“La tribune de l’Assemblée me fait penser à un puits: quand un seau (sot) descend, un autre remonte, mais la vérité n’y sort jamais” (André Dupin, ancien président de l’Assemblée nationale)
François Bayrou quitte donc, sans peine ni gloire, un poste auquel il n’aurait jamais dû être nommé. Six mois à Matignon ont suffi à convaincre tout le monde – y compris ses propres partisans – qu’il avait chaussé des bottes trop grandes pour lui. Oui, je sais, il n’est pas digne de tirer sur les ambulances et encore moins sur les corbillards, mais pour une fois je vais faire exception à cette sage règle en y consacrant un paragraphe. Il ne mérite guère plus.
J’avais dit tout le mal que je pensais du personnage lors de sa nomination, et les faits ne m’ont pas démenti. François Bayrou, c’est l’incarnation de ce qu’il y a de pire dans notre monde politique, où pourtant les horreurs ne manquent pas. C’est un homme stupide, borné, rigide, incapable d’avoir une pensée originale, d’embrasser une idée nouvelle. Un notable provincial confit dans des certitudes du « bon sens » dignes du XIXème siècle. Un homme sans parole et sans mémoire. Un homme surtout qui a fait toute sa carrière non en suscitant l’adhésion, mais en jouant sur la menace comme un vulgaire maître chanteur. C’est ainsi qu’il a imposé sa nomination à un Macron sceptique – à juste titre – et c’est ainsi qu’il a tenté de se maintenir en essayant de convaincre l’opinion que son départ causerait une crise financière. Il ne laissera derrière lui que six mois de procrastination. Le mieux qu’il peut espérer de l’histoire, c’est l’oubli.
Adieu monsieur Bayrou, entrez donc monsieur Lecornu. Avec Sébastien Lecornu, arrive à Matignon un politicien jeune, et tout à fait conforme à ce qu’est devenu le « cursus honorum » politique ces dernières années : issu d’un milieu modeste, il fait des études incomplètes (il ne terminera pas son master en droit) pendant qu’il milite à l’UMP. A 19 ans, il devient attaché parlementaire du député de l’Eure Frank Gilard. A 22 ans, il entre dans le cabinet de Bruno Le Maire (au gouvernement Fillon, aux Affaires européennes, puis à l’Agriculture). Il sera secrétaire national de l’UMP en 2013, maire de Vernon en 2014 et président du conseil départemental de l’Eure en 2015. En 2017 il a son premier poste ministériel (secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’environnement), et n’a pas quitté le gouvernement depuis. Autrement dit, un politicien dont la politique est l’unique métier, qui n’a jamais connu que ce milieu, qui n’a jamais connu l’expérience de travail et eu à supporter un patron sur le dos, bref, dont l’expérience vitale est limitée au monde feutré de la politique, locale puis nationale. En ce sens, il a un petit avantage par rapport à un Attal, dont toute la vie s’est déroulée dans deux arrondissements parisiens. Son expérience locale – l’Eure n’est pas la France – suffira-t-elle à faire la différence ?
Son positionnement idéologique est tout aussi flexible – il paraît que c’est aujourd’hui une qualité. Alors que dans certaines circonstances il s’est déclaré « plutôt gaulliste, séguiniste », dans d’autres il s’est présenté comme « libéral et européen », ce qui semble pour le moins contradictoire. Cette contradiction laisse penser à un politicien sans véritables convictions, ou du moins capable de les mettre en veilleuse lorsque l’opportunité politique l’exige. Une flexibilité qui le prépare à gouverner avec une assemblée divisée, en tout cas mieux que le principisme d’un Barnier ou l’entêtement orgueilleux d’un Bayrou.
Mais l’essentiel n’est pas là. En 2024, les électeurs ont envoyé un message : ils voulaient une rupture avec la politique poursuivie par Emmanuel Macron depuis 2017. Certes, ils ne veulent pas tous la même rupture, et aucune politique alternative n’a emporté la majorité. Mais il est clair que celle voulue par le président de la République et poursuivie depuis son élection était rejetée par la population. Depuis cette date, Macron s’entête pourtant contre vents et marées, suivi en cela par le « bloc central », à vouloir continuer comme si de rien n’était sur la même voie, quitte à pervertir l’esprit des institutions – comme on l’a vu lors du débat des propositions de loi abrogeant la réforme des retraites lors des niches parlementaires LFI et RN. Avec Barnier, il avait nommé une personnalité qui ne lui était pas totalement inféodée et entrouvert donc la porte à une remise en cause. Mais très vite cette porte s’est refermée, avec un gouvernement où l’essentiel des postes ministériels était détenu par des fidèles du président et un projet budgétaire qui ne faisait que prolonger en pire les turpitudes antérieures. Avec Bayrou, qui avait soutenu le président et sa politique de manière acritique depuis 2017, il n’y eut jamais la moindre ambigüité : rien de ce qui avait été fait depuis 2017 ne serait remis en cause, et la suite serait dans l’exacte continuité de la doxa macroniste.
C’est cet entêtement, plus que la composition de l’Assemblée nationale, qui conduit au blocage. Les commentateurs macronistes louent « l’esprit de compromis » qui, paraît-il, règne chez nos voisins européens. Mais pour eux, « compromis » veut dire que les autres acceptent de soutenir leur projet sans changements. Pour ne donner qu’un exemple, je me souviens d’une séquence d’un rare comique involontaire sur l’une des chaînes d’information continue, mettant face à face un député socialiste et un député macroniste. Ce dernier déclarait qu’il était tout à fait prêt à négocier largement pour trouver un accord avec les socialistes. Le journaliste commence alors à l’interroger : « négocier sur les retraites, par exemple ? ». Réponse : « il n’en est pas question ». Sur les économies budgétaires ? « La situation est catastrophique, on ne peut rien céder ». Sur la taxe Zucman ? « Ce serait inacceptable ». Et l’échange s’est poursuivi, avec à chaque proposition d’un sujet de négociation, une négative. Autrement dit, le « on est prêt à tout négocier » doit s’entendre en fait comme « tout, sauf ce qui vous intéresse ». Dans ces conditions, on ne peut qu’aller au blocage.
Cette fausse ouverture ne peut qu’exaspérer les oppositions. Les socialistes y ont cru – ou fait semblant d’y croire – lorsqu’ils ont laissé passer le budget 2025 en échange du « conclave », et ont eu toutes les raisons de le regretter. De déclaration en déclaration primo-ministérielle, il est vite devenu évident que rien n’était négociable. De l’autre côté de l’échiquier, le RN a envoyé une lettre listant ses « lignes rouges », et n’a même pas eu de réponse. Bayrou atteint le comble du ridicule en prétendant qu’il n’a pu rien discuter parce que les oppositions étaient « en vacances ». Le fait est donc évident : avec Bayrou comme avec Barnier, aucun changement de cap n’était possible.
Est-ce qu’avec Lecornu on peut sortir de cet entêtement ? Sur le papier, il part bien mieux que ses prédécesseurs. Il n’a certainement pas la raideur aristocratique d’un Barnier, et ce n’est pas un crétin façon Bayrou. Il a la confiance personnelle du président de la République, et cela lui permet probablement de lui dire quelques vérités que ni Barnier ni Bayrou ne pouvaient lui dire sans se voir désigner comme traîtres à la cause. Ayant une longue carrière devant lui, c’est peut-être aussi de son intérêt de « tuer le père » – ou du moins de se démarquer de lui – alors que le macronisme est en train de se dissoudre. Son extrême discrétion depuis qu’il est ministre des Armées, ses contacts à peine dissimulés – de nos jours, quand on dîne, on sait que cela finira par se savoir dans les gazettes – avec les dirigeants du RN, ce RN dont Macron a fait son diable de confort, montrent une certaine conscience de l’épuisement politique du macronisme.
Natasha Polony – l’une des meilleures commentatrices dans notre espace médiatique – a exposé cette semaine une remarque fort pertinente. Dans une chronique, elle signale combien notre classe politique s’est habituée à conduire des politiques « minoritaires ». Non pas « minoritaires » dans l’Assemblée, mais « minoritaires » dans le pays. Selon elle, l’esprit de la Vème République est là : dans la volonté des chefs de l’exécutif à chercher à convaincre et à faire des choix prudents qui permettent de compter avec le soutien, ou du moins la bienveillance, d’une majorité de Français. Je ne peux qu’être d’accord avec elle. Si la Constitution donne au président de la République des instruments puissants pour imposer sa volonté, le moins qu’on puisse dire est que de De Gaulle à Chirac, les présidents successifs ont été très prudents dans leur usage, reculant en général lorsqu’ils sentaient que la majorité de l’opinion ne les suivait pas. De Gaulle a préféré partir dès lors qu’il avait échoué à rallier à sa proposition un soutien majoritaire. Mitterrand préféra retirer le projet de loi « Savary » lorsqu’il sentit que « le grand service public unifié de l’éducation nationale » – pourtant une promesse inscrite dans son programme électoral – soulevait une résistance sinon majoritaire au moins très considérable, et cela alors qu’il avait une majorité à l’Assemblée lui permettant largement de passer en force. Chirac retira le CPE, qu’il avait pourtant réussi à faire voter, lorsqu’il vit que cela suscitait une opposition très large dans l’opinion. A contrario, Georges Pompidou et Valery Giscard d’Estaing avaient tous deux exprimé clairement leur rejet à titre personnel de la peine de mort, et le second était allé jusqu’à estimer que le législateur devait se saisir de la question de son abolition, mais ont compris qu’un puissant courant d’opinion tenait à la maintenir et qu’il n’était pas question donc d’imposer un changement avant que l’opinion n’évolue et sans un mandat clair. Il fallut attendre 1981 pour que cette évolution se fasse : même si les sondages continuent à montrer qu’une majorité est favorable, personne ne sort dans la rue pour protester lorsque le parlement vote son abolition.
Le point d’inflexion se situe probablement sous la présidence Sarkozy, avec la ratification du traité de Lisbonne, qui reprenait – sans leur donner le caractère constitutionnel de l’original – une bonne partie des dispositions contenues dans le projet de traité constitutionnel européen, largement rejeté par les Français en 2005. Dans cette affaire, la classe politique – la droite au pouvoir, mais aussi une partie de la gauche dans l’opposition, qui a joint ses voix pour atteindre la majorité requise – a imposé une décision fondamentale et qu’elle savait pertinemment être minoritaire. Cette logique qui suppose que le président sait ce qui est bon pour le pays et peut l’imposer au citoyen, sans prendre la peine de le convaincre ni même à l’écouter, s’est depuis accentuée à chaque présidence. Et avec Macron, on a atteint des niveaux surréalistes : notre président semble sincèrement convaincu que, dès lors qu’il peut juridiquement faire quelque chose, qu’il existe quelque part dans la Constitution un levier qui lui permet de passer en force, il est politiquement légitime à le faire. Et cette croyance semble partagée par l’ensemble de la classe politique – il n’y a qu’à rappeler l’utilisation abusive de la motion de rejet, adoptée par les députés pourtant favorables au texte pour éviter le débat à l’Assemblée nationale (1), détournement évident de procédure utilisé en décembre 2023 pour la loi immigration, et encore récemment pour faire adopter la loi Duplomb.
Cette logique dégrade profondément les institutions. La constitution de 1958 donne certes au chef de l’exécutif des instruments très puissants, presque dictatoriaux dans certains cas. Mais ces instruments lui sont conférés à la condition d’en faire un usage prudent. Si les rédacteurs de la constitution ont agi ainsi, c’est parce qu’ils avaient confiance dans les élites politiques pour les utiliser avec sagesse, et dans le peuple Français, peuple politique s’il en est, pour se révolter dans le cas contraire. Le cas de l’article 16 de la constitution – celui qui permet au chef de l’Etat d’exercer les pleins pouvoirs pour une période limitée – est un bon exemple. Déja en mai 1958 une partie de la classe politique avait crié à la dictature – s’attirant la réponse humoristique de mongénéral que tout le monde connaît (« ce n’est pas à mon âge que je vais commencer une carrière de dictateur »). Ces critiques ont redoublé lorsque quelques mois plus tard le contenu de la Constitution a été révélé. L’article en question fut dénoncé par les élites comme ouvrant la porte à un régime autoritaire. Les faits leur ont donné tort : l’article 16 ne fut utilisé qu’une fois, en 1961, pour faire face au « putsch d’Alger », et dans une situation où le pays était profondément divisé, on peut difficilement accuser l’exécutif d’avoir abusé des pouvoirs extraordinaires pour imposer des mesures « minoritaires ». En 1968, alors que la situation aurait pu justifier aux yeux de certains le recours aux pleins pouvoirs, De Gaulle a laissé les institutions fonctionner, et s’il interrompt leur fonctionnement normal avec la dissolution de juin 1968, ce n’est pas pour imposer une politique « minoritaire » mais au contraire, pour demander au peuple son soutien. On imagine mal Giscard, Mitterrand, Chirac, ou même Sarkozy ou Hollande faire appel à l’article 16 en dehors de circonstances absolument critiques et avec un large consensus derrière eux. Mais lorsqu’il s’agit de Macron, la spéculation semble permise puisqu’il suffit de faire une petite recherche pour trouver de nombreux articles dans des journaux tout à fait sérieux qui évoquent cette possibilité (2). Et l’évoquent non pas comme un instrument pour appliquer des mesures indispensables au maintien de l’ordre public – mesures qui compteraient certainement avec un large soutien populaire – mais pour faire approuver la loi de finances !
La démocratie, cela ne consiste pas seulement à élire des représentants tous les cinq ans. C’est aussi – je dirais surtout – un dialogue permanent entre représentants et représentés. Les citoyens ne signent pas le soir de l’élection un chèque en blanc, ni même un mandat pour appliquer un programme. Et le fait d’avoir été élu ne confère pas une légitimité par défaut pour appliquer une mesure dont les Français ne veulent pas. C’est l’oubli de ces sages principes qui nous a conduit à la situation de blocage où nous sommes, avec d’un côté un président barricadé à l’Elysée dans la certitude de savoir ce qui est bon pour nous et – ce qui est pire – sa conviction qu’il a une pleine légitimité pour l’imposer, et de l’autre côté un ensemble de dirigeants politiques qui, s’ils étaient à sa place, feraient probablement la même chose. Car ne nous trompons pas, cette habitude des gouvernements « minoritaires » au sens où l’entend Natacha Polony ne s’arrête pas aux portes de l’Elysée, c’est devenu un capital commun de notre classe politique. François Bayrou n’y échappait pas. Enfermé dans la conviction d’avoir raison contre tout le monde, s’inventant des soutiens qu’il n’avait pas – qui peut imaginer un instant que des jeunes lui auraient écrit, comme il le prétend, pour le féliciter de ses discours sur la dette – il ne pouvait pas aller chercher dans le pays la majorité qui lui manquait à l’Assemblée. Dès lors, les oppositions pouvaient le censurer en se sachant soutenues par leurs électeurs. Et c’est exactement ce qui s’est passé.
Sur le perron de Matignon, lors de la cérémonie de passation de pouvoir, notre nouveau Premier ministre a prononcé un discours très bref – moins de cinq minutes. Un discours constitué pour l’essentiel par des politesses envers son prédécesseur qui constituent une figure imposée, mais qui contenait une phrase dissonante, adressée à François Bayrou et, par élévation, au président de la République : « mais je le dis aussi, il va falloir des ruptures, et pas que sur la forme, et pas que dans la méthode. Des ruptures aussi sur le fond ». Ces mots ne valent pas engagement, mais témoignent à mon sens d’une prise de conscience. Pour le reste, on va vite savoir quelles sont les limites de l’exercice. On saura assez vite si notre nouveau Premier ministre est prêt à la « rupture » dont il parle, condition sine qua non pour surmonter l’abîme de méfiance laissé par son prédécesseur, ou bien si ce n’est qu’une tentative de nous vendre le même produit avec une nouvelle étiquette.
Descartes
(1) Pour ceux pour qui cette allusion serait obscure, il faut rappeler la procédure parlementaire. Une proposition ou projet de loi est déposé devant l’une des deux assemblées, qui l’examine, l’amende, puis envoie le texte ainsi amendé à l’autre assemblée. C’est ce qu’on appelle la « navette ». Au bout d’un certain nombre d’examens (deux dans chaque assemblée, sauf si la procédure d’urgence est demandée, auquel cas il n’y a plus qu’une) le gouvernement peut constater que, les chambres ne se mettant pas d’accord, une « commission mixte paritaire » (CMP) doit se réunir. Celle-ci doit élaborer un texte de compromis entre les textes votés par les deux assemblées. Si ce compromis n’est pas trouvé, on dit que la CMP « a échoué » et la navette reprend. Si un compromis est trouvé, celui-ci est présenté devant les deux assemblées qui doivent le voter dans l’état, aucun amendement – sauf ceux soutenus par le gouvernement – n’étant admis.
La « motion de rejet préalable » peut être déposée au début du débat sur le texte dans chaque assemblée. En principe, elle sert pour marquer le refus de l’assemblée concernée d’examiner le texte, et c’est en fait un appel au gouvernement à le retirer. Mais du fait de la manière dont le règlement est rédigé, ce vote permet de renvoyer le texte à l’autre assemblée sans qu’aucun amendement ne soit discuté. C’est donc un instrument très efficace pour contrer l’obstruction parlementaire – qui s’est généralisée ces dernières années, avec le dépôt de centaines et même de milliers d’amendements souvent loufoques ou identiques les uns aux autres – mais rend le processus d’amendement parlementaire inopérant.
(2) Voir par exemple « Le Point » du 5 décembre 2024, qui qualifie le recours à l’article 16 par le président Macron de « scénario extrême, mais qui reste une possibilité en cas de blocage politique majeur ».
Vous tirez sur le corbillard. Vous craignez qu’il ressuscite, comme le barbu de Nazareth ? Perso, entre le maire de Tulle et le maire de Pau…….
@ Lhaa Francis
[Perso, entre le maire de Tulle et le maire de Pau…]
Quand même… dieu – s’il existe – sait que je n’ai aucune tendresse pour l’ancien maire de Tulle. On peut lui reprocher de ne pas avoir de colonne vertébrale, d’avoir toujours suivi la ligne de moindre résistance, c’est à dire d’avoir fait la politique du chien crevé au fil de l’eau. On peut aussi lui reprocher de n’avoir pas pris la mesure de sa fonction, d’être resté un magouilleur de couloir, de ne pas avoir de parole. Mais on ne peut dire de lui que c’est un imbécile borné.
@Descartes,
Mazette, cher camarade: vous êtes décidément bien en verve!
Peut-être devriez-vous songer, pour occuper vos vieux jours, à rédiger une galerie de portraits d’hommes politiques pour lesquels vous avez la plus grande “tendresse”: en leur temps, j’avais adoré ceux de Noël Mamère et Christiane Taubira 😈😬… Une carrière digne de La Bruyère vous tend les bras!
@ CVT
[Mazette, cher camarade: vous êtes décidément bien en verve!]
Que voulez-vous, l’imprécation ne sert pas à grande chose, mais ça soulage…
[Peut-être devriez-vous songer, pour occuper vos vieux jours, à rédiger une galerie de portraits d’hommes politiques pour lesquels vous avez la plus grande “tendresse”: en leur temps, j’avais adoré ceux de Noël Mamère et Christiane Taubira 😈😬… Une carrière digne de La Bruyère vous tend les bras!]
