Comment Attal crashe la boum de sa copine

Il y a des moments extraordinaires, qui résument à eux seuls l’état d’un pays. Nous avons pu vivre un tel moment en direct ce lundi matin. Alors qu’une journaliste interrogeait Valérie Hayer sur le plateau du grand auditorium de la maison de la radio dans le cadre d’une émission où défilent les différentes têtes de liste pour exposer leurs programmes, l’entretien est interrompu par l’annonce d’un auto-invité surprise, qui n’est autre que le premier ministre. Qui, sans le moindre complexe – et sans que la journaliste n’intervienne pour l’en empêcher – prend le microphone et se lance dans une longue tirade de campagne électorale, avec derrière lui une Valérie Hayer passablement déstabilisée par cette interruption, et une journaliste qui ne sait pas sur quel pied danser.

Que nous dit ce geste ? D’abord, que le premier ministre n’a pas la moindre considération pour la candidate de son propre mouvement, au point qu’il se permet, sans la consulter et y être invité, à lui couper la parole et à parler à sa place. Ensuite, qu’il n’a pas confiance dans la capacité de cette même candidate à mener campagne, au point qu’il se sent obligé de se substituer à elle pour porter le message. Pense-t-on vraiment convaincre les Français de faire confiance à Valérie Hayer pour porter les intérêts de la France, alors que de toute évidence ni Attal ni Macron ne la tiennent en grande estime ?

Mais surtout, cela montre que la mélenchonisation de la politique est en bonne voie. Fut un temps où la politique était une affaire sérieuse, et parce qu’elle était sérieuse elle était entourée d’un certain décorum. De la même manière qu’un homme politique portait costume et cravate – c’était une question de respect de soi-même d’abord, des citoyens ensuite – un premier ministre ne venait dans les médias que s’il était invité – et encore, il se faisait désirer. Il ne se présentait pas dans le plateau d’une émission où il n’était pas invité et prenait le micro « pour soutenir une copine », sans que la copine en question n’ait son mot à dire. Mais ça, c’était avant, quand on était entre adultes. Maintenant, on dirait des adolescents : l’Assemblée nationale devient une sorte d’assemblée universitaire avec T-shirts, pancartes et drapeaux, et le premier ministre de la France ne voit pas le problème à crasher une boum – pardon, un entretien de campagne électorale – à laquelle il n’a pas été invité, pour débiter un discours impromptu.

Bien sûr, ce genre d’abus – on pense aussi à l’entretien du président de la République prévu jeudi dernier dont le prétexte est la commémoration du 80ème anniversaire du débarquement en Normandie, mais dont on nous dit déjà qu’il sera largement électoral – témoigne du niveau de panique dans le camp présidentiel, devant un RN qui devrait rafler à lui seul un tiers de l’électorat – ou du moins un tiers de l’électorat qui ira voter – et le très maigre score de Valérie Hayer qui, compte tenu du manque de surface politique propre de la tête de liste, rejaillira nécessairement sur le président et le premier ministre. Alors, tout est bon et rien n’est interdit. Mais la panique n’est pas bonne conseillère, et on peut douter que cette omniprésence de l’un et l’autre aide beaucoup à redresser la barre. Elle risque plutôt de favoriser le vote sanction, qui rendra encore plus précaire la position du gouvernement au niveau national.

Mais au-delà, les politiques ne peuvent pas espérer du citoyen le respect de leur investiture s’ils ne la respectent pas eux-mêmes. Un vrai premier ministre, un vrai président de la République française n’impose pas sa présence sur un plateau. Tout au contraire, il se fait prier pour venir. Parler là où votre présence n’est pas souhaitée, vouloir s’imposer à tout prix, c’est une marque d’immaturité et une preuve de faiblesse.

Descartes

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

20 réponses à Comment Attal crashe la boum de sa copine

  1. Kaiser Hans dit :

    Serait-ce le baiser de la mort?
     
    Ceux que je plains ce sont les Républicains, si le RN gagne à 30% et qu’en marche passe derrière le PS ils devront assumer leur choix réel:
     
    filiale d’en marche ou opposition?
    et si opposition comment?

    • Descartes dit :

      @ Kaiser Hans

      [Ceux que je plains ce sont les Républicains, si le RN gagne à 30% et qu’en marche passe derrière le PS ils devront assumer leur choix réel: filiale d’en marche ou opposition?]

      En effet, LR sont très divisés. D’un côté, il y a ceux qui pensent que se rapprocher des macronistes c’est courir le risque de se faire bouffer (et accessoirement de perdre une partie de leurs électeurs vers Renaissance et certains cadres vers le RN); et il y a ceux qui pensent comme Sarkozy que maintenant que Macron ne peut plus se présenter et que les macronistes sont en plein désarroi, c’est le moment de faire un accord pour essayer de capter l’héritage et reprendre la boutique de l’intérieur. Pour le moment, ils n’arrivent pas à se décider et gardent toutes les options ouvertes: ils n’ont rien fait qui puisse créer un gouffre irréparable entre eux et les macronistes (comme par exemple voter une motion de censure) mais “en même temps” ils ont plusieurs fois mis en difficulté le gouvernement par leurs votes. Combien de temps pourront-ils rester dans l’ambigüité ? Je ne saurais le dire…

      J’ajoute que le PS pourrait se poser la même question. Un accord de gouvernement avec les macronistes contre l’héritage ? Je suis sûr qu’un certain nombre de socialistes y pensent…

      • cdg dit :

        Quel heritage ?
        Le candidat qui portera l heritage de macron le portera comme une croix. Il faut etre stupide pour le revendiquer.
        Les LR et PS doivent penser qu une fois macron hors course, ses electeurs (enfin ceux qui lui reste) reviendront au bercail meme si le menu est peu apetissant (qui a envie de voter Faure ou Ciotti ?) Mais quand on lit dans le monde que F Hollande veut revenir on se dit que tout le monde peut rever

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Quel heritage ? Le candidat qui portera l heritage de macron le portera comme une croix. Il faut etre stupide pour le revendiquer.]

