Cela vous étonnera peut-être, mais j’aime bien Jean-Luis Bourlanges. Il est pour moi l’un des rares eurolâtres à avoir conservé un minimum de rationalité dans sa vision du monde. Pour un Jean Arthuis, un François Hollande ou un Daniel Cohn-Bendit, l’Europe est une sorte Dieu chrétien de substitution. Comme Dieu, les voies de l’Europe sont impénétrables et même lorsqu’elle nous semble fonctionner de manière absurde ou conduire des politiques aberrantes, elle travaille en fait pour nous sans que nous nous en apercevions. Certes, reconnaissent-ils, l’Europe « ne fait pas ce qu’elle devrait », elle « ne répond pas à nos attentes ». Mais s’il en est ainsi, ce n’est pas à l’Europe qu’il faut s’en prendre, pauvres mortels que nous sommes, mais à nos propres pêchés et à ceux de nos gouvernants. Bourlanges partage avec eux un idéal fédéraliste, mais cet idéal ne l’empêche pas de voir les limites du réel, et surtout de le dire haut et fort, au risque de désespérer Billancourt. Ce qui fait que la lecture de ses écrits n’est jamais une perte de temps.
J’ai fait la connaissance de Jean-Louis Bourlanges à une conférence qu’il avait donné au Parlement européen de Strasbourg en 2001 à des étudiants d’une célèbre école française d’administration. La France passait alors par une crise d’eurolâtrie aiguë, avec l’arrivée de l’Euro fiduciaire prévue pour le premier janvier 2002. Je m’attendais donc, de la part d’un fédéraliste avoué et député européen, devant un auditoire de jeunes futurs fonctionnaires a qui on bourrait le crâne sur le thème « l’Europe est votre avenir » de surcroît, à une conférence de la plus grande eurobéatitude. J’avais tort. Le message de Bourlanges était au contraire d’un grand pessimisme. Pour lui, l’Union européenne avait bien marché tant qu’elle était resté une union économique, un ensemble de nations coopérant entre elles. Mais en touchant aux instruments de la souveraineté sans être véritablement une nation, les institutions européennes avaient commis une sérieuse erreur. Et l’élargissement continu ne faisait qu’aggraver les choses. Il a conclu sa conférence sur un avertissement : l’arrivée de l’Euro risquait de marquer le zénith de la construction européenne et le début d’une longue période de paralysie et de délitement.
Bien sur, je cite de mémoire et je m’excuse par avance auprès de l’intéressé si ma mémoire trahit ses propos. Mais je ne le pense pas, puisque d’une certaine façon il les reprend dans la tribune qu’il publie dans Le Monde daté du mardi 20 mai 2014. Où il dit plein d’autres choses qui sous ma plume sonneraient comme des banalités, mais qui sous la sienne prennent une toute autre résonance. Sa thèse est que le discours qui prétend que l’élection européenne ferait partie d’un processus démocratique pour désigner le prochain président de la Commission européenne est une pure imposture, inventée par des partis politiques en mal d’idées pour donner à ces élections un enjeu. Et voici ce qu’il écrit :
« Toute l’affaire repose sur une formidable illusion, celle d’une identité de nature entre démocratie nationale et démocratie européenne. Ce serait pourtant folie que d’ignorer l’effets sur la vie publique de la fragmentation du corps politique européen. L’Union n’est pas et ne sera pas une nation. Le fil de soie de la solidarité unissant, du Cercle polaire au Rocher de Gibraltar, des populations aussi hétérogènes et des Etats aussi jaloux de leur identité est trop ténu pour engendrer envers l’Union la même sorte de loyalisme inconditionnel qui, dans le cadre de nos nations respectives, nous fait supporter sans broncher le choc des affrontements majoritaires, les épreuves de tout ou rien, la relégation durable des vaincus par les vainqueurs ».
Non seulement c’est bien dit, mais c’est bien écrit. C’est agréable de lire un texte qui échappe aux conventions des agences de com’ (sujet-verbe-prédicat, pas de phrase longue, pas de références littéraires compliquées). Mais que nous dit Bourlanges sur le fond ? Et bien, que « L’Union n’est pas et ne sera pas une nation ». Qu’elle ne saurait susciter le « loyalisme inconditionnel » qui permet aux citoyens d’une même nation de s’affronter politiquement sans se diviser. On peut imaginer ce qu’un tel aveu peut coûter à un fédéraliste historique qui a cru très fort en son temps à l’Europe-nation. Fort bien. Mais il y a une question que Bourlanges ne se pose pas : par quel mécanisme la nation suscite ce « loyalisme inconditionnel » qu’elle semble être la seule à pouvoir créer ? Pourquoi au sein des nations la minorité « vaincue » accepte aussi facilement t à chaque élection sa « relégation par les vainqueurs » ?
Pour le comprendre, il faut revenir sur ce qui fait les nations. Au delà du « sang et des morts » dans la vision plus racialiste, ou du « pacte sans cesse renouvelé » de la vision contractualiste, ce qui caractérise la nation c’est avant tout l’existence d’une solidarité inconditionnelle entre ses membres. Cette idée que nous devons solidarité à quelqu’un que nous n’avons jamais vu, que nous ne connaissons pas et que nous ne connaîtrons jamais, qui n’a pas les mêmes goûts, la même religion, la même tradition familiale, simplement parce que nous appartenons à la même « communauté de destin ».
Qu’un jacobin le reconnaisse, cela semblerait naturel. Mais qu’un centriste libéral et europhile comme Bourlanges reconnaisse à la nation cette capacité unique de générer un « loyalisme inconditionnel » – et donc la solidarité inconditionnelle qui en est la contrepartie – est plus intéressant. Reste à en tirer les conclusion, et voici ce que dit Bourlanges :
« Les eurosceptiques tirent argument de cette fragilité pour proclamer l’impossibilité de toute vie démocratique en dehors du cadre national. Ils ont tort car rien ne saurait justifier qu’on arrête aux frontières d’un Etat le bénéfice d’une gouvernance représentative, de procédures décisionnelles transparentes et efficaces, d’un cadre juridique sécurisé. Il reste qu’à l’échelle d’un continent, là où l’unité du corps politique est moins un acquis qu’un horizon, le manichéisme majoritaire est une liqueur trop forte (…) Aussi bien le système a-t-il été conçu pour prévenir et désamorcer chocs frontaux, pulsions centrifuges et tentations séparatistes. L’Union doit beaucoup à Montesquieu et fort peu à Rousseau. Elle s’attache à dégager de solides compromis et à n’écraser personne plutôt qu’à faire passer sur les peuples le rouleau compresseur d’une introuvable « volonté générale ». Du pouvoir d’initiative de la Commission au vote à la majorité qualifiée au Conseil des ministres, l’Europe communautaire (…) a su se doter d’instrument subtils pour décider efficacement. Symétriquement toutefois, le partage du pouvoir entre plusieurs institutions, différemment mais également légitimes, les cheminements procéduraux conçus pour les relier entre elles, la garantie d’une juridiction indépendante répondent au souci de préférer la négociation à la confrontation, le compromis à la rupture, l’inclusion à l’exclusion ».
Là, je ne suis pas Bourlanges. D’une part, parce que j’avoue que la capacité de « décider efficacement » des institutions européennes m’avait échappé. Et d’autre part, parce que je pense qu’il se trompe fondamentalement sur ce qu’est la « vie démocratique ». Il a raison de dire que rien ne s’oppose à ce que des institutions qui « ne sont pas et ne seront pas » des nations se donnent une gouvernance représentative, des procédures décisionnelles transparentes et efficaces, un cadre juridique sécurisé. Pour l’Union européenne, ce serait d’ailleurs une innovation considérable, parce que pour le moment l’efficacité et la transparence de ses processus de décision ne saute pas aux yeux. Mais plus fondamentalement, une « vie démocratique » ne se réduit pas à la représentativité, la transparence, l’efficacité, la sécurité juridique. Une « vie démocratique » exige qu’il y ait un « demos » capable de débattre ouvertement des questions qui se posent à lui et de choisir entre les différentes options ouvertes sans risquer de se disloquer lorsque la décision déplaît à tel ou tel groupe. Et je dis bien « choisir », parce que le système de gouvernement par négociation et compromis dont parle Bourlanges me rappelle la blague du couple dont le mari voulait vivre à Paris et la femme à Toulouse, et qui par souci de compromis s’installent à Limoges.
Si l’on déclare « introuvable » l’intérêt général, que reste-t-il comme fondement de la « vie démocratique » ? Si le but de la politique n’est plus de rechercher un intérêt collectif qui transcende les intérêts de chacun, il ne reste plus qu’a rechercher le meilleur équilibre possible entre des intérêts contradictoires. La politique se réduit alors à une négociation mesquine entre groupes d’intérêts qui aboutit fatalement à un équilibre déterminé par le rapport de forces. Si c’est cela la seule « vie démocratique » que l’Union peut offrir, on comprend le désintérêt des peuples pour cette élection.
Bourlanges se moque de la « conflictualité démocratique chère à la gauche française », mais ne réalise pas que la démocratie, c’est cela : la « conflictualité » entre idées opposées exprimée dans un cadre institutionnel. Bourlanges rêve d’une démocratie où les décisions se prennent par négociation et compromis entre « gens raisonnables ». Mais l’expérience montre que les gens ne sont « raisonnables » dans une réunion que lorsqu’ils ont les mêmes intérêts. La démocratie façon Bourlanges est en fait une démocratie aristocratique. Elle ne fonctionne que pour autant que les peuples acceptent de déléguer à des cénacles de gens « raisonnables » – et donc ayant les mêmes intérêts – la marche des affaires. Et les peuples ne sont pas contre, d’ailleurs, aussi longtemps que les aristocraties en question montrent leur efficacité. Mais avec le pouvoir vient la responsabilité : lorsque les résultats sont mauvais, lorsque les aristocraties en question ne tiennent pas leurs promesses, lorsqu’elles se servent plutôt que de servir l’intérêt général, les peuples finissent par demander des comptes.
