Le récent débat à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites a laissé beaucoup de nos concitoyens pantois. Beaucoup, en regardant la triste performance de nos parlementaires, peuvent se demandent à juste titre si le Parlement sert à quelque chose. Ces heures de débat de sourds, ces échanges d’invectives, ces votes à répétition sur des centaines d’amendements identiques, est-ce que cela contribue à faire les lois meilleures, plus sages, plus proches des préoccupations des Français ?
Qu’on me comprenne bien : ce n’est pas moi, qui défend sur ce blog depuis plus d’une décennie l’importance du débat ouvert et raisonné comme fondement de la décision politique, qui irai alimenter le feu de l’antiparlementarisme. Au contraire : si j’ai toujours défendu l’idée d’un pouvoir exécutif fort et responsable, l’existence à côté de lui d’un espace de délibération – et de contrôle – collectif me paraît fondamentale. Autant je suis convaincu que la personnalisation de l’exécutif est indispensable pour porter le principe de responsabilité, autant je vois les dangers de cette personnalisation si elle n’est pas contrebalancé par un pouvoir collectif, dont l’irresponsabilité même garantit une liberté d’examen qui est interdite à l’exécutif, contrait par l’injonction de faire. L’exécutif, parce que c’est le pouvoir de l’action, est nécessairement monolithique. Le législatif, précisément parce qu’il n’agit pas, peut se permettre le luxe de la diversité d’opinions.
Cependant, et le débat des dernières semaines le montre bien, la délibération collective n’est possible que si l’on se plie à un certain nombre de principes.
D’abord, la délibération collective repose sur une mise entre parenthèses volontaire du rapport de forces. Si la majorité pose par principe qu’étant majoritaire elle peut tout faire, que les arguments, les propositions, les mises en garde de l’opposition sont juste là pour retarder une action qui ira de toute façon au but, alors la délibération collective devient une illusion. Pourquoi ceux qui militent pour une autre solution accepteraient de jouer dans une pièce dont la fin est écrite avant le début du débat ?
Mais pourquoi, me direz-vous, une majorité renoncerait à faire passer ses textes alors qu’elle a la possibilité de le faire ? Pourquoi accepterait-elle de transiger sur ses intérêts pouvant les conserver ? La réponse tient à l’intérêt qu’un groupe dominant peut tirer de la paix sociale : en renonçant en partie à utiliser sa force, la majorité gagne en légitimité. Car faire voter un texte est une chose, le mettre en œuvre en est une autre. Et les citoyens consentiront d’autant plus volontiers à obéir à la loi que celle-ci fera l’objet d’un consensus parlementaire, plutôt que d’un vote « front contre front ». C’est là un point essentiel de l’équilibre démocratique à l’occidentale : si les intérêts dominants consentent à soumettre une partie de leur pouvoir (1) à la règle de la majorité et aux processus de délibération collective, c’est parce que ce qu’ils y perdent en termes de pouvoir ils le gagnent en termes de paix sociale. Et si la paix sociale a un prix, elle a aussi une valeur : mieux vaut avoir une règle qui ne satisfait pas totalement vos intérêts mais qui est acceptée par tous, que d’avoir une règle qui colle parfaitement à vos intérêts mais qui est contestée en permanence et ignorée dès lors que l’opportunité se présente.
Ce qui conduit à un deuxième principe fondamental, celui de la rationalité du débat politique. La délibération collective repose sur l’idée que la loi est faite raisonnablement. En d’autres termes, que le vote des représentants doit pouvoir être justifié rationnellement vis-à-vis de l’intérêt général, que la force ou l’intérêt particulier ne sont pas des fondations suffisantes. L’expression « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes minoritaires », utilisée naguère par un ministre socialiste, est la négation de toute délibération collective. Si l’on n’accepte pas l’idée qu’un discours peut convaincre, que l’intervention d’un député dans l’hémicycle peut changer le sens d’un vote, alors tout le travail parlementaire n’est qu’un simulacre.
Le débat auquel nous avons assisté montre combien ces deux principes sont aujourd’hui largement méprisés. Et méprisés d’abord par les deux mouvements politiques les plus dynamiques de notre spectre politique, que sont le macronisme et le mélenchonisme. Cela n’a au fond rien d’étonnant. Ces deux mouvements sont fondés sur les principes de l’égo-politique, et l’égo-politique implique une personnalisation à outrance, et donc un rejet implicite de l’idée même de délibération collective. Georges Marchais pouvait rester secrétaire général du PCF après avoir été mis en minorité dans le bureau politique, François Mitterrand était obligé de négocier pour avoir une majorité au comité directeur du PS, parce que le dirigeant suprême n’était que le porte-parole d’une direction collective, et non le dépositaire de toute autorité. Même au sein de la droite bonapartiste, Chaban Delmas a mordu la poussière faute de convaincre l’ensemble de son propre parti de le suivre. L’idée même que Mélenchon ou Macron pourraient être mis en minorité dans n’importe quel organe de direction collective de leurs mouvements respectifs est inconcevable. D’abord parce qu’un tel organe n’existe pas : ni Renaissance ni LFI n’a un véritable organe de décision séparé de son gourou. Mais surtout parce que Macron et Mélenchon sont propriétaires de leurs mouvements, ils ont dans leurs organisations respectives un statut particulier qui n’est pas celui des autres militants. Le socialisme existait avant Mitterrand et lui a survécu, le communisme existait avant Marchais et a continué sans lui. La droite gaulliste a survécu à Chaban et à Chirac. Le macronisme n’existe pas sans Macron, pas plus que le mélenchonisme n’existe sans Mélenchon.
Or, quand on méprise l’idée de délibération collective à la maison, il est rare qu’on l’apprécie ailleurs. Macronistes et mélenchoniens sont de ce point sur la même longueur d’onde : pour l’un comme pour l’autre, sur le fond des textes examinés, il n’y a rien à attendre du travail parlementaire. Pour les macronistes, le parlement est une gêne, un mauvais moment à passer – d’autant plus mauvais aujourd’hui qu’il faut essayer d’acheter les voix de la droite pour pouvoir passer le texte. Pour les mélenchoniens, la tribune parlementaire est une tribune de meeting, les amendements et autres travaux n’étant que des prétextes. L’obstruction, qui était traditionnellement l’arme des minorités devant le refus des majorités de jouer le jeu, devient un comportement habituel tant chez les « insoumis » que chez les macronistes.
Ce mépris pour le travail parlementaire est d’ailleurs visible jusque dans les symboles. Des insoumis venant dans l’hémicycle en tenue débraillée, au ministre de la Justice faisant un bras d’honneur au président du groupe LR. Ces gestes nous disent beaucoup de la vision qu’on a chez les uns comme chez les autres de ce qu’est une enceinte parlementaire. Alors qu’elle était sacralisée il n’y a pas si longtemps, elle devient un lieu banal, où l’on peut se conduire comme on se conduirait dans une assemblée universitaire ou dans un marché.
Dans cette dégradation, l’exécutif porte une responsabilité fondamentale. La constitution de la Vème République donne à l’exécutif des instruments pour « rationaliser » le travail parlementaire. Le contrôle de l’ordre du jour, les procédures d’urgence, les articles 49.3 et 47.1, tout cela permet à l’exécutif de faire voter ses propositions vite et bien. Ces instruments ont été conçus pour empêcher que des stratégies d’obstruction permettent aux minorités de bloquer le système. Les utiliser à tort et à travers pour des raisons de commodité ou pour empêcher le débat contribue à dévaluer le travail parlementaire. Rien ne justifie sur le fond l’utilisation de l’article 47.1, c’est-à-dire une procédure faite pour accélérer le vote de dispositions qui doivent impérativement entrer en vigueur à date fixe, pour faire passer une réforme qui n’a nullement un caractère d’urgence.
A la fin, on est ramené à une réalité : la démocratie ne consiste pas à voter une fois tous les cinq ans un « mandat » à un gouvernement et à un parlement pour appliquer un programme (2). La démocratie est un processus vivant, dans lequel la légitimité d’une politique n’est pas acquise définitivement après un vote, mais se joue chaque jour dans la dialectique entre le peuple, ses représentants et ses gouvernants. Cela suppose chez ceux qui nous gouvernent une attitude d’écoute permanente de l’expression citoyenne. Et cette écoute a longtemps existé. Pensez à De Gaulle poussant la réforme universitaire de 1969, une réforme réclamée par la gauche alors que l’élection législative de juin 1968 lui avait donné une confortable majorité à droite. Pensez à Chirac renonçant à mettre en œuvre le CPE, alors que la loi avait été votée au Parlement, ou retirant la réforme Juppé après les grèves de 1995. Pensez à Mitterrand retirant la loi Savary, alors qu’il avait une majorité largement suffisante pour la voter. Tous ces gouvernants étaient conscients de la fragilité de leur mandat, et comprenaient parfaitement ses limites. Ils étaient à l’écoute du pays, et savaient les risques qu’il y a à violenter la société, à imposer par le haut des règles et des lois dont la société n’accepte pas le principe. Pour eux, retirer un projet n’était pas un signe de faiblesse ou de lâcheté, mais un geste logique de la part d’un dirigeant à l’écoute de son peuple.
On a beaucoup critiqué Chirac pour avoir dissout l’Assemblée en 1997. Pourtant, son geste était digne de mongénéral. Après la bataille perdue de 1995, le gouvernement était paralysé. Quoi de plus normal dans ces conditions que de demander au peuple de confirmer ou non le mandat accordé au président et à sa majorité ? Le simple fait que l’establishment politique ait considéré son geste comme une erreur nous montre combien la conception de la démocratie a changé à l’orée du troisième millénaire. Avant, on admirait ceux qui écoutaient le peuple. Après, on a commencé à admirer ceux qui sont capables de « réformer » contre lui. De Sarkozy imposant le traité de Lisbonne à un pays qui venait de rejeter le traité constitutionnel européen à Macron le « réformateur », en passant par un Hollande qui tombait du côté où il penchait, celui de la finance, cela fait bientôt quinze ans que les gouvernants se font un titre de gloire et de courage de gouverner contre le peuple.
Aujourd’hui, nous avons un gouvernement qui n’écoute personne, persuadé de détenir la vérité et convaincu – ou prétendant l’être – qu’il n’y a pas d’alternative. Ce qui est la négation même de la politique, puisque la politique n’a de sens que s’il y a un choix réel entre plusieurs options. Et en miroir, on trouve LFI qui, si elle était au pouvoir, ferait exactement la même chose, ayant largement montré que sa capacité à douter ou à écouter des voix dissonantes est proche de zéro. Ces deux forces en apparence opposées aboutissent au même résultat : à rendre impossible la prise en compte de la volonté populaire. Rien ne semble pouvoir arrêter le gouvernement aujourd’hui. Le projet de loi sera certainement voté, et les Français étant légalistes, la contestation s’arrêtera probablement une fois le vote achevé. Mais ce sera pour le gouvernement une victoire à la Pyrrhus, qui fera dans notre imaginaire démocratique des dégâts comparables à la ratification du traité de Lisbonne. Les gens ne pourront que constater que quelques centaines de manifestants violents autour de l’Arc de Triomphe font reculer le gouvernement bien plus efficacement qu’un million et demi de manifestants pacifiques. Et cette leçon ne sera pas perdue pour tout le monde.
Descartes
(1) Mais une partie seulement. Il ne faut pas idéaliser la démocratie : lorsque leurs intérêts vitaux sont menacés, le rapport de forces refait surface et le processus démocratique est remis en cause par différents moyens, légaux ou extra-légaux. L’exemple d’Allende au Chili reste emblématique, mais plus près de chez nous on a su faire aussi…
(2) On notera d’ailleurs que les partisans de la théorie du mandat sont fort contradictoires. Admettons un instant que le fait d’avoir affirmé son intention de retarder l’âge de la retraite pendant la campagne électorale permette à Macron de se prévaloir d’un mandat. On notera que Macron parlait à l’époque de porter cet âge à 65 ans. Si on veut être cohérent, alors il faut se rendre à l’évidence : jamais les Français ne lui ont donné mandat pour porter cet âge à 64 ans. La proposition devant l’Assemblée trahit donc le « mandat » en question… En toute cohérence, les partisans de la théorie du mandat devraient exiger que Macron se tienne à sa promesse originale… ou alors on admet que l’homme politique puisse modifier selon son bon plaisir le contenu du mandat qu’il a reçu.
Pour un marxiste, l’Assemblée nationale,n’est elle pas un des lieux
de l’affrontement de lutte de classes direct mais pacifique ?
Et la mise en place de commission
d’enquête parlementaire n’est elle pas un signe d’une certaine vitalité ?
@ Luc
[Pour un marxiste, l’Assemblée nationale,n’est elle pas un des lieux de l’affrontement de lutte de classes direct mais pacifique ?]
Pas vraiment. Pour que les classes s’affrontent à l’Assemblée, encore faudrait-il qu’elles soient représentées… Ce n’est certainement pas le cas aujourd’hui. Ou voyez-vous dans l’Assemblée actuelle les représentants du prolétariat ?