          Il ne faut jamais faire l’erreur de croire que tout le monde pense comme soi. Vous et moi nous trouvons la gestion de Macron désastreuse. Mais dites-vous bien que le bougre a empoché en 2022 plus d’un cinquième du vote au premier tour. Autrement dit, vous trouverez un votant sur cinq pour trouver que Macron est un bon président – ou du moins meilleur que toutes les alternatives. Un cinquième de l’électorat, c’est un “héritage” intéressant, vous ne trouvez pas ?

          [Les LR et PS doivent penser qu une fois macron hors course, ses electeurs (enfin ceux qui lui reste) reviendront au bercail meme si le menu est peu apetissant (qui a envie de voter Faure ou Ciotti ?) Mais quand on lit dans le monde que F Hollande veut revenir on se dit que tout le monde peut rever]

          Une partie des électeurs macronistes reviendront peut-être naturellement. Mais il y en a d’autres qui auront besoin d’être persuadés.

  2. Sébastien Morin dit :

    [Mais surtout, cela montre que la mélenchonisation de la politique est en bonne voie.]
    Que l’on critique les excès du populisme de Gauche (Mouffe Et al.), ses clivages artificiels (peuple vs. élite) comme une rhétorique inefficace, ce n’est pas déconnant.
    Par contre déduire le comportement d’Attal comme la suite parfaitement logique de ces excès inutiles, cela me parait tiré par les cheveux.
    Il faudrait à minima proprement argumenter. Attal n’est-il pas tout simplement un goujat ? On devine toute la considération qu’il a pour une femme qu’il juge certainement incapable d’incarner le génie politique qui l’habite. 
    [les politiques ne peuvent pas espérer du citoyen le respect de leur investiture s’ils ne la respectent pas eux-mêmes]
    Ces gens sont animés d’un hubris assez sidérant. Leur respect pour eux même est total, leur investiture se réduit à un fantasme de réussite individuelle, je suis parce que j’ai réussi, les autres non, il va falloir leur expliquer, faire de la pédagogie. Attal voit Hayer qui galère alors il pense sincèrement la sauver, parce qu’elle explique mal cette gourde.
    L’attitude des journalistes paralysés dans leur servilité est l’élément le plus notable de cette séquence. L’ORTF a bien de l’avenir.
     

    • Descartes dit :

      @ Sébastien Morin

      [« Mais surtout, cela montre que la mélenchonisation de la politique est en bonne voie. » Que l’on critique les excès du populisme de Gauche (Mouffe Et al.), ses clivages artificiels (peuple vs. élite) comme une rhétorique inefficace, ce n’est pas déconnant. Par contre déduire le comportement d’Attal comme la suite parfaitement logique de ces excès inutiles, cela me parait tiré par les cheveux.
      Il faudrait à minima proprement argumenter.]

      Argumentons donc. Je pense que l’on fait souvent l’erreur de croire que les hommes politiques provoquent les tendances, alors qu’en fait ils ne font que les suivre. L’establishment politique aujourd’hui répond aux classes intermédiaires. Et ces classes se sont construit leurs propres marqueurs symboliques, qui les distinguent tant de la bourgeoisie que des couches populaires. Ces marqueurs s’organisent autour de la « décontraction », du « cool » à l’anglosaxonne : on laisse tomber la cravate, on se tutoie, on écrit en mode informel, on efface tout ce qui pourrait faire penser à une hiérarchie. Quand Attal s’invite sur le plateau d’Hayer et lui fait la bise, quand les troupes de Mélenchon tombent la cravate ou brandissent le drapeau palestinien dans l’hémicycle, ce sont les deux faces d’une même médaille, celle de cette « informalité » qui est l’un des marqueurs symboliques d’une classe à laquelle tous deux répondent.

      [Attal n’est-il pas tout simplement un goujat ?]

      Et Mélenchon ? Et Macron ? Et Panot ? Et Keké ? S’il y a tout à coup une telle épidémie de goujaterie, il faut bien qu’il y ait une raison, non ?

      [On devine toute la considération qu’il a pour une femme qu’il juge certainement incapable d’incarner le génie politique qui l’habite.]

      Je ne vois pas le rapport. Cela n’a rien à voir avec le « genre », et personnellement je commence à en avoir marre de cette tendance à vouloir mêler cette question à tout. Macron a fait le même genre de goujaterie – en pire – à Attal, lorsqu’il est intervenu en préemptant son discours de politique générale. Mais peut-être allez-vous me dire que cela traduit son mépris pour un homosexuel ?

      [Ces gens sont animés d’un hubris assez sidérant. Leur respect pour eux même est total, leur investiture se réduit à un fantasme de réussite individuelle, je suis parce que j’ai réussi, les autres non, il va falloir leur expliquer, faire de la pédagogie.]

      Je ne crois pas. Se respecter, c’est aussi ne pas s’abaisser soi-même. Un premier ministre qui envahit un plateau de télévision se rabaisse et rabaisse la fonction qu’il exerce. Ce n’est pas ce que j’appelle se respecter.

      [Attal voit Hayer qui galère alors il pense sincèrement la sauver, parce qu’elle explique mal cette gourde.]