Bourlanges sait tout cela. Mais il veut croire que les peuples sont injustes. Qu’ils condamnent le mauvais coupable en s’en prenant à l’Union alors que toute la faute est aux Etats qui ont tronçonné les pouvoirs et « démembré l’exécutif de Bruxelles ». Il ne veut pas voir qu’au delà des hommes, il y a une faute congénitale de l’Europe, celle de vouloir donner des pouvoirs régaliens à une structure qui, n’étant pas une nation, n’a pas la légitimité pour les assumer.
Il faut lire ce qu'écrivent les gens avec lesquels on n'est pas d'accord. Surtout lorsqu'ils sont intelligents. C'est pourquoi je vous invite à lire Jean-Louis Bourlanges…
Descartes
Mais que peuvent les eurodéputés pour changer de politique ?
Comment sortir de cette austérité « libérale »?
L’eurodeutschbank vide nos poches:rappelons que 60 Milliards de déficit pour la France et 230 Milliards d’excédent pour l’Allemagne,font un différentiel de 290 Milliards pour l’Allemagne.
De plus,il y a un transfert financier des classes populaires pour gaver les banquiers ?
Que pourrait faire les députés français européens?
Absolument rien d’essentiel !
Les traités européens sont à l’abri de tout vote du « parlement » de Bruxelles-Strasbourg !(Quelle gestion rationnelle d’avoir deux parlements….)
Ils s’appliquent mécaniquement, et définitivement !
Quant à la politique monétaire, elle est fixée par la Banque centrale européenne de Francfort, à qui les traités garantissent une totale indépendance !
Si, par miracle, une majorité d’ultragauche était élue au « parlement » le 25 mai, le TSCG resterait quand même en vigueur avec sa « règle d’or » de l’austérité à vie.
Les eurodéputés continueront de travailler dans ce cadre à raison de 10000euros/Mois soit 600000 euros nets par mandat.
Pardonnez moi,mais j’ai du mal à arranger la réalité.L’habillage de cette élection en un exemple de démocratie,ne fonctionne pas.
Dans ces conditions d’absence de ‘communauté de destin’, la loyauté qui caractérise les membres d’une nation,n’existe pas.
Alors, à quoi servent les eurodéputés ?
Pourquoi organiser leur élection ?
Pour faire croire au bon peuple que l’Union européenne est un espace démocratique.
« L’élection » du 25 mai est une vaste tromperie.
Et les grands médias ont beau se déchaîner pour tenter de culpabiliser les « mauvais citoyens » qui ont décidé de faire la grève du vote ou voter ‘sortie de l’euro’, ils n’arriveront pas à masquer cette évidence qui s’impose un peu plus chaque jour : voter aux européennes, c’est cautionner un système dictatorial.Cela apparait en creux dans les écrits de Jean Louis Bourlange.
Logiquement ,selon les raisonnement de Jean Louis Bourlange et les compléments de Descartes,seuls des changements fondamentaux pourraient transformer cette UE en une véritable Nation.
Or le TSCG interdit définitivement tout changement.
Dans ces conditions la logique qui a conduit au CECA,Traité de Rome etc n’auront eu comme résultat d’assurer la suprématie de l’Allemagne.N’était ce pas l’objectif des génèraux de la Wehrmacht en 1939 ?Ce n’est pas du tout de la Germanophopbie ,au contraire c’est de l’admiration devant tant de patience et de Deutsch-ténacité.
Mais au fait ,le processus de formation du CECA,Traité de Rome etc..ne s’est il pas élaboré durant la guerre froide, de façon hostile face au bloc soviétique?
Aujourd’hui l’URSS disparue,cette communauté d’intérêt qui rassemblait les pays différents à l’instar d’une Nation européenne est elle pérennisable?
@ bovard
[Mais que peuvent les eurodéputés pour changer de politique ?]
Pas grande chose. Leur pouvoir se limite, à supposer qu’il y ait une majorité pour cela, à bloquer les initiatives de la Commission. Il ne faut pas oublier que contrairement à une Constitution, qui institue des procédures mais laisse une totale liberté quant à l’issue de ces procédures, les traités européens instituent des politiques. Sous la Constitution de la Vème, une majorité parlementaire peut faire une politique libérale, une politique étatiste. On peut choisir le libre-échange ou le protectionnisme. Sous les traités européens, seule une politique libérale est possible puisque « la concurrence libre et non faussée » et la « libre circulation » sont des principes contenus dans les traités. Toute disposition contraire, quand bien même elle aurait une majorité au Conseil et au Parlement, serait annulée par la Cour européenne de justice.
Il n’y a que le souverain, c’est-à-dire, le peuple, qui puisse « changer de politique ». Par exemple, en modifiant ou en dénonçant les traités.
[Alors, à quoi servent les eurodéputés ? Pourquoi organiser leur élection ? Pour faire croire au bon peuple que l’Union européenne est un espace démocratique.]
Exactement. C’est un habillage.
[Et les grands médias ont beau se déchaîner pour tenter de culpabiliser les « mauvais citoyens » qui ont décidé de faire la grève du vote ou voter ‘sortie de l’euro’, ils n’arriveront pas à masquer cette évidence qui s’impose un peu plus chaque jour : voter aux européennes, c’est cautionner un système dictatorial.]
Non. Même si les députés ne servent à rien, le vote n’est pas inutile et ne « cautionne » rien du tout. Le vote envoie un message.
[Logiquement, selon les raisonnement de Jean Louis Bourlange et les compléments de Descartes, seuls des changements fondamentaux pourraient transformer cette UE en une véritable Nation.]
Non. Un traité ne peut créer une Nation. C’est bien la difficulté à laquelle se trouve confronté le fédéraliste Jean Louis Bourlanges, qui d’ailleurs l’admet avec une remarquable franchise.
@Descartes,
c’est très bien que vous mettiez en lumière cet homme politique, car avec H.Védrine, il est l’un des rares européistes sérieux. Je crois me souvenir que c’est lui qui avait affirmé tout de go, les propos suivantsque je n’arrête jamais de rétorquer aux euro-béats: "ce n’est pas l’Europe qui a créé la paix, c’est la paix qui a fait l’Europe".
Evidemment, il est fédéraliste par conviction, mais c’est un redoutable contradicteur pour les euro-sceptiques démagos car ses arguments sont souvent charpentés: j’ai pu m’en apercevoir l’autre jour chez F.Taddéi, lors d’une émission sur le triomphe de l’euro-scepticisme, où il a été le seul parmi les défenseurs de l’UE à ne pas faire de la propagande. Toutefois, comme vous l’avez souligné, son européisme relève de la profession de foi plus que d’un programme politique; on voit qu’il est très difficile de renoncer à des convictions politiques pour lesquelles on s’est battu pendant des décennies: ce n’est pas moi qui vous ferait la leçon sur cette question…
Ce que j’ai bien aimé aussi sur ce billet (un des meilleurs parmi les meilleurs, et dieu sait si vous mettez la barre très haut), c’est vos propos sur ce qui fait une nation: je n’aurais pas mieux défini moi-même. Ils me rappellent surtout une définition donnée par un historien du XIXè, dont j’ai oublié le nom (Maurras? Renan?), à savoir qu’une nation, c’est avant tout la famille des familles! L’inconditionnalité de la solidarité dont vous parlez est justement caractéristique d’une famille: en effet, les membres d’une famille ne sont pas forcément obligés de s’aimer, mais ils se sentent des obligations les uns envers les autres, et la première d’entre elles est la solidarité. Il devrait en être de même pour des citoyens d’une nation, et c’est d’autant plus vrai pour notre pays, qui est une nation politique et initialement multi-ethnique. Ce dernier fait explique pourquoi la solidarité entre français est un sentiment fragile, plus encore lorsque nos gouvernants s’amuse à fragmenter notre pays qui par le régionalisme, qui par le communautarisme, qui par le sectarisme. En ce faisant, elle mine ce qui fonde justement l’inconditionnalité de notre solidarité: nous en avons un aperçu avec les Bonnets Rouges bretons, les cagoules corses ou le prosélytisme musulman qui est en train de miner le département de la Seine-St-Denis (cf les mésaventures du recteur d’IUT de St Denis).
A titre personnel, votre billet sur l’inconditionnalité résonne de façon particulière, pour moi qui a passé un temps en Belgique: je peux affirmer que ce pays n’est plus une nation (si tant est qu’il a été un jour…) du simple fait que l’inconditionnalité de la solidarité entre Belges n’existe plus. Dans ce pays, tout est négociation contractuelle entre Flamands et Wallons, avec des rapports de force qui fluctuent au cours du temps: cette tendance à tout contractualiser, c’est très exactement ce que je n’ai pas envie de voir en France (au passage, je vomis cette manie des pactes que les socialistes nous imposent depuis deux ans…). Sans compter que le "compris à la belge"’est la façon la plus inefficace de gouverner car elle mène à l’immobilisme et à l’irresponsabilité des dirigeants, sous des apparences de démocratie absolue. Toutes les tares que vous dénoncez à propos de la démocratie "aristocratique" sont présentes en Belgique: désintérêt des électeurs (d’où l’imposition du vote obligatoire…), refus du débat au profit de la recherche du consensus, irresponsabilité des dirigeants devant les électeurs, hyper-clientélisme, instabilité ministérielle, etc… Mais le grand problème, c’est que les européistes voudraient imposer au niveau européen ce modèle qui est en train d’échouer en Belgique! C’est un véritable crève-coeur car c’est un pays qui m’est cher…
@ CVT
[Toutefois, comme vous l’avez souligné, son européisme relève de la profession de foi plus que d’un programme politique; on voit qu’il est très difficile de renoncer à des convictions politiques pour lesquelles on s’est battu pendant des décennies: ce n’est pas moi qui vous ferait la leçon sur cette question….]