Je réagis à votre utilisation du terme prolétariat et “représentants du prolétariat”. Ce sont des notions qui me laissent toujours des interrogations, que votre remarque met à nouveau en exergue. Pour Marx, le prolétariat vend sa force de travail au capitaliste. De son temps, prolétariat et “classe ouvrière” pouvaient être assimilés. Mais de nos jours et en toute rigueur, selon cette définition, les ouvriers et beaucoup de cadres, ingénieurs, chercheurs, employés, y compris dans le haut du panier, peuvent répondre à la définition. Pour ma part, d’ailleurs (et je m’en suis déjà expliqué sur votre blog) je pense qu’il faudrait faire des distinctions entre les divers types actuels de “prolétariat” auquel la définition de Marx convient globalement pour le temps présent. L’ouvrier d’aujourd’hui, diffère du cadre. Ce dernier, s’il vend sa force de travail (intellectuelle), n’est pas tout à fait un “prolo”, n’est pas un “ouvrier”. Il bénéficie, globalement, d’une rétrocession de plus-value (plus-value, au sens de Marx) de la part du capitaliste. Et cela amène, j’en suis persuadé, à voir la société actuelle à travers les contradictions (voire les luttes, y compris intestines) de 3 classes principales. Et je pense que c’est là un des problèmes essentiels du présent pour ouvrir sur une nouvelle société plus satisfaisante pour “le monde du travail”…où se retrouvent toujours, unis ou non, les prolétaires modernes, dans ces deux grandes variantes: les “ouvriers” … et les “classes moyennes ou intermédiaires”. Qu’en pensez-vous?
@ Abbé Béat
[Je réagis à votre utilisation du terme prolétariat et “représentants du prolétariat”. Ce sont des notions qui me laissent toujours des interrogations, que votre remarque met à nouveau en exergue. Pour Marx, le prolétariat vend sa force de travail au capitaliste. De son temps, prolétariat et “classe ouvrière” pouvaient être assimilés.]
Effectivement, ce qui caractérise le prolétariat n’est pas seulement le fait qu’il est obligé pour survivre à vendre sa force de travail au capitaliste. Il y a aussi le fait qu’il la vend à un prix inférieur à la valeur que cette force de travail permet de produire.
[Mais de nos jours et en toute rigueur, selon cette définition, les ouvriers et beaucoup de cadres, ingénieurs, chercheurs, employés, y compris dans le haut du panier, peuvent répondre à la définition.]
Ma théorie est justement que si beaucoup de cadres, ingénieurs, chercheurs et employés du haut du panier vendent effectivement leur force de travail, ils en la vendent pas au-dessous de la valeur que cette force de travail produit. En d’autres termes, que le capitaliste est prêt à rétrocéder à une partie de sa main d’œuvre la totalité de la valeur qu’elle produit (voir plus) parce que cela lui apporte un avantage dans d’autres domaines : la loyauté, l’adhésion au système, la possibilité de lui déléguer certaines tâches de surveillance…
[Pour ma part, d’ailleurs (et je m’en suis déjà expliqué sur votre blog) je pense qu’il faudrait faire des distinctions entre les divers types actuels de “prolétariat” auquel la définition de Marx convient globalement pour le temps présent.]
Je pense que cette distinction est artificielle, et qu’elle n’a d’autre avantage que de permettre aux membres des classes intermédiaires de se prétendre « prolétaires » et de parler ensuite au nom du prolétariat tout entier. Non, ce qui caractérise le prolétaire ce n’est pas le simple fait de vendre sa force de travail, mais de produire de la plus-value pour le capitaliste en la vendant au-dessous de la valeur produite.
J’ajoute qu’imaginer différentes catégories de « prolétaires » qui auraient des intérêts de classe différents rend l’idée même de « prolétariat » inopérante dans l’analyse marxiste. Car pour Marx, définir des « classes » n’a d’intérêt que parce que ces catégories regroupent des individus qui partagent un intérêt commun qui les transcende, l’intérêt de classe. Pensez-vous que cadres supérieurs salariés et ouvriers partagent un « intérêt de classe » ?
[L’ouvrier d’aujourd’hui, diffère du cadre. Ce dernier, s’il vend sa force de travail (intellectuelle), n’est pas tout à fait un “prolo”, n’est pas un “ouvrier”. Il bénéficie, globalement, d’une rétrocession de plus-value (plus-value, au sens de Marx) de la part du capitaliste.]
Donc, il n’a pas le même intérêt de classe que l’ouvrier. Alors que l’ouvrier a tout intérêt à la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, le cadre a tout intérêt à sa perpétuation. Dans ces conditions, quel est l’intérêt théorique de mettre les deux dans la même « classe » ? Non, votre commentaire montre bien qu’il reste d’un côté une classe « prolétaire », qui fournit de la plus-value, et une classe bourgeoise qui l’empoche. Reste à définir le statu de classe de ceux qui sont au milieu… ce que j’appelle « classes intermédiaires », parce que je suis convaincu que leurs membres partagent un « intérêt de classe ».
Voilà pourquoi je propose un modèle à trois classes, et non une intégration qui me paraît tout à fait artificielle des classes intermédiaires dans un « prolétariat » qui du coup n’a aucun contenu.
Bonjour,
On en a déjà parlé, mais j’ai un peu oublié votre réponse (O vieillesse ennemie…) : ce que vous appelez (à juste titre) “classe intermédiaire”, il s’agit bien de ce qu’on appelait avant “la petite bourgeoisie” ? Dont par ailleurs le rôle peut devenir déterminant, parce qu’elle est par nature “fluctuante” ; et lorsque pour telles ou telles raisons, elle ne trouve plus son intérêt dans une alliance objective avec la bourgeoisie, elle peut alors basculer vers le prolétariat, et devenir de ce fait, une force potentiellement révolutionnaire…
@ Sami
[On en a déjà parlé, mais j’ai un peu oublié votre réponse (O vieillesse ennemie…) : ce que vous appelez (à juste titre) “classe intermédiaire”, il s’agit bien de ce qu’on appelait avant “la petite bourgeoisie” ?]
Pas tout à fait, mais les deux catégories se recoupent amplement. Le concept de « classe intermédiaire » insiste à mon sens plus sur la notion de « capital immatériel », cette forme de capital faite de compétences, de diplômes ou de réseaux qui permettent à ceux qui le détiennent de ne pas fournir de plus-value. Un capital qui, contrairement au capital matériel, n’est pas transmissible mais doit être renouvelé à chaque génération, d’où le caractère éminemment précaire de leur statut.
[Dont par ailleurs le rôle peut devenir déterminant, parce qu’elle est par nature “fluctuante” ; et lorsque pour telles ou telles raisons, elle ne trouve plus son intérêt dans une alliance objective avec la bourgeoisie, elle peut alors basculer vers le prolétariat, et devenir de ce fait, une force potentiellement révolutionnaire…]
Oui. C’est un peu ce qui s’est produit durant les « trente glorieuses ». Mais on ne voit pas très bien comment cette situation pourrait se reproduire à court terme.
Bonjour,
Votre commentaire en réponse au mien, le recoupe sur plusieurs points: nous sommes globalement d’accord pour traiter le monde actuel, en s’inspirant de Marx, dans le cadre de trois classes sociales principales:classe ouvrière (ou populaire), classe moyenne ou intermédiaire, classe capitaliste dirigeante.
Ce que je voulais souligner c’est que, dans ces conditions, l’expérience de ces 40 dernières années montre que la “transformation sociale” (ou la révolution) butte sur les conséquences de l’existence de ces trois classes. Car la troisième classe (“l’intermédiaire”), nombreuse et puissante dans un pays comme la France, a acquis un rôle d’arbitre. Une “transfo sociale” engagée par la seule classe ouvrière (ou populaire) n’a pas réussi à triompher et ne peut, il me semble, encore moins triompher seule aujourd’hui. Il lui faut s’unir avec tout ou partie de la classe intermédiaire (partie, pour commencer!). Le choix fait par le passé (ces 40 dernières années) de ne s’unir qu’avec une fraction de couche intermédiaire (nombreuse, j’en conviens), mais disposée à la “collaboration de classe” avec le Capital, a indubitablement échoué. Chacune de ses parties s’est dégradée irrémédiablement. Comment relever ce défi? On ne peut, au vu des forces en présence actuellement, qu’envisager une union d’une fraction de classe populaire (le PC et voisinage) et d’une fraction de classe intermédiaire. Il se trouve que la fraction intermédiaire acceptable quant à une vision de classe compatible pour l’essentiel et au départ avec celle du PC, se nomme, il me semble: LFI. Il faut faire avec!… Ce qui n’est évidemment pas donné! D’autant que le PC, diminué physiquement, me parait l’être aussi sur le plan des idées: est-il toujours marxiste quant au fond? Et que la fraction intello “intermédiaire” inclue des sous-tendances “gauchistes”, “féministes”, “anarchistes”, etc… difficiles à associer au “centralisme démocratique” qui prévalait de l’autre côté… Mais le paradoxe est là: comment expliquer que du côté Macron, ou pouvoir capitaliste actuel, on redoute tant JLM (qu’on classe comme gauchiste sans avenir)? Comment se fait-il que les mêmes fassent des risettes à un Roussel, qui rejette JLM avec vigueur? Serait-ce qu’on redoute précisément cette alliance que j’évoque comme amorce de processus d’union pour un avenir de transformation sociale? L’analyse des macronistes, de la classe dirigeante actuelle, serait-elle prémonitoire en ce sens?
@ Abbé Béat
[Une “transfo sociale” engagée par la seule classe ouvrière (ou populaire) n’a pas réussi à triompher et ne peut, il me semble, encore moins triompher seule aujourd’hui. Il lui faut s’unir avec tout ou partie de la classe intermédiaire (partie, pour commencer !).]
Et quel serait le fondement de cette « union » ? Quel est l’intérêt commun qui pousserait « une partie des classes intermédiaires » à s’allier avec les couches populaires pour chercher une traduction politique ? On en revient toujours au même problème : vous proposez une alliance politique entre deux groupes dont les intérêts sont opposés. Comment cela pourrait marcher ?
[Le choix fait par le passé (ces 40 dernières années) de ne s’unir qu’avec une fraction de couche intermédiaire (nombreuse, j’en conviens), mais disposée à la “collaboration de classe” avec le Capital, a indubitablement échoué.]
Je ne vois pas de quel « choix » vous voulez parler. J’ai l’impression que vous confondez les rapports de classe avec les questions de tactique politique. Que le PCF ait choisi de s’allier avec le PS n’implique nullement que les couches populaires aient fait le choix de s’unir avec « une fraction des couches intermédiaires ».
Le problème de votre proposition, c’est que je ne vois nulle part une fraction des couches intermédiaires qui ne serait pas disposée à « collaborer » avec la bourgeoisie. On bute toujours sur ce point.
[On ne peut, au vu des forces en présence actuellement, qu’envisager une union d’une fraction de classe populaire (le PC et voisinage) et d’une fraction de classe intermédiaire.]
Encore une fois, vous confondez tactique politique et rapports de classe. Le PCF ne représente pas aujourd’hui les classes populaires… ce serait plutôt le RN qui tiendrait ce rôle. Et je vous répète ma question : quelle force pourrait pousser les couches populaires et « une fraction de classe intermédiaire » à s’unir, alors que leurs intérêts sont opposés ?
[Il se trouve que la fraction intermédiaire acceptable quant à une vision de classe compatible pour l’essentiel et au départ avec celle du PC, se nomme, il me semble: LFI.]
Possible. Dans ce cas, ils n’ont qu’à se marier. Mais ne croyez pas un instant qu’un tel mariage représenterait une union « des couches populaires et des classes intermédiaires ». Parce qu’aujourd’hui, tant le PCF comme LFI représentent des secteurs des classes intermédiaires.
Vous voulez marier les couches populaires et les classes intermédiaires ? Dans ce cas, il vous faudrait marier le RN et LFI. Bonne chance…
[Mais le paradoxe est là : comment expliquer que du côté Macron, ou pouvoir capitaliste actuel, on redoute tant JLM (qu’on classe comme gauchiste sans avenir)?]
Avant de chercher à expliquer un fait, il faut l’établir. Qu’est-ce qui vous fait penser que du côté Macron on « redoute JLM » ? En quoi JLM pourrait menacer les intérêts de la classe qui soutient Macron ? Croyez-moi, ces gens ont une mémoire aussi bonne que la mienne : ils se souviennent que JLM est d’abord et avant tout un enfant de Miterrand. Le genre qui va parler de « changer la vie » pour ensuite faire voter le traité de Maastricht et imposer le « marché libre et non faussé ». Je suis toujours étonné d’entendre des gens intelligents expliquer que JLM ferait peur à Macron.
[Comment se fait-il que les mêmes fassent des risettes à un Roussel, qui rejette JLM avec vigueur?]
Je ne me souviens pas que Macron ait fait des risettes à un Roussel. Pourriez-vous donner un exemple ?
[Serait-ce qu’on redoute précisément cette alliance que j’évoque comme amorce de processus d’union pour un avenir de transformation sociale ?]
Franchement, je ne sais pas s’il faut prendre ce commentaire au premier ou au deuxième degré. Vous croyez VRAIMENT que si JLM arrivait au pouvoir il transformerait la société ? L’expérience Mitterrand ne vous a pas suffi ?
@ Descartes
Je pense qu’on aujourd’hui une bonne partie du jeu politique est fait aussi en dehors de ces trois classes, chez une sorte de néo-lumpen souvent militant, survivant par la dilapidation d’un maigre patrimoine familial et très très pesant socialement et médiatiquement, et constituant une bonne part des troupes de LFI…On estime par exemple à 3 millions le nombre de jeunes qui ne sont ni étudiants ni sur le marché de l’emploi.
Comment traitez vous cette « classe » dans votre analyse ?