      C’était bien mon point. Attal ne se rend pas compte qu’il est premier ministre, et que ce qui chez un individu normal serait sympathique devient un manque de respect lorsqu’on occupe une telle position. Quand j’avais commencé à travailler, j’avais été surpris de voir que dans mon service le chef tutoyait les ingénieurs, mais jamais son assistante. Il m’avait alors expliqué la règle : on ne peut tutoyer que ceux qui sont en position de refuser le tutoiement. Plus la distance hiérarchique est grande, et moins le supérieur peut se permettre certains gestes de familiarité.

      [L’attitude des journalistes paralysés dans leur servilité est l’élément le plus notable de cette séquence. L’ORTF a bien de l’avenir.]

      Malheureusement, non. L’ORTF avait ses défauts, mais c’était un lieu ou des gens sérieux faisaient un travail sérieux. Et je ne pense pas qu’on puisse parler de « servilité » au sujet de l’ORTF. L’ORTF était une administration, et les journalistes étaient vus comme des fonctionnaires, soumis à la règle de l’obéissance hiérarchique. Mais être obéissant ne veut pas dire être servile. Si les journalistes d’aujourd’hui sont serviles, c’est précisément parce que les carrières dépendent de la capacité à anticipé les désirs des hommes de pouvoir, et non à obéir aux règles.

      • Sébastien Morin dit :

        [Je ne vois pas le rapport. Cela n’a rien à voir avec le « genre »]
        Et pourtant cette séquence est unique, quand Attal l’interrompt et prend le micro, c’est bien plus qu’un habituel couteau dans le dos.
        En effet il humilie Hayer en direct et en public. Il la prend vraiment pour une conne. 
        Le malaise provoqué est d’ailleurs palpable. En effet le plateau comprend immédiate que dans ces circonstances il n’y aura pas de déni plausible.
        Quand le naturel revient à ce point au galop, on peux s’interroger (comme vous le faites) sur les reflexes intériorisés d’un premier ministre en fonction.
         
        Vous insistez sur la familiarité d’usage dans l’exercise du pouvoir comme la principale explication.
        Autant je suis d’accord sur votre analyse : les classes intermédiaires consentent à l’idée illusoire que l’organisation du travail serait sans hiérarchie, 
        Autant cela explique la familiarité de l’échange (bisous, tutoiement), mais pas l’humiliation gratuite qui s’ensuit.
         
        Gabriel est respectable (il a réussi, CQFD) et respecté (il s’auto invite dans un studio sans que personne n’y trouve rien à redire, CQFD), et je suis sûr qu’il fait un travail sur son corps (comme dirait Brigitte Fontaine).
         
        Alors Gabriel rabaisse sa fonction par cette familiarité ?
        Sa fonction n’a jamais eu d’autres valeurs que dans sa capacité à faire passer “les réformes nécessaires”.
        C’est d’abord un exercise de communication, dont il n’aura de compte à rendre qu’à ceux qui façonnent son image ou permettront ses futurs pantouflages.
         
        Hors une telle faute de Com sera certainement retenue contre lui quand il faudra expliquer sur les plateaux les raisons d’un échec annoncé.
         
        Alors comment expliquer ce faux pas ? Il me semble que l’on peut retenir un simple reflexe machiste. 
        Et selon le bon vieux principe de parcimonie, c’est l’explication la plus probable.
         

        • Descartes dit :

          @ Sébastien Morin

          [« Je ne vois pas le rapport. Cela n’a rien à voir avec le « genre » » Et pourtant cette séquence est unique, quand Attal l’interrompt et prend le micro, c’est bien plus qu’un habituel couteau dans le dos.
          En effet il humilie Hayer en direct et en public. Il la prend vraiment pour une conne.]

          Oui, mais le « genre » n’a rien à voir. Attal aurait parfaitement pu faire la même chose à un homme.

          [Vous insistez sur la familiarité d’usage dans l’exercice du pouvoir comme la principale explication.
          Autant je suis d’accord sur votre analyse : les classes intermédiaires consentent à l’idée illusoire que l’organisation du travail serait sans hiérarchie. Autant cela explique la familiarité de l’échange (bisous, tutoiement), mais pas l’humiliation gratuite qui s’ensuit.]

          Mais les deux sont liés. Si Attal avait eu une conscience aigüe des hiérarchies – et le protocole sert précisément à cela, à rappeler à chacun quelle est sa place – il n’aurait jamais osé faire ce qu’il a fait. Je pense sincèrement qu’Attal ne s’est même pas rendu compte de l’énormité de ce qu’il a fait. Pour lui, il s’agissait simplement de « soutenir une copine ».

          [C’est d’abord un exercice de communication, dont il n’aura de compte à rendre qu’à ceux qui façonnent son image ou permettront ses futurs pantouflages.]

          Mais comme exercice de communication, c’est raté. Même dans les classes intermédiaires, peu sensibles au protocole, le geste d’Attal a été mal vécu. Et la France ne se réduit pas aux classes intermédiaires : il faut toujours compter avec la « common decency » des couches populaires qui, elles, sont attachés aux formes protocolaires. C’est donc un ratage. La question à se poser est le pourquoi de se ratage. Pourquoi un communiquant du niveau d’Attal s’imagine que ce geste va lui rapporter – et rapporter à la liste Hayer – la sympathie du public. Il y a là, comme je l’ai expliqué, un mépris du protocole et de la dignité de sa fonction qui lui vient de sa classe. Il y a aussi le syndrome de la toute-puissance de la parole qui est la marque de fabrique de Macron, et qu’Attal semble avoir mimétisé.

          [Or une telle faute de Com sera certainement retenue contre lui quand il faudra expliquer sur les plateaux les raisons d’un échec annoncé. Alors comment expliquer ce faux pas ? Il me semble que l’on peut retenir un simple reflexe machiste.]