« On ne guérit pas de sa jeunesse »… et c’est heureux ! Et puis, ce n’est pas parce que quelque chose est impossible que cela cesse d’être souhaitable…
[Ce que j’ai bien aimé aussi sur ce billet (un des meilleurs parmi les meilleurs, et dieu sait si vous mettez la barre très haut),]
Vous êtes trop aimable… mais c’est gentil à vous de m’encourager. J’en ai bien besoin en ce moment…
[c’est vos propos sur ce qui fait une nation: je n’aurais pas mieux défini moi-même. Ils me rappellent surtout une définition donnée par un historien du XIXè, dont j’ai oublié le nom (Maurras? Renan?), à savoir qu’une nation, c’est avant tout la famille des familles! L’inconditionnalité de la solidarité dont vous parlez est justement caractéristique d’une famille: en effet, les membres d’une famille ne sont pas forcément obligés de s’aimer, mais ils se sentent des obligations les uns envers les autres, et la première d’entre elles est la solidarité.]
Oui et non. La famille ressemble à la nation, il est vrai, en ce qu’elle est fondée sur une solidarité inconditionnelle. Mais la nation sublime la famille dans le sens ou la famille institue une solidarité entre des gens qui se connaissent ou du moins sont susceptibles de se connaître personnellement. La nation est fondée sur une solidarité entre des gens qui ne se connaissent pas, et ne se connaîtront jamais. Or, si l’on peut comprendre comment se constitue la solidarité entre des gens qui se connaissent, le mécanisme qui génère une solidarité entre des gens qui ne se connaissent pas et ne se connaîtront jamais est beaucoup plus difficile à saisir.
[Il devrait en être de même pour des citoyens d’une nation, et c’est d’autant plus vrai pour notre pays, qui est une nation politique et initialement multi-ethnique. Ce dernier fait explique pourquoi la solidarité entre français est un sentiment fragile,]
Je ne partage absolument pas cette vision. Une « nation politique » n’est pas par essence plus fragile qu’une « nation ethnique ». Simplement, le facteur d’unité n’est pas le même. Dans une « nation politique », le ciment est institutionnel. La France est une « nation politique » parce qu’elle s’est constituée autour d’une institution, l’Etat. Si l’Etat est fort, la nation est solide. Une nation « ethnique » n’a pas nécessairement une unité plus forte. Regardez l’Allemagne…
[plus encore lorsque nos gouvernants s’amuse à fragmenter notre pays qui par le régionalisme, qui par le communautarisme, qui par le sectarisme. En ce faisant, elle mine ce qui fonde justement l’inconditionnalité de notre solidarité: nous en avons un aperçu avec les Bonnets Rouges bretons, les cagoules corses ou le prosélytisme musulman qui est en train de miner le département de la Seine-St-Denis (cf les mésaventures du recteur d’IUT de St Denis).]
Tout à fait. La France est une nation dont l’unité repose sur l’Etat. Affaiblir l’Etat, c’est affaiblir la Nation.
[Mais le grand problème, c’est que les européistes voudraient imposer au niveau européen ce modèle qui est en train d’échouer en Belgique! C’est un véritable crève-coeur car c’est un pays qui m’est cher…]
En effet…
Il est vrai que Jean-Louis Bourlanges est remarquable par un sens de l’analyse tout en nuances et pour autant absolument pas insipide. C’est intéressant, je lisait hier même son nom sous la plume d’Alain de Benoist. Pour ce qui est de la deuxième partie de son analyse sur laquelle vous faites part de votre désaccord, je souligne cette phrase:
"Aussi bien le système a-t-il été conçu pour prévenir et désamorcer chocs frontaux, pulsions centrifuges et tentations séparatistes. L’Union doit beaucoup à Montesquieu et fort peu à Rousseau. Elle s’attache à dégager de solides compromis et à n’écraser personne plutôt qu’à faire passer sur les peuples le rouleau compresseur d’une introuvable « volonté générale »"
Certes cela n’en fait pas un système décisionnel véritablement démocratique mais il me semble que c’est totalement cohérent avec son analyse de départ à savoir que l’UE contrairement aux nations ne peut souffrir en son sein de trop grande dissensions. En conséquence, ses institutions ou plutôt les relations entre elles en sont le reflet. Je pense qu’il voit aussi ça avec les lunettes du député européen qui a pu expérimenter les débats feutrés de trilogues européen dont personne ne sait à la fin qui a influé sur quoi.
Pour ma part, je suis d’accord avec son analyse mais en la prenant comme un état des lieux factuel et non comme une situation dont il faudrait se réjouir (d’ailleurs je ne sais pas si c’est son cas).
"Si l’on déclare « introuvable » l’intérêt général, que reste-t-il comme fondement de la « vie démocratique » ?"
Tout à fait d’accord avec vous. Et en lisant cela j’ai eu le sentiment un peu glaçant que cette question est de plus en plus déterminante non pas tant pour l’UE que pour notre pays.
@ Tite
[Certes cela n’en fait pas un système décisionnel véritablement démocratique mais il me semble que c’est totalement cohérent avec son analyse de départ à savoir que l’UE contrairement aux nations ne peut souffrir en son sein de trop grande dissensions.]
C’est bien là le problème. Peut-on parler de « vie démocratique » dans une communauté qui ne peut supporter « de trop grandes dissensions » ? Comment peut-on imaginer une « démocratie » ou les problèmes ne peuvent pas être posés, débattus et tranchés publiquement de peur de faire éclater l’ensemble ?
"Qu’un centriste libéral et europhile reconnaisse à la nation cette capacité à générer un "loyalisme inconditionnel" – et donc la solidarité inconditionnelle qui en est la contrepartie- est plus intéressant."
En effet. Et vous avez raison de relever, en somme, ce qu’il y a de scrupuleux chez cet europhile tourmenté.
Sans doute Jean-Louis Bourlanges n’a-t-il pas entièrement oublié ses premiers émois politiques -et engagements- derrière le héraut d’une Nation sûre d’elle-même et non-dominatrice.
Il fut un étudiant gaulliste actif, ce que disent peu, ou pas, ses notices biographiques.
Il appartint à la direction de l’UJP en 1966, pendant la brève période où l’organisation des jeunes gaullistes était conduite par des têtes bien faites qui donnaient de l’urticaire aux pompidolistes triomphants.
Jean-Louis Bourlanges "le partagé" ? En tout cas, comme vous nous y invitez, ne négligeons pas de le lire.
@ Julian
[Sans doute Jean-Louis Bourlanges n’a-t-il pas entièrement oublié ses premiers émois politiques -et engagements- derrière le héraut d’une Nation sûre d’elle-même et non-dominatrice. Il fut un étudiant gaulliste actif, ce que disent peu, ou pas, ses notices biographiques.]
Je ne le savais pas. Mais cela éclaire certaines de ses analyses…
Dans ton esprit, il ne peut y avoir qu’un seul modèle démocratique. Celui où une majorité impose à une opposition sa vision de l’intérêt général. Ce que dit Bourlanges, c’est que d’autres modèles sont possibles, et qu’un modèle centré sur la recherche de compromis est bien plus adapté à l’Union qui effectivement ne sera pas une nation avant un certain temps. Et il a peur que la poussée du Parlement pour imposer que l’élection décide du président de la Commission vienne perturber ce modèle centré sur le compromis.
Est-ce que tu considères que le modèle que tu préfères, jacobin pour faire court, est le seul modèle de démocratie possible, ou bien est-ce que tu admets que d’autres parcours historiques vont donner des modèles d’organisation politique très différents, mais qui n’en restent pas moins démocratiques, c’est-à-dire exprimant de façon suffisamment bonne la volonté des citoyens? Pour moi, le modèle jacobin est contingent, c’est-à-dire qu’il est issu de l’histoire de la formation de la nation française et de l’Etat. Il a des avantages – la possibilité de mobiliser la nation sur de grands projets, par exemple; le programme nucléaire est pour ça remarquable et n’aurait pu être construit qu’en France – et il est effectivement démocratique, c’est-à-dire qu’il permet d’exprimer une volonté citoyenne. Mais aussi des inconvénients, et en particulier l’incapacité structurelle à construire des compromis. Mais en tout cas, il n’est pas le modèle unique et intangible qu’il semble être pour toi.
Pour prendre un exemple chez nos voisins allemands, Merkel a dû, à cause du mode de scrutin proportionnel, négocier deux mois avec les socialistes avant de prendre le pouvoir alors qu’elle avait obtenu des scores à faire pâlir d’envie un candidat français. Est-ce que l’Allemagne n’est pas démocratique pour autant?
Ou bien, nos voisins britanniques n’ont pas de constitution, c’est-à-dire qu’ils n’acceptent pas qu’ils puissent y avoir de principes juridiques posés a priori mais uniquement une accumulation de jurisprudences, ce qui veut dire par exemple que des communautés peuvent demander à appliquer leurs lois religieuses dans certains domaines. Est-ce que le Royaume-Uni n’est pas démocratique pour autant?
Ou bien, nos voisins espagnols acceptent que les régions disposent d’une autonomie très poussée, linguistique pour sûr, mais sur l’éducation aussi, peut-être sur la police. Est-ce que l’Espagne n’est pas démocratique pour autant?
@ Ifig
[Dans ton esprit, il ne peut y avoir qu’un seul modèle démocratique. Celui où une majorité impose à une opposition sa vision de l’intérêt général.]
Pas nécessairement. On peut imaginer d’autres manières de dégager une « vision de l’intérêt général ». Mais en dernière instance, oui, la démocratie est pour moi intimement liée à trois notions fondamentales : celle du libre débat, celle du choix, celle de la responsabilité. Le libre débat suppose que chaque groupe ait la possibilité d’exposer et de défendre publiquement sa proposition devant ceux qui auront à décider. Le choix implique qu’à un moment donné on décide quelle politique sera mise en œuvre, et que cette décision vaut mandat pour agir. Et finalement, la responsabilité implique que ceux qui ont soutenu la politique qui sera finalement mise en œuvre assument la responsabilité de ses résultats. .
Le problème du fonctionnement par « compromis », c’est que personne n’est responsable de rien. Comme la politique qui est mise en œuvre n’est celle de personne, personne n’assumera ses résultats. Devant le désastre, chacun pourra dire « si on avait fait tout ce que j’ai dit, au lieu d’en reprendre seulement la moitié, cela aurait marché ». C’est pourquoi tout « modèle démocratique » implique nécessairement pour moi que la politique qui sera mise en œuvre soit clairement assumée comme la sienne par quelqu’un, et ne résulte pas d’un compromis qui gomme les conflits.
Dans le système ou « la majorité impose à l’opposition sa vision », il y a en fait négociation et compromis lorsqu’il s’agit de trouver une « majorité ». Mais une fois cette majorité constituée, elle présente sa proposition à l’arbitrage du peuple et si elle gagne, alors elle doit assumer les résultats de sa proposition.
[Ce que dit Bourlanges, c’est que d’autres modèles sont possibles, et qu’un modèle centré sur la recherche de compromis est bien plus adapté à l’Union qui effectivement ne sera pas une nation avant un certain temps. Et il a peur que la poussée du Parlement pour imposer que l’élection décide du président de la Commission vienne perturber ce modèle centré sur le compromis.]
Ce que Bourlanges ne nous montre pas, c’est en quoi ce modèle peut être dit « démocratique ».
[Est-ce que tu considères que le modèle que tu préfères, jacobin pour faire court, est le seul modèle de démocratie possible, ou bien est-ce que tu admets que d’autres parcours historiques vont donner des modèles d’organisation politique très différents, mais qui n’en restent pas moins démocratiques, c’est-à-dire exprimant de façon suffisamment bonne la volonté des citoyens?]
Cela dépend ce que tu appelles « notre modèle ». Chaque peuple a son histoire et lorsqu’il se donne un « modèle démocratique », ce modèle est nécessairement différent. Le modèle anglo-saxon des « checks and balances » est aussi « démocratique » que le notre, mais c’est un système fondé sur la méfiance envers l’Etat central et l’idée que « le meilleur gouvernement est celui qui gouverne peu ». C’est donc un système qui décide peu et difficilement lorsqu’il n’y a pas un consensus général. Un tel système ne pourrait pas marcher en France, où les citoyens exigent de l’Etat qu’il agisse. Par contre, je ne jugerai pas « démocratique » un modèle qui ne reposerait pas sur les trois piliers que sont le libre débat, le choix conscient, la responsabilité. Et les modèles « consensuels » que décrit Bourlanges fabriquent de l’irresponsabilité.
[Pour prendre un exemple chez nos voisins allemands, Merkel a dû, à cause du mode de scrutin proportionnel, négocier deux mois avec les socialistes avant de prendre le pouvoir alors qu’elle avait obtenu des scores à faire pâlir d’envie un candidat français. Est-ce que l’Allemagne n’est pas démocratique pour autant?]
Non. Mais j’attire ton attention qu’en Allemagne, « la majorité impose sa vision de l’intérêt général à la minorité ». La CDU et le SDP ont en effet conclu un « contrat de gouvernement » qui contient leur vision de l’intérêt général, et les minoritaires (Verts, Die Linke) n’ont pas voix au chapitre. Du point de vue de la question posée – celle de « la majorité imposant à la minorité », le système allemand est équivalent au notre.
En France et sous la Vème République, nous avons aussi eu des gouvernements de coalition. De coalition entre gaullistes et centristes, entre socialistes et communistes… En quoi l’accord entre ceux partis est-il par nature différent de celui SPD-CDU ?
[Ou bien, nos voisins britanniques n’ont pas de constitution,]
Vous faites erreur. Nos voisins britanniques ont une constitution. Qu’elle ne soit pas écrite n’implique pas qu’elle n’existe pas.
[c’est-à-dire qu’ils n’acceptent pas qu’ils puissent y avoir de principes juridiques posés a priori mais uniquement une accumulation de jurisprudences, ce qui veut dire par exemple que des communautés peuvent demander à appliquer leurs lois religieuses dans certains domaines. Est-ce que le Royaume-Uni n’est pas démocratique pour autant?]
Vous confondez un peu tout. D’abord, les britanniques ont une constitution non-écrite, au sens qu’il n’existe pas de document unique regroupant la doctrine constitutionnelle. Mais ils ont une constitution, dont certaines sources sont écrites (Magna Carta, la Grande Charte de Jean Sans Terre en 1215 pour ne donner qu’un exemple) et d’autre part de ce qu’on appelle « the conventions of the constitution » qui sont des pratiques constantes qui deviennent obligatoires du fait même de leur continuité. Et l’ordre constitutionnel britannique, tout comme celui de la France, repose sur « des principes juridiques posés à priori ». Depuis 1688 et la « Glorious Revolution », l’ordre juridique repose sur la doctrine de la « souveraineté parlementaire », qui dit que le parlement étant souverain, ses pouvoirs sont illimités. L’accumulation de jurisprudences constitue la « common law », qui équivaut à notre droit civil, mais n’a rien à voir avec la constitution.
Par ailleurs, même sans constitution, dans le système politique britannique c’est « la majorité qui impose à la minorité sa vision de l’intérêt général ». Du point de vue du débat soulevé par Bourlanges, le régime britannique n’est pas très différent du régime français.
Je crois que vous confondez deux choses. Il y a d’un côté l’organisation de chaque état, le système électoral, la manière dont se forment les majorités et les minorités. Et d’un autre côté, la question soulevée par Bourlanges d’un système qui fonctionne par majorité et minorité par rapport à un système comme celui de l’Union européenne qui fonctionne par « compromis ». Aucun des Etats que vous avez donné en exemple ne fonctionne ainsi. Dans tous ces Etats la question de l’intérêt général est tranchée par un vote ou la majorité s’impose à la minorité.
@Descartes: "Il y a d’un côté l’organisation de chaque état, le système électoral, la manière dont se forment les majorités et les minorités. Et d’un autre côté, la question soulevée par Bourlanges d’un système qui fonctionne par majorité et minorité par rapport à un système comme celui de l’Union européenne qui fonctionne par « compromis »."
Mais le fait qu’il y ait compromis ne veut pas dire qu’il n’y a pas une majorité et une minorité. Comme vous le dites, en Allemagne il y a une majorité CDU + SPD qui s’est formé justement autour d’un compromis, et qui a rejeté dans l’opposition les Verts et die Linke. La différence avec notre système politique français vient du fait que le mode électoral et la tradition politique concourent à créer plus souvent une majorité de compromis entre des partis centristes plutôt que des majorités droite vs. gauche alors que le système de la Vème République cherche plutôt à créer des majorités nettes d’un camp contre l’autre.
Toi qui pense que le rapport avec l’Union Européenne est un sujet politique plus important de nos jours que la division classique droite-gauche, tu devrais comprendre la logique de ce fonctionnement. Une majorité pro-EU est présente dans les institutions de l’UE, typiquement les socio-démocrates plus les chrétiens-démocrates, et sont d’accord pour trouver un compromis sur la politique à mener au sein de l’UE. Les élections au Parlement devraient permettre de dire quelle est la tendance légèrement plus prépondérante dans le compromis à trouver. Mais les différentes institution, et en particulier le conseil des chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi leur mot à dire dans l’établissement du compromis. L’important étant que la majorité est d’accord pour chercher ce compromis au lieu de refuser de le faire.
Si un jour une majorité au sein de l’UE ne souhaite plus chercher ce compromis, et bien l’UE s’arrête et on reviendra à des politiques nationales. Et c’est le cas aussi Etat par Etat: la sortie de l’UE est libre, même si pas sans conséquences.
Cet article de Libération est intéressant dans le contexte de notre discussion: http://www.liberation.fr/politiques/2014/05/20/au-parlement-europeen-le-compromis-droite-gauche-n-est-pas-une-compromission_1022478
En particulier, l’extrait qui explique que les coalitions sont variables suivant les cas de vote. Dans 40% des cas de vote, un consensus se forme, typiquement le vote pour le soutien aux associations de soutien alimentaire. Dans 30%, on a une coalition pro-EU vs une coalition anti-EU, typiquement sur les sujets institutionnels (union bancaire). Et on retrouve aussi des oppositions droite-gauche sur les sujets sociaux et environnementaux.
@ Ifig
[Mais le fait qu’il y ait compromis ne veut pas dire qu’il n’y a pas une majorité et une minorité. Comme vous le dites, en Allemagne il y a une majorité CDU + SPD qui s’est formé justement autour d’un compromis, et qui a rejeté dans l’opposition les Verts et die Linke.]
Oui. Et la CDU comme le SPD assument les résultats de la politique pratiquée. Ce n’est donc pas un régime de « compromis », mais bien un régime « majorité/minorité », et le fait qu’il y ait des compromis pour former la majorité n’y change rien, puisque la majorité assume la politique qui en résulte. Dans le système de « compromis » qui caractérise l’Union européenne, la politique finalement retenue n’est la politique de personne. Les majorités sont différentes selon la décision. Il en résulte que personne n’est véritablement responsable de rien.
[La différence avec notre système politique français vient du fait que le mode électoral et la tradition politique concourent à créer plus souvent une majorité de compromis entre des partis centristes plutôt que des majorités droite vs. gauche alors que le système de la Vème République cherche plutôt à créer des majorités nettes d’un camp contre l’autre.]
Et alors ? Pourquoi le « compromis entre les centristes » serait plus « compromis » que l’accord entre le centre-droit et la droite ou le centre-gauche et la gauche ? Chez nous, la « ligne de division » qui rend le compromis impossible passe quelque part entre Bayrou et Valls. En Allemagne, elle passe quelque part entre les Verts et Die Linke. Et alors ?
[Toi qui pense que le rapport avec l’Union Européenne est un sujet politique plus important de nos jours que la division classique droite-gauche, tu devrais comprendre la logique de ce fonctionnement. Une majorité pro-EU est présente dans les institutions de l’UE, typiquement les socio-démocrates plus les chrétiens-démocrates, et sont d’accord pour trouver un compromis sur la politique à mener au sein de l’UE.]
Non, justement. S’ils sont d’accord, pourquoi ces partis ne présentent-ils pas un programme commun et des listes communes aux élections ? Les partis pro-UE arrivent à des accords au coup par coup, sur telle ou telle mesure. Ils n’arrivent jamais à un accord sur « la politique a mener ». Et c’est pourquoi la politique qui est finalement menée n’est assumée par personne, puisque elle ne résulte pas d’un compromis politique, mais de centaines de compromis au cas par cas qui n’assurent pas la cohérence du résultat final.
[Les élections au Parlement devraient permettre de dire quelle est la tendance légèrement plus prépondérante dans le compromis à trouver.]
Sans doute. Selon le résultat, la couleur de la peinture des chiottes sera un peu plus clair ou un peu plus foncé. Et alors ?
[Mais les différentes institution, et en particulier le conseil des chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi leur mot à dire dans l’établissement du compromis. L’important étant que la majorité est d’accord pour chercher ce compromis au lieu de refuser de le faire.]
L’important pour qui ?
[Si un jour une majorité au sein de l’UE ne souhaite plus chercher ce compromis, et bien l’UE s’arrête et on reviendra à des politiques nationales. Et c’est le cas aussi Etat par Etat: la sortie de l’UE est libre, même si pas sans conséquences.]
Mais cela n’arrivera jamais, pour les raisons que Bourlanges a si bien expliqué. Le système est construit comme ça. Il conduit nécessairement au compromis, aussi boiteux soit-il.
@ Ifig
[Cet article de Libération est intéressant dans le contexte de notre discussion: http://www.liberation.fr/politiques/2014/05/20/au-parlement-europeen-le-compromis-droite-gauche-n-est-pas-une-compromission_1022478%5D
En effet, et je retiens ce paragraphe : « Enfin au Parlement européen, il n’y a pas nécessité de respecter une discipline majoritaire car il n’y a pas de gouvernement. La Commission n’exige pas de solidarité comme l’exécutif français est en droit de l’attendre de son camp. »
Ce point résume à mon avis le problème, et montre bien pourquoi le Parlement européen n’a pas un fonctionnement démocratique. La solidarité et la discipline majoritaire sont la traduction dans la sphère parlementaire du principe de responsabilité. Une majorité qui soutient un gouvernement assume la responsabilité non pas d’une mesure particulière, mais de l’ensemble d’une politique, dans lequel toutes les mesures prises ont une certaine cohérence. Dans les parlements nationaux, la majorité vote les recettes et les dépenses du budget. Il est hors de question de voter les impôts avec une majorité et les dépenses avec un autre. Au Parlement européen, ce n’est pas le cas.
Au parlement européen, chaque mesure peut passer avec une majorité différente. Mais la politique globale constituée par l’agrégation des différentes mesures n’est jamais, elle, votée. Il s’ensuit que le Parlement peut approuver par petits morceaux un ensemble qu’il aurait rejeté s’il avait fallu l’approuver globalement. « Qu’est ce qu’un chameau ? C’est un cheval qui aurait été conçu par le Parlement européen ».
Un pouvoir "aristocratique" peu être tolérable voire même efficace dans le cas ou les "meilleurs" ne sont pas les fils et copains des meilleurs de la génération précédente, hors justement, et on le voit bien avec le système actuel, les "fils de" dominent. Par ailleurs la qualité humaine et le grain culturel doit être profondément lié avec le reste du corps social (cf. "la grande illusion" par exemple) et disposer d’une morale personnelle irréprochable, et là le compte n’y est pas : les néo-aristocrates mondialistes n’ont aucune noblesse !
@ Gerard Couvert
[Un pouvoir "aristocratique" peu être tolérable voire même efficace dans le cas ou les "meilleurs" ne sont pas les fils et copains des meilleurs de la génération précédente, hors justement, et on le voit bien avec le système actuel, les "fils de" dominent. Par ailleurs la qualité humaine et le grain culturel doit être profondément lié avec le reste du corps social (cf. "la grande illusion" par exemple) et disposer d’une morale personnelle irréprochable, et là le compte n’y est pas : les néo-aristocrates mondialistes n’ont aucune noblesse !]
Le problème des aristocraties est que le peuple les tolère aussi longtemps qu’elles font correctement le boulot. Quand un seigneur vous protège des pillards, construit un château ou vous pouvez vous abriter lorsqu’une armée ennemie se présente, rend la justice conformément aux coutumes acceptées, vous êtes prêt à lui payer les impôts et lui rendre les honneurs. Mais s’il se révèle incapable, il ne faut pas grande chose pour que se lèvent les fourches. Pour les aristocraties héréditaires, c’était un vrai problème puisque la compétence ne s’hérite pas. Pour palier à ce problème, on a eu recours à l’éducation : les aristocraties ont toujours veillé à donner à leurs rejetons la meilleure formation disponible pour leur permettre de faire leur boulot d’aristocrate correctement. Et quand l’aristocratie a négligé ses devoirs pour aller parader à Versailles, ils ont perdu – littéralement – leurs têtes.
L’Empire puis la République ont résolu le problème en substituant à l’aristocratie héréditaire l’aristocratie du mérite. Bien entendu, les « fils de » partaient avec un avantage, un capital intellectuel. Mais en dernière instance, on entrait à Polytechnique ou l’on devenait instituteur par concours. La méritocratie a été l’aristocratie de la République. Une aristocratie qui avait conscience de ses devoirs envers la République qui l’avait faite et le peuple qui en était le souverain. Et si le peuple a été disposé à lui confier le soin de gouverner pendant de longues années, c’est que ces devoirs étaient bien remplis. Et cela a marché jusqu’à ce que dans les années 1960 les classes moyennes prennent peur d’un recrutement au mérite qui mettrait ses enfants en concurrence avec les enfants des autres, et casse le système. On a donc transformé le recrutement par concours et au mérite en recrutement par copinage et sur dossier. Et cela a produit une aristocratie de « fils de » qui ont fini pour oublier quels sont ses devoirs. Or, le peuple ne tolère les aristocraties que s’il elles font leur boulot… et une guillotine, une !
Je trouve votre référence à « la grande illusion » (je ne l’ai pas dit ici, mais je suis un fanatique de Jean Renoir) très riche. Oui, il y a là une réflexion très pertinente sur la disparition d’une aristocratie qui n’a plus de raison d’être.
@Descartes,
[Et cela a marché jusqu’à ce que dans les années 1960 les classes moyennes prennent peur d’un recrutement au mérite qui mettrait ses enfants en concurrence avec les enfants des autres, et casse le système.]
A vous entendre, on a l’impression que ça leur a pris comme une envie de pisser… En fait, j’adhérerais presque à cette idée, si ce n’est que le mobile du seul intérêt bien compris me paraît léger… En ce faisant, les 68-ards (puisqu’il faut les nommer) sont en train de scier la branche sur laquelle ils étaient assis, et c’est bien ce qui me perturbe: pourquoi un tel acharnement dans l’erreur? La peur n’est pas une bonne conseillère, et celle du déclassement des classes moyennes ne me paraît pas suffisante…
Franchement, je sèche et en plus, je ne vois pas comment l’équivalent d’un 10-août-1792 pourrait arriver à chasser cette élite actuelle (je songe à une grande partie de la gauche…) présomptueuse, peu patriote (voire anti-française) et incompétente qui a échoué sur toute la ligne depuis plus de 30 ans.
C’est bien sur pour avoir le plaisir de lire votre commentaire -auquel je souscris entièrement- que j’ai fait cette remarque. Le concours ScPo est un exemple édifiant, il vaut mieux venir d’un lycée parisien que de Limoges, et même là de petites subtilités que l’on apprend dans les "cours préparatoires" permettent d’émailler la copie de marqueurs : celui-là à payé, celui-là fait parti du milieu ! Alors la folie égalitariste à voulu faire de la discrimination positive avec les résultats que l’on connait. Mais cela ne suffisait pas donc maintenant il y des entrées par la bande, pour les doubles nationaux ou pire pour les "bien dans la société civile" c’est-à-dire la gamine propre sur elle et gnangnan à souhait mais qui "à fait dans l’humanitaire" ou bine qui anime une émission sur radio "18 auditeurs" dont le thème est racontez-nous votre Europe
! Le niveau baisse dites-vous ?
@ CVT
[« Et cela a marché jusqu’à ce que dans les années 1960 les classes moyennes prennent peur d’un recrutement au mérite qui mettrait ses enfants en concurrence avec les enfants des autres, et casse le système ». A vous entendre, on a l’impression que ça leur a pris comme une envie de pisser… En fait, j’adhérerais presque à cette idée, si ce n’est que le mobile du seul intérêt bien compris me paraît léger…]
C’est effectivement beaucoup plus complexe que cela. Marx avait théorisé ce mécanisme qui, à partir d’individus différents mais occupant la même place dans le mode de production, fabrique un « intérêt de classe ». Ce n’est pas nécessairement un processus machiavélique. Il n’existe pas de Comité Secret des Classes Moyennes qui se réunit dans un souterrain pour décider de casser l’ascenseur social. Mais il y a un « métabolisme du système » qui construit une idéologie qui fait agir les individus, et qui, par une étrange coïncidence, sert les intérêts de la classe qui la produit. Les classes moyennes ont produit une idéologie qui sous un déguisement égalitariste vouait aux gémonies les institutions, et d’abord celles – l’école, l’université – qui assuraient la transmission universelle de ce que notre civilisation a produit de mieux. Cela leur a permis de réserver ce patrimoine à leurs rejetons. Mais cela ne s’est pas fait par une décision machiavélique : ce qui donne cohérence à l’action des classes moyennes – aux autres classes sociales, d’ailleurs – est une idéologie, et non les décisions d’un Comité Secret.
[En ce faisant, les 68-ards (puisqu’il faut les nommer) sont en train de scier la branche sur laquelle ils étaient assis, et c’est bien ce qui me perturbe: pourquoi un tel acharnement dans l’erreur? La peur n’est pas une bonne conseillère, et celle du déclassement des classes moyennes ne me paraît pas suffisante…]
Vous faites erreur en pensant qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. En fait, ils scient l’échelle qui leur a permis de monter à la branche en question, pour empêcher que d’autres ne montent, et pouvoir réserver la branche en question à leurs enfants.
[Franchement, je sèche et en plus, je ne vois pas comment l’équivalent d’un 10-août-1792 pourrait arriver à chasser cette élite actuelle (je songe à une grande partie de la gauche…) présomptueuse, peu patriote (voire anti-française) et incompétente qui a échoué sur toute la ligne depuis plus de 30 ans.]
Il n’est pas donné aux gens qui vivent une époque de voir comment on en sort. Je doute que les observateurs de 1782 aient pu imaginer ce qui allait se passer en 1792. J’ai une confiance infinie dans le peuple français pour résoudre les problèmes qui se posent à lui. Cette confiance vient de deux sources. La première est historique : après tout, notre histoire est parsemée de moments ou la France semblait perdue, ou des troupes étrangères ont occupé Paris et les puissances triomphantes nous ont imposé un gouvernement de « collabos » locaux. De Louis XVIII venu dans les fourgons des armées britanniques et autrichiennes, à Pétain et Laval, la France a été plusieurs fois à terre, et s’est à chaque fois relevée. La deuxième source de mon optimisme est méthodologique : si l’on ne croit pas à la possibilité du redressement, on sort de l’histoire. Je choisis « l’optimisme de la volonté au pessimisme de la raison », pour reprendre la formule de Gramsci. Et si je me trompe… tant pis. Je n’aurai fait de mal à personne en faisant confiance au peuple français.
@ Gerard Couvert
[Le concours ScPo est un exemple édifiant,]
Il est d’autant plus « édifiant » que ScPo a été historiquement la plus inégalitaire des « grandes écoles » françaises. Par certains côtés, ce fut la réponse de la bourgeoisie à la sélection méritocratique des écoles comme Polytechnique ou Normale Sup. A côté de ces écoles qui recrutaient par stricte concours anonyme, ScPo recrutait par « entretien » et offrait ainsi un havre accueillant aux rejetons de la bourgeoisie qui n’étaient pas au niveau des « grandes ». A l’époque, les corps supérieurs de la fonction publique (Conseil d’Etat, Cour des Comptes, Inspection des Finances) recrutaient par concours direct, et ScPo a gardé une sorte de monopole de fait sur ces préparations du fait du réseau d’anciens. En 1945, ScPo est nationalisée et la création de l’ENA se fait précisément pour éviter ces effets de maffia en instaurant un recrutement par concours anonyme pour l’accès à tous les corps supérieurs de la fonction publique. Elle ne réussira que partiellement : une fois la vague de la Libération passée, les « anciens » de ScPo reviennent aux affaires, ce qui permet à l’institut de placer ses étudiants largement au concours externe de l’ENA.
Ces dernières années, ScPo a réalisé les limites – et les dangers – de ce modèle oligarchique et organisé une grande campagne de poudre aux yeux sur le mode « égalitariste ». Mais un « égalitarisme » très contrôlé. En fait, il fait partie d’une prise de conscience des classes moyennes « blanches » de l’intérêt qu’il y aurait, pour stabiliser le système, à constituer des classes moyennes issues des « minorités visibles » qui jouent envers les immigrés modestes le même jeu qu’elles jouent elles-mêmes par rapport aux ouvriers « blancs ». « l’égalitarisme » façon ScPo – Descoings ne vise nullement l’ouvrier « blanc » d’Hénin-Beaumont. Il vise les classes moyennes naissantes de banlieue – car il en existe, ne croyez pas que dans les banlieues tout le monde est misérable.
[il vaut mieux venir d’un lycée parisien que de Limoges, et même là de petites subtilités que l’on apprend dans les "cours préparatoires" permettent d’émailler la copie de marqueurs : celui-là à payé, celui-là fait parti du milieu !]
Tout à fait. C’est en cela que la sélection par les mathématiques, le droit ou le latin est plus égalitaire que la sélection par le discours « culture gé ». Parce qu’il est plus difficile de glisser un « marqueur » dans une démonstration de théorème ou une version latine que dans un exposé sur le thème « le rôle des adolescents dans la société moderne ».
[Mais cela ne suffisait pas donc maintenant il y des entrées par la bande, pour les doubles nationaux ou pire pour les "bien dans la société civile" c’est-à-dire la gamine propre sur elle et gnangnan à souhait mais qui "à fait dans l’humanitaire" ou bien qui anime une émission sur radio "18 auditeurs" dont le thème est racontez-nous votre Europe! Le niveau baisse dites-vous ?]
Curieusement, cette multiplication des « recrutements parallèles à côté du traditionnel recrutement par concours est un sujet qui n’est jamais discuté ouvertement. Mais il est drôle de lire les documents produits par les syndicats étudiants – un relais efficace de l’opinion des classes moyennes, et le vivier des cadres des partis politiques bienpensants – pour défendre la « prise en compte dans la notation des activités associatives et citoyennes »… Personnellement, je préfère être opéré par un chirurgien qui était bon en anatomie que par un chirurgien qui a eu son diplôme en organisant des manifestations humanitaires.
Je vois que vous tenez un compte des discussions inachevées, celle concernant les sélections par exemple (!) ; votre exemple du chirurgien est excellent et sera recyclé (vous me direz pour les droits d’auteur).
Tout d’abord encore Merci pour ce beau travail que vous réalisez.Ce blog enrichit notre quotidien..
Juste une hypothèse:
-vous écrivez:
[ Il n’est pas donné aux gens qui vivent une époque de voir comment on en sort. Je doute que les observateurs de 1782 aient pu imaginer ce qui allait se passer en 1792. ]
Voici mon hypothèse:
La période actuelle est un époque de changement d’époque vers soit la pérennisation de l’UE soit vers sa destruction.
Vous le savez, j’ai misé 2 Kopecks sur une éventuelle destruction de l’UE.
Comme vous j’ai confiance aux solutions que trouvera le peuple français..C’est une question de géographie donc d’histoire. ;en fait je suis enclin à penser que l’UE peut s’en sortir grâce à ces institutions.
Les Pays Bas viennent de voter ,le taux d’abstention est très élevé mais le choix des rares électeurs est celui retenu,pro UE?!?! .C’est une défaite des suffrage anti UE!
Une autre citation de vous m’a conforté dans cette hypothèse d’une installation de l’idée de Nation chez les électeurs de l’UE:.[ si l’on peut comprendre comment se constitue la solidarité entre des gens qui se connaissent, le mécanisme qui génère une solidarité entre des gens qui ne se connaissent pas et ne se connaîtront jamais est beaucoup plus difficile à saisir.].
En ce début de 3ième Millénaire où les voisin arabes et russes de l’UE sont diabolisés ,n’assistent on pas au début de la mise en place d’une solidarité inconditionnelle factice ou pas, dans l’UE ?
@Gérard Couvert
[votre exemple du chirurgien est excellent et sera recyclé (vous me direz pour les droits d’auteur)]
Celui-là, je vous le laisse à titre de geste commercial, comme on dit maintenant… 😉
@ Bovard
[Les Pays Bas viennent de voter ,le taux d’abstention est très élevé mais le choix des rares électeurs est celui retenu, pro UE?!?! .C’est une défaite des suffrage anti UE!]
Nous n’en savons rien. Les résultats n’ont pas été publiés, et il ne s’agit pour le moment que d’un sondage à la sortie des urnes, dont on sait ce qu’ils valent.
[Une autre citation de vous m’a conforté dans cette hypothèse d’une installation de l’idée de Nation chez les électeurs de l’UE (…) En ce début de 3ième Millénaire où les voisin arabes et russes de l’UE sont diabolisés ,n’assistent on pas au début de la mise en place d’une solidarité inconditionnelle factice ou pas, dans l’UE ?]
Où est-ce que vous avez vu une « solidarité » inconditionnelle ? Chaque fois qu’un pays est en difficulté, la Troïka se rend chez lui pour lui proposer de l’aise A CONDITION qu’il fasse telle ou telle réforme. Pourriez-vous donner un seul exemple ou le contribuable allemand ait accepté d’aider quiconque qui ne soit pas allemand « inconditionnellement » ?
Échec des anti-EU au pays-bas ? pas si sur, les hollandais résistent plus qu’on l’imagine à un système totalement libéral, Geert Wilder, bien qu’il ait un peu atténué son discours anti-état paye sans doute sa soumission au libéralisme. Marine Le Pen à su avoir un discours opposé à celui de son père, nous verrons ce qu’il en advient. Pour les britanniques et N. Farage c’est différent.
@Gérard Couvert
C’est un peu le problème: les eurolâtres se ressemblent tous, parce qu’ils sont les fidèles d’une même Eglise. Les eurosceptiques sont par contre tous différents, parce qu’ils rejettent la construction européenne au nom de projets qui ont quelques points communs, mais qui sont très différents en fonction des histoires nationales. Les eurolâtres sont grégaires, alors que les eurosceptiques sont plutôt des solitaires, chacun avec sa propre idée. C’est pourquoi il est beaucoup plus difficile de les unir.
En fait, il est intéressant de voir les contours du vote: dans les pays qui sont traditionnellement partisans de l’orthodoxie monétaire et à qui l’euro profite, les eurosceptiques ont fait des scores moyens. Dans les pays dont l’économie ne peut croitre qu’avec des politiques hétérodoxes, le eurosceptiques font un tabac…
C’est tout à fait cela, donc c’est bien la chute de l’euro qui entrainerai -entrainera- la chute de l’U.E. ; mais à quel prix !
Jean Louis Bourlanges invité le 26/05 dans l’émission "les experts" sur BFM : http://www.bfmtv.com/emission/les-experts/
"Le FN n’a pas gagné" "25% de vote net cela ne fait pas une alternative"
"60% des électeurs sont favorables à l’Europe"
"Les eurosceptiques ont pris le pouvoir en Europe il y a 20 ans…depuis 20 ans nous avons vécu avec un fédéralisme monétaire sans politique budgétaire commune"
16 mn : "Aujourd’hui nous avons un parlement européen qui est élu par le suffrage universel, avec des grands partis, il détient un pouvoir important. Je signale que c’est le parlement européen qui approuve le président de la commission, audite les commissaires, approuve la commission en tant que collège, contrôle la commission régulièrement et peut éventuellement la censurer…On peut considérer qu’aucune démocratie n’est possible ailleurs que sur un plan strictement national, ce qui veut dire en passant que toutes les relations entre nous continueront d’être régies par la puissance diplomatique ou la violence militaire, ce qui ne me parait pas un bon signe ou alors on admet que l’on est en train de construire un modèle de démocratie multinationale, très original, avec des pouvoirs qui doivent plus à Montesquieu, qu’ à Rousseau, c’est-à-dire un système à l’américaine d’équilibre entre des pouvoirs indépendants mais qui tous procèdent du peuple. Le conseil européen procède des peuples puisque c’est les chefs d’état et de gouvernement, le parlement procède du peuple, et la commission procède de l’un et de l’autre de ces deux pouvoirs, alors on peut raconter des fables, dire que ce n’est pas la démocratie… qu’on arrête avec cette fable"
C’est une conception de la démocratie toute particulière, une démocratie sans peuple, une démocratie procédurale, formelle. Une démocratie conçu entièrement sur le plan juridique, non politique. La politique n’est pas le fruit d’une détermination de la volonté générale d’un peuple, c’est le résultat de mille et un compromis fait entre gens bien sur soi. On voit très bien la conséquence d’une telle conception de la démocratie, c’est la confiscation du pouvoir politique au profit d’une caste, sur de son bon droit. Ce que Bourlanges ne veut pas voir c’est que beaucoup de gens ont très bien compris qu’ils n’ont aucun pouvoir sur les décisions prises par cette construction administrative-juridique qu’est l’union européenne. Ils ont déjà du mal à contrôler les décisions prises dans les parlements nationaux alors au sein du parlement européen, ils savent que ces élus s’émanciperont plus facilement encore. Je ne parle même pas de la difficulté d’une conversation démocratique significative entretenue dans je ne sais combien de langues et combien de cultures différentes. Ce projet vise à émanciper la démocratie du substrat politique, la nation, qui l’a vu naître, or une telle construction n’a vraisemblablement aucun sens politique, elle n’est pas politique, c’est ce que dit Pierre Manent par exemple. D’ailleurs quand on écoute Bourlanges, c’est un thème moral qui apparaît, "les nations et la guerre", comme justification d’un tel projet.
@dafdesade
[C’est une conception de la démocratie toute particulière, une démocratie sans peuple, une démocratie procédurale, formelle. Une démocratie conçu entièrement sur le plan juridique, non politique. La politique n’est pas le fruit d’une détermination de la volonté générale d’un peuple, c’est le résultat de mille et un compromis fait entre gens bien sur soi.]
Je pense que vous faites erreur. Bourlanges se trompe, mais à mon avis son erreur n’est pas là où vous le situez. Bourlanges pense que les institutions européennes « procèdent du peuple »… mais ne nous dit pas de quel « peuple » il parle. Or, la question est fondamentale. Le problème, précisément, est qu’il n’y a pas de « peuple européen ». Il y a vingt-huit « peuples », chacun avec sa nation. On peut dire que les 74 députés élus par la France « procèdent du peuple français », que les 96 députés allemands « procèdent du peuple allemand », et ainsi de suite. Mais le Parlement européen, pris dans son ensemble, ne « procède » d’aucun peuple. C’est une agrégation de représentants, qui collectivement ne représentent personne.
La difficulté de créer une « démocratie européenne » est que la démocratie suppose un démos. Or, il n’y a pas de démos européen. On peut retourner les institutions comme on veut, faire élire le président de la commission au suffrage universel direct et les députés au scrutin proportionnel intégral ou au scrutin majoritaire par circonscription, on aboutira toujours au même résultat. Les institutions européennes sont non-démocratiques non pas parce qu’elles ne sont pas élues, mais parce qu’il n’y a pas un « souverain européen ».
[Ce que Bourlanges ne veut pas voir c’est que beaucoup de gens ont très bien compris qu’ils n’ont aucun pouvoir sur les décisions prises par cette construction administrative-juridique qu’est l’union européenne. Ils ont déjà du mal à contrôler les décisions prises dans les parlements nationaux alors au sein du parlement européen, ils savent que ces élus s’émanciperont plus facilement encore.]
Encore une fois, ce n’est pas là le problème. Quand bien même 99% des électeurs seraient contre le « marché libre et non faussé » et qu’ils se donnaient des députés conformes à leurs opinions, ces députés n’y pourraient rien changer, tout simplement parce que la primauté du « marché libre et non faussé » est inscrite dans les traités, et que le Parlement (ni aucune autre institution européenne, d’ailleurs) ne saurait aller contre les traités. L’Union européenne est par essence non-démocratique.
"Je pense que vous faites erreur."
C’est curieux car il me semble partager votre analyse, seulement j’essaye d’entre dans les pensées de Bourlanges et de comprendre son point de vue.
Bourlanges sait qu’il n’y a pas de peuple européen, la citation que vous faites de ses propos dans le corps de votre article l’atteste : " Toute l’affaire repose sur une formidable illusion, celle d’une identité de nature entre démocratie nationale et démocratie européenne. Ce serait pourtant folie que d’ignorer l’effets sur la vie publique de la fragmentation du corps politique européen. L’Union n’est pas et ne sera pas une nation."
Seulement voilà ce n’est pas pour lui une objection au caractère démocratique des institutions européennes, c’est ce que je voulais dire. Il pense qu’une démocratie est possible sans démos, voilà, tandis que vous et moi pensons que cela n’est pas possible. C’est pourquoi je qualifie cette pensée de la démocratie de "démocratie formelle", "démocratie procédurale" etc. Les institutions européennes sont démocratiques selon Bourlanges parce qu’elles procèdent bien, non du peuple en effet, mais des peuples, à travers l’action de leurs représentants et conformément à la règle de droit, laquelle a été validée par des représentants légitimes à travers des votes ou des référendums qui ont eu lieu au sein des états nations. Il me semble que l’on pourrait y voir un écho de la conception qui se fait jour, au sein même de la vie des états nations, de ce que Marcel Gauchet appelle "une démocratie de marché", une forme impossible en fait selon le jugement de Gauchet.
Lors d’une discussion avec une députée française au parlement (centriste !) elle me disait que selon elle il fallait obliger à un quota d’autres nationalité dans chaque liste "nationale" ; cela montre qu’ils sont conscient de la non-légitimité de leur parlement et que comme toujours (cf. quota de femelles) que leur réflexe et de contraindre la réalité.
@dafdesade
[Seulement voilà ce n’est pas pour lui une objection au caractère démocratique des institutions européennes, c’est ce que je voulais dire. Il pense qu’une démocratie est possible sans démos, voilà, tandis que vous et moi pensons que cela n’est pas possible.]
Oui. Mais le fait qu’une démocratie sans démos paraît tellement évident qu’on se dit que le désaccord entre Bourlanges et nous vient du fait que l’on ne met pas dans le mot « démocratie » la même chose.
[Les institutions européennes sont démocratiques selon Bourlanges parce qu’elles procèdent bien, non du peuple en effet, mais des peuples, à travers l’action de leurs représentants et conformément à la règle de droit, laquelle a été validée par des représentants légitimes à travers des votes ou des référendums qui ont eu lieu au sein des états nations.]
Mais tout régime représentatif est pour autant une « démocratie » ? That is the question. Pour Bourlanges, la réponse semble être « oui ». Dès lors que les institutions sont constituées par des représentants « légitimes », il y a démocratie. Pour moi, il ne suffit pas que chaque représentant soit élu, il faut aussi que les représentants représentent collectivement un « corps politique » unique. L’assemblée nationale est « démocratique » parce qu’elle représente collectivement le peuple français. Mais un organisme paritaire n’est pas « démocratique » parce que les représentants des salariés et ceux des patrons ne représentent « collectivement » rien du tout.
@Gérard Couvert
[Lors d’une discussion avec une députée française au parlement (centriste !) elle me disait que selon elle il fallait obliger à un quota d’autres nationalité dans chaque liste "nationale" ; cela montre qu’ils sont conscient de la non-légitimité de leur parlement et que comme toujours (cf. quota de femelles) que leur réflexe et de contraindre la réalité.]
Votre exemple est en effet fort éclairant. D’un côté, on parle de démocratie et de libre choix de ses représentants, d’un autre on cherche à imposer à l’électeur les possibles entre lesquelles il a le choix. Cela va du traité constitutionnel européen, qui prétendait constitutionnaliser les politiques économiques libérales, à la logique des « quotas » étendue aux candidatures. Le peuple est souverain, mais il n’a pas le droit de voter une liste 100% féminine si cela lui chante…
http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/05/26/pour-un-gouvernement-d-union-nationale_4426361_3232.html
BHL propose la formation d’un gouvernement d’union nationale et fait des électeurs du FN des représentants de la "petite France" selon une expression qui vous est chère, mais peut-être que vos conceptions ne sont pas les mêmes de ce qui fait la grandeur de la France ?
"La France est en péril. Un quart de nos compatriotes ont voté pour le pire. Ils ont choisi le parti, non seulement de l’anti-Europe, mais de l’anti-France. Ils ont fait le pari, non d’une autre politique, mais du nihilisme, de la haine, et de la destruction méthodique de ce qui fait lien entre les Français. Mme le Pen, on ne le rappellera jamais assez, est l’héritière d’une longue tradition de défaitistes, de traîtres à notre histoire, d’admirateurs et alliés des dictateurs, qui ont fait le malheur de la France."
On ne voit pas très bien ce qui permet à BHL d’affirmer que les électeurs du FN ne veulent pas d’une autre politique mais sont des bêtes assoiffées de sang ? Est-ce que BHL ne diaboliserait pas l’Autre ? Son Autre ? Enfin, celui qu’il se plait à s’inventer.
Bref après avoir mis en place une démocratie sans alternatives, les "élites" mettraient bien en oeuvre une démocratie sans alternance (je n’ai pas pu résister à la tentation de ce jeu de mots). Une analyse très fine de BHL, il est certain qu’un tel front "républicain" pacifierait la vie publique et ne nous amènerait pas à la guerre civile.
@ dafdesade
[BHL propose la formation d’un gouvernement d’union nationale (…)]
Giesbert, BHL… décidément, vous avez du temps à perdre, vous…
Quand Giesbert vous traite d’imbécile :
http://www.lepoint.fr/editos-du-point/franz-olivier-giesbert/le-souverainisme-religion-des-imbeciles-01-05-2014-1818170_70.php
Je trouve particulièrement intéressant d’analyser dans les discours la place de l’Autre. Comment Giesbert parvient-il à s’expliquer qu’on puisse ne pas penser comme lui ? Quel portrait fait-il de ses adversaires ? Est-ce que l’autre est dans l’erreur ? Est-il un imbécile ? Est-ce que nous faisons face à des choix entre différents possibles ?
Réponse : "Les souverainistes ne peuvent pas comprendre cela. Comme s’ils étaient affectés d’une forme de psychose paranoïaque, ils vivent dans une bulle, coupés du monde tel qu’il est. Leurs hémisphères cérébraux ne reçoivent pas les informations qui contredisent leurs opinions. Sinon, ils ne vaticineraient pas contre l’euro fort ou ne réclameraient pas que la France en sorte au plus vite."
Et vous Descartes, quel portrait feriez-vous d’une personne comme Giesbert ?
@ dafdesade
[Quand Giesbert vous traite d’imbécile :]
« Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet » (Georges Courteline). Franchement, les opinions de Giesbert sont le cadet de mes soucis. Il appartient à cette espèce de commentateurs qui crache l’anathème sur tout ce qui est différent de lui, tout en se prétendant apôtre de la « tolérance ». Si a cela vous ajoutez une tendance sans limite à exercer sa langue sur les bottes du puissant du jour, vous aurez une idée du personnage.
Giesbert est l’illustration de ces personnages nés avec une cuiller d’or dans la bouche, éduqués dans un milieu protégé, dépourvus de toute pensée originale mais méprisant absolument tout ce qui ne leur ressemble pas. Eduqués dans la religion catholique, ils ont gardé un mode de pensée dogmatique : leur façon de penser n’est pas seulement la bonne, elle est la seule digne d’un être humain. Toutes les autres conduisent à l’enfer.
Les journalistes comme Giesbert ou Daniel ont beaucoup fait pour couper les élites françaises des réalités, en leur offrant un prisme de lecture qui permet aux classes moyennes bienpensantes de tous bords de communier autour d’une même vision et d’avoir peur des mêmes démons. Un prêt à porter idéologique qui a servi à « normaliser » la droite comme la gauche autour des valeurs néo-libérales et eurolâtres et réduit la politique à la communication.
Bonjour Descartes,
Je viens de tomber sur ce papier, qui plaide contre la sortie de l’euro, et je l’ai trouvé vraiment très bien écrit, même percutant. Je suis très loin de posséder les connaissances que vous possédez, et j’aimerais beaucoup avoir votre avis.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/02/25/sortir-de-l-euro-strategie-viable-ou-scenario-du-pire_4373128_3232.html
@ Jean François
[Je viens de tomber sur ce papier, qui plaide contre la sortie de l’euro, et je l’ai trouvé vraiment très bien écrit, même percutant. Je suis très loin de posséder les connaissances que vous possédez, et j’aimerais beaucoup avoir votre avis.]
En fait, c’est un résumé des arguments classiques contre une sortie de l’Euro. Je vais essayer de répondre schématiquement point par point :
1) « La dévaluation du franc rétabli par rapport à l’Euro augmenterait le coût de nos importations incompressibles dont l’énergie ». C’est parfaitement vrai, à une nuance près : ces importations ne sont pas aussi « incompressibles » qu’on le dit. On peut économiser l’énergie, et on peut substituer une énergie par une autre. Une augmentation du prix de l’énergie importée rend rentables certaines techniques d’économie d’énergie ou leur substitution par des énergies faiblement dépendantes de l’étranger (le nucléaire par exemple). Par ailleurs, la dévaluation rendrait nos produits plus compétitifs : l’augmentation de la facture énergétique serait compensée par l’augmentation de nos exportations.
2) « En effet, avant même la souveraineté monétaire retrouvée se produiraient plusieurs effets. Tout d’abord, une fuite des capitaux devant la dépréciation attendue puisque les détenteurs de capitaux gagneront en plaçant leurs fonds à l’étranger, n’importe où dans la zone euro ». C’est assez discutable. Ces capitaux sont généralement investis sous forme de titres ou de biens. Pour « placer les fonds à l’étranger », il faudrait donc vendre ces titres et ces biens. Or, pour vendre il faut qu’il y ait un acheteur. Et qui achèterait dans un contexte ou tout le monde cherche à vendre pour placer son argent à l’étranger ? Une telle frénésie de vente ferait baisser les cours jusqu’à ce que le prix soit si bas qu’il devient intéressant pour l’investisseur de prendre le risque de dévaluation plutôt que de vendre avec une trop grosse décote. Par ailleurs, cela permettrait à l’Etat – et aux français – de racheter certains actifs pour une bouchée de pain, quitte à les revendre après passage au Franc avec un bénéfice…
3) Risque de « credit crunch » : dans la mesure où la Banque de France récupère son rôle de prêteur en dernier ressort, le risque est minime.
4) « Mais les effets les plus préoccupants concerneraient la dette publique française qui est aujourd’hui exprimée en euros et détenue en majorité par des capitaux étrangers. Une dépréciation aurait comme effet d’augmenter la dette libellée en Francs et d’engendrer une situation comparable à celle des pays latino-américains ». Il est clair que sur ce sujet il y aura un choix à faire : soit relibeller la dette en francs – ce qui équivaut à un défaut partiel – soit accepter un alourdissement de la dette. En pratique, la meilleure solution est de relibeller la dette en francs tout en indexant sur la croissance économique. Cela donnera aux investisseurs un intérêt dans la réussite de l’opération !
5) « Le dernier point enfin concerne la vulnérabilité aux attaques spéculatives. » En fait, ce problème ne se pose que si le gouvernement prétend maintenir un taux de change fixe. Dans cette situation, les spéculateurs vendraient du franc (cher) en sachant que le gouvernement dépensera des réserves pour maintenir la valeur, pour ensuite le racheter (bon marché) une fois que les réserves seront épuisées et que la monnaie aura dégringolé. Mais si l’on laisse flotter la monnaie, le problème ne se pose plus. Dès que le spéculateur vend, le franc baisse et dès qu’il rachète, il remonte. Difficile alors de vendre cher et d’acheter bon marché…
La sortie de l’Euro ne sera pas une partie de plaisir. Elle aura certainement un coût et il serait irresponsable de le cacher. Seulement, rester dans l’Euro a aussi un coût…
Merci beaucoup pour cette réponse détaillée. Je trouve que cet article de Hans-Kristian Colletis-Wahl et la réponse que vous avez rédigée sont une très bonne base pour qui veut se faire une vraie idée. Je vais transmettre cela à autant de monde que possible.
Finalement, il me semble que la situation n’est pas très complexe. L’UE et l’euro tels qu’ils ont été institués dégradent nos institutions, ne peuvent être que temporaires, et il est impossible de les corriger. En sortir engendrerait de vraiment très grandes difficultés, et on ne sait pas vraiment combien de temps il nous faudrait pour les surmonter ni ce que cela nous coûterait. Mais si on ne fait pas cela, une sortie forcée se produira fatalement, et rendra la situation plus difficile encore que si nous choisissions de sortir et nous y préparions. On ne peut donc pas se contenter de profiter encore un peu d’une période de confort relatif, car on ne sait pas quand un tel évènement se produira. Donc il faut sortir de l’UE et de l’euro dès que possible.
Sapir a fait un papier récent sur Souveraineté et ordre démocratique (démocratie sans demos, légalité/légitimité, le constitutionnalisme économique, l’analogie entre le politique et l’économie, etc)
http://russeurope.hypotheses.org/2333
C’est long mais passionnant. J’avoue que j’ai du relire 3 fois car je ne maîtrise pas toutes les références de Sapir, mais je dormirai moins bête ce soir 😉
@ Banette
C’est un excellent article, mais il est en effet assez technique et les arguments sont quelquefois difficiles à suivre…