@ P2R
[Je pense qu’on aujourd’hui une bonne partie du jeu politique est fait aussi en dehors de ces trois classes,]
Il faut rappeler qu’au sens marxien les « classes » ne couvrent pas l’intégralité de la société. C’était déjà vrai du temps de Marx, qui a théorisé le « lumpenprolétariat », c’est-à-dire une frange de la société qui, n’étant pas inséré dans le processus de production ni comme fournisseur de force de travail ni comme pourvoyeur du capital, n’avait pas d’intérêt de classe pour la fédérer et était donc disponible pour toutes les aventures politiques.
[chez une sorte de néo-lumpen souvent militant, survivant par la dilapidation d’un maigre patrimoine familial et très très pesant socialement et médiatiquement, et constituant une bonne part des troupes de LFI…]
Je ne suis pas sûr de voir à qui vous faites allusion. On trouve dans LFI – mais dans l’ensemble de la gauche – des profils de ce type : éternels étudiants, professionnels du militantisme parasitaire dans le politique ou l’associatif… Mais le poids politique de cette couche est très faible, voire négligeable, même si leur exposition médiatique est très importante.
[On estime par exemple à 3 millions le nombre de jeunes qui ne sont ni étudiants ni sur le marché de l’emploi.]
Je ne sais pas d’où sort cette estimation, mais admettons. La question est de savoir si c’est un état temporaire, une sorte de « période sabbatique » avant d’entrer dans la vie active.
[Comment traitez-vous cette « classe » dans votre analyse ?]
Je ne pense pas qu’on puisse parler de « classe », puisque ce sont des individus qui n’ont pas de rôle dans le processus de production de valeur. Dans un schéma matérialiste, ils n’ont aucun poids.
@ Descartes
[Il faut rappeler qu’au sens marxien les « classes » ne couvrent pas l’intégralité de la société.]
Mais la société du temps de Marx était majoritairement organisée selon une économie de production. Aujourd’hui en France, nous sommes essentiellement dans un contexte d’économie de consommation subventionnée, en témoigne par exemple la large réorientation des dépenses publiques en faveur des allocations et chèques divers plutôt qu’à l’entretien des communs, et le déficit de notre balance commerciale. Est-ce que la défense de cette rente allocataire ne peut pas être considérée comme un intérêt de classe à défendre, et susceptible de fédérer ce néo-lumpen-prolétariat ?
[On estime par exemple à 3 millions le nombre de jeunes qui ne sont ni étudiants ni sur le marché de l’emploi // Je ne sais pas d’où sort cette estimation, mais admettons. La question est de savoir si c’est un état temporaire, une sorte de « période sabbatique » avant d’entrer dans la vie active.]
Ces chiffres viennent de l’INSEE pour la tranche d’age 15/34 ans. On y lit par exemple que la proportion de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation est très faible pour les 15/16 ans grâce à la scolarité obligatoire, mais augmente constamment jusqu’à atteindre 20% pour la tranche d’age 25/29 ans… ça laisse dubitatif sur l’hypothèse de la “période sabbatique”.
Faire l’impasse sur 20% du corps électoral d’une classe d’âge de la population en âge dans une analyse politique me semble assez périlleux. D’autant qu’encore une fois, s’ils n’ont aucun poids dans le processus de production, ils en ont un énorme du point de vue des dépenses publiques…
@ P2R
[Mais la société du temps de Marx était majoritairement organisée selon une économie de production. Aujourd’hui en France, nous sommes essentiellement dans un contexte d’économie de consommation subventionnée, en témoigne par exemple la large réorientation des dépenses publiques en faveur des allocations et chèques divers plutôt qu’à l’entretien des communs, et le déficit de notre balance commerciale.]
Il ne faut tout de même pas exagérer. S’il est vrai qu’il y a un large secteur « subventionné », la grande majorité des Français gagne encore son pain dans un travail productif. Et s’il est vrai que le déficit de la balance commerciale est important, il reste relativement faible au regard du PIB. Je trouve que vous vendez un peu trop rapidement la peau de « l’économie de production ». Elle n’est pas encore morte.
[Est-ce que la défense de cette rente allocataire ne peut pas être considérée comme un intérêt de classe à défendre, et susceptible de fédérer ce néo-lumpen-prolétariat ?]
Que ce soit un intérêt, c’est probable. Mais un « intérêt de classe » ? Non. L’intérêt de classe n’est pas simplement un intérêt partagé par tous les membres d’une classe. C’est un intérêt qui se rattache à la classe en tant qu’entité distincte de ses membres, de la même manière que l’intérêt général ne se réduit pas aux intérêts particuliers partagés. La nuance est importante, parce que loin de « fédérer », les intérêts individuels, fussent-ils partagés, tendent à favoriser les comportements de « passager clandestin ». Chaque allocataire a intérêt à conserver SON allocation, et ses chances de le faire sont d’autant meilleures qu’on supprime l’allocation pour les autres. On el voit bien avec les régimes spéciaux : on n’a pas vu les électriciens-gaziers faire grève pour défendre le régime spécial de la SNCF.
[Ces chiffres viennent de l’INSEE pour la tranche d’age 15/34 ans. On y lit par exemple que la proportion de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation est très faible pour les 15/16 ans grâce à la scolarité obligatoire, mais augmente constamment jusqu’à atteindre 20% pour la tranche d’age 25/29 ans… ça laisse dubitatif sur l’hypothèse de la “période sabbatique”.]
Pas forcément. Il faudrait soustraire à ce chiffre ceux qui sont au chômage sans être inscrits à Pôle Emploi et ceux qui travaillent au noir. Cela tend à atténuer le constat. Ensuite, il faudrait savoir que se passe-t-il dans la tranche 30-35. Le niveau se maintient-il, ou tend à décroître ? Si c’est le cas, alors la logique « sabbatique » est une explication possible.
[Faire l’impasse sur 20% du corps électoral d’une classe d’âge de la population en âge dans une analyse politique me semble assez périlleux.]
Pas tant que ça. C’est probablement la tranche qui se mobilise politiquement le moins à l’intérieur d’une classe d’âge qui se mobilise peu… je doute que ce groupe ait un poids important sur les équilibres politiques. Plus que politique, elle a un intérêt sociologique en ce qu’elle révèle un mécanisme profond de nos sociétés, avec le développement d’un groupe social qui ne s’insère pas dans la logique de la production.
[D’autant qu’encore une fois, s’ils n’ont aucun poids dans le processus de production, ils en ont un énorme du point de vue des dépenses publiques…]
Je ne vois pas bien quel est ce « poids énorme ». Ce groupe pèse peu sur les dépenses de santé et d’éducation, qui sont les gros postes de la dépense publique. A priori, du point de vue de la dépense publique ils ne pèsent que sur le RSA… et encore, seulement pour la tranche 26-30 ans.
Bonjour,
Merci pour cette intéressante approche et explication de texte. A une autre époque le bras d’honneur se serait conclu par un duel sur le pré !
Et pendant que les prix s’envolent et que la pauvreté gagne du terrain, que la France perd du terrain dans nombre de domaines, régaliens en particulier comme les Affaires étrangères, que l’instruction à l’école bat de l’aile, on nous ramène des priorités annoncées par le président de la République qui va parler de papillomavirus dans un collège, ou propose une inscription dans la constitution d’une liberté de l’IVG, chose que personne ne remet en cause.
Cordialement.
@ Cyril Vailly
[Merci pour cette intéressante approche et explication de texte. A une autre époque le bras d’honneur se serait conclu par un duel sur le pré !]
A une autre époque, il se serait surtout conclu par une démission du ministre ou un vote de censure du gouvernement. Parce qu’à une autre époque, l’enceinte parlementaire était sacralisée. Et c’est d’ailleurs pourquoi le geste de notre ministre de la Justice est sans précédent.
Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est la conséquence de la désacralisation des institutions. Et là encore, on retrouve les égo-politiciens du même côté. Contester le port de la cravate, imaginer qu’on peut s’asseoir sur les sièges de velours rouge en jean et tongs, c’est une façon de dire qu’il n’y a pas de différence entre l’enceinte parlementaire et une assemblée étudiante. Et dans une assemblée étudiante, on peut se faire des bras d’honneur. Alors, pourquoi pas à l’Assemblée ?
[Et pendant que les prix s’envolent et que la pauvreté gagne du terrain, que la France perd du terrain dans nombre de domaines, régaliens en particulier comme les Affaires étrangères, que l’instruction à l’école bat de l’aile, on nous ramène des priorités annoncées par le président de la République qui va parler de papillomavirus dans un collège, ou propose une inscription dans la constitution d’une liberté de l’IVG, chose que personne ne remet en cause.]
Tout à fait. Nous avons devant nous des problèmes gravissimes. Je ne parle pas de la tarte à la crème de l’époque qu’est le réchauffement climatique, mais du fait que nous vivons à crédit. A crédit sur les générations futures – à qui nous laisserons des infrastructures en piètre état, après avoir vécu sur les investissements faits par nos prédécesseurs. A crédit sur une dette qui se creuse chaque jour un peu plus du fait du déséquilibre entre ce que nous produisons et ce que nous consommons collectivement. Et pendant ce temps, Versailles dance…
” démission du ministre “. Il y a longtemps que je n’y crois plus.
On vient aussi d’apprendre que la sécu rembourse désormais les protections périodiques mais plus les cathéters de thrombo-aspiration, un équipement de pointe dans le traitement des accidents vasculaires cérébraux.
@ Cyril Vailly
[” démission du ministre “. Il y a longtemps que je n’y crois plus.]
Moi non plus. Cela fait bien longtemps que les ministres ne démissionnent plus. Tout au plus, ils se font virer. Démissionner, ce serait faire preuve d’une capacité d’introspection et de retour sur soi, d’admettre ses propres erreurs, ses propres insuffisances. Ce n’est pas du tout la mode aujourd’hui.
Nous ne vivons à crédit parce que la classe dirigeante l’a voulu ainsi. Les cadeaux fiscaux faits à crédit aux classes aisées depuis plus de 30 ans qui n’en ont pas besoin pour un prétendu ruissellement du haut vers le bas. Des aides publiques aux entreprises sans aucune réelle contrepartie coûtent 157 milliards d’euros.
La dette publique que le gouvernement Macron-Le Maire augmente à l’envi par des chèques en tous genres sert bien à accréditer l’idée qu’il n’y a pas d’argent pour les services publics en tous genres. Les priver de leur financement les met en difficulté ce qui fait croire que le statut public ne fonctionne pas bien et donc qu’il faut le privatiser.
Enfin la dette est faite auprès de banques privées qui s’enrichissent par les taux d’intérêt. Même s’ils ont été faibles voire négatifs depuis 2008 pour sauver le système bancaire de ses errements ils redeviennent positifs comme depuis 1974 ce qui accentue de façon irrésistible l’endettement public. C’est un élément de la politique de classe menée depuis que le néolibéralisme s’est imposé, notamment.
@ Cording1
[Nous ne vivons à crédit parce que la classe dirigeante l’a voulu ainsi.]
Et parce que les autres classes n’ont résisté que mollement. Je ne me souviens pas d’avoir vu des manifestations massives exigeant l’équilibre des comptes. Et chacun a eu sa part : les riches ont bien entendu eu les plus grosses, les autres de plus petites, mais tout le monde en a profité. C’est un peu le problème : la culture du vivre au-dessus de ses moyens est devenue dominante dans l’ensemble de la société. Regardez dans les programmes de tous les partis politiques la partie réservée à la consommation de richesses et mettez en regard la partie réservée à la production… si vous la trouvez !
[Les cadeaux fiscaux faits à crédit aux classes aisées depuis plus de 30 ans qui n’en ont pas besoin pour un prétendu ruissellement du haut vers le bas. Des aides publiques aux entreprises sans aucune réelle contrepartie coûtent 157 milliards d’euros.]
Admettons. Mais combien a coûté le fait de vendre l’électricité au consommateur au-dessous du prix de renouvellement du parc de production, par exemple ? Or, c’est là un « cadeau » fait à l’ensemble des consommateurs.
Je pense que c’est une erreur de limiter l’analyse aux « cadeaux aux riches ». Si la barre est difficile à redresser, c’est parce que la culture de la consommation sans contrepartie productive est devenue une idéologie dominante, partagée par toutes les couches de la société. Aucun politique n’est prêt à assumer aujourd’hui un discours de rigueur, quand bien même cette rigueur serait justement partagée comme ce fut el cas en 1958.
[La dette publique que le gouvernement Macron-Le Maire augmente à l’envi par des chèques en tous genres sert bien à accréditer l’idée qu’il n’y a pas d’argent pour les services publics en tous genres. Les priver de leur financement les met en difficulté ce qui fait croire que le statut public ne fonctionne pas bien et donc qu’il faut le privatiser.]
Soyons honnêtes : de ce point de vue, Macron-Le Maire n’ont rien inventé. Depuis 1983, il y a un parfait accord sur ce point à gauche comme à droite, et les gouvernements qui se sont succédés ne se sont guère écartés de cette ligne. Souvenez-vous du débat sur la « cagnotte » du temps de Jospin. Alors qu’il y avait un excédent à dépenser, tout le monde – y compris les communistes, honte à eux – a voulu qu’il aille à la consommation. Personne n’a songé à l’investissement public.