          Je ne le crois pas : Macron lui a fait quelque chose d’équivalent lorsqu’il a préempté le discours de politique générale, alors qu’Attal appartient au sexe fort. A moins d’en faire une affaire de réflexe homophobe ? Non, soyons sérieux. Je vous ai proposé une explication qui me semble bien plus vraisemblable…

  3. maleyss dit :

    Plus fâcheux à mon sens : l’engagement personnel du “”””président””” Macron dans cette campagne, au rebours de toutes les règles et de tous les usages de la Vème République. Si, comme c’est plus que probable, sa liste connaît un grave revers, ils sera totalement fragilisé et ne sera pris au sérieux par personne. (oui, je sais, c’est déjà un peu le cas) Quant à Attal, il devrait en toute logique servir de fusible.
    Bien d’accord, tout cela n’est pas sérieux et montre le peu de cas que ces gens-là font de leur fonction. Mais, à votre avis, à quoi devons-nous cet effondrement du niveau du personnel politique de notre pays depuis une vingtaine d’années ? Chirac, une fois conquis le pouvoir, s’est révélé un individu médiocre. Il passerait maintenant pour un aigle.

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Plus fâcheux à mon sens : l’engagement personnel du “”””président””” Macron dans cette campagne, au rebours de toutes les règles et de tous les usages de la Vème République.]

      Cet engagement ne cesse d’ailleurs de m’étonner. Pas besoin d’être grand sorcier – ou de sortir de l’ENA – pour s’apercevoir que, dans l’état actuel de l’opinion, la liste sponsorisée par la majorité présidentielle fera un mauvais score. Cela a toujours été un peu le cas, et c’est encore plus évident depuis que le référendum de 2005 et le sort qui lui fut fait ont dissipé les dernières illusions sur le caractère démocratique de la construction européenne. Aujourd’hui, c’est une élection nationale, sans enjeu, et qui donne aux Français la possibilité de faire ce qu’ils aiment le mieux : râler. Depuis la ratification du traité de Lisbonne, le score du camp présidentiel va du médiocre au catastrophique : 14% en 2014, 22% en 2019. A cela s’ajoute une conjoncture sociale, économique et politique qui n’est pas porteuse, avec des « réformes » impopulaires, un déséquilibre croissant des finances publiques et de la balance extérieure, et un gouvernement qui n’a pas de majorité dans aucune des deux assemblées.

      La logique voudrait donc que le président remonte dans les nuages, qu’il évite toute association avec le scrutin pour pouvoir faire jouer les fusibles. En descendant dans l’arène, il assume la paternité de la défaite annoncée. Comment expliquer cette erreur ? Il ne me vient qu’une seule explication : Macron croit à son pouvoir, par sa seule intervention, de renverser le résultat. Une croyance renforcée par son entourage : qui n’a pas fréquenté les couloirs de l’Elysée sous Macron ne sait pas ce que flagornerie veut dire…

      [Quant à Attal, il devrait en toute logique servir de fusible.]

      Pour faire jouer un fusible, il faut en avoir un, c’est-à-dire, une personne sur qui rejeter les fautes. Compte tenu de l’engagement de Macron dans le processus – du choix de la tête de liste aux thèmes de campagne, sans compter son intervention personnelle – il aura du mal à prétendre que tout ça c’est la faute à Attal. Si le Premier ministre tombe, ce sera plutôt parce que Macron aura finalement trouvé une personnalité capable d’élargir la majorité à l’Assemblée à LR… et cela ne semble pas être dans les cartes, malgré tous les efforts de Sarkozy.

      [Mais, à votre avis, à quoi devons-nous cet effondrement du niveau du personnel politique de notre pays depuis une vingtaine d’années ?]

      Je pense que c’est l’effet logique de la révolution néolibérale des années 1980. Cette révolution a abouti à déplacer le pouvoir, l’argent, même le pouvoir symbolique vers le secteur privé. Aujourd’hui, si vous voulez le fric, mieux vaut faire carrière à LVMH que dans un ministère. Si vous voulez peser sur les politiques publiques, mieux vaut aller chez McKinsey ou BCG qu’à l’inspection des finances. Si vous voulez du pouvoir, mieux vaut être PDG de Total que président de la République. Les meilleurs aujourd’hui ne vont pas dans la politique ou la fonction publique, mais dans le secteur privé.

      Par ailleurs, le néolibéralisme a eu un deuxième effet qui est de rapprocher l’horizon temporel. Dans une société qui fait l’éloge de l’instabilité – qui n’a pas entendu le discours « il faudra change plusieurs fois dans sa vie de région, d’entreprise, de métier » – l’investissement à long terme est un mauvais choix. A quoi bon investir pour bien se former dans un métier qu’on sera obligé ensuite d’abandonner en fonction des caprices du marché ? Ce n’est pas pour rien si le politique le plus en vue aujourd’hui, Jordan Bardella, a arrêté ses études sans diplôme pour faire de la politique. C’est aussi pour cela qu’on voit les formations scientifiques – c’est-à-dire, celles qui nécessitent l’investissement le plus important – être délaissées alors qu’elles assurent l’emploi à la clé.

      [Chirac, une fois conquis le pouvoir, s’est révélé un individu médiocre. Il passerait maintenant pour un aigle.]

      Mais pensez ce que fut son investissement : brillant bachelier, Sciences-Po (à une époque où cette institution n’était pas encore une école du bavardage), volontaire pour le service militaire en Algérie, réussite au concours de l’ENA, détaché ensuite trois ans comme « renfort administratif » en Algérie, conseiller municipal, député, secrétaire d’Etat dans différent postes avant de devenir ministre délégué puis ministre, puis premier ministre, puis traversée du désert, puis premier ministre encore, puis traversée du désert, puis finalement, après trois candidatures, président de la République. Et sans avoir jamais travaillé dans le privé.