J’y pense, j’y pense…
Bonjour Descartes,
Vous faites ici un constat que je partage : le détournement de l’esprit des institutions de la Vème République permet aux dirigeants actuels d’imposer une politique “minoritaire” au pays.
Or, j’ai retenu de nos discussions précédentes que vous rejetez les RIC ou autres référendums révocatoires, et que vous n’êtes pas favorable à ce qu’on touche aux dispositions de la Constitution relatives au fonctionnement des pouvoirs publics (ou alors très peu).
Dans ces conditions, quelle solution reste-t-il pour mettre fin à ce problème ? Faut-il se contenter de le déplorer et attendre des dirigeants plus « vertueux » ? Mais vous le dites vous-même, cette tendance à vouloir passer en force dès que c’est juridiquement possible semble aujourd’hui largement répandue dans la classe politique.
@ Spinoza
[Or, j’ai retenu de nos discussions précédentes que vous rejetez les RIC ou autres référendums révocatoires, et que vous n’êtes pas favorable à ce qu’on touche aux dispositions de la Constitution relatives au fonctionnement des pouvoirs publics (ou alors très peu).]
Oui, je suis contre les dispositifs comme le RIC ou le référendum révocatoire, pour les mêmes raisons que je rejette toute tentation de démocratie directe. Pour moi, la démocratie est par essence « représentative », d’une part parce qu’elle nécessite une forme de maïeutique, et d’autre part parce que la complexité d’un Etat moderne implique nécessairement une forme de division du travail. Pour résumer ma position, je dirais que pour moi l’élément qui caractérise une démocratie c’est la responsabilité de ceux qui exercent le pouvoir. Et on ne peut être tenu pour responsable de ce qu’on ne contrôle pas. Seul un pouvoir fort, ayant les moyens de mettre en œuvre ses choix, peut être « responsable ».
Je soutiens que la démocratie prend forme dans le dialogue entre le peuple et ses mandataires. Que ceux-ci aient recours au référendum A LEUR INITIATIVE pour confirmer une orientation ou un mandat, cela me paraît très utile. Mais un tel référendum doit être restreint à des questions qui sont à la fois essentielles, avec un nombre d’options très limitées, et relativement peu techniques : on peut soumettre à référendum une réforme de la Constitution, une modification du territoire national, la ratification d’un traité particulièrement important. Mais je ne pense pas qu’on gagnerait à faire voter le Code de la Sécurité Sociale par référendum.
Je ne suis pas contre qu’on modifie le fonctionnement des pouvoirs publics, mais alors dans un sens de retour vers l’esprit de la Vème République : suppression de la QPC, retour au septennat…
[Dans ces conditions, quelle solution reste-t-il pour mettre fin à ce problème ? Faut-il se contenter de le déplorer et attendre des dirigeants plus « vertueux » ? Mais vous le dites vous-même, cette tendance à vouloir passer en force dès que c’est juridiquement possible semble aujourd’hui largement répandue dans la classe politique.]
Ce n’est pas un problème qu’on peut résoudre en changeant les institutions, mais une question de rapport de forces. En 1958, l’ensemble des groupes sociaux était représenté au forum public : pour ce qui concerne les couches populaires, outre le « parti de la classe ouvrière » leur poids était loin d’être négligeable chez les socialistes et les gaullistes, sans compter avec la puissance des organisations syndicales. On ne pouvait donc pas l’ignorer, et les élites politiques avaient conscience de la nécessité d’avoir ces gens-là à bord.
A partir de la fin des années 1970, les couches populaires sont progressivement marginalisées, au fur et à mesure que la mondialisation les rend moins indispensables au fonctionnement du capitalisme français. Le bloc dominant s’est donc progressivement habitué à gouverner sans eux, sans même chercher leur adhésion puisqu’on pouvait s’en passer. C’est par ce processus que se forme cette logique de « gouvernement minoritaire ». Et cela a marché jusqu’à ce que les partis populistes, qui ont redonné une représentation aux couches populaires, rentrent dans le paysage.
Je proposerais, pour ma part, quelque chose de radicalement différent pour le mandat présidentiel : Un mandat de 2 ans, renouvelable. Le Président, tous les 2 ans, doit se soumettre (ou soumettre son successeur désigné) à un plébiscite, pour que le Peuple lui confirme sa confiance.
En cas de vote inférieur à 50%, il part et ne peut plus se représenter. Et une nouvelle élection est organisée, comme aujourd’hui.
Pour se maintenir, il n’aura pas d’autre solution que de rompre avec la politique de Sarkozy et de ses successeurs, qui ont tendance à prendre la place du premier ministre. Ce qui permettrait de revenir à l’esprit des institutions.
Et en supprimant les présidentielles périodiques, on supprime les manœuvres d’appareil qui visent toutes, in fine, à créer des écuries et des stratégies pour la présidentielle.
En laissant la possibilité à un président qui s’est fait virer de déclarer inéligible pour le prochain scrutin 5 à 10 personnes (ceux qui lui auraient glissé des peaux de bananes par exemple), on pourrait arriver à quelque chose de stable.
@ Vincent
[Je proposerais, pour ma part, quelque chose de radicalement différent pour le mandat présidentiel : Un mandat de 2 ans, renouvelable. Le Président, tous les 2 ans, doit se soumettre (ou soumettre son successeur désigné) à un plébiscite, pour que le Peuple lui confirme sa confiance.]
Votre système, excusez-moi d’être franc, est absurde. Imaginez un président élu pour la première fois, et qui veut mettre en œuvre une nouvelle politique. Il faut faire rédiger une loi, faire les consultations, la faire voter : déjà six mois de passés. Ensuite, vous prenez les décrets d’application, organisez la mise en œuvre… encore un an de parti. Il vous reste six mois avant l’élection pour pouvoir présenter un bilan de votre politique. Autrement dit, votre président, à sa première réélection, ne pourra être jugé que sur les effets des politiques… décidées par son prédécesseur. Autrement dit, sa campagne pour la réélection pourra se résumer à un « tout ce qui vous arrive n’est pas ma faute, laissez-moi un peu de temps ». Un argument qui sera valable quelque soit finalement la politique mise en œuvre…
Avec votre système, il n’y aura que des politiques de court terme qui seront mises en œuvre, c’est-à-dire, des politiques qui peuvent donner des résultats très rapidement. Ce serait la campagne électorale permanente, mais une campagne électorale où l’on ne discuterait que les choix de court terme. Mais surtout, personne n’est responsable de rien, puisque chacun peut reporter l’échec d’une politique sur son prédécesseur ou sur son successeur…
@Descartes
Ou sinon, exactement comme je le proposais, le Président devra se recentrer sur le régalien pur, et laisser le gouvernement gouverner, pour éviter de prendre les coups et d’être comptable du bilan.
Il est parfaitement possible d’expliquer, sur les grands choix structurants : voilà ce qui a été fait. Les résultats seront obtenus sur le long terme, etc.
Et s’agissant des politiques du quotidien, il laisse le gouvernement gouverner.
En réalité, le reproche que vous faites au mandat de 2 ans peut aussi bien être fait au mandant de 5 ou 7 ans. Vu l’inertie qui existe sur la plupart des décisions en matière économique ou industrielle, les effets concrets sur la population mettent plus de 10 ans à arriver. Il faudrait, pour répondre à votre objection, un mandat de 15 ans…
@ Vincent
[Ou sinon, exactement comme je le proposais, le Président devra se recentrer sur le régalien pur, et laisser le gouvernement gouverner, pour éviter de prendre les coups et d’être comptable du bilan.]
Mais cela veut dire quoi, « se recentrer sur le régalien pur » ? Comment pourrait-il se « recentrer » sur la politique de défense tout en laissant « le gouvernement gouverner » le budget des armées ?
[Il est parfaitement possible d’expliquer, sur les grands choix structurants : voilà ce qui a été fait. Les résultats seront obtenus sur le long terme, etc.]
On peut toujours expliquer. Mais si vous organisez des élections tous les deux ans, les électeurs ne pourront juger le mandat de leur président que sur des « explications », puisqu’il n’aura eu le temps de les mettre en œuvre, ni à fortiori la possibilité de montrer des résultats.
Il y a en fait deux modèles de présidence. Il y a le modèle où le chef d’Etat est au-dessus des pouvoirs, et se contente d’inaugurer les chrysanthèmes, d’incarner une forme d’unité symbolique de l’Etat, et à la limite un recours en temps troublés – comme c’est le cas dans les monarchies constitutionnelles, ou bien dans le président des IIIème et IVème Républiques. Dans ces cas, le président est jugé à sa capacité à tenir dignement sa fonction, à être un facteur d’unité plutôt que de division.
L’autre modèle, c’est le modèle où le chef de l’Etat oriente ou dirige le pouvoir exécutif. C’est le cas aux Etats-Unis, où le président est chef de l’exécutif, c’est le cas en France où, même si la constitution ne lui donne pas ce rôle, la pratique institutionnelle lui donne un rôle capital dans l’orientation des politiques de l’exécutif, sans parler de la dérive entamée depuis Sarkozy qui tend à confondre le rôle du président et celui du premier ministre. Dans ce cas, le président doit pouvoir être jugé que sur les politiques mises en œuvre.
Dans les deux cas, un système comme vous le proposez est néfaste. Dans le premier cas, parce qu’un élément de l’unité symbolique d’une nation est la continuité, l’exemple d’Elizabeth II est de ce point de vue assez parlant. Dans le deuxième cas, il est dangereux d’organiser un système dans lequel le peuple est appelé à se prononcer sur des choix avant qu’ils puissent être mis en œuvre. La raison est que tout choix génère à priori une coalition des « non », généralement beaucoup plus forte que la coalition des « oui ». Souvent, cette coalition des « non » cède du terrain lorsque le choix s’avère payant dans ses résultats. Créer une sorte de référendum à priori conduirait à l’immobilisme.
[En réalité, le reproche que vous faites au mandat de 2 ans peut aussi bien être fait au mandant de 5 ou 7 ans. Vu l’inertie qui existe sur la plupart des décisions en matière économique ou industrielle, les effets concrets sur la population mettent plus de 10 ans à arriver. Il faudrait, pour répondre à votre objection, un mandat de 15 ans…]
Il ne faudrait pas exagérer. Rares sont les décisions qui demandent plus de sept ans pour être mises en œuvre, et si les résultats complets ne se voient quelquefois que bien plus loin, on peut déjà juger sur la capacité au moins à mettre en œuvre le projet. Pensez par exemple au programme électronucléaire, peut-être l’un des programmes au cours les plus longs qu’on ait mis en œuvre dans ce pays. La décision est prise en 1973-74. Giscard, élu en 1974, pourra se prévaloir lors de l’élection de 1981 d’avoir démarré trois réacteurs (Tricastin 1, Fessenheim 1 et 2) et d’avoir mis en chantier une trentaine. Imaginons qu’il ait eu à se présenter devant les électeurs en 1976 : il n’aurait rien eu à montrer, et ses adversaires auraient eu beau jeu d’affirmer qu’on n’y arriverait jamais à les financer, que l’industrie française n’était pas prête, que les réacteurs seraient toujours en panne (tous arguments qu’on entendait en 1976, je n’invente rien). En 1981, tous ces arguments étaient tombés. Le programme était financé, l’industrie suivait, et les premiers réacteurs avaient été couplés. De quoi inspirer de la confiance. Cela ne porta pas chance à ce pauvre Giscard… mais cela est une autre histoire.
J’ajoute que certains constitutionnalistes proposent un “décenat” non renouvelable. Je ne partage pas cette proposition, d’une part parce que dix ans c’est trop long, et d’autre part parce qu’il est toujours dangereux de mettre à la barre quelqu’un qui, ne pouvant pas être réélu, n’a plus rien à perdre (c’est pourquoi je suis contre toutes les dispositions qui limitent la réélection). Le septennant paraît, à l’expérience, un bon équilibre. Vous noterez d’ailleurs que le peuple français a souvent donné un deuxième mandat lorsque celui-ci a été sollicité. Il a réélu De Gaulle en 65, Mitterrand en 81, Chirac en 2002, Macron en 2017.
Je n’y vois rien d’autre qu’une réponse au RN, qui avait dit qu’il censurerait s’il n’y avait pas de rupture…
Et ça ne mange pas de pain de parler de rupture tant qu’on n’a pas dit ce qu’on allait rompre.
Si on voulait être ironique, on pourrait même dire qu’un projet de “rupture” est un certain manque d’ambition par rapport au projet de “révolution” que portait Macron lors de son élection…
@ Vincent
[« qui contenait une phrase dissonante, adressée à François Bayrou et, par élévation, au président de la République : « mais je le dis aussi, il va falloir des ruptures, et pas que sur la forme, et pas que dans la méthode. Des ruptures aussi sur le fond ». » Je n’y vois rien d’autre qu’une réponse au RN, qui avait dit qu’il censurerait s’il n’y avait pas de rupture…]
Lorsque vous regardez bien le langage corporel de Lecornu quand il prononce cette phrase, il est assez clair qu’il s’adresse à son prédécesseur et, par élévation, à ceux qui l’ont soutenu. Si le but était de contenter le RN, il n’était pas besoin du « mais je le dis aussi », qui met clairement la question de la « rupture » en contraste avec l’action de Bayrou, pas plus qu’il n’était nécessaire d’entrer dans les distinctions entre la forme, la méthode et le fond…
[Et ça ne mange pas de pain de parler de rupture tant qu’on n’a pas dit ce qu’on allait rompre.]
Pour le moment, on a que des mots. Mais les mots ont aussi leur importance. Ni Barnier, ni Bayrou n’ont utilisé ce langage. Il est clair, et le « mais je le dis aussi » enfonce le clou, que Lecornu ne se place pas dans la continuité de ses prédécesseurs ni même celle de Macron. C’est un début.
[Si on voulait être ironique, on pourrait même dire qu’un projet de “rupture” est un certain manque d’ambition par rapport au projet de “révolution” que portait Macron lors de son élection…]
Ca dépend « rupture » avec quoi. Lecornu n’est pas – du moins pas encore – président de la République. Il n’a ni l’autorité ni la majorité qui lui permettraient de tout changer. S’il arrive déjà à enterrer le macronisme, ce sera un exploit.
Imbecile borné ? bigre, diantre, et si j’osais, sacrebleu. Que voila une redondance superfétatoire. Tant qu’à faire, l’ex maire de Lourdes aurait eu nettement plus d’allure. Plus sérieusement, je me régale en épluchant votre blog : je constate qu’un certain mauvais esprit ne s’est pas perdu. Comme on est en septembre, à part l”éjection de Bayrou, qui est un évènement ” cosmique “, je pensais à certains faits, oubliés, mais qui sont pour quelque chose dans le ” pétrin ” ou nous sommes. Si ça vous dit, je peux vous envoyer un petit pensum….
@ Lhaa Francis
[Imbecile borné ? bigre, diantre, et si j’osais, sacrebleu.]
Oui, je sais, ma tendance à l’euphémisme me perdra…
[Comme on est en septembre, à part l”éjection de Bayrou, qui est un évènement ” cosmique “, je pensais à certains faits, oubliés, mais qui sont pour quelque chose dans le ” pétrin ” ou nous sommes. Si ça vous dit, je peux vous envoyer un petit pensum…]
Vous pensez à la proclamation de la République ? Je ne crois pas que ce soit “pour quelque chose” dans le pétrin où nous sommes, au contraire.
Un point de détail pour commencer: la Constitution de 1958 a été promulguée en octobre de cette année, mais la conférence de Presse lors de laquelle de Gaulle dément vouloir “entamer une carrière de dictateur” est de mai de cette même année. https://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00210/conference-de-presse-du-19-mai-1958.html
Selon nombre de commentateurs, effectivement, l’application de l’article 16 n’était quasiment plus qu’une question de jours.
C’est oublier les consultations auxquelles le Président doit obligatoirement procéder, sans forcément les suivre. Mais il est difficile d’imaginer Macron ne pas respecter cette obligation, ou aller contre les avis formulés, ni les personnes consultées engager leur propre responsabilité en endossant des mesures hors du cadre de l’article 16.
Ajoutons que le Parlement se réunit de droit, et que l’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant la période d’application.
@ xc
[Un point de détail pour commencer: la Constitution de 1958 a été promulguée en octobre de cette année, mais la conférence de Presse lors de laquelle de Gaulle dément vouloir “entamer une carrière de dictateur” est de mai de cette même année.]
Tout à fait. Mon texte n’était pas clair : je ne voulais pas dire que la réponse de De Gaulle concernait l’article 16 – qui n’était pas encore écrit à l’époque où la réponse fut donnée. Mais l’article 16 se situe dans la continuité de l’esprit qui animait mongénéral en mai 1958 : il fallait à la France une organisation institutionnelle qui la mette à l’abri de la paralysie et de l’impuissance devant les crises qui avait provoqué la chute de la IIIème et IVème Républiques. Mon point est qu’alors que les leviers qui auraient permis d’instaurer un régime autoritaire existent dans la Constitution, ils ont été utilisés à titre exceptionnel et plutôt à bon escient au moins jusqu’à la présidence Sarkozy.
[Selon nombre de commentateurs, effectivement, l’application de l’article 16 n’était quasiment plus qu’une question de jours. C’est oublier les consultations auxquelles le Président doit obligatoirement procéder, sans forcément les suivre. Mais il est difficile d’imaginer Macron ne pas respecter cette obligation, ou aller contre les avis formulés, ni les personnes consultées engager leur propre responsabilité en endossant des mesures hors du cadre de l’article 16.]
Je suis moins confiant que vous. Sous Macron, d’autres leviers constitutionnels ont été détournés pour permettre de passer en force des politiques rencontrant une large opposition dans l’opinion. Je ne sais pas si Macron aurait tant de scrupules que cela à détourner l’article 16. Cela étant dit, je suis d’accord avec vous, ce serait politiquement suicidaire. Les Français ont beau être légitimistes, il y a des limites à ne pas franchir.
[Ajoutons que le Parlement se réunit de droit, et que l’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant la période d’application.]
Et alors ?
@ Descartes
[Je ne sais pas si Macron aurait tant de scrupules que cela à détourner l’article 16. Cela étant dit, je suis d’accord avec vous, ce serait politiquement suicidaire]
Ce serait suicidaire certes, mais Macron aurait d’autant moins de scrupules qu’il n’a plus rien à perdre ; de son point de vue autant y aller gaiement, c’est ce qui m’inquiète avec lui. Personnellement Macron m’effraie : à chaque fois qu’on atteint les bas-fonds, il trouve un moyen de montrer qu’il sait faire pire. Je crois qu’il n’a aucune limite – ou décence, et qu’il est capable d’amener la France dans des turpitudes pas connues depuis longtemps.
Je lui applique la formule que vous avez utilisée pour Bayrou : “Le mieux qu’il peut espérer de l’histoire, c’est l’oubli.” Mais, à la différence de Bayrou, Macron, lui, a eu le temps de faire beaucoup de mal à notre pays. Et ce n’est pas encore fini.
@ Bob
[Ce serait suicidaire certes, mais Macron aurait d’autant moins de scrupules qu’il n’a plus rien à perdre ; de son point de vue autant y aller gaiement, c’est ce qui m’inquiète avec lui.]
« Rien à perdre » ? Souvenez-vous de la formule de Sarkozy : « il faut toujours se rappeler que le peuple français est un peuple essentiellement régicide ». Passées les bornes…
[Personnellement Macron m’effraie : à chaque fois qu’on atteint les bas-fonds, il trouve un moyen de montrer qu’il sait faire pire. Je crois qu’il n’a aucune limite – ou décence, et qu’il est capable d’amener la France dans des turpitudes pas connues depuis longtemps.]
Sans doute. J’ai toujours pensé que Macron était un homme dangereux pour la même raison qu’Hitler était un homme dangereux : parce qu’il vit dans un univers fermé qui tourne autour de lui. Macron est un égocentrique au sens le plus stricte, le plus pur du terme. Et lorsqu’il s’agit de satisfaire son égo, il n’y a aucune limite morale ou éthique. Je pense que Macron ne s’est jamais dit, devant un dilemme, « ça je ne le ferai jamais parce que c’est mal, parce que c’est injuste, parce que c’est contraire à mes principes ». C’est, je pense, un être profondément amoral. Et donner du pouvoir à un être amoral, c’est toujours dangereux.
[Je lui applique la formule que vous avez utilisée pour Bayrou : “Le mieux qu’il peut espérer de l’histoire, c’est l’oubli.” Mais, à la différence de Bayrou, Macron, lui, a eu le temps de faire beaucoup de mal à notre pays. Et ce n’est pas encore fini.]
Je partage. Bayrou sera facile à oublier, puisqu’il n’a rien fait. Macron a fait beaucoup de mal, et laissera en partant un champ de ruines dans tous les domaines ou presque. A l’exception de la restauration de Notre Dame, j’ai du mal à lui attribuer un seul chantier de construction qu’on puisse mettre à son nom. On peut d’ailleurs lui appliquer la formule que certains appliquèrent à Richelieu: “le bien qu’il fit, il le fit mal; le mal qu’il fit, il le fit bien”. Il a été fort efficace lorsqu’il s’est agi de détruire (fermeture de Fessenheim, suppression des “grands corps” et de l’ENA, réforme des retraites, réforme du bac) mais à l’heure de construire, même ses propositions positives (relance du programme nucléaire, par exemple) se sont vite encalminées…
@ Descartes & Bob,
[Macron a fait beaucoup de mal, et laissera en partant un champ de ruines dans tous les domaines ou presque.]
Pardon, mais êtes-vous sûrs de ne pas faire trop d’honneur à Macron? Après tout, la politique qu’il a menée a été approuvée et validée (je laisse de côté le second tour, mais il s’est qualifié au premier en 2022, malgré son bilan) par ses électeurs. Macron est-il autre chose que le fondé de pouvoir du “bloc dominant”?
Vous dites qu’il “a fait beaucoup de mal”, mais pour reprendre une remarque que vous faites souvent à vos interlocuteurs, Descartes: ça dépend pour qui… Peut-être qu’ici sur ce blog, et ailleurs, beaucoup de gens trouvent que Macron a “mal fait”, mais il y a manifestement des milieux où on pense que Macron a très bien fait, et qu’il aurait peut-être même dû aller plus loin. Pour ne prendre qu’un exemple, il y a encore beaucoup de politiques, de journalistes, d’ “experts” qui continuent à dire et à répéter que la réforme des retraites est intouchable et qu’il fallait la faire.
Vous estimez que Macron a eu tort d’aller à l’encontre de la volonté de la majorité des citoyens, et que, d’une certaine manière, il a fragilisé le pacte démocratique, mais je suis sûr que dans les couloirs des organisations patronales et des groupes de pression néolibéraux, au sein du “cercle de raison”, on loue – au moins en coulisse – le courage de Macron et on le considère comme un homme d’Etat…
Et puis, avant de dire qu’il a fait tant de mal, attendons de voir ce que fera son successeur. Rien ne dit qu’on soit au bout de nos peines.
@ Carloman
[« Macron a fait beaucoup de mal, et laissera en partant un champ de ruines dans tous les domaines ou presque. » Pardon, mais êtes-vous sûrs de ne pas faire trop d’honneur à Macron? Après tout, la politique qu’il a menée a été approuvée et validée (je laisse de côté le second tour, mais il s’est qualifié au premier en 2022, malgré son bilan) par ses électeurs. Macron est-il autre chose que le fondé de pouvoir du “bloc dominant”?]
Je pense que oui. Je pense qu’il est non seulement le « fondé de pouvoir du bloc dominant », mais il est un mauvais fondé de pouvoir. Je pense que le bloc dominant attendait de lui des réformes « structurelles » qu’il n’a pas faites, et qu’il n’a pas faites parce que ses défaillances personnelles l’en ont empêché. Par certains côtés, François Hollande avec ses manières doucereuses, sa flexibilité qui arrivait à endormir les oppositions, était plus efficace dans le service de leurs intérêts qu’un Macron qui promettait beaucoup et qui, par son autisme, a abouti à une « bordélisation » générale.
[Vous dites qu’il “a fait beaucoup de mal”, mais pour reprendre une remarque que vous faites souvent à vos interlocuteurs, Descartes: ça dépend pour qui… Peut-être qu’ici sur ce blog, et ailleurs, beaucoup de gens trouvent que Macron a “mal fait”, mais il y a manifestement des milieux où on pense que Macron a très bien fait, et qu’il aurait peut-être même dû aller plus loin.]
Cela dépend si l’on regarde les objectifs ou les moyens. Oui, il y a certainement des milieux ou l’on partage les objectifs des « réformes » macroniennes. Mais je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de gens – y compris parmi ceux qui ont voté pour lui – qui pensent qu’il s’est bien débrouillé, qu’il a atteint ces buts de manière efficace et efficiente. Le « bloc dominant » ne lui reprochera probablement pas la « politique de l’offre », qui lui a tant profité, mais lui reproche – et on note un changement de ton dans les médias qui l’ont soutenu pendant longtemps – de l’avoir mal conduite, de ne pas l’avoir bien vendue, d’avoir mal géré les alliances, et finalement d’avoir conduit le pays dans une situation de blocage complet.
[Pour ne prendre qu’un exemple, il y a encore beaucoup de politiques, de journalistes, d’ “experts” qui continuent à dire et à répéter que la réforme des retraites est intouchable et qu’il fallait la faire.]
Bien entendu. Mais il aurait pu la faire bien plus « consensuellement » et sans faire autant de dégâts. Hollande avait fait passer la réforme Touraine, qui était au moins aussi négative pour les intérêts des travailleurs, et personne ou presque ne s’en souvient.
[Vous estimez que Macron a eu tort d’aller à l’encontre de la volonté de la majorité des citoyens, et que, d’une certaine manière, il a fragilisé le pacte démocratique, mais je suis sûr que dans les couloirs des organisations patronales et des groupes de pression néolibéraux, au sein du “cercle de raison”, on loue – au moins en coulisse – le courage de Macron et on le considère comme un homme d’Etat…]
De moins en moins, justement. Quand vous lisez ce qui sort de ces groupes, vous noterez que les louanges du « courage » de Macron se sont muées depuis quelque temps en critiques à peine feutrées sur son « entêtement ». Macron est, en intention, un fidèle serviteur des intérêts du bloc dominant. Mais l’intention ne suffit pas : il faut, pour servir ces intérêts en limitant la casse, une compétence, une intelligence des situations que le « Mozart de la finance » ne possède pas. Et le « cercle de la raison » est en train de le découvrir. Le dernier entretien que j’ai entendu d’un Minc désabusé donne une idée de la déception…
[Et puis, avant de dire qu’il a fait tant de mal, attendons de voir ce que fera son successeur. Rien ne dit qu’on soit au bout de nos peines.]
Quand on voit les successeurs potentiels, il est vrai qu’il n’y a pas de quoi être optimiste. Je dois avouer que je suis de plus en plus inquiet. Etant donné le niveau de dégradation de nos institutions, de notre appareil industriel, de notre système éducatif, des rapports sociaux, des demi-mesures ne suffiront pas. Il faudra des mesures radicales, qui nécessiteront des efforts très importants. Et je ne vois pas quel serait l’homme ou le mouvement politique qui serait crédible pour les imposer.
Je te trouve étonnamment optimiste ! J’espère qu’il y a quelque chose de plus, que tu ne nous dis pas, qui te fait penser qu’une “rupture de fond” soit envisageable avec quelqu’un comme Lecornu ! Ou bien est-ce un optimisme méthodologique, en réaction à nos commentaires dépressifs ?
@ Erwan
[Je te trouve étonnamment optimiste ! J’espère qu’il y a quelque chose de plus, que tu ne nous dis pas, qui te fait penser qu’une “rupture de fond” soit envisageable avec quelqu’un comme Lecornu !]
Quand on se contente de peu, il est plus facile d’être optimiste… Entendons-nous bien : la « rupture » dont je parle est relative. Là ou Barnier refusait toute concession par orgueil, et Bayrou par bêtise, Lecornu sera probablement beaucoup plus pragmatique. Il fera certainement des concessions aux socialistes – ce qui en soit est une « rupture » avec la logique macroniste. Mais pour contenter les socialistes, pas la peine de pousser la « rupture » trop loin : il n’y a qu’à voir ce que sont leur demandes de début de négociation : suspension de la réforme des retraites (mais ils se contenteraient d’un accord avec la CFDT sur la pénibilité), 22 Md€ d’économies au lieu de 44, la différence étant couverte par une taxe sur les « ultrariches ». Ce n’est tout de même pas le programme du CNR…
@ Descartes
Votre paragraphe sur Bayrou est fichtrement plaisant à lire tant il est juste. Nous n’aurons donc plus droit à ses petites vidéos didactiques sur YouTube…
[En ce sens, il a un petit avantage par rapport à un Attal, dont toute la vie s’est déroulée dans deux arrondissements parisiens.
Son [Lecornu] positionnement idéologique est tout aussi flexible – il paraît que c’est aujourd’hui une qualité]
Que vous avez le sens de la formule.
[C’est [Bayrou] un homme stupide, borné… Macron s’entête pourtant contre vents et marées]
Les deux faisaient donc la paire.
[il [Lecornu] part bien mieux que ses prédécesseurs]
Un raté tout de même. J’ai lu qu’il a reçu l’adoubement de Sarkozy (en allant le voir ou en recevant ce dernier, je ne sais plus). Aller chercher la bénédiction d’un repris de justice, on pouvait faire mieux. Moi, ça me choque.
[Il fallut attendre 1981 pour que cette évolution se fasse : même si les sondages continuent à montrer qu’une majorité est favorable]
La 1ere entorse au soin de compter sur “le soutien d’une majorité de Français” ?
[Et avec Macron, on a atteint des niveaux surréalistes : notre président semble sincèrement convaincu que, dès lors qu’il peut juridiquement faire quelque chose, qu’il existe quelque part dans la Constitution un levier qui lui permet de passer en force, il est politiquement légitime à le faire.]
Tout à fait. C’en est dramatique. Ou immature, au choix.
[Mais ces instruments lui sont conférés à la condition d’en faire un usage prudent]
Selon vous ou selon la Constitution ?
Il me semble que l’essence de tout ce blocage, le noeud qui bloque tout, c’est Macron, son entêtement à persévérer dans une politique pourtant clairement rejetée par les Français.
@ Bob
[Nous n’aurons donc plus droit à ses petites vidéos didactiques sur YouTube…]
Qui sait ? Maintenant qu’il est à la retraite forcée, peut-être voudra-t-il devenir un influenceur ?
[« il [Lecornu] part bien mieux que ses prédécesseurs » Un raté tout de même. J’ai lu qu’il a reçu l’adoubement de Sarkozy (en allant le voir ou en recevant ce dernier, je ne sais plus). Aller chercher la bénédiction d’un repris de justice, on pouvait faire mieux. Moi, ça me choque.]
Moi, je l’avoue, pas tant que ça. Franchement, quand on regarde comment les campagnes électorales sont financées – et croyez-moi, j’ai vu ça de l’intérieur – j’aurais tendance à dire que si toute la vérité se savait, on trouverait peu d’hommes politiques chez qui on pourrait aller chercher une bénédiction. Je suis donc beaucoup moins sévère que vous : je fais une différence entre l’homme politique qui finance illégalement une activité politique, et celui qui s’enrichit personnellement.
[« Il fallut attendre 1981 pour que cette évolution se fasse : même si les sondages continuent à montrer qu’une majorité est favorable » La 1ere entorse au soin de compter sur “le soutien d’une majorité de Français” ?]
Non. Je n’accorde pas un crédit excessif aux sondages. Si on avait cru les sondages, on n’aurait pas fait le référendum de 2005. A quoi bon, puisque tous les sondages donnaient le « oui » gagnant ? Autant économiser de l’argent et passer par le congrès qui aurait voté « oui », avec la bonne conscience d’avoir suivi l’avis du peuple…
Non, je me fie aux actes : lors des sondages, les Français disaient « non » à l’abolition de la peine de mort. Mais lorsque le projet de loi fut déposé au Parlement, aucune organisation politique n’a appelé à manifester dans la rue. Et une fois voté, aucune organisation politique d’une certaine importance n’a mis son rétablissement dans son programme, ce qu’elles auraient certainement fait si elles avaient pensé qu’il y avait des voix à gagner. Quoi que puissent dire les sondages, je pense qu’on peut raisonnablement dire que les Français dans leur grande majorité étaient soit favorables à l’abolition, soit disposés à l’admettre.
[« Mais ces instruments lui sont conférés à la condition d’en faire un usage prudent » Selon vous ou selon la Constitution ?]
Je dirais que c’est là un principe de bon sens. Plus l’outil que vous avez entre les mains est puissant, et plus il vous faut prendre des précautions et faire attention en l’utilisant. Je me souviens d’un débat pédagogique auquel j’avais pris part dans un centre de vacances : certains moniteurs soutenaient que pour les travaux manuels il fallait donner des enfants des ciseaux de pacotille, avec lesquels on pouvait à peine couper les matériaux, parce que leur donner des vrais ciseaux c’était prendre le risque que les enfants se blessent. Les autres soutenaient au contraire qu’avec de tels ciseaux l’activité ne pouvait aboutir qu’à des résultats médiocres qui ne pouvaient que décourager les enfants, et que cela n’avait aucun sens pédagogiquement, alors que leur donner des « vrais » ciseaux permettait non seulement de meilleurs résultats, mais responsabilisait aussi les enfants puisque cela les obligeait à être soigneux dans leur usage. Et bien, j’adhère à la deuxième option, et c’est la même chose en politique.
[Il me semble que l’essence de tout ce blocage, le noeud qui bloque tout, c’est Macron, son entêtement à persévérer dans une politique pourtant clairement rejetée par les Français.]
Tout à fait. S’il avait accepté la défaite tout en restant à son poste – comme Mitterrand en 1986 – ou mieux encore, tiré la conclusion que puisque sa politique était rejetée il était logique de partir et de laisser les Français choisir quelqu’un d’autre – comme De Gaulle en 1969 – on n’en serait pas là.
@ Descartes
[Qui sait ? Maintenant qu’il est à la retraite forcée, peut-être voudra-t-il devenir un influenceur ?]
Bayrou influenceur ? Permettez-moi de douter de son succès, disons qu’il ne devrait guère en avoir plus que comme Premier ministre… Là où il aurait été flamboyant, c’est en personnage central du regretté Muppet Show.
Bayrou, le zéro des réseaux.
[Je suis donc beaucoup moins sévère que vous : je fais une différence entre l’homme politique qui finance illégalement une activité politique, et celui qui s’enrichit personnellement.]
Je vous crois. Et je ne suis pas plus sévère que vous sur le cas de Sarkozy. Non, ce qui me choque, c’est le symbole, le mauvais exemple donné. Sarkozy a été condamné par la justice, quoi qu’en soit la raison, c’est un fait. Que Lecornu ne trouve personne d’autre pour s’afficher, je trouve que le signal publique envoyé est bien mauvais. Qu’il aille le consulter en privé si cela lui chante.
[Je dirais que c’est là un principe de bon sens. Plus l’outil que vous avez entre les mains est puissant, et plus il vous faut prendre des précautions et faire attention en l’utilisant.]
Bien sûr. Je posais la question car c’est un domaine dont je suis éloigné et votre formulation ne me permettait pas de savoir si l’usage prudent de ces instruments puissants était prévu dans la Constitution elle-même (peut-être même que “l’usage prudent” est explicitement rédigé en tant que tel ?) ou si cela résulte de votre analyse personelle.
@ Bob
[Bayrou influenceur ? Permettez-moi de douter de son succès, disons qu’il ne devrait guère en avoir plus que comme Premier ministre… Là où il aurait été flamboyant, c’est en personnage central du regretté Muppet Show.]
Je ne suis pas si sûr. Bayrou a tout de même fait une longue carrière politique locale : maire, président de conseil général, député… il faut croire qu’il y a des gens que son style, son langage, son discours séduisaient. Certes, à l’heure de se faire des amis et triompher dans les affaires, comme ministre il a été très mauvais, comme premier ministre désastreux. Mais il faut croire que son style de potentat provincial borné séduisait ses électeurs béarnais. Sinon, comment comprendre qu’ils lui aient accordé et renouvelé leur confiance ?
Bayrou, si l’on me permet une image proche de moi, était un très bon judoka en club, admiré probablement des autres pratiquants et chouchouté par son professeur. Mais par un étrange hasard – la politique n’étant pas un milieu au sélectif que le judo – il a réussi à se faire sélectionner pour les Jeux Olympiques, et il s’est fait honteusement ratatiner. Eh oui, le secret du succès c’est de savoir rester à son niveau…
[Je vous crois. Et je ne suis pas plus sévère que vous sur le cas de Sarkozy. Non, ce qui me choque, c’est le symbole, le mauvais exemple donné. Sarkozy a été condamné par la justice, quoi qu’en soit la raison, c’est un fait. Que Lecornu ne trouve personne d’autre pour s’afficher, je trouve que le signal publique envoyé est bien mauvais. Qu’il aille le consulter en privé si cela lui chante.]
Si faute il y a, je pense qu’elle est joyeusement partagée entre Lecornu qui visite un repris de justice, et les juges qui en ont fait un d’un ancien président de la République. Dans les deux cas, le signal politique envoyé n’est pas très digne.
[Bien sûr. Je posais la question car c’est un domaine dont je suis éloigné et votre formulation ne me permettait pas de savoir si l’usage prudent de ces instruments puissants était prévu dans la Constitution elle-même (peut-être même que “l’usage prudent” est explicitement rédigé en tant que tel ?) ou si cela résulte de votre analyse personelle.]
Il est très difficile d’écrire dans une constitution un principe de prudence. Ce serait même très dangereux, puisqu’elle donnerait au juge constitutionnel le pouvoir énorme d’apprécier la « prudence » des hommes politiques, et d’annuler une loi ou une décision au motif qu’elle serait « imprudente ». Mon prof de droit expliquait que chaque fois qu’on rédige un texte – qu’il soit constitutionnel, réglementaire ou législatif – il faut toujours se souvenir qu’il sera in fine interprété par juge. Plus on y met des éléments vagues ou déclaratifs, et plus on donne au juge un pouvoir pour interpréter à sa façon et donc peser sur la manière dont le texte sera appliqué… C’est pourquoi je me méfie de ceux qui veulent « constitutionnaliser » tel ou tel principe. A la fin, cela revient à ôter le pouvoir de la main des élus et le mettre dans la main du juge.
[Si faute il y a, je pense qu’elle est joyeusement partagée entre Lecornu qui visite un repris de justice, et les juges qui en ont fait un d’un ancien président de la République. Dans les deux cas, le signal politique envoyé n’est pas très digne.]
Vous voulez dire que la justice a eu tort de condamner un délinquant sous prétexte qu’il a occupé les plus hautes fonctions ? Que Nicolas Sarkozy peut fauter sans conséquences ? Je crains de ne pouvoir vous suivre sur un tel point.
@ Valentin
[Vous voulez dire que la justice a eu tort de condamner un délinquant sous prétexte qu’il a occupé les plus hautes fonctions ?]
Non. Ce que je dis, c’est que la justice a eu tort de ne pas faire la différence entre ce qui concerne le financement illégal de la politique et ce qui concerne l’enrichissement personnel. Sarkozy a certes commis un délit, et il est juste qu’il soit puni pour cela. Mais ce n’est pas un délit qui remet en cause l’honneur, et à ce titre il ne mérite pas une peine infamante.
Accessoirement, la position des juges serait bien plus crédible s’ils poursuivaient et condamnaient avec la même diligence les occupants de hautes fonctions sans tenir compte de leur étiquette politique. C’est très loin d’être le cas. La mansuétude envers le MODEM contraste singulièrement avec la sévérité envers le RN pour des faits similaires. Pire : l’expression du procureur et la rédaction de l’arrêt montre assez clairement cette dissonance… Comme disait l’autre, « la femme du César non seulement doit être irréprochable, mais elle doit aussi le paraître ».
[je fais une différence entre l’homme politique qui finance illégalement une activité politique, et celui qui s’enrichit personnellement. ]
Votre distinction casuistique me surprend quelque peu : donc par rapport au ripou qui s’enrichit avec goinfrerie, le pur esprit politique qui finance illégalement SON parti politique est plus acceptable.
Parce qu’il ne fait ça que par altruisme pur pour SON parti et conviction politique éthérée.
Bien sur il ne le fait pas pour acquérir encore plus de pouvoir avec les menus avantages financiers et autres qui l’accompagnent, par exemple pour accéder au poste si peu rémunérateur de Président de la République. Non, altruisme pur.
De même, si on prend le cas (fictif là encore) du cadre supérieur d’une entreprise multinationale qui lors de la négociation d’un grand contrat en profite pour prendre une grosse commission au passage, cela vous paraît moins acceptable que s’il le fait uniquement pour SON entreprise, tout en sachant qu’il bénéficiera alors de grasses primes bien légales et possiblement d’une ascension dans la hiérarchie pour bons services rendus.
Dans les deux cas la recherche de l’enrichissement personnel est patent, mais plus indirect et différé dans le second. Vous considérez que c’est plus acceptable, je disconviens, c’est exactement la même démarche. Seule l’hypocrisie y gagne.
[Non, je me fie aux actes : lors des sondages, les Français disaient « non » à l’abolition de la peine de mort. Mais lorsque le projet de loi fut déposé au Parlement, aucune organisation politique n’a appelé à manifester dans la rue. Et une fois voté, aucune organisation politique d’une certaine importance n’a mis son rétablissement dans son programme, ce qu’elles auraient certainement fait si elles avaient pensé qu’il y avait des voix à gagner. Quoi que puissent dire les sondages, je pense qu’on peut raisonnablement dire que les Français dans leur grande majorité étaient soit favorables à l’abolition, soit disposés à l’admettre.]
Raisonnement intéressant si on remplace ‘peine de mort’ par ‘Traité de Maastricht’ : au référendum, réponse NON malgré l’énorme pression de la classe politique et des médias mais en fait, d’après vous, les français voulaient dire OUI : pas de manifestations dans la rue, aucun parti politique de quelque importance pour réclamer l’abolition du vote du parlement à son programme. Et ici il ne s’agissait pas d’un simple sondage mais d’un référendum. Mais puisqu’il faut se fier aux actes…
@ gdat13
[Votre distinction casuistique me surprend quelque peu : donc par rapport au ripou qui s’enrichit avec goinfrerie, le pur esprit politique qui finance illégalement SON parti politique est plus acceptable.
Parce qu’il ne fait ça que par altruisme pur pour SON parti et conviction politique éthérée.]
Tout à fait. Mais l’activité des partis politiques est une activité d’intérêt général, puisqu’elle est essentielle pour faire vivre la démocratie. Alors que celui qui s’enrichit personnellement finance un pur intérêt privé.
[Bien sûr il ne le fait pas pour acquérir encore plus de pouvoir avec les menus avantages financiers et autres qui l’accompagnent, par exemple pour accéder au poste si peu rémunérateur de Président de la République. Non, altruisme pur.]
Vous savez, si le but de Sarkozy avait été d’obtenir des « menus avantages financiers », il aurait mieux fait d’aller dans les affaires. L’activité politique n’est pas, et n’a jamais été très rentable. Dans le privé, vous gagnez beaucoup plus d’argent, et vous avez surtout beaucoup plus de tranquillité pour le dépenser. On ne fait pas de politique sans passion, et c’est généralement une passion dévorante, à laquelle on sacrifie sa tranquillité, son image, sa vie de famille.
[De même, si on prend le cas (fictif là encore) du cadre supérieur d’une entreprise multinationale qui lors de la négociation d’un grand contrat en profite pour prendre une grosse commission au passage, cela vous paraît moins acceptable que s’il le fait uniquement pour SON entreprise, tout en sachant qu’il bénéficiera alors de grasses primes bien légales et possiblement d’une ascension dans la hiérarchie pour bons services rendus.]
Les deux sont également condamnables, parce que dans les deux cas on ne sert qu’un intérêt privé (celui du cadre s’il prend la commission pour lui, celui des actionnaires s’il le fait pour l’entreprise). Mais prenons un parallèle similaire : un homme politique qui viole par exemple les traités européens pour faire gagner SON pays, sachant que ses concitoyens seront de ce fait poussés à voter pour lui serait-il aussi condamnable que celui qui violerait la loi pour gagner de l’argent qui irait à son patrimoine personnel ?
[Raisonnement intéressant si on remplace ‘peine de mort’ par ‘Traité de Maastricht’ : au référendum, réponse NON malgré l’énorme pression de la classe politique et des médias (…)]
Je pense que vous faites référence au TCE. Lors du référendum sur le traité de Maastricht, le « oui » l’a emporté.
[mais en fait, d’après vous, les français voulaient dire OUI : pas de manifestations dans la rue, aucun parti politique de quelque importance pour réclamer l’abolition du vote du parlement à son programme.]
Vous noterez que dans le cas du TCE, il ne s’agissait pas d’un sondage mais d’un vote. Et le vote est un acte, puisque, contrairement à la réponse d’un sondage, celui-ci un effet sur la réalité. C’est pourquoi souvent on ne réfléchit pas de la même manière et on ne fait pas les mêmes choix lorsqu’il s’agit de répondre à un sondeur et lorsqu’on est devant l’urne.
Mais admettons que la situation soit comparable : Si les choses s’étaient passées ainsi, on pourrait en effet conclure que les Français acceptaient le traité. Mais ce n’est pas le cas : lors de la ratification du traité de Lisbonne par le Congrès, il y eut des manifestations (j’y étais) et plusieurs partis politiques ont mis dans leur programme une remise en cause du traité au cas où ils l’emporteraient – c’était en particulier le cas du FN. Par ailleurs, toutes les études montrent que la procédure utilisée pour approuver le traité de Lisbonne joua un rôle important dans la mobilisation de l’électorat populaire pour le vote FN. Ce qui tend à montrer que l’analogie est fausse.
[Et ici il ne s’agissait pas d’un simple sondage mais d’un référendum. Mais puisqu’il faut se fier aux actes…]
Le vote est un acte.
[Non. Ce que je dis, c’est que la justice a eu tort de ne pas faire la différence entre ce qui concerne le financement illégal de la politique et ce qui concerne l’enrichissement personnel. Sarkozy a certes commis un délit, et il est juste qu’il soit puni pour cela. Mais ce n’est pas un délit qui remet en cause l’honneur, et à ce titre il ne mérite pas une peine infamante.]
Le Larousse définit ainsi l’honneur : ‘Ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir une action qui fasse perdre l’estime qu’on a de soi ou celle qu’autrui nous porte’
Si l’acte de corruption n’est pas pour vous ‘ un délit qui remet en cause l’honneur’ quelle est donc votre définition de l’honneur ?
[Vous savez, si le but de Sarkozy avait été d’obtenir des « menus avantages financiers », il aurait mieux fait d’aller dans les affaires. L’activité politique n’est pas, et n’a jamais été très rentable. Dans le privé, vous gagnez beaucoup plus d’argent, et vous avez surtout beaucoup plus de tranquillité pour le dépenser. On ne fait pas de politique sans passion, et c’est généralement une passion dévorante, à laquelle on sacrifie sa tranquillité, son image, sa vie de famille. ]
Quelle misère d’être obligé de sacrifier sa tranquillité, son image, sa vie de famille. C’est à se demander pourquoi tant d’individus s’étripent avec tant d’ardeur (et reconnaissons-le avec une parfaite loyauté) pour accéder à un poste aux conséquences si calamiteuses.
De mon propos ‘pour acquérir encore plus de pouvoir avec les menus avantages financiers et autres qui l’accompagnent’ vous n’avez retenu que les avantages financiers, négligeant le pouvoir qui est le principal moteur de ces messieurs-dames mais aussi les ‘autres’ avantages : avions (un Airbus A320 spécialement aménagé, six Falcons), le fort de Brégançon, La lanterne, Versailles… J’imagine mal quelqu’un dans le privé de bénéficier de tels avantages, même avec un gros salaires. Sauf sans doute aux USA mais nous parlons de notre cuisine locale.
Non, je ne crois plus guère à l’altruisme du personnel politique, en particulier le plus haut placé.
[Le vote est un acte. ]
Absolument. Et l’acte répond NON à la question portant sur le TCE. Et vous affirmez vous fier aux actes. Donc ?
@ GDAT13
[« Non. Ce que je dis, c’est que la justice a eu tort de ne pas faire la différence entre ce qui concerne le financement illégal de la politique et ce qui concerne l’enrichissement personnel. Sarkozy a certes commis un délit, et il est juste qu’il soit puni pour cela. Mais ce n’est pas un délit qui remet en cause l’honneur, et à ce titre il ne mérite pas une peine infamante. » Le Larousse définit ainsi l’honneur : « Ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir une action qui fasse perdre l’estime qu’on a de soi ou celle qu’autrui nous porte » Si l’acte de corruption n’est pas pour vous « un délit qui remet en cause l’honneur » quelle est donc votre définition de l’honneur ?]
Retenons si vous le voulez bien la définition du Larousse. Est-ce que le fait d’avoir reçu des dons douteux pour financer une activité politique risque, aux yeux du Français moyen, d’affecter « l’estime qu’autrui nous porte » ? Je ne le pense pas : les Français sont convaincus que TOUS les hommes politiques ont recours à ce genre de recours, y compris ceux qu’ils tiennent dans la plus grande estime. Il est de notoriété publique que le parti gaulliste recevait des « valises de billets » du patronat, ou que François Mitterrand a bien vécu sa « traversée du désert » grâce des emplois de complaisance octroyés par son ami et obligé Schuller. Est-ce que cela fait baisser la considération des uns pour De Gaulle, des autres pour Mitterrand ? Et en quoi avoir reçu de l’argent d’un dictateur africain porterait plus atteinte « à la considération qu’autrui nous porte » que le recevoir d’un ancien collabo ?
Les Français font une très nette différence entre le politicien qui utilise des voies détournées pour financer son activité politique, et celui qui utilise ses fonctions pour augmenter son patrimoine personnel. La première activité est considéré comme faisant partie des choses qui se font, la deuxième est, effectivement, considérée comme déshonorante. Cazeneuve est frappé d’une indignité qui n’a jamais affecté un Juppé, par exemple.
[« Vous savez, si le but de Sarkozy avait été d’obtenir des « menus avantages financiers », il aurait mieux fait d’aller dans les affaires. L’activité politique n’est pas, et n’a jamais été très rentable. Dans le privé, vous gagnez beaucoup plus d’argent, et vous avez surtout beaucoup plus de tranquillité pour le dépenser. On ne fait pas de politique sans passion, et c’est généralement une passion dévorante, à laquelle on sacrifie sa tranquillité, son image, sa vie de famille. » Quelle misère d’être obligé de sacrifier sa tranquillité, son image, sa vie de famille. C’est à se demander pourquoi tant d’individus s’étripent avec tant d’ardeur (et reconnaissons-le avec une parfaite loyauté) pour accéder à un poste aux conséquences si calamiteuses.]
Figurez-vous qu’ils ne sont pas si nombreux que ça. Le monde politique est finalement un univers assez petit, où l’on voit aller et venir toujours les mêmes. En comparaison avec le milieu des affaires, ce n’est pas grande chose. Vous noterez aussi que de plus en plus on y retrouve des jeunes et des médiocres. Ceux qui ont l’intelligence et/ou l’expérience préfèrent aller dans les affaires. Et lorsqu’ils y trouvent une bonne place, ils ne reviennent que très rarement. Sans aller plus loin, lors de la nomination de Gabriel Attal deux personnalités du monde des affaires se sont vues offrir le poste de Premier ministre… et l’ont refusé.
[De mon propos ‘pour acquérir encore plus de pouvoir avec les menus avantages financiers et autres qui l’accompagnent’ vous n’avez retenu que les avantages financiers,]
C’est surtout parce que je ne voyais pas bien quels pouvaient être les « autres ». Oui, certes, être député vous permet d’avoir un bureau à Paris, être ministre un appartement de fonction. Mais en comparaison avec les inconvénients, cela me paraît négligeable.
[(…) négligeant le pouvoir qui est le principal moteur de ces messieurs-dames mais aussi les ‘autres’ avantages : avions (un Airbus A320 spécialement aménagé, six Falcons), le fort de Brégançon, La lanterne, Versailles… J’imagine mal quelqu’un dans le privé de bénéficier de tels avantages, même avec un gros salaires.]
A votre avis, où est-ce que Bernard Arnault ou François Pinault passent leurs vacances ? Pensez-vous que sa résidence ait quelque chose à envier au fort de Brégançon ou au pavillon de La Lanterne ? Personnellement, j’en doute fort. Et puis, Arnault et Pinault conserveront leurs résidences à vie, alors que Macron comme ses prédécesseurs perdront ces avantages lorsqu’ils quitteront leur poste. Quant aux avions, je vous rappelle qu’ils ne servent que pour les déplacements professionnels, et je peux vous assurer que ceux-ci ne sont pas vraiment d’occasions de faire la bringue.
[Non, je ne crois plus guère à l’altruisme du personnel politique, en particulier le plus haut placé.]
Mais croyez-vous à l’altruisme EN GENERAL ? C’est entendu, vous ne croyez pas à l’altruisme en politique, mais y croyez-vous dans d’autres activités ? Pensez-vous que les entrepreneurs soient « altruistes » ? Les banquiers ? Les infirmières ? Les curés ?
Personnellement, je ne pense pas que l’altruisme PUR soit de ce monde. Par contre, ce qui passe pour de l’altruisme est la capacité à se satisfaire d’une récompense SYMBOLIQUE. Il y a des gens pour qui la reconnaissance de leurs concitoyens, la satisfaction du travail bien fait, une place dans l’histoire est aussi attractive, voire plus, qu’un gros chèque. Et il est claire que pour les politiciens ou les hauts fonctionnaires, les symboles valent autant sinon plus que les espèces sonnantes et trébuchantes. C’est pourquoi, à mon avis, on a tort de s’attaquer à ces symboles. Si les hommes politiques et les hauts fonctionnaires n’ont plus le privilège de porter des décorations, de travailler dans des bâtiments historiques, d’être salués au passage par les militaires, bref, s’ils sont traités comme n’importe quel cadre du privé, alors il finiront par se demander pourquoi leur chèque à la fin du mois n’est pas du même montant.
[« Le vote est un acte. » Absolument. Et l’acte répond NON à la question portant sur le TCE. Et vous affirmez vous fier aux actes. Donc ?]
Donc, j’en déduis que le peuple français était effectivement contre le TCE. C’était bien mon point.
Il convient de préciser que Sarkozy avait prévenu dans sa campagne électorale qu’il ferait un nouveau traité.
Pédagogie ! Tel est le grand mot de la classe dirigeante pour nous faire gober une Europe néolibérale que les Français ont refusé notamment le 29 mai 2005; mais ça ne marche pas, les Français n’en sont pas dupes. La question européenne est le grand tabou du débat public officiel.
@ Cording1
[Il convient de préciser que Sarkozy avait prévenu dans sa campagne électorale qu’il ferait un nouveau traité.]
A cela, plusieurs remarques. La première, c’est que rien ne l’empêchait, une fois le nouveau traité fait, de solliciter le vote du peuple en le soumettant à référendum. Dans la mesure où le peuple avait rejeté le texte précédent par cette voie, et qu’il s’agissait de reprendre une partie des dispositions du traité ainsi rejeté, c’eut été la moindre des choses. Il est clair que si Sarkozy a préféré passer par la voie du Congrès, c’est parce qu’il était assez évident que le nouveau texte avait toutes les chances d’être rejeté. Le but était donc bien de contourner la volonté majoritaire du peuple en se reposant sur la volonté majoritaire de la caste politique. On peut donc donner cette affaire en exemple d’une logique de « gouvernement minoritaire ».
J’ajoute qu’en démocratie l’élection ne vaut pas mandat d’appliquer un programme. Si tel était le cas, on se placerait dans la logique du mandat impératif. Pour reprendre le raisonnement de Condorcet, je n’élis pas un automate censé faire ce qu’il a promis, ni même ce que je voudrais qu’il fasse. J’élis quelqu’un en qui j’ai confiance pour analyser la situation telle qu’elle se présentera à lui, pour prendre en compte des informations, des contraintes et des opportunités dont je n’ai pas connaissance, et de concilier au mieux mes intérêts et l’intérêt général. Le programme que le candidat me propose n’est qu’un moyen de mieux le connaître, de savoir ce qu’il pense sur tel ou tel sujet, de mieux comprendre ce qu’il aimerait construire comme société. Mais à mon sens en faire un ensemble de promesses que le candidat serait censé tenir, c’est un détournement de la démocratie. D’ailleurs, tout le monde le sait : si les gens tenaient rigueur à leurs hommes politiques de ne pas avoir tenu les promesses de leurs programmes, ça se saurait.
[Pédagogie ! Tel est le grand mot de la classe dirigeante pour nous faire gober une Europe néolibérale que les Français ont refusé notamment le 29 mai 2005; mais ça ne marche pas, les Français n’en sont pas dupes. La question européenne est le grand tabou du débat public officiel.]
Tout à fait. Cela ne dévalorise pas la pédagogie, qui est une fonction indispensable à la politique. Le représentant que j’élis doit non seulement prendre des décisions en mon nom, mais aussi m’expliquer rationnellement pourquoi il les prend. Le mot « pédagogie » est dévoyé quand il devient de la communication, quand le but n’est plus de faire comprendre une politique mais de la « vendre », quand on confond pédagogie et marketing.
L’Europe est le grand tabou parce que les gens ont peur. Peur du déclassement, peur de l’avenir, peur pour leurs enfants, peur de perdre le peu qu’ils ont pu accumuler, peur pour la planète. Nous vivons dans un univers mental où la peur est omniprésente. Il n’y a qu’à voir le discours politique : on nous invite à voter non pas pour des « lendemains qui chantent », mais pour conjurer tel ou tel danger, pour empêcher untel ou untel d’accéder au pouvoir. Ce sont les croquemitaines qui dominent le débat : la gauche a son Le Pen, la droite son Mélenchon, les écologistes le « réchauffement climatique », les atlantistes « l’ogre russe ». Les eurolâtres ont cessé de nous vendre l’Europe de l’abondance, de la culture, du social, et racontent plutôt que sans une Europe puissance nous allons nous faire écraser par les Etats-Unis ou la Chine. Sur cette peur se greffe une vision sacrificielle. Macron a parfaitement capturé l’air du temps quand il dit, devant un conseil des ministres, que « Nous assistons à une grande bascule, nous vivons la fin de l’abondance, la fin de l’insouciance ».
Et quand les gens ont peur, ils se raccrochent à ce qu’ils connaissent. Or, les générations qui ont connu autre chose que l’Europe sont en train de disparaître. Pour les générations nouvelles, pour celles qui sont aux manettes, la provincialisation de la France au sein de l’ensemble européen est aussi « naturelle » que pouvait être pour les fondateurs de la IIIème République le droit de propriété. Remettre en question l’Europe, c’est sauter dans l’inconnu. Les Britanniques, peuple maritime qui a du risque une vision très particulière, ont pu le faire. Mais nous sommes un peuple paysan, dont l’aversion au risque est massive. Une aversion qui, paradoxalement, a toujours rendu difficiles les réformes et donc fait le lit des révolutions.
Parler de Frexit, parler de sortie de l’Euro, cela fait peur. Alors, aucun homme politique sérieux n’en parlera. Cela ne veut pas dire qu’ils n’en pensent pas, ou même qu’ils ne s’y préparent. Mais comme vous le dites, c’est devenu le grand tabou de la politique française.
[Les Britanniques, peuple maritime qui a du risque une vision très particulière, ont pu le faire. Mais nous sommes un peuple paysan, dont l’aversion au risque est massive. Une aversion qui, paradoxalement, a toujours rendu difficiles les réformes et donc fait le lit des révolutions.]
En quoi un peuple maritime a une vison du risque différent d’un peuple paysan ?
@ Glarrious
[En quoi un peuple maritime a une vision du risque différent d’un peuple paysan ?]
Il ne vous aura pas échappé, par exemple, que les premiers systèmes d’assurance sont nés pour distribuer le risque du commerce maritime. De même, les premiers systèmes d’indemnisation des accidents de travail ont été créés pour couvrir les risques des métiers de la mer. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple anecdotique, chez les corsaires des caraïbes, avant de partager le butin, on déduisait une « part » due aux marins qui avaient supporté un accident ou une blessure pendant la campagne, avec un barème assez précis.
L’univers mental du paysan est marqué par la recherche de l’autarcie. La ferme a été, pendant très longtemps, une unité économique relativement autonome, très peu dépendante des échanges extérieurs et une faible division du travail. C’était encore vrai pendant la guerre 1939-45 : alors que la pénurie frappait l’ensemble de la population, les paysans ont réussi à maintenir un niveau de vie correct. Ce n’est que dans une période relativement récente – et malgré la résistance des paysans – que la ferme devient une organisation de type industriel. Par ailleurs, les sociétés paysannes sont des sociétés stables, peu mobiles, où les liens claniques jouent un rôle essentiel.
Le domaine maritime est marqué au contraire par une très forte interdépendance, et une division du travail poussé. D’une division du travail importante à bord du bateau, avec une hiérarchie des pouvoirs et des compétences, mais aussi d’une division du travail qui rend chaque bateau dépendant d’autres métiers : de ceux qui réparent les coques, de ceux qui entretiennent les feux et les signaux, de ceux qui calculent les éphémérides, des autres bateaux qui peuvent vous porter secours, d’une marine de guerre qui assure la sécurité de la navigation, de ceux qui aménagent les ports et draguent les canaux. Par ailleurs, une économie maritime pousse à un brassage des populations et une mobilité importante.
La tendance à « collectiviser » les risques d’une manière impersonnelle est donc beaucoup plus forte dans les civilisations maritimes que dans celles qui reposent sur une paysannerie dominante, où ceux-ci sont souvent assumés par la famille ou le clan.
Le coup de la “rupture” m’a bien fait rire. Que voulez-vous, en temps de vaches maigres on se contente de peu, et j’ai toujours eu un faible pour l’humour noir, et l’humour noir n’est jamais plus goûteux que quand il va trop loin et dépasse les limites de la décence la plus élémentaire…
De toute façon, parler de la vie politique française, voire même de “vie politique française”, n’a plus grand sens. Rien de décisif pour la France ne s’y décide plus. A force de déléguer le pouvoir à la Commission de Bruxelles, à l’OTAN, au secteur privé, à qui on veut, finalement, pourvu que ce soit pour que le peuple français n’ait plus le droit au chapitre sur rien, on se retrouve avec des gouvernants qui ne gouvernent plus, mais qui “font comme si”, qui jouent à être président ou ministres comme des gamins qui joueraient au docteur, sauf que les gamins qui jouent au docteur ne se font pas payer pour ça au prix d’un vrai docteur, il ne fallait pas penser un seul moment qu’avec notre pouvoir, nous allions également à renoncer aux avantages matériels qui vont avec, il faudrait voir quand même à ne pas trop exagérer, hein monsieur le populo, restons sérieux un moment quand même. Nous avons une classe politique en “commende”, comme ces abbés de l’ancien régime qui étaient nommés à la tête d’abbayes dont ils ne s’occupaient pas et où ils ne mettaient jamais les pieds, tout en en touchant les bénéfices ecclésiastiques sonnants et trébuchants. Et maintenant, ces messieurs-dames jouent à la “rupture”, on a un premier ministre qui va faire comme si qu’il était une “rupture”, quelle farce, franchement, qu’est-ce qu’on se bidonne. Quelle insolence envers le peuple français.
@ MJJB
[Le coup de la “rupture” m’a bien fait rire. Que voulez-vous, en temps de vaches maigres on se contente de peu, et j’ai toujours eu un faible pour l’humour noir, et l’humour noir n’est jamais plus goûteux que quand il va trop loin et dépasse les limites de la décence la plus élémentaire…]
Je ne balayerais pas cette petite phrase d’un revers de main. Dans ce genre de cérémonie, tout écart au protocole est signifiant, et je ne doute pas que cette phrase, qui était la chute de son discours, a été pesée non pas au trébuchet, mais à la balance de laboratoire. Dire au milieu politique macronien – parce que c’est à eux que ce discours s’adresse, les autres sont convaincus qu’une rupture est nécessaire sans besoin que Lecornu leur dise – qui s’échine depuis 2022 à éviter toute remise en question, que cette remise en question est inévitable, ce n’est pas du tout neutre.
Après, ce ne sont que des mots. Lecornu marquera une « rupture » avec la politique macroniste ? Aura-t-il l’envie et/ou les moyens de le faire ? L’avenir nous le dira. Mais ce n’est pas un non-évènement.
[De toute façon, parler de la vie politique française, voire même de “vie politique française”, n’a plus grand sens. Rien de décisif pour la France ne s’y décide plus. A force de déléguer le pouvoir à la Commission de Bruxelles, à l’OTAN, au secteur privé, à qui on veut (…)]
Je ne suis pas d’accord avec votre affirmation, et d’ailleurs vous la contredisez vous-même. Oui, quelque chose de « décisif pour la France » se décide chaque jour à Paris, et c’est… de continuer à accepter de déléguer des pouvoirs à la Commission, à l’OTAN, et à différents autres organismes. Parce que cette délégation, c’est bien une DECISION prise par nos hommes politiques, qui demain pourraient prendre la décision contraire.
Je pense que vous reprenez le discours d’impuissance construit par nos élites politiques depuis des années. A ce discours il faut continuer à opposer le principe fondamental de notre République : « la souveraineté réside essentiellement dans la nation ». Et c’est le mot « essentiellement » qui est importante ici : la souveraineté est contenue dans l’essence de la nation, et c’est pourquoi elle n’est pas divisible ni délégable. Le souverain peut déléguer des pouvoirs à tel ou tel organisme, mais cette délégation est par essence précaire et révocable. Et il faut le rappeler chaque fois que quelqu’un dit que « on ne peut plus rien décider en France » : si, on peut décider de reprendre ce qu’on a délégué, pour commencer.
[Et maintenant, ces messieurs-dames jouent à la “rupture”, on a un premier ministre qui va faire comme si qu’il était une “rupture”, quelle farce, franchement, qu’est-ce qu’on se bidonne. Quelle insolence envers le peuple français.]
On peut penser que le Premier ministre fait semblant. On peut aussi penser – et c’est ma théorie – qu’il a pris conscience que la politique macroniste est devenue inviable, et que s’entêter à la continuer ne peut que conduire à une crise encore plus grave, dans laquelle les intérêts du bloc dominant pourraient être compromis.
J’ai un peu de mal avec ce billet.
Non que je vous reproche votre verve anti-Bayrou, mais je ne comprends pas l’éloge envers Lecornu.
En quoi n’avoir été que maire de Pau fait il de vous un vieux croûton provincial et n’être qu’ancien maire de Vernon fait il de vous un jeune poulain plein d’avenir sur la place nationale ?
Peut-être dis-je cela parce que je suis une vielle dame qui sait les paroles de “beth ceu de Pau” et de “aquerras mountanhas” , chantées par mon père en mon enfance,et du coup nostalgique de quelque chose d’ indicible, mais j’ai du mal à comprendre.
En mon temps ,encore assez jeune prof, lorsque Fabius avait été nommé premier ministre, j’avais donné à mes élèves un sujet de réflexion “La jeunesse est elle une vertu politique?”.
Je me pose la même question envers Lecornu.
Pour l’instant où trouvez-vous “la prise de conscience” visible de Lecornu du fait que la politique de Macron va être remaniée par lui ?
En quoi cela va-t-il changer ?
Qu’attendre de lui ? et qu’attendons nous d’ailleurs ? Un retour à la politique de Hollande? la possibilité qu’il succède à Macron en 2027 ? qu’il fasse le lit à un quelconque Raphaël Glucksman ?
Bye bye Bayrou j’aime la formule, on pourrait aussi dire “Bayouchki Baïou ” en faisant un jeu de mot avec la berceuse russe de même refrain, faite pour dormir. Allons nous continuer à dormir ? Allons nous continuer à faire la guerre en somnambules ?
@ Baruch
[En quoi n’avoir été que maire de Pau fait-il de vous un vieux croûton provincial et n’être qu’ancien maire de Vernon fait-il de vous un jeune poulain plein d’avenir sur la place nationale ?]
Ce n’est pas le fait d’avoir été maire de Pau qui fait de Bayrou un vieux croûton provincial. Bayrou était un vieux croûton provincial bien avant d’avoir été maire de Pau, et les plus méchants vous diront que c’est parce que c’est un vieux croûton provincial qu’il a pu se hisser au fauteuil de maire…
Qu’est-ce qui fait de Bayrou un « vieux croûton provincial » ? Eh bien, prenez par exemple l’affaire de Notre Dame de Betharram. Au-delà du débat sur les responsabilités de Bayrou dans l’affaire, le fait est qu’il a envoyé ses enfants dans l’établissement connu pour être la référence de la « bonne bourgeoisie » locale, qu’il l’a fait en sachant pertinemment qu’on éduquait les enfants « à la dure » avec des violences à la limite de l’acceptable, et qu’il a protégé l’établissement et désestimé tous les appels à intervenir. Deuxième exemple : lorsqu’il a eu à choisir entre une réunion du conseil municipal de Pau et ses responsabilités primo-ministériels, il préféra aller à Pau. Troisième exemple : dans sa propagande, il se déclare « éleveur de chevaux » (ce qu’il n’est pas) est oublie d’indiquer qu’il est « professeur de lettres classiques » (ce qu’il est). Et qu’il ne perd pas une occasion de rappeler ses racines béarnaises. Dans le genre « imbécile heureux qui est né quelque part », difficile de faire mieux.
Je ne connais pas de situation ou Lecornu ait mis ses fonctions locales au-dessus de ses responsabilités ministérielles, qu’il ait changé de profession dans sa propagande électorale pour « coller » à son territoire, ou qu’il ait tenu à insérer ses enfants dans la « bonne bourgeoisie » locale au risque de leur intégrité physique. Vous noterez par ailleurs que Lecornu n’est pas né dans l’Eure, mais dans le val d’Oise, et qu’il n’arrive à Vernon que pour faire ses études secondaires.
[Peut-être dis-je cela parce que je suis une vielle dame qui sait les paroles de “beth ceu de Pau” et de “aquerras mountanhas”, chantées par mon père en mon enfance, et du coup nostalgique de quelque chose d’indicible, mais j’ai du mal à comprendre.]
Ce n’est pas un péché d’être attaché à une région, à une culture, à un environnement, aux gens du pays. Et pas forcément celui de sa naissance : j’adore Paris et l’esprit parisien, et je ne peux pas prétendre y être né où avoir passé mon enfance. Ce n’est pas ça, le provincialisme. Le provincialisme, c’est penser que SA province a, par on ne sait quelle magie, un statut supérieur aux autres, et que du fait d’y être né vous jouissez d’un statut particulier.
[En mon temps, encore assez jeune prof, lorsque Fabius avait été nommé premier ministre, j’avais donné à mes élèves un sujet de réflexion “La jeunesse est-elle une vertu politique ?”. Je me pose la même question envers Lecornu.]
Personnellement, ma réponse à votre question serait ambigüe. Clairement, on n’aborde pas les problèmes de la même manière lorsqu’on est jeune et lorsqu’on est vieux. Et cette différence donne l’avantage aux jeunes dans certaines circonstances, aux vieux dans d’autres. Il y a des affaires dans lesquelles l’expérience est irremplaçable, et d’autres où, au contraire, une énergie illimitée et une certaine dose d’inconscience est indispensable. Napoléon n’aurait pas été Napoléon s’il avait eu soixante ans.
[Pour l’instant où trouvez-vous “la prise de conscience” visible de Lecornu du fait que la politique de Macron va être remaniée par lui ? En quoi cela va-t-il changer ?]
Je trouve la « prise de conscience » dans son discours de passation. Regarder Bayrou en face et lui dire « il va falloir des ruptures », ce n’est pas un message en l’air. Après, qu’est-ce qui changera vraiment ? Sur la méthode, on le voit déjà : là où la logique macroniste était de vider de son sens toute négociation en refusant par avance toute concession réelle, Lecornu donne des gages. Exit les deux jours fériés – qui étaient pourtant une idée du Président même si Bayrou, en bon élève, les a repris à son compte. Je vous accorde que sur les vraies questions – politique économique, éducation… – les « ruptures » sont peu probables. Mais peut-on demander cela à un premier ministre sans majorité ? Ces questions devraient être tranchées lors d’une élection présidentielle.
[Qu’attendre de lui ? et qu’attendons nous d’ailleurs ? Un retour à la politique de Hollande? la possibilité qu’il succède à Macron en 2027 ? qu’il fasse le lit à un quelconque Raphaël Glucksman ?]
Au mieux, qu’il gère correctement le pays sans aggraver ses problèmes.
Ben non, ce sont des ” petits “, des ” boutiquiers “. Bayrou n’a invente ni le rugby, ni le Jurançon. Encore moins l ‘ Armagnac ou la relativite, restreinte ou généralisée.
Oui, mais comment “changer pour que rien ne change” ? Comment surmonter la contradiction centrale du bloc dominant, qui est de saboter tout ce qui peut ressembler, de près comme de loin, à du “social”, sans vouloir un seul instant admettre que les conséquences prévisibles de cette politique de destruction systématique de l’Etat finiront inéluctablement par les emporter ?
Vous parlez dans un autre commentaire de ceux qui se plaignent de ce que vous appelez “l’autisme” d’Emmanuel Macron. Mais c’est cet “autisme”, cette brutalité méprisante dirais-je plutôt, qui les avait tant séduits au départ ! Parce qu’ils croyaient que la France méritait une bonne “stratégie du choc”, qui calmerait le populo en lui mettant un bon coup sur la tête, et qui les vengerait de 1945 (cf. Denis Kessler).
La seule véritable “rupture”, ce serait de rompre avec le complexe UE/OTAN. Mais on voit mal les classes dirigeantes françaises se priver de ce qui a été le principal outil de lutte de classes en France ces dernières décennies – à leur profit bien sûr…
Les classes dirigeantes françaises se trouvent devant un dilemme redoutable : soit, d’un côté, une fuite en avant (du genre guerre ouverte avec la Russie, article 16 pour “faire passer” les “réformes” “dures mais nécessaires” qui relèveraient des “obligations internationales” de la France (envers l’UE)), annulation des élections pour cause “d’interférence russe” (cf. Roumanie) ; soit, d’un autre côté, lâcher du lest sur les “réformes”. Mais dans le premier cas, on risque la guerre civile, et il n’y a aucune garantie que les autres pays de l’UE suivront ; dans le second cas, il faudrait dire “merde”, ne serait-ce que du bout des lèvres, au complexe UE/OTAN, et ce dernier ne pourrait pas bien le prendre du tout (déstabilisation via les suspects habituels du genre ONG (pseudo-)droits-de-l’hommistes et “révolutions de couleur”).
De plus, dans ce dernier cas (rupture ou pseudo-rupture avec le complexe UE/OTAN), quand bien même il n’y aurait aucune tentative sérieuse de déstabilisation extérieure (hypothèse extrêmement douteuse), dans la situation de crise où nous sommes, cela serait, pour le régime en place, faire preuve de faiblesse à un point tel qu’il ne faudrait pas s’étonner si une chute brutale dudit régime devait suivre rapidement après (cf. la convocation des Etats Généraux par Louis XVI en 1787, et ce qui s’est ensuivi).
Je “reprends ce discours”, car il s’agit desormais d’un simple constat que de dire que nous sommes devenus impuissants. C’est un fait, que notre souveraineté a été détruite.
“La souveraineté n’est pas divisible ni délégable. Le souverain peut déléguer des pouvoirs à tel ou tel organisme, mais cette délégation est par essence précaire et révocable (…) on peut décider de reprendre ce qu’on a délégué, pour commencer.”
Si je donne un gigot à un chien (du genre pitbull ou rottweiler), je peux, en effet, décider de reprendre ce que j’ai donné. Mais il ne suffira pas de le “décider” ; il faudra prendre en considération ce dont un tel canidé est capable en ce genre de circonstances, et se préparer en conséquence, afin d’agir enfin. Pour l’instant, personne ne parle de cet aspect des choses ; tout le monde semble croire qu’il suffira de hausser le ton et de donner des coups de menton contre un tigre en papier qui s’effondrera à la première chiquenaude. Cela m’inquiète énormément ; en fait, c’est ce qui m’inquiète le plus, et de loin, dans la situation actuelle. Mais il est vrai que la situation actuelle de la France est déjà assez désespérée comme cela pour ne pas effaroucher les très rares qui se sont déjà rendus compte de ce qui se passe réellement et qui ont commencé à se rassembler pour y remédier ; et je dois bien avouer que je n’ai pas de solution à cette contradiction.
@ MJJB
[Oui, mais comment “changer pour que rien ne change” ? Comment surmonter la contradiction centrale du bloc dominant, qui est de saboter tout ce qui peut ressembler, de près comme de loin, à du “social”, sans vouloir un seul instant admettre que les conséquences prévisibles de cette politique de destruction systématique de l’Etat finiront inéluctablement par les emporter ?]
Il ne faut pas attendre des miracles : la politique est en dernière instance le résultat d’un rapport de forces, et même si on voit des signes de changement, ce rapport de forces reste très favorable au bloc dominant. Après, le rapport de forces étant ce qu’il est, il reste une marge de manœuvre que peuvent exploiter des dirigeants intelligents, ou gâcher des dirigeants incompétents.
J’ajoute que c’est à mon avis une erreur de penser que l’objectif du bloc dominant est de « saboter tout ce qui peut ressembler à du « social » ». Le but du bloc dominant n’est pas de rendre la vie des travailleurs désagréable, mais de maximiser leurs profits. La dégradation du social ou des services publics n’est que la CONSEQUENCE de cette recherche du profit, et non un but en soi. C’est quelquefois une conséquence non souhaitée. C’est l’une des contradictions du capitalisme : en recherchant le profit à court terme, le capital sabote ses propres perspectives à long terme. C’est d’ailleurs une constante : certains patrons « sociaux » accordent des avantages à leurs employés sous les quolibets de leurs collègues qui craignent le mauvais exemple, et qui avec le temps se révèlent des investissements très rentables…
[Vous parlez dans un autre commentaire de ceux qui se plaignent de ce que vous appelez “l’autisme” d’Emmanuel Macron. Mais c’est cet “autisme”, cette brutalité méprisante dirais-je plutôt, qui les avait tant séduits au départ ! Parce qu’ils croyaient que la France méritait une bonne “stratégie du choc”, qui calmerait le populo en lui mettant un bon coup sur la tête, et qui les vengerait de 1945 (cf. Denis Kessler).]
Tout à fait. Vous le savez bien : la victoire a beaucoup de pères, la défaite est orpheline. Si la brutalité et l’autisme macronien avaient fonctionné, personne dans le bloc dominant ne lui ferait de reproches. C’est parce que le train a déraillé que tout le monde découvre que les Français ne sont pas aussi dociles qu’ils le pensaient, et que pour les gouverner il faut d’autres qualités.
[« Je pense que vous reprenez le discours d’impuissance construit par nos élites politiques depuis des années. » Je “reprends ce discours”, car il s’agit desormais d’un simple constat que de dire que nous sommes devenus impuissants. C’est un fait, que notre souveraineté a été détruite.]
En répétant que « nous sommes impuissants », que « notre souveraineté a été détruite », vous ne faites qu’accréditer l’idée de notre impuissance. Je le répète, ce n’est pas le cas, et le Brexit l’a amplement montré. Si la volonté était là, personne ne pourrait nous empêcher de reprendre nos affaires en main.
[Pour l’instant, personne ne parle de cet aspect des choses ; tout le monde semble croire qu’il suffira de hausser le ton et de donner des coups de menton contre un tigre en papier qui s’effondrera à la première chiquenaude. Cela m’inquiète énormément ; en fait, c’est ce qui m’inquiète le plus, et de loin, dans la situation actuelle.]
Il est clair que reprendre notre souveraineté en main, cela aurait un coût important. Je ne pense pas qu’on aurait les chars de l’OTAN traversant le Rhin, mais il est clair qu’on peut s’attendre à des représailles économiques – comme celles dont a été objet le Royaume Uni après le Brexit. Mais rester a aussi un coût. La seule différence est que le coût du Frexit se paye cash, alors que le coût infligé par le système européen se paye à crédit.
C’est toute la contradiction : alors que l’image de l’UE n’a jamais été aussi mauvaise, aucun parti politique ne peut évoquer une rupture. Pourquoi ? Parce que les Français ont peur, et que lorsqu’on a peur on s’accroche à ce qu’on connaît. Ce mécanisme nous a joué pas mal de mauvais tours dans notre histoire. Pensez à la débâcle de 1940, quand les Français ont, dans leur large majorité, de faire confiance à un maréchal de 80 ans, pétri de valeurs traditionnelles…
@ Descartes
[C’est toute la contradiction : alors que l’image de l’UE n’a jamais été aussi mauvaise, aucun parti politique ne peut évoquer une rupture. Pourquoi ? Parce que les Français ont peur, et que lorsqu’on a peur on s’accroche à ce qu’on connaît. ]
Il y a pour moi un certain mystère à ce sujet qui tient au fait qu’aucun parti (en dehors du pitre Asselineau) ne propose un programme de sortie de l’Euro voir de l’UE. Dans ce sens, comment savoir si les français sont plus ou moins prêts au Frexit qu’auparavant, quand la ligne du RN était beaucoup plus agressive vis à vis de l’UE ? En d’autres termes, est-ce que si le RN assumait aujourd’hui une position dans la ligne du social souverainisme de Phillipot à l’époque, il compterait plus ou moins d’électeurs qu’à l’époque ? Selon votre raisonnement, oui, car les français voyant s’approcher le gouffre s’accrocheraient de plus en plus à l’existant, fusse-t’il honni. Je n’en suis pour ma part pas si persuadé.
@ P2R
[Il y a pour moi un certain mystère à ce sujet qui tient au fait qu’aucun parti (en dehors du pitre Asselineau) ne propose un programme de sortie de l’Euro voir de l’UE.]
Je pense qu’il ne faut pas sous-estimer le niveau de tension sociale et culturelle qui traverse notre société. Ceux qui ont mon âge peuvent encore se souvenir d’un monde structuré par des règles, par des institutions, par des hiérarchies, par un « récit partagé ». Et même les « révolutionnaires » qui rejetaient ce monde-là concevaient le monde à venir sur modèle qui n’était pas si différent, l’exploitation en moins.
Je pense que nous qui avons vécu la « révolution thatchérienne » n’avions pas conscience sur le moment de son étendue. L’économie capitaliste a radicalement changé en trois décennies, et avec elle l’organisation sociale et politique. Il fallait à ce nouveau capitalisme un Etat faible, une mobilité absolue des biens, des services et du capital, permettant à ce dernier de rechercher la plus grande rentabilité à l’échelle mondiale. Il lui fallait aussi une flexibilité géographique et thématique des travailleurs, permettant de les mettre en concurrence globalement. Et cette transformation a profondément déstructuré les rapports sociaux et humains. Bien plus profondément que ne le fit le premier capitalisme avec l’exode rural, parce que ce capitalisme-là était intimement lié à la construction de l’Etat, et par conséquent instituant. Le néo-capitalisme des années 1980 avait au contraire besoin de détruire l’Etat, et était donc fondamentalement anti-institutionnel.
Nous vivons – et c’est particulièrement vrai pour les nouvelles générations, qui n’ont pas connu le monde d’avant 1989 – dans un champ de ruines culturel. Des institutions aussi anciennes que la filiation, le mariage, la vieillesse, le deuil sont bouleversées. Et la conséquence est une incertitude permanente pour savoir quel est le « bon » comportement dans nos rapports avec les autres. Nous ne savons plus comment réagir, et réciproquement nous ne savons comment l’autre réagira. Prenons un exemple : lorsque j’étais adolescent, si l’on mettait les pieds dans la banquette du train on pouvait être sûr qu’un adulte allait venir nous faire la remarque, et notre réaction était d’enlever les pieds et de se faire tout petit. Aujourd’hui, oserez-vous faire la remarque à un adolescent dans le train ? Non, parce que sa réaction est imprévisible. Parce que lui-même n’a pas une règle qui lui dit comment on doit se comporter quand un adulte vous fait une remarque.
Des gestes autrefois banals, comme faire un compliment à une collègue pour sa robe ou sa coupe de cheveux, peut être interprétée comme une agression sexuelle. Signaler à un collaborateur que son travail est mal fait devient du harcèlement. Alors, chacun s’enferme dans sa coquille, aidé en cela par une idéologie de l’individu-île. Même à l’intérieur du couple, les rapports deviennent formels. Pensez à tout le débat sur l’imposition séparée des époux, qui révèle à quel point aujourd’hui les membres du couple ont chacun « leur » argent, séparé de l’argent du ménage, et qu’ils dépensent en fonction de « leurs » inclinaisons, comme si l’autre n’existait pas.
Cette dégradation des rapports humains est une cocotte-minute qui n’est pas loin d’exploser. Les gens ont peur de cette explosion, et quand on a peur, on se rattache à ce qu’on connaît. Ce n’est pas par hasard si les mouvements conservateurs ont le vent en poupe. Sans compter sur ceux qui, devant l’anomie générale, vont se chercher un cadre dans l’intégrisme religieux ou politique. Ce n’est donc pas le moment de secouer le cocotier. Et le récit européen, c’est un récit fondamentalement conservateur – on pourrait même dire réactionnaire – qui emprunte ses références plutôt dans le Saint Empire que dans la Révolution française. Et puis, l’Union européenne se présente comme le dernier rempart contre un monde dangereux, comme le seul capable de préserver le « mode de vie européen », les « valeurs européennes » – concepts dans lesquels chacun peut mettre à peu près ce qu’il a envie de mettre.
La construction européenne est aujourd’hui la seule utopie vivante. Dans un moment de grande incertitude, de grande peur, c’est la seule idéologie qui nous dit « vous n’êtes pas seuls ». Qui propose quelque chose d’autre ? Tous les partis ont compris combien remettre en cause cette utopie fait peur aux gens. C’est pourquoi personne n’en parle, même pas ceux qui ont bien compris que leur programme ne peut être mis en œuvre qu’en entrant en conflit avec l’UE.
[Dans ce sens, comment savoir si les français sont plus ou moins prêts au Frexit qu’auparavant, quand la ligne du RN était beaucoup plus agressive vis à vis de l’UE ? En d’autres termes, est-ce que si le RN assumait aujourd’hui une position dans la ligne du social souverainisme de Phillipot à l’époque, il compterait plus ou moins d’électeurs qu’à l’époque ?]
Je pense que oui. La population est bien plus terrorisée aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque. La dégradation de l’économie, les guerres, le COVID, les émeutes sont passés par là. Mais c’est impossible de le savoir avec certitude. En tout cas, il est clair que les politiciens favorables à une remise en cause de l’UE font la même analyse que moi…
Les Britanniques sont sortis de l’UE alors que leur Etat est probablement plus détruit que le notre.
@ Did
[Les Britanniques sont sortis de l’UE alors que leur Etat est probablement plus détruit que le notre.]
Les comparaisons sont toujours difficiles à faire entre cultures politiques différentes. Admettons que l’Etat britannique soit « plus détruit » que le nôtre. Cela ne pose pas aux britanniques les mêmes problèmes, parce que l’Etat n’a pas en Grande Bretagne les mêmes fonctions que chez nous. La société britannique est construite autour des « communautés », qui gèrent tout un système de police et de solidarité sans que l’Etat n’intervienne. Un Etat faible ne fait pas autant peur aux Britanniques qu’aux Français, parce que les Britanniques ne comptent pas trop dessus. L’affaiblissement des “communautés” leur pose bien plus de problèmes…
Bonjour à tous. Avant le 21 janvier 1793, le bon peuple aurait été saisi d “effroi à l ‘idée de ” raccourcir ” Louis, seizieme du nom. Sous la royauté, le Roi, c’était ” le Père ” . Et à l’époque, ” tuer le père,” c’était autre chose que ce qu’on peut imaginer maintenant. Apres, le bon peuple se demandait plutot pourquoi on n’y avait pas pensé avant.
@ Lhaa Francis
[Avant le 21 janvier 1793, le bon peuple aurait été saisi d “effroi à l ‘idée de ” raccourcir ” Louis, seizième du nom. Sous la royauté, le Roi, c’était ” le Père ” . Et à l’époque, ” tuer le père,” c’était autre chose que ce qu’on peut imaginer maintenant. Apres, le bon peuple se demandait plutôt pourquoi on n’y avait pas pensé avant.]
En fait, la chose est bien plus complexe que vous ne la faites. Louis le XVI n’est pas le premier chef d’Etat dont la vie a été artificiellement raccourcie. D’autres dirigeants avant lui avaient été massacrés par la foule, supprimés par un complot, assassinés par leur propre famille, exécutés par décision d’une assemblée. Pensez à César, à Henri IV, à Charles Ier d’Angleterre… La question du tyrannicide, c’est-à-dire dans quelles situations il est légitime de déposer ou de tuer celui qui dirige l’Etat et accessoirement qui est légitime à le faire, est une question que les philosophes discutent depuis la nuit de temps.
La difficulté est toujours la même, et a bien été résumée par le président Pompidou : « passées les bornes, il n’y a plus de limites ». Si le personnage qui est la clé de voute du système politique, sur qui repose la garantie finale des lois et des institutions, peut être déposé, alors cela veut dire qu’aucune loi, aucune institution n’est à l’abri. C’est pourquoi la mort ou la déposition d’un chef d’Etat est toujours un traumatisme important pour une société. Et non, « le bon peuple » ne se demande pas « pourquoi on n’y avait pas pensé avant », au contraire : il essaye de recoller les morceaux et de faire en sorte que cela ne se reproduise pas. Vous noterez que Charles Ier est le premier mais aussi le dernier roi d’Angleterre à mourir sur l’échafaud, et cela vaut aussi pour Louis XVI ou pour Nicolas II en Russie.
L’exécution d’un roi marque pour un peuple un instant unique, celui de la séparation de l’homme et de la fonction. Il faut lire les arguments échangés lors du procès de Charles Ier : pour les révolutionnaires il était évident qu’aussi longtemps qu’il était vivant, il était le roi. Pour la mentalité de l’époque, on ne pouvait pas être un ex-roi. L’onction faisait de vous un roi, et vous le restiez jusqu’au bout. Pour que quelqu’un d’autre puisse prendre la place, il fallait qu’il soit mort.
@ Descartes
[lorsque j’étais adolescent, si l’on mettait les pieds dans la banquette du train on pouvait être sûr qu’un adulte allait venir nous faire la remarque, et notre réaction était d’enlever les pieds et de se faire tout petit. Aujourd’hui, oserez-vous faire la remarque à un adolescent dans le train ? Non, parce que sa réaction est imprévisible. Parce que lui-même n’a pas une règle qui lui dit comment on doit se comporter quand un adulte vous fait une remarque.]
C’est surtout les conséquences de l’éducation “laxiste” où l’enfant-roi, adolescent ou adulte, ne tolère aucune frustration, aucune critique.
[Des institutions aussi anciennes que la filiation, le mariage, la vieillesse, le deuil sont bouleversées.]
La filiation et le mariage, je vois. Pourquoi dites-vous que la vieillesse et le deuil sont bouleversés ?
[Des gestes autrefois banals, comme faire un compliment à une collègue pour sa robe ou sa coupe de cheveux, peut être interprétée comme une agression sexuelle.]
Oui, l’époque est triste.
Du reste, peu de femmes mettent des robes de nos jours. Et les coupes de cheveux sont souvent du n’importe quoi. Parlons mode brièvement : jeans “baggys”, troués, mini-pulls, abandon du costume et de la cravate pour les hommes… Je dois devenir vieux car à cet égard”c’était mieux avant” !
[Sans compter sur ceux qui, devant l’anomie générale, vont se chercher un cadre dans l’intégrisme religieux ou politique.]
Pas nécessairement dans l’intégrisme, qu’il soit religieux ou politique. Dans un monde où tous les repères s’écroulent, la religion reste un “support” pour beaucoup ; je ne n’y vois pas forcément mal.
@ Bob
[C’est surtout les conséquences de l’éducation “laxiste” où l’enfant-roi, adolescent ou adulte, ne tolère aucune frustration, aucune critique.]
Oui, mais cette « éducation laxiste » ne tombe pas du ciel. Ce n’est pas parce qu’une génération de parents a subitement décidé d’être laxiste alors que celle d’avant avait décidé d’être stricte. Le passage de l’une à l’autre est lié à une transformation de la société, et notamment du mode de production. On peut discuter s’il s’agit d’une transformation dont le mode de production a besoin pour fonctionner plus efficacement, ou bien s’il s’agit d’un effet collatéral de cette transformation. Mais je ne crois pas qu’il suffise de dire aux parents de faire autrement pour que ça change.
[« Des institutions aussi anciennes que la filiation, le mariage, la vieillesse, le deuil sont bouleversées. » La filiation et le mariage, je vois. Pourquoi dites-vous que la vieillesse et le deuil sont bouleversés ?]
Parce que la vieillesse, c’est aussi une institution. Le respect dû aux anciens, la valorisation de la mémoire et de l’expérience qu’ils portent, c’est aussi un élément d’équilibre institutionnel. Quant au deuil, il vous suffit de comparer ce que pouvait être le rituel de deuil il y a seulement un demi-siècle avec ce qu’il est aujourd’hui : dans les années 1950, le rituel funéraire était un rituel social, dont les règles échappaient à l’individu. Aujourd’hui, chacun est libre de se fabriquer son propre rituel… au point qu’il a fallu faire une loi relative au respect des morts pour éviter qu’on puisse faire un gâteau avec les cendres et le partager entre les convives…
[Du reste, peu de femmes mettent des robes de nos jours. Et les coupes de cheveux sont souvent du n’importe quoi. Parlons mode brièvement : jeans “baggys”, troués, mini-pulls, abandon du costume et de la cravate pour les hommes… Je dois devenir vieux car à cet égard ”c’était mieux avant” !]
Moi aussi. Quand je suis arrivé à Paris, à la fin de mon adolescence, j’avais été impressionné par l’élégance des parisiennes, par le soin dans leur habillement, leurs gestes, leur manière de parler. Aujourd’hui, c’est « venez comme vous êtes ». Et ce n’est pas beau à voir…
[« Sans compter sur ceux qui, devant l’anomie générale, vont se chercher un cadre dans l’intégrisme religieux ou politique. » Pas nécessairement dans l’intégrisme, qu’il soit religieux ou politique. Dans un monde où tous les repères s’écroulent, la religion reste un “support” pour beaucoup ; je ne n’y vois pas forcément mal.]
Je vois mal comment la religion, dans sa version « soft », peut aujourd’hui « supporter » quelqu’un en manque de repères. Là aussi, c’est un peu « venez comme vous êtes ».
@ Descartes
[Le passage de l’une à l’autre est lié à une transformation de la société, et notamment du mode de production.]
Je n’aurais jamais établi de lien entre le mode de production et l’éducation laxiste depuis une vingtaine d’années. Votre remarque me fait réfléchir, mais j’ai du mal à voir comment ce rapport de forces changeant dans le mode de production a pu se répercuter sur l’éducation.
[pour éviter qu’on puisse faire un gâteau avec les cendres et le partager entre les convives…]
Vous êtes sérieux ? C’est arrivé !?
[l’élégance des parisiennes, par le soin dans leur habillement]
Je n’ai pas connu ces parisiennes élégantes. Aujourd’hui, sur le plan vestimentaire, je vois l’élégance chez nos cousins italiens (et italiennes aussi).
C’est en regardant la série TV américaine Mad Men qui se situe dans les années 50/60 que le contraste entre le chic vestimentaire d’antan et le n’importe quoi d’aujourd’hui m’a re-sauté aux yeux.
[Je vois mal comment la religion, dans sa version « soft », peut aujourd’hui « supporter » quelqu’un en manque de repères]
Un cadre, une communauté, des lignes directrices, c’est toujours mieux que le néant.
@ Bob
[« Le passage de l’une à l’autre est lié à une transformation de la société, et notamment du mode de production. » Je n’aurais jamais établi de lien entre le mode de production et l’éducation laxiste depuis une vingtaine d’années. Votre remarque me fait réfléchir, mais j’ai du mal à voir comment ce rapport de forces changeant dans le mode de production a pu se répercuter sur l’éducation.]
Que voulez-vous, je suis un indécrottable marxien…
C’est le mode de production – et notamment la classe dominante dans ce mode – qui produit dialectiquement une idéologie en fonction de ses besoins. Prenez par exemple l’idéologie anti-alcool et le développement des « ligues de tempérance » à la fin du XIXème siècle. L’alcoolisme était un fléau bien avant, pourquoi alors à ce moment-là ? Ce n’est pas par hasard si ce mouvement arrive avec la révolution industrielle et le machinisme, quand le patronat a besoin d’une main d’œuvre disciplinée et capable de travailler sur des machines dangereuses, et que les structures traditionnelles de la communauté villageoise, qui veillaient à punir le vice, se délitent.
L’idéologie et les pratiques qui ont conduit à une éducation « laxiste » tiennent à l’évolution du système économique. Le travail des femmes, qui a permis au patronat d’augmenter massivement l’offre de travail, a changé radicalement le rapport aux enfants. Les logiques de la société de consommation portent au pinacle les valeurs adolescentes : la spontanéité, la transgressivité, l’irresponsabilité. Prenez la question des règles : une marque bien connue a adopté comme devise dans sa publicité dans le métro « cassez les règles » (« break the rules »). La présence massive des super-héros dans les médias aujourd’hui est un bon indicateur de cette idéologie. Car le super-héro, c’est l’adolescent : c’est un personnage qui échappe aux contraintes économiques, qui découvre une puissance physique qu’il craint à tout moment de ne pas pouvoir contrôler, qui est invulnérable et à qui tout est permis.
[« pour éviter qu’on puisse faire un gâteau avec les cendres et le partager entre les convives… » Vous êtes sérieux ? C’est arrivé !?]
Absolument. Je vous parle d’un cas vécu. Et on trouve des similaires dans la presse. « Le Parisien » publie le 18 octobre 2018 une information selon laquelle une lycéenne californienne qui aurait fait des « cookies » contenant les cendres de son grand-père pour les distribuer à ses camarades de classe. On trouve même des publicités pour d’autres rituels plus ou moins inventés : ainsi « Pulvis art urns » (https://www.pulvisurns.com/fr/blogs/news/10-unique-ideas-for-cremation-ashes?srsltid=AfmBOoqlXZRHGY3s1utzGz3H_NsiLclCzBufcteUpv2dpfSMbuF4dr4i) propose de faire un diamant avec les cendres du défunt, de les incorporer à des feux d’artifice, de faire un portrait du défunt mélangeant les cendres avec la peinture, de se faire tatouer en incorporant les cendres dans le colorant, de les incorporer dans le vinyle pour presser un disque, ou bien de les lancer dans l’espace…
[“Je vois mal comment la religion, dans sa version « soft », peut aujourd’hui « supporter » quelqu’un en manque de repères” Un cadre, une communauté, des lignes directrices, c’est toujours mieux que le néant.]
Désolé pour les lecteurs régulier de ce blog, mais je ne peux ici que laisser parler Terry Pratchett:
“C’est ça. C’est ça, les gens. Maintenant, si moi je l’avais vu, vraiment là, vraiment vivant, ça serait en moi comme une fièvre. Si je pensais qu’il y avait un dieu qui se souciait vraiment des gens, qui les regardait comme un père et prenait soin d’eux comme une mère… eh bien, vous ne m’entendriez pas dire des choses comme ‘il y a deux côtés à chaque question’ et ‘nous devons respecter les croyances des autres’. Vous ne me verriez pas simplement être gentille dans l’espoir que tout se passe bien à la fin, pas si cette flamme brûlait en moi comme une épée impitoyable. Et j’ai bien dit brûlante, Monsieur Oats, parce que ce serait ça. Vous dites que vous, ne brûlez plus et ne sacrifiez plus les gens, mais c’est ce que signifierait la vraie foi, voyez-vous ? Sacrifier sa propre vie, jour après jour, à la flamme, en déclarant la vérité, en travaillant pour elle, en respirant son âme. C’est ça, la religion. Tout le reste, c’est juste… c’est juste être sympa. Et une façon de rester en contact avec les voisins.”
L’UE périra par l’Allemagne. C’est le départ de l’Allemagne de l’euro qui scellera le destin de l’UE ; départ motivé par la défense de ses intérêts économiques bien compris, concept qui, semble-t-il, reste encore largement méconnu en France.
Bonjour
Le debat qui tourne en boucle sur les chaines télés c’est la taxe ZUCMAN , cella m’a amené a relire vos anciens sujets sur les riches et a ce sujet j’aimerais connaitre votre position actuelle sur cette taxe soutenue par la gauche et sur la credibilité de cette taxe
@ bernard
Patience… je suis en train de faire un papier!
Désolé d’intervenir ici mais comme je ne peux plus répondre…
[les Français sont convaincus que TOUS les hommes politiques ont recours à ce genre de recours, y compris ceux qu’ils tiennent dans la plus grande estime. ]
Vous-même semblait adhérer à ce postulat et en connaître bien plus que moi sur le sujet. Le ‘’Tous pourris’’ a donc de beaux jours devant lui.
D’évidence nous ne pourrons pas nous accorder sur ce point : je ne vois vraiment pas pourquoi la corruption serait haïssable dans le privé et acceptable pour le personnel politique puisque semble t’il tout le monde le fait… A se demander pourquoi on pond régulièrement des lois à ce sujet.
Par contre, et pour terminer, vous n’avez pas répondu à ma question s’agissant d’un homme (ou une femme, soyons correct) politique et je serai sincèrement désireux de connaître votre position :
[quelle est donc votre définition de l’honneur ?]
Jupé bien (qui a scrupuleusement respecté la loi de l’omerta) versus Cazeneuve mal (qui n’a à ma connaissance corrompu personne). La corruption vous semble un usage privé condamnable mais un moyen politique acceptable ?
@ GDAT13
[Désolé d’intervenir ici mais comme je ne peux plus répondre…]
Ne soyez pas désolé, c’est une limitation connue de WordPress : à partir d’un certain nombre de niveaux de commentaire, il faut revenir à la racine…
[« les Français sont convaincus que TOUS les hommes politiques ont recours à ce genre de recours, y compris ceux qu’ils tiennent dans la plus grande estime. » Vous-même semblait adhérer à ce postulat et en connaître bien plus que moi sur le sujet. Le ‘’Tous pourris’’ a donc de beaux jours devant lui.]
Non, justement. Oui, j’adhère à l’idée que TOUS les hommes politiques ont recours à des méthodes plus ou moins malhonnêtes pour financer l’activité politique, et j’y adhère parce que je connais suffisamment le milieu pour y avoir trempé. J’ai même fait – honte à moi, direz-vous – de fausses factures et si je n’en suis pas fier, je n’ai pas honte non plus. C’était ça, ou renoncer à faire de la politique. Par contre, ce que je récuse, c’est l’idée que cela fait de ceux qui ont eu recours à ce genre d’expédients « des pourris ». Comme dit le dicton anglais, « il y a de l’honneur même chez les voleurs ». Le financement illégal a aussi sa morale : il y a des choses qu’on fait, et des choses qu’on ne fait pas. J’ai fait des fausses factures au bénéfice de mon Parti, je n’aurais jamais fait cela – et mes camarades n’auraient pas toléré que je le fasse – pour en toucher un bénéfice personnel. C’est là toute la différence entre les « pourris » et les autres. Quand j’apprends que LFI a fait des fausses factures pour ses frais de communication, cela ne me scandalise pas. Quand j’apprends que ces factures ont bénéficié le compte personnel de Mme Chikirou, je suis outré. Ce qui fait d’elle une « pourrie », ce n’est pas de contourner la loi pour faire de la politique, c’est de contourner la loi pour faire de l’argent. Et contre ça, aucune peine ne me semble trop forte…
[D’évidence nous ne pourrons pas nous accorder sur ce point : je ne vois vraiment pas pourquoi la corruption serait haïssable dans le privé et acceptable pour le personnel politique puisque semble t’il tout le monde le fait…]
Attention, les termes ont ici une importance. Je ne crois pas avoir parlé de « corruption ». Il y a une grande différence entre le fait de détourner de l’argent – emplois fictifs, fausse facturation – et le fait de corrompre un agent public. La corruption, tout comme le manquement aux devoirs de fonctionnaire, est pour moi un délit qui doit être puni autant chez le personnel politique que chez les agents privés.
Mais il ne s’agit pas ici de « corruption ». Il s’agit de détournement d’argent. Et sur cette question, il y a une différence. Parce que « dans le privé », on viole la loi pour faire de l’argent. Autrement dit, on soustrait de l’argent public, qui devrait servir à tous, et on le met au service d’un agent privé. C’est très différent du politicien qui détourne de l’argent pour financer une activité politique, c’est-à-dire, une activité qui, dans une démocratie, contribue au bien public.
Dans un monde parfait, je vous l’accorde, ce genre de détournement n’aurait pas sa place. Mais nous ne vivons pas dans un monde parfait. Nous vivons dans un monde où l’on fait de la politique dans un rapport de forces, et ce rapport de forces a résulté dans un système de financement des activités politiques qui est très largement insuffisant. Les Français veulent une démocratie, mais ils ne sont pas prêts à en payer le coût. Parce que la démocratie, cela suppose de payer des locaux, des permanents, la location des salles, la sono, les déplacements, les brochures. Et cela coûte de l’argent, de l’argent qu’on ne veut pas donner. On finance à la rigueur correctement les partis politiques « établis » (c’est-à-dire, ceux qui ont beaucoup d’élus et font des bons scores). Mais si vous voulez faire de la politique en dehors, vous avez deux choix : vous faire financer par le patronat, ou bien détourner de l’argent. Et les deux sont illégaux.
[A se demander pourquoi on pond régulièrement des lois à ce sujet.]
Pour donner le change, bien entendu. Les Français aiment bien les illusions. Ils aiment la démocratie, mais ne veulent pas la financer. Alors, ils préfèrent que ce financement soit occulte, qu’il n’apparaisse pas dans les comptes…
[Par contre, et pour terminer, vous n’avez pas répondu à ma question s’agissant d’un homme (ou une femme, soyons correct) politique et je serai sincèrement désireux de connaître votre position : quelle est donc votre définition de l’honneur ?]
Je ne pense pas qu’on puisse donner une définition générale d’un terme aussi complexe. On ne parle pas de la même chose lorsqu’on parle de l’honneur d’un professionnel, de l’honneur d’un mari, de l’honneur d’un politicien, de l’honneur d’un fonctionnaire, et ne parlons même pas de l’honneur d’un pays ou d’une famille.
Disons que l’idée d’honneur se comprend dans le cadre d’un ensemble de règles de comportement considérés par consensus comme constituant le mandat d’une position sociale particulière. La société à une idée consensuelle de ce que constitue un « bon » mari, un « bon » professionnel, un « bon » prêtre, un « bon » fonctionnaire, un « bon » politicien. La société « honore » ces comportements, et du coup « l’honneur » consiste à s’y conformer. Mais on voit bien que les comportements « honorables » ne sont pas les mêmes selon les professions. Un prêtre qui couche à droite et à gauche manque à l’honneur – parce que ce n’est pas le comportement que la société, consensuellement, attend du prêtre. L’honneur d’un politicien qui aurait le même comportement n’en souffrirait probablement pas.
[Jupé bien (qui a scrupuleusement respecté la loi de l’omerta) versus Cazeneuve mal (qui n’a à ma connaissance corrompu personne).]
Pardon, entre Juppé et Cazeneuve il y a une différence objective : Juppé a détourné de l’argent pour financer des campagnes politiques (en fait, offert des emplois fictifs à des militants du RPR), Cazeneuve pour son bénéfice privé (fraude fiscale). Si Cazeneuve avait déposé le produit de la fraude dans les caisses du Parti socialiste, la question serait pour moi différente.
Juppé est pour moi plus « honorable » que Cazeneuve parce que le comportement de Juppé correspond peu ou prou au comportement que le consensus social admet chez les politiques. Vous noterez que les différents scandales d’emplois fictifs – celui de la mairie de Paris, mais aussi ceux des attachés parlementaires du MODEM, de LFI ou du RN – n’ont guère ému les électeurs, qui s’en amusent plutôt qu’autre chose.
[La corruption vous semble un usage privé condamnable mais un moyen politique acceptable ?]
On ne parle pas ici de « corruption ». Les mots ont leur importance. La « corruption », c’est l’acte par lequel on obtient d’une personne chargée d’une mission de faire quelque chose de contraire à cette mission contre de l’argent. Je ne crois pas que dans les affaires évoquées il y a ait eu ce type de comportement. Pour moi, la corruption n’est acceptable dans aucun contexte.
Bonjour Descartes,
Vous parlez de Cazeneuve, mais ne pensiez-vous pas plutôt à Cahuzac ?
@ Dell Conagher
[Vous parlez de Cazeneuve, mais ne pensiez-vous pas plutôt à Cahuzac ?]
Vous avez raison, ma plume a fourché…
On comprend tout de suite à qui profiterait la fin d’un système qui ne permettrait plus aux partis politiques de se financer en-dehors des largesses (bien sûr totalement désintéressées, honni soit qui mal y pense) du patronat… Avouez que cela donne une autre saveur au militantisme des associations anti-corruption (Anticor, Transparence citoyenne), lesquelles, d’ailleurs, ne semblent pas manquer d’argent patronal (Vinciguerra pour la première, Stérin pour la seconde)…
@ MJJB
[On comprend tout de suite à qui profiterait la fin d’un système qui ne permettrait plus aux partis politiques de se financer en-dehors des largesses (bien sûr totalement désintéressées, honni soit qui mal y pense) du patronat…]
C’est bien là le problème. Un financement « volontaire » des partis implique que ceux dont les « volontaires » ont plus d’argent seront mieux financés. Un financement public fondé sur le nombre d’élus ou de voix récoltées privilégie les partis « installés » et peu idéologiques. Le meilleur indicateur à mon avis serait le nombre de militants… mais c’est un indicateur très difficile à mesurer !
[Avouez que cela donne une autre saveur au militantisme des associations anti-corruption (Anticor, Transparence citoyenne), lesquelles, d’ailleurs, ne semblent pas manquer d’argent patronal (Vinciguerra pour la première, Stérin pour la seconde)…]
Je me méfie toujours des « purs »… en général, ils servent sans le vouloir des intérêts qui sont bien moins honorables.
@ Descartes,
[J’ai même fait – honte à moi, direz-vous – de fausses factures et si je n’en suis pas fier, je n’ai pas honte non plus. C’était ça, ou renoncer à faire de la politique. Par contre, ce que je récuse, c’est l’idée que cela fait de ceux qui ont eu recours à ce genre d’expédients « des pourris ». Comme dit le dicton anglais, « il y a de l’honneur même chez les voleurs ». Le financement illégal a aussi sa morale : il y a des choses qu’on fait, et des choses qu’on ne fait pas. J’ai fait des fausses factures au bénéfice de mon Parti, je n’aurais jamais fait cela – et mes camarades n’auraient pas toléré que je le fasse – pour en toucher un bénéfice personnel.]
J’avoue que ce que vous écrivez là me laisse perplexe. Et surtout – et c’est je trouve de plus en plus fréquent – il me semble percevoir des contradictions dans ce que vous écrivez, et l’application de certains principes semble être à géométrie variable. Tenez, pour prendre un exemple, vous citez souvent cette formule: “passées les bornes, il n’y a plus de limites”. Mais là, pour une raison qui reste à établir, en ce qui concerne le financement des activités politiques, “passées les bornes”, il y aurait encore des limites. Qui fixe ces limites – puisque, rappelons-le, on est dans l’illégalité? Mystère. Moi, je ne juge pas ce que vous avez fait, ça ne m’intéresse pas, ce n’est pas mon problème. Vous avez eu de la chance de ne pas vous faire attraper. Simplement, je m’étonne: on parle d’honneur, de “ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas”. Qui fixe les règles si ce n’est pas la loi? Et quelle autorité supérieure et légitime fait respecter ces régles?
Puisque vous dites qu’ “il y a des choses qu’on fait et des choses qu’on ne fait pas” et que vous avez en la matière une certaine expérience, je vous pose la question: envisager le financement d’une campagne électorale par un régime étranger qui de surcroît a mené des actions hostiles à l’encontre de la France, est-ce dans la catégorie de “ce qu’on fait” ou de “ce qu’on ne fait pas”? Et au nom de quoi cette action entre dans telle catégorie ou dans telle autre?
Personnellement je suis extrêmement méfiant: quand on commence à violer la loi au nom d’une Cause, si noble soit-elle (et encore, reste à savoir qui définit la noblesse de la cause en question), pour moi, le fanatisme n’est pas loin. Il est toujours très dangereux à mon sens de laisser une personne ou un groupe de personnes (ici un parti politique) décider qu’il est nécessaire de “contourner la loi” comme vous dites. D’un autre côté, la multiplication des affaires montre à l’évidence que le financement des activités politiques n’est pas assuré de manière satisfaisante dans notre pays. Est-ce que la solution consiste à laisser les organisations politiques se financer aux limites de la légalité en fermant les yeux? C’est discutable, notamment pour une raison qui tient à l’égalité de traitement: on a parfois l’impression que la justice est plus prompte à sanctionner certains partis, certaines personnalités, que d’autres.
Il y a surement des choses à revoir dans le financement des partis. Et d’abord, on devrait laisser davantage de latitude aux partis pour utiliser les fonds publics qu’ils reçoivent, du moment qu’il n’y a pas d’enrichissement personnel. Que Marine le Pen utilise les indemnités versées par le Parlement européen pour payer des gens qui bossent pour son parti, ça ne me choque pas, et je ne vois pas très bien ce qu’il y a d’illégal. Maintenant, si les gens ne veulent pas payer le prix de la démocratie, eh bien, il faut qu’ils sachent qu’il y a des alternatives à la démocratie, des alternatives qui feront sans doute économiser quelques millions…
@ Carloman
[« Le financement illégal a aussi sa morale : il y a des choses qu’on fait, et des choses qu’on ne fait pas. J’ai fait des fausses factures au bénéfice de mon Parti, je n’aurais jamais fait cela – et mes camarades n’auraient pas toléré que je le fasse – pour en toucher un bénéfice personnel. » J’avoue que ce que vous écrivez là me laisse perplexe. Et surtout – et c’est je trouve de plus en plus fréquent – il me semble percevoir des contradictions dans ce que vous écrivez, et l’application de certains principes semble être à géométrie variable.]
C’est normal. Ca fait des années que nous échangeons, et plus on se connaît, plus on voit les contradictions. Mais dans ce cas particulier, il n’est pas étonnant que vous voyez une contradiction, parce que j’ai voulu précisément en exposer une. Oui, on a des principes qu’on a construit de manière à fonctionner dans un monde idéal… et puis il y a le monde réel. Et dans le monde réel, on est obligé à faire de la gymnastique pour adapter les principes aux besoins et aux contraintes du réel. Où alors, on choisit la voie des saints et des martyrs – et encore, lorsqu’on sort de l’hagiographie, on s’aperçoit que même les saints ont su se montrer pragmatiques. C’est le prix qu’on paye pour pouvoir peser sur le réel. Cela ne veut pas dire que les principes ne servent à rien, ou qu’ils soient de la pure hypocrisie. Ils sont un phare qui nous guide dans la nuit.
[Tenez, pour prendre un exemple, vous citez souvent cette formule: “passées les bornes, il n’y a plus de limites”. Mais là, pour une raison qui reste à établir, en ce qui concerne le financement des activités politiques, “passées les bornes”, il y aurait encore des limites. Qui fixe ces limites – puisque, rappelons-le, on est dans l’illégalité ? Mystère.]
Aucun mystère. Je n’ai peut-être pas clair, mais j’ai bien précisé qu’il y avait une morale, même entre ceux qui commettent certains actes illégaux. Et j’irai même plus loin : au-delà de la loi de la République et du système judiciaire qui le fait appliquer, il y a dans les partis politiques un système de lois et d’interdits, et un système disciplinaire pour s’assurer que ces règles sont respectées. Quand je vous dis que j’ai fait des fausses factures, je ne vous dit pas qu’il s’agisse d’une initiative personnelle, sans contrôle. Si vous regardez les anciens documents des congrès du PCF – je ne sais pas si la pratique a toujours cours – vous verrez qu’à chaque congrès on élisait discrètement une « commission de contrôle financier ». Et je peux vous assurer que le contrôle exercé par cette commission était autrement plus sévère que celui de n’importe quel tribunal. Et que le camarade qui osait mettre la main dans la confiture pouvait avoir de très sérieux ennuis. Pourquoi croyez-vous que le PCF ne se soit jamais fais prendre, et que chaque fois que le trésorier du Parti a été trainé devant les tribunaux, cela s’est terminé par un non-lieu ? Parce que si les responsables des finances se permettaient de violer la loi, ils ne se permettaient jamais de « passer les bornes ».
Dans d’autres partis, il est vrai, le contrôle est beaucoup moins étroit – et c’est d’ailleurs les raisons pour lesquelles ils se font prendre : ils commettent des erreurs de débutant. Mais ne croyez pas que ce soit, sauf exceptions, des choses qui se font hors de tout contrôle. Les militants politiques ont, eux aussi, une vision très négative des dirigeants qui utilisent l’activité politique pour s’enrichir personnellement. Croyez-vous qu’ils accepteront longtemps de bosser pour que leurs dirigeants puissent rouler en Porsche ? La règle morale « pas d’enrichissement personnel » est puissamment soutenue parce qu’elle fait l’objet d’un non moins puissant consensus.
[Moi, je ne juge pas ce que vous avez fait, ça ne m’intéresse pas, ce n’est pas mon problème. Vous avez eu de la chance de ne pas vous faire attraper.]
Ce n’est pas une question de chance. C’est une question d’organisation.
[Simplement, je m’étonne: on parle d’honneur, de “ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas”. Qui fixe les règles si ce n’est pas la loi ? Et quelle autorité supérieure et légitime fait respecter ces régles ?]
Comme toute règle de morale publique, c’est un consensus – ici le consensus des militants. Quant aux autorités, les organisations politiques disposent d’une discipline interne, plus ou moins étroite. Et en matière financière, cette discipline est d’autant plus nécessaire que l’on s’écarte de la loi. Parce que violer la loi sans se faire prendre, comme je l’ai dit plus haut, c’est quelque chose qu’on ne peut laisser à la chance.
Quant à l’honneur, en politique comme dans n’importe quelle autre activité, c’est de bien faire son métier. Et le métier du politique, c’est « de rendre possible ce qui est nécessaire ». Qui ira reprocher à De Gaulle d’avoir violé la loi en désertant en 1940 pour aller à Londres ?
[Puisque vous dites qu’ “il y a des choses qu’on fait et des choses qu’on ne fait pas” et que vous avez en la matière une certaine expérience, je vous pose la question : envisager le financement d’une campagne électorale par un régime étranger qui de surcroît a mené des actions hostiles à l’encontre de la France, est-ce dans la catégorie de “ce qu’on fait” ou de “ce qu’on ne fait pas” ? Et au nom de quoi cette action entre dans telle catégorie ou dans telle autre ?]
Comme dit le dicton espagnol, « qui vole un voleur est pardonné pour mille ans ». Tout dépend des contreparties qu’implique ce financement. Si quelqu’un vous offre de l’argent pour vous aider à arriver au pouvoir avec l’espoir qu’une fois arrivé vous seriez naturellement plus favorable à ses intérêts – par exemple, parce que vous avez une communauté idéologique avec lui – je ne vois pas le problème. Vous n’ignorez certainement pas que la plupart des partis « bourgeois » ont reçu, pendant la guerre froide, de grosses subventions et aides de toutes sortes de la part des américains, et que le PCF a lui aussi été aidé par les soviétiques – même si « l’or de Moscou » était beaucoup moins abondant qu’on ne le dit. Encore aujourd’hui, les partis pro-européens dans beaucoup de pays de l’Union reçoivent des aides de la Commission. On peut regretter que le système fonctionne comme cela, mais si vous n’acceptez pas cet argent, vous êtes tout de suite en infériorité par rapport à ceux qui l’acceptent. Alors, que faire ?
Il y des situations où argent vient avec des conditions et des engagements secrets. Là, c’est déjà plus grave, puisqu’il s’agit de se faire élire en occultant aux électeurs une forme de sujétion. Mais là encore, il faut distinguer deux situations : celle où les engagements sont des simples promesses qui, comme le disait Pasqua, n’engagent que ceux qui y croient, et les cas où ces engagements sont fermes et contraignants.
Si j’ai bien suivi le procès Sarkozy, il relève de la première de ces deux situations. Le tribunal a en effet retenu l’existence d’un « pacte de corruption », mais pas de « corruption » réelle puisque les engagements n’ont pas reçu un commencement d’exécution. En fait, Kadhafi s’est fait avoir, puisqu’il a financé la campagne de celui qui, in fine, non seulement ne lui a rien donné en retour, mais a contribué à sa chute.
[Personnellement je suis extrêmement méfiant: quand on commence à violer la loi au nom d’une Cause, si noble soit-elle (et encore, reste à savoir qui définit la noblesse de la cause en question), pour moi, le fanatisme n’est pas loin. Il est toujours très dangereux à mon sens de laisser une personne ou un groupe de personnes (ici un parti politique) décider qu’il est nécessaire de “contourner la loi” comme vous dites.]
Je suis d’accord avec vous. Violer la loi n’est pas un acte banal, et ne doit donc pas être banalisé. J’admets que cela puisse être nécessaire, mais dans ce cas il faut derrière une construction idéologique et institutionnelle qui discipline les individus, sans quoi on risque des grosses bêtises. Et c’est vrai dans le domaine financier comme dans tous les autres. J’irai même plus loin : la violation de la loi – comme la raison d’Etat – doit être un acte couvert par le secret, un acte « honteux », auquel on se résout par nécessité et non par choix. Et je peux vous dire que c’est le cas dans la plupart des partis politiques : les affaires d’argent sont rarement évoquées devant les militants…
[D’un autre côté, la multiplication des affaires montre à l’évidence que le financement des activités politiques n’est pas assuré de manière satisfaisante dans notre pays. Est-ce que la solution consiste à laisser les organisations politiques se financer aux limites de la légalité en fermant les yeux ? C’est discutable, notamment pour une raison qui tient à l’égalité de traitement : on a parfois l’impression que la justice est plus prompte à sanctionner certains partis, certaines personnalités, que d’autres.]
Le problème, c’est que le financement des partis politiques est discuté… par les partis politiques. La démocratie représentative fonctionne sur le principe que le représentant est capable de s’abstraire de son intérêt particulier. Mais ici, cela est très difficile parce que non seulement c’est une matière qui affecte au premier chef le représentant, mais qui en plus conditionne sa capacité à rester le représentant… C’est pourquoi chaque réforme du financement aboutit à mieux financer les partis proches du pouvoir, et à définancer les autres. Pourquoi croyez-vous qu’on indexe le financement sur les résultats électoraux, et non sur le nombre de militants, par exemple ?
[Il y a surement des choses à revoir dans le financement des partis. Et d’abord, on devrait laisser davantage de latitude aux partis pour utiliser les fonds publics qu’ils reçoivent, du moment qu’il n’y a pas d’enrichissement personnel. Que Marine le Pen utilise les indemnités versées par le Parlement européen pour payer des gens qui bossent pour son parti, ça ne me choque pas, et je ne vois pas très bien ce qu’il y a d’illégal.]
Vis-à-vis de la loi écrite, c’est clairement illégal. Les moyens mis à disposition des députés européens leur sont donnés pour les aider dans leur travail de député européen, et non pour aider leur parti à fonctionner. Vous noterez d’ailleurs que permettre à un parti d’utiliser les frais de fonction des élus pour se financer crée une grande inégalité entre les partis qui ont beaucoup d’élus mais peu de voix, et ceux qui ont beaucoup de voix mais peu d’élus…
Cela étant dit, je trouve les poursuites contre le RN ou le MODEM de ce chef parfaitement ridicules. Parce que, là encore, c’est quelque chose que tout le monde fait, et que tout le monde fait depuis que le Parlement existe. Seulement, certains le font plus habilement que d’autres, et je dois dire que le RN a été particulièrement brouillon. S’ils avaient choisi des anciens de la commission des finances du PCF pour gérer ces questions, ils n’auraient pas eu ce genre d’ennuis. C’est en remémorant ce passé que je me rends compte à quel point le PCF que j’ai connu donnait à ses militants une formation qui n’était pas seulement politique, mais technique, une discipline qui n’était pas seulement intellectuelle, mais qui touchait aussi l’action. O tempora, o mores…
@ Descartes
[Dans d’autres partis, il est vrai, le contrôle est beaucoup moins étroit – et c’est d’ailleurs les raisons pour lesquelles ils se font prendre : ils commettent des erreurs de débutant.
C’est en remémorant ce passé que je me rends compte à quel point le PCF que j’ai connu donnait à ses militants une formation qui n’était pas seulement politique, mais technique, une discipline qui n’était pas seulement intellectuelle, mais qui touchait aussi l’action.]
Rien de glorieux à ne pas commettre “d’erreurs de débutants” à violer la loi (même si j’entends bien tous vos arguments expliquant la quasi-nécessité d’y recourir dans le monde réel de la politique). Etre expert en illégalité – ce qui permet d’échapper à la patrouille – n’est guère une qualité…
Formation… à l’action illégale. Je ne sais pas s’il faut, ou fallait, s’en réjouir.
[les partis pro-européens dans beaucoup de pays de l’Union reçoivent des aides de la Commission.]
Comment la Commision choisit-elle les partis qu’elles financent ? Les critères sont-ils publics ? Que la Commission ait le droit de distribuer l’argent européen à ceux qui suivent sa doxa – et pas aux opposants -, je trouve cela choquant. Est-ce donc cela la “démocratie de l’UE” ?
Point annexe à la Commision. Les eurolâtres semblaient inquiets que les Moldaves refassent le coup des Roumains en n’élisant pas le “bon” candidat, comme l’ont montré les multiples accusations “d’ingérence russe” ces derniers temps. Las, cette fois, le peuple a bien voté, et bizarrement personne n’évoque une quelconque ingérence européenne quand bien même Macron et d’autres ont récemment fait le déplacement pour prêcher la bonne parole. C’est drôle.
@ Bob
[Rien de glorieux à ne pas commettre “d’erreurs de débutants” à violer la loi (même si j’entends bien tous vos arguments expliquant la quasi-nécessité d’y recourir dans le monde réel de la politique). Etre expert en illégalité – ce qui permet d’échapper à la patrouille – n’est guère une qualité…
Formation… à l’action illégale. Je ne sais pas s’il faut, ou fallait, s’en réjouir.]
Ce dont il ne faut certainement pas se « réjouir », c’est d’une situation qui ne laissait aux acteurs d’autre alternative – sauf à renoncer à leurs droits démocratiques – que de violer la loi. Jean Valjean n’a peut-être pas à être fier d’avoir volé un quignon de pain, mais il n’a pas à en avoir honte non plus. Après, une fois constaté l’état de nécessité, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas le droit d’être fier d’avoir fait les choses proprement plutôt que de les avoir bâclées. D’avoir bien contrôlé l’argent détourné et empêché qu’il serve à engrosser les patrimoines personnels, par exemple. Ce n’est pas – et c’était là le point de ma réponse à Carloman – parce qu’on est mis en situation de violer une loi que tout est permis.
[« les partis pro-européens dans beaucoup de pays de l’Union reçoivent des aides de la Commission. » Comment la Commission choisit-elle les partis qu’elles financent ? Les critères sont-ils publics ? Que la Commission ait le droit de distribuer l’argent européen à ceux qui suivent sa doxa – et pas aux opposants -, je trouve cela choquant. Est-ce donc cela la “démocratie de l’UE” ?]
Tout à fait. La Commission octroie de manière tout à fait ouverte des subventions à des groupements et associations qui « font avancer l’idée européenne », qui « contribuent à la construction européenne » et ainsi de suite. De manière plus occulte, elle octroie du soutien financier et matériel à des opérations ponctuelles, comme « euromaïdan ».
Vous savez, il y beaucoup d’argent qui circule à Bruxelles, avec des niveaux de corruption qui feraient rougir la plus corrompue des fonctions publiques nationales. Cela commence par les commissaires, qui se préparent en général la retraite dorée d’un fauteuil au conseil d’administration d’une grande entreprise – sans contrepartie, cela va de soi – aux chefs d’unité qui établissent avec des lobbystes toutes sortes d’accords de dessous de table.
[Point annexe à la Commision. Les eurolâtres semblaient inquiets que les Moldaves refassent le coup des Roumains en n’élisant pas le “bon” candidat, comme l’ont montré les multiples accusations “d’ingérence russe” ces derniers temps. Las, cette fois, le peuple a bien voté, et bizarrement personne n’évoque une quelconque ingérence européenne quand bien même Macron et d’autres ont récemment fait le déplacement pour prêcher la bonne parole. C’est drôle.]
La formule de Théodore Roosevelt reste le principe recteur de l’Union européenne : « nous sommes d’accord pour qu’ils se gouvernent comme ils l’entendent, à condition qu’ils l’entendent comme nous l’entendons ».
[Il faudrait me préciser pour quel crime. S’il s’agissait de la rétablir pour fraude fiscale, ou bien pour trafic de stupéfiants, je pense que je voterais “oui”. D’une façon générale, je ne suis pas contre la peine de mort si elle doit s’appliquer à des gens qui ont commis leur crime avec préméditation, dans toute possession de leurs moyens intellectuels et qui ont beaucoup à perdre. Pour ce type de crimes, elle devrait être véritablement dissuasive.
Par contre, s’il s’agit de la rétablir pour les violeurs ou les tueurs d’enfants, c’est non. Ce genre de crime est souvent commis sous l’empire d’une impulsion irrépressible, et l’effet dissuasif est faible.]
Pardon de revenir sur ce sujet mais je ne comprends pas très bien votre raisonnement : si pour un violeur ou un tueur d’enfant le risque de la peine de mort vous semble un effet dissuasif faible que faire ? A moins de condamner à la prison à perpétuité effective, ce qui est une plaisanterie très peu drôle, l’individu sortira un jour de prison et probablement sous « l’empire d’une impulsion irrésistible » récidivera. Que pourra t’on dire aux proches de la probable prochaine victime ? Que la peine de mort n’ayant dans ces cas qu’un « qu’un effet dissuasif faible », on a accepté le risque et tant pis pour ce qui arrivera ensuite ? C’est votre point ?
Assimiler fraude fiscale et trafic de stupéfiants me semble par ailleurs quelque peu excessif quand on voit les conséquences délétères de la drogue en terme de crimes, violences et dégradation sociale. J’espère que, comme moi, vous ne mettez pas sur le même plan M. Jérome Cahuzac avec un Pablo Escoblar.
Et si l’on peut condamner à la peine de mort tous les participants à la fraude fiscale, la France risque d’être quelque peu dépeuplée. A commencer par moi…
@ GDAT13
[Pardon de revenir sur ce sujet mais je ne comprends pas très bien votre raisonnement : si pour un violeur ou un tueur d’enfant le risque de la peine de mort vous semble un effet dissuasif faible que faire ? A moins de condamner à la prison à perpétuité effective, ce qui est une plaisanterie très peu drôle, l’individu sortira un jour de prison et probablement sous « l’empire d’une impulsion irrésistible » récidivera.]
C’est une question à laquelle il n’existe pas de « bonne » réponse. Que faire en effet des psychopathes, dont on sait qu’ils demeureront dangereux pour les autres leur vie durant ? A partir de quel niveau acceptons-nous de prendre le risque de les laisser vivre en société, et à partir de quel moment décidons-nous de les enfermer – que ce soit dans une prison ou dans un hôpital psychiatrique ne change rien à la question – ou pire, comme vous le suggérez, de les tuer ?
[Que pourra t’on dire aux proches de la probable prochaine victime ? Que la peine de mort n’ayant dans ces cas qu’un « qu’un effet dissuasif faible », on a accepté le risque et tant pis pour ce qui arrivera ensuite ? C’est votre point ?]
Oui. Laisser les gens en liberté, c’est prendre un risque. Un risque plus ou moins grand en fonction de la personnalité et de la psychologie de chacun. Vous savez, monsieur X, colérique, pourrait blesser gravement quelqu’un lors d’un incident routier. Madame Y, chroniquement jalouse, pourrait écraser avec sa voiture une femme qu’elle pense tourner autour de son mari. Est-ce qu’il faut les enfermer préventivement aussi ? La question est à partir de quel dossier vous jugez le risque inacceptable…
[Assimiler fraude fiscale et trafic de stupéfiants me semble par ailleurs quelque peu excessif quand on voit les conséquences délétères de la drogue en termes de crimes, violences et dégradation sociale.]
Quand je vois l’état des urgences hospitalières, je me dis que la fraude fiscale peut faire autant de dégâts que le trafic de drogue. Parce que l’argent que le contribuable ne paye pas, il manque bien quelque part.
J’assimile la fraude fiscale et le trafic de stupéfiants non pas par la portée de leurs conséquences, mais par l’état d’esprit de celui qui s’y engage. Ce sont des délits qu’on commet froidement, après une soigneuse planification, en pleine conscience de ce qu’on fait et des dégâts qu’on cause, et en ayant largement le temps d’y renoncer. Ceux qui le commettent ont donc les moyens intellectuels et matériels de prendre en compte l’éventualité de la peine. Ce n’est pas le cas du crime passionnel ou celui commis par un psychopathe sur un enfant. A partir de là, l’effet dissuasif de la peine est parfaitement comparable.
[J’espère que, comme moi, vous ne mettez pas sur le même plan M. Jérome Cahuzac avec un Pablo Escobar.]
Quantitativement, certainement pas : Escobar occupe l’une des premières places dans la hiérarchie des trafiquants, alors que Cahuzac n’est qu’un fraudeur amateur. Mais entre un Escobar qui brasse des milliards dans le trafic de stupéfiants, et certains fraudeurs qui soustraient des milliards aux caisses publiques (pensez par exemple aux « carrousels » de TVA, à la fraude sur les marchés carbone…) je ne vois pas une grande différence. Escobar sait que ses activités détruisent des gens, Cahuzac sait que sa fraude privera des gens d’éducation, de soins, de protection. Où est la différence ?
[Et si l’on peut condamner à la peine de mort tous les participants à la fraude fiscale, la France risque d’être quelque peu dépeuplée. A commencer par moi…]
Ah bon ? Vous fraudez le fisc ? C’est pas bien ça…
Cela étant dit, je ne propose pas la peine de mort pour TOUS les fraudeurs. Comme dans tout délit, il y a une modulation des peines. On pourrait parfaitement la réserver aux fraudes les plus importantes…