[Enfin la dette est faite auprès de banques privées qui s’enrichissent par les taux d’intérêt. Même s’ils ont été faibles voire négatifs depuis 2008 pour sauver le système bancaire de ses errements ils redeviennent positifs comme depuis 1974 ce qui accentue de façon irrésistible l’endettement public.]
Sur ce point, je pense qu’il y a une grande incompréhension. Pour financer un déficit, il n’y a que deux façons : l’emprunt aux acteurs privés, ou l’émission monétaire (car les « avances de la Banque de France consentis autrefois étaient de l’émission monétaire, il faut bien que la Banque de France sorte l’argent de quelque part). Et l’émission monétaire, c’est une forme de prélèvement fiscal à travers l’inflation : chaque billet que l’Etat émet réduit la valeur du billet que vous avez dans votre poche. Autrement dit, l’endettement ne résulte pas du fait qu’on a financé la dette par l’emprunt au privé au lieu de le financer par emprunt à la Banque de France, mais par le fait qu’on a renoncé à financer le déficit par « l’impôt inflationnaire ». A qui bénéficie ce renoncement ? Evidement, aux gens qui ont de l’argent… et des rentes !
Bonjour Descartes.
“les deux mouvements politiques les plus dynamiques de notre spectre politique, que sont le macronisme et le mélenchonisme”
Il n’y a donc pas selon vous de dynamique majeure dans le camp nationaliste (RN/Reconquête) ?
Que pensez-vous d’ailleurs de l’action du groupe parlementaire RN, et de Jean-Philippe Tanguy en particulier ?
@ Pierre
[« les deux mouvements politiques les plus dynamiques de notre spectre politique, que sont le macronisme et le mélenchonisme » Il n’y a donc pas selon vous de dynamique majeure dans le camp nationaliste (RN/Reconquête) ?]
Je me doutais que quelqu’un poserait la question…
J’aurais dû peut-être préciser que lorsque je parle de dynamisme d’un mouvement politique, j’entends par là le dynamisme politique et intellectuel, et non pas le dynamisme électoral. Le « camp nationaliste », pour l’appeler ainsi, est certainement dynamique du point de vue électoral, et conquiert de nouvelles positions à chaque échéance. Mais ce dynamisme tient plus au rejet de l’establishment et à des références idéologiques historiques qu’à une capacité d’élaboration politique et intellectuelle.
Macron et Mélenchon ont construit des références. Qu’on peut trouver délirantes ou absurdes, mais qui restent des références. Pour l’un, c’est une société où la réussite du pays tient aux ambitions individuelles et non à un projet collectif et encore moins national, et ou la fonction du politique est de lever les barrières qui freinent ces ambitions. Pour l’autre, c’est « l’ère du peuple » et la VIème République.
L’un comme l’autre ont fait l’effort de préciser des références idéologiques. Ni le RN ni Reconquête n’ont fait cet effort. Au RN, les tentatives de donner une certaine cohérence au « social-souverainisme » qui avaient été faites du temps où Philippot conseillait MLP ont été largement abandonnés, et l’équipe qui conduisait ces réflexions dissout. A Reconquête, on tient un discours économique qui est orthogonal au discours social, lui-même orthogonal au discours institutionnel, sans que personne ne trouve nécessaire de lever ces contradictions.
[Que pensez-vous d’ailleurs de l’action du groupe parlementaire RN, et de Jean-Philippe Tanguy en particulier ?]
Je pense qu’ils ont fait des choix tactiques habiles, et qu’ils ont surtout tiré profit du retour d’expérience des chapitres précédents. Ils appliquent je pense la règle politique bien connue qui veut qu’un politique doit chercher à donner l’image de ce qu’il n’est pas. Si vous êtes à droite, il vous faut souligner votre côté social, si vous êtes un extrémiste, il faut se donner une image de modération. La raison est simple : les gens qui apprécient ce que vous êtes voteront pour vous quoi qu’il arrive. Ce sont les autres qu’il faut conquérir. C’est une leçon que LFI n’a toujours pas compris…
Cela étant dit, la principale faiblesse du RN reste son écartèlement permanent entre son vieux fond de droite lié à son électorat traditionnel et le « social-souverainisme » qui lui a permis de percer dans les couches populaires. Cela aboutit à un discours erratique et à des ambiguïtés calculées – pensez aux positions du RN sur le mouvement social contre la réforme des retraites.
“La droite gaulliste a survécu à Chaban et Chirac” ? Elle a survécu à Chaban mais Chirac et les siens l’ont allègrement liquidé notamment par la fusion du RPR avec les autres composantes de la droite. L’expression politique du gaullisme est marginale.
@ Cording1
[“La droite gaulliste a survécu à Chaban et Chirac” ? Elle a survécu à Chaban mais Chirac et les siens l’ont allègrement liquidé notamment par la fusion du RPR avec les autres composantes de la droite. L’expression politique du gaullisme est marginale.]
Je vous trouve un peu sévère. L’expression du “gaullisme” en général est certes marginale, mais la “droite gaulliste” reste assez présente. C’est un peu le problème: les gaullistes se sont droitisés, et n’ont gardé de l’héritage de mongénéral que la partie la plus droitière, alors que l’intérêt du gaullisme était justement l’équilibre délicat entre un côté traditionaliste et réactionnaire et un autre progressiste et social.
De toutes les façons depuis le déni du vote populaire du 29 mai 2005 ne sommes-nous pas en train de sortir à petit feu, à bas bruit de la démocratie ? Parce qu’il n’y a pas de démocratie contre les traités européens comme a dit l’ex-patron de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Vous pouvez faire le constat que la question européenne est LE tabou de la classe dirigeante, RN compris.
@ Cording1
[De toutes les façons depuis le déni du vote populaire du 29 mai 2005 ne sommes-nous pas en train de sortir à petit feu, à bas bruit de la démocratie ?]
Le déni du vote contre le TCE n’est qu’un jalon dans un processus long, commencé dans les années 1970, qui conjugue l’impuissance organisée des institutions, une polarisation qui rend impossible le débat et la délibération publiques, et l’exclusion des couches populaires de la représentation politique.
Parce qu’il n’y a pas de démocratie contre les traités européens comme a dit l’ex-patron de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Vous pouvez faire le constat que la question européenne est LE tabou de la classe dirigeante, RN compris.
Employer le terme “les gens” à la fin de votre dernier paragraphe ne semble anti-politique. Je crois me souvenir que Robert Hue employait ce terme qui me déplaisait déjà au citoyen engagé dans la vie publique depuis longtemps. Je préfère parler du peuple qui a une intelligence politique même s’il n’a pas fait de longues études, est l’objet de mépris par notre oligarchie .
@ Cording1
[Employer le terme “les gens” à la fin de votre dernier paragraphe ne semble anti-politique. Je crois me souvenir que Robert Hue employait ce terme qui me déplaisait déjà au citoyen engagé dans la vie publique depuis longtemps.]
Le problème de l’utilisation du terme “gens” par Robert Hue, ce n’était pas tant le terme en lui même, mais le fait qu’il remplaçait la formule “classes populaires”. Or, le terme “gens” n’a aucune connotation de classe. Quand on parle des gens, on parle autant du fils Bolloré que de Mme Michu. L’usage que j’ai fait du terme dans mon dernier paragraphe est, je pense, l’usage correct. La constatation dont je parle, elle peut être faite autant par le fils Bolloré que par Mme Michu, même s’ils n’en tireront pas nécessairement les mêmes conséquences.
[Je préfère parler du peuple qui a une intelligence politique même s’il n’a pas fait de longues études, est l’objet de mépris par notre oligarchie.]
Pas moi, parce qu’on ne sait pas très bien qui est “le peuple”. Et votre formule en atteste. Les citoyens “qui ont fait de longues études” font-ils partie du “peuple” ? Pas si je vous lis, puisque vous précisez que “le peuple a une intelligence politique MEME S’IL N’A PAS FAIT DE LONGUES ETUDES”. A vous lire, on a l’impression que “le peuple” est à la fois une personne (comment pourrait-il autrement “faire des études”) et un être collectif…
Bonjour Descartes,
[Cette leçon ne sera pas perdue pour tout le monde.]Je me suis fait la même réflexion lors de ces manifestations, à savoir que cela nous promet des mouvements musclés à l’avenir. D’ailleurs, ça a déjà commencé à droite à gauche: rappelons-nous la grève hors syndicats à la SNCF fin 2022. On risque d’assister à des modes d’action de ce genre avec des bases plus ou moins incontrôlables et très déterminées. La façon de gérer de Macron et du gouvernement conduit en effet tout droit à une conclusion assez simple: si on casse tout à 10, on obtient plus qu’en faisant grève à 2 millions.
[La réponse tient à l’intérêt qu’un groupe dominant peut tirer de la paix sociale : en renonçant en partie à utiliser sa force, la majorité gagne en légitimité.]On ne peut en effet être qu’abasourdi par la voracité des classes intermédiaires ces dernières années. Lors du confinement, Macron leur a donné 500 milliards pour qu’elles puissent regarder Netflix en pyjama pendant que les couches populaires allaient turbiner (je caricature un peu le trait), mais manifestement ce n’est pas encore assez. Curieusement, lorsqu’il fallait quelques millions pour sauver Pechiney, Usinor Sacilor, Rhône Poulenc (j’arrête là sinon j’en ai pour la nuit), on a eu droit au discours libéral sur les lois du marché et de la concurrence et il était normal de sacrifier tous ces “canards boîteux”. Comme quoi, quand les intérêts de certains sont menacés, l’argent se trouve rapidement…
@ FB
[« Je me suis fait la même réflexion lors de ces manifestations, à savoir que cela nous promet des mouvements musclés à l’avenir. D’ailleurs, ça a déjà commencé à droite à gauche: rappelons-nous la grève hors syndicats à la SNCF fin 2022. On risque d’assister à des modes d’action de ce genre avec des bases plus ou moins incontrôlables et très déterminées. La façon de gérer de Macron et du gouvernement conduit en effet tout droit à une conclusion assez simple: si on casse tout à 10, on obtient plus qu’en faisant grève à 2 millions.]
Tout à fait. Je garde toujours en tête l’adage qui veut qu’il vaille mieux discuter avec le dompteur qu’avec les lions. Si l’on affaiblit trop le dompteur, on risque de devoir ensuite négocier avec les fauves… Les partis et syndicats ouvriers n’ont pas seulement une fonction de représentation vers le haut, ils ont aussi une fonction d’organisation et de contrôle vers le bas – fonction qui les a rendus détestables aux yeux des gauchistes toujours persuadés, contre toute évidence, que la violence ne peut accoucher que de la révolution.
Mais pour qu’ils puissent jouer ce rôle, il faut faire attention de ne pas trop les affaiblir. Beaucoup de patrons s’imaginent qu’en tapant sur la CGT ils auront la paix sociale. C’est faux : une fois la CGT éradiquée, sa place est prise par des gens qui, contrairement à la CGT, auront des réactions imprévisibles et n’hésiteront pas à casser l’outil de travail. Est-ce que le patron y gagne ? Non. Pas plus que les salariés d’ailleurs. Et pourtant, beaucoup de patrons cèdent à une réaction épidermique au lieu de réfléchir… Tout comme les politiques d’ailleurs : combien pleurnichent aujourd’hui sur les couches populaires en déshérence qui ont tiré au canon hier contre le PCF !
Je me souviens d’avoir eu un grand chef qui n’arrêtait pas de répéter, chaque fois qu’il entendait un manager tenir un discours antisyndical, “notre intérêt est d’avoir une CGT forte”. Et d’expliquer que son intérêt était d’avoir un interlocuteur avec lequel on pouvait négocier en sachant qu’une fois un accord conclu il serait loyalement appliqué par les deux parties, sans surenchère. Ce n’était pas une question d’idéologie, mais d’intérêt bien compris.
Pourquoi écrire à ce sujet maintenant et pas après les élections législatives de 2017 ?
A cette époque Mounir Mahjoubi avait donné des ordres très claire à son groupe parlementaire de ne pas voter “pour” des amendements venant de l’opposition, de façon systématique.
[ Le socialisme existait avant Mitterrand et lui a survécu, le communisme existait avant Marchais et a continué sans lui. La droite gaulliste a survécu à Chaban et à Chirac.]
Vous parlez en termes de projet de société ? Parce-que le socialisme après Mitterrand, il faut me préciser ce que c’est ? Pareil pour le communisme et le gaullisme.
@ Glarrious
[« Pourquoi écrire à ce sujet maintenant et pas après les élections législatives de 2017 ? » A cette époque Mounir Mahjoubi avait donné des ordres très claire à son groupe parlementaire de ne pas voter “pour” des amendements venant de l’opposition, de façon systématique.]
Vous savez bien que je ne crois pas aux mouvements qui naissent de nulle part. La dégradation de notre démocratie commence bien avant, dans les années 1970, avec une polarisation croissante du débat politique. Déjà en 1981 le mépris de la majorité socialiste pour ses opposants – et ses alliés ! – était manifeste…
[« Le socialisme existait avant Mitterrand et lui a survécu, le communisme existait avant Marchais et a continué sans lui. La droite gaulliste a survécu à Chaban et à Chirac. » Vous parlez en termes de projet de société ? Parce-que le socialisme après Mitterrand, il faut me préciser ce que c’est ? Pareil pour le communisme et le gaullisme.]
Le communisme est un corpus idéologique et politique indépendant de ceux qui le portent. Et si on peut reprocher aux directions du PCF de s’en être plus ou moins éloignées ou de l’avoir trahi, c’est précisément parce qu’il existe et qu’il est toujours vivant. Même chose pour le gaullisme. Mais comment pourrait-on reprocher à LFI de s’éloigner de la pensée de Mélenchon, puisque LFI n’a aucune autonomie de pensée vis-à-vis de son fondateur ? Ce serait un peu comme reprocher à Mélenchon d’avoir trahi Mélenchon…
Bonsoir Descartes,
Un candidat élu avec l’investiture d’un parti, décide (pour une raison quelconque) de rompre le lien avec ledit parti. Est-il moralement tenu vis-à-vis de ses électeurs de remettre en jeu son mandat avant son terme légal ? (Cela dit, je suis comme comme vous, opposé au mandat impératif)
Pour le reste, je le reconnais, qu’il soit élu avec 100% – 1 voix ou 50% + 1 voix, un parti (ou coalition, y compris de circonstance et de facto) politique peut de la même façon complètement autiste, appliquer son programme, du moment que ça ne contrevient pas aux dispositions constitutionnelles, notamment celles garantissant à la minorité d’exprimer son mécontentement, mécontentement pouvant librement s’exprimer à la condition que cela se fasse sans violence, ni perfidie.
Bien entendu, agir de la sorte pour les politiques au pouvoir reste complètement con, mais il n’en reste pas moins légalement permis d’agir de la sorte.
Quant à la délibération, la seule qui vaille à mes yeux, est la campagne électorale, durant laquelle le corps électoral prend note des propositions et débats contradictoires, tant dans la forme que dans le fond, ainsi que le curriculum vitæ des différents candidats, pour effectuer son choix libre et éclairé quant aux personnes qui auront à gouverner les institutions.
Si comme vous, je considère que le mandat impératif serait suicidaire, compte tenu du nombre conséquent d’impondérables pesant sur la res publica, il n’en reste pas moins, sauf manœuvre dolosive, que le corps électoral doit s’attendre à un spectre de potentialités concernant les politiques mises en œuvre, et les électeurs ayant porté la majorité au pouvoir devant moralement assumer en bloc vis-à-vis d’eux même, (le vote se faisant à bulletin secret), sauf publiquement quand ils font la promotion d’un candidat, fut-ce par moindre mal, ledit spectre de potentialités. Ceci-dit, dans la mesure où il n’y a pas de mandat impératif pour les élus, les électeurs ayant porté au pouvoir lesdits élus peuvent contester leurs mesures. Assumer, y compris sciemment, avoir fait une connerie n’empêche pas de chercher à la rattraper.
Sachant qu’avec un réélection de Macron donnait une potentialité très haute à une réforme des retraites aboutissant à relevant l’âge de départ, potentialité confirmée avec la majorité LREM et ses alliés/LR à l’Assemblée nationale, les dirigeant syndicaux ayant donné un consigne de vote doivent assumer publiquement, avant toute confrontation, que cette réforme est le prix pour avoir fait battre la « haine ». S’ils avaient pris la peine de d’obtenir un compromis avec Macron, à savoir un soutien à sa réélection contre renoncement à ladite réforme, alors oui ils pourraient se sentir légitiment floués.
Ainsi, la CFE-CGC, selon votre interprétation, n’avait peut-être pas « besoin » de donner des consignes de vote, mais il n’en reste pas moins que c’est l’une des rares organisations syndicales qui peut avoir la conscience tranquille dans cette histoire.
Quant à moi, pour répondre à votre dernière question que vous m’aviez posé, si la NUPES (pour laquelle j’ai voté au second tour afin de priver LREM de majorité, mais sans faire publiquement part de mon choix avant l’issue du scrutin) avait contre mon attente obtenu une majorité, alors oui, je n’aurais pu qu’en vouloir à moi-même concernant la politique néfaste qu’ils auraient mis en œuvre.
@ François
[Un candidat élu avec l’investiture d’un parti, décide (pour une raison quelconque) de rompre le lien avec ledit parti. Est-il moralement tenu vis-à-vis de ses électeurs de remettre en jeu son mandat avant son terme légal ? (Cela dit, je suis comme comme vous, opposé au mandat impératif)]
La réponse institutionnelle à votre question est évidemment « non ». Les candidatures sont personnelles. L’investiture accordée par un parti n’est qu’une recommandation aux sympathisants de voter pour lui, et éventuellement la mise à disposition du candidat de certains moyens. Mais le fait d’investir un candidat ne crée aucun lien de subordination.
Sur le fond, la réponse est plus nuancée. Est-ce que le candidat doit son élection à cette investiture ? Ou a-t-il une légitimité personnelle dans sa circonscription ? On voit que le cas d’un député macroniste élu en 2017, quasiment inconnu dans sa circonscription et dont l’élection n’est due qu’à la bénédiction présidentielle n’est pas la même que celle d’un vieux grognard socialiste, communiste ou « républicain » connu de tous ses électeurs et qui aurait été élu avec ou sans investiture. Dans le premier cas, la question de savoir si une rupture avec l’organisation à qui il doit l’élection devrait le conduire à remettre son mandat en jeu se pose. Pas dans le deuxième cas.
[Bien entendu, agir de la sorte pour les politiques au pouvoir reste complètement con, mais il n’en reste pas moins légalement permis d’agir de la sorte.]
C’est toute la différence entre légalité et légitimité. Agir contre la volonté majoritaire de l’opinion n’est pas en soi illégal, mais entache sérieusement la légitimité.
[Quant à la délibération, la seule qui vaille à mes yeux, est la campagne électorale, durant laquelle le corps électoral prend note des propositions et débats contradictoires, tant dans la forme que dans le fond, ainsi que le curriculum vitæ des différents candidats, pour effectuer son choix libre et éclairé quant aux personnes qui auront à gouverner les institutions.]
Autrement dit, le peuple ne délibère qu’une fois tous les cinq ans. Je ne suis pas d’accord avec vous. Je pense qu’en démocratie la délibération est permanente. Si la constitution protège les libertés de réunion, de manifestation, de pétition ou de grève, ce n’est pas pour faire joli, ce n’est pas pour que le peuple puisse dire « je ne suis pas d’accord » et laisser les gouvernants continuer à gouverner comme si de rien n’était. Non, si le peuple a le droit de s’exprimer, les gouvernants ont un devoir de l’écouter et de prendre en compte cette expression. Pas pour la suivre aveuglement : l’élection les laisse libres de choisir par quel moyen et jusqu’à quel point ils en tiendront compte. Mais à force de tenir cette expression pour quantité négligeable, la démocratie s’abîme, parce que le peuple finit par rechercher d’autres moyens de se faire entendre, des moyens disons… plus radicaux !
[Sachant qu’avec une réélection de Macron donnait une potentialité très haute à une réforme des retraites aboutissant à relevant l’âge de départ, potentialité confirmée avec la majorité LREM et ses alliés/LR à l’Assemblée nationale, les dirigeant syndicaux ayant donné une consigne de vote doivent assumer publiquement, avant toute confrontation, que cette réforme est le prix pour avoir fait battre la « haine ».]
Je pense qu’il ne faut pas mélanger deux choses. Il y a une responsabilité individuelle qui accompagne le fait d’avoir voté ou fait voter pour un candidat – et accessoirement, il y a une responsabilité aussi liée au fait de ne pas avoir fait voter ou de ne pas avoir voté, parce que ceux qui se sont abstenus sont aussi responsables de la victoire de Macron que ceux qui ont voté pour lui. Mais l’étendue de cette responsabilité est relative. On peut parfaitement voter pour un candidat parce que 95% de son programme nous plait (ou parce qu’il est moins pire que celui de son adversaire) tout en étant bien décidé à s’opposer par tous les moyens au 5% restant. Seuls ceux qui ont voté Macron PARCE QUE il allait faire la réforme des retraites ont une responsabilité pleine et entière dans l’affaire. Je ne pense pas que ce soit le cas des syndicats.
[Quant à moi, pour répondre à votre dernière question que vous m’aviez posé, si la NUPES (pour laquelle j’ai voté au second tour afin de priver LREM de majorité, mais sans faire publiquement part de mon choix avant l’issue du scrutin) avait contre mon attente obtenu une majorité, alors oui, je n’aurais pu qu’en vouloir à moi-même concernant la politique néfaste qu’ils auraient mis en œuvre.]
Je pense que vous avez une vision un peu trop manichéenne de la responsabilité : soit on est responsable, soit on ne l’est pas. Personnellement, je pense qu’il y a différentes natures de responsabilité. Celui qui a voté Hitler par crainte du Front Populaire porte certes une responsabilité dans la Shoah, mais elle n’est pas de même nature que celui qui a voté Hitler parce qu’il adhérait dès le départ à son idéologie de suprématie raciale et à son projet de l’imposer par la force.
@Descartes
[C’est toute la différence entre légalité et légitimité. Agir contre la volonté majoritaire de l’opinion n’est pas en soi illégal, mais entache sérieusement la légitimité.]]
Ah mais l’action du gouvernement est parfaitement légitime, puisque ce gouvernement est l’émanation du suffrage universel ! Pour preuve, il y a une majorité de députés, représentants du peuple, pour le soutenir, comme l’atteste l’échec de la motion de censure.
[Autrement dit, le peuple ne délibère qu’une fois tous les cinq ans. Je ne suis pas d’accord avec vous. Je pense qu’en démocratie la délibération est permanente.]
Comme le disait Coluche, en dictature, c’est ferme ta gueule, en démocratie, c’est cause toujours. Plus sérieusement, l’élection (avec le référendum) est le SEUL processus de délibération qui est démocratique, car c’est le seul processus au travers de l’isonomie à représenter également les citoyens pour leur volonté politique. Les autres délibérations, c’est à celui qui a la plus grande gueule.
Aussi, je l’assume, les manifestations, ne sont qu’un paramètre/une contrainte parmi tant d’autres à prendre en compte dans l’action du gouvernement, au même titre que les marchés financiers. Un gouvernement peut céder face à des manifestations, mais ça n’est certainement pas une « victoire » de la démocratie, sauf cas extrême, où il se trouve effectivement une majorité du corps électoral dans la rue.
[Mais à force de tenir cette expression pour quantité négligeable, la démocratie s’abîme, parce que le peuple finit par rechercher d’autres moyens de se faire entendre, des moyens disons… plus radicaux !]
En somme, les zadistes, en particulier ceux de NDDL, ne sont que de pauvres gens du peuple, qui ont été insuffisamment entendus.
[Seuls ceux qui ont voté Macron PARCE QUE il allait faire la réforme des retraites ont une responsabilité pleine et entière dans l’affaire. Je ne pense pas que ce soit le cas des syndicats.]
En somme, les parlementaires qui on voté les pleins pouvoirs à Pétain ne portent pas de responsabilité pleine et entière dans les ignominies du régime de Vichy, puisqu’aucun (même ceux antisémites sur les bords) ne souhaitaient la déportations aboutissant à l’extermination des juifs.
[Je pense que vous avez une vision un peu trop manichéenne de la responsabilité : soit on est responsable, soit on ne l’est pas.]
Bien entendu, il y a une graduation, et c’est pour cela que l’on effectue une distinction entre l’homicide involontaire et volontaire. Mais in fine on en arrive au choix de coupable ou non coupable, avoir fait un mauvais usage de son libre arbitre ou non.
Bref, je me répète, mais à partir d’un moment, faut arrêter de chouiner de se faire croquer par le loup alors que l’on s’est soi-même jeté dans sa gueule, de dire que c’est injuste.
Et que Philippe Martinez assume publiquement de n’être au fond qu’un syndicaliste jaune parmi d’autres, disposé à ce que l’on rétablisse l’esclavage, pour peu que cela lui permette de conserver sa bonne conscience de minable petit bourgeois.
Je le reconnaît, je suis un con borné, mais encore une fois, fallait pas (appeler à) voter Macron. On sait depuis longtemps que Macron est un enfoiré, aussi il ne faut pas s’étonner qu’il se comporte comme un enfoiré. Les excuses à deux balles, comme quoi c’était ça où le retour du nazisme, ça suffit. On cède au chantage affectif, tant pis. Point à la ligne.
@ François
[« C’est toute la différence entre légalité et légitimité. Agir contre la volonté majoritaire de l’opinion n’est pas en soi illégal, mais entache sérieusement la légitimité. » Ah mais l’action du gouvernement est parfaitement légitime, puisque ce gouvernement est l’émanation du suffrage universel !]
Vous allez un peu vite. Votre point de vue équivaut à dire que par l’élection le citoyen donne un chèque en blanc à l’élu, que celui-ci peut se prévaloir de ce mandat pour faire tout ce qui lui passe par la tête. Personnellement, je rejette avec la dernière vigueur cette interprétation. Pour moi, l’élu ne reçoit des électeurs qu’un mandat limité. On élit quelqu’un parce qu’on lui fait confiance pour tenir les leviers de l’Etat. Mais il ne peut pas faire de ces leviers ce qu’il veut. Il est tenu de légitimer les politiques qu’il entend appliquer dans un débat avec la société. Autrement dit, il y a une dialectique entre l’élu et le citoyen qui est permanente, et ne se réduit pas à l’acte électoral.
[Plus sérieusement, l’élection (avec le référendum) est le SEUL processus de délibération qui est démocratique, car c’est le seul processus au travers de l’isonomie à représenter également les citoyens pour leur volonté politique. Les autres délibérations, c’est à celui qui a la plus grande gueule.]
Je ne suis pas d’accord. Vous réduisez le processus délibératif au vote, mais le débat, la pétition, la manifestation, l’interpellation font aussi partie du processus délibératif. Lorsque la démocratie fonctionne, l’élu en écoute les échos et en subit les influences.
[Aussi, je l’assume, les manifestations, ne sont qu’un paramètre/une contrainte parmi tant d’autres à prendre en compte dans l’action du gouvernement, au même titre que les marchés financiers. Un gouvernement peut céder face à des manifestations, mais ça n’est certainement pas une « victoire » de la démocratie, sauf cas extrême, où il se trouve effectivement une majorité du corps électoral dans la rue.]
Je pense que c’est beaucoup plus complexe que cela. Les manifestations témoignent d’un climat. Lorsque les manifestations sont massives et massivement soutenues par ceux qui ne manifestent pas, la question de la légitimité de la décision contestée se pose, et le gouvernement qui en tire les conclusions accomplit un acte éminemment démocratique. Pensez-vous que le recul de Mitterrand sur la loi Savary, par exemple, était contraire à la démocratie ?
[« Mais à force de tenir cette expression pour quantité négligeable, la démocratie s’abîme, parce que le peuple finit par rechercher d’autres moyens de se faire entendre, des moyens disons… plus radicaux ! » En somme, les zadistes, en particulier ceux de NDDL, ne sont que de pauvres gens du peuple, qui ont été insuffisamment entendus.]
Si les zadistes de NDDL avaient été massivement soutenus par les Nantais, leur victoire aurait été une victoire de la démocratie. Le problème avec NDDL est précisément que les zadistes étaient désespérément minoritaires. Ils ont gagné CONTRE l’avis des citoyens, plusieurs fois exprimé sans aucune ambiguïté.
[En somme, les parlementaires qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain ne portent pas de responsabilité pleine et entière dans les ignominies du régime de Vichy, puisqu’aucun (même ceux antisémites sur les bords) ne souhaitaient la déportation aboutissant à l’extermination des juifs.]
Tout à fait. Les élus qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain portent certainement la responsabilité d’avoir porté atteinte aux institutions républicaines. Mais aucun à ma connaissance s’est vu reprocher une quelconque responsabilité dans la Shoah. Même les épurateurs les plus fanatiques n’ont soutenu pareille théorie…
@Descartes,
[Vous allez un peu vite. Votre point de vue équivaut à dire que par l’élection le citoyen donne un chèque en blanc à l’élu, que celui-ci peut se prévaloir de ce mandat pour faire tout ce qui lui passe par la tête.]
Si la légalité constitutionnelle de cette réforme est en cours de discussion, sa légitimité, elle ne fait guère de doutes. En effet, cette mesure était au cœur du programme électoral de Macron. Les Français ne peuvent pas dire qu’ils ont été trompés sur ce sujet.
Ont-ils été trop cons pour céder une seconde fois à un stupide chantage affectif ? Dans ce cas, tant pis pour eux, ils méritent encore plus de bien se faire enculer.
Errare humanum est, perseverare diabolicum
[Je ne suis pas d’accord. Vous réduisez le processus délibératif au vote, mais le débat, la pétition, la manifestation, l’interpellation font aussi partie du processus délibératif. Lorsque la démocratie fonctionne, l’élu en écoute les échos et en subit les influences.]
Manifestants et pétitionnaires ne représentent qu’eux mêmes. Si du point de vue de l’intelligence politique il peut être pertinent de les écouter, ne pas le faire, sauf spécifications légales contraires, ne constitue nullement un déni de démocratie. Non, intelligence politique ne rime nullement avec démocratie.
[Pensez-vous que le recul de Mitterrand sur la loi Savary, par exemple, était contraire à la démocratie ?]
Oui, au même titre qu’un gouvernement qui se renie, en cherchant à donner des gages aux marchés financiers.
Je dirais même plus : le fait que le gouvernement Borne se soit résigné de relever l’âge de départ à la retraite à 64 ans au lieu des 65 ans initialement promis, constitue une défaite pour la démocratie.
[Si les zadistes de NDDL avaient été massivement soutenus par les Nantais, leur victoire aurait été une victoire de la démocratie. Le problème avec NDDL est précisément que les zadistes étaient désespérément minoritaires. Ils ont gagné CONTRE l’avis des citoyens, plusieurs fois exprimé sans aucune ambiguïté.]
Eh bien dans notre cas, c’est d’avoir élu, puis lui avoir donné une majorité de circonstance, un candidat qui avait promis de relever l’âge de départ à la retraite.
[Même les épurateurs les plus fanatiques n’ont soutenu pareille théorie…]
Eh bien ils ont eu tort. Qui signe un chèque en blanc doit en assumer le découvert.
Exactement ce que le syndicaliste jaune, pour consoler sa bonne conscience de minable petit bourgeois, qu’est Philippe Martinez a fait : donner un chèque en blanc, en appelant inconditionnellement à voter pour Macron.
@ François
[« Vous allez un peu vite. Votre point de vue équivaut à dire que par l’élection le citoyen donne un chèque en blanc à l’élu, que celui-ci peut se prévaloir de ce mandat pour faire tout ce qui lui passe par la tête. » Si la légalité constitutionnelle de cette réforme est en cours de discussion, sa légitimité, elle ne fait guère de doutes. En effet, cette mesure était au cœur du programme électoral de Macron. Les Français ne peuvent pas dire qu’ils ont été trompés sur ce sujet.]
Pas du tout. Dans son programme électoral, Macron parlait de recul à 65 ans, pas à 64. Si vous adhérez à l’idée que le vote constitue un mandat pour mettre en œuvre son programme, alors Macron a un mandat pour reculer à 65 ans, et en substituant 64 à 65 il trahit ce mandat. Si je suis votre raisonnement, le vote est non seulement un mandat, mais un chèque en blanc. Non seulement l’homme politique peut mettre en œuvre « légitimement » ce qui figure sur son programme, mais il peut en changer les paramètres comme il veut sans avoir à demander l’avis de ses électeurs…
Au risque de me répéter : pour moi, le vote n’est qu’un acte de confiance. Je vote pour envoyer quelqu’un à l’Elysée ou à l’Assemblée parce que j’ai confiance en lui pour conduire le char de l’Etat en écoutant le peuple, en faisant les bons compromis, en rendant les bons arbitrages. Le programme qu’il expose me permet de mieux le connaître, de savoir quels sont ses penchants, ses principes, ses envies. Mais en votant pour lui, je ne donne aucun mandat sur son programme. Une fois élu, c’est à lui de proposer des mesures et d’obtenir autour d’elles un consensus qui seul leur donnera une légitimité.
Autrement dit, pour moi la démocratie est un processus de tous les jours, dans lequel l’homme politique doit écouter et négocier en permanence avec le peuple. Et non un système dans lequel on donne à une équipe le pouvoir de gérer comme ils l’entendent le pays sans avoir à se soucier de ce que le peuple pense.
[Ont-ils été trop cons pour céder une seconde fois à un stupide chantage affectif ? Dans ce cas, tant pis pour eux, ils méritent encore plus de bien se faire enculer. Errare humanum est, perseverare diabolicum.]
Ca, c’est une position morale, et non politique. Vous avez été déçu par le peuple, vous voulez le voir puni. C’est compréhensible, mais cela ne fait pas avancer les choses…
[« Manifestants et pétitionnaires ne représentent qu’eux-mêmes. »]
Les électeurs aussi, si vous allez par là… encore que ce soit discutable. Manifestants et pétitionnaires ne sont souvent que la face visible d’un iceberg beaucoup plus profond, fait de gens qui pour des raisons diverses ne peuvent ou ne veulent manifester ou pétitionner, mais qui sont bien contents que d’autres le fassent à leur place. Les élus ne sont pas les seuls « représentants » du peuple. Les manifestations, les pétitionnaires, les militants le sont aussi, même si leur représentativité n’est pas du même ordre.
[Si du point de vue de l’intelligence politique il peut être pertinent de les écouter, ne pas le faire, sauf spécifications légales contraires, ne constitue nullement un déni de démocratie. Non, intelligence politique ne rime nullement avec démocratie.]
Pour vous, la démocratie vue du peuple se réduit à l’acte électoral. Une fois les élus mandatés, cela se passe en dehors du peuple jusqu’à la prochaine élection. Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas d’accord. Pour moi, la démocratie est un processus continu, qui implique un dialogue permanent entre l’élu et le peuple, dialogue qui prend toutes sortes de formes. Et lorsque les élus n’écoutent plus le peuple, ne dialoguent plus avec lui, et conçoivent leur fonction comme celle d’imposer au peuple les « bonnes » réformes qu’il le veuille ou pas, la démocratie entre en crise.
[« Pensez-vous que le recul de Mitterrand sur la loi Savary, par exemple, était contraire à la démocratie ? » Oui, au même titre qu’un gouvernement qui se renie, en cherchant à donner des gages aux marchés financiers.]
Pardon, une petite remarque de vocabulaire : les « marchés financiers » ne sont pas des personnes. Le marché, c’est un mécanisme. Lorsqu’on parle de « donner des gages aux marchés financiers », on comment un abus de langage : en fait, ceux à qui on donne des gages, c’est à la classe qui détient le capital. La précision des termes est ici importante.
Sur le fond : je pense que votre vision est finalement celle d’un gouvernement solitaire, insensible à toute sollicitation de la société. Un gouvernement qui exécuterait un programme, celui pour lequel il aurait reçu mandat lors de l’élection, et rien de plus. Et notez qu’un tel gouvernement ne saurait comment réagir devant une situation imprévue. Car dès qu’il essaierait de faire ce qui n’est pas écrit dans son programme, sa légitimité s’épuise. En effet, où aller chercher la légitimité pour prendre une mesure imprévue, si ce n’est dans le dialogue avec la société ? Or, ce dialogue implique un arbitrage entre les différents groupes, et cet arbitrage aboutit forcément à « donner des gages » à tel ou tel groupe…
Finalement, cet échange montre que vous avez une vision presque mécanique de la démocratie. Si l’on vous suit, finalement, on n’a pas besoin d’un gouvernement politique. On pourrait imaginer un système ou les politiques proposeraient un programme, et une fois le vote achevé on transmettrait le programme en question à une administration qui le mettrait en œuvre sans changer un iota, jusqu’à l’élection suivante. Car à quoi servent les politiques, si ce n’est à sentir le pouls du pays, à dialoguer avec le peuple, à adapter leurs politiques en fonction de ce dialogue ? S’il ne s’agit que de mettre en œuvre les mesures pour lesquelles on a reçu mandat, un fonctionnaire peut le faire aussi bien qu’un politique.
[Je dirais même plus : le fait que le gouvernement Borne se soit résigné de relever l’âge de départ à la retraite à 64 ans au lieu des 65 ans initialement promis, constitue une défaite pour la démocratie.]
Autrement dit, le projet de loi voté n’est pas légitime, puisqu’il ne correspond pas au mandat reçu par le président ? Je vous rappelle que plus haut vous avez dit exactement le contraire.
[« Si les zadistes de NDDL avaient été massivement soutenus par les Nantais, leur victoire aurait été une victoire de la démocratie. Le problème avec NDDL est précisément que les zadistes étaient désespérément minoritaires. Ils ont gagné CONTRE l’avis des citoyens, plusieurs fois exprimé sans aucune ambiguïté. » Eh bien dans notre cas, c’est d’avoir élu, puis lui avoir donné une majorité de circonstance, un candidat qui avait promis de relever l’âge de départ à la retraite.]
Sauf que les électeurs se sont prononcés sur un HOMME et non sur un PROGRAMME. Dans le cas de NDDL, les Nantais se sont prononcés, eux, sur le point précis de savoir si l’aéroport devait ou non être construit. C’est là toute la différence. J’élis un homme qui fait 100 propositions, et je ne suis pas du tout d’accord avec l’une d’entre elles. Est-ce que mon vote vaut mandat pour la mettre en œuvre ? Ma réponse est « non ».
[« Même les épurateurs les plus fanatiques n’ont soutenu pareille théorie… » Eh bien ils ont eu tort. Qui signe un chèque en blanc doit en assumer le découvert.]
Sauf que, justement, l’élection ne vaut pas « chèque en blanc ». C’est là le point vital de notre désaccord. Pour vous, le vote vaut délégation générale, permettant à l’élu de faire ce qu’il veut en votre nom. Pour moi, la délégation n’est qu’une marque de confiance, mais elle ne confère pas de mandat.
@Descartes,
[Ca, c’est une position morale, et non politique. Vous avez été déçu par le peuple, vous voulez le voir puni.]
Ça serait mentir de dire, que pendant que ce pays est en train de devenir une sinistre farce, qu’effectivement, je suis déçu que les Français ne se mobilisent seulement que pour leur petit confort. Si à la place de réforme des retraites, il s’agissait de se mobiliser contre un énième traité européen aliénant des tranches de souveraineté supplémentaires, eh bien j’aurais eu plus de compassion envers les manifestants, même si j’aurais continué de penser que la situation aurait été parfaitement évitable.
Mais bon, en dehors de mon jugement personnel sur la légitimité des aspirations de mes compatriotes, sincèrement, à quoi concrètement ils s’attendaient en élisant, puis réélisant Macron ? Car que ce soit sur la base d’un programme, fut-ce appliqué de façon « souple », ou un « acte de confiance » sur une capacité d’écoute, etc, on ne peut pas sincèrement, compte tenu de sa sociopathie flagrante, de son obsession pour cette réforme afin de « marquer l’histoire », affirmer que les choses auraient du se passer autrement.
À partir d’un moment, la situation actuelle est le résultat d’une relation de cause à effet qui trouve son origine dans le vote issu du libre arbitre des Français et dont ils ne pouvaient nier le résultat. Ils en sont donc responsables.
[C’est compréhensible, mais cela ne fait pas avancer les choses…]
Oh, vous savez, ça n’est pas demain la veille que je vais me retrouver à des postes de responsabilités politiques ou même d’être écouté par des responsables politiques. À partir de là, faire des réflexions constructives ou balancer mes états d’âme, ça n’est pas ça qui va résoudre la crise actuelle.
[Pour vous, la démocratie vue du peuple se réduit à l’acte électoral. Une fois les élus mandatés, cela se passe en dehors du peuple jusqu’à la prochaine élection. Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas d’accord.]
Eh bien ça sera notre point de désaccord irréductible concernant la vision de la démocratie, délégation de jure sur la base d’un projet politique, contre légitimation quotidienne de facto sur la base d’une personnalité. Si « l’écoute » était si importante dans le processus démocratique, alors les constitutionnalistes l’auraient dument consignée dans les lois fondamentales.
[Sur le fond : je pense que votre vision est finalement celle d’un gouvernement solitaire, insensible à toute sollicitation de la société. Un gouvernement qui exécuterait un programme, celui pour lequel il aurait reçu mandat lors de l’élection, et rien de plus.]
Est-ce grave ? Par ailleurs, je rappelle que je n’exclue nullement l’intelligence politique, et donc pour s’assurer de la bonne application du programme qu’il est effectivement pertinent de préalablement d’obtenir des relais politiques dans la société.
[Car dès qu’il essaierait de faire ce qui n’est pas écrit dans son programme, sa légitimité s’épuise.]
Eh bien dans ce cas il convoque des élections anticipées, organise un référendum, ou à défaut, dégage sèchement à l’issue de son mandat.
[Finalement, cet échange montre que vous avez une vision presque mécanique de la démocratie.]
C’est mon côté saint-simonien.
[en fait, ceux à qui on donne des gages, c’est à la classe qui détient le capital. La précision des termes est ici importante.]
Si vous voulez. Ce que je voulais dire par là, c’est qu’il y a des contraintes dans l’action politiques, au même titre que les lois de la physique.
Par ailleurs, je note que vous déplorez la prédominance des « classes intermédiaires » dans le processus de décision politique, notamment par sa propension à (trop) se faire entendre. Si demain, un candidat issu d’un « acte de confiance » dans l’intérêt des classes populaires, devra t-il prendre en compte le mécontentement des « classes intermédiaires », leur « donner des gages » ?
En faisant abstraction du coup d’état qui lui fut fatal, Salvador Allende aurait-il du faire des concessions à l’encontre de ces classes ?
@ François
[Mais bon, en dehors de mon jugement personnel sur la légitimité des aspirations de mes compatriotes, sincèrement, à quoi concrètement ils s’attendaient en élisant, puis réélisant Macron ?]
J’ai l’impression qu’ils attendaient un gouvernant « raisonnable », qui mettrait en œuvre son programme avec une certaine prudence. On pouvait penser qu’après la crise des « Gilets Jaunes », après le retrait de la réforme des retraites « à points », Macron avait appris une ou deux choses sur le pays qu’il prétend gouverner. D’ailleurs, il avait cherché à le faire croire, en multipliant les discours sur « une nouvelle façon de gouverner » et en affirmant « avoir compris et avoir appris de ses erreurs ».
Si je n’ai pas voté Macron, c’est parce que personnellement je n’y ai jamais cru. A Macron et son équipe on peut appliquer valablement la formule de Talleyrand : « Ils n’ont rien oublié, et rien appris ». La structure même du macronisme, son manque d’empathie avec le pays – alimentée par une grande méconnaissance de sa sociologie et de son histoire – et son messianisme délirant rendaient à mon avis impossible tout apprentissage, toute remise en cause. Mais c’était là mon opinion personnelle. D’autres ont cru que Macron 2022 était très différent de Macron 2017…
[À partir d’un moment, la situation actuelle est le résultat d’une relation de cause à effet qui trouve son origine dans le vote issu du libre arbitre des Français et dont ils ne pouvaient nier le résultat. Ils en sont donc responsables.]
Oui, mais cette responsabilité doit être nuancée. Celui qui se trompe doit assumer une responsabilité, mais ce n’est pas la même que celui qui choisit en toute conscience des conséquences de son vote. Bien sûr, on peut dire aux électeurs trompés – comme le faisait dire Le Luron à Mitterrand – « vous n’aviez qu’à réfléchir avant »…
[Si « l’écoute » était si importante dans le processus démocratique, alors les constitutionnalistes l’auraient dument consignée dans les lois fondamentales.]
Ils l’ont fait. Pourquoi consigner dans la constitution les droits de pétition, de manifestation, de grève, si ce n’est parce que ces actes contribuent au fonctionnement des institutions démocratiques ? Si l’on suit votre logique, ce droit ne sert strictement à rien : si la pétition va dans le même sens que le mandat reçu lors de l’élection, elle est inutile. Si elle va dans le sens contraire, l’autorité qui en tiendrait compte trahirait son mandat… vous le voyez, le droit de pétitionner, de manifester, de faire la grève n’a de sens que si l’on admet que ces actes peuvent changer la décision de l’autorité, et donc que celle-ci écoute…
[« Sur le fond : je pense que votre vision est finalement celle d’un gouvernement solitaire, insensible à toute sollicitation de la société. Un gouvernement qui exécuterait un programme, celui pour lequel il aurait reçu mandat lors de l’élection, et rien de plus. » Est-ce grave ?]
Gravissime. C’est toute la différence entre manger au menu et à la carte. Avec votre logique, si je vote pour un candidat parce que j’apprécie 50% des mesures qu’il propose, je lui donne automatiquement mandat pour mettre en œuvre les 50% qui me répugnent. Avec cette logique, je ne m’imagine votant pour aucun des candidats qui se sont succédés en France depuis Mac Mahon. Parce que chez chaque candidat vous trouverez dans son programme une mesure qui est pour vous inacceptable. Si j’ai pu voter pour des candidats, c’est parce que je sais qu’en démocratie il y a toujours un « troisième tour » au cour duquel je pourrais combattre une mesure qui me déplait, même si elle est proposée par le candidat que j’ai voté.
[Par ailleurs, je rappelle que je n’exclue nullement l’intelligence politique, et donc pour s’assurer de la bonne application du programme qu’il est effectivement pertinent de préalablement d’obtenir des relais politiques dans la société.]
Faut savoir. Si vous pensez que l’élu reçoit un mandat pour exécuter un programme, alors ce mandat exclut tout compromis. Car si vous avez gagné l’élection en promettant de mettre l’âge de départ à la retraite à 65 ans, vous ne pouvez pas, sans trahir le mandat, décider tout à coup que ce sera plutôt 64. Et comment voulez-vous « obtenir des relais politiques dans la société » si vous n’avez aucune marge pour faire des compromis ?
C’est là une des raisons pour lesquelles l’idée d’un « mandat impératif » n’a jamais prospéré. Et pourtant, c’est cette idée que vous – et vous n’êtes pas le seul – défendez.
[« Car dès qu’il essaierait de faire ce qui n’est pas écrit dans son programme, sa légitimité s’épuise. » Eh bien dans ce cas il convoque des élections anticipées, organise un référendum, ou à défaut, dégage sèchement à l’issue de son mandat.]
Vous voulez dire que pour passer de 65 ans, qui était sa proposition originale sur laquelle il avait été élu – à 64 ans, Macron devrait convoquer des élections anticipées ou organiser un référendum ? (je laisse de côté le « dégage sèchement à l’issue de son mandat », qui n’apporte aucune solution au problème posé).
[Par ailleurs, je note que vous déplorez la prédominance des « classes intermédiaires » dans le processus de décision politique, notamment par sa propension à (trop) se faire entendre. Si demain, un candidat issu d’un « acte de confiance » dans l’intérêt des classes populaires, devra-t-il prendre en compte le mécontentement des « classes intermédiaires », leur « donner des gages » ?]
S’il veut rester dans un cadre démocratique, oui, sans aucun doute. L’ampleur des « gages » consentis dépendant bien entendu du rapport de forces. Mais imaginer qu’on pourrait plumer les classes intermédiaires en faisant comme si elles n’avaient pas de poids dans la société me paraît très dangereux !
[En faisant abstraction du coup d’état qui lui fut fatal, Salvador Allende aurait-il dû faire des concessions à l’encontre de ces classes ?]
Mais vous ne pouvez pas « faire abstraction du coup d’Etat », qui trouve son origine précisément dans la rupture du « pacte démocratique » avec les classes intermédiaires ! Si Allende avait su ou pu faire certaines concessions aux classes intermédiaires, le coup d’Etat n’aurait pas eu lieu. Est-ce que les intérêts des classes populaires auraient plus souffert de ces concessions que de la dictature ? Sur cette question, les avis diffèrent…
Entendons-nous bien : je ne dis pas que la démocratie soit le seul régime politique possible, ni même le seul régime politique acceptable. Tout ce que je dis, c’est que la démocratie repose sur un « pacte démocratique », dans lequel chaque classe, chaque groupe d’intérêt renonce à renverser la table en échange de certaines garanties que ses réclamations seront entendues, que ses intérêts seront pris en compte. Lorsque ce « pacte » est rompu, la démocratie s’étiole et on revient à une logique de rapport de force « nu ». Si on veut conserver une démocratie – régime qui a tout de même quelques avantages – alors il faut être prêt à payer le prix, et le prix est une logique d’écoute et de compromis.
@Descartes
Pendant ce temps, Versailles danse.
La semaine dernière, notre secrétaire d’État à l’égalité des chances, entre autres titres ronflants, roucoulait sous l’objectif de Paris Match sur quatre pages.
Outre cette romance à la guimauve du genre roman de gare sentimental, il y a bien autre chose. Cette dame Schiappa, auteur(e) prolifique d’une certaine littérature coquine, (les bons conseils pour réussir une petite gâterie, par exemple), était il y a guère, une voix omniprésente pour la condition féminine et la lutte contre les violences faites aux femmes. Sauf que le reportage de Paris Match, qui l’ étalait avec son nouveau compagnon, tombe la même semaine où l’on a compté trois assassinats de femmes par leur conjoint en deux jours sans qu’elle en dise un mot. Je suis allée par curiosité regarder son agenda officiel, eh bien beaucoup de mousse, de rencontres plus ou moins formelles, mais pour le reste…
Cette dame est une figure emblématique de la Macronie. On l’a envoyée en décembre vendre à New York et en particulier devant l’ONU, le modèle français de la solidarité mutualiste associative. (N’oublions pas que la réforme de la Sécu est à l’étude à petit bruit) et que les mutuelles représentent un gros morceau, dont la puissante MGEN.). Or, elle emporte avec elle dans ses bagages quelques décideurs, dont justement l’inénarrable Matthias Savignac, président de la MGEN et au conseil d’administration de la mutualité française, entre autres . Et pan, ils tombent immédiatement sous le charme et toutes affaires cessantes, convoquent Paris Match pour immortaliser leurs amours sur papier glacé. Oui, oui, pendant que la réforme des retraites met à mal l’Egalité des chances, vu l’injustice de la retraite des femmes. Chacun vit sa vie, mais quand on envoie un ministre et sa délégation devant l’ONU, ce n’est pas très malin de donner à voir cette romance lors d’un voyage aux frais du contribuable (et du sociétaire MGEN), dont on ne saura jamais rien des résultats, et en général l’hébergement n’est pas dans des hôtels misérables.
Qu’apprendre de m.Savignac. D’abord qu’il est athlétique, tatoué et baraqué, avec une bague rock’n Roll. Qu’il s’est bien vanté de ses parents communistes et cegetistes, et que lui même a été biberonné au syndicalisme( sic). Qu’il a été instituteur spécialisé pour les élèves en difficulté.
Mettons.En fait, aprés avoir très très peu enseigné, il a filé vers les USA et le Canada pour en revenir avec des diplômes d’écoles prestigieuses de commerce et de management , revenu en France se fait introduire dans une délégation départementale MGEN par ses beaux-parents, puis peu à peu grignote les étapes vers la direction. C’est là qu’il soigne son image de fils de rouge respectueux des valeurs de la gauche, pour conquérir ce bastion socialiste et laïque. Sauf que ça coince un peu au sommet, car il est arrivé sous l’aile de macronistes déclarés, et les militants MGEN sont assez remontés. Dès lors, le voici transformé en VRP de cette puissante mutuelle , faisant sa promotion à l’international (Amérique du Sud, Maroc, Sénégal, USA…) avec un défraiement digne des émirats. Pendant ce temps, les cotisations MGEN demeurent très élevées, mais bon. Comme cette mutuelle n’est pas sur le marché boursier, on se doute que cela doit en faire saliver certains. Et les méthodes managériales de m. Savignac, au bout de deux ans, font grincer des dents dans plusieurs délégations régionales.
Le voici donc en couple du jour au lendemain avec une représentation de la macronie décomplexée, et c’est bien sûr Elisabeth Borne qui hérite de tout le pan des dossiers des mutuelles, pour éviter les conflits d’intérêt. Tu parles, c’est cousu de fil blanc, et personne ne réagit, sauf que cumuler le dossier des retraites et celui des mutuelles, dans le contexte actuel, c’est, comment dire …
En revanche, dans le reportage en question , on insiste sur le côté beau ténébreux rebelle du monsieur, en oubliant que non, il n’est pas”homme d’affaires” comme le dit Paris Match, mais président d’une des plus grosses mutuelles françaises, celle de l’Éduc nat, qui ces derniers temps a multiplié les fusions et est désormais ouverte à tous.
On est prié de s’extasier sur la franchise de Mme Schiappa, qui a le courage de se séparer d’un mari qui saura prendre soin des enfants, on passe totalement sous silence le fait que Matthias Savignac a aussi une épouse qui lui a été fort utile dans son ascension, et deux enfants dont on peut deviner l’embarras en voyant leur prestigieux père décrit comme un tatoué athlétique, et dont on suppose, vu l’expertise de mme Schiappa en la matière, qu’il doit être une bonne affaire au lit.
Si j’explique tout cela, c’est juste pour montrer que le bal à Versailles est tout sauf superficiel, et que les appétits sont aiguisés.
Concernant votre titre, peut-on supposer que c’est parce qu’il n’y a plus de démocratie, qu’il n’y a plus d’écoute?
Il me semble que vous avez fait exactement la même fin sur un texte concernant les Gilets jaunes. Cela fait quelque temps, dix-quinze ans, que nous pouvons savoir que les syndicats classiques canalisent la révolte pour la neutraliser. Manifester et bloquer des routes ou des gares ne dérange plus le gouvernement. A la quatrième manifestation, les gens qui défilent sont moins nombreux. Après une semaine de blocage, une partie des Français bascule dans le refus du mouvement. Aujourd’hui, je crois que ceux qui refusent le recul de l’âge de la retraite, tout en étant européistes, ont pour objectif de canaliser la révolte, la laisser échouer tout en conservant leurs militants et leurs électeurs. Cela concerne aussi bien des syndicats que des partis politiques comme LFI et le RN.
Je ne comprends pas quelque chose. Si c’est bien la commission de Bruxelles qui nous dirige et qu’elle veut reculer l’âge de la retraite, n’est-il pas contradictoire de refuser cette réforme tout en continuant d’être européiste ou de manifester en mettant la pression sur le gouvernement français plutôt que sur la commission de Bruxelles? Et si jamais j’ai raison, votre texte donne l’impression que l’UE n’existe pas, que l’affaire ne concerne que les Français et leur gouvernement.
@ vladimir
[Concernant votre titre, peut-on supposer que c’est parce qu’il n’y a plus de démocratie, qu’il n’y a plus d’écoute?]
C’est plutôt l’inverse. Ce que j’ai voulu dire – et j’espère que cela apparaît clairement dans l’article – est que l’obligation d’écoute fait partie du processus démocratique, quand bien même cette obligation n’apparaît écrite nulle part.
[Cela fait quelque temps, dix-quinze ans, que nous pouvons savoir que les syndicats classiques canalisent la révolte pour la neutraliser. Manifester et bloquer des routes ou des gares ne dérange plus le gouvernement.]
Pourquoi utilisez-vous le mot « plus » ? Pourquoi manifester et bloquer routes et gares « dérangeait le gouvernement » hier et ne le dérange « plus » aujourd’hui, à votre avis ?
Maintenant sur le fond, je ne sais pas ce que c’est les « syndicats classiques », et quelle serait la différence avec les syndicats « non classiques ». Mais au-delà de cette distinction, je ne vois pas très bien en quoi les syndicats « canalisent la révolte pour la neutraliser ». Pour cela, il faudrait qu’il y ait une « révolte » à neutraliser. C’est bien là que le bât blesse. Où est votre « révolte » ? Où voyez-vous des gens prêts à monter sur des barricades, à se lancer dans une grève générale longue ? Croyez-vous vraiment que si au lieu de « canaliser la révolte pour la neutraliser » la CFDT appelait demain ses adhérents à arrêter le travail jusqu’au retrait de la loi, elle serait suivie ? Vous rêvez. Ce n’est pas parce que les gens disent dans un micro-trottoir qu’ils ne sont pas contents qu’on est devant une « révolte ». Une « révolte » suppose qu’on est prêt à payer un prix éventuellement très élevé pour faire valoir son point de vue. Pensez-vous vraiment que ce soit le cas aujourd’hui ?
Vous noterez par ailleurs que la grève n’est pas un outil désigné pour gêner « le gouvernement », mais pour gêner le patron. Le fait que le gouvernement ait remplacé le patron en tant que cible, glissement qu’on avait déjà pu observer lors du conflit des « Gilets Jaunes », me paraît très significatif.
[A la quatrième manifestation, les gens qui défilent sont moins nombreux. Après une semaine de blocage, une partie des Français bascule dans le refus du mouvement. Aujourd’hui, je crois que ceux qui refusent le recul de l’âge de la retraite, tout en étant européistes, ont pour objectif de canaliser la révolte, la laisser échouer tout en conservant leurs militants et leurs électeurs. Cela concerne aussi bien des syndicats que des partis politiques comme LFI et le RN.]
J’aimerais bien connaître l’alternative que vous proposez. Si vous étiez dans le fauteuil de Martinez ou de Berger, dans celui de Mélenchon ou de MLP, que feriez-vous ?
[Je ne comprends pas quelque chose. Si c’est bien la commission de Bruxelles qui nous dirige et qu’elle veut reculer l’âge de la retraite, n’est-il pas contradictoire de refuser cette réforme tout en continuant d’être européiste ou de manifester en mettant la pression sur le gouvernement français plutôt que sur la commission de Bruxelles?]
Il faut se méfier des raisonnements mécanistes. Ce n’est pas « la commission de Bruxelles qui nous dirige ». Il y a une dialectique entre les institutions européennes et les nôtres. Il est clair que certains choix faits au niveau européen contraignent nos gouvernements, mais de là à dire que « Bruxelles nous dirige », il y a un pas.
Pour ce qui concerne les retraites, il me semble excessif de dire que le recul de l’âge est imposé par Bruxelles. Même si Bruxelles n’existait pas, la question de l’équilibre des régimes de retraites se poserait. Le retour à la souveraineté pleine et entière n’implique pas une autorisation à vivre éternellement à crédit. Maintenant, à la question de l’équilibre on peut donner plusieurs réponses. Si l’allongement de l’espérance de vie impose des dépenses plus lourdes, celles-ci peuvent être financées par des prélèvements plus ou moins justes, par une diminution des prestations plus ou moins ciblées. Et certaines de ces solutions sont bien entendu limitées par les contraintes européennes.
[Et si jamais j’ai raison, votre texte donne l’impression que l’UE n’existe pas, que l’affaire ne concerne que les Français et leur gouvernement.]
J’en suis convaincu. Si l’on choisit un recul uniforme de l’âge de la retraite plutôt qu’un recul en fonction de la pénibilité des métiers, c’est un choix purement franco-français pour préserver un système qui avantage les couches intermédiaires. Cela n’a rien à voir avec Bruxelles. Bruxelles est coupable de beaucoup de choses, mais pas coupable de tout.
Aujourd’hui au congrès du prg, Cazeneuve ex 1er ministre d’Holland,se présente comme le meilleur candidat pour 2027.
https://www.ladepeche.fr/2023/03/11/le-parti-radical-de-gauche-envisage-lavenir-dans-lunite-11055567.php
N’y a t il pas dans cette recomposition à la ‘Hollande ‘ une loufoquerie ultime?
@ Luc
[Aujourd’hui au congrès du prg,]
On trouve encore des cabines téléphoniques pour organiser ce genre d’événements ?
[Cazeneuve, ex 1er ministre d’Hollande, se présente comme le meilleur candidat pour 2027.]
S’il dit vrai, ça donne une idée du niveau des autres… Franchement, une candidature Cazeneuve, il n’y a que les maréchaux de la défaite hollandiens pour y croire. Le fait qu’ils n’arrivent pas à trouver mieux dit quelque chose sur le niveau de déliquescence intellectuelle de ce courant. Parce que, franchement, qu’est-ce que Cazeneuve laisse derrière lui de son passage à Matignon – le plus brève de la cinquième République – ou même de l’ensemble de sa carrière politique, à part d’avoir été le porte-flingue de Fabius ? Le fait d’être personnellement intervenu, quand il était ministre du budget, pour contrer un projet de taxe sur les opérations de trading à haute fréquence ? Le fait d’avoir négocié son retour dans le privé avant même d’avoir quitté Matignon, et cela au cabinet August Debouzy, bien connu sur la place de Paris pour ses activités d’influence.
Bonjour Descartes,
Juste pour vous signaler cette belle émission : Raymond Aron parlant du Capital de Karl Marx : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/raymond-aron-le-capital-de-karl-marx-est-un-livre-tres-long-tres-austere-et-tres-scientifique-6817904
Bien à vous
@ DR
[Juste pour vous signaler cette belle émission : Raymond Aron parlant du Capital de Karl Marx :]
Absolument passionnant. D’abord, cela nous rappelle ce que pouvait être la qualité des émissions de la défunte ORTF: en 1963, en plein gaullisme triomphant, la radio française consacrait une quinzaine à Marx…
Après, on trouve dans cet entretien des perles magnifiques. La comparaison entre Marx et Schumpeter en particulier, montrant combien à partir d’une analyse similaire ils aboutissent à des conclusions opposées, à partir de la conviction marxienne que la répartition des gains de productivité sera de plus en plus injuste, une conclusion que Aron considère erronée parce que “la force des syndicats” rendrait le creusement des inégalités improbable. Que dirait Aron s’il nous voyait aujourd’hui… C’est amusant d’ailleurs de constater combien Aron, un homme intelligent pourtant, semblait considérer l’équilibre de son époque – augmentation continue de la productivité avec une distribution relativement équitable de ses fruits rendue possible par le plein emploi, pour faire simple – non pas comme un moment particulier dans le développement du capitalisme, mais comme une constante. Aron parle de l’appauvrissement de la classe ouvrière alors que la productivité augmente comme quelque chose du passé. Il accorde à Marx d’avoir eu raison “dans les phases initiales” du capitalisme, mais il lui donne tort dans la France des “trente glorieuses”… quel dommage que nous ne l’ayons pas avec nous aujourd’hui, pour le confronter à cette contradiction, qui rend le monde d’aujourd’hui bien plus proche du raisonnement de Marx que de celui de Schumpeter (qu’Aron semble préférer).
Par contre je trouve très pertinente l’inscription de Marx dans la lignée des économistes classiques, et notamment de Ricardo, chose que beaucoup de politiques “marxistes” oublient aujourd’hui. Mais ce qui pourrait surprendre plus d’un aujourd’hui, tellement nous sommes habitués à une polarisation de la pensée, c’est de voir une penseur classé “à droite” exprimer le plus grand respect pour un ouvrage tel que le “Capital”…
Bonjour,
Les échanges ci-dessus me semblent avoir affaire avec une idée que je partage avec vous (avec quelques nuances!):le monde d’aujourd’hui s’expliquerait mieux en faisant appel à 3 classes. Il y aurait: la dirigeante (la classe capitaliste, toujours), l’exploitée par la première (la classe ouvrière, ou populaire aujourd’hui), la nouvelle,partiellement exploitée, donc partiellement exploiteuse, c’est à dire la classe moyenne ou intermédiaire (susceptible de “collaboration de classe” avec l’une ou l’autre des deux autres). Pour réaliser une “transformation sociale”, bénéfique pour les deux dernières (le peuple), il faudrait “allier” celles-ci pour un but partagé, ou plutôt un processus partagé… ce qui se révèle un objectif encore hors d’atteinte… sinon en vassalisant la populaire à l’intermédiaire, ce que l’expérience concrète des quarante dernières années,montre sans issue positive (voir les variantes de l’union de la gauche successives).
Je lis actuellement un ouvrage de Bruno Astarian (un peu en diagonale car, à 89 ans, on se fatigue vite!) qui s’intitule “Le ménage à trois de la lutte des classes”. J’y trouve à boire et à manger. Connaissez-vous cet ouvrage? Si oui, j’aimerais connaître votre opinion à son égard… même si elle est laconique! Merci.
@ Abbé Béat
[Je lis actuellement un ouvrage de Bruno Astarian (un peu en diagonale car, à 89 ans, on se fatigue vite!) qui s’intitule “Le ménage à trois de la lutte des classes”. J’y trouve à boire et à manger. Connaissez-vous cet ouvrage? Si oui, j’aimerais connaître votre opinion à son égard… même si elle est laconique! Merci.]
On m’avait chaudement recommandé cet ouvrage… et j’avoue qu’il m’a beaucoup déçu. En effet, il y a à boire et à manger dedans, mais le principal reproche que je lui ferais est de rester sur une définition sociologique des classes moyennes, ce qui empêche d’utiliser les instruments de l’analyse marxiste. Et du coup on ne comprend pas très bien pourquoi l’alliance entre les classes intermédiaires et les couches populaires s’est rompue…
Merci pour votre réponse qui rejoint la mienne, avec un aspect supplémentaire: les derniers chapitres conclusifs du livre évoquent une insurrection finale qui résoudrait les problèmes. Je ne vois pas comment, et ce n’est pas dit. Je pense pourtant qu’il faudrait creuser une telle “théorie” à 3 classes qui me semblent bloquer les évolutions possibles à ce que nous vivons, ou commençons à vivre, avec l’autoritarisme-ultra libéral actuel en développement…