revient à la déclaration de Ruffin suscitée) et les « personnalités de la culture ».]

          C’était bien mon point : il faut relativiser le pouvoir des médias. Si les esprits se « lépénisent », ce n’est pas l’œuvre des réseaux sociaux ou des médias dominants, mais le poids des conditions objectives.

          [PS pour monsieur le webmaster : j’ai un peu de mal à faire des sauts de ligne dans les commentaires, il semblent disparaître à la publication… Ce serait vraiment super d’avoir la possibilité de prévisualiser avant d’envoyer le commentaire.]

          Malheureusement, ce n’est pas prévu… mais rassurez-vous, quand la mise en page est bancale, je la corrige un peu à mon niveau.

          • tmn dit :

            @Descartes
             
            [ Le libéralisme économique est aussi consubstantiel à la mentalité britannique que l’étatisme l’est à la mentalité française.]
             
            On s’est mal compris, je voulais dire que ce qui pourrait unir une partie des français me semble tout aussi fédérateur que ce qui a uni les anglais, sans spécialement penser que c’est la même chose qui unit dans les deux pays.
             
            [Après, je vois mal l’intérêt des électeurs de LFI à arrêter « la course au libre-échange ». LFI a eu, dans cette élection, un électorat double. D’un côté, les classes intermédiaires métropolitaines, qui sont celles qui profitent le plus de la mondialisation des échanges. Rien à attendre de ce côté-là. De l’autre, une électorat populaire issu de la périphérie des grandes villes, et qui là encore profite économiquement de l’affaiblissement de l’Etat national et des flux économiques transnationaux. Pourquoi voulez-vous que ces gens-là s’opposent au libre-échange ? ]
             
            Hé bien parce que parmi ces “gagnants de la mondialisation” il y a des gens qui se rendent compte que l’avenir n’est pas si radieux. Par exemple qui, arrivés à 30 ou 40 ans, se rendent compte que ces histoires de niveau scolaire qui baisse, ce n’était pas juste une lubie de vieux de droite. Ou que la sécurité dans leur ville, c’est quand même important. Que les questions climatiques ne sont pas prêtes d’être réglées par le libéralisme à tout crin. Idem sur la laïcité, l’immigration…Etc. Bref des gens qui vivent bien mais sentent que ce sera plus dur demain, y compris pour leurs enfants. Alors certes ils n’en sont pas à voter Le Pen, mais certains se sont abstenus malgré les hurlements antifascistes, c’est déjà un signal non négligeable. Je reconnais qu’il n’y a pas non plus de quoi se vautrer dans l’optimisme, mais ces gens constituent un soutien possible pour des politiques autres, j’en suis convaincu.
             
            [En votant blanc, nul ou en s’abstenant, ils avaient parfaitement conscience que leur vote permettait à Macron de rester au pouvoir. S’abstenir, c’est voter pour le gagnant, et dans le contexte actuel le gagnant était connu d’avance.]
             
            Oui enfin ça c’est valable quand on connaît le gagnant, donc après l’élection. Entre deux tours chaque camp a dit “voter blanc c’est voter Le Pen” ou “voter blanc c’est voter Macron”. Il y avait bien une chance, certes petite, que Le Pen soit élue.
             
            [Très bien. Mais sachant que ses électeurs « subissent ça depuis 40 ans », pourquoi vote-t-il, lui, la même chose que Madame Salamé et Monsieur Demorand au deuxième tour ? Peut-être parce que lui aussi ne risque pas de voir des cinéastes roumains moins payés prendre sa place ? Au lieu d’expliquer pourquoi les électeurs populaires votent Le Pen, on aimerait qu’il nous explique pourquoi lui, qui se prétend leur défenseur, préfère maintenir au pouvoir le néolibéral fort plutôt que le populiste faible.]
             
            Vous l’avez écrit, le vote Le Pen est un pari, il y a une grande part d’inconnu… C’est quand même délicat de reprocher aux autres de ne pas faire le même pari que vous. Au passage Ruffin n’a pas dit qu’il voterait Macron, il est assez probable qu’il ait voté blanc.

            • Descartes dit :

              @ tmn

              [Hé bien parce que parmi ces “gagnants de la mondialisation” il y a des gens qui se rendent compte que l’avenir n’est pas si radieux. Par exemple qui, arrivés à 30 ou 40 ans, se rendent compte que ces histoires de niveau scolaire qui baisse, ce n’était pas juste une lubie de vieux de droite. Ou que la sécurité dans leur ville, c’est quand même important. Que les questions climatiques ne sont pas prêtes d’être réglées par le libéralisme à tout crin. Idem sur la laïcité, l’immigration…Etc.]

              Mais quel est le problème ? Il est moins cher pour le « bloc dominant » de payer de sa poche école et sécurité privée que de payer par ses impôts école et sécurité pour tous. Le niveau scolaire baisse ? Ils enverront leurs enfants à l’école privée. L’insécurité ? Ils vivront dans des quartiers préservés, payeront des gardes privés ou même dans des quartiers fermés, comme aux Etats-Unis. Les questions climatiques ? A long terme, on est tous morts. Et ainsi de suite.

              [Bref des gens qui vivent bien mais sentent que ce sera plus dur demain, y compris pour leurs enfants.]

              Mais qu’est ce qui vous fait penser que ce sera demain plus dur POUR EUX et leurs enfants ? C’est probablement vrai pour ce qu’on appelle les « classes moyennes inférieures », dont la paupérisation se poursuit. Mais pour les classes intermédiaires et la bourgeoisie, on voit mal pourquoi les choses seraient « plus dures demain ». Et surtout, elle seront beaucoup plus dures s’il fallait partager avec les classes populaires…

              [Alors certes ils n’en sont pas à voter Le Pen, mais certains se sont abstenus malgré les hurlements antifascistes, c’est déjà un signal non négligeable.]

              Soyons sérieux : pensez-vous vraiment qu’ils se seraient abstenus si les sondages avaient donné MLP et Macron à 50-50 ? L’abstention, quand le résultat final est connu, n’a guère de signification politique.

              [Je reconnais qu’il n’y a pas non plus de quoi se vautrer dans l’optimisme, mais ces gens constituent un soutien possible pour des politiques autres, j’en suis convaincu.]

              Pour que ces gens soutiennent des « politiques autres », il faudrait qu’ils trouvent leur intérêt. Or, une autre politique ferait des gagnants – les couches populaires – et des perdants – la bourgeoisie et les classes intermédiaires. Maintenant, est-ce que les classes intermédiaires perdraient plus dans l’évolution naturelle du capitalisme – votre « ce sera plus dur demain pour eux et leurs enfants » – que dans une « autre politique » qui les obligerait à partager leur revenu ? That is the question. Aujourd’hui, la réponse n’est pas du tout évidente…

              [« En votant blanc, nul ou en s’abstenant, ils avaient parfaitement conscience que leur vote permettait à Macron de rester au pouvoir. S’abstenir, c’est voter pour le gagnant, et dans le contexte actuel le gagnant était connu d’avance. » Oui enfin ça c’est valable quand on connaît le gagnant, donc après l’élection. Entre deux tours chaque camp a dit “voter blanc c’est voter Le Pen” ou “voter blanc c’est voter Macron”. Il y avait bien une chance, certes petite, que Le Pen soit élue.]

              Soyons sérieux : le soir du 24 avril tout était possible, mais deux ou trois jours avant le deuxième tour, on connaissait le résultat. Mais au-delà de cette connaissance, je persiste et signe : s’abstenir ou voter blanc, c’est voter pour le gagnant. C’est la solution de facilité de laisser les autres choisir pour soi, pour ensuite se dire que tout ce qui se fait n’est pas de votre faute, puisque vous n’avez pas voté pour le gagnant. Personnellement, je compterais le jour de l’élection les abstentions et les votes blanc dans le compte du gagnant. Cela encouragerait peut-être les Français à prendre leurs responsabilités et aller voter.

              [Très bien. Mais sachant que ses électeurs « subissent ça depuis 40 ans », pourquoi vote-t-il, lui, la même chose que Madame Salamé et Monsieur Demorand au deuxième tour ? Peut-être parce que lui aussi ne risque pas de voir des cinéastes roumains moins payés prendre sa place ? Au lieu d’expliquer pourquoi les électeurs populaires votent Le Pen, on aimerait qu’il nous explique pourquoi lui, qui se prétend leur défenseur, préfère maintenir au pouvoir le néolibéral fort plutôt que le populiste faible.]

              [Vous l’avez écrit, le vote Le Pen est un pari, il y a une grande part d’inconnu… C’est quand même délicat de reprocher aux autres de ne pas faire le même pari que vous.]

              Pardon. Je veux bien qu’il soit « délicat » de reprocher au citoyen ordinaire de ne pas faire le même pari que moi. Mais Ruffin n’est pas un citoyen ordinaire, c’est un homme politique. Et quand on met les habits, il faut assumer le rôle. Comme disait un homme politique célèbre, « la révolution n’est pas un diner de gala ». On ne peut se proclamer révolutionnaire, prétendre changer radicalement la société, et ensuite avoir peur des « paris ». Pensez-vous que lorsque les députés des états-généraux signent le serment du Jeu de Paume, ils ne prennent pas un « pari » ? Que lorsque Napoléon organise son 18 Brumaire, il ne prend pas un « pari » ? Que lorsque Lénine fait attaquer le Palais d’Hiver il ne prend pas un pari ?

              Plus proche de nous, je vous propose un petit raisonnement : pensez au rapport de De Gaulle avec les communistes. Pour ce militaire maurassien, éduqué dans un milieu conservateur et dans une armée foncièrement anticommuniste, Thorez et ses amis devaient représenter le diable incarné. Et pourtant, il a fait le « pari » de travailler avec eux, de les laisser entrer dans ses conseils, de les armer même. Un pari infiniment plus dangereux, qui aurait pu mal se terminer pour lui : d’un côté, parce que le PCF était censé être le bras armé de l’URSS stalinienne, et aurait pu organiser un « coup de Prague », de l’autre parce que les Américains, craignant que De Gaulle livre la France à Staline, pouvaient être tentés de l’éliminer. Rétrospectivement, on peut admirer l’audace de l’homme de droite, conservateur et maurassien, qui a osé franchir le Rubicon – et cela malgré une forte opposition de certains membres de son entourage, comme d’Argenlieu ou Cordier. C’est ça un homme d’Etat : dans les mots de Richelieu, « il rend possible ce qui est nécessaire ».

              Si De Gaulle a pu s’allier aux communistes pour buter les allemands hors de France, Ruffin peut bien appeler à voter MLP pour buter Macron hors de l’Elysée. Et s’il ne le fait pas, c’est que finalement la permanence de Macron ne le gêne pas suffisamment.

              [Au passage Ruffin n’a pas dit qu’il voterait Macron, il est assez probable qu’il ait voté blanc.]

              J’ai déjà dit ce que j’en pense.

            • CVT dit :

              @Descartes,

              [C’est la solution de facilité de laisser les autres choisir pour soi, pour ensuite se dire que tout ce qui se fait n’est pas de votre faute, puisque vous n’avez pas voté pour le gagnant. Personnellement, je compterais le jour de l’élection les abstentions et les votes blanc dans le compte du gagnant. Cela encouragerait peut-être les Français à prendre leurs responsabilités et aller voter.]

               
              c’est la raison de ma vindicte contre les votes blancs, nuls et abstention, particulièrement après ce qu’il s’est passé dimanche dernier…
              Votre proposition me paraît très élégante, et remet au goût du jour un proverbe bien français un peu oublié ces derniers temps: “qui ne dit mot, consent”.

            • tmn dit :

              @Descartes
               
               
              [Mais quel est le problème ? Il est moins cher pour le « bloc dominant » de payer de sa poche école et sécurité privée que de payer par ses impôts école et sécurité pour tous. Le niveau scolaire baisse ? Ils enverront leurs enfants à l’école privée. L’insécurité ? Ils vivront dans des quartiers préservés, payeront des gardes privés ou même dans des quartiers fermés, comme aux Etats-Unis. Les questions climatiques ? A long terme, on est tous morts. Et ainsi de suite.
               
              (…)
               
              Pour que ces gens soutiennent des « politiques autres », il faudrait qu’ils trouvent leur intérêt. Or, une autre politique ferait des gagnants – les couches populaires – et des perdants – la bourgeoisie et les classes intermédiaires. Maintenant, est-ce que les classes intermédiaires perdraient plus dans l’évolution naturelle du capitalisme – votre « ce sera plus dur demain pour eux et leurs enfants » – que dans une « autre politique » qui les obligerait à partager leur revenu ? That is the question. Aujourd’hui, la réponse n’est pas du tout évidente…]
               
               
              Et pourtant des gens votent manifestement contre leurs intérêts à court et moyen terme. Il me semble que vous et moi remplissons ces “critères” et devrions en toute logique voter Macron. Qu’est ce qui indique qu’une part de l’électorat de Mélenchon ne se comporte pas de la même façon ?
               
              Avec tout ce que cela comporte de subjectivité, j’ai dans mon entourage des gens qui ont voté Mélenchon puis Macron, et ne sont pas du tout dans une perspective de “chacun pour soi”, sont pour les services publics, etc…
               
               
              [Personnellement, je compterais le jour de l’élection les abstentions et les votes blanc dans le compte du gagnant. Cela encouragerait peut-être les Français à prendre leurs responsabilités et aller voter.]
               
              J’avoue que l’idée est assez élégante.
               
               
              [Pensez-vous que lorsque les députés des états-généraux signent le serment du Jeu de Paume, ils ne prennent pas un « pari » ? Que lorsque Napoléon organise son 18 Brumaire, il ne prend pas un « pari » ? Que lorsque Lénine fait attaquer le Palais d’Hiver il ne prend pas un pari ?
               
              Plus proche de nous, je vous propose un petit raisonnement : pensez au rapport de De Gaulle avec les communistes. (…) ]
               
              L’exemple de De Gaulle est éclairant en effet. La réponse à tout ceci est sans doute qu’une bonne part des français ne sont pas encore assez dans la mouise pour que de tels choix soient admissibles voire profitables politiquement. Si Ruffin avait annoncé qu’il votait Le Pen, il n’aurait été qu’un “rouge-brun” hué et isolé de plus, pas certain que ça aurait servi à grand chose.
               
              D’un côté tant mieux, après tout le pays n’est effectivement sans doute pas dans une situation aussi dramatique qu’en 1788 ou en 1940. D’un autre côté ça a un côté “grenouille dans son eau de plus en plus chaude”.
               
               
               
               

            • Descartes dit :

              @ tmn

              [Et pourtant des gens votent manifestement contre leurs intérêts à court et moyen terme. Il me semble que vous et moi remplissons ces “critères” et devrions en toute logique voter Macron. Qu’est ce qui indique qu’une part de l’électorat de Mélenchon ne se comporte pas de la même façon ?]

              Le principe qui veut que les gens votent conformément à leurs intérêts – ou plutôt à l’idée qu’ils se font de leurs intérêts – est un principe qui vaut au niveau collectif, mais pas au niveau individuel. Vous trouverez toujours des individus qui, pour des raisons diverses, font passer des considérations philosophiques, morales, religieuses ou autres devant leurs intérêts. Mais ces cas individuels restent relativement rares… et tendent d’ailleurs à s’annuler : le vote du milliardaire qui votera communiste pour des raisons éthiques se trouve annulé par celui de l’ouvrier qui votera Macron pour les mêmes raisons…

              [Avec tout ce que cela comporte de subjectivité, j’ai dans mon entourage des gens qui ont voté Mélenchon puis Macron, et ne sont pas du tout dans une perspective de “chacun pour soi”, sont pour les services publics, etc…]

              Vous voulez dire qu’ils sont pour l’augmentation de LEURS impôts, par exemple ? Parce que les services publics, il faut bien que quelqu’un les paye. Moi aussi, j’ai pas mal de gens de mon entourage qui, comme vous dites, ne sont pas MORALEMENT dans une perspective de « chacun pour soi ». Mais qui vous expliquent ensuite qu’ils envoient leurs enfants à l’école privée ou qu’ils payent leurs travaux « au noir » parce que « vous comprenez, ce n’est plus possible ». Autrement dit, leur DISCOURS va contre le « chacun pour soi », mais leurs ACTES contribuent à le faire advenir. Ce qu’on appelait autrefois « avoir le cœur à gauche et le portefeuille à droite ».

              Je ne reproche pas à ces gens leurs actes, après tout, nous vivons dans une société qui est ce qu’elle est, et il est normal que chacun cherche à en tirer le meilleur parti. Ce que je leur reproche, c’est leur hypocrisie. Qu’on me dise « je vote Macron plutôt que Le Pen parce que c’est mon intérêt », cela s’entend. Qu’on me dise « je vote Macron pour barrer la route au fascisme », non.

              [« Plus proche de nous, je vous propose un petit raisonnement : pensez au rapport de De Gaulle avec les communistes. (…) » L’exemple de De Gaulle est éclairant en effet. La réponse à tout ceci est sans doute qu’une bonne part des français ne sont pas encore assez dans la mouise pour que de tels choix soient admissibles voire profitables politiquement. Si Ruffin avait annoncé qu’il votait Le Pen, il n’aurait été qu’un “rouge-brun” hué et isolé de plus, pas certain que ça aurait servi à grand-chose.]

              Plus qu’une question de « mouise », je pense qu’il y a une question d’intérêts. En 1940-45, la bourgeoisie conservatrice et maurrassienne qui était la base du gaullisme et la classe ouvrière et la paysannerie qui était celle des la gauche communiste avaient un intérêt commun : celui de bouter les Allemands hors du territoire, de reconstituer la France « dans son indépendance et sa grandeur », de la pourvoir d’un Etat fort ayant à sa main les outils de la régulation de l’économie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le grand patronat financier – dont les intérêts penchaient plutôt du côté du « nouvel ordre européen » annoncé par Hitler – n’était pas présent.

              L’intelligence politique de De Gaulle et des dirigeants communistes, leur capacité à vaincre leurs prévenances personnelles au nom des priorités politiques, a son importance. Mais si le travail commun était possible, c’est d’abord parce qu’il y avait une convergence d’intérêts. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : les intérêts de classe des électeurs de Ruffin ne sont en rien convergents avec ceux de l’électeur de Le Pen. C’est pour cette raison que l’appel de Ruffin à voter Le Pen plutôt que Macron (ou même à s’abstenir, on a vu ce que cela a donné en 2017) ne peut aboutir qu’à sa marginalisation. Ses propres électeurs ne lui pardonneraient pas, contrairement à ceux de De Gaulle qui ne semblent pas lui avoir tenu rigueur d’avoir fricoté avec les cocos…

              [D’un côté tant mieux, après tout le pays n’est effectivement sans doute pas dans une situation aussi dramatique qu’en 1788 ou en 1940.]

              Je ne sais pas. Je ne crois pas que les contemporains de 1788 ou 1940 aient eu conscience de la gravité de la situation, ces choses ne se voient qu’a posteriori…

            • tmn dit :

              @Descartes

              [Le principe qui veut que les gens votent conformément à leurs intérêts – ou plutôt à l’idée qu’ils se font de leurs intérêts – est un principe qui vaut au niveau collectif, mais pas au niveau individuel. Vous trouverez toujours des individus qui, pour des raisons diverses, font passer des considérations philosophiques, morales, religieuses ou autres devant leurs intérêts. Mais ces cas individuels restent relativement rares… et tendent d’ailleurs à s’annuler]

              Je comprends l’idée, mais comment faire la différence ? Qu’est ce qui vous permet d’affirmer que la majorité des électeurs de Mélenchon votent ainsi ? En effet, si je comprends bien votre raisonnement est le suivant :
              – vous pensez que Mélenchon au pouvoir ne ferait globalement pas autre chose que le PS en son temps, donc voter pour lui ne vaut pas mieux- donc vous en déduisez qu’au niveau collectif les électeurs de JLM sont des “cœur à gauche / portefeuille à droite”
              – il s’ensuit que tout comportement contraire est forcément une exception

              Je ne vois pas en quoi il serait plus valable que celui ci :
              – beaucoup de gens pensent que Mélenchon ferait mieux que le PS, qu’il changerait l’UE en imposant du protectionnisme, plus d’impôts, plus d’égalité, plus de service public…Etc.
              – ces gens sont sincèrement prêts à en supporter les conséquences (plus d’impôts)
              – ces gens constituent une certaine fraction (par exemple 20 à 40%) de l’électorat de Mélenchon, ils se trompent peut-être mais ils existent et si on les convainc de leur erreur, ils peuvent constituer une base pour une autre politique

            • Descartes dit :

              @ tmn

              [Je comprends l’idée, mais comment faire la différence ? Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que la majorité des électeurs de Mélenchon votent ainsi ?]

              Je crois qu’il y a une petite incompréhension. Le principe selon lequel les actions des groupes humains sont collectivement motivés par leurs intérêts n’est pas pour moi une « conclusion », mais un « principe » au sens qu’on donne à ce mot dans les sciences expérimentales, c’est-à-dire, « une affirmation dont la vérité résulte de la logique de ses conséquences ». En effet, quand vous analysez l’histoire, vous pouvez observer que cette hypothèse permet d’expliquer de manière constante les faits passés.

              [En effet, si je comprends bien votre raisonnement est le suivant :
              – vous pensez que Mélenchon au pouvoir ne ferait globalement pas autre chose que le PS en son temps, donc voter pour lui ne vaut pas mieux- donc vous en déduisez qu’au niveau collectif les électeurs de JLM sont des “cœur à gauche / portefeuille à droite”
              – il s’ensuit que tout comportement contraire est forcément une exception]

              C’est plutôt le contraire. Je pars du constat que l’électorat de Mélenchon a essentiellement le portefeuille à droite – c’est-à-dire, que ses intérêts coïncident avec ceux du bloc dominant. Et j’en déduis que Mélenchon, s’il arrivait au pouvoir, ne ferait globalement pas autre chose que le PS précisément parce que faire autre chose impliquerait de rompre avec son électorat de base, chose qu’il ne peut se permettre. Pour le dire autrement, ceux qui votent aujourd’hui Mélenchon sont les mêmes couches sociales qui ont voté Mitterrand I, Mitterrand II, Jospin ou Hollande. Je veux bien qu’on puisse être trompé une ou deux fois… mais quatre fois, cela fait beaucoup. J’en déduis que si cet électorat a voté pendant presque quarante ans social-libéral, ce n’est pas MALGRE les politiques faites par les socialistes au pouvoir, mais A CAUSE d’elles. Autrement dit, que ces politiques correspondaient à ce que cet électorat souhaitait.

              Aujourd’hui, cet électorat vote Mélenchon. Quelle conclusion tirez-vous ? Pensez-vous qu’il veut en 2022 une politique diamétralement différente à celle qu’il voulait en 1981, en 1988, en 1997, en 2012 ? Ou bien pense-t-elle que son vote permettra de continuer sur le même chemin, soit parce que Mélenchon ne sera pas élu – et dans ce cas voter pour lui est une manière élégante de se donner bonne conscience sans en payer le prix – soit parce que s’il est élu, il sera obligé de suivre son électorat ?

              [Je ne vois pas en quoi il serait plus valable que celui ci :
              – beaucoup de gens pensent que Mélenchon ferait mieux que le PS, qu’il changerait l’UE en imposant du protectionnisme, plus d’impôts, plus d’égalité, plus de service public…Etc.]

              Mais expliquez-moi : où étaient ces gens en 1981, en 1988, en 1997, en 2012 ? Pourquoi ne sont-ils pas sortis dans l’arène pour exiger qu’on change l’UE, qu’on fasse du protectionnisme, qu’on augmente les impôts, qu’on cesse de privatiser les services publics ? Ne trouvez-vous pas suspect qu’un groupe social qui donnait il n’y a pas si longtemps son suffrage au premier tour à Hollande le donne aujourd’hui à Mélenchon ? Comment expliqueriez qu’ils aient changé aussi violemment d’avis quant aux politiques qu’ils veulent voir mises en œuvre ?

              Je vais vous proposer ma réponse : ces gens n’ont jamais voulu et ne veulent toujours pas ces choses. Quand la gauche pouvait aller au pouvoir, ils votaient pour la gauche « sociale-libérale » parce qu’ils n’avaient aucune envie de voir leur portefeuille en souffrir. Aujourd’hui que la gauche n’a aucune chance d’accéder au pouvoir, on peut se permettre le luxe de voter Mélenchon pour se donner bonne conscience, après avoir confié son portefeuille à Macron, qui saura le protéger comme il faut.

              [– ces gens sont sincèrement prêts à en supporter les conséquences (plus d’impôts)]

              Mais alors, pourquoi pensez-vous que la gauche évite soigneusement de parler d’une augmentation des impôts ? Ah oui, elle parle d’augmenter les impôts pour les riches. Et on sait ce qu’est un riche : c’est quelqu’un qui gagne beaucoup plus que moi…

              Est-ce que vous voyez un signe pratique, un seul, qui indiquerait que les gens qui votent Mélenchon seraient prêts à supporter les conséquences d’une politique qui tournerait le dos aux logiques libérales, qui renforcerait l’action de l’Etat, qui chercherait plus d’égalité ?

              [– ces gens constituent une certaine fraction (par exemple 20 à 40%) de l’électorat de Mélenchon, ils se trompent peut-être mais ils existent et si on les convainc de leur erreur, ils peuvent constituer une base pour une autre politique]

              Vous avez bien entendu le droit de refuser la thèse selon laquelle c’est l’intérêt qui est le moteur de l’action des groupes humains. Mais une fois que vous l’avez rejeté, vous avez à proposer une alternative. A votre avis, qu’est ce qui fait que ces gens sont prêts à soutenir une politique qui se traduirait par leur propre appauvrissement ?

            • tmn dit :

              @Descartes
               
              [Je crois qu’il y a une petite incompréhension.]
               
              Oui c’est fort possible ! Merci pour vos explications. Je trouve votre raisonnement très convaincant. Je pense que j’ai du mal à raisonner ‘globalement’ comme vous le faites, quand je pense ‘électeur de Mélenchon’ je n’arrive pas à ne pas penser aux gens que je connais.
               
              D’ailleurs est-on obligés de considérer l’électorat de Mélenchon comme un tout homogène ? Mon impression (ce n’est guère plus qu’une impression je l’avoue) ne concerne qu’une partie seulement de l’électorat de Mélenchon. Cet électorat pourrait être composé de gens trop jeunes pour avoir voté pour Mitterrand, de gens dont la situation s’est détériorée au fil du temps, ou encore de gens qui ont pris conscience de la situation.
               
              Ensuite je ne refuse pas du tout la thèse selon laquelle c’est l’intérêt qui est le moteur de l’action des groupes humains. Mais votre explication implique :
               
              1) que tous les électeurs fassent la même déduction que vous (Mélenchon ne ferait pas autre chose que le PS), et qu’ils fassent semblant de l’ignorer, bref qu’ils soient de parfaits hypocrites.
               
              ou
               
              2) que les électeurs croient sincèrement que Mélenchon fera une politique de rupture, et votent en quelque sorte “inconsciemment” conformément à leurs intérêts.
               
              Là encore je n’arrive pas à me ‘détacher’ de l’exemple des personnes que je connais, dont certaines s’intéressent beaucoup à la politique, et que je ne peux imaginer ni comme tous hypocrites, ni comme petits atomes inconscients au sein d’un ensemble obéissant aveuglément à quelque chose qu’il ne comprennent pas vraiment.

            • Descartes dit :

              @ tmn

              [Je pense que j’ai du mal à raisonner ‘globalement’ comme vous le faites, quand je pense ‘électeur de Mélenchon’ je n’arrive pas à ne pas penser aux gens que je connais.]

              C’est naturel. Mais il faut se méfier : on a une certaine tendance à échanger avec les gens qui nous ressemblent…

              [D’ailleurs est-on obligés de considérer l’électorat de Mélenchon comme un tout homogène ?]

              Non, bien sûr que non. Mélenchon rassemble plusieurs électorats : un électorat des classes intermédiaires, mais aussi un électorat « populaire » banlieusard qui n’ont pas tout à fait les mêmes intérêts ni les mêmes comportements politiques. Aux premiers, Mélenchon propose de se donner bonne conscience tout en préservant leur portefeuille, dans une logique très « tout changer pour que rien ne change ». Aux seconds, il propose une confirmation du discours « victimiste » et communautariste.

              [Ensuite je ne refuse pas du tout la thèse selon laquelle c’est l’intérêt qui est le moteur de l’action des groupes humains. Mais votre explication implique : 1) que tous les électeurs fassent la même déduction que vous (Mélenchon ne ferait pas autre chose que le PS), et qu’ils fassent semblant de l’ignorer, bref qu’ils soient de parfaits hypocrites.]

              La plupart des gens croit VRAIMENT à ce qu’elle dit. Mais on croit ce qu’on veut croire, y compris lorsque la croyance est en contradiction flagrante avec la réalité. Combien de gens je connais qui, après avoir développé une brillante défense de l’école publique et des enseignants, expliquent qu’eux-mêmes envoient leur enfant à l’école privée parce que, vous comprenez, « ce n’est plus possible » ? Combien s’insurgent contre les programmes de la droite de réduire les impôts, mais payent leur plombier au noir ?

              Comme disait je ne sais plus quel auteur, « le docteur lui avait expliqué qu’avant de se suicider en s’injectant de la morphine, il fallait désinfecter l’aiguille pour éviter une éventuelle septicémie. Nous savons tous qu’il faut mourir un jour, mais le savoir est une chose, et le croire, une autre ». Les gens qui votent pour Mélenchon CROIENT certainement qu’il va changer les choses… mais SAVENT qu’il ne le fera pas. Ce n’est pas de l’hypocrisie, c’est bien plus compliqué que ça.

              [2) que les électeurs croient sincèrement que Mélenchon fera une politique de rupture, et votent en quelque sorte “inconsciemment” conformément à leurs intérêts.]

              Ce n’est pas tout à fait « inconscient ». Une classe génère une idéologie qui correspond à ses intérêts. Ce processus est collectif, et échappe souvent à la conscience des individus. Le bourgeois est sincèrement convaincu que sans lui, ses ouvriers n’auraient pas de travail et mourraient de faim, et que par conséquent il est non pas leur exploiteur, mais leur bienfaiteur. Les bourgeois cyniques, qui assument consciemment l’exploitation, sont relativement rares.

              [Là encore je n’arrive pas à me ‘détacher’ de l’exemple des personnes que je connais, dont certaines s’intéressent beaucoup à la politique, et que je ne peux imaginer ni comme tous hypocrites, ni comme petits atomes inconscients au sein d’un ensemble obéissant aveuglément à quelque chose qu’ils ne comprennent pas vraiment.]

              Je ne dirais pas « qu’ils ne comprennent pas vraiment ». Nous voyons tous le réel à travers d’un prisme idéologique. Et il est très difficile – voire impossible – de se détacher de l’idéologie dans laquelle on a été éduqué, et dans laquelle on trempe quotidiennement. Cela nécessite un travail considérable de remise en cause – de doute cartésien, si l’on veut – appliquée à des valeurs ou des principes qui nous paraissent parfaitement évidents.

  27. Patriote Albert dit :

    Bonjour Descartes,
    J’aimerais vous suivre quand vous dites qu’un élu est obligé de prendre en compte la composition sociologique de son électorat, mais en 1981, les chiffres donnent environ 70% des ouvriers qui ont voté pour François Mitterrand au second tour, et pourtant, celui-ci a mené une politique contraire aux intérêts de ce groupe. Toutefois, je voterai aussi pour MLP, en partie parce que je suis convaincu qu’elle sera moins nocive au pays que Macron qui a un projet absolument destructeur (en témoigne la suppression du corps diplomatique il y a quelques jours), en partie parce qu’il faut que l’histoire avance et que l’élection de MLP ouvrirait des perspectives politiques plus intéressantes, et en partie parce que les leçons de morale et l’hystérie anti-lepéniste m’insupportent au plus haut point. On a notamment vu une présidente d’université envoyer un mail aux étudiants pour leur demander de voter Macron! Du délire…
     
    Je discute beaucoup avec mon entourage sur ce second tour, et il est impressionnant de constater à quel point les gens n’ont aucun argument sérieux à opposer à ce vote MLP. C’est soit une variation sur le thème “c’est pas possible” sans justification, soit un délire à base de fascisme, atteinte à la démocratie, aux libertés, Poutine, etc. C’est pourquoi, si je souscris au fait qu’il y a bien un vote de classe aujourd’hui en France, de nombreuses personnes semblent bien empêchés de voter MLP pour des raisons de conditionnement psychologique. Vous allez me parler d’idéologie, mais je parle de personnes qui travaillent dans une fonction publique que Macron va dépecer par exemple, et qui auraient tout intérêt à voter Le Pen.
     
    Je profite enfin de ce message pour partager une analyse de Christophe Guilluy sur le vote Mélenchon, parue dans Marianne, et que je trouve tout à fait pertinente. Les commentateurs ont analyse de manière assez paresseuse l’émergence de trois blocs électoraux autour de Mélenchon, Le Pen, et Macron. Mais je pense que le vote Mélenchon est en réalité extrêmement friable, non seulement car il tient sur la personnalité de son leader, mais aussi parce que sociologiquement il amalgame des catégories très différentes:
    “Christophe Guilluy : Il faut analyser l’électorat mélenchoniste pour comprendre. Il est à peu près le même aujourd’hui qu’il y a cinq ans, en réalité. Ses deux assises sont les classes moyennes urbaines et les classes populaires issues des minorités. C’est un vote d’attachement à la gauche, et de volonté que cette dernière survive. Le vote du réflexe, en somme, de la gauche qui ne veut pas mourir. Mais il faut voir que Mélenchon a fait un tel score en siphonnant absolument tout ce qu’il y avait à siphonner chez les autres partis de gauche. Ces 21 %, ce sont bien la gauche, mais la gauche « toute mouillée ». Il y a eu une surmobilisation en sa faveur des professions intermédiaires, des fonctionnaires des grandes métropoles et de la petite bourgeoisie métropolitaine, certes. Mais je pense donc que c’est un chant du cygne. Car il s’agit d’une construction fragile, un alliage sociologique très complexe à tenir dans le temps, tant il repose sur la force de Mélenchon, et sur sa personnalité. Je crois qu’après lui, tout cela va voler en éclats. Car Mélenchon, malgré son hold-up sur l’électorat de gauche, se retrouve dans un corner à tenter de ressusciter la gauche, au moment où droite et gauche sont des notions dépassées.”
    Donc le “bloc contre bloc” reste plus que jamais d’actualité!

    • Descartes dit :

      @ Patriote Albert

      [J’aimerais vous suivre quand vous dites qu’un élu est obligé de prendre en compte la composition sociologique de son électorat, mais en 1981, les chiffres donnent environ 70% des ouvriers qui ont voté pour François Mitterrand au second tour, et pourtant, celui-ci a mené une politique contraire aux intérêts de ce groupe.]

      Pourtant, c’est le meilleur exemple qui soit pour illustrer ma théorie. Oui, en 1981 les ouvriers ont voté massivement pour François Mitterrand AU DEUXIEME TOUR. Mais ce ne sont pas les ouvriers qui lui ont permis d’y arriver, à ce deuxième tour. L’électorat qui a permis à Mitterrand de devenir hégémonique à gauche, c’est surtout celui des « classes intermédiaires ». C’est donc cet électorat qui était son électorat « naturel », celui qui lui importait à tout prix de conserver, et celui qui influençait la politique du président élu en priorité.

      [Toutefois, je voterai aussi pour MLP, en partie parce que je suis convaincu qu’elle sera moins nocive au pays que Macron qui a un projet absolument destructeur (en témoigne la suppression du corps diplomatique il y a quelques jours), en partie parce qu’il faut que l’histoire avance et que l’élection de MLP ouvrirait des perspectives politiques plus intéressantes, et en partie parce que les leçons de morale et l’hystérie anti-lepéniste m’insupportent au plus haut point. On a notamment vu une présidente d’université envoyer un mail aux étudiants pour leur demander de voter Macron! Du délire…]

      Pourquoi « délire » ? Au risque de me répéter : les règles démocratiques ne sont respectées qu’aussi longtemps que les couches dominantes sont assurées de leur pouvoir. Dès lors qu’elles commencent à avoir peur, elles sont mises gentiment de côté. Qu’un président d’université sorte du devoir de réserve que lui impose la loi et l’éthique universitaire montre à quel point les classes intermédiaires ont peur aujourd’hui.

      [C’est pourquoi, si je souscris au fait qu’il y a bien un vote de classe aujourd’hui en France, de nombreuses personnes semblent bien empêchés de voter MLP pour des raisons de conditionnement psychologique. Vous allez me parler d’idéologie, mais je parle de personnes qui travaillent dans une fonction publique que Macron va dépecer par exemple, et qui auraient tout intérêt à voter Le Pen.]

      Il y a bien entendu une idéologie dominante. Mais il y a aussi un intérêt de classe. Ce n’est pas parce qu’on travaille dans la fonction publique qu’on a intérêt à préserver la fonction publique. Beaucoup de hauts fonctionnaires, par exemple, pensent que la fin de la fonction publique « napoléonienne » à grille fixe leur donnera une possibilité accrue de négocier leurs salaires et de les aligner sur ceux du privé. La fin du recrutement par concours, c’est aussi pour cette classe l’assurance de pouvoir placer ses enfants à travers les « réseaux » dont ils disposent…

      [Je profite enfin de ce message pour partager une analyse de Christophe Guilluy (…)]

      Je trouve son analyse très pertinente. Macron et MLP ont des électorats dont la base sociologique est solide. Mélenchon, c’est un peu le regroupement de ceux qui, dans la lutte des classes, refusent de choisir et s’imaginent qu’il y aurait une « troisième voie » européiste et libérale ma non troppo. Je suis d’accord avec Gilluy sur le rôle personnel de Mélenchon. Ceux qui lisent suivent ce blog connaissent ma position : Mélenchon est un piètre stratège, mais un tacticien hors pair. C’est son talent dans le choix de ses thèmes – et de ses silences – qui lui a permis de maintenir ensemble un électorat hétéroclite et déboussolé. Mais le numéro d’équilibriste a une fin, ne serait-ce que parce que Mélenchon est mortel et qu’il est irremplaçable.

  28. Geo dit :

    @Descartes
    Et le seul vote qui fait peur aujourd’hui, c’est MLP.”
    En somme, le vote MLP serait la nouvelle façon de “parler en russe” au patronat ?
    Mais si le vote rouge a pu faire peur dans le passé, c’est qu’il y avait à l’est l’URSS. (On pourrait même considérer que l’obstination dans l’illusion de prolos occidentaux avait pour seule fonction de maintenir debout l’épouvantail.) 
    Il ne me semble pas que les situations soient comparables. Ou voulez -vous dire tout-autre chose ?

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [En somme, le vote MLP serait la nouvelle façon de “parler en russe” au patronat ?]

      Oui. D’ailleurs, si vous avez écouté le débat Macron/Le Pen de mercredi dernier, vous aurez noté que les attaques sur la soi-disant dépendance du RN vis-à-vis de Poutine avaient un petit parfum de déjà-vu. Certes, Macron n’a pas parlé de « l’or de Moscou » ou du « parti de l’étranger », mais l’idée y était.

      [Mais si le vote rouge a pu faire peur dans le passé, c’est qu’il y avait à l’est l’URSS. (On pourrait même considérer que l’obstination dans l’illusion de prolos occidentaux avait pour seule fonction de maintenir debout l’épouvantail.)]

      Je ne crois pas que la bourgeoisie française ait jamais eu vraiment peur des chars soviétiques. Elle avait bien plus peur des ouvriers français. En fait, je renverserai les termes de votre raisonnement : si le bloc dominant a tant insisté sur la corde de l’antisoviétisme, c’est parce qu’elle craignait l’effet mobilisateur sur la classe ouvrière française de l’exemple soviétique.

      [Il ne me semble pas que les situations soient comparables. Ou voulez -vous dire tout-autre chose ?]

      Je pense que le bloc dominant a peur de MLP pour les mêmes raisons qu’il avait peur hier du PCF. C’est la vieille peur du « parti des gueux ». Et on lui adresse d’ailleurs exactement les mêmes reproches : on met en doute son patriotisme, on le suspecte de ne pas respecter les « valeurs éternelles » de notre société, de vouloir porter atteinte aux « institutions démocratiques », de semer la division et vouloir la guerre civile… vous savez, le vieux militant communiste que je suis retrouve exactement dans le discours anti-RN d’ajourd’hui les accents du discours anti-PCF d’hier.

  29. cherrytree dit :

    @ Descartes
    Pardonnez-moi pour ce léger travers, qui veut que j’accorde beaucoup d’importance aux mots.
    J’ai l’habitude des campagnes électorales, ayant moi-même donne de mon temps et de ma peine pour des élections départementales et municipales, ou pour le PCF rien n’était gagne. Je prenais grand soin de ce que je disais, y compris pendant les interminables séances de port-à -porte, présentant un programme mais en insistant sur les avantages que pouvait représenter ce choix pour les électeurs.
    Je suis atterrée d’entendre “Élisez-moi”. Cet impératif est insupportable, car d’abord c’est un ordre, et l’électeur est libre, n’est-ce pas ? Moi je disais”Si vous nous choisissez”, ou “Si vous choisissez notre programme”. 
    Ensuite, “Élisez+moi Premier Ministre”. C’est prendre les électeurs pour des imbéciles, le Premier Ministre n’étant pas élu mais désigné par le Président de la République.
    Soit, JL Mélenchon n’est pas un sot, mais même la, il ne peut empêcher son égo de prendre le dessus, et de faire”le buzz”(quelle laide expression) à trois jours d’un scrutin déterminant.
    “La République c’est moi”, clamait-i’, et ce lui fut reproché, car après tout, ne d’insurgeait-il pas contre la”monarchie républicaine”, appelant de ses voeux une VI ème République, et un changement de constitution ? 
    Mais il ne s’est trouvé personne pour rappeler cela, ni le fameux””Qu’ils s’en aillent tous”, alors que lui-même s’incruste. Dans Élisez-moi, je retiens le MOI. Je suis dégoûtée de voir le PCF, pour lequel pourtant F.Roussel avait représente un espoir de regain, se faire embarquer de cette façon pour les législatives.
    Je ne supporte plus d’avaler ce genre de couleuvres et je vais rendre ma carte. Communiste, on peut l’être dans son cœur et dans ses actes. Mais ma voix, plus jamais le PCF ne l’aura. Et le parti des abstentionnistes compte désormais un membre de plus, car là, c’est une insulte à la citoyenneté que cette daube infâme.
     
     

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Je suis atterrée d’entendre “Élisez-moi”. Cet impératif est insupportable, car d’abord c’est un ordre, et l’électeur est libre, n’est-ce pas ? Moi je disais ”Si vous nous choisissez”, ou “Si vous choisissez notre programme”.]

      Je vous trouve un peu sévère. En Français, l’impératif peut s’entendre comme un ordre ou comme une supplique : le mendiant qui dans la rue vous interpelle d’un « aidez-moi » n’est pas en train de vous commander, mais de vous supplier. Il est vrai qu’en général on qualifie l’impératif de supplication par une formule telle que « s’il vous plait » ou « pour l’amour de Dieu »… Mais franchement, quand on voit ce que les candidats ont fait de notre belle langue tout au long de cette campagne électorale, l’usage de l’impératif que vous évoquez n’est qu’un péché véniel…

      [Ensuite, “Élisez+moi Premier Ministre”. C’est prendre les électeurs pour des imbéciles, le Premier Ministre n’étant pas élu mais désigné par le Président de la République. Soit, JL Mélenchon n’est pas un sot, mais même la, il ne peut empêcher son égo de prendre le dessus, et de faire”le buzz”(quelle laide expression) à trois jours d’un scrutin déterminant.]

      Je pense plutôt qu’il cherche à « présidentialiser » à fond les élections législatives, que le scrutin de circonscription rend difficile pour LFI. En effet, le principal atout – j’aurais tendance à dire « le seul » – de LFI, c’est le charisme de son leader. Lorsqu’il s’agit d’aligner non plus une personnalité charismatique mais 577, LFI est en difficulté. On l’a bien vu en 2017 : entre la présidentielle et les législatives, LFI perd la moitié de ses électeurs. En déclarant qu’en votant pour le candidat LFI de sa circonscription on vote pour « Mélenchon premier ministre », il fait des législatives une « présidentielle-bis ». Et je ne crois pas me tromper en disant que les affiches des candidats LFI montreront la bobine du candidat… avec celle de Mélenchon.

      [“La République c’est moi”, clamait-i’, et ce lui fut reproché, car après tout, ne d’insurgeait-il pas contre la ”monarchie républicaine”, appelant de ses vœux une VI ème République, et un changement de constitution ?]

      Oui, comme son maître es-politique Mitterrand, dans son ouvrage « le coup d’état permanent ». On sait ce qu’il advint une fois installé à l’Elysée.

      [Je suis dégoûtée de voir le PCF, pour lequel pourtant F.Roussel avait représenté un espoir de regain, se faire embarquer de cette façon pour les législatives.]

      Ce sont les dures réalités de la politique. Sans accords, pas d’élus. Ce que je reprocherais au PCF c’est moins de passer ce type d’accord que de les présenter comme autre chose que des accords purement tactiques.

      [Je ne supporte plus d’avaler ce genre de couleuvres et je vais rendre ma carte. Communiste, on peut l’être dans son cœur et dans ses actes. Mais ma voix, plus jamais le PCF ne l’aura.]

      Ne dites jamais fontaine je ne boirai pas de ton eau… et souvenez-vous du mot de mongénéral : « on ne fait de la politique qu’avec des réalités ».

  30. Bruno dit :

    Vous n’êtes pas seul !

    Voter Marine Le Pen : l’appel d’un communiste


    Lecture intéressante mais différente de la vôtre. Je pense que le communiste se fourvoie quand il met les Mélenchonistes dans le même sac que les Lepénistes! 

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Lecture intéressante mais différente de la vôtre. Je pense que le communiste se fourvoie quand il met les Mélenchonistes dans le même sac que les Lepénistes!]

      En fait la lecture n’est pas si différente que ça. Lui comme moi voyons dans le choix Macron/Le Pen un vote de classe. La différence entre lui et moi est qu’il utilise dans son raisonnement la catégorie “populisme”, catégorie floue qui pour moi n’apporte que de la confusion au raisonnement. C’est à partir de cette catégorie qu’il met dans le même sac mélenchonistes et lépénistes, comme si le fait d’utiliser les mêmes techniques de communication révélait une convergence politique.

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Ne faut il pas regretter que tout concourre à islamiser notre pays ?]

      Ce qu’il faut regretter, c’est surtout que le débat soit posé en ces termes. Si l’on comprend bien, Michalak n’est sensible à cette question que parce qu’il a une sœur voilée. Si au lieu de se convertir à l’Islam – car c’est bien une conversion, les parents de Michalak étant d’origine polonaise et italienne et catholiques – la sœur s’était faite bonne sœur, Michalak n’aurait rien à dire sur la question.

      Jacques Dutronc était un prophète quand il chantait “et moi et moi et moi”. On dirait que notre société est incapable de prendre position autrement qu’à partir de son ressenti personnel. C’est triste…

  31. Geo dit :

    @Descartes
    [Qu’un président d’université sorte du devoir de réserve que lui impose la loi et l’éthique universitaire montre à quel point les classes intermédiaires ont peur aujourd’hui.]
    Je crois que ce comportement montre surtout qu’un président d’université aujourd’hui a une sorte d'”obligation de militantisme” qui lui est imposée par le politiquement correct comme elle est imposée aux étudiants de son université. Être anti-Le Pen satisfait à peu de frais à cette obligation d’engagement, le vote Le Pen étant très probablement ultra-minoritaire dans l’université. Engagés comme tout le monde, c’est les “Mutins de Panurge”, selon la célèbre formule de Philippe Muray.
    LePenistes ou pas, les dissidents ne sont pas audibles à la fac dans ce contexte. Pourquoi se priver? Et que vient faire la peur des classes intermédiaires là où suffit bien la peur des étudiants qu’on est supposé encadrer, ou la complaisance envers leurs jeux.
     

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Je crois que ce comportement montre surtout qu’un président d’université aujourd’hui a une sorte d’”obligation de militantisme” qui lui est imposée par le politiquement correct comme elle est imposée aux étudiants de son université. Être anti-Le Pen satisfait à peu de frais à cette obligation d’engagement, le vote Le Pen étant très probablement ultra-minoritaire dans l’université.]

      C’est une interprétation possible. Difficile de démêler ce qui, chez les autorités universitaires, appartient au domaine de la conviction personnelle et ce qui tient au payement d’un « impôt révolutionnaire » idéologique qui permet de se mettre à couvert préventivement de toute accusation de complaisance avec les affreux ou de se donner une réputation de « bon citoyen ».

      [Engagés comme tout le monde, c’est les “Mutins de Panurge”, selon la célèbre formule de Philippe Muray.]

      Je ne connaissais pas l’expression, mais je la trouve excellente !

      • CVT dit :

        @Descartes,

        [Engagés comme tout le monde, c’est les “Mutins de Panurge”, selon la célèbre formule de Philippe Muray]

        Le plus drôle, c’est que le regretté Murray avaient averti que ces mêmes “Mutins de Panurge” se transforment aussi en “Matons de Panurge” dès qu’ils sont contrariés :)…

  32. cherrytree dit :

    @Descartes
    cher Descartes, 
    Pensez-vous que j’ignore l’impératif comme supplique ? Je réunis l’extraordinaire, d’être communiste et chrétienne pratiquante. Je dis Chrétienne car je suis oecumétiste. Et j’ai parfois parlé en l’Église lors de funérailles de camarades qui pensaient comme moi (La Rose et le Réséda, eh oui). Quand les camarades ne rentraient pas dans l’église, dommage, quand je citais les Béatitudes, je disais le beau mot de Communisme, et jamais dans une église on n’en avait entendu tant.
     
    Quant à dire que je ne boirais d’aucune fontaine que j’aie reniée, je tiens à le dire. Je suis allée chercher des voix, et j’ai été élue à 25 voix près comme conseillère départementale supplémentaire. C’est dire si j’ai investi de ma personne. J’étais également candidate communiste, et élue, sur une liste d’union avec le PS, à Carmaux, première ville socialiste de France. Quand j’ai soupçonné une magouille, j’ai immédiatement démissionné, laissant ma place d’elue communiste au profit du suivant sur la liste…un socialiste. J’ai affronte les reproches et tout ce que l’on voudra, mais cher @Descartes, ne me dites pas que”fontaine je ne boirai pas de ton eau’.
    Ma décision de ne jamais plus donner ma voix au PCF est forte, et irrévocable. Merci de ne pas me prendre pour une girouette, ma décision me trouve le cœur, mais je sais ce que décider veut dire. J’aime votre ironie, mais il y a des fois que le sarcasme est hors de propos.
    Ne publiez pas si ces propos vous dérangent.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Pensez-vous que j’ignore l’impératif comme supplique ?]

      Je ne pense rien, je lis ce que vous écrivez. Et de toute évidence vous avez pris la formule utilisée par le candidat comme un impératif simple, sans penser que ce pouvait être une supplique…

      [Ma décision de ne jamais plus donner ma voix au PCF est forte, et irrévocable.]

      Souvenez-vous de la belle formule d’Aragon : « je rends ma carte du Parti tous les soirs, je la reprends tous les matins »…

      [Merci de ne pas me prendre pour une girouette, ma décision me trouve le cœur, mais je sais ce que décider veut dire. J’aime votre ironie, mais il y a des fois que le sarcasme est hors de propos.]

      Il n’y avait rien de « sarcastique » dans mon propos. Simplement un appel à relativiser un peu les choses, à ne pas se laisser emporter par la colère jusqu’à prendre des décisions qu’on regrettera plus tard…

      [Ne publiez pas si ces propos vous dérangent.]

      Pourquoi devraient-ils me déranger ?

  33. cherrytree dit :

    @Descartes
    Et merci pour raccrocher ce post au précédent.
    Je n’ignore point que l’impératif est aussi le mode de la supplique. “L’on Dieu pardonne nous”. En tant que chrétienne, je me vois mal ordonner quoi que ce soit à mon Dieu. 
    Mais, “Élisez-moi”, c’est un impératif auquel il convient d’ajoindre le contexte. Vous avez vu Mélenchon supplier en public, vous ? Car la c’est un appel public. 
    Après, ses léchages de bottes variables et successives, hein, dans son privé il supplie qui il veut, pour avoir ou conserver ce qu’il veut.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Je n’ignore point que l’impératif est aussi le mode de la supplique. “L’on Dieu pardonne nous”. En tant que chrétienne, je me vois mal ordonner quoi que ce soit à mon Dieu. Mais, “Élisez-moi”, c’est un impératif auquel il convient d’ajoindre le contexte.]

      Je ne vois pas la différence. Si vous vous voyez mal ordonner quoi que ce soit à votre Dieu, pourquoi imaginez-vous qu’un candidat pourrait donner des ordres à son Souverain, le peuple ?

      [Vous avez vu Mélenchon supplier en public, vous ? Car la c’est un appel public.]

      Et alors ? La prière publique serait-elle un “impératif” donné à Dieu ?

  34. cherrytree dit :

    Nulle victoire sinon de voir une France cruellement coupée en deux.
    On va bien rigoler lors des législatives.
    Et je n’en demords pas, plus jamais la voix pour un parti communiste qui est à vendre pour faire gagner le Capital.
    Aux législatives ? Ben RN, rien que pour dégager de mon département, le 3ème de la France métropolitaine en terme de pauvreté,  les Papy cassoulet du socialisme, et la droite qui fait office de charognards. 
    Comme dans Germinal: on fout tout en l’air, et après on discute. 
    Je pense sincèrement que le Peuple va s’en charger d’ici peu.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Nulle victoire sinon de voir une France cruellement coupée en deux. On va bien rigoler lors des législatives.]

      Je ne vois aucune perspective de « rigoler ». A gauche comme à droite, on verra les « notables » et autres « barons » qui le peuvent aller à la soupe. A gauche LFI jouera son jeu habituel de ne rien négocier et d’exiger de ses « alliés » un ralliement sans conditions. Ce ne sera pas aussi grossier que la « charte » de 2017, mais le fond sera pareil. Comme c’est parti, la gauche aura tout compris une cinquantaine de députés, l’extrême droite avec beaucoup de chance une vingtaine. Ce n’est pas là que les choses se joueront.

  35. @Descartes
    “Je ne connais pas le Cercle Aristote. J’ai un peu regardé leur site, ils ont l’air d’inviter des gens intéressants. Je suis curieux de savoir où vous avez vu une recommandation pour mon blog…”
    Je me suis permis de vous faire un peu de publicité sur le serveur discord du Cercle 😉 => https://discord.gg/MKzhTfPT
    Et je vous recommande leur chaîne Youtube ; je suis les conférences depuis 2016 et c’est presque aussi enrichissant que votre blog 😉

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Je me suis permis de vous faire un peu de publicité sur le serveur discord du Cercle]

      Merci beaucoup! je n’ai pas réussi à me connecter au lien fourni – il me demande un mot de passe – mais je vous fais confiance.

  36. cherrytree dit :

    J’ai épluché ce matin les résultats du vote dans plusieurs villes que je connais bien, pour y avoir vécu.
    La première, Toulouse. Faible score pour le RN. Pourquoi ? D’abord parce que c’est une ville prospère, avec un tissu industriel important, des services, des emplois. Dans les”quartiers”, comme on dit, style le Mirail, qui n’a rien à envier aux Minguettes, on a choisi de suivre LFI, et cela s’est ressenti au 2ème tour. Parce que là aussi, il y a des services : médecins, transports, services sociaux… Si l’on s’éloigne de cette métropole régionale et de ses banlieues coquettes, on tombe sur ce que l’on appelle “le désert Midi-Pyrénéen”. Y vivre coûte moins cher, mais peu de structures, peu de facilité de transport, peu ou plus de structures de santé… Et dans ces endroits où la criminalité est faible, où la population immigrée est plus que discrètement représentée, ou le cadre de vie est paisible, eh bien on vote RN, et de plus en plus au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la zone urbaine.
    Même constat dans l’Aveyron. Rodez et Villefranche de Rouergue votent massivement Macron. Fait-on quelques km, on se retrouve dans le Ségala, zone rurale s’il s’en fut. Peu d’écoles, regroupements scolaires qui épuisent les jeunes élèhves à cause des heures de ramassage scolaire, pas de clinique, d’hôpital, de maternité à moins d’une heure de route, un réseau routier parfois problématique, peu de transport en commun. Les maisons, ravissantes, ne coûtent pas cher, et les citadins et autres Anglais qui ont les moyens ne s’y sont pas trompés. C’est fou le nombre de résidences secondaires ou de gîtes coquets. Pas de délinquance, pas de population immigrée… Mais on vote RN dès que l’on s’éloigne de la ville .
    Le cas le plus dramatique est celui de l’ancien bassin minier de Decazeville, longtemps bastion rouge. Ex zone industrielle implantée au beau milieu de la ruralité, à part le thermalisme de la petite ville de Cransac, peu d’emplois. Et fermeture des établissements hospitaliers, remplacés par des maisons de santé. Plus de maternité. Il n’y a jamais autant eu de naissances dans les véhicules de pompiers. Eh bien ce bastion rouge vote RN.
    Le Tarn: Albi et Castres votent Macron. À 20 km d’Albi, à Carmaux, fief de Jaurès, ancien site minier en pleine zone rurale, on vote désormais RN sans complexe.. Il n’y a plus de service d’urgences depuis 5 ans, des classes ferment chaque année, il n’y a pratiquement plus de médecins et les deux qui restent sont débordés, les rendez-vous sont 2 semaines à l’avance minimum. et la gare est menacée, le réseau est dans un état de vétusté incroyable, et les retards de trains, pour ceux qui travaillent à Toulouse, sont ingérables.Des rues entières de commerces fermés, de maisons à vendre qui ne trouvent pas d’acquéreur. Là aussi, dans ce bastion socialiste, y compris dans les petits villages des alentours , on vote désormais RN.
    À présent j’habite dans l’Aude. Aucune industrie à part le tourisme, une situation de monoculture viticole. Narbonne et Carcassonne font de la résistance, mais des que l’on quitte le littoral (et je ne parle pas d’une cambrousse, juste de petites villes à 10km à l’intérieur des terres), le vote RN est impressionnant. Et pourtant c’était le”Midi Rouge”.
    Mêmes causes, mêmes effets. Plus que le chômage, et en dehors de toute xénophobie ou de toute délinquance qui générerait un sentiment d’insécurité, c’est l’oubli (le mépris ?) total d’une bonne partie du territoire qui explique le vote RN majoritaire . Lorsque Macron déclare que personne ne sera laissé sur le bord du chemin, il fait référence à quoi? À des aides sociales ? À des pansements sur une jambe de bois ? Et encore, il est à la suite de nombreux gouvernements de tous bords qui sont responsables de cette situation. 
    S’il a réellement un projet, il est temps alors qu’il réalise à quel point le chantier est énorme. On s’en fiche royalement de la 5 G, de la fibre, et de tous les câbles de la création, dans les zones rurales ou friches industrielles. D’ailleurs, les aînés, peu familiers avec le traitement en ligne de leurs dossiers, préféreraient de loin avoir par exemple une Trésorerie publique pas trop loin. Idem pour les écoles, et qu’on ne vienne pas parler des avantages des classes à plusieurs niveaux, c’est le plus souvent un bazar intégral. Idem pour les cabinets médicaux qui obligent  à faire une heure de route. Sans parler des dentistes, qui n’acceptent plus de nouveaux patients (vérifié Idem pour l: j’ai téléphoné à 18 cabinets avant d’en trouver un qui m’accepte…). Idem pour les transports :petites gares supprimées, un autocar à 12h et le retour à 17h, on se croirait revenus avant-guerre. La voiture, cela coûte cher désormais. Les gens qui vivent là ne sont pas riches, et n’ont certainement pas les moyens d’aller vivre ailleurs. Ils ont, et à juste titre, le sentiment d’être laissés pour compte, et comme dans ces endroits reculés on ne manifeste pas ou fort peu, ils protestent avec les moyens qu’ils peuvent.
    Il n’y a qu’un moyen pour faire en sorte que le pays ne bascule pas vraiment dans les extrêmes dans quelque temps, ou que la France à 2 vitesses soit définitivement installée. C’est un projet ambitieux,  qui doit commencer immédiatement, et qui présenterait l’avantage d’être générateur d’emploi, ça s’appelle service public.
    Sans cela, les listes de bonnes intentions et d’aides ponctuelles seront impuissantes à limiter la colère dans les urnes, et à assurer quelque cohésion sociale que ce soit.

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [La première, Toulouse. Faible score pour le RN. Pourquoi ? D’abord parce que c’est une ville prospère, avec un tissu industriel important, des services, des emplois.]

      Oui, et surtout la présence d’un secteur industriel dynamique avec des perspectives et des projets. C’est pour moi l’exemple le plus clair de la capacité de l’industrie à « tirer » derrière elle l’ensemble du tissu social. Là où l’activité productive est dynamique, l’éducation, la santé, le tissu social suivent. C’est comme toujours la production qui reste la bataille clé.

      [Si l’on s’éloigne de cette métropole régionale et de ses banlieues coquettes, on tombe sur ce que l’on appelle “le désert Midi-Pyrénéen”. Y vivre coûte moins cher, mais peu de structures, peu de facilité de transport, peu ou plus de structures de santé… Et dans ces endroits où la criminalité est faible, où la population immigrée est plus que discrètement représentée, ou le cadre de vie est paisible, eh bien on vote RN, et de plus en plus au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la zone urbaine.]

      Là encore, votre constatation rejoint celle de Gilluy : le vote RN n’est pas – sauf peut-être dans le sud-est – alimenté par la criminalité ou l’immigration, mais par le sentiment – qui repose sur une réalité – d’abandon. La France s’est faite grâce à ce réseau d’administrations et de services qui permettait à l’Etat d’être présent dans chaque village : l’école, la sous-préfecture, la gendarmerie, la SNCF, La Poste, EDF… Elle se défait au fur et à mesure que ce réseau dépérit à force de privatisations et sous prétexte d’économies budgétaires.

      Je me souviens d’une passionnante discussion que j’avais eu avec un copain haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Il m’expliquait comment la suppression des sous-préfectures et de la fusion de communes allait augmenter l’efficacité et réduire les coûts. Je lui avais demandé s’il ne pensait pas qu’il faudrait peut-être interroger les gens pour savoir si au fond ils n’étaient pas prêts à payer un petit peu plus pour avoir leur mairie à côté de chez eux et leur sous-préfecture à une distance raisonnable, plutôt que de devoir se rendre au loin pour faire leurs démarches. Après tout, si les gens sont prêts à payer pour avoir LEUR mairie, ils ont le droit de l’avoir, non ? Je dois dire que mon copain a eu beaucoup de mal à répondre. Pour lui, il était évident que l’efficacité était un but en soi.

      [Mêmes causes, mêmes effets. Plus que le chômage, et en dehors de toute xénophobie ou de toute délinquance qui générerait un sentiment d’insécurité, c’est l’oubli (le mépris ?) total d’une bonne partie du territoire qui explique le vote RN majoritaire.]

      Pas seulement. Autrefois, ce sentiment d’abandon aurait alimenté le vote pour le PCF. Il a fallu tout de même vingt ans de néo-maccarthysme pour rendre le PCF marginal et surtout pour pousser ses dirigeants à chercher leur salut dans la transformation du PCF en parti des classes intermédiaires. La nature ayant horreur du vide, le vote des laissés pour compte qui autrefois aurait été communiste a trouvé un exutoire dans le vote RN, et dialectiquement le RN a repris des drapeaux que le PCF avait abandonné…

      [Lorsque Macron déclare que personne ne sera laissé sur le bord du chemin, il fait référence à quoi?]

      A rien. C’est une figure imposée, un peu comme « je serai le président de tous les français », déclaration qu’on fait – le ridicule ne tue plus – après avoir fait jouer l’hymne européen…

  37. Bruno dit :

    Bonsoir Descartes. Petites questions en passant : MLP est-elle selon vous d’extrême droite ? Si oui, en quoi ? Si non, en quoi est-elle différente de JMLP ? Enfin, comment définissez vous l’extrême droite, hier et aujourd’hui, notamment en France ? Dans quelle mesure la notion a-t-elle évolué ? Merci pour vos réponses. A l’heure où on entend tout et n’importe quoi il me paraît essentiel de bien poser les bases en définissant rigoureusement les termes du problème. Ce matin encore les collègues tapaient sur les 42% de fachos du pays… Ciel ! 

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Bonsoir Descartes. Petites questions en passant : MLP est-elle selon vous d’extrême droite ?]

      Franchement, je trouve que c’est une question qui n’a pas de sens. Parler « d’extrême droite » ou « d’extrême gauche » implique définir une gradation dans les idées de gauche ou de droite, qui permette de distinguer entre deux énoncés celui qui est « plus à gauche » ou « plus à droite » que l’autre.

      Déjà qu’il est difficile de donner aux mots de « gauche » ou de « droite » un contenu politique aujourd’hui… Le fédéralisme régionaliste, est-il « de gauche » ou « de droite » ? La souveraineté, est-ce une idée « de gauche » ou « de droite » ? Et quand on est jacobin, on est « plus à gauche » ou « plus à droite » que lorsqu’on est girondin ? Le jacobin Guaino est-il « plus à gauche » ou « plus à droite » que le girondin Hollande ? Les anti-nucléaire ou anti-science, sont-ils « plus à gauche » ou « plus à droite » que les pro-nucléaires et les pro-science ? Roussel est-il plus « à gauche » ou « plus à droite » que J.L. Mélenchon ?

      Il n’y a pas aujourd’hui un corpus idéologique clairement défini qui permette de classer les politiques sur une échelle « gauche-droite », comme cela a pu être le cas jusqu’aux années 1970. Sur certains points, MLP reprend des idées qu’on retrouve chez Marchais ou De Gaulle, sur d’autres on retrouve les idées cléricales ou directement réactionnaires. Et elle n’est pas la seule : prenez les programmes des différents candidats, et vous verrez qu’ils sont eux aussi très éclectiques. Aujourd’hui, les étiquettes « gauche », « droite », « extrême ceci ou cela » ne sont que des moyens pour réduire la complexité du réel à un affrontement manichéen.

      [Si non, en quoi est-elle différente de JMLP ?]

      Il y a quand même une très grosse différence avec JMLP. Le FN de JMLP était d’abord construit sur tous les ressentiments de la droite des vaincus de l’histoire (les pétainistes nostalgiques de la Révolution Nationale, les rapatriés d’Algérie, les catholiques traditionnalistes défaits à Vatican II, les petits patrons, commerçants et artisans balayés par l’industrialisation et la consommation de masse). Le RN de Marine Le Pen est construit sur le ressentiment des laissés pour compte de la mondialisation néolibérale. Or, si c’est le ressentiment qui domine dans les deux cas, les intérêts des uns et des autres ne sont pas du tout les mêmes.

      [Enfin, comment définissez vous l’extrême droite, hier et aujourd’hui, notamment en France ?]

      Comme je vous l’ai expliqué plus haut, je ne la définis pas, et je pense que c’est une catégorie au mieux inutile, au plus trompeuse. On n’a pas besoin de savoir que MLP est « d’extrême droite » pour la combattre… ou pour voter pour elle.

      [Dans quelle mesure la notion a-t-elle évolué ?]

      La notion d’extrême droite – comme d’extrême gauche, d’ailleurs – n’a de sens que s’il existe un corpus idéologique de ce qu’est « la gauche » ou « la droite ». A partir de là, on peut classer les gens en fonction de leur plus ou moins grande adhésion à ce corpus. Ainsi, par exemple, du temps où la gauche était contre la dictature du capital et la régulation par le marché, une position plus ou moins radicale sur ces questions permettait de classer les politiques plus ou moins « à gauche ». Mais dès lors que ce corpus n’existe plus – vous auriez du mal à me donner aujourd’hui une catégorie qui soit caractéristique de la droite ou de la gauche, le classement sur une échelle est impossible.

      [Ce matin encore les collègues tapaient sur les 42% de fachos du pays… Ciel !]

      Mais vous voyez bien que personne, au fond, n’y croit. Pensez-vous vraiment que s’il y avait dans ce pays 42% des citoyens qui sont pour la fin des libertés constitutionnelles, les « ratonnades », le prison pour les homosexuels et le bastonnage des militants de gauche on pourrait se permettre le luxe, une fois l’élection passée, de plier les panneaux électoraux et continuer à gouverner le pays comme si de rien n’était ?

      • CVT dit :

        @Bruno et Descartes

        [Bonsoir Descartes. Petites questions en passant : MLP est-elle selon vous d’extrême droite ? Si oui, en quoi ? Si non, en quoi est-elle différente de JMLP ? Enfin, comment définissez vous l’extrême droite, hier et aujourd’hui, notamment en France ? Dans quelle mesure la notion a-t-elle évolué ? ]

        A vrai dire, si je me fie à la définition de l’historien Réné Rémond, l’extrême-droite incarne historiquement la droite légitimiste, habituellement décrite comme réactionnaire, rétrograde, anti-1789, anti-républicaine, voire anti-nationale et toujours prompte à faire appel à des puissances extérieures pour faire prévaloir ses intérêts sur le sol national. Je songe par exemple aux “Espagnols”, c’est à dire aux catholiques radicaux anti-calvinistes durant les guerres de Religion, ou encore aux Emigrés sous la Révolution. Cette droite a eu plusieurs avatars dans notre histoire, la dernière étant l’Etat Français, à savoir le régime de Vichy, rendu possible uniquement par l’occupant allemand.
        Maintenant, j’ai aussi de plus en plus tendance à penser que le nouvel avatar de cet extrême-droite se trouve aujourd’hui…à l’extrême-gauche, voire à GAUCHE!!! Parce que oui, tant Mélenchon que la NPA ou encore…EELV (oui, je parle bien des Verts Pastèques) frayent par tactique ou par conviction avec les idéologies les plus rétrogrades, notamment l’islamo-gauchisme, qui allie gauchisme et islam dans sa version djihadiste ou frériste, ou encore jouent avec les peurs millénaires comme le très contestable concept d’urgence climatique, ou le refus du nucléaire de toute discussion rationnel. D’ailleurs, tous ces partis sont foncièrement ANTI-FRANCAIS, puisqu’ils millitent pour une immigration sans borne, et réfusent sciemment toute idée d’assimilation, rendant impossible toute vie sociale pacifiée.
        En ce comportant comme des forces supplétives d’occupation, l’extrême-gauche, voire la gauche dans son intégralité, ressemble pour moi de plus en plus à l’extrême-droite de jadis…
         

        [Merci pour vos réponses. A l’heure où on entend tout et n’importe quoi il me paraît essentiel de bien poser les bases en définissant rigoureusement les termes du problème. Ce matin encore les collègues tapaient sur les 42% de fachos du pays… Ciel !]

        Macronléon a toujours représenté l’anti-France par excellence, car qui parle d’Europe veut la mort de France. Il représente d’union des “centres” historiques français, à savoir la gauche girondine et la droite orléaniste, qui jamais été aussi puissance depuis la si peu regrettée IVe république. C’est l’incivique pur, donc par construction anti-national et anti-républicain. 58% des électeurs ont tranquillement confirmé le vote de 2017 approuvant la dilution de l’état-nation France.
        Ce sont surtout 58% d’inciviques, d’incultes, de Narcisse (copyright Christopher Lasch) et d’égoïstes qui crachent leur mépris de la France et surtout leur mépris de classe envers les 42%. Mépris de classe se manifestant surtout par leur absence totale de solidarité envers leurs compatriotes les plus nécessiteux. Il est en effet beaucoup plus facile pour les profiteurs du système, que ces gens-là, comme disait Brel, soient vus comme des salauds pour garder bonne conscience alors qu’on ne fera strictement rien pour les aider.
        Et parler d’extrême-droite quand on parle de solidarité nationale, c’est surtout un procédé dégueulasse: parce que comme le taulier du blog le signalait, le programme de Miss Le Pen ressemblait furieusement à celui du PCF de Georges Marchais, qui était aussi mal traité dans les médias à l’époque fin des années 70 que pouvaient l’être les Le Pen à partir du milieu des années 80.
         
        Pour ma part, je n’ai jamais eu aussi honte d’être Français, parce que les 58% d’électeurs du P’tit Cron, auxquels il faut ajouter aux abstentionnistes criminels et aux déserteurs votant blanc, viennent de délivrer le coup de grâce au pays. Je veux bien croire qu’il y ait eu des heures bien plus sombres, mais bizarrement, c’est justement parce que le pays meurt d’indifférence que cette fois-ci, je pense que cette fois, les carottes sont cuites…

        • Descartes dit :

          @ CVT

          [Maintenant, j’ai aussi de plus en plus tendance à penser que le nouvel avatar de cet extrême-droite se trouve aujourd’hui…à l’extrême-gauche, voire à GAUCHE!!! Parce que oui, tant Mélenchon que la NPA ou encore…EELV (oui, je parle bien des Verts Pastèques) frayent par tactique ou par conviction avec les idéologies les plus rétrogrades, notamment l’islamo-gauchisme, qui allie gauchisme et islam dans sa version djihadiste ou frériste, ou encore jouent avec les peurs millénaires comme le très contestable concept d’urgence climatique, ou le refus du nucléaire de toute discussion rationnelle.]

          Je pense que, comme d’habitude, vous exagérez un peu. Mais la question que vous posez est un peu celle que j’avais abordé dans ma réponse. Parler « d’extrême droite » implique de pouvoir définir un corpus idéologique « de droite », qui permettrait de classer les politiques « de droite » en fonction de leur adhésion plus ou moins radicale à ce corpus. Le problème, c’est que ce corpus n’existe plus. Hier, la « droite » se caractérisait par une vision libérale en matière économique et conservatrice en matière sociale, traditionnaliste, privilégiant l’ordre au changement, la croyance à la science. La gauche, au contraire, c’était l’Etat-providence, la science et le progrès, la régulation plutôt que le marché. Mais à partir de 1970, tout cela vole en éclats. La « gauche » devient anti-scientifique et anti-progrès alors que la droite je jure que par la modernisation, la droite néolibérale devient « révolutionnaire » alors que la gauche devient conservatrice… Dans ces conditions, difficile de se retrouver déjà dans la coupure gauche/droite, et encore plus difficile de classer entre « plus à droite » et « moins à droite ». MLP devenue étatiste est-elle « plus » ou « moins » à droite que le libéral Macron ?

          [Pour ma part, je n’ai jamais eu aussi honte d’être Français, parce que les 58% d’électeurs du P’tit Cron, auxquels il faut ajouter aux abstentionnistes criminels et aux déserteurs votant blanc, viennent de délivrer le coup de grâce au pays.]

          Vous me rappelez les propos de Hubert Germain, compagnon de la Libération décédé récemment, lorsqu’il racontait la campagne de Provence. Il racontait comment, après le débarquement, il a traversé avec son peloton de parachutistes un petit village dont le maire avait prétendu leur faire payer l’eau de la fontaine, comment le peloton était passé à côté d’une terrasse ou des hommes étaient attablés devant un verre de rosé et qui n’ont daigné remarquer leur passage. Et il concluait : « je suis fier de m’être battu pour la France, pas pour les Français ». Les hommes sont rarement à la hauteur de leur pays…

        • Erwan dit :

          @CVT
           
          [Pour ma part, je n’ai jamais eu aussi honte d’être Français, parce que les 58% d’électeurs du P’tit Cron, auxquels il faut ajouter aux abstentionnistes criminels et aux déserteurs votant blanc, viennent de délivrer le coup de grâce au pays.]
           
          On peut le voir autrement : 42% des électeurs Français ont osé voter pour Le Pen, malgré tout le matraquage diabolisant à son encontre. C’est déjà énorme ! Elle obtenu plus de 2 millions de voix de plus en comparaison de 2017, alors qu’elle a abandonné la ligne souverainiste !
           
          Ce qui me dérange plus, c’est que ce soit cette candidate de ce parti qui représente aujourd’hui (plutôt mal à mon sens) l’intérêt de la classe populaire.

          • Descartes dit :

            @ Erwan

            [On peut le voir autrement : 42% des électeurs Français ont osé voter pour Le Pen, malgré tout le matraquage diabolisant à son encontre. C’est déjà énorme ! Elle obtenu plus de 2 millions de voix de plus en comparaison de 2017, alors qu’elle a abandonné la ligne souverainiste !]

            Plus que la ligne, elle en a abandonné le discours. J’y vois plus un choix de communication destiné à « lisser » son image qu’autre chose. Mais je pense que vous avez raison, et les commentateurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompé lorsqu’ils parlent cette fois-ci de « défaite honorable ». On verra comment cela se traduira au niveau des élections législatives…

            [Ce qui me dérange plus, c’est que ce soit cette candidate de ce parti qui représente aujourd’hui (plutôt mal à mon sens) l’intérêt de la classe populaire.]

            Oui, tout à fait. Je préférerais infiniment voir le PCF sur une ligne « marchaisienne » faire 42%. Avec un tel résultat, le « bloc dominant » aurait VRAIMENT peur. Mais ne rêvons pas. Le PCF « à l’ancienne » était le produit d’un rapport de forces économique qui ne cantonnait pas les couches populaires dans un rôle de spectateur impuissant, et qui permettait donc une alliance entre un secteur des classes intermédiaires pensantes et les couches populaires. Aujourd’hui, cette possibilité n’existe pas. Les classes intermédiaires se sont autonomisées et ne s’occupent que de leurs problèmes. Les dirigeants du RN l’ont bien compris, et ont exploité un créneau laissé vacant par d’autres.

  38. Luc dit :

    jE NE PARTAGE PAS LE PESSIMISME DE CERTAINS.
    L’excellente campagne,se jouant des outrances démentielles de Z,son bon score ,basé sur un programme proche des rvendications populaires de Marine LePen est un bon signe pour l’avenir.
    C’est la confirmation que les couches populaires font encore partie du jeu politique en 2022,en France.
    Elles n’ont pas laissé la place aux intellectuels délirants et égo centrés , n’est ce pas une bonne nouvelle ?
     

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [C’est la confirmation que les couches populaires font encore partie du jeu politique en 2022, en France. Elles n’ont pas laissé la place aux intellectuels délirants et égo centrés, n’est ce pas une bonne nouvelle ?]

      Beh… pas vraiment. Le bon score de MLP ne risque pas de se traduire par une inflexion de la politique du gouvernement. Pourquoi Macron irait-il modifier ses fondamentaux, puisqu’il sait que les “mutins de Panurge” iront sagement déposer un bulletin à son nom – ou à celui des candidats qu’il aura investi pour les législatives – dans l’urne au prétexte de “faire barrage à l’extrême droite” ? Ne vous faites pas d’illusion: plus l’abstention sera forte, plus les triangulaires sont difficiles. Dans beaucoup de circonscriptions, on verra au deuxième tour LREM et RN s’affronter… et vous verrez que la gauche, comme d’habitude, votera “comme il faut”.

  39. cherrytree dit :

    @Descartes
    Permettez-moi d’ajouter à mon post précédent.
    Pour l’ancien bassin minier de Decazeville, bastion rouge d’il s’en fut.
    La presse accusé la fermeture de la SAM comme cause principale du vote RN. C’est absolument idiot.
    D’abord la SAM est plus que symbolique. Proportionnellement au bassin d’emploi, ça ne représente rien ou si peu. Et qu’un ministre se déplace en temps d’élection, ben il faudrait que les gens, aguerris aux grosses luttes (d’accord, c’est 1961) arrêtent d’être naïfs.
    On ne va quand même pas accuser la fermeture de la SAM de tous les maux de la terre sur le bassin decazevillois. La fermeture de la maternité, c’est pas eux. Les fermetures de classes, c’est pas eux.
    Et pour autant que j’en sache, haie d’honneur et tout pour les anciens salariés, ils ont des conditions plutôt avantageuses, sauf à considérer que l’emploi est du de père en fils.
    Alors mettre sur la fermeture d’une entreprise le vote RN d’un ancien bastion rouge, c’est de l’escroquerie.
    C’est une communiste, (qui vient de rendre sa carte) et femme de mineur qui vous le dit.
     

  40. Claustaire dit :

    Finalement, après toutes vos analyses, spéculations, réflexions et raisonnements, vous en restez au bon vieux “vox populi vox dei” : quand on a le peuple derrière soi (ou devant, si on le suit pour en rester le chef), non seulement on ne peut pas être mauvais (ni aller dans le mauvais sens) mais même si on l’était on aurait raison de l’être, car un peuple jamais ne se trompe. Ein Volk, eine Cheffe, et Gott mit uns, damned !

    • Descartes dit :

      @ Claustaire

      [Finalement, après toutes vos analyses, spéculations, réflexions et raisonnements, vous en restez au bon vieux “vox populi vox dei” : quand on a le peuple derrière soi (ou devant, si on le suit pour en rester le chef), non seulement on ne peut pas être mauvais (ni aller dans le mauvais sens) mais même si on l’était on aurait raison de l’être, car un peuple jamais ne se trompe.]

      Non. Si je raisonnais comme ça, je me ferais partisan de Macron. Parce que, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, c’est lui que le peuple français a élu pour être son président. J’ajoute que j’ai écrit explicitement – et pas qu’une fois – que pour moi « le peuple N’A PAS TOUJOURS RAISON ». Il m’arrive d’ailleurs très souvent de penser qu’il se trompe, par exemple quand il élit un Macron, un Hollande, un Mitterrand… Par contre, je reconnais dans le peuple le souverain : qu’il ait donc raison ou qu’il se trompe, sa parole est loi.

      J’aimerais bien comprendre pourquoi, au lieu de me lire, vous tenez absolument à plaquer sur moi des raisonnements qui ne sont pas les miens. Peut-être parce que cela vous permet d’écarter mes écrits d’un revers de main, au lieu de vous soumettre au travail ingrat de répondre sur le fond ?

      [Ein Volk, eine Cheffe, et Gott mit uns, damned !]

      Comme quoi, le point Goodwin n’est jamais très loin…

  41. claustaire dit :

    On pourra dire aussi que comme des millions d’électeurs communistes qui, avant vous et sans se perdre en ratiocinations diverses (ou good win), l’auront fait depuis des décennies en faisant monter le FN, il ne vous aura pas été si difficile de passer du populisme rouge au populisme brun.
     
    Vous lisant depuis longtemps, je n’aurais pourtant jamais (sauf par quelque méchante et évidente Schadenfreude) osé parier sur un tel parcours de votre part à vous, l’intellectuel universaliste… Pourtant votre europhobie était un criant avertisseur.
     
    PS : par définition, notre inconscient nous étant inconscient, je vous lis peut-être mieux que vous ne vous lisez vous-même…

    • Descartes dit :

      @ claustaire

      [On pourra dire aussi que comme des millions d’électeurs communistes qui, avant vous et sans se perdre en ratiocinations diverses (ou good win), l’auront fait depuis des décennies en faisant monter le FN, il ne vous aura pas été si difficile de passer du populisme rouge au populisme brun.]

      Oh, vous savez, le coup du rouge-brun, c’était à la mode dans les dernières années du XXème siècle. Souvenez-vous par exemple de la dénonciation hystérique de Didier Daeninckx à l’encontre de l’écrivain Gilles Perrault, qui lui avait valu de se couvrir de ridicule. Mais cela a largement passé de mode. Si je suis à vos yeux un « rouge-brun », je suis en bonne compagnie…

      Maintenant, sur le fond. Vous pouvez penser ce que vous voulez des « millions d’électeurs communistes » qui, avec ou sans ratiocinations, « auront fait monter le FN ». Vous pouvez les maudire, leur cracher dessus, les expulser de l’espèce humaine. Seulement voilà, si vous voulez construire une alternative à l’oligarchie, vous allez avoir besoin de leur soutien. Et je ne suis pas persuadé que les traiter de suppôts du « populisme brun » soit la meilleure façon d’y parvenir.

      On ne fait de la politique, selon la formule consacrée, qu’en partant de ce que les gens ont dans la tête. Si la gauche avait plus cherché à comprendre les questionnements, les aspirations, les angoisses de l’électorat populaire plutôt que de fulminer des anathèmes ou de traiter ces électeurs comme des imbéciles qui « se trompent de colère », on n’en serait pas là.

      [Vous lisant depuis longtemps, je n’aurais pourtant jamais (sauf par quelque méchante et évidente Schadenfreude) osé parier sur un tel parcours de votre part à vous, l’intellectuel universaliste… Pourtant votre europhobie était un criant avertisseur.]

      Il est vrai que dans tous ceux qui s’opposent à l’Europe de Maastricht il y a un fasciste caché, n’est-ce pas ?

      Je trouve cette remarque fort révélatrice de votre pensée profonde. Juncker pensait que « il n’y a pas de décision démocratique possible contre les traités européens ». Vous, vous allez plus loin : la critique de la construction européenne annonce le fascisme.

      [PS : par définition, notre inconscient nous étant inconscient, je vous lis peut-être mieux que vous ne vous lisez vous-même…]

      Peut-être, mais la réciproque est alors vraie, comme le montre le commentaire ci-dessus…

      • Erwan dit :

        [Si la gauche avait plus cherché à comprendre les questionnements, les aspirations, les angoisses de l’électorat populaire plutôt que de fulminer des anathèmes ou de traiter ces électeurs comme des imbéciles qui « se trompent de colère », on n’en serait pas là.]
         
        A ce propos, je partage avec vous cette vidéo de Ruffin qui me paraît hallucinante :
         

         
        Il s’agit d’une vidéo publiée un mois avant le premier tour. Comme je sais que vous n’êtes pas trop visionnage de vidéos, voici la transcription de ce qu’il dit :
         
        “Il nous reste moins d’un mois pour se dire qu’on aura tout fait pour pousser Jean-Luc Mélenchon au deuxième tour de la présidentielle — même si c’est à la faveur d’un concours de circonstances, parce que ce sera dû, pour beaucoup, à la division entre deux extrêmes droites. Il sera toujours temps ensuite de se demander comment ça se fait que la gauche est si bas, qu’est-ce qu’on a raté, qu’est-ce qu’on doit mieux faire pour réconcilier “gauche” et “populaire” ? Déjà, quand j’avais fait une analyse du vote de Jean-Luc en 2017, j’avais vu que ça votait très bien pour lui dans les métropoles, mais qu’en revanche dans la France des gilets jaunes, il y avait un gros décrochage.”

        • Descartes dit :

          @ Erwan

          [A ce propos, je partage avec vous cette vidéo de Ruffin qui me paraît hallucinante :]

          Les vidéos de Ruffin ont toutes un petit côté « hallucinant ». Ce sont en fait des divagations…

          [“Il nous reste moins d’un mois pour se dire qu’on aura tout fait pour pousser Jean-Luc Mélenchon au deuxième tour de la présidentielle — même si c’est à la faveur d’un concours de circonstances, parce que ce sera dû, pour beaucoup, à la division entre deux extrêmes droites. Il sera toujours temps ensuite de se demander comment ça se fait que la gauche est si bas, qu’est-ce qu’on a raté, qu’est-ce qu’on doit mieux faire pour réconcilier “gauche” et “populaire” ? Déjà, quand j’avais fait une analyse du vote de Jean-Luc en 2017, j’avais vu que ça votait très bien pour lui dans les métropoles, mais qu’en revanche dans la France des gilets jaunes, il y avait un gros décrochage.”]

          En effet, c’est drôle. On se demande ce qu’a Ruffin ces cinq dernières années. Après tout, si déjà en 2017 il avait vu un décalage entre le projet de LFI et le vote des couches populaires, il aurait pu se « demander comment ça se fait que la gauche est si bas, qu’est-ce qu’on a raté, qu’est-ce qu’on doit mieux faire pour réconcilier “gauche” et “populaire” » sans attendre 2022. Or, cinq ans plus tard, il nous explique que « il faut tout faire pour pousser Mélenchon au deuxième tour », et « qu’il sera toujours temps ENSUITE » de se poser cette question. On se croirait chez la reine rouge de « Alice à travers le miroir » : « confiture hier, confiture demain, mais jamais confiture aujourd’hui ». La question pourtant fondamentale de savoir pourquoi la « gauche » et le « populaire » ont divorcé est une question qu’on se posera toujours APRES. Parce qu’il y a toujours quelque chose de plus important à faire AUJOURD’HUI, comme par exemple, voter aveuglement pour le Gourou.

          Si quelque chose doit caractériser la “gauche” aujourd’hui, c’est son manque d’anticipation et, au delà, sa paresse. Socialistes, communistes, insoumis ont eu cinq ans, oui, CINQ LONGUES ANNEES pendant lesquelles ils n’avaient pas grande chose à faire sinon réflechir à l’avenir. Ce temps a été gâché dans des campagnes idiotes – ou en est d’ailleurs la grande campagne contre les punaises de lit lancée par l’égérie du groupe “insoumis” à l’Assemblée, Mathilde Panot ? – ou des “coups” médiatiques genre “la République c’est moi”. On bricole aujourd’hui des programmes et des alliances alors qu’on savait depuis cinq ans que le problème allait se poser. La tactique a totalement pris le pas sur la stratégie.

  42. claustaire dit :

    Un dernier mot sur ce vrai faux dilemme, le point de vue d’un de vos (ex) – camarades communistes :
    https://blogs.mediapart.fr/yvon-quiniou/blog/110422/pourquoi-voter-pour-macron-candidat-president-de-droite
     
     

    • Descartes dit :

      @ claustaire

      [Un dernier mot sur ce vrai faux dilemme, le point de vue d’un de vos (ex) – camarades communistes :]

      Franchement, j’attendais mieux de Quiniou. Finalement, qu’est ce qu’il nous dit ? Que Macron est très méchant, que Le Pen est pire. Donc il faut voter Macron, CQFD. C’est exactement la stratégie qu’on applique depuis bientôt quarante ans, et qui aboutit à chaque fois à mettre au pouvoir des gens dont les politiques enfoncent les classes intermédiaires dans le désespoir, et créent de ce fait les conditions qui conduisent au résultat qu’elles sont censées éviter, à savoir, l’arrivée du RN au pouvoir. Parce que j’imagine que le fait que cette brillante stratégie conduit le RN a faire des scores qui s’améliorent d’élection en élection ne vous aura pas échappé…

      J’aurais attendu d’un intellectuel comme Quiniou qu’il aille plus loin. Qu’il analyse par exemple pourquoi, alors que le RN propose selon lui “le pire capitalisme qui soit”, alors que le RN a contre lui l’ensemble de l’establishment politique, médiatique, intellectuel, il arrive quand même à capter durablement le vote d’une proportion majoritaire de l’électorat populaire, et notamment de l’électorat ouvrier. Peut-être qu’il y a là des leçons à tirer si l’on veut refonder une gauche qui emporte l’adhésion des couches populaires. Mais est-ce là une priorité ?

      Je dois dire que je trouve particulièrement pathétique la conclusion de l’article sous forme de nota bene: “NB: On aura compris que , par-delà cet épisode dramatique, il va falloir reconstruire la gauche!”. Pour quoi faire ? Pour que dans cinq ans on puisse apporter des voix à un nouveau Hollande, à un nouveau Macron ? Parce que, dans cinq ans, ce sera pareil. Il y aura toujours un “néolibéral” et un “pire”. Et il faudra, dans la même logique, revoter pour le “néolibéral”. Per secula seculorum, amen.

  43. optimiste dit :

     
    Cher Descartes,
    Ce matin en lisant le quotidien italien « Il Corriere della Sera » j’ai éprouvé un sentiment d’agacement, et même d’exaspération, qui m’a rappelé votre billet d’entre les deux tours.
    Il y avait un article sur la Suède, un pays qui est qualifié de « méconnaissable ». La raison en est qu’aux prochaines élections, on s’attend à une forte poussée d’un parti « qui a ses racines dans le néonazisme et le suprémacisme blanc ». Par ailleurs, remarque l’auteur, en Italie aussi il y a des partis (celui de G. Meloni, que les sondages donnent à 20 – 25% aux élections de fin septembre) « qui ont des racines fascistes ».
    Je ne connais rien à la politique suédoise. Mais je remarque que, comme en Italie, comme en France, ce qu’on (dis-)qualifie d’entrée de jeu avec l’étiquette commode d’« extrême droite » pourrait devenir presque le premier parti. On pourrait se demander pourquoi, au lieu de découvrir avec stupéfaction que le monde réel est devenu « méconnaissable ». A la lecture, on dirait presque que se propage dans les pays européens un virus mystérieux, qui subitement donne à environ un quart de leurs habitants une ardente envie de fascisme. Un virus qui, curieusement, est très actif chez les classes populaires, mais épargne complétement les vertueux bobos des centres-villes et les élites.

    • Descartes dit :

      @ optimiste

      [Il y avait un article sur la Suède, un pays qui est qualifié de « méconnaissable ». La raison en est qu’aux prochaines élections, on s’attend à une forte poussée d’un parti « qui a ses racines dans le néonazisme et le suprémacisme blanc ». Par ailleurs, remarque l’auteur, en Italie aussi il y a des partis (celui de G. Meloni, que les sondages donnent à 20 – 25% aux élections de fin septembre) « qui ont des racines fascistes ».]

      C’est que partout les mêmes causes produisent les mêmes effets. Partout en Europe, l’évolution politique a suivi la même épure, qui correspond à l’évolution du rapport de forces entre capital et travail, et au renversement des alliances de classe qui vit les classes intermédiaires réjoindre la bourgeoisie pour constituer un bloc dominant. Depuis trente ans, les organisations politiques de gauche ont adopté et mis en œuvre les politiques néolibérales – avec enthousiasme ou avec honte, mais le résultat est le même – ou dérivé vers un gauchisme qui les a coupé des réalités.

      Dans ce contexte, que reste-t-il aux couches populaires en termes d’action politique ? La nature ayant horreur du vide, c’est dans ces couches sociales privées de toute représentation politique que l’extrême droite, en quête d’un électorat, s’est implantée. Et dialectiquement, cela a changé l’extrême droite au-delà des « racines » de tel ou tel parti : peu de choses en commun entre le néolibéralisme économique d’un Jean-Marie Le Pen, et le populisme étatiste de sa fille.

      [Je ne connais rien à la politique suédoise. Mais je remarque que, comme en Italie, comme en France, ce qu’on (dis-)qualifie d’entrée de jeu avec l’étiquette commode d’« extrême droite » pourrait devenir presque le premier parti. On pourrait se demander pourquoi, au lieu de découvrir avec stupéfaction que le monde réel est devenu « méconnaissable ».]

      En politique, personne ne pose jamais une question lorsqu’il anticipe une réponse qui le remet en cause. Les gens dont vous parlez, s’ils posaient cette question, se verraient logiquement répondre que ce monde « méconnaissable » est le monde qu’ils ont eux-mêmes voulu et construit. Ce sont eux qui ont implanté l’idée de concurrence de tous contre tous et par conséquent de darwinisme social. Ce sont eux qui se sont acharnés à laisser les couches populaires ans représentation politique. On ne peut qu’éprouver une certaine perplexité à entendre ceux qui hier tiraient à boulets rouges sur le PCF regretter le « bon vieux temps » quand les militants communistes encadraient la vie des cités et maintenaient à distance les islamistes, les trafiquants et l’extrême droite…

      • optimiste dit :

        Deux jours avant le vote en Italie, l’ineffable présidente de la Commission Européenne croit bon de déclarer : “On verra le résultat du vote en Italie, il y a eu aussi les élections en Suède. Si les choses iront dans une direction difficile, nous avons des instruments, comme pour la Pologne et l’Hongrie”. Votez “bien”, sinon vous allez voir…c’est quand même incroyable !

        • Descartes dit :

          @ optimiste

          [Deux jours avant le vote en Italie, l’ineffable présidente de la Commission Européenne croit bon de déclarer : “On verra le résultat du vote en Italie, il y a eu aussi les élections en Suède. Si les choses iront dans une direction difficile, nous avons des instruments, comme pour la Pologne et l’Hongrie”. Votez “bien”, sinon vous allez voir…c’est quand même incroyable !]

          C’est devenu presque banal. On sait depuis le départ que la construction européenne est une manière de protéger les politiques de l’interférence des électeurs et des gouvernements élus. Monnet l’avait écrit en toutes lettres. Von der Leyen ne fait qu’épouser la logique de son institution…

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