      • FB dit :

        Bonjour Descartes,Peut-être hors sujet, mais la personnalité de Macron ne cesse en effet d’étonner. J’avoue que j’ai beaucoup hésité à publier ce commentaire car je vais effectuer une comparaison osée: Macron m’apparaît de temps en temps avoir les mêmes traits de caractère que Pierre Laval qui pensait toujours charmer ses interlocuteurs par la seule magie de son verbe. Quand on lit d’ailleurs les Mémoires de guerre du général De Gaulle, on est frappés par la ressemblance psychologique des deux hommes.

        “Porté de nature, accoutumé par le régime, à aborder les affaires par le bas, Laval tenait que, quoi qu’il arrive, il importe d’être au pouvoir, qu’un certain degré d’astuce maîtrise toujours la conjoncture, qu’il n’est point d’événement qui ne se puisse tourner, d’hommes qui ne soient maniables. Il avait, dans le cataclysme, ressenti le malheur du pays mais aussi l’occasion de prendre les rênes et d’appliquer sur une vaste échelle la capacité qu’il avait de composer avec n’importe quoi...”
         

        De même, dans un précédent commentaire, vous indiquiez que Pierre Laval ne faisait que refléter l’état d’esprit de la bourgeoisie française lorsqu’il déclarait qu’il souhaitait la victoire de l’Allemagne (sans quoi le bolchevisme s’imposerait partout). On est tout aussi étonné quand Macron annonce que “la Russie ne doit pas gagner la guerre”. Qu’est-ce que cela signifie ? En quoi le fait que l’Ukraine perde quelques hectares aurait des conséquences fâcheuses pour la France ? Quel est donc l’impératif moral derrière tout cela ?
         
        A moins que la phrase ne soit pas finie: la Russie ne doit pas gagner cette guerre, car ce sont d’anciens soviétiques, des partageux, donc nécessairement des salauds devant l’éternité et puis s’ils gagnaient, cela pourrait remettre en cause tout notre catéchisme. Et là le parallèle entre Macron et Laval est éclairant.
         
        Evidemment, comparaison n’est pas raison et je n’avancerai pas la similitude sur d’autres terrains.
         
        Enfin dernière chose: merci de m’avoir fait découvrir Les français de l’an 40. J’y ai appris beaucoup de choses, en tout cas, que la bataille de France ne s’est pas passée aussi schématiquement qu’on le dit.
         
        On s’aperçoit d’ailleurs qu’aucune démocratie n’était prête pour la guerre, pas même les Américains (CB décrit ainsi la mission de deux dirigeants français allant quémander des avions aux Etats-Unis et se rendant compte que leur production était plus faible qu’en France) et que la France a eu le malheur ou la malchance d’être frappée la première. Mais surtout j’ai été attristé de comprendre que Pétain et même Weygand avaient préféré se rendre à l’ennemi par rédemption, par haine de la République et pour donner une bonne leçon aux salauds du Front populaire plutôt que de continuer le combat dans l’honneur. Mais là encore, ne réflètait-il pas l’état d’esprit des petits-bourgeois de l’époque ?
         

        • Descartes dit :

          @ FB

          [Bonjour Descartes,Peut-être hors sujet, mais la personnalité de Macron ne cesse en effet d’étonner. J’avoue que j’ai beaucoup hésité à publier ce commentaire car je vais effectuer une comparaison osée: Macron m’apparaît de temps en temps avoir les mêmes traits de caractère que Pierre Laval qui pensait toujours charmer ses interlocuteurs par la seule magie de son verbe. Quand on lit d’ailleurs les Mémoires de guerre du général De Gaulle, on est frappés par la ressemblance psychologique des deux hommes.]

          Vous n’êtes pas le seul à avoir remarqué cette ressemblance. Et si l’on laisse de côté ce qu’il y a de « diabolisation » dans une telle comparaison, je pense qu’elle est bien vue. On trouve chez les deux cette recherche du pouvoir pour le pouvoir même, et cette confiance absolue dans ses propres capacités de plier les hommes et les choses à sa volonté, quelque soient les circonstances. Comme Laval, Macron est avant tout un individualiste, un homme sans fidélités, qu’elles soient idéologiques, personnelles ou politiques. Cela étant dit, même si leur psychologie se ressemble leurs parcours sont très différents. Laval était un homme de terrain, avec une connaissance profonde du pays qu’il gouvernait et un parcours fait de succès mais aussi d’échecs. Macron est un personnage choyé par la vie, à qui tout a souri pendant ses années de formation.

          [De même, dans un précédent commentaire, vous indiquiez que Pierre Laval ne faisait que refléter l’état d’esprit de la bourgeoisie française lorsqu’il déclarait qu’il souhaitait la victoire de l’Allemagne (sans quoi le bolchevisme s’imposerait partout). On est tout aussi étonné quand Macron annonce que “la Russie ne doit pas gagner la guerre”. Qu’est-ce que cela signifie ? En quoi le fait que l’Ukraine perde quelques hectares aurait des conséquences fâcheuses pour la France ? Quel est donc l’impératif moral derrière tout cela ?]

          Là, je pense par contre que le parallèle n’est pas significatif. Laval était le représentant d’une classe pour qui le bolchévisme paraissait bien plus menaçant que l’occupation allemande. Mais à son époque, les deux menaces étaient réelles. Macron, lui, agite une menace inexistante – personne n’imagine les chars russes traversant le Rhin, ni même les frontières de l’UE – pour susciter le réflexe traditionnel de toute nation menacée, qui consiste à faire bloc autour de ses institutions. Il n’est pas le seul, d’ailleurs. La rhétorique d’un Glucksmann fait appel à cette même logique, mais cette fois-ci au niveau européen.

          [A moins que la phrase ne soit pas finie: la Russie ne doit pas gagner cette guerre, car ce sont d’anciens soviétiques, des partageux, donc nécessairement des salauds devant l’éternité et puis s’ils gagnaient, cela pourrait remettre en cause tout notre catéchisme. Et là le parallèle entre Macron et Laval est éclairant.]

          Je ne crois pas que Macron voit dans les Russes des « partageux ». Mais un demi-siècle de propagande antisoviétique a laissé des traces… et à force de voir l’ennemi toujours à l’Est, certains réflexes demeurent.

          [Enfin dernière chose : merci de m’avoir fait découvrir Les français de l’an 40. J’y ai appris beaucoup de choses, en tout cas, que la bataille de France ne s’est pas passée aussi schématiquement qu’on le dit.]

          Tout à fait. La grande vertu de Crémieux-Brilhac (outre la qualité de son travail documentaire) est d’avoir été chercher la réalité humaine de l’époque, au lieu de la regarder avec les yeux d’aujourd’hui.

          [On s’aperçoit d’ailleurs qu’aucune démocratie n’était prête pour la guerre, pas même les Américains (CB décrit ainsi la mission de deux dirigeants français allant quémander des avions aux Etats-Unis et se rendant compte que leur production était plus faible qu’en France) et que la France a eu le malheur ou la malchance d’être frappée la première.]

          Parce qu’aucune « démocratie » n’avait peur de la guerre. Les dirigeants britanniques, français, américains étaient plus préoccupés par l’extension du bolchévisme – et notamment par l’agitation ouvrière – que par les régimes autoritaires, qu’elles avaient d’ailleurs grandement contribué à installer dans l’ensemble des pays entourant l’URSS (ce qu’on a appelé la « politique du cordon sanitaire », ancêtre du « containment » de la guerre froide). A Paris, à Londres, à Washington les figures de Franco, de Hitler ou de Mussolini (où celles moins connues de Beck en Pologne, de Mannerheim en Finlande, de Horthy en Hongrie…) sont vues positivement. Certes, on raille leurs excès rhétoriques et leur vulgarité, mais ils apparaissent comme des « idiots utiles », qui feront le sale boulot contre les communistes, et que la bourgeoisie nationale arrivera à contrôler. Dans ces conditions, la priorité n’est pas de se préparer à la guerre, mais de chercher les moyens diplomatiques pour envoyer Hitler et les siens vers l’Est.

          [Mais surtout j’ai été attristé de comprendre que Pétain et même Weygand avaient préféré se rendre à l’ennemi par rédemption, par haine de la République et pour donner une bonne leçon aux salauds du Front populaire plutôt que de continuer le combat dans l’honneur. Mais là encore, ne réflètait-il pas l’état d’esprit des petits-bourgeois de l’époque ?]

          Pour répondre à cette question, il faut revenir à ce que pouvaient savoir les acteurs de 1940, qui n’avaient pas comme nous l’avantage d’une vue générale de la situation. D’un côté, ils ne savaient pas ce qu’était le nazisme : pour eux, les Allemands de 1940 n’étaient qu’une version modernisée de ceux de 1914 ou de 1870. Pétaint ou Weigand pouvaient imaginer que l’armistice ne serait que le prélude à des traités de paix comme ceux de Versailles ou de Francfort, certes durs pour les vaincus, mais pas catastrophiques. De l’autre côté, la bourgeoisie française avait très présent ce qu’avaient fait à leurs camarades de classe les bolchéviks en Russie. La question n’était donc pas seulement de « donner une bonne leçon aux salauds du Front Populaire », mais de répondre à ce qui était vu à l’époque comme une menace vitale.

          La grandeur d’un De Gaulle ou d’un Churchill n’est pas seulement dans leur ténacité dans la résistance à Hitler, mais aussi dans leur clairvoyance. Très rares ont été les dirigeants de l’époque qui ont compris combien le monde avait changé, combien le contexte de 1940 était différent des guerres précédentes. Comme le signale Hobsbawm, le “court XXème siècle” qui va de 1918 à 1989 est marqué par la lutte de la bourgeoisie occidentale contre le communisme. Hitler est arrivé au pouvoir parce qu’il a été perçu par la bourgeoisie comme un possible fer de lance contre l’URSS, mais la bombe leur a explosé à la figure…

  4. Patriote Albert dit :

    Bonjour Descartes,
    Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, avec retard, de votre soutien et de votre sympathique commentaire concernant la liste Nous le peuple. Nous avons fait avec les moyens du bord, et, si nous n’aurons pas des bulletins dans tous les bureaux de vote, nous serons dans la majorité d’entre eux.Aujourd’hui, il est malheureusement très difficile pour un parti de percer compte tenu de la difficulté d’accès aux médias, mais aussi de l’ensemble des bâtons financiers et administratifs qui compliquent la tâche des petites listes. Dernier exemple en date, il existe un prestataire privé qui colle les affiches des candidats aux élections européennes sur le territoire national, à un prix somme toute modéré. Celui-ci est en monopole, sans délégation de service public, ce qui signifie qu’il peut choisir de traiter avec les listes qu’il souhaite, et refuser les autres sans justification !
    Je me demande aussi pourquoi on ne fait pas un bulletin unique où l’électeur pourrait cocher la liste pour laquelle il vote, comme cela se fait je crois en Italie. Cela économiserait bien de l’argent dépensé aujourd’hui en pure perte par l’ensemble des partis, sans oublier l’immense gaspillage actuel de papier pour faire parvenir aux électeurs des bulletins qu’ils n’utiliseront pas, tout comme 95% de ceux se trouvant dans les bureaux de vote.
     
    En ce qui concerne l’événement dont vous parlez, je ne comprend pas que les équipes n’aient pas senti le mauvais coup de pub que cela allait amener à la campagne macroniste. Idem pour l’engagement personnel du Président de la République, ou le recyclage du discours pro VS anti-européens. Tout ce petit monde vit dans sa bulle, pour faire des choix stratégiques aussi désastreux !
    Ce qui me frappe aussi, c’est la spéctacularisation de la vie politique. D’abord car il n’y a quasiment plus de débat de fond, d’analyses, de tribunes, l’essentiel de la campagne se résumant à des petites phrases à droite à gauche. Et puis, lorsque l’on écoute les principales têtes de liste, on voit toute une kyrielle de projets, de “l’allègement des normes” à un “impôt sur la fortune climatique”, ou encore “relocaliser la production de médicaments” qui n’ont absolument aucune chance d’être mis en oeuvre, compte tenu des rapports de force au Parlement européen, où la France a à peine 10% des sièges, et de la configuration institutionnelle de l’UE, qui ne laisse que peu de pouvoir au Parlement. On a donc l’impression de voir des marionettes qui s’agitent et qui parlent dans le vide, tant ce qu’ils proposent à un lien pour le moins ténu avec la réalité.
    En attendant, restera dimanche la tronche des pontes du centre mou et des éditorialistes de plateau devant le score du RN, même si, au vu de l’importance qu’ont pris les sondages, un score de 30% au lieu des 33 annoncés pourrait être présenté comme une défaite, et à l’inverse 18% au lieu de 16 pour Renaissance comme une victoire…

    • Descartes dit :

      @ Patriote Albert

      [Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, avec retard, de votre soutien et de votre sympathique commentaire concernant la liste Nous le peuple. Nous avons fait avec les moyens du bord, et, si nous n’aurons pas des bulletins dans tous les bureaux de vote, nous serons dans la majorité d’entre eux.]

      J’espère en tout cas qu’il sera dans le mien !

      [Aujourd’hui, il est malheureusement très difficile pour un parti de percer compte tenu de la difficulté d’accès aux médias, mais aussi de l’ensemble des bâtons financiers et administratifs qui compliquent la tâche des petites listes.]

      J’avoue que sur cette question je suis assez partagé. Une élection, ça coûte cher, et c’est dommage de multiplier à l’infini le nombre de listes. Dans cette élection, il y a 37 listes (!!!) dont seules sept ont une chance minime d’avoir des élus. Rendre l’accès aux médias plus simple poru les petites listes ne peut qu’encourager la multiplication à l’infini des charlots qui voient dans l’élection un moyen de se monter du col.

      Le problème, je pense, est que le débat politique se réduit aujourd’hui au débat électoral. S’il y avait entre les élections un véritable débat politique de fond, qui donne aux « petits partis » la possibilité de faire valoir leurs idées, la participation à la joute électorale perdrait pour elles une partie de son intérêt, et on pourrait réserver l’élection aux listes qui ont une chance d’avoir des élus.

      [Dernier exemple en date, il existe un prestataire privé qui colle les affiches des candidats aux élections européennes sur le territoire national, à un prix somme toute modéré. Celui-ci est en monopole, sans délégation de service public, ce qui signifie qu’il peut choisir de traiter avec les listes qu’il souhaite, et refuser les autres sans justification !]

      Normalement, il ne peut « refuser sans justification ». Le refus de vente est un délit !

      [Je me demande aussi pourquoi on ne fait pas un bulletin unique où l’électeur pourrait cocher la liste pour laquelle il vote, comme cela se fait je crois en Italie. Cela économiserait bien de l’argent dépensé aujourd’hui en pure perte par l’ensemble des partis, sans oublier l’immense gaspillage actuel de papier pour faire parvenir aux électeurs des bulletins qu’ils n’utiliseront pas, tout comme 95% de ceux se trouvant dans les bureaux de vote.]

      Certains pays pratiquent ce système (la Grande Bretagne et l’Italie, par exemple). Le problème, surtout lorsque le nombre de listes est grand, c’est que vous êtes obligé de mettre sur le bulletin les listes dans un certain ordre, et que les études montrent que les listes en tête ont plus de chances d’être cochées que celles qui sont en milieu de liste…

      [On a donc l’impression de voir des marionettes qui s’agitent et qui parlent dans le vide, tant ce qu’ils proposent à un lien pour le moins ténu avec la réalité.]

      Il n’y a plus de débat parce qu’il n’y a plus d’argumentation. L’immense majorité des candidats cherche plus à séduire qu’à convaincre, et procède donc par affirmations avec lesquelles l’électeur peut s’identifier – et peu importe si la proposition est irréalisable ou l’affirmation absurde. Qui peut être contre la « relocalisation des médicaments » ?

      [En attendant, restera dimanche la tronche des pontes du centre mou et des éditorialistes de plateau devant le score du RN, même si, au vu de l’importance qu’ont pris les sondages, un score de 30% au lieu des 33 annoncés pourrait être présenté comme une défaite, et à l’inverse 18% au lieu de 16 pour Renaissance comme une victoire…]

      On connait l’exercice. Le soir du scrutin, chacun se félicitera de quelque chose. Bien sur, selon l’ampleur du désastre, les félicitations sonneront plus ou moins creux. Si Hayer passe derrière Glucksmann et que le RN sorte des urnes à 33%, elle aura du mal à trouver motif de consolation. Mais vous verrez, elle en trouvera un. Personne ne dira « les électeurs nous ont sanctionné parce que nous faisons une mauvaise politique ».

    • Carloman dit :

      @ Patriote Albert,
       
      [Nous avons fait avec les moyens du bord, et, si nous n’aurons pas des bulletins dans tous les bureaux de vote, nous serons dans la majorité d’entre eux]
      Il faut je pense dire également qu’il est possible de télécharger et imprimer le bulletin, et de se présenter avec celui-ci à son bureau de vote:

      Matériel de campagne

  5. maleyss dit :

    [Cette révolution a abouti à déplacer le pouvoir, l’argent, même le pouvoir symbolique vers le secteur privé. Aujourd’hui, si vous voulez le fric, mieux vaut faire carrière à LVMH que dans un ministère. Si vous voulez peser sur les politiques publiques, mieux vaut aller chez McKinsey ou BCG qu’à l’inspection des finances. Si vous voulez du pouvoir, mieux vaut être PDG de Total que président de la République. Les meilleurs aujourd’hui ne vont pas dans la politique ou la fonction publique, mais dans le secteur privé.]
    Et comment articulez-vous cette constatation avec le fait que, conjointement, la politique soit devenu un métier, et que nombre de nos politiques n’ont pratiquement jamais fait autre chose que de la politique, ce qui explique sans peine leur ignorance totale des faits les plus simples et les plus bruts. Vous citez Bardella, mais il y a beau temps que, principalement à gauche, beaucoup sont passés directement du syndicalisme étudiant (sans pour autant consacrer beaucoup d’énergie aux études y afférent) ou du militantisme dans une quelconque association lucrative sans but, aux cabinets ministériels ou au parlement ?

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [ Et comment articulez-vous cette constatation avec le fait que, conjointement, la politique soit devenu un métier, et que nombre de nos politiques n’ont pratiquement jamais fait autre chose que de la politique, ce qui explique sans peine leur ignorance totale des faits les plus simples et les plus bruts.]

      En fait, la politique est devenue un métier depuis très longtemps. Georges Marchais a été dans sa jeunesse ouvrier métallurgiste, mais une fois rentré en politique il n’a pas remis le pied dans un atelier, pas plus que Mitterrand n’a fréquenté les prétoires, que Chirac n’a fait des audits. Ceux qui rentrent en politique en font un métier, et cela depuis la Rome antique. Ce qui fait la différence n’est pas la professionnalisation de la politique, mais plutôt l’âge auquel les gens rentrent dans le métier. Pendant longtemps, la politique était une « deuxième carrière », et on y entrait après avoir une expérience professionnelle réelle et souvent réussie. Clémenceau fut journaliste avant de devenir politicien, De Gaulle fut militaire. Aujourd’hui, on trouve des gens qui rentrent dans le milieu politique sans jamais avoir exercé un autre métier, en passant par la filière cabinet ou bien attaché parlementaire.

      Pourquoi cela ? Parce que celui qui a réussi dans son métier n’a aucun intérêt de rentrer en politique. Faire de la politique demande beaucoup d’efforts, et ne rapporte guère, en comparaison avec les carrières dans le privé. Alors, les meilleurs vont dans les entreprises, et on se retrouve avec le deuxième choix – et encore… – sur les bancs de l’Assemblée.

  6. Patriote Albert dit :

    [J’espère en tout cas qu’il sera dans le mien !] 
    La région parisienne devrait être bien desservie, je vous rassure ! 

    [Une élection, ça coûte cher, et c’est dommage de multiplier à l’infini le nombre de listes. Dans cette élection, il y a 37 listes (!!!) dont seules sept ont une chance minime d’avoir des élus.] 
    Il y en a même 38, une liste de Gilets jaunes ayant été rajoutée après décision judiciaire. 
    Pourquoi ne pas imaginer un “parrainage des citoyens”? A partir de quelque chose comme 5000 signatures authentifiées de Français, la liste aurait le droit de se présenter ? 

    • Descartes dit :

      @ Patriote Albert

      [La région parisienne devrait être bien desservie, je vous rassure !]

      Ah… mais je ne vote pas à Paris, moi…

      [Pourquoi ne pas imaginer un “parrainage des citoyens” ? A partir de quelque chose comme 5000 signatures authentifiées de Français, la liste aurait le droit de se présenter ?]

      Parce que les « parrainages citoyens » ne sont pas si simples à gérer. D’abord, il en faudrait beaucoup plus, parce que je ne doute pas un instant qu’aucune des 38 listes en question n’aurait de difficulté à trouver les 5000 signatures. Ensuite, parce que ces signatures devraient être publiées – une signature anonyme ne vaut rien, parce que le signataire ne prend la moindre responsabilité sur ce qu’il signe. Enfin, parce que l’authentification d’un grand nombre de signatures est un processus long et couteux.

      Le problème est complexe : d’un côté, il faut faire quelque chose pour éviter que les élections se transforment en « talent show » pour personnalités en mal de notoriété ou pour groupuscules profitant pour faire leur publicité. De l’autre, la barrière ne doit pas être un obstacle à la candidature de personnes véritablement engagées dans un projet politique. Pour l’élection présidentielle, les parrainages par les élus sont finalement un compromis raisonnable. Mais pour les autres élections, on n’a pas encore trouvé de parade.

  7. Timo dit :

    [[Permettez-moi tout d’abord de vous remercier, avec retard, de votre soutien et de votre sympathique commentaire concernant la liste Nous le peuple. Nous avons fait avec les moyens du bord, et, si nous n’aurons pas des bulletins dans tous les bureaux de vote, nous serons dans la majorité d’entre eux.]
    J’espère en tout cas qu’il sera dans le mien ! ]

    Pour info, il est possible de télécharger le bulletin de vote sur leur site pour l’imprimer :

    Matériel de campagne